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N° 4598

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 octobre 2021.

 

 

AVIS

 

 

PRÉSENTÉ

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2022,

 

 

TOME II

 

 

SOLIDARITÉ, INSERTION ET ÉGALITÉ DES CHANCES

 

 

 

 

PAR Mme Christine CLOAREC–LE NABOUR,

 

Députée.

——

 

 

 

Voir les numéros :

Assemblée nationale :  4482, 4524 (annexe n° 40).

 

 

 


 

 


–  1  –

SOMMAIRE

___

Pages

AVANT-PROPOS

Première partie les crÉdits de la mission solidaritÉ, insertion et ÉgalitÉ des chances

I. les crÉdits du programme 304 inclusion sociale et protection des personnes

1. Présentation des crédits alloués au programme 304 pour 2022

2. La lutte contre la précarité menstruelle constitue une priorité

3. Une poursuite de l’action contre la précarité alimentaire

4. Une reconduction des crédits consacrés à la qualification en travail social

5. Une légère hausse des crédits consacrés à la protection juridique des majeurs

6. Un accent fort mis sur la stratégie de prévention et de protection contre l’enfance

7. Une augmentation substantielle des moyens consacrés à l’aide à la vie familiale et sociale des anciens migrants dans leur pays d’origine (AVFS)

8. La lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes au cœur de l’action du Gouvernement

9. Le transfert au programme 304 de nouveaux crédits relatifs aux allocations et dépenses d’aide sociale

II. Une hausse des crÉdits du programme 157 Handicap et dÉpendance

1. Présentation des crédits alloués au programme pour 2022

2. Le soutien à l’autonomie et à l’emploi des personnes en situation de handicap

3. Une politique volontariste en faveur des personnes en situation de handicap

4. La politique de lutte contre la maltraitance et de promotion de la bientraitance

III. Le programme 137 Égalité entre les femmes et les hommes : des crÉdits en très nette augmentation

1. Présentation des crédits alloués au programme pour 2021

2. Accès aux droits et égalité professionnelle

3. La prévention et lutte contre les violences et la prostitution

IV. une péréNnisation des moyens portés par le programme 124 conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales

SECONDE partie ANALYSE THÉMATIQUE : la protection et L’ACCOMPAGNEMENT DES jeunes majeurs vulnérables

I. Les jeunes majeurs vulnérables : un public en proie À des difficultés multiples auxquelles n’ont pas su répondre les politiques publiques

A. Une population particulièrement vulnérable

1. Qui sont les jeunes majeurs vulnérables ?

2. Un public fragile, victime d’une injonction à l’autonomie trop précoce

a. Un passage à la majorité particulièrement brutal

b. Un public qui cumule les difficultés

B. Une prise en charge insuffisante et inégale selon les territoires

1. Le contrat jeune majeur : principale modalité de l’aide aux jeunes majeurs vulnérables

a. Une aide pouvant prendre différentes dimensions

b. Un accompagnement renforcé par la loi du 14 mars 2016

2. Des dispositifs imparfaits et diversement appliqués selon les départements

II. La protection des jeunes majeurs vulnérables élevée au rang de priorité du quinquennat

A. des efforts en faveur de l’insertion et DE l’accompagnement global des jeunes majeurs vulnérables

1. Une place centrale laissée à la politique d’insertion

2. Un renforcement de la coopération entre les acteurs de l’aide aux jeunes majeurs vulnérables

B. une attention très forte portée aux jeunes majeurs vulnérables dans le projet de loi relatif à la protection des enfants

1. Une sécurisation du parcours des jeunes issus de l’ASE

2. Améliorer la prise en charge des anciens mineurs non accompagnés (MNA)

3. Une plus grande coopération territoriale autour de l’aide aux jeunes majeurs

4. La santé des jeunes majeurs vulnérables : une urgence à prendre en compte

Travaux de la commission

I. Audition des ministres

II. examen des crédits et de l’article 43, rattaché

annexe : Liste des personnes entendues par la rapporteure

 

AVANT-PROPOS

Première partie les crÉdits de la mission solidaritÉ, insertion et ÉgalitÉ des chances

I. les crÉdits du programme 304 inclusion sociale et protection des personnes

1. Présentation des crédits alloués au programme 304 pour 2022

2. La lutte contre la précarité menstruelle constitue une priorité

3. Une poursuite de l’action contre la précarité alimentaire

4. Une reconduction des crédits consacrés à la qualification en travail social

5. Une légère hausse des crédits consacrés à la protection juridique des majeurs

6. Un accent fort mis sur la stratégie de prévention et de protection contre l’enfance

7. Une augmentation substantielle des moyens consacrés à l’aide à la vie familiale et sociale des anciens migrants dans leur pays d’origine (AVFS)

8. La lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes au cœur de l’action du Gouvernement

9. Le transfert au programme 304 de nouveaux crédits relatifs aux allocations et dépenses d’aide sociale

II. Une hausse des crÉdits du programme 157 Handicap et dÉpendance

1. Présentation des crédits alloués au programme pour 2022

2. Le soutien à l’autonomie et à l’emploi des personnes en situation de handicap

3. Une politique volontariste en faveur des personnes en situation de handicap

4. La politique de lutte contre la maltraitance et de promotion de la bientraitance

III. Le programme 137 Égalité entre les femmes et les hommes : des crÉdits en très nette augmentation

1. Présentation des crédits alloués au programme pour 2021

2. Accès aux droits et égalité professionnelle

3. La prévention et lutte contre les violences et la prostitution

IV. une péréNnisation des moyens portés par le programme 124 conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales

SECONDE partie ANALYSE THÉMATIQUE : la protection et L’ACCOMPAGNEMENT DES jeunes majeurs vulnérables

I. Les jeunes majeurs vulnérables : un public en proie À des difficultés multiples auxquelles n’ont pas su répondre les politiques publiques

A. Une population particulièrement vulnérable

1. Qui sont les jeunes majeurs vulnérables ?

2. Un public fragile, victime d’une injonction à l’autonomie trop précoce

a. Un passage à la majorité particulièrement brutal

b. Un public qui cumule les difficultés

B. Une prise en charge insuffisante et inégale selon les territoires

1. Le contrat jeune majeur : principale modalité de l’aide aux jeunes majeurs vulnérables

a. Une aide pouvant prendre différentes dimensions

b. Un accompagnement renforcé par la loi du 14 mars 2016

2. Des dispositifs imparfaits et diversement appliqués selon les départements

II. La protection des jeunes majeurs vulnérables élevée au rang de priorité du quinquennat

A. des efforts en faveur de l’insertion et DE l’accompagnement global des jeunes majeurs vulnérables

1. Une place centrale laissée à la politique d’insertion

2. Un renforcement de la coopération entre les acteurs de l’aide aux jeunes majeurs vulnérables

B. une attention très forte portée aux jeunes majeurs vulnérables dans le projet de loi relatif à la protection des enfants

1. Une sécurisation du parcours des jeunes issus de l’ASE

2. Améliorer la prise en charge des anciens mineurs non accompagnés (MNA)

3. Une plus grande coopération territoriale autour de l’aide aux jeunes majeurs

4. La santé des jeunes majeurs vulnérables : une urgence à prendre en compte

Travaux de la commission

I. Audition des ministres

II. examen des crédits et de l’article 43, rattaché

annexe : Liste des personnes entendues par la rapporteure


–  1  –

 

AVANT-PROPOS

« Derrière ces chiffres, auxquels on s’habitue très bien, derrière tous les plans, tous les plans ou toutes les stratégies auxquels on peut très bien s’habituer, parce qu’ils mettent à distance la réalité, il y a le scandale de la pauvreté, c’estàdire de vies qui ne sont pas choisies, d’accidents qu’on a subis, de batailles qu’on a menées, parfois perdues. »

Ce scandale de la pauvreté, dénoncé par le Président de la République lors d’un discours prononcé le 13 septembre 2018, fait l’objet d’un combat sans relâche des associations et des services publics des collectivités territoriales et de l’État, mobilisés depuis des années contre ce fléau.

La lutte contre les situations de pauvreté et d’exclusion, constitue un chantier central du quinquennat, matérialisé par la mise en place fin 2018 d’une stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. Cette stratégie, envisagée pour s’attaquer aux racines de la pauvreté, est déployée aux côtés d’autres politiques ambitieuses de justice et de solidarité.

● La mission budgétaire Solidarité, insertion et égalité des chances est ainsi celle dont les crédits ont le plus augmenté depuis cinq ans, passant de 19,7 milliards d’euros en 2017 à 27,6 milliards d’euros en 2022. Son dynamisme s’explique par la volonté assumée dès le début du quinquennat de porter les politiques de solidarité, de soutien aux personnes en situation de handicap et d’égalité des chances, parmi les priorités de cette législature.

Les mesures de revalorisation de l’allocation aux adultes handicapées (AAH) – pour laquelle la dépense a augmenté de 25 % entre 2017 et 2022 – et de la prime d’activité, expliquent une part conséquente du dynamisme de la mission depuis 2017. Ces revalorisations comptent en effet pour environ 80 % des moyens de la mission. La recentralisation du revenu de solidarité active (RSA) pour certains départements, amorcée depuis 2019, mobilise également une part importante de ses crédits.

Le projet de loi de finances pour 2022 témoigne de la volonté de poursuivre et accroître ces efforts. Les crédits de la mission ont une nouvelle fois augmenté par rapport à l’année précédente, atteignant 27,9 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) (+ 6,13 %) et 27,6 milliards d’euros en crédits de paiement (CP) (+ 5,15 %).

Avec l’amélioration de la situation des personnes en situation de handicap, la lutte contre la pauvreté et l’exclusion occupe une nouvelle fois, une place de premier plan dans le budget 2022.

● La rapporteure a choisi pour la seconde partie de son avis, de s’intéresser à la prise en charge des jeunes majeurs vulnérables.

L’extrême précarité de ces jeunes, le plus souvent issus des dispositifs de protection de l’enfance ou de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) et la prise de conscience de l’urgence d’améliorer leur accompagnement ont amené le Gouvernement à prendre des mesures fortes depuis deux ans.

L’accent porté sur les politiques en faveur de l’insertion sociale et professionnelle de ces jeunes et la mise en place de partenariats accrus entre les acteurs chargés des différentes dimensions de leur prise en charge constituent une avancée indéniable. La rapporteure a néanmoins cherché à s’interroger sur les raisons des ruptures persistantes dans le parcours de ces jeunes et la difficulté avec laquelle certains d’entre eux parviennent à s’intégrer dans la société. Dans la perspective des discussions autour du projet de loi relatif à la protection des enfants ([1]), examiné en première lecture par le Sénat, elle a souhaité formuler différentes propositions pour améliorer l’accompagnement et le suivi de ces jeunes.

 


—  1  —

   Première partie
les crÉdits de la mission solidaritÉ, insertion et ÉgalitÉ des chances

● Les crédits de l’enveloppe allouée à la mission Solidarité, insertion et égalité des chances s’élèvent dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2022 à 27,9 milliards d’euros en AE et 27,6 milliards d’euros en CP.

Cette mission est composée de quatre programmes rattachés au ministre des solidarités et de la santé, à la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances, et à la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées.

Elle comprend le programme 304 Inclusion sociale et protection des personnes, le programme 157 Handicap et dépendance, le programme 137 Égalité entre les femmes et les hommes, dont la directrice générale de la cohésion sociale (DGCS) est responsable, et enfin le programme 124 Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales, dont la responsabilité revient à la directrice des finances, des achats et des services (DFAS).

● Les crédits consacrés à la mission connaissent une évolution dynamique. Ils augmentent, par rapport à l’année précédente, de 6,13 % en AE et de 5,15 % en CP. Deux dispositifs représentent la plus grande part des dépenses de la mission : l’AAH, avec 12,6 milliards d’euros en AE et en CP prévus pour 2022 (soit + 4,56 % par rapport à 2021) et la prime d’activité, avec 11,1 milliards d’euros prévus en AE et en CP (soit + 6,67 % par rapport à 2021). La protection juridique des majeurs, la stratégie interministérielle de prévention et de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes et la protection et l’accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables, mobilisent également des moyens importants (respectivement 714,1 millions d’euros, 252,6 millions d’euros et 246,2 millions d’euros).

S’agissant des mesures de périmètre, l’article 12 du PLF 2022 prévoit la possibilité d’une expérimentation de la recentralisation du financement du revenu de solidarité active (RSA), pour les départements volontaires. Le département de la Seine‑Saint‑Denis ayant d’ores et déjà exprimé le souhait de participer à cette expérimentation à compter du 1er janvier 2022, 565 millions d’euros sont portés à ce titre par le programme 304, dont 525 millions d’euros correspondent au montant de recettes reprises auprès du département.

 

 

 

 

Crédits nationaux consacrés à la mission
insertion, solidarité et égalité des chances pour 2022

(en euros)

Numéro de programme et intitulé

AE

CP

LFI + LFR 2021

PLF 2022

304 Inclusion sociale et protection des personnes

12 388 815 214

12 388 815 214

13 141 875 130

13 141 875 130

157 Handicap et dépendance

12 668 464 888

12 663 564 888

13 237 188 020

13 238 484 470

137 Égalité entre les femmes et les hommes

48 695 581

41 495 581

47 388 581

50 609 403

124 Conduite et soutien des politiques

1 150 308 955

1 159 223 154

1 439 152 032

1 174 510 304

TOTAL pour la mission

26 256 284 638

26 253 098 837

27 865 603 763

27 605 479 307

Source : commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale d’après le projet de loi de finances pour 2022.

I.   les crÉdits du programme 304 inclusion sociale et protection des personnes

1.   Présentation des crédits alloués au programme 304 pour 2022

Les crÉdits du programme 304

(en euros)

Programme 304 Inclusion sociale et protection des personnes

Ouverts en LFI 2021

CP

Demandés pour 2022

CP

Variation 2022/2021
(en %)

Action 11 Prime d’activité et autres dispositifs

11 098 281 582

11 727 479 825

+ 5,67

Action 13 Ingénierie, outils de la gouvernance et expérimentations

5 700 848

7 836 252

+ 37,46

Action 14 Aide alimentaire

64 520 359

56 687 142

- 12,14

Action 15 Qualification en travail social

5 659 277

5 659 277

0,00

Action 16 Protection juridique des majeurs

714 070 070

733 818 921

+ 2,77

Action 17 Protection et accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables

246 250 457

249 181 725

+ 1,19

Action 18 Aide à la vie familiale et sociale des anciens migrants dans leur pays d’origine (AVFS)

1 732 621

2 111 988

+ 21,90

Action 19 Stratégie interministérielle de prévention et de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes

252 600 000

325 100 000

+ 28,70

Action 21 Allocations et dépenses d’aide sociale (nouvelle)

0

34 000 000

 

Total des crédits du programme 304

12 388 815 214

13 141 875 130

+ 6,08

Source : projet annuel de performances de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances annexé au projet de loi de finances pour 2022.

● Le programme 304 Inclusion sociale et protection des personnes connaît une augmentation conséquente, de 6,08 % en CP.

Il a pour objectif diverses actions à fort enjeu, comme le financement de la prime d’activité, les dispositifs d’aide alimentaire, de protection juridique des majeurs ainsi que les actions de protection et d’accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables. Par ailleurs, le programme porte depuis 2019, l’essentiel des moyens alloués à la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté et depuis 2020, ceux destinés au financement de la stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance 2019-2022.

● Ce programme s’articule autour de neuf actions qui permettent de financer :

– la prime d’activité et d’autres dispositifs concourant à la lutte contre la pauvreté ;

– les expérimentations œuvrant pour des pratiques innovantes ;

– la politique d’aide alimentaire ;

– les actions relatives à la qualification en travail social ;

– la protection juridique des majeurs ;

– la protection et l’accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables ;

– l’aide à la vie familiale et sociale des anciens migrants dans leur pays d’origine (AVFS) ;

– la stratégie interministérielle de prévention et de lutte contre la pauvreté ;

– les allocations et dépenses d’aide sociale (nouvelle action résultant d’un transfert depuis le programme 177 Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables).

L’action 11 Prime d’activité et autres dispositifs représente près de 90 % des crédits du programme.

● Créée en janvier 2016 en remplacement de la prime pour l’emploi et du volet « activité » du RSA, la prime d’activité est un complément de revenu mensuel versé aux travailleurs modestes dès 18 ans, sous conditions de ressources. Par dérogation, elle est également ouverte aux élèves, étudiants et apprentis qui perçoivent des revenus supérieurs à 0,78 SMIC.

À la suite de la création de la prime d’activité, et de sa montée en charge en 2016, l’augmentation du nombre de foyers bénéficiaires de ce dispositif est continue depuis 2017. Le nombre de bénéficiaires a ainsi augmenté de plus de 47 % entre décembre 2018 et décembre 2019 sous l’effet de la revalorisation exceptionnelle de la prime d’activité ([2]). Couplée à la hausse du salaire minimum de croissance (SMIC), cette revalorisation a augmenté de 100 euros le revenu disponible des travailleurs rémunérés au SMIC, conformément à l’engagement pris par le Président de la République dans le cadre de l’annonce des mesures d’urgence économiques et sociales. En 2020, la hausse du nombre de foyers bénéficiaires de cette prime s’est poursuivie, atteignant près de 4 600 000 foyers à fin décembre 2020 ([3]).

Les quatre premiers mois de 2021 laissent entrevoir une baisse des effectifs. Celle-ci s’expliquerait par la situation économique de 2020, ayant conduit à l’éviction de foyers allocataires ne remplissant plus les conditions d’activité suffisantes et par les effets de la réforme du Ségur de la santé, qui pourraient exclure une partie des bénéficiaires du fait de la revalorisation du salaire des personnels soignants.

La dépense de prime d’activité pour l’année 2022 est estimée à 9,79 milliards d’euros. Elle repose sur une hypothèse fondée sur des effectifs (en moyenne annuelle) qui atteindraient 4 390 000 foyers.

● L’action 11 finance aussi les aides exceptionnelles de fin d’année ainsi que le RSA jeunes. Elle finance en outre le RSA pour les départements de Guyane, de Mayotte et de La Réunion. À compter du 1er janvier 2022, elle financera également le RSA pour le département de la Seine‑Saint‑Denis, engagé dans l’expérimentation de la recentralisation du RSA.

Des aides de fin d’année, dites « prime de Noël », sont prévues depuis 1998, pour venir en aide aux ménages les plus modestes en fin d’année. Le programme 304 finance ces aides, servies aux bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA), de l’allocation de solidarité spécifique (ASS), de l’allocation équivalent retraite (AER) et de la prime forfaitaire pour reprise d’activité. Leur coût total est estimé à 508,9 millions d’euros en PLF 2022, pour une hypothèse de 2 430 000 bénéficiaires.

L’action 11 finance également le RSA jeunes, versé depuis 2010 aux personnes de moins de 25 ans justifiant de deux ans d’activité à équivalent temps plein au cours des trois années précédant la demande. La prévision du montant des dépenses correspondant à la composante « socle » du RSA jeunes actifs est estimée à 4,38 millions d’euros pour 2022.

● L’action 11 prend enfin en charge la recentralisation du RSA, mise en place depuis 2019 pour les départements de la Guyane et de Mayotte en 2019 et pour La Réunion en 2020. Cette recentralisation concerne les compétences relatives à l’attribution et au financement du RSA ainsi que l’orientation des allocataires. En 2022, la prévision de dépenses pour le financement du RSA dans ces trois départements est de 856,9 millions d’euros.

 

L’article 35 du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale permet aux départements volontaires d’expérimenter pendant cinq ans, la recentralisation du financement et de la gestion du RSA. Une telle expérimentation concernera le département de la Seine-Saint-Denis dès le 1er janvier 2022. Cette recentralisation entraîne l’inscription d’une dépense nouvelle de 564,90 millions d’euros dont 1 million d’euros au titre du règlement à la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) de frais de gestion. Au sein de cette dépense nouvelle, 524,88 millions d’euros sont inscrits en mesure de périmètre.

2.   La lutte contre la précarité menstruelle constitue une priorité

L’action 13 Ingénierie, outils de la gouvernance et expérimentations vise à soutenir des pratiques innovantes dans le champ de la cohésion sociale portées par le secteur associatif et les secteurs déconcentrés. 7,9 millions d’euros y sont consacrés.

La lutte contre la précarité menstruelle, qui touche en particulier les femmes hébergées ou à la rue et les jeunes femmes précaires, constitue le principal champ d’intervention de cette action. Les moyens consacrés à cette politique, amorcée depuis 2020 et qui a prouvé son efficacité, sont reconduits en 2022 et atteignent 4,7 millions d’euros. Grâce à cette dotation, entre 600 000 et 700 000 femmes devraient être concernées par ce plan d’action.

3.   Une poursuite de l’action contre la précarité alimentaire

Avec le budget pour 2022, le Gouvernement poursuit son engagement en matière de lutte contre la précarité alimentaire et d’accès de tous à l’alimentation.

La précarité alimentaire constitue une problématique majeure, aggravée dans le contexte de la crise sanitaire et sociale actuelle. D’après les travaux de la direction de la recherche, des études et des statistiques (DREES) publiés cet été, le volume de denrées alimentaires distribuées en 2020 a augmenté de 10,6 % par rapport à 2019.

L’aide alimentaire consiste en la mise à disposition de produits aux personnes les plus démunies, gratuitement ou moyennant une participation symbolique. Pour l’année 2022, un montant de 56,7 millions d’euros en AE et CP lui est dédié. Le budget consacré à l’aide alimentaire est en baisse de 12,14 % par rapport à l’année précédente, baisse qui s’explique par une inflexion de la dépense associée à la contribution de la France au Fonds européen d’aide aux plus démunis (FEAD) par rapport à l’exercice 2021 ([4]).

4.   Une reconduction des crédits consacrés à la qualification en travail social

Les difficultés d’insertion sociale que rencontrent un grand nombre de personnes et les évolutions des besoins d’accompagnement rendent indispensable l’adaptation des pratiques des travailleurs sociaux.

L’évolution de la formation et de la qualification des travailleurs sociaux constituent des leviers d’action essentiels pour garantir une adéquation de leurs pratiques professionnelles aux besoins des personnes accompagnées.

Le PLF 2022 reconduit, avec l’action 15, les crédits consacrés l’année précédente à la qualification des professionnels du travail social, d’un montant de 5,6 millions d’euros.

5.   Une légère hausse des crédits consacrés à la protection juridique des majeurs

Les mesures de protection juridique des majeurs, prononcées par le juge des contentieux de la protection, concernent les personnes qui ne sont pas en mesure de pourvoir à leurs intérêts en raison d’une altération médicalement constatée de leurs facultés mentales ou corporelles, de nature à empêcher l’expression de leur volonté. La personne chargée d’exécuter la mesure de protection peut être un membre de la famille de la personne protégée ou, à défaut, un mandataire judiciaire à la protection des majeurs (MJPM).

Les crédits de l’action 16 sont principalement mobilisés pour financer des services mandataires judiciaires à la protection des majeurs et des mandataires exerçant à titre individuel. En 2022, le montant total des crédits s’élève à 733,8 millions d’euros en AE et en CP, en hausse de 2,76 % par rapport à la LFI 2021 et permettant de financer 511 003 mesures (394 569 mesures prises en charge par les services mandataires et 116 434 mesures gérées par les mandataires individuels).

6.   Un accent fort mis sur la stratégie de prévention et de protection contre l’enfance

● La protection et l’accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables figure, au côté de la stratégie de lutte contre la pauvreté, parmi les priorités du quinquennat. Cette ambition est notamment portée par l’action 17 du programme 304, qui finance prioritairement :

– l’appui au dispositif d’accueil et d’évaluation des personnes se présentant comme mineurs non accompagnés (MNA) ;

– la subvention pour charges de service public de l’Agence française de l’adoption (AFA) ;

– le groupement d’intérêt public Enfance en danger (GIPED), composé du service national d’accueil téléphonique pour l’enfance en danger (SNATED) et de l’Observatoire national pour la protection de l’enfance (ONPE) ;

– le soutien à des associations partenaires dans le domaine de la protection et de l’accompagnement de l’enfance, de l’adolescence et des familles vulnérables ;

– les mesures liées aux 1 000 premiers jours de vie des enfants et au soutien de leurs parents, issues du rapport de la commission présidée par M. Boris Cyrulnik ;

– le plan national de lutte contre les violences faites aux enfants et aux jeunes ;

– le Pacte pour l’enfance, et notamment la stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance 2020‑2022.

● Pour l’année 2022, le montant total des crédits consacrés à l’action 17 s’élève à 249,2 millions d’euros en AE et en CP, contre 246,3 millions d’euros en 2021.

L’essentiel des moyens de cette action sont dédiés au déploiement de la stratégie de prévention et de protection de l’enfance 2020-2022, mise en œuvre depuis fin 2019 et pilotée par le secrétaire d’État en charge de la protection de l’enfance, M. Adrien Taquet. 25 millions d’euros supplémentaires sont consacrés en 2022 à cette stratégie, dont les priorités sont les suivantes :

– agir le plus précocement possible pour éviter que des enfants se retrouvent en danger et que leurs parents soient en difficulté ;

– sécuriser les parcours des enfants protégés et prévenir les ruptures ;

– donner aux enfants les moyens d’agir et garantir leurs droits ;

– préparer leur avenir et sécuriser leur vie d’adulte.

Afin d’accroître l’efficacité des politiques menées, ces priorités se déclinent en actions opérationnelles à travers une contractualisation entre l’État et les départements sur la base d’objectifs communs et d’engagements réciproques.

La contractualisation, qui a concerné trente départements dès 2020, a été étendue à soixante‑dix départements en 2021, grâce à une enveloppe de crédits portée à 115 millions d’euros. Elle concernera tous les départements en 2022.

7.   Une augmentation substantielle des moyens consacrés à l’aide à la vie familiale et sociale des anciens migrants dans leur pays d’origine (AVFS)

Face au vieillissement des travailleurs migrants arrivés en France dans les années 1970 pour contribuer au développement industriel national, l’aide à la réinsertion familiale et sociale (ARFS) a été créée en janvier 2016. Elle visait à sécuriser les droits sociaux des intéressés lorsqu’ils effectuent des séjours prolongés dans leur pays d’origine, et faciliter ainsi les rapprochements familiaux.

Le faible recours à cette prestation a motivé la simplification des conditions de son attribution. Elle est désormais baptisée « aide à la vie familiale et sociale des anciens migrants dans leur pays d’origine » (AVFS) (article 269 de la loi de finances initiale pour 2020).

Le PLF 2022 prévoit une hausse substantielle des crédits consacrés à cette aide, qui atteignent 2,1 millions d’euros, soit une augmentation de 21,9 % par rapport à l’année précédente.

8.   La lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes au cœur de l’action du Gouvernement

Chantier majeur du quinquennat, la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté a été lancée par le Président de la République le 13 septembre 2018. Pilotée par la délégation interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté, cette stratégie vise à réduire les inégalités de manière tant préventive, en s’attaquant à ses racines, que réparatrice.

La stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté sera dotée, en 2022, d’un budget de 325,1 millions d’euros, en hausse de 28,7 % par rapport à l’année précédente.

● Les crédits sont majoritairement fléchés vers la contractualisation avec les collectivités territoriales cheffes de file en matière d’action sociale, principalement les départements (en 2022, une enveloppe de 225 millions d’euros est consacrée à cette contractualisation). Depuis 2020, la contractualisation s’est élargie aux métropoles et régions volontaires. Les actions inscrites dans les conventions d’appui à la lutte contre la pauvreté et d’accès à l’emploi portent notamment sur :

– la lutte contre les sorties sèches de l’aide sociale à l’enfance (ASE), qui fera l’objet de développements dans la seconde partie du présent rapport. 10 millions d’euros y sont consacrés en 2022 ;

– le renforcement de l’insertion et orientation socioprofessionnelle des bénéficiaires du RSA (mobilisant 106 millions d’euros).

– le financement de formations auprès des travailleurs sociaux travaillant en conseils départementaux ;

– la généralisation des démarches des premiers accueils sociaux inconditionnels et des référents de parcours ;

– la mise en place d’actions de maraudes mixtes État/conseil départemental ;

– un renfort de la prévention spécialisée à destination des jeunes vulnérables, y compris des actions spécifiques dans les quartiers de reconquête républicaine.

La coordination et le pilotage de ces conventions sont assurés par les commissaires à la lutte contre la pauvreté, placés sous l’autorité des préfets de région, qui s’appuient à cette fin sur les services des directions régionales et, en lien avec les préfets de département, sur les services départementaux de l’État.

● Par ailleurs, 100,1 millions d’euros sont mobilisés en 2022 pour des mesures d’investissement social en dehors du cadre contractuel présenté supra. Parmi les mesures les plus emblématiques, figurent la mise en place d’une tarification sociale des cantines, pour laquelle 19 millions d’euros de moyens supplémentaires sont prévus en 2022 pour atteindre un total de 22 millions d’euros pour l’exercice, et la mise en place de petits déjeuners à l’école, qui bénéficie de 28 millions d’euros supplémentaires en 2022 par rapport à 2021 pour atteindre 29 millions d’euros de dotation.

9.   Le transfert au programme 304 de nouveaux crédits relatifs aux allocations et dépenses d’aide sociale

Financés jusqu’alors par l’action 11 du programme 177 Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables, les crédits destinés aux allocations et dépenses d’aide sociale sont transférés à compter de 2022 vers le programme 304 au sein d’une nouvelle action 21 Allocations et dépenses d’aide sociale.

Les allocations et aides sociales relevant de cette action sont destinées à la prise en charge financière de prestations d’aide sociale accordées à des personnes âgées ou en situation de handicap répondant à des critères spécifiques.

Pour l’année 2022, un montant de 34 millions d’euros y est consacré.

II.   Une hausse des crÉdits du programme 157 Handicap et dÉpendance

1.   Présentation des crédits alloués au programme pour 2022

Les crÉdits du programme 157

(en euros)

Programme 157 Handicap et dépendance

Ouverts en LFI 2021

Demandés pour 2022

Variation PLF 2022 / LFI 2021
(en %)

Action 12 Allocations et aides en faveur des personnes handicapées

12 627 085 689

13 203 172 716

+ 4,56

Action 13 Pilotage du programme et animation des politiques inclusives

36 479 199

35 311 754

- 3,20

Total des crédits du programme 157

12 663 564 888

13 238 484 470

+ 4,54

Source : projet annuel de performances de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances annexé au projet de loi de finances pour 2022.

Le programme 157 Handicap et dépendance vise à permettre aux personnes handicapées et aux personnes âgées en perte d’autonomie de choisir librement leur mode de vie en leur facilitant l’accès au droit commun et en leur offrant des dispositifs adaptés à leurs besoins. Le programme finance essentiellement une ressource d’existence (l’allocation aux adultes handicapés) ainsi que les mécanismes d’accompagnement vers l’activité professionnelle (aide au poste versée aux établissements et services d’aide par le travail, emploi accompagné). Des crédits sont enfin dédiés à la lutte contre la maltraitance des personnes âgées et des personnes en situation de handicap.

2.   Le soutien à l’autonomie et à l’emploi des personnes en situation de handicap

Le soutien à l’autonomie des personnes en situation de handicap et des personnes âgées doit être un objectif central des politiques publiques et constitue un levier nécessaire à l’inclusion de la société, comme l’a rappelé le cinquième Comité interministériel du handicap (CIH), qui s’est tenu le 5 juillet 2021.

Comme en 2021, le PLF 2022 met l’accent sur l’accès et le retour durable dans l’emploi des personnes en situation de handicap. Cette ambition s’inscrit en particulier dans un contexte post-crise sanitaire afin d’accompagner les personnes particulièrement touchées par l’épidémie.

Le programme 157 finance d’abord l’« aide au poste », versée par l’État aux établissements ou services d’aide par le travail (ESAT), au titre de la garantie de rémunération des travailleurs handicapés (GRTH), qui bénéficie à 120 000 personnes. Afin de soutenir et d’accompagner les ESAT et les travailleurs en situation de handicap, particulièrement fragilisés par l’impact économique de la crise sanitaire, l’État a en effet mis en place un dispositif de compensation de salaire prenant en charge l’ensemble du coût de la rémunération garantie des travailleurs handicapés d’ESAT ainsi que les cotisations sociales obligatoires afférentes.

Le programme porte également les financements dédiés à l’emploi accompagné. En 2022, la montée en charge de ce dispositif continue et atteint 15 millions d’euros. Il faut y ajouter 15 millions d’euros issus du plan de relance (7,5 millions d’euros en 2021 et 7,5 millions d’euros en 2022) afin de soutenir l’emploi des personnes en situation de handicap dans le cadre plus large d’un ambitieux programme d’aide à l’embauche au lendemain de la crise sanitaire.

Cette politique en faveur des travailleurs en situation de handicap est primordiale et doit être encouragée. En effet, comme le montre la DREES, les personnes handicapées ont nettement plus de difficultés à trouver un emploi. Entre 2016 et 2018, 36 % des personnes de 15 à 64 ans ayant un handicap reconnu en France (hors Mayotte) avaient un emploi, contre 65 % pour le reste de la population de la même tranche d’âge.

3.   Une politique volontariste en faveur des personnes en situation de handicap

Les crédits du programme 157 Handicap et dépendance contribuent très majoritairement au soutien du revenu des personnes en situation de handicap par le financement de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), qui représente près de 90 % des dépenses du programme. Cette allocation a fait l’objet d’une revalorisation inédite sous ce quinquennat.

● La hausse de l’AAH, destinée à lutter contre la pauvreté des personnes en situation de handicap est un engagement du Président de la République. Son montant à taux plein est passé de 819 euros en 2018 à 900 euros en 2019. Entre 2017 et 2021, le montant de l’AAH a été revalorisé de façon à le porter à 904 euros par mois (+ 11 %). Cette mesure a bénéficié à plus de 1 200 000 de nos concitoyens, pour un coût estimé à 800 millions d’euros par an.

En parallèle de cette revalorisation, plusieurs mesures de simplification de la prestation ont été introduites :

– les dispositifs de soutien complémentaire aux bénéficiaires de l’AAH (le complément de ressources et la majoration pour la vie autonome) ont été simplifiés, à compter du 1er décembre 2019, au profit d’un seul dispositif : la majoration pour la vie autonome ;

– un droit d’accès « à vie » à la prestation est assuré depuis le 1er janvier 2019 : l’AAH peut en effet être attribuée sans limitation de durée aux personnes qui présentent un taux d’incapacité permanente égal ou supérieur à 80 % et qui présentent des limitations d’activité non susceptibles d’évolution favorable ; elle peut en outre être attribuée pour une durée susceptible d’atteindre jusqu’à dix ans pour les personnes dont le taux d’incapacité permanente est compris entre 50 et 80 % ;

– les bénéficiaires de l’AAH qui atteignent l’âge légal de départ à la retraite n’ont, enfin, depuis le 1er juillet 2020, plus l’obligation de déposer une demande de pension de retraite auprès des organismes de retraite.

● Afin de soutenir les bénéficiaires de l’AAH en couple dont les revenus sont les plus modestes, une réforme importante des règles de calcul de l’AAH est introduite à l’article 43 du PLF 2022, avec un abattement fixe de 5 000 euros sur les revenus du conjoint, majoré de 1 100 euros par enfant.

Cette réforme, qui constitue une promesse de la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées, constitue une véritable mesure de justice sociale et permettra à 120 000 foyers de bénéficier d’une hausse moyenne de 110 euros par mois, pour un coût estimé de 200 millions d’euros.

Au total, entre 2017 et 2022, la dépense d’AAH aura progressé de 25 %, représentant 2,4 milliards d’euros supplémentaires par an pour les personnes en situation de handicap.

4.   La politique de lutte contre la maltraitance et de promotion de la bientraitance

La politique mise en place par l’État pour lutter contre le phénomène de la maltraitance entend protéger les personnes vulnérables en raison de leur âge ou de leur handicap en facilitant le signalement des faits et en renforçant les contrôles opérés au sein des établissements sociaux ou médico-sociaux. Elle vise également à prévenir et à repérer les risques de maltraitance en accompagnant les institutions et les professionnels dans la mise en œuvre d’une politique active de bientraitance.

Afin d’offrir un dispositif d’écoute téléphonique adapté aux victimes (personnes âgées et adultes handicapés) et aux témoins de faits de maltraitance, le programme 157 finance un numéro national unique d’accueil téléphonique et de traitement des appels : le 3977, mis en place en 2008. La gouvernance de ce dispositif a été progressivement renforcée, avec la création de la « Fédération 3977 contre la maltraitance » en février 2014.

En 2022, les actions de la Fédération au niveau central se porteront sur l’accompagnement technique relatif à l’extension de l’accessibilité du 3977 (traitement des appels en dehors des plages horaires, taux d’appels traités), l’évolution du logiciel de traitement pour améliorer l’exploitation des données statistiques, le renforcement de la communication et de l’animation du réseau territorial et le lancement d’une offre de formation et de sensibilisation à la lutte contre les maltraitances pour les professionnels de terrain.

Au sein des centres de proximité du réseau 3977, il s’agira de décliner la nouvelle stratégie de prévention et de lutte contre la maltraitance.

III.   Le programme 137 Égalité entre les femmes et les hommes : des crÉdits en très nette augmentation

1.   Présentation des crédits alloués au programme pour 2021

Les crÉdits du programme 137

(en euros)

Programme 137 Égalité entre les femmes et les hommes

Ouverts en LFI pour 2021

Demandés pour 2022

Variation PLF 2020 / LFI 2021 (en %)

Action 21 Politiques publiques - Accès aux droits

32 036 048

0

- 100,00

Action 22 Partenariats et innovations

7 899 426

0

- 100,00

Action 23 Soutien du programme égalité entre les femmes et les hommes

1 560 107

1 560 107

0,00

Action 24 Accès aux droits et égalité professionnelle (nouvelle)

0

20 966 894

Action 25 Prévention et lutte contre les violences et la prostitution (nouvelle)

0

28 082 402

Total des crédits du programme 137

41 495 581

50 609 403

+ 21,96

Source : projet annuel de performances de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances annexé au projet de loi de finances pour 2022.

Le programme 137 Égalité entre les femmes et les hommes vise à impulser et à coordonner les actions relatives à l’égalité entre les femmes et les hommes dans la vie professionnelle, économique, politique et sociale, à la promotion des droits et à la prévention et la lutte contre les violences faites aux femmes. La politique de l’égalité entre les femmes et les hommes s’inscrit ainsi dans une démarche interministérielle et partenariale qui permet, par effet de levier budgétaire, de mobiliser des partenaires (européen, nationaux, territoriaux, mais aussi des entreprises et des branches professionnelles), ainsi que leurs financements sur les champs d’intervention du programme.

Le ministère chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes inscrit son action autour de trois axes d’intervention prioritaires :

– la prévention et la lutte contre les violences faites aux femmes ;

– l’émancipation économique des femmes ;

– l’accès aux droits et la diffusion de la culture de l’égalité.

Un changement de nomenclature intervient dans le cadre du PLF 2022 : l’action 21 Politiques publiques Accès aux droits et l’action 22 Partenariats et innovations sont supprimées et remplacées par deux nouvelles actions, l’action 24 Accès aux droits et égalité professionnelle et l’action 25 Prévention et lutte contre les violences et la prostitution. L’action 23 Soutien du programme égalité entre les femmes et les hommes, destinée à encourager le développement d’initiatives d’information et de sensibilisation à l’égalité entre les femmes et les hommes, est maintenue.

2.   Accès aux droits et égalité professionnelle

Les crédits affectés à cette nouvelle action 24 en 2022 s’élèvent au total à 21 millions d’euros en AE = CP.

● Le premier pilier de l’action Accès aux droits et égalité professionnelle est le soutien apporté aux structures favorisant d’une part l’innovation, le renouvellement des pratiques et l’émergence des initiatives pour l’égalité entre les femmes et les hommes et d’autre part, l’accès aux droits des femmes.

En 2022, un soutien budgétaire accru est apporté aux réseaux associatifs des centres d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) et des espaces de vie affective, relationnelle et sexuelle (EVARS) ainsi qu’aux associations nationales ou de proximité intervenant en faveur de la promotion de la culture de l’égalité. L’accès aux droits concerne également la participation des femmes à la vie sociale, sportive et culturelle. Aussi, une partie des crédits permet d’accompagner des actions ponctuelles et partenariales dans les domaines du sport, de la culture et des médias (par exemple, un soutien aux actions visant à faire connaître le « matrimoine »).

● Le second pilier est celui de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et les politiques en faveur de l’entreprenariat féminin.

L’autonomie économique des femmes constitue un enjeu sociétal, social et économique. La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel ([5]) a permis le passage d’une obligation de moyens à une obligation de résultats, autour de cinq grands objectifs à la fois réalistes et ambitieux : la suppression des écarts de salaire entre les femmes et les hommes, à poste et âge comparables ; la même chance d’avoir une augmentation pour les femmes que pour les hommes ; la même chance d’obtenir une promotion pour les femmes que pour les hommes ; l’augmentation de toutes les salariées à leur retour de congé maternité, dès lors que des augmentations ont été données en leur absence ; la parité parmi les femmes et les hommes parmi les dix plus hautes rémunérations.

La crise sanitaire a mis en lumière la répartition sexuée des métiers ainsi que la part importante des femmes dans des métiers insuffisamment valorisés socialement et financièrement.

Comme en 2021, le budget 2022 entend renforcer le volet « mixité » des métiers et soutenir l’entreprenariat des femmes, notamment avec la consolidation voire le développement d’aides au financement ciblées pour les femmes entrepreneures et de dispositifs d’accompagnement ou de mentorat adaptés aux besoins spécifiques des femmes créatrices d’entreprise, ainsi que l’amplification de l’appel à projets en faveur de l’autonomie et de l’insertion professionnelle des femmes.

L’accès au marché du travail des femmes éloignées de l’emploi constitue en outre un enjeu majeur. Ainsi en 2022, un effort particulier sera fait en direction des familles monoparentales et des femmes éloignées de l’emploi afin qu’elles puissent plus rapidement retrouver le chemin de l’insertion professionnelle : réforme du versement des pensions alimentaires, développement des crèches à vocation sociale (crèches AVIP), mobilisation accrue des bureaux d’accompagnement et d’insertion vers l’emploi (BAIE) au sein de certains centres d’information des droits des femmes et des familles (CIDFF), qui bénéficieront de crédits supplémentaires dans cet objectif.

3.   La prévention et lutte contre les violences et la prostitution

Pour 2022, les crédits de la nouvelle action 25 s’élèvent à 24,8 millions d’euros en AE et 28 millions d’euros en CP. Cette action vise à lutter contre les violences faites aux femmes et à prévenir et lutter contre la prostitution et la traite des êtres humains.

● La lutte contre les violences faites aux femmes constitue une priorité du Président de la République et du Gouvernement, s’inscrivant dans le cadre de la grande cause du quinquennat en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes.

Cette priorité s’est notamment concrétisée au cours des trois dernières années par la loi n° 2018-703 du 3 août 2018 relative à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, par les mesures adoptées lors du Grenelle contre les violences conjugales dont découlent l’adoption des lois du 29 décembre 2019 et du 31 juillet 2020 renforçant la prévention, mais également la répression à l’encontre des actes de violences au sein du couple.

En 2020, la crise sanitaire et le contexte très particulier du confinement, avec un risque redoublé d’exposition à des violences conjugales, ont donné lieu au lancement et à la mise en œuvre de mesures nouvelles de prévention et de lutte contre les violences (par exemple, les points d’accueil éphémères dans des centres commerciaux pour permettre aux femmes victimes de violence de se signaler et de s’informer).

Ces dispositifs, qui ont montré leur pertinence, ont été complétés en 2021. D’une part, la plateforme d’écoute téléphonique pour les femmes victimes de violences « 3919 » a été déployée 24 heures sur 24, avec une meilleure accessibilité aux femmes des territoires ultramarins et aux femmes en situation de handicap. D’autre part, l’ouverture de douze nouveaux centres de prise en charge des auteurs de violences conjugales (CPCA) est venue s’ajouter aux dix‑huit centres déjà créés en 2020.

La protection des femmes contre les violences tient une place centrale dans le budget 2022, qui consacre à cette politique plus de 8 millions d’euros supplémentaires, soit une augmentation de 22 % par rapport à l’année précédente. Plusieurs dispositifs bénéficient de cet abondement financier :

– les lieux d’écoute, d’accueil et d’orientation (LEAO) et les accueils de jour, dont la gouvernance locale et nationale sera révisée afin de gagner en efficience et en visibilité auprès des femmes ;

– le développement de la mise en sécurité des victimes dans les situations d’urgence ;

– la montée en charge des trente centres de prise en charge des auteurs de violences conjugales (CPCA) désormais en activité et la poursuite de la mise en place d’une coordination interne à ce réseau.

● La prévention et la lutte contre la prostitution et la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle, constituent par ailleurs un objectif important du programme 137, dans la lignée de la loi n° 2016-444 du 13 avril 2016 renforçant la lutte contre le système prostitutionnel et l’accompagnement des personnes prostituées. Par rapport à 2021, 1,2 million d’euros supplémentaires seront consacrés à la lutte contre la prostitution, dont 300 000 euros permettant d’accompagner la hausse, d’une part du nombre de bénéficiaires de l’aide financière à l’insertion professionnelle (AFIS), d’autre part du nombre de personnes en parcours de sortie de la prostitution, et enfin pour l’accompagnement renforcé des personnes en parcours de sortie de la prostitution.

IV.   une péréNnisation des moyens portés par le programme 124 conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales

Le programme 124 Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales est un programme d’appui et de soutien aux services mettant en œuvre ces politiques publiques, dans les domaines suivants : ressources humaines, fonctionnement courant, systèmes d’information, immobilier, conseil juridique, logistique, documentation, études, recherche et statistiques, communication, affaires internationales et européennes. Il porte également la subvention pour charges de service public versée aux agences régionales de santé.

L’année 2021 a été marquée par d’importants changements de périmètre, conséquence des réformes majeures qui sont intervenues dans le champ des ministères sociaux, dans le contexte de la réforme de l’organisation territoriale de l’État (OTE).

En 2022, le programme 124 est doté d’un budget de 1,2 milliard d’euros.

Les crÉdits du programme 124

(en euros)

 

Programme 124 Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales

Ouverts
(LFI 2021)

Demandés
(PLF 2022)

Variation
PLF 2022/LFI 2021
(en %)

Action 10 Fonctionnement des services

14 999 159

14 661 659

- 2,25

Action 11 Systèmes d’information

58 484 869

57 283 560

- 2,05

Action 12 Affaires immobilières

55 150 995

74 439 689

+ 34,97

Action 14 Communication

7 640 564

8 640 564

+ 13,09

Action 15 Affaires européennes et internationales

3 889 956

3 889 956

0,00

Action 16 Statistiques, études et recherche

10 568 946

10 768 946

+ 1,89

Action 17 Financement des agences régionales de santé

594 181 339

593 173 042

- 0,17

Action 18 Personnels mettant en œuvre les politiques sociales et de la santé

240 305 954

237 583 631

- 1,13

Action 20 Personnels mettant en œuvre les politiques pour les droits des femmes

13 789 153

12 987 312

- 5,82

Action 21 Personnels mettant en œuvre les politiques de la ville, du logement et de l’hébergement

53 068 575

52 436 103

- 1,19

Action 22 Personnels transversaux et de soutien

81 758 300

82 236 573

+ 0,58

Action 23 Politique des ressources humaines

25 385 344

26 409 269

+ 4,03

Total des crédits du programme 124

1 159 223 154

1 174 510 304

+ 1,32

Source : projet annuel de performances de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances annexé au projet de loi de finances pour 2022.

Pour ce programme, le schéma d’emplois sera positif (+ 35 ETP) pour la deuxième année consécutive, marquant un renforcement des moyens humains affectés aux politiques sanitaires et sociales. Plus de la moitié de ce renforcement sera ciblée vers les services déconcentrés, au sein des territoires.

Les renforts exceptionnels de 500 emplois obtenus dans les ARS entre 2020 et 2021 afin de faire face à la crise sanitaire, seront en outre maintenus en 2022 à hauteur d’un tiers, ce qui correspond à 167 ETP, dans l’objectif de poursuivre les actions en matière de tests, de tracing et de vaccination.

Les ARS seront également amenées à jouer un rôle déterminant dans le déploiement du Ségur de la santé : elles verront leur schéma d’emplois rehaussé de 118 ETP pour leur permettre de mettre en œuvre les volets numérique et investissement immobilier du Ségur.

Enfin, les ARS bénéficieront également de 9,7 millions d’euros de mesures nouvelles afin d’accompagner notamment leur transformation numérique, et de financer des mesures transversales de masse salariale.


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   SECONDE partie
ANALYSE THÉMATIQUE : la protection et L’ACCOMPAGNEMENT DES jeunes majeurs vulnérables

I.   Les jeunes majeurs vulnérables : un public en proie À des difficultés multiples auxquelles n’ont pas su répondre les politiques publiques

A.   Une population particulièrement vulnérable

1.   Qui sont les jeunes majeurs vulnérables ?

● S’il n’existe pas de définition précise de cette notion, il est courant de qualifier de « jeunes majeurs vulnérables » les jeunes sortant du dispositif de prise en charge par les services de la protection de l’enfance mais aussi ceux qui, s’ils n’ont pas été pris en charge par ces services, sont néanmoins confrontés à des difficultés « familiales, sociales et éducatives susceptibles de compromettre gravement leur équilibre » ([6]).

La question des jeunes majeurs vulnérables est indissociable de la prise en charge de ces jeunes au titre de l’aide sociale à l’enfance (ASE) et de l’accompagnement qui leur est proposé après leur majorité. L’enquête de la DREES relative aux bénéficiaires de l’aide sociale départementale au 31 décembre 2019 ([7]) fait état de 23 982 jeunes majeurs ayant bénéficié, fin 2019, d’une mesure d’accueil provisoire par l’ASE. L’aide accordée aux jeunes majeurs vise prioritairement, et parfois même exclusivement dans certains départements, les jeunes ayant connu une mesure de placement au titre de la protection de l’enfance.

La prise en charge par les services de l’aide sociale à l’enfance

La protection de l’enfance, définie à l’article L. 112-3 du code de l’action sociale et des familles (CASF), est principalement confiée aux conseils départementaux, dont les services d’aide sociale à l’enfance (ASE) mettent en œuvre diverses actions dans le cadre de la politique de protection de l’enfance, à des fins de prévention, de repérage des situations de danger ou de risque de danger, et de protection (article L. 221-1 du CASF).

Les deux principaux modes d’intervention sont l’aide à domicile, qui recouvre des aides financières et éducatives, et la prise en charge matérielle, qui repose sur des mesures de placement en dehors du milieu familial.

S’agissant des mesures de placement, elles peuvent prendre trois formes :

– la mesure administrative de placement, décidée par le président conseil départemental, à la demande ou en accord avec la famille, lorsque l’intérêt du mineur est d’être confié au service de l’ASE ;

– la mesure judiciaire de placement, qui poursuit le même objectif mais est décidée par le juge des enfants et le mineur est confiée au service de l’ASE qui détermine les modalités de son placement ;

 – les placements directs, qui sont également effectués par le juge des enfants. Contrairement à la mesure précédente, le service de l’ASE ne décide pas des modalités de placement mais finance seulement l’accueil du mineur.

De nombreux jeunes majeurs faisant l’objet d’une prise en charge par les services de l’ASE sont d’anciens mineurs non accompagnés (MNA). Si l’on ne dispose pas aujourd’hui de chiffres consolidés au niveau national, les données disponibles au sein des départements font état d’une part significative d’anciens MNA parmi les jeunes majeurs suivis par l’ASE. Ainsi, selon les rapports d’observation des observatoires départementaux de protection de l’enfance (ODPE) de la Seine‑Maritime et de la Gironde de 2020, les anciens MNA représentaient, en décembre 2019, 44 % des jeunes majeurs pris en charge par l’ASE. Lors de leur audition, les représentantes des conseils départementaux de la Loire-Atlantique et de l’Aveyron ont également indiqué que la moitié des jeunes suivis par l’ASE dans leurs départements était constituée d’anciens MNA.

Les mineurs non accompagnés

Les mineures et mineurs non accompagnés (MNA) sont des mineurs étrangers non membres de l’Union européenne recueillis par l’aide sociale à l’enfance. Selon l’article L. 112-3 du code de l’action sociale et des familles, la protection de l’enfance a également pour but de prévenir les difficultés que peuvent rencontrer les « mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille » et assurer leur prise en charge.

● Peuvent également être considérés comme jeunes majeurs vulnérables, les jeunes de plus de 18 ans pris en charge par la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), qui représentent, au 31 décembre 2020, 27 % des jeunes suivis dans l’année par la PJJ ([8]). Les services de la PJJ peuvent en effet suivre les jeunes majeurs en matière civile, en application du décret du 18 février 1975 instaurant une mesure de protection judiciaire en faveur des jeunes majeurs (PJM), et en matière pénale, dans le cadre d’une mesure éducative judiciaire. Le nouveau code de justice pénale des mineurs, en vigueur depuis le 30 septembre 2021 prévoit en effet la possibilité de maintenir un accompagnement éducatif en matière pénale jusqu’aux 21 ans des jeunes majeurs.

Lors de son audition, la directrice de la PJJ a néanmoins rappelé que pour accueillir des jeunes majeurs, il est nécessaire que soit prononcée une mesure éducative judiciaire provisoire ou non, permettant de poursuivre le suivi judiciaire au-delà de la majorité, dans la limite des 21 ans du jeune. Ces dispositifs ne permettent donc pas de garantir la prise en charge de tous les jeunes antérieurement confiés à la PJJ, en grande difficulté d’insertion sociale ayant atteint leur majorité.

2.   Un public fragile, victime d’une injonction à l’autonomie trop précoce

a.   Un passage à la majorité particulièrement brutal

Si le passage à la majorité est un moment déterminant pour chaque jeune, il représente souvent une étape violente pour les jeunes concernés par des mesures de protection de l’enfance. L’anniversaire des 18 ans s’accompagne en effet de nouvelles responsabilités et contraintes juridiques, administratives et budgétaires pour la gestion desquelles ces jeunes sont peu armés au lendemain de leur majorité.

Pour certaines jeunes, le passage à la majorité est synonyme d’une nouvelle indépendance et met fin à un accompagnement imposé et perçu comme contraignant. Pour de nombreux jeunes néanmoins, cette étape est très difficilement vécue.

L’exigence d’autonomie à 18 ans apparaît en effet irréaliste au regard de la situation dans laquelle se trouvent la plupart des jeunes au moment de leur passage à la majorité. En effet, il faut rappeler que l’âge moyen de départ du foyer parental en 2018 est en France de 23,7 ans et de 26 ans pour l’ensemble des jeunes Européens ([9]) et que près d’un jeune adulte de 18 à 29 ans sur deux habite chez ses parents tout ou partie de l’année ([10]). Il en va de même pour l’accès au premier emploi puisque le taux de chômage des jeunes adultes ayant terminé leurs études depuis un à quatre ans est d’environ 20 % en 2016 ([11]). L’enquête nationale sur les ressources des jeunes, menée conjointement par la DREES et l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) en 2014, a par ailleurs montré que les jeunes âgés de 18 à 24 ans bénéficient d’un soutien financier important de leurs parents. Selon cette enquête, les ménages de parents d’un jeune âgé de 18 à 24 ans déclarent l’aider dans huit cas sur dix, à hauteur de 2 670 euros par an.

Il est ainsi demandé à ces jeunes d’être autonomes avant tous les autres, alors même qu’ils disposent de moins de ressources, qu’elles soient financières, familiales ou sociales. L’ensemble des personnes auditionnées ont à ce sujet dénoncé la très forte « injonction à l’autonomie », déstabilisatrice et génératrice d’angoisses que subissent ces jeunes dans l’année précédant leur passage à la majorité. C’est pourquoi la rapporteure considère qu’il est essentiel de permettre aux jeunes de pouvoir se confronter à l’indépendance, tout en ayant la possibilité de solliciter à nouveau les dispositifs d’aide en cas de besoins. Elle recommande ainsi de rendre véritablement effectif le « droit au retour » en l’inscrivant dans le projet de loi relatif à la protection des enfants (voir partie II).

b.   Un public qui cumule les difficultés

Les jeunes majeurs qui sortent des dispositifs de protection de l’enfance à leur majorité cumulent de nombreuses vulnérabilités, indissociables des difficultés connues durant l’enfance et l’adolescence.

● La fragilité des liens familiaux et amicaux constitue une préoccupation centrale pour un grand nombre de jeunes majeurs lors de leur accès à la majorité. L’absence des parents est particulièrement courante chez ces jeunes, en particulier chez les anciens MNA, comme en témoignent les résultats de l’étude sur l’accès à l’autonomie des jeunes placés (ELAP) ([12]) réalisée en 2014. Selon cette étude, 33 % des jeunes de 17 à 20 ans interrogés avaient encore des liens avec leurs deux parents, 38 % avec l’un d’entre eux seulement et 23 % avec aucun d’entre eux, les 7 % restant n’ayant pas répondu à cette question. Au-delà de la seule cellule familiale, les jeunes ayant fait l’objet d’une prise en charge par l’ASE souffrent également du manque de liens amicaux, alors même qu’entre 20 et 30 % d’entre eux en sont totalement dépourvus ([13]).

Les jeunes issus des dispositifs de protection de l’enfance sont ainsi nombreux à connaître des situations d’isolement au moment de leur passage à la majorité, période durant laquelle le soutien matériel et affectif reçu par les proches est souvent déterminant.

● La difficulté d’accès au logement a été identifiée par l’ensemble des acteurs auditionnés comme l’une des principales problématiques rencontrées par les jeunes majeurs vulnérables lorsqu’ils ne bénéficient plus de mesures d’accompagnement. Le risque de se retrouver sans-abris est particulièrement pour les jeunes majeurs issus de l’ASE. Selon la Fondation Abbé Pierre ([14]), environ un quart des personnes sans-abri nées en France sont d’anciens enfants placés auprès de l’ASE, soit environ 10 000 personnes. Une enquête réalisée par l’INSEE ([15]) avait déjà montré en 2016 qu’environ 30 % des personnes nées en France (ou arrivées avant leurs 18 ans) qui ont déjà dormi dans un centre d’hébergement temporaire ou un pris un repas dans un service de restauration gratuite sont des anciens de l’ASE.

Lorsqu’ils bénéficient d’une solution d’hébergement, celle-ci est rarement stable. La plupart des jeunes majeurs vulnérables connaissent une situation de précarité résidentielle ([16]). À leur sortie d’ASE, environ 20 % des jeunes rejoignent un hébergement institutionnel, 40 % d’entre eux trouvent à se faire héberger et seulement un peu plus d’un tiers accèdent à un logement autonome.

situation résidentielle des jeunes de 17 à 20 ans interrogés dans le cadre de l’enquête elap

Source : Dietrich-Ragon, Pascale, « Quitter l’Aide sociale à l’enfance. De l’hébergement institutionnel aux premiers pas sur le marché immobilier », Population, vol. 75, no. 4, 2020, pp. 527-559.

Cette difficulté d’accès à un logement stable et autonome s’explique par la situation de ces jeunes, qui, pour la plupart, cumulent les désavantages sur leur marché immobilier. D’une part, le manque de ressources est un véritable obstacle pour se loger et d’autre part, les jeunes majeurs vulnérables ne bénéficient pas du soutien de leur famille pour les aider financièrement ou se porter garant auprès d’un bailleur.

Or, comme l’ont rappelé la plupart des acteurs auditionnés, le fait de bénéficier d’un logement constitue une étape clé dans le parcours d’insertion et d’accès à l’autonomie des jeunes. Ne pas avoir de logement stable est un frein majeur pour trouver un emploi ou poursuivre une formation. Par ailleurs, cette difficulté d’accès au logement s’ajoute à l’instabilité résidentielle dont ont souffert la plupart des jeunes anciennement suivis par l’ASE au cours de leur enfance et de leur adolescence. Un grand nombre d’enfants pris en charge par l’ASE a en effet été confronté à une expulsion chronique ([17]), c’est-à-dire des déménagements forcés à répétition.

● Aux difficultés d’accès au logement s’ajoutent souvent pour les jeunes suivis par l’ASE ou la PJJ un éloignement de l’emploi et des études supérieures. Dix‑huit mois après leur sortie des dispositifs de l’ASE, 51 % des jeunes sont en effet sans emploi ni formation ([18]). Lorsqu’ils suivent ou ont suivi une formation, ces jeunes choisissent par ailleurs le plus souvent des cursus courts et des filières professionnelles. En 2016, seulement 13 % des jeunes de 17 ans placés préparaient en effet un bac général, contre 51 % pour l’ensemble de la population ; 23 % préparaient un bac professionnel et 40 % un certificat d’aptitude professionnelle (CAP), contre respectivement 24 % et 11 % pour la population générale ([19]). La prédominance de formations courtes s’explique en partie par les importantes difficultés scolaires rencontrées par les jeunes suivis par l’ASE ou la PJJ durant leur enfance et leur manque de ressources pour financer des études supérieures. Elle est aussi largement liée à l’injonction à l’autonomie qui pèse sur ces jeunes majeurs et les incite à être indépendants financièrement très rapidement après leur majorité.

● La santé dégradée de nombreux jeunes majeurs issus des dispositifs de l’ASE et de la PJJ est par ailleurs alarmante. Ils sont en effet davantage susceptibles de rencontrer des problèmes de santé psychique et/ou physique, des troubles du comportement et de la personnalité et de s’engager dans des comportements à risque comme la consommation de drogues et d’alcool. Plusieurs acteurs auditionnés ont par ailleurs attiré l’attention de la rapporteure sur la situation particulièrement critique dans laquelle se trouvent de nombreux jeunes majeurs vulnérables en situation de handicap, en particulier les jeunes de moins de 20 ans, qui ne peuvent pas encore bénéficier de l’allocation aux adultes handicapés (AAH). On estime qu’environ 25 % à 30 % des enfants faisant l’objet d’un placement sont en situation de handicap, principalement psychique.

Au-delà des problématiques de santé, de nombreux jeunes issus de l’ASE et de la PJJ se trouvent dans une situation sociale précaire. Les jeunes filles placées ont par exemple, à 17 ans, treize fois plus de risques d’avoir une grossesse précoce que les jeunes filles de l’ensemble de la population ([20]).

B.   Une prise en charge insuffisante et inégale selon les territoires

1.   Le contrat jeune majeur : principale modalité de l’aide aux jeunes majeurs vulnérables

a.   Une aide pouvant prendre différentes dimensions

L’aide aux jeunes majeurs vulnérables est encadrée par les articles L. 221-1 et suivants du code de l’action sociale et des familles (CASF). Elle est souvent assimilée au contrat jeune majeur, qui a été créé dans les départements pour formaliser l’aide proposée aux jeunes.

Aux termes de l’article L. 221-1 du CASF, le service de l’aide sociale à l’enfance a en effet pour mission « d’apporter un soutien matériel, éducatif et psychologique tant aux mineurs et à leur famille [...] qu’aux mineurs émancipés et majeurs de moins de vingt et un ans confrontés à des difficultés familiales, sociales et éducatives susceptibles de compromettre gravement leur équilibre ».

Le contrat jeune majeur permet de poursuivre la prise en charge du jeune par l’ASE, après la majorité, pour lui permettre de mener à bien son projet, le plus souvent scolaire ou professionnel.

L’aide proposée comprend souvent plusieurs dimensions. Elle prend le plus souvent la forme d’un suivi éducatif, social et/ou psychologique, qui constitue le fondement de l’accompagnement proposé par les services de l’ASE au regard des autres dispositifs. Elle se caractérise également souvent, par un soutien financier, qu’il soit régulier ou plus ponctuel et ciblé (aide pour le passage du permis de conduire, aide à l’installation, au transport ou prise en charge des dépenses de santé notamment). Le contrat jeune majeur s’accompagne aussi la plupart du temps d’une aide à l’hébergement, le plus souvent dans le cadre de l’accueil provisoire du jeune majeur (APJM), qui permet au jeune d’être encore accueilli au sein d’une structure de l’ASE.

L’accueil proposé aux jeunes majeurs vulnérables dans le cadre des contrats jeunes majeurs

S’il n’existe pas de données permettant de fournir un panorama global des dimensions de l’accompagnement proposé aux jeunes dans le cadre des contrats jeunes majeurs, l’enquête commandée par la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) et menée en 2019 par le cabinet Asdo ([21]) a permis d’observer que l’accompagnement vers l’autonomie prenait principalement deux formes :

– celle de l’accueil provisoire du jeune majeur (APJM), qui permet au jeune d’être encore accueilli au sein d’une structure de l’ASE. Cet accueil peut prendre plus formes, qu’il s’agisse de la poursuite d’un accueil au sein d’une maison d’enfants à caractère social, chez un assistant familial ou d’un accueil au sein d’un service de semi-autonomie (établissements pour jeunes majeurs avec logements autonomes, accueils au sein de logements diffus avec accompagnement éducatif, etc.) ;

– celle de l’action éducative à domicile, qui permet de maintenir un accompagnement éducatif hors des structures de protection de l’enfance. Cette modalité d’accompagnement, le plus souvent assortie d’une aide financière, est aujourd’hui minoritaire.

Selon le rapport de Mme Brigitte Bourguignon d’août 2019 ([22]), un tiers des jeunes sortant de l’ASE à 18 ans bénéficient aujourd’hui d’un contrat jeune majeur. Ces chiffres sont confirmés par les résultats de l’étude du cabinet Asdo précédemment citée, selon lesquels le taux de prise en charge en accueil provisoire de jeunes majeurs de jeunes issus de l’ASE était en 2018, de 36 %.

b.   Un accompagnement renforcé par la loi du 14 mars 2016

La loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant ([23]) a entendu renforcer l’accompagnement apporté aux jeunes majeurs vulnérables et la préparation des jeunes à leur sortie des dispositifs de protection de l’enfance.

Cette loi a d’abord institué un entretien organisé par le président du conseil départemental avec tout mineur pris en charge par l’ASE, un an avant sa majorité ([24]). Cet entretien vise à faire un bilan avec le jeune de son parcours, à évaluer avec lui ses besoins et à construire un projet d’accès à l’autonomie. Il associe des institutions et organismes gérant des dispositifs de droit commun dans différents champs tels que l’éducation, la santé, le logement, la formation et l’emploi.

La loi du 14 mars 2016 a également prévu la mise en place de protocoles entre le département, l’État et divers acteurs de politiques publiques pour organiser leur coordination et leur partenariat dans l’accompagnement à l’accès à l’autonomie des jeunes sortants de 16 à 21 ans. Ces partenariats visent à apporter aux jeunes concernés « une réponse globale en matière éducative, culturelle, sociale, de santé, de logement, d’emploi et de ressources » ([25]).

2.   Des dispositifs imparfaits et diversement appliqués selon les départements

● Le flou existant autour des obligations d’accompagnement par les départements des jeunes majeurs vulnérables constitue un frein important au développement des contrats jeunes majeurs. En effet, si l’aide aux jeunes majeurs vulnérables est une obligation selon l’article L. 222-1 du CASF, les articles L. 222-2 et L. 222-5 du même code énoncent le caractère facultatif de cet accompagnement. En effet, aux termes de l’article L. 222-2, l’aide à domicile « peut être accordée » aux majeurs âgés de moins de 21 ans, confrontés à des difficultés sociales tandis que l’article L. 222-5 dispose que les majeurs âgés de moins de 21 ans qui éprouvent des difficultés d’insertion sociale faute de ressources ou d’un soutien familial suffisants « peuvent être également pris en charge à titre temporaire ».

Comme indiqué supra, il est estimé qu’en 2018, 36 % des majeurs de moins de 21 ans ayant été confiés à l’ASE bénéficient d’une mesure d’accueil provisoire. Les disparités de prise en charge de ces jeunes sont néanmoins très importantes selon les départements. D’après l’étude réalisée par le cabinet Asdo citée précédemment, le taux de prise en charge des jeunes majeurs en APJM varie de 1 % pour le département ayant le taux de prise en charge le plus bas à environ 74 % pour celui qui propose le plus d’APJM.

La prise en compte du taux d’accompagnement des jeunes majeurs issus de l’ASE met en lumière les importantes différences de prise en charge selon les départements :

– 16 % des départements ont un taux d’accueil des jeunes majeurs issus de l’ASE inférieur à 20 % ;

– la moitié (51 %) des départements accueillent entre 20 et 39 % de ces jeunes ;

– 27 % des départements ont des taux de prise en charge de 40 à 59 % ;

– 5 % des départements ont un taux de prise en charge qui excède les 60 %.

taux de prise en charge en apjm des jeunes de 18 À 21 ans par département en 2018 (base : 92 départements)

Source : étude relative aux modalités d’accompagnement des jeunes de 16 à 21 ans de l’aide sociale à l’enfance mises en œuvre par les services départementaux de l’ASE réalisée par le cabinet Asdo études.

S’agissant des dispositions prévues par la loi du 14 mars 2016 et en particulier de l’organisation d’un entretien avec le jeune préalable à la sortie d’ASE, leur application diffère largement selon les territoires. Ainsi, comme l’a montré la Cour des comptes dans son rapport de 2019 ([26]), certains départements vont au‑delà de leurs obligations en organisant des entretiens annuels qui traitent de scolarité, de formation professionnelle ou d’autonomie sociale dès l’âge de 15 ans, mais d’autres ne respectent pas ou partiellement ces obligations ([27]).

● Lorsqu’ils sont proposés par les départements, les contrats jeunes majeurs se caractérisent par ailleurs par leur importante diversité quant aux critères retenus pour en bénéficier, à leur durée ou leurs conditions de prolongation.

Les critères d’éligibilité au contrat jeune majeur ne sont pas d’abord pas les mêmes selon les départements. Certains d’entre eux réservent par exemple ce contrat aux jeunes ayant fait l’objet d’une prise en charge par l’ASE avant leur majorité alors que d’autres proposent un accompagnement à l’ensemble des jeunes rencontrant d’importantes difficultés sociales, économiques ou familiales. Les jeunes majeurs ayant été pris en charge par la PJJ sont par ailleurs éligibles au contrat jeune majeur dans certains départements seulement. Comme l’a rappelé l’ONPE, l’aide aux jeunes majeurs est par ailleurs la plupart du temps conditionnée à la formulation d’un projet scolaire ou professionnel à court terme, mais ce n’est pas le cas dans tous les départements.

S’agissant du contenu des contrats, certains départements – à l’instar des Bouches-du-Rhône, de la Charente et de la Seine-Maritime ([28]) – assurent la continuité des mesures déjà mises en œuvre avant la majorité, tandis que d’autres mettent en place une nouvelle forme d’accompagnement.

La durée des contrats proposés diffère également significativement selon les départements. La plupart d’entre eux proposent d’accompagner les jeunes sur une période relativement courte, d’une durée maximale de trois à six mois. Selon l’enquête précitée réalisée par Asdo études, un tiers des départements interrogés ont déclaré ne jamais octroyer des APJM d’une durée de plus d’un an et 30 % ont indiqué que des APJM de six mois ou moins peuvent concerner jusqu’à 50 % des jeunes accompagnés. En outre, si l’aide aux jeunes majeurs est la plupart du temps accordée jusqu’à 21 ans, certains départements proposent un accompagnement jusqu’à 25 ans. C’est notamment le cas du département de la Loire-Atlantique, qui prévoit des contrats jusqu’à 25 ans pour les jeunes majeurs les plus vulnérables.

Les critères retenus pour mettre fin à l’aide aux jeunes majeurs vulnérables font aussi l’objet d’une appréciation différente selon les territoires. En effet, il peut être mis fin au contrat jeune majeur avant l’échéance prévue, par le jeune lui-même, ainsi que par le service de l’ASE ou le conseil départemental. Selon l’ONPE, parmi les critères les plus communément opposés aux jeunes, on trouve l’absence de projet professionnel sur le court terme et de sérieux dans le suivi de la formation, le non‑respect du projet établi ou encore l’absence de démarches engagées en matière de régularisation.

● L’hétérogénéité des règles applicables aux jeunes majeurs vulnérables selon les départements pose dès lors question. Les enquêtes menées dans les territoires mettent en lumière le fait que les jeunes issus de l’ASE les plus en difficulté sont le plus souvent exclus des dispositifs d’aide aux jeunes majeurs. En effet, les jeunes qui obtiennent un contrat jeune majeur ont pour la plupart des projets professionnels et scolaires et les possibilités de bénéficier des mesures de protection de l’enfance en tant que majeurs sont beaucoup plus importantes quand la première mesure d’intervention a été précoce et que l’accueil a été stable. À l’inverse, les jeunes présentant un risque de marginalisation élevé (qui n’ont pas fait d’études ou de formation, sont sans emploi et évitent parfois les services sociaux) voient leur contrat jeune majeur refusé ou ne le demandent pas.

II.   La protection des jeunes majeurs vulnérables élevée au rang de priorité du quinquennat

La nécessité de renforcer l’accompagnement des jeunes majeurs issus des dispositifs de protection de l’enfance s’est imposée, dès le début du quinquennat, comme une véritable priorité du Gouvernement. Cet objectif est au cœur de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté et de la stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance, qui se sont traduites par un partenariat renforcé entre l’État et les départements sur cette question. Le projet de loi relatif à la protection des enfants, actuellement discuté au Parlement, entend aller plus loin et propose des mesures fortes pour améliorer la situation de ces jeunes.

A.   des efforts en faveur de l’insertion et DE l’accompagnement global des jeunes majeurs vulnérables

1.   Une place centrale laissée à la politique d’insertion

Les politiques en faveur de l’insertion professionnelle et sociale des jeunes bénéficiant des dispositifs de protection de l’enfance constituent un champ essentiel de l’aide aux jeunes majeurs vulnérables. Au sein du service public de l’emploi, les missions locales sont chargées de traiter les obstacles à l’insertion dans différents champs – qu’il s’agisse de l’accès à l’emploi, à la formation, au logement, au transport, à la santé ou encore à la culture et aux loisirs. Elles sont amenées à jouer un rôle de premier plan en proposant aux jeunes un accompagnement global et personnalisé, prenant en compte les difficultés rencontrées dans plusieurs domaines.

Les mesures en faveur de la garantie jeunes issues du plan « 1 jeune, 1 solution »

Pour rappel, la garantie jeunes, prévue à l’article L. 5131‑6 du code du travail, permet d’accompagner les jeunes de 16 à 25 ans en situation de grande précarité vers l’emploi et la formation. Elle constitue une spécificité du parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie (PACEA), base de l’accompagnement en missions locales.

Dans le cadre du plan « 1 jeune, 1 solution », le Gouvernement prévoit près d’un million de solutions d’insertion pour les jeunes les plus éloignés de l’emploi, parmi lesquelles 200 000 places en garantie jeunes (soit le double du nombre de bénéficiaires actuel (99 911 en 2019)). À cet effet, la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion a annoncé en février 2021 l’attribution de 140 millions d’euros supplémentaires aux missions locales pour l’année 2021, pour un budget total de 495 millions d’euros.

Les missions locales ont vu leurs missions en faveur de l’insertion des jeunes renforcées sous le quinquennat. Leur rôle dans l’accompagnement des jeunes vulnérables a été amplifié par la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté et par le plan gouvernemental « 1 jeune 1 solution » lancé à l’été 2020 (voir supra). Ce plan porte en effet une attention particulière aux jeunes majeurs vulnérables, en leur permettant de bénéficier, depuis janvier 2021, d’un accès automatique à la garantie jeunes, qui se traduit par un accompagnement personnalisé et une ressource financière de 500 euros par mois, pendant une durée pouvant aller jusqu’à dix‑huit mois. Cet accompagnement s’organise autour d’un contrat d’engagement qui mentionne les objectifs respectifs de la mission locale et du jeune.

L’accent mis sur la politique d’insertion se traduit par ailleurs par des mesures visant à améliorer l’accès à la formation et à l’enseignement supérieur des jeunes issus de l’ASE. Depuis 2020, les bourses d’enseignement supérieur à l’échelon le plus élevé (680 euros) ainsi qu’un accès prioritaire au logement étudiant sont en effet proposés systématiquement aux jeunes issus de l’ASE. 2 000 d’entre eux ont pu bénéficier de ce dispositif depuis sa mise en place.

2.   Un renforcement de la coopération entre les acteurs de l’aide aux jeunes majeurs vulnérables

Le manque de coordination entre les acteurs chargés de l’accompagnement global à l’autonomie des jeunes majeurs, au premier rang desquels figurent l’ASE, la PJJ, les missions locales et les associations, est un constat dressé de longue date, notamment par le Conseil économique, social et environnemental dans un avis de juin 2018 ([29]). Les auditions menées par la rapporteure ont mis en évidence la persistance de fonctionnements en silo, associée parfois à une méconnaissance du rôle de chaque acteur. Ce fonctionnement est particulièrement regrettable, dans la mesure où il favorise les ruptures dans la prise en charge des jeunes majeurs, nuit à la cohérence de leur parcours et freine leur trajectoire d’accès à l’autonomie.

● Cette problématique a amené le Gouvernement à faire du partenariat entre les différents services spécialisés dans l’aide aux jeunes majeurs, un objectif premier.

La logique de partenariat souhaitée par le Gouvernement s’est d’abord traduite par une coopération accrue entre l’État et les départements, notamment pour lutter contre les « sorties sèches » de l’ASE. Cette coopération est matérialisée par une méthode de contractualisation entre l’État et les départements, déployée dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance et de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, qui permet de définir des engagements réciproques entre l’État et les départements.

La protection des jeunes majeurs vulnérables au cœur de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté

L’amélioration de la situation des jeunes majeurs vulnérables figure parmi les priorités de la stratégie, comme en témoigne l’action n° 9 qui vise à mettre fin aux sorties « sèches » de l’ASE. Dans ce cadre, un référentiel a été élaboré pour l’accès à l’autonomie et la sortie du dispositif de l’ASE et 10 millions d’euros ont été délégués aux départements en 2019, en 2020 et en 2021 au titre de la contractualisation.

Cette contractualisation, qui concerne soixante‑dix départements en 2021, a impulsé une dynamique importante, se traduisant par des initiatives novatrices (voir infra) à l’instar du dispositif expérimental « sortir avec toit » en Seine-Maritime, ou encore du triptyque d’actions déployé dans les Hautes-Alpes (accès au logement, insertion socio-professionnelle et accès aux soins).

S’il est encore tôt pour estimer les résultats de cette contractualisation, les données disponibles permettent de conclure à son efficacité dans l’amélioration de la situation des jeunes majeurs. Ainsi, selon les données fournies par la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) dans sa réponse au questionnaire de la rapporteure :

– 75 % des jeunes devenus majeurs en 2020, ont fait l’objet d’une prise en charge dans le cadre du référentiel de la stratégie pauvreté ([30]), contre 63 % en 2013 ([31]) ;

– le taux de jeunes majeurs ayant un logement stable est passé de 61 % ([32]) en 2019 à 79 % ([33]) en 2020 ;

– 55 % ([34]) des jeunes majeurs ont accès à des ressources financières, contre 45 % en 2019 ;

– 66 % ([35]) des jeunes ont accès à des parcours professionnels ou scolaires, contre 56 % en 2019.

● La coopération entre les acteurs de la protection de l’enfance passe également par des partenariats accrus entre l’ASE et les services dits de droit commun, au premier rang desquels figurent les missions locales, les caisses primaires d’assurance maladie (CPAM), les caisses d’allocations familiales (CAF) et les directions départementales de la cohésion sociale (DDCS), pour fournir au jeune un accompagnement global et éviter les ruptures de prise en charge.

C’est notamment l’objet de l’accord-cadre signé en novembre 2020 par l’Union nationale des missions locales (UNML), qui rassemble 436 missions locales sur le territoire, l’Union nationale pour l’habitat des jeunes (UNHAJ) et la Convention nationale des acteurs de la protection de l’enfance (CNAPE). Ce partenariat vise à renforcer la sécurisation des parcours des mineurs et jeunes majeurs suivis par la protection de l’enfance et à tout mettre en œuvre pour éviter les ruptures institutionnelles dans leur prise en charge. Il permet de faciliter le repérage des jeunes confiés à l’ASE pouvant entrer dans un parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie (PACEA, voir supra), et de mettre en place un accompagnement cohérent autour du jeune.

Différentes initiatives développées au niveau local, à l’instar de celles menées dans le département de la Seine‑Maritime (voir infra) ont par ailleurs montré leur grande efficacité pour améliorer la cohérence de la prise en charge des jeunes majeurs.

La mise en place d’un partenariat étroit entre acteurs de l’aide aux jeunes majeurs vulnérables : l’exemple de la Seine-Maritime

Dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, le département de la Seine-Maritime a signé le 2 juillet 2019 avec les services de l’État une convention de lutte contre la pauvreté dans laquelle un des objectifs est la suppression des « sorties sèches de l’ASE ». Cet objectif se traduit par une coopération accrue entre les acteurs de la protection de l’enfance et de droit commun et permet de mener une action dans différents champs :

– le logement : le département a par exemple mis en place le dispositif « sortir avec toit », qui permet d’épauler le jeune pour s’installer, remplir ses obligations de locataire, découvrir son environnement et construire les relais qui faciliteront son intégration dans cette nouvelle étape de sa vie ;

– les ressources et l’accès aux droits : l’ASE, au moment des sorties, s’articule avec la CPAM pour éviter les ruptures de droits (fiche de sortie) ; des documents ont été élaborés et sont utilisés pour expliquer au jeune comment procéder à son renouvellement de droits et conserver sa carte Vitale ; des ateliers sont organisés par la CAF et la CPAM au sein des lieux d’accueil pour préparer les jeunes ;

– l’insertion sociale, professionnelle et la mobilité : des conventions entre le département et les missions locales posent la priorité d’accès notamment aux jeunes de l’ASE et sortants d’ASE. Le travail avec les missions locales est dans un premier temps d’identifier combien de jeunes de l’ASE y sont accompagnés pour identifier au mieux leurs besoins ;

– la santé : une étude a été réalisée en 2020 sur les besoins des jeunes en situation de handicap psychique ou de grande fragilité psychique.

● Pour la rapporteure, le décloisonnement des différents outils de la politique d’aide aux jeunes majeurs constitue une véritable priorité. La connaissance du rôle de chaque acteur est essentielle, aboutissant à une meilleure relation de confiance entre les acteurs et une offre de service plus compétente et plus efficace.

Il apparaît d’abord indispensable de renforcer l’interopérabilité entre les services, en améliorant par exemple l’interconnexion des fichiers et en travaillant à la mise en place de systèmes d’information communs.

S’agissant de la coordination entre services, la rapporteure propose d’accroitre en particulier les coopérations entre l’ASE et les missions locales. Elle recommande ainsi de s’assurer de la présence d’un référent de l’ASE dans chaque mission locale et de rendre obligatoire la présence d’un représentant de ces missions à l’entretien réalisé avec le jeune, en amont de sa sortie de l’ASE.

Il est par ailleurs essentiel de faciliter les « passages de relais » entre l’ASE, la PJJ et les services de droit commun, afin de ne plus faire coïncider la fin de la prise en charge avec la fin de toutes les autres dimensions du parcours, notamment la formation, les parcours d’insertion professionnelle, ou encore les parcours de soins.

Les associations départementales d’entraide des personnes accueillies en protection de l’enfance (ADEPAPE), entendues dans le cadre des auditions, jouent en outre un rôle clé et assurent un lien essentiel entre jeunes majeurs et services spécialisés. Ces associations ne sont pourtant pas présentes sur l’ensemble du territoire. La rapporteure recommande d’associer systématiquement ces associations à l’entretien de pré-sortie réalisé avec le jeune et de veiller à leur présence dans chaque département.

Il s’agit aussi de réunir l’ensemble des parties prenantes de l’aide aux jeunes majeurs et de définir en commun des objectifs à atteindre. Les auditions ont permis de mettre en évidence la pertinence du rôle joué en ce sens par le service public de l’insertion et de l’emploi (SPIE). Le service public breton de l’emploi, de la formation et de l’insertion, constitue à cet égard un exemple particulièrement pertinent des bénéfices de cette coopération accrue entre acteurs. Celui-ci repose en effet sur une convention territoriale d’exercice concerté des compétences relatives à l’emploi, à l’insertion et la formation, entre la région Bretagne, les départements des Côtes‑d’Armor, du Finistère, de l’Ille‑et‑Vilaine et du Morbihan et a montré l’intérêt d’assurer une coordination forte entre services et collectivités (par exemple, fixer les objectifs de formation en prenant en compte l’offre d’emploi sur le territoire).

Au-delà de la coopération entre services, il apparaît essentiel d’assurer un pilotage visant à la cohérence, mais aussi au suivi et à l’évaluation de l’accompagnement proposé au jeune. Ce pilotage pourrait être confié aux commissaires à la lutte contre la pauvreté, que la rapporteure propose de renommer « commissaires à l’égalité des chances ».

 

Recommandation n° 1: renforcer le décloisonnement entre les services de l’ASE et de la PJJ et les services de droits communs (Pôle emploi, missions locales, CAF, CPAM, DDCS, logement)

– Améliorer l’interopérabilité entre services, en renforçant l’interconnexion des fichiers et en travaillant à la mise en place de systèmes d’information communs.

– Renforcer le lien entre l’ASE et les missions locales : s’assurer de la présence d’un référent ASE dans chaque mission, amené à travailler en coopération étroite avec les travailleurs sociaux qui accompagnement les jeunes majeurs vulnérables ; rendre obligatoire la présence d’un conseiller des missions locales à l’entretien préalable à la sortie de l’ASE du jeune, afin d’établir son projet personnalisé et préparer son insertion sociale et professionnelle.

– Faciliter les « passages de relais » entre l’ASE et la PJJ et les services de droit commun, afin de ne plus faire coïncider la fin de la prise en charge avec la fin de toutes les autres dimensions du parcours.

– S’appuyer sur les ADEPAPE et assurer leur présence sur l’ensemble du territoire.

– Mettre en place un pilotage de l’action menée dans le champ de l’aide aux jeunes majeurs vulnérables, assuré par les commissaires à la lutte contre la pauvreté, renommés « commissaires à l’égalité des chances ».

B.   une attention très forte portée aux jeunes majeurs vulnérables dans le projet de loi relatif à la protection des enfants

Adopté à l’unanimité en première lecture à l’Assemblée nationale le 8 juillet 2021, le projet de loi relatif à la protection des enfants porté par le secrétaire d’État à l’enfance et la famille, M. Adrien Taquet, comporte plusieurs mesures fortes à destination des jeunes majeurs vulnérables. Ces dernières, qui traduisent la détermination du Gouvernement de faire de l’insertion professionnelle et sociale de ces jeunes une priorité, constituent une avancée indéniable. La rapporteure a souhaité formuler quelques recommandations visant à en préciser les contours et en améliorer la portée.

1.   Une sécurisation du parcours des jeunes issus de l’ASE

● Parmi les nombreuses mesures du projet de loi relatives à la protection des majeurs vulnérables, les dispositions prévues à l’article 3 bis D ([36]) apparaissent les plus emblématiques. Cet article prévoit en effet de rendre obligatoire la prise en charge à titre temporaire des jeunes majeurs âgés de moins de 21 ans qui éprouvent des difficultés d’insertion sociale faute de ressources ou d’un soutien familial suffisants, lorsqu’ils ont été confiés à l’ASE avant leur majorité et qui souhaitent poursuivre cette prise en charge. Il est également prévu que la garantie jeunes soit systématiquement proposée aux jeunes majeurs pris en charge à l’ASE et qui ont besoin d’un accompagnement, ne poursuivent pas leurs études et remplissent les conditions de droit commun de ce dispositif.

Le projet de loi renforce l’information des jeunes majeurs vulnérables sur leurs droits à l’occasion de l’entretien préalable à la sortie d’ASE ([37]) et prévoit la possibilité pour chaque jeune de désigner une personne de confiance permettant de l’accompagner dans ses différentes démarches lors de son passage à la majorité ([38]). L’organisation d’un entretien avec le jeune visant à faire un bilan de son parcours et de son accès à l’autonomie six mois après sa sortie des dispositifs de protection de l’enfance, est en outre prévue à l’article 3 quater, de même que la possibilité de demander un entretien supplémentaire à sa demande, jusqu’à ses 21 ans.

Le projet de loi désigne enfin les jeunes sortant de l’ASE comme public prioritaire pour bénéficier d’un logement social ([39]).

● Ces mesures constituent un progrès certain pour les jeunes majeurs issus des services de protection de l’enfance. Les dispositions de l’article 3 bis D permettent en effet de garantir une solution d’accompagnement à chaque jeune issu de l’aide sociale à l’enfance et d’articuler les dispositifs d’insertion et d’accompagnement socio-éducatifs afin qu’aucun majeur ne se retrouve sans solution. Cet article permet également aux départements d’apprécier les modalités d’accompagnement paraissant les plus adaptées en fonction de la situation du jeune.

Il est néanmoins regrettable que le dispositif de prise en charge systématique des jeunes majeurs vulnérables par les départements, tel que prévu à l’article 3 bis D, soit limité aux jeunes ayant fait l’objet d’une prise en charge par l’ASE avant leur majorité. Ce critère d’éligibilité à l’aide aux jeunes majeurs est en effet plus restrictif que le droit en vigueur, puisque la prise en charge par l’ASE est aujourd’hui possible pour « les majeurs âgés de moins de vingt et un ans qui éprouvent des difficultés d’insertion sociale, faute de ressources ou d’un soutien familial suffisant ».

Il apparaît en effet essentiel de proposer un accompagnement aux jeunes en grande difficulté, même lorsque leur situation n’a pas été identifiée comme requérant une mesure de protection de l’enfance. Par ailleurs, les auditions ont permis de mettre en lumière que le projet de loi créée une rupture d’égalité avec les jeunes sortant des dispositifs de protection judiciaire de la jeunesse, qui ne sont pas concernés par le dispositif.

Dès lors, la rapporteure propose d’ouvrir le dispositif de prise en charge systématique des jeunes majeurs, aux majeurs de moins de 21 ans pris en charge avant leur majorité par la PJJ et à l’ensemble des jeunes du même âge éprouvant des difficultés d’insertion sociale ou professionnelle faute de ressources ou d’un soutien familial suffisant. La rapporteure recommande par ailleurs de préciser que la durée d’accompagnement du jeune doit être cohérente avec le projet établi avec le jeune.

Prenant acte des difficultés rencontrées par les jeunes issus de l’ASE dans leur chemin d’accès à l’autonomie et de la complexité de certains parcours, la rapporteure appelle aussi à expliciter la possibilité d’un droit au retour dans le dispositif d’accompagnement proposé aux jeunes majeurs vulnérables.

Afin de s’assurer de l’effectivité des dispositions du projet de loi, il est proposé de mettre en place un contrôle du respect par les départements de leurs obligations relatives à l’aide aux jeunes majeurs vulnérables.

Recommandation n° 2 : élargir et rendre effectif les dispositifs d’accompagnement systématique des jeunes majeurs vulnérables, prévus à l’article 3 bis D du projet de loi relatif à la protection des enfants

– Ouvrir le dispositif d’accompagnement systématique par le département prévu à l’article 3 bis D du projet de loi relatif à la protection des enfants aux jeunes majeurs de moins de 21 ans pris en charge par la PJJ avant leur majorité et aux majeurs de moins de 21 ans éprouvant des difficultés d’insertion sociale ou professionnelle, faute de ressources ou d’un soutien familial suffisant.

– Substituer à la notion d’accompagnement « à titre temporaire » le fait que la durée de prise en charge du jeune majeur vulnérable par le service de l’ASE doit être cohérente avec son projet d’accès à l’autonomie.

– Inscrire dans la loi la possibilité d’un « droit au retour » des jeunes majeurs vulnérables dans les dispositifs de protection de l’ASE.

– Mettre en place un contrôle du respect par les départements de leurs obligations relatives à l’accompagnement des majeurs vulnérables de moins de 21 ans.

La rapporteure souhaite enfin dans ce rapport, évoquer le cas des enfants pris en charge au titre du dispositif des pupilles de l’État, qui ne bénéficient pas de l’allocation de rentrée scolaire prévue par le code de la sécurité sociale ([40]). Elle appelle vivement à revenir sur cette rupture d’égalité par rapport aux droits ouverts à l’ensemble des enfants et jeunes placés.

2.   Améliorer la prise en charge des anciens mineurs non accompagnés (MNA)

La question des anciens MNA fait l’objet d’une attention particulière dans le projet de loi relatif à la protection des enfants, qui introduit, dans la clé de répartition des MNA entre départements, la prise en charge des jeunes majeurs devenus MNA.

En effet, depuis 2016, la loi prévoit une répartition des MNA entre départements, afin d’éviter que cette prise en charge ne pèse de façon trop disproportionnée sur certains d’entre eux. La clé de répartition, qui ne prend aujourd’hui en compte que des critères démographiques et d’éloignement géographique, apparaît aujourd’hui trop restrictive. En particulier, comme l’indiquait notre collègue Perrine Goulet dans un rapport de juillet 2019 ([41]), « cette clef de répartition ne prend aujourd’hui pas en compte le comportement vertueux des départements qui accompagnent les ex-MNA à leur majorité avec des contrats jeunes majeurs, ce qui constitue une "prime" aux départements qui délaissent les jeunes dès leurs 18 ans ».

Pour répondre à cette problématique, l’article 14 du projet de loi introduit, à côté des caractéristiques socio-économiques du département, le nombre de majeurs de moins de 21 ans anciennement MNA pris en charge au titre de l’ASE dans les critères pris en compte pour établir la clé de répartition des MNA entre départements.

La rapporteure salue cette avancée, qui devrait permettre de mieux prendre en compte les réalités des départements ayant en charge une part importante des MNA devenus majeurs et pourrait les encourager dans cette pratique. Elle propose néanmoins d’aller plus loin dans la sécurisation du parcours des MNA, en anticipant les demandes de leurs titres de séjour avant la majorité, en collaboration avec la préfecture du département. En effet, les acteurs auditionnés ont unanimement regretté l’insuffisante anticipation et l’absence de suivi de la régularisation des conditions de séjour des jeunes concernés. Comme le rappelle la Cour des comptes dans son rapport précédemment cité, il existe en effet un écart important entre le nombre de jeunes orientés vers l’ASE et, deux ou trois ans plus tard, le nombre de ceux qui formulent une demande de séjour.

Cette problématique, à l’origine de ruptures dans le parcours d’insertion des jeunes anciens MNA, constitue également une problématique pour les entreprises, qui se voient régulièrement dans l’incapacité d’embaucher ces jeunes lorsque leur situation n’est pas en règle. De nombreux anciens MNA se voient par ailleurs dans l’obligation d’interrompre leur contrat d’apprentissage du jour au lendemain à la suite d’une décision de refus d’attribution de titres de séjour. Cette situation n’est pas tolérable alors même que de nombreux secteurs connaissent aujourd’hui de fortes tensions de recrutement.

Recommandation n° 3 : anticiper les demandes de titre de séjour des mineurs non accompagnés (MNA) avant la majorité et pendant la période de prise en charge par l’ASE.

3.   Une plus grande coopération territoriale autour de l’aide aux jeunes majeurs

Le projet de loi relatif à la protection des enfants prévoit d’organiser, sous l’égide de l’observatoire départemental de la protection de l’enfance, une gouvernance territoriale renforcée, en coordination avec les services de l’État ([42]). Cette gouvernance participe de l’objectif de mise en place d’une continuité du parcours des jeunes, de lutte contre les ruptures de prise en charge et de coordination entre acteurs.

La rapporteure propose d’associer la direction territoriale de la PJJ à cette nouvelle gouvernance, afin de renforcer la coopération entre l’ASE et la PJJ en faveur des jeunes majeurs vulnérables.

Par ailleurs, elle s’associe à la proposition formulée par Brigitte Bourguignon à l’occasion des discussions autour de sa proposition de loi visant à renforcer l’accompagnement des jeunes majeurs vulnérables vers l’autonomie ([43]), de mettre en place sur chaque territoire, une « commission jeunes majeurs vulnérables », déclinée en amont pour préparer la sortie des dispositifs de protection, anticiper les besoins et éviter toute rupture dans le parcours du jeune.

Face à la problématique de l’accès au logement, la rapporteure recommande de développer au niveau de chaque territoire, une diversité de l’offre de logements en faveur des jeunes et en particulier des jeunes vulnérables, permettant de choisir un mode d’hébergement adapté à leur degré et souhait d’autonomie.

Recommandation n° 4: renforcer la gouvernance territoriale de l’aide aux jeunes majeurs vulnérables et développer une offre de logements diversifiée

– Associer la direction territoriale de la PJJ à la nouvelle gouvernance territoriale prévue dans le projet de loi relatif à la protection des enfants et mettre en place, sur chaque territoire, une « commission jeunes majeurs vulnérables ».

– Développer dans chaque territoire, une offre de logements diversifiée, permettant au jeune de choisir entre différents degrés d’autonomie.

4.   La santé des jeunes majeurs vulnérables : une urgence à prendre en compte

● Les auditions menées par la rapporteure ont permis de mettre en lumière la situation sanitaire préoccupante de nombreux jeunes issus des dispositifs de protection de l’enfance, ainsi que l’urgence d’agir face à cette problématique.

Les acteurs auditionnés ont particulièrement déploré la prise en compte lacunaire de la situation des jeunes en situation de handicap dans les dispositifs d’accompagnement proposés. Cumulant les difficultés liées à la prise en charge par les services de l’ASE et au handicap, ces jeunes souffrent en d’une « double vulnérabilité. »

L’organisation actuelle de l’aide sociale à l’enfance et de la sphère médico‑sociale ne prend en effet pas suffisamment en compte la situation de handicap, notamment psychique, des jeunes majeurs vulnérables. Il en résulte, pour les jeunes concernés, des parcours chaotiques entre les dispositifs de l’ASE et les établissements médico-sociaux comme les instituts thérapeutiques éducatifs et pédagogiques (ITEP), les instituts médico-éducatifs (IME), les services d’éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD) ou encore les centres médico‑psychologiques (CMP). Plusieurs acteurs, tels que la Fédération nationale des associations départementales d’entraide des personnes accueillies en protection de l’enfance (FNADEPAPE), soulignent d’ailleurs que certaines institutions, au premier rang desquelles figurent les IME et les ITEP, n’hésitent pas à refuser ou à exclure des jeunes.

Au-delà de la question du handicap, de nombreux jeunes se trouvent par ailleurs en situation de détresse psychique ou psychologique, dont la prise en charge est elle aussi imparfaite. Les soins proposés en hôpital psychiatrique sont par exemple peu adaptés aux jeunes majeurs. En effet, la prise en charge en pédopsychiatrie s’arrête à l’âge de 16 ans et au-delà, la prise en charge se fait dans les services adultes des hôpitaux psychiatriques.

● La rapporteure souligne l’urgence d’améliorer la prise en compte des situations de handicap des jeunes majeurs vulnérables dans les mesures de prise en charge qui leur sont proposées et de porter une attention particulière à leur santé mentale. La formation des travailleurs sociaux à ces enjeux apparait fondamentale.

Elle se joint d’abord à la préconisation n° 11 du rapport du CESE, qui propose le renforcement de la formation des assistants familiaux sur le sujet du handicap et le développement du nombre de places en famille thérapeutique : le suivi des infirmières et des infirmiers et des psychiatres s’effectue alors à domicile ou par des consultations à l’hôpital, au lieu d’une hospitalisation continue. S’agissant de la prise en charge dans un hôpital psychiatrique, le CESE propose de regrouper les jeunes de 16 à 25 ans dans des unités spécifiques. Selon le CESE, les enfants placés et jeunes majeurs issus des services de protection de l’enfance devraient avoir un droit prioritaire pour l’accès à un SESSAD ou à un IME.

La rapporteure propose par ailleurs de rendre obligatoire la présence de représentants ou représentantes des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) dans les structures de l’ASE et réciproquement.

Elle recommande enfin l’élaboration de référentiels permettant d’orienter et de guider les professionnels de l’ASE et du secteur de l’insertion chargés de la prise en charge des jeunes majeurs vulnérables.

 

Recommandation n° 5 : Adapter les dispositifs de prise en charge à la situation des jeunes majeurs vulnérables en situation de handicap et nécessitant un suivi psychiatrique

– Mieux prendre en compte le handicap psychique des jeunes en difficultés multiples en modifiant l’offre d’accueil aussi bien dans la sphère de l’ASE que dans celle du médico‑social (en améliorant notamment l’accueil des jeunes majeurs vulnérables en services de psychiatrie) ; assurer un droit d’accès prioritaire aux services d’éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD) et aux instituts médico-éducatifs (IME) (proposition issue du rapport du CESE précité).

– Rendre obligatoire la présence de représentants ou représentantes des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) dans les structures de l’ASE et réciproquement.

– Élaborer des référentiels permettant d’orienter et de guider les professionnels de l’ASE et du secteur de l’insertion chargés de la prise en charge des jeunes majeurs vulnérables et renforcer la formation des travailleurs sociaux sur la question du handicap et de la détresse psychique et psychologique.

 

 

 

 


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   Travaux de la commission

Au cours de sa seconde réunion du mercredi 27 octobre 2021, la commission des affaires sociales procède, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2022 (seconde partie), à l’audition de M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé et Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées, sur la mission Solidarité, insertion et égalité des chances, puis examine les crédits de cette mission et l’article 43, rattaché (Mme Christine CloarecLe Nabour, rapporteure pour avis) ([44]).

I.   Audition des ministres

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. La mission Solidarité, insertion et égalité des chances regroupe des programmes relevant de plusieurs ministères, ce qui est révélateur de son importance. Elle s’inscrit au cœur des préoccupations des Français, dans une période sensible.

En matière de solidarité, la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté se déploie sur tous les territoires avec des mesures emblématiques comme le petit-déjeuner à l’école, la cantine à 1 euro, les points conseils budget, dont le rôle a récemment été mis en lumière par le rapport sur le surendettement de votre collègue Philippe Chassaing, mais aussi avec la contractualisation entre l’État et les collectivités – en premier lieu métropoles et départements – qui porte ses premiers fruits.

Le petit déjeuner gratuit à l’école me tient beaucoup à cœur, car il participe à remédier à un retard à l’apprentissage. Il connaît un fort redémarrage depuis le mois de septembre : 150 000 enfants en bénéficiaient l’année dernière et nous comptons dépasser les 300 000 cette année, avec une augmentation de la fréquence des petits déjeuners sur la semaine. L’évaluation montre que le dispositif fonctionne bien, et que tout le monde est content, les enfants comme les enseignants, les parents et les maires.

Autre mesure de lutte contre les inégalités de destin, le projet de loi de finances acte l’expérimentation de la recentralisation du revenu de solidarité active (RSA) pour la Seine‑Saint‑Denis. Il s’agit de permettre à ce département de consacrer davantage de moyens à sa compétence d’insertion. Des indicateurs de processus et de résultat permettront d’évaluer en temps réel l’effectivité de l’insertion des jeunes.

La crise sociale que chacun redoutait a été évitée, même s’il nous faudra du temps pour panser les plaies du traumatisme collectif que nous avons vécu. Nous pouvons être fiers que notre République sociale et que la force de la solidarité nationale aient permis d’éviter une véritable explosion de la pauvreté dans notre pays. Grâce au chômage partiel et au fonds de solidarité, parmi d’autres dispositifs d’accompagnement, le taux de chômage est inférieur à ce qu’il était avant la crise économique de 2008 et l’investissement est en hausse. Les deux aides exceptionnelles versées au printemps et à l’automne 2020, inscrites au programme 304 Inclusion sociale et protection des personnes, ont également contribué.

La mission intègre les moyens du ministère des solidarités et de la santé. Ceux-ci seront renforcés en 2022, ce qui traduit l’importance de ses politiques, non seulement dans la crise actuelle, mais plus largement pour notre modèle de société.

En particulier, des effectifs de crise seront maintenus à la fois en administration centrale, à hauteur de 116 équivalents temps plein (ETP), et dans les agences régionales de santé (ARS), à hauteur de 167 ETP. Pour la deuxième année consécutive, le schéma d’emplois structurel du ministère sera positif : 35 ETP permettront de le réarmer, notamment au travers de ses services déconcentrés ; 118 ETP seront également mobilisés au sein des ARS et dédiés spécifiquement à la mise en œuvre des 6 milliards d’euros d’investissements du Ségur de la santé.

La crise sanitaire a prouvé combien était précieuse et même vitale une protection sociale robuste, qui ne laisse personne au bord du chemin. Si elle a rebattu les cartes, elle ne nous fait pas perdre de vue les constats établis en 2017 qui ont conduit à une stratégie ambitieuse pour mieux lutter contre la pauvreté.

Celle-ci se déploie et porte peu à peu ses fruits, même si évidemment nous sommes loin du compte et si la pauvreté reste une réalité pour des millions de nos concitoyens. Nous continuerons donc avec détermination à actionner tous les leviers possibles pour la faire reculer.

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Ce dernier budget du quinquennat consacré au handicap et à l’égalité entre les femmes et les hommes montre que nous pouvons être collectivement fiers du travail accompli et co‑construit ensemble.

Le programme 157 Handicap et dépendance de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances finance les actions engagées pour les personnes en situation de handicap et les personnes âgées en perte d’autonomie. Il est doté de 13,237 milliards d’euros, en progression de 4,5 %. Ce budget met l’accent sur trois grands axes de transformation : le plan de transformation des établissements et services d’aide par le travail (ESAT), la lutte contre la maltraitance, et bien sûr la réforme du mode de calcul de l’allocation aux adultes handicapés (AAH).

Grâce à la mobilisation de chacun, nous changeons la donne pour garantir aux personnes en situation de handicap leur juste place de citoyens à part entière et non à part.

Sur l’emploi, nous avons tenu bon durant la crise sanitaire, économique et sociale. Le taux de chômage des personnes handicapées a reculé. Leur taux d’emploi direct est en augmentation depuis le début du quinquennat : il est passé de 3,6 % à 3,8 % dans le privé, et s’élève à près de 6 % chez les employeurs publics. Une prise de conscience massive est en cours ; l’emploi des personnes handicapées est un vrai enjeu de ressources humaines au regard de la responsabilité sociale des entreprises.

L’activité professionnelle est au cœur des demandes des personnes en situation de handicap – c’est bien notre projet de société.

Trois mesures issues du plan de transformation des ESAT trouvent place dans ce projet de loi de finances.

D’abord, 10 millions d’euros sont consacrés à l’annualisation du calcul de l’aide au poste que ces établissements perçoivent. Un énorme chantier a été mené en six mois, notamment grâce aux associations concernées. Il était un préalable indispensable pour garantir financièrement le droit au retour des travailleurs ayant intégré le milieu ordinaire mais dont le contrat de travail a été rompu. Il s’agit de fournir le filet permettant de sécuriser la prise de risque que constitue le départ vers le milieu ordinaire, en l’accompagnant en tant que de besoin et en garantissant l’aller-retour.

Ensuite, nous investissons 1,2 million d’euros pour simplifier le quotidien des professionnels en dématérialisant enfin la transmission des bordereaux de paiement depuis les ESAT vers l’Agence de services et de paiement de l’État.

Enfin, 15 millions d’euros, inscrits, ceux-là, au programme Cohésion de la mission Plan de relance, sont dédiés au nouveau fonds d’aide à la transformation des ESAT mais aussi à l’aide au recrutement des salariés en situation de handicap, prolongée jusqu’à la fin du mois de décembre. Plus de 21 000 contrats ont ainsi été signés, dont 71 % en contrats à durée indéterminée, et 80 % dans des très petites entreprises et des petites et moyennes entreprises : le dispositif agit donc comme un vrai levier de la relance. Des financements supplémentaires, à hauteur de 15 millions, sont dédiés aux dispositifs d’emplois accompagnés : le job coaching produit également ses effets.

La principale dépense du programme 157 est l’AAH. Près de 12 milliards d’euros de crédits y sont consacrés, soit une progression de 25 % sur l’ensemble du quinquennat et 2,4 milliards de plus qu’en 2017.

Dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2022, les crédits augmentent de 563 millions d’euros. Cette hausse est bien sûr liée à la dynamique démographique des plus d’un million d’allocataires, mais elle résulte également de la revalorisation exceptionnelle à 904 euros intervenue en 2018, soit 100 euros de plus par mois et 2 milliards de dépenses supplémentaires.

Cette hausse concrétise surtout l’engagement fort que j’avais pris devant l’Assemblée nationale en juin dernier s’agissant de la réforme du calcul de l’AAH. Ce PLF instaure en effet un abattement forfaitaire de 5 000 euros sur les revenus du conjoint du bénéficiaire, qui se substitue à l’abattement existant de 20 %. Pour traiter toutes les situations, nous y ajoutons un abattement supplémentaire de 1 100 euros par enfant à charge.

Ce dispositif est plus redistributif et plus juste : il permet aux personnes inactives dont le conjoint est au SMIC de percevoir une AAH à taux plein. Au total, 120 000 foyers vont bénéficier d’une hausse moyenne de 110 euros par mois, pour un coût estimé à 185 millions, sans aucun perdant. En particulier, les 44 000 personnes en couple qui travaillaient n’y perdront pas un centime.

En cas de changement de situation familiale – décès ou séparation –, grâce à la caisse d’allocations familiales (CAF), les ressources du conjoint ne seront plus prises en compte dans le calcul de l’AAH dans un délai de dix jours. Cette mesure s’applique évidemment en cas de séparation consécutive à des violences conjugales.

Le programme 137 Égalité entre les femmes et les hommes finance les actions participant à la politique engagée en faveur de cette égalité, qui a été érigée au rang de grande cause nationale du quinquennat. Après une hausse de 40 % en 2021, le budget alloué au secrétariat d’état chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes connaîtra en 2022 une augmentation de 25 %. Ce sont 9,1 millions d’euros supplémentaires qui viendront renforcer trois axes prioritaires : la prévention et la lutte contre les violences faites aux femmes, l’égalité économique entre les femmes et les hommes, l’accès au droit et la diffusion de la culture de l’égalité.

Ces crédits accompagneront le développement des mesures issues notamment du Grenelle contre les violences conjugales. D’abord, l’extension des horaires du 3919 – depuis le 30 août 2021, le numéro fonctionne vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept. Ensuite, le renforcement de la structuration du réseau de lieux d’écoute, d’accompagnement et d’orientation ainsi que des accueils de jour. Les places d’hébergement réservées aux victimes de violences auront ainsi augmenté de façon tout à fait inédite depuis 2017 : en progression de 60 %, leur nombre atteindra 7 800 places disponibles à la fin 2021. Quant au financement à la place, sa revalorisation sera de 30 %, passant de 25 euros à 35 euros en moyenne.

Enfin, afin de lutter contre le passage à l’acte et contre la récidive des auteurs de violences faites aux femmes, vingt-sept centres de prise en charge des auteurs de violences conjugales (CPCA) ont vu le jour, et trois seront prochainement créés. Environ 3 000 hommes y ont été reçus.

Le budget pour 2022 est donc ambitieux. Il porte en lui la volonté d’une société de l’autodétermination et non de l’assignation à résidence, une société inclusive, qui protège, une société de la diversité, aux fondements de notre engagement et de notre richesse.

Mme Christine Cloarec-Le Nabour, rapporteure pour avis des crédits de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances. La discussion du PLF 2022 intervient dans un contexte heureusement différent de celui de 2021, et marqué par une amélioration de la situation économique. Si nous pouvons nous en réjouir, nous devons redoubler d’efforts pour améliorer la situation de nos concitoyens les plus fragiles, objectif que nous poursuivons sans relâche depuis le début du quinquennat.

La mission Solidarité, insertion et égalité des chances est celle dont les crédits ont le plus augmenté depuis cinq ans, passant de 19,7 milliards d’euros en 2017 à 27,6 milliards en 2022, soit une augmentation de 50 % : c’est considérable et à la hauteur des enjeux.

Une nouvelle fois, l’évolution du budget est dynamique, avec des crédits de 27,9 milliards d’euros en AE et 27,6 milliards d’euros en CP.

Le programme 304 Inclusion sociale et protection des personnes augmente de 6,08 %. Le soutien à la prime d’activité, qui bénéficie aujourd’hui à 4 300 000 foyers, achève sa montée en charge après la revalorisation importante opérée en 2019. L’inscription de 565 millions d’euros au titre des crédits alloués à l’expérimentation de la recentralisation du RSA pour les départements volontaires prend en compte la participation nouvelle de la Seine‑Saint‑Denis. Les efforts en faveur de la stratégie de prévention et de protection de l’enfance 2020-2022 et de celle de prévention et de lutte contre la pauvreté se poursuivent. Ces stratégies de réduction des inégalités reposent sur une méthode de contractualisation entre l’État et les départements.

D’autres mesures fortes de justice sociale sont prises hors du cadre contractuel, en particulier la tarification sociale des cantines et le petit déjeuner à l’école, qui bénéficient respectivement de 19 millions et 28 millions d’euros supplémentaires en 2022.

Le programme 157 Handicap et dépendance met, comme en 2021, l’accent sur l’accès et sur le retour durable dans l’emploi des personnes en situation de handicap, en consacrant un investissement important aux aides aux postes et à l’emploi accompagné.

Il traduit également une réforme majeure de l’AAH pour les bénéficiaires en couple : l’article 43 du PLF prévoit ainsi de remplacer l’abattement proportionnel applicable sur les revenus du conjoint par un abattement de 5 000 euros, auquel s’ajoute un abattement supplémentaire de 1 100 euros par enfant. Cette réforme permettra aux bénéficiaires en couple et ne travaillant pas de percevoir une allocation à taux plein lorsque leur conjoint perçoit jusqu’à un SMIC. Au total, ce sont 60 % des 150 000 couples dont le bénéficiaire de l’AAH est inactif qui percevront cette allocation à taux plein.

Sous ce quinquennat, l’AAH aura connu une revalorisation sans précédent : de 819 euros en 2018, son montant mensuel à taux plein est passé à 904 euros aujourd’hui. Cette mesure a bénéficié à plus de 1 200 000 de nos concitoyens.

Le programme 137 Égalité entre les femmes et les hommes connaît, lui aussi, une augmentation importante, de 21 % supérieure à l’année précédente. La protection des femmes contre les violences tient une place centrale dans le budget pour 2022, qui consacre à cette politique plus de 8 millions d’euros supplémentaires. Citons l’investissement dans les lieux d’écoute, d’accueil et d’orientation (LEAO) et les accueils de jour ; la poursuite du déploiement de la plateforme d’écoute téléphonique pour les femmes victimes de violences, le 3919, ouverte vingt-quatre heures sur vingt-quatre, avec une meilleure accessibilité aux femmes des territoires ultramarins et aux femmes en situation de handicap ; le développement de la mise en sécurité des victimes dans les situations d’urgence ; la montée en charge des trente CPCA désormais en activité, ainsi que l’accent mis sur la lutte contre la prostitution.

La partie thématique de mon rapport pour avis porte sur l’accompagnement des jeunes majeurs vulnérables. Cette question, qui me tient particulièrement à cœur, a fait l’objet de différents travaux mobilisant plusieurs députées de la commission : Fiona Lazaar, notre ancienne collègue Brigitte Bourguignon, Monique Limon, Bénédicte Pételle, Michèle Peyron et Perrine Goulet.

J’ai choisi de considérer comme étant de jeunes majeurs vulnérables, non seulement ceux qui sortent du dispositif de prise en charge par les services de la protection de l’enfance, mais aussi ceux qui n’ont pas été pris en charge par ces services, mais sont confrontés à des difficultés familiales, sociales et éducatives susceptibles de compromettre gravement leur équilibre.

Ces jeunes cumulent les vulnérabilités : à la fragilité de leurs liens familiaux et amicaux s’ajoutent souvent d’importantes difficultés pour trouver un logement stable et autonome – environ une personne sans domicile fixe sur quatre serait issue de l’aide sociale à l’enfance (ASE) –, l’éloignement de l’emploi et des études supérieures, ainsi que la récurrence des situations de handicap et de souffrance psychique : 25 % à 30 % des enfants faisant l’objet d’un placement sont en situation de handicap, principalement psychique ou lié à des troubles neurocomportementaux.

Les réponses apportées à ces problèmes paraissent insuffisantes. D’une part, ces jeunes subissent de manière récurrente une forte injonction à l’autonomie, qui les pousse à devenir indépendants bien avant les autres, alors même qu’ils disposent de ressources financières et familiales moindres. D’autre part, la prise en charge proposée est inégale selon les territoires, puisque le contrat jeune majeur, qui permet à son bénéficiaire d’être suivi jusqu’à ses 21 ans par les services de l’ASE, fait l’objet d’une application à géométrie variable d’un département à l’autre. Je salue les importants chantiers engagés par le Gouvernement pour améliorer l’accompagnement des jeunes majeurs vulnérables, tout en proposant, à l’issue des auditions que j’ai menées, d’aller encore plus loin.

Le manque de coordination entre les acteurs chargés de l’accompagnement global des jeunes vers l’emploi et l’autonomie – services de l’ASE, protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), missions locales, Pôle emploi et associations – est constaté depuis longtemps. Le Gouvernement s’est efforcé d’y remédier. Ainsi, la contractualisation entre l’État et les départements vise à lutter contre les sorties sèches de l’ASE. L’accord-cadre signé en novembre 2020 par l’Union nationale des missions locales, l’Union nationale pour l’habitat des jeunes et la Convention nationale des associations de protection de l’enfant va également dans ce sens.

La poursuite du décloisonnement des différents outils de la politique d’aide aux jeunes majeurs me semble constituer la principale priorité. Cela passe par la connaissance de chaque acteur, par une meilleure coordination entre les uns et les autres et par l’amélioration de l’interopérabilité entre les services. Les auditions ont permis de mettre en évidence le rôle que peut jouer le service public de l’insertion et de l’emploi (SPIE) en la matière. Au-delà de la coopération entre services, il apparaît essentiel d’assurer un pilotage visant à la cohérence, mais aussi au suivi et à l’évaluation de l’accompagnement proposé au jeune. Ce pilotage pourrait d’ailleurs être confié aux commissaires à la lutte contre la pauvreté, que je propose de renommer « commissaires à l’égalité des chances ».

Il faut parfaire le dispositif d’accompagnement des jeunes majeurs vulnérables prévu dans le projet de loi relatif à la protection des enfants, défendu par le secrétaire d’État Adrien Taquet. Ce texte comporte une mesure particulièrement ambitieuse : la prise en charge systématique, à titre temporaire, des jeunes majeurs âgés de moins de 21 ans qui éprouvent des difficultés d’insertion sociale faute de ressources ou d’un soutien familial suffisant, lorsqu’ils ont été confiés à l’aide sociale à l’enfance avant leur majorité et souhaitent que cette prise en charge se poursuive. Il est également prévu que soit proposé systématiquement aux anciens mineurs de l’ASE un contrat jeune majeur ou une entrée en garantie jeunes à ceux qui ont besoin d’un accompagnement, ne poursuivent pas leurs études et remplissent les conditions de droit commun d’accès aux dispositifs.

Il me semble essentiel d’ouvrir cet accompagnement aux jeunes n’ayant pas été pris en charge par les dispositifs de l’aide sociale à l’enfance mais qui éprouvent des difficultés d’insertion sociale, faute de ressources ou d’un soutien familial suffisant. Il est également souhaitable d’ouvrir cet accompagnement à tous les jeunes majeurs issus des dispositifs de la PJJ, qui connaissent la plupart du temps les mêmes vulnérabilités que le public de l’ASE. Afin de mettre fin à l’importante injonction à l’autonomie, dont les effets sont délétères, je propose d’expliciter la possibilité d’un droit au retour dans un dispositif d’accompagnement.

La prise en charge des anciens mineurs non accompagnés (MNA) doit également être améliorée. Il convient d’abord de saluer la prise en compte du nombre de majeurs de moins de 21 ans anciennement MNA pris en charge au titre de l’ASE dans les critères retenus pour établir la clef de répartition des mineurs non accompagnés entre départements. Néanmoins, les acteurs regrettent depuis longtemps l’insuffisante anticipation et l’absence de suivi de la régularisation des conditions de séjour des MNA. Cette question, à l’origine de ruptures dans le parcours d’insertion des anciens MNA, constitue également un problème pour les entreprises, qui se trouvent régulièrement dans l’incapacité d’embaucher ces jeunes lorsque leur situation n’est pas en règle ; parfois aussi, les contrats d’apprentissage sont interrompus du jour au lendemain.

À cet égard, comment les services mettent-ils en œuvre l’instruction, signée en septembre 2020 par le ministre de l’intérieur, relative à l’examen anticipé des demandes de titre de séjour des mineurs étrangers confiés au service départemental de l’ASE ?

Nous proposons d’améliorer la gouvernance territoriale de l’aide aux jeunes majeurs prévue dans le projet de loi en associant la direction territoriale de la PJJ. Nous préconisons également de créer une commission jeunes majeurs vulnérables dans chaque territoire.

Par ailleurs, il est indispensable de développer une offre d’hébergement diverse, permettant au jeune de choisir son logement en fonction son degré d’autonomie.

Enfin, nous devons prendre des mesures fortes pour mieux prendre en compte la situation des jeunes majeurs vulnérables handicapés et celle des jeunes en souffrance psychique. S’agissant des jeunes présentant cette double vulnérabilité, quelle coopération existe entre les travailleurs sociaux, les conseillers en insertion et les experts du secteur médico-social, et qu’en est-il de leur formation ?

Le projet de loi relatif à la protection des enfants, en cours d’examen au Sénat, nous promet des débats passionnants.

En attendant, j’émets un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances.

M. Thierry Michels (LaREM). Cette mission importante mobilise 27 milliards d’euros en 2022. Depuis 2018, ses crédits ont connu une très forte hausse – 40 % – sous l’impulsion de la majorité présidentielle, fidèle à la promesse de 2017 de libérer les énergies et protéger les plus fragiles. J’en veux pour preuve la revalorisation exceptionnelle de la prime d’activité et celle de l’AAH. Cet effort se poursuit en 2022, avec des crédits en hausse de plus de 3 % pour l’ensemble des programmes de la mission.

Davantage de solidarité, c’est soutenir ceux qui ont une activité mais ne parviennent pas à en vivre suffisamment bien. Tel est l’enjeu du soutien aux bas salaires, prévu dans le programme 304 Inclusion sociale et protection des personnes, dont la mesure phare, à savoir la prime d’activité, voit son budget passer de 11,1 milliards à 11,7 milliards d’euros. Avec cette augmentation de 5,4 %, nous ferons en sorte que le travail paie mieux pour les travailleurs modestes. En 2021, plus de 4 200 000 personnes ont bénéficié du dispositif.

L’État co‑construit la solidarité nationale dans les territoires à travers une politique de contractualisation, pour mieux toucher les personnes en situation de précarité, comme l’illustrent les 325 millions d’euros alloués au financement de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. Celle-ci intègre, pour 2022, 25 millions spécifiquement dédiés à la protection de l’enfance. Si l’État co‑construit, il sait également prendre ses responsabilités vis-à-vis des collectivités locales, comme en témoigne la recentralisation du RSA pour le département de la Seine‑Saint‑Denis dès le 1er janvier 2022.

Concernant la politique du handicap, priorité du quinquennat, la majorité est également au rendez-vous de ses engagements de 2017. Nous avons fait progresser les crédits alloués aux personnes en situation de handicap bénéficiaires de l’AAH, avec la revalorisation inégalée mise en œuvre en 2017 : ils dépassent désormais 13 milliards d’euros. La réforme prévue à l’article 43 du PLF prévoit une augmentation de l’AAH pour 120 000 foyers, à raison de 110 euros supplémentaires par mois en moyenne, pour un montant de plus de 200 millions. De nombreux collègues ont voulu centrer le débat sur la question de la déconjugalisation. Même si cela est respectable, notre majorité a préféré garder le cap et amplifier l’effort pour augmenter le niveau de l’AAH pour un plus grand nombre de bénéficiaires, sans faire de perdants.

Le programme concrétise également la transformation de l’offre des ESAT, à la lumière des enseignements de la crise sanitaire, comme annoncé lors du comité interministériel du handicap de juillet dernier, pour faire en sorte que l’aide au poste au titre de la garantie de rémunération des travailleurs handicapés soit aussi pertinente que possible. Ce dispositif concerne 120 000 personnes, pour un montant de 1,4 milliard d’euros.

Cet effort en faveur de l’insertion dans l’emploi doit s’apprécier dans le cadre de la politique d’ensemble pour une société inclusive que vous animez depuis 2017, madame la secrétaire d’État. Je pense en particulier à l’action 03 du programme 364 Cohésion dans la mission Plan de relance, qui renforce les dispositifs d’aide à l’emploi des personnes en situation de handicap. Mieux inclure et protéger dans l’emploi les personnes en situation de handicap est en effet une constante de votre politique, matérialisée également par le référent handicap de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, amplifiée par la loi pour renforcer la prévention en santé au travail, et qui se concrétise dans le budget pour 2022.

Le budget alloué à l’égalité entre les femmes et les hommes a, lui aussi, connu une nette progression. Si l’action du Gouvernement dans ce domaine dépasse le périmètre de la mission que nous examinons, cette dernière illustre l’effort important que nous consacrons à cet enjeu de société. Le programme voit ainsi ses crédits augmenter de 22 % cette année, après une augmentation de 37 % l’année précédente. Ainsi, plus de 5 millions d’euros sont prévus dans le PLF pour la mise en œuvre des mesures issues du Grenelle contre les violences conjugales.

À l’avenir, l’accompagnement dans la transition écologique de nos concitoyens les plus fragiles et les plus modestes sera un enjeu important. Vous soumettrez au débat la nécessité de faire la promotion de la carte mobilité inclusion et de développer des solutions de transport à la demande solidaire, pour permettre à ces personnes d’accéder aux zones à faibles émissions des métropoles, de manière à ne laisser personne au bord de la route.

Mon groupe apporte son soutien plein et entier au budget de cette mission. C’est un budget solide, sérieux et surtout nécessaire au vu des défis sociaux auxquels notre pays est confronté, et de l’accompagnement que ce contexte impose pour consolider la cohésion sociale.

Mme Isabelle Valentin (LR). Cette mission connaît une relative stabilité, avec une augmentation pour le programme 137 Égalité entre les femmes et les hommes et une diminution pour le programme 124 Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales, en raison du transfert des emplois liés au sport et à la vie associative au ministère de l’éducation nationale. Les deux principaux programmes sont le programme 157 Handicap et dépendance et le programme 137.

La mission témoigne de l’effort public particulier qui est consenti en faveur de la lutte contre la pauvreté et de la réduction des inégalités. Derrière la crise que traversent la France et l’Europe, ce sont autant de drames humains qui frappent nos territoires.

En 2022, 92,9 millions d’euros seront dédiés aux mineurs non accompagnés, dans le cadre du dispositif d’accueil et d’orientation, contre 141 millions en 2019, 162 millions en 2020 et 120 millions en 2021. Les modalités de la participation forfaitaire de l’État ont changé le 1er janvier 2019. Une aide de 500 euros par jeune évalué sera apportée aux départements, ainsi qu’un remboursement forfaitaire pour l’hébergement de ces jeunes : 90 euros pendant quatorze jours puis 20 euros pendant neuf jours. Or un mineur non accompagné coûte 65 000 euros par an au département. Quelles compensations ou quelles mesures le Gouvernement compte-t-il mettre en place pour permettre aux départements d’accueillir ces jeunes de façon décente et de faire face aux charges importantes que cela suppose ?

S’agissant du handicap, les réponses proposées sont globalement mitigées. Si l’on ne peut que saluer la revalorisation de l’AAH, de nombreux chantiers restent en suspens, à commencer par la déconjugalisation de l’allocation, qu’il est primordial d’instaurer. Il en va de même de l’ouverture de la prestation de compensation du handicap (PCH) aux personnes ayant des troubles neurologiques et psychologiques.

Le chantier du grand âge et de l’autonomie est, pour sa part, toujours à l’arrêt, avec l’abandon du projet de loi que nous attendions pourtant depuis le début de la législature. Étant donné l’évolution de la démographie, ce projet de loi est essentiel. Il est très attendu par les acteurs du grand âge et par les Français. Il devra reposer sur la solidarité et prendre en compte la prévention, l’hébergement, le maintien à domicile, ou encore le statut des aidants et des accueillants familiaux. Il devra être novateur et s’inspirer de ce qui se fait dans les territoires.

Les crédits consacrés à l’égalité hommes-femmes sont en hausse par rapport au budget précédent, mais on est loin des moyens qui devraient être alloués à cette grande cause du quinquennat.

Enfin, le programme 124, qui rassemble les moyens de fonctionnement des administrations du secteur des affaires sociales, de la santé et de la ville ainsi que les dépenses de personnel du ministère des droits des femmes, est en légère hausse.

Face à l’absence de mesures fortes concernant notamment la prévention, le handicap, le grand âge, l’autonomie et la famille, et compte tenu de la baisse de certains moyens – principalement ceux de l’aide alimentaire et du soutien à la jeunesse –, le groupe Les Républicains votera contre les crédits de la mission.

Mme Perrine Goulet (Dem). Je mettrai à profit mon temps de parole pour interroger le Gouvernement sur certains points.

S’agissant de l’ASE, la doctrine du ministère est de mettre en place une contractualisation accrue avec les départements. Cette approche peut effectivement se révéler pertinente, car l’élaboration d’un contrat est susceptible de révéler des réalités différentes. Le budget et le nombre de départements concernés augmentent encore cette année, mais ces contractualisations sont noyées dans les différentes missions : la granularité des documents budgétaires ne nous permet pas de nous faire une idée du fonctionnement de ces contrats au niveau des départements. Quels sont les objectifs communs qui ont été fixés aux départements et par quels indicateurs seront-ils suivis ? Comment pouvons-nous avoir accès à ces données, de manière à effectuer notre travail de parlementaires ?

Lors des auditions, la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) nous a indiqué que le taux de jeunes majeurs ayant un logement stable était passé de 61 % en 2019 à 79 % en 2020. Si ce chiffre en augmentation peut nous satisfaire, il appelle toutefois une question : que sont devenus les 21 % restants ? La DGCS nous a également indiqué que 75 % des jeunes devenus majeurs en 2020 avaient fait l’objet d’une prise en charge dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et d’action contre la pauvreté. On en déduit donc que 25 % n’ont pas été pris en charge. Cela interpelle, car nous avions voté l’année dernière une mesure salutaire visant à interdire les sorties sèches de l’ASE durant la crise sanitaire. Le taux de prise en charge devrait donc être plus élevé.

Il est également ressorti des auditions que l’orientation systématique des jeunes sortant de l’ASE vers la garantie jeunes ne convient pas à tous. Le dispositif a été construit dans la perspective de l’insertion professionnelle. Or cet objectif n’est pas atteignable pour certains jeunes, qui ont d’autres problèmes à régler auparavant. Quels moyens complémentaires donne‑t‑on aux missions locales pour accueillir ce nouveau public et leur permettre de proposer un accompagnement différent ?

En ce qui concerne les mineurs non accompagnés, une circulaire du ministère de l’intérieur enjoint aux préfets de procéder, l’année précédant leurs 18 ans, à un examen de régularisation. Ce dispositif est particulièrement pertinent, mais nous aimerions savoir quel est le retour du terrain à propos de cette circulaire. Qu’en est-il, par ailleurs, de l’application, ou plutôt la non‑application, de l’article 262 de la loi de finances pour 2021 aux termes duquel le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard le 1er juin 2021, un rapport sur les actions menées à destination des MNA accueillis par la France. Ce rapport ne nous a pas été remis. Il y va du respect dû à la loi, mais aussi au Parlement.

Pour être correctement assurée, la protection de l’enfance a besoin de personnel, d’éducateurs. Les confinements successifs ont montré l’engagement des personnels auprès des enfants. Ces acteurs du champ sanitaire et social, qui ne sont pas financés par la sécurité sociale, sont en attente d’une reconnaissance, notamment financière. La difficulté réside dans la disparité des employeurs. Où en sont les discussions avec ces personnels et que peuvent-ils espérer ? Ils ne doivent pas être les oubliés des revalorisations en cours. Par ailleurs, pourrions‑nous disposer d’un bilan de la prime exceptionnelle de 2020, distribuée conjointement par l’État et les départements ?

Nous avons eu cette année de nombreuses occasions de nous exprimer à propos de l’AAH, qui a été fortement revalorisée au cours de la législature. La position de la majorité est arrêtée ; il n’y a pas lieu d’y revenir. Le travail parlementaire sur la politique du handicap n’est pas aisé, car celle-ci est partagée entre le PLF et le PLFSS. La conjugalisation de l’AAH étant actée, il convient de permettre de travailler aux personnes handicapées qui le peuvent. Quelles sont les actions mises en œuvre à cet égard et quels en sont les résultats ?

Au gré de mes visites, j’ai entendu de nombreuses interrogations à propos de la réforme des services et établissements pour une adéquation des financements aux parcours des personnes handicapées (SERAFIN-PH). Il m’intéresserait d’avoir un point d’étape sur cette tarification qui va concerner les ESAT, les foyers, les services d’accompagnement à la vie sociale et les instituts médico-éducatifs.

La situation de nos compatriotes atteints d’un handicap est prise en considération par le programme 157, à travers l’AAH, mais il existe aussi, en miroir, les dispositions du PLFSS relatives à la PCH. Des réflexions ou des travaux sont-ils en cours sur la PCH, afin notamment de répondre aux détracteurs des choix faits pour l’AAH ?

En tout état de cause, mon groupe votera les crédits de cette mission, qui soutiennent des politiques publiques essentielles pour garantir la solidarité entre nos concitoyens.

M. Boris Vallaud (SOC). La mission Solidarité, insertion et égalité des chances est particulièrement importante, au regard notamment des effets de la crise économique causée par la covid-19, qui a aggravé la pauvreté. Partout en France, les files d’attente devant les banques alimentaires s’allongent. Le nombre d’allocataires du RSA croît trop vite, l’indice de Gini – qui retrace les inégalités – se dégrade. En outre, votre réforme de l’assurance chômage va réduire les allocations de plus de 15 millions de personnes.

En réponse à cela, aucune stratégie n’est retranscrite dans cette mission. Logiquement, les crédits que vous proposez pour aider les plus fragiles d’entre nous ne sont donc pas à la hauteur. Ils augurent même de graves reculs sociaux pour 2022. J’en prendrai quatre exemples.

Le premier concerne les crédits alloués à l’aide alimentaire. En dépit des files d’attente devant les banques alimentaires qui se grossissent à nouveau de notre jeunesse, vous avez l’audace de proposer une baisse de 12 %, soit 8 millions d’euros, des crédits dédiés à l’aide alimentaire. Après un tel coup de rabot budgétaire, que vont distribuer les épiceries solidaires et les associations de secours à toutes les personnes qui en ont manifestement besoin, alors même que vous refusez nos propositions sur l’extension du RSA aux 18‑25 ans ? Comment les jeunes les plus défavorisés de notre pays vont‑ils se nourrir ?

Mon deuxième exemple concerne la hausse de 1,2 %, soit une baisse de 0,3 % en valeur nette si l’on tient compte de l’inflation, des crédits de l’action 17 Protection et accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables. Cette action finance pourtant la prise en charge des mineurs non accompagnés, les mesures liées aux 1 000 premiers jours de vie, issues du rapport de Boris Cyrulnik, ou encore la stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance 2020‑2022. Ce sont autant de politiques publiques dont vous allez donc réduire les crédits. De plus, le projet de loi relatif à la protection des enfants contient quelques avancées qui vont accroître les exigences des départements en la matière. Dès lors, comment expliquer cet écart entre vos ambitions et la réalité budgétaire dont nous sommes les témoins ?

Mon troisième exemple porte sur les crédits alloués à l’AAH. Certes, ils augmentent de 4 %, mais cela couvre seulement la hausse du nombre des bénéficiaires. Qui plus est, avec un montant moyen de 759 euros, l’allocation restera largement en dessous du seuil de pauvreté. Outre cette stabilisation des crédits qui ne dit pas son nom, vous n’accédez toujours pas à la principale demande des allocataires de l’AAH et des associations qui les représentent, qui a recueilli un large consensus dans les groupes d’opposition, à savoir la dignité. En effet, malgré l’unanimité parmi les oppositions, vous n’ouvrez pas la voie à la déconjugalisation de l’AAH. Vous la remplacez par une réformette du mode de calcul. Vous refusez donc la dignité à des milliers de personnes ; c’est indigne.

Mon quatrième exemple porte sur les crédits pour l’égalité entre les femmes et les hommes, prétendument la grande cause du quinquennat. En réalité, les AE baissent de 2 %, quand bien même les CP augmentent. Cela augure d’une baisse des CP dans les années à venir. Nous saluons les mesures que vous avez prises en la matière, comme l’ouverture vingt-quatre heures sur vingt-quatre du 3919, même si elles sont largement insuffisantes.

Quelle est votre réelle ambition, dès lors que vous baissez les crédits de ce programme de près de 3 % par rapport à 2021 ? Comment allez-vous lutter contre les violences faites aux femmes avec cette diminution des crédits, alors que tous les trois jours une femme décède, victime de son partenaire ou de son ex‑partenaire ? Comment allez-vous lutter contre les inégalités salariales ? Si nous attendons, l’égalité ne sera acquise qu’en 2126. Toutes les femmes, les associations de défense de leurs droits et toute la société française vous le demandent.

Enfin, nous avons une interrogation majeure à propos de l’action 11, qui comporte les crédits relatifs au RSA jeune. Nous n’avons pas trouvé les crédits finançant le revenu d’engagement, ce qui est logique puisque vous avez annoncé vouloir introduire celui‑ci par voie d’amendement. Pouvez-vous cependant nous informer des conditions d’accès à ce nouveau dispositif ? Va-t-il remplacer la garantie jeunes ? Ces questions appellent des réponses précises de la part du Gouvernement ; beaucoup d’organisations non gouvernementales et de syndicats les exigent.

Alors que la crise a creusé les inégalités sociales, que l’inclusion des personnes handicapées ne progresse pas, que votre ambition affichée en matière de protection de l’enfance ne trouve pas de traduction budgétaire, que les inégalités entre les femmes et les hommes sont toujours aussi criantes, vous n’apportez en définitive aucune réponse globale et n’appliquez qu’une logique budgétaire et comptable à des enjeux bien plus complexes. Vous ne serez donc pas surpris que nous votions contre l’adoption des crédits de la mission.

Mme Annie Chapelier (Agir ens). Cette mission, dotée de 27,6 milliards d’euros, voit son budget augmenter de 5,2 % par rapport à la précédente loi de finances. L’écrasante majorité de ses crédits – plus de 80 % – est dévolue au financement de l’AAH et à la prime d’activité.

Le texte prévoit un abattement fixe sur les revenus du conjoint du bénéficiaire de l’AAH, ce qui permettra à 120 000 foyers de voir leur allocation augmenter de 110 euros par mois en moyenne. Il convient de saluer cette avancée. Si le groupe Agir ensemble reconnaît l’effort énorme consenti par le Gouvernement pour revaloriser cette aide, il regrette que la déconjugalisation de l’AAH, mesure très majoritairement soutenue par les membres du groupe, ne fasse pas l’objet d’une action plus ambitieuse. Nous avons débattu à plusieurs reprises de la question, et encore très récemment, lors de l’examen de la proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale et de la proposition de loi visant à plus de justice et d’autonomie en faveur des personnes en situation de handicap. Nous entendons vos arguments, madame la secrétaire d’État, mais nous entendons aussi ceux des familles et des associations en faveur de la déconjugalisation – et ils sont nombreux. Nous espérons donc que l’abattement fixe ne constituera qu’une première étape.

Le programme 137, consacré à l’égalité entre les femmes et les hommes, voit, lui aussi, sa dotation financière considérablement augmenter : elle est en hausse de 22 % par rapport à celle de 2021, ce qui représente une hausse de plus de 50 millions. Après une première augmentation de 37 % des moyens du programme entre 2020 et 2021, cette nouvelle hausse réaffirme l’égalité entre les femmes et les hommes comme la grande cause du quinquennat. Nous votons ainsi pour plus de prévention et d’intervention contre les violences faites aux femmes, pour une meilleure insertion professionnelle des femmes, notamment par la création d’entreprises et le développement de la mixité des métiers, et pour le développement de lieux d’accueil de proximité sur l’ensemble du territoire national, dont l’outre-mer, dont il est beaucoup question.

Une interrogation persiste tout de même à propos de la baisse des crédits du programme 124. À quoi correspond la diminution de 6 % de l’action 20, censée mettre en œuvre les politiques en faveur des droits des femmes ? Cette baisse risque de fragiliser l’ambition consistant à augmenter le budget en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes. Aussi, et alors que nous sortons des premières assises de l’égalité économique et professionnelle entre les femmes et les hommes, je tenais à souligner que l’égalité est un combat permanent ; nous ne devons jamais lâcher. À cet égard, j’ai une pensée pour la présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, notre collègue Marie‑Pierre Rixain, qui a vu sa proposition de loi visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle subir d’importantes coupes au Sénat. Je lui apporte tout mon soutien et lui rappelle que nous serons là pour défendre une société plus juste, plus égalitaire, plus équitable, où chacun est reconnu à sa juste valeur.

Malgré ces quelques interrogations, le groupe Agir ensemble soutiendra avec conviction cette mission budgétaire.

Mme Valérie Six (UDI-I). La crise sanitaire ayant exacerbé les inégalités, la solidarité nationale doit être plus que jamais au cœur de nos préoccupations. Les crédits de l’action 14 Aide alimentaire du programme 304 diminuent de 12 %. Selon le rapport, une telle baisse s’explique par « l’inflexion de la dépense associée à la contribution de la France au Fonds européen d’aide aux plus démunis (FEAD) par rapport à l’exercice 2021 ». Il est vrai que le pouvoir d’achat des Français a augmenté et que le stock d’épargne est très important, mais il est tout aussi vrai qu’à Roubaix, dans ma circonscription, le Secours populaire aide cette année deux mille familles de plus, soit 23 000 personnes au total, ce qui représente un quart de la population. Avant la crise sanitaire, il y distribuait dix colis alimentaires par jour ; aujourd’hui, il en distribue cent soixante-quinze. Ce qui est vrai à Roubaix l’est aussi dans bien d’autres villes, où un nombre de plus en plus important de nos concitoyens ne parvient plus à joindre les deux bouts. Dès lors, comment comprendre que le budget alloué à l’aide alimentaire diminue de près de 8 millions d’euros ?

J’appelle par ailleurs votre attention sur la hausse des prix affectant les produits du quotidien : je pense au coût de l’énergie, mais aussi à celui des matières premières et de la farine, qui fera mécaniquement augmenter le prix de la baguette de pain de 5 à 10 centimes. Les familles les plus modestes ne seront pas épargnées.

La solidarité nationale s’exprime aussi à travers les mesures prises en faveur de l’autonomie des personnes en situation de handicap. L’AAH est versée à 1 200 000 bénéficiaires, dont 270 000 vivent en couple, et son coût s’élève à 11 milliards d’euros. Des dispositions importantes ont été prises, dont la revalorisation de son montant, le 1er avril 2020, qui atteint désormais 900 euros par mois, et l’abattement fiscal intégré dans la première partie du PLF.

Notre groupe reconnaît et soutient ces efforts budgétaires. Néanmoins, le Gouvernement refuse toujours l’individualisation de cette allocation. Dès lors que la personne en situation de handicap se met en ménage, le montant de l’allocation dont elle bénéficie diminue puisque les revenus du conjoint sont pris en compte dans son calcul. C’est notamment le cas pour 60 % des 270 000 bénéficiaires qui vivent en couple. Après l’application de l’abattement fiscal, 40 % des bénéficiaires continueront de percevoir une allocation moindre uniquement parce qu’ils se sont mis en ménage.

Au début du mois, vingt-deux associations représentant des personnes en situation de handicap ont écrit au Président de la République pour l’inviter à considérer avant tout l’AAH comme un revenu individuel d’existence, car cette allocation renforce l’autonomie financière du bénéficiaire et ne saurait dépendre des revenus du conjoint. Accédons à leur demande d’individualisation ou de déconjugalisation !

Mme Jeanine Dubié (LT). Alors que la crise sanitaire et ses conséquences économiques rendent encore plus urgente la lutte contre la pauvreté, les crédits alloués à la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté de 2018, qui repose sur une démarche positive de contractualisation avec les collectivités, augmentent à nouveau. Pourtant, la France se caractérise par une forte reproduction de la pauvreté, qui plus est accrue par la crise.

Le bilan que le Gouvernement a dressé de cette stratégie le 13 octobre dernier est mitigé. S’il faut saluer les efforts accomplis en direction de l’enfance – petit déjeuner à l’école, cantine à 1 euro –, le nombre de places en crèche n’est toujours pas à la hauteur des objectifs.

Nous insistons : la lutte contre la pauvreté doit être notre priorité et la reprise économique ne doit pas détourner notre regard des situations d’extrême précarité et des inégalités.

Les dispositifs d’urgence comme le chômage partiel et la prolongation de certains droits ont été salutaires pour prévenir l’entrée dans la pauvreté, mais ils n’ont pas permis d’atteindre tous les publics et n’ont pas suffi à éviter le basculement dans la pauvreté. Je pense, notamment, aux plus démunis, aux indépendants, aux jeunes.

Par ailleurs, le nombre de bénéficiaires du RSA a augmenté en juillet, peut-être en raison de l’arrêt de la prolongation des droits à l’assurance chômage depuis la fin du mois de juin. À ce propos, nous rappelons que le nouveau calcul de l’assurance chômage est très défavorable aux travailleurs précaires, notamment aux saisonniers et aux intermittents de l’emploi, ce qui, à moyen terme, pourrait entraîner une hausse significative du nombre des bénéficiaires du RSA.

Pour les plus jeunes, nous persistons à penser que nous avons perdu trop de temps. Notre groupe a proposé l’ouverture du RSA aux 18‑25 ans, levier facile à actionner en période de crise ; or, un an après, nous attendons toujours les annonces du Gouvernement quant à un éventuel revenu ou contrat d’engagement pour les jeunes.

Enfin, notre groupe s’inquiète du non‑recours aux droits et déplore l’abandon du projet de revenu universel d’activité annoncé depuis 2018.

Nous notons avec satisfaction l’augmentation des crédits du programme 137 Égalité entre les femmes et les hommes, notamment afin de lutter contre les violences faites aux femmes. Les signalements de violences et de harcèlements nous incitent à accroître nos efforts, par exemple en ouvrant des LEAO dans les départements qui n’en ont pas. De la même manière, les moyens dont dispose la plateforme téléphonique 3919 pourraient être renforcés afin d’atteindre un taux de réponse de 100 %.

Si nous saluons également la poursuite de la stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance, qui repose sur une démarche de contractualisation entre l’État et les départements, nous nous interrogeons sur la diminution des crédits consacrés aux dispositifs d’accueil des MNA, alors que le Gouvernement semble anticiper de nouvelles arrivées. Nous déplorons également, à cet égard, les mesures du projet de loi relatif à la protection des enfants, en cours d’examen au Parlement, qui tend à renforcer le contrôle de ces mineurs sans prévoir une amélioration de leur accompagnement.

Enfin, notre groupe rejette l’article 43, rattaché à la présente mission. Il reprend la mesure que vous nous avez opposée, dans des conditions peu honorables, pour refuser notre proposition de ne plus prendre en compte les revenus du conjoint dans le calcul de l’AAH. L’abattement forfaire de 5 000 euros – mesure purement budgétaire – sur les revenus du conjoint ne répond en rien à la demande des personnes handicapées, qui veulent que leur droit à l’autonomie soit reconnu et que leur dépendance financière à leur conjoint soit limitée. C’est là une demande de longue date des associations et des personnes en situation de handicap. Notre proposition de loi a d’ailleurs été rétablie et adoptée en seconde lecture au Sénat ; nous y reviendrons prochainement puisque le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, que je remercie, l’inscrira dans sa niche du 2 décembre.

En confondant RSA et AAH, en ne distinguant pas minimum social et prestation sociale à vocation spéciale, le Gouvernement persiste dans une erreur qui affecte non seulement le revenu des personnes mais aussi et surtout leur autonomie et leur capacité à décider et à agir librement.

M. Pierre Dharréville (GDR). Cette mission vise à réduire les inégalités et à favoriser l’accès aux droits, objectifs louables mais contradictoires avec la politique générale du Gouvernement. Ainsi de la réforme de l’assurance chômage, qui ne manquera pas de provoquer un certain nombre de désastres sociaux.

Les crédits alloués à la prime d’activité, qui s’élèvent à 12 milliards d’euros, constituent une forme de fuite en avant puisque l’État supplée les entreprises dans le financement des bas salaires, sur lesquels, par ailleurs, les cotisations patronales ont quasiment disparu. Plutôt que de maintenir un tel dispositif, qui n’est pas durable, il conviendrait de réfléchir à des mesures permettant d’améliorer le pouvoir d’achat. Or, le Gouvernement s’y refuse depuis le début de la législature.

Les crédits consacrés à l’AAH s’élèvent quant à eux à 15 milliards d’euros. Des efforts ont été accomplis pour augmenter son montant, mais cette dynamique devrait être maintenue et amplifiée, en particulier en raison de l’inflation et parce que l’AAH reste en deçà du seuil de pauvreté. Cette allocation, en outre, doit être déconjugalisée. C’est pourquoi le groupe de la Gauche démocrate et républicaine a en effet décidé de mettre à l’ordre du jour de sa niche parlementaire l’examen de la proposition de loi évoquée par Mme Dubié, cette mesure de reconnaissance et de soutien à l’autonomie des personnes en situation de handicap étant particulièrement attendue.

Par ailleurs, un risque de saupoudrage existe. La diminution de 12 % des crédits consacrés à l’aide alimentaire m’inquiète d’autant plus que la pauvreté continue de progresser, comme en atteste le baromètre de la pauvreté IPSOS-Secours populaire de 2021. Les jeunes sont de plus en plus touchés, sans qu’une amélioration soit envisageable à court terme : chômage, précarité du travail, privations, pertes de liens sociaux ont pris une ampleur inédite ces dix derniers mois. J’en veux pour preuve le rapport récemment remis par le collectif Alerte PACA, dans lequel celui-ci évoque une « ultra‑pauvreté », en appelant à s’attaquer aux causes du problème et à soutenir les actions immédiates, notamment en matière d’aide alimentaire. Dans certains secteurs, les demandes d’aide alimentaire ont augmenté de 100 %.

Par ailleurs, comment expliquer la baisse des crédits consacrés au RSA en Guyane, à Mayotte et à La Réunion ?

Le RSA jeune actif bénéficie seulement à trois mille personnes. Nous considérons quant à nous qu’il convient de créer une forme d’allocation d’autonomie pour la jeunesse, un revenu étudiant ou un RSA jeunes, autant de propositions que vous avez rejetées alors que les enjeux sont considérables.

La baisse de 27 millions d’euros des crédits consacrés aux MNA nous inquiète d’autant plus qu’elle s’accompagne d’une volonté de contrôle qui risque d’exclure un certain nombre d’entre eux d’une aide dont ils ont besoin.

Enfin, le plan 1 000 premiers jours est nécessaire. L’application mobile est bienvenue, mais il ne faudrait pas que les CAF soient au point mort ; or leurs effectifs baissent, alors qu’elles ont besoin d’agents supplémentaires.

M. Patrice Anato, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire pour les crédits de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances. Le budget de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances progresse à nouveau pour atteindre 27,6 milliards d’euros, ce qui représente une hausse de 50 % depuis 2017. Le temps qui m’est imparti ne me permet pas de dresser la liste complète des dispositifs qui ont été créés ou renforcés dans le cadre de cette mission ; j’insisterai donc sur quelques-uns d’entre eux.

Tout d’abord, l’expérimentation de la recentralisation du RSA en Seine‑Saint‑Denis est particulièrement importante à mes yeux. Ce département cumulant nombre de difficultés, nous nous félicitons que l’État et le conseil départemental aient trouvé un accord offrant à la Seine‑Saint‑Denis une marge de manœuvre financière de 147 millions d’euros sur cinq ans afin de renforcer les moyens alloués à l’accompagnement des bénéficiaires du RSA. Quelles mesures seront-elles prises par ce département et quels indicateurs envisagez-vous de proposer pour suivre l’exécution de la convention qui sera conclue ?

Le budget pour 2022 permettra par ailleurs de revaloriser significativement le montant de l’AAH perçu par les 120 000 bénéficiaires vivant en couple. Je le répète : la mesure prévue à l’article 43 du PLF ne fera pas de perdants et constitue une avancée certaine, applicable dès le 1er janvier 2022.

Enfin, si un revenu d’engagement pour les jeunes devrait voir le jour à l’occasion de l’examen en séance publique de la mission Travail et emploi, nous attendons également le résultat des travaux menés par M. Fabrice Lenglart sur le revenu universel d’activité – ma collègue Stella Dupont et moi-même avons remis un rapport à ce propos en juin dernier. Pouvez-vous dresser un état des lieux de l’avancée de ces travaux ?

M. le ministre. Madame Cloarec‑Le Nabour, je veux tout d’abord saluer le travail accompli par les parlementaires sur la question des jeunes majeurs vulnérables. La lutte contre les inégalités de destin est évidemment au cœur du quinquennat.

S’agissant des compétences départementales, nous avons jugé que l’État devait réinvestir une politique publique qu’il ne connaissait plus. Nous avons ainsi procédé à des contractualisations, notamment en ce qui concerne la préparation de la sortie de l’ASE. Avec la déléguée interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes, j’aurai bientôt l’occasion d’en présenter les premiers résultats, mesurés grâce à des indicateurs, tels que celui relatif, par exemple, à l’accompagnement des jeunes. La situation s’améliore quasiment dans tous les domaines. Nous devons donc poursuivre et renforcer la contractualisation. J’ajoute que le projet de loi relatif à la protection des enfants, en cours d’examen, permettra de renforcer encore un certain nombre de dispositifs.

J’indique à Perrine Goulet, qui m’a également interrogé sur la situation des jeunes sortant de l’ASE et dont je connais la fougue et la passion lorsque l’on aborde ces questions, que, depuis 2021, l’accès de tous ces jeunes à la garantie jeunes est automatique ; leur accompagnement est renforcé et ils bénéficient d’une aide financière de 500 euros par mois. Chaque situation fait l’objet d’un accompagnement personnalisé et individuel. Le projet de loi relatif à la protection des enfants prévoit également la systématisation de l’octroi de la garantie jeunes aux sortants de l’ASE. En matière de logement, ces jeunes majeurs bénéficient d’un accès prioritaire au logement étudiant, d’un financement à travers la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté et d’une priorité d’accès au logement social.

Madame Cloarec-Le Nabour, les commissaires à la lutte contre la pauvreté et à l’égalité des chances pourraient en effet piloter le SPIE ainsi que les différents contrats concernant la pauvreté ou l’enfance. C’est là une excellente idée qui devrait être discutée dans la perspective des prochaines générations de contractualisations. Quoi qu’il en soit, comme les collectivités nous le font savoir, nous avons besoin de coordination et de lisibilité.

Les retours sur l’examen de régularisation systématique des MNA dans l’année précédant leurs 18 ans sont très bons. Le Gouvernement insiste sur la nécessité, pour les préfets et les départements, d’avoir des échanges en la matière, y compris dans les territoires où la systématisation n’est pas encore effective. Je vais me renseigner auprès des services compétents pour savoir pourquoi le rapport sur les MNA n’a pas été remis au Parlement. Des retards sont toujours possibles dans la période que nous connaissons, ce qui ne signifie pas que cette question n’est pas prise à bras‑le‑corps.

Sur les autres sujets concernant les MNA, je me permets de vous renvoyer au ministre de l’intérieur.

Monsieur Vallaud, le PLF 2022 permettra de généraliser la contractualisation de la protection de l’enfance avec les départements ; 50 millions d’euros supplémentaires y seront consacrés. Quant à la diminution des crédits de l’action 17 Protection et accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables, elle s’explique par la baisse du nombre de MNA arrivés sur le territoire national : entre janvier et septembre 2019, nous en dénombrions 13 170, contre 7 710 sur la même période en 2021.

Certains d’entre vous se sont étonnés de la diminution de 7,8 millions d’euros des crédits consacrés à l’aide alimentaire. Cette baisse est, en fait, purement comptable et s’explique pour deux raisons : le remboursement des denrées que nous achetons pour le compte de l’Union européenne et que nous livrons aux associations étant meilleur, nous avons pu réduire les provisions pour défaut de remboursement ; le taux de cofinancement du Fonds social européen, passant de 85 à 90 %, est donc plus élevé et la participation budgétaire nationale a automatiquement diminué. En fait, si l’on tient compte de ces deux facteurs, les crédits dédiés à l’aide alimentaire augmentent légèrement, de l’ordre de 400 000 euros. J’ajoute que, dans ce domaine, l’Europe est au rendez-vous, puisque les crédits alloués à l’aide alimentaire par l’Union européenne ont augmenté de 48 %, passant de 583 millions pour la période 2014-2020 à 870 millions pour la période 2021-2027.

Mme Monique Limon. Le budget du programme 137 Égalité entre les femmes et les hommes s’élève à 47,4 millions en AE et à 50,6 millions en CP. L’action 25 Prévention et lutte contre les violences et la prostitution est dotée de plus de 28 millions pour déployer le dispositif du parcours de sortie de la prostitution créé par la loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées.

La lutte contre la prostitution en milieu rural est une question de plus en plus prégnante. Les élus locaux, la plupart du temps, sont démunis, faute de moyens spécifiquement consacrés à cette action, comme je le constate dans ma circonscription. Comment faire pour mieux prendre en compte ce fléau dans nos campagnes, prendre en charge ces très jeunes femmes et les accompagner vers la sortie de la prostitution ?

M. Bernard Perrut. Nous partageons le même engagement en faveur des personnes en situation de handicap, mais nous ne devons pas oublier les professionnels médico‑sociaux qui les accompagnent à domicile ou en établissement et dont le travail est admirable. Ces oubliés du Ségur de la santé en 2020 et 2021 ne sont pas reconnus à la hauteur de leurs compétences et de leurs engagements. Des associations nous interpellent car ils quittent le secteur du handicap. Je demande donc au nom des familles et des établissements une réelle reconnaissance de ces métiers.

La revalorisation de l’AAH est bienvenue, tout comme certaines mesures de simplification, même si les attentes restent nombreuses. La représentation nationale a le devoir de débattre de la déconjugalisation de cette allocation, car l’attente des publics concernés est légitime.

Mme Carole Grandjean. L’article 12 du PLF prévoit la possibilité pour les départements volontaires d’expérimenter la recentralisation du financement du RSA. Si la Seine‑Saint‑Denis s’est déjà manifestée, nous pouvons supposer que cela sera également le cas d’autres départements. Je souhaiterais donc savoir quels sont les effets attendus de ce transfert de compétence sur l’insertion et la solidarité. Quel est le suivi des politiques d’insertion menées par les départements en contrepartie de la contractualisation, dans un objectif d’efficacité et de réinsertion dans l’emploi ?

Mme Michèle de Vaucouleurs. La Seine‑Saint‑Denis expérimentera la recentralisation du RSA dès le mois de janvier 2022. Le coût de cette mesure est financé par une hausse de crédits, à hauteur de 564,90 millions d’euros, dont 524,88 millions issus d’une mesure de périmètre, étant entendu que les dépenses de ce département s’élevaient à 521 millions en 2019 et à 551 millions en 2020.

D’autres départements ont-ils vocation à rejoindre cette expérimentation ? Le cas échéant, le budget prévoit‑il des crédits pour financer la recentralisation ? Enfin, quelles sont les modalités d’intervention de l’État ? La rencentralisation entraîne‑t‑elle des modifications des modalités d’accompagnement des publics ?

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq. Le ministre ayant largement répondu à mes interrogations, je témoignerai de l’efficacité du plan « pauvreté » et de la contractualisation avec les départements. Dans le cadre de la maison départementale de l’insertion et de l’emploi, la coordination de l’ensemble des acteurs de l’emploi et de l’insertion est efficace dans le département du Nord, dont les efforts, confortés par l’État, ont permis de faire baisser le nombre de bénéficiaires du RSA.

M. Belkhir Belhaddad. Parmi les très nombreux points positifs de cette mission figure l’aide à la vie familiale et sociale (AVFS) des anciens migrants. À cet égard, je me réjouis qu’à l’issue des travaux menés par notre collègue Stella Dupont, nous disposions enfin d’un cadre stable et respectueux pour les chibanis navetteurs, qui se partagent entre un foyer ou une résidence sociale et leur pays d’origine. Ainsi, la réforme entrée en vigueur en janvier 2020 abroge enfin toute condition de durée de résidence en France, permettant ainsi à chacun d’entre eux de bénéficier d’un véritable droit, compensable à l’étranger.

Connaît-on le nombre de personnes potentiellement concernées qui n’auraient pas encore demandé à bénéficier de ce dispositif faute de connaître son existence ou les conditions requises pour y accéder ? Le public concerné se réduit-il aux 1 500 bénéficiaires visés d’ici à 2024 ? Enfin, est-il prévu de financer l’information et l’accompagnement de ceux qui n’y ont pas encore accès ?

M. Nicolas Turquois. Certains majeurs sortant de l’ASE sont en situation de handicap. Ainsi, dans la Vienne, je suis confronté à des jeunes, handicapés intellectuels, qui présentent des troubles du comportement pouvant les conduire à commettre des actes de violence. On a du mal à faire face à de telles situations, car on ne sait pas si ces jeunes relèvent de la psychiatrie, du judiciaire ou du handicap. Aucune institution ne semble correspondre à leur profil. Or, il s’agit de jeunes adultes ; on ne peut donc pas leur imposer une décision.

Mme la secrétaire d’État. La recentralisation du RSA fait l’objet, en Seine‑Saint‑Denis, d’une expérimentation de cinq ans, très élaborée. Des indicateurs de moyens et de résultats, en cours de discussion, feront l’objet d’une convention. Nous appliquons, dans le cadre de cette expérimentation, la même méthode de contractualisation et de conventionnement, comprenant des indicateurs et un suivi précis, que celle que nous appliquons pour les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) – il y va également de l’orientation professionnelle de ces personnes. La Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) a ainsi accordé à la MDPH de Seine‑Saint‑Denis une subvention de 966 000 euros qui permettra de financer notamment dix‑sept postes supplémentaires, pour apurer l’ensemble des retards, qui sont colossaux du fait de l’explosion des demandes. Cette démarche gagnant-gagnant consiste à réinterroger les processus et à mettre tous les acteurs du bassin d’emploi autour de la table. Je salue, à ce propos, l’engagement des associations, qui est indispensable.

D’autres départements sont intéressés par la recentralisation du RSA ; des discussions sont en cours avec les représentants de l’État. Nous travaillerons main dans la main, pour tirer toutes les conséquences des résultats de l’expérimentation.

On estime que 20 % à 25 % des enfants pris en charge par l’aide sociale à l’enfance sont en situation de handicap, qu’il s’agisse de handicap psychique ou d’un autisme mal diagnostiqué. Une partie des MNA sont également dans cette situation. Mon collègue Adrien Taquet et moi-même étudions, avec les associations et les départements, la manière dont nous pourrions créer des structures qui répondent aux besoins de ces jeunes. De fait, il est souvent difficile de déterminer s’ils relèvent du médico-social ou de l’aide sociale à l’enfance, donc des maisons d’enfants à caractère social. Or nous ne parvenons pas à faire travailler ensemble les experts des deux champs. Cette réflexion sera également utile aux MNA, qui, après ce qu’ils ont traversé, sont parfois aussi en situation de handicap, notamment psychique.

Nous menons donc des expérimentations avec certaines structures, notamment dans le Nord. Nous avons besoin d’unités de taille très réduite, qui mettent l’accent sur l’accompagnement et rassemblent des experts du médico-social et de l’ASE. Une fois que nous aurons achevé ce travail de dentelle avec les territoires expérimentaux, ces structures pourront essaimer. C’est un travail complexe, qui demande une très grande coordination. Nous en sommes conscients, et nous y travaillons.

Par ailleurs, des expérimentations sont menées avec les missions locales, qui nouent des partenariats avec des experts du secteur médico-social, pour tous les jeunes éloignés de l’emploi. Plus d’un million de jeunes ne sont en effet ni en emploi, ni en formation, et parmi ces jeunes se trouvent des handicapés. Mais la démarche de droit commun, qui est très importante, est à présent entrée dans les mœurs, notamment au sein des missions locales, des agences Pôle emploi ou Cap emploi.

S’agissant de la revalorisation des salaires des soignants, les mesures du Ségur figurent dans le PLFSS. La revalorisation est donc actée, et sera effective au 1er janvier 2022. Toutefois, les soignants pourront bénéficier en avance de phase des 183 euros net, dès la paie de novembre. Nous avons donné l’instruction aux ARS de ne reprendre aucun crédit, pour anticiper ces versements et soutenir les organismes gestionnaires. Cette revalorisation, qui doit bénéficier à plus de 74 000 soignants et paramédicaux, était parfaitement légitime.

Des problèmes de recrutement se rencontrent dans les EHPAD comme dans les établissements médico‑sociaux ; nous en sommes conscients. Je suis en contact, chaque semaine, avec les organismes gestionnaires, pour leur permettre de pallier ces difficultés. Il y va de l’accompagnement des personnes. Nous sommes mobilisés sur ce sujet, en lien avec les départements.

La formation des travailleurs sociaux doit leur permettre de prendre en compte l’ensemble des difficultés des jeunes. S’agissant de l’ASE, il existe ainsi des formations conjointes. Avec la délégation interministérielle à l’autisme et aux troubles du neuro‑développement, nous travaillons à améliorer la détection de ces troubles, car l’autisme de nombreux enfants n’est pas diagnostiqué, de sorte qu’ils font parfois l’objet de signalements inappropriés. Nous nous efforçons donc d’améliorer la communication, mais aussi la formation et l’accompagnement des travailleurs sociaux dans ce domaine, afin d’éviter des placements abusifs. Il y va de la recomposition de la cellule familiale.

Nous avons eu l’occasion de débattre longuement de la déconjugalisation de l’AAH ; je n’y reviens pas. Il est essentiel de poursuivre la réflexion sur l’accompagnement et l’accès à l’emploi des personnes en situation de handicap. Il convient également de faciliter le cumul de l’AAH et d’un travail à temps partiel, afin de sécuriser le retour à l’emploi. C’est, du reste, également l’enjeu de la transformation des parcours en ESAT : au-delà de la sécurisation des parcours, nous envisageons de permettre à une personne de travailler à la fois en ESAT à temps partiel et en milieu ordinaire. Il s’agit de favoriser au maximum le retour à l’emploi.

Nous développons également, avec l’emploi accompagné et le job coaching, l’aide à l’emploi et le maintien dans l’emploi des personnes en situation de handicap, notamment psychique ou mental. C’est un véritable enjeu, notamment à la suite de la crise sanitaire. Cette aide, à laquelle 15 millions supplémentaires d’euros sont alloués pour 2022, est pérenne, gratuite pour les employeurs – elle est financée par l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées, le Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique et les ARS – est déployée partout en France. À ce jour, 6 000 personnes sont accompagnées ; leur nombre devrait être porté à 10 000. Le dispositif permettra de sécuriser les parcours de retour à l’emploi et, surtout, de maintien dans l’emploi.

Il est très difficile d’estimer précisément le taux de non‑recours à l’AVFS des migrants, même s’il est question d’un faible volume. Les associations réalisent un travail colossal, comme les structures sociales qui accompagnent les familles et les migrants dans leurs démarches.

Enfin, le projet SERAFIN-PH est mis en œuvre depuis 2016. Il s’agit de mieux financer les établissements en fonction des prestations qu’ils offrent aux personnes en situation de handicap, donc d’avoir une vision plus fine, plus individualisée de ces prestations. En effet, ce ne sont pas les murs qui protègent, mais la qualité de la prestation que les professionnels délivrent aux personnes concernées. L’objectif est de rendre le système plus équitable. Une expérimentation d’envergure a été lancée en septembre 2021, qui concerne un panel de 1 000 services et établissements, soit près de 10 % du périmètre de la réforme. Le calendrier, qui prévoit un déploiement généralisé en 2024, devrait ainsi être maintenu. Il faut identifier les conséquences de la réforme sur le parcours, mais aussi sur les établissements, pour qu’ils puissent se projeter. Je salue, à cet égard, le travail de la CNSA, de la DGCS et, surtout, de l’ensemble des associations gestionnaires, qui participent à l’expérimentation. Cela demande beaucoup de temps, car il faut vérifier toutes les prestations offertes dans les établissements, mais c’est leur individualisation qui est en jeu.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Je remercie M. le ministre et Mme la secrétaire d’État pour leur disponibilité et leurs réponses.

La commission va procéder à l’examen des amendements après votre départ.

 


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II.   examen des crédits et de l’article 43, rattaché

La commission en vient à l’examen des crédits de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances et de l’article 43, rattaché (Mme Christine Cloarec Le Nabour, rapporteure pour avis).

 

Article 20 et état B

 

Amendement II-AS116 de M. Joël Aviragnet.

M. Boris Vallaud. L’amendement vise à octroyer 3,2 millions d’euros supplémentaires aux LEAO, par le biais de l’action 25 du programme Égalité entre les femmes et les hommes.

Les LEAO offrent un accompagnement spécialisé́ et dans la durée aux femmes victimes de violences, afin de les aider à rompre le cycle de la violence et à trouver les moyens de leur autonomie. Ils nous semblent essentiels dans le parcours de reconstruction de ces femmes.

Certes, le Gouvernement indique vouloir augmenter les crédits des LEAO de 1,6 million d’euros par rapport à 2021, mais cela ne nous semble pas suffisant. Sachant que les signalements de violences conjugales sont en hausse et que 89 % des femmes sont victimes d’injures sexistes, cette augmentation ne couvre pas la croissance forte des besoins en espaces d’écoute.

Mme Christine Cloarec-Le Nabour, rapporteure pour avis. Vous avez raison de rappeler l’importance fondamentale de ces lieux, qui permettent aux femmes de briser le silence, d’être entendues, écoutées et conseillées.

La lutte contre les violences faites aux femmes constitue une priorité pour le Gouvernement : le budget qui y est consacré augmente de 22 % en 2022. Comme vous l’avez dit, 1,6 million d’euros seront en effet consacrés au renforcement et à l’évolution structurelle et organisationnelle du réseau des LEAO et des accueils de jour. Mais le combat mené par le Gouvernement ne se limite pas à cela : il faut aussi noter le développement de la mise en sécurité des victimes dans les situations d’urgence, le déploiement de la plateforme 3919, la montée en charge des trente CPCA désormais en activité, ainsi qu’un appel à projets sur les violences sexistes et sexuelles au travail.

Je vous propose de retirer votre amendement.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-AS115 de M. Joël Aviragnet.

M. Boris Vallaud. L’amendement vise à octroyer 2 millions d’euros supplémentaires à la plateforme téléphonique 3919, qui offre écoute, information et orientation aux victimes de violences et à leur entourage.

Selon le dernier bleu budgétaire, le taux d’appels traités de la plateforme était de 85 % en 2021, ce qui laisse 15 % des usagères sans réponse. Nous saluons les efforts du Gouvernement pour améliorer l’accueil téléphonique de ces femmes en détresse, avec notamment le passage en juin 2021 à un fonctionnement vingt‑quatre heures sur vingt‑quatre. Toutefois, il nous semble essentiel que le taux des appels traités soit de 100 %.

Mme la rapporteure. En 2019, des moyens complémentaires ayant été alloués à la Fédération nationale Solidarité Femmes, l’objectif de qualité du 3919 a été fixé à 100 % pour 2020. Toutefois, lors du premier semestre 2020, le trafic d’appels de la plateforme a quasiment doublé par rapport au premier semestre 2019, avec 64 051 appels supplémentaires sur la période. Dans ce contexte, la cible a été réactualisée à 80 %, pour 2020 et 2021. Elle a toutefois été revue à la hausse pour 2021, à 85 %, compte tenu du renforcement des moyens humains et techniques de la plateforme lié à son passage à un fonctionnement vingt‑quatre heures sur vingt‑quatre.

Pour 2022, 5,1 millions d’euros supplémentaires seront consacrés aux mesures de lutte et de prévention des violences faites aux femmes, dont 700 000 pour la plateforme 3919. Je vous invite donc à retirer votre amendement.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-AS118 de M. Joël Aviragnet.

M. Boris Vallaud. Nous proposons par cet amendement que le montant moyen servi aux bénéficiaires de l’AAH atteigne le seuil de pauvreté.

Selon la DREES, le montant moyen versé aux allocataires de l’AAH serait de 759 euros, sur une base de 1 280 000 bénéficiaires. Le seuil de pauvreté s’établissant à 1 060 euros, nous proposons une augmentation à due concurrence.

J’ai compris, au cours de la discussion, que le Gouvernement avait l’intention de travailler sur le sujet. Je propose que nous prenions cette mesure dès à présent.

Mme la rapporteure. En indiquant que, selon la DREES, le montant servi aux allocataires de l’AAH atteint 759 euros, vous omettez un élément important : le calcul du montant de l’allocation prend en compte les revenus du bénéficiaire ainsi que ceux de son conjoint, lesquels ne doivent pas dépasser un certain plafond.

L’attribution de l’AAH est soumise à condition de ressources. Elle constitue une prestation différentielle : le droit à l’AAH n’est ouvert que lorsque la personne ne peut prétendre au versement d’une rente ou d’une prestation contributive d’un montant au moins égal à celui de l’allocation. Dans ce cas, l’AAH s’ajoute à la prestation touchée par l’allocataire sans que l’addition de ces deux revenus puisse excéder le montant maximum de l’allocation à taux plein, aujourd’hui fixé à 904 euros par mois.

Je rappelle que le PLF comporte une réforme importante du calcul de l’AAH, qui conduira 120 000 foyers à bénéficier d’une hausse moyenne de 110 euros par mois. Au total, la dépense consacrée à l’AAH aura progressé de 25 % entre 2017 et 2022. Il faut aussi rappeler les nombreux chantiers ouverts pour changer notre regard sur le handicap et améliorer l’autonomie et les conditions de vie des personnes en situation de handicap.

Je vous propose de retirer votre amendement.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-AS111 de M. Boris Vallaud.

M. Boris Vallaud. L’amendement vise à abroger les règles si restrictives d’accès au RSA jeune, pour ouvrir largement le RSA aux 18‑25 ans.

Nous sommes dans une situation curieuse : on peut aller en prison à 16 ans, on peut voter à 18 ans, mais on atteint la majorité sociale à 25 ans. À l’heure où les files d’attente devant les banques alimentaires se grossissent de notre jeunesse et où les engagements du Président de la République tardent à trouver une concrétisation, un certain nombre de jeunes se retrouvent dans les plus grandes difficultés. Il faut leur apporter une réponse.

Mme la rapporteure. Depuis le début du quinquennat, nous avons fait le choix d’une société de compétences, avec l’ambition de qualifier nos jeunes et de les accompagner toujours mieux vers l’emploi et l’autonomie.

Dans le cadre du plan « 1 jeune, 1 solution » lancé à l’été 2020 pour atténuer l’impact de la crise sanitaire sur la situation des jeunes, de nombreux dispositifs ont été renforcés, améliorés, réactivés. Les missions locales ont été confortées dans leur rôle d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie. L’objectif est de trouver des solutions à tous les jeunes et de fluidifier et de sécuriser leurs parcours pour éviter qu’ils ne renoncent à entrer dans les dispositifs d’insertion.

Il reste beaucoup à faire, notamment pour repérer et aller chercher les fameux « invisibles ». Il faut mobiliser tous les acteurs sur le territoire pour cela. Nous avons travaillé à l’assouplissement des critères de la garantie jeunes, qui étaient liés au foyer fiscal des parents, et pour y rendre éligibles les jeunes qui ont des petits boulots. C’est chose faite. Des expérimentations sont menées un peu partout dans les territoires pour adapter la garantie jeunes aux différents profils. Et bien sûr nous développons les partenariats et les coopérations, pour rassembler tous les acteurs autour de l’architecte qu’est le conseiller en insertion des missions locales.

Plus de deux millions de jeunes sont soit entrés dans l’emploi, soit en cours de formation, soit accompagnés dans un parcours d’insertion. Je crois que nous avons suffisamment d’outils pour continuer à trouver des solutions pour tous les jeunes qui en ont besoin.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-AS119 de M. Joël Aviragnet.

M. Boris Vallaud. L’amendement vise à doter notre système de protection sociale d’une stratégie efficace de lutte contre le non‑recours aux prestations sociales. En dépit des augmentations de crédits annoncées, que nous saluons, ce volet continue d’être le parent pauvre de la politique du Gouvernement.

Mme la rapporteure. Vous voulez consacrer 12,5 milliards d’euros à la lutte contre le non‑recours aux prestations sociales.

Vous savez que c’est un sujet auquel je suis attachée, que j’évoquais dans un rapport remis au Premier ministre en 2018. Nous avons toujours autant de mal à apprécier le taux de non-recours. Cela n’enlève rien à la nécessité de trouver des leviers pour informer chacun de ses droits et lui en rendre l’accès effectif. Mais il faut bien dire aussi que cela constitue un défi technique.

Le réseau France services que nous avons déployé pour aider, dans tout le territoire, les personnes qui ont besoin d’être accompagnées dans leurs démarches sera très utile en matière de lutte contre le non‑recours. De façon générale, toutes les démarches d’« aller vers » le seront. Je signale aussi que d’importants progrès ont été réalisés dans le taux de recours à la prime d’activité, qui comptait 4 600 000 foyers bénéficiaires en 2020. C’est un succès qu’il faut souligner.

Il faut continuer en ce sens, et beaucoup de chemin reste à faire, mais je donne un avis défavorable à cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-AS117 de M. Joël Aviragnet.

M. Boris Vallaud. L’amendement vise à doubler le montant des dépenses consacrées à l’aide alimentaire, que le Gouvernement avait proposé de baisser de 12 %. Compte tenu des réponses du ministre tout à l’heure, je le retire.

L’amendement est retiré.

 

Amendement II-AS113 de Mme Isabelle Santiago.

M. Boris Vallaud. Cet amendement important vise à doter notre politique de protection de l’enfance des moyens de ses ambitions, en augmentant de plus de 20 %, en AE et en CP, les moyens consacrés à l’action 17 du programme Inclusion sociale et protection des personnes.

En effet, malgré la hausse prévisible des dépenses qui résultera des avancées du projet de loi relatif à la protection des enfants, les budgets prévus par le Gouvernement sont en quasi‑stagnation par rapport à 2021 – ils augmentent de 1,22 % selon le bleu budgétaire. Un plus grand nombre d’enfants devant être pris en charge grâce à ce projet de loi, cela conduira mathématiquement à une baisse des moyens par enfant.

Or, la difficulté principale exprimée par les acteurs de terrain est le manque de moyens, immobiliers, mais aussi et surtout humains. Ce manque de moyens est à l’origine de l’échec de notre politique publique de protection de l’enfance. Je ne reviens pas sur les statistiques liées à la part de jeunes issus de l’ASE qu’on trouve parmi les sans‑abri, que vous connaissez.

Les 50 millions d’euros supplémentaires que nous proposons d’affecter à la protection de l’enfance sont des dépenses d’investissement – autant de dépenses qui ne seront pas à consacrer plus tard aux politiques d’insertion, à l’accueil des jeunes laissés à l’abandon ou aux soins en urgence par exemple.

Cette somme permettra à la loi que nous aurons votée de trouver sa pleine et entière application, ce qui est notre souhait à tous.

Mme la rapporteure. L’action 17 Protection et accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables est dotée de 249,2 millions d’euros en 2022, soit une hausse de 2,9 millions par rapport à 2021.

Cette relative stabilité cache en réalité une reconfiguration des moyens alloués par l’État à la protection de l’enfance.

D’une part, les crédits alloués à la prise en charge et à l’évaluation des mineurs non accompagnés continuent de diminuer en 2022, principalement en raison du moindre nombre d’arrivées sur le territoire.

D’autre part, la montée en charge de la stratégie de prévention et de protection de l’enfance, du plan 1 000 premiers jours et du plan de lutte contre les violences faites aux enfants induit un engagement financier croissant de l’État pour accompagner les départements dans l’exercice de leur compétence de protection de l’enfance.

Depuis 2017, on peut ainsi constater une progression des crédits consacrés par l’État à la protection des enfants de l’ordre de 680 %, ce qui mérite d’être souligné.

Par ailleurs, tout ne vient pas du manque de moyens. Il ressort des auditions que j’ai menées un besoin essentiel de coopération et de coordination dans les territoires.

Je suis défavorable à votre amendement.

M. Boris Vallaud. Je suis en désaccord absolu avec vous. L’organisation et la coopération peuvent effectivement être améliorées, mais ce dont me parlent les acteurs, c’est bien d’un manque de moyens, qui sera encore accentué si l’enveloppe n’est pas augmentée dans la perspective d’une croissance du nombre d’enfants pris en charge.

Nous prenons le risque que la bonne loi qui devrait résulter de nos travaux ne soit pas correctement appliquée, par défaut de moyens. J’insiste sur le bien‑fondé de cette proposition, qui ne représente qu’un montant modeste.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-AS112 de Mme Isabelle Santiago.

M. Boris Vallaud. L’amendement vise à créer un fonds de mobilisation départementale pour les jeunes majeurs de la protection de l’enfance, abondé de 1,5 milliard d’euros.

Notre politique publique de protection de l’enfance échoue à insérer les jeunes qu’elle a protégés pendant de longues années. Notre stratégie pour l’insertion des jeunes majeurs issus de l’ASE est rudimentaire. À 18 ans, les jeunes de l’ASE passent du tout au rien. Ils sont parfois exclus de leur foyer du jour au lendemain, sans vérification qu’ils ont un toit pour se loger – ce qui, dans bien des situations, n’est pas le cas. Dans ce contexte, les enfants vulnérables sont poussés à choisir les filières les plus courtes, quelles que soient leurs appétences, dès le début de l’adolescence.

Comment une politique publique de 10 milliards d’euros peut-elle se satisfaire d’un tel résultat, qui met à mal tout le travail réalisé, qui pousse les jeunes à partir au plus tôt ? Ces économies à court terme conduisent à un gâchis humain, social, citoyen mais aussi économique.

Le surcoût pour la nation de l’accompagnement des plus de 18 ans en situation de vulnérabilité est ainsi estimé à 700 millions d’euros, à comparer aux 10 milliards dépensés chaque année pour la protection de l’enfance en danger.

Nous proposons donc d’investir 1,5 milliard d’euros dans l’insertion sécurisée des jeunes relevant de la protection de l’enfance. Cette somme permettrait de financer l’accompagnement des jeunes majeurs en difficulté jusqu’à leur insertion pleine et entière dans la société, sans condition et limite d’âge. Selon les cas, l’accompagnement pourrait être court ou long, ténu ou soutenu en fonction des périodes. Le financement serait dédié, fléché et réparti selon les besoins repérés dans les territoires.

Mme la rapporteure. Je vous invite à lire la seconde partie de mon rapport, consacrée à la question des jeunes majeurs vulnérables. Certes, il y a des manques, mais nous les avons identifiés : nous avons auditionné les institutions, les associations, les députés qui ont travaillé sur le sujet.

Il y a fort à faire pour éviter des ruptures de parcours à ces jeunes. Encore une fois, nous avons des outils. Ce qui manque, c’est le lien entre tous les acteurs : les travailleurs sociaux des départements, les conseillers en insertion des missions locales et les experts chargés de les former sur un point particulier, par exemple le diagnostic précoce de l’autisme ou des handicaps psychiques... Ce n’est la faute de personne : nous avons simplement vraiment besoin que tous ces acteurs se mettent autour de la table pour travailler ensemble à sécuriser les parcours de ces jeunes et leur éviter de se trouver à la rue.

Il arrive que certains d’entre eux aient envie de rompre un peu avec l’aide qu’ils reçoivent depuis leur plus jeune âge. Mais il arrive aussi qu’ils aient besoin d’y revenir. Une des préconisations de mon rapport concerne donc le droit au retour – le droit pour tout jeune qui est parti voler de ses propres ailes de bénéficier à nouveau d’un accompagnement vers l’autonomie et l’emploi.

M. Nicolas Turquois. C’est une des situations que ma fonction de député m’a permis de découvrir et qui m’ont profondément touché. J’ai rencontré des jeunes sortis de l’ASE, dont certains, après le parcours qu’ils ont connu, peuvent faire preuve d’une certaine violence comportementale. Ces jeunes ont besoin d’un accompagnement particulier. Vous savez ce que l’un d’entre eux m’a dit ? Qu’il avait besoin d’une maman ! Si l’on se contente de leur dire qu’à 18 ans, ils sont majeurs et autonomes, cela ne marchera pas.

Je n’ai aucune idée des montants qu’il faudrait y consacrer ni du type de réponse à apporter, mais je vous interpelle collectivement pour y travailler, peut-être dans le cadre d’une proposition de loi. Il y a vraiment quelque chose qui ne fonctionne pas.

M. Boris Vallaud. Isabelle Santiago, la première signataire de cet amendement, s’est longtemps occupée de ces sujets en tant qu’élue départementale. Elle a identifié beaucoup des difficultés que vous avez évoquées.

Vous avez dit qu’il y a fort à faire : nous proposons qu’on se donne les moyens de faire, au lieu d’en rester au diagnostic. On peut sans doute discuter des montants nécessaires, mais ce qui est certain, c’est qu’il ne s’agit pas que d’une question de méthode de travail entre les uns et les autres, même si je ne disconviens pas qu’il y a sans doute des progrès à faire en la matière.

Parmi les jeunes relevant de la politique de protection de l’enfance, un sur quatre devient, une fois majeur, sansabri. Franchement, quel échec ! J’entends que chacun en a bien conscience, mais fixons-nous l’objectif commun de remédier à cet échec.

Mme Bénédicte Pételle. Je travaille beaucoup sur la question, et je partage vos constats. Nous avons fait avec Isabelle Santiago beaucoup de propositions lors de l’examen du projet de loi relatif à la protection des enfants. Par exemple, les jeunes se verront systématiquement proposer la garantie jeunes ou un contrat jeune majeur. Mais il reste des questions en suspens, notamment concernant le logement. On a parlé d’une priorité pour les logements sociaux, le nombre des places en foyer Adoma a augmenté... Une série de mesures ont été prises, mais il est clair que ce n’est pas réglé. Notre majorité est très engagée sur le sujet.

Mme Perrine Goulet. Je veux rectifier les chiffres qui ont été cités. Ce que la Fondation Abbé Pierre a établi, c’est qu’à peu près 28 % des personnes sans‑abri de moins de 25 ans nées en France sont issues de l’ASE. N’allons pas dire qu’un jeune de l’ASE sur quatre va finir à la rue : nous allons affoler tous ceux qui sont concernés !

Il s’agit d’une véritable question. À cet égard, le projet de loi du secrétaire d’État Adrien Taquet ne va clairement pas assez loin, puisqu’il ne prévoit qu’une protection temporaire dont la durée n’est pas précisée. Quelques avancées qui ont été réalisées, mais elles ne sont pas suffisantes. En tout cas, gardons-nous de propager des chiffres inexacts qui pourraient être repris dans les médias.

Mme la rapporteure. Je suis d’accord avec les orateurs précédents ; nous aurons l’occasion d’en débattre très prochainement. Il est clair que le problème n’est pas réglé, mais nous avons des outils. Nous nous sommes aperçus, au fil des auditions, que les uns ne connaissaient pas les missions des autres. Ça, ce n’est pas possible : essayons déjà de mieux informer sur les dispositifs qui existent et de mettre en relation les différents acteurs.

Parmi les facteurs de difficulté pour ces jeunes, outre le logement, dont on a parlé, il y a aussi la mobilité, et un troisième frein qui est rarement évoqué : les modes de garde. Parmi les bénéficiaires du RSA jeune actif, il y a de nombreuses jeunes mamans qui n’ont pas la possibilité d’accéder à une formation et à un emploi. Cette question sera un véritable enjeu dans les années futures.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-AS107 de M. Thierry Michels.

M. Thierry Michels. L’accélération de la transition écologique ne doit laisser personne au bord de la route et nécessite, en conséquence, un accompagnement solidaire. Nous avons créé, dans la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, les zones à faibles émissions mobilité (ZFE‑m) dans les agglomérations de plus de 150 000 habitants. C’est un levier essentiel de la politique de santé publique, destiné à réduire les émissions de CO2 induites par la circulation automobile. La création d’une ZFE‑m s’accompagne d’aides substantielles pour le développement des transports en commun et des mobilités douces, ainsi que pour la conversion de la voiture individuelle.

Toutefois, l’usage des transports en commun et la marche peuvent présenter des difficultés pour les plus fragiles d’entre nous, tandis que l’achat d’une voiture propre est, malgré les aides, hors de la portée de nos concitoyens les plus modestes. La loi accorde aux détenteurs de la carte mobilité inclusion (CMI) comportant la mention « stationnement » une dérogation aux mesures de restriction de la circulation prévue dans les ZFE‑m. On peut donc s’attendre à une augmentation des demandes d’obtention de la carte mobilité. Les crédits que nous sollicitons ont pour objet, d’une part, d’aider les MDPH à traiter les demandes de nos concitoyens et, d’autre part, de développer des campagnes d’information spécifiques à destination de ces publics.

Je proposerai également, en séance publique, le développement de transports à la demande solidaires pour permettre à nos aînés et aux plus fragiles de nos concitoyens de rester au centre de la cité, au sens propre comme au sens figuré.

Mme la rapporteure. Nous soutenons évidemment le développement de l’accès des personnes à la CMI, la mobilité des personnes en perte d’autonomie constituant une priorité. Nous sommes néanmoins défavorables à la création d’une nouvelle voie de financement des MDPH, lesquelles bénéficient du concours de la CNSA, dans le cadre du PLFSS. S’il n’y a pas d’intérêt à créer un nouveau canal de financement, il conviendra toutefois d’engager une réflexion sur les leviers à notre disposition.

Je vous propose de retirer votre amendement.

M. Thierry Michels. Il importe en effet que l’on débatte de cette question et que des organes comme la CNSA s’en emparent. Elle sera d’une importance croissante à mesure que nous accélérerons la transition écologique.

L’amendement est retiré.

 

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances non modifiés.

 

Article 43 : Abattement forfaitaire sur les revenus du conjoint d’un bénéficiaire de l’allocation aux adultes handicapés

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 43 non modifié.

 

Après l’article 43

 

Amendement II-AS128 de M. Thierry Michels.

M. Thierry Michels. On doit impérativement améliorer la qualité des éléments dont on dispose pour apprécier le pilotage de la politique publique concernant l’AAH. On doit faire plus pour les personnes en situation de handicap, ce qui nécessite davantage de transparence et d’objectivation. Cela permettrait au Parlement d’approfondir sa mission de contrôle et de s’assurer de l’efficacité et de l’efficience de notre dépense publique.

Depuis le début du quinquennat, nous avons œuvré au refinancement de la solidarité – qui était attendu depuis des années – en faveur des personnes les plus fragiles. La revalorisation de l’AAH témoigne de l’importance que nous lui accordons.

Notre groupe souhaite une amélioration significative de la qualité des données portant sur les demandeurs en situation de handicap et bénéficiaires de l’allocation. On doit comprendre les raisons des inégalités territoriales, qui sont préjudiciables à nos concitoyens, comme l’a relevé la Cour des comptes dans son rapport public thématique L’Allocation aux adultes handicapés de novembre 2019.

Mme la rapporteure. Votre amendement a pour objet la publication des données nécessaires à l’appréciation précise de l’application des critères de conjugalité de l’AAH afin de compléter l’information sur les bénéficiaires et d’étudier plus précisément le pilotage de l’allocation. Les difficultés relatives à la collecte d’informations précises sur l’attribution de l’AAH alimentent en effet une incertitude quant aux critères retenus par les MDPH et induisent un risque de disparités entre bénéficiaires. Les témoignages mettent en évidence une incompréhension par les bénéficiaires des règles retenues pour le calcul de leur allocation. Ces règles sont l’objet de recours qui ne bénéficient qu’aux personnes handicapées les mieux informées. Il est par ailleurs regrettable que subsistent tant de disparités territoriales dans l’attribution de l’AAH, qui témoignent d’une application variable des critères d’attribution de l’allocation.

Je suis donc favorable à votre amendement.

M. Pierre Dharréville. Ces questions pourraient trouver une réponse plus adaptée dans la proposition de loi que nous soumettrons à nouveau à notre assemblée le 2 décembre prochain.

La commission adopte l’amendement.

 

 

 


—  1  —

   annexe :
Liste des personnes entendues par la rapporteure

(par ordre chronologique)

 

       Union nationale des missions locales (UNML)  M. Stéphane Valli, président, Mme Sandrine Aboubadra-Pauly, déléguée générale, et M. Olivier Gaillet, chargé de mission

       Observatoire national de la protection de l’enfance (ONPE) Mme Anne Oui, chargée de mission

       Fédération nationale des associations départementales d’entraide des personnes accueillies en protection de l’enfance (ADEPAPE) M. JeanMarie Muller, président

       Secrétariat d’État en charge de l’enfance et des familles auprès du ministère des solidarités et de la santé  M. Julien Roux, conseiller en charge des politiques territoriales et des relations avec les élus locaux, et M. Guillaume Zucman, conseiller parlementaire et chargé des relations internationales

       Table ronde réunissant des associations :

 SOS villages d’enfants (*)  M. Hervé Laud, directeur « prospectives et plaidoyer », et M. Olivier Dricot, directeur de l’établissement « Maison Claire Morandat » à Valenciennes

 Association d’entraide aux jeunes de 15 à 25 ans (ANEF)  M. François Roche, président de la fédération, et Mme Dalila Djafer, directrice du pôle enfance et jeunesse de l’ANEF 63

– Collectif Cause majeure (*) – Mme Florine Pruchon, responsable plaidoyer SOS Villages d’Enfants, Mme Sophie Diehl, Citoyens et Justice, et M. Paul de Ryck, France Parrainage

       Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE)  Ministère des solidarités et de la santé  M. Georges Labazée, vice-président, et Mme Emmanuelle Latour, secrétaire générale

       Centres régionaux d’études, d’actions et d’informations en faveur des personnes en situation de vulnérabilité (CREAI)  M. Jacques Nodin, président, et M. Antoine Fraysse, délégué fédéral

       Direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ)  Ministère de la justice – Mme Charlotte Caubel, directrice

       Union nationale des missions locales (UNML) M. Serge Piou, président de la mission locale du Choletais, M. Cyrille Palvadeau, directeur de la mission locale du Choletais, Mme Marilène Dheygers, directrice de la mission locale L’Aigle-Mortagne, Mme Morin, coordinatrice Garantie jeunes de la mission locale L’Aigle‑Mortagne, et M. Olivier Gaillet, chargé de mission auprès de l’UNML

       Ministère des solidarités et de la santé  Direction générale de la cohésion sociale (DGCS)  Mme Virginie Lasserre, directrice générale de la cohésion sociale, M. Jean-Régis Catta, sous-directeur de l’enfance et famille, M. Denis Darnand, sous-directeur de l’inclusion sociale, insertion et lutte contre la pauvreté, Mme Katarina Miletic-Lacroix, cheffe du bureau des budgets et de la performance, et Mme Thu-Trang Vuong, chargée de mission questionnaires parlementaires

       Audition commune :

 Conseil départemental de l’Aveyron  Mme Nathalie Bonnefé, chargée du pôle des solidarités départementales et du développement social local

 Conseil départemental de la LoireAtlantique Mme Claire Tramier, Vice- présidente Familles et protection de l’enfance.

       Audition commune :

 Mme Fiona Lazaar, députée du Val‑d’Oise

 Mme Monique Limon, députée de l’Isère

– Mme Bénédicte Pételle, députée des Hauts-de-Seine

– Mme Michèle Peyron, députée de Seine-et-Marne

 Mme Mireille Robert, députée de l’Aude

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(*) Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.


([1]) Projet de loi nº 4264 relatif à la protection des enfants.

([2]) Une revalorisation de 90 euros du montant maximal du bonus individuel de la prime d’activité a été mise en œuvre par le décret n° 2018-1197 du 21 décembre 2018 relatif à la revalorisation exceptionnelle de la prime d’activité.

([3]) Selon les données définitives de décembre 2020, les caisses d’allocations familiales (CAF et MSA) ont versé la prime d’activité à 4 578 000 foyers pour un montant moyen de 184,80 euros par mois.

([4]) La hausse du taux de cofinancement apporté par l’Union européenne au Fonds européen d’aide alimentaire (FEAD) et la baisse des compensations de refus d’apurement, liée à une amélioration de la conformité des dépenses, expliquent l’inflexion de la dépense associée à la contribution de la France au FEAD par rapport à l’exercice 2021.

([5]) Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

([6]) Article L. 221-1 du code de l’action sociale et des familles.

([7]) L’enquête Aide sociale auprès des conseils départementaux, DREES, 25 juillet 2020.

([8]) Donnée issue de la réponse écrite de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) au questionnaire de la rapporteure.

([9]) Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP), Passage à l’âge adulte des jeunes de l’aide sociale à l’enfance, juillet 2020.

([10]) Conseil économique, social et environnemental (CESE), Prévenir les ruptures dans les parcours en protection de l’enfance, rapport rédigé par M. Antoine Dulin et publié en juin 2018.

([11]) Ibid.

([12]) Étude longitudinale sur l’accès à l’autonomie des jeunes en protection de l’enfance, menée par Isabelle Fréchon et Lucy Marquet en collaboration avec l’Institut national d’études démographiques (INED) dans sept départements, concentrant plus d’un quart des jeunes protégés de 17 à 20 ans. Cette étude constitue l’une des principales sources de données réalisées sur un échantillon représentatif sur les trajectoires des jeunes issus de l’ASE.

([13]) Isabelle Fréchon, Isabelle Lacroix, L’entrée dans la vie adulte des jeunes pris en charge par le système de protection de l’enfance, Les apports de la recherche sur la sortie de placement et ses conséquences, Presses de Sciences Po | « Agora débats/jeunesses », 2020.

([14]) Fondation Abbé Pierre, 24e rapport sur l’état du mal-logement en France en 2019.

([15]) Placement dans l’enfance et précarité de la situation de logement, Isabelle Fréchon et Maryse Marpsat, INSEE, 2016.

([16]) Définie comme le fait de souffrir d’une position résidentielle fragilisée.

([17]) Au moment de la première vague de l’enquête ELAP, près de la moitié des jeunes placés (âgés de 17 à 20 ans) était passée par au moins trois lieux de placement : 22 % en avaient déjà connu trois, 9 % quatre et 17 % cinq et plus ; données issues de l’article de Pascale Dietrich-Ragon précédemment cité.

([18]) Que deviennent les jeunes après l’aide sociale à l’enfance ? Communiqué de presse de l’Institut national d’études démographiques (INED), décembre 2018.

([19]) Isabelle Fréchon, Lucy Marquet, Comment les jeunes placés à l’âge de 17 ans préparent-ils leur avenir ?, Collection Documents de travail n° 227, 2016, 9 pages.

([20]) La République doit être une chance pour tous : pour un accompagnement sur-mesure de chaque jeune majeur sortant de l’aide sociale à l’enfance vers l’autonomie réelle, rapport présenté par Mme Brigitte Bourguignon et remis au Premier ministre et au secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé chargé de la protection de l’enfance, août 2019.

([21]) Étude relative aux modalités d’accompagnement des jeunes de 16 à 21 ans de l’aide sociale à l’enfance mises en œuvre par les services départementaux de l’ASE réalisée par le cabinet Asdo études, commandée par la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), mai 2020.

([22]) La République doit être une chance pour tous : pour un accompagnement sur-mesure de chaque jeune majeur sortant de l’aide sociale à l’enfance vers l’autonomie réelle, précédemment cité.

([23]) Loi n° 2016-297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant.

([24]) Prévu à l’article L. 222-5-1 du CASF.

([25]) Article L. 222-5-2 du CASF.

([26]) Cour des comptes, La protection de l’enfance. Une politique inadaptée au temps de l’enfant, rapport public thématique, novembre 2020.

([27]Selon le rapport de la Cour des comptes, 70 % des jeunes concernés ont bénéficié d’un entretien dans le département des Landes. Dans le Maine-et-Loire, en 2018, pour soixantecinq jeunes concernés, quarantesix entretiens ont été réalisés.

([28]) Cour des comptes, La protection de l’enfance. Une politique inadaptée au temps de l’enfant, rapport public thématique, novembre 2020.

([29]) Prévenir les ruptures dans les parcours en protection de l’enfance en garantissant une aide pour les jeunes sortants de l’ASE et en accompagnant les jeunes majeurs au cours de la transition vers l’autonomie, avis du CESE, juin 2018.

([30]) Calcul portant sur soixante‑huit collectivités ayant correctement rempli cet indicateur.

([31]) Calcul portant sur soixante‑deux départements.

([32]) Calcul portant sur cinquante‑huit départements.

([33]) Calcul portant sur quatre-vingt-un départements.

([34]) Calcul portant sur soixante‑quatorze départements.

([35]) Id.

([36]) Issu d’un amendement du Gouvernement portant article additionnel, adopté par l’Assemblée nationale en séance publique.

([37]) À l’article 3 ter, introduit en commission des affaires sociales.

([38]) A l’article 3 quater, introduit en commission des affaires sociales.

([39]) Article 3 bis I.

([40]) Articles R. 543-1 à R. 543-9.

([41]) Rapport d’information (n° 2110) déposé par la mission d’information de la Conférence des présidents sur l’aide sociale à l’enfance et présenté par M. Alain Ramadier, président, et Mme Perrine Goulet, rapporteure (3 juillet 2019).

([42]) Article 13 du projet de loi.

([43]) Proposition de loi visant à renforcer l’accompagnement des jeunes majeurs vulnérables vers l’autonomie, adoptée le 7 mai 2019 par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée.

([44]) https://videos.assemblee-nationale.fr/video.11416402_61794a21beb81.commission-des-affaires-sociales--m-olivier-veran-ministre-des-solidarites-et-de-la-sante-sur-la-27-octobre-2021