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N° 4598

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 octobre 2021.

 

 

AVIS

 

 

PRÉSENTÉ

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2022,

 

 

TOME IV

 

 

RÉGIMES SOCIAUX ET DE RETRAITE

 

PENSIONS

 

 

PAR M. Belkhir BELHADDAD,

 

Député.

——

 

 

 

Voir les numéros :

Assemblée nationale :  4482, 4524 (annexe n° 34).

 


 

 


  1  

SOMMAIRE

___

 Pages

Avant-Propos

PREMIÈRE PARTIE Les crÉdits du compte d’affectation spÉciale pensions et de la mission rÉgimes sociaux et de retraite

I. Les crÉdits du compte d’affectation spÉciale Pensions

A. Le programme 741 pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires dinvaliditÉ

1. Fonctionnaires civils

2. Militaires

3. Allocations temporaires d’invalidité

B. Le programme 742 Ouvriers des Établissements industriels de lÉtat

1. Le FSPOEIE

2. Le RATOCEM

C. Le programme 743 Pensions militaires dinvaliditÉ et des victimes de guerre et autres pensions

1. Reconnaissance de la Nation

a. La retraite du combattant

b. Les traitements attachés à la Légion d’honneur et à la médaille militaire

2. Réparation (pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre)

3. Pensions d’Alsace-Moselle

4. Allocations de reconnaissance des anciens supplétifs

5. Pensions des anciens agents du chemin de fer franco-éthiopien

6. Pensions des sapeurs-pompiers et anciens agents de la défense passive victimes d’accident

7. Pensions de l’Office de radiodiffusion-télévision française (ORTF)

II. Les crÉdits de la mission rÉgimes sociaux et de retraite

A. Le programme 198 RÉgimes sociaux et de retraite des transports terrestres

1. Les pensions des anciens agents de la SNCF

2. Les pensions des anciens agents de la RATP

3. Autres régimes

a. Le congé de fin d’activité des conducteurs routiers (CFA)

b. Le complément de retraite des conducteurs routiers

c. Les pensions des anciens agents des chemins de fer d’Afrique du Nord et d’outre-mer

d. Les pensions de certains anciens agents des chemins de fer secondaires d’intérêt local ()

B. Le programme 197 RÉgimes de retraite et de sÉcuritÉ sociale des marins

C. Le programme 195 RÉgimes de retraite de la SEITA et divers

1. Le fonds spécial de retraite de la Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines

2. Le régime de la SEITA ()

3. La Caisse des retraites des régies ferroviaires d’outre-mer (CRRFOM)

4. Les versements liés à la liquidation de l’ORTF

Seconde partie l’Âge : une question d’ÉquitÉ

I. L’Âge et les dÉpenses augmentent

A. La France vieillit

B. Les dÉpenses de retraite augmentent

C. Les rÉformes passÉes ont permis d’attÉnuer les consÉquences du vieillissement sur les dÉpenses de retraite

II. l’ÉquitÉ entre les gÉnÉrations : la situation dÉmographique et Économique À venir rend-elle d’autres rÉformes nÉcessaires ?

A. Les dÉpenses vont continuer À augmenter

B. Le ratio dÉmographique va se dÉgrader

1. L’âge constaté de départ à la retraite va continuer à augmenter...

2. ... mais pas assez pour compenser la hausse de l’espérance de vie...

3. ... d’où une durée de retraite très élevée

C. Les progrÈs de l’espÉrance de vie doivent-ils se traduire par des mesures visant À augmenter l’Âge de dÉpart À la retraite ?

III. l’ÉquitÉ entre les situations : comment uniformiser les rÈgles relatives À l’Âge de dÉpart ?

A. La question de l’Âge est indissociable de celle de la prise en compte de la pÉnibilitÉ

B. La situation actuelle est inÉquitable et donc insatisfaisante

1. Une prise en compte inégale de la pénibilité

2. Des exceptions auxquelles il faut mettre fin dans le respect des droits acquis

C. Construire un système Équitable de prise en compte de la pÉnibilitÉ pose de nombreuses difficultÉs

1. La difficulté de la caractérisation du lien entre retraite et pénibilité

2. La difficulté de l’unicité du système et de ses critères

3. La question des professions régaliennes et la situation particulière des militaires

IV. Les dÉfis d’une rÉforme de l’Âge

A. Quel mÉcanisme choisir pour garantir l’acceptabilitÉ d’une rÉforme portant sur l’Âge autant que son efficacitÉ ?

B. Des consÉquences Économiques À anticiper

C. La nÉcessitÉ d’amÉliorer la situation des 60-64 ans sur le marchÉ de l’emploi

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Annexe : Liste des personnes auditionnées par le rapporteur

 


  1  

   Avant-Propos

« À quel âge et avec combien d’argent ? » Au cours des auditions menées par le rapporteur dans le cadre du présent avis budgétaire, cette formule a été employée à plusieurs reprises pour décrire les attentes et les inquiétudes des Français en matière de retraite.

À côté du « combien » – c’est-à-dire du souci de pouvoir bénéficier, au moment du départ en retraite, d’un taux de remplacement qui ne représente pas une trop forte diminution des ressources – la question du « quand » occupe donc une place centrale dans les préoccupations des salariés : jusqu’à quel âge faudra-t-il travailler avant de pouvoir profiter de ce temps de repos et du revenu de remplacement qui l’accompagne. Ainsi considérée, cette attente est un décompte du temps restant avant le départ en retraite.

Du point de vue des régimes de retraite en revanche, la question de l’âge est une question de soutenabilité financière, dans le contexte d’une transition démographique de grande ampleur. Les réformes portant sur l’âge ont en effet déjà fait la preuve de leur capacité à limiter les conséquences des déséquilibres démographiques sur l’équilibre financier de ces régimes. Elles n’ont néanmoins pas mis fin aux disparités entre situations qui perdurent dans de nombreux régimes – y compris ceux dont les crédits sont retracés dans le compte d’affectation spéciale Pensions et dans la mission Régimes sociaux et de retraite – et auxquelles les Français sont sensibles.

La question de l’âge apparaît comme une question d’équité. Équité, tout d’abord, entre les générations, dans un contexte d’augmentation de l’espérance de vie et du temps passé à la retraite, pour assurer la soutenabilité du système de retraite. Équité également entre les situations, le traitement de l’âge, y compris des exceptions à l’âge d’ouverture des droits et donc de la pénibilité, devant tendre vers l’universalité.

Une réforme portant sur l’âge pose néanmoins de nombreux défis, que les auditions menées dans le cadre de la préparation du présent rapport ont permis de mettre en lumière.

Au terme de leur analyse, le rapporteur émet un avis favorable à l’adoption des crédits du compte d’affectation spéciale Pensions et de la mission Régimes sociaux et de retraite présentés dans le projet de loi de finances pour 2022. L’analyse des crédits est suivie d’une présentation thématique portant sur la question de l’âge dans les régimes de retraite.

 

 


  1  

   PREMIÈRE PARTIE
Les crÉdits du compte d’affectation spÉciale pensions et de la mission rÉgimes sociaux et de retraite

Les crédits du compte d’affectation spéciale (CAS) Pensions, fixés à 60,2 milliards d’euros en 2021, connaissent une légère hausse (+ 1,25 %) pour s’établir à 61 milliards dans le projet de loi de finances pour 2022. Les crédits de la mission Régimes sociaux et de retraite sont, eux, en baisse (– 1,55 %), passant de 6,2 milliards d’euros en 2021 à 6,1 milliards en 2022.

La présentation des crédits relevant de ces deux ensembles n’a toutefois pas vocation à se substituer à l’analyse exhaustive effectuée par le rapporteur spécial de la commission des finances, saisie au fond.

I.   Les crÉdits du compte d’affectation spÉciale Pensions

Créé en 2006, le compte d’affectation spéciale Pensions retrace, conformément à l’article 21 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), les opérations relatives aux pensions et avantages accessoires gérés par l’État.

Constituant une mission au sens de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), il regroupe les crédits des régimes de retraite et d’invalidité dont l’État a la charge, qu’il s’agisse des fonctionnaires civils, des ouvriers de l’État ou des militaires.

Comme tout compte d’affectation spéciale, le CAS Pensions est soumis à une obligation d’équilibre. En effet, son solde budgétaire cumulé, correspondant à la différence entre la somme des recettes et la somme des dépenses depuis la création du compte, doit toujours être excédentaire. Ce résultat est obtenu par une gestion précise des recettes, lesquelles se composent des contributions employeurs, des cotisations salariales et, en tant que de besoin et sans limitation, de versements complémentaires issus du budget général.

Ses crédits sont répartis en trois sections correspondant chacune à un programme.

A.   Le programme 741 pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires dinvaliditÉ

Le programme 741 rassemble les crédits relatifs au versement des prestations de retraite des fonctionnaires civils de l’État, de celles des militaires et de l’allocation temporaire d’invalidité (ATI). Il constitue une part très importante des dépenses retracées dans le CAS Pensions : 94 % en 2020.

1.   Fonctionnaires civils

Les crédits des pensions des fonctionnaires civils connaissent une légère augmentation (+ 1,93 %), essentiellement imputable à la hausse des effectifs de pensionnés conjuguée à la baisse du nombre de cotisants.

Concernant les pensions de droit direct en effet, si l’hypothèse retenue est celle d’une stagnation des liquidations et des décès, les sorties demeurent toujours inférieures aux entrées, y compris en prenant en compte le surcroît de mortalité observé en 2020 :

Affiliés civils

Affiliés non retraités (A)

Compte actif (1)

Affiliés retraités

(B)

Rapport démographique

(A/B)

Nouveaux retraités

Décès de retraités

Montant de la pension moyenne des retraités (B)

2017

1 789 542

1 549 176

1,16

59 470

37 510

2 088

2018

1 773 699

1 571 136

1,13

56 639

38 172

2 109

2019

1 754 593

1 589 603

1,10

55 513

38 868

2 113

2020

1 727 488

1 606 248

1,08

54 464

43 337

2 123

2021

1 685 831

1 617 375

1,04

56 541

41 626

2 138

2022 (prévisions)

1 674 667

1 632 290

1,03

54 970

41 706

2 149

2023 (prévisions)

1 664 432

1 645 554

1,01

53 939

42 672

2 176

2024 (prévisions)

1 655 008

1 656 821

1,00

54 205

43 728

2 211

2025 (prévisions)

1 645 693

1 667 298

0,99

53 305

44 873

2 239

Source : Direction générale des finances publiques (DGFiP), Service des retraites de l’État, base des affiliés, base des pensions, modèles PABLO et PACO pour les prévisions.

Champ : affiliés civils.

(1) Compte actif : affilié non retraité en activité dont le compte individuel retraite est régulièrement alimenté par lemployeur, assimilable à la notion de cotisant.

L’impact du retour, depuis 2021, à une indexation des prestations de retraites sur les prix (0,4 %), laquelle ne devrait plus, en 2022, être affectée par le ralentissement de l’inflation engendrée par la crise, contribue également à la hausse de ces dépenses.

2.   Militaires

L’enveloppe consacrée aux pensions sera stable, en très légère diminution (– 0,55 %) entre 2021 et 2022. Les effectifs se caractérisent en effet par leur particulière stabilité et par un rapport démographique constant :

 

Affiliés militaires

Affiliés non retraités (A)

Compte actif (1)

Affiliés retraités

(B)

Rapport démographique

(A/B)

Nouveaux retraités

Décès de retraités

Montant de la pension moyenne des retraités (B)

2017

308 368

387 398

0,80

11 623

9 523

1 704

2018

313 372

389 498

0,80

11 971

9 436

1 715

2019

318 330

392 033

0,81

12 860

9 398

1 711

2020

321 784

395 495

0,81

11 516

9 953

1 708

2021

320 999

397 058

0,81

12 000

9 576

1 710

2022 (prévisions)

320 999

399 482

0,80

11 500

9 363

1 722

2023 (prévisions)

320 999

401 619

0,80

11 500

9 329

1 735

2024 (prévisions)

320 999

403 790

0,79

11 500

9 303

1 756

2025 (prévisions)

320 999

405 987

0,79

11 500

9 268

1 773

Source : DGFiP, Service des retraites de l’État, base des affiliés, base des pensions, modèles PABLO et PACO pour les prévisions.

Champ : affiliés militaires.

(1) Compte actif : affilié non retraité en activité dont le compte individuel retraite est régulièrement alimenté par lemployeur, assimilable à la notion de cotisant.

3.   Allocations temporaires d’invalidité

Les crédits des allocations temporaires d’invalidité, qui ne représentent qu’une très faible part des crédits du programme 741 (0,2 %), connaîtront une hausse modérée en 2022 (+ 2,15 %). En effet, la baisse du nombre d’allocataires et du taux moyen d’invalidité est neutralisée par la revalorisation des prestations versées.

B.   Le programme 742 Ouvriers des Établissements industriels de lÉtat

Le programme 742 retrace les dépenses et recettes de deux fonds consacrés aux prestations de retraite et d’invalidité versées aux ouvriers de l’État : le Fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l’État (FSPOEIE) et le fonds gérant les rentes d’accidents du travail des ouvriers civils des établissements militaires (RATOCEM). La gestion de ces deux fonds est confiée, depuis leur création, à la Caisse des dépôts et consignations.

1.   Le FSPOEIE

Les crédits correspondant aux pensions versées par le FSPOEIE au titre des risques vieillesse (92 % des pensionnés) et invalidité (8 %) sont extrêmement stables (– 0,19 %), en raison d’effectifs eux-mêmes très peu fluctuants. À long terme, l’hypothèse retenue est celle d’une baisse continue des effectifs :

 

Au 31 décembre

2020

2021 (p)

2022 (p)

2023 (p)

2024 (p)

2025 (p)

2026 (p)

2027 (p)

Cotisants

21 147

19 484

17 856

16 261

14 696

13 163

11 659

10 185

Total des pensionnés

96 661

95 370

94 185

93 001

91 817

90 632

89 445

88 257

Pensionnés de droit direct

67 056

66 500

66 027

65 533

65 017

64 481

63 923

63 345

Pensionnés de droit dérivé

29 605

28 870

28 158

27 468

26 799

26 151

25 522

24 912

Source : Caisse des dépôts et consignations.

Les frais de gestion, versés à la Caisse des dépôts, sont eux aussi extrêmement stables (– 0,37 %) ; il convient de noter, à cet égard, que la Caisse des dépôts n’assure pas la liquidation des prestations versées.

Seuls les crédits de l’action Autres dépenses spécifiques se caractérisent par une importante baisse (– 13,37 %), sans explication particulière mais peut-être en raison de l’amélioration du taux de recouvrement des indus et trop-versés.

2.   Le RATOCEM

Les crédits alloués au fonds RATOCEM (prestations versées et frais de gestion) baisseront en 2022 (– 5,22 %). Sans énoncer précisément les raisons de cette baisse, les documents budgétaires imputent notamment l’aléa inhérent aux dépenses de ce fonds au versement de certaines rentes sous forme de capital d’une part et à l’impact de la part versée au titre de l’amiante d’autre part.

C.   Le programme 743 Pensions militaires dinvaliditÉ et des victimes de guerre et autres pensions

Ce programme finance, d’une part, les pensions versées au titre du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre (PMIVG) et, d’autre part, les pensions, rentes et allocations de régimes de retraite ou équivalents dont l’État est directement redevable, notamment au titre d’engagements historiques et de reconnaissance de la Nation.

À la différence des autres programmes du CAS Pensions, ces différentes dépenses sont financées exclusivement par la solidarité nationale et non selon une logique contributive. Chaque action est le miroir d’une action d’un des programmes ministériels du budget général, dit programme support, qui en supporte exclusivement les dépenses. Les crédits de ce programme baisseront en 2022 (– 5,37 %).

Ce programme se décline en sept actions, recouvrant une diversité de pensions et de rentes.

1.   Reconnaissance de la Nation

Cette action représente 41,4 % du montant du programme.

a.   La retraite du combattant

Versée en témoignage de la reconnaissance nationale, la retraite du combattant est incessible, insaisissable et non-imposable. Elle s’élève actuellement à 763,36 euros annuels, l’article 42 du projet de loi de finances pour 2022 prévoyant de la porter à 782,60 euros. La structure d’âge de ses 857 205 bénéficiaires actuels laisse néanmoins augurer une diminution de cet effectif, d’où une baisse des dépenses en 2022 (604,09 millions d’euros).

b.   Les traitements attachés à la Légion dhonneur et à la médaille militaire

Il s’agit de très faibles montants (entre 4,57 euros et 36,59 euros annuels), parfois non réclamés, d’où le très faible montant des dépenses afférentes (0,8 million d’euros). Les bénéficiaires étaient, en 2020, au nombre de 119 415.

2.   Réparation (pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre)

Cette action est la plus conséquente du programme : elle représente 55,4 % de son montant. Les pensions dont elle retrace les dépenses sont versées à des militaires victimes d’accidents imputables au service ou à des faits de guerre, ainsi qu’à des victimes civiles de guerre ou d’actes de terrorisme commis depuis le 1er janvier 1982.

Le nombre de bénéficiaires d’une pension militaire d’invalidité s’élevait à 181 009 au 31 décembre 2020. Malgré la revalorisation prévue à l’article 42 du projet de loi de finances pour 2022, ces dépenses seront en baisse en 2022 (– 4,97 %), les sorties concernant souvent des bénéficiaires de prestations élevées.

3.   Pensions d’Alsace-Moselle

Il s’agit des pensions versées, dans ces départements, aux ministres des cultes catholique, protestant luthérien, protestant réformé et israélite, conformément à la législation allemande de 1909 toujours en vigueur. Ce régime, qui compte aujourd’hui 885 bénéficiaires, se caractérise par l’absence de toute cotisation.

4.   Allocations de reconnaissance des anciens supplétifs

Versées aux anciens membres des formations supplétives en Algérie – les harkis – et à leurs conjoints, elles prennent la forme d’allocations de reconnaissance (4 115 bénéficiaires) ou d’allocations viagères (1 324 bénéficiaires).

5.   Pensions des anciens agents du chemin de fer franco-éthiopien

Versées par la Caisse des dépôts, elles concernent 4 bénéficiaires.

6.   Pensions des sapeurs-pompiers et anciens agents de la défense passive victimes d’accident

Il s’agit des pensions d’invalidité et de réversion, des allocations et rentes d’invalidité, des rentes de réversion et des pensions temporaires d’orphelins versées par la Caisse des dépôts, au titre du régime d’indemnisation spécifique des sapeurs‑pompiers volontaires, en cas d’accident survenu ou de maladie contractée en service (1 681 pensionnés recensés au 31 décembre 2020).

7.   Pensions de l’Office de radiodiffusion-télévision française (ORTF)

Il s’agit des prestations versées aux employés de cet Office et reprises par l’État à la suite de sa dissolution : les rentes d’accident du travail (4 bénéficiaires) et les allocations sur-complémentaires de retraite (48 bénéficiaires).

II.   Les crÉdits de la mission rÉgimes sociaux et de retraite

La mission Régimes sociaux et de retraite regroupe un grand nombre de régimes spéciaux de retraite se caractérisant par une création ancienne – souvent antérieure à la sécurité sociale – et un fort déséquilibre démographique. Celui-ci rendant impossible l’autofinancement, il est compensé par le versement de crédits de l’État au titre de la solidarité nationale.

Les règles applicables à ces régimes de retraite se sont progressivement rapprochées de celles de la fonction publique, la loi n° 2018-515 du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire ayant, elle, mis en extinction le régime spécial de la SNCF.

Pour l’année 2022, les crédits de cette mission s’élèveront à 6,1 milliards d’euros, en légère baisse par rapport à 2019 ( 1,55 %).

Ses crédits sont répartis en trois programmes.

A.   Le programme 198 RÉgimes sociaux et de retraite des transports terrestres

Il s’agit du programme le plus important de cette mission, dont il regroupe plus de 69 % des crédits. Ceux-ci financent pour l’essentiel les régimes de retraite du personnel de la SNCF et de la RATP et, dans une bien moindre mesure, d’autres régimes ou dispositifs tel que le congé de fin d’activité (CFA).

1.   Les pensions des anciens agents de la SNCF

Cette action regroupe 78,1 % des crédits de ce programme, pour un montant en légère baisse (– 0,52 %), s’élevant à 3,3 milliards d’euros.

Depuis 2007, la Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la Société nationale des chemins de fer français (CPRPSNCF) est distincte de la SNCF elle-même et perçoit, à ce titre, la contribution de l’État. Celle-ci prend la forme d’une subvention d’équilibre, égale à la différence entre les recettes – contributions patronales libératoires et cotisations salariales – et les dépenses.

En 2020, ce régime compte 126 557 cotisants pour près de 249 310 retraités (171 446 pensions directes et 77 864 réversions). Ce ratio démographique particulièrement défavorable se dégradera du fait de la fermeture du régime et de l’arrêt du recrutement au statut, malgré la baisse du nombre de départs à la retraite et bien que le nombre de cotisants ne diminuera que progressivement.

Cette situation particulière a néanmoins nécessité la mise en place, par la convention du 18 janvier 2021 relative aux transferts financiers entre la CPRPSNCF, la CNAV et l’AGIRC-ARRCO, prise en application de l’article 25 de la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020, d’un mécanisme de compensation, par le régime général et l’AGIRC‑ARRCO, dont dépendent désormais les salariés de la SNCF, de la perte de ressources engendrée pour la CRPSNCF par l’arrêt du recrutement de personnels cotisant auprès de cette caisse. Cette compensation, égale à 10,2 millions d’euros pour l’année 2020, est estimée à 23,4 millions d’euros en 2021.

2.   Les pensions des anciens agents de la RATP

Selon les mêmes modalités que pour la SNCF, cette action correspond à la contribution de l’État permettant d’assurer l’équilibre de la Caisse de retraite du personnel de la Régie autonome des transports parisiens (CRPRATP).

Les dépenses correspondantes progressent légèrement (+ 1,94 %), bien que l’impact de la pandémie sur ce régime, notamment à travers la prise en charge du chômage partiel, ait été moins important que prévu.

Ce régime comptait, en 2020, 52 215 pensionnés pour 42 803 cotisants.

3.   Autres régimes

Ces dépenses en diminution (– 2,25 %) recouvrent :

a.   Le congé de fin dactivité des conducteurs routiers (CFA)

Ce dispositif, géré par le FONGECFA ([1]) pour le transport de marchandises et par l’AGECFA ([2]) pour le transport de voyageurs, permet aux salariés ayant au moins 57 ans et attestant, selon les cas, de vingtcinq ou trente années d’ancienneté dans la conduite de bénéficier d’un congé de fin d’activité.

Ce dispositif concernait en 2020, en moyenne, 8 902 conducteurs pour le FONGECFA et 759 pour l’AGECFA. En 2021, le nombre de nouveaux bénéficiaires devrait être de 2 200 pour le FONGECFA et de 200 pour l’AGECFA.

b.   Le complément de retraite des conducteurs routiers

Versé par la CARCEPT ([3]), il compense un nombre insuffisant de trimestres pour bénéficier d’une pension complète du régime général, ainsi que le manque de trimestres de salariés sortant d’un congé de fin d’activité. Le nombre de bénéficiaires prévu est de 746 en 2021 et de 755 en 2022.

c.   Les pensions des anciens agents des chemins de fer d’Afrique du Nord et d’outre-mer

Il s’agit de régimes résiduels gérés par la CPRPSNCF (chemins de fer d’Afrique du Nord et du Niger-Méditerranée) la CRPRATP (transports urbains tunisiens et marocains) et la Caisse des dépôts (chemin de fer franco-éthiopien).

d.   Les pensions de certains anciens agents des chemins de fer secondaires dintérêt local ([4])

Versées par la CNAV et financées par l’État et certaines collectivités locales, ces pensions concerneront, en 2022, 56 affiliés de l’ex-CAMR ([5]).

B.   Le programme 197 RÉgimes de retraite et de sÉcuritÉ sociale des marins

Il rassemble les financements accordés par l’État au régime de sécurité sociale des marins et des gens de mer d’une part et la subvention versée à l’Établissement national des invalides de la marine (ENIM) au titre de ses charges de service public d’autre part. Ces crédits baisseront en 2022 (– 2,26 %) pour s’établir à 791,3 millions d’euros.

Ce régime recouvre une branche vieillesse, une branche maladie, accident, invalidité maternité et décès et des actions sanitaires et sociales. Il présente une démographie très déséquilibrée propre à la profession des marins, laquelle rend nécessaire une contribution de la solidarité nationale à hauteur des trois quarts des dépenses de la branche vieillesse.

En 2022, 104 759 pensions devraient être versées contre 106 441 en 2021.

C.   Le programme 195 RÉgimes de retraite de la SEITA et divers

En baisse en 2022 (– 6,33 %) il finance quatre régimes spéciaux fermés, tous en rapide déclin démographique, voire quasiment éteints.

1.   Le fonds spécial de retraite de la Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines

Ce régime, fermé depuis 2010, se caractérise par un déséquilibre démographique majeur (208 000 pensionnés pour 981 cotisants en 2022). Il devrait s’éteindre en 2100. Ses effectifs sont en diminution régulière, de même que les crédits qui lui sont alloués (– 6,33 % en 2022), lesquels représentent 87,8 % des dépenses du programme 195. Ils s’établissent, pour 2022, à 947 millions d’euros. Ce régime est géré par la Caisse des dépôts.

Source : réponse au questionnaire budgétaire.

2.   Le régime de la SEITA ([6])

Ce régime, fermé depuis 1980, devrait s’éteindre complètement vers 2080. Il est géré par l’Association pour la prévoyance collective (APC). Comptant, au 1er janvier 2021, 7 260 pensionnés et plus aucun cotisant, il bénéficie d’une subvention d’équilibre versée par l’État. La baisse de ses effectifs est de l’ordre de 4 % par an, un taux presque égal à la diminution des crédits observée (– 4,52 %).

3.   La Caisse des retraites des régies ferroviaires d’outre-mer (CRRFOM)

Géré par la Caisse des dépôts depuis 1993, ce fonds verse les pensions de droit direct et de droit dérivé des agents permanents ayant appartenu au statut du personnel de coopération technique ferroviaire ou au statut du personnel des régies ferroviaires d’outre-mer, soit 62 bénéficiaires au 31 décembre 2020. Les crédits afférents s’élèvent à 929 506 euros pour 2022, leur forte baisse (– 15,46 %) traduisant celle du nombre de bénéficiaires.

4.   Les versements liés à la liquidation de l’ORTF

Il s’agit du compte miroir de celui présenté supra.


   Seconde partie
l’Âge : une question d’ÉquitÉ

I.   L’Âge et les dÉpenses augmentent

A.   La France vieillit

La partie consacrée aux retraites du rapport sur « Les grands défis économiques », remis en juin 2021 au Président de la République par MM. Jean Tirole et Olivier Blanchard, s’ouvre sur ce constat : la France vieillit.

La France connaît en effet, comme l’indique la Cour des comptes ([7]), une transition démographique de grande ampleur.

Ainsi, entre 1994 et 2019 :

– la part des personnes âgées de 60 ans et plus est passée de 20 % à 26,6 % de la population ;

– la part des personnes âgées de 65 ans et plus est passée 15 % à 20,5 % de la population ;

– la part des personnes âgées de 75 ans et plus est passée de 6 % à 9,5 % de la population.

Cette évolution de la pyramide des âges de la population française représente aussi une évolution de la population des retraités français, en augmentation en valeur absolue et par rapport au nombre d’actifs cotisants. Pour les régimes de retraite, il s’agit donc d’un véritable défi.

B.   Les dÉpenses de retraite augmentent

En effet, les dépenses de retraite sont importantes et s’accroissent au fil des années. Elles sont également supérieures à celles de pays dont nous sommes proches : ainsi, dans l’Union européenne, seules la Grèce et l’Italie ont des dépenses publiques en matière de retraite plus élevées, rapportées à leur richesse.

D’après le Conseil d’orientation des retraites (COR), les dépenses brutes (incluant les prélèvements pesant sur les retraites) représentaient, en 2019, 330,6 milliards d’euros, soit un peu plus de 14 % du produit intérieur brut (PIB). Elles s’élèvent, en 2020, à 338,0 milliards, soit 14,7 % du PIB. Les dépenses de retraite, égales, en 2002, à 22 % de l’ensemble des dépenses publiques, ont représenté 24,8 % de ces mêmes dépenses en 2019, puis 24 % en 2020, soit une part importante. Mécaniquement, une hausse des dépenses de retraite représente donc une hausse importante des dépenses publiques.

C.   Les rÉformes passÉes ont permis d’attÉnuer les consÉquences du vieillissement sur les dÉpenses de retraite

Cette hausse des dépenses de retraite, que le Conseil d’orientation des retraites évalue à 2,2 % par an entre 2002 et 2020, s’explique selon lui par celle, régulière, du nombre de retraités sous l’effet de la hausse de l’espérance de vie et de l’arrivée à l’âge de la retraite, à partir de 2006, des générations du babyboom, nées après 1945.

Le facteur démographique étant ainsi prépondérant dans l’augmentation des dépenses de retraites, il était logique de soumettre les régimes de retraites, en vue d’assurer leur équilibre financier, à des réformes portant, au sens le plus large du terme, sur l’âge, ce qui fut fait à plusieurs reprises depuis 1993, comme le souligne la Cour des comptes :

– 1993 : allongement de la durée d’assurance de trente‑sept ans et demi à quarante ans ;

– 2003 : alignement de la durée d’assurance du secteur public sur celle du secteur privé et allongement de la durée d’assurance à quarante et un ans pour tous ;

– 2010 : recul progressif de l’âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans et de l’âge d’annulation de la décote de 65 à 67 ans ;

– 2014 : allongement progressif de la durée d’assurance à 43 ans.

Dans le même temps, les régimes complémentaires, gérés par les partenaires sociaux ont eux aussi connu des réformes concernant l’âge, telle l’AGIRC-ARRCO. Ce régime a en effet mis en place un système de malus temporaire pour les retraités, s’ils sont nés en 1957 ou après, qui partent mois d’un an après l’obtention du taux plein au régime général ([8]).

Les diverses réformes passées des régimes de retraite, de base et complémentaires, ont atteint leur objectif : atténuer les effets de la transition démographique sur l’équilibre financier des régimes. La Cour des comptes estime en effet que les retraites représenteront, en 2030, un peu moins de 14 % du PIB, soit un niveau comparable à celui d’avant crise, contre 20 % si les réformes n’étaient pas intervenues.

Ces relèvements des bornes en matière d’âge ont eu lieu progressivement, par génération. Couplés à la mise en place du mécanisme incitatif du taux plein et de la décote en deçà de celui-ci, ils ont permis, constate le rapporteur, d’améliorer l’équilibre financier des régimes en entraînant une hausse de l’âge effectif de départ à la retraite.

II.   l’ÉquitÉ entre les gÉnÉrations : la situation dÉmographique et Économique À venir rend-elle d’autres rÉformes nÉcessaires ?

A.   Les dÉpenses vont continuer À augmenter

L’examen de la question de l’âge ne se justifie que si l’avenir laisse augurer d’une mauvaise situation financière des régimes de retraite : qu’en est-il ?

Dans son rapport annuel, remis en juin 2021, le Conseil d’orientation des retraites prévoit une légère hausse des dépenses de retraite jusqu’en 2027, puis une baisse entre 2030 et 2060, pour atteindre finalement, à l’horizon 2070, un ratio inférieur à celui de l’année 2019 (entre 11,3 % et 13,0 % du PIB selon les hypothèses retenues).

Néanmoins, face à cette hypothèse d’une décroissance rapide de la part des dépenses de retraite dans le PIB au fil du temps, d’autres voix s’élèvent pour avancer des hypothèses plus pessimistes, notamment en ce qui concerne la croissance de la productivité. Ce facteur est en effet déterminant dans un système de retraite où les cotisations sont indexées sur les salaires et les prestations sur les prix ([9]). Or, selon le Conseil d’orientation des retraites, c’est bien la baisse de la pension moyenne rapportée aux revenus d’activité qui permet, à long terme, de compenser le vieillissement démographique, en réduisant la part des dépenses de retraite dans le PIB.

À cet égard, et au-delà de la question de l’âge, le rapport remis par MM. Tirole et Blanchard souligne, sous la plume de M. Axel Börsch-Supan, directeur de l’Institut Max-Planck de droit social et de politique sociale de Munich et professeur d’économie à l’Université technique de Munich, les fragilités d’un système dont l’équilibre dépend des gains de productivité.

L’équilibre du système est en effet assuré tant que ces gains de productivité permettent aux salaires d’augmenter plus vite que les prix, ce qui a pour effet de faire baisser le montant des prestations de retraite par rapport aux salaires. La croissance de la productivité est de plus elle-même, poursuit le rapport, une variable dont l’évolution est extrêmement incertaine.

Au-delà de cette instabilité économique, le système est appelé, selon la Cour des comptes, à rester durablement en déficit. En 2025, celui-ci serait compris, selon l’estimation du Conseil d’orientation des retraites, entre – 0,1 % (si les gains de productivité du travail sont de 1,8 % en moyenne) et 0,4 % du PIB (s’ils sont de 1 %).

Des hypothèses que confirme l’examen de l’annexe n° 4 au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 :

 

Le rapporteur observe donc que la situation financière à venir des régimes de retraite semble être de nature à justifier la poursuite des mesures destinées à atténuer les effets d’une transition démographique, mesures dont il faut étudier la nature.

B.   Le ratio dÉmographique va se dÉgrader

Selon le Conseil d’orientation des retraites, le ratio entre le nombre de personnes de 20 à 59 ans et celui des personnes de 60 ans et plus passera de 1,9 en 2020 à 1,3 en 2070. En toute logique, le rapport entre le nombre de cotisants et le nombre de retraités diminuera également, passant de 1,7 en 2019 à 1,3 en 2070.

Des évolutions qui s’expliquent par le rapport entre deux paramètres : l’âge de départ à la retraite et l’espérance de vie.

1.   L’âge constaté de départ à la retraite va continuer à augmenter...

L’augmentation de l’âge constaté de départ à la retraite est l’un des paramètres pris en compte par le Conseil d’orientation des retraites dans ses projections. Les réformes passées liées à l’âge avaient toutes pour objet de provoquer une telle augmentation, laquelle, s’ajoutant aux conséquences du recul de l’âge d’entrée dans la vie active, a permis et permettra encore de freiner les effets du vieillissement démographique sur l’équilibre des régimes. Autrement dit : la hausse de l’âge effectif de départ à la retraite améliore la soutenabilité des régimes de retraite, et plus cet âge augmente, plus le déséquilibre se réduit.

Ainsi considéré, la poursuite prévue de la hausse de cet âge est une bonne nouvelle. Le Conseil d’orientation des retraites prévoit en effet que l’âge moyen conjoncturel de départ passera de 62,2 ans en 2019 à près de 64 ans à partir de la fin des années 2030.

Dans le détail, cette augmentation de l’âge de départ à la retraite, débutée en 2010 du fait du report de l’âge d’ouverture des droits à retraite de 60 à 62 ans, se poursuit du fait de la hausse de la durée d’assurance requise pour le taux plein et du report de l’âge d’annulation de la décote de 65 à 67 ans, conjugués avec des entrées plus tardives sur le marché du travail pour les générations qui prendront leur retraite d’ici à l’année 2040.

Sources : DREES, modèle ANCETRE et projections COR, juin 2021.

Cet âge reste néanmoins inférieur à ceux constatés chez nos partenaires européens :

Source : COR, dossier de la séance plénière du 21 février 2019.

2.   ... mais pas assez pour compenser la hausse de l’espérance de vie...

Dans le même temps, l’espérance de vie augmente :

En effet, malgré des disparités entre les femmes et les hommes et en fonction du niveau de vie, l’espérance de vie progresse en France depuis 1945. Égale en 2000 à 25,6 ans pour les femmes et 20,4 ans pour les hommes, l’espérance de vie à 60 ans a atteint, en 2020, 27,3 ans pour les femmes et 22,7 ans pour les hommes.

Bien qu’elle ralentisse sensiblement depuis 2014, cette tendance à la poursuite des progrès d’espérance de vie n’est, selon le Conseil d’orientation des retraites, pas remise en cause pour l’avenir. Ainsi, l’espérance de vie à 60 ans devrait, selon le scénario central, s’élever à 33,6 ans pour les femmes et 30,9 ans pour les hommes en 2070, et ce bien que cet organisme retienne pour la première fois, comme hypothèse centrale, l’hypothèse basse du scénario de l’INSEE, dont les projections sont désormais plus optimistes que l’évolution constatée.

Il serait néanmoins nécessaire, pour que cette hausse de l’espérance de vie ne soit pas de nature à contribuer à la dégradation du déséquilibre démographique, qu’elle reste en deçà de la hausse de l’âge de départ effectif moyen. Cela n’est pas le cas, l’allongement de la durée de la vie entraînant dès lors, comme le souligne la Cour des comptes, un allongement de la durée de versement des pensions.

3.   ... d’où une durée de retraite très élevée

La durée moyenne de versement des retraites est, en France, particulièrement élevée. Comme l’indiquait l’étude d’impact du projet de loi instituant un système universel de retraite ([10]), les Français passent en moyenne vingt‑cinq années à la retraite, soit plus que partout ailleurs dans le monde :

Dépendante notamment d’une espérance de vie dont la hausse, selon M. Axel Börsch-Supan, va peut-être se tasser mais ne va pas stagner, la durée passée en retraite devrait, quel que soit le scénario démographique retenu, augmenter entre les générations 1940 et 2000 (malgré une baisse entre les générations 1950 et 1955 du fait du relèvement de deux ans des âges légaux), comme le révèlent les projections du Conseil d’orientation des retraites :

 

Sources : DREES, modèle CALIPER (cas type) et modèle ANCETRE (moyenne par génération) ; INSEE, projections de population 2013-2070 ; projections COR, juin 2021.

C.   Les progrÈs de l’espÉrance de vie doivent-ils se traduire par des mesures visant À augmenter l’Âge de dÉpart À la retraite ?

Le déséquilibre financier des régimes de retraite résulte largement de causes démographiques, au sein desquelles l’espérance de vie et l’âge de départ à la retraite occupent des rôles centraux. L’augmentation de ce dernier paramètre permet, comme l’ont montré les effets des réformes passées, d’améliorer cet équilibre financier. Ainsi, comme l’écrit la Cour des comptes : « le fait que le déséquilibre financier des retraites résulte largement de causes démographiques pose le débat du relèvement de l’âge d’ouverture des droits à retraite – ou des conditions de la retraite à taux plein ».

Tant les auteurs du rapport remis par MM. Blanchard et Tirole que plusieurs des organisations patronales auditionnées – l’U2P et le MEDEF – avancent en outre, au soutien de cette analyse qu’ils partagent, qu’une réforme portant sur les mesures d’âge pénalise moins l’économie qu’une réforme prévoyant la hausse des cotisations de retraite.

Se dessine donc un principe d’équité intergénérationnelle selon lequel, pour contenir le déséquilibre financier d’un système subissant les conséquences d’un déséquilibre démographique, il faut travailler plus longtemps si l’on vit plus longtemps.

Ce principe a parfois conduit à imaginer un mécanisme où la hausse de l’espérance de vie entraînerait automatiquement la hausse des paramètres liés à l’âge. Un tel mécanisme – auquel le MEDEF a indiqué, lors de son audition, être favorable – était notamment prévu pour l’évolution de l’âge pivot dans le projet de loi instituant un système universel de retraite ([11]). Il doit néanmoins être suffisamment compréhensible pour être acceptable et accepté par les salariés et les retraités.

Doit être tout aussi compréhensible et acceptable la clé qui serait retenue pour répartir les gains d’espérance de vie. Le principe, énoncé par la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites, d’une répartition attribuant deux tiers de ces gains au temps passé en activité et un tiers au temps passé en retraite est souvent repris, y compris dans le projet de loi instituant un système universel de retraite. Le maintien de ce principe est soutenu par la CFTC.

Les organisations syndicales (notamment la CFE-CGC) soulignent néanmoins la nécessité, au-delà de la stricte espérance de vie, de prendre en compte l’espérance de vie en bonne santé. En effet, bien que le Conseil d’orientation des retraites rappelle, sur la base de l’indicateur GALI, que les années de vie gagnées sont des années de vie en bonne santé, ces organisations soulignent, en s’appuyant sur les publications de la DREES ([12]), que l’espérance de vie en bonne santé n’évolue plus depuis de nombreuses années.

Cette nécessité d’examiner de plus près l’état de santé des salariés et des retraités s’inscrit, souligne le rapporteur, dans celle, plus large, de porter une attention particulière à la diversité des situations dans la détermination des règles relatives à l’âge.

III.   l’ÉquitÉ entre les situations : comment uniformiser les rÈgles relatives À l’Âge de dÉpart ?

La question des choix politiques relatifs à l’âge de départ à la retraite, et en particulier de l’âge d’ouverture des droits, pose surtout la question des situations dans lesquelles il doit être dérogé à cet âge. Cette question recoupe très largement celle de la pénibilité et de sa prise en compte.

A.   La question de l’Âge est indissociable de celle de la prise en compte de la pÉnibilitÉ

Un consensus se dégage pour considérer que la pénibilité, c’est-à-dire « l’exposition aux risques professionnels susceptibles de laisser des traces durables, identifiables et irréversibles sur la santé » ([13]), doit être prise en compte dans la détermination des paramètres d’âge du système de retraite. Autrement dit, la pénibilité devrait permettre au salarié qui y est exposé de bénéficier d’un âge de départ à la retraite anticipé par rapport à l’âge légal d’ouverture des droits.

La détermination des paramètres du mécanisme liant ces deux questions est néanmoins éminemment complexe, puisqu’elle doit trouver le juste équilibre entre l’équité entre salariés et la juste reconnaissance des situations de pénibilité. Ce système doit en effet proposer une prise en compte unifiée de la pénibilité quels que soient la profession exercée et le cadre dans lequel elle s’exerce, tout en prenant en compte toutes les situations où l’employé, de par son travail, subit des risques d’altération de sa santé.

Si la pénibilité doit bien entendu être prise en compte, dans la carrière, bien en amont du départ à la retraite, la complexité de la conception d’un système de retraite proposant un traitement absolument équitable de la question de la pénibilité en fait l’une des questions centrales de ce sujet.

B.   La situation actuelle est inÉquitable et donc insatisfaisante

1.   Une prise en compte inégale de la pénibilité

Considérée sous l’angle de l’équité de la prise en compte de la pénibilité par le biais de mesures liées à l’âge de départ à la retraite, la situation actuelle n’est pas satisfaisante, estime le rapporteur.

Dans de nombreux régimes spéciaux, l’âge d’ouverture des droits à la retraite est plus faible que l’âge du régime général : entre 52 et 57 ans, par exemple, dans le régime (désormais mis en extinction) de la SNCF ou pour les salariés actifs de la RATP, voire 40 ans pour les danseurs de l’Opéra national de Paris.

À ces règles propres à certains régimes s’ajoutent des exceptions au sein même des régimes « généraux », tel celui de la fonction publique, où les agents appartenant aux catégories actives peuvent partir à la retraite à 57 ans s’ils réunissent dix‑sept ans de services effectifs. Ce dispositif, de même que celui des départs anticipés dans le régime général, concerne un effectif bien plus important que les régimes spéciaux ; en témoigne l’écart entre l’âge moyen de départ à la retraite selon qu’on les prend ou non en compte :

 

Sources : rapport d’évaluation des politiques de sécurité sociale « Retraites » et rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique annexé au projet de loi de finances pour 2021.

Se distinguant de cette logique de prise en compte de la pénibilité par métier, voire par employeur, qui semble dépassée, certains mécanismes transversaux donnant droit à un abaissement de l’âge de départ à la retraite ont été mis en place. C’est le cas de la retraite anticipée pour carrière longue, permettant aux travailleurs du secteur public comme du secteur privé de partir à la retraite à 60 ans s’ils ont commencé à travailler avant 20 ans.

C’est enfin et surtout le cas du compte professionnel de prévention (C2P), réunissant les points acquis par le salarié du fait de son exposition à des situations précises de pénibilité. Ces points peuvent ensuite être utilisés par le salarié pour bénéficier d’un départ à la retraite anticipé. Répondant à une logique de prise en compte unifiée de la pénibilité, le C2P présente néanmoins l’inconvénient de n’être en vigueur que dans le secteur privé.

Ainsi, la coexistence de ces divers mécanismes laisse perdurer une prise en charge inéquitable de la pénibilité, comme le souligne la Cour des comptes. En effet, un même métier se caractérisant par une exposition à la pénibilité peut ouvrir droit à des avantages différents en termes d’âge de départ à la retraite selon l’environnement dans lequel il est exercé : une infirmière, par exemple, pourra, dans la même situation, partir à la retraite à 57 ans si elle est fonctionnaire (en exerçant un emploi classé en catégorie active) et à 60 ans seulement si elle dépend d’un employeur privé (en utilisant son C2P). De même, les régimes spéciaux, lorsqu’ils ne réunissent qu’une partie des travailleurs exerçant une profession ou une activité, leur offrent des avantages en termes d’âge de départ que n’ont pas les travailleurs qui dépendent d’un autre régime : ainsi du régime de la RATP ou de celui de l’Opéra national de Paris.

En matière d’âge de départ à la retraite, le chemin vers l’équité passe donc, semble-t-il, par la fin de ces systèmes dérogatoires et, en particulier, des régimes spéciaux, dont 65 % des Français souhaitent la suppression ([14]).

2.   Des exceptions auxquelles il faut mettre fin dans le respect des droits acquis

Force est de constater que les avantages offerts par ces mécanismes dérogatoires pèsent de moins en moins sur la démographie des départs à la retraite. En effet, l’âge moyen à la liquidation augmente (cf. supra), y compris au sein des catégories actives :

Cette constatation ne peut néanmoins pas être interprétée comme une ouverture à des mesures accélérant cette convergence avec l’âge d’ouverture des droits, voire supprimant purement et simplement ces mécanismes dérogatoires. Ceux-ci, en effet, et les régimes spéciaux en particulier, sont des éléments d’un contrat social global auquel les travailleurs concernés ont adhéré en début de carrière, et qui visait parfois à compenser une situation désavantageuse par ailleurs. La perspective d’un départ à la retraite anticipé peut donc s’analyser, du point de vue de ces, travailleurs, comme un droit acquis faisant partie intégrante de leur statut.

La préservation de ces droits acquis peut justifier l’utilisation, lorsqu’il est décidé de mettre fin à un régime spécial, de la « clause du grand-père », c’est-à-dire de la préservation des droits de l’ensemble des salariés dans les cadres au moment de la suppression du régime. Dans une telle hypothèse, seuls les salariés recrutés postérieurement à cette date n’en bénéficient plus. Le régime spécial est mis en extinction et perdure tant que des cotisants, puis des retraités, en dépendent. C’est le choix qui a été fait lors de la mise en extinction du régime de retraite de la SNCF par la loi du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire.

Le syndicat FO, lors des auditions, a exprimé son adhésion à ce mécanisme, qu’il juge facilement compréhensible, et garantissant la prévisibilité des parcours individuels. Il bénéficie, en conséquence, d’une assez grande acceptabilité, ce d’autant plus qu’un grand nombre de régimes sont déjà fermés. Le rapporteur constate donc les avantages de l’utilisation d’un tel dispositif.

Enfin, la gestion d’un régime spécial en extinction requiert une expertise particulière, que possède notamment la Caisse des dépôts et consignations, en charge d’un grand nombre de ces régimes.

C.   Construire un système Équitable de prise en compte de la pÉnibilitÉ pose de nombreuses difficultÉs

1.   La difficulté de la caractérisation du lien entre retraite et pénibilité

Il n’en demeure pas moins que la question de la pénibilité est celle de la prise en compte de situations dans lesquelles la santé des travailleurs est altérée, situations dont les indicateurs, notamment ceux mis en avant par la DARES lors de son audition, font état.

En effet, à partir de 50 ans, près d’un tiers des salariés déclarent une santé altérée :

Source : enquête Conditions de travail 2019, Dares-Drees-Dgafp.

 


Cette altération est plus importante s’ils sont exposés à la pénibilité ([15]) :

 

Source : enquête Conditions de travail 2019, Dares-Drees-Dgafp.

Se dessinent alors en creux les mécanismes du raisonnement liant la pénibilité à la question des retraites : le salarié à la santé altérée devrait bénéficier plus tôt de sa retraite parce que cette altération ne lui permet pas de poursuivre son travail, voire parce qu’elle aurait des effets sur son espérance de vie.

Selon M. Antoine Bozio, directeur de l’Institut des politiques publiques, il est néanmoins complexe d’apprécier le lien entre conditions de travail et espérance de vie, laquelle dépend aussi d’autres critères individuels. La population des bénéficiaires d’une retraite anticipée pour carrière longue (RACL), par exemple, ne se distingue ainsi pas par une surmortalité particulière :

Pour cette raison, et bien que la CFTC, par exemple, plaide pour la conservation du dispositif « carrière longue », la CFE-CGC, au contraire, lui privilégie un mécanisme d’incitation financière aux rachats de trimestres, qu’elle juge plus efficace.

La question de la reconversion des travailleurs exposés à la pénibilité est également importante (voir infra).

En toute hypothèse, comme le souligne le rapport remis par MM. Blanchard et Tirole, la meilleure prise en compte de la pénibilité, reste la prévention, les actions visant à améliorer la santé des travailleurs devant être menée sur le lieu de travail. À cet égard, le rapporteur salue l’adoption de la loi du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail.

2.   La difficulté de l’unicité du système et de ses critères

Pour M. Axel Börsch-Supan, la prise en charge de la pénibilité ne doit donc pas dépendre du travail exercé mais de la façon dont on travaille, évaluée selon des critères uniques, généraux et objectifs qu’il s’agit donc de définir. Une telle logique semble correspondre à l’esprit qui a présidé à la mise en place de ce qui est aujourd’hui le C2P, mécanisme que le projet de loi instituant le système universel de retraite souhaitait généraliser pour en faire le seul mode d’évaluation de la pénibilité. Ce dispositif aurait ainsi eu vocation à remplacer progressivement les régimes spéciaux et les catégories actives de la fonction publique.

Plusieurs des organisations syndicales consultées lors de la préparation du présent rapport estiment toutefois que les critères actuellement pris en compte par le C2P sont trop restrictifs : la CFE-CGC propose d’y adjoindre les risques psycho-sociaux, la CFDT et la CFTC souhaitant, elles, qu’y soient réintégrés les quatre facteurs de risques professionnels exclus lors de la transformation du C3P en C2P par l’ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017 ([16]).

Le rapport remis par MM. Tirole et Blanchard propose, quant à lui, de confier aux partenaires sociaux la responsabilité de trouver, par secteur d’activité, un accord définissant les conditions de prise en charge de la pénibilité. La CFE-CGC voit toutefois dans un tel système un risque d’atteinte à l’unicité des critères définissant la pénibilité et souhaite que ceux-ci demeurent définis par la loi.

Quant à la question du financement d’un tel système, M. Axel Börsch‑Supan comme M. Antoine Bozio jugent qu’il doit être supporté par la branche concernée, sans intégration dans le système de retraite, sauf à instituer une forme de subvention du travail pénible. Pour M. Axel Börsch-Supan, il faut en effet pénaliser les employeurs et non les contribuables. Il est néanmoins nécessaire, conclut-il, de réformer conjointement le système de retraite et le système de prise en compte de la pénibilité.

3.   La question des professions régaliennes et la situation particulière des militaires

Certaines professions sont, dans leur ensemble, soumises à des contraintes particulières qui semblent justifier le bénéfice d’âges de départ inférieurs à l’âge légal. Il s’agit, énonce l’étude d’impact du projet de loi instituant un système universel de retraite, des fonctionnaires qui exercent des missions régaliennes de maintien de l’ordre et de la sécurité publique et de contrôle ([17]), lesquelles se caractérisent par leur dangerosité, par des contraintes importantes, et par la nécessité, en conséquence, d’y employer des fonctionnaires en pleine possession de leurs capacités physiques et relativement jeunes.

Il en va de même des militaires, pour lesquels le renouvellement est favorisé par la possibilité de bénéficier d’une retraite précoce et de se reconvertir, en cumulant cette retraite avec les revenus d’une activité professionnelle.

IV.   Les dÉfis d’une rÉforme de l’Âge

La question de l’augmentation de l’âge de départ à la retraite est donc posée dans les deux contextes dans lesquels elle pourrait intervenir : la nécessité, d’une part, d’assurer l’équilibre des régimes de retraite face à une situation démographique défavorable, la volonté, d’autre part, d’unifier les règles relatives à l’âge en réduisant les possibilités de départ anticipé lorsqu’elles n’apparaissent pas justifiées.

Quelle que soit la raison, le rapporteur relève que toute réforme relative à l’âge de départ à la retraite se heurte à de nombreux défis qu’il est nécessaire de prendre en compte.

A.   Quel mÉcanisme choisir pour garantir l’acceptabilitÉ d’une rÉforme portant sur l’Âge autant que son efficacitÉ ?

La perspective d’une réforme portant sur l’âge de départ à la retraite se caractérise par un très fort rejet : de façon constante depuis 2019, 71 % des Français se disent opposés à une hausse de l’âge légal de départ à la retraite, 62 % lui préférant une hausse des impôts ou des taxes pour les foyers les plus aisés ([18]).

Ces chiffres posent la question, dans l’hypothèse d’une telle réforme, du choix du mécanisme à même de la rendre acceptable. Il a ainsi été dit que le choix de mettre fin à un régime dérogation par application de la « clause du grand‑père » contribuait à l’acceptabilité d’une telle réforme.

Mais si l’objectif est d’inciter les salariés à reporter leur départ à la retraite, et in fine d’augmenter l’âge moyen de départ constaté, qu’en est-il ? En fonction du mécanisme et du paramètre choisi, une telle réforme peut prendre différentes formes : hausse de l’âge d’ouverture des droits, de la durée de cotisation, de l’âge du taux plein, etc.

Au-delà de leur acceptabilité, ces différentes mesures touchent différentes personnes. Un travailleur ayant eu une carrière longue, et ayant ainsi acquis un nombre de trimestres élevé, sera d’avantage pénalisé par une hausse de l’âge de départ que par des mesures relevant la durée de la cotisation ou l’âge du taux plein. La situation s’inversera pour un travailleur soucieux, au contraire, de maximiser le montant de sa retraite.

Consultés sur cette question par le rapporteur lors des auditions, les partenaires sociaux apparaissent très divisés quant aux modalités d’une telle réforme. La CPME, constatant la hausse de l’espérance de vie, suggère de porter l’âge d’ouverture des droits à 63 ans, âge dont s’approche déjà l’âge de départ constaté. La CFE-CGC propose, quant à elle, un mécanisme où le salarié de plus de 62 ans bénéficie du taux plein si son âge élevé compense un nombre de trimestres acquis trop faible, et inversement. La CFDT juge une hausse de l’âge d’ouverture des droits socialement inacceptable et invite à privilégier une hausse de la durée de cotisation. La CGT, enfin, souhaite que l’âge d’ouverture des droits soit abaissé à 60 ans.

Il convient néanmoins de souligner que certaines réformes ont été menées, avec succès, par les partenaires sociaux eux-mêmes, telle celle de l’AGIRC‑ARRCO évoquée supra.

Le projet de loi instituant un système universel de retraite ne prévoyait pas de hausse d’ouverture des droits, mais la création d’un âge d’équilibre, ou âge pivot, conditionnant l’application d’une décote ou d’une surcote. Tant le rapport « Blanchard-Tirole » que M. Antoine Bozio jugent néanmoins un tel système inefficace, notamment parce qu’il n’a d’effet que sur une partie de la population. Les organisations syndicales jugent quant à elles qu’il ne tient pas compte de la diversité des situations (en termes d’espérance de vie, de carrière, de revenus, de capacité à se maintenir dans l’emploi, etc.), la CFTC le jugeant inefficient et illisible. Le rapporteur constate donc que la mise en place d’un tel mécanisme ne semble pas faire consensus.

En toute hypothèse, souligne M. Antoine Bozio, l’influence d’une réforme de l’âge sur les comportements dépend aussi de la satisfaction au travail, indicateur particulièrement faible en France :

Toujours selon M. Bozio, et compte tenu de l’ensemble de ces éléments, une telle réforme doit, pour constituer une incitation suffisamment forte pour entraîner une hausse de l’âge constaté de départ à la retraite, engendrer un effet progressif et continu.

B.   Des consÉquences Économiques À anticiper

Tant les organisations syndicales (CFE-CGC, FO et CFDT) que le Conseil d’orientation des retraites le soulignent : il serait trompeur, selon une approche strictement comptable, d’apprécier les effets d’une mesure de report de l’âge à partir de son seul effet immédiat sur l’équilibre financier des régimes de retraite. Une telle réforme, en effet, se traduit aussi progressivement par une hausse du nombre de trimestres liquidés, donc des dépenses.

Une mesure de report de l’âge se traduit également par des effets macro-économiques, notamment sur le marché du travail, dont le choc d’offre ainsi créé modifie l’équilibre. La hausse du chômage qui s’ensuit dans un premier temps engendre une hausse des dépenses publiques. Celles-ci peuvent également être affectées par exemple, par la prise en charge de situations d’invalidité qui l’auraient été, sans réforme, dans le cadre du système de retraite. Ceci est d’autant plus vrai que la situation des 60-64 ans sur le marché du travail apparaît particulièrement dégradée.

C.   La nÉcessitÉ d’amÉliorer la situation des 60-64 ans sur le marchÉ de l’emploi

Pour plusieurs des organisations syndicales auditionnées par le rapporteur, l’amélioration de l’emploi des 60-64 ans est, davantage que des mesures relatives à l’âge, la réforme à même de permettre d’assurer la soutenabilité du régime de retraite.

Tant le syndicat FO que M. Axel Börsch-Supan le soulignent : le taux d’emploi des personnes âgées de 60 ans est inférieur à 50 %.

Source : Insee, enquête Emploi 2020 ; calculs Dares.

Ainsi, en 2018, seuls 63 % des nouveaux retraités et 52 % des nouvelles retraitées avaient une activité professionnelle au moment de leur départ en retraite, des chiffres fortement inférieurs à ceux constatés chez nos voisins européens.


Taux d’emploi des 60-64 ans

Source : Eurostat, calculs Dares.

Comme la DARES l’a souligné lors de son audition, la dégradation de la situation professionnelle des 6064 ans est générale, cette tranche d’âge se caractérisant, outre son fort taux d’inactivité, par un recours au temps partiel plus important (27,9 % contre 18,2 % pour les 55-59 ans) et des taux de formation plus faibles que pour l’ensemble des salariés. Les travailleurs de cette tranche d’âge sont donc particulièrement éloignés du marché du travail et sont en conséquence, surtout s’ils ne sont plus en activité, plus enclins à partir tôt à la retraite. De plus, dès avant l’âge d’ouverture des droits à retraite, le faible taux d’activité se traduit par un montant de cotisations retraites plus faible qu’attendu, et donc une diminution des ressources des régimes.

Il est dès lors indispensable, constate le rapporteur, d’améliorer la situation des 6064 ans sur le marché de l’emploi.

L’une des pistes possibles pourrait être l’amélioration du dispositif du cumul emploi-retraite, permettant des interruptions progressives du travail, alors qu’elles ont plutôt tendance, en France, à être brutales et totales. Ce dispositif est plébiscité à la fois par les organisations patronales (MEDEF et CPME) et syndicales (CFTC, CFE-CGC), mais il devrait être rendu plus incitatif. Il pourrait, pour ce faire, devenir systématiquement producteur de droits, le mécanisme du plafonnement pouvant, quant à lui, être assoupli. Le projet de loi instituant un système universel de retraite envisageait d’ailleurs une telle généralisation de l’acquisition de droits au-delà de l’âge d’équilibre.

En outre, comme le soulignent à la fois le rapport Blanchard-Tirole et certaines organisations professionnelles, un effort supplémentaire devrait être apporté, notamment via la formation, aux possibilités de reconversion professionnelle, notamment dans des métiers à forte pénibilité qui ne peuvent être exercés au-delà d’un certain âge. Dans cet objectif, la possibilité d’utiliser les points acquis par le biais du C2P pour bénéficier d’actions de formation est un atout certain, de même que l’attention portée à la santé au travail.

Le rapporteur estime nécessaire d’explorer ces différentes pistes et salue le travail mené, dans le cadre de la mission d’information sur l’emploi des travailleurs expérimentés présidée par Mme Valérie Six et rapportée par MM. Didier Martin et Stéphane Viry ([19]).

 


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

Au cours de sa première réunion du mercredi 27 octobre 2021, la commission des affaires sociales procède à l’examen pour avis des crédits de la mission Régimes sociaux et de retraite et du compte d’affectation spéciale Pensions du projet de loi de finances pour 2022 (seconde partie) (M. Belkhir Belhaddad, rapporteur) ([20]).

 

M. Belkhir Belhaddad, rapporteur pour avis. Le compte d’affectation spéciale Pensions regroupe les crédits des régimes de retraite et d’invalidité des fonctionnaires civils, ouvriers d’État et militaires dont l’État a la charge. Fixés à 60,2 milliards d’euros en 2021, ils connaissent une légère hausse en 2022, pour atteindre 61 milliards. La mission Régimes sociaux et de retraite, quant à elle, regroupe de nombreux régimes spéciaux caractérisés par l’ancienneté de leur création et un fort déséquilibre démographique, dont le financement dépend du versement des crédits de l’État. On y trouve notamment les régimes de retraite de la SNCF, de la RATP, des marins et des mines. Ces crédits sont en baisse, passant de 6,2 milliards en 2021 à 6,1 milliards en 2022.

Qui ne s’est pas posé les deux questions résumant à elles seules les inquiétudes de nombreux Français s’agissant de la retraite : à quel âge pourrai-je partir ? Quel sera le montant de ma pension ? Les débats sur la revalorisation des traitements servant de base au calcul des retraites des enseignants ou des personnels de santé sont significatifs de l’importance de cette deuxième question. De façon générale, il serait sans doute plus clair de parler en euros plutôt qu’en trimestres de cotisation ou en points de retraite.

J’ai choisi, cette année, de consacrer mon rapport thématique à l’âge de départ à la retraite, en abordant le sujet sous l’angle de l’équité. La question se pose pour les emplois publics de catégorie active comme pour les nombreux régimes spéciaux.

S’intéresser à l’âge, c’est d’abord observer la démographie des actifs et des retraités. Savoir qui cotise et qui perçoit une retraite est indispensable pour apprécier l’équilibre financier de notre système. Le constat est clair : nous vivons plus longtemps, et notre espérance de vie augmente plus vite que l’âge moyen de départ à la retraite. La durée de versement des retraites augmente donc mécaniquement. De plus, la génération du baby-boom arrive à l’âge de la retraite. D’important contingent de cotisants, elle devient contingent de retraités. En conséquence, les dépenses de retraite augmentent et la soutenabilité du système est menacée.

Nous ne pouvons pas nous contenter de regarder se dégrader l’équilibre financier de notre système de retraite sans rien faire, en laissant les générations qui viendront après nous en subir les conséquences. L’équité intergénérationnelle commande que nous prenions dès maintenant les mesures nécessaires pour freiner ce phénomène. Or, on le sait, celles relatives à l’âge de départ sont efficaces pour rétablir l’équilibre. Une nouvelle réforme de l’âge de départ à la retraite s’impose donc comme une nécessité.

Cependant, l’équité doit être recherchée, non seulement entre les générations, mais aussi entre les situations. Comment accepter qu’une infirmière, selon qu’elle est fonctionnaire ou salariée de droit privé, ne parte pas à la retraite au même âge ? Il est temps de mettre un terme à des situations qui ne se justifient plus.

Les régimes spéciaux occupent une place centrale dans cette discussion, qui ne doit pas seulement balancer entre leur suppression pure et simple et leur maintien sans changement. Bien souvent, ces régimes spéciaux s’inscrivent dans un statut général visant à compenser des conditions de travail particulièrement difficiles. Le régime de retraite des mineurs en est un bon exemple. La suppression d’un régime spécial suppose le respect des droits acquis et des attentes légitimes des personnes. C’est l’objet de la clause dite « du grand‑père », qui prévoit le maintien dans le régime initial des personnes embauchées avant sa fermeture. Cette clause a été appliquée lors de la réforme de la SNCF. Reste que cette solution a un coût très élevé pour la collectivité.

Mettre fin aux régimes spéciaux fera disparaître les inégalités mais ne résoudra pas le problème des âges dérogatoires de départ à la retraite. Quelles conditions de travail devraient donner droit à un départ anticipé ? La réponse à cette question est complexe.

En dehors des professions régaliennes et des militaires dont la spécificité est unanimement reconnue, toute personne travaillant dans des conditions difficiles devrait pouvoir partir plus tôt à la retraite. Cela implique de définir des critères de pénibilité universels, et c’est là la difficulté. Pour les uns, il faut aller plus loin que les dispositions du contrat professionnel de prévention (C2P) ; pour les autres, les critères doivent être définis au sein de chaque branche, par la négociation collective – solution à approfondir, me semble-t-il.

La négociation collective emporte, en effet, avec elle la notion essentielle d’acceptabilité. Une réforme négociée entre les partenaires sociaux, comme celle de l’AGIRC-ARRCO, sera sans doute mieux acceptée. Une bonne réforme de l’âge de départ doit être compréhensible et efficace, c’est-à-dire entraîner une hausse régulière et continue de l’âge effectif de départ à la retraite. C’est en prenant en considération ces deux aspects qu’il faut choisir entre les divers mécanismes disponibles : hausse de l’âge d’ouverture des droits, de la durée de cotisation ou de l’âge de départ à taux plein. Les auditions que j’ai menées n’ont pas permis d’identifier une mesure faisant l’unanimité, mais les organisations syndicales et les économistes s’accordent toutefois pour rejeter le mécanisme de l’âge pivot, incompréhensible, donc peu acceptable et peu incitatif.

La situation professionnelle des préretraités doit faire partie des éléments de la réflexion. Les 60-64 ans sont particulièrement éloignés du marché de l’emploi et leur taux d’inactivité est très élevé. Quelle serait l’efficacité de l’allongement de la durée d’activité si ceux qu’il vise ne sont plus en activité ? Sans compter que les salariés exerçant des métiers difficiles ne pourront pas le faire jusqu’à l’âge de la retraite. Ils doivent avoir accès à des formations pour se reconvertir dans des métiers moins pénibles.

Il s’agit donc d’un problème complexe, et je salue le travail que Didier Martin et Stéphane Viry ont accompli dans le cadre de la mission d’information sur l’emploi des travailleurs expérimentés, présidée par Valérie Six et engagée à l’initiative de Mme la présidente.

Pour ce qui concerne les crédits de la mission Régimes sociaux et de retraite et du compte d’affectation spéciale Pensions, ils maintiennent les droits acquis de plusieurs millions de nos concitoyens ; ils doivent donc être préservés. Je vous appelle, chers collègues, à émettre un avis favorable à leur adoption.

Mme Hélène Zannier (LaREM). S’agissant des divers régimes spéciaux, l’équité impose à la fois leur mise en extinction progressive, à mesure de la transformation des métiers, et la préservation des droits acquis, notamment en raison de la pénibilité, par la mise en œuvre d’une solidarité nationale et interrégimes à leur égard. Chaque année, les crédits de la mission Régimes sociaux et de retraite permettent de compenser le déséquilibre démographique inhérent à ces régimes, dont le nombre de pensionnés diminue régulièrement. Il faut rassurer les personnes concernées : les pensions et les droits acquis sont préservés. À l’occasion de la mission « flash » que j’ai effectuée avec Thibault Bazin sur le régime de sécurité sociale des mines, j’ai pu mesurer l’importance pour les assurés de pouvoir continuer à faire valoir leurs droits au titre de ce régime en extinction, notamment en matière de prestations de santé.

Deux points du rapport pour avis de M. Belhaddad ont particulièrement retenu mon attention.

S’agissant du régime spécial de retraite de la SNCF, qui relève du programme 198, de nombreux citoyens nous ont fait part de leurs inquiétudes au sujet du versement d’une contribution de la Caisse nationale d’assurance vieillesse et de l’AGIRC-ARCCO au financement du régime de retraite de la SNCF, à hauteur des pertes induites par sa fermeture. La loi du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire a mis fin au recrutement sous statut à la SNCF, dont les nouveaux personnels sont désormais affiliés au régime général. À quoi correspond donc le versement de cette contribution ?

Ce budget reflète la volonté du Gouvernement de préserver le système de retraite par répartition, tout en mettant fin, à terme, aux régimes spéciaux au profit d’un système universel plus juste, plus équitable et plus lisible, que nous avions d’ailleurs commencé à étudier avant la crise sanitaire. Qu’adviendra-t-il de cette ambition ?

J’ai particulièrement apprécié la partie thématique, consacrée à l’âge de départ à la retraite. À l’heure actuelle, les retraites représentent plus de 14 % des dépenses publiques – cette proportion serait de 20 % si des réformes n’avaient pas été accomplies. L’âge de départ à la retraite évolue d’ores et déjà – il sera de 64 ans à la fin des années 2030 –, mais pas assez vite pour compenser l’augmentation de l’espérance de vie. Dans le contexte d’incertitude économique que nous connaissons, j’approuve l’avis selon lequel la préservation du principe d’équité intergénérationnelle nécessitera de le repousser. Il faudra travailler plus longtemps parce que l’on vit plus longtemps. Quelle est la meilleure façon d’y parvenir ?

L’inégale prise en considération de la pénibilité selon les régimes rend le sujet très complexe. Avez-vous pu déceler, faute de consensus, une ébauche de position commune ? Existe-t-il, chez nos voisins européens, des dispositions dont nous pourrions nous inspirer ? Pouvez-vous revenir sur le dispositif de retraite anticipée pour carrière longue en mettant en regard la pénibilité et l’espérance de vie en bonne santé ?

M. Bernard Perrut (LR). À quel âge et avec quelles ressources ? S’il y a une préoccupation qui touche le cœur même de la vie des Français, c’est bien celle des retraites. Avant d’être un sujet technique, les retraites sont d’abord un sujet humain. Négliger cette dimension, c’est passer à côté des enjeux de cette mère de toutes les réformes.

La retraite est le reflet de notre vie, de nos choix, de notre parcours, de notre vie familiale ! Toute réforme des retraites doit intégrer d’emblée une dimension humaine et permettre à chaque Français de bénéficier des fruits d’une vie de travail. La retraite se prépare tout au long de la vie active. Il faut donc dire la vérité aux Français et fixer les règles dès maintenant et très clairement, pour que chacun, quel que soit son âge, sache ce qui l’attend.

Toute réforme doit répondre à une triple exigence : la clarté, la justice et l’esprit de responsabilité. Vous n’avez pas mené cette réforme, laissant les Français dans l’attente, et les comptes publics se sont détériorés. En créant de l’incertitude et de la confusion, votre attitude anxiogène a nourri la défiance, et, depuis une semaine, des blocages néfastes à l’économie du pays.

À l’heure où les courbes démographiques s’inversent dangereusement, une nouvelle réforme est indispensable. À défaut, le système deviendra très déficitaire. Monsieur le rapporteur pour avis, je salue l’ouverture d’esprit dont vous faites preuve sur l’indispensable recul de l’âge de départ à la retraite et sur la nécessité de mettre l’accent sur l’emploi des seniors, pierre angulaire de la réforme.

La mission budgétaire et le compte d’affectation spéciale que nous examinons ont pour objet de définir les crédits de paiement et les autorisations d’engagement de certains régimes spéciaux qui coûtent très cher – plusieurs milliards d’euros par an – aux contribuables, et qu’il faut faire évoluer pour les intégrer au droit commun. Citons notamment les régimes de retraite de la SNCF, de la RATP, des industries électriques et gazières (IEG), des marins, de l’Opéra de Paris, de la Comédie-Française et de la Banque de France. Votre rapport n’aborde pas la question de leur évolution, qui est pourtant un enjeu majeur d’équité et de justice sociale.

S’agissant de la pénibilité, il est indispensable d’en prendre mieux en considération les nouveaux types. La médecine du travail doit davantage et mieux évaluer l’usure physique objective due à l’environnement professionnel. L’enjeu est de permettre à toute personne qui n’est plus en mesure de travailler de partir plus tôt à la retraite ou d’obtenir un poste adapté, par exemple de formateur, au sein de son entreprise. Tous les actifs ne sont pas égaux devant la souffrance ; chaque corps a ses fragilités, qui peuvent engendrer de réels problèmes physiques, même dans le cadre d’une activité professionnelle a priori exempte de facteurs de pénibilité. La justice sociale commande de permettre à chacun de partir plus tôt à la retraite en raison, non pas de son statut ou de sa profession, mais de son état physique objectif.

Mme Pascale Fontenel-Personne (Dem). L’examen de la mission Régimes sociaux et de retraite revêt une dimension particulière dans le contexte sanitaire et économique que nous connaissons depuis bientôt deux ans. Les deux chocs combinés que nous avons subis ont provoqué l’arrêt brutal du processus de réforme de notre système de retraites au début du printemps 2020.

Les crédits que nous examinons aujourd’hui sont symptomatiques d’un système complexe et peu lisible. Ceux du compte d’affectation spéciale Pensions atteindront 61 milliards d’euros en 2022, et ceux de la mission Régimes sociaux et de retraite s’élèveront à plus de 6 milliards. Le rapporteur pour avis l’a indiqué, ces dépenses doivent être validées pour garantir le montant des pensions de nombreux retraités. Notre groupe émettra donc, en responsabilité, un avis favorable à l’adoption des crédits. Il n’en restera pas moins nécessaire de s’interroger sur les régimes spéciaux, dérogatoires, qui pèsent en milliards d’euros sur nos comptes publics.

Plus que jamais, cette mission témoigne de la nécessité de tendre au plus vite vers un régime de retraite universel, pour mettre fin à l’illisibilité de l’ensemble et aux inégalités interrégimes qui se sont creusées au fil des ans. Elle est l’occasion de mettre en perspective la réforme d’ampleur que nécessite l’harmonisation des divers régimes de retraite existants, en particulier ceux financés par les programmes que nous examinons – SNCF, RATP, etc.

Notre groupe est convaincu qu’il est indispensable de parvenir à un système en phase avec les réalités économiques de notre pays. Accompagner la transition des régimes spéciaux, tout en protégeant leurs bénéficiaires et les fonds constitués, tel est l’enjeu. La question est autant d’équité que de soutenabilité financière à moyen terme.

Cette soutenabilité est un des éléments d’analyse de la question de l’âge de départ à la retraite, que le rapporteur pour avis a choisi comme partie thématique de son rapport. Nous partageons son point de vue : la transition démographique sera un immense défi à relever.

Le recul de l’âge de départ à la retraite est, dans notre pays, un marronnier qui exacerbe les passions et les mobilisations. Il est certes très impopulaire, mais l’accroissement exponentiel de la population âgée, dont il y a lieu de se réjouir par ailleurs, rend son envisagement inévitable. De fait, il emporte à la fois l’équilibre des régimes de retraite et l’unification des règles de départ anticipé. À l’orée de la campagne présidentielle, la lecture de cette seconde partie de votre rapport pourrait inciter ceux des candidats déclarés qui prévoient de ramener l’âge de départ à 60 ans à revoir sérieusement cette proposition.

Si notre économie semble absorber le choc grâce à des investissements publics massifs, il n’en sera pas de même de la solidarité nationale, pourtant robuste. La crise va accentuer le déséquilibre des régimes et le creusement des déficits. Le financement des régimes spéciaux et des pensions du secteur public constitue près de 13 % des dépenses totales de l’État. Il faut en convenir, le statu quo n’est plus une option. À l’évidence, la réforme des retraites doit être remise au cœur du débat public. Elle est essentielle pour l’avenir de notre pays et de nos enfants, pour sauver notre modèle social.

Sur la forme, mieux vaudrait sans doute s’attaquer aux aspects paramétriques urgents avant de reprendre la construction d’un régime de retraite universel, auquel les députés démocrates continuent de croire dur comme fer. Une chose est sûre : les délais dont nous disposons pour maintenir le navire à flot sont extrêmement contraints. L’espace de débat offert par l’élection présidentielle devra être l’occasion d’évoquer cette question en profondeur.

Le groupe Mouvement Démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés votera les crédits de cette mission et de ce compte d’affectation spéciale, tout en rappelant l’impérieuse nécessité de s’atteler le plus tôt possible à une réforme profonde et définitive de notre système de retraite.

M. Pierre Dharréville (GDR). Comme chaque année, l’État intervient pour équilibrer les comptes des régimes spéciaux, qui sont structurellement déficitaires sur le plan démographique, puisqu’il y a plus de pensionnés que de cotisants. La subvention de 6 milliards d’euros qu’il verse à ces régimes pour 2022 vient donc rétablir l’équilibre de leurs comptes, tout en permettant d’assurer le versement des pensions à leurs assurés.

La mise au ban de ces régimes ayant été contrariée par la réforme avortée des retraites, le Gouvernement envisage toujours de les supprimer, au prétexte qu’ils constitueraient des avantages indus et un coût pour les finances publiques. Or chacun des régimes spéciaux a son histoire et sa raison d’être. Fruits d’une construction sociale et de luttes syndicales, ils sont le plus souvent la contrepartie de carrières pénibles. Les droits qu’ils octroient, notamment le départ anticipé à la retraite, viennent souvent compenser la pénibilité des métiers. Ils contribuent, par ailleurs, à l’équilibre global et à la logique d’un certain nombre de statuts et de missions.

Leur suppression ne garantirait pas des économies à court terme – ou alors des économies de bouts de chandelles. J’ai l’impression que le Gouvernement et la majorité ont un peu le « seum » que leur réforme des retraites n’ait pas abouti, alors même qu’il leur a fallu mobiliser l’article 49‑3. Vous continuez d’agiter des fantasmes, de trouver problématiques des droits attachés aux particularités de certains métiers et missions. En réalité, le véritable objectif de la réforme que vous aviez mise sur la table était de repousser l’âge de départ à la retraite : vos différentes interventions sonnent comme des aveux. L’âge de départ, c’est un peu la ligne d’horizon qui s’éloigne à mesure que l’on s’en approche. C’est la fable que vous ne cessez de nous raconter : vous nous faites rêver, ne changez rien !

Ces régimes ont déjà été réformés à plusieurs reprises pour être alignés sur celui de la fonction publique, lui-même progressivement aligné sur le régime général. En agitant le chiffon rouge, comme il le fait depuis cinq ans, le Gouvernement cherche surtout à stigmatiser les régimes spéciaux et à justifier un abaissement généralisé du droit à la retraite, appliqué à toutes et à tous. Au lieu d’un nivellement par le bas, nous avons besoin d’un socle de droits sociaux relevé : âge de départ à 60 ans, taux plein garanti au bout de quarante annuités, indexation des pensions sur les salaires, départ à 55 ans pour les métiers pénibles. Les régimes spéciaux devraient plutôt être une source d’inspiration pour l’instauration d’un système de retraite plus juste, plus solidaire, et qui reconnaisse la pénibilité du travail.

Les crédits dédiés au financement des régimes spéciaux, comme l’enveloppe dédiée au financement des pensions des fonctionnaires, ne réservent aucune surprise cette année. Dans la continuité des budgets précédents, le projet de loi de finances (PLF) pour 2022 prend acte de la réduction progressive du périmètre des régimes spéciaux, en réduisant de 1,5 % la subvention d’équilibre. Il prévoit une hausse modérée – de 1,2 % – des pensions servies aux fonctionnaires, qui permet à peine de couvrir l’inflation prévue en 2022, de l’ordre de 1,5 %.

Nous voterons contre les crédits de cette mission, qui traduisent votre obsession de la maîtrise des dépenses publiques aux dépens des droits des retraités, qu’ils relèvent de la fonction publique ou d’un régime spécial de retraite.

Vous devriez tirer les leçons de la profonde opposition qu’a suscitée votre projet de réforme. Ce n’est pas parce qu’une proposition figure dans un programme présidentiel qu’elle est acceptée.

Mme Agnès Firmin Le Bodo (Agir ens). Solidarité et responsabilité, tels doivent être nos deux mots d’ordre dans la gestion des régimes sociaux et de retraite. Tels sont les deux pendants que le PLF 2022 dédie à ces sujets.

La solidarité, la majorité présidentielle la met en œuvre en finançant pour plus de 6 milliards d’euros la mission Régimes sociaux et de retraite. Ces crédits permettent de garantir l’équilibre financier de certains régimes historiques, pour la plupart antérieurs à la création de la sécurité sociale, notamment au bénéfice des anciens marins, mineurs, conducteurs routiers et de ceux qui ont travaillé dans les régies ferroviaires d’outre-mer.

Notre effort budgétaire pour protéger ceux qui se battent pour la souveraineté, le rayonnement, la prospérité et la cohésion de la France ne s’arrête pas là. Le compte d’affectation spéciale Pensions est largement abondé par le budget général, afin d’assurer le droit à la retraite des fonctionnaires civils, des militaires et des ouvriers des établissements industriels de l’État. Plus encore, il est de notre responsabilité de garantir la prise en charge des militaires blessés et des victimes de guerre : c’est ce que nous faisons à travers le compte d’affectation spéciale.

Hormis les lignes budgétaires que nous examinons aujourd’hui, le PLF 2022 assure une retraite stable à de nombreux corps de métiers qui constituent les forces vives de ce pays : je pense aux exploitants agricoles, aux employés de l’industrie électrique, aux avocats, ou encore à ceux qui font chaque jour vivre le génie français, à l’Opéra de Paris et à la Comédie‑Française.

La seconde jambe de notre politique, en matière de gestion des régimes sociaux et de retraite, c’est la responsabilité budgétaire. Sans responsabilité, nos comptes publics ne seront pas viables, et sans viabilité, la solidarité nationale ne pourra plus fonctionner. En conséquence, dans la continuité de l’action menée depuis 2017, il faut innover partout, pour tendre vers l’équilibre budgétaire de chacun des régimes.

L’un des leviers d’action est le régime de retraite du personnel du cadre permanent de la SNCF. Grâce à la loi pour un nouveau pacte ferroviaire de 2018, les personnels recrutés par la SNCF et ses filiales à partir de 2020 sont désormais affiliés au régime général. Monsieur le rapporteur pour avis, avez-vous déjà des chiffres permettant de faire un premier bilan de cette réforme, sachant qu’avant toute chose, c’est à l’État et à ses opérateurs de se réformer pour rationaliser leurs dépenses ? Par ailleurs, certains régimes spéciaux accusent un déclin démographique qui justifie une baisse de 6 % des subventions que l’État leur verse : sont concernés les régimes de protection des mineurs, des exploitants industriels de tabac et d’allumettes, des régies ferroviaires d’outre-mer, et les versements liés à la liquidation de l’Office de radiodiffusion-télévision française.

Une extraordinaire complexité continue de caractériser notre système de retraite, avec le maintien de régimes spéciaux dont la création était antérieure à celle du régime général, en 1945. Il en résulte des disparités substantielles entre nos concitoyens, qui s’interrogent sur la pertinence d’un tel foisonnement de régimes.

La réforme des retraites engagée au début de l’année 2020 prenait ces problèmes à bras-le-corps. Elle aurait permis d’introduire de la clarté et de l’unité, pour un système de retraite plus juste et plus soutenable. Ce chantier primordial, interrompu par la crise sanitaire, ne doit pas être abandonné. Aucun de nos concitoyens rattachés à un régime spécial ne devrait voir sa pension baisser. Mieux, grâce à l’effort de modernisation de l’action publique, la qualité de service et les relations entre les caisses et leurs affiliés continueront de s’améliorer.

La gestion des régimes sociaux nécessite de trouver une ligne de crête entre solidarité et responsabilité. En conséquence, le groupe Agir ensemble votera en faveur de l’adoption des crédits de la mission Régimes sociaux et de retraite et du compte d’affectation spéciale Pensions, de même que pour l’ensemble du PLF 2022.

Mme Valérie Six (UDI-I). Les crédits de la mission Régimes sociaux et de retraite diminuent de 1,55 % par rapport à l’exercice 2021. Cette baisse n’a rien de surprenant ; elle résulte de la fermeture d’un certain nombre de régimes dont le nombre de pensionnés est en diminution. L’État accompagne ces régimes fermés ; il doit s’assurer de la continuité de leur bonne gestion, et ce au meilleur coût pour la collectivité nationale, qui les finance majoritairement.

Les Français sont préoccupés par l’âge auquel ils pourront prendre leur retraite et par le montant de leur pension. La question de l’âge rejoint celle de la soutenabilité financière, dans un contexte de transition démographique de grande ampleur. Dans son rapport annuel remis en juin 2021, le Conseil d’orientation des retraites (COR) indique que le ratio entre le nombre de cotisants et le nombre de retraités va passer de 1,7 en 2019 à 1,3 en 2070, en raison de l’augmentation de l’espérance de vie. La fragilité de notre système de retraite est mise en exergue et son équilibre dépend bien des gains de productivité. Si l’on vit plus longtemps, il faut en effet travailler plus, d’autant que la durée moyenne de versement des retraites est particulièrement élevée en France.

La question de l’âge est toutefois indissociable de celle de la pénibilité. Or la meilleure manière de prendre en compte la pénibilité reste la prévention. À cet égard, je me réjouis que nous ayons adopté la loi visant à renforcer la prévention en matière de santé au travail. J’en profite pour évoquer le parcours longévité de l’Institut Pasteur de Lille : il correspond à l’une des trente-quatre propositions du rapport sur l’emploi des travailleurs expérimentés, que j’ai rédigé avec mes collègues Didier Martin et Stéphane Viry.

Monsieur le rapporteur pour avis, vous soulignez la nécessité d’améliorer la situation des 60-64 ans sur le marché de l’emploi. Je viens d’être nommée rapporteure de la proposition de loi visant à améliorer l’emploi des seniors, dans laquelle je proposerai des mesures pour remédier à ce problème. En 2018, seuls 63 % des nouveaux retraités et 52 % des nouvelles retraitées avaient une activité professionnelle au moment de leur départ à la retraite. La fin de carrière devient donc un enjeu pour notre société. Nous devons favoriser la formation et les possibilités de reconversion professionnelle. Chaque salarié est différent, chaque futur retraité est différent : c’est pourquoi nous devons imaginer une large gamme de mesures.

Mme Jeanine Dubié. En matière de retraite, aborder le débat par l’angle de l’âge de départ ne me semble pas des plus pertinent.

On a tendance à l’oublier, même si l’âge légal du départ à la retraite est à 62 ans aujourd’hui, lorsque l’on n’a pas tous ses trimestres, il faut travailler jusqu’à 67 ans pour percevoir une pension à taux plein. L’enjeu principal pour notre système de retraite est davantage la solidarité intergénérationnelle et nationale, à travers la prise en compte de la pénibilité et des ruptures de carrière, notamment pour les femmes.

L’âge du départ à la retraite serait conditionné par la situation financière des régimes de retraite. Pourtant, les analyses du COR ne sont pas alarmistes. Elles prévoient une légère hausse des dépenses liées aux retraites jusqu’en 2027, puis une baisse entre 2030 et 2060, pour atteindre finalement, à l’horizon 2070, un ratio inférieur à celui de l’année 2019 – entre 11,3 et 13 % du PIB. Malgré ces perspectives, M. le rapporteur estime que le ratio démographique va se dégrader et que la situation financière à venir des régimes de retraite justifie la poursuite des mesures destinées à atténuer les effets de la transition démographique.

Du fait des réformes précédentes, l’âge constaté de départ à la retraite est en constant recul. Selon le COR, il passera de 62,2 ans en 2019 à près de 64 ans à partir de la fin des années 2030. Les marges de manœuvre liées à l’âge semblent donc relativement réduites. De plus, la question de l’âge a perdu de sa pertinence dans le système à points que vous aviez imaginé, et qui a été enterré par l’épidémie de covid-19.

Il me semble qu’il y a des questions plus pertinentes à se poser que celle de l’âge. Faut-il continuer avec le système d’une retraite principale et une ou plusieurs retraites complémentaires, ou passer à une seule retraite ? Comment tenir compte des modes d’exercice de l’activité professionnelle, qui est bien moins linéaire que par le passé ? Comment prendre en compte la pénibilité, sous toutes ses formes ? Le Gouvernement a-t-il abandonné son projet de réforme systémique, autour d’une retraite par points ?

Il est logique que les régimes spéciaux soient en déséquilibre puisqu’ils sont fermés et ne comptent que des retraités – le dernier à avoir été fermé est celui de la SNCF, le 1er janvier 2020. Il est normal que la solidarité nationale joue. Notre groupe est globalement favorable à l’extinction de ces régimes spéciaux, mais il faut que ce virage ne remette pas en cause les droits acquis – la fameuse clause du grand-père – et que l’avenir des réserves des retraites complémentaires soit traité de manière juste.

Enfin, le déficit de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités territoriales et des agents de la fonction publique hospitalière (CNRACL) ne cesse de se creuser : de 571,8 millions d’euros en 2018, il est passé à 722,3 millions en 2019 et a atteint 1,5 milliard en 2020. Les revalorisations salariales décidées dans le cadre du Ségur de la santé vont entraîner une augmentation de 2,5 % du montant des cotisations. Cela suffira-t-il à rétablir l’équilibre ?

M. Boris Vallaud (SOC). J’aimerais rappeler quelques principes, puisque notre dernier débat sur les retraites, qui était riche et utile, est resté inachevé, le Gouvernement ayant décidé d’y mettre fin avec l’article 49-3.

Si l’on en croit le rapport du COR, notre régime de retraite ne court pas de danger dans l’immédiat. Or, de tous les scénarios envisagés par le COR, le Gouvernement a pris le pire pour construire et justifier son projet.

Pour la première fois depuis bien longtemps, grâce aux réformes successives, parfois dures mais nécessaires, nous aurions pu envisager une réforme dégagée des contingences financières. Nous n’avons eu ni la réforme systémique que vous aviez proposée, ni aucune réforme paramétrique. Tout ce que nous avons, c’est la menace d’une réforme saignante et austéritaire, qui nous a été promise par le ministre délégué chargé des comptes publics, et qui coûtera cher à ceux pour qui la vie est déjà difficile.

La question qu’il faudrait se poser, mais qui reste taboue, c’est celle de la part du PIB que nous comptons consacrer aux retraites et du niveau de vie relatif des inactifs par rapport à celui des actifs – on sait déjà qu’à l’horizon 2040, il sera de 75 %.

Une autre question essentielle est celle de la prévention et de la réparation de la pénibilité. À cet égard, vous avez d’ores et déjà pris une mesure paramétrique en supprimant le compte personnel de prévention de la pénibilité, ainsi que certains critères, alors qu’il y a toujours des carrières pénibles qui abîment les corps. L’espérance de vie d’un cadre est supérieure de six ans à celle d’un ouvrier et de treize ans à celle d’un égoutier. Au lieu d’essayer de changer cette situation, vous l’avez encore aggravée.

Cette affaire de l’âge est donc une incongruité, d’abord parce que les réformes successives font que l’on cotise déjà plus longtemps, et parce que vous n’avez pas pris en compte la pénibilité.

La meilleure des carrières est garante de la meilleure des retraites : c’est sur ce sujet qu’il aurait fallu travailler.

D’abord, l’essentiel des inégalités dans la retraite résulte d’inégalités dans la carrière. De ce point de vue, les femmes sont les premières victimes. Au rythme auquel nous allons, l’égalité salariale entre les femmes et les hommes sera acquise en 2126. Ce n’est pas ce que nous souhaitons à nos filles.

Ensuite, il faut que le travail paye. Les salaires, qui sont contributifs, doivent permettre aux plus modestes de vivre dignement, dans la vie active comme à la retraite. Or vous avez augmenté la CSG des retraités plutôt que les salaires ; vous avez pris dans les portefeuilles des grands-mères plutôt que dans celui des entreprises.

Un débat se fait jour, après la grande crise que nous avons connue : si le partage de la masse salariale depuis 2008 avait été équitable, 30 % des plus bas salaires auraient bénéficié d’une augmentation de 10 %. Quant à votre réforme de l’assurance chômage, elle fera 40 % de perdants dans la vie active puis à la retraite.

Enfin, concernant le niveau des pensions, vous aviez promis de fixer le minimum à 1 000 euros et à 85 % du SMIC. Avec les règles d’indexation, 1 000 euros auraient rapidement fait moins de 85 %. La réalité, c’est qu’en ne faisant rien, vous parviendrez au même résultat.

Nous serons vigilants quant à vos intentions dans les semaines à venir. Augurons que d’autres offres politiques permettront d’assurer une réforme dans la justice.

M. Thierry Michels. Tous les arguments développés, à gauche comme à droite, confirment la nécessité de travailler à un système universel de retraite pour garantir des pensions dignes à nos concitoyens. La loi que nous avions votée en première lecture s’attachait à régler un certain nombre d’inégalités, comme les carrières hachées des femmes ou le minimum contributif.

S’agissant de la cessation progressive d’activité, qu’en est-il des personnes en situation de handicap, pour lesquelles nous avions voté un dispositif particulier ? Comment accompagner ces personnes lorsqu’elles arrivent en fin de carrière et souhaitent aller vers une cessation progressive ?

M. Thibault Bazin. Selon moi, l’extinction des régimes spéciaux nécessite non seulement de la gestion financière, mais aussi un suivi humain. La clause du grand-père est une chose, assurer son application avec un accompagnement de qualité en est une autre.

Je souhaite relayer ici le parcours du combattant d’anciens salariés des mines, qui subissent des délais extrêmement longs dans la mise à jour de leur situation. Un guichet unique serait nécessaire pour les anciens mineurs, car leurs différents interlocuteurs méconnaissent leur régime. Leur faible nombre ne peut justifier qu’on les laisse dans l’errance. Nous devons redoubler de vigilance en nous préoccupant de ces personnes oubliées et en tirant des enseignements de ces difficultés.

M. Philippe Vigier. Il faut oublier le débat sur l’âge légal de départ à la retraite. Les réformes paramétriques et sociales d’Éric Woerth et de Marisol Touraine ont démontré qu’il fallait travailler plus si l’on voulait échapper aux abattements sur les pensions.

Ne pensez-vous pas que, pour réussir une réforme, il faut que la parole donnée soit tenue ? Plutôt que d’opérer une transformation du jour au lendemain, les régimes spéciaux doivent être progressivement mis en extinction. Concernant le critère de la pénibilité, ne faudrait-il pas s’adapter à notre temps ? Des métiers, autrefois pénibles, le sont moins désormais, tandis que d’autres, qui ne l’étaient pas, le sont devenus. Enfin, ne serait-il pas souhaitable d’adopter une méthode de convergence progressive entre le public et le privé pour mettre un terme à la disparité des situations ? Il faut reprendre le travail selon ces trois critères, sinon l’échec sera de nouveau au rendez-vous.

M. le rapporteur. Vos différentes interventions démontrent la nécessité de ne pas s’en tenir au statu quo. C’est pourquoi nous avions voulu être ambitieux en créant un régime de retraite universel de nature à résorber les inégalités entre régimes.

Je suis extrêmement sensible aux difficultés des affiliés au régime minier. Le siège de cette caisse se trouve à côté de ma permanence.

Concernant la SNCF, le versement d’une contribution de l’AGIRC-ARCCO à la caisse de la SNCF n’a pas à voir avec le maintien du régime spécial mais avec la baisse des cotisations liée à la fin de l’embauche au statut. Les cotisations sont versées au régime général, et l’AGIRC-ARRCO en reverse une partie à la caisse de la SNCF. Cela illustre la difficulté posée par la clause du grand-père.

Les critères de pénibilité doivent être universels, étant entendu que tout salarié exposé à la pénibilité doit pouvoir partir à la retraite avant l’âge d’ouverture des droits. Le projet de loi instituant un système universel de retraite prévoyait de faire du C2P le seul mode d’évaluation de la pénibilité sur la base de six critères. Certains syndicats voulaient en intégrer quatre autres – manutention de charges, postures pénibles, vibrations mécaniques, agents chimiques dangereux – mais je n’ai pas perçu de consensus sur ce point. Le rapport Tirole-Blanchard proposait plutôt de confier aux partenaires sociaux la possibilité de définir, dans chaque secteur d’activité, les conditions de prise en charge de la pénibilité ; c’est une voie à explorer. Quant au financement, il doit être pris en charge par les branches pour ne pas créer de subvention au travail pénible.

Les régimes spéciaux offrent certes de meilleures conditions aux salariés qui en relèvent, mais ils sont inéquitables et 65 % des Français souhaitent leur suppression. Leur extinction doit néanmoins être progressive et aller de pair avec le respect des droits acquis en compensation de certaines situations de travail particulières ; la clause du grand-père a vocation à en maintenir le bénéfice pour les salariés au statut au moment de la fermeture de ces régimes. Cette solution est extrêmement coûteuse, comme l’ont souligné la Cour des comptes et le COR. Le programme 195, doté d’environ 1,1 milliard d’euros, regroupe à la fois des régimes fermés et d’autres qui ne devraient s’éteindre que vers 2100.

L’universalité, la soutenabilité financière et la volonté d’aboutir à un régime universel de retraite sont une ambition que je partage. Je crois à la pertinence d’un tel système : à défaut, nous risquons d’aller droit dans le mur ! L’approche démographique, notamment à travers la question de l’âge, me semble pertinente, bien qu’elle soit très souvent oubliée dans nos politiques publiques, qui ne s’inscrivent pas dans une vision à long terme.

À ceux qui ont évoqué l’utilisation du « 49-3 », je rappelle la logique d’obstruction qui, avec le dépôt de quelque 40 000 amendements, n’a pas facilité l’avancement du débat, alors même que celui-ci était de qualité. Quand on est aux responsabilités, on ne se préoccupe ni d’aveu, ni de fable, ni de faire rêver ; on fait en sorte de regarder la réalité telle qu’elle est. Les inégalités, la soutenabilité financière, l’évolution démographique font qu’on ne peut pas laisser perdurer une situation dans laquelle un certain nombre de nos concitoyens n’auraient que de faibles retraites. Il fallait absolument faire quelque chose.

Revenir à un âge légal de départ à 60 ans aurait, selon les estimations, un coût de l’ordre de 30 milliards d’euros. Comment ceux qui le préconise les financent-ils ? C’est un grand classique de ne pas le dire !

Madame Firmin Le Bodo, je partage votre avis concernant les métiers que vous avez évoqués. Il faut prendre en compte les différentes situations. Toutefois, je n’ai pas d’élément précis concernant votre question ; je vous les communiquerai après cette réunion.

Les seniors rencontrent effectivement des difficultés. La moitié d’entre eux arrivent à l’âge de la retraite sans être en activité. Nous avons accompli un certain nombre de réformes sur ce point dans chacune des lois de financement de la sécurité sociale, et nos collègues Stéphane Viry et Didier Martin ont fait plusieurs propositions sur le sujet, comme le renforcement du cumul emploi-retraite, la retraite progressive ou encore une meilleure information sur ces dispositifs.

La question de l’âge ne serait pas pertinente. Pour ma part, je pense qu’il faut absolument la traiter en relation avec l’espérance de vie en bonne santé, car elle recouvre aussi l’aspect de la pénibilité.

Je partage le souhait d’une réforme systémique à points. Je pense qu’elle ne paraîtra acceptable que si elle est compréhensible et permet aux gens de répondre aux deux questions qu’ils se posent : à quel âge partir à la retraite, avec quel montant de pension ? Ils veulent pouvoir évaluer ce montant au long de leur vie, pour anticiper leurs conditions futures. Peut‑être un mode de calcul en euros plutôt qu’en points leur semblerait-il plus simple ? C’est une observation que je verse au débat. En tout cas, je ne pense pas qu’il faille abandonner une réforme que l’on estime juste simplement parce qu’on n’a pas encore réussi à l’expliquer et à la rendre claire pour nos concitoyens.

S’agissant de la CNRACL, les taux de cotisation ont en effet été relevés. En loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, un versement de 1,3 milliard par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) devait compenser les déficits liés au déséquilibre démographique. Toutefois, le résultat pourrait atteindre, selon les prévisions, – 1,7 milliard en 2021. La Caisse des dépôts et consignations évoque la nécessité de recourir à nouveau à la CADES.

Des dispositions prises en 2003, en 2010 et en 2014 ont certes permis d’atténuer les tensions pesant sur le financement du système de retraite et d’éviter le pire. Je tempérerai l’optimisme du COR, parce que ses hypothèses reposent notamment sur la productivité, un indicateur qu’il reconnaît lui-même comme difficilement prévisible. Les incertitudes actuelles perturbent déjà la prévision d’évolution des indicateurs ne serait-ce qu’à trois mois ; que le COR puisse faire des prévisions à l’horizon 2070 me paraît compliqué. De surcroît, il n’intègre aucune évolution législative dans ses perspectives.

Selon la Cour des comptes, le système de retraite restera durablement en déficit, se situant entre – 0,1 % et 0,4 % du PIB en 2025. Ces hypothèses sont confirmées par l’annexe 4 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, qui prévoit un déficit de la branche vieillesse de 9,7 milliards d’euros en 2025. La situation financière à venir des régimes de retraite semble justifier la poursuite des mesures, dont la nature reste à étudier, destinées à atténuer les effets de la transition démographique. Si tout ne va pas mal aujourd’hui, le défi démographique nous placera demain devant des difficultés considérables.

S’agissant des dispositifs de cessation progressive d’activité, l’idée est bien de simplifier la procédure pour les publics auxquels ils s’adressent, pour maintenir les possibilités de départ anticipé ou améliorer, lorsque c’est possible, l’accès à l’emploi. En toute hypothèse, les personnes en situation de handicap doivent pouvoir prendre leur retraite de manière anticipée.

Monsieur Bazin, vous avez raison, les délais de traitement des dossiers sont parfois très longs. Les difficultés que rencontrent nos concitoyens en la matière nous commandent d’être vigilants.

Monsieur Vigier, je ne peux qu’abonder dans votre sens : certains critères devront être revus dans le cadre de la mise en place d’un système universel de retraite.

La commission en vient à l’examen des crédits de la mission Régimes sociaux et de retraite et du compte d’affectation spéciale Pensions.

Article 20 et état B

Amendement II-AS110 de Mme Hélène Zannier.

Mme Hélène Zannier. Voici un amendement que je défends chaque année depuis 2018. J’espère que ma constance paiera !

Il s’agit d’abonder de 3 millions l’action 01 Versements au fonds spécial de retraite de la caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines du programme 195, pour augmenter non pas le montant des pensions mais les fonds dédiés à l’action sanitaire et sociale (ASS) en faveur des anciens mineurs. Cela couvre les mesures de prévention dans le domaine de la santé, les aides pour le maintien à domicile ou encore le soutien aux aidants, qui ont donné lieu à de nombreuses expérimentations par l’Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs (ANGDM).

Je conviens que la baisse des crédits est liée à celle du nombre de bénéficiaires, mais un coup de rabot de 3 millions a été porté en 2018, sans concertation préalable ni justification, ce qui a désarçonné les mineurs et les syndicats. Cet amendement transpartisan tend à apporter réparation et à rétablir les prestations qui existaient auparavant.

M. le rapporteur. Le régime de retraite des mines est fermé depuis le 31 août 2010. La subvention d’équilibre de l’État s’ajoute aux autres ressources de la Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines et vient compenser le déséquilibre démographique du régime. La baisse de cette subvention ne me paraît pas excessive au regard de la diminution du nombre de pensionnés. Les conventions d’objectifs et de gestion (COG) conclues entre l’État et les organismes de gestion prévoient souvent une telle évolution.

Le budget de l’ASS reste élevé ; il est même en hausse, si l’on regarde l’évolution sur plusieurs années, en termes de dépenses par assuré. De surcroît, il sera encore sous‑consommé cette année, qui a certes été marquée par un contexte particulier.

Par ailleurs, l’amendement ne permettrait pas d’atteindre l’objectif visé, puisque les dépenses de l’ASS sont des prestations extralégales financées par des crédits limitatifs, selon le cadre défini par la COG 2018-2021. Si un débat budgétaire doit avoir lieu, il convient de le tenir lors de la renégociation de la COG, et non lors de l’examen du PLF. Le budget de l’ASS inclut des crédits relatifs à la maladie, financés par la branche maladie du régime général ; ils ne relèvent donc pas du PLF.

Je vous demande de retirer votre amendement.

M. Boris Vallaud. Nous saluons la constance de Mme Zannier et soutiendrons son amendement, car il s’agit d’une mesure juste. On ne s’habitue jamais à l’incapacité d’écouter. Certaines pensions baissent : celles des marins, par exemple, ont diminué de 6 % depuis 2017. Nous aurions aimé savoir comment ont évolué celles des mineurs.

Mme Christine Cloarec-Le Nabour. Je partage le point de vue du rapporteur. Madame Zannier, lors de la présentation de votre communication sur le régime de sécurité sociale des mines, avec M. Thibault Bazin, vous nous avez dit qu’un enjeu majeur était de trouver des interlocuteurs informés des spécificités du régime des mineurs, afin de préserver leurs droits. Il faudrait y travailler avec les différents organismes.

Vous souhaitez revenir au budget de l’ASS de 2017 mais, depuis lors, le nombre de pensionnés a diminué. La baisse de ce budget semble donc justifiée – elle est même moins forte que celle du nombre d’affiliés. Le ministère indique d’ailleurs que les crédits sont systématiquement sous-consommés. Si les prestations diminuent, c’est la prochaine COG qui permettra d’y remédier ; ce n’est pas à notre main. De surcroît, l’adoption de l’amendement conduirait à réduire les crédits d’un autre programme.

Il serait utile de redéposer l’amendement en séance, pour avoir des réponses précises du ministre, mais il ne paraît pas souhaitable de le voter en commission.

M. Thibault Bazin. J’ai cosigné l’amendement, car il s’inscrit dans le prolongement des travaux que nous avons menés pour évaluer la situation des mineurs, dont le régime est en voie d’extinction. Le nombre de pensionnés diminue, mais les coûts liés à leur vieillissement augmentent : il faut les anticiper. Nous demandons non pas des crédits supplémentaires, mais le maintien des enveloppes qui étaient attribuées au début du quinquennat. Les anciens mineurs peuvent souffrir de pathologies très spécifiques et connaissent des taux de comorbidité supérieurs à la moyenne, par exemple pour certains cancers.

Il serait souhaitable, madame Zannier, que vous redéposiez l’amendement en séance pour interroger le Gouvernement sur ces oubliés. On ne peut pas accepter que certains mineurs attendent la mise à jour de leur situation depuis un an. Même s’ils sont peu nombreux, il faut entendre ces personnes qui n’ont plus d’interlocuteur et que l’ANGDM renvoie vers la Caisse des dépôts et consignations.

Mme Hélène Zannier. Si l’amendement n’était pas adopté, je le redéposerai en séance. J’ai conscience du déclin démographique et de l’augmentation des dépenses par pensionné, mais le coup de rabot a supprimé des prestations très utiles. Les crédits demandés serviraient à anticiper le vieillissement.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Régimes sociaux et de retraite non modifiés.

 

Article 22 et état D

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits du compte d’affectation spéciale Pensions non modifiés.

 

 

 


—  1  —

   Annexe :
Liste des personnes auditionnées par le rapporteur

 

– Cabinet du Secrétaire d’État chargé des retraites et de la santé au travail – M. Jean-Luc Izard, directeur du cabinet, M. Eric Weil, conseiller chargé des régimes publics de retraite et de la prospective, et M. Léo Roesch, conseiller en charge des questions financières, des retraites complémentaires et du suivi de l'exécution des réformes

– Conseil d’orientation des retraites (COR) – M. Pierre-Louis Bras, président, et M. Emmanuel Bretin, secrétaire général

     Table ronde :

– Union des entreprises de proximité (U2P) (*) – M. Pierre Burban, secrétaire général

 Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) (*)  M. Éric Chevée, vice-président affaires sociales

 

 

     Table ronde des économistes :

– M. Antoine Bozio, directeur de l’Institut des politiques publiques

– M. Axel Börsch-Supan, directeur du Munich Center for the Economics of Aging (MEA), Max-Planck-Institut für Sozialrecht und Sozialpolitik

– Fonds de réserve pour les retraites (FRR) – Mme Sandrine Lémery, présidente du Conseil de surveillance, et M. Yves Chevalier, membre du directoire

 

     Table ronde :

– Confédération générale du travail (CGT)  M. Pierre-Yves Chanu, conseiller confédéral, et M. Gilles Oberrieder, membre de la direction fédérale de la Fédération CGT Union fédérale des syndicats de l’État

– Force ouvrière (FO) – M. Michel Beaugas, Secrétaire confédéral en charge de l’Emploi et des Retraites

– Confédération française de l’encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC)  M. Pierre Roger, secrétaire national en charge de la Protection sociale, et Mme Mallaury Voces, chargée d’études pour le Service économie et protection sociale

 Caisse des dépôts et consignations (CDC)  M. Michel Yahiel, directeur des politiques sociales (DPS), Mme Myriam Metais, directrice des finances - direction des politiques sociales (DPS), et M. Philippe Blanchot, directeur des relations institutionnelles

 Mouvement des entreprises de France (MEDEF) (*)  Mme Diane Deperrois, co-présidente de la commission protection sociale du Medef, M. Sébastien Velez, directeur de la protection sociale, et M. Adrien Chouguiat, directeur de mission affaires publiques

 Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES)  Ministère du travail, de l’emploi et du dialogue social  Mme AnneJuliette Bessone, cheffe de service, directrice par Intérim

 

 

 

 

 

 

 

 

(*) Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

 


([1]) Association de fonds de gestion du congé de fin dactivité marchandises.

([2]) Association de gestion du congé de fin dactivité voyageurs.

([3]) Caisse autonome de retraite complémentaire et de prévoyance du transport.

([4]) Chemin de fer de La Mure et transports en commun de la région lyonnaise.

([5]) Caisse autonome mutuelle de retraites des agents des chemins de fer secondaires dintérêt général, des chemins de fer dintérêt local et des tramways.

([6]) Société dexploitation industrielle des tabacs et des allumettes.

([7]) Rapport « Une stratégie de finances publiques pour la sortie de crise », juin 2021.

([8]) Le Monde, « Retraite complémentaire : qui subit finalement le nouveau malus Agirc-Arrco ? », 17 juin 2021.

([9]) Ainsi que, dans le régime général, les salaires figurant au compte individuel de lassuré pris en compte dans le calcul du salaire annuel moyen.

([10]) Projet de loi instituant un système universel de retraite, n° 2623 rectifié, déposé le 24 janvier 2020.

([11]) « Le niveau initial de l’âge d’équilibre sera fixé par décret sur proposition d’une délibération du conseil d’administration de la Caisse nationale de la retraite universelle tenant compte de l’âge moyen de départ en retraite au régime général (hors départs anticipés) et de l’équilibre financier de long terme du système universel de retraite. Il évoluera à raison des deux tiers des gains d’espérance de vie à la retraite. Le conseil d’administration de la Caisse nationale de retraite universelle pourra cependant déroger à cette règle, tout en tenant compte de l’évolution de l’espérance de vie. »

([12]) DREES, Études et résultats, n° 1046, janvier 2018.

([13]) Lamy social, fiche 4169.

([14]) Liaisons sociales Quotidien - L’actualité, Nº 18345, Section Acteurs, débats, événements, 12 juillet 2021.

([15]) Définie pour cette étude comme lexposition à au moins quatre contraintes sur les huit suivantes : travail debout, postures pénibles, charges lourdes, vibrations, travail répétitif, bruit, fumées et poussières, produits toxiques.

([16]) Manutentions manuelles de charges, postures pénibles définies comme positions forcées des articulations, vibrations mécaniques, agents chimiques dangereux, y compris les poussières et les fumées.

([17]) Policiers, personnels de ladministration pénitentiaire, ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne, sapeurs-pompiers professionnels, douaniers et policiers municipaux.

([18]) Liaisons sociales Quotidien - L’actualité, op. cit.

([19]) Rapport dinformation (n° 4445), déposé en conclusion des travaux de la mission dinformation de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale sur lemploi des travailleurs expérimentés, 16 septembre 2021.

([20]) https://videos.assemblee-nationale.fr/video.11410063_6178fdd74ff6b.commission-des-affaires-sociales--loi-de-finances-pour-2022-seconde-partie-credits-de-la-mission-27-octobre-2021