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N° 1781

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 octobre 2023.

 

 

AVIS

 

 

PRÉSENTÉ

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2024,

 

 

TOME VI

 

 

RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

RECHERCHE

 

 

Par M. Philippe BERTA,

 

Député.

 

 

——

 

 

 

Voir les numéros :

Assemblée nationale :  1680, 1745 (annexe n° 36).

 

 


SOMMAIRE

___

Pages

premiere PARTIE : Présentation des crédits en faveur de la recherche

I. La poursuite du respect de la trajectoire fixÉe par la loi de programmation de la recherche

II. Programme 172 : Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

III. Programme 150 : Formations supÉrieures et recherche universitaire

IV. Programme 193 : Recherche spatiale

V. D’importants crédits additionnels

SECONDE PARTIE : L’ORGANISATION DE LA RECHERCHE EN BIOLOGIE SANTé : UNE PROPOSITION POUR L’éVOLUTION DE NOTRE MODèLE

I. éTAT DES LIEUX DE LA RECHERCHE BIOMéDICALE EN FRANCE

A. La recherche BIOMÉDICALE reprÉsente des enjeux majeurs pour la SOCIÉTÉ FRANÇAISE, en matiÈre de SANTÉ comme dE DÉVELOPPEMENT ÉconomiQUe

B. L’affaiblissement progressif de la recherche biomÉdicale FranÇaise

1. Les indicateurs de publication

a. Les publications toutes disciplines confondues

b. Les publications en matière de recherche biomédicale

2. Les autres indicateurs

3. La crise de la covid-19, révélateur de l’affaiblissement français ?

C. des dÉpenses sous-calibrÉes et des circuits de financement pluriels

1. L’état du financement de la recherche en biologie santé : un investissement qui n’est pas encore à la hauteur des enjeux et des besoins, et qui reste inférieur à celui de la plupart des pays développés comparables

a. Des budgets consacrés à la recherche en biologie santé insuffisants en dépit des efforts récents

b. Les effets du sous-investissement dans la recherche

2. Le financement de la recherche en biologie santé se caractérise par la multiplicité des circuits, facteur de complexité

a. Les financements au titre du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche

b. Les financements au titre du ministère de la Santé

c. Les financements au titre des Investissements d’avenir

d. Les autres sources de financements publics

e. Les sources de financements privés

D. unE recherche biomÉdicale fragmentÉe entre de multiples acteurs et souffrant d’un dÉficit de gouvernance et de coordination, sur toute la chaîne de valeur

1. Un cadre national juridique favorable à une gouvernance stratégique de la recherche, mais peu appliqué

2. Au niveau de la gouvernance, une recherche en biologie santé fragmentée entre de nombreux acteurs ministériels, sans structure de pilotage efficiente

3. Une recherche en biologie santé se singularisant par une constellation d’opérateurs

a. Les établissements et structures qui mènent des activités de recherche en biologie santé

b. Des structures innovantes s’inscrivant dans le continuum recherche

c. Le financement des activités de recherche : acteurs et programmes de financement en biologie santé

d. Les structures d’évaluation des opérateurs de recherche

4. Les acteurs de la valorisation de la recherche scientifique : les outils d’aide au transfert technologique et à la recherche partenariale

a. Un cadre juridique favorable à la valorisation des activités et des résultats scientifiques

b. Valorisation de la recherche publique : transfert de technologie et recherche partenariale

c. Une valorisation de la recherche en déclin avant la mise en place des Programmes d’investissement d’avenir

d. Une valorisation de la recherche en biologie santé à l’image de l’organisation de la recherche : une multiplicité d’acteurs sur la chaîne de la valorisation, source de complexité

II. Constats et recommandations

A. DES CONSTATS GÉNÉRAUX

B. MIEUX PILOTER L’ORGANISATION DE LA RECHERCHE EN BIOLOGIE SANTÉ

1. Au niveau national : organiser de manière cohérente l’interministérialité, créer des synergies et outiller les pilotes

a. La mise en place d’une structure supra ministérielle de pilotage et de coordination de la recherche en biologie santé

b. La mise en place d’outils de pilotage appropriés

c. La mise en place d’une vision consolidée des crédits alloués à la recherche biomédicale

2. Au niveau local : créer la coordination des acteurs territoriaux par une structuration autour du couple Universités – CHU

3. Au niveau international, réactiver la diplomatie scientifique

C. AMÉLIORER LE FONCTIONNEMENT DE LA RECHERCHE

1. Redonner du temps de recherche aux chercheurs

a. Mettre en place un « guichet unique » pour les appels à projets

b. Prévoir des contrats de recherche sur cinq ans au minimum

c. Harmoniser les formats des contrats entre les organismes de recherche

d. Réduire le temps consacré à la préparation des évaluations

2. Améliorer l’évaluation de la recherche

3. Repenser le rôle de l’ANR

D. INTERROGER L’ORGANISATION DE LA VALORISATION DES ACTIVITÉS DE RECHERCHE

E. renforcer le lien entre la recherche biomÉdicale et La PRÉVENTION SANTÉ

Travaux de la commission

I. AUDITION DE LA MINISTRE

II. EXAMEN DES CRÉDITS

1. Réunion du jeudi 26 octobre 2023 à 9 heures 30

2. Réunion du jeudi 26 octobre 2023 à 15 heures

ANNEXE : Liste des personnes entendues par le rapporteur pour avis

 


— 1 —

   premiere PARTIE : Présentation des crédits en faveur de la recherche

Le budget de la recherche s’inscrit cette année encore dans une trajectoire ascendante et amplifie la hausse des moyens qui avait marqué la loi de finances initiale pour 2023.

En 2024, le budget du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche (MESR) progresserait de près de 794,13 millions d’euros par rapport à la loi de finances (LFI) pour 2023, hors financements issus du Plan de relance et de France 2030. Le rapporteur pour avis ne peut que se réjouir d’une telle évolution.

Les crédits alloués à la recherche s’élèveraient à 12 939,33 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 12 498,03 millions d’euros en crédits de paiement (CP), répartis entre l’action Recherche du programme 150 Formations supérieures et recherche universitaire, pour 4 316,63 millions d’euros en AE et CP, et le programme 172 Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires, à hauteur de 8 622,70 millions d’euros en AE et 8 181,40 millions d’euros en CP.

Le rapporteur pour avis souligne la poursuite des efforts inédits en faveur du budget affecté à la recherche, lesquels résultent de la quatrième année d’application de la loi de programmation de la recherche (LPR) ([1]) .

Le respect de la trajectoire prévue à l’article 2 de la LPR a conduit à l’accroissement des crédits du programme Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires de 1 109 millions d’euros entre 2020 et le PLF pour 2024.

Ces ressources ont notamment participé à la mise en œuvre de l’amélioration des rémunérations des personnels à hauteur de 258 millions d’euros entre 2020 et ce qui est prévu dans le PLF 2024. La LPR a amorcé l’engagement d’un vaste plan de revalorisation indemnitaire de 644 millions d’euros en sept tranches annuelles de 92 millions d’euros ainsi qu’un effort de convergence des différents régimes indemnitaires de l’enseignement supérieur et de la recherche. Pour les corps des chercheurs et des enseignants-chercheurs, cet objectif se traduit par une refonte du régime indemnitaire pour arriver à un régime unifié articulé autour de trois composantes (mission liée au grade, composante fonctionnelle liée à l’exercice de certaines fonctions et responsabilités particulières, et composante individuelle). En 2024, le montant indemnitaire de base augmenterait de près de 3 000 euros bruts par an par rapport à 2020, avec une revalorisation cible en 2027 de 6 400 euros bruts par an.

De plus, la LPR prévoit de porter la rémunération minimale brute des doctorants financés par le MESR à 2 300 euros par mois. L’arrêté du 21 décembre 2022 a déjà porté cette rémunération à 2 044 euros bruts par mois à compter du 1er janvier 2023 ; cette hausse bénéficie aux nouveaux doctorants, ainsi qu’à ceux déjà recrutés. La LPR a par ailleurs permis d’augmenter le nombre de nouveaux recrutements. Depuis 2020, plus de 1 100 contrats doctoraux nouveaux (dont plus de 300 sur le programme Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires) ont déjà été ouverts, ainsi que 300 contrats résultant de la convention industrielle de formation par la recherche (Cifre). 100 contrats Cifre supplémentaires seraient signés en 2024.

Les moyens ouverts par la LPR permettraient également que 509 millions d’euros supplémentaires en AE soient alloués en 2024 à la recherche compétitive via l’Agence nationale pour la recherche (ANR) par rapport aux crédits disponibles en 2020. L’enveloppe des AE allouée aux appels à projets de l’ANR augmenterait à nouveau en 2024 de 106 millions d’euros afin d’accroître encore les taux de dossiers retenus, notamment sur l’appel à projets dit « générique ». De même, les laboratoires verraient leur dotation de base progresser, en 2024, de 70 millions d’euros en CP par rapport à 2020.

Le rapporteur pour avis se réjouit de cette hausse des crédits et notamment des revalorisations, qui sont nécessaires. Il souhaite cependant attirer l’attention sur le risque accru de tension budgétaire pesant sur les différentes structures, tant du fait de la hausse des prix de l’énergie et de l’inflation qu’en raison du « reste à charge » associé aux revalorisations indemnitaires. Même si les subventions versées aux organismes seraient augmentées à ce titre de 45 millions d’euros en 2024, cela ne représenterait que 50 % du surcoût (ou 60 % pour les opérateurs les plus fragilisés, grâce à des abondements additionnels). Aussi la demande « d’effort en responsabilité » ‒ selon la terminologie employée par le Gouvernement ‒ qui leur est adressée ne saurait être pérenne, les réserves financières des entités concernées n’étant pas illimitées et leurs fonds propres ayant vocation à couvrir d’autres types de dépenses.

Le rapporteur pour avis réitère également son interrogation sur l’opportunité de réduire la durée de programmation de la LPR à budget constant, en la faisant passer de sept à cinq ans, afin d’accroître plus significativement encore le budget de la recherche et de faire coïncider ce plan avec la durée de la mandature et du quinquennat présidentiel.

Concernant le présent projet de budget, le rapporteur pour avis estime qu’il est à la hauteur des besoins et des ambitions de la recherche française. Il émet, par conséquent, un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Recherche et enseignement supérieur du projet de loi de finances pour 2024.

L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.
À cette date, 82 % des réponses étaient parvenues.

I.   La poursuite du respect de la trajectoire fixÉe par la loi de programmation de la recherche

Le projet de loi de finances (PLF) pour 2024 poursuit la hausse des crédits alloués en faveur de la recherche. La mission Recherche et enseignement supérieur connaît une hausse de 3,55 % en AE et 3,29 % en CP, soit 1 042,18 millions d’euros et 1 012,96 millions d’euros respectivement.

À ces montants s’ajoutent les crédits ouverts dans les missions Plan de Relance et Investir pour la France de 2030 dont certaines actions entrent dans le champ de la recherche.

Le rapporteur pour avis salue cet engagement réaffirmé du Gouvernement en faveur de la recherche, qui traduit l’attention particulière qu’il porte au respect de la trajectoire fixée par la LPR.

RÉCAPITULATION DES CRÉDITS PAR PROGRAMMEs

(en millions d’euros)

Numéro et intitulé du programme et du titre

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Ouvertes en LFI pour 2023

Demandées pour 2024

Ouverts en LFI pour 2023

Demandés pour 2024

150 - Formations supérieures et recherche universitaire

15 205,81

15 277,05

14 907,80

15 180,79

231 - Vie étudiante

3 136,41

3 357,41

3 130,19

3 326,64

172 - Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

8 070,81

8 622,70

7 833,53

8 181,40

193 - Recherche spatiale

1 865,68

1 900,18

1 865,68

1 900,18

190 - Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables

1 675,83

1 888,58

1 800,83

1 948,48

192 - Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

681,60

678,14

693,74

688,64

191 - Recherche duale (civile et militaire)

150,02

150,02

150,02

150,02

142 - Enseignement supérieur et recherche agricoles

426,49

445,10

424,40

443,41

TOTAL

31 212,65

32 319,18

30 806,19

31 819,15

Source : Projet annuel de performances 2024 de la mission Recherche et enseignement supérieur.

 


— 1 —

II.   Programme 172 : Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

Par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2023, les crédits du programme 172 passeraient, dans le PLF pour 2024, de 8 070,81 millions d’euros à 8 622,70 millions d’euros en AE, soit une hausse de 551,89 millions d’euros (6,84 %), et de 7 833,53 millions d’euros à 8 181,40 millions d’euros en CP, soit une hausse de 347,87 millions d’euros (4,44 %).

Évolution des autorisations d’engagement inscrites au programme 172 de la mission recherche et enseignement supérieur entre 2023 et 2024

Numéro et intitulé de l’action concernée

(nomenclature 2023)

LFI 2023

(en millions d’euros)

PLF 2024

(en millions d’euros)

Variations constatées entre 2024 et 2023

01  Pilotage et animation

296,75

458,68

+ 54,57 %

02  Agence nationale de la recherche

1 225,72

1 349,7

+ 10,11 %

11  Recherches interdisciplinaires et transversales

80,73

82,77

+ 2,52 %

12  Diffusion, valorisation et transfert des connaissances et des technologies

167,66

171,52

+ 2,30 %

13  Grandes infrastructures de recherche

257,71

377,71

+ 46,56 %

14  Moyens généraux et d’appui à la recherche

1 109,21

1 140,06

+ 2,78 %

15  Recherches scientifiques et technologiques en sciences de la vie et de la santé

1 319,52

1 349,72

+ 2,29 %

16  Recherches scientifiques et technologiques en sciences et techniques de l’information

1 076,86

1 103,57

+ 2,48 %

17  Recherches scientifiques et technologiques dans le domaine de l’énergie

878,54

899,56

+ 2,39 %

18  Recherches scientifiques et technologiques dans le domaine de l’environnement

1 217,20

1 238,45

+ 1,75 %

19  Recherches scientifiques et technologiques en sciences humaines et sciences sociales

440,91

450,98

+ 2,28 %

Total

8 070,81

8 622,70

+ 6,84 %

Source : Projet annuel de performances 2024 de la mission Recherche et enseignement supérieur.

Les crédits demandés au titre du programme 172 se répartissent de la manière suivante.

● L’action 1 Pilotage et animation finance l’administration centrale du ministère qui élabore la politique de l’État en matière de recherche, de développement technologique, d’innovation, dans le secteur public comme dans le privé, et assure la tutelle de l’ensemble des opérateurs de recherche du programme. Ses crédits en AE passeraient de 296,75 millions d’euros en LFI pour 2023 à 458,68 millions d’euros en PLF pour 2024, soit une hausse de 54,57 % et de 161,93 millions d’euros. En CP, la hausse serait moitié moindre : 43,77 millions d’euros supplémentaires seraient alloués à cette action, soit augmentation de 19,93 %, pour s’établir à 341,08 millions d’euros, contre 284,39 millions d’euros en LFI 2023. Après une baisse en PLF pour 2023 de 9,35 % en AE (et 13,34 % en CP), cette importante revalorisation s’explique notamment par les besoins sur le projet ParisSanté Campus ([2]) et la mesure « relais PIA ».

C’est cette action (en sa sous-action 8 Renforcement des liens entre science et société) qui finance la Science avec et pour la société (SAPS) et les actions de diffusion de la culture scientifique, technique et industrielle (CSTI). 8,94 millions d’euros y seraient consacrés en 2024 (contre 5,94 millions d’euros en PLF pour 2023). Le rapporteur pour avis se réjouit de cette hausse mais rappelle ‒ pour le déplorer ‒ que la présidence du Conseil national de la culture scientifique, technique et industrielle est vacante depuis plus de deux ans ([3]) .

● L’action 2 Agence nationale de la recherche (ANR) regroupe les crédits budgétaires qui permettent à celle-ci de financer les établissements de recherche par appels à projets. L’ANR a une double mission : soutenir des projets pour produire de nouvelles connaissances et savoir-faire, et favoriser les intéractions entre les laboratoires publics et les laboratoires privés, en développant des collaborations.

Les crédits programmés sur cette action seraient cette année encore en augmentation : de 123,98 millions d’euros en AE, soit 10,11 %, et de 125,2 millions d’euros en CP, soit 13,03 %. Cet accroissement correspond principalement à l’augmentation des dépenses d’intervention opérées par l’ANR, conformément à la trajectoire définie par la LPR et à l’augmentation de ses moyens récurrents (pour 2 millions d’euros), complétant la progression de son plafond d’emplois.

● L’action 11 Recherches interdisciplinaires et transversales est destinée à soutenir la dynamique interdisciplinaire, caractéristique majeure de la recherche scientifique du XXIe siècle. Dotée de 82,77 millions d’euros en AE et en CP, ses crédits augmenteraient de 2,52 %, soit 2,04 millions d’euros par rapport à la LFI pour 2023. L’action permet de verser au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) respectivement 58,72 millions d’euros et 24,05 millions d’euros pour charges de service public.

L’action 12 Diffusion, valorisation et transfert des connaissances et des technologies verrait son budget augmenter de 4,96 % en AE et en CP par rapport à la LFI pour 2023, ce qui représenterait une hausse de 7,93 millions d’euros. Cette action finance notamment le deuxième Plan national pour la science ouverte lancé par le MESR en juillet 2021 qui s’organise autour de quatre axes : généraliser l’accès ouvert aux publications ; structurer, partager et ouvrir les données de la recherche ; ouvrir et promouvoir les codes sources produits par la recherche ; transformer les pratiques pour faire de la science ouverte le principe par défaut. Une partie du budget abonde également le Fonds national pour la science ouverte (FNSO) ainsi que l’entrepôt pluridisciplinaire Recherche Data Gouv qui s’est renforcé dès 2023 avec le déploiement d’un dispositif complet d’accompagnement des équipes de recherche pour la gestion des données, la gestion d’un entrepôt de données pluridisciplinaire et la création d’un catalogue des données de la recherche française. Cette action participe également au financement des opérateurs du programme au travers de subventions pour charges de service public (le CNRS recevra par exemple 58,72 millions d’euros et l’Institut de recherche pour le développement 31,93 millions d’euros).

● L’action 13 Grandes infrastructures de recherche finance ces structures dont le premier objectif est de mener une recherche d’excellence et d’assurer une mission de service pour une ou plusieurs communautés scientifiques. Ces infrastructures constituent des outils de recherche mutualisés à la frontière des connaissances technologiques et scientifiques dont l’importance du coût de construction et d’exploitation justifie des processus de décision particuliers. Les crédits de cette action augmenteraient très fortement en 2024 après une hausse importante en 2023. Les AE de cette action pour 2024 atteindraient 377,71 millions d’euros, soit une hausse de 46,56 %. En CP, l’évolution seraient moins marquée, avec une croissance de 6,72 %. Cette importante variation s’explique par la nature même de la dépense, qui nécessite d’importantes ouvertures de crédits en AE, dont la consommation s’étale sur plusieurs années. Le PLF pour 2024 finalise la mise en œuvre de la première vague d’opérations de la mesure « LPR équipement » (2022-2024) qui s’était traduite dans la LFI pour 2022 par l’ouverture de 100 millions d’euros en AE sur trois ans. Le PLF pour 2024 prévoit 20 millions d’euros en CP pour terminer la couverture de ces engagements. Parallèlement, ce PLF marque le début de la mise en œuvre de la deuxième vague d’opérations de la mesure « LPR équipement », permettant la suite des investissements dans des infrastructures d’importance stratégique nationale avec une ouverture de 120 millions d’euros en AE (les projets bénéficiaires et l’échelonnement des CP entre 2024 et 2027 sont en cours d’instruction).

● L’action 14 Moyens généraux et d’appui à la recherche concerne les moyens que les organismes de recherche doivent administrer afin de gérer et d’optimiser leurs processus de production de connaissances et de technologies. Cela se matérialise par des coûts indirects, a priori non imputables à un domaine de recherche particulier. Les moyens de cette action augmenteraient de 2,29 % en AE et en CP dans le PLF pour 2024 par rapport à la LFI pour 2023, s’établissant à 1 140,06 millions d’euros. Cette action dispose d’un poste « non ventilé » permettant d’allouer des crédits supplémentaires aux opérateurs en gestion, selon les besoins observés (à hauteur de 7,04 millions d’euros).

● L’action 15 Recherches scientifiques et technologiques en sciences de la vie et de la santé verrait ses crédits augmenter en 2024 en AE et en CP de 2,29 %, soit une hausse de 30,2 millions d’euros, pour s’établir à 1 349,75 millions d’euros. Cette action finance principalement la recherche des opérateurs en ce domaine, réunis sous l’alliance Aviesan (cf. infra programme 150). Les opérateurs principaux sont le CNRS (587,19 millions d’euros) et l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) (537,88 millions d’euros), ainsi que les Instituts Pasteur et Curie, les centres de lutte contre les cancers et les différents groupements d’intérêt public de recherche relevant des sciences de la vie et de la santé.

● Les crédits de l’action 16 Recherches scientifiques et technologiques en sciences et techniques de l’information passeraient de 1 076,86 millions d’euros à 1 103,57 millions d’euros en AE et en CP, soit une hausse de 2,48 %. Comme l’action précédente, l’action 16 finance la recherche dans ce domaine à travers le financement des opérateurs dont, notamment, le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) (235,66 millions d’euros), le CNRS (763,34 millions d’euros) et l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria) (103,94 millions d’euros) qui sont réunis sous l’alliance Allistene (cf. infra programme 150).

● L’action 17 Recherches scientifiques et technologiques dans le domaine de l’énergie finance la recherche des opérateurs dans ce domaine, réunis au sein de l’alliance Ancre (cf. infra programme 150). Ses crédits augmenteraient de 2,39 % en AE et CP en 2024 pour s’établir à 899,56 millions d’euros. L’opérateur principal de cette action est là encore le CNRS (322,95 millions d’euros) et ces crédits permettent également, via le CEA, de financer la contribution de l’État au projet de réacteur expérimental à fusion nucléaire Iter.

● L’action 18 Recherches scientifiques et technologiques dans le domaine de l’environnement verrait ses crédits augmenter en 2024 de 1,75 % en AE et en CP ce qui représenterait un budget de 1 238,45 millions d’euros. L’alliance Allenvi (cf infra programme 150) regroupe les opérateurs de recherche dans ce domaine. Le premier opérateur financé par cette action est l’Institut national de la recherche agronomique (Inrae), avec 558,21 millions d euros.

● L’action 19 Recherches scientifiques et technologiques en sciences humaines et sciences sociales finance les opérateurs de l’alliance Athena. Elle permet le développement de recherches dans de nouvelles matières telles que les « humanités numériques » qui se trouvent à la croisée des sciences humaines et sociales et de l’information. L’action serait dotée pour 2024 de 450,98 millions d’euros, soit 2,28 % d’augmentation par rapport à la LFI pour 2023. Les principaux opérateurs sont les CNRS (352,31 millions d’euros) et l’Inrae (51,53 millions d’euros).

 

RÉCAPITULATIF DES crÉdits allouÉs aux opÉrateurs de la mission Recherche et enseignement supÉrieur

(en euros)

 

LFI 2023

PLF 2024

Opérateur financé

(Programme chef de file)

Nature de la dépense

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Opérateurs de soutien à l’enseignement supérieur et à la recherche (P150)

10 305 000

10 305 000

10 305 000

10 305 000

Subventions pour charges de service public

10 305 000

10 305 000

10 305 000

10 305 000

ANR - Agence nationale de la recherche (P172)

1 225 720 000

960 800 000

1 349 700 000

1 086 000 000

Subventions pour charges de service public

38 000 000

38 000 000

40 000 000

40 000 000

Transferts

1 187 720 000

922 800 000

1 309 700 000

1 046 000 000

Académie des technologies (P172)

1 359 000

1 359 000

1 359 000

1 359 000

Subventions pour charges de service public

1 359 000

1 359 000

1 359 000

1 359 000

Ihest - Institut des hautes études pour la science et la technologie (P172)

1 539 000

1 539 000

0

0

Subventions pour charges de service public

1 539 000

1 539 000

0

0

IRD - Institut de recherche pour le développement (P172)

222 706 500

222 706 500

228 060 000

228 060 000

Subventions pour charges de service public

222 706 500

222 706 500

228 060 000

228 060 000

Inserm - Institut national de la santé et de la recherche médicale (P172)

710 370 500

710 370 500

726 860 000

726 860 000

Subventions pour charges de service public

710 370 500

710 370 500

726 860 000

726 860 000

Ined - Institut national d’études démographiques (P172)

18 917 000

18 917 000

19 382 000

19 382 000

Subventions pour charges de service public

18 917 000

18 917 000

19 382 000

19 382 000

Inrae - Institut national pour la recherche en agriculture, alimentation et environnement (P172)

839 978 000

839 978 000

858 781 000

858 781 000

Subventions pour charges de service public

839 978 000

839 978 000

858 781 000

858 781 000

CNRS - Centre national de la recherche scientifique (P172)

3 048 509 000

3 049 009 000

3 122 522 260

3 122 522 260

Subventions pour charges de service public

2 966 266 000

2 966 266 000

3 032 527 000

3 032 527 000

Dotations en fonds propres

0

500 000

0

500 000

Transferts

82 243 000

82 243 000

89 995 260

89 995 260

Inria - Institut national de recherche en informatique et en automatique (P172)

191 689 000

191 689 000

196 431 000

196 431 000

Subventions pour charges de service public

191 689 000

191 689 000

196 431 000

196 431 000

Ipev - Institut polaire français Paul-Émile Victor (P172)

15 191 000

20 191 000

15 201 000

15 201 000

Subventions pour charges de service public

15 191 000

15 191 000

15 201 000

15 201 000

Dotations en fonds propres

0

5 000 000

 

 

Genopole (P172)

2 942 000

2 942 000

2 942 000

2 942 000

Subventions pour charges de service public

2 942 000

2 942 000

2 942 000

2 942 000

Ifremer - Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (P172)

184 309 000

197 889 645

186 369 000

186 369 000

Subventions pour charges de service public

184 309 000

184 309 000

186 369 000

186 369 000

Dotations en fonds propres

0

13 580 645

 

 

Cirad - Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (P172)

136 288 000

136 288 000

138 660 000

138 660 000

Subventions pour charges de service public

136 288 000

136 288 000

138 660 000

138 660 000

BRGM - Bureau de recherches géologiques et minières (P172)

53 749 000

53 749 000

54 950 000

54 950 000

Subventions pour charges de service public

53 749 000

53 749 000

54 950 000

54 950 000

CEA - Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (P172)

746 232 000

746 232 000

742 973 779

742 973 779

Subventions pour charges de service public

525 347 000

525 347 000

539 556 000

539 556 000

Transferts

220 885 000

220 885 000

203 417 779

203 417 779

Total

7 409 804 000

7 163 964 645

7 654 496 039

7 408 415 394

Total des subventions pour charges de service public

5 918 956 000

5 918 956 000

6 051 383 000

6 051 383 000

Total des dotations en fonds propres

0

19 080 645

0

17 619 355

Total des transferts

1 490 848 000

1 225 928 000

1 603 113 039

1 339 413 039

Total des subventions pour charges d’investissement

0

0

0

0

Source : Projet annuel de performances 2024 de la mission Recherche et enseignement supérieur.

 


—  1  —

III.   Programme 150 : Formations supÉrieures et recherche universitaire

Par rapport à la LFI pour 2023, les crédits du programme 150 passeraient, dans le PLF pour 2024, de 15 205,81 millions d’euros à 15 277,05 millions d’euros en AE, soit une légère hausse de 0,47 %, et de 14 907,80 à 15 180,78 millions d’euros en CP, soit une augmentation de 1,83 %.

Les crédits du programme 150 sont répartis en neuf actions. Parmi celles-ci, seule l’action 17 est exclusivement destinée au financement de la recherche universitaire.

Évolution des autorisations d’engagement inscrites au programme 150 de la mission recherche et enseignement supérieur entre 2023 et 2024

Numéro et intitulé de l’action concernée

(nomenclature 2023)

LFI 2023

(en millions d’euros)

PLF 2024

(en millions d’euros)

Variations constatées entre 2024 et 2023

01  Formation initiale et continue du baccalauréat à la licence

3 882,89

3 920,78

+ 0,98 %

02  Formation initiale et continue de niveau master

2 675,68

2 969,35

+ 0,77 %

03  Formation initiale et continue de niveau doctorat

453,50

494,29

+ 8,99 %

04  Établissements d’enseignement privés

94,90

94,90

05  Bibliothèques et documentation

474,58

481,84

+ 1,53 %

13  Diffusion des savoirs et musées

131,16

133,67

+ 1,93 %

14  Immobilier

1 543,20

1 368,91

‑ 11,29 %

15  Pilotage et support du programme

1 726,68

1 769,70

+ 2,49 %

17  Recherche

4 223,27

4 316,67

+ 2,21 %

Total

15 205,81

15 277,05

+ 0,47 %

Source : Projet annuel de performances 2024 de la mission Recherche et enseignement supérieur.

Le rapporteur pour avis appelle à un renforcement de la prise en compte des questions de transferts et de valorisation des données et des résultats de la recherche. Cette problématique correspond à l’objectif 4 de ce programme : Améliorer le transfert et la valorisation des résultats de la recherche. La question du transfert devient de plus en plus centrale, les connaissances produites constituant une source d’innovation majeure pour l’économie nationale. Deux indicateurs permettent de mesurer cet objectif. Le premier évalue le développement de la culture de valorisation chez les opérateurs du programme : il permet une appréciation de la pertinence des brevets déposés en fonction des redevances qu’ils génèrent.

Le montant des redevances sur titres de propriété intellectuelle (brevets et logiciels) enregistre une croissance régulière en valeur absolue depuis 2014. Sa contribution en valeur relative à l’ensemble des ressources recherche des opérateurs du programme demeure cependant stable et relativement faible. En 2021, la part des ressources apportées par les redevances sur titres de propriété intellectuelle représentait ainsi seulement 0,53 % des ressources recherche totales des opérateurs du programme.

Un des principaux leviers d’action pour augmenter ces résultats est constitué par les sociétés d’accélération du transfert de technologie (Satt). Au nombre de treize aujourd’hui et fruits des investissements d’avenir, elles sensibilisent les équipes à la valorisation de la recherche.

Le rapporteur pour avis encourage le développement de cet objectif de valorisation mais rappelle que l’empilement de structures partageant certaines compétences (comme les Satt avec les universités) peut nuire à la poursuite de cet objectif et induire des coûts supplémentaires compte tenu de l’existence de doublons ou de structures parallèles.

Le second indicateur de cet objectif est le montant, dans les ressources des opérateurs, des contrats de recherche passés avec les entreprises. La part de ces contrats enregistre une croissance modérée mais régulière depuis 2014, aussi bien en valeur absolue qu’en valeur relative : elle est ainsi passée de 2,7 % des ressources recherche totales des opérateurs en 2014 à 4,3 % en 2021.

Les crédits destinés à la recherche demandés au titre de l’action 17 représentent 28,3 % du programme 150 (contre 27,8 % en LFI pour 2023). Le montant serait en augmentation de 2,21 % en AE et en CP, passant de 4 223,27 à 4 316,63 millions d’euros, soit une hausse en valeur absolue de 93,36 millions d’euros.

Ces crédits sont alloués aux opérateurs du programme 150 dans le but de développer la recherche universitaire. Ils fédèrent leurs actions par l’intermédiaire de cinq alliances thématiques : l’alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé (Aviesan) ; l’alliance des sciences et technologies du numérique (Allistene) ; l’alliance nationale de coordination de la recherche pour l’énergie (Ancre) ; l’alliance dans le domaine de la recherche environnementale (Allenvi) ; l’alliance nationale des humanités, sciences humaines et sciences sociales (Athena).

Le rapporteur pour avis réitère sa demande formulée l’année dernière afin qu’une réflexion soit engagée sur ces alliances. C’est notamment le cas pour l’Avisean et sa coexistence avec l’Agence de l’innovation en santé (AIS). Le rapport Gillet sur l’écosystème de la recherche et de l’innovation abonde d’ailleurs en ce sens en proposant de supprimer l’Aviesan ([4]).

L’Aviesan a cependant permis de formaliser un lieu d’échanges et de coordination entre les acteurs de la recherche en la matière, avec en particulier un conseil de coordination. La poursuite des objectifs est réalisée au sein de neuf instituts multi-organismes (Itmo), dont le rôle principal est d’animer la réflexion stratégique au sein de leur propre communauté scientifique. Ces Itmo sont un élément essentiel dans la construction d’Aviesan et constituent pour les chercheurs une source importante d’animation scientifique et de coordination. Ils sont des lieux de prospective scientifique, de positionnement stratégique vis-à-vis de l’Europe ou de l’international, et permettent même parfois l’élaboration et le suivi de plans nationaux, avec en particulier des conseils scientifiques.

L’AIS constitue quant à elle la mesure phare du Plan Innovation Santé 2030. Créée le 28 octobre 2022, elle a vocation à piloter, en lien avec les ministères et opérateurs concernés, la mise en œuvre de l’ensemble des actions du plan. Elle coordonne les travaux sur la prospective en santé pour caractériser les besoins à venir du système de santé et doit anticiper leurs impacts sur le système de prévention et de soins. Elle a également comme objet de proposer des simplifications des processus en identifiant les cas d’usages prioritaires avec l’écosystème, d’être l’interlocuteur privilégié des acteurs de l’innovation en santé et d’accompagner prioritairement les projets considérés comme stratégiques pour la France. Pour ce faire, l’AIS développe un réseau de partenaires en région. Dans un contexte interministériel, elle assure le pilotage des 7,5 milliards d’euros de France 2030 fléchés sur le Plan Innovation Santé 2030.

Les crédits prévus au titre des subventions pour charges de service public de l’action 17 s’élèveraient à 4 205,3 millions d’euros en AE et en CP, dont 86,4 millions d’euros de nouveaux moyens (contre 159,4 millions d’euros de nouveaux moyens en LFI pour 2023).

Les crédits de masse salariale représenteraient cette année 4 006,3 millions d’euros. En LFI pour 2023, ces crédits s’élevaient à 3 929,9 millions d’euros. Cette hausse est notamment liée à la revalorisation du point d’indice. Elle comprend également une mesure de transfert en masse salariale au titre du financement de la filière innovation créée au sein de l’Institut universitaire de France (IUF), à hauteur de 3,5 millions d’euros.

Les moyens nouveaux de masse salariale (72,9 millions d’euros) seront consacrés au financement de plusieurs mesures :

‒ les mesures du Rendez-vous salarial du 12 juin 2023 : revalorisation de 1,5 % de la valeur du point d’indice, attribution de 5 points d’indice supplémentaires et revalorisation des bas salaires (46 millions d’euros) ;

‒ la poursuite de la montée en puissance de la LPR (30,1 millions d’euros), qui prévoit des revalorisations indemnitaires et des dispositifs relatifs à la valorisation et au recrutement des enseignants-chercheurs ainsi que le financement, dans le cadre du dialogue contractuel, de projets de recherche et innovation. Les moyens consacrés à la dotation au démarrage, précédemment imputés en masse salariale, sont désormais imputés sur la brique fonctionnement ;

‒ l’ajustement des moyens alloués au titre de la protection sociale complémentaire dans la fonction publique (‑ 3,2 millions d’euros) au regard des données d’exécution.

ÉlÉments de la dÉpense par nature pour l’action 17

(en euros)

Titre et catégorie

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

Dépenses de personnel

110 605 897

110 605 897

Rémunérations d’activité

63 871 706

63 871 706

Cotisations et contributions sociales

45 502 839

45 502 839

Prestations sociales et allocations diverses

1 231 352

1 231 352

Dépenses de fonctionnement

4 205 499 530

4 205 499 530

Dépenses de fonctionnement autres que

celles de personnel

231 980

231 980

Subventions pour charges de service public

4 205 267 550

4 205 267 550

Dépenses d’intervention

521 128

521 128

Transferts aux autres collectivités

521 128

521 128

Total

4 316 626 555

4 316 626 555

Source : Projet annuel de performances 2024 de la mission Recherche et enseignement supérieur.

Les crédits de fonctionnement récurrents (190,5 millions d’euros) se voient dotés de 13,5 millions d’euros supplémentaires en PLF pour 2024, qui seront alloués au renforcement des mesures de la LPR dont 10 millions d’euros en lien avec la dotation au démarrage ré-imputée sur la ligne fonctionnement (cf. supra) et 3,5 millions d’euros pour les moyens aux laboratoires.

En revanche, les crédits d’accompagnement restent identiques depuis la LFI pour 2021, pour un montant de 8,4 millions d’euros. Ils sont alloués au titre de l’IUF. Il s’agit de la compensation des décharges de service (deux-tiers de service) et de la prime d’encadrement doctoral et de recherche (PEDR), chaque membre de l’IUF bénéficiant d’une dotation budgétaire finançant les travaux de recherche de son équipe.

Le rapporteur pour avis ne peut que se réjouir de ces augmentations. En plus des investissements issus de la LPR, cette nouvelle revalorisation du point d’indice participe à la vitalité et à l’attractivité de la recherche universitaire. Il constate cependant qu’une fois pris en compte les 46 millions d’euros dus au Rendez-vous salarial, l’augmentation « nette » se limite à 40,4 millions d’euros supplémentaires.

 

IV.   Programme 193 : Recherche spatiale

Par rapport à la LFI pour 2023, les crédits du programme 193 passeraient, dans le PLF pour 2024, de 1 865,68 millions d’euros à 1 900,98 millions d’euros en AE et en CP, soit une hausse de 35,3 millions d’euros et de 1,85 %.

Depuis l’été 2020, la compétence de la politique de l’espace, confiée jusqu’alors du MESR, a été attribuée au ministère de l’Économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Le programme relève de la direction générale des entreprises dont le directeur général est le responsable du programme. Cependant, compte tenu de l’importance de la recherche spatiale et de l’intérêt de la Commission pour celle-ci, le rapporteur pour avis continue d’analyser les crédits qui lui sont affectés.

Évolution des autorisations d’engagement inscrites au programme 193 de la mission recherche et enseignement supérieur entre 2023 et 2024

Numéro et intitulé de l’action concernée

(nomenclature 2023)

LFI 2023

(en millions d’euros)

PLF 2024

(en millions d’euros)

Variations
entre 2024 et 2023

01  Développement de la technologie spatiale au service de la science

242,76

287,34

+ 18,36 %

02  Développement de la technologie au service de l’observation de la terre

360,46

362,54

+ 0,58 %

03  Développement de la technologie spatiale au service de la recherche en sciences de l’information et de la communication

150,62

113,15

‑ 24,88 %

04  Maîtrise de l’accès à l’espace

665,10

615,89

‑ 7,40 %

05  Maîtrise des technologies orbitales et de l’innovation technologique

282,98

273,42

‑ 3,38 %

06  Moyens généraux et d’appui à la recherche

97,74

184,26

+ 88,53 %

07  Développement des satellites de météorologie

66,02

63,58

‑ 3,71 %

Total

1 865,68

1 900,18

+ 1,85 %

Source : Projet annuel de performances 2024 de la mission Recherche et enseignement supérieur.

Le 7 octobre 2022, l’État et le Cnes ont signé un contrat d’objectifs et de performance pour la période 2022-2025 structuré autour de quatre priorités :

– utiliser toutes les potentialités du secteur spatial comme vecteur de croissance économique, de compétitivité industrielle et de développement d’un nouvel écosystème ;

– maintenir et développer l’autonomie stratégique de la France et de l’Europe ;

– maintenir l’excellence scientifique du secteur spatial français et amplifier son rayonnement ;

– être à l’avant-garde du développement durable du spatial.

Les investissements continus de la France dans sa politique spatiale en font aujourd’hui le premier pays européen en termes d’activités et de compétences.

Le rapporteur pour avis ne peut que se réjouir de cette situation qui constitue un véritable exemple de réussite française. La recherche y est considérée comme faisant partie d’un ensemble plus grand, allant jusqu’à l’application industrielle et la croissance économique, sans oublier l’idée de l’autonomie stratégique. Les quatre priorités du contrat d’objectifs et de moyens sont transposables/peuvent être transposées à de nombreuses recherches thématiques et il considère plus largement que ces objectifs sont ceux que la recherche française doit se fixer, notamment en matière de recherche en biologie-santé (cf. infra).

Les crédits demandés au titre du programme 193 se répartissent de la manière suivante :

– l’action 1 Développement de la technologie spatiale au service de la science finance les programmes spatiaux d’étude et d’exploration de l’univers, ceux de la physique fondamentale et des sciences de la vie et de la matière ainsi que des activités relevant des sciences humaines et sociales. Elle a pour but de contribuer à l’avancement des connaissances scientifiques et de permettre de développer et de tester des technologies spatiales innovantes. Ses crédits seraient de 287,34 millions d’euros en 2024, contre 242,76 millions d’euros en LFI pour 2023, soit une hausse importante de 18,36 % et de 44,58 millions d’euros, tant en AE qu’en CP ;

– l’action 2 Développement de la technologie spatiale au service de l’observation de la Terre contribue à l’avancement des connaissances scientifiques et à préparer les outils spatiaux destinés aux politiques nationale et européenne d’observation. Un des axes forts de cette thématique porte sur la compréhension et le suivi du changement climatique, pour lequel les observations permettent de surveiller plus de la moitié des variables climatiques essentielles. Depuis la réunion du One Planet Summit fin 2017, la France et le Cnes exercent une forme de prééminence au niveau des agences spatiales sur la mobilisation de ces observations pour lutter contre les conséquences du changement climatique, avec notamment la mise en place d’un Space Climate Observatory, auquel adhèrent près de quarante organismes et agences spatiales au niveau international. Les crédits de cette action en AE et CP resteraient stables dans le PLF pour 2024 en s’établissant à 362,54 millions d’euros contre 360,46 millions d’euros en LFI pour 2023 ;

– l’action 3 Développement de la technologie spatiale au service de la recherche en sciences de l’information et de la communication concerne les programmes spatiaux de télécommunications et de navigation-localisation-synchronisation. Elle permet de préparer, développer et tester des technologies et des systèmes spatiaux destinés à des utilisations opérationnelles. Ces domaines possèdent un fort caractère dual, les travaux de recherche pouvant trouver des applications tant civiles que militaires. L’effort technologique entrepris permet également de renforcer la position de l’industrie française sur le principal marché spatial commercial viable aujourd’hui, à savoir celui des télécommunications, qui est en pleine révolution au niveau des usages comme des technologies. Les crédits pour 2024 baisseraient fortement en AE et CP passant de 150,62 millions d’euros en LFI 2023 à 113,15 au PLF 2024, soit une diminution de 24,88 % ;

– l’action 4 Maîtrise de l’accès à l’espace concerne les programmes de lanceurs spatiaux et des infrastructures associées (centre spatial guyanais de Kourou). Elle a pour but de préparer, de développer et de qualifier les systèmes de lancement assurant à l’Europe l’autonomie d’accès à l’espace au meilleur coût pour les puissances publiques.

En réponse à une diversification des besoins de lancement (mini et micro-lanceurs), la réhabilitation de l’ancien pas de tir Diamant (datant des années 1970) se poursuit pour le transformer en un ensemble multi-lanceurs ; elle bénéficie notamment du soutien du volet spatial de France 2030.

Cette action est la plus importante du programme, représentant 32,4 % de ses crédits, soit 615,89 millions d’euros en AE et en CP pour 2024 ;

– l’action 5 Maîtrise des technologies orbitales et de l’innovation technologique finance la station spatiale internationale (ISS), la conception et le développement de plateformes de mini, micros et nanosatellites (utilisés en particulier avec les étudiants), la conception, le développement et la mise en œuvre de ballons atmosphériques destinés à des missions scientifiques d’observation, des activités de recherche relatives à l’amélioration des performances des satellites, ainsi que le développement d’applications utilisant les capacités et les données spatiales dans de nombreux domaines. Hormis l’ISS, qui est un programme international auquel la France contribue principalement au travers de l’Agence spatiale européenne (ou European Space Agency ‒ ESA), les travaux sont menés essentiellement dans un cadre national.

Contrairement à la LFI pour 2023 qui avait prévu des crédits en hausse par rapport à ceux de la LFI pour 2022, le PLF pour 2024 reviendrait à la stabilité des années précédentes en ouvrant 273,42 millions d’euros en AE et en CP au titre de cette action ;

– l’action 6 Moyens généraux d’appui à la recherche porte notamment sur le fonctionnement général du Cnes et les investissements associés. L’action bénéficierait en 2024 d’une importante hausse de ses crédits de 88,53 %, passant ainsi en AE et CP de 97,74 millions d’euros en LFI pour 2023 à 184,26 millions d’euros. Le rapporteur pour avis ne peut que se réjouir de cette forte hausse mais s’étonne de l’absence de précisions quant à sa destination dans le projet annuel de performances. Cette hausse semble avoir pour origine l’augmentation des crédits dédiés à la recherche spatiale conformément à la LPR ainsi que 2 millions d’euros destinés à atténuer l’impact de l’inflation pour le CNES ;

– l’action 7 Développement des satellites de météorologie concerne la contribution française aux programmes de satellites météorologiques (stationnaires et polaires en orbite basse) développés par l’Organisation européenne pour l’exploitation des satellites météorologiques (Eumetsat) qui compte trente États membres. Les moyens mis en place sont coordonnés à l’échelle mondiale, principalement avec les Américains et les Japonais.

Les États contribuent au prorata de leur produit national brut ; il n’y a pas de retour géographique contrairement à l’ESA. Les industriels français sont particulièrement bien placés sur les nouvelles générations de satellites en cours de développement et le Cnes exerce la maîtrise d’ouvrage d’un sondeur atmosphérique dont une partie du développement a été financée par sa programmation budgétaire propre, couverte par les crédits de ce programme.

Cette action est la plus modeste du programme, regroupant 3,3 % des crédits, soit 63,58 millions d’euros en AE et en CP.

V.   D’importants crédits additionnels

Aux moyens prévus dans la mission Recherche et enseignement supérieur s’ajoutent les crédits apportés par les plans de renforcement de la souveraineté et de la sobriété énergétiques – « France Relance », « Résilience I » et « Résilience II » – et ceux ouverts sur le programme d’investissements d’avenir (PIA) et le plan France 2030 en faveur des projets de recherche, d’innovation et de formation.

 La mission Plan de Relance

Comme le PLF pour 2023, la LFI pour 2024 ne prévoit aucun engagement nouveau (AE), la mission Plan de Relance étant par nature temporaire. 1,4 milliard d’euros de crédits de paiement sont ouverts afin de tenir les engagements déjà pris. Cela tient notamment à la nature même des projets qui justifient des décaissements sur plusieurs années. Ce niveau d’ouverture, relativement faible en comparaison des années passées, reflète l’achèvement progressif de l’effort de relance. Les crédits ouverts au titre de cette mission vont poursuivre leur décroissance (ils devraient atteindre 659 millions d’euros en 2025, puis 629 millions d’euros en 2026), conformément à l’objectif de mise en extinction du plan. La trajectoire prévoit des besoins résiduels d’ouverture de crédits en direction de certains dispositifs ciblés en 2027 et au-delà, compte tenu du temps long d’exécution de certaines mesures.

● La mission Investir pour la France de 2030

Cette mission regroupe désormais les programmes d’investissement d’avenir (PIA) 3 et 4 et les complète, permettant de soutenir l’ensemble du cycle de vie de l’innovation jusqu’à son déploiement et son industrialisation, étapes qui n’étaient traditionnellement pas prises en charge par les investissements d’avenir.

Au total, 54 milliards d’euros sont ouverts pour cette mission, dont 34 milliards d’euros votés en LFI pour 2022, et 20 milliards d’euros pour le PIA 4. Ces AE conséquentes sont portées plus particulièrement par les programmes Financement des investissements stratégiques et Financement structurel des écosystèmes d’innovation. Les programmes Soutien des progrès de l’enseignement et de la recherche, Valorisation de la recherche et Accélération de la modernisation des entreprises permettront d’achever la mise en œuvre du PIA 3, doté de 10 milliards d’euros depuis 2017.

L’État va continuer de s’appuyer sur les quatre opérateurs historiques des PIA : l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), l’ANR), Bpifrance et la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC). Les territoires sont également appelés à exercer un rôle renforcé dans cette nouvelle approche.

À la différence des premiers PIA, dont les objectifs et les enveloppes étaient définis ab initio, France 2030 est plus souple. De même, son architecture juridique a été simplifiée : elle repose sur une dizaine de textes juridiques contre plus de 110 conventions pour les PIA.

À cette date, l’ensemble du cadre juridique permettant la mise en œuvre des projets de France 2030 a été adopté pour la partie subventionnelle. Les conventions plus spécifiques encadrant les fonds propres sont élaborées au fur et à mesure de la définition des instruments d’intervention. Enfin, les conventions financières par opérateur permettent de rémunérer ces derniers pour leurs activités. Celle de l’ANR est par exemple en cours de finalisation.

En parallèle de l’achèvement de la consommation des crédits ouverts dans le cadre du PIA 3, France 2030, incluant le PIA 4, poursuit son déploiement. D’un point de vue budgétaire, en 2023, la quasi-totalité des AE ouvertes des programmes Financement des investissements stratégiques et Financement structurel des écosystèmes d'innovation ont été consommées à ce stade et confiées aux opérateurs, soit 44,2 milliards d’euros sur les 50,6 milliards d’euros disponibles au 31 août 2023.

Sur le plan opérationnel, ce sont plus de 250 appels à projets ou appels à manifestation d’intérêt qui ont été lancés depuis le début de l’année 2021. Au 30 juin 2023, plus de 19,5 milliards d’euros avaient été consommés, ce qui représente, hors fonds propres et aides-guichets, plus de 2 400 projets sélectionnés pour près de 2 700 bénéficiaires.

 

RÉCAPITULATIF DES CRÉDITS de la mission Investir pour la France de 2030 POUR 2023 et 2024

(en euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Programme / Action

LFI 2023

PLF 2024

LFI 2023

PLF 2024

421  Soutien des progrès de l’enseignement et de

la recherche

 

 

244 000 000

255 000 000

01  Nouveaux cursus à l’université

 

 

25 000 000

25 000 000

02  Programmes prioritaires de recherche

 

 

27 000 000

40 000 000

03  Équipements structurants de recherche

 

 

67 000 000

50 000 00

04  Soutien des grandes universités de recherche

 

 

90 000 000

90 000 000

05  Constitution d’écoles universitaires de recherche

 

 

15 000 000

30 000 000

07  Territoires d’innovation pédagogique

 

 

20 000 000

20 000 000

422  Valorisation de la recherche

 

 

33 000 000

88 200 000

03  Démonstrateurs et territoires d’innovation de grande ambition

 

 

20 000 000

60 000 000

05  Accélération du développement des écosystèmes d’innovation performants

 

 

13 000 000

28 200 000

423  Accélération de la modernisation des Entreprises

 

 

92 500 000

14 260 000

01  Soutien à l’innovation collaborative

 

 

42 500 000

0

02  Accompagnement et transformation des

filières

 

 

50 000 000

9 660 000

04  Adaptation et qualification de la main

d’œuvre

 

 

 

4 600 000

424  Financement des investissements

stratégiques

 

 

3 485 000 000

5 691 750 000

01  Programmes et équipements prioritaires de recherche

 

 

200 000 000

0

02  Maturation de technologies, R&D, valorisation de la recherche

 

 

160 000 000

640 000 000

03  Démonstration en conditions réelles,
amorçage et premières commerciales

 

 

650 000 000

1 238 750 000

04  Soutien au déploiement

 

 

625 000 000

1 873 000 000

05  Accélération de la croissance (fonds propres)

 

 

450 000 000

210 000 000

06  Industrialisation et déploiement

 

 

1 400 000 000

1 730 000 000

425  Financement structurel des écosystèmes d’innovation

 

 

2 233 128 199

1 652 500 000

01  Financements de l’écosystème ESRI et valorisation

 

 

205 000 000

220 000 000

02  Aides à l’innovation « bottom-up » (subventions et prêts)

 

 

528 128 199

727 500 000

03  Aides à l’innovation « bottom-up » (fonds propres)

 

 

1 500 000 000

705 000 000

Totaux

 

 

6 087 628 199

7 701 710 000

Source : Projet annuel de performances 2024 de la mission Investir pour la France de 2030.

 

 


—  1  —

   SECONDE PARTIE :
L’ORGANISATION DE LA RECHERCHE EN BIOLOGIE SANTé : UNE PROPOSITION POUR L’éVOLUTION DE NOTRE MODèLE

Le présent rapport pour avis puise son origine dans trois évènements détaillés par la suite et par un constat sans appel sur l’urgence d’une action forte et déterminée et d’une cohérence politique pour la recherche en biologie santé.

En premier lieu, nous retenons le discours du Président de la République, le 16 mai 2023, à l’Institut Curie lors de la présentation des bioclusters et des nouveaux Instituts hospitalo-universitaires (IHU) labellisés, qui prend toute la mesure de l’enjeu posé : « Je souhaite que la ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche, le ministre de la Santé et de la prévention et le ministre délégué à l’industrie, avec l’aide de l’Agence de l’innovation en santé et de la Mission France 2030, puissent mener des concertations avec tous les acteurs concernés qui devront aboutir à un plan d’action dans les six mois à venir pour avoir une recherche biomédicale plus unifiée et plus efficace. »

Ensuite, à travers les zoonoses, la pandémie de covid-19 est venue quant à elle confirmer, si besoin était, que la santé humaine ne peut être considérée et appréhendée indépendamment de la santé animale et de la santé environnementale à l’échelle locale comme mondiale ([5]). La liste ([6]) des zoonoses repérées nous menaçant aujourd’hui est impressionnante et la part de zoonoses parmi les maladies humaines émergentes a augmenté de 62 % à 75 % au cours des soixante dernières années. On peut citer par exemple l’influenza aviaire, la grippe porcine, la tuberculose, la brucellose, la salmonellose, la leptospirose, Ebola, les encéphalites, etc. Nous ne pouvons pas ne pas mentionner les 40 000 décès imputables à la pollution de l’air chaque année en France ou encore l’effondrement de la fertilité lié aux multiples perturbateurs endocriniens déversés dans l’environnement. L’ensemble de ces trois santés est désormais regroupé sous le terme de santé globale, « One health », une approche loin d’être récente, mais qui doit aujourd’hui s’imposer comme un fil conducteur pour la mise en place de nouvelles politiques publiques en recherche santé afin notamment de questionner et de réformer l’ensemble du système aux fins de trouver des solutions qui répondent à des enjeux à la fois de santé et d’environnement.

La crise sanitaire a mis en exergue les difficultés françaises en matière de diagnostic et de vaccination au pays de Pasteur. De même, elle a révélé l’absence de culture française du risque intrinsèque à la recherche et à l’innovation ; elle a aussi mis en lumière les conséquences liées à l’absence de prise en compte des sciences humaines et sociales dans le lien science-médecine-société et a donc attesté du besoin essentiel de pluridisciplinarité. Elle a aussi démontré nos carences industrielles en matière de production biomédicale (tests PCR, masques, capacité de bioproduction, etc.) et a constitué un réel marqueur de notre désindustrialisation. Enfin, elle a rappelé les failles de notre organisation en recherche biomédicale, fragmentée entre de multiples tutelles trop peu coordonnées.

Enfin, le troisième point concerne la prise en compte de la révolution en cours dans le domaine de la santé. En quelques années, les médicaments chimiques « classiques » ont été supplantés par les médicaments biologiques (ou biothérapies). Leurs substances actives sont produites à partir d’une cellule ou d’un organisme vivant et sont principalement utilisées pour traiter les pathologies chroniques graves, évolutives et souvent invalidantes. Les outils diagnostiques, les dispositifs médicaux implantables ou non, l’intelligence artificielle, l’accès aux données de santé, la médecine 5P (personnalisée, préventive, prédictive, participative et médecine des preuves) sont autant de thématiques en constante évolution. Une récente note de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) sur les avancées thérapeutiques en oncologie ([7]), co‑rédigée par le rapporteur pour avis et la sénatrice Laure Darcos, et qui décrit l’accélération fulgurante en matière d’innovation en cancérologie, en est la parfaite illustration. Cette révolution dans un contexte de forte compétition mondiale induit l’exigence d’une organisation performante dans cette ère où l’intelligence économique prime et où l’innovation ouverte rend indispensable une co-construction avec l’ensemble des acteurs (recherche fondamentale, recherche clinique, recherche translationnelle, partenaires industriels, sciences humaines et sociales et patients).

Notre pays ne peut se satisfaire d’une situation où, malgré de nombreuses découvertes françaises, 95 % des biothérapies mises sur le marché sont importées. Il faut offrir à la France un retour sur son investissement en recherche publique et privée et permettre son rayonnement à l’international.

Vecteur de progrès au regard de l’amélioration des conditions de vie des femmes et des hommes et élément de la souveraineté nationale, la recherche scientifique, et plus particulièrement la recherche investissant sur la santé, est aussi un moteur économique national majeur. En cela, la recherche biomédicale revêt une importance stratégique réelle.

Un rapport de la Cour des comptes, en 2007, affirmait que « les sciences du vivant sont le premier secteur de la recherche publique française en termes de priorité et de ressources […] dont l’importance stratégique pour l’avenir de notre pays dépasse sans doute son poids intrinsèque dans l’effort public de recherche. » ([8])

Force est de constater, une quinzaine d’années plus tard, que l’effort public en matière de recherche biomédicale s’est révélé insuffisant. Les indicateurs montrent un affaiblissement de la France sur la scène internationale au regard de ses voisins et concurrents européens notamment.

Les causes de cet affaiblissement sont connues. La première d’entre elles, fréquemment évoquée, est une sous-dotation budgétaire chronique ;  d’aucuns considèrent à cet égard que la recherche en biologie santé est le « parent pauvre de la recherche » ([9]). Les inévitables conséquences sur l’attractivité des carrières, en raison de rémunérations non concurrentielles avec d’autres secteurs d’activité, mais aussi avec des pays étrangers, et sur les conditions de travail (équipements, supports, etc.) sont soulignées par l’ensemble des acteurs.

De plus, le coût lié à l’évolution technologique rapide dans ce domaine – l’étude de l’objet moléculaire unique permettant aujourd’hui, grâce aux « omics », l’analyse en parallèle de milliers de molécules – n’a pas ou peu été intégré dans la réflexion budgétaire. Ainsi, au même titre que la physique depuis des décennies, la biologie d’aujourd’hui nécessite de multiples équipements lourds et onéreux qui se perfectionnent et se renouvellent continuellement. Une étude complète jusqu’au stade préclinique se doit d’utiliser divers modèles, in vitro, cellulaires, animaux ou autres organoïdes, éléments exigés pour espérer une publication de bon niveau, publication qui a donc vu son coût exploser.

Mais au-delà du paramètre financier, l’organisation de la recherche biomédicale en France apparaît à la fois complexe, pléthorique, mal coordonnée, souffrant d’une stratégie peu lisible et d’un pilotage inefficient.

Après avoir présenté les grandes lignes des crédits de la recherche inscrits au projet de loi de finances (PLF) pour 2024, le rapporteur pour avis consacrera la partie thématique de l’avis budgétaire à la recherche en biologie santé en France. S’il n’entend nullement ignorer la question fondamentale des moyens, le rapporteur pour avis a cependant choisi d’axer son propos sur les aspects de gouvernance, d’organisation et de fonctionnement de la recherche biomédicale.

Après avoir dressé un état des lieux de ce secteur de la recherche, le rapporteur pour avis s’attachera à proposer des éléments de gouvernance et d’organisation du système français sur l’ensemble de la chaîne de valeur, afin d’améliorer la performance de la recherche en biologie santé.

Le rapporteur pour avis souhaite remercier sa collaboratrice parlementaire, Katia Andreetti, pour sa précieuse contribution à la rédaction de cet avis.

I.   éTAT DES LIEUX DE LA RECHERCHE BIOMéDICALE EN FRANCE

A.   La recherche BIOMÉDICALE reprÉsente des enjeux majeurs pour la SOCIÉTÉ FRANÇAISE, en matiÈre de SANTÉ comme dE DÉVELOPPEMENT ÉconomiQUe

Investir dans la recherche en biologie santé, c’est protéger la population tout en stimulant l’économie du pays.

Les exemples de traductions concrètes de la recherche scientifique en progrès en santé sont nombreux. Et aujourd’hui plus que jamais, dans un monde confronté à des transitions majeures sur les plans technologiques, avec la révolution numérique notamment, et environnementaux, marqués par la dérégulation climatique, les enjeux de la recherche en biologie santé sont primordiaux si l’on souhaite maintenir une augmentation continue de l’espérance de vie, plus particulièrement une espérance de vie en bonne santé.

Face à des enjeux scientifiques et sociétaux immenses, la recherche en biologie santé doit permettre d’apporter des réponses aux défis actuels et à venir évoqués ci-dessous.

● Faire face aux tendances lourdes de santé au niveau européen, voire mondial, en particulier dans un monde en mutation climatique : augmentation des pathologies chroniques et neuro-dégénératives, notamment dues au vieillissement de la population ; maladies émergentes ; risques de pandémies virales (zoonoses en particulier) ; lutte contre l’obésité, le diabète et les maladies cardio-vasculaires ; traitements encore insuffisants des cancers ; maladies rares pour lesquelles des premiers traitements prometteurs arrivent désormais sur le marché ; antibiorésistance ; pathologies liées aux effets des substances polluantes ;  iatrogénie ([10]) liée à la surmédicalisation, etc. ;

● Lutter contre les risques sanitaires émergents, aujourd’hui peu ou pas identifiés, liés aux conséquences des grands bouleversements planétaires engagés ou susceptibles d’intervenir, notamment : réchauffement climatique, dont la rapidité ne rend pas possible une adaptation naturelle (propagation de maladies vectorielles vers de nouvelles régions par exemple), changements environnementaux, évolutions démographiques, comportements humains.

À ce titre, la recherche fondamentale amont, majoritairement ouverte (par opposition à une recherche orientée, souvent soumise aux appels à projets) doit occuper une place essentielle. Outre qu’elle s’inscrit dans le temps long, elle repose sur la créativité des chercheurs, leur instinct et parfois le hasard (notion de sérendipité). L’enjeu est donc d’éviter de concentrer les moyens (financiers et humains) sur un nombre trop restreint d’objets, pour se donner la chance de parvenir à des découvertes et des avancées significatives dans des champs de recherche méconnus. La créativité est un ingrédient clé de la recherche fondamentale, permettant aux chercheurs d’explorer, de repousser les limites de la connaissance et de faire des découvertes qui peuvent finalement avoir un impact majeur sur la science et la société.

● Accompagner les transformations et (r)évolutions en cours : génomique, thérapies géniques et cellulaires, immuno-oncologie, intelligence artificielle, vaccinologie, ARN, etc.

Sur le plan sociétal et économique, la recherche en biologie santé a un double impact : d’une part, elle est un vecteur d’innovations fortes contribuant à la promotion économique d’une nation, et, d’autre part, en ayant pour objectif l’amélioration de la santé, elle est tout à la fois garante de bien-être pour la population, et d’économies pour notre système de santé. L’investissement dans la recherche biomédicale ne doit donc pas être perçue comme une charge. À ce titre, la recherche en biologie santé est un facteur déterminant de la croissance économique et de la création d’emplois en France. Plusieurs exemples permettent d’illustrer ce propos :

– l’industrie de la santé dans son ensemble représente un chiffre d’affaires d’environ 90 milliards d’euros, dont 35 % proviennent d’exportations. De la start-up au grand groupe, les quelque 3 100 entreprises du secteur représentent environ 455 000 emplois en France ([11]) ;

– l’industrie du médicament compte plus de 103 000 emplois correspondant à 150 métiers (recherche et développement, production, qualité, fonctions support, marketing/commercialisation, information médicale et réglementaire). On estime à 10 000 le nombre de postes à pourvoir dans ce secteur à l’horizon 2030, et à plus de 5 000 ceux à pourvoir dans les métiers du numérique en santé (intelligence artificielle, simulation numérique, données de santé, cybersécurité, etc.) ([12]) ;

– si la balance commerciale du secteur pharmaceutique français demeure positive, l’excédent constaté a néanmoins baissé de 55 % entre 2013 et 2021 (de 6,1 à 2,8 milliards d’euros). On peut attribuer cette évolution à la diminution des exportations de médicaments matures mais aussi à l’augmentation des importations de thérapies innovantes. Ceci conforte l’analyse qu’une recherche biomédicale sous-calibrée impacte lourdement la balance commerciale et donc la richesse nationale.

La recherche biomédicale revêt donc clairement une dimension stratégique majeure pour la santé de notre nation et pour son économie ; elle devrait à cet égard appeler la pleine attention du monde politique et, plus largement, des autorités décisionnelles.

B.   L’affaiblissement progressif de la recherche biomÉdicale FranÇaise

La place de la recherche scientifique française est en recul et le secteur de la biologie santé n’échappe pas à cette tendance. Cette dernière connaît en effet un infléchissement de ses performances par rapport aux pays voisins, faisant craindre un décrochage de la France. Étant donné l’intense concurrence internationale, amplifiée par la place désormais occupée par les grands pays émergents (Chine, Inde), un tel constat ne peut que constituer un sujet de préoccupation majeure.

1.   Les indicateurs de publication

a.   Les publications toutes disciplines confondues

En dépit d’un volume de publications croissant ces dernières années, la part mondiale de la France se tasse dans l’ensemble des disciplines depuis le début des années 2000. La production scientifique française, toutes disciplines confondues, ne représenterait en 2022 que 2,1 % (contre 2,3 % en 2021) des publications scientifiques internationales ([13]), soit la 9e place, loin derrière le Royaume-Uni (3e avec 4,5 %) et l’Allemagne (4e avec 4,3 %). La comparaison avec la situation en 2005 (4,1 %) donne un aperçu du déclin puisque, depuis cette date, la France a été dépassée par l’Inde, l’Italie et, en 2018, la Corée du Sud. La part de la France dans les publications scientifiques mondiales a baissé de 50 % en moins de deux décennies, ce qui l’a conduite à passer du 6e au 9e rang entre 2005 et 2018 ([14]), soit le deuxième plus fort recul parmi les 12 premiers pays.

S’agissant des publications à fort impact, la situation n’est guère plus encourageante ([15]) puisque la France est le pays enregistrant le plus fort déclin sur la moyenne des cinq dernières années parmi les dix premiers pays du classement ([16]).

L’indice d’impact scientifique des publications françaises toutes disciplines confondues fléchit depuis 2017 et s’inscrit désormais en dessous de la moyenne mondiale.

b.   Les publications en matière de recherche biomédicale

La recherche biomédicale est le premier domaine de publications scientifiques dans le monde.

La France apparaît modérément spécialisée en recherche biomédicale, comparée à d’autres domaines scientifiques. Elle est plus engagée en recherche biomédicale que la moyenne mondiale, mais moins que de nombreux pays à hauts revenus (Japon, États-Unis, pays du nord de l’Europe). Elle est néanmoins spécialisée dans différentes disciplines, telles que l’immunologie/infectiologie, la recherche sur le cancer ou les maladies rares.

En recherche biologique et médicale, les publications à fort impact ont vu leur part augmenter dans la production nationale, mais le travail d’évaluation de la position scientifique de la France par l’Observatoire des sciences et techniques (OST-HCERES) révèle que l’indice d’impact des publications de la France dans ces domaines, s’il se maintient autour de la moyenne mondiale (entre 0,8 et 1,1), demeure en-dessous des résultats des recherches provenant des pays anglo-saxons, d’Allemagne, de Scandinavie, de Suisse et des Pays-Bas ([17]).

Selon les constats tirés d’un rapport de France Universités datant de janvier 2023 ([18]) et fondés sur une analyse bibliométrique des publications :

– le volume de la production de recherche biomédicale en France est inférieur à ceux du Royaume-Uni, des Pays-Bas, de la Suède, de l’Allemagne, de l’Italie, de l’Espagne et du Canada. Le taux de croissance de la production française est le plus modeste entre 2010 et 2020 et le seul à se situer en-dessous de la moyenne de l’Union européenne (UE) et du Royaume-Uni depuis plusieurs années ;

– l’investissement dans la recherche en biologie santé par habitant n’est pas à la hauteur de celui de pays comparables (Royaume-Uni, Pays-Bas, Suède, Allemagne, Italie, Espagne, Suisse) ;

– si la contribution à la recherche biomédicale mondiale française est restée stable, il demeure que la part de la France dans les publications mondiales est inférieure à celle de pays comme l’Allemagne et le Royaume-Uni ;

– la recherche biomédicale française bénéficie, malgré tout, d’un impact scientifique similaire à celui de l’Espagne et du Royaume-Uni, avec un pourcentage égal de publications dans des revues de premier plan.

Le critère bibliométrique démontre donc une baisse certaine des résultats de la recherche biomédicale française au cours de la dernière décennie. Même si la quantité de publications produites n’offre qu’une vision imparfaite de la production scientifique d’un pays et qu’elle ne constitue pas l’unique mesure de la solidité de la recherche, cela démontre toutefois que la recherche biomédicale en France nécessite un nouvel élan. Son positionnement en matière de production scientifique n’est pas à la mesure de son rang économique.

2.   Les autres indicateurs

En 2020-2021, la France a déposé plus de 300 demandes de brevets à l’Office européen des brevets dans 10 sous-domaines technologiques (sur 35). Contrairement aux États-Unis et, à un degré moindre, au Royaume Uni, elle est peu spécialisée dans les sous-domaines « Produits pharmaceutiques » et « Technologies médicales » ([19]).

 

En ce qui concerne l’innovation dans le domaine santé, la France n’est classée qu’en 16e position en 2019 pour l’indice global, et à cette même place pour sa réponse en 2020 à la crise de la covid-19 ([20]).

Si la France se place au 3e rang pour les financements en sciences de la vie alloués par le Conseil européen de la recherche (European Research Council, ERC) sur l’ensemble du programme Horizon 2020 (2014 à 2020), elle ne se trouve qu’à la 15e place si l’on normalise les allocations reçues par rapport à la population de chaque pays ([21]). Ainsi, la France a apporté environ 18 % du budget européen alors que le succès aux appels ERC était nettement plus faible : entre 11 et 12 % pour les financements consolidator et advanced et seulement 8,4 % des financements starting dédiés aux jeunes chercheurs ([22]).

3.   La crise de la covid-19, révélateur de l’affaiblissement français ?

Au-delà des données statistiques, il est admis que la crise de la covid-19 a dévoilé un certain nombre de faiblesses de la recherche biomédicale française. L’incapacité de produire un vaccin ou une prophylaxie médicamenteuse contre le virus, en dépit du foisonnement d’initiatives, reflet de la forte capacité de réactivité des chercheurs et de leurs institutions, a mis en lumière le décrochage de la France et ce malgré le maintien de domaines d’excellence telle l’oncologie. N’a-t-on pas entendu : « le pays de Pasteur ne fait plus partie des grandes nations innovantes dans le domaine de la recherche en santé » ([23]) ?

Cependant, selon le rapporteur pour avis, l’échec de la réponse française à la crise sanitaire interroge non la qualité scientifique de la recherche biomédicale, mais l’organisation de cette dernière.

Comme l’affirme un rapport de l’Inspection générale de l’Éducation, du sport et de la recherche (IGÉSR), « de nombreux acteurs de la recherche se sont très rapidement mobilisés, mais en ordre dispersé » ([24]), constat partagé par un rapport d’audit de la Cour des comptes de 2021. Des financements trop dispersés et un défaut d’organisation ont accentué l’éparpillement des initiatives. À la différence d’autres pays, le pilotage et la structuration ont été grandement insuffisants : « Il a manqué une stratégie de recherche dans laquelle chacun, à la place qu’il occupe, puisse se reconnaître. L’absence de chef de file pour la mettre en œuvre a notamment été pénalisante » ([25]). Par nature, une organisation dont la coordination hors temps de crise demeure limitée ne peut être en mesure, en temps de crise et soumise à l’urgence, de muer en un système coordonné et efficace.

Par ailleurs, la pandémie de covid-19 est « survenue dans le contexte d’un recul spectaculaire du soutien à la recherche en biologie-santé en France », puisqu’en 2020 seuls 17,2 % du total des crédits recherche étaient attribués au secteur de la recherche en biologie santé, soit le ratio le plus faible depuis au moins 15 ans ([26]). Les efforts financiers exceptionnels mobilisés pendant la pandémie « ne sauraient compenser le déficit de financement antérieur à la crise, en particulier dans le secteur biologie-santé. Les réussites et les échecs de la recherche s’inscrivent dans la durée » ([27]).

C.   des dÉpenses sous-calibrÉes et des circuits de financement pluriels

La recherche française a souffert cette dernière décennie d’un manque criant de moyens, tout particulièrement la recherche biomédicale, dont le financement public est en outre émietté entre plusieurs dotations budgétaires « soclées » et « extra » budgétaires. Dans un modèle d’innovation ouverte qui est la règle aujourd’hui, c’est bien la recherche biomédicale publique qui fournit les éléments de création de valeur amenés sur le marché par le monde industriel. Ne pas mettre les moyens suffisants dans notre outil de recherche non seulement constitue une perte de chance pour les patients français, mais encore revient à mettre en péril un secteur essentiel de l’économie française.

1.   L’état du financement de la recherche en biologie santé : un investissement qui n’est pas encore à la hauteur des enjeux et des besoins, et qui reste inférieur à celui de la plupart des pays développés comparables

S’il faut saluer les efforts budgétaires récents entrepris dans le cadre de la loi de programmation de la recherche (LPR) de 2020 ([28]) et du plan France 2030, la France, avec 2,2 % du PIB consacrés à la recherche, demeure encore loin de l’objectif de 3 % fixé par la « stratégie de Lisbonne », contrairement à d’autres nations européennes qui ont atteint voire dépassé cet objectif, telle l’Allemagne par exemple. L’intensité de recherche et développement (R&D) française reste inférieure à la moyenne de l’OCDE (2,7 % en 2021) mais cependant supérieure à celle de l’Union européenne (2,1 %) ([29]).

Entre 2014 et 2018, la dépense intérieure de recherche et développement (DIRD) française a diminué de 2,28 % à 2,19 % du PIB ([30]). Pour cette même période, la part du PIB investie en crédits publics dans la dépense intérieure R&D était estimée en 2018 à 0,73 % en France, soit dans la moyenne européenne (0,74 %) mais au 10e rang de l’Union européenne, loin derrière les 0,98 % de l’Allemagne ([31]).

Après une attrition constante des crédits publics alloués à la recherche en biologie santé dans la dernière décennie, la période récente connaît une hausse budgétaire, qui demeure néanmoins insuffisante au regard du retard pris et des enjeux à venir.

a.   Des budgets consacrés à la recherche en biologie santé insuffisants en dépit des efforts récents

La dépense publique de recherche en santé a ainsi diminué de 28 % entre 2011 et 2018 ([32]), dont 15,7 % entre 2015 et 2018. Sa part dans les dépenses intérieures totales de recherche en santé a reculé, passant de 26,3 % à 23,9 %, l’érosion étant essentiellement due à un recul de la dépense intérieure de recherche et développement des administrations (DIRDA) ([33]).

Le financement de la recherche en biologie santé est donc globalement insuffisant depuis des années. Et le recul opéré dans la dernière décennie est d’autant plus problématique que, dans le même temps, la plupart de nos partenaires européens ont accru leurs dépenses publiques de R&D dans le secteur de la santé. La recherche française en biologie santé apparaît donc sous‑financée en comparaison des autres pays en tête de la recherche mondiale, nos voisins européens consacrant entre 35 % à 40 % du budget de la recherche à ce secteur, voire 50 % pour le Royaume Uni ([34]).

Au final, la faible part de la biologie santé dans le financement de la recherche tend à démontrer que ce secteur ne paraît pas prioritaire pour les décideurs politiques. Et si les efforts budgétaires récents, dans le cadre de la LPR 2020 (25 milliards d’euros sur 10 ans jusqu’en 2030) et du plan France 2030 (plan Innovation Santé 2030, 7,5 milliards d’euros, qui intègre les mesures du PIA 4 antérieures), constituent des débuts de réponse, ceux-ci ne paraissent pas encore à la hauteur des enjeux.

Une large part des dotations annuelles de la LPR 2020 servent en effet à compenser le coût des mesures de revalorisation salariale (dites mesures « Guérini ») ([35]) et, en raison du contexte d’inflation, sont en partie absorbées par le surcoût de l’énergie. Lors de l’examen des crédits de la recherche pour 2023, le rapporteur pour avis alertait ainsi « sur le risque accru de tension budgétaire des laboratoires notamment, du fait de la hausse des prix de l’énergie et de l’inflation. Les efforts faits depuis plusieurs années avec la LPR ne doivent pas être complètement absorbés par ces surcoûts. » ([36])

Enfin, les effets financiers annoncés dans le cadre du plan d’investissement pluriannuel France 2030, et son plan Innovation Santé 2030, qui ambitionne de faire de la France « la 1ère nation européenne innovante et souveraine en santé » ([37]), ne sont pas encore perceptibles. Le rapporteur pour avis s’interroge par ailleurs sur la pérennité de ces fonds au-delà de 2030. La recherche fondamentale, particulièrement en biologie santé, a besoin de visibilité et de temps long.

b.   Les effets du sous-investissement dans la recherche

L’insuffisance des moyens budgétaires alloués à la recherche biomédicale influe naturellement sur les activités de recherche, qu’il s’agisse de la dotation en fonctionnement et en équipements matériels mais aussi de la ressource humaine au regard de l’attractivité des carrières de chercheurs, fragilisées par des rémunérations du service public non concurrentielles, ou encore des conditions de travail perfectibles (manque de fonctions support, tels des assistants par exemple, pour décharger le scientifique des charges administratives au profit de l’activité de recherche proprement dite).

Le sous-investissement chronique de la France dans sa recherche engendre des répercussions immédiates sur les chercheurs et les enseignants-chercheurs : la rémunération en début de carrière des scientifiques, recrutés à partir de 1,4 Smic à l’âge moyen de 33 ou 34 ans, est inférieure de 37 % à la moyenne des pays de l’OCDE. Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que les carrières scientifiques attirent de moins en moins de jeunes ([38]).

L’audition par le rapporteur pour avis d’un responsable scientifique suisse a nettement mis en exergue les différences de conditions de travail entre les deux pays, confirmées par un récent rapport sénatorial. En Suisse, « un salaire ʺenvironnéʺ […] comprend le salaire de la personne recrutée, mais aussi les financements pour le recrutement des doctorants et les frais de fonctionnement. Une personne de niveau international pèse donc de l’ordre d’un million d’euros. Dans le meilleur des cas, ce montant est cinq fois inférieur en France. » ([39])

Pour le rapporteur pour avis, les efforts budgétaires récents dans le cadre de la LPR 2020 et du plan pluriannuel France 2030 ne semblent pas en mesure de créer le « choc d’attractivité » nécessaire pour susciter des vocations scientifiques, pour endiguer la chute du nombre de doctorants et pour conserver voire attirer les meilleurs chercheurs au sein de nos organismes de recherche et de nos universités. Le risque que la recherche biomédicale se retrouve dans la même situation de crise de recrutement que la médecine ou l’enseignement est donc réel.

Ces difficultés se retrouvent également dans l’accès des chercheurs à des équipements et infrastructures performants, éléments essentiels de l’efficacité et de l’attractivité́ de la recherche d’un pays, la recherche biomédicale faisant en effet « face à un défaut d’investissement dans les infrastructures de recherche à disposition des équipes académiques et des biotechs » ([40]).

Les matériels de pointe, les besoins de plateformes liés à l’essor des « omics », l’accès au numérique, etc. nécessitent un investissement suffisamment robuste et régulièrement renouvelé pour maintenir les équipements au degré d’exigence requis au niveau international. On signalera à cet égard l’absence de la France dans le développement de grands équipements de recherche en santé, en particulier dans les domaines de l’imagerie médicale ([41]). Le déficit en France de certains matériels peut être frappant au regard des dotations de certains pays. L’exemple des cryo-microscopes électroniques est éclairant, alors que la France fut pionnière de cette technique révolutionnaire de la recherche en biologie. La France en possède quatre quand l’Allemagne en dénombrait trente-neuf en 2020, le Royaume‑Uni une vingtaine ([42]) et une biotech chinoise huit ([43]). La cryo-microscopie électronique est un exemple emblématique du « miroir grossissant du décrochage de la recherche française » ([44]) ; ces instruments ont en effet «  manqué en nombre au moment de la crise de la covid-19 » ([45]).

Les équipements et les matériels innovants de recherche en biologie santé sont de plus en plus coûteux, allant de quelques milliers à plusieurs millions d’euros, qu’il s’agisse des séquenceurs d’ADN nouvelle génération (NGS), des outils de microscopie avancée (microscopes électroniques à balayage, MEB), des spectromètres de masse, etc. Au-delà du coût d’achat de ces équipements, il faut tenir compte des coûts de maintenance, de la formation du personnel, des consommables, etc.

L’absence en France, contrairement à d’autres pays, de mécanismes de financement pérennes des infrastructures de recherche en biologie santé correspondant à des besoins permanents et notre dépendance aux financements par nature temporaires des programmes d’investissement d’avenir ([46]) doivent être interrogées. Avec un budget annuel passé de 15 millions d’euros à 3 millions d’euros, le Groupement d’intérêt scientifique Infrastructures en biologie santé et agronomie (GIS IBiSA) ([47]), structure initialement créée pour tenir un rôle de financeur, se limite désormais à labelliser des plateformes installées par d’autres acteurs.

La récente crise sanitaire a néanmoins fait prendre conscience aux pouvoirs publics de la nécessité de réinvestir les infrastructures de recherche. Le rapporteur pour avis observe qu’une partie du milliard d’euros consacrés au renforcement de la capacité française en recherche biomédicale dans le cadre du plan Innovation Santé 2030 doit en effet servir à « renforcer le déploiement des infrastructures de recherche en santé » ([48]). Dans son discours du 16 mai 2023 à l’Institut Curie, le Président de la République a annoncé un plan d’action à hauteur de 100 millions d’euros.

2.    Le financement de la recherche en biologie santé se caractérise par la multiplicité des circuits, facteur de complexité

La recherche biomédicale publique est financée par plusieurs sources, dont les budgets ne sont pas fongibles, et qui diffèrent selon les opérateurs concernés. Le financement d’une partie de la recherche biomédicale par les autorités de santé singularise ce secteur par rapport aux autres champs disciplinaires de la recherche.

D’un côté, les organismes nationaux de recherche et les universités sont pour l’essentiel des établissements publics financés via des subventions pour charges de service public, dans le cadre des lois de finances, essentiellement à travers la mission interministérielle Recherche et enseignement supérieur. De l’autre, les établissements de santé évoluent dans un environnement concurrentiel, avec un financement essentiellement fondé sur l’activité de soins, provenant de l’assurance maladie et inscrit dans les lois de financement de la sécurité sociale.

D’autres circuits de financement se superposent, notamment ceux de la mission Investissements d’avenir (France 2030, PIA) qui échappent à la tutelle duale du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche (MESR) et de la direction générale de l’offre de soin (DGOS) du ministère de la santé et de la prévention (MSP), rendant au final le système de financement de la recherche biomédicale peu lisible. De plus, cette diversité de tutelles budgétaires maintient une séparation entre recherche fondamentale et recherche clinique.

Le tableau ci-dessous, extrait d’un récent rapport sénatorial ([49]), donne un aperçu des sources de financement de la recherche en biologie santé par l’État (MESR, MSP et France 2030).

Si, en volume, le financement de la recherche publique en biologie santé repose avant tout sur les crédits inscrits chaque année au budget de l’État au sein de la mission Recherche et enseignement supérieur, les circuits de financement en revanche sont nombreux.

a.   Les financements au titre du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche

La mission interministérielle Recherche et enseignement supérieur (Mires, programmes 172 et 150, pilotés essentiellement par le MESR), au sein du budget de l’État, héberge les dotations des principaux organismes nationaux de recherche (ONR) travaillant sur les sciences du vivant (Inserm, IRD, CNRS, Inrae, CEA ([50])), des universités, des fondations de recherche en partie financées par l’État (Pasteur, Curie) et des agences de financement de recherche relevant de la tutelle du MESR (ANR, ANRS-MIE ([51])).

b.   Les financements au titre du ministère de la Santé

Les sources venant du ministère chargé de la santé et de l’assurance maladie – lesquelles, selon l’Académie de médecine, n’accroissent en réalité que marginalement les moyens de la recherche en biologie santé ([52]) – financent notamment la recherche dans les centres hospitaliers et universitaires (CHU), à l’Institut national du cancer (INCa), dans les centres de lutte contre le cancer (CLCC) et, pour la deuxième année consécutive, à l’Inserm.

Les missions d’enseignement, de recherche, de référence et d’innovation (Merri) sont des financements alloués par l’assurance maladie à tous les établissements de santé, sur la base de règles fixées par la DGOS. Globalement, les crédits Merri semblent peu incitatifs à l’investissement dans la recherche par les CHU, et beaucoup d’acteurs s’interrogent sur la réalité de leur utilisation à cette fin.

Depuis 2016, les Merri comprennent deux enveloppes : 

– une dotation « socle » ([53]) (1,6 milliard d’euros annuels environ), dont l’objectif affiché est de favoriser la recherche dans les CHU en compensant les surcoûts ou les pertes de recettes générés par l’activité de recherche et d’enseignement des établissements. En dépit de son affichage, la partie « socle » des Merri ne paraît pas véritablement participer au financement de la recherche clinique. En pratique, les crédits alloués – qui contribuent environ à hauteur de 10 % au budget des hôpitaux – « sont plutôt utilisés par les directeurs de CHU par défaut comme un moyen d’équilibrer leur budget » ([54]) et répondre aux urgences budgétaires que pour mener une politique de recherche ;

– une part variable, qui finance des structures, des activités et des projets de recherche. Cette part sert notamment au financement des appels à projets ministériels pour différents programmes ([55]) – notamment les PHRC ([56]), créés en 1992 pour favoriser la recherche clinique dans les CHU, et les PRT ([57]) – ainsi que des structures de soutien à la recherche, enseignement et formation. Les crédits des PHRC représentent plus de 90 % des autorisations d’engagement de l’ensemble des programmes ; ils constituent un facteur important de dynamisation de la recherche en France et ont favorisé la motivation du personnel médical dans les CHU. Le financement public du PHRC est aussi un gage d’indépendance vis-à-vis des industriels ([58]). Les PHRC et les PRT réunis avoisinent les 130 millions d’euros annuels ([59]) d’autorisations d’engagement. Cependant, selon un rapport de la Cour des comptes, seule une trentaine de millions d’euros correspondent à une réelle ouverture de dépenses pour des appels à projets ([60]).

Après le transfert du financement de plusieurs opérateurs à l’assurance maladie, l’INCa est le dernier opérateur restant pleinement rattaché à la mission Santé (programme 204).

Les centres de lutte contre le cancer (CLCC) sont financés par l’assurance maladie et sont contrôlés par le MSP, dans les mêmes conditions que les hôpitaux publics.

c.   Les financements au titre des Investissements d’avenir

Les financements au titre de la mission Investissements d’avenir, déclinent la politique d’innovation mise en place dès 2010, dans une mission spécifique du budget de l’État (désormais France 2030). La recherche en biologie santé a été financée depuis 2010 par quatre vagues de PIA à hauteur de 2,9 milliards d’euros sur les 8,5 milliards d’euros de financements visant spécifiquement la recherche, soit 34 % ([61]).

Comme l’observe l’Académie de médecine, ces budgets, bien que non négligeables, représentent cependant une fraction modeste du total du budget de la Mires ([62]) si on les rapporte au nombre d’années depuis la mise en place des PIA.

Les financements du plan pluriannuel d’investissement d’avenir France 2030, sont pilotés par le secrétariat général pour l’investissement (SGPI) : une partie se décline dans le plan Innovation Santé 2030 doté de 7,5 milliards d’euros, dont 1 milliard d’euros pour renforcer la capacité de recherche médicale. Le plan France 2030 comporte une enveloppe destinée à « produire en France au moins 20 biomédicaments, notamment contre les cancers, les maladies chroniques dont celles liées à l’âge et créer les dispositifs médicaux de demain » ([63]). L’Agence nationale de la recherche (ANR) est l’opérateur de France 2030 pour lequel elle assure la sélection, le financement, le suivi, l’évaluation et l’étude d’impact des projets.

Le tableau ci-dessous, extrait du rapport sénatorial précité ([64]), présente les programmes de financement des projets en biologie santé par les PIA. Doivent y être ajoutées les écoles universitaires de recherche (PIA 3), qui visent à lier recherche et formation dès la première année de licence (par exemple, NeuroSchool d’Aix-Marseille Université, ou UBGSNeuro Bordeaux Neurocampus, autour des neurosciences).

d.   Les autres sources de financements publics

Par leurs aides et subventions, les collectivités territoriales, et plus particulièrement les régions, assument un rôle non négligeable dans le financement de la recherche en santé (plus de 900 millions d’euros en 2019 pour l’ensemble de la recherche ([65])). Les contrats de plan État-région (CPER) sont mis à profit par les acteurs de la recherche en biologie santé, en particulier pour les parties immobilières ou pour le soutien en équipement et instrumentation de recherche, souvent en lien avec les infrastructures nationales. Si ces financements sont hétérogènes selon les collectivités et sont majoritairement consacrés aux transferts de technologie et aux opérations immobilières, on note une ambition croissante des régions à l’égard de la recherche ([66]).

L’Union européenne, via le programme Horizon Europe (2021-2027), participe également au financement de la recherche. Le Conseil européen de la recherche dispose d’un budget de 16 milliards d’euros. Les projets en sciences de la vie représentaient 28 % à 30 % de l’ensemble des projets soutenus lors de la campagne de financement 2019 et le montant perçu par la France sur l’ensemble de ces différents appels à projets s’élevait à 51,2 millions d’euros ([67]).

e.   Les sources de financements privés

Le financement des nombreuses structures de recherche par le secteur associatif, dont le modèle repose sur la générosité du public, avec des associations et fondations privées reconnues d’utilité publique, n’est pas négligeable. Par exemple, le montant total du budget recherche de la Ligue contre le cancer s’est élevé à 41,1 millions d’euros en 2021, ce qui positionne la Ligue comme le premier financeur associatif indépendant de la recherche sur le cancer en France ([68]).

D.   unE recherche biomÉdicale fragmentÉe entre de multiples acteurs et souffrant d’un dÉficit de gouvernance et de coordination, sur toute la chaîne de valeur

La recherche en biologie santé mobilise de nombreux opérateurs de gouvernance, de pilotage, de production, de coordination et d’animation, de financement, d’évaluation et de valorisation (transferts de technologie, recherche partenariale, etc.). Les statuts de ces diverses structures – établissements publics, agences, instituts, associations de droit privé, sociétés commerciales, etc. – sont variés. Ces acteurs interviennent prioritairement sur certains segments de la chaîne de valeur ou au contraire sur l’intégralité du continuum, de la recherche fondamentale à sa valorisation.

Si l’ensemble de la recherche française se caractérise par l’intervention d’opérateurs plus ou moins nombreux, a minima les ONR et les universités, la recherche en biologie santé se singularise par un extrême morcellement de ses opérateurs, puisque s’y ajoutent la diversité des établissements de santé, ainsi qu’un tissu associatif important.

1.   Un cadre national juridique favorable à une gouvernance stratégique de la recherche, mais peu appliqué

Les dispositions du code de la recherche offrent, en apparence du moins, des instruments juridiques adaptés à une gouvernance de la recherche coordonnée au niveau interministériel et pilotée par le MESR ([69]).

D’une part, une stratégie nationale de recherche est élaborée et révisée tous les cinq ans sous la coordination du ministre chargé de la recherche (art. L. 111-6 du code de la recherche), en vue de répondre aux défis scientifiques, technologiques, environnementaux et sociétaux en maintenant une recherche fondamentale de haut niveau. Les priorités en sont arrêtées après une concertation avec la communauté scientifique et universitaire (y compris le secteur associatif) et les partenaires sociaux et économiques, mais également avec les autres ministères et les régions. Le ministre chargé de la recherche veille à la cohérence de la stratégie nationale de recherche avec les autres stratégies nationales (santé, biodiversité, etc.) et européenne.

D’autre part, depuis 2013, un Conseil stratégique de la recherche ([70]) (lequel s’inscrit dans la continuité de nombreuses structures aux objectifs similaires depuis les années 1980), placé auprès du Premier ministre, est chargé de proposer les grandes orientations de la stratégie nationale de recherche. Ce conseil s’appuie notamment sur la direction générale pour la recherche et l’innovation (DGRI) du MESR.

On constate cependant que ni la stratégie nationale de recherche ni le Conseil stratégique de la recherche ne se sont réellement inscrits dans le paysage de la recherche. À ce jour, un seul exercice de stratégie nationale a vu le jour, en 2015 ([71]), et le Conseil stratégique ne semble pas s’être réuni depuis cette même année.

2.   Au niveau de la gouvernance, une recherche en biologie santé fragmentée entre de nombreux acteurs ministériels, sans structure de pilotage efficiente

En dépit des enjeux qu’ils recouvrent et en décalage avec le code de la recherche qui les inscrit comme des priorités nationales ([72]), la recherche scientifique et le développement technologique ne relèvent pas aujourd’hui d’un ministère exclusivement dédié et de plein exercice ([73]). Depuis une quarantaine d’années, les changements de rattachement ministériel ainsi que l’association à diverses politiques publiques sont par ailleurs assez révélateurs de la difficulté de positionner la recherche dans le paysage institutionnel  : éducation nationale, enseignement supérieur, industrie, innovation, nouvelles technologies, espace, technologie ([74]). On notera que la recherche, après avoir été rattachée à quelques reprises à l’industrie dans la période antérieure, est systématiquement associée depuis 2005 à l’enseignement supérieur. Par ailleurs, l’association de l’innovation à la recherche est à la fois très récente et, à ce jour, unique (période 2017-2022).

Cette complexité inhérente à la recherche est accentuée pour la recherche biomédicale, historiquement partagée entre le MESR et, directement ou via l’assurance maladie, le ministère chargé de la santé, qu’il s’agisse du financement ou de la tutelle administrative des opérateurs. De surcroît s’ajoutent à ces deux « chefs de file » d’autres ministères dits « techniques », co-tutelles d’opérateurs de recherche intervenant de manière croissante dans le domaine des sciences de la vie et, depuis 2010, un nouvel acteur interministériel rattaché au Premier ministre, le secrétariat général pour l’investissement (SGPI, anciennement commissariat général à l’investissement), responsable des plans pluriannuels d’investissement d’avenir (PIA, France 2030).

Aujourd’hui, ce ne sont pas moins de 10 départements ministériels ([75]), en leur qualité de tutelles d’opérateurs de recherche, auxquels il faut ajouter le SGPI, qui interviennent à des degrés divers dans l’organisation et le financement de la recherche en biologie santé et plus largement en sciences du vivant.

Or, à ce jour, les structures trans-ministérielles existantes ne semblent pas en mesure d’assurer une coordination efficace entre tous ces opérateurs.

Afin de fédérer les divers acteurs et mieux structurer leur coordination, une alliance souple – l’Aviesan (Alliance pour les sciences de la vie et de la santé), a été créée en 2009. Réunissant, sous l’animation du président de l’Inserm, les principaux établissements de recherche ([76]) et divers partenaires en biologie santé ([77]), l’Aviesan est présentée comme « le lieu de réflexion stratégique, du renforcement des synergies entre tous les acteurs de la recherche en santé » ([78]). Mais dénuée de moyens réels et de personnalité morale, sans cadre ni mission bien définis et sans impulsion politique claire, cette alliance dépend de la volonté politique des tutelles, et du bon accord entre les responsables des organismes de recherche et d’une direction plus ou moins volontariste.

Cette « agence virtuelle », selon les mots de l’Académie nationale de médecine, n’a pas été en mesure de jouer le rôle qui lui était imparti. « À partir du moment où la pression politique s’est amoindrie et la volonté de coordination s’est moins affirmée, les organismes ont cherché à recouvrer » leur autonomie de décision. « Cette dérive s’est concrétisée […] par une séparation encore plus forte des partenaires au détriment de la coordination au niveau des sites comme à celui des unités de recherche » ([79]). L’échec du plan de programmation de la recherche en santé ([80]), qui fut confié à l’Aviesan en 2014 par les ministres chargés de la santé et de la recherche, est à cet égard emblématique : « l’échec de la mise en œuvre du plan semble principalement lié à la défiance entre les acteurs de la santé et de la recherche, et notamment à la crainte de voir AVIESAN prendre une responsabilité dans la programmation des financements de la recherche hospitalière » observe la Cour des comptes dans un rapport de 2018 ([81]).

Aujourd’hui l’Alliance se retrouve fragilisée, au point que le rapporteur pour avis note que le rapport Gillet, remis à la ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche en juin 2023, en propose expressément la suppression ([82]).

Un nouvel acteur a récemment émergé dans le paysage pourtant passablement encombré de la recherche en santé en France. Issue en 2022 du plan Innovation Santé 2030, l’Agence de l’innovation en santé (AIS) ([83]) a pour objet de piloter, en lien avec les ministères et les opérateurs concernés, la mise en œuvre du volet santé de France 2030.

Cette structure légère a vocation à coordonner les travaux sur la prospective en santé pour caractériser les besoins à venir du système de santé, et anticiper leurs impacts sur le système de prévention et de soin. Parmi ces missions, on trouve la gestion de différents dossiers prioritaires demandant une coordination dans le temps long à la fois entre acteurs publics, et entre acteurs publics et privés. Elle est chargée de définir une stratégie nationale d’innovation en santé et d’assurer sa mise en œuvre, incluant anticipation et réactivité à court terme et vision stratégique à horizon 2030, ceci en cohérence avec les défis de recherche sur lesquels la France veut investir.

Structure d’impulsion et de pilotage stratégique, actuellement dépourvue de personnalité morale et peu dotée (15 personnes), l’agence doit encore trouver son positionnement, notamment face aux acteurs historiques, sur la chaîne de pilotage de la recherche et de l’innovation en santé en France.

Le rapporteur pour avis note cependant, avec intérêt, que le Président de la République, lors de son discours à l’Institut Curie le 16 mai 2023, a souhaité associer l’agence à la réflexion menée par les trois ministères chargés de la recherche, de la santé et de l’industrie visant à faire évoluer le pilotage et l’organisation de la recherche en biologie santé vers plus de décloisonnement et moins de logique de silos.

Le rapporteur pour avis observe qu’en l’absence d’un ministère exclusivement consacré à la recherche et à l’innovation, aucune structure interministérielle ou ministérielle n’est à ce jour en mesure de piloter efficacement les stratégies nationales de recherche de l’ensemble des tutelles de la recherche biomédicale.

À défaut d’une structure interministérielle de pilotage, le morcellement des acteurs exigerait une robuste coordination entre les administrations des différents ministères (MESR, MSP, SGPI, ministères « techniques ») pilotes de la recherche en biologie santé. Force est de constater que ce n’est pas le cas.

3.   Une recherche en biologie santé se singularisant par une constellation d’opérateurs

a.   Les établissements et structures qui mènent des activités de recherche en biologie santé

Contrairement à beaucoup de pays où les grandes universités sont le lieu naturel d’intégration de la recherche, le rôle des organismes de recherche est historiquement prépondérant dans le financement et la conduite de la recherche en France. Il s’ensuit que, partagée entre les universités et les organismes de recherche, l’organisation de la recherche publique française est généralement duale… à l’exception du domaine de la recherche en biologie santé, où intervient un troisième acteur majeur : le milieu hospitalier.

Au niveau opérationnel, les activités de recherche s’exercent le plus souvent au sein d’unités mixtes de recherche (UMR), faisant intervenir des équipes relevant de tutelles différentes.

  1.   Les organismes nationaux de recherche (ONR).

● Le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), établissement public à caractère scientifique et technologique (EPST) placé sous la tutelle administrative du MESR, est la seule institution compétente sur l’ensemble des champs disciplinaires, ce qui le conduit à travailler avec l’ensemble des autres organismes de recherche. Une de ses composantes, l’Institut national des sciences biologiques (INSB), est compétente en biologie santé et peut s’appuyer sur la pluridisciplinarité du CNRS.

● L’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) ([84]), EPST sous la double tutelle du MESR et du MSP, est spécialisé en recherche biomédicale.

● D’autres organismes de recherche spécialisés sur divers secteurs de recherche sont dotés d’une composante interne dédiée aux sciences du vivant : le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) ([85]) ; l’Institut de recherche pour le développement (IRD) ([86]) ; l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) ([87]) ou encore l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) ([88]).

● D’autres organismes nationaux de recherche peuvent aussi être mentionnés, dans une approche transversale One Health : Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria) ; Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) ; Institut de recherche biomédicale des armées (Irba) ; Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) ; Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris) ([89]), Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer) ; Établissement français du sang (EFS).

  1.   La recherche en milieu universitaire

La recherche en biologie santé dans l’enseignement supérieur fait intervenir de nombreux acteurs académiques :

– les 72 universités ([90]), au sein desquelles les enseignants-chercheurs dispensent des enseignements et assurent des activités de recherche. Parmi elles, 36 universités ainsi que l’Institut catholique de Lille ([91]) ont des unités de formation en recherche (UFR) associées à un CHU ;

– certaines grandes écoles d’ingénieurs ([92]), comme les Insa (Toulouse, Lyon), le réseau Polytech (écoles d’ingénieurs polytechniques des universités) ou l’institut Mines-Telecom, dotés de pôles de recherche en santé globale, en bio-ingénierie, etc.. L’Insa fait notamment partie d’UMR avec des grands établissements de recherche.

  1.   La recherche en milieu hospitalier

● Les 32 centres hospitaliers régionaux et universitaires (CHR&U, couramment appelés CHU ([93])), créés par l’ordonnance dite Debré du 30 décembre 1958, sont des centres hospitaliers régionaux (CHR ([94])) ayant passé une convention avec une université comportant une ou plusieurs unités de formation et de recherche médicales, pharmaceutiques ou odontologiques ([95]). Contrairement aux centres hospitaliers qui sont créés par la voie réglementaire ([96]), la spécificité universitaire d’un CHR repose sur une convention entre les deux entités hospitalière et universitaire. La gouvernance de ces entités reste séparée, même s’il y a désormais une représentation de l’université plus importante au sein du directoire des CHU.

Structures dépendant du ministère chargé de la santé, les CHU ont une mission de soins, mais également d’enseignement et de formation des étudiants médicaux et paramédicaux de l’Université, ainsi que de recherche, essentiellement exercées par des professeurs des universités-praticiens hospitaliers (PU-PH) et des maîtres de conférence des universités-praticiens hospitaliers (MCU-PH). Des trois missions de soins, de recherche et de formation, les soins concentrent indubitablement l’attention et les moyens des CHU, notamment depuis la généralisation de la tarification à l’activité et les difficultés financières rencontrées par une grande partie de ces établissements. Cela étant, il est apparu au cours des auditions que les activités de recherche constituent un élément d’attractivité majeur pour les personnels pour rejoindre un CHU. Si le spectre de la recherche en CHU couvre théoriquement les trois champs de la recherche fondamentale, translationnelle et clinique, en pratique cette dernière demeure prédominante.

Les dernières années ont vu l’émergence d’une nouvelle ambition des CHU en matière de recherche, avec une gouvernance plus intégrée et une organisation interne progressivement adaptée. On note en particulier le développement progressif de structures de soutien à la recherche financées par le ministère chargé de la santé : délégations à la recherche clinique et à l’innovation, centres d’investigation clinique et centres de ressources biologiques. Au cours des dernières années, l’activité de recherche des CHU s’est développée, accompagnée par la mise en œuvre du Programme hospitalier de recherche clinique (PHRC) et la définition de stratégies de recherche des établissements. Des instances de coordination ont été créées au niveau local (comités de la recherche en matière biomédicale et de santé publique) et interrégional (groupements inter-régionaux de recherche clinique et d’innovation). Néanmoins, la qualité des relations avec les partenaires (université, Inserm, CNRS) est inégale et dépend souvent de facteurs locaux. Par ailleurs, « l’activité de recherche des CHU est concurrencée par d’autres établissements de santé : certains CHU ont une activité comparable ou moindre que celle des centres de lutte contre le cancer les plus importants mais aussi de certains centres hospitaliers ou cliniques privées. » ([97])

L’exemple de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP)

Premier centre hospitalier et universitaire (CHU) d’Europe, l’AP-HP et ses 38 hôpitaux sont organisés en 6 groupements hospitalo-universitaires (AP-HP Centre-Université Paris Cité ; AP-HP Sorbonne Université ; AP-HP Nord-Université Paris Cité ; AP-HP Université Paris Saclay ; AP-HP Hôpitaux Universitaires Henri Mondor et AP-HP Hôpitaux Universitaires Paris Seine-Saint-Denis) et s’articulent autour de cinq universités franciliennes.

Étroitement liée aux grands organismes de recherche, l’AP-HP compte huit instituts hospitalo-universitaires d’envergure mondiale (ICM, ICAN, IMAGINE, FOReSIGHT, PROMETHEUS, lnovAND, Re-Connect, THEMA) et le plus grand entrepôt de données de santé (EDS) français.

● Les 19 centres de lutte contre le cancer (CLCC) ([98]), comme l’Institut Gustave Roussy ou l’Institut Curie, sont des établissements de santé privés à but non lucratif et de caractère hospitalo-universitaire participant au service public hospitalier. À ce titre, ils sont contrôlés par le ministère en charge de la santé, dans les mêmes conditions que les hôpitaux publics. Voués au traitement des cancers, ils assurent des missions de prévention, de recherche, d’enseignement et de soins.

● Outre les CHU et les CLCC, la recherche clinique est également réalisée au sein d’autres établissements de santé : les centres hospitaliers, les huit hôpitaux d’instruction des armées, ou les cliniques privées ([99]).

● Enfin, des établissements privés à but non lucratif (fondations), partiellement financés par l’État, comme les Instituts Pasteur, mènent des activités de recherche importantes.

  1.   Une organisation de la recherche par unités mixtes de recherche

Les moyens affectés par les organismes de recherche aux universités le sont le plus souvent dans le cadre d’unités mixtes de recherche (UMR), au sein desquelles les parties prenantes (universités, organismes de recherche) conservent la gestion de leurs crédits et de leur personnel, selon des règles budgétaires et comptables distinctes. Si les CHU ne sont en général pas identifiés comme tutelles des UMR, ils représentent cependant un partenaire important. En effet, nombre d’entre eux hébergent des UMR et gèrent des plateformes et des structures indispensables à l’activité de recherche. Par ailleurs, les personnels hospitalo‑universitaires (PU-PH) et certains personnels hospitaliers ont une activité de recherche au sein des UMR. L’unité mixte représente le modèle le plus fréquent d’unités de recherche : les laboratoires en partenariat représentent plus de 50 % de la recherche effectuée par les équipes relevant d’une université, et constituent plus de 90 % des laboratoires du CNRS par exemple ([100]). C’est sur ce principe synergique et partenarial que s’est construit le modèle français de la recherche depuis un certain nombre d’années ([101]).

Administrée par un directeur et un conseil de laboratoire, l’UMR définit sa stratégie de recherche de manière largement autonome. Ce format d’unité partagée entre les acteurs de la recherche permet aux chercheurs, enseignants-chercheurs et ingénieurs de travailler dans les mêmes lieux ou sites sur des questions de recherche communes, indépendamment de leur employeur. Il favorise la construction de communautés de recherche thématiques sur des sites, et offre aux organismes nationaux des capacités de déclinaison de leur politique nationale au niveau des sites universitaires en fonction des acteurs locaux et des spécificités des territoires. Outil conventionnel permettant de réaliser des activités de recherche dans le cadre d’orientations et de priorités partagées, le dispositif d’UMR, plutôt souple d’apparence, est largement accepté dans les laboratoires et les établissements.

En revanche, le fonctionnement administratif de l’UMR et les contraintes qui y sont associées sur les plans budgétaire, financier et en matière de ressources humaines ne sont pas sans poser de réelles difficultés, la complexité du système amenant assez logiquement la complexité des outils et réciproquement. D’une part, le partage de la tutelle des UMR entre différents opérateurs aboutit à la superposition de nombreux outils, notamment informatiques, de pilotage administratif des structures, le plus souvent non interopérables, ce qui rend hypothétique à ce stade des outils communs et des procédures unifiées pour la gestion de ces structures. D’autre part, en cas de valorisation d’une découverte scientifique de chercheurs appartenant à des organismes différents, la cotutelle des opérateurs sur les UMR occasionne parfois des difficultés pour déterminer la répartition des droits en matière de propriété intellectuelle entre les établissements de recherche employeurs.

Cette spécificité d’organisation des activités de recherche contribue également à expliquer, en partie, la complexité du système de fonctionnement et de valorisation de la recherche publique française.

b.   Des structures innovantes s’inscrivant dans le continuum recherche

Des structures innovantes, nées des programmes d’investissement d’avenir, se distinguent dans le paysage de la recherche française par leur modèle intégré, intervenant sur l’ensemble de la chaîne de valeur, de la recherche fondamentale à la valorisation des découvertes. Les instituts hospitalo-universitaires (IHU) sont spécifiques à la recherche en santé, contrairement aux instituts de recherche technologiques (IRT), pluridisciplinaires.

  1.   Les instituts hospitalo-universitaires (IHU)

Les IHU sont un regroupement géographique d’acteurs permettant de rapprocher, autour d’une même thématique médicale, recherche fondamentale et recherche clinique, structures publiques et partenaires privés ([102]). Ils reposent sur le triptyque suivant : une structure autonome, un lieu unique réunissant tous les acteurs et une thématique commune de recherche.

En 2010, le MESR et le ministère chargé de la santé ont lancé un appel à projets portant sur la création des IHU. L’enjeu était de faire émerger des pôles d’excellence de la recherche médicale française visant au renforcement de l’attractivité dans le domaine de la recherche en santé. « Campus d’excellence », chaque IHU associe, autour d’une spécialité médicale, différents opérateurs de la recherche. Chaque IHU est bâti sur quatre piliers : la recherche, les soins, la formation et la valorisation industrielle. Lieux d’excellence scientifique, les IHU ont pour ambition de former des spécialistes dans leurs domaines de compétence, d’attirer des chercheurs renommés et de valoriser leurs travaux.

Six lauréats ont été retenus lors de la première vague de PIA, et un lors de la deuxième sélection en 2018 (PIA 3). Existant sous une autre forme avant l’obtention du label, les IHU ([103])  ont alors été adossés à des structures de recherche d’excellence, souvent dirigées par « des personnalités scientifiques charismatiques » ([104]).

 

 

 

 


Les sept Instituts hospitalo-universitaires initiaux ([105])

Les IHU se veulent un modèle novateur, dont un des objectifs est de réussir à combler certaines des lacunes relatives à l’organisation et au financement de la recherche biomédicale en France, notamment la recherche translationnelle. Ils ont vocation à favoriser le développement d’une recherche translationnelle qui bénéficie directement au patient. Ces projets associent donc des activités de recherche fondamentale, de recherche translationnelle en santé, de recherche clinique, de formation, de soins et de valorisation dans un domaine thématique défini ([106]). Ils réunissent sur un même site une masse critique de chercheurs, d’enseignants-chercheurs et de personnels de santé au sein d’une structure intégrée associant université, établissement de santé, organismes de recherche privés et publics et entreprises.

En mars 2022, dans le cadre du plan Innovation Santé de France 2030, un appel à projets IHU3, doté de 300 millions d’euros, vise à créer de nouveaux IHU. Alors que l’appel à projets de l’ANR limitait les nouveaux lauréats à six maximum ([107]), dotés a minima de 50  millions d’euros chacun, ce sont en fait 12 lauréats (sur 21 candidatures) qui ont été retenus ([108]) à l’issue du processus de sélection : dix IHU bénéficiant d’un financement compris entre 20 et 40 millions d’euros, et deux projets obtenant le label  « IHU émergent » qui présentent un intérêt de santé publique majeur, moins dotés (5 millions d’euros et 5 millions d’euros additionnels selon l’évolution).

Le rapporteur pour avis s’étonne du nombre de lauréats retenus dans le cadre de l’appel à projets de mars 2022, qui correspond au double de l’objectif initial. Il s’interroge sur l’objectif d’un tel déploiement d’IHU, et sa compatibilité avec l’exigence d’excellence et la volonté du dimensionnement international de ces outils. Ainsi que le rappelle un récent rapport sénatorial, ces derniers « n’ont pas vocation à devenir le modèle prédominant d’organisation de la recherche biomédicale en France » ([109]).

Par ailleurs, les IHU initiaux ont pris la forme juridique de fondations de coopération scientifique (FCS), laquelle est incitative pour les donateurs et apporte la souplesse de la gestion privée, ce qui permet d’obtenir une certaine autonomie, notamment financière, à l’égard des organes de tutelle. À ce titre, le rapporteur pour avis considère que la nouvelle salve des IHU, au même titre que les précédents, doit pouvoir également s’adosser à des fondations de coopération scientifique.

  1.   Les fédérations hospitalo-universitaires (FHU)

L’effort de structuration initié par les IHU a été suivi de la création de nouvelles entités – les départements hospitalo-universitaires (DHU) – afin de renforcer la recherche translationnelle et clinique.

Les DHU ont initialement été introduits par l’AP-HP en 2012, avant d’être étendus à d’autres sites. L’évaluation positive des DHU par le HCERES ([110]) a conduit à prolonger le dispositif en le rebaptisant fédérations hospitalo-universitaires (FHU) afin de mieux traduire la volonté de réunir des équipes cliniques et de recherche. Les FHU sont composées d’entités qui partagent des thèmes de recherche, d’enseignement et de soins.

Ces outils sont aujourd’hui des éléments structurants pour la recherche hospitalo-universitaire en particulier dans le domaine des sciences de la santé et de la vie. Sélectionnés par appels à candidatures, ils concentrent une masse critique de chercheurs, cliniciens et patients, et sont des centres d’excellence intermédiaires entre les IHU et les pôles hospitalo-universitaires (« briques » organisationnelles de base au sein des CHU).

Les enjeux des FHU sont de renforcer la culture commune entre la recherche et les activités cliniques via les collaborations hôpital-université-unités de recherche en favorisant des projets communs sur des thématiques médicales en pointe conduisant à des innovations de rupture. L’intégration d’autres partenaires – grandes écoles, industrie, etc. – est possible.

Les FHU visent notamment les objectifs suivants :

– stimuler la recherche médicale et améliorer la qualité des soins, à travers une diffusion plus rapide des innovations, et promouvoir l’excellence dans les soins par un accès précoce à l’innovation ;

– promouvoir un continuum entre la recherche fondamentale, la recherche clinique, la recherche translationnelle et les soins, aux fins d’accélérer le transfert des résultats de la recherche au lit du patient.

Les FHU font l’objet d’une convention tripartite entre un CHU, une université et un organisme de recherche membre de l’Aviesan (Inserm, etc). Elles sont labellisées pour cinq années et sont réparties sur l’ensemble du territoire national.

  1.   Les instituts de recherche technologiques (IRT)

Les instituts de recherche technologiques (IRT) sont des instituts thématiques interdisciplinaires labellisés par l’État, rassemblant les compétences de la recherche publique et de l’industrie, dans une logique de co-investissement public-privé et de collaboration étroite entre tous les acteurs ([111]).

Sur les huit IRT en France, un seul intervient dans le domaine de la biologie santé, et plus particulièrement en microbiologie. BioAster associe à sa fondation, outre ses deux cofondateurs l’Institut Pasteur et le pôle Lyonbiopole, des ONR (Inserm, CEA, CNRS), l’université de Lyon, des financeurs publics (région, métropole, France 2030) des entreprises (Sanofi, Mérieux, Danone notamment). BioAster est doté d’un statut d’organisme de recherche et non d’entreprise.

  1.   Les « instituts hors murs » (IHM)

Les auditions ont permis au rapporteur pour avis de découvrir un format récent et extrêmement souple de coordination entre des acteurs de la recherche sur un territoire – les instituts hors-murs (IHM) – à ce stade manifestement limité aux opérateurs de la seule faculté de santé de l’Université Paris Cité ([112]). À sa création en 2019, la faculté a en effet souhaité favoriser les synergies en recherche et en formation sur son territoire de recherche, constitué de plus de 200 équipes et s’étendant sur l’ensemble de Paris.

Les IHM, au nombre de huit actuellement ([113]), rassemblent des équipes de recherche clinique et fondamentale travaillant sur des axes majeurs de santé publique. L’enjeu de ces instituts est de rassembler l’ensemble des structures de recherche de l’Université travaillant sur une thématique spécifique, en coordonnant la recherche, en partageant les connaissances, les techniques et les pratiques des équipes. Ils favorisent également la recherche translationnelle, qui a un impact fort vers la société, les patients et le monde socio-économique.

Ces structures de coordination peuvent avoir une puissance nationale et internationale considérable ; par exemple, l’IHM d’immunologie et d’immunopathologie représente au moins un quart de l’immunologie française, avec un rayonnement international de tout premier plan.

c.   Le financement des activités de recherche : acteurs et programmes de financement en biologie santé

  1.   Les opérateurs du financement

Ils sont à vocation généraliste, comme l’Agence nationale de la recherche (ANR) ou au contraire spécialisés, tels l’Institut national du cancer (INCa) et l’Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales – maladies infectieuses émergentes (ANRS-MIE). Le secteur privé associatif occupe également une place significative en matière de recherche en santé (cancer, myopathie, etc.).

 L’ANR est une agence de moyens créée en 2005 pour financer la recherche publique, hors recherche clinique, et la recherche partenariale à travers des appels à projets (AAP), tous domaines confondus. L’ANR est l’opérateur principal des AAP nationaux ou internationaux ; elle assure également la gestion des AAP émis dans le cadre de France 2030. Plus du tiers des moyens sont consacrés par l’agence aux recherches en biologie santé, faisant de ce secteur le premier domaine, tant en financements alloués qu’en nombre de projets, parmi les champs scientifiques sur lesquels l’ANR intervient.

Le nombre de projets financés par l’ANR est passé de 426 en 2020 à 638 en 2021 et 613 en 2022, pour un financement de 193 millions d’euros en 2020, 305 millions d’euros en 2021 et 301 millions d’euros en 2022, soit une augmentation de plus de 50 % en nombre de projets financés et de 30 % en volume budgétaire ([114]). Pour l’année écoulée, 24 % des projets présentés par les chercheurs ont pu bénéficier d’un financement de l’ANR, rapprochant l’agence de la cible de 30 % fixé par la LPR 2020.

● Créée en 2004, l’INCa est une agence d’expertise sanitaire et scientifique publique spécialisée, sous statut de groupement d’intérêt public (GIP), chargée de fédérer, coordonner et financer les acteurs de la lutte contre les cancers dans les domaines de la prévention, des dépistages, des soins, de la recherche et de l’innovation. L’INCa, qui assure la mise en œuvre de la Stratégie décennale de lutte contre les cancers 2021-2030, procède par appels à projets.

● L’Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales - Maladies infectieuses émergentes (ANRS-MIE([115]), finance, coordonne, évalue et anime la recherche sur le VIH/sida, les hépatites virales, les infections sexuellement transmissibles, la tuberculose et, depuis 2021, les maladies infectieuses émergentes. L’ANRS-MIE est une agence autonome de l’Inserm.

● Le Groupement d’intérêt scientifique Institut pour la recherche en santé publique (GIS IReSP) contribue au financement de la recherche en santé publique au travers du financement de projets de recherche sélectionnés via des AAP. Les ministères chargés de la recherche et de la santé, mais aussi des ONR (Inserm, CNRS, IRD) sont membres de ce GIS ([116]).

● Le secteur associatif joue un rôle important dans le financement de la recherche en biologie santé, aux côtés et en complément des structures publiques. Les associations et fondations de recherche privées reconnues d’utilité publique, qui bénéficient de budgets conséquents, assurent un soutien financier à la recherche publique, dans le cadre du financement par des appels à projets ou d’allocations à des jeunes chercheurs.

Ces structures, souvent anciennes et auxquelles les Français sont attachés, occupent une place particulièrement importante dans la conscience collective, puisqu’une part quasi intégrale de leur financement provient de dons et legs. On mentionnera par exemple : la Ligue nationale contre le cancer, la Fondation ARC pour la recherche sur le cancer, la Fondation pour la recherche médicale (FRM), l’Association française contre les myopathies (AFM-Téléthon), la Fondation de France, ou encore la Fondation Jean Dausset-CEPH.

  1.   Les programmes de financement

● La majorité des AAP est gérée par l’ANR. La programmation thématique est assurée par les comités de pilotage de la programmation (CPP) incluant systématiquement le MESR. Le ministère chargé de la santé est membre du CPP thématique « Sciences de la Vie » et des inter-CPP transverses « Une Seule Santé – One Health ».

Au sein de l’appel à projets générique de l’ANR, un comité spécifique est consacré à la recherche translationnelle, pour ouvrir la possibilité d’un co- financement des projets par l’ANR et la DGOS dans le cadre du programme de recherche translationnelle en santé (PRTS).

● Les AAP gérés par la DGOS interviennent pour l’essentiel dans le cadre de cinq programmes couvrant notamment les champs de la recherche clinique (PHRC) et translationnelle (PRTS).

● Avec une tutelle conjointe ou une coparticipation, des AAP sont opérés par l’INCa, par le GIS IReSP et par l’ANRS-MIE. L’Inserm, le CNRS et l’Inrae gèrent également des appels à projets internes. Les LabEx (Laboratoire d’excellence) ([117]), instruments issus du PIA 1, ont également été la source d’appels à projets pour soutenir la recherche.

● Les AAP du programme national de recherche Environnement-Santé-Travail (PNR-EST) et « Radiation et Santé » sont coordonnées par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), dont le ministère de la Santé assure la tutelle, mais non le MESR.

● Les AAP opérés par BPIFrance concernent le soutien à l’innovation académique, la création d’entreprises, la recherche partenariale ou le soutien aux entreprises, avec un volet important en biologie santé. Si BPIFrance est l’opérateur central, le MESR est présent pour le pilotage de manière transversale, et le ministère chargé de la santé est impliqué dans les actions thématiques en biologie santé, par sa participation aux instances de pilotage.

● À la suite de la création des IHU dans le cadre du PIA 1, le secteur de la santé a bénéficié d’un autre appel à projets spécifique au titre des PIA 2 annoncés en 2013 : l’action « recherche hospitalo-universitaire » (RHU) en santé. En 2023, un sixième appel à projets vient renforcer les presque 60 projets issus des cinq premières éditions ([118]).

Ce dispositif de financement accompagne l’effort de structuration des équipes de recherche, en soutenant des projets de recherche – et non pas des structures – innovants et de grande ampleur dans le domaine de la santé avec un potentiel de transfert rapide vers la pratique des soins, la production industrielle ou la mise en œuvre de politiques publiques. Le financement de ces projets doit permettre d’assurer une dynamique du continuum recherche, d’améliorer efficacement la prise en charge des patients et de faciliter le transfert de la recherche publique vers l’industrie ([119]).

Reposant sur le décloisonnement des acteurs de la recherche (hospitalo-universitaires, chercheurs, enseignants-chercheurs) et une collaboration étroite entre les établissements hospitaliers et les universités, chaque projet de RHU doit associer au moins un partenaire de chacune des catégories suivantes : organisme de recherche (université, organisme national, etc.), établissement de santé et entreprise.

La RHU soutient des projets de recherche translationnelle en santé ou de recherche clinique, s’appuyant sur des recherches fondamentales en biologie, en épidémiologie, en sciences sociales ou en économie de la santé. Elle favorise le transfert de connaissances entre la recherche fondamentale, la recherche clinique et les soins de santé.

Ses objectifs sont d’introduire des innovations dans la pratique médicale, d’améliorer la compréhension des maladies, de développer des traitements plus efficaces et mieux tolérés, d’améliorer la performance des systèmes de soin de santé et de développer de nouvelles thérapies. Les hôpitaux fournissent les installations, des ressources cliniques, et un accès aux patients pour la collecte de données, tandis que les universités apportent l’expertise scientifique, les compétences en recherche et l’encadrement académique.

● Au sein du volet « dirigé » de France 2030 (« Financement des investissement stratégiques »), une action nouvelle est dédiée au financement de la recherche fondamentale : les programmes et équipements prioritaires de recherche (PEPR) ([120]), dont l’opérateur est l’ANR ([121]). À travers ces stratégies d’investissement prioritaires, avec une enveloppe de 3 milliards d’euros, l’État vise à construire ou consolider un leadership français dans certains domaines scientifiques considérés comme prioritaires au niveau national ou européen, et répondant à des enjeux environnementaux, économiques, sanitaires, de souveraineté nationale ou d’indépendance technologique. L’État entend ainsi accompagner une transformation déjà engagée dans le cadre des PEPR adossés aux stratégies nationales d’accélération (2 milliards d’euros) ou soutenir l’exploration du potentiel de certaines transformations émergentes dans le cadre des PEPR dits exploratoires (1 milliard d’euros).

Les PEPR adossés aux stratégies nationales d’accélération ont pour objet d’accélérer des transformations déjà engagées avec des produits, services, usages et acteurs identifiés au plan national, de façon globale et coordonnée (en termes normatif, financier, fiscal, etc.). Le PEPR doit permettre la levée de barrières ou de verrous scientifiques. Une quinzaine de marchés-clés dont le développement devait être accéléré et massivement financé a été identifiée, parmi lesquels le secteur de la santé ([122]).

Pour chaque PEPR, l’État, par lettre de mission, fixe l’enveloppe budgétaire allouée au PEPR et désigne les institutions pilotes en charge de sa mise en œuvre. Le programme est ensuite décliné concrètement dans un document de cadrage rédigé par le ou les pilotes scientifiques, qui assument un rôle national vis-à-vis de l’ensemble de la communauté scientifique susceptible de participer aux meilleurs standards internationaux et à l’atteinte des objectifs du programme.

L’État accompagne et soutient l’exploration du potentiel d’une transformation émergente dans le cadre des PEPR exploratoires, lesquels doivent permettre la conduite d’une politique scientifique sur des domaines d’intérêts national et européen, aux retombées potentiellement multiples. Les PEPR exploratoires sont sélectionnés par appel à programmes, les propositions étant évaluées par un jury international. Le dossier scientifique de candidature à l’appel à programme deviendra le document de cadrage du PEPR. Ce dossier en précise les pilotes et le budget.

Les PEPR couvrent l’ensemble du cycle de vie d’une innovation, de l’émergence d’une idée dans un laboratoire de recherche ou une université jusqu’à la mise sur le marché, en passant par les formations universitaires nécessaires à l’attention des scientifiques et entrepreneurs de demain, ou encore les projets collaboratifs entre laboratoires et entreprises.

● Généralement lancés en dehors de tout pilotage par les ministères chargés de la recherche et de la santé, les appels à projets gérés par les acteurs associatifs (FRM, AFM Téléthon, Ligue contre le Cancer, ARC, etc.) soutiennent la recherche en biologie santé, parfois en lien avec des opérateurs institutionnels.

d.   Les structures d’évaluation des opérateurs de recherche

En France, l’évaluation de l’enseignement supérieur et de la recherche publique (établissements d’enseignement supérieur et de recherche, formations, équipes de recherche, etc. ) est essentiellement confiée à une agence nationale, autorité publique indépendante : le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES), lequel a succédé à l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Aeres) en 2013 ([123]). D’autres instances peuvent toutefois intervenir.

  1.   L’évaluation par le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur

Le Haut Conseil est administré par un collège garant de la qualité de ses travaux, dont le président est nommé par décret du Président de la République, après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée ([124]).

La LPR de 2020 a significativement revu les missions du HCERES, et lui a attribué la personnalité morale, le Haut Conseil, jusqu’alors autorité administrative indépendante, devenant une autorité publique indépendante.

Le HCERES fonde son action sur les principes d’objectivité, de transparence, de débat contradictoire et d’égalité de traitement entre les structures examinées. Le choix des experts chargés des évaluations est guidé par les principes de neutralité, d’expertise scientifique, d’équilibre et d’absence de conflit d’intérêts. Le Haut Conseil promeut l’intégrité scientifique et veille à sa prise en compte dans les évaluations qu’il conduit ou dont il valide les procédures.

Par ses rapports d’évaluation, le Haut Conseil émet des appréciations motivées sur la qualité des résultats obtenus par les établissements et les structures évalués ; ses appréciations précisent leurs points forts et faibles, et s’accompagnent de recommandations.

Les rapports d’évaluation fournissent des avis destinés à aider les établissements d’enseignement supérieur et recherche pour l’élaboration et la mise en œuvre de leur politique d’établissement et pour l’allocation des moyens à leurs composantes internes. Ils doivent également fournir à l’État des éléments objectivés pour la préparation des contrats pluriannuels et pour l’allocation des moyens aux établissements ([125]).

Le HCERES est notamment chargé d’évaluer :

– les établissements d’enseignement supérieur et leurs regroupements, les organismes de recherche, les fondations de coopération scientifique et l’Agence nationale de la recherche ;

– les grandes infrastructures de recherche nationales, ainsi que les structures de droit privé recevant des fonds publics destinés à la recherche ou à l’enseignement supérieur ;

– les structures et unités de recherche à la demande de l’établissement dont elles relèvent, notamment en l’absence de décision de l’établissement dont relèvent ces structures et unités de recourir à une autre instance ;

– les formations et diplômes des établissements d’enseignement supérieur, et s’assurer que l’offre de formations proposée est adaptée à l’orientation et à la réussite des étudiants ;

– les activités de diffusion de la culture scientifique, technique et industrielle au sein des établissements, des structures et unités de recherche et des formations.

Par ailleurs, pour remplir sa mission d’évaluation des établissements, le HCERES tient compte des résultats obtenus dans le domaine de la valorisation de la recherche.

Le HCERES conduit directement les évaluations ou, le cas échéant, valide les procédures d’évaluation mises en œuvre par d’autres instances([126]).

  1.   L’évaluation par d’autres instances

D’autres instances d’évaluation peuvent intervenir, mais leur action est en partie encadrée par le HCERES.

Des organismes de recherche, notamment les plus renommés d’entre eux, développent en effet leur propre organe d’évaluation interne, le plus souvent à travers un conseil scientifique d’experts nationaux et internationaux de grande qualité (Scientific Advisory Board, SAB).

Lorsqu’un établissement de recherche ou, lorsqu’une structure ou une unité relèvent de plusieurs établissements, des établissements décident conjointement de recourir à une autre instance d’évaluation, le HCERES valide au préalable les procédures d’évaluation mises en œuvre par cette instance. Il valide également les procédures d’évaluation des formations et diplômes des établissements d’enseignement supérieur mises en œuvre par d’autres instances.

Le HCERES assure une coordination de l’action des instances d’évaluation nationales dans les domaines de la recherche et de l’enseignement supérieur, à l’exception des instances chargées de l’évaluation des personnels.

4.   Les acteurs de la valorisation de la recherche scientifique : les outils d’aide au transfert technologique et à la recherche partenariale

« La France est-elle condamnée à se cantonner au rôle de fournisseur d’innovations technologiques de qualité et bon marché, transformées par des entreprises étrangères en innovations industrielles qui lui reviendront sous forme d’importations dégradant encore davantage sa balance commerciale ? ». Cette question introduit un rapport sénatorial en écho à l’échec français de développement d’un vaccin contre la covid-19 ([127]).

Les interactions entre la recherche académique et le monde des entreprises sont une composante essentielle de la capacité d’innovation d’un pays, créant le lien entre l’excellence scientifique de la recherche et les besoins du monde industriel. Mais force est de constater que le chemin est long et parsemé d’épreuves entre une découverte potentiellement innovante en recherche fondamentale et sa commercialisation réussie au terme d’un processus industriel.

Cela débute par la volonté du scientifique d’un transfert technologique vers un partenaire industriel ou d’une création de start-up. L’étape suivante porte sur l’évaluation du caractère innovant (vérification que la « découverte » n’a pas déjà fait l’objet d’un dépôt de brevet notamment) et la valeur ajoutée du projet, la robustesse de la future propriété intellectuelle et le niveau de protection requis, en fonction des différents types existants. Un comité d’investissement validera et définira un niveau d’investissement. Après une éventuelle création, la jeune entreprise devra traverser la (ou les) « vallée(s) de la mort », expression usitée pour désigner la forte mortalité des start-up lors de la phase d’industrialisation, et qui fait référence à un moment critique de l’innovation où les investisseurs se raréfient en raison d’un risque élevé, tenant par exemple au temps long du processus de développement, courant dans le domaine de la santé, à des difficultés de faisabilité technique ou à des coûts d’investissement toujours élevés dans ce domaine. Cela conduit à une disparition de nombreux projets, faute de financements appropriés.

L’objectif de la valorisation des résultats scientifiques et des transferts technologiques est de faciliter la transition industrielle, en fournissant un accompagnement, des ressources et des mécanismes pour soutenir le développement de technologies innovantes jusqu’à leur réussite sur le marché.

La valorisation est liée à l’entrepreneuriat et donc au rapport que les chercheurs publics peuvent avoir avec le basculement de leurs résultats dans la sphère commerciale. La perception des chercheurs sur la valorisation évolue : ils sont de plus en plus nombreux à être sensibles à la dimension sociétale et pratique de leurs recherches et aux questions d’innovation. Cela étant, le transfert de technologie exige des compétences et des connaissances spécifiques que la formation scientifique ne permet encore que rarement d’acquérir. Il est donc indispensable que les « chercheurs entrepreneurs » issus de la recherche publique, qui n’ont généralement pas ou peu la formation ou la culture nécessaires pour franchir les étapes de croissance, puissent être correctement accompagnés.

Le soutien à la valorisation de la recherche paraît donc essentiel, la plupart des entreprises de biotech françaises étant aujourd’hui issues de la sphère académique ; ce modèle a fait ses preuves pour conduire à d’importantes innovations médicales.

Depuis la loi dite Allègre de 1999 ([128]), la France s’est dotée d’un cadre juridique favorable aux chercheurs et enseignants-chercheurs et à leurs établissements employeurs. Ces derniers disposent de nombreux outils et dispositifs visant à faciliter le processus de valorisation par le transfert de technologie aux partenaires industriels au terme d’un processus structuré, qui nécessite un accompagnement par des équipes expertes.

Par ailleurs, le contrat de plan conclu entre l’État et une entreprise, en application de l’article 11 de la loi du 29 juillet 1982 portant réforme de la planification ([129]) comporte obligatoirement des clauses tendant au développement de l’effort de recherche et d’innovation technologique, prévoyant un programme de recrutement de personnels de recherche et organisant, notamment par la sous-traitance, les transferts de technologie au profit des petites et moyennes industries ([130]).

Afin de mieux cerner le paysage de la valorisation en France, émietté entre de nombreux acteurs et dispositifs, il semble utile, préalablement à la présentation de ces derniers, de rappeler préalablement le contexte « historique » dans lequel ont été créés la plupart des actuels outils au service de la valorisation de la recherche.

a.   Un cadre juridique favorable à la valorisation des activités et des résultats scientifiques

La valorisation des résultats de la recherche au service de la société, à travers le développement de l’innovation, le transfert de technologie et la capacité d’expertise, fait partie des objectifs de la politique nationale de la recherche et du développement technologique ([131]).

Le droit français offre à tout agent public investi d’une mission de recherche et auteur d’une invention dans le cadre de recherches financées sur fonds publics – chercheurs et enseignants-chercheurs – et à leurs organismes employeurs (EPST, Epic, universités, CHU) un cadre juridique permettant l’exploitation industrielle et commerciale des résultats potentiellement innovants des activités de recherche ([132]).

Les EPST, les Epic et les universités peuvent assurer, à travers des services d’activités industrielles et commerciales, la valorisation des résultats de la recherche dans leurs domaines d’activité (prestations de service, gestion des contrats de recherche, exploitation des brevets et licences et commercialisation des produits de leurs activités), ou confier par convention ces activités à des entités de droit privé. Depuis 2015 ([133]), les CHU peuvent également créer des filiales pour la valorisation des activités de recherche et de leurs résultats, l’exploitation commerciale des brevets et licences et la prise de participation dans certaines sociétés.

Les chercheurs auteurs d’une invention doivent en faire la déclaration auprès de la personne publique employeur dont ils relèvent. Lorsque cette invention est susceptible d’un développement économique, elle donne lieu à un dépôt en vue de l’acquisition d’un titre de propriété industrielle ([134]). Les personnes publiques employeurs valorisent l’invention objet du titre de propriété industrielle auprès d’entreprises qui prévoient une exploitation de l’invention (production industrielle ou création de services).

L’article L. 533-1 du code de la recherche, tel qu’issu de la loi « Pacte » de 2019 ([135]), précise le cadre juridique dans l’hypothèse d’une copropriété entre plusieurs établissements de recherche. Du fait des cotutelles régissant les laboratoires, à travers les UMR socles de travail communs à des chercheurs issus d’établissements différents, ou les équipes-projets ([136]), la copropriété concerne aujourd’hui la majorité des brevets issus de la recherche publique. Le recours massif aux AAP a par ailleurs accentué ce phénomène, en raison de la collaboration de différentes UMR.

Ainsi que l’a démontré le rapport Jamet sur le transfert de technologie aux start-up en 2019, la situation antérieure à la loi « Pacte » était largement insatisfaisante, la gestion de la copropriété étant alors une source de lourdeur généralisée. Le mandataire unique (MU), désigné au terme de plusieurs mois, ne disposait pas systématiquement d’une délégation lui permettant de négocier au nom des copropriétaires sans être tenu de revenir vers eux. « Le CNRS a constaté que les délais de signature des licences avec les start-up sont majorés de 70 % en cas de copropriété (de 180 jours sans copropriété à 300 jours) ». ([137]) Avant la loi Pacte en effet, les établissements disposaient de plusieurs mois pour désigner le mandataire unique ([138]). Enfin, même si le mandataire unique avait des attributions larges, la pratique des établissements était de conditionner la signature de la licence par le MU à l’existence d’un accord de copropriété des actifs concernés.

Pour réduire ces risques, la loi « Pacte » prévoit donc des dispositions venant étendre les attributions du mandataire unique et renforcer les conditions de sa désignation en cas de copropriété ([139]). Le dispositif du mandataire unique répond à la nécessité de simplification de la gestion des brevets en copropriété. La concentration du pouvoir de négociation entre ses mains a pour objet de faciliter les relations avec les entreprises intéressées pour l’obtention d’une licence d’exploitation.

L’article L. 533-1 du code de la recherche et son décret d’application du 13 janvier 2020 ont pour objet de permettre au mandataire unique de finaliser la transaction avec le partenaire industriel même sans accord préalable des tutelles sur les droits de répartition. L’objectif est d’éviter de prolonger la négociation avec les partenaires en cas de désaccord entre les établissements publics.

En premier lieu, une convention détermine l’organisation de la copropriété, notamment la répartition des droits ([140]). La réglementation prévoit qu’à défaut d’accord préalable à la redistribution des revenus entre les établissements copropriétaires, les revenus financiers sont reversés à parts égales entre les personnes publiques copropriétaires. En théorie donc, l’absence d’accord entre les établissements de recherche sur la répartition des produits du transfert de technologie n’entrave pas la signature avec le partenaire industriel.

En deuxième lieu, les établissements de recherche copropriétaires doivent s’entendre, dans le cadre de chaque UMR, pour désigner conjointement un mandataire unique dans un délai d’un mois à compter de la décision de création administrative de l’unité de recherche ou de son renouvellement et pour la durée d’existence de l’UMR. Ce mandataire, dont le rôle est considérablement renforcé, exerce les missions de gestion et d’exploitation des droits co-détenus. Les actes de valorisation pouvant être accomplis par le mandataire unique sont larges, de la négociation à la signature des accords de confidentialité, en passant par les accords de copropriété et les contrats de licence d’exploitation ([141]). Le MU peut être une des personnes publiques partie à l’activité de recherche ou une personne morale de droit privé ou de droit public tierce (société d’accélération du transfert de technologies – Satt, par exemple).

Enfin, les règles de gestion de la copropriété sont fixées par des dispositions réglementaires qui « valent règlement de copropriété » entre les personnes publiques, les établissements ayant toutefois la possibilité de négocier par voie de conventions des stipulations différentes.

Quelques points méritent néanmoins d’être précisés :

– faute de désignation d’un mandataire unique, le recteur de région académique (qui peut solliciter l’avis du ministre chargé de la recherche) ne peut désigner un mandataire unique que s’il est saisi en ce sens par un copropriétaire, un agent ayant contribué à l’obtention de l’invention ou un tiers (industriel par exemple) intéressé à connaître le mandataire unique ;

– l’obligation tendant à la désignation d’un mandataire unique ne concerne que les structures publiques, les personnes morales de droit privé de type fondation reconnue d’utilité publique, comme l’Institut Pasteur, n’y sont pas soumises, ce qui peut créer des difficultés dans une UMR où est présente une équipe de ce type d’institut ;

– enfin, pour un domaine d’exploitation défini ou un périmètre de l’unité déterminé, les personnes publiques peuvent désigner un autre mandataire unique, pour permettre aux grands opérateurs tels que l’Inserm ou le CNRS de s’entendre autour d’une organisation dérogatoire. Selon la Cour des comptes, en 2022, sur les 307 laboratoires de l’Inserm, seuls 58 ont Inserm Transfert pour mandataire unique, 88 relèvent d’un autre mandataire unique que l’Inserm, et donc d’une autre structure de valorisation, et 93 sont encore sans mandataire unique ([142]).

Les difficultés résiduelles liées à la désignation d’un mandataire unique semblent le reflet de la persistance de logiques de concurrence entre les organismes de recherche dotés d’une filiale de valorisation, cherchant à défendre le périmètre d’intervention de cette dernière.

b.   Valorisation de la recherche publique : transfert de technologie et recherche partenariale

Par leurs relations multiples et ambivalentes, les dynamiques de valorisation ne sont pas forcément d’un accès aisé pour les acteurs de la recherche.

La valorisation de la recherche publique désigne la façon dont les connaissances produites par la recherche publique « académique » sont utilisées par les entreprises – ou les chercheurs eux-mêmes – afin de produire de la valeur économique et sociale. La valorisation ne se résume pas à un « simple » transfert des résultats des laboratoires de recherche universitaire vers les entreprises. Elle recouvre de multiples activités aux périmètres plus au moins définis : détection des savoirs valorisables (scouting), soutien de programmes de pré-valorisation, stimulation et orientation des collaborations entre univers public et privé, soutien au transfert technologique, gestion et valorisation de portefeuilles de brevets, accompagnement à la création d’entreprise innovante, diffusion de la culture scientifique et technique, etc.

Deux modalités de valorisation de la recherche publique se distinguent néanmoins même si, en pratique, elles sont souvent interpénétrées et complémentaires.

● Le transfert de technologie recouvre l’exploitation commerciale par les entreprises, sous forme de contrat de licence ou de création d’entreprise, de la propriété intellectuelle ou du savoir-faire développés par les laboratoires de recherche ([143]).

C’est le processus désignant le transfert aux partenaires industriels de découvertes résultant de la recherche académique et la mutation du résultat scientifique initial en un produit ou service industrialisé et commercialisable. Ce transfert répond à un processus précis se déroulant en plusieurs phases (détection, pré-maturation, maturation), dont le contenu peut varier en fonction des sociétés ou services de valorisation/transfert. Lors de ces différentes phases, les sociétés de valorisation/transfert assurent un soutien et un accompagnement individualisé aux chercheurs et aux établissements ; elles vérifient, sous plusieurs points, la capacité de l’innovation à être admise dans un processus industriel et gèrent pour le compte des scientifiques les problématiques juridiques (droit de propriété intellectuelle notamment).

Après le repérage des inventions ou découvertes possédant un potentiel commercial, la pré-maturation (phase primaire) vise à réduire les risques associés au transfert de technologie, via une étude de faisabilité du point de vue technique et économique couplée avec une étude de marché (s’assurer de la concrétisation possible de la création intellectuelle à des coûts raisonnables ; valider la faisabilité de la fabrication ; s’assurer de l’absence de difficultés techniques majeures dans la concrétisation du résultat ; évaluer le coût final de l’innovation pour qu’il soit concurrentiel). Cette phase peut également aider à décider si le transfert de technologie vers le secteur privé est la meilleure option ou s’il est préférable de continuer la recherche scientifique.

La maturation fait référence à la phase de développement et d’amélioration d’une technologie ou d’une innovation, de manière à la rendre plus adaptée à une utilisation commerciale ou industrielle (recherche et développement, prototypage, tests et évaluations, protection de la propriété intellectuelle, stratégie de valorisation, stratégie de commercialisation, recherche de partenaires ou d’investisseurs, suivi du projet). Cette étape est essentielle pour maximiser la valeur économique d’une technologie ou d’une invention.

Les différents acteurs de la valorisation se positionnent sur un segment spécifique – CNRS Innovation essentiellement sur la pré-maturation, les sociétés d’accélération du transfert de technologies (Satt) sur la maturation (en vérité variable selon les Satt) – ou sur l’ensemble de ce processus (par exemple, Inserm Transfert). Certaines Satt, dans le cadre de leurs relations avec l’Inserm, ont été conduites à réorienter leur activité vers des segments de la valorisation comme la création d’entreprises.

● La recherche partenariale entre laboratoires publics et entreprises est la modalité la plus répandue de valorisation des résultats de la recherche publique. Elle mobilise ainsi les financements les plus importants, tant en termes de soutien public que de financement privé de la dépense de recherche. Elle prend trois formes principales, selon le niveau d’intensité ou d’intégration du partenariat, qui peut s’inscrire dans une relation de plus ou moins long terme et inclure un nombre plus ou moins grand de partenaires : les contrats de recherche signés par les laboratoires publics avec des entreprises ; les consortiums publics/privés engagés dans des collaborations souvent financées par des appels à projets compétitifs ; la constitution de laboratoires de recherche mixtes publics/privés cofinancés par des fonds publics académiques et des entreprises.

La valorisation des résultats de la recherche scientifique peut aussi prendre la forme de chercheurs « entrepreneurs », créateurs de start-up, qui fondent leurs jeunes entreprises sur des idées ou des technologies innovantes développées en laboratoire.

c.   Une valorisation de la recherche en déclin avant la mise en place des Programmes d’investissement d’avenir

La loi « Allègre » de 1999 a permis le rapprochement entre le monde de la recherche (ONR, universités) et les entreprises en offrant aux chercheurs et aux enseignants-chercheurs la possibilité de participer à la valorisation de leurs inventions, à travers la création de sociétés innovantes et le dépôt de brevets, et en donnant aux établissements de recherche et aux universités la possibilité de participer à des filiales et groupements.

Cependant, à la fin des années 2000, le bilan de la valorisation de la recherche publique n’est guère encourageant : performance insuffisante, éparpillement inefficient des structures et existence « d’angles morts ». En dépit ou à cause des avancées de la loi de 1999, une stagnation s’empare de toutes les formes de valorisation, que ce soit la recherche en partenariat entre laboratoires publics et entreprises, la valorisation de la propriété intellectuelle, ou même la mobilité des chercheurs entre les secteurs public et privé. Les progrès accomplis dans le sens d’une meilleure sensibilisation des organismes et des chercheurs aux opportunités offertes par le développement de collaborations plus étroites avec les entreprises se révèlent en outre insuffisants au regard des comparaisons internationales ([144]).

Une des causes de cette stagnation réside dans le foisonnement devenu excessif des structures de valorisation, et de l’émergence d’une certaine rivalité concurrentielle entre elles. Un rapport de la Cour des comptes de 2005 dénombre ainsi près de 80 organisations chargées du transfert de technologies dans la seule région de Bourgogne. Le nombre d’universités ayant mis en place une structure de valorisation a aussi fortement augmenté. Cette tendance, conjuguée avec l’intervention croissante des collectivités territoriales « et avec le morcellement administratif de la recherche entre universités, organismes de recherche et grandes écoles, engendrait des redondances entre services de valorisation de ces différents établissements, dont peu disposait d’une masse critique suffisante, une dispersion des moyens et une faible lisibilité à l’extérieur » ([145]).

La redondance était notamment manifeste pour les unités mixtes de recherche entre universités et organismes de recherche, qui peuvent alors faire gérer leur activité de valorisation par chacune de leurs tutelles (universités, CNRS, etc.). Une forme de « concurrence administrative » pouvait ainsi s’instaurer entre établissements, dans la mesure où se voir confier la gestion des contrats permet d’engranger des ressources propres pour l’établissement via un prélèvement sur les contrats gérés et de nouer des contacts avec les industriels.

Un des axes des pouvoirs publics pour améliorer les performances de la France dans le domaine de la valorisation de la recherche publique est donc de tendre vers la rationalisation et la professionnalisation des structures de valorisation, notamment celles des établissements d’enseignement supérieur (universités et grandes écoles). À cet égard, il est fait le choix, dans le cadre des programme d’investissements d’avenir à partir de 2010, de créer ex nihilo des structures nouvelles et innovantes, et non de s’appuyer sur les structures existantes. De nouvelles structures (Satt, IHU, IRT, etc.), généreusement dotées par les PIA, s’ajoutent donc à celles existantes.

La mise en œuvre des outils de valorisation issus des PIA conduit aujourd’hui à une sédimentation des différents dispositifs, avec un paysage pléthorique d’instruments, partageant parfois les mêmes objectifs et aux périmètres fonctionnels peu lisibles, ce qui rend difficile la compréhension par les chercheurs et par les partenaires industriels de l’organisation de la valorisation-transfert.

Le rapporteur pour avis s’interroge sur la cohérence et la mise en système d’une telle mosaïque d’acteurs. Plus globalement, il semblerait utile de questionner un modèle enclin à créer régulièrement de nouvelles structures, sans en supprimer ni se donner les moyens d’une coordination efficace.

d.   Une valorisation de la recherche en biologie santé à l’image de l’organisation de la recherche : une multiplicité d’acteurs sur la chaîne de la valorisation, source de complexité

Un renouvellement organisationnel important s’est opéré ces dernières années avec l’émergence sur les territoires d’un nombre croissant d’acteurs et de structures travaillant à la valorisation de la recherche publique et, plus globalement, au renforcement du lien entre le monde de la recherche et le secteur économique et industriel : centres de ressources technologiques et plateformes technologiques, pôles de compétitivité, Satt, incubateurs, pépinières d’entreprises innovantes, instituts Carnot, notamment, mais aussi, concernant directement l’univers de la recherche biomédicale, des modèles réunissant sur un même site voire dans une même structure recherche et industrie, tels les bioclusters, les IRT et les IHU, ou des nouveaux outils transversaux comme les récents pôles universitaires d’innovation (PUI).

On observe par ailleurs qu’aux côtés des acteurs de l’État et des établissements de recherche (ONR, universités, etc.), les collectivités territoriales, plus particulièrement les régions et les métropoles, interviennent aussi dans la valorisation de la recherche publique à l’échelle de leur territoire. Elles peuvent par exemple apporter un soutien financier à des structures de recherche intégrant dans leur modèle la dimension partenariale avec le monde industriel (par exemple, Région Auvergne-Rhône-Alpes et Grand Lyon Métropole pour l’IRT BioAster). On notera que l’appel à manifestation d’intérêt sélectif – 2022 sur les bioclusters lancé par l’ANR dans le cadre de France 2030, voulu par le Gouvernement comme un « écosystème d’innovation avec les entreprises [… ] catalysant au sein d’un lieu unique une masse critique d’acteurs faisant référence » a vocation à bénéficier « d’un engagement fort des collectivités locales pour asseoir son attractivité » ([146]).

Reconnues comme l’acteur pertinent pour l’innovation et s’appuyant sur les effets positifs de la proximité, notamment spatiale et cognitive, sur les coopérations entre chercheurs, entreprises, acteurs institutionnels, investisseurs et leurs incidences sur les dynamiques d’innovation, les régions se mobilisent de plus en plus autour de la valorisation de la recherche. Depuis le 7e programme de l’Union européenne, elles consacrent des moyens financiers importants à l’appui au transfert de technologie, au financement des projets de recherche, notamment pour les PME, et à l’accompagnement d’entreprises innovantes ([147]).

La présentation des dispositifs de valorisation ci-après reprend la distinction retenue par la Cour des comptes dans un rapport de 2018 sur les outils de la valorisation ([148]) (cf. diagramme ci-dessous) : d’un côté les instruments de transfert de technologie, de l’autre ceux de la recherche partenariale.

Parmi tous les outils d’innovation nés du PIA 1 (IHU, Satt, CVT, IRT, ITE, etc.), auxquels peut être ajouté le label Carnot qui, bien que créé antérieurement, a bénéficié d’un appui financier à cette occasion, seul France Brevets, fonds d’investissement créé en 2011 par l’État français, l’ANR et la Caisse des dépôts et consignations, a été supprimé (en 2022) à la demande de l’État, suite à un référé de la Cour des comptes. Dans sa communication, la Cour observait notamment que l’éloignement de France Brevets « du monde de la recherche publique la prive des liens nécessaires avec les organismes de recherche et de transfert de technologie pour coordonner l’ensemble des acteurs publics de la propriété intellectuelle et a fortiori animer une réflexion globale sur la stratégie publique à mener en la matière. France Brevets […] ne semble pas avoir noué de liens suffisants avec les organismes de recherche publique » ([149]).

  1.   Les structures positionnées sur le transfert de technologie

Six consortiums de valorisation thématique (CVT) ont été mis en place pour coordonner les actions de valorisation sur des champs disciplinaires spécifiques. À cet effet, les CVT sont adossés aux alliances thématiques de recherche créées depuis 2009 pour coordonner l’action des organismes par domaine. Le CVT en sciences de la vie et de la santé s’appuie ainsi sur l’alliance thématique Aviesan. Les CVT, structures souples, proposent des services mutualisés (par exemple, des études de marché) aux structures de valorisation de site, notamment les Satt.

Pour la Cour des comptes, la création d’un nombre élevé de nouvelles structures de valorisation a relevé d’un pari ambitieux. L’objectif était de mettre en place un système de valorisation autonome, qui avait vocation à mutualiser « les moyens des différents opérateurs de recherche ou entre les organismes de recherche publique et les entreprises, et dépasserait ainsi les lignes de cloisonnement traditionnelles ». À cet effet, le principe de l’exclusivité de la gestion et de la valorisation de la propriété intellectuelle au bénéfice des Satt doit être privilégié. Force est de constater que les grands organismes publics, au rôle prépondérant dans le financement et la conduite de l’organisation de la recherche publique, n’ont pas adhéré à ce schéma. La réponse de l’Inserm au rapport de la Cour des comptes sur les outils de valorisation est à cet égard révélatrice : « Un point originel de tension est l’application du principe d’exclusivité. […] La création ex nihilo de nouveaux outils de valorisation n’a pas permis de capitaliser sur les expertises et les savoir-faire existants. Ainsi l’Inserm considère une application stricte du principe [d’exclusivité de la Satt] comme une perte de chance pour les laboratoires et les établissements. » ([150])

On distingue d’un côté les structures de valorisation-transfert « internalisées », services des universités ou filiales de droit privé de grands établissements de recherche, en tout ou partie positionnées sur le secteur de la recherche en biologie santé ; de l’autre, des structures externes, pluridisciplinaires, même si le réseau Satt défend aujourd’hui une approche transversale par grandes filières (santé biotech).

● Les structures internes aux établissements de recherche

Les organismes de recherche et les universités peuvent mettre en place des structures consacrées à l’exploitation commerciale de résultats de la recherche scientifique depuis la loi « Allègre » de 1999.

Les structures de valorisation internes de l’Inserm (Inserm Transfert, fondée en 2000), du CNRS (Fist devenue CNRS Innovation en 2018), de l’Inrae (Inrae transfert) ou de l’institut Curie, sont particulièrement importantes (Inserm Transfert compte 88 salariés ; CNRS Innovation, 80) et actives. Ce sont généralement des filiales de droit privé (sociétés anonymes).

En 2022, Inserm Transfert, avec 2 340 familles de brevets actives, est le premier déposant académique en recherche biomédicale en Europe et le deuxième dans les biotechnologies et la pharmaceutique.

Inserm Transfert ([151])

Filiale privée de l’Inserm, Inserm Transfert gère la valorisation économique et sociétale et le transfert des connaissances issues des laboratoires de recherche de l’Inserm vers l’industrie, contribuant à promouvoir l’innovation en santé humaine.

Inserm Transfert :

– détecte le plus tôt possible et met en place les méthodes et l’accompagnement permettant de protéger et de valoriser les premiers résultats ;

– analyse la demande des industriels et crée une dynamique de collaboration entre chercheurs du public et du privé ;

– pilote et finance la maturation du projet de recherche depuis le dépôt de brevets jusqu’à la preuve de concept.

L’entreprise promeut et facilite l’accès aux expertises, aux découvertes et savoir-faire des équipes de recherche fondamentale ou clinique de l’Inserm, leader européen en recherche biomédicale.

Fin 2021, l’Inserm avait investi 23 millions d’euros dans des programmes de maturation depuis 2019, ce qui a donné lieu à la signature de 548 contrats et licences par Inserm Transfert et généré 76 millions d’euros de revenus.

L’Inserm se classe à la première place des déposants de brevets auprès de l’Office européen des brevets dans le secteur pharmaceutique sur la période 2016-2019 et parmi les quatre premiers déposants dans le secteur des biotechnologies sur la période 2014-2020. L’Institut maintient sa présence parmi les dix premiers déposants français, tous secteurs confondus, sur la même période.

Direction de l’innovation de l’institut Curie

À l’Institut Curie, la direction de l’innovation est internalisée. Elle détecte les potentielles innovations au sein de ses équipes, puis les aide à faire évoluer la solution. Fin 2021, l’Institut Curie comptait 28 start-up créées depuis 2002, et ayant levé plus de 525 millions d’euros de fonds. Avec son programme intégré d’incubation de start-up, présenté pour la première fois en 2021, l’Institut Curie poursuit sa dynamique pour accélérer les innovations en cancérologie.

Les universités disposent également de leurs propres structures de valorisation. Par exemple, au sein de la direction de la recherche et de la valorisation de l’université de Strasbourg, le département de la valorisation, en charge de l’ouverture vers l’entreprenariat des étudiants-doctorants et enseignant-chercheurs/chercheurs et de la promotion des résultats de la recherche vers le monde socio-économique, compte un peu moins de 20 personnes (d’après l’organigramme de mars 2023).

Si la loi autorise depuis 1991 ([152]) puis 2005 ([153]) les établissements publics de santé, à titre subsidiaire et sans porter préjudice à l’exercice de leurs missions, à assurer des prestations de service, valoriser les activités de recherche et leurs résultats et exploiter des brevets et des licences dans le cadre de services industriels et commerciaux, il a fallu attendre la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques pour que cette capacité soit expressément ouverte aux centres hospitalo-universitaires ([154]).

Un décret de 2016 ([155]) est venu préciser la capacité des CHU à créer des services de valorisation des activités de recherche et d’exploitation commerciale des brevets et licences, suscitant au passage « des inquiétudes de la CPU, du CNRS et de l’Inserm qui ont appelé à une concertation préalable avec les principaux partenaires avant toute création. » ([156])

D’après la conférence des directeurs généraux des CHU, 13 CHU (sur 32), soit plus d’un tiers, sont dotés d’une structure de valorisation-transfert, aux dimensionnement et périmètre de missions très inégaux. L’Office du transfert de technologie & des partenariats industriels (OTT&PI) de l’AP-HP fait figure d’exception, par son volume et ses effectifs en raison des relations avec les six universités qui la composent et les sept EPST avec lesquels elle travaille. Une équipe de 17 personnes assure des fonctions d’accompagnement des cliniciens ou paramédicaux, ainsi que des entreprises qui veulent accéder à une collaboration avec l’AP-HP, pour un chiffre d’affaires total de 16 millions d’euros annuels.


Un exemple : l’Office du transfert de technologie & des partenariats industriels (OTT&PI) de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris

L’OTT&PI identifie, protège et valorise l’innovation issue du soin hospitalier et de la recherche des services cliniques, laboratoires et des équipes de l’AP-HP (cliniciens, soignants, cadres, etc.). Il met en place des partenariats privilégiés de R&D avec des entreprises françaises ou étrangères permettant la mise sur le marché de produits et services innovants utilisables in fine, par les malades. Acteur majeur de la recherche appliquée et de l’innovation en santé, l’AP-HP détient en pleine ou co-propriété un portefeuille de 748 brevets (biotechnologies, diagnostic, biomatériaux, dispositifs médicaux, médicaments, génétique, thérapies cellulaires et géniques, etc.) avec ses partenaires académiques (universités, Inserm, Institut Pasteur, CEA, CNRS, etc.) ou industriels. Plus de 4 000 projets de recherche sont aujourd’hui en cours de développement, tous promoteurs confondus.

L’OTT&PI détient 225 licences d’exploitations actives (brevets et savoir-faire) qui ont été mises en place avec des laboratoires pharmaceutiques, des entreprises du dispositif médical ou des sociétés de biotechnologies françaises et internationales.

L’AP-HP est le seul CHU à avoir obtenu (en 2020) le label Institut Carnot, qui récompense la qualité de la recherche partenariale.

● Des structures externes et pluridisciplinaires : les Satt

Les 13 sociétés d’accélération du transfert de technologies (Satt) ([157]) sont des sociétés par actions simplifiées (SAS) spécialisées dans la valorisation des connaissances en matière de recherche et d’innovation, créées dans le cadre du PIA 1 en 2010, au sein de l’action « Valorisation ». 856 millions d’euros ont été affectés à la création des Satt dont une part importante est consacrée à la propriété intellectuelle et à la maturation. 200 millions d’euros supplémentaires ont été affectés aux Satt en 2021 dans le cadre de l’appel à projets « Accélération » du fonds national de valorisation (PIA 3).

Les ambitions fortes assignées à ces nouveaux outils de transfert de technologie à leur création par les pouvoirs publics, dont l’ambition affichée est d’en faire des « guichets uniques de valorisation », se sont heurtées aux difficultés d’articulation entre ces nouvelles structures et l’écosystème antérieur de valorisation.

Les Satt sont nées pour répondre à certaines des lacunes du système de valorisation français : le manque de financement de la maturation et de la « preuve de concept », d’une part ; une valorisation insuffisamment développée au sein des différents établissements de recherche, en particulier au sein des universités, d’autre part. Par leur expertise, elles devaient aussi répondre à la problématique de l’émiettement et de la professionnalisation insuffisante des structures de valorisation existantes dans les universités notamment. Elles entendent apporter « aux entreprises des solutions technologiques dérisquées, à fort potentiel, pour gagner en compétitivité ». Le cadre juridique leur impose un objectif de rentabilité, devant atteindre l’équilibre financier, et donc une capacité d’autofinancement, dans les 10 ans.

Les présidents de Satt disposent de la maîtrise de leur stratégie économique, en particulier autour de deux axes :

– investir dans des projets, de manière massive sur peu de projets, ou bien à l’inverse soutenir plus d’inventions, mais pour des montants moindres ;

– privilégier les licences à des entreprises existantes, ou bien encourager la création de start-up. Ce choix présente un caractère stratégique. L’investissement dans une start-up, sous forme d’une entrée au capital, constitue un risque pour la Satt, qui peut s’avérer extrêmement rentable en cas de succès, ou au contraire entraîner la perte de l’investissement en cas d’échec.

Initialement, le modèle économique des Satt était fondé sur l’exclusivité de la gestion et de la valorisation de la propriété intellectuelle (exploitation de la propriété intellectuelle et activité partenariale) issue des laboratoires de recherche, dans une logique de « guichet unique ». À cet effet, l’ensemble des actionnaires des Satt (universités, grandes écoles, CNRS, Inserm, etc.) avaient pris l’engagement de recourir à ces structures pour leur activité de valorisation. Mais la pratique s’est éloignée de ce schéma initial ; le modèle de l’exclusivité de la gestion de la propriété intellectuelle des Satt est en effet apparu comme un point de tension avec certains organismes de recherche, notamment l’Inserm. Le fait que ce dernier n’ait signé qu’une seule convention prévoyant l’exclusivité à une seule Satt semble à cet égard emblématique ([158]).

Même si les résultats des Satt sont très hétérogènes selon les territoires, elles sont globalement reconnues dans la chaîne de valorisation et ont contribué, par leur accompagnement des opérateurs de recherche, et notamment des universités, à professionnaliser cette politique publique. Le schéma ci-dessous, extrait d’un rapport de la Cour des comptes de 2018, illustre un scenario des interventions des Satt dans le processus de valorisation ([159]).

À ce jour, l’ensemble des Satt ont financé plus de 2 000 projets de maturation dans le secteur de la santé (pharmacie et bio-industrie, cosmétologie et technologies médicales) ([160]). Les projets issus des laboratoires publics, développés et soutenus activement par les Satt, ont donné naissance, en moyenne, à 45 % des start-up ([161]).

La Convention du 19 août 2019 conclue entre l’État et l’ANR relative au programme d’investissements d’avenir prend fin en juillet 2025 ([162]). Le projet de loi de finances pour 2024 prévoit le « soclage » des financements des Satt.

Les Satt

Sauf en Normandie et dans les outre-mer où elles ne sont pas présentes, les Satt réunissent sur un territoire infra régional, régional ou interrégional, différentes structures de recherche (universités, CNRS, Inserm, etc.) et des acteurs du monde économique et industriel (grands groupes, PME locales). Elles ont pour objectif de faire le lien entre le monde de la recherche publique et le secteur privé au niveau local, notamment en valorisant les résultats issus de programmes de recherche (dépôt de brevets, licences, création de start-up, etc.) et en répondant aux besoins des industriels.

Elles ont initialement deux missions : le financement des phases de maturation des inventions et de preuve de concept, et la prestation de services de valorisation auprès des acteurs locaux de la recherche et développement (R&D) qui créent la valeur ajoutée scientifique et technologique.

Avec plus de 750 start-up créées qui ont levé plus d’un milliard d’euros, les Satt sont les premiers acteurs de proximité du Plan DeepTech de l’État, opéré par BPIFrance. Elles sont connectées au quotidien à plus de 150 000 chercheurs et offrent un accès privilégié aux innovations des laboratoires publics. Fortes de leur réseau national, elles sont les partenaires stratégiques des entreprises en quête de croissance par l’innovation (1).

() https://www.satt.fr/le-reseau-satt/

● L’appel à projets « maturation-pré-maturation » de France 2030

Dans le cadre de l’action « Maturation de technologies, R&D, valorisation de la recherche » de France 2030, un AAP « maturation-pré-maturation », transverse à l’ensemble des stratégies nationales, a été lancé en décembre 2021 pour soutenir un segment critique du cycle de l’innovation visant à lever des verrous d’ordre technico-économique ou organisationnel et à faire levier sur la diffusion de nouvelles solutions issues de la recherche publique. L’AAP vise à intensifier la chaîne d’accompagnement de projets d’innovation à fort potentiel, et à accélérer leur transfert vers le monde socio-économique.

 

Dans le cadre de cet AAP, trois des 17 consortiums retenus, composés des acteurs du transfert de technologie dont les services de valorisation des universités, les filiales des organismes nationaux de recherche et les Satt, sont spécifiquement focalisés sur des thématiques de santé ([163]).

  1.   Les structures positionnées dans la recherche partenariale

Les structures de valorisation sont généralement inscrites dans une politique de site, et pluridisciplinaires. Ces différents acteurs sont complémentaires : les IRT ont pour objectif principal de réaliser de la recherche technologique en mode multi-partenarial intégré, les Instituts Carnot sont positionnés sur la coopération bi-partenariale, et les pôles de compétitivité sont des animateurs d’écosystèmes où sont nés d’autres acteurs, tels les Satt, en charge de la maturation de technologies issues des laboratoires académiques. Un nouvel acteur de mise en réseau vient d’émerger dans le paysage de la valorisation de la recherche : les pôles universitaires d’innovation (PUI).

● Les outils pluridisciplinaires

Des structures de diffusion des nouvelles technologies au service des PME

La diffusion des nouvelles technologies dans le tissu des PME ne disposant pas de service R&D est moins évidente que le renforcement des partenariats entre les laboratoires publics ; elle exige une spécialisation et une qualité de service en faveur du transfert et de la diffusion technologique permettant de faciliter les liens entre le monde académique et le tissu des PME.

La proximité avec les PME et la disponibilité des agents en charge de la diffusion des technologies sont des facteurs clés d’une bonne appropriation des nouvelles technologies par les entreprises. Des structures spécialisées, labellisées par le MESR pour reconnaitre l’expertise technologique apportée aux entreprises et notamment aux PME, et réparties sur tout le territoire national ([164]), établissent des partenariats avec des laboratoires de recherche académiques et des centres de compétences. Le MESR, via les crédits des CPER, apporte un soutien financier à ces structures de diffusion et d’appui technologique aux PME.

Les centres de ressources technologiques (CRT), structures d’interface, assistent directement les entreprises et plus particulièrement les PME dans la définition de leurs besoins, en participant au développement de leurs activités par le biais de l’innovation et de la technologie, et en s’appuyant sur des réseaux de compétences.

Les cellules de diffusion de technologies (CDT) exercent également des activités de conseil et de développement technologique. Ne disposant pas de moyens analytiques et technologiques, les CDT ont essentiellement des activités de diagnostic et de conseil en développement technologique, répondant aux besoins spécifiques des entreprises.

Les plateformes technologiques (PFT) organisent le soutien apporté à la modernisation des entreprises par un réseau d’établissements d’enseignement du secondaire et du supérieur disposant de plateaux techniques identifiés autour d’une thématique commune.

Les pôles de compétitivité

Créés en 2004, les pôles de compétitivité sont parmi les dispositifs de recherche collaborative les plus anciens. Ils rassemblent, sur un territoire identifié, autour d’un même domaine technologique ou d’une même filière, acteurs industriels et entreprises de toutes les tailles – grands groupes, PME, start-up –, des laboratoires de recherche et des établissements de formation, en y associant les pouvoirs publics. Cet écosystème s’inscrivant dans une dynamique de rapprochement entre la recherche privée et publique permet de créer des synergies à travers des projets de R&D collaboratifs innovants ([165]).

Les instituts labellisés Carnot

Créé en 2006, antérieurement aux PIA, le label Carnot est un label officiel attribué par le MESR à des laboratoires de recherche publique engagés dans la recherche partenariale ([166]). Les instituts Carnot mènent simultanément des activités de R&D et une politique volontariste en matière de recherche partenariale, au bénéfice de l’innovation des entreprises – de la PME au grand groupe – et des acteurs socioéconomiques. Le MESR assure le pilotage du dispositif, et l’ANR sa gestion (gestion des soutiens financiers et suivi du dispositif).

Le dispositif Carnot a pour objectif de favoriser l’apport de compétences scientifiques et technologiques issues de la recherche publique au tissu industriel par la signature de contrats de recherche et de promouvoir la fertilisation croisée entre laboratoires et entreprises. Il s’agit d’accroître l’impact économique des actions de R&D menées par les laboratoires des instituts Carnot en partenariat avec les entreprises en termes de création d’emploi, de chiffre d’affaires national et à l’export, et donc de compétitivité.

Le label Carnot concerne les entités qui placent la recherche contractuelle au cœur de leur stratégie. Le dispositif consiste à doter de moyens supplémentaires les structures réalisant une part importante de leur activité de recherche en relation avec des entreprises, pour assurer entre autres un ressourcement permettant de conserver l’avance scientifique nécessaire à leur performance et à leur attractivité à l’égard des entreprises.

L’intérêt de ce dispositif repose sur sa simplicité et sa flexibilité, puisqu’il n’implique pas la création de structures juridiques nouvelles, et qu’il n’y a pas d’immixtion de la tutelle dans le pilotage et la gestion des instituts. L’attribution du label vise les unités de recherche indépendamment de leur tutelle, ce qui offre une capacité à dépasser les frontières institutionnelles des organismes employeurs.

Les instituts Carnot forment un réseau multidisciplinaire en mesure d’apporter des réponses aux projets d’innovation des entreprises de tous les secteurs économiques, et notamment le domaine de la santé/médicaments, second secteur d’activité du réseau en termes de montants de contrats R&D. On y retrouve d’ailleurs des organismes d’excellence ([167]). Environ la moitié des instituts Carnot ont tout ou partie de leurs activités liées à la santé, que ce soit les technologies pour la santé (incluant les dispositifs médicaux, le diagnostic in vitro ou les technologies de l’information et de la donnée pour la santé) ou les médicaments (incluant les essais cliniques associés). Les activités dans ces domaines représentent environ un quart des recettes (éligibles à l’abondement) réalisées par l’ensemble des instituts Carnot, soit environ 150 millions d’euros sur les 600 millions d’euros de recettes totales du réseau Carnot.

Ce dispositif permet un effet de levier important sur les contrats signés avec des partenaires industriels. Le réseau regroupe actuellement 39 structures de recherche publique, et 35 000 professionnels, soit 20 % des moyens humains de la recherche publique. Il réalise 55 % des contrats de R&D externalisés par les entreprises à la recherche publique ([168]).

Les instituts de recherche technologique

Sur les huit IRT, qui sont des instituts mixtes de recherche technologique thématiques et interdisciplinaires, intégrant dans leur gouvernance entreprises et établissements publics, un seul opère dans le domaine de la biologie santé, BioAster (Lyon).

L’ambition des IRT est d’intensifier la dynamique Industrie-Recherche-Formation. Leur mission principale est de réaliser de la recherche technologique en réponse aux besoins industriels dans une logique de structuration inter ou intra-filières. Leur finalité première est le développement industriel et/ou de services par le regroupement et le renforcement des capacités de recherche publiques et privées. Les IRT pilotent des programmes de recherche couplés à des plateformes technologiques, effectuent des travaux de R&D expérimental et veillent à la valorisation économique des résultats de recherche. Ils conduisent des travaux de R&D selon une stratégie propre, définie et approuvée par un conseil d’administration au sein duquel siègent des fondateurs publics et privés.

Les IRT, qui ont généralement pris la forme de fondations de coopération scientifique (FCS), rassemblent les compétences de l’industrie et de la recherche publique dans une logique de co-investissement public-privé et de collaboration étroite entre tous les acteurs, qui doivent permettre de renforcer les écosystèmes constitués par les pôles de compétitivité. L’objectif de ce programme est de constituer un nombre restreint de campus d’innovation technologique de dimension mondiale, et de permettre à la France d’atteindre l’excellence dans des secteurs clés d’avenir et de se doter de filières économiques (industrielles et de services) parmi les plus compétitives.

Les IRT sont basés sur une démarche :

– de partenariat de long terme entre les établissements d’enseignement supérieur et de recherche et les entreprises ;

– de site, en mobilisant, sur un même lieu physique, une taille critique suffisante de moyens et de compétences d’excellence pour notamment disposer d’une visibilité internationale ;

– de couverture du processus d’innovation, incluant la démonstration, le prototypage industriel et l’ingénierie de formation.

Dans un rapport de 2018, la Cour des comptes souligne le bilan contrasté des IRT ([169]), y compris celui présent sur le secteur biomédical. L’attention est notamment attirée sur la question de la viabilité financière de ces outils, dont un des enjeux, dans la perspective de la consolidation de leur modèle économique au-delà des fonds des PIA, est de trouver des cofinancements privés significatifs, ainsi que des financements complémentaires apportés par d’autres partenaires publics (collectivités locales, Commission européenne, etc.). Pour inscrire leur action dans la durée, les IRT doivent compter sur un engagement important et durable de leurs membres fondateurs privés. Or, selon la Cour, se dessine une tendance de ces derniers à concentrer « leurs apports sur des projets bien ciblés auxquels ils participent, plus qu’à soutenir le budget général des fondations […] traduisant le risque d’un effet d’aubaine » ([170]).

La capacité à pallier cet effet par l’obtention d’engagements de cofinancements sur projets au-delà du cercle des fondateurs est par ailleurs très inégale. Les IRT apparaissent à cet égard relativement dépendants de leurs fondateurs, à l’exception de certains, notamment BioAster, un de seuls IRT parvenant à obtenir un niveau significatif de cofinancements privés à l’international ([171]).

 

Le programme « Labcoms »

L’objet de ce programme est d’inciter les acteurs de la recherche académique à créer des partenariats structurés à travers la co-construction de « laboratoires communs » entre une PME ou une entreprise de taille intermédiaire (ETI) et un laboratoire d’organisme de recherche ou d’université. Les Labcoms visent à promouvoir, dans le cadre de partenariats, la collaboration entre les acteurs académiques de recherche et les entreprises, sans que cela ait pour effet de conférer une aide indirecte à l’entreprise, interdite par le droit européen.

En fonction des besoins et des intérêts des partenaires impliqués, les Labcoms encouragent la recherche collaborative entre les chercheurs publics et les entreprises, favorisant ainsi le transfert de connaissances et de technologies entre les deux secteurs, et visent à stimuler l’innovation en permettant aux entreprises d’accéder à l’expertise académique et aux ressources de recherche pour développer de nouveaux produits, processus ou services. Ils sont conçus pour créer de la valeur ajoutée pour les partenaires, en améliorant leur compétitivité sur le marché, en favorisant la croissance et en contribuant au développement économique. Ils facilitent le transfert de technologies issues de la recherche universitaire vers le secteur privé, en vue d’aboutir à des innovations et à des applications commerciales.

Les Labcoms

Le programme Labcom, créé en 2013, est géré et suivi par l’ANR sous forme d’AAP. Ce programme est complémentaire d’autres dispositifs (« Instituts Carnot », « Chaires industrielles », « Projet de recherche collaboratif-Entreprise », etc.) qui contribuent également à dynamiser le partenariat public/privé.

Chaque année, l’ANR sélectionne une vingtaine de projets. En 2023, on dénombre 225 structures sélectionnées, tous champs disciplinaires confondus. Sur la période 2013-2021, les projets en biologie santé ont représenté environ 20 % des projets sélectionnés par l’ANR. La LPR 2020 prévoit un renforcement du dispositif d’ici 2025, avec un doublement du nombre de projets financés.

Un Labcom est défini par la signature d’un contrat définissant son fonctionnement, et notamment :

– une gouvernance commune et partagée permettant un fonctionnement intégré au jour le jour des équipes académiques et industrielles ;

– des moyens de travail permettant d’opérer en commun la feuille de route, stratégie visant à assurer la valorisation par l’entreprise du travail partenarial.

– une stratégie et un programme de recherche et d’innovation définis en commun, visant, d’une part, une activité de recherche de haut niveau et, d’autre part, la valorisation des résultats issus des travaux réalisés dans le cadre du partenariat ;

– un volume d’activités menées en commun, sur la base d’une collaboration étroite ;

– des moyens humains, matériels et immatériels et une mise en commun de personnels permanents et non permanents, de moyens et de compétences, avec une intégration forte des cultures académiques et industrielles ;

– un cadre de partage de la propriété intellectuelle prédéfini ;

– un partage des risques et des résultats.

En 2023, l’ANR a lancé un nouvel AAP Labcoms. Le programme ayant un objectif d’incitation, en sont exclues les entreprises ayant des liens d’intérêts avec l’organisme de recherche, et celles avec lesquelles l’organisme de recherche conduit déjà une collaboration du même type. Par ailleurs, l’entreprise doit être en mesure de mener conjointement une activité commerciale et une activité de R&D avec des volumes suffisants pour crédibiliser la démarche partenariale d’innovation (capacité financière, implication de personnels permanents, mise en commun de matériel, etc.). Ainsi, les entreprises au chiffre d’affaires insuffisant n’ont pas vocation à participer à un laboratoire commun, tandis que celles de moins de trois ans ne sont pas éligibles au programme.

Le dispositif Cifre

Instauré en 1981, le dispositif Cifre (convention industrielle de formation par la recherche) a vocation à favoriser les échanges entre les laboratoires de recherche publique et les entreprises, ainsi que l’emploi des docteurs dans les entreprises. En 2022, sur les 1 686 nouvelles Cifre attribuées, 135 relevaient du domaine de la biologie santé, soit environ 8 % ([172]).

Ce dispositif est fondé sur une coopération de trois ans entre une entreprise, un laboratoire de recherche et un diplômé de grade master. L’entreprise s’engage à embaucher le diplômé pour lui confier une mission de recherche en liaison directe avec le laboratoire académique. Ce travail de recherche constitue le socle de la thèse de doctorat à soutenir en fin de convention ; en contrepartie, l’État verse durant les trois années une subvention forfaitaire annuelle à l’entreprise. Il est établi un contrat de collaboration entre l’entreprise et le laboratoire qui définit les conditions de la coopération.

Le programme « Chaires industrielles »

Créé en 2011 et géré par l’ANR, il a pour objet de structurer des projets de recherche collaborative dans des domaines stratégiques pour les acteurs publics et privés à travers un partenariat actif et durable. Il vise à augmenter l’investissement en R&D de la part du secteur privé et la participation des acteurs publics au développement de produits et procédés innovants. Il contribue également, via une formation par la recherche industrielle, à accroître l’employabilité de personnels hautement qualifiés formés de manière ouverte dans une double culture de laboratoire et d’entreprise. Les AAP « Chaires industrielles » sont ouvertes à toutes les thématiques de recherche et à tous les niveaux de maturité technologique (projets de recherche fondamentale, projets de recherche appliquée ou développement expérimental), sous réserve d’être impérativement menés dans le cadre d’interactions avec une ou plusieurs entreprises.

Chaque année, entre cinq et dix chaires sont sélectionnées. Chaque chaire bénéficie d’un financement sur une durée de quatre ans, apporté par les entreprises et l’ANR à parité. La LPR 2020 prévoit un renforcement du dispositif d’ici 2025, avec un doublement du nombre de projets financés. Sur la période 2013-2021, les projets en biologie santé ont représenté environ 10 % des projets sélectionnés par l’ANR.

Le programme « Projet de recherche collaborative-entreprise » (PRCE)

Au sein de l’appel à projets générique (AAPG), l’ANR propose des instruments qui permettent de financer des projets de recherche collaborative entre entités publiques et privées dans un contexte national. Le « Projet de recherche collaborative-entreprise » est consacré aux collaborations effectives établies entre un laboratoire d’organisme ou d’établissement de recherche et de diffusion de connaissances et une entreprise française conduisant des travaux de recherche et développement en France. Cette collaboration vise à atteindre en commun des résultats de recherche profitables aux deux parties, en permettant aux organismes de recherche publique d’aborder de nouvelles questions de recherche, ou de les aborder différemment, et en permettant aux entreprises conduisant des travaux de R&D d’accéder à la recherche publique de meilleur niveau afin d’améliorer à différents termes leur capacité d’innovation.

  1.   Les outils spécifiques au domaine de la santé

Les instituts hospitalo-universitaires (IHU)

Les instituts hospitalo-universitaires sont un des instruments d’innovation et de valorisation mis en place par les PIA dès 2010. Au même titre que la recherche, les soins et la formation, la valorisation industrielle est un des objectifs présidant à leur création. Il s’agit de stimuler la compétitivité en favorisant le développement de la filière industrielle biomédicale, c’est-à-dire apporter plus de visibilité à cette filière, irriguer le tissu économique, et favoriser les partenariats, notamment public-privé. Un des principes structurants des IHU, au-delà d’offrir un niveau d’excellence internationale en matière de soins, de recherche et d’enseignement, est d’intégrer un objectif de transfert de technologie et d’inclure des co-financements et partenariats avec le secteur privé.

Le volet « valorisation, transfert, partenariats » en vue d’assurer la continuité de la recherche amont à l’application en santé est un des axes du cahier des charges des appels à projets des IHU ([173]). Sont notamment examinés des critères tels que l’attractivité de l’IHU pour les projets et les financements européens et internationaux, publics, privés ou partenariaux, la crédibilité de l’organisation du transfert de technologie, avec une structure mutualisée de valorisation présente sur le même site, l’existence d’une politique de valorisation (notamment des lignes directrices en matière de dépôt de brevets, de soutien aux start-up et de prévention des conflits d’intérêts), la capacité de diffusion des connaissances et des pratiques ou encore la présence d’espaces dédiés à l’accueil d’entreprises et projets entrepreneuriaux dans les locaux de l’IHU.

La convention de juillet 2010 entre l’État et l’ANR portant sur l’action « instituts hospitalo-universitaires » ([174]) prévoit ainsi que les nouveaux pôles d’excellence, en matière de transfert de technologies dans le domaine de la santé, renforcent « leur attractivité pour les industriels de la pharmacie, des biotechnologies et des technologies pour la santé, leur potentiel de valorisation et de transfert des résultats de la recherche vers le patient. »  Les travaux menés dans les IHU doivent viser un impact socio-économique, en particulier par l’amélioration des pratiques médicales ou la diminution des coûts pour la santé, ainsi que la stimulation durable et le développement de filières industrielles biomédicales.

Les IHU doivent permettre le développement de produits de santé innovants. Un des indicateurs de suivi de l’avancement des projets porte sur le nombre de brevets déposés ou actifs et le nombre de start-up créées.

Il ressort tant des auditions menées par le rapporteur pour avis que d’un récent rapport sénatorial ([175]), le sentiment partagé que les sept HU initiaux constituent un modèle original qui a su faire la preuve de son efficacité, même si on observe une certaine hétérogénéité entre eux. Certains se distinguent notamment par la capacité de leurs parties prenantes à avoir su régler en amont la répartition des droits de propriété issue de la valorisation, ce qui facilite les négociations avec les industriels.

 

Les résultats des sept premiers IHU

En moins de 10 ans, les IHU affichent des résultats concrets : plus de 320 brevets déposés, 18 000 publications scientifiques, 1 000 nouveaux essais cliniques, 45 start-up créées, plus de 600 millions d’euros de cofinancements collectés et un développement économique induit supérieur à 1 milliard d’euros alors que les investissements de l’État représentent 277 millions d’euros soit un effet de levier multiplicateur de 5 à 7.

 

 

Les programmes de recherche hospitalo-universitaire (RHU)

La RHU vise à créer un écosystème conduisant à l’établissement d’un partenariat durable et productif entre équipes académiques et industrielles. Elle a pour objectif de soutenir des projets de recherche avec un fort potentiel de transfert rapide vers l’industrie ou vers la société. Le transfert pourra concerner notamment le développement de dispositifs médicaux, de biomarqueurs à visée thérapeutique ou diagnostique, de plateformes technologiques, de bio-informatique ou de biologie des systèmes.

Les établissements souhaitant participer à une RHU doivent proposer un guichet unique pour des partenariats industriels afin d’assurer un transfert rapide des innovations scientifiques vers la pratique des soins.

L’association d’entreprises vise à garantir un retour économique et social des projets retenus.

Les bioclusters

Derniers nés des instruments de la valorisation, les bioclusters ont fait l’objet d’un appel à manifestation d’intérêt (AMI) sélectif lancé en 2022 dans le cadre du plan Innovation santé de France 2030. L’AMI est destiné à faire émerger un nombre limité de bioclusters de dimension mondiale ([176]). Les lauréats de l’AMI ont été dévoilés en mai 2023 ([177]).

Un biocluster se définit comme un écosystème d’acteurs innovants dans le domaine de la santé, tels que laboratoires, centres de recherche, centres de soins et entreprises travaillant en synergie. Il constitue un guichet unique facilitateur et animateur de réseau, catalysant au sein d’un lieu unique une masse critique d’acteurs faisant référence (entreprises, recherche, soins, formations) autour d’une thématique porteuse d’innovation de rupture, avec en outre un engagement fort des collectivités locales. En tant que pôles d’excellence, les bioclusters doivent permettre de transformer le paysage de la recherche biomédicale française afin d’attirer dans une zone géographique limitée des chercheurs et des cliniciens d’envergure internationale ainsi que les start-up à fort potentiel et les entreprises renommées.

Les missions d’un biocluster sont d’accueillir des entreprises et de mettre en place des services comme l’accès à des plateformes ; de faciliter les partenariats public-privé avec les partenaires académiques du site (universités, organismes de recherche) et les établissements de soins (CHU, CLCC, etc.) ; d’incuber et accélérer le développement de start-up ; de promouvoir les formations pluridisciplinaires et la recherche de très haut niveau répondant aux besoins des industriels ; de favoriser les collaborations avec les centres d’excellence nationaux d’autres régions ; d’être l’interlocuteur unique des collectivités locales et de donner une visibilité internationale aux institutions publiques et aux entreprises parties prenantes.

L’objectif est que le budget alloué par l’État via France 2030 agisse comme un levier pour attirer des fonds privés industriels et d’autres fonds publics (collectivités notamment).

  1.   Un instrument récent : les pôles universitaires d’innovation (PUI)

Dans le cadre de la LPR 2020 et de France 2030, le soutien à l’innovation, au plus près des laboratoires de la recherche publique, a été renforcé par le déploiement des pôles universitaires d’innovation (PUI). Sans création de nouvelle structure juridique, les PUI visent à capitaliser sur l’ensemble des initiatives, compétences, outils et acteurs de l’innovation existants pour en renforcer l’articulation afin de maximiser l’impact des résultats de la recherche.

Portés par un consortium d’acteurs de l’écosystème de recherche et d’innovation et représentés par un chef de file, les PUI répondent à une ambition de renforcement et d’accélération de la dynamique d’innovation des écosystèmes territoriaux en capitalisant sur l’ensemble des initiatives, compétences, outils de ces acteurs. Ils constituent un levier essentiel pour démultiplier les retombées économiques et sociales de la recherche et s’inscrivent dans une dynamique plus large d’accélération des actions engagées par le Gouvernement pour atteindre l’objectif de création de 500 start-up deep tech par an en 2030.

Après une expérimentation menée sur cinq sites pilotes par le MESR, un appel à propositions a été lancé en décembre 2022 pour mettre en place une vingtaine de PUI supplémentaires et doter l’ensemble des PUI des moyens nécessaires pour accélérer les dynamiques territoriales d’innovation. Les financements alloués à cet appel à propositions s’élèvent à 166 millions d’euros pour une durée de 48 mois, dont 25 millions d’euros au titre de la LPR et 26 millions d’euros au titre de l’action « intégration des Satt, incubateurs, accélérateurs » (SIA) du PIA 3. À l’issue du processus de sélection, 29 projets de PUI ont été retenus dont 5 en amorçage.

Parmi l’ensemble des projets de PUI lauréats, une douzaine ont affiché dans leur dossier de candidature la thématique « santé » parmi les axes thématiques prioritaires de leur stratégie d’innovation ([178]).


II.   Constats et recommandations

Au terme de plus d’une trentaine d’auditions, le rapporteur pour avis est amené à dresser quelques constats qui ne surprendront nullement celles et ceux qui auront pris le temps de consulter les quelques rapports récents sur l’état de la recherche ([179]) en France.

L’urgence de faire évoluer la recherche biomédicale en France est avérée. Au-delà des nombreuses réflexions sur ce sujet, le rapporteur pour avis se réfère au discours du Président de la République à l’Institut Curie le 16 mai 2023 : « le moment est venu de travailler à une recherche biomédicale plus unifiée, mieux dotée, en décloisonnant les dispositifs de financement ».

Ces propos forts du Président de la République tracent la feuille de route du Gouvernement, ainsi qu’en attestent les termes de la lettre de mission confiée par les ministres chargés de la recherche, de la santé et de l’industrie à MM. Tunon de Lara et Le Moing, chargés de « proposer un plan de rupture spécifique pour une recherche biomédicale simplifiée, dotée, efficiente et exigeante » ([180]).

La France possède une solide tradition de recherche en biologie de la santé, mais pour maintenir son excellence dans ce domaine au regard de la concurrence internationale, elle doit faire face à des défis majeurs tels que la rationalisation de son organisation, à travers la transversalité et la coordination des parties prenantes, et la croissance de son financement. L’État doit également confirmer les sciences de la vie comme première priorité de sa politique, en intégrant le « One Health » dans sa définition.

A.   DES CONSTATS GÉNÉRAUX

Le premier constat a trait à la question de l’excellence de la recherche française sur la scène internationale. Il existe indéniablement un recul global des performances de la France dans le domaine de la recherche en biologie santé en comparaison des autres pays, si on se réfère à l’indicateur du nombre de publications. Sans qu’il soit en baisse, et en rappelant que le volume de publications n’est pas le seul critère à prendre en compte, on peut affirmer que le nombre de publications françaises augmente moins vite que dans d’autres pays, ce qui nous conduit à reculer progressivement dans les classements internationaux. La position de la France s’érode au regard du dynamisme d’autres nations, les pays émergents en effet, mais aussi certains de nos voisins européens. Le risque est donc réel que la France devienne, si ce n’est déjà le cas, une puissance moyenne dans le domaine de la recherche scientifique et de l’innovation, et notamment dans le domaine de la recherche biomédicale.

Ce constat, partagé par la communauté scientifique auditionnée, semble l’être également par le Gouvernement. La lettre de mission Tunon de Lara - Le Moing évoque en effet le « recul de la France dans les classements internationaux » et fixe comme objectif de « repositionner la France parmi les leaders internationaux en matière de recherche et de santé ».

Un deuxième constat porte sur la culture française. On ne peut que regretter que la prise de risque, en France, ne soit pas plus encouragée et valorisée, tant l’échec est culturellement mal perçu. Ce constat n’est évidemment pas propre à la recherche et moins encore à la recherche en biologie santé, et le rapporteur pour avis n’entend pas formuler ici des recommandations sur un sujet aussi complexe que celui-ci, lequel nécessiterait une véritable analyse publique en sciences humaines et sociales. Mais cette appréhension du risque, structurellement dommageable quand il s’agit de recherche, et notamment de recherche fondamentale, par nature incertaine, produit des effets directs sur le fonctionnement et les résultats de la recherche, ainsi que certaines auditions ont pu en témoigner.

Le rapporteur pour avis se bornera à mentionner deux exemples qu’il juge révélateurs. Le premier a trait aux évaluations menées par le HCERES ou la Haute autorité de santé (HAS) qui, lorsqu’elles sont critiques, sont perçues négativement, voire amènent les équipes scientifiques à renoncer à leur projet de recherche plutôt que de les appréhender comme une première étape vers la progression, notamment par un retour d’évaluation constructive, sur la base de conseils d’amélioration et d’aide à la progression. Le second concerne l’allocation des crédits, trop souvent accordés aux chercheurs qui ont déjà obtenu des premiers résultats, ce qui n’encourage pas la créativité ou le défrichage de pistes radicalement innovantes. Il est donc nécessaire de renforcer, de manière volontariste et rapide et en toute responsabilité, le développement des recherches ou innovations en amont en assumant une grande prise de risques.

Plus largement, les auditions menées par le rapporteur pour avis font état de plusieurs problématiques liées à des pratiques culturelles hétérogènes au sein d’un même écosystème. Ces différences de culture et d’approche sont assurément une force dès lors qu’il existe un espace de convergence et d’échange. Un « médiateur » commun devra être en mesure de faire interagir des communautés qui n’ont pas le même langage afin de leur permettre de mieux se comprendre et d’encourager ainsi des synergies pluridisciplinaires et pluri-sectorielles en faveur d’une véritable agora de la recherche en santé globale et transversale.

Un troisième constat concerne les efforts financiers – publics et privés – assumés par la France en matière de recherche et développement. Après l’attrition des crédits publics de la dernière décennie, le rapporteur pour avis ne peut que se réjouir des récents efforts financiers apportés par la loi de programmation de la recherche de 2020 et le plan d’investissement pluriannuel France 2030. Cependant, le rapporteur pour avis ne fait pas encore sienne l’expression de « revirement stratégique » entendue lors d’une audition. En effet, malgré ces efforts, et même en y intégrant les dépenses fiscales résultant du crédit d’impôt recherche, la recherche française reste sous-dotée au regard de son rang et à l’aune de ses besoins dans un monde confronté à de multiples transitions écologiques et technologiques. Outre que ces crédits visent à rattraper le retard pris dans les dernières années, une partie non négligeable est actuellement absorbée par des dépenses qu’ils n’avaient pas vocation à financer, à savoir les surcoûts induits par les revalorisations salariales dans la fonction publique, l’inflation et la crise énergétique. Par ailleurs, s’il convient d’admettre que le financement de la recherche académique a été amélioré par les outils PIA et France 2030, son morcellement à travers de trop nombreux financeurs et bénéficiaires, le tout sur un trop grand nombre de sujets, conduit à un effet de saupoudrage qui en limite l’effet de levier. Enfin, le rapporteur s’interroge légitimement sur la pérennité de ces crédits et dispositifs, la recherche, plus particulièrement en biologie médicale, s’inscrivant nécessairement dans le temps long.

Le rapporteur pour avis considère que la recherche française, et par conséquent celle en biologie santé, requiert un réel « choc d’attractivité », allant au-delà des mesures nécessaires – mais insuffisantes – annoncées dans le cadre de la LPR 2020 et du plan France 2030. C’est le seul moyen non seulement d’attirer vers les métiers de la recherche la jeunesse française mais aussi d’éviter que les meilleurs des jeunes scientifiques partent dans le secteur privé ou à l’étranger.

L’investissement dans la recherche et le développement en France plafonne en effet à 2,2 % du PIB, largement en-deçà des 3 % ciblés par la « stratégie de Lisbonne » en 2000. Cela étant, la puissance publique n’est pas la seule responsable ; l’engagement du secteur privé en recherche et innovation n’est pas non plus à la hauteur des enjeux. En France, les entreprises ont traditionnellement investi moins en R&D par rapport à d’autres pays comparables, peut-être en raison d’une culture de l’innovation insuffisante. Certaines entreprises sont sans doute moins enclines à investir massivement dans la R&D, privilégiant une rentabilité à court terme à des gains plus incertains à long terme. À cet égard, il a été fait mention, lors d’une audition, de la réticence structurelle de certains groupes français à payer pour des innovations issues de la recherche publique, estimant les avoir déjà financées par leurs impôts. Par ailleurs, structurellement, la France ne dispose que de très peu d’acteurs de premier plan (en termes de masse financière) dans la recherche pharmaceutique privée : une seule entreprise (Sanofi) figure parmi les 20 premières industries pharmaceutiques. L’industrie pharmaceutique française est par ailleurs un secteur économique stratégique en perte de vitesse relativement à ses concurrents européens dans le champ de la R&D et de la production de médicaments à forte valeur ajoutée. On constate également qu’en dépit d’une approche désormais indispensable de « santé globale » – « One Health » – visant à la transversalité des recherches en santé humaine, animale et environnementale, les grands groupes privés français, notamment dans le secteur agro-alimentaire, n’ont que peu investi dans la recherche biomédicale. Le pays devrait donc s’attacher à convaincre les grands groupes industriels d’autres secteurs de diversifier leurs activités vers la recherche biomédicale.

Enfin, le rapporteur pour avis estime que la France, « petite » nation de 70 millions d’habitants, n’a sans doute plus les moyens d’entretenir une recherche tous secteurs et que des priorités stratégiques devraient être définies par les responsables politiques, notamment pour se focaliser sur les segments à fort enjeu sans pour autant trop restreindre la diversité scientifique.

Cela conduit le rapporteur pour avis à aborder le constat suivant, celui du portage politique de la recherche, qu’on peut qualifier à tout le moins d’insuffisant. L’inexistence, à ce jour, d’un ministère dédié à la recherche et à l’innovation en est sans doute l’illustration la plus visible. La plupart des chercheurs auditionnés considèrent qu’accoler la recherche à l’enseignement supérieur amène inévitablement cette dernière à être une variable d’ajustement de la politique ministérielle, tant les enjeux politiques de court terme, liés aux étudiants notamment, mobilisent les personnels gouvernementaux et ministériels. Mais, au sens du rapporteur pour avis, l’absence du thème de la recherche lors de la campagne présidentielle de 2022, la crise de la covid-19 à peine close, en est la manifestation la plus inquiétante, et même la plus dramatique si l’on part du postulat que les responsables politiques sont le reflet de leurs électeurs.

Le défaut de portage politique prend indubitablement sa source dans le constat du désintérêt – qui entraîne une méconnaissance – que la classe politique dans sa grande majorité, et plus largement les décideurs tant publics que privés, portent à la recherche et plus globalement à la science dans son ensemble, au même titre que la majorité des Français.

Pour le rapporteur pour avis, ce désintérêt est à la fois la cause et la conséquence d’une problématique plus large qui est le défaut de culture scientifique, technique et industrielle, tant parmi les « élites » qu’au sein de la population. Le rapporteur pour avis renvoie à cet égard à son rapport budgétaire Recherche dans le cadre du projet de loi de finances 2023, consacré à cette thématique majeure. « Il est de fait que la culture scientifique de la population mais aussi des dirigeants est très insuffisante en France » a récemment écrit Alain Fischer, professeur émérite au Collège de France et président de l’Académie des sciences ([181]). Le rapporteur pour avis se doit de rappeler une nouvelle fois que la culture scientifique française n’est pas à la hauteur de ce qu’elle devrait être, ni des enjeux qui nous attendent.

En outre, on observe depuis quelques années une désaffection durable de la jeunesse pour la chose scientifique. De moins en moins de jeunes veulent rentrer dans un parcours scientifique, qui n’est pas assez valorisé. Cela se manifeste par une baisse continue du nombre de doctorants, mais également, dès les premières années du cycle scolaire, par l’affaiblissement du niveau des élèves français en sciences  : ceux-ci figurent ainsi en fin de CM1 à l’avant-dernière position des pays de l’OCDE ([182]). Le recrutement des enseignants est également révélateur : à l’Institut national supérieur du professorat et de l’éducation (Inspé) de Paris, en 2019, seuls 4,6 % des candidats au master Meef ([183]) étaient issus d’une licence en sciences ; par ailleurs la formation scientifique obligatoire des futurs enseignants du primaire n’est en moyenne que de 39 heures sur les deux années de master.

Tout ceci devrait susciter un sursaut collectif national au plus haut niveau, tant les enjeux de demain nécessiteront un investissement intellectuel scientifique majeur. À cet égard, le rapporteur pour avis rappellera sa proposition, émise dans le cadre de l’avis budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2023, d’un Haut conseil scientifique placé auprès du Président de la République ([184]) et en mesure d’influer sur la diffusion de la culture scientifique.

Enfin, un dernier constat s’attache à l’organisation de la recherche biomédicale en France. C’est à ce propos que le rapporteur pour avis émettra la plupart de ses recommandations, en vue d’améliorer le pilotage, la coordination et le fonctionnement d’un écosystème de plus en plus complexe. Si le monde de la recherche en général se caractérise par une certaine complexité, celui de la recherche en biologie santé, du fait des nombreuses tutelles ministérielles (MESR, MSP, PM-SGPI, Industrie, etc), de la diversité des sources de financement qui en résultent, et de la multiplicité des opérateurs, apparaît paroxystique. Outre les deux acteurs « académiques » – universités, organismes de recherche – s’y ajoutent en effet les acteurs de la santé eux-mêmes, sans omettre le secteur privé caritatif bien implanté en France, ainsi que le secteur industriel.

La recherche biomédicale est à bien des égards emblématique de la complexité et du défaut de lisibilité d’une organisation administrative de la recherche française caractérisée par un déficit de stratégie nationale coordonnée, l’absence d’une structure interministérielle de pilotage et la multiplicité des tutelles et des canaux de financement. Les dispositions législatives prévoyant une stratégie nationale de la recherche et un conseil stratégique de la recherche sont en réalité inappliquées, et de surcroît, elles n’apporteraient sans doute guère de réponse appropriée à la complexité inhérente à l’organisation de la recherche en biologie santé.

Cette fragmentation de la gouvernance se double d’un émiettement opérationnel, le champ de la recherche biomédicale étant occupé par des dizaines d’établissements nationaux et territoriaux, aux statuts et aux objectifs différents. « La recherche médicale française souffre d’importants défauts structuraux liés à la complexité de son organisation, à la superposition d’organismes et agences dont les périmètres d’intervention se chevauchent et sont parfois concurrents, et à l’absence d’une véritable stratégie nationale et européenne »  ([185]).

Force est de constater, comme le Président de la République l’a reconnu lui-même dans son récent discours à l’Institut Curie, précédemment cité, que prime « la logique de silo ». Nulle structure ne paraît en mesure, à ce jour, de mettre en cohérence et en synergie tous ces acteurs. Pour beaucoup, l’Aviesan a échoué, au point que certains voient sa disparition poindre dans un avenir proche, et l’Agence de l’innovation en santé (AIS), née très récemment et initialement créée pour le suivi du plan Innovation Santé 2030, cherche encore son positionnement. Le rapport Gillet, déjà cité, privilégie, pour chaque secteur de recherche, la voie d’une agence de programme, adossée à un grand établissement de recherche ; à cet égard, l’Inserm semble être déjà toute désignée pour la recherche biomédicale sans, à ce stade, de concertation préalable avec les acteurs ou d’appel à projets.

Cette complexité est accrue par la propension culturelle française à créer sans cesse de nouvelles structures et de nouveaux instruments. Il en résulte une illisibilité manifeste, pour le grand public et nos partenaires étrangers sans aucun doute, mais également, et cela est dommageable, pour nos propres scientifiques et industriels, lesquels se sentent parfois perdus dans ce maelstrom organisationnel. Les auditions ont montré que de nombreuses personnalités entendues ont une compréhension très imprécise de la masse d’outils récemment créés. Rien que depuis 2021, ont rejoint le paysage de la recherche, s’additionnant à ceux existants : l’agence d’innovation pour la santé, les PUI, les PERP et les bioclusters.

Sans remettre en question ni l’intérêt ni la pertinence de ces nouveaux instruments, on est en cependant en droit de questionner un système administratif qui crée sans cesse de nouveaux objets, sans jamais – ou trop rarement ([186]) – en supprimer.

Le schéma ci-après, extrait d’un rapport de la Cour des comptes datant de 2018 ([187]), illustre le paysage formidablement complexe de la recherche en biologie santé, alors même qu’il n’intègre ni la totalité des acteurs, ni les outils d’organisation et de financement issus de France 2030. Plutôt que d’évoquer un mille-feuilles, qui suppose un certain ordonnancement, le rapporteur pour avis reprend à son compte la notion entendue lors d’une audition de « ratatouille », voire de « magma », si on veut y conférer une dimension un peu plus explosive.

Le décrochage de la recherche biomédicale française est aujourd’hui bien démontré, et ceci par diverses études. Outre les évidentes considérations de moyens financiers, tant publics que privés, une des causes de cet affaiblissement est l’extrême complexité d’une organisation empreinte de rigidités administratives et marquée par des carences de pilotage préjudiciables à la conduite des politiques publiques.

La France n’a pas comblé son retard en termes de financements affectés à la recherche biomédicale, ni via la ressource publique, ni via la participation privée par rapport à ses pays voisins. Elle ne s’est pas non plus dotée du cadre nécessaire à un pilotage transversal, et les tentatives mises en place jusqu’ici (Aviesan notamment) ne se sont pas révélées suffisamment efficaces.

La solution consiste par conséquent à s’engager dans une refonte structurelle, avec la mise en place d’une organisation nouvelle, rationnelle et ambitieuse, laquelle ne pourra faire sens qu’en repositionnant notre pays au niveau des autres leaders européens en termes de part de PIB consacrée à la recherche. Ceci peut se faire par l’augmentation des financements « socles » à l’adresse des institutions opératrices (universités, ONR, CHU, instituts) mais aussi par la pérennisation de l’effort sans précédent réalisé à travers le plan Innovation Santé de France 2030. Ce financement par projets devra être l’objet d’un pilotage qui devra définir des choix stratégiques. Il doit tenir compte du temps long nécessaire à la recherche en biologie santé, et se baser sur des investissements conséquents pour éviter un saupoudrage trop souvent observé. Enfin, ces mesures volontaristes, pour faire sens, devront nécessairement être accompagnées par la mise en place d’une politique salariale ambitieuse à la hauteur des enjeux, les pays les plus attractifs en matière de recherche et d’innovation aspirant les talents français pourtant formés par notre système d’enseignement supérieur.

B.   MIEUX PILOTER L’ORGANISATION DE LA RECHERCHE EN BIOLOGIE SANTÉ

Une gouvernance défaillante, l’absence de stratégie globale permettant de définir des axes prioritaires, la fragmentation des parties prenantes en charge du financement, un déficit de transversalité, une coordination insuffisante et un émiettement des opérateurs de la recherche sont sans conteste des motifs contribuant aux difficultés de la recherche française en biologie santé.

Deux illustrations mettent particulièrement en lumière les défaillances du pilotage global de la recherche biomédicale, entendu comme un continuum entre les recherches fondamentale, translationnelle, clinique et partenariale : d’une part, la faiblesse du financement de la recherche translationnelle, conséquence du cloisonnement institutionnel entre le MESR et le MSP ; d’autre part, l’absence de vision consolidée de l’ensemble des moyens financiers consacrés à la recherche en biologie santé. Ce second point faisant l’objet d’un développement infra ([188]), seul le financement de la recherche translationnelle est développé ci-après.

Coincée entre la recherche fondamentale et la recherche clinique, la recherche translationnelle pâtit de son positionnement. Une certaine spécialisation s’est en effet installée entre les deux autorités de tutelle (MESR et MSP), d’où résulte un cloisonnement des concours financiers apportés aux différents segments de la recherche. Selon une répartition qui n’a jamais été réellement formalisée, mais s’est de facto imposée, le MESR pilote et finance la recherche fondamentale et préclinique, tandis que la recherche clinique relève du MSP via l’assurance maladie essentiellement. Cette spécialisation financière sanctuarise un « clivage » ([189]) persistant entre la recherche fondamentale et la recherche clinique. Cette segmentation non seulement empêche les pouvoirs publics de disposer d’une vision globale des efforts financiers en termes de recherche en biologie santé, mais encore obère la continuité des projets académiques le long de la chaîne de l’innovation, avec pour conséquence un déficit de financement pour la recherche translationnelle. Même si cette dernière a bénéficié de crédits dans le cadre des investissements d’avenir (IHU, RHU), elle fait face à un sous-financement chronique ([190]) ; ainsi, dans le cadre des programmes de recherche (PHRC et PRT) pilotés par la DGOS, les PRT ne représentent que 3,62 % des autorisations d’engagement en 2020 ([191]).

Pour répondre à ces problématiques et rendre le système plus efficace et plus lisible, avec une gouvernance plus fluide, une refonte structurelle, aux niveaux national et local, semble incontournable ; elle ne peut cependant s’envisager sans l’intégration de deux éléments fondamentaux :

– d’une part, dans un esprit de co-construction, la participation de tous les acteurs de la filière : recherche fondamentale, recherche translationnelle, recherche clinique, industrie et patients à travers le monde associatif et les sciences humaines et sociales ;

– d’autre part, l’adoption d’une approche holistique de la santé : la santé humaine ne peut plus s’envisager hors d’un contexte de santé globale (« One Health ») exigeant une véritable coordination transversale autour des pathologies humaines, animales et environnementales, afin par exemple de mettre en cohérence les systèmes de surveillance des zoonoses, le partage des données, et pour posséder une vision globale des risques. Le programme européen EJP One Health est un bon exemple pour des connaissances croisées sur les agents pathogènes.

La refonte de la gouvernance nationale doit parallèlement s’accompagner d’une réforme du niveau local, organisée autour des universités.

1.   Au niveau national : organiser de manière cohérente l’interministérialité, créer des synergies et outiller les pilotes

Comme le souligne le rapport Gillet ([192]), « alors que l’interministériel est l’élément central pour construire une stratégie de recherche et d’innovations transversale, nous avons en réalité une somme de stratégies mal-concertées ». Une mise en cohérence des acteurs et de leurs actions est nécessaire pour s’assurer, outre de leur complémentarité et de leur synergie, d’une meilleure mobilisation et de l’utilisation des moyens attribués à la recherche.

La refonte structurelle proposée ci-après implique les acteurs publics et privés, et s’inscrit dans un contexte collaboratif.

a.   La mise en place d’une structure supra ministérielle de pilotage et de coordination de la recherche en biologie santé

La France se singularise par une approche de la recherche biomédicale en silos. Les auditions ont montré la place importante que les habitudes, les compétitions, les jeux de posture, les refus (plus ou moins dissimulés) de « jouer collectif » mais aussi les outils, quand ils sont structurants, apportent comme rigidités à l’écosystème. Ce constat est valable dans toute organisation humaine, mais il s’accroît considérablement avec la multiplication du nombre d’acteurs, et est d’autant plus prégnant si aucune structure pilote n’est en mesure de mettre en cohérence, et de manière efficace, tous ces protagonistes ministériels et académiques.

La recherche en biologie santé s’inscrit dans des séries de relations bilatérales, coordonnées à des degrés divers, entre les ministères chargés de la recherche, de la santé, les autres départements ministériels « techniques » assurant les cotutelles des grands organismes de recherche et le SGPI.

Cela étant, le rapporteur pour avis, à l’instar d’autres acteurs de la recherche auditionnés, ne croit pas au grand soir du remembrement institutionnel. La sédimentation de l’organisation et le sentiment de légitimité de chacun des acteurs sur son périmètre sont tels qu’une réforme visant une simplification drastique du système créerait sans nul doute un psychodrame et se traduirait par un coût transactionnel très élevé.

À défaut d’un grand ministère de la Recherche et de l’innovation, disposant d’un « droit de regard » sur l’ensemble des politiques de recherche conduites par les différents départements ministériels, que le rapporteur pour avis appelle de ses vœux sans illusion, il est souhaitable de prendre appui sur l’existant, en mettant à profit les structures en place pour imaginer une structure nationale de pilotage et de coordination de la recherche biomédicale en France. Cette structure de pilotage pour la biologie santé a vocation à suppléer l’absence d’un grand ministère chargé de la recherche et de l’innovation.

Une des solutions avancées, notamment par le récent rapport Gillet, est la création d’agences de programme par secteur de recherche. Concernant le biomédical, les auditions ont confirmé, sans surprise, l’hypothèse probable d’une agence de programme confiée à l’Inserm, scenario pressenti à la lecture de la lettre de mission Tunon de Lara - Le Moing.

L’ensemble des auditions a nourri la réflexion du rapporteur à propos de cette hypothèse qui, à ses yeux, semble receler nombre de difficultés intrinsèques.

 

Un premier questionnement tient au positionnement même de l’Inserm, qui serait alors à la fois « programmeur » et « programmé ». Bien que les représentants ministériels aient pris le soin d’expliquer que l’agence de programme serait organiquement distincte de l’établissement de recherche et associerait, dans sa gouvernance, les parties prenantes, le risque d’un soupçon persistant de « conflit d’intérêts » pourrait néanmoins influer sur les relations entre les partenaires, au détriment de l’objectif visé.

Le rapporteur pour avis s’interroge également sur l’acceptation sociale d’un tel choix, s’il venait bien entendu à être confirmé, notamment s’il était imposé de manière verticale, sans mise en concurrence, dans un secteur – la recherche – où l’appel à projets est devenu une règle de fonctionnement. La recherche biomédicale française évolue dans un paysage marqué à la fois par des acteurs de recherche historiques puissants et par un découpage assez tranché entre les sphères recherche et santé, à la coordination déficiente. Confier la charge de la programmation et de la coordination à l’une des parties prenantes ne paraît pas la solution la plus optimale ; l’échec de l’Aviesan, même si le cadre institutionnel ne serait pas le même, reste à cet égard en mémoire.

Il est donc à craindre que la création d’une agence de programme à travers un des ONR opérateurs présente d’indéniables risques de tendre les relations inter-ONR, mais aussi avec les autres structures actives dans la recherche biomédicale. C’est aussi prendre le risque, quels que soient les garde-fous statutaires, de mettre l’ONR en question en position « schizophrène » au regard de sa double mission avec la difficulté d’une organisation interne complexe et le risque permanent du conflit d’intérêts.

Enfin, le rapporteur pour avis considère, dans une approche de « santé globale » ouverte sur les autres volets de la santé d’une part, et dans une logique de co-construction engageant l’ensemble des acteurs de la filière santé (de la recherche fondamentale à l’exploitation industrielle) d’autre part, qu’une agence de programme confiée à un des opérateurs de la recherche non seulement manque d’ambition politique, mais encore paraît constituer une erreur stratégique.

La question qui se pose est en effet celle de la cohérence globale du système, au-delà des seuls opérateurs de la recherche biomédicale. Le pilotage doit être transversal et apporter de l’horizontalité à un système marqué par sa verticalité.

Cela doit se traduire par l’association : 

– au-delà du champ disciplinaire de la biologie associée à la seule santé humaine, des autres acteurs publics de la santé, animale, environnementale et numérique ([193]) ;

– dès la phase de la définition des orientations stratégiques, des partenaires du monde industriel et entrepreneurial, lesquels constituent le débouché naturel des découvertes de la recherche publique. Les acteurs publics ne peuvent plus gérer seuls la biologie-santé ; la stratégie doit être définie en synergie avec les acteurs du privé.

On ne peut pas concevoir un pilotage de la recherche biomédicale sans l’implication de l’ensemble des acteurs constitutifs de la chaîne de valeur qui, à partir de la recherche fondamentale, conduira à l’innovation médicale (recherche fondamentale, recherche clinique, recherche translationnelle, entreprises-industries, patients).

Il faut donc imaginer une structure proactive et agile, en prise avec les décideurs politiques pour la définition des grandes orientations stratégiques, et détachée de toute activité de recherche proprement dite. Il serait préférable de faire émerger une instance ambitieuse de pilotage, interministérielle, au rayon d’action et à la légitimité supérieurs à ceux d’une agence de programme pilotée par l’un des EPST.

Cette structure interministérielle, rattachée au Premier ministre, aurait vocation à réunir, outre les principaux acteurs de la recherche en biologie santé, des personnalités qualifiées (académiciens par exemple), les départements ministériels concernés, divers acteurs de la formation et du soin, ainsi que des industriels, afin d’associer l’ensemble des acteurs aux propositions d’orientations stratégiques à l’attention des décideurs politiques. Les ministères chargés de l’industrie, du numérique, de l’agriculture, voire des affaires européennes et étrangères, seraient impliqués en tant que de besoin.

Cette structure aurait pour objet d’assurer la mise en cohérence des stratégies de recherche biomédicale des tutelles ministérielles et des grands opérateurs, et la mise en synergie des différents acteurs, afin de lutter contre les cloisonnements de toutes sortes. Elle interviendrait sur l’intégralité de la chaîne de valeur, de la recherche fondamentale à la valorisation, à travers des structures internes ad hoc cellules »).

Le point de départ de la construction de cette structure, en vue de s’affranchir du « mal » français consistant à créer une nouvelle instance à chaque problématique nouvelle, pourrait être l’Agence de l’innovation en santé (AIS), seule structure interministérielle à ce jour, qui pourrait prendre la forme d’une direction interministérielle de la recherche et de l’innovation en santé. Outre la redéfinition du périmètre de ses missions, cela nécessiterait de mettre à niveau son statut juridique et ses moyens. Elle devrait bien évidemment bénéficier d’un soutien politique puissant, au vu des enjeux en cours et des difficultés qui ne manqueront pas de surgir. Ses liens avec une ANR reconfigurée, mais également avec les autres structures de financement de la recherche (du MESR et du MSP) devront être redéfinis. Une telle évolution permettrait en outre la pérennisation de l’AIS au-delà de France 2030.

Pour l’exercice de ses missions, la direction interministérielle devrait disposer de nouveaux instruments de pilotage (voir ci-après, point 1.2.).

Par ailleurs, le comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires (Covars), actuellement placé auprès des ministres chargés de la santé et de la recherche, aurait vocation à être mis sous son autorité. Les liens avec le Service de santé des armées (SSA), service interarmées des armées françaises, devront être renforcés. De plus, les plans d’alerte de cette cellule de veille sanitaire devront être mis en cohérence avec le dispositif national de défense médicale contre les risques NRBC (nucléaire, radiologique, biologique, chimique), dont les déclinaisons prévoient en particulier des réponses face aux risques de contamination ou d’infection de végétaux ou d’animaux et l’apparition de symptôme dans la population.

b.   La mise en place d’outils de pilotage appropriés

En parallèle de l’émergence d’une autorité organique de pilotage, il est également nécessaire de renforcer un mécanisme de pilotage qui a crûment fait défaut lors de la crise de la covid-19, comme cela a été démontré par l’IGÉSR et la Cour des comptes : « Le MESRI et ses opérateurs n’étaient ni préparés ni outillés pour faire face à une épidémie majeure et à une mobilisation inédite de la recherche » ([194]). Le ministère n’était pas intégré au schéma national de crise, aucune coordination des ONR n’était prévue en situation de crise, pas plus qu’il n’existait une relation structurée entre le MESR et le ministère chargé de la santé, pour faire face à une telle situation.

Une mise en commun des données et des résultats est nécessaire afin de rendre proactive la recherche, ses modalités de transposition sanitaire et thérapeutique ainsi que la conception des futures politiques publiques. La complexité du paysage et la multiplicité des acteurs exigent une construction d’outils de pilotage adéquats.

D’une part, une cellule interministérielle de crise, positionnée au sein d’une AIS reconfigurée, doit faire partie intégrante d’un pilotage renouvelé, inscrite dans le schéma national de crise. Cette cellule aurait pour mission d’organiser la coordination des acteurs en période de crise mais aussi, en amont, dans une approche anticipative, d’assurer des missions de veille et de prospective, en lien avec les acteurs publics de la santé animale et environnementale notamment (Anses, IRD, Instituts Pasteur, etc.) et avec les organismes internationaux (OMS). Animée par un pilote et un coordinateur scientifiques, dotée d’une réserve budgétaire, cette cellule devrait être en mesure, par son expertise et sa mobilisation, d’entretenir une collaboration étroite avec les cabinets ministériels, par exemple lorsque des évolutions réglementaires sont nécessaires (par exemple dans le continuum diagnostic-traitement-vaccin). Dans un autre registre, cette cellule devrait également être capable d’interagir avec les administrations de gestion sur des sujets prioritaires s’inscrivant sur le long terme (par exemple, « Attractivité de la recherche clinique »).

D’autre part, il semble impératif de constituer une base nationale de données des recherches biomédicales en France, accessible aux chercheurs, aux établissements de recherche, aux autorités politiques et aux industriels. Le rapporteur pour avis a en mémoire les soubresauts des premiers jours de la crise sanitaire lorsque les autorités publiques s’enquerraient d’éventuelles équipes de chercheurs travaillant sur les coronavirus. Cette base du « qui fait quoi » aurait pour objet de recenser l’état des recherches en biologie santé en France menées par l’ensemble des laboratoires des ONR, des universités, des CHU et des autres établissements hospitaliers et de tout autre opérateur public et privé de recherche et devrait être actualisée régulièrement. S’inscrivant dans une perspective dynamique, elle permettrait un suivi en temps réel des avancées de la science et de ses impacts.

Au niveau territorial, les délégués régionaux académiques à la recherche et à l’innovation (Drari) pourraient être mobilisés pour la remontée d’informations des recherches publiques à destination de cette base de données, de même que les pôles de compétitivité pour les recherches effectuées dans le secteur privé. Cette base de données pourrait être complétée par un volet de l’état des recherches biomédicales à l’international, sur la base des informations recueillies par les attachés scientifiques des représentations diplomatiques ([195]) mais également des données collectées dans le cadre des collaborations entre les laboratoires français et étrangers. Cette base de données serait particulièrement utile pour la veille assurée par la cellule nationale de veille et prospective rattachée à la cellule interministérielle de crise.

Un autre instrument de pilotage serait une cellule de valorisation-transfert en mesure d’assurer l’animation des acteurs de terrain spécialisés dans le transfert de technologie et la recherche partenariale, notamment via les PUI. Alors que les pouvoirs publics ont fait le choix stratégique, depuis plus d’une décennie, d’encourager et, par l’octroi de fonds publics significatifs (via les PIA), de soutenir fortement la valorisation, le rapporteur fait le constat de l’absence d’un outil de consolidation des données, alors même que cette fonction de valorisation est morcelée entre de multiples opérateurs intervenant en tout ou partie sur la chaîne de valeur.

Cette structure d’impulsion et d’appui permettrait notamment d’avoir une consolidation des projets en cours de valorisation (type d’innovations, établissements d’origine de la découverte, type d’industriels intéressés, montants en jeu, délais de réalisation, etc.). Elle veillerait à la bonne organisation des acteurs de valorisation-transfert de la détection à la création ou tout autre type de transfert, en passant par la validation et les étapes de pré-maturation/maturation. Elle serait également chargée de dresser l’état des lieux de l’application du mandat unique dans chaque territoire, dont on peine à déterminer le degré d’effectivité, et de contribuer aux résolutions de blocages éventuels.

L’objectif d’une telle cellule ne serait pas de réguler l’offre d’acteurs sur ce secteur d’activités, lesquels, notamment grâce à l’action des pouvoirs publics depuis 2010, se sont fortement professionnalisés, mais d’être un outil de pilotage pour les décideurs et une ressource pour les acteurs locaux. Elle pourrait notamment intégrer en son sein un comité multi-industriel pour l’évaluation du potentiel de valorisation des projets par thématique ou le contrôle des stratégies d’évaluation.

Le schéma ci-dessous, conçu par le rapporteur pour avis, entend illustrer le positionnement de la majorité des acteurs dans l’organisation proposée.

 

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c.   La mise en place d’une vision consolidée des crédits alloués à la recherche biomédicale

Un acteur de la recherche française auditionné s’étonnait de l’absence de vision consolidée de l’ensemble des crédits publics affectés à la recherche biomédicale. En dépit de la fragmentation de l’organisation, avec des circuits de financement parallèles gérés par des tutelles ministérielles différentes, il n’apparaît pas acceptable de ne pouvoir disposer d’une vision globale des crédits alloués à ce secteur.

Or ce constat n’est pas nouveau. Des rapports de la Cour des comptes de 2013 ([196]) puis 2017 soulignaient déjà « l’absence persistante de vision consolidée des moyens consacrés à la recherche biomédicale », faisant le constat qu’« aucune méthodologie n’a été définie entre les deux ministères pour élaborer un tableau exhaustif des moyens consacrés à ce secteur de la recherche » ([197]).

En 2023, le rapporteur pour avis n’a pas été en mesure d’obtenir de la part des représentants des différents ministères concernés un montant consolidé des crédits publics affectés à la recherche biomédicale. En conséquence, il ne peut qu’encourager le Gouvernement à mettre en place sans tarder un dispositif adapté de comptabilité agrégeant l’ensemble des crédits publics affectés à ce secteur. Comme l’écrit la Cour des comptes, « cette situation regrettable compromet les capacités de pilotage stratégique de la recherche dans ce secteur pourtant jugé prioritaire. » ([198]) Une telle information serait en effet précieuse pour la conduite de cette politique publique.

2.   Au niveau local : créer la coordination des acteurs territoriaux par une structuration autour du couple Universités – CHU

Une meilleure gouvernance de l’ensemble des acteurs territoriaux de la recherche médicale en France reste un objectif.

L’absence de structure de gouvernance au plus haut niveau en mesure d’élaborer une stratégie nationale unifiée et la logique de silos qui y prédomine trouve sa déclinaison au niveau local. Les principaux guichets de financement sur projets fonctionnent en parallèle, leurs programmations restant généralement étanches. Par ailleurs, la collaboration entre, d’une part, les universités et les organismes de recherche et, d’autre part, l’industrie se révèle encore malaisée.

Actuellement, les relations entre les universités et les CHU font l’objet de deux articles du code de la santé publique :

– l’article L. 6142-5 prévoit que des conventions peuvent être conclues par les universités et par les CHR, agissant conjointement, avec d’autres établissements de santé ;

– l’article L. 6142-13 prévoit la création, dans chaque CHU, d’un comité de la recherche en matière biomédicale et de santé publique, consulté sur les conditions dans lesquelles l’établissement organise sa politique de recherche conjointement avec les universités et avec les EPST ou d’autres organismes de recherche ayant passé une convention d’association au fonctionnement du CHU.

L’article 24 du projet de loi initial de programmation de la recherche prévoyait, dans un objectif de meilleure gouvernance territoriale de la recherche en santé, de transformer le comité de la recherche en matière biomédicale et de santé publique en un « comité territorial de la recherche en santé ».

Il était prévu que ce comité d’une part, soit chargé de l’animation et de la coordination territoriale de la recherche en santé entre les différents acteurs (CHU, universités, EPST organismes de recherche ayant passé une convention d’association avec le CHU, mais également les établissements de santé, les professionnels de santé libéraux et les collectivités territoriales), d’autre part, coordonne, sous la responsabilité conjointe du CHU et de l’université, la mise en œuvre de la politique de recherche en santé, notamment dans le cadre des politiques de sites mises en place avec les organismes de recherche.

Bien que reconnaissant la nécessité d’une meilleure coordination des acteurs territoriaux de la recherche médicale en France, les sénateurs supprimèrent cet article aux motifs que la solution proposée, outre qu’elle n’avait fait l’objet d’aucune concertation préalable, risquait non seulement de crisper certains acteurs mais encore d’introduire davantage de complexité dans l’écosystème de recherche local, à même de déstabiliser les collectifs régionaux de recherche existants et ayant atteint un équilibre de fonctionnement.

En complément des efforts de rationalisation au niveau national, la recherche organisée au niveau local par le CHU, l’université et leurs partenaires doit pouvoir se projeter sur l’ensemble d’un territoire, et contribuer à l’animation scientifique. À cet effet, le rapporteur pour avis encourage la reprise de travaux relatifs à l’amélioration de la gouvernance territoriale de la recherche biomédicale, l’enjeu étant de trouver le point de convergence entre les structures territoriales, plus particulièrement les CHU, les universités et les structures d’excellence issues des PIA.

Un approfondissement de la délégation d’une partie du pilotage et des responsabilités à l’échelon local, sous la coordination des grandes universités françaises intensives en recherche et en liaison avec les pôles de compétitivité ou autres structures d’animation territoriales qui ont la connaissance fine des territoires en termes industriels, apparaît souhaitable.

3.   Au niveau international, réactiver la diplomatie scientifique

Les interdépendances du « monde global » exhortent à construire une véritable politique scientifique étrangère, qui dépasse le cadre de la biologie santé.

La diplomatie scientifique ne doit pas être une variable d’ajustement de la politique extérieure de la France. Le rapporteur pour avis préconise d’investir réellement la diplomatie scientifique, notamment en redonnant à l’ambassadrice déléguée à la science, la technologie et l’innovation une nouvelle feuille de route et de nouvelles missions stratégiques en lien direct avec la future direction interministérielle de la recherche et de l’innovation en santé et les structures françaises ayant des départements internationaux. Le recensement des recherches en cours, les points de vigilance et de veille observés par les équipes françaises à l’étranger sont un élément indispensable des politiques de recherche, sanitaire et d’innovation de la France.

Le rayonnement scientifique français et les coopérations étrangères représentent plusieurs enjeux pour le pays : la diffusion des valeurs scientifiques allant des savoirs en sciences fondamentales aux savoirs intellectuels et donc aux valeurs démocratiques ; l’incarnation de l’innovation et donc de l’industrie et de l’économie nationale ainsi que le recensement et le croisement des données scientifiques de terrain à travers le monde (épidémies, zoonoses, climatologies, mutations sociales et politiques, etc.)

Dans cette perspective, la France ne doit pas manquer d’humilité en se refusant d’appliquer ce qui fonctionne à l’étranger et analyser les différents modèles potentiels par le biais de l’expérimentation et des retours d’expériences. Le rapporteur pour avis propose d’intensifier de manière structurée le réseau scientifique français à l’étranger à travers un recensement systématique des avancées et potentiels sujets à risques par le biais des attachés scientifiques des ambassades françaises et de la proactivité des scientifiques en résidence ou encore des post-doctorats basés à l’étranger.

C.   AMÉLIORER LE FONCTIONNEMENT DE LA RECHERCHE

Si les constats et les propositions ci-dessous ne sont pas propres à la recherche en biologie santé, la complexité organisationnelle de ce champ de la recherche est néanmoins un facteur grossissant des difficultés et des rigidités de l’écosystème.

1.   Redonner du temps de recherche aux chercheurs

Les auditions ont confirmé un constat ancien et souvent dénoncé. La complexité de l’organisation de la recherche en France ne facilite pas le travail des chercheurs : ils passent souvent un temps considérable à remplir des formulaires administratifs ou des dossiers divers, plutôt qu’à faire de la recherche dans leurs laboratoires. Ils doivent chercher des financements, rédiger des rapports sur les contrats obtenus et des rapports d’activité, préparer les évaluations à plusieurs niveaux (recherche, UMR, établissements, etc.), ou encore encadrer les plus jeunes.

Idéalement, les scientifiques devraient pouvoir disposer des moyens appropriés en termes de support administratif (assistants administratifs), ce qui renvoie directement à la problématique du financement de la recherche.

Cela étant, d’autres mesures semblent en mesure de réduire le temps « administratif » des chercheurs, consacré à autre chose que des activités de recherche. Cette problématique n’est pas propre à la recherche en biologie santé mais le nombre d’opérateurs de financement dans ce secteur (ANR, DGOS, secteur caritatif, autres organismes publics) lui confère une acuité singulière.

a.   Mettre en place un « guichet unique » pour les appels à projets

Les appels à projets constituent désormais la source prioritaire de financement des activités de recherche ([199]). En conséquence, les chercheurs, pour accroître leurs chances de trouver des financements indispensables à la continuité de leurs laboratoires et équipes, multiplient les dossiers de réponse aux AAP. Pour une même activité de recherche, ils se retrouvent fréquemment à constituer un dossier pour chaque AAP, donc à monter autant de dossiers différents qu’il y a d’AAP afin de répondre aux exigences et aux critères spécifiques de chacun d’entre eux. On peut d’ailleurs s’interroger sur la qualité scientifique d’un projet de recherche modulable à l’envi en vue de correspondre aux attentes diverses des appels à projets.

L’enjeu est de parvenir à libérer les chercheurs d’une partie du temps administratif chronophage lié à la constitution de ces dossiers.

Pour cela, le rapporteur pour avis propose la création d’un guichet unique « multi-portails » au sein de l’ANR où le chercheur aurait accès à des appels à projets, y compris pour les recherches clinique et translationnelle, lancés par tous les opérateurs de financement publics (ESR, santé, France 2030, autres ministères de tutelle des ONR) et privés (secteur caritatif) de recherche en biologie santé.

Ce « guichet unique », qui serait assuré par l’ANR ([200]), pourrait recouvrir deux options.

Une option, à l’ambition mesurée, consisterait en la mise en place d’un simple portail internet permettant aux chercheurs d’accéder à l’ensemble des AAP nationaux et internationaux, quelles que soient les structures de financement. Dans cette hypothèse, le chercheur devrait, comme aujourd’hui, constituer un dossier pour chaque AAP.

Une autre option, plus volontariste, inverserait le paradigme et aurait pour conséquences de transférer vers les équipes d’une ANR calibrée à dessein, une partie des charges « administratives » actuellement assurées par les chercheurs eux-mêmes. Le chercheur transmettrait à l’ANR un seul dossier (par exemple, à partir d’une maquette de dossier unique, co-établie par l’ANR et les autres organismes de financement, pour prendre en compte les différents formats et critères des financeurs). L’ANR « guichet unique » se chargerait ensuite de trouver le circuit de financement approprié pour le chercheur, à partir du catalogue des AAP, alimenté par les différents financeurs.

b.   Prévoir des contrats de recherche sur cinq ans au minimum

Une autre solution pour réduire le nombre de dossiers de réponse aux AAP déposés par les chercheurs serait de prolonger les contrats des chercheurs au-delà des trois années maximum, qui semblent majoritaires actuellement.

Pour chaque contrat, le chercheur doit rédiger un rapport de fin de contrat, mais aussi très fréquemment un rapport intermédiaire d’état d’avancement des travaux. Or, au vu des financements modestes des contrats, les chercheurs sont souvent obligés d’en cumuler plusieurs simultanément. La multiplication des contrats entraîne la multiplication des demandes et des rapports.

Assurer une durée de contrat de recherche de cinq ans minimum en particulier dans un secteur – la biologie santé – qui s’inscrit sur le long terme, libérerait du temps consacré à la recherche. Par ailleurs, des contrats de cinq ans offrent une période plus longue pour mener à bien des projets de recherche ambitieux, particulièrement complexes ou qui demandent des phases expérimentales assez longues. Une durée de contrat plus longue permet aux chercheurs de mieux planifier leur recherche à moyen et long terme, en minimisant les interruptions dues aux renouvellements de contrats. Elle permet également de réduire la pression sur les chercheurs pour produire des résultats rapides, ce qui peut être particulièrement bénéfique dans des domaines où la recherche nécessite des investissements importants en temps avant de générer des découvertes significatives.

Le rapporteur pour avis rappelle que d’autres pays (Suisse, États-Unis) proposent des contrats dont la durée avoisine les cinq ou six ans, et qu’il s’agit du modèle ERC européen.

c.   Harmoniser les formats des contrats entre les organismes de recherche

En France, les formats des rapports entre les organismes de recherche ne sont pas harmonisés. Il en résulte qu’un même rapport n’est pas utilisé pour deux organismes ou agences de financement, parce que les formats demandés ne sont pas les mêmes.

d.   Réduire le temps consacré à la préparation des évaluations

Les chercheurs passent également un temps important à préparer les nombreuses évaluations, ces dernières étant effectuées à l’endroit des chercheurs, des équipes et des projets. Cette redondance des évaluations nuit aux activités de recherche ([201]).

La suppression des doublons en matière d’évaluation (par exemple, une unité évaluée par l’ONR de rattachement et le HCERES) serait de nature à alléger la charge « hors recherche » des scientifiques, l’enjeu final étant d’éviter que l’« évalué » réponde à des sujets similaires à des périodes proches mais selon des modalités présentées différemment. Ce point est développé dans le chapitre suivant (2. Améliorer l’évaluation de la recherche).

2.   Améliorer l’évaluation de la recherche

L’évaluation est souvent perçue comme un problème, alors qu’elle est le pendant de l’autonomie des structures et un moyen d’améliorer les potentielles défaillances, surmonter les difficultés et accompagner les équipes. Le système est devenu complexe ; plusieurs modalités et grilles d’évaluation, émanant d’évaluateurs différents non coordonnés, se superposent.

Diverses conditions paraissent nécessaires pour tendre vers une amélioration du modèle. Le rapporteur pour avis souhaite appeler l’attention sur certains de ces points.

1° Il est primordial de renforcer le travail de pédagogie avec les « évalués » afin que l’évaluation ne soit pas perçue négativement, comme une sanction mais, a contrario, dans une approche constructive. Une évaluation n’est pas un outil de sanction mais un instrument d’aide à la progression ; elle doit être comprise comme un conseil et un vecteur d’amélioration.

Il importe que l’évaluation ne soit pas/plus associée au management de la recherche par la sanction, comme cela a pu être déclaré parfois Mais il faut également qu’elle soit utile. L’équilibre est à trouver entre ces deux points. Cela nécessite de faire évoluer le paradigme vers un modèle basé sur la confiance, dans un écosystème transparent, multi informé et fortement concurrentiel où - il faut en avoir conscience - l’impact de l’évaluation est réel en termes de réputation, et donc d’attractivité (étudiants, chercheurs, scientifiques étrangers, etc.), pour l’établissement évalué.

2° Il faut faire en sorte que les évaluations soient suivies d’effets. Elles doivent avoir un impact sur la gestion des équipes, et conduire à des actions concrètes de la part des établissements, et une meilleure prise en compte des objectifs de l’évaluation. Cette dernière a vocation à avoir des effets notamment sur la réorganisation des équipes et, le cas échéant, sur les moyens alloués. Ce point fait trop souvent défaut actuellement, en dépit de la législation en vigueur ([202]). En contrepartie, une telle évolution nécessiterait pour le HCERES de revoir les processus d’évaluation et les indicateurs, lesquels doivent être fiables et interprétables : un travail sur un nombre réduit d’indicateurs clés est nécessaire.

3° Dans une démarche qualifiée de méta évaluation, l’évaluation du HCERES doit faire en sorte de se positionner sur les objets macro et ne pas porter sur les structures internes des établissements (laboratoires, unités de recherche).

4° L’évaluation doit prendre en considération le temps long de la recherche avec ses fluctuations de performance et l’ensemble des étapes de maturation doivent pleinement être intégrés dans les protocoles d’évaluation.

5° Bien évidemment, l’évaluation doit être de qualité pour ne pas laisser se déployer des initiatives au niveau clairement insuffisant.

6° Il faut tendre vers une rationalisation des évaluations tant leur superposition (UMR, laboratoires, organismes) conduit à asphyxier les activités de recherche, en mobilisant les chercheurs sur un autre objet que leur recherche scientifique. Le HCERES voit une partie de ses fonctions amputées dans la mesure où les ONR poursuivent un travail d’évaluation en parallèle.

À ce titre, lorsque certains instituts sont dotés d’un SAB ([203]) considéré de grande qualité et non susceptible de lien d’intérêts, deux options semblent envisageables : soit le HCERES évalue le SAB et, dans ce cadre et sous réserve de la prise en compte des aménagements qu’il aura demandés, se basera ensuite sur l’évaluation dudit comité scientifique ; soit le HCERES et le SAB s’entendent pour coordonner leurs évaluations (calendrier, objet, modalités, etc.). L’enjeu est d’éviter de doublonner les évaluations internes du SAB très souvent de grande qualité internationale.

7° Enfin, il conviendrait de renforcer plus encore dans les critères de l’évaluation les résultats de la valorisation des activités de recherche entreprise par les établissements.

3.   Repenser le rôle de l’ANR

S’agissant de l’ANR et des modalités de financement de la recherche, le rapporteur pour avis tient à apporter les observations suivantes.

En premier lieu, la part désormais largement majoritaire des financements dits concurrentiels apportés par les appels à projet au regard des financements « socles » dits récurrents doit nous interroger. Bien qu’il soit difficile d’estimer assez précisément la part que représentent les financements concurrentiels dans un laboratoire de recherche, il ressort des auditions que la ligne de partage AAP/récurrents s’établirait autour de 75 % / 25 %. Le rapporteur pour avis estime qu’un rééquilibrage à moyen terme de ces sources de financement s’impose.

En second lieu, le rapporteur pour avis se réjouit du mécanisme de préciput élevé, versé aux établissements lauréats d’un appel à projets, mis en place par la loi de programmation de la recherche ([204]). En complément du financement des projets de recherche, l’ANR verse un abondement financier aux établissements gestionnaires et hébergeurs des projets sélectionnés, à hauteur de 30 % des coûts des projets en 2023 ([205]), dans la continuité des évolutions apportées les années précédentes ([206]).

 

Néanmoins, il faut veiller à ce qu’un préciput élevé ne contribue pas, par un effet d’aubaine, à maintenir dans une moindre performance certaines équipes partageant des espaces et équipements avec des équipes lauréates d’AAP, l’abondement de crédits résultant du préciput leur permettant en effet de bénéficier collectivement des apports de l’abondement de crédits.

En troisième lieu, l’ANR pourrait être le lieu de regroupement d’une bibliothèque d’experts par thématique, avec une grille d’analyse qui prenne en compte non pas la seule publication mais aussi l’impact de la découverte par exemple pour la clinique sur le parcours patient. L’ANR ne doit pas se cantonner à être une simple agence de financement mais jouer pleinement un rôle d’animateur capable d’accompagner les projets dans leur maturation.

Enfin, même s’il apparaît que les choses ont considérablement évolué avec la LPR 2020, qui permet désormais à l’ANR d’afficher un taux de réussite aux AAP de l’ordre de 25 %, loin des 10 % d’il y a quelques années, les auditions ont néanmoins montré la persistance de certains « réflexes » de précaution des chercheurs à l’égard des AAP.

En effet, souvent encore, les chercheurs répondent aux AAP avec des projets de recherche commencés, « ficelés », voire déjà quasi aboutis pour certains, pour être assurés de contrer le risque d’échec de financement. Dans le même registre, afin de réduire le risque de refus, il est fréquent que les chercheurs présentent des projets de recherche consensuels, correspondants aux mouvements de « mode » du moment, à rebours des principes de la recherche fondamentale qui reposent sur la créativité, l’exploration et la rupture. Il est souhaitable que la hausse des taux de réussite aux AAP (cible à 30 %) et la multiplication des AAP génériques réduisent ce type de comportement.

D.   INTERROGER L’ORGANISATION DE LA VALORISATION DES ACTIVITÉS DE RECHERCHE

Vecteur de synergies entre la recherche académique et le monde industriel, plus particulièrement les biotechs et les entreprises pharmaceutiques pour ce qui concerne la recherche biomédicale, la valorisation de la recherche est une composante essentielle de la capacité innovante d’un pays.

Quelle que soit sa forme (entreprenariat des chercheurs, transfert de technologie, recherche partenariale, etc.), la valorisation de la recherche fait l’objet depuis nombreuses années d’une politique volontariste des pouvoirs publics. L’intensification des interactions de la recherche publique avec les entreprises est une priorité nationale, notamment via le transfert des résultats de la recherche académique vers le monde socio-économique. En attestent tant les crédits budgétaires qui y sont consacrés que la multiplicité des dispositifs mis en place pour accompagner les scientifiques et les industriels ([207]).

L’organisation de la valorisation reste cependant d’une grande complexité. Les différents types de valorisation, la diversité des acteurs et l’accumulation des dispositifs, agissant tantôt en complémentarité, tantôt en concurrence (offices de valorisation des EPST, Satt, CVT, fonds d’amorçage, incubateurs, pôles d’innovation, pôles de compétitivité, etc.), la technicité intrinsèque des étapes de la chaîne de valeur, les aspects juridiques liés aux droits de propriété intellectuelle, notamment en cas de copropriété, ou encore les relations avec les partenaires industriels, sont autant de sujets qui ne facilitent pas une compréhension rapide de cet objet par une grande partie des chercheurs et des industriels.

Convaincu de l’importance de cette politique publique, le rapporteur pour avis souhaite mettre en lumière les points suivants.

1° L’objectif de professionnalisation des acteurs en matière de transfert de technologie a progressé avec la mise en place des Satt, par le développement de leurs compétences dans le domaine du « licensing » et de la propriété intellectuelle. Des établissements (ONR, universités) ont par ailleurs pris conscience des intérêts de la valorisation, inscrivant cette priorité dans leur gouvernance, renforçant à dessein leur structure interne de valorisation ([208]), et organisant leur articulation avec les structures externes de transfert (notamment les Satt) sur la chaîne de la valeur, de la détection à la relation avec le partenaire industriel.

2° En revanche, l’objectif de régulation du secteur du transfert de technologie par le déploiement des Satt en 2010, initiées pour contrer la dispersion excessive des structures d’alors, ne semble pas complètement atteint. Il subsiste encore un nombre considérable de services et structures de transfert de technologie, implantés dans les organismes de recherche, les universités, etc. 

Il en résulte une impression de complexité organisationnelle, laquelle peut s’avérer un frein à la valorisation. S’il existe de nombreux outils de financement du pré-amorçage et de maturation pour les jeunes entreprises (start-up), la lisibilité des guichets de financement reste au final ardue, chaque acteur de la valorisation se positionnant sur tout ou partie de la chaîne de valeur. Sur un même territoire, de nombreuses structures d’appui peuvent couvrir la chaîne de l’innovation, allant de la détection à l’accélération, en passant par la maturation, l’incubation et la création de start-up, sans que ni les périmètres de chacun ni l’articulation entre tous ces acteurs ne paraissent évidents ([209]).

S’il ressort des auditions que, en règle générale, la détection et la pré maturation relèvent pour beaucoup des services de valorisation internes aux établissements tandis que les Satt demeurent pour l’essentiel positionnées sur la maturation et la gestion de la propriété intellectuelle ([210]), cette règle de répartition n’est pas absolue. Tous les schémas d’organisation semblent coexister, de la gestion intégrale de la valorisation confiée à une Satt ([211]), conformément à l’objectif initial de leur création, jusqu’à la compétence exclusive d’une structure interne à un établissement sur l’ensemble du processus de valorisation (ex : Inserm Transfert).

3° Si toutes ces structures permettent de promouvoir et faciliter le dépôt de brevets, il semble toutefois qu’une part importante de ces derniers soit toutefois abandonnée en raison de preuves de concept trop peu robustes. Il conviendrait par ailleurs de faire évoluer le système de valorisation de la recherche et de promotion des investissements privés pour permettre à davantage de start-up prometteuses de franchir la « vallée de la mort », alors qu’elles font face à un problème persistant de prise de risque, y compris de la part des structures relevant de l’État qui ont un objectif de rentabilité. Cet objectif des structures de transfert de technologie, notamment les Satt, peut en effet produire à moyen terme des effets pervers dès lors qu’une telle contrainte peut les amener à se détourner d’innovations à faible maturité ou, au risque de mettre en péril le modèle économique naissant, à « ponctionner » de manière excessive le produit de l’innovation.

C’est pourquoi le rapporteur pour avis tient à rappeler, comme y ont invité nombre de rapports récents, que l’objectif principal de la politique de valorisation est de contribuer à la création de richesses et d’emplois sur le territoire national et dans l’espace européen. De certaines auditions ressort en effet le constat que la valorisation est souvent perçue comme un moyen de capter un « retour sur investissement » à court ou moyen terme. En l’espèce, et particulièrement lorsqu’il s’agit de jeunes entreprises dans le domaine de la recherche biomédicale, exiger un retour financier trop rapidement est susceptible d’inquiéter voire de dissuader les investisseurs d’accompagner financièrement des start-up, et in fine de mener à un risque d’un échec préjudiciable à l’ensemble des parties prenantes.

S’il est bien entendu nécessaire, lorsqu’une innovation issue de la sphère publique contribue à créer de la richesse, de veiller à ce qu’un juste retour financier revienne aux acteurs ayant financé la recherche, il importe de ne pas en faire un postulat applicable à tout moment, au risque d’être contre-productif ; la volonté de retour sur investissement est trop souvent en décalage avec les besoins financiers de la start-up. Ayant rappelé que l’objectif de rentabilité ne doit pas être une fin en soi, le rapporteur pour avis, à l’instar d’autres rapports ([212]), plaide pour que l’objectif de rentabilité des Satt soit supprimé.

5° La culture entrepreneuriale des chercheurs a progressé mais nécessite encore d’être améliorée et renforcée, dès le stade des études universitaires. Par ailleurs, ces activités de valorisation gagneraient à être mieux prises en compte par le système d’évaluation des activités des équipes de recherche. Les PUI doivent y contribuer.

6° Enfin, pour tous les points abordés ci-avant, le rapporteur pour avis appelle de ses vœux à une meilleure connaissance du panorama des acteurs de la valorisation par territoire. Il est en effet souhaitable de disposer d’un état de lieux des acteurs avec, pour chacun, leur périmètre d’intervention et leur positionnement sur la chaîne de valeur, sorte de recensement des structures de valorisation avec leurs indicateurs et leur modèle économique.

Par ailleurs, cet état des lieux devra faire un point sur les délais d’aboutissement des procédures de valorisation. Les auditions n’ont en effet pas permis au rapporteur pour avis de se faire une idée exacte du délai moyen requis pour faire aboutir un dossier de transfert de technologie. Des délais anormalement longs de deux ans, voire plus, ont été évoqués, en apparente contradiction avec la possibilité pour le mandataire unique, depuis la loi Pacte de 2019, de conclure avec le partenaire industriel en l’absence d’accord de répartition des droits entre les établissements de recherche copropriétaires. Ceci doit en conséquence amener à s’interroger sur l’application effective des dispositions de loi Pacte relative au mandataire unique ; à titre d’illustration, le rapport de la Cour des comptes sur Inserm Transfert, établi en 2022, fait état d’environ un tiers des 307 laboratoires de l’Inserm sans mandataire unique ([213]).

Cette étude pourrait notamment être confiée à la cellule de pilotage de valorisation-transfert de la direction interministérielle à la recherche et à l’innovation en santé proposée ci-avant.

En conclusion, l’accroissement des connaissances scientifiques doit permettre l’accélération de la production d’innovations en France, à condition toutefois que son interface avec les acteurs de la valorisation et du transfert soit rendue plus lisible et plus efficace, permette la création d’activités nouvelles ou le renforcement d’acteurs existants (innovation ouverte), et évite que de potentiels délais insoutenables conduisent les entreprises françaises à préférer négocier hors du territoire national. L’objectif du continuum recherche est d’améliorer qualitativement la santé de notre population, en offrant aux patients les meilleures solutions thérapeutiques possibles, en particulier pour des besoins médicaux non couverts.

E.   renforcer le lien entre la recherche biomÉdicale et La PRÉVENTION SANTÉ

En matière de prévention santé, les sciences humaines et sociales devront être pleinement mobilisées et intégrées dans la recherche en biologie santé pour une véritable compréhension des phénomènes sanitaires et pour renforcer l’efficience des avancées et des innovations scientifiques. De même, associer pleinement les patients et leurs représentants s’impose comme un impératif de démocratie sanitaire qui contribue également à renouer des liens de confiance en toute transparence avec les décideurs et à résorber les inégalités d’accès aux soins. Plus encore, l’exacerbation des difficultés et des inégalités entre les chercheurs et les équipes de recherche doit pleinement être prise en considération aussi bien dans l’évaluation et les conditions de travail que dans les réalités salariales.

L’analyse des comportements sociaux et individuels en matière de santé humaine ainsi que les conséquences des attitudes anthropiques sur la santé de la biosphère ne peuvent plus être écartés. La circulation et la transmission des maladies, qu’elles soient innées, acquises ou transmises, ainsi que la pollution de l’environnement, s’inscrivent dans des modalités du social. De même, les représentations socio-mentales de la recherche, de l’innovation et plus largement des rapports qu’entretiennent l’ensemble des acteurs (citoyens, patients, corps médical, communauté scientifique, institutions, industriels, etc.) enjoignent à changer de paradigme.

En conclusion, le rapporteur pour avis tient à souligner qu’il est indispensable de ne pas perdre de vue l’objectif premier de l’écosystème de la recherche biomédicale : soigner et améliorer la qualité des soins, et donc de vie, des patients.


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   Travaux de la commission

I.   AUDITION DE LA MINISTRE

Lors de sa réunion du jeudi 26 octobre 2023 à 9 heures 30 ([214]), la commission auditionne, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024 (n° 1680  seconde partie), Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Nous achevons aujourd’hui l’examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2024, avec la mission Recherche et enseignement supérieur, en accueillant Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche. Notre commission a désigné deux rapporteurs pour avis sur la mission : M. Philippe Berta sur la recherche et M. Hendrik Davi sur l’enseignement supérieur et la vie étudiante. La partie budgétaire de leur projet de rapport pour avis a été adressée hier aux membres de la commission. Ils ont aussi consacré une part importante de leurs travaux à un thème : la recherche publique en biologie-santé pour M. Berta et l’enseignement supérieur privé pour M. Davi. Ils nous présenteront leurs principales conclusions.

Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche. En cette rentrée universitaire et scolaire, c’est un plaisir d’être devant votre commission pour évoquer le budget pour 2024 du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche (MESR). Celui-ci est en augmentation, avec 1,2 milliard d’euros de moyens nouveaux par rapport au tendanciel, soit une hausse de 20 % par rapport à 2017, et de 8 % depuis 2022.

Tout d’abord, le budget pour 2024 vise à aider plus et mieux les étudiants. Les engagements que j’ai pris devant le Parlement – devant vous – sont tenus. Ainsi, le PLF traduit les mesures annoncées en avril. Elles apportent plus de 500 millions d’euros d’améliorations au système de bourses sur critères sociaux et à l’accès à la restauration et au logement. Elles comprennent, d’une part, la première étape de la réforme des bourses, avec plus de 400 millions d’euros en plus en 2024, et, d’autre part, la pérennisation du repas à 1 euro pour les étudiants boursiers et précaires, ainsi que le gel des tarifs de restauration et des loyers par les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous). Ces mesures sont entièrement compensées au centre national des œuvres universitaires et scolaires (Cnous), à hauteur de 70 millions d’euros annuels.

En cette rentrée, nos étudiants perçoivent ces bourses sur critères sociaux revalorisés, avec un investissement historique – il était plus que nécessaire – dans le contexte d’inflation que nous connaissons. Cette réforme va au-delà d’une simple revalorisation des montants de chaque échelon : nous nous attaquons également aux effets de seuil, et nous renforçons les aides aux étudiants en situation de handicap ou aidants.

Le PLF pour 2024 comporte aussi une hausse de 25 millions d’euros – soit plus de 25 % – des dotations d’investissement du Cnous pour construire et rénover les restaurants et les résidences universitaires. Ces crédits permettront en particulier de poursuivre la réhabilitation des places d’hébergement, avec un objectif et un engagement de 12 000 rénovations d’ici à 2027, conformément aux annonces de la Première ministre dans le cadre du Conseil national de la refondation (CNR) jeunesse.

Conformément à la loi du 13 avril 2023 visant à favoriser l’accès de tous les étudiants à une offre de restauration à tarif modéré, dite loi Lévi, 25 millions d’euros permettront de développer la restauration, via de nouveaux conventionnements avec des organismes partenaires et la mise en place progressive d’une aide financière pour « faire le dernier kilomètre », pour les étudiants qui n’auraient, malgré cela, aucune solution collective de proximité.

Le Cnous recevra également une dotation de 5 millions d’euros, en raison de l’augmentation des coûts de fonctionnement liés à l’ouverture de nouvelles places de restauration ; il recrutera trente-huit agents supplémentaires. Par ailleurs, une enveloppe de 10 millions d’euros sera prévue pour le renforcement de l’accompagnement des étudiants en situation de handicap, conformément aux annonces du Président de la République lors de la Conférence nationale du handicap (CNH).

Deuxièmement, le budget pour 2024 permettra aussi de soutenir la recherche et les chercheurs, en confirmant, cette année encore, la trajectoire en crédits et en emplois de la loi de programmation de la recherche (LPR), soit 468 millions d’euros supplémentaires sur le périmètre du MESR et même 500 millions d’euros si on y inclue les crédits pour la recherche spatiale du programme 193.

Ces crédits financeront : des revalorisations salariales, avec 138 millions d’euros supplémentaires ; des recrutements additionnels de chercheurs, soit un schéma d’emplois supplémentaires équivalent à 650 équivalents temps plein (ETP) – notamment des doctorants et des chaires de professeur junior – correspondant à une hausse de 91 millions d’euros ; au-delà du schéma d’emploi de la LPR, soixante-treize nouveaux recrutements seront également autorisés pour la recherche sur le nucléaire civil au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) ; des projets de recherche, en particulier ceux sélectionnés par l’Agence nationale de la recherche (ANR), dont le budget augmentera de 123 millions d’euros ; des investissements dans les équipements, les organisations scientifiques internationales et les organismes de recherche, pour 52 millions d’euros ; diverses autres mesures concernant la recherche, pour un montant en hausse de 65 millions d’euros.

Troisièmement, le budget pour 2024 vise également à accompagner les transformations des universités. Une enveloppe de 15 millions d’euros sera consacrée au financement de la troisième année du bachelor universitaire de technologie (BUT) et à l’ouverture de nouveaux départements d’instituts universitaires de technologie (IUT), renforçant l’accès à l’enseignement supérieur dans tout le territoire. Les financements alloués aux études de santé seront aussi en hausse, de 7 millions d’euros.

Nous poursuivrons également le déploiement des contrats d’objectifs, de moyens et de performance (COMP), avec une deuxième vague de quarante-deux nouveaux établissements signataires, après la première vague de trente-six établissements en train de s’achever. Chaque année, 100 millions d’euros seront alloués à tous les établissements dans le cadre de ce dialogue stratégique de performance rénové.

Enfin, ce budget vise enfin à soutenir le pouvoir d’achat, dans un cadre budgétaire contraint. Le contexte des finances publiques est tendu et l’inflation reste importante, même si elle ralentit ; la dette de la France s’alourdit. Dans ce contexte, le Gouvernement accompagne les Français, notamment les agents publics. Le ministre de la Transformation et de la fonction publiques a annoncé différentes mesures, notamment ciblées sur les agents des catégories B et C, visant à préserver le pouvoir d’achat de tous les fonctionnaires. Une enveloppe de 215 millions d’euros sera ouverte pour compenser ces revalorisations salariales, annoncées en juin 2023 : elle permettra de couvrir au moins 50 % des surcoûts liés aux mesures de point d’indice pour tous les établissements et d’apporter des soutiens plus ciblés pour les plus fragilisés. Le Cnous et les Crous feront quant à eux l’objet d’une compensation intégrale, comme en 2022 et en 2023.

Pour le reste, compte tenu de leurs réserves financières, les établissements sont appelés à un effort exceptionnel en 2024. La situation financière de nos établissements, qui affichent des niveaux de fonds de roulement et de trésorerie disponibles importants, en croissance depuis plusieurs années, doit leur permettre d’absorber un tel effort. Les réserves disponibles sont estimées à environ 1 milliard d’euros pour les établissements d’enseignement supérieur, et 300 millions d’euros pour les organismes de recherche, soit un niveau très supérieur à l’effort exceptionnel qui leur est demandé. Je parle bien ici des réserves financières, qui sont, d’après les données transmises par les établissements eux-mêmes, libres de tout emploi ; cela exclut les investissements, qu’ils soient déjà engagés ou simplement programmés. C’est pourquoi j’ai demandé aux établissements de mobiliser leurs réserves, mais de le faire sans renoncer aux projets en cours. Je tiens à vous assurer, comme je l’ai fait devant les présidents d’universités et d’écoles, que nous serons attentifs aux situations particulières liées à un paysage hétérogène des établissements. Le choix a été fait de compenser à hauteur de 50 % l’ensemble des établissements pour 2024, pour conserver les marges nécessaires pour apporter des soutiens supplémentaires aux établissements qui seraient dans une situation critique.

J’en viens aux dotations d’investissement, en hausse dans le budget pour 2024. En effet, les contrats de plan État-Régions se déploient. Pour mémoire, 1,2 milliard d’euros seront attribués aux établissements du MESR sur la période 2021-2027, la montée en charge des projets continuant l’an prochain. Les établissements de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR) bénéficieront de la hausse de 0,6 milliard d’euros de l’enveloppe interministérielle consacrée à la rénovation des bâtiments de l’État, annoncée par la Première ministre. Par ailleurs, nous allouerons des financements pluriannuels spécifiques pour des projets emblématiques, comme le campus hospitalo-universitaire à Saint-Ouen, le Paris Santé Campus sur le site du Val-de-Grâce, ou encore le Centre national de la matière extraterrestre sur le site du Jardin des Plantes, dépendant du Muséum national d’histoire naturelle (MNHN).

Enfin, en dehors de la mission Recherche et enseignement supérieur, les établissements du MESR continueront également de bénéficier de financements extrabudgétaires importants, en particulier ceux de France 2030. Cela est notamment le cas dans le champ de la biologie santé. Sur ce sujet, Aurélien Rousseau, Roland Lescure et moi-même avons missionné Anne-Marie Armanteras de Saxcé et Manuel Tunon de Lara pour renforcer nos actions dans ce domaine. Les conclusions de M. le rapporteur pour avis sur ce sujet viendront également nourrir utilement nos réflexions et nos actions.

Mesdames et messieurs les députés, les grands défis que nous devons relever restent les mêmes. Ils sont écologiques, technologiques, industriels et sociétaux. Pour y faire face, les contributions de l’enseignement supérieur et de la recherche sont essentielles. La France doit demeurer cette grande nation scientifique, qui découvre, qui forme aux métiers d’aujourd’hui et de demain, qui innove et attire les talents dans un paysage international complexe, mouvant et compétitif. Le budget pour 2024 du ministère répond à ces défis de façon responsable, en respectant les engagements pris et en permettant de relever les défis qui nous attendent.

M. Philippe Berta, rapporteur pour avis (Recherche). Le budget de la recherche s’inscrit cette année encore dans une trajectoire ascendante et amplifie la hausse des moyens qui avait marqué la loi de finances initiale pour 2023. En 2024, le budget du MESR progresserait de près de 794,13 millions d’euros par rapport à la loi de finances pour 2023, hors financements issus du plan de relance et de France 2030. Cette évolution positive est à noter. Elle permet la hausse des crédits alloués en faveur de la recherche. La mission Recherche et enseignement supérieur connaît une hausse de 3,55 % en autorisations d’engagement et de 3,29 % en crédits de paiement, soit respectivement 1 042,18 millions d’euros et 1 012,96 millions d’euros.

Je tiens donc à souligner la poursuite des efforts en faveur du budget affecté à la recherche, lesquels résultent de la quatrième année d’application de la LPR – article 2 – et de sa trajectoire, que le Gouvernement respecte : les crédits du programme Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires ont ainsi augmenté de 1 109 millions d’euros entre 2020 et le PLF pour 2024.

Ces ressources ont notamment participé à la mise en œuvre de l’amélioration des rémunérations des personnels, à hauteur de 258 millions d’euros entre 2020 et ce qui est prévu pour 2024. La LPR a amorcé l’engagement d’un vaste plan de revalorisation indemnitaire, de 644 millions d’euros, en sept tranches annuelles de 92 millions d’euros, ainsi qu’un effort de convergence des différents régimes indemnitaires de l’enseignement supérieur et de la recherche. En 2024, le montant indemnitaire de base augmenterait de près de 3 000 euros brut par an par rapport à 2020, avec une revalorisation cible de 6 400 euros brut par an en 2027.

De plus, la LPR prévoit de porter la rémunération minimale brute des doctorants financés par le MESR à 2 300 euros par mois. L’arrêté du 21 décembre 2022 a déjà porté cette rémunération à 2 044 euros brut par mois, à compter du 1er janvier 2023. Cette hausse bénéficie aux nouveaux doctorants, ainsi qu’à ceux déjà recrutés. La LPR a par ailleurs permis d’augmenter le nombre de nouveaux recrutements.

À ces montants s’ajoutent les crédits ouverts dans les missions Plan de Relance et Investir pour la France de 2030, dont certaines actions entrent dans le champ de la recherche.

L’augmentation des crédits est importante, notamment celle des revalorisations – plus que nécessaires –, qui devront être poursuivies. Je souhaite cependant appeler votre attention sur le risque accru de tension budgétaire pesant sur les différentes structures, tant du fait de la hausse des prix de l’énergie et de l’inflation qu’en raison du reste à charge associé aux revalorisations indemnitaires.

Même s’il est envisagé de revaloriser les subventions versées aux organismes à ce titre, de 45 millions d’euros en 2024, cette somme ne représenterait que 50 % du surcoût – 60 % pour les opérateurs les plus fragilisés, grâce à des abondements additionnels. Aussi la demande « d’efforts en responsabilité » qui leur est adressée par le Gouvernement ne saurait être pérenne, les réserves financières des entités concernées n’étant pas illimitées et leurs fonds propres ayant vocation à couvrir d’autres types de dépenses.

Je réitère également mon interrogation sur l’opportunité de réduire la durée de programmation de la LPR à budget constant, en la faisant passer de dix à sept ans, afin d’accroître plus significativement encore le budget de la recherche et de faire en sorte que sa mise en œuvre s’achève avec cette législature et le quinquennat présidentiel.

J’estime toutefois que le présent projet de budget poursuit le rattrapage – ô combien nécessaire – pour maintenir une recherche française de haut niveau, dont nous avons collectivement tant besoin. J’émets donc un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Recherche et enseignement supérieur du projet de loi de finances pour 2024.

Au-delà des aspects budgétaires, la partie thématique de mon rapport – fondée sur quarante-trois auditions et plus d’une centaine de personnes entendues – a pour objet une proposition pour l’évolution de notre modèle d’organisation de la recherche en biologie santé en France. La recherche biomédicale française n’a jamais bénéficié d’un pilotage transverse clair, intégrant recherche fondamentale, recherche clinique, recherche translationnelle, valorisation-transfert, industrie et patient et englobant l’ensemble des acteurs de la chaîne de valeur, par souci de coconstruction. En ce début de siècle, cette réflexion se doit d’être élargie à la santé globale – One Health ; si la pandémie du covid en fut le rappel, la liste des zoonoses considérées comme susceptibles de nous menacer est impressionnante.

Différents marqueurs constituent l’appel à cette organisation nouvelle : la crise du covid, marqueur de nos défaillances ; le discours du Président de la république à l’Institut Curie, le 16 mai dernier, incite à une telle réflexion ; notre classement international, passé, selon l’Observatoire des sciences et techniques (OST), de la sixième à la dixième place sur le volet publications, et à la seizième pour l’innovation ; une multiplicité d’acteurs qui travaillent en silos et multiplient les tutelles ministérielles – Centre national de la recherche scientifique (CNRS), Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), Institut de recherche pour le développement (IRD), Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer), Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), Instituts Pasteur, Institut Gustave Roussy, Institut Curie, instituts hospitalo-universitaires (IHU), universités ou encore centres hospitaliers universitaires (CHU) ; une traduction sur l’aval de la chaîne de valeur à travers la balance commerciale pharmaceutique, qui nous positionne désormais à la neuvième place européenne.

La difficulté de lisibilité de notre système de recherche en biologie santé se retrouve également dans son mode de financement, lié au ratio entre crédits « socle » et crédits contractuels, trop déséquilibré, et à la multiplicité des sources de financement, en raison des outils des différents programmes d’investissements d’avenir (PIA), et de ceux, plus récents, de France 2030.

Cette illisibilité met à mal le travail des chercheurs, qui doivent consacrer beaucoup trop de temps à la recherche de crédits et au volet administratif. Il semble nécessaire de réduire le nombre d’appels à projets au profit de contrats mieux dotés, sachant tenir compte du temps long, nécessaire à la recherche en biologie santé. Les outils de valorisation-transfert présentent la même difficulté, leur multiplicité conduisant à des situations de compétition, loin du mandat unique souhaité par la loi, dite Pacte, relative à la croissance et la transformation des entreprises.

Au niveau national, les enjeux sont multiples : un besoin de coconstruction, de transversalité et de santé globale, de travail interministériel, une nécessité de savoir qui fait quoi, mais aussi de susciter des collaborations et des échanges public-public et public-privé. Tout cela ne peut se faire qu’à partir d’un outil de pilotage intégrateur et transministériel, qui ne doit pas être délégué à tel ou tel organisme de recherche, mais à une direction indépendante et sans risque de conflit d’intérêts.

Cette direction nouvelle, que de nombreux acteurs appellent de leurs vœux, devra couvrir toute la chaîne de valeur en santé et être connectée aux diverses agences de programmation, de financement, d’évaluation, d’outils de valorisation-transfert, mais aussi aux scientifiques, académiciens, industriels, représentants de patients et à l’ensemble des acteurs de la recherche biomédicale – instituts, organismes nationaux de recherche (ONR), fondations, CHU, universités, etc.

L’agence de l’innovation en santé (AIS), mise en œuvre suite au Conseil stratégique des industries de santé (CSIS) de 2021, trouve un véritable écho auprès des nombreux acteurs précités, car elle est à ce jour l’unique interface entre les ministères chargés de la santé, de la recherche et de l’industrie. Je propose de revisiter l’AIS, afin de lui donner de nouveaux moyens, de pérenniser ses actions au-delà de 2030 et d’élargir ses compétences, en y intégrant une direction de programmation en lien avec les organismes, les agences de financement et de veille sanitaire. Afin qu’elle prenne toute sa légitimité auprès des acteurs institutionnels et décisionnaires, de la communauté scientifique et du monde entrepreneurial, elle se doit d’être une autorité indépendante et rattachée directement à Matignon.

S’agissant du volet financement, l’ANR bénéficie désormais, grâce à la LPR, de financements accrus ; elle a su s’inscrire dans le paysage de la recherche française. Elle finance déjà 24 % des projets présentés, et a un objectif d’environ un tiers pour 2024. On ne peut que suggérer que le travail entrepris, qui consiste à regrouper les types de financement variés – caritatifs, publics et hospitaliers – soit poursuivi et amplifié, puis rendu accessible sous forme d’un guichet unique multiportail, en simplifiant et uniformisant les modes de candidatures comme ceux d’évaluation. 

Concernant la valorisation-transfert des résultats et des produits issus de la recherche, il existe des systèmes propres à chaque établissement impliqué dans la recherche en biologie santé, complétés par des sociétés d’accélération et de transfert de technologies (SATT) créées par le premier plan d’investissement d’avenir, dans chaque région scientifique française. On note la faiblesse de coordination de ces différentes structures dans certains territoires. Les pôles universitaires d’innovation (PUI), très récemment mis en place, pourraient former des sites d’animation, de formation et de coordination territoriaux de ces différents acteurs, pour permettre une meilleure définition et distribution des rôles de chacun, pour la détection de projets innovants, leur validation, leur prématuration et leur maturation. Il est à noter que certains établissements, tels que l’Institut Curie ou certains IHU – Institut Imagine, Institut du cerveau ICM –, ont déjà su simplifier ces procédures et peuvent être utilisés comme modèles.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis (Enseignement supérieur et vie étudiante). J’ai l’honneur de vous présenter l’avis que je rends, au nom de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation, sur les crédits de l’enseignement supérieur et de la vie étudiante. Je remercie vivement l’ensemble des personnes auditionnées, qui nous ont fourni des éléments d’analyses précieux.

Je rappellerai, au préalable, quelles sont selon moi les missions de l’université. Elle est le lieu de production et de transmission d’un savoir critique en perpétuelle construction : recherche scientifique et transmission du savoir sont deux missions de l’université indissociables l’une de l’autre. L’université n’est pas le simple lieu de formation des étudiants à un portefeuille de compétences qui augmenterait leur employabilité : elle joue un rôle central dans l’émancipation des futurs citoyens, car je fais le pari que le savoir libère. L’université constitue aussi un pilier de notre démocratie. En effet, sans citoyens éclairés, dans un monde de plus en plus complexe, l’exercice de la citoyenneté est imparfait.

Il est donc essentiel de défendre et de refonder un service public de l’enseignement supérieur et de la recherche. Or, le manque chronique de moyens et le management toxique, qui organise la concurrence entre tous les acteurs, affaiblissent nos universités. Sur ce terreau se développe un nouveau marché du savoir, avec l’explosion des formations privées dans l’enseignement supérieur, qui prospèrent sur l’illusion selon laquelle il est possible de former des salariés une fois pour toutes prêts à l’emploi.

Je présenterai d’abord les principales caractéristiques du budget 2024 du programme 150, Formation supérieure et recherche universitaire, et du programme 231, Vie étudiante, avant d’aborder la partie thématique de mon avis budgétaire, qui concerne le développement très préoccupant de l’enseignement supérieur privé.

Avec environ 15,27 milliards d’euros d’autorisations d’engagement et près de 15,18 milliards d’euros de crédits de paiement, le programme 150 constitue l’enveloppe la plus importante de la mission Recherche et enseignement supérieur. Ces montants sont respectivement en augmentation de 0,47 % et de 1,83 % par rapport à 2023. La hausse des crédits découle de la revalorisation des rémunérations prévue par la LPR, à hauteur de 141,7 millions d’euros, et de nouvelles mesures en faveur du personnel pour 155 millions d’euros.

Ces augmentations sont en réalité en trompe-l’œil et très insuffisantes, car elles ne compensent que très partiellement l’impact de l’inflation. Calculé en euros constants, le budget du programme 150 est en réalité en baisse de 0,77 % par rapport à l’année précédente. De plus, l’État ne compense que la moitié des dépenses supportées par les universités pour mettre en œuvre les mesures de revalorisation salariales annoncées en juin ; elles sont censées financer le reste à partir de leurs ressources propres. Le Gouvernement risque ainsi de mettre en difficulté de nombreuses universités, dont les deux tiers pourraient se retrouver déficitaires dès 2023, selon France Universités. Cela est d’autant plus problématique que les universités sont confrontées à une augmentation très significative de leurs dépenses énergétiques, qui ne sont pas non plus compensées par l’État, dans le cadre du PLF pour 2024. En ponctionnant les fonds de roulement des universités, le Gouvernement fait des économies au détriment de leurs capacités d’investissement, risquant de freiner les projets de rénovation thermique, pourtant essentiels pour assurer des conditions d’accueil décentes et pour engager la planification écologique.

Il est d’autres sujets d’alerte concernant le programme 150. Je déplore globalement l’insuffisance des crédits dévolus aux actions 01, Formation initiale et continue du baccalauréat à la licence, et 02, Formation initiale et continue de niveau master, qui ne permettent pas d’assurer à toutes et tous une place dans la formation de leur choix. Il est également préoccupant que le nombre de doctorants continue de diminuer.

Ces évolutions traduisent une forme de mépris pour le système universitaire. Nous en avons eu une illustration récente lorsqu’interrogé par Hugo Travers, le Président de la République a dénoncé, en évoquant le système universitaire, « un gâchis collectif », insinuant que certaines formations étaient maintenues uniquement pour préserver des postes d’enseignants. Ces propos sont choquants, dans un contexte où la dépense moyenne par étudiant à l’université a baissé de 10 % en euros constants depuis 2013.

J’en viens à la vie étudiante, avec l’analyse des évolutions du programme 231. Pour l’année 2024, le budget de ce programme atteindrait 3,3 milliards d’euros, soit une augmentation significative de 7,05 % en autorisations d’engagement et 6,28 % en crédits de paiement, par rapport à 2023. Ces crédits doivent néanmoins être replacés dans le contexte d’une hausse très significative de la précarité étudiante : 26 % des jeunes âgés de 18 à 24 ans vivent sous le seuil de pauvreté. Selon un sondage réalisé par l’Ifop en septembre 2023, un étudiant sur deux limite ou renonce à des achats alimentaires et a déjà sauté un repas faute de moyens.

Si la hausse des crédits du programme 231 est supérieure au niveau de l’inflation, elle n’est pas à la hauteur des enjeux actuels. Madame la ministre, vous aviez annoncé 500 millions d’euros supplémentaires pour financer le premier acte de votre réforme des bourses ; pourtant, les crédits du programme 231 n’augmentent que de 120 millions d’euros. Lors des auditions, vos services ont indiqué que la réforme serait notamment financée grâce à la baisse du nombre d’étudiants boursiers – une diminution très préoccupante, alors que la précarité étudiante augmente, témoignant des dérives du modèle de notre enseignement supérieur, qui bascule de plus en plus vers un enseignement supérieur privé professionnel. Concernant l’évolution du système des bourses, nous ne saurions nous en tenir à ces évolutions paramétriques, alors qu’une réforme systémique est appelée par tous. Plus profondément, seule une garantie d’autonomie pour les jeunes étudiants permettrait véritablement de supprimer la précarité étudiante, en assurant un niveau de vie au-dessus du seuil de pauvreté.

Les crédits du programme 231 sont par ailleurs largement insuffisants au regard du retard pris dans la construction de logements étudiants, mais aussi concernant les services de santé étudiants. J’émets donc un avis défavorable sur ce projet de budget.

Cette année encore, il témoigne du manque chronique d’investissements dans l’enseignement supérieur, conduisant à une forte augmentation de la place prise par le secteur privé. J’ai souhaité porter mon attention sur cette question dans le cadre de la partie thématique de mon avis.

Depuis 2001, la progression est vertigineuse : le nombre d’étudiants inscrits dans le privé est passé de 291 970 en 2001 – soit 13 % du nombre total d’étudiants –, à 766 811 étudiants en 2022, soit plus de 26 % de l’ensemble, ce qui représente une progression de près de 160 %. Les causes de cette progression rapide du privé sont multiples.

Tout d’abord, la loi relative à l’orientation et à la réussite des étudiants a introduit une sélection plus forte à l’entrée en licence avec la création de Parcoursup. Le nombre de lycéens n’ayant pas obtenu la formation de leur choix oscille entre 105 000 et 125 000, soit entre 17 % et 21 % des bacheliers. Cette sélection, associée au manque de places en licence, a conduit de nombreux étudiants à se reporter sur les offres privées. La même dynamique est à l’œuvre pour les masters : près de 43 000 étudiants n’ont pas obtenu la formation de leur choix en 2023, ce qui représente 21,7 % des éligibles.

Ensuite, la plateforme Parcoursup a offert une vitrine à certaines formations privées : sur les 23 000 formations répertoriées, 13 830 sont publiques, dont 21 % en apprentissage, et 9 289 sont privées, dont 68 % en apprentissage.

Le secteur privé a aussi massivement bénéficié de la réforme de l’apprentissage, sous perfusion de France compétences, dont la dette atteint 11,9 milliards d’euros, et de la marchandisation du secteur, avec un marketing extrêmement agressif et une présence accrue dans les salons étudiants.

Enfin deux anciennes ministres, qui ont joué un rôle fondamental dans la progression de ce secteur, ont cherché à se reconvertir dans des écoles qui ont bénéficié des politiques qu’elles avaient mises en œuvre lorsqu’elles étaient membres du Gouvernement ; cela pose des questions éthiques évidentes.

La progression des formations supérieures payantes entraîne une reproduction et un approfondissement des inégalités sociales entre étudiants, et dilue dangereusement la distinction entre qualifications et compétences. En 2023, la presse a relayé de nombreux cas d’arnaques dans l’enseignement supérieur privé et a documenté la détresse des familles et des étudiants qui en ont été victimes.

Madame la ministre, le groupe de travail que vous avez lancé a proposé des solutions, mais elles sont insuffisantes. Nous devons agir vite, non seulement pour réguler le secteur, mais surtout pour endiguer ce phénomène. Nous ne saurions en effet nous féliciter de cette forte progression du secteur privé.

À court terme, nous devons mieux encadrer le secteur privé. Pour cela, il convient de supprimer de Parcoursup les formations délivrant uniquement des titres professionnels, qui diluent la distinction entre compétences et qualification. Il nous faut systématiser les contrôles, mettre en place une évaluation par l’État des taux d’employabilité des formations professionnalisantes et ne pas s’appuyer sur ceux fournis par les établissements privés, supprimer les financements publics de BPIFrance et interdire le marketing agressif de ces écoles.

À plus long terme, limiter le recours au secteur privé nécessitera obligatoirement de renforcer le secteur public. Il faut pour cela créer plus de 150 000 places dans l’enseignement supérieur, recruter massivement des fonctionnaires, et pour renforcer l’attractivité, revaloriser les salaires d’au moins 15 %. Il faut également renforcer très fortement les IUT notamment parce que les formations courtes sont plébiscitées. Enfin, il faut affirmer le droit à la poursuite des études dans l’enseignement supérieur, en supprimant Parcoursup.

Je me réjouis du fait que, contrairement à l’an dernier, nous puissions examiner l’ensemble du budget dédié à l’enseignement supérieur en commission, le 49.3 devant intervenir ultérieurement.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Anne Brugnera (RE). Les députés du groupe Renaissance se réjouissent de voir une nouvelle fois le budget du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche en hausse pour l’année 2024. Il s’élèvera à 26,6 milliards d’euros, soit une augmentation de 818 millions d’euros par rapport à 2023 ; la hausse par rapport à 2017, de plus de 20 % – j’insiste sur ce point, pour ceux qui nous diront que ce n’est pas assez, voire nous accuseront d’austérité – est quant à elle inédite. Je ne ferai pas ici l’affront de rappeler l’augmentation des crédits dédiés à ce ministère durant les quinquennats précédents.

Ce budget permet de mettre en œuvre nos ambitions en faveur de l’enseignement supérieur de la recherche et de la vie étudiante. Il est particulièrement axé sur l’accompagnement de nos étudiants, avec une augmentation des fonds de plus de 550 millions d’euros : 400 millions d’euros sont destinés à l’amélioration du système de bourses étudiantes, sur critères sociaux, pour cette rentrée. Nous sommes heureux de constater que 35 000 étudiants sont devenus boursiers cette année, ainsi que de voir la bourse de l’ensemble des étudiants augmenter d’un minimum de trente-sept euros par mois. Cette réforme n’est pas encore achevée, nous irons plus loin : vous pouvez compter, madame la ministre, sur l’engagement de la majorité à ce sujet ; notre objectif commun est d’aider plus et mieux nos étudiants.

Dans ce budget, 70 millions d’euros sont fléchés pour pérenniser le repas à 1 euro pour les étudiants boursiers ou précaires et pour geler les tarifs de restauration et de loyer – une réelle satisfaction pour nous qui avons créé le repas à 1 euro lors de la législature précédente. Avec 5 millions d’euros, de nouvelles places en restaurant universitaire (RU) seront ouvertes ; les étudiants éloignés de ces restaurants ne sont pas oubliés, puisque 25 millions d’euros permettront de conventionner des tarifs adaptés dans d’autres restaurants administratifs.

Enfin – un sujet qui me tient à cœur –, une enveloppe de 10 millions d’euros supplémentaires permettra de renforcer l’accompagnement des étudiants en situation de handicap.

L’autre grand volet de ce projet de loi de finances pour 2024 concerne le soutien de la recherche et des chercheurs. Revalorisation salariale, recrutements additionnels, soutien aux projets de recherche : ces investissements dans les équipes, les équipements et les organismes de recherche bénéficieront, en 2024, de 468 millions d’euros de crédits supplémentaires. Ils résultent de la LPR – notre groupe est très vigilant quant à sa mise en œuvre – et sont indispensables pour donner des perspectives et des ambitions fortes à notre recherche.

Le troisième axe de ce budget concerne nos universités et leurs projets. Nous saluons la hausse de 15 millions d’euros destinée à financer la troisième année de BUT et de nouvelles places en IUT, ainsi que les 7 millions d’euros supplémentaires prévus pour financer les études de santé et leur réforme.

Dernier montant significatif, l’enveloppe de 215 millions d’euros qui permettra de compenser – en partie seulement – les revalorisations salariales de 2023. Si je salue la nécessaire augmentation du point d’indice, je regrette que cette compensation ne soit que partielle.

Le déploiement de ces crédits répond aux ambitions et aux défis de l’enseignement supérieur et de la recherche : lutter contre la précarité des étudiants, renforcer leur accompagnement, soutenir le réseau des Crous, mieux valoriser notre recherche et nos chercheurs, accompagner nos établissements dans leurs évolutions. Aussi le groupe Renaissance votera-t-il les crédits de la mission recherche et enseignement supérieur. Néanmoins, madame la ministre, nos universités devront mobiliser leurs ressources propres pour financer la hausse du point d’indice : quelles aides et garanties peuvent-elles leur être apportées, s’agissant notamment du financement de leurs projets immobiliers – rénovation énergétique, remplacement de bâtiments souvent datés – visant à améliorer le confort des étudiants et des enseignants-chercheurs, de leur facture énergétique et de la transition écologique ?

M. Roger Chudeau (RN). Votre ministère célèbre une augmentation du budget de 3,9 % mais une inflation de 5,7 % relativise tout de même quelque peu cette progression. La recherche française est mondialement reconnue, comme en témoignent nos récents prix Nobel et les médaillés Fields. Nous disposons d’un fort potentiel scientifique et de personnels de haut niveau. Votre projet de budget vise à conforter cet état de fait. Dont acte.

Je tiens cependant à relever un certain nombre d’angles morts préoccupants car ils pourraient obérer le développement de notre recherche dans un contexte de concurrence mondiale exacerbée.

Premièrement, la dépense intérieure en recherche et développement stagne depuis des années à 2,2 % ou 2,4 % du PIB, loin des 3 % de la stratégie de Lisbonne. Les Allemands y consacrent 3 % de leur PIB et visent désormais 3,5 %. Pourquoi un tel décrochage ?

Deuxièmement, en amont de la recherche, il y a évidemment l’enseignement supérieur proprement dit. Or, que lit-on dans le programme 150 ? Vous fixez une cible de 50 % de réussite en première année de licence et de 44 % de réussite de la licence en trois ou quatre ans. Ce n’est pas très sérieux. Ce n’est plus un défaut d’ambition : c’est presque une démission. Le document budgétaire explique que les choses s’améliorent grâce à Parcoursup. Que l’une des 21 000 formations de l’algorithme soit proposée à 95 % de bacheliers ne produit manifestement pas d’effet pour réussir en licence. Le baccalauréat, vous le savez, est largement vidé de son sens. Dépourvu de valeur académique, il ne qualifie plus vraiment pour l’enseignement supérieur. Nous préconisons donc une véritable année de propédeutique pour des bacheliers qui sont pour la plupart d’entre eux incapables de suivre en première année de licence.

Troisièmement, une note du centre d’initiation à l’enseignement supérieur (CIES) et le dernier rapport sur l’emploi scientifique en France montrent que le nombre de doctorants stagne depuis des années et signalent une baisse globale de 10 % en dix ans. L’objectif de 20 000 docteurs par an en 2025 fixé par la stratégie nationale de l’enseignement supérieur de 2015 est loin d’être atteint puisque nous en sommes à peu près à 15 700. Le recrutement d’enseignants-chercheurs a quant à lui chuté de 3 613 en 2011 à 2 199 en 2022. Certes, l’emploi scientifique connaît une embellie aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé mais, si l’amont est défaillant, cette embellie sera de courte durée. Quelle est votre politique en la matière ?

Quatrièmement, s’agissant des publications et du rayonnement scientifiques, au programme 172, les développements du programme de performance font état d’« une stabilité depuis 2018 du volume de nos publications scientifiques » et d’une « tendance baissière qui ne peut être enrayée ». L’indicateur d’impact des publications françaises se situe un peu en dessous de la moyenne mondiale alors que nous sommes la sixième puissance du monde.

Cinquièmement, la question de la condition étudiante est à nos yeux un véritable crève-cœur pour la nation. La France ne doit pas s’accommoder de la paupérisation des étudiants. Peut-être faudrait-il un changement systémique de paradigme ? Ne faudrait-il pas se saisir de la question étudiante sur un plan interministériel, au sein d’une délégation regroupant les ministères chargés du logement, des affaires sociales, du travail, de la santé, de l’éducation et de l’enseignement supérieur ?

Votre politique subit beaucoup trop les contraintes liées à des considérations budgétaires et financières d’origine maastrichtienne. Ces contraintes devraient s’effacer au regard des enjeux stratégiques et de l’impératif, pour notre nation, de s’imposer comme l’un des champions mondiaux de la recherche.

M. Jérôme Legrave (LFI-NUPES). Un quart des personnes qui font la queue aux portes des banques alimentaires a moins de 25 ans. Nombre d’entre elles sont des étudiants et près de 20 % de ces derniers vivent sous le seuil de pauvreté. La presse s’est fait l’écho du délabrement des cités universitaires. Un étudiant a ainsi confié : « La présence de cafards, ça a commencé il y a deux ans. Je traite tous les jours, j’emballe toute ma nourriture et j’en vois quand même une trentaine quotidiennement. » Quiconque a mis récemment les pieds dans une université a pu constater qu’en hiver, elle n’est pas chauffée. L’état des lieux est alarmant. Il est donc pour le moins stupéfiant d’entendre le Président de la République expliquer au mois de septembre dernier que les universités n’ont pas de problèmes de moyens.

Avec près de 32 milliards d’euros, le budget global de la mission n’augmente que de 0,69 point en prenant en compte l’inflation et cache de nombreuses disparités. Le programme 150, Formations supérieures et recherche universitaire, augmente moins que l’inflation et, en prenant en compte les 2,6 % d’inflation prévus en 2024, sa ligne budgétaire diminue de 0,67 point.

La dépense moyenne par étudiant n’a jamais été aussi faible depuis 2013. M. Davi l’a dit : la dépense par étudiant a baissé de près de 10 % et le taux d’encadrement est passé d’un enseignant pour trente-huit étudiants en 2012 à un pour quarante-sept en 2019. En conséquence, la précarité étudiante explose. Pourtant, le Gouvernement et votre majorité se sont opposés aux repas à 1 euro pour tous les étudiants et le nombre de repas à 1 euro a baissé de 2021 à 2022.

Depuis 2017, la production de logements étudiants est en diminution. Des promesses sont faites, une fois de plus, mais on est loin de pouvoir répondre à des besoins gigantesques. Selon les calculs de l’Union étudiante, il faudrait construire urgemment au moins 150 000 logements universitaires.

Près de 64 % des étudiants dans une formation éligible ne perçoivent pas de bourses, ce qui justifierait l’instauration d’une allocation autonomie. Vous avez récemment évoqué une réforme structurelle. Un délégué interministériel, M. Jolion, a remis son rapport au mois de juin mais, selon Le Monde, celui-ci n’a pas été rendu public. Les syndicats étudiants ne semblent toujours pas avoir de nouvelles à propos des concertations à venir. Quel est le lien entre la réforme de la solidarité à la source évoquée par M. Macron en 2022 et votre réforme systémique ? Quand les discussions commenceront-elles ?

Enfin, le nombre de bacheliers n’ayant pas trouvé la formation de leur choix sur Parcoursup est très élevé, oscillant entre 105 000 et 125 000, soit entre 17 % et 21 % d’entre eux. Depuis cette année, monmaster.gouv.fr répond à la même logique, avec un plafonnement de l’offre de formation à 185 000 places en première année alors que les demandes d’inscription en master sont de 209 000.

La sélection à l’entrée dans l’enseignement supérieur instaurée sous le quinquennat précédent constitue un recul historique effectué au prix de la remise en cause du droit à la poursuite des études et de l’élévation du niveau général des qualifications. Cette sélection a conduit de nombreux étudiants à se reporter vers des offres privées et Parcoursup a été une formidable opportunité pour ce marché. Parmi les 22 200 formations proposées, plus de 9 000 sont privées. Selon un article de L’Obs du 17 octobre dernier, l’enseignement supérieur privé, en plein boum depuis dix ans, rafle désormais la mise et regroupe un quart des étudiants depuis septembre 2023. L’enseignement supérieur et la recherche sont étranglés par leurs budgets pendant que les fonds publics financent la privatisation de l’enseignement supérieur. Comble de l’ironie : faute de financements publics, les universités finissent par se tourner vers les entreprises. Il importe de s’orienter à rebours, comme nous le montrerons à travers nos amendements.

M. Alexandre Portier (LR). Pourrons-nous débattre du quatrième budget de l’État dans l’hémicycle ou serons-nous à nouveau privés de discussion ?

Les établissements universitaires font face à la non-compensation intégrale par l’État des mesures sociales, notamment, de la revalorisation du point d’indice, laquelle grève significativement leur budget. Même si les universités comprennent le sens de ces mesures, elles s’inquiètent de leur financement. La facture finale devrait dépasser 150 millions d’euros en 2024, s’ajoutant aux 200 millions d’euros de 2022 et aux 130 millions d’euros de 2023, eux aussi non compensés. La stabilité financière des universités est compromise. Si vous n’y remédiez pas, nous voterons contre ce budget. Entendez-vous les inquiétudes des présidents d’université et comment comptez-vous y répondre ?

Les étudiants se heurtent à des difficultés financières, notamment en matière de logement et d’alimentation. Quelles mesures envisagez-vous pour faciliter la conciliation entre les études et un job ?

Les mesures environnementales qui ont été prises, notamment sur un plan thermique, feront sortir des dizaines de milliers de logements du parc locatif. Le secteur de l’immobilier alerte depuis des mois : nous nous dirigeons vers une crise sociale assez importante que les étudiants prendront de plein fouet. Vous faites-vous l’écho de ces préoccupations au sein du Gouvernement ?

La contribution de vie étudiante et de campus (CVEC) finance des associations militantes qui, parfois, se livrent à une propagande très éloignée des enjeux d’amélioration de la vie étudiante. Vous ne pouvez pas ignorer de telles dérives. Plus encore, la CVEC est injuste. Dans ma circonscription, des étudiants en institut de formation en soins infirmiers (Ifsi) s’en acquittent alors qu’ils ne bénéficient d’aucun service. Une refonte de cette contribution s’impose.

En tant que député du Rhône, j’ai été très choqué des circonstances de la venue de Mme Mariam Abu Daqqa, militante du Front populaire de libération de la Palestine, organisation classée terroriste par les États-Unis, l’Union européenne et le Canada, à l’université Lyon-II le 5 octobre dernier. Face à l’ampleur de la polémique, nous avons demandé que sa conférence soit interdite, or, Mme Abu Daqqa était là, au premier rang, elle est intervenue et aucune sanction n’a été prise. Que ferez-vous pour que cela ne se reproduise plus ?

M. Frantz Gumbs (Dem). Cette mission, qui a un caractère interministériel, est complexe. Le tableau d’ensemble montre qu’elle occupe un volume important dans le budget de l’État, avec plus de 31 milliards d’euros, en hausse de 3 %.

On serait certainement mieux avec plus afin de satisfaire tous les besoins mais il importe de trouver un équilibre entre les dépenses nécessaires pour rester compétitifs sur le plan international et la préparation aux enjeux à venir, tout en tenant compte d’une dette que nous devons maîtriser.

Cette augmentation budgétaire s’inscrit dans le cadre de la loi de programmation de la recherche 2021-2030 et traduit la volonté du Gouvernement de maintenir son engagement, notamment en matière de formations supérieures et de recherche universitaire pour un montant de 15 milliards d’euros, en matière de recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires pour un montant de 8,2 milliards d’euros, en matière d’amélioration du quotidien des étudiants en situation de précarité à travers les 3,3 milliards d’euros consacrés au programme 231, Vie étudiante : repas à 1 euro pour les plus précaires, gel de l’indexation des loyers et des frais d’inscription, revalorisation de 4 % des bourses sur critères sociaux, bonification de points de charge pour les étudiants des territoires d’outre-mer. Ces avancées sont significatives mais devront être poursuivies.

L’application de la LPR se poursuit. Entre 2020 et 2023, l’augmentation totale sera de 1,2 milliard d’euros. Les moyens supplémentaires sont consacrés à la poursuite de la revalorisation indemnitaire annuelle des personnels de recherche, au renforcement des moyens de base alloués aux laboratoires et aux investissements pour maintenir les équipements et infrastructures de recherche au meilleur niveau international.

Le programme de recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires, en hausse de 330 millions d’euros, a retenu mon attention. La France doit en effet maintenir son rang sur le plan européen et international et doit continuer à promouvoir son excellence. Ce budget constitue un signal positif mais les efforts devront être là encore poursuivis. C’est dans cet esprit que mon groupe votera les crédits de cette mission.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Nous tenons à souligner les efforts d’investissements réalisés sur certains postes de dépenses mais nous déplorons certaines carences.

Nous sommes d’autant plus inquiets pour les universités que les mesures annoncées par le ministre Guerini ont fragilisé leurs budgets. Appelée à fonctionner à partir de ses fonds de roulements, notre communauté universitaire a fait preuve d’une grande résilience. Pourtant, les chantiers sont nombreux afin de valoriser et de continuer à rendre attractif notre modèle universitaire.

Alors que nos enseignants-chercheurs contribuent à la qualité de nos universités, ils ne sont pas suffisamment mis en valeur. En début de carrière, leur salaire est inférieur de 35 % à la moyenne de celui de leurs homologues des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Si nous saluons les 3,1 millions d’euros prévus pour la revalorisation indemnitaire et pour les dispositifs de valorisation et de recrutement, cette somme est dérisoire face aux 25 milliards d’euros attendus entre 2021 et 2030 dans le cadre de la LPR.

Trois ans après la crise sanitaire, qui a mis en évidence la détresse de nos étudiants, ces derniers souffrent de séquelles psychologiques et morales. Alors que, selon les recommandations internationales, il convient de disposer d’un psychologue pour 1 000 ou 1 500 étudiants, nous nous situons bien en deçà d’un tel seuil. La santé mentale doit être une cause nationale à tous les niveaux. Nous avons donc proposé un grand plan de santé mentale afin que chaque étudiant puisse bénéficier d’un suivi au sein d’un service de santé universitaire.

Les services de santé de l’étudiant doivent être mieux dotés et plus présents sur tout le territoire. La première étape serait la présence physique d’un service de santé dans chaque université, rapidement suivie d’une vision plus globale ; je pense à l’ensemble des étudiants, ceux sur des sites délocalisés, aux Ifsi et aux IUT qui se trouvent en effet dans des zones extérieures, dépourvues de Crous et loin des centres urbains. L’accès à ces services doit également permettre aux jeunes personnes menstruées d’accéder à des professionnels de santé de la femme comme les sages-femmes et les gynécologues. Alors que 15 % des femmes de moins de 24 ans déclarent ne pas avoir de mutuelles, l’université doit être un rempart contre cette forme de précarité.

Les chiffres de la note flash du CIES montrent que les femmes sont majoritairement bénéficiaires de bourses et sont donc plus exposées à la précarité ; la bourse échelon 7 bénéficie à des femmes à hauteur de 61,1 %. Si la démarche que vous avez entreprise en la matière est louable, elle ne suffira pas. Le système de bourses n’est plus à la hauteur, ni sur le plan des montants, ni sur celui des critères d’attribution. Seul un nouveau système d’aides sociales plus ambitieux pourra réduire une telle précarité.

Un étudiant sur dix se dit victime de violences sexuelles et sexistes. Êtes-vous favorable à l’augmentation des budgets consacrés à la lutte contre ces problèmes ?

Mme Agnès Carel (HOR). Notre groupe ne peut que se réjouir de la hausse de 1,2 milliard d’euros du budget de l’enseignement supérieur et de la recherche, même si nous espérons toujours plus. Au total, il a augmenté de 4,4 milliards d’euros depuis 2017.

Vous avez souhaité mettre l’accent sur l’amélioration du système de bourses sur critères sociaux, l’accès à la restauration et au logement étudiant ainsi que sur l’amélioration de l’accessibilité pour les étudiants en situation de handicap en y consacrant 550 millions d’euros supplémentaires. L’application de la LPR 2021-2030 se poursuit, avec 500 millions d’euros de plus que l’année dernière.

Vous prévoyez également d’accompagner les transformations des établissements d’enseignement supérieur et de poursuivre l’adaptation de l’offre de formation, avec une enveloppe de 100 millions d’euros par an pour les nouveaux contrats d’objectifs, de moyens et de performance. Je signale l’accompagnement des établissements et le soutien à leurs projets afin qu’ils puissent faire face à la hausse des charges notamment grâce à une enveloppe de compensation pérenne de 215 millions d’euros au titre des revalorisations salariales, à des mesures de soutien spécifiques pour les Crous et à une hausse des dotations d’investissement.

Avec l’augmentation du coût de la vie – notamment, des denrées alimentaires et de l’énergie – les conditions de vie des étudiants se sont dégradées depuis quelques années. Nous savons combien vous êtes attachée à améliorer la vie de nos jeunes. Si ce budget est considéré par certains comme insuffisant, il augmente néanmoins, quoique nous soyons dans un contexte budgétaire global tendu. Il permettra d’investir 550 millions d’euros supplémentaires afin d’améliorer la vie des étudiants.

Au mois de mars, vous avez annoncé une première série de mesures afin de faire évoluer le système des bourses sur critères sociaux dès la rentrée universitaire 2023. Ainsi, 35 000 étudiants qui n’étaient pas boursiers devaient le devenir. Les bourses de tous les étudiants ont été revalorisées à tous les échelons. L’augmentation globale s’élève à 34 % pour le premier échelon et se situe à hauteur de l’inflation pour l’échelon le plus élevé. Nous devons cependant aller plus loin. Ce budget a le mérite de limiter pour beaucoup les coûts de la restauration et du logement. La suite de la réforme du système de bourses sur critères sociaux serait prévue pour 2025. Pouvez-vous faire un point sur les avancées de vos travaux afin d’élaborer un nouveau système de solidarité, plus équitable ?

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Ce budget en hausse et au service des étudiants ne représente que 6,5 % du budget général de l’État contre près de 7 % en 2017.

Après avoir été durement touchés par la crise sanitaire, les étudiants subissent de plein fouet l’inflation. Ce que vous présentez comme une réforme du système des bourses étudiantes n’est qu’un maigre rattrapage de l’éviction progressive de nombreux étudiants du système des bourses. Au mois de juin le professeur Jolion vous a remis un rapport d’évaluation qui fait état de la baisse continue du nombre de boursiers dans l’enseignement supérieur. Depuis 2020, 70 000 boursiers sont ainsi sortis du système et cela aurait été le cas de 60 000 autres en 2024 si des mesures n’avaient pas été prises.

De plus, l’augmentation de 6 % des montants constitue à peine un rattrapage de l’inflation et ne compense pas la hausse du coût de la vie étudiante pour cette rentrée 2023. Alors que l’inflation a bondi de 12,6 % entre 2017 et 2022, l’évolution du pouvoir d’achat pour les boursiers à l’échelon 7 n’était que de 4 % en 2022 et de 6,2 % en 2023, soit plus 10,5 % sur la même période. La CVEC, quant à elle, est indexée sur l’inflation.

Il est donc temps d’instaurer une véritable allocation étudiante, comme le réclament les associations étudiantes et plusieurs présidents d’université afin de faire face à l’ampleur de la crise et de permettre à chacun de poursuivre ses études, comme le préconisait l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR) dans un rapport sur les Crous rendu au mois de juillet dernier. Pourtant, vous préférez passer des contrats avec des associations pour « institutionnaliser » les distributions alimentaires. Notre jeunesse mérite mieux que la charité : donnez-lui les moyens de son émancipation !

Le PLF prévoit de maintenir le repas à 1 euro pour les étudiants boursiers et précaires. En 2022, les Crous ont servi 35 millions de repas, dont 19 millions à 1 euro. Cela représente une hausse de fréquentation de 30 % depuis 2021.

Selon un sondage réalisé par l’Ifop avec l’association Cop1, un étudiant sur deux limite ses achats alimentaires ou y renonce contre un quart de l’ensemble de la population ; 50 % des étudiants disposent d’un reste à vivre de moins de 100 euros après avoir payé leur loyer. Selon les dernières études de l’Observatoire de la vie étudiante, la moitié des étudiants déclare avoir des problèmes financiers et 43 % avoir déjà dû renoncer à un repas. Nous demandons la généralisation des repas à 1 euro.

La question de la crise du logement étudiant est plus que prégnante. Alors qu’il s’agit du premier poste budgétaire pour les étudiants, les politiques menées sont largement insuffisantes. Les loyers ont augmenté en moyenne de 10 % pour les étudiants alors que quatre jeunes sur dix sont en situation de pauvreté. Les logements sont insuffisamment nombreux – il en manque 250 000 – et salubres. Depuis 2017, vous en avez construit 30 000 sur les 60 000 annoncés mais, au regard de la demande, l’atteinte de cet objectif ne résorberait pas la crise.

Réussir ses études nécessite des conditions de vie décentes, ce que ce PLF ne permettra pas. Nous voterons contre ses crédits.

Mme Martine Froger (LIOT). Nous nous réjouissons que le budget consacré à la recherche et à l’enseignement supérieur soit en hausse mais je reste dubitative, les moyens consentis paraissant insuffisants.

L’état de la recherche suscite de nombreuses inquiétudes. Pour beaucoup, elle est en déclin. Cela doit d’autant plus nous alerter que nous ne cessons de fixer comme objectif d’y consacrer 3 % du PIB depuis 2000 et que nous stagnons encore à 2,2 %. Nous devons être plus ambitieux. Les thématiques de recherches ne manquent pas : santé, environnement, énergies renouvelables, réindustrialisation, souveraineté économique, langues régionales sont autant de priorités. Les défis qui nous attendent ne pourront être relevés sans un enseignement supérieur et une recherche confortés. Comment y répondrons-nous sans investir massivement dans une recherche de pointe adossée à un enseignement supérieur d’excellence ?

Nous considérons que la rallonge budgétaire visant à créer 650 postes dans l’enseignement supérieur n’est pas à la hauteur des enjeux alors que l’université emploie 29 000 équivalents temps dans des conditions précaires.

La situation financière des universités est préoccupante. Une vingtaine d’entre elles était en déficit en 2022 contre trois ou quatre les années précédentes. L’inflation, les revalorisations salariales, les surcoûts liés à l’énergie pèsent très lourd et ne font pas l’objet d’une compensation systématique de la part de l’État.

Nous saluons les revalorisations du point d’indice et les mesures de soutien au pouvoir d’achat mais, en 2023, le surcoût total non financé s’élèvera à 132 millions d’euros, pour atteindre 268 millions d’euros en 2024. Nous craignons que le financement de places pour les nouveaux étudiants ne couvre pas réellement l’augmentation des effectifs. Cette crainte se confirme à travers la baisse constante, depuis 2011, de la dépense moyenne par étudiant. Nous sommes passés d’environ 12 000 euros par étudiant à 10 000 euros. Nous investissons moins qu’il y a dix ans alors que le nombre d’étudiants en licence a augmenté de 25 %.

La précarité étudiante s’installe durablement. Le coût de la rentrée universitaire et de la vie étudiante dépasse les 3 000 euros. Parmi les dépenses de la vie courante, le loyer – plus 8,95 % – et l’alimentation – plus 15 % – pèsent le plus sur les budgets des étudiants. Près d’un tiers d’entre eux vit dans la précarité et doit choisir entre se nourrir ou payer son loyer.

Les bourses, quant à elles, n’ont été revalorisées qu’à hauteur de 37 euros mensuels, bien en dessous de la hausse globale des frais de la vie courante. Les logements Crous sont encore trop peu nombreux, avec seulement un logement pour dix-sept étudiants.

Dans ce contexte, nous persistons à défendre le retour du ticket resto U à 1 euro pour tous les étudiants. Nous appelons à une réforme ambitieuse des bourses, abandonnée lors du précédent quinquennat. Actuellement, 75 % des étudiants qui bénéficient de l’aide alimentaire et qui sont identifiés comme précaires ne sont pas boursiers.

Nous saluons en revanche les nouvelles mesures pour les étudiants en situation de handicap et proposons d’augmenter encore les moyens leur permettant d’accéder à l’enseignement supérieur dans les meilleures conditions possibles, notamment en matière de logement.

Enfin, il importe de doter de moyens suffisants les services de santé universitaire, notamment ceux de la santé mentale. Nous défendrons une hausse du nombre de psychologues.

Mme Sylvie Retailleau, ministre. Nous avons conscience des problèmes qui se posent et nous nous efforçons d’y répondre.

La réforme des bourses sera effective. Après la première étape méthodologique et paramétrique, en octobre de l’année dernière, nous avons organisé des concertations avec les étudiants. M. Jolion a présenté son rapport devant toutes leurs organisations représentatives avant les vacances d’été. Celui-ci sera publié, avec la récapitulation de cette première étape. La concertation territoriale menée par les recteurs aboutira quant à elle à la définition de schémas directeurs sur la vie étudiante dans tous les établissements. Ils tiendront compte des volets logement et restauration en lien avec les acteurs locaux.

En matière de bourses, nous sommes parvenus à apporter des réponses aux étudiants dès cette rentrée en déployant des moyens historiques répondant ainsi partiellement aux problèmes d’effets de seuil et de territorialisation, en particulier pour les étudiants ultramarins et pour les étudiants en situation de handicap.

Nous travaillons avec Aurore Bergé, ministre des Solidarités et des familles, afin d’avoir une vision globale des aides destinées aux étudiants et de proposer un modèle cohérent dans le cadre de la solidarité à la source. Nous allons relancer le travail avec les étudiants. Toutes les organisations représentatives des étudiants connaissent le calendrier de la finalisation de la réforme de notre système de bourses.

Le deuxième point, sur l’autonomie des étudiants. Oui, l’université et l’enseignement supérieur sont des lieux d’émancipation. Mais la priorité est de lutter contre la précarité. Le premier combat que je mènerai est une réponse à la précarité des étudiants ; ils en ont besoin. Tous les leviers doivent être activés. Parallèlement aux dotations conséquentes, nous travaillons avec les associations qui soutiennent les étudiants ; nous leur consacrons 10 millions d’euros. En ouvrant parfois les Crous le soir, nous permettons à tous les étudiants boursiers mais aussi à tous les étudiants précaires d’accéder systématiquement aux repas à 1 euro, de façon fluide et rapide. C’est une information qu’il faut communiquer ; tous les étudiants précaires ont un accès facile, immédiat et direct aux repas à 1 euro, après un simple clic sur le site internet du Crous. La compensation aux Crous du repas à 1 euro, à hauteur de 50 millions d’euros, est intégrale et pérenne, puisqu’elle a été « soclée », ainsi que les 20 millions d’euros qui compensent le gel des loyers Crous. Cela fait quatre ans que les loyers Crous et la restauration à tarif social sont gelés.

Dans les campus délocalisés, en particulier, les étudiants n’ont pas tous accès à une restauration à tarif modéré comme le permettent les Crous. Nous avons donc augmenté le financement des Crous de 25 millions d’euros afin que des conventions soient passées avec des partenaires – écoles, lycées, hôpitaux – et que ces étudiants puissent accéder à une restauration collective sur tous les territoires. Une quarantaine de nouvelles conventions sont en cours d’élaboration. Nous finançons ainsi l’application de la loi Lévi visant à favoriser l’accès de tous les étudiants à une offre de restauration à tarif modéré. Ces partenaires pourront accéder à la centrale d’achat du Crous afin de baisser les coûts. Lorsqu’il ne sera pas possible de passer des conventions, nous ferons « le dernier kilomètre » pour que tous les étudiants puissent accéder à une restauration de ce type. J’espère que, d’ici au début de l’année prochaine, nous disposerons d’une bonne couverture du territoire.

Nous devons poursuivre le développement de l’universitarisation notamment pour les métiers paramédicaux, comme les instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi). L’objectif est de donner accès à ces étudiants à tout ce que l’université peut leur offrir, en matière d’offre sportive et culturelle. Par exemple, certains établissements utilisent les crédits de la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC) pour déployer des équipements sportifs sur des campus délocalisés. Les étudiants sont associés aux choix qui sont faits par les établissements dans l’allocation de cette ressource. Nous serons très attentifs à l’utilisation qui sera faite des crédits CVEC ; il y a des contrôles.

En ce qui concerne le logement, la crise que nous connaissons touche particulièrement les étudiants. Nous travaillons avec le ministre chargé du logement, Patrice Vergriete, pour y apporter des réponses.

En premier lieu nous répondons à l’urgence ; nous faisons en sorte qu’aucun étudiant ne reste sans toit. Les établissements s’efforcent de proposer des solutions transitoires ou pérennes.

En deuxième lieu nous cherchons à accroître le parc de logements étudiants. Sur les 60 000 logements promis, 30 000 ont été construits, le retard étant imputable au covid et au manque de foncier. Nous avons confié à Richard Lioger une mission pour favoriser la construction et l’accès au logement étudiant. C’est un travail de dentelle qui est mené dans chaque territoire, avec les acteurs locaux, pour identifier le foncier disponible et les freins à lever pour faciliter la construction de logements universitaires. Par exemple, dans les projets de rénovation des résidences, nous étudions la possibilité de surélever les bâtiments – c’est ce qui été fait dans une résidence de Bordeaux où deux à trois étages supplémentaires ont été bâtis. Nous activons tous les leviers pour augmenter le parc de logements rapidement.

En troisième lieu, nous poursuivons la rénovation des 175 000 logements gérés par les Crous. Grâce au gros effort fourni sous le précédent quinquennat, il ne reste que 12 000 logements à rénover, soit 5 à 7 % du parc locatif Crous. Nous sommes donc loin de la situation apocalyptique que décrivent certains. Il faut reconnaître les problèmes et leur apporter des solutions, mais aussi saluer le travail accompli par les agents des Crous. La rénovation des 12 000 logements, qui doit s’achever en 2027, est programmée et financée à hauteur de 300 millions d’euros.

Ce sont les trois directions dans lesquelles nous travaillons, avec les acteurs des territoires et des financements à la clé, pour donner de bonnes conditions de travail aux étudiants.

En matière de santé, les services de santé universitaires sont devenus cette année des services universitaires de santé étudiante. Ce changement de dénomination accompagne une évolution de leur rôle – outre la prévention, ils assurent désormais des soins – mais aussi un élargissement des publics :  tous les étudiants du territoire y auront accès de droit, quel que soit l’établissement où ils sont scolarisés. Les crédits ont augmenté de 8,2 millions d’euros en 2023 pour ouvrir des postes de médecins et d’infirmières dans ces services.

Quatre-vingts postes de psychologues supplémentaires sont également prévus pour répondre aux besoins en matière de santé mentale. Le dispositif « chèque Santé psy » étudiant, hérité de la crise sanitaire et qui permet de bénéficier de huit consultations gratuites avec un psychologue, sans avance de frais, est maintenu. Nous avons également signé des conventions, notamment avec Nightline, un service d’écoute nocturne pour les étudiants.

S’agissant de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles (VSS), en 2023, nous avons augmenté le budget qui y est consacré et lancé des campagnes de communication, telles que « Sans oui, c’est interdit ». En 2024, nous continuerons à soutenir cette politique en finançant, à hauteur de 2,5 millions d’euros, le recrutement de trente-six référents « VSS et vie étudiante » dans tous les rectorats de région académique pour aider à professionnaliser les cellules VSS qui ont été créées dans les établissements. En la matière, nous assumons la tolérance zéro.

La vie étudiante est une priorité, et elle doit le rester. Nous prenons les mesures nécessaires pour répondre aux besoins des étudiants – et ils sont particulièrement aigus en ce moment – et améliorer leurs conditions de vie.

J’en viens au budget proprement dit, en commençant par la compensation des mesures salariales, dites mesures Guerini, en faveur des agents de la fonction publique : pour moitié, cette compensation est automatique ; pour le reste, environ 150 millions d’euros, nous demandons un effort exceptionnel aux établissements compte tenu du contexte budgétaire contraint. Nous sommes conscients de la difficulté que cela représente, c’est la raison pour laquelle nous accompagnons les universités individuellement selon l’état de leurs finances et de leur fonds de roulement. J’avais toutefois alerté les établissements dès l’année dernière sur l’éventualité d’un prélèvement sur leur fonds de roulement disponible – la part qui n’a pas donné lieu à un vote du conseil d’administration. En résumé, si l’on soustrait la précaution de quinze jours de salaires, la trésorerie liée à des projets fléchés et les projets de rénovation prévus, le montant des fonds de roulement disponible s’élève à 1 milliard d’euros environ.

Nous sommes très vigilants pour que l’effort demandé ne pénalise pas les campagnes d’emplois, ni les projets déjà décidés et votés. Nous aiderons les établissements en difficulté.

Pour compenser la hausse du coût de l’énergie, une enveloppe de 275 millions d’euros avait été débloquée l’an dernier. Pour 2023, le surcoût avait été évalué, avec France Universités, à 400 millions d’euros environ. Aujourd’hui, même si la prudence s’impose, le surcoût réel semble plus proche de 200 millions d’euros. Il reste donc quelque 100 millions à distribuer, en fonction des surcoûts réels de chaque entité – ce travail est en cours. Pour 2024, nous restons attentifs à l’évolution des surcoûts énergétiques et prêts à accompagner les établissements en difficulté. On peut toutefois espérer que les surcoûts diminuent.

En ce qui concerne l’attractivité de la recherche, la loi de programmation opère un rattrapage. Elle porte ses premiers fruits puisque les contrats doctoraux ou les chaires de professeur junior démontrent leur capacité à attirer des talents, en particulier de l’étranger. A 2 300 euros par mois, la rémunération du contrat doctoral est désormais dans la moyenne européenne. Une belle preuve de notre attractivité sont les 49 % des lauréats sur les deux premières campagnes de chaire junior qui viennent de l’étranger ; habituellement, pour les postes « classiques » de professeurs, ce taux est autour de 10 à 15 %.

En outre, en complément de la LPR, France 2030 finance la création de chaires d’excellence, notamment dans les sciences de la vie et la santé, qui sont un outil puissant pour attirer des scientifiques de très haut niveau dans nos laboratoires. Enfin, le plan Innovation santé 2030, doté de 7 milliards d’euros, dont 1,7 milliard d’euros pour la recherche, est un levier important pour l’attractivité et pour continuer à compter dans le paysage scientifique. Le crédits budget de mon ministère continue à accompagner la mise en œuvre de la LPR mais aussi les campagnes d’emplois.

Toujours dans un souci d’attractivité, nous faisons cette année de la simplification notre chantier prioritaire – pour les appels à projets mais aussi pour les tâches administratives. Nous avons également alloué des crédits aux établissements pour qu’ils se professionnalisent, notamment dans la recherche de crédits européens ainsi que dans la candidature à des projets européens. C’est une priorité pour l’année à venir.

Enfin, s’agissant de la rénovation thermique des bâtiments, les contrats de plan État-région (CPER), en déploiement, comportent des crédits à hauteur de 1,2 milliard d’euros au profit de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR). Les établissements de l’ESR ont fortement bénéficié du plan de relance pour leurs projets de rénovation. Un groupe de travail a été créé avec les établissements pour développer le tiers financement afin de profiter d’une partie des 600 millions d’euros annoncés pour la rénovation thermique des bâtiments de l’État en utilisant les fonds de roulement des établissements, afin de mettre en œuvre, comme prévu, un plan de rénovation thermique des établissements. Nous suivons de près ces plans de rénovation pour lequel plusieurs enveloppes sont susceptibles d’accompagner les établissements.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Nous en venons aux questions des autres députés.

Mme Céline Calvez (RE). Le projet de loi de finances pour 2024 prévoit une augmentation de 1,2 milliard d’euros des crédits de votre ministère. Nous avons à cœur que ces crédits contribuent à une amélioration de l’égalité entre les femmes et les hommes au sein de certaines filières scientifiques encore trop peu féminisées. Selon le CNRS, 34 % des chercheurs sont des femmes en 2022 en France, soit une hausse de seulement 4 % depuis 2001. Il reste nécessaire de continuer à lutter contre les stéréotypes de genre et à promouvoir la parité. Pouvez dresser un premier bilan des dispositifs instaurés par la LPR à cette fin ?

La mission budgétaire fait référence au taux d’insertion des femmes diplômées de l’enseignement agricole et vétérinaire dans les douze ou vingt-quatre mois suivant l’obtention du diplôme. Pour aller plus loin, mes collègues Sandrine Josso, Véronique Riotton et moi-même proposons la création d’indicateurs pour instaurer une budgétisation intégrant l’égalité. Comment l’égalité femmes-hommes est-elle actuellement prise en considération dans votre budget ?

Mme Julie Lechanteux (RN). De trop nombreux territoires sont aujourd’hui dépourvus d’établissements d’enseignement supérieur ou en manquent cruellement. Je ne compte plus les habitants de ma circonscription située dans l’est du Var qui m’interpellent, à raison, à ce sujet.

Cette situation est inacceptable. Les déserts universitaires sont néfastes à double titre : non seulement les jeunes qui n’ont pas les moyens de vivre hors du domicile familial sont contraints d’abandonner leurs études supérieures ; mais lorsqu’ils ont la chance de pouvoir les poursuivre, le territoire subit une véritable fuite des cerveaux qui entrave son développement économique. Il est donc urgent d’agir concrètement pour lutter contre les déserts universitaires.

M. Fabrice Le Vigoureux (RE). Je salue un budget responsable, qui honore les engagements pris dans la LPR. La loi de programmation visait notamment à renforcer l’attractivité des carrières de l’ESR et vous venez de nous en présenter les premiers effets encourageants s’agissant des chaires de professeur junior et des contrats doctoraux.

Dans un souci d’attractivité toujours, est-il envisagé d’encourager le recrutement des doctorants dans les administrations publiques ou les industries, comme le préconise le rapporteur pour avis, Hendrik Davi ?

M. Idir Boumertit (LFI-NUPES). Depuis plusieurs années, les universités alertent sur le manque de moyens et leur capacité d’action qui s’amenuise chaque année un peu plus.

Malheureusement, le projet de loi de finances pour 2024 ne fait pas exception puisqu’il continue de réduire les moyens des universités. En témoigne la baisse constante de la dépense moyenne par étudiant depuis dix ans.

France Universités déplorait un manque de considération il y a quelques mois. Certaines universités ne parviennent plus à absorber votre politique d’austérité et ses conséquences se font sentir très concrètement, en matière de capacité d’accueil notamment. Le 17 octobre dernier, dans l’enceinte de l’université Lumière-Lyon-II, s’est déroulée une manifestation des « sans-fac », à laquelle votre seule réponse a malheureusement été le recours à la force.

Madame la ministre, allez-vous enfin entendre les voix universitaires qui vous appellent à investir dans l’enseignement supérieur ? Comment comptez-vous assurer la scolarisation des jeunes aujourd’hui sans affectation ?

M. Jean-Jacques Gaultier (LR). L’organisation mondiale de la santé considère la santé mentale comme une priorité. Un jeune sur deux souffre d’anxiété et le suicide reste la deuxième cause de mortalité chez les 15-24 ans et la cinquième chez les moins de 13 ans, selon la Haute autorité de santé.

Seulement 4 % du budget de la recherche biomédicale sont alloués à la psychiatrie. C’est deux fois moins qu’en Grande-Bretagne ou en Finlande et quatre fois moins qu’aux États-Unis. Quelles sont vos propositions pour augmenter la recherche en santé mentale, en psychiatrie, en neuroscience, etc. ? Quel premier bilan faites-vous de Propsy, projet-programme en psychiatrie de précision, mené conjointement par l’Inserm et le CNRS et doté de 80 millions d’euros sur cinq ans ?

M. Emmanuel Pellerin (RE). La conférence nationale du handicap, qui s’est tenue le 26 avril dernier, a décidé de renforcer le soutien apporté aux étudiants handicapés en lui octroyant 10 millions d’euros supplémentaires. Cette annonce est porteuse d’espoir mais elle soulève de nombreuses questions quant à son application concrète. En effet, il est primordial de garantir à tous les étudiants, quelle que soit leur situation personnelle, une égalité des chances et des conditions d’études optimales.

Comment le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche prévoit-il d’utiliser ces crédits supplémentaires ? Quelles mesures concrètes envisagez-vous pour améliorer l’accompagnement des étudiants, en matière d’accessibilité, de pédagogie adaptée et de soutien psychologique ?

Mme Lisette Pollet (RN). Parmi les objectifs du programme 231 figure l’amélioration des conditions de vie et de travail des étudiants. La précarité étudiante est désormais une préoccupation grandissante pour les pouvoirs publics. Selon le baromètre des jobs étudiants 2023, publié par la plateforme StaffMe les étudiants seraient de plus en plus nombreux à travailler en parallèle de leurs études afin de faire face à l’augmentation des prix. On parle de petits boulots mais ils ne sont pas si petits car certains étudiants acceptent de travailler 35 heures ou d’avoir plusieurs employeurs pour pouvoir vivre décemment.

L’État ne pourrait-il pas verser un complément de revenu aux étudiants qui travaillent, comme l’a proposé le Rassemblement national dans sa niche parlementaire le 12 octobre ?

M. Belkhir Belhaddad (RE). Vous avez annoncé une hausse significative de l’enveloppe dédiée à la rénovation énergétique des bâtiments universitaires. Elle permettra notamment de poursuivre la rénovation des structures de restauration et d’hébergement. Votre ambition est ainsi de rénover 12 000 logements Crous d’ici à la fin du quinquennat.

Vous avez évoqué plusieurs pistes parmi lesquelles le tiers financement. Que pensez-vous du dispositif, introduit par la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite 3DS, de société publique locale universitaire (SPLU), qui permettrait notamment aux universités d’emprunter ?

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). « Il m’accueillait chez lui, intégralement nue ; j’ai le sentiment d’avoir été seule ; j’ai essuyé une violence institutionnelle où, à chaque étape, me faire entendre a été une épreuve. » Actuellement, une dizaine d’étudiantes du département de philosophie de l’université Bordeaux Montaigne, ainsi que la philosophe Barbara Stiegler, dénoncent le même enseignant pour des violences sexistes et sexuelles dont elles ont été victimes. Je leur dis : « On vous croit, vous n’êtes pas seules. »

Sciences Po, l’École normale supérieure (ENS) Lyon, Centrale Supélec, l’université de Picardie, les Beaux-Arts, l’École des hautes études commerciales de Paris (HEC), l’École supérieure des sciences économiques et commerciales (Essec), l’École des hautes études commerciales du Nord (Edhec), de multiples établissements ont été épinglés pour violences sexistes et sexuelles depuis 2021. Certes, le ministère a lancé un plan national d’action mais il n’est visiblement pas à la hauteur. Le nombre de violences subies par les étudiantes reste alarmant et la culture de l’impunité se perpétue.

Les associations demandent 2,6 milliards d’euros pour lutter contre les VSS. L’enseignement supérieur doit en prendre sa part. Je propose, dans un amendement, un plan d’envergure doté de 30 millions d’euros. J’espère que vous le soutiendrez, madame la ministre, et qu’il ne sera pas balayé par le prochain 49.3.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Autre sujet qui nous tient à cœur, la fameuse contribution de vie étudiante et de campus. Si son coût peut paraître dérisoire à certains, il est jugé trop élevé par de nombreux autres. 100 euros, ce n’est pas rien quand on connaît le budget moyen d’un étudiant, d’autant que la CVEC vient s’ajouter aux frais d’inscription.

Si son utilisation semble un peu moins obscure après les précisions que vous venez d’apporter, madame la ministre, son bien-fondé continue de poser question : est-ce bien aux étudiants de payer la facture ? À notre initiative, la commission des finances a adopté, de manière transpartisane, la suppression de la CVEC dans la première partie du PLF. Les espoirs qu’elle a suscités ont été rapidement douchés par le recours au 49.3 – l’avant-dernier. Quand comptez-vous supprimer la CVEC ou, au moins, mettre fin à son indexation sur l’inflation ?

Mme Fabienne Colboc (RE). Dans son rapport sur l’éducation critique aux médias, notre collègue Violette Spillebout avait insisté sur la nécessité de renforcer la recherche en sciences des médias et de l’information afin de s’armer dans la guerre de l’information, de résister aux ingérences étrangères, de combattre la désinformation massive et de développer l’esprit critique des étudiants.

Compte tenu de l’indispensable implication des universités face à ces nouveaux défis, que pensez-vous du lancement d’un appel à manifestation d’intérêt (AMI) et de la création d’un budget spécifique pour favoriser les projets de recherche dans ce domaine ?

Mme Sylvie Retailleau, ministre. Madame Colboc, vous le savez, ce sont les établissements qui choisissent leurs projets de recherche. Il existe toutefois des dispositifs de soutien qui pourraient s’appliquer aux sciences des médias : en matière de formation, ce serait l’AMI « Compétences et métiers d’avenir » qui est doté de 2,5 milliards d’euros ; en matière de recherche, il me semble préférable d’utiliser les outils existants plutôt que d’en créer un nouveau : des AMI seront probablement lancés en matière de sciences humaines et sociales. Si nous devions fournir une liste indicative de sujets éligibles, les sujets que vous avez évoqués en feront assurément partie pour inciter les établissements à déposer des projets qui s’y rattachent.

Madame Taillé-Polian, la CVEC est venue se substituer à la cotisation de sécurité sociale lorsque celle-ci a été supprimée en 2018. Elle ne représente donc pas un surcroît de dépenses pour les étudiants puisque la cotisation s’élevait à 200 euros environ, contre 100 euros pour la CVEC aujourd’hui. Au contraire, elle leur apporte un bénéfice réel puisqu’elle est utilisée par les établissements pour améliorer le bien-être des étudiants et leur environnement de travail ainsi que pour enrichir l’offre sportive et culturelle – j’ai de très nombreux exemples qui le confirment. C’est la raison pour laquelle je continuerai à défendre la CVEC. J’ajoute qu’elle contribue aussi à faire des étudiants des citoyens en leur permettant de s’ouvrir à d’autres choses que les connaissances académiques. Je suis évidemment très soucieuse de sa bonne utilisation. Sans remettre en cause l’autonomie des universités qui leur confère une totale liberté en la matière, nous procéderons à des contrôles pour nous assurer que les étudiants en sont bien les premiers bénéficiaires.

Madame Legrain, s’agissant des VSS, sujet qui me tient particulièrement à cœur, je prône la tolérance zéro. Nous continuons à nous efforcer de trouver des solutions. Je ne reviens pas sur ce que j’ai dit précédemment – les référents dans les rectorats pour aider les cellules d’écoute à se professionnaliser. Ces cellules doivent offrir aux victimes un accompagnement juridique et social. Il faut aussi travailler avec les associations pour créer un climat de confiance qui favorise la libération de la parole mais aussi pour faire de la prévention, à laquelle des crédits sont consacrés. C’est grâce à des actions de terrain solidement encadrées que nous parviendrons à faire évoluer les esprits et la culture sur ce sujet – je note que les changements sont déjà à l’œuvre.

Madame Pollet, on sait qu’au-delà de quinze heures de job étudiant par semaine, il devient difficile de réussir ses études dans de bonnes conditions. Nous réfléchissons avec le ministère du Travail pour encadrer les jobs étudiants, qui peuvent être malgré tout un atout, à condition d’être compatibles avec les études. Nous voulons donner à tous les étudiants, sans distinction de nationalité, la possibilité de travailler.

S’agissant de la prise en compte du handicap, le Président de la République a annoncé, dans le cadre de la sixième Conférence nationale du handicap, plusieurs mesures, notamment le bénéfice de quatre points de charge dans le calcul du droit à bourse. Le PLF pour 2024 alloue 23 millions d’euros à l’accompagnement pédagogique des étudiants en situation de handicap et 500 000 euros à la formation des nouveaux enseignants à l’accessibilité pédagogique.

Un appel à projets pour accompagner trois à cinq établissements et les rendre exemplaires en matière d’inclusivité et d’accessibilité a été lancé. Il prévoit 1,5 million d’euros pour l’établissement du cahier des charges au cours de la première année et 16 millions d’euros en tout pour améliorer l’accessibilité des établissements. Nous consacrons donc une enveloppe de 39 millions, outre les mesures issues de la CNH, à l’amélioration de la situation des étudiants en situation de handicap.

S’agissant de l’égalité entre les femmes et les hommes, des financements sont prévus en sus de ceux qui financent les mesures prévues par la LPR, dont nos services statistiques suivent l’application. En six ans, nous constatons, pour les personnels de soutien comme pour les chercheurs, une amélioration de quatre points, dans les catégories les plus qualifiées, en matière d’accès à l’emploi et aux promotions, ce qui est positif.

Toutefois, les stéréotypes de genre ont la vie dure. Les femmes sont plus nombreuses dans les tâches administratives et moins dans les tâches techniques. C’est pourquoi nous lançons le programme Tech pour toutes, qui vise à accompagner 10 000 jeunes femmes souhaitant commencer ou poursuivre des études supérieures dans le numérique d’ici à 2026. Les ministères de l’Enseignement supérieur et de la recherche, de l’Éducation nationale et de la jeunesse, du Numérique et de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations ont confié la mise en œuvre de ce programme à la fondation Inria – Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique.

Par ailleurs, la remise du prix Irène Joliot-Curie de la femme scientifique de l’année met en lumière les carrières de femmes scientifiques, dans la perspective – c’est un exemple parmi d’autres – d’en faire des modèles, et nous soutenons financièrement diverses associations. Nous travaillons beaucoup à sensibiliser les jeunes filles à la mixité des métiers, dès l’école primaire, pour les inciter à embrasser des carrières dans les sciences dites dures, dans lesquelles nous avons des besoins et dont nous avons du mal à remplir les filières de formation. Pour ce faire, nous utilisons les financements prévus par la LPR et ceux de France 2030.

Pour favoriser l’attractivité et la compétitivité de notre recherche, en particulier à l’international, nous utilisons plusieurs outils, notamment la valorisation du doctorat et les chaires de professeur junior (CPJ). Par ailleurs, l’expérimentation des conventions de formation par la recherche en administration (Cofra) est très prometteuse. Elle bénéficie aux docteurs, dont elle élargit les perspectives professionnelles et améliore l’insertion dans la fonction publique d’État, et à l’administration, qui bénéficie de l’apport de profils diversifiés à la pointe des connaissances scientifiques. En 2023, cinquante et une thèses ont été présélectionnées. Notre cible est à 100. Nous travaillons à la valorisation de cet outil avec le ministère de la Transformation et de la fonction publiques.

S’agissant de la prise en compte de la santé mentale, le projet Propsy – projet-programme en psychiatrie de précision –, lancé l’an dernier et coordonné par Marion Leboyer sous l’égide de l’Inserm, bénéficie de 80 millions d’euros. Il est un peu tôt pour en dresser le bilan. Il comporte un volet consacré aux étudiants.

Par ailleurs, nous avons lancé, grâce aux 7 milliards d’euros alloués par France 2030 à la stratégie innovation santé 2030, plusieurs projets. Un appel à projets Institut Hospitalo-universitaire (IHU) sur le neurodéveloppement a été lancé. Le biocluster Brain & Mind a réuni plus de 100 millions d’euros. L’IHU de Bordeaux consacre 40 millions d’euros à l’étude des maladies neurovasculaires. Dans le cadre du programme « blanc » de l’ANR, nous finançons la recherche en neurosciences dans le cadre d’un programme hospitalier de recherche clinique (PHRC). Tous ces projets sont une priorité du financement du secteur de la santé par France 2030. Nous les suivons attentivement et en dresserons un bilan dès que possible.

Pour la rénovation thermique et énergétique, les emprunts sont possibles auprès de la Banque des territoires et de la Banque européenne d’investissement (BEI). Les établissements utilisent beaucoup ces deux possibilités, ainsi que celles offertes par le plan Campus.

La possibilité offerte aux universités de créer des sociétés dédiées au patrimoine universitaire par la loi 3DS a d’ores et déjà donné lieu à des expériences intéressantes, notamment à Bordeaux. Un groupe de travail rassemblant mes services, la direction de l’immobilier de l’État et France Universités a été formé pour aider les universités à utiliser les leviers des sociétés dédiées au patrimoine universitaire et des tiers financements.

S’agissant de la répartition territoriale et de l’accessibilité de l’offre de formation, nous devons accompagner spécifiquement les formations de premier cycle. Pour ce faire, nous déployons trois dispositifs.

Nous dressons le bilan du Campus connecté, qui ne remplace en aucun cas l’accès physique à la formation, pour le développer et l’améliorer. Cet outil, qui donne accès à l’enseignement aux publics qui en sont privés, est très utile pour mailler le territoire.

Nous consacrons 15 millions d’euros au bachelor universitaire de technologie (BUT), afin d’améliorer le maillage des zones dites blanches, notamment à Dole, à Châteaubriant, à Pontivy et à Béziers.

Par ailleurs, pour que les étudiants aient accès à une formation proche et de leur choix, nous continuons à accompagner l’aide à la mobilité pour l’étudiant, qui, dès le premier cycle, améliore l’accès au logement, à la restauration et aux bourses. J’ajoute que les étudiants n’ayant pas de bourse automatique pour telle ou telle raison peuvent bénéficier auprès des Crous d’aides ponctuelles ou annuelles, destinées aux étudiants étrangers et à ceux qui ont des problèmes personnels.

J’en viens aux formations privées. Je considère que l’université doit non seulement enseigner des connaissances et des compétences permettant d’exercer ensuite un métier, mais aussi former des citoyens éclairés. L’un n’est pas exclusif de l’autre. Tel est, me semble-t-il, la responsabilité des établissements d’enseignement supérieur et l’état d’esprit dans lequel ils travaillent.

Il faut, notamment en premier cycle, former des têtes bien faites. Le spectre des connaissances et des compétences, pour nos étudiants, est si large qu’il faut surtout leur apprendre à apprendre. En outre, les métiers changent beaucoup. Ils devront être capables de s’adapter à la société et aux évolutions des métiers. Cette adaptabilité, que nous avons la responsabilité de leur apprendre, doit être au cœur de la réflexion philosophique sur ce que doivent être nos formations de demain.

Elles ne doivent plus être en silos. Elles doivent être ouvertes. Elles doivent former des esprits critiques et capables d’adaptation. Elles doivent être conçues comme des formations tout au long de la vie. Il ne faut plus être à la recherche exclusive d’un bac + 5 mais valoriser tous les niveaux de diplôme, toutes les voies de sortie, tous les métiers et permettre à tous les étudiants de garder le lien avec leur alma mater pour qu’ils puissent y revenir se former et acquérir des diplômes, des connaissances et des compétences complémentaires.

La question est de savoir comment faire évoluer notre offre en concevant la formation tout au long de la vie, ouverte sur le futur et sur le monde, permettant de donner des clés, non en une fois mais en plusieurs, lorsqu’ils en ont besoin, à des étudiants au statut évolutif tout au long de la vie. Voilà ce que nous devons accompagner au sein de nos formations publiques. Il s’agit de la meilleure réponse aux formations privées de piètre qualité – toutes ne le sont pas, et il ne faut pas tomber dans le manichéisme ni la confusion. J’ai formé un groupe de travail visant à définir des critères de qualité des formations privées, ce qui permettra aux étudiants et à leurs familles de savoir ce qu’ils y trouveront.

Nous devons disposer d’un ensemble de formations offrant un large choix. Pour être attractif, il faut faire évoluer les formations publiques. Quant aux formations privées, elles peuvent jouer un rôle complémentaire, notamment en proposant à un public de jeunes actifs des formations continues dans des domaines très spécifiques. Nous travaillons avec le ministère du Travail, du plein-emploi et de l’insertion à la définition d’un label pour guider les étudiants et leurs familles dans le foisonnement actuel d’offres de formation.

Je rappelle que, sur Parcoursup, 97 % des offres de formation hors apprentissage émanent d’établissements publics ou d’établissements d’enseignement supérieurs privés d’intérêt général (Eespig), dont le lien fort avec le ministère garantit la qualité de l’enseignement. S’agissant de l’apprentissage, cette proportion est de deux tiers ; elle est moindre si l’on tient compte des conventions conclues par les centres de formation d’apprentis. Nous devons ce travail de transparence aux étudiants et à leurs familles. Il doit s’inscrire dans le travail mené depuis plusieurs années par les établissements d’enseignement supérieur sur l’évolution de notre offre de formation et de ses missions au XXIe siècle.

S’agissant de la question soulevée par le collectif des sans-facs, nous procédons à un retour d’expérience de la plateforme Mon Master. Il s’agit d’assurer à chaque étudiant l’accès à l’information sur l’offre de formation de niveau master sur tout le territoire, ainsi qu’un processus homogène de dépôt de candidature, s’agissant notamment de son calendrier et de son examen en commission de sélection.

Nous aurons ainsi une vision plus large et plus cohérente des difficultés qui ont surgi. Nous en ferons le bilan et dresserons la cartographie de l’occupation des places en master. L’an dernier, certains étudiants ayant oublié de signaler qu’ils ne se rendraient pas à certaines formations auxquelles ils avaient été admis, il y avait des places libres dans des formations en tension, telles que le droit.

Compte tenu des difficultés rencontrées par la gestion des places, nous mettons au point une méthodologie et un accompagnement visant à améliorer la visibilité des places disponibles et de l’offre de formation, ainsi que des demandes et des besoins, pour proposer aux étudiants, dans toute la France, une offre de master conforme à leur droit à poursuivre des études.

S’agissant de la conférence organisée à l’université Lyon-II au début du mois, nous avons été informés de sa tenue, ce qui n’est pas toujours le cas, ce qui nous a permis de nous y intéresser d’emblée de près. Le ministère a fourni à la présidente de l’université, dans le respect de son autonomie statutaire, les pièces lui permettant de proscrire toute intervention de Mariam Abu Daqqa au cours de l’événement. J’ai adressé à la présidente un courrier et je me suis par ailleurs exprimée à ce sujet. Faire l’apologie du terrorisme, sous quelque forme que ce soit, et porter atteinte aux valeurs de la République est clairement incompatible, à mes yeux, avec une intervention au sein d’une conférence organisée dans une université. La présidente de l’université a donc demandé aux organisateurs de déprogrammer l’intervention de cette dame.

Elle a assisté à la conférence dans le public. Le tribunal administratif ayant suspendu l’arrêté d’expulsion lorsqu’elle se trouvait à Marseille, ni la préfecture ni la présidente de l’université ne pouvaient lui interdire l’accès à l’université au motif qu’elle était susceptible de provoquer un trouble à l’ordre public. Elle a pris la parole au sein du public, sans tenir de propos susceptible de faire l’objet d’un signalement au titre de l’article 40 du code de procédure pénale. La présidente a donné suite à l’affaire en adressant un courrier à l’association d’étudiants qui a organisé l’événement.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Au nom de la commission, je vous remercie de vos réponses, notamment de la dernière. La fermeté dont vous faites preuve à ce sujet n’est plus à démontrer.


II.   EXAMEN DES CRÉDITS

1.   Réunion du jeudi 26 octobre 2023 à 9 heures 30

La commission examine pour avis les crédits de la mission Recherche et enseignement supérieur du projet de loi de finances pour 2024 (n° 1680  seconde partie) (M. Philipe Berta, rapporteur pour avis Recherche, M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis Enseignement supérieur et vie étudiante)([215]).

Article 35 et état B : Crédits du budget général

Mme la présidente Isabelle Rauch. Nous sommes saisis de 203 amendements. Nous les examinerons en les rassemblant par thèmes.

Amendements II-AC709 de M. Hendrik Davi, II-AC551 de M. Jérôme Legavre, II-AC677 de Mme Sophie Taillé-Polian, II-AC630 de Mme Fatiha Keloua Hachi et II-AC710 de M. Hendrik Davi

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis (Enseignement supérieur et vie étudiante). Il s’agit de supprimer l’ANR et de reverser ses crédits sous forme de crédits récurrents aux unités de recherches, ce pour quoi je milite depuis longtemps.

Le fonctionnement systématique sous forme d’appels à projets organise la concurrence entre les établissements, les équipes et les scientifiques de la recherche publique. Il a eu pour effet constant d’accroître les disparités entre les unités de recherche qui bénéficient des appels à projets et celles qui n’en bénéficient pas. Il n’est pas rare – c’est l’ancien chercheur qui parle – que certaines unités, qui bénéficient de financements de l’ANR, du programme d’investissements d’avenir et du Conseil européen de la recherche (ERC), croulent sous les millions, quand d’autres unités de recherche n’ont pas les moyens de fonctionner.

Au surplus, ce système de financement de la recherche est particulièrement inefficace et coûteux : 24 % des projets sont sélectionnés, ce qui signifie que 76 % des projets ont été déposés en vain. Par ailleurs, le renouvellement annuel des appels à projets exige des chercheurs qu’ils formulent chaque année un nouveau projet de recherche.

M. Jérôme Legavre (LFI-NUPES). La logique d’appels à projets est particulièrement chronophage pour les équipes de chercheurs. Certains d’entre eux passent plus de temps à chercher des financements qu’à faire de la recherche.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Nous dénonçons la logique inhérente à la LPR tendant à financer la recherche par le biais d’appels à projets. Nous considérons qu’il est nécessaire de travailler sur le temps long et de laisser aux chercheurs la liberté de choisir leurs travaux et de définir les programmes de recherche. Cette façon de gérer la recherche nous déplaît. Nous considérons qu’elle est orthogonale au nécessaire temps long de la recherche.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Nous contestons la logique de financement de la recherche par les seuls appels à projets. Ce mode de financement favorise les établissements bien dotés. Nous préférons favoriser la recherche par des organismes publics. L’amendement II-AC630 vise à augmenter de 124 millions d’euros les crédits qui leur sont attribués, en les prélevant sur le budget de l’ANR.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. L’amendement II-AC710 vise à supprimer le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et l’enseignement supérieur (Hcéres), qui est une instance bureaucratique néfaste, inutile et coûteuse.

Le Hcéres met en compétition les structures de la recherche et de l’enseignement supérieur. L’évaluation normative et idéologique à laquelle il procède vise à introduire une gestion néolibérale des politiques publiques, qui est dangereuse pour les collectifs. Cette logique renforce la souffrance au travail. Elle est source de mal-être, de stress, de burn-out. Elle déstabilise les collectifs et l’esprit d’équipe.

Elle est chronophage et énergivore – c’est une véritable montagne de papier. L’ANR et le Hcéres font des chercheurs des chercheurs d’argent, qui passent le plus clair de leur temps à monter des projets et à les évaluer. En outre, le Hcéres est une instance coûteuse – l’évaluation d’un laboratoire coûte en moyenne 11 000 euros.

M. Philippe Berta, rapporteur pour avis (Recherche). L’ANR est un outil qui a été décrié, notamment lors de sa création en 2000. Au cours de ses premières années d’existence, son budget ne lui permettait de couvrir que 8 % à 9 % des projets qui lui étaient soumis.

Elle est désormais entrée dans les habitudes de la communauté universitaire. En 2022, elle a répondu favorablement à 24 % des demandes. Cette proportion sera d’un tiers à la fin de la période couverte par la LPR, ce qui est la norme des agences similaires, qui existent dans tous les pays. Je ne conteste pas – je l’ai écrit dans mon rapport pour avis – la nécessité de rééquilibrer les crédits récurrents et les crédits contractuels au bénéfice des premiers. La recherche par projet n’en est pas moins essentielle.

Par ailleurs, les auteurs des amendements omettent de tenir compte du préciput attaché à chaque contrat conclu avec l’ANR. En 2022, son taux s’élèvait à 28,5 %. Il atteindra 40 % à la fin de la période de programmation. Il est versé en sus du contrat à la structure de recherche dans son ensemble, qui est souvent un institut de recherche. Le financement de la recherche par l’ANR abonde donc les crédits récurrents.

Tous les pays sont dotés d’une agence similaire à l’ANR. Il était temps que la France en ait une. D’après son dernier rapport d’activité, l’ANR tend à devenir le guichet unique des financements caritatifs, ce qui permettra de fonctionner avec un dossier par projet de son financement à son évaluation.

S’agissant de l’évaluation, il en faut bien une, si l’on veut maintenir une recherche de bon niveau. Il convient de la confier au seul Hcéres et aux organismes qui lui sont associés, afin de mettre un terme à celle que mènent les organismes de recherche de leur côté. Par ailleurs, il faut faire davantage confiance au terrain, en procédant à une méta-évaluation, à l’échelle de l’institut de recherche ou de l’université, et en laissant l’évaluation des équipes aux acteurs de terrain.

Le conseil scientifique de l’IHU Imagine, par exemple, compte de nombreux scientifiques anglo-saxons, dont des prix Nobel. Je ne vois pas ce que l’évaluation du Hcéres pourrait ajouter à la sienne. Si une telle structure émet un avis positif, le Hcéres peut se contenter d’y envoyer un correspondant et de souscrire à cette évaluation de haut niveau.

Avis défavorable.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Je maintiens que l’ANR et le Hcéres renforcent une logique managériale toxique pour les personnels et hermétique au temps long dont la recherche a besoin. Auparavant, quand deux chercheurs avaient une idée, ils discutaient des expériences à mettre en œuvre pour l’éprouver. Désormais, la plupart d’entre eux se préoccupent de répondre à un appel d’offres de l’ANR. L’expérimentation y perd deux ou trois ans.

Il faut absolument se désintoxiquer de cette logique, qui amène les gens à ne plus travailler ni collaborer dès lors qu’ils ne sont pas dans le cadre d’un projet. Cette logique du mode projet vient de l’industrie, notamment du monde de l’informatique. Elle n’est vraiment pas la bonne façon de travailler dans la recherche. Il faut désintoxiquer les collectifs de la course aux appels d’offres, qui de surcroît introduit de grandes disparités entre unités de recherche, dont vous n’avez pas dit un mot.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-AC729 de M. Hendrik Davi

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Il s’agit de compléter les amendements qui précèdent. Lorsque nous proposons la suppression de l’ANR, on nous dit : « Mais comment piloterez-vous la recherche ? » Nous reprenons la proposition de l’association Sciences citoyennes consistant à confier le pilotage de 10 % des crédits de la recherche à des conventions citoyennes décidant démocratiquement des orientations à lui donner.

Le pilotage de la recherche par l’ANR est très politique. Il favorise les recherches qui s’inscrivent dans l’air du temps et non les recherches de long terme dont nous avons besoin, notamment pour la planification écologique.

M. Philippe Berta, rapporteur pour avis. Je suis toujours enclin à travailler avec les citoyens et enthousiaste à l’idée de le faire. Je n’en considère pas moins que le pilotage de la recherche, c’est-à-dire les choix scientifiques, relèvent des sachants. Chercheur moi aussi, je fais toute confiance à mes collègues pour faire les bons choix.

Quant à ce que vous reprochez au pilotage de la recherche par l’ANR, cela m’échappe. La politique science ouverte, abondée par le truchement de l’ANR, permet aux citoyens de participer à la recherche.

Avis défavorable

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. S’il va de soi qu’il incombe aux chercheurs de développer les programmes de recherche, la détermination des objets de recherche, en revanche, est politique. Par exemple, le PIA a retenu l’intelligence artificielle parmi ses grandes orientations. Définir les grandes orientations des politiques publiques de recherche en concertation avec les citoyens me semble intéressant.

La Convention citoyenne réunie par le Gouvernement pour traiter de la question climatique a démontré qu’un débat de citoyens préalablement formés et éclairés peut parfaitement décider des grandes orientations à mettre en œuvre, en l’espèce la réindustrialisation de notre pays et la planification écologique, et des objets de recherche y afférents. Les citoyens ont leur mot à dire, non sur les programmes de recherche, qui ressortissent à l’autonomie des chercheurs, mais sur les grandes orientations.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-AC606 et II-AC605 de Mme Clémence Guetté ; amendement IIAC568 de Mme Clémence Guetté, amendements identiques II-AC668 de M. Jimmy Pahun et II-AC624 de M. Mickaël Bouloux et amendements identiques II-AC669 de M. Jimmy Pahun et IIAC625 de M. Mickaël Bouloux

Mme Clémence Guetté (LFI-NUPES). L’amendement II-AC606 propose d’investir dans la construction d’un brise-glace afin d’améliorer le soutien logistique apporté à l’Institut polaire français Paul-Émile-Victor (Ipev) en Antarctique. L’Astrolabe est mis à la disposition de l’Ipev 120 jours par an alors qu’il en faudrait 140 pour le fonctionnement optimal des stations. Un brise-glace permettrait de les ravitailler quels que soient les aléas climatiques, de renforcer notre souveraineté en refaisant de la France la grande nation polaire qu’elle a longtemps été et de développer les collaborations européennes.

L’investissement serait de 700 millions d’euros et garantirait la création de plus de 1 000 emplois.

L’amendement II-AC605, beaucoup moins coûteux – 300 millions d’euros –, vise à permettre l’acquisition d’un brise-glace.

Les amendements II-AC568 et suivants ont été préparés de manière transpartisane dans le cadre du groupe d’études présidé par Jimmy Pahun et moi-même sur l’Arctique, l’Antarctique, les Terres australes et antarctiques françaises et grands fonds océaniques.

L’amendement II-AC568 vise à renforcer le budget de l’Ipev afin de garantir à court terme la présence française en Arctique et en Antarctique. L’Ipev a connu des difficultés ces dernières années, à cause de l’augmentation des prix de l’énergie, mais aussi par suite de la crise sanitaire, et il a fallu batailler à son sujet au niveau parlementaire. Il est nécessaire de sécuriser de nouveau ses financements, pour les scientifiques et les personnels. C’est un amendement à 87 millions d’euros.

M. Jimmy Pahun (Dem). Comme ces deux dernières années, nous présentons une initiative transpartisane en faveur de la recherche polaire. Cette fois, cependant, il ne s’agit pas de maintenir à flot une recherche en difficulté, mais bien de programmer dans la durée les investissements nécessaires au retour de la France dans le concert des grandes nations polaires. Différents travaux parlementaires s’y sont consacrés, et le Président de la République a demandé à l’ambassadeur chargé des pôles et des enjeux maritimes de bâtir une stratégie en ce sens.

L’amendement II-AC668 se veut la traduction budgétaire pour 2024 de cette stratégie. Il est tiré de la proposition de loi transpartisane de programmation polaire pour les années 2024 à 2030, signée par plus de 250 députés issus de neuf groupes politiques.

Notre objectif est d’ouvrir le débat à quelques jours du sommet polaire voulu par le Président de la République et d’inviter l’ensemble des ministères concernés à y prendre part, dans le but de faire adopter cette proposition de loi, dont nous souhaitons discuter dès le mois de décembre. Nous sommes très déterminés.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Je défends l’amendement II-AC624. L’objectif de cette proposition de loi transpartisane est de concrétiser la stratégie polaire française à l’horizon 2030. L’initiative vient de tous les groupes politiques.

M. Jimmy Pahun (Dem). Il nous faut un navire pour faire de la recherche, mais peut-être peut-on trouver d’autres financements que ceux proposés par Mme Guetté. C’est ce qui explique que mon amendement II-AC669 porte non pas sur 87 millions d’euros, comme son amendement II-AC568, mais sur 7 millions d’euros.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Je défends l’amendement II-AC625. L’objectif est aussi de renforcer les moyens humains de l’Ipev. Cet amendement, je le répète, est essentiel, transpartisan et ne porte que sur 7 millions d’euros.

M. Philippe Berta, rapporteur pour avis. Je suis moi-même impliqué dans ce dossier. Il se joue dans les pôles quelque chose d’essentiel pour notre avenir collectif, et les prélèvements qui viennent d’être effectués dans l’Antarctique montrent qu’il y a de quoi s’inquiéter.

Madame Guetté, les montants que vous proposez pour le brise-glace correspondent au coût de celui que les Allemands sont en train de construire, le Polarstern 2. Ce n’est pas l’option qui a été retenue dans la proposition de loi transpartisane de programmation polaire, car elle serait trop coûteuse en investissement et en fonctionnement au regard des besoins exprimés par les scientifiques polaires français. La PPL propose que nous nous dotions d’un navire du type de L’Astrolabe, qui assure le ravitaillement des bases antarctiques, pour un montant estimé à 70 millions d’euros.

Monsieur Pahun, je confirme que la recherche polaire est centrale et souffre de difficultés financières, mais aussi de problèmes de postes et humains, car on ne trouve pas grand-monde qui veuille aller là-bas. L’effort financier global impliqué par la proposition de loi sera de 449,4 millions d’euros. Je propose donc que l’on attende ce travail, lequel devra embarquer bien au-delà de notre pauvre ministère chargé de la recherche : il va falloir mettre du monde autour de la table.

Avis de sagesse sur les amendements que j’ai cosignés ; sur les autres, avis défavorable.

Mme Clémence Guetté (LFI-NUPES). Je suis bien consciente du fait qu’il n’existe pas de consensus au sein de la communauté polaire en ce qui concerne le brise-glace. Il me paraissait néanmoins important que nous ayons ce débat, qui soulève des questions de souveraineté au sein même de l’Union européenne, les nations ayant choisi des options stratégiques différentes. Plusieurs s’offrent à nous : la construction, l’acquisition, y compris celle d’un brise-glace d’occasion.

La proposition de loi transpartisane donne un horizon. Nous continuerons de nous battre afin de perpétuer cette démarche au lieu de demander des crédits supplémentaires à chaque budget pour parer à l’urgence.

Mme Anne Brugnera (RE). Mon groupe est conscient de l’importance de la recherche polaire – je profite de l’occasion pour saluer l’excellence de la recherche française.

En ce qui concerne le brise-glace, nous sommes favorables à une mutualisation et à une collaboration avec d’autres États.

L’Ipev a déjà bénéficié d’une hausse de son plafond d’emplois et de subventions complémentaires les années passées.

S’agissant de la station Dumont-d’Urville, les études sont en cours pour améliorer la situation.

Nous voterons contre ces amendements.

M. Jimmy Pahun (Dem). La proposition de loi transpartisane sera étudiée en décembre. C’est pour ne pas perdre de temps que nous avons voulu annoncer dès à présent ce qui sera fait de toute façon. Votez nos amendements pour gagner du temps ensuite !

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements II-AC711, II-AC746, II-AC745, II-AC748 et II-AC747 de M. Hendrik Davi

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Le budget du CNRS, institution phare dans notre pays, est très insuffisant. Ses effectifs, notamment de techniciens, ont baissé à long terme. Le PLF ne prévoit d’augmenter ce budget que de 2,43 % ; c’est inférieur à l’inflation prévue, qui atteint 2,6 %, et cela couvre à peine les mesures Guerini sur les salaires.

L’amendement II-AC711 vise à augmenter de 15 % la subvention pour charges de service public du CNRS, en particulier afin d’augmenter massivement les salaires, qui représentent 80 % du budget consolidé de l’institution. Un chargé de recherche commence à moins de 2 000 euros mensuels nets : c’est absolument inadmissible.

Alors que la crise écologique est devant nous, l’agriculture et la gestion des espaces naturels jouent un rôle important en ce qui concerne le changement climatique, l’extinction massive des espèces et la pollution de l’eau et des sols. L’agriculture est le deuxième poste d’émissions de gaz à effet de serre en France, avec 19 % du total national. Or la France est aussi l’un des premiers utilisateurs mondiaux de produits phytopharmaceutiques – 60 000 à 100 000 tonnes par an en moyenne. Il est donc urgent de mieux documenter la vulnérabilité de nos agroécosystèmes et, surtout, de trouver comment gérer nos écosystèmes naturels et assurer la transition écologique de notre agriculture. Ce sont précisément les missions dévolues à l’Inrae.

L’amendement II-AC746 vise à augmenter de 15 % le budget de cet institut. Comme au CNRS, les salaires y sont très bas ; il faut revaloriser les carrières et accroître le budget environné par chercheur dans le but d’assurer aux chercheurs des crédits récurrents.

Fondé en 1964, l’Inserm est entièrement voué à la recherche biologique, médicale et à la santé humaine. Ses recherches, réalisées par l’intermédiaire de plus de 350 structures, ont pour vocation l’étude de toutes les maladies, des plus fréquentes aux plus rares, grâce à des travaux de recherche biologique, médicale et en santé des populations, en partenariat étroit avec les autres établissements de recherche publics et les hôpitaux.

La pandémie liée au covid-19 ne sera hélas pas la dernière, car la déstabilisation des écosystèmes naturels est génératrice de maladies émergentes, lesquelles viennent d’ailleurs de faire l’objet d’un nouvel appel à projets. Le vieillissement de la population est un autre facteur important. Nous avons donc besoin de plus de recherches dans le domaine de la santé, notamment environnementale, en lien avec la pollution et l’alimentation.

Par l’amendement II-AC745, nous proposons d’augmenter de 15 % le budget de l’Inserm afin qu’il puisse embaucher massivement et revaloriser les carrières.

L’amendement II-AC748 vise quant à lui à augmenter de 15 % la subvention pour charges de service public du CEA.

L’explosion des prix de l’énergie montre que la sobriété et la souveraineté énergétiques sont centrales. Nous devons donc développer massivement les énergies renouvelables et les recherches sur l’efficacité énergétique, mais aussi poursuivre les recherches sur la gestion des déchets nucléaires. Or le PLF ne prévoit qu’une augmentation de 2,7 % de la subvention pour charges de service public du CEA, supérieure à celle qui s’applique à d’autres organismes car le Gouvernement souhaite aider le nucléaire, mais inférieure à celle de l’an dernier et compensant à peine les effets de l’inflation.

L’IRD (Institut de recherche pour le développement) favorise les recherches sur l’adaptation des agroécosystèmes tropicaux au changement climatique. C’est un organisme pluridisciplinaire reconnu internationalement et doté d’un vrai savoir-faire lui permettant de travailler avec les pays du Sud, méditerranéens et africains. Dans le contexte actuel de crise écologique et géopolitique, nous avons besoin de plus de recherches partenariales avec ces pays pour assurer un développement durable et économiquement équitable.

Le PLF limite à 2,4 % l’augmentation de la subvention pour charges de service public de l’IRD : c’est vraiment insuffisant au vu des enjeux. Comme au sein des autres instituts dont j’ai parlé, les salaires y sont vraiment trop bas. Il faut augmenter d’au moins 15 % le budget de cet opérateur. C’est le sens de l’amendement II-AC747.

M. Philippe Berta, rapporteur pour avis. Vous avez choisi cinq EPST – établissements publics à caractère scientifique et technologique – ou Epic – établissements publics industriels et commerciaux. Pourquoi pas les autres ?

L’augmentation des salaires des chercheurs et enseignants-chercheurs est une question très importante. Abordée par la LPR, elle est rendue complexe par la grille de la fonction publique et l’indiciaire, de sorte que l’on y répond essentiellement par un système de primes pour ne pas avoir à revoir l’ensemble de cette grille. Des choses sont faites : une hausse de 73 millions d’euros pour le CNRS, de 19 millions d’euros pour l’Inrae, de 16 millions d’euros pour l’Inserm, de 6 millions d’euros pour l’IRD ; une enveloppe de 45 millions d’euros est prévue pour les salaires. La situation progresse ; je suis un ancien du CNRS, de l’Inserm et de l’université, et c’est pratiquement la première fois que je vois cela depuis mon recrutement en 1988.

Avis défavorable.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Je soutiens ces amendements visant à conforter les grandes maisons de la recherche publique française, affaiblies ces dernières années par une politique continue de renforcement de la recherche privée. C’est aussi une question de souveraineté et d’intérêt général.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. On est très loin de l’objectif européen de 3 % du PIB consacrés à la recherche. La part de la R&D – recherche et développement – publique est stable, à 0,7 %. Comparée aux autres pays de l’OCDE, la France a chuté du haut au milieu du tableau en ce qui concerne ses dépenses de R&D. Il faut donc un choc d’investissement dans la recherche, en particulier publique.

Pourquoi ces instituts ? Je vous rassure, nous avons le même amendement pour les universités et j’en défendrai un autre sur le CSTB – Centre scientifique et technique du bâtiment. J’ai fait ce choix parce que le pilotage de la recherche ne doit pas passer par l’ANR, mais par des options budgétaires visant des instituts de recherche finalisée et des sujets centraux pour le développement de notre pays.

M. Quentin Bataillon (RE). Il était important de rappeler ce qui a été fait sur les plans indiciaire et indemnitaire. Autre sujet auquel nous sommes très attentifs : les enseignants du secondaire qui travaillent dans nos universités. À Saint-Étienne, par exemple, c’est le cas du vice-doyen de la faculté des sciences, qui n’a donc pas accès au même niveau de rémunération et de primes que les enseignants-chercheurs. La ministre a fait des annonces à ce sujet ; nous suivrons la situation de près.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements II-AC623 de Mme Fatiha Keloua Hachi, II-AC233 de M. Roger Chudeau et II-AC686 de M. Alexandre Portier

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Nous demandons une revalorisation indemnitaire des personnels de la recherche publique à hauteur de 250 millions d’euros.

À l’intérieur de cette enveloppe, 80 % iraient à la revalorisation des enseignants-chercheurs et des chercheurs, dont le salaire est très inférieur – de 35 % en début de carrière et de 15 % en fin de carrière – à celui qui a cours au sein de l’OCDE. Pour les 115 000 chercheurs publics, cela représenterait une hausse moyenne de 1 700 euros annuels.

Les 20 % restants, soit 50 millions d’euros, seraient consacrés à la rémunération des 50 000 personnels de soutien, dont le salaire augmenterait ainsi de 1 000 euros par an en moyenne.

M. Roger Chudeau (RN). L’amendement II-AC233 vise à créer un plan de revalorisation de la rémunération des chercheurs et enseignants-chercheurs, afin de renforcer l’attractivité des métiers de la recherche. Ce nouveau programme serait doté d’une enveloppe de 1 milliard d’euros sur cinq ans.

Les métiers de la recherche n’attirent plus ; on le voit à la baisse inquiétante du nombre de doctorants et à la difficulté du pays à garder sur son sol ses meilleurs éléments : la fuite des cerveaux se poursuit.

Les causes de ce déclassement sont multiples. La principale est le faible niveau de rémunération de tous les personnels de la recherche en comparaison de celui que l’on observe dans les pays de l’OCDE et dans les autres corps de la fonction publique française. Le salaire annuel brut moyen de début de carrière des chercheurs en France représentait en 2013, en parité de pouvoir d’achat, 63 % du salaire moyen de début de carrière perçu par les chercheurs en Europe et dans les pays de l’OCDE. À cela s’ajoutent la progression du nombre d’emplois contractuels souvent mal rémunérés et le recours de plus en plus systématique à des vacataires en situation de précarité, du fait de la réduction de nombre de titulaires.

M. Alexandre Portier (LR). Le nombre de premières inscriptions en thèse a fortement chuté, de 4 % à la rentrée 2022. Toutes les disciplines sont touchées, mais plus particulièrement les filières scientifiques. Ces chiffres inquiétants montrent le décrochage de l’université française, dont la première cause est sans doute la faible rémunération des enseignants-chercheurs.

Cela risque de nous poser des problèmes dans des domaines d’avenir, comme l’intelligence artificielle. La presse spécialisée s’accorde à dire que dix des quinze meilleurs spécialistes mondiaux en IA sont français, mais tous travaillent aux États-Unis : nous n’avons pas su les retenir en créant les conditions permettant d’exploiter pleinement leur talent.

Nous proposons donc la création d’une ligne budgétaire de 15 millions d’euros pour revaloriser la recherche et les enseignants-chercheurs.

M. Philippe Berta, rapporteur pour avis. On part de très bas à cause du mépris affiché depuis des décennies envers le monde de la recherche. Le budget de la recherche a baissé d’environ 18 % pendant le mandat de François Hollande. Aujourd’hui, on rame pour essayer de se remettre à niveau.

Les crédits supplémentaires ouverts dans ce PLF contribuent à l’amélioration des rémunérations, à hauteur de 258 millions d’euros en cinq ans, comme je l’ai indiqué dans mon propos liminaire. On peut juger cela insuffisant, mais, pour l’instant, il est difficile de faire mieux.

En ce qui concerne l’intelligence artificielle, on connaît les problèmes de l’Inria ; toutefois, si ses personnels partent, ce n’est pas pour faire de la recherche, mais plutôt pour rejoindre l’industrie et le privé, et pas nécessairement à l’étranger. Les rares que nous gardons restent pour la liberté scientifique.

Avis défavorable.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Je soutiens ces amendements. Le salaire d’un chercheur qui entre au CNRS, dont l’âge moyen est de 36 ans, s’élève à moins de 2 000 euros par mois ; c’est tout à fait insuffisant. Vous ne revalorisez les rémunérations que par des primes, qui ne comptent pas pour la retraite et mettent les agents en concurrence entre eux, ce qui désorganise encore plus les collectifs.

On va arriver à un stade où, comme à l’hôpital et à l’école, il n’y aura même plus de candidats, à cause du niveau trop bas des rémunérations et d’une souffrance au travail trop forte du fait d’un management toxique. C’est alors l’ensemble du système de la recherche et de l’université qui s’effondrera.

M. Philippe Berta, rapporteur pour avis. La difficulté à recruter des chercheurs, notamment dans les domaines des sciences, des techniques et de l’industrie, est un problème profond : il n’y a presque plus de jeunes qui choisissent ces disciplines ; c’est le mal français. J’ai essayé de l’expliquer dans mon avis budgétaire l’an dernier. On verra ce qu’il en adviendra.

Quant au problème indemnitaire, j’ai expliqué que le choix des primes avait été la solution face à l’urgence.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-AC730 de M. Hendrik Davi

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. La diffusion de la connaissance scientifique est un enjeu essentiel pour les scientifiques, mais aussi pour les industriels et tous les citoyens. Or les éditeurs scientifiques sont très souvent privés et l’accès aux publications est très onéreux. Chaque année, les dépenses en ressources électroniques s’élèvent à 29 millions d’euros pour les organismes de recherche et 49,8 millions d’euros pour les universités, soit entre 1 000 et 1 600 euros par an et par chercheur titulaire. Les laboratoires souscrivent parfois des abonnements à 1,6 million d’euros, auquel il faut ajouter 1,8 million d’euros pour les publications payantes.

Les éditeurs scientifiques réalisent des bénéfices colossaux. Le marché mondial de la publication scientifique était estimé à 28 milliards de dollars en 2020.

Cet argent serait mieux utilisé à créer un véritable service public de la publication scientifique. Le principe serait simple : dans chaque université, un service serait consacré à l’édition de revues ou de journaux de l’université ; l’ensemble de ces productions serait ensuite rassemblé et disponible en libre accès sur une plateforme nationale, sur le modèle de HAL pour l’archivage.

M. Philippe Berta, rapporteur pour avis. Le budget de la sous-action 05, Animation scientifique, de l’action 01 du programme 172 indique l’enveloppe destinée au plan national pour la science ouverte et aux mesures d’accompagnement à l’échelle nationale, européenne et internationale. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-AC660 de Mme Béatrice Descamps, II-AC167 et II-AC688 de M. Alexandre Portier

Mme Martine Froger (LIOT). Nous souhaitons encourager la recherche sur les causes environnementales des cancers en France.

Le cancer est la première cause de mortalité en France, avec 385 000 nouveaux cas chaque année et 150 000 décès. Or il y a encore trop de flou au sujet de certains produits ou aliments utilisés quotidiennement et qui pourraient être cancérigènes, mais qui n’ont pas fait l’objet de véritables recherches permettant d’en mesurer la dangerosité.

L’amendement II-AC660 tend à attribuer 10 millions d’euros au développement de la recherche dans ce domaine.

M. Alexandre Portier (LR). En France, chaque année, plus de 2 500 enfants se voient diagnostiquer un cancer et 500 d’entre eux en décèdent. Or, malgré le fort investissement du milieu associatif, la recherche en oncologie pédiatrique ne bénéficie que d’un soutien financier minime de la part des industriels du médicament, et la crise sanitaire a malheureusement entraîné une baisse importante des dons.

L’amendement II-AC167 vise donc à flécher 5 millions d’euros de crédits supplémentaires vers cette recherche.

Quant à l’amendement II-AC688, il vise à donner plus de moyens – 3 millions d’euros – à la recherche sur la maladie d’Alzheimer, laquelle touche plus de 20 % de la population âgée de plus de 80 ans.

M. Philippe Berta, rapporteur pour avis. Je fais la même réponse depuis sept ans. Ce n’est pas ainsi que cela marche. Nous sommes là pour voter des budgets alloués à un ministère, non pour décider de l’utilisation qui en sera faite. Les crédits sont ensuite distribués à des organismes – des fondations, l’Inca – Institut national du cancer –, l’ANRS-MIE – maladies infectieuses émergentes –, etc. – qui, par l’intermédiaire de leur comité scientifique, choisiront leurs priorités.

En ce qui concerne le cancer, on ne peut pas dire que l’on ne met pas le paquet en ce moment. Allez sur le plateau de Saclay, allez voir le cluster PSCC – Paris-Saclay Cancer Cluster ; ils viennent encore de décider la construction d’un bâtiment supplémentaire de 25 000 mètres carrés. Simplement, dans la science et a fortiori en santé, le temps de la recherche est long.

Dans les deux domaines du cancer pédiatrique et de la maladie d’Alzheimer, les acteurs importants de la recherche ne sont peut-être pas les laboratoires pharmaceutiques, mais ce sont clairement les acteurs de la biotechnologie santé. Un exemple : Orpha, société française, est en attente de l’autorisation de mise sur le marché d’un traitement du neuroblastome de l’enfant. Quant à Alzheimer, je vous conseille de placer votre argent auprès de l’entreprise américaine Biogen, dont le traitement de cette maladie a été autorisé par la Food and Drug Administration.

J’ai fait le tour de France de la recherche en santé ces dernières semaines : entre l’institut Curie, l’IGR – Institut Gustave-Roussy –, Saclay et le biocluster marseillais pour les immunothérapies des cancers, je peux vous assurer que l’on en fait beaucoup. À l’échelle mondiale, il s’agit du seul secteur de la recherche en santé qui échappe un peu à la morosité ambiante.

Avis défavorable.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. En effet, ce n’est pas à notre commission ni à la représentation nationale de décider des orientations de la recherche dans le détail. Si nous voulons soutenir la recherche sur le cancer, il faut aider les CHU – centres hospitaliers universitaires – ou l’Inserm ; les professionnels en leur sein, en dialogue avec l’État, sauront organiser les moyens qui leur sont alloués.

Nous nous abstiendrons lors du vote.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Monsieur Berta, l’IGR, donc le PSCC, est dans ma circonscription et nous avons toutes les peines du monde à faire entendre à Bercy qu’il ne faut pas chercher la valorisation foncière dans ce cadre. Je reviendrai vers vous pour que vous nous aidiez à soutenir la réalisation de la zone d’aménagement concertée.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-AC561 de M. Idir Boumertit

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. La réindustrialisation de la société française est un véritable enjeu. C’était le sens de la loi relative à l’industrie verte. Dans ce contexte, la ministre l’a dit tout à l’heure, il est très important que le service public de l’enseignement supérieur fasse correspondre les formations aux besoins, notamment industriels. Nous souffrons d’un manque de filières courtes.

Nous proposons donc la création d’une filière technologique consacrée à la réduction de l’empreinte carbone de l’industrie.

M. Philippe Berta, rapporteur pour avis. Cela ne relève pas des budgets pour lesquels la commission des Affaires culturelles est compétente. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.


Amendements identiques II-AC633 de Mme Béatrice Descamps et II-AC690 de M. Alexandre Portier

Mme Martine Froger (LIOT). Notre amendement vise à accélérer la recherche scientifique sur le handicap, notamment les handicaps rares et psychiques.

En septembre 2022, l’Institut pour la recherche en santé publique (Iresp) et la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) ont identifié plusieurs domaines de recherche où les travaux restent rares ou incomplets : l’évaluation, la tarification, la connaissance des publics, les alternatives à l’établissement. Lors de la CNH, un soutien pluriannuel, allant de 2024 à 2027, à la recherche interdisciplinaire sur les enjeux liés aux handicaps a été annoncé, fondé sur le programme coordonné par le CNRS et les actions de l’Iresp. Nous proposons que ses moyens soient augmentés de 10 millions d’euros.

M. Philippe Berta, rapporteur pour avis. Ma réponse précédente sur les orientations thématiques vaut également ici. En outre, la notion de handicap rare – je préside depuis sept ans le groupe d’études sur les maladies rares – est assez diffuse et peu claire.

N’oublions pas la sérendipité de la recherche : ce n’est pas parce que vous allouez de l’argent à un objet que cet argent va rendre possible une découverte dans ce domaine. La technique des ciseaux moléculaires, récompensée par le dernier prix Nobel français de chimie, est née de l’étude d’une bactérie. Laissons les scientifiques définir leurs priorités.

Avis défavorable.

Mme Anne Brugnera (RE). C’est un débat que nous avons à chaque projet de loi de finances : on cherche à abonder les budgets de la recherche dans les domaines qui nous tiennent à cœur – à moi comme à vous : je suis membre des groupes d’études sur le cancer et sur le handicap. Mais mon groupe approuve les propos du rapporteur pour avis. Nous voterons contre ces amendements.

La commission rejette les amendements.

Amendement II-AC661 de Mme Béatrice Descamps

Mme Martine Froger (LIOT). Il est prévu d’augmenter de plus de 10 % le budget pour l’ANR. Nous proposons de l’abonder de 10 millions d’euros supplémentaires pour financer la recherche sur les maladies rares de l’enfant, hors cancers, qui sont à ce jour incurables et mortelles, comme les amyotrophies bulbo-spinales, la myopathie de Duchenne ou la sclérose latérale amyotrophique. Comme elles touchent un petit nombre de personnes, la recherche sur chacune d’entre elles est très insuffisante.

M. Philippe Berta, rapporteur pour avis. Il existe un peu plus de 7 000 maladies rares, qui concernent 3 millions de Français. En France, nous avons été et restons pionniers en ce qui concerne l’organisation du diagnostic, en particulier, et de la gestion de ces maladies en général. Nous avons des plans nationaux – le troisième est en cours de finalisation et d’évaluation, le quatrième débutera en janvier. Nous sommes copiés en Europe. Nous avons toujours mis le paquet sur les maladies rares et mon travail consiste à faire en sorte que cela continue. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Paul Molac (LIOT). Ces amendements ont été déposés par Mme Descamps, qui peut seule les retirer si elle le souhaite. Nous continuerons de les défendre.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-AC692 de M. Alexandre Portier, II-AC607 de Mme Clémence Guetté et II-AC695 de Mme Angélique Ranc

M. Philippe Berta, rapporteur pour avis. Ces amendements sont hors champ de notre Commission. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Suivant la préconisation du rapporteur pour avis Philippe Berta, la commission rejette l’amendement II-AC703 de Mme Fatiha Keloua Hachi.

Amendement II-AC735 de M. Hendrik Davi

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Le CSTB est un Epic chargé par l’État de procéder ou de faire procéder à des recherches scientifiques et techniques directement liées à la préparation ou à la mise en œuvre des politiques publiques en matière de construction et d’habitat. Les recherches prévues contribuent à la transition écologique et énergétique, à la transition numérique et à la compétitivité du secteur. Cet opérateur est très utile pour dynamiser la rénovation énergétique des bâtiments publics, comme le Gouvernement souhaite le faire.

Pourtant, le PLF n’augmente pas la subvention de l’État au CSTB et ce budget ne permet pas de revaloriser la rémunération de ses 900 salariés de 3,5 % comme dans les autres Epic, ni de compenser l’inflation. Il y a un écart entre ce que le Gouvernement déclare vouloir faire et les moyens alloués aux institutions qui y œuvrent.

Je propose d’augmenter de 15 % le budget de cet établissement.

M. Philippe Berta, rapporteur pour avis. Cet amendement non plus ne relève pas de notre mission, mais du ministre de la transition énergétique. Avis défavorable.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. C’est faux : ce budget est dans les bleus de notre mission.

M. Philippe Berta, rapporteur pour avis. Nous n’avons pas à donner un avis sur un domaine qui n’est pas de notre compétence.

La commission rejette l’amendement.

2.   Réunion du jeudi 26 octobre 2023 à 15 heures

La commission poursuit l’examen pour avis des crédits de la mission Recherche et enseignement supérieur du projet de loi de finances pour 2024 (n° 1680  seconde partie) (M. Philippe Berta, rapporteur pour avis Recherche, M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis Enseignement supérieur et vie étudiante)([216]).

Article 35 et état B (suite) : Crédits du budget général

Amendements II-AC737 de M. Hendrik Davi et II-AC553 et II-AC596 de M. Jérôme Legavre

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis (Enseignement supérieur et vie étudiante). Plusieurs présidents d’université s’inquiètent de la compensation partielle des mesures annoncées par le ministre Stanislas Guérini en juin dernier et de la mobilisation d’une partie des fonds de roulement des universités en 2023 et 2024. Comme l’a rappelé le président de France Universités lors de son audition, les universités n’ont pas la capacité d’emprunter : seuls les fonds de roulement leur permettent de réaliser leurs projets d’investissement. Ceux qui ne sont pas fléchés servent à acquitter les surcoûts liés aux imprévus : ce n’est pas de l’argent qui dort. Ils ont augmenté car la logique d’appel à projets s’est amplifiée : dans l’attente de partenariats, les structures se retrouvent avec beaucoup d’argent, qui couvre le surcoût de mesures non compensées en 2023 et 2024. En conséquence, les universités devront déprogrammer certaines opérations, notamment la rénovation des campus.

Par l’amendement II-AC737, nous proposons d’augmenter de 15 % le budget des universités et des autres établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) afin d’améliorer les qualifications et la production scientifique. Ces crédits supplémentaires permettront d’augmenter les salaires, qui représentent 80 % de ces budgets.

M. Jérôme Legavre (LFI-NUPES). Les amendements II-AC553 et II-AC596 visent à dénoncer la baisse des budgets alloués aux universités. Contrairement à ce que dit la majorité, il est difficile de trouver des augmentations dans le budget. La forte inflation a des incidences sur les dépenses d’énergie, si bien qu’une grande partie des universités ne sont pas chauffées en hiver ; certains sites ont même dû fermer. La progression des budgets consacrés à l’université étant en deçà des taux d’inflation, il semble indispensable d’inverser la tendance actuelle.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Avis favorable. Il s’agit d’augmenter fortement le budget des universités, ce qu’attendent les enseignants et les étudiants.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-AC621 de Mme Fatiha Keloua Hachi

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). L’amendement souligne la nécessité de lancer un grand plan immobilier au sein des universités. Pour ancrer ces établissements dans les territoires, l’État doit renforcer la dotation de patrimoine immobilier. Selon le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche, le coût des réhabilitations en attente serait de 7 milliards d’euros, dont 75 % en lien avec la transition énergétique – France Universités retient un montant de 15 milliards d’euros pour une rénovation totale. Nous demandons 1 milliard d’euros par an jusqu’à 2030 pour compenser ce manque et rénover le patrimoine immobilier, dans l’optique de la transition énergétique.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Je suis favorable à l’amendement. Les enjeux de rénovation du bâti des universités sont immenses. Le Gouvernement, en contraignant les universités à puiser dans leurs fonds de roulement, ralentira de fait les projets de rénovation. Lors de la campagne présidentielle de 2017, le candidat Emmanuel Macron s’était engagé à faire construire 60 000 logements d’ici à la fin du quinquennat : seuls 36 000 ont été mis en service entre 2018 et 2021. Le compte n’y est pas. La ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche a rappelé que des rénovations prioritaires seraient réalisées. Néanmoins, rénover ne suffit pas : il faut aussi construire des logements étudiants.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Le Gouvernement devra compenser les études de plusieurs centaines de milliers d’euros que les universités sont obligées de mener pour réhabiliter leur patrimoine immobilier à l’heure de la transition énergétique.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-AC678 de Mme Sophie Taillé-Polian et II-AC751 de M. Hendrik Davi, amendements identiques II-AC576 de Mme Martine Froger et II-AC602 de Mme Fatiha Keloua Hachi et amendement II-AC639 de M. Jean-Claude Raux

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Le projet annuel de performances du programme 150 Formations supérieures et recherche universitaire de la mission Recherche et enseignement supérieur assume de ne pas compenser l’intégralité des hausses de dépenses de personnel des universités, considérant que « compte tenu de leurs réserves financières, les établissements seront également appelés à un effort de responsabilité ». Ainsi, selon France Universités, près de 120 millions d’euros par an ne sont pas compensés par l’État, qui grève dans le même temps le fonds de roulement des universités ou leurs perspectives en matière de recrutement.

Depuis le passage au principe des responsabilités et compétences élargies, que prévoit la loi relative aux libertés et responsabilités des universités, c’est la première fois que des mesures salariales appliquées à l’ensemble de la fonction publique ne sont pas compensées. Quant aux surcoûts liés à l’inflation et à la hausse des prix de l’énergie, ils sont estimés à 300 millions d’euros pour 2023. Selon une enquête de France Universités réalisée en 2023, près des deux tiers des universités françaises pourraient présenter un résultat déficitaire. Il est donc indispensable de compenser ces augmentations des traitements des fonctionnaires.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Il est incompréhensible que l’État ne compense pas intégralement des mesures salariales qu’il a lui-même décidées. Ces augmentations sont du reste insuffisantes. Mon amendement, le II-AC751, poursuit le même objectif. Il serait dommage que ces amendements ne soient pas votés par la représentation nationale car des membres de la majorité estiment également que la compensation est nécessaire.

M. Stéphane Lenormand (LIOT). L’amendement II-AC576 a pour objet de compenser totalement, à hauteur de 125 millions d’euros, le coût des mesures de revalorisation salariale pour la fonction publique annoncées par le ministre de la Transformation et de la fonction publiques, M. Guerini. Après leur non-compensation en 2022, la compensation partielle annoncée en 2023 et 2024 est une très mauvaise nouvelle pour les universités. Il faudrait qu’elles trouvent près de 120 millions d’euros par an pour compenser ces augmentations, soit environ 1 500 emplois de maîtres de conférences.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Par l’amendement II-AC602, nous proposons également de compenser le coût des mesures annoncées par Stanislas Guerini. Les universités comprennent mal cette compensation partielle, qui les conduit à devoir financer 120 millions d’euros soit par prélèvements sur leur fonds de roulement, soit par réduction de leurs campagnes d’emplois. Cela représente un grand nombre de postes de maîtres de conférences et d’enseignants-chercheurs.

Certains d’entre vous sont favorables à la compensation totale : il est temps de voter ces amendements.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Nous sommes nombreux à avoir reçu des courriers des universités de nos territoires, nous alertant sur leur situation financière. En tant que parlementaires, nous devons agir sur cette question.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Je suis favorable à l’ensemble des amendements : il n’est pas normal que l’État ne compense pas des décisions salariales qu’il a lui-même décidées pour les universités. Selon le président de France Universités, les factures énergétiques augmenteront de 66 %. Au total, le coût relatif à la masse salariale et au fonctionnement courant, imputés au programme 150, pourraient atteindre 400 millions d’euros. Le Gouvernement prévoit une compensation partielle de 155 millions d’euros pour les mesures salariales, qui est largement insuffisante. Il est essentiel de voter au moins l’un de ces amendements, pour que les universités ne soient pas contraintes de puiser dans leur fonds de roulement.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements II-AC594 de M. Jérôme Legavre, II-AC750 de M. Hendrik Davi, amendements identiques II-AC574 de Mme Martine Froger et II-AC615 de Mme Fatiha Keloua Hachi, et amendement II-AC643 de M. Jean-Claude Raux

M. Jérôme Legavre (LFI-NUPES). Par l’amendement II-AC594, nous proposons un plan de 350 millions d’euros pour compenser la hausse du coût de l’énergie supporté par les universités. Selon le président de France Universités, la facture énergétique des universités aurait augmenté de 66 %, du fait de l’inflation. Certains présidents d’université en ont conclu qu’ils devaient couper le chauffage, y compris l’hiver. En janvier dernier, j’ai tenu une conférence à Paris 13, alors qu’il faisait moins de 10 degrés dans l’amphi. Les étudiants n’étaient pas étonnés de la situation. Le problème est grave.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Malgré la hausse des tarifs de l’électricité, estimée à 10 % en 2024 par le Gouvernement, les activités de recherche et d’enseignement doivent pouvoir se dérouler sans interruption pédagogique et sans recours au distanciel non justifié pédagogiquement. L’autonomie des universités et la sobriété ne doivent pas être un prétexte à une dégradation des conditions de travail et d’enseignement.

L’amendement II-AC750 vise à établir un plan de compensation financière de la hausse du coût de l’énergie prévue pour 2024 pour les universités et les centres de recherche, chiffré à 100 millions d’euros. Il n’est pas normal que certaines universités soient contraintes de couper l’électricité ou de limiter les cours en présentiel.

M. Stéphane Lenormand (LIOT). L’amendement II-AC574 tend à compenser l’augmentation des coûts de fonctionnement courant des universités en raison de l’inflation et des surcoûts énergétiques. L’explosion des coûts pèse lourdement sur le budget de nos universités.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). En 2021, les coûts de l’énergie pour les universités étaient de l’ordre de 220 millions d’euros, soit 10 % des dépenses de fonctionnement courant, ce qui est énorme. Or ce chiffre n’a fait qu’augmenter. Pour préserver la capacité de financement des universités et éviter les conséquences dommageables des surcoûts énergétiques sur la capacité de formation, de recherche et d’innovation des établissements, il apparaît indispensable que l’État compense ces coûts supplémentaires à hauteur de 100 millions d’euros.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Cet amendement II-AC643, de Jean-Claude Raux, vise également à compenser l’augmentation des coûts de fonctionnement courant dans les universités. En ne compensant ni les hausses de traitement des fonctionnaires des universités, ni la hausse des frais de chauffage, on entre dans un cercle vicieux car les universités autonomes ne peuvent pas financer la rénovation de leurs bâtiments. Les fonds dégagés par ailleurs ne suffisent pas. Il faut trouver des solutions pour ne pas fermer les structures et assumer un service public d’enseignement supérieur de qualité.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Avis favorable. Gouverner, c’est prévoir. La crise énergétique que nous avons vécue en 2022 et 2023 risque de se reproduire. D’abord, en raison du contexte international, avec la crise au Moyen-Orient. Ensuite, parce que la crise écologique nous place face à un mur. Nous ne devons pas nous satisfaire que ces crises à répétition conduisent à des fermetures d’universités – à Strasbourg, à Nantes, la continuité pédagogique n’a pas toujours été possible.

L’enjeu est énorme puisque France Universités représente 20 % du patrimoine immobilier de l’État, qu’il faut rénover. La première mesure est de compenser, mais pas au fil de l’eau et a posteriori avec des lois de finances rectificative ou des aides, comme l’a dit la ministre. Cela met les universités en difficulté chronique et les oblige à renoncer à certaines de leurs actions.

Comme pour les compensations salariales, différents groupes de l’Assemblée nationale demandent la compensation du coût de l’énergie. Il serait bon que la représentation nationale vote cette série d’amendements.

Mme Anne Brugnera (RE). Vous dites que « gouverner, c’est prévoir », mais vos propositions ne font que multiplier les dépenses, avant de savoir si elles sont justifiées. L’année dernière, il était difficile de prévoir la guerre en Ukraine. Le ministère est en effet venu au secours des universités en difficulté avec un projet de loi de finances rectificative (PLFR), mais un PLFR sert justement à décider de dépenses qui n’avaient pu être prévues initialement.

Le budget est un acte de responsabilité. Vos amendements, parfois à hauteur de plusieurs milliards d’euros, montrent que vous n’avez pas la même notion de la responsabilité budgétaire que nous. Surtout, le lien entre le ministère et l’université est capital, pour aider les établissements, dans le dialogue et la confiance.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Gouverner, c’est aussi penser à l’avenir. On demande aux universités de mener une action de sobriété énergétique, de diminuer de 10 % leur consommation énergétique d’ici à 2024. Or les 100 millions d’euros que nous demandons serviraient aussi à mener des actions en faveur de la transition écologique et du plan de sobriété. Il ne faut pas uniquement les envisager au coup par coup, pour payer les factures.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). On le voit dans ce budget : les universités raquent. Effectivement, dans un budget global d’austérité, quand on fait le choix d’augmenter les crédits d’autres ministères, on fait des coupes claires à d’autres endroits. Le problème est que cela a des effets directs sur l’enseignement. Les propos de France Universités devraient vous amener à vous interroger.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-AC739 de M. Hendrik Davi

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. L’amendement vise à établir un plan de titularisation des contractuels volontaires exerçant des fonctions pérennes. En effet, le nombre de chercheurs, ingénieurs, techniciens ou administratifs exerçant en réalité des fonctions pérennes dans les universités ou les EPST ne cesse de croître. Au total, la France compte 31 348 enseignants-chercheurs et enseignants non permanents, environ 25 000 agents contractuels hors enseignants employés sur des missions permanentes et 23 125 ingénieurs et personnels techniques de recherche et de formation contractuels, employés dans des missions permanentes.

Comme trop peu de places ont été ouvertes au concours ces dernières années, certains contractuels arrivent à la limite du renouvellement de leur contrat – de brillants post‑doctorants ont ainsi dû renoncer à la recherche, faute de pouvoir signer un nouveau contrat à durée déterminée (CDD). Pour éviter ce gâchis en matière de ressources humaines, nous proposons de les titulariser, une mesure qui coûterait 2 milliards d’euros.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC731 de M. Hendrik Davi

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. La rémunération d’une heure de travaux dirigés étant fixée à 43,50 euros pour 4,18 heures de travail, en amont et en aval, le salaire horaire réel pour un cours à l’université s’élève à 9,91 euros, soit moins que le Smic horaire, sans compter toutes les tâches administratives épuisantes, qui ne sont pas rémunérées. Selon les syndicats, plus de 10 millions d’heures complémentaires sont réalisées chaque année dans l’enseignement supérieur, assurées à part égale par les enseignants-chercheurs et par les enseignants vacataires. Le monde de la recherche fait face à une précarité alarmante. Il est urgent de revaloriser les métiers du supérieur, pour retrouver des conditions d’enseignement à la hauteur des besoins de formation.

Cet amendement vise donc fonder la rémunération des heures d’enseignement sur le temps de travail réel et non plus seulement sur l’heure de cours donnée. Cette prise en compte entraîne une augmentation du taux des heures complémentaires, ce qui incitera les établissements à ouvrir de nouveaux postes d’enseignants-chercheurs titulaires plutôt qu’à recourir à des contractuels et à des vacataires précaires.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-AC734, II-AC740, II-AC733 de M. Hendrik Davi, II-AC370 de M. Julien Bayou, II-AC732 de M. Hendrik Davi, II-AC232 de M. Roger Chudeau et II-AC627 de Mme Fatiha Keloua Hachi

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. L’amendement II-AC734 vise à donner aux doctorants qui le souhaitent la possibilité d’allonger d’un an la durée de leur contrat doctoral. Le coût est cette mesure est estimé à 578 millions d’euros.

En 2020, près de 60 % des doctorants avaient terminé leur thèse en plus de quarante mois. En l’absence des financements nécessaires, la durée moyenne des doctorats diminue, au prix d’une plus grande souffrance des étudiants en fin de thèse et d’un fort taux d’abandon. De nombreux pays offrent déjà la possibilité d’une quatrième année aux doctorants qui le souhaitent. Donnons à la recherche les moyens de relever les défis auxquels elle fait face.

Quant à l’amendement II-AC740, il a pour objet d’augmenter le nombre d’allocations doctorales, pour un montant de 327 millions d’euros. Selon une étude de la sous-direction des systèmes d’information et d’études statistiques du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche, 15 700 doctorants se sont inscrits en première année de thèse à la rentrée 2022, un effectif en diminution de 4 % par rapport à la rentrée précédente. Les mathématiques ainsi que la chimie et la science des matériaux subissent particulièrement cette désaffection, avec une baisse de 10 % et de 14,7 % des inscriptions, respectivement.

Il est nécessaire d’augmenter le nombre de docteurs non seulement pour disposer d’un vivier de chercheurs et d’enseignants-chercheurs mais aussi pour stimuler l’innovation dans les entreprises. Le transfert des connaissances du monde académique vers les entreprises publiques ou privées passe notamment par l’embauche de doctorants académiques dans les entreprises.

Enfin, l’amendement II-AC733 a pour objectif de doubler la rémunération des 130 000 enseignants vacataires de l’enseignement supérieur, qui assurent un quart des heures de cours dans le supérieur. Leur statut a été pensé pour permettre à des personnes ayant un emploi à temps plein de dispenser des enseignements à l’université. Or 40 000 d’entre eux ne travaillent pas à temps plein en dehors de l’université. En prenant en compte le temps de préparation des cours, de correction des copies, de surveillance des examens ainsi que les tâches administratives qui leur sont assignées, leur taux horaire peut être jusqu’à quatre fois inférieur au Smic. Malgré leur rôle essentiel dans l’enseignement supérieur, leur rémunération ne représente que 0,6 % du budget de la mission, soit 200 millions d’euros. Si leur rémunération horaire avait augmenté au rythme du Smic depuis les années 1980, leur paie aurait été égale au double de leur niveau actuel : elle doit retrouver ce niveau.

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). L’amendement II-AC370 de Julien Bayou a pour objectif de revaloriser les métiers de la recherche en luttant contre la précarité des enseignants vacataires à l’université. Ces 130 000 enseignants, qui assurent un quart des heures de cours à l’université, sont les personnels les plus mal payés de France en temps de travail effectif, puisqu’ils touchent parfois moins d’un tiers du salaire minimum horaire, en dépit de leur niveau d’études très élevé. Sans eux, les universités ne pourraient pas répondre à l’augmentation annuelle des effectifs d’étudiants et les enseignants titulaires ne pourraient pas consacrer du temps à la recherche à côté de leur charge d’enseignement. Il y a donc urgence à améliorer les conditions de travail de ces personnels indispensables qui sont en outre privés de la majorité des droits des agents publics, compte tenu de leur statut précaire et juridiquement mal défini.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. L’amendement II-AC732, de repli, vise à augmenter de 50 % la rémunération des vacataires de l’enseignement supérieur en majorant de 100 millions d’euros le budget du programme 150, à défaut de la doubler.

M. Roger Chudeau (RN). La disposition que je propose tend également à améliorer la rémunération et le statut des doctorants et enseignants vacataires. Un grand nombre de doctorants ne disposent pas d’un financement pendant leur thèse. Ils exercent donc des fonctions de vacataires, se répartissant en chargés d’enseignement vacataires et en agents temporaires d’enseignement vacataires. Créé pour rémunérer les doctorants sans financement, ce statut a surtout servi à recruter une main d’œuvre précaire, permettant d’assurer des enseignements à moindre coût. Rémunérés en dessous du Smic horaire, avec six mois à un an de retard dans les paiements, sans prise en charge suffisante des frais annexes, et ne disposant de pratiquement aucune protection sociale, ces vacataires alertent les pouvoirs publics depuis des années. L’amendement II-AC301 vise donc à augmenter le nombre de contrats doctoraux pour permettre aux enseignants-chercheurs vacataires d’être rémunérés pendant leur thèse.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Par l’amendement II-AC627, nous voulons que les enseignants vacataires qui n’ont pas d’autre rémunération que leurs heures de cours soient rémunérés 1,5 fois le Smic, ce qui suppose de leur assurer un nombre minimal d’heures d’enseignement. Ils exercent actuellement dans des conditions de travail indignes – salaire inférieur au Smic, rémunération semestrielle, droits sociaux réduits, absence de règles de renouvellement et de recrutement, non prise en charge partielle des frais de transport.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. L’ensemble des amendements vont dans le bon sens. Il s’agit de valoriser notre jeunesse qui travaille dans l’enseignement supérieur et la recherche. De nombreux jeunes qui ont décidé de se tourner vers la recherche par passion accèdent à des conditions de travail très dégradées. Nous sommes au point de rupture où beaucoup d’entre eux décident de renoncer, notamment à cause de la précarité. J’émets un avis favorable sur l’ensemble de ces amendements, à l’exception de l’amendement II-AC232, pour lequel je donne un avis de sagesse, car le montant proposé me paraît insuffisant.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-AC631 de Mme Fatiha Keloua Hachi

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Favorable. Il vise à augmenter le nombre d’ingénieurs techniciens, de recherche et de formation. À l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), un ratio favorable entre le nombre des techniciens et celui des chercheurs dans les unités nous assurait une qualité de travail meilleure qu’à l’université, où le travail technique est essentiellement réalisé par des stagiaires. Or le nombre de techniciens diminue, de 15 % à 20 % parfois.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC598 de M. Jérôme Legavre, amendements identiques II-AC-575 de Mme Martine Froger et II-AC599 de Mme Fatiha Keloua Hachi

M. Jérôme Legavre (LFI-NUPES). La masse salariale des universités évolue à la hausse, du fait de mesures salariales applicables à l’ensemble de la fonction publique, telles que le glissement vieillesse technicité (GVT) et la hausse du point d’indice, d’ailleurs très insuffisante.

Le problème est que, comme pour la hausse du prix de l’énergie, l’État ne compense que partiellement ces nouvelles dépenses, alors qu’elles affectent lourdement le budget des universités. France Universités signale ainsi que les universités devront dépenser 120 millions d’euros supplémentaires à cause de l’évolution du point d’indice, soit en prélevant sur leurs fonds de roulement, soit en réduisant leurs recrutements ; 1 500 emplois de maîtres de conférences pourraient ainsi devoir être supprimés.

Il est donc nécessaire que l’État compense en totalité ces augmentations de la masse salariale.

M. Stéphane Lenormand (LIOT). Cet amendement vise à compenser, pour un montant de 45 millions d’euros, le coût du glissement vieillesse technicité pour les universités. L’absence de compensation de ce coût par l’État est d’autant plus incompréhensible que les personnels d’université sont pour la majorité des fonctionnaires d’État. Rappelons en outre que les universités sont soumises à de fortes tensions budgétaires.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Il faut compenser l’augmentation de la masse salariale des universités liée au glissement vieillesse technicité, c’est-à-dire notamment à l’avancement des agents sur la grille indiciaire. Ce coût n’est pas compensé, car le montant de la subvention pour charge de service public perçue par les opérateurs de l’enseignement supérieur reste stable, ce qui les conduit à supprimer des emplois année après année.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Le GVT est l’un des points de désaccord persistant entre les représentants du ministère et les présidents d’université, chacun maintenant une version radicalement différente lors des auditions.

Le problème, qui résulte peut-être de l’autonomie des universités, affecte lourdement celles-ci. Le vieillissement du personnel conduit à une augmentation de la masse salariale, d’une ampleur différente selon les universités, car elles n’ont pas toutes la même pyramide d’âge. Or le montant de la subvention pour charge de service public n’évolue pas. Dès lors, les universités sont obligées de diminuer le nombre de recrutements. Au final, faute de personnel, les universités ne peuvent ouvrir suffisamment de places pour accueillir tous les étudiants dans certaines filières. Je l’ai indiqué tout à l’heure, lors de la présentation de mon rapport pour avis : entre 105 000 et 120 000 étudiants ne trouvent pas de place à l’université dans la discipline qu’ils demandent. Il importe donc de compenser le coût du GVT. Avis favorable.

La commission rejette successivement les amendements

Amendement II-AC604 de Mme Clémence Guetté

M. Jérôme Legavre (LFI-NUPES). Il vise à réparer une injustice concernant la rémunération des enseignants du secondaire affectés dans l’enseignement supérieur (Esa), qui est à l’origine d’un mouvement social depuis la rentrée.

La prime d’enseignement supérieur est réservée aux enseignants-chercheurs, qui la perçoivent statutairement. Pourtant, les Esa effectuent les mêmes tâches qu’eux, si bien que le principe « à travail égal, salaire égal » n’est pas respecté. Dès lors, de nombreux Esa ont démissionné de leurs fonctions administratives, rendant impossible la rentrée des étudiants.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. C’est un principe d’égalité : les différentes catégories d’enseignants du supérieur doivent pouvoir bénéficier des mêmes primes. Cela montre l’impasse où conduit le choix d’augmenter les salaires dans la fonction publique en passant par des primes de fonctions et les primes au mérite : des agents qui exercent le même métier perçoivent des rémunérations différentes ; de plus, la majorité de ces primes n’est pas prise en compte dans le calcul des retraites. Il faut donc privilégier l’augmentation du point d’indice pour l’ensemble de la fonction publique.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC641 de M. Jean-Claude Raux, amendements identiques IIAC578 de Mme Martine Froger et II-AC614 de Mme Fatiha Keloua Hachi

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). À la suite de la crise sanitaire, la fréquence du télétravail a explosé, dans les professions où il est possible. La fonction publique ne fait pas exception : en septembre 2021, l’État a instauré une indemnité forfaitaire pour les agents en télétravail – je m’en félicite ; il conviendrait d’ailleurs de la revaloriser.

Toutefois, cette mesure décidée par le Gouvernement pèse sur les employeurs publics que sont les universités, alors que cela ne devrait pas être le cas. Son coût, de 15 millions d’euros par an, est important et contraint la politique salariale des universités, d’autant que celles-ci doivent assumer le coût de l’inflation, notamment des prix de l’énergie. Les universités en viennent donc à diminuer le nombre de recrutements ; elles renoncent à remplacer les départs. C’est dommageable pour l’enseignement supérieur, cela nuit aux conditions d’étude et à la recherche publique.

Le présent amendement vise donc à soutenir financièrement les universités face à l’obligation de versement de l’indemnité de télétravail.

M. Stéphane Lenormand (LIOT). Nous menons le même combat que M. Raux.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). J’ajoute que l’absence de compensation du coût de l’indemnité forfaitaire de télétravail a des conséquences regrettables pour l’accomplissement des missions de formation, de recherche et d’innovation des universités. Elle les empêche d’investir dans les projets de décarbonation que souhaite le Président de la République. Nous demandons donc une compensation de 15 millions d’euros.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Je rappelle que le télétravail constitue une avancée pour certains agents, notamment parce qu’il diminue leur temps de transport. Il doit toutefois être bien encadré. La présence physique est importante, tant dans les relations entre enseignants et étudiants, qu’entre enseignants, entre chercheurs, dans les collectifs de travail.

Quant à l’indemnité de télétravail, d’un montant de 253 euros, il est anormal qu’elle ne soit pas compensée par l’État, car c’est lui qui a décidé de sa création.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-AC600 de M. Jérôme Legavre

M. Jérôme Legavre (LFI-NUPES). Il vise à établir un plan de titularisation pour les contractuels qui le souhaitent. Le nombre d’enseignants-chercheurs titulaires a chuté de près de moitié en dix ans ; l’enseignement supérieur public compte 130 000 vacataires. Ces seuls chiffres doivent nous alerter.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Je suis évidemment favorable à la titularisation de tous les contractuels exerçant des fonctions pérennes.

La commission rejette l’amendement

Amendement II-AC597 de M. Jérôme Legavre

M. Jérôme Legavre (LFI-NUPES). Il vise à prélever 3,7 millions d’euros de crédits du programme 150 alloués au renforcement de l’apprentissage, pour abonder les fonds en faveur de la formation initiale et continue, du baccalauréat à la licence.

En 2018, la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, dite LCAP, défendue par Mme Pénicaud, a créé un système aberrant, qui permet aux entreprises ouvrant leurs propres centres de formation de bénéficier d’aides généreuses versées par France compétences. Le nombre de centres de formation d’apprentis (CFA) a ainsi triplé entre 2018 et 2022, car ces formations permettent aux entreprises de bénéficier d’une main-d’œuvre quasiment, voire totalement, gratuite – la Cour des comptes elle-même a dénoncé ces effets d’aubaine en juin 2022. Tout de même, 6 000 euros sont versés aux entreprises pour chaque contrat d’apprentissage, ce sont des sommes importantes !

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Je suis favorable à cet amendement. Je vous invite à consulter les chiffres dans mon rapport pour avis : le nombre d’apprentis dans l’enseignement supérieur est passé de 111 405 en 2010 à 576 000 en 2022. Nous ne sommes pas contre l’apprentissage en tant que tel, toutefois, cette évolution pose deux problèmes.

Si l’apprentissage intervient trop tôt, et force les jeunes à entrer dans le monde du travail alors qu’ils n’ont pas encore acquis les savoirs suffisants dans leur formation – qu’elle soit universitaire ou non – ils peinent à acquérir des qualifications. Même le représentant d’un groupe privé comme Ionis Education group convient que c’est souvent le cas lorsque l’apprentissage intervient pendant les deux première années d’études, notamment pour les jeunes issus des classes populaires.

En outre, les jeunes issus de ces formations ont souvent une mauvaise compréhension des attentes en matière de qualification, de compétence. Ils surévaluent les connaissances acquises dans le cadre de leur apprentissage. C’est problématique, même les employeurs nous le disent.

Comme je l’indique dans mon rapport pour avis, le déficit de France compétences s’élève à 11 milliards d’euros. Pour le combler, Martin Hirsch, que nous avons auditionné, propose d’augmenter fortement le taux de la taxe professionnelle, mais cela impliquerait de changer totalement votre politique vis-à-vis des entreprises. En tout cas, la situation actuelle n’est pas durable, car, en l’état, l’apprentissage est un gouffre financier pour l’État.

Il faudrait en revenir à une approche raisonnable de l’apprentissage dans la politique éducative, en s’appuyant sur les diplômes universitaires de technologie (DUT) et les instituts universitaires de technologie (IUT). Or, entre 2010 et 2021, le nombre d’apprentis en DUT est passé de 5 000 à 8 000. Cette formation n’a donc pas connu l’explosion que l’on constate dans le secteur privé.

Mme Anne Brugnera (RE). J’avoue ne pas comprendre vos arguments contre l’apprentissage. Vous prétendez, dans des généralisations incroyables, que les étudiants se fourvoient dans ces formations. Il me semble pourtant qu’ils savent ce qu’ils font.

Vous accusez l’apprentissage d’être un gouffre financier pour l’État, mais enfin, vu les amendements que vous nous soumettez, depuis quand les déficits vous posent-ils problème ? Vos arguments n’ont ni queue ni tête. Pour notre part, nous sommes ravis du développement de l’apprentissage. L’aide est versée aux entreprises pour qu’elles rémunèrent leurs apprentis. Nous avons beaucoup travaillé sur la loi LCAP et avons évalué ses effets, ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas améliorer le système. Votre amendement est outrancier.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Je m’interroge moi aussi. Le choix d’une formation en alternance ou de l’apprentissage peut être justifié pour certains profils. Toutefois, le développement actuel de l’apprentissage s’explique moins par ces considérations que par le choix qu’a fait l’État, au sortir de la crise du covid, de subventionner massivement l’emploi des jeunes par le biais de l’apprentissage, avec un coût nul ou très faible pour les entreprises, pour résoudre le problème du chômage. Interrogeons-nous sans tabou sur la pertinence de ce choix, qui n’est pas forcément adéquat pour tout le monde.

J’ajoute que, comme nos collègues, je m’interroge sur le profil des apprentis : ce sont de moins en moins souvent des élèves et de plus en plus souvent des étudiants, qui ont parfois fait des études longues, dans des établissements inaccessibles aux personnes défavorisées.

M. Karl Olive (RE). En tant que directeur des sports d’un média, j’ai embauché quatre-vingts jeunes apprentis de 18 à 25 ans, qui ont appris le journalisme dans ce cadre. Même si je rejoins certaines de vos réserves, monsieur le rapporteur pour avis, je considère que l’apprentissage est un passeport pour l’emploi. Ce n’est pas une voie par défaut. L’apprentissage a permis aux quatre-vingts jeunes que j’évoquais d’obtenir une carte de presse au bout de deux ans ; ils travaillent maintenant dans des médias nationaux ou internationaux, sans forcément avoir fait de grandes études.

Nous favorisons l’apprentissage parce que certains ne sont pas faits pour les études, parce qu’ils sont pénalisés par leur lieu de résidence, dans un quartier prioritaire de la politique de la ville, parce qu’ils subissent un échec social, familial. Je me satisfais pleinement que nous ayons quasiment multiplié par deux le nombre d’apprentis en cinq ans.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Il ne s’agit pas de se prononcer pour ou contre l’apprentissage. Je constate seulement qu’entre 2010 et 2022, le nombre d’apprentis dans l’enseignement supérieur a explosé, passant de 111 000 à 576 000, notamment dans l’enseignement privé. Bien sûr que ces jeunes ont le droit de choisir l’apprentissage ! Néanmoins, l’apprentissage, comme les stages en entreprise, doit permettre de se former, grâce à un équilibre entre expérience professionnelle et acquisition des savoirs fondamentaux.

Des jeunes de tout niveau de diplôme se tournent vers l’apprentissage. Je m’inquiète car certains, autour de moi, choisissent des masters en apprentissage dans des officines privées, parce qu’ils n’ont pas obtenu de place à l’université. Ces formations ne permettent pas toujours d’acquérir des qualifications fondamentales, alors que c’est ce qui importe, comme beaucoup d’entrepreneurs vous le diront. Les infirmières doivent savoir faire correctement des calculs de dilution, par exemple. L’exercice de certains métiers implique de maîtriser au préalable un ensemble de savoirs fondamentaux – je sais que certains ici aiment cette notion.

Évitons de déséquilibrer le système de formation. Il ne faut pas privilégier les compétences professionnelles, acquises dans les écoles au rabais du secteur privé lucratif au détriment des qualifications.

La commission rejette l’amendement

Amendement II-AC753 de M. Hendrik Davi. 

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Je propose de subventionner la création d’une université de plein exercice à Mayotte. Le fait que 55 % de la population de l’île a moins de 20 ans et l’éloignement géographique de ce territoire rendent urgent de doter Mayotte d’une telle structure, afin d’assurer l’accès à un enseignement supérieur de qualité pour tous les Mahorais qui le souhaitent.

Actuellement, il est prévu de transformer le centre universitaire de formation et de recherche de Mayotte en institut national universitaire. De nombreux enseignants, citoyens et élus locaux se sont insurgés contre cette décision, qui fait une fois de plus de Mayotte une exception dans le système universitaire français. Tous les autres départements d’outre-mer disposent déjà d’une université de proximité.

La situation catastrophique à Mayotte nous a donné l’idée de cette proposition. Les Mahorais que j’ai rencontrés, partant du constat que des professionnels qualifiés sont nécessaires pour organiser les infrastructures de l’île, souhaitent un tel renforcement de la recherche et de l’enseignement au niveau local.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-AC718 de M. Hendrik Davi, II-AC559 de M. Jérôme Legavre, IIAC674 de Mme Sophie Taillé-Polian, II-AC719 de M. Hendrik Davi, II-AC593 de M. Jérôme Legavre, II-AC675 de Mme Sophie Taillé-Polian, II-AC648 de M. Jean-Claude Raux, II-AC736 de M. Hendrik Davi

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Dans le passé, les lycéens qui avaient obtenu le baccalauréat étaient assurés d’obtenir une place en licence dans la discipline de leur choix, notamment dans une université de proximité – malgré vos dénégations, c’était bien le cas. Actuellement, rien n’est acquis. Les critères de sélection des établissements ne sont pas totalement transparents et une discrimination s’opère selon les spécialités choisies dans le lycée d’origine. Ce nouveau système de sélection scolaire est angoissant et inefficace, tant pour les étudiants que pour leurs familles. En 2023, sur 917 000 candidats, 168 000 n’ont pas trouvé de formation adéquate et 112 000 n’ont reçu aucune proposition, aux termes du bilan de la session 2023 de Parcoursup publié sur le site du ministère.

Nous proposons de redonner le droit à chacun, en formation initiale ou continue, à s’inscrire gratuitement dans la filière de son choix. Pour cela, il faut recruter massivement des personnels enseignants et augmenter les budgets.

D’après certaines études, pas forcément issues de syndicats, il manquerait 150 000 places en licence. Ce chiffre ne paraît pas surestimé, au regard de la dernière session de Parcoursup. Chaque année, entre 105 000 et 120 000 bacheliers n’obtiennent pas de place à l’université. Pour financer cet amendement, nous proposons de ponctionner 930 millions d’euros sur le programme 172.

M. Jérôme Legavre (LFI-NUPES). L’amendement II-AC559 va dans le même sens que le précédent. Tout de même, plus de 125 000 candidats sur 936 000 n’ont reçu aucune proposition sur Parcoursup ! En outre, de nombreux bacheliers ont accepté une affectation dans une filière qui ne correspond pas à leurs vœux.

Parcoursup est un monstre bureaucratique, une machine à sélectionner. La directrice du groupement hospitalier de territoire de ma circonscription explique qu’alors que son hôpital accueillait chaque année une cohorte de trente élèves infirmiers, depuis l’instauration de Parcoursup, ils ne sont plus que trois ou quatre. Le recrutement dans les filières de la santé a été asséché. Cet exemple seul montre que c’est une catastrophe ; terminons-en avec ce système.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Les conséquences de Parcoursup sont très négatives, tant pour les jeunes, à titre individuel, que pour l’ensemble de la société. Quand ils obtiennent une place sur Parcoursup, c’est dans l’une des dix filières auprès desquelles ils se sont portés candidat en mars, pas forcément dans la filière qu’ils visaient au moment de l’obtention du bac. Cela conduit à des erreurs de parcours et n’améliore pas le taux de réussite à l’université.

De nombreux étudiants se voient refuser l’accès à des filières qui ne sont pas supposées être sélectives, sur le plan juridique, et la possibilité d’accorder une admission conditionnelle n’est actuellement jamais utilisée par les universités. Il convient donc d’augmenter le nombre de places en licence. Les étudiants dont les vœux ne sont pas satisfaits vont gonfler les effectifs des établissements privés, dont Mme la ministre reconnaissait tout à l’heure qu’ils ne sont pas évalués.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Lors de la session de candidature pour la rentrée 2023, 209 207 candidats ont validé au moins un vœu sur la nouvelle plateforme Mon Master ; 156 000 ont reçu une proposition d’admission. 43 349 candidats, soit 21,7 % des éligibles n’ont pas obtenu de formation en master. C’est près d’un étudiant sur cinq. Cela démontre l’insuffisance de l’offre au niveau master, qui oblige certains étudiants soit à renoncer à un master, soit à l’effectuer dans des formations professionnalisantes privées.

Alors que dans la loi de finances pour 2023, les crédits alloués à la formation initiale et continue au niveau master avaient été augmentés de 5,38 % par rapport à l’année 2022, pour 2024, le Gouvernement ne prévoit d’augmenter ces crédits que de 0,77 %, soit moins que l’inflation. Nous proposons pour notre part de les abonder de 187 millions d’euros, pour ouvrir 30 000 places en master.

M. Jérôme Legavre (LFI-NUPES). Quelque 27 000 étudiants n’avaient pas reçu de réponse positive juste avant la clôture de la phase d’admission de la plateforme Mon Master. En sciences et techniques des activités physiques et sportives (Staps), en 2021-2022, alors que 14 033 étudiants étaient inscrits en troisième année de licence, seules 3 577 places étaient proposées sur la plateforme Mon Master. Comment se résoudre à un tel écrémage ?

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Jusqu’à ces dernières années, le souhait qu’un maximum de jeunes fassent les études les plus longues faisait consensus dans la société. En particulier s’ils réussissaient bien, s’ils obtenaient leur diplôme de licence, les jeunes étaient poussés à poursuivre leurs études en master.

Comme le montrent les déclarations du Président de la République, cette logique de progrès a été remplacée par la recherche d’une adéquation entre les formations et le marché du travail. Si une formation ne répond pas à un besoin économique, tant pis si les étudiants ne peuvent pas la suivre, malgré leur réussite en licence. Ces études évitées sont même perçues comme une économie.

Nous devons au contraire reprendre la marche collective du progrès, retrouver l’idée que plus les étudiants vont loin dans leurs études, plus grands sont les bénéfices que la société et eux-mêmes en tirent.

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Je souhaite l’augmentation du nombre de places en master. J’ai rencontré des « sans fac ». Ces étudiants toujours en attente d’une place en master n’ont pas disparu avec la nouvelle plateforme Mon Master. Je les soutiens.

Certes le nombre de saisines du rectorat diminue, mais il demeure élevé. Sélection, anxiété, incompréhension : la méthode d’attribution des places ne correspond pas à la vision que nous nous faisons de l’enseignement supérieur. Certains masters sont en tension, à cause du trop faible nombre de place qu’ils proposent, au regard du nombre de demandes. Ouvrons donc de nouvelles places, recrutons des enseignants titulaires, car l’orientation doit être choisie et non subie. Les jeunes doivent étudier ce qui les passionne. Ils ne doivent pas être casés là où il reste des places, au mépris de leur projet de vie.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Depuis la réforme des licences professionnelles, le diplôme de référence des instituts universitaires de technologie devient le bachelor universitaire de technologie (BUT) et les études dans les IUT sont allongées de deux à trois ans. Cette année supplémentaire signifie une augmentation de 50 % des effectifs des élèves des IUT. Or j’ai calculé avec un représentant à l’échelon national de ces établissements que le budget prévu par le Gouvernement pour cette réforme était largement insuffisant, si bien qu’elle conduira soit à réduire massivement les effectifs des promotions d’étudiants en IUT, soit à diminuer la qualité de la formation. Je propose donc d’augmenter d’un tiers, soit de 5 millions d’euros, le budget prévu par le Gouvernement.

J’ai constaté que depuis les années 2000, les effectifs des DUT sont globalement restés constants. C’est dommage ; cela explique pourquoi de nombreux jeunes doivent opter pour les formations professionnalisantes du secteur privé.

J’émets un avis favorable aux autres amendements en discussion.

Il faut cesser de croire qu’il doit y avoir autant de places en master que de candidats – 500 000 places pour 500 000 étudiants par exemple –, comme j’ai tenté de l’expliquer à plusieurs reprises à Mme la ministre. On ne peut demander à un étudiant qui veut se spécialiser en psychologie à Lille d’étudier la philosophie à Aix car, outre les contraintes géographiques, chaque étudiant a un projet professionnel propre.

Il faut donc augmenter le nombre de places dans l’ensemble des filières ; si certaines restent vacantes, le taux d’encadrement en sera amélioré. Certes, cela demande d’investir, mais il me semble possible de trouver l’argent, France compétence fonctionne bien en déficit par exemple.

Quant à la possibilité pour une université d’accepter une candidature sous conditions, elle existe toujours, mais elle n’est pas également exploitée par les différentes universités, selon leurs moyens, et selon les collectifs d’enseignants-chercheurs. Les chercheurs qui ont étudié cette modalité d’admission en dressent donc un bilan mitigé.

Un collègue prétendait tout à l’heure qu’il vaut mieux, pour les jeunes des classes populaires, trouver un emploi tout de suite. Je rappelle que, comme le montre mon rapport pour avis à partir de chiffres du Conseil d’analyse économique (CAE), plus les études sont longues, plus le salaire est élevé : un master donne accès à un salaire plus élevé qu’une licence, qui donne accès à un salaire plus élevé qu’un bac + 2. En prétendant que certains ne sont pas faits pour les études, vous risquez ainsi de les cantonner à des métiers peu rémunérés.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Je ne nie pas que les universités utilisent parfois la possibilité d’admettre un candidat sous conditions. Simplement, la plupart du temps, les responsables des filières préfèrent sélectionner uniquement selon les notes, si bien que les étudiants qui devraient être admis sous conditions sont relégués dans les formations où l’on veut bien les accepter, qu’importe leur projet de vie.

Mme Anne Brugnera (RE). Vous nous faites un procès d’intention à propos de la plateforme Mon Master, alors que celle-ci a profondément simplifié le calendrier et les démarches elles-mêmes pour les candidats au master. Grâce à cette plateforme, entre 2022 et 2023, le nombre d’étudiants accédant à un master a augmenté de 10 000.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Évitons les dialogues de sourds : ce ne sont pas les plateformes qui posent problème – je n’ai rien contre Parcoursup ou Mon Master et l’entreprise de simplification que vous évoquez –, mais je dénonce le manque de places, qui empêche certains étudiants d’obtenir une licence ou un master. Il faut que les moyens soient suffisants et les enseignants-chercheurs suffisamment nombreux pour accueillir tous ceux qui souhaitent suivre une formation.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements II-AC608 de Mme Clémence Guetté et II-AC557 de M. Jérôme Legavre

M. Jérôme Legavre (LFI-NUPES). Ces amendements proposent de mettre en place un véritable plan pour mener la bifurcation écologique dans l’enseignement supérieur, en produisant les qualifications et les savoirs nécessaires à celle-ci.

On ne peut pas nier que nous faisons face à des défis environnementaux majeurs. Il faut prendre à bras le corps notamment les questions de la gestion de l’eau, du passage à 100 % d’énergies renouvelables, de la souveraineté alimentaire, de l’agriculture écologique et paysanne ainsi que de l’isolation de tous les logements. Cela nécessite une planification.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Nous vivons une crise écologique aux multiples facettes – dont la crise climatique, la sixième extinction de masse et la pollution globale.

Face aux différentes dimensions de cette crise, il faut absolument disposer des savoirs scientifiques et des formations nécessaires aux techniciens et ingénieurs qui travailleront dans les métiers dont nous aurons besoin. Nous devons abandonner l’idée que la technique répondra à tous les problèmes, mais nous ne pourrons pas être à la hauteur des enjeux sans savoir scientifique et sans qualification.

C’est la raison pour laquelle je suis favorable à ces amendements qui proposent de financer largement la recherche et les formations.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-AC666 de Mme Béatrice Descamps

M. Stéphane Lenormand (LIOT). Il n’existe en France aucun parcours universitaire qui permette de former des kinésithérapeutes et peu de formations publiques. Les étudiants doivent la plupart du temps passer par des formations privées, et bien souvent à l’étranger. Les frais d’inscription sont extrêmement onéreux. L’amendement propose de créer une filière universitaire jusqu’au master permettant de former les étudiants en kinésithérapie.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. C’est un excellent exemple de ce qu’il faudrait faire pour limiter l’explosion du secteur privé. Il faut partir des besoins de la société et proposer des formations publiques, plutôt que de laisser des opérateurs privés y répondre avec des formations dont la qualité laisse parfois à désirer et qui sont souvent extrêmement chères – jusqu’à 10 000 euros de frais d’inscription.

Je rappelle que la dépense globale pour une formation publique en licence s’élève à 3 500 euros par an, hors recherche. Il est donc plus avantageux pour la société et les étudiants de favoriser les formations publiques.

Avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC749 de M. Hendrik Davi

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à défendre l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), établissement unique dans le paysage universitaire français tant en raison de son projet intellectuel, fondé sur l’interdisciplinarité, que grâce à son modèle d’apprentissage par la recherche, à son ancrage international et à son ouverture sur la société.

Les sciences sociales sont particulièrement touchées par l’érosion du financement des thèses de doctorat et 29 % des doctorants sont amenés à exercer en parallèle une activité rémunérée. Avec les appels à projets, les recherches en sciences sociales n’ont plus le même accès aux financements.

L’amendement propose donc d’augmenter de 15 % les crédits alloués à l’EHESS. Nous vivons une période difficile et nous avons besoin de sciences sociales pour répondre à l’ensemble des défis auxquels nous faisons face.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC696 de Mme Angélique Ranc

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Il est intéressant de renforcer la recherche sur les langues anciennes, mais il appartient aux collectifs plutôt qu’à la représentation nationale de déterminer précisément quelles sont les recherches qu’il faut favoriser.

Avis de sagesse.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC707 de M. Paul Molac

M. Stéphane Lenormand (LIOT). La loi du 21 mai 2021 relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion permet l’enseignement de la langue régionale, dans le cadre de conventions entre l’État et les régions. Une telle convention a été signée le 15 mars 2022 entre l’État et le conseil régional de Bretagne, en présence de la Première ministre.

Cet amendement, qui tient à cœur à Paul Molac, prévoit les moyens nécessaires pour assurer la formation de ceux qui auront la charge d’enseigner le breton.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Il extrêmement important de développer l’enseignement des langues régionales à l’université. Néanmoins, avis de sagesse car je ne suis pas certain que l’examen du PLF soit l’occasion de trancher ces questions.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC663 de Mme Béatrice Descamps

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Si je comprends bien, il s’agit de prévoir 1 million d’euros afin de former les futurs managers aux modalités du télétravail. Il convient plutôt de parler d’encadrants dans le service public.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC567 de M. Idir Boumertit

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Cet amendement demande qu’il soit procédé à une évaluation du dispositif de sélection en second cycle universitaire MonMaster. Cela me semble essentiel.

Avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

Le rapporteur pour avis ayant émis un avis de sagesses, la commission rejette l’amendement II-AC701 de Mme Julie Lechanteux.

Amendements II-AC229 de M. Roger Chudeau, II-AC565 de M. Idir Boumertit, IIAC645 de M. Jean-Claude Raux et II-AC566 de M. Idir Boumertit

M. Roger Chudeau (RN). Cet amendement vise à supprimer la plateforme Parcoursup en instaurant pour tous les étudiants une première année d’enseignement supérieur de propédeutique. Il reprend une disposition de la proposition de loi n° 1053 visant à redonner au baccalauréat sa qualité de premier grade universitaire et à établir les conditions d’accès et d’orientation des bacheliers dans l’enseignement supérieur.

Parcoursup ne fonctionne absolument pas puisque, de l’aveu même du ministère, 50 % des étudiants échouent en première année. En outre, 40 % de la cohorte 2017 n’étaient plus inscrits en troisième année de licence – ce qui représente tout de même 80 000 jeunes.

L’année de propédeutique permettrait de remédier à cette situation et elle aurait une double fonction d’orientation et de remise à niveau, afin de renforcer les connaissances et les compétences nécessaires à la réussite des étudiants.

M. Jérôme Legavre (LFI-NUPES). Avec l’amendement II-AC565, nous souhaitons accorder les moyens nécessaires à l’une des priorités du premier quinquennat du président Macron : l’orientation des étudiants, y compris en amont de l’accès à l’enseignement supérieur.

Enseignant dans le second degré, j’ai connu le temps où il y avait un conseiller d’orientation à demeure dans chaque lycée. Cette période est désormais révolue. Ce n’est pas du fait de cette majorité, reconnaissons-le. En revanche, les dégâts sont très importants. Ils le sont d’autant plus en raison de l’usine à gaz qui s’appelle Parcoursup.

J’ai été professeur principal en terminale et je vous prie de croire qu’avec Parcoursup on en arrive à se taper la tête contre les murs.

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). À chaque rentrée, c’est le même mauvais sketch, avec des lycéens laissés sur le carreau ou orientés par défaut vers des formations qui ne les intéressent pas, ce qui ne leur permet pas de réussir. L’offre privée, qui prend de plus en plus de place, masque la réalité des chiffres.

Il faut donc ouvrir davantage de places à l’université. Mais nous avons aussi un problème de fond avec Parcoursup, qui accentue et organise le tri à l’entrée de cette même université. Parcoursup renforce un système à deux vitesses avec, d’un côté, les élèves de familles qui disposent des bonnes informations pour orienter leurs enfants dans les meilleures formations et, de l’autre, ceux qui seront livrés à eux-mêmes.

Pour beaucoup, Parcoursup est un parcours du combattant.

M. Jérôme Legavre (LFI-NUPES). L’amendement II-AC566 propose en complément de créer les postes nécessaires dans les services d’orientation, qui ont été démantelés dans la période récente.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Avis défavorable à l’amendement II‑AC229 et favorable aux trois autres.

Suivre des études à l’université doit être un droit. La loi relative à l’orientation et à la réussite des étudiants a changé cela et c’est extrêmement grave.

On doit en effet considérer que tout étudiant titulaire du baccalauréat est qualifié pour poursuivre en licence. En réalité certains étudiants n’ont en effet pas le niveau pour suivre en licence, M. Chudeau. Mais il est parfaitement possible de s’occuper de ce problème, notamment grâce au dispositif « oui, si ». À l’université d’Orsay, il était également possible de s’inscrire en sciences alors que l’on venait d’un cursus littéraire. L’étudiant bénéficiait alors d’une année de formation supplémentaire ou de davantage de cours. Il faut faire en sorte que les étudiants aient tous les éléments pour réussir ensuite en licence.

Si l’on souhaite un droit effectif à la poursuite des études, il ne faut pas procéder à une sélection du type de celle effectuée actuellement par le biais de Parcoursup. Ce qui ne veut pas dire que la liberté de choix doit être totale. J’ai déposé une proposition de loi relative à l’accès à l’enseignement supérieur et à la recherche qui prévoit une inscription automatique dans l’université la plus proche proposant la filière demandée. Tout le monde ne peut évidemment pas s’inscrire à la Sorbonne, mais on peut garantir à chaque étudiant de s’inscrire dans la filière souhaitée.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-AC647 de M. Jean-Claude Raux

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Cet amendement d’appel porte sur l’égalité des chances dans le parcours de formation, sujet qui me tient particulièrement à cœur.

Nous savons que l’université n’est pas accessible à tous, et cela est encore plus vrai pour les bacheliers professionnels, qui sont souvent issus des familles les plus défavorisées. Seulement 5 % d’entre eux s’inscrivent à l’université et ils y réussissent moins bien que leurs pairs en raison du manque d’accompagnement.

De plus, on réduit considérablement leurs chances dès le lycée. On sait que la filière professionnelle n’est pas la voie privilégiée, mais des erreurs d’aiguillage peuvent arriver et j’ai vu nombre de ces bacheliers réussir dans leurs études supérieures. Le projet de réforme de l’année de terminale du bac professionnel annoncé la semaine dernière va malheureusement réduire à deux ans et demi la durée de la scolarité au lycée. Les heures d’enseignement général vont encore baisser, ce qui va accroître les écarts et risque de fermer définitivement les portes de l’université à ces élèves.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Il faut favoriser la poursuite des études, y compris pour les bacheliers de l’enseignement professionnel et technologique. Or les chiffres ne sont pas bons, tant en matière d’accès à l’enseignement supérieur que de résultats. Il faut donc mieux accompagner les étudiants issus de ces filières pour qu’ils puissent réussir à l’université.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-AC722 de M. Hendrik Davi et II-AC644 de M. Jean-Claude Raux

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Dans son rapport périodique publié le 16 octobre dernier, le comité des droits sociaux, économiques et culturels des Nations unies recommande à la France de revoir le budget de l’enseignement supérieur afin d’instaurer progressivement la gratuité de celui-ci.

Cette gratuité est d’autant plus indispensable que la différenciation des droits d’inscription à l’œuvre dans l’enseignement supérieur public entraîne une hausse tendancielle des frais de scolarité pour les étudiants.

Selon le rapport de la Cour des comptes sur les droits d’inscription dans l’enseignement supérieur public, publié en 2018, le système de modulation du montant des droits d’inscription en fonction des revenus de la famille a conduit à une hausse des droits moyens à Sciences Po Paris et à Paris-Dauphine. De même, les droits d’inscription de certaines écoles publiques d’ingénieurs ont considérablement augmenté, atteignant presque 2 500 euros.

Le dispositif très mal nommée « Bienvenue en France » entraîne quant à lui une augmentation extrêmement forte des frais d’inscription pour les étudiants extracommunautaires.

Mon amendement et l’amendement II-CF644 proposent de supprimer les droits d’inscription, ce qui constituerait une mesure à la fois symbolique et très forte.

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Nous revendiquons la suppression des frais d’inscription à l’université. Celle-ci doit être publique, libre et gratuite.

La commission rejette les amendements.

Amendement II-AC721 de M. Hendrik Davi

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Il est surprenant que le doctorants – qui sont par ailleurs des salariés qui travaillent pour l’université – soient contraints de s’acquitter de frais d’inscription. C’est une chose que j’ai toujours trouvée anormale.

L’amendement propose de transférer 20 millions d’euros afin de financer la suppression des frais d’inscription des doctorants.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC720 de M. Hendrik Davi

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Depuis 2019, les droits d’inscription pour les étudiants étrangers hors Union européenne sont fixés à hauteur de 2 770 euros en licence et de 3 770 euros en master, c’est-à-dire quinze et dix fois plus que pour les étudiants français et européens alors qu’il s’agit des mêmes formations.

Le programme dit « Bienvenue en France » vise à attirer les étudiants étrangers, mais en augmentant les frais d’inscription on n’attire que les plus riches. Il s’agit d’une discrimination supplémentaire que subissent les étudiants étrangers en France.

Par ailleurs, les sommes collectées par les établissements ne peuvent pas contribuer de manière significative au financement de l’enseignement supérieur.

Beaucoup d’universités ont essayé de ne pas procéder à ces augmentations de frais d’inscription pour les étudiants extracommunautaires, mais elles ont peu de marges de manœuvre pour le faire.

L’amendement prévoit 7 millions d’euros pour mettre fin à cette différenciation qui est extrêmement dommageable pour le développement de nos relations avec les pays du Sud.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques II-AC638 de M. Jean-Claude Raux et II-AC654 de Mme Fatiha Keloua Hachi, amendement II-AC712 de M. Hendrik Davi

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Mon amendement de suppression de la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC) avait été adopté par la commission des finances lors de la discussion de la première partie, avant que le Gouvernement ne fasse une fois de plus usage de l’outil anti-parlementaire qu’est l’article 49 alinéa 3 de la Constitution. Passons.

Les étudiants ne devraient pas avoir à payer pour étudier et ils n’ont pas à financer les universités et les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous) de leur poche. L’enseignement supérieur public doit être financé par des fonds publics.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Lors de l’examen de la première partie du PLF, la commission des finances a voté la suppression de la CVEC. Le produit de cette contribution devrait atteindre 170 millions d’euros, en faveur des établissements universitaires et des Crous. Mais il nous semble qu’il revient à l’État et non aux étudiants de pourvoir aux besoins de ces derniers.

Autre élément très important : l’utilisation du produit de cette contribution est très variable en fonction des universités.

C’est pourquoi nous demandons sa suppression.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. La commission des finances a adopté au début d’octobre un amendement de la NUPES demandant la suppression de la CVEC. Cette contribution de 100 euros qui doit être versée par les étudiants à chaque rentrée est injuste et injustifiée. Comme l’ont dit mes collègues, il n’est pas normal que les étudiants aient à payer pour accéder à l’enseignement supérieur, a fortiori dans un contexte de précarité grandissante et de hausse des prix.

Le Gouvernement n’a pas retenu notre amendement dans le cadre du 49.3 sur la première partie. C’est un véritable problème démocratique car ce que nous proposions aurait pu recueillir une majorité en séance.

Il appartient à l’État et non aux étudiants de financer les dépenses prises en charge grâce la CVEC.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Les recettes tirées de la CVEC devaient à l’origine être utilisées pour financer les activités sportives universitaires. Désormais, elles servent de ressource d’appoint pour diverses dépenses. Non seulement cette contribution n’est pas juste, mais en plus les étudiants ne maîtrisent pas du tout l’utilisation qui est faite de cet argent.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Avis favorable à ces amendements. Certaines organisations étudiantes sont très hostiles à la CVEC. Comme l’a relevé ma collègue, les universités utilisent parfois cette recette pour financer d’autre choses que contribuer à la vie étudiante. Il faudrait y voir plus clair, mais le plus simple est encore de la supprimer.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements II-AC672 de Mme Sophie Taillé-Polian, II-AC550 de Mme Martine Froger, II-AC727 de M. Hendrik Davi, II-AC556 de M. Jérôme Legavre, II-AC744 et II-AC726 de M. Hendrik Davi, II-AC230 de M. Roger Chudeau, II-AC649 de M. Jean-Claude Raux et IIAC671 de Mme Sophie Taillé-Polian

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). La précarité étudiante est en constante augmentation et les personnes de moins de 30 ans représentent un pauvre sur deux en France.

Les organisations étudiantes comme la Fédération des associations générales étudiantes (Fage) ou l’Union nationale des étudiants de France (Unef) ont souligné la hausse record du coût de la vie pour les étudiants en 2023. Les dépenses contraintes, telles que le loyer ou l’alimentation, augmentent respectivement de 9 % et de 15 %. L’Unef estime que le coût de la vie étudiante a progressé de 6,5 % sur un an en septembre 2023.

La réévaluation du montant des bourses étudiantes prévue dans le PLF fait l’impasse sur deux points essentiels, que l’amendement II-AC672 entend rectifier. Il propose, d’une part, d’indexer sur l’inflation le montant et les seuils d’attribution des bourses sur critères sociaux et, d’autre part, de les verser aux étudiants pendant les douze mois de l’année, et non pendant dix comme c’est le cas actuellement.

Cela représente certes 1 milliard d’euros, mais il est on ne peut mieux investi.

M. Stéphane Lenormand (LIOT). L’amendement II-CF550 a pour ambition d’accélérer la mise en œuvre d’une réforme structurelle et ambitieuse des bourses, en ciblant en priorité les étudiants non-éligibles fragiles.

Actuellement, 75 % des étudiants qui bénéficient de l’aide alimentaire et qui sont identifiés comme précaires ne sont pas boursiers.

Or il faut rappeler que le statut de boursier donne également accès à d’autres droits sociaux : repas à 1 euro, exonération des frais d’inscription et de CVEC, aide personnalisée au logement (APL), etc.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Pour mettre fin à la précarité étudiante et permettre à tous de se former, il est absolument nécessaire que les étudiants aient des moyens pour vivre. C’est la raison pour laquelle nous proposerons une garantie d’autonomie dont le montant serait fixé au-dessus du seuil de pauvreté. Pendant la pandémie de covid, il est devenu manifeste qu’un étudiant sur deux avait des difficultés, certains étant obligés de recourir à l’aide alimentaire.

Comment voulez-vous étudier dans de bonnes conditions avec des difficultés pour se nourrir et pour se loger ?

Si l’on veut que notre jeunesse puisse se former – ce qui constitue un enjeu national – il est important qu’elle en ait les moyens. L’amendement II-AC727 propose donc que les bourses soient versées pendant douze mois par an et non pas dix.

M. Jérôme Legavre (LFI-NUPES). Les loyers doivent être payés tous les mois et certains étudiants se retrouvent tout simplement dans une situation abominable. L’amendement II-AC556 propose donc de verser les bourses pendant douze mois, ce qui est une mesure de bon sens.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. L’amendement de repli II-AC744 propose d’augmenter de 10 % les bourses sur critères sociaux.

Le coût de la rentrée étudiante a augmenté de 6,47 % en 2023. Ce sont presque 50 euros supplémentaires à débourser chaque mois, ce qui est beaucoup plus que la maigre augmentation des bourses. Selon une étude de l’Ifop et de l’association Cop1, un étudiant sur deux ne mange pas à sa faim. Cette pauvreté est absolument intolérable.

Nous devons donc tout faire pour permettre aux jeunes de se former, sans craindre la fin du mois et sans galérer. À défaut de mettre en place une garantie d’autonomie pour tous les jeunes – comme le proposera un autre amendement – il faut au moins revaloriser les bourses. C’est ce que propose cet amendement, pour un montant de 247 millions d’euros.

J’en viens à l’amendement II-AC726.

Le Gouvernement prétend avoir augmenté les bourses. C’est un trompe-l’œil, pour ne pas dire un mensonge. En réalité, le pouvoir d’achat des étudiants continue de reculer. Les crédits destinés aux bourses n’ont augmenté que de 4 % entre la loi de finances pour 2023 et le PLF pour 2024, alors que l’inflation s’est élevée à 5,8 % en 2023 et qu’elle devrait être de 2,6 % en 2024. Le coût de la vie a augmenté de 6,47 % pour les étudiants à la rentrée 2023, soit 49,56 euros de plus à payer chaque mois.

La hausse des prix vient aggraver les difficultés financières d’une population déjà fragilisée. Les files d’étudiants devant les banques alimentaires s’allongent. Les loyers augmentent et l’offre de logements universitaires demeure trop réduite.

Nous ne pouvons pas détourner le regard de cette situation sociale. Il est urgent d’indexer les bourses sur l’inflation. C’est ce que propose cet amendement, pour un montant évalué à 100 millions d’euros.

M. Roger Chudeau (RN). L’amendement II-AC230 vise à augmenter le budget des bourses sur critères sociaux, afin de permettre aux étudiants les plus modestes de faire face à la hausse du coût de la vie.

La crise sanitaire avait révélé l’état de dégradation des conditions de vie des étudiants. La crise énergétique et la hausse de l’inflation aggravent encore une situation déjà extrêmement critique. Les derniers chiffres fournis par les syndicats concernés doivent nous alerter sur la précarité des étudiants français.

Leur paupérisation est réelle. Un étudiant sur trois vit dans un logement précaire. Sur les 60 000 places en résidences universitaires annoncée par Emmanuel Macron, 11 000 ont été construites. Face à la hausse des prix de l’alimentation, 56 % des étudiants déclarent ne pas manger à leur faim. En fait, près de 20 % des étudiants vivent en dessous du seuil de pauvreté.

L’augmentation de 37 euros par mois prévue pour les bourses en 2004 est tout à fait dérisoire. Il faut changer de régime – ce n’est pas un jeu de mots.

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). « Jamais un gouvernement n’a fait autant… » C’est un élément de langage que l’on entend à peu près tous les jours, dans la bouche des ministres et des députés de la majorité, sur presque tous les sujets. C’est encore ce qu’a dit Mme la ministre, à propos de la vie étudiante, lors des questions au Gouvernement mardi puis en commission ce matin.

Une première partie de la réforme des bourses était annoncée pour cette année, mais il ne s’agit en réalité que d’un rattrapage puisque de nombreux étudiants ont été sortis du dispositif, année après année, et que le coût de la vie étudiante n’a cessé d’augmenter. Le montant des bourses augmentera donc de 37 euros en 2024, alors que le coût de la vie s’est accru de 43 euros pendant la seule année 2022. Le système de bourses n’est toujours pas indexé sur l’inflation. Vous ne pouvez pas dire que personne n’a jamais fait autant, mais faites au moins le minimum !

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Lorsque Mme la ministre nous a parlé de sa réforme des bourses, elle a voulu nous rassurer : les premières mesures annoncées ne consistaient qu’en un rattrapage, même si elles ne permettaient pas de réintégrer dans le système tous les étudiants qui en étaient sortis l’année précédente en raison de l’absence d’indexation sur l’inflation. Viendrait ensuite une réforme structurelle des bourses, qui serait présentée dans l’année et qui comporterait un certain nombre d’éléments comme le versement pendant les mois d’été. Or que voyons-nous ici ? Que cette réforme n’est pas prévue pour 2024 et qu’elle n’aura donc lieu, au mieux, qu’à la rentrée 2025. Nous assistons à une succession de rétropédalages. Nous devions avoir une véritable réforme structurelle des bourses à la rentrée 2023 : nous ne l’avons pas eue. On nous l’a alors promise pour la rentrée 2024 : elle n’y est toujours pas. Espérons que les étudiants en bénéficient à la rentrée 2025 – mais permettez‑moi d’en douter.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Je donne un avis favorable à tous ces amendements, à l’exception de l’amendement II-AC230.

Nous convenons tous que la situation des étudiants est mauvaise. À mon sens, il faut y apporter une solution systémique, défendue par la plupart des organisations étudiantes, à savoir le versement d’une allocation d’autonomie, qui existe déjà dans d’autres pays. La plupart des amendements qui viennent d’être soutenus proposent une augmentation du montant des bourses, qui me paraît souhaitable d’autant que les hausses prévues par le Gouvernement, certes intéressantes, restent insuffisantes. Si je suis défavorable à votre amendement, monsieur Chudeau, c’est à cause du montant qui y est proposé. Une indexation des bourses sur l’inflation, qui constitue le minimum absolu, coûterait 100 millions d’euros. Une augmentation de 10 %, qui représenterait finalement un montant assez faible pour chacun des étudiants, coûterait 250 millions. Or vous proposez 10 millions, ce qui est vraiment insuffisant.

Mme Anne Brugnera (RE). La première partie de la réforme des bourses, effective depuis la rentrée 2023, a bénéficié d’un effort budgétaire de plus de 500 millions d’euros. Elle a consisté notamment en un lissage des tranches, qui a permis de supprimer des effets de seuil importants, et en une révision du barème, qui n’avait pas été modifié depuis plus de dix ans. L’augmentation des bourses est largement supérieure à l’inflation : si nous avions décidé d’indexer leur montant sur l’inflation, comme le proposent plusieurs de nos collègues, elles n’auraient donc pas augmenté autant cette année.

La réforme plus globale est effectivement en cours d’élaboration. Elle a fait l’objet d’une concertation, ce qui me semble important. Si d’autres avaient mieux travaillé lors des quinquennats précédents, nous n’en serions pas là !

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). La réformette des bourses n’a fait que réparer une véritable catastrophe, puisque 70 000 étudiants étaient sortis du système faute d’indexation des barèmes. Si ces quelques mesures ont effectivement permis de rétablir partiellement la situation, Mme la ministre elle-même a expliqué qu’elles ne constituaient pas la réforme structurelle annoncée initialement. J’ai cru comprendre que cette dernière était encore reportée. Nous devrions tous ensemble aller voir la ministre pour lui demander de faire davantage pression sur Bercy afin que cette réforme structurelle indispensable soit mise en œuvre le plus tôt possible.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). La réforme structurelle des bourses est attendue depuis très longtemps. Le système est en roue libre depuis trente ans. Or nous n’avons jamais vu autant d’étudiants dans des situations aussi précaires. Il y a urgence !

Emmanuel Macron est Président de la République depuis 2017 : c’est donc sa septième année de mandat. S’il avait eu envie de mener cette réforme structurelle des bourses, il l’aurait fait depuis belle lurette. On nous la promet maintenant pour 2025. Pour être tout à fait honnête, je n’y crois pas.

M. Roger Chudeau (RN). Monsieur le rapporteur pour avis, vous considérez que 10 millions d’euros sont insuffisants. De votre côté, vous demandez des sommes absolument faramineuses – 250 millions d’euros, soit un quart de milliard –, ce qui est démagogique et irréaliste. Vous n’aurez rien, parce que vous demandez beaucoup trop. Je regrette donc que vous ayez repoussé mon amendement à 10 millions d’euros, car ce serait mieux que rien. Je vous assure que les étudiants auraient apprécié d’obtenir cette somme.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-AC545 de M. Max Mathiasin

M. Stéphane Lenormand (LIOT). Le Gouvernement prévoit d’octroyer aux boursiers étudiant dans les territoires ultramarins un complément de 30 euros par mois, qui s’ajoutera à la revalorisation de 37 euros pour chaque échelon. Nous proposons d’augmenter aussi les bourses des ultramarins qui étudient dans l’Hexagone.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. La situation des ultramarins qui vivent et étudient dans l’Hexagone est effectivement spécifique. Avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC217 de M. Roger Chudeau

M. Roger Chudeau (RN). Les bourses au mérite ont toujours été l’un des piliers de l’édifice méritocratique à la française, offrant aux élèves d’origine modeste les moyens d’accéder aux grandes écoles.

En 2009, le Gouvernement a pris l’initiative de verser une aide de 1 800 euros par an aux bacheliers ayant obtenu la mention « très bien ». En 2013, le gouvernement socialiste, sous l’égide de Mme Najat Vallaud-Belkacem, a entrepris de supprimer cette aide, avant que la circulaire mettant fin au dispositif soit annulée par le Conseil d’État. Cela a donné lieu à la publication d’un décret rétablissant la bourse au mérite, mais avec un montant divisé par deux, c’est-à-dire ramené à 900 euros. Comme quoi on peut être à la fois ministre et mesquin !

Depuis cette date, le dispositif n’a pas changé : une aide au mérite de 900 euros est attribuée, pendant trois ans maximum, à tout étudiant boursier sur critères sociaux ayant obtenu une mention « très bien » au baccalauréat. Nous proposons de doubler le montant de cette aide afin de revenir à la somme de 1 800 euros.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Il est essentiel d’œuvrer à l’universalité des bourses étudiantes afin de garantir à tous le droit d’accéder aux études supérieures et de lutter contre les inégalités sociales. Nous connaissons tous ici les limites de la notion de mérite. Conditionner une bourse au mérite ne me paraît pas une bonne idée. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-AC359 et II-AC358 de Mme Violette Spillebout

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Ces deux amendements visent à permettre aux étudiants boursiers des établissements d’enseignement supérieur privés d’intérêt général (Eespig), qui sont des écoles privées sous contrat, d’accéder aux mêmes droits que les boursiers du public. Les droits à bourse doivent être attachés aux étudiants, pas à leur école. Avis favorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-AC637 de Mme Fatiha Keloua Hachi

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Cet amendement à 3 milliards d’euros vise à accorder une allocation de rentrée, sur le modèle de l’allocation de rentrée scolaire, à l’ensemble des étudiants de l’enseignement supérieur afin de compenser partiellement les dépenses qui leur incombent. L’indicateur du coût de la rentrée publié chaque année par les organisations étudiantes a encore considérablement augmenté en 2023, en raison de la hausse du coût de la vie. Les étudiants subissent l’augmentation des prix de l’énergie, des loyers, des frais de transport… Le versement d’une allocation de rentrée de 1 000 euros les aiderait à subvenir à tous ces frais.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Avis favorable. La solution que vous proposez est imparfaite, mais elle a au moins le mérite d’apporter aux étudiants un soutien financier essentiel en période de rentrée.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-AC552 de M. Jérôme Legavre, II-AC642 de M. Jean-Claude Raux, IIAC658 de Mme Fatiha Keloua Hachi et II-AC728 de M. Hendrik Davi

M. Jérôme Legavre (LFI-NUPES). Nous souhaitons ici défendre un élément de notre programme qui nous tient particulièrement à cœur : la création d’une garantie autonomie pour les jeunes en formation de 18 à 25 ans. Sans vouloir rouvrir ce débat, je souligne que la part de boursiers au sein des formations ouvrant droit aux bourses n’est que d’à peine 38 %. Autrement dit, 62 % des étudiants passent à côté des bourses. Du reste, leur montant est largement insuffisant, puisqu’il se situe dans bien des cas en dessous du seuil de pauvreté. Notre amendement II-AC552 vise à remédier à cette situation en instaurant un revenu garanti universel.

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). L’amendement II-AC642 a sensiblement le même objet puisqu’il vise à créer une allocation d’autonomie pour les jeunes suivant des études supérieures.

Nous n’avons plus le temps d’attendre encore une hypothétique réforme des bourses étudiantes. La précarité des étudiants est galopante : beaucoup glissent dans la pauvreté. Or, comme l’a expliqué ma collègue Sophie Taillé-Polian, nous risquons d’attendre un ou deux ans, voire davantage, avant de voir cette fameuse réforme aboutir.

Non, la misère étudiante n’est pas un passage obligé, formateur en quoi que ce soit. Cette situation ne fait qu’apprendre à ceux qui la subissent l’individualisme de notre société, le mépris des gouvernants à leur égard et la violence du système capitaliste.

Le projet que nous dessinons pour la jeunesse étudiante est émancipateur. Nous souhaitons accorder à ces jeunes une allocation d’autonomie qui leur permette de se consacrer à leurs études sans se demander constamment comment ils parviendront à se nourrir, à se soigner ou à se vêtir.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Pour ma part, je ne parlerai pas d’allocation d’autonomie, mais d’aide inconditionnelle.

Dans l’attente d’une réforme systémique des bourses que nous ne voyons pas arriver, notre amendement II-AC658 vise à lutter contre la précarité étudiante en accordant aux étudiants inscrits dans l’enseignement supérieur une aide mensuelle inconditionnelle de 700 euros.

En 2021, l’Observatoire des inégalités indiquait que le taux de pauvreté des jeunes avait quasiment doublé en seize ans. Seuls 8 % des boursiers sont à l’échelon le plus élevé et perçoivent une bourse de 630 euros par mois, tandis que 37 % des boursiers ne touchent que 110 euros par mois.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Mon amendement II-AC728 est à peu près similaire : il vise à créer une garantie d’autonomie de 1 128 euros par mois afin de lutter contre la précarité que nous avons décrite. Les étudiants ont du mal à se loger et à se nourrir – la moitié d’entre eux rencontrent des difficultés pour s’acheter de la nourriture. Il faut résoudre ces problèmes, non à petits pas mais en y apportant une réponse systémique.

On reproche souvent à cette solution son caractère universel. Il me semble pourtant important que l’ensemble des citoyens de notre pays puissent bénéficier de certains droits dans les mêmes conditions. Ainsi, l’école est gratuite pour tous. Lorsque la ministre ou d’autres orateurs me font remarquer que même les enfants de riches bénéficieraient de cette allocation d’autonomie, je réponds que cela ne me pose pas de problème : si les parents paient des impôts, il n’y a pas de raison que leurs enfants n’aient pas les mêmes droits que les autres. C’est sur ce principe qu’est fondée la sécurité sociale.

D’autres pays se dirigent vers cette solution. Ainsi, la Suède accorde des bourses à 88 % des étudiants, et le Danemark à 92,2 % d’entre eux. Ces bourses ne dépendent pas des revenus des parents, contrairement à ce qui se passe dans le système français, particulièrement obsolète, qui ne favorise pas l’autonomie des jeunes.

Effectivement, la mesure que nous proposons dans cet amendement d’appel coûte cher – une trentaine de milliards d’euros, si je me souviens bien. Comment allons-nous donc la financer ? Jean-Luc Mélenchon a formulé une proposition assez forte, qui illustre bien le modèle de société que nous voulons : il suffirait de prélever la totalité des héritages au-delà de 12 millions d’euros. On peut penser qu’une telle somme est suffisante pour un enfant qui commence dans la vie, et qu’il serait légitime que l’argent prélevé sur les plus hauts patrimoines au moment des héritages serve à financer la formation de l’ensemble des jeunes de notre pays.

M. Roger Chudeau (RN). Cette question de fond mérite mieux que des échanges de quelques minutes sur un coin de table. Pour ma part, je m’abstiendrai, considérant que les parlementaires devraient se saisir du sujet en créant, par exemple, une mission d’information. Nos étudiants méritent mieux que ces amendements quelque peu improvisés.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). L’objectif de ces amendements, qui ne sont pas improvisés, est que nous commencions à parler sérieusement de cette proposition d’allocation d’autonomie ou d’aide inconditionnelle qui fait des émules en Europe, que ce soit au Danemark, en Finlande ou en Suède. Notre système de bourses est mort, et il va bien falloir créer quelque chose pour le remplacer.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements II-AC717 de M. Hendrik Davi, II-AC558 de M. Jérôme Legavre, amendements identiques II-AC659 de Mme Fatiha Keloua Hachi et II-AC676 de Mme Sophie Taillé-Polian, amendements II-AC650 de M. Jean-Claude Raux, II-AC716 de M. Hendrik Davi, IIAC231 de M. Roger Chudeau et II-AC702 de Mme Julie Lechanteux

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. En 2017, le candidat Emmanuel Macron avait promis de construire 60 000 logements supplémentaires dans les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous) en cinq ans. Il y avait alors vingt-six places de logement Crous pour cent boursiers. Au terme du premier quinquennat, l’objectif n’était pas atteint puisque seuls 35 000 logements avaient été mis en service. Pire : le nombre de places a chuté à vingt-deux places pour cent boursiers. Comment le Gouvernement peut-il se justifier auprès des 78 % de boursiers qui ne bénéficient pas de logement Crous ? Comment les plus démunis peuvent-ils étudier sereinement alors que le prix des locations explose dans toutes les villes de France sans que les APL suivent ? Les étudiants rencontrent les mêmes problèmes pour se loger que le reste de la population. Pour qui connaît la réalité sociale à laquelle ils sont confrontés, cette situation est intenable. Il est urgent de construire suffisamment de places dans les Crous pour héberger un maximum d’étudiants. Par notre amendement II-AC717, nous proposons donc un premier plan d’investissement, à hauteur de 1 milliard d’euros, pour construire de toute urgence 15 000 logements de plus que ceux prévus dans la loi de programmation de la recherche.

M. Jérôme Legavre (LFI-NUPES). Pour une chambre Crous, on compte seize candidats. Ce chiffre donne une idée des besoins ! Je ne pense pas être le seul à être saisi, dans ma circonscription, de la situation de nombre d’étudiants boursiers qui auraient besoin d’une chambre Crous mais n’en ont pas obtenu. Les jeunes de ma circonscription, à Clichy‑sous-Bois ou à Montfermeil, étudient parfois à l’autre bout de l’Île-de-France. Au vu des conditions de transport dans la région, je ne souhaiterais pas à mon pire ennemi d’endurer ce qu’ils vivent ! Des milliers de jeunes sont dans une situation absolument inextricable. La construction de 15 000 logements supplémentaires par an répond donc à un besoin urgent.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). L’amendement II-AC659 vise à permettre la construction et l’aménagement de logements étudiants supplémentaires. De récentes études montrent que le parc des Crous permet de proposer un logement pour seize étudiants en moyenne nationale et un logement pour soixante-deux étudiants en Île-de-France. On voit bien la difficulté des étudiants à se loger à tarification sociale. En 2018, le Gouvernement avait lancé le plan « 60 000 logements étudiants », mais nous sommes loin du compte : en 2022, on comptait vingt-quatre places de logement pour cent étudiants boursiers.

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Mme la ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche s’est félicitée que 4 000 logements Crous étaient en cours de rénovation et que 12 000 autres feraient l’objet de tels travaux d’ici à 2025. Cependant, ce sont 175 000 logements Crous qui attendent d’être rénovés.

J’ai eu récemment une discussion très intéressante avec un directeur local de Crous, qui m’expliquait que ses équipes faisaient tout ce qu’elles pouvaient, avec les moyens du bord, pour mettre en œuvre des schémas directeurs du logement. Nous devons saluer leur engagement et les encourager. Toutefois, les réseaux d’œuvre sont sous-financés, les moyens actuels ne suffisent pas et la hausse du coût de l’énergie n’arrange rien.

Suivant une préconisation de l’Union étudiante, nous souhaitons le lancement d’un audit énergétique du logement étudiant et la mise en œuvre d’un plan massif de rénovation. Tel est l’objet de notre amendement II-AC650, à 75 millions d’euros.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Notre amendement de repli II-AC716 vise à doubler l’enveloppe de 25 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de 2,5 millions de crédits de paiement prévue dans le projet de loi de finances pour 2024 afin de lancer de nouveaux projets de réhabilitation et de construction de logements. Avec cette enveloppe, le Gouvernement entend construire 12 000 logements en résidence étudiante d’ici à la fin du quinquennat. Cet objectif est largement insuffisant.

Vous l’avez dit, la rénovation du parc existant est absolument indispensable. Certaines résidences de Crous sont insalubres : on y voit de l’eau qui coule dans des bassines à cause des fuites, ainsi que d’autres choses inadmissibles. Plus généralement, il est nécessaire d’engager une rénovation thermique de bon nombre de ces logements.

M. Roger Chudeau (RN). Mon amendement II-AC231 s’élève, une nouvelle fois, à 10 millions d’euros. J’espère que vous ne me direz pas, monsieur le rapporteur pour avis, que c’est de la roupie de sansonnet !

Cet amendement d’appel vise à augmenter le budget du logement étudiant afin de permettre le lancement d’un plan de construction de logements supplémentaires. D’après un rapport d’information du Sénat sur l’accompagnement des étudiants publié en 2021, l’offre de logements en résidence étudiante, qui représente 350 000 places, reste structurellement insuffisante au regard des 3 millions d’étudiants que compte notre pays. Selon l’Association interprofessionnelle des résidences étudiants et services (Aires), il manquerait au moins 250 000 logements étudiants pour répondre à la demande, soit nettement plus que les 60 000 annoncés par le Président de la République, dont seulement 35 000 ont été livrés. Afin que les étudiants soient logés dans de bonnes conditions, il est vital de lancer ce plan de construction de logements supplémentaires dans l’ensemble du territoire.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Il est indispensable de soutenir tant la construction que la rénovation des logements étudiants : il faut donc absolument abonder les lignes budgétaires correspondantes. Bien que les amendements examinés proposent des montants différents, je donne un avis favorable à chacun d’eux, à l’exception des amendements II-AC231 et II-AC702 pour lesquels je m’en remets à la sagesse de notre commission.

Si j’ai donné tout à l’heure un avis défavorable à votre amendement visant à augmenter légèrement les crédits alloués aux bourses, monsieur Chudeau, c’est parce que chaque bourse n’aurait augmenté que de 1 ou 2 euros, ce qui est insignifiant. Il en va différemment concernant le logement, car chaque place de Crous construite est bonne à prendre.

M. Quentin Bataillon (RE). Ces amendements sont intéressants, mais ils ne doivent pas nous dispenser d’envisager une réforme du fonctionnement des Crous. À Saint­Étienne, dans ma circonscription, les étudiants n’ont aucun intérêt à choisir les logements du Crous, qui sont en très mauvais état et bien plus chers que les logements classiques. Le Crous raisonne en effet à partir de moyennes régionales et prend donc en compte des données relatives à Lyon pour définir le montant des loyers à Saint-Étienne. Ainsi, de nombreuses collectivités, dont la métropole de Saint-Étienne, construisent des logements étudiants sans passer par le Crous. Il me paraît indispensable de régler ce problème, dont j’ai parlé à la ministre et au Crous, avant de réinjecter de l’argent sur cette ligne.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Je comprends parfaitement ce que vous venez de dire, mais la situation est différente en Île-de-France, où les prix des logements sont absolument exorbitants. Ainsi, à Villejuif, les logements étudiants qui viennent de sortir de terre sont loués à 800 euros par mois pour quelques mètres carrés. Quel que soit leur état, les logements du Crous, qui n’ont effectivement pas tous été réhabilités, restent donc hypercompétitifs.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. La mise en œuvre des plans de construction de logements est assez complexe.

Le premier élément important à prendre en compte est la disponibilité du foncier, qui reste difficile à trouver dans de nombreux endroits, comme nous l’ont expliqué un responsable du Centre national des œuvres universitaires et scolaires (Cnous) et des représentants du ministère. Il faut donc que les collectivités territoriales, en lien avec les Crous et le ministère, facilitent la mise à disposition du foncier disponible.

Le deuxième problème auquel on se heurte est la spéculation immobilière extrêmement forte dans certains territoires, qui empêche jeunes et moins jeunes de trouver un logement. La situation est d’autant plus difficile pour ceux qui ont le moins de revenus, à savoir les étudiants.

Ces problèmes de fond, qu’il faut régler globalement, ne doivent pas nous empêcher d’augmenter les crédits alloués aux Crous afin que ces derniers ne soient pas limités par leurs moyens. Qu’ils aient ou non la possibilité de mobiliser ces moyens, c’est un autre sujet. Sur ce point, je suis donc en désaccord avec vous, monsieur Bataillon.

Mme Virginie Lanlo (RE). Nous sommes bien conscients des problèmes de logement que rencontrent les étudiants. Cependant, n’oublions pas que des associations d’entraide intergénérationnelle telles que Ensemble2générations ou Le Pari Solidaire s’engagent pour permettre à certains à se loger à moindres frais. Il est important d’en informer les principaux intéressés et d’activer tous les leviers en faveur du logement des étudiants.

Mme la présidente Isabelle Rauch. La ministre nous a également informés de la publication prochaine du rapport de notre ancien collègue Richard Lioger sur le logement étudiant.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-AC723 de M. Hendrik Davi

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. La ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche a annoncé que, pour l’année universitaire 2023-2024, la hausse des charges locatives serait plafonnée à 3,5 %. Dès lors, de nombreux Crous, dont celui d’Aix­Marseille-Avignon, ont décidé d’augmenter de 3,5 % les charges locatives de leurs logements à partir de la rentrée 2023. Ces charges n’étant pas prises en compte dans le calcul des APL, la hausse est entièrement supportée par les étudiants, et elle est d’autant plus douloureuse que le logement demeure leur premier poste de dépenses, représentant parfois 75 % de leur budget. Je demande donc un gel des charges locatives ; cependant, pour éviter de mettre les Crous en difficulté, il est nécessaire que l’État compense cette mesure à hauteur de 6,5 millions d’euros.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-AC634, II-AC636 et II-AC635 de Mme Fatiha Keloua Hachi, IIAC714 de M. Hendrik Davi et II-AC560 de M. Jérôme Legavre

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). On dénombre soixante-deux services de santé étudiants (SSE) pour soixante-quinze universités publiques. Or ces services sont essentiels car 15 % des étudiants ne disposent pas de mutuelle. De manière générale, les étudiants ne se soignent pas ou se soignent mal. L’amendement II-AC634 vise à créer treize SSE et à augmenter de 10 % le budget alloué à ces structures.

L’amendement II-AC636 a pour objet d’accroître de 30 % les crédits affectés aux SSE. Ceux-ci n’offrent souvent qu’une spécialité – alors qu’ils doivent en proposer au minimum deux –, laquelle correspond rarement aux demandes des étudiants.

L’amendement II-AC635 vise à créer les treize services de santé manquants. On relève en effet de grandes inégalités entre les pôles universitaires.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. On compte un psychologue pour près de 2 000 étudiants au Canada, un pour 6 000 étudiants en Autriche et un pour 15 000 étudiants en France – soit dix fois moins que les recommandations internationales. Quelque 30 % des étudiants ont déjà renoncé à des soins faute d’argent et 37 % présentent des signes de détresse psychologique. Nous proposons d’abonder en urgence le budget pour recruter des psychologues.

M. Jérôme Legavre (LFI-NUPES). L’amendement II-AC560 a pour objet d’accroître les moyens des SSE. Beaucoup trop d’étudiants renoncent à se soigner faute d’argent. Les épisodes successifs de confinement ont montré qu’un grand nombre d’entre eux souffraient de détresse psychologique. Il est urgent d’allouer des crédits.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Je suis favorable à tous ces amendements. De nombreuses dépenses de santé pourraient être évitées si l’on menait une politique de santé publique fondée sur la prévention et le dépistage des maladies. Cela implique la présence d’acteurs de proximité, par exemple de psychologues. Il est de ce fait nécessaire d’augmenter assez massivement les moyens des SSE.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). On va probablement nous reparler du chèque psy, qui est un très bon dispositif, mais qui nécessite l’agrément des praticiens. Or, beaucoup de psychologues ne souhaitent pas être agréés, car ils ne veulent pas voir débarquer des étudiants et être rémunérés a posteriori par la sécurité sociale. Dans ma circonscription, pas un seul n’est agréé. Pour les 220 000 habitants du sud de la Seine-Saint-Denis, on compte un seul psychologue agréé, installé à Montreuil. Le chèque psy devrait donner accès à tous les psychologues, quitte à ce qu’on le leur impose.

Mme Anne Brugnera (RE). Nous travaillons, depuis 2017, sur la question de la santé des étudiants, qui a pris une tournure plus problématique à partir du covid, en particulier à compter du deuxième confinement. On a institué, à ce moment-là, plusieurs dispositifs pour lutter contre la précarité, avec le repas à 1 euro et la création de jobs étudiants et, dans le domaine de la santé, le chèque psy et l’embauche de quatre-vingts psychologues et soixante assistants sociaux. Nous poursuivons ce travail. Compte tenu de leur autonomie, c’est en partie aux universités de prendre en main la santé des étudiants. Certaines ont un service de santé et embauchent des médecins, mais elles sont confrontées au manque de médecins scolaires et universitaires. Quant au chèque psy, il faut en effet convaincre les psychologues d’entrer dans le dispositif.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements II-AC564 de M. Idir Boumertit, II-AC651 de M. Jean-Claude Raux et II-AC629 de Mme Béatrice Descamps

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Le ratio du nombre de psychologues rapporté au nombre d’étudiants est, en France, très inférieur aux recommandations internationales. Par ailleurs, il est impossible, en certains lieux, d’utiliser le chèque psy. La santé mentale est un défi de santé publique. Elle réclame non seulement du volontarisme, mais aussi la présence d’un véritable service public. Tel est l’objet de l’amendement II-AC651, qui vise à renforcer les moyens des services de santé étudiants afin d’augmenter le nombre de psychologues.

M. Stéphane Lenormand (LIOT). Nous proposons d’accroître le recrutement de psychologues universitaires, lesquels font cruellement défaut compte tenu de la situation que nous connaissons.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Il faut augmenter massivement les moyens des SSE, pour faire face, en particulier, aux besoins exprimés en matière de psychologie et d’assistance sociale.

J’entends l’argument relatif à l’autonomie des universités, mais cela ne signifie pas que l’État doit se laver les mains de la santé des étudiants. Une politique de santé publique est conduite sur l’ensemble du territoire national, notamment par les agences régionales de santé (ARS). Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas travailler avec les universités pour recruter un nombre de médecins et de psychologues suffisant dans chacune d’elles.

Quant aux effectifs de médecins, les bras m’en tombent : vous avez refusé de voter nos amendements qui visaient à créer un nombre de places d’étudiants suffisant en licence.

Mme Anne Brugnera (RE). Nous avons augmenté le nombre de médecins !

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Non, vous avez supprimé le numerus clausus, mais le nombre d’étudiants n’a pas augmenté, car on manque de maîtres de conférences des universités-praticiens hospitaliers et de professeurs dans les universités et les centres hospitaliers universitaires.

On me dit, depuis dix ans, que, si on laisse les étudiants s’inscrire où ils veulent, ils choisiront les sciences et techniques des activités physiques et sportives (Staps) et la psychologie. Voilà dix ans que j’entends les décideurs me dire que l’on n’a pas besoin de psychologues ! Et on découvre à présent qu’il n’y en a pas assez, que ce soit dans les centres médico-psychologiques, pour l’orientation scolaire ou dans le cadre universitaire.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-AC365 de Mme Violette Spillebout

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Je suis favorable à cet amendement, qui vise à garantir l’accès gratuit aux protections hygiéniques lavables.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Isabelle Rome, alors ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, avait proposé la gratuité des protections hygiéniques. Or le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne prévoit qu’un remboursement de 60 % par les mutuelles. Rappelons que 15 % des étudiants n’ont pas de mutuelle. Par ailleurs, le taux de remboursement est insuffisant, sachant qu’il faudrait au moins trois culottes hygiéniques, dont le coût unitaire oscille entre 30 et 40 euros.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-AC725 de M. Hendrik Davi, II-AC673 de Mme Sophie Taillé-Polian, II-AC743 de M. Hendrik Davi, II-AC548 de Mme Martine Froger, II-AC555 de M. Jérôme Legavre et II-AC656 de Mme Fatiha Keloua Hachi

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Le coût de la vie étudiante, qui a augmenté de 6,47 % en 2023 selon l’Unef, est notamment entretenu par la hausse de 14,3 % des prix des produits alimentaires. La précarité alimentaire est alarmante. Selon l’enquête de l’association Linkee, 54 % des étudiants ont sauté des repas, en 2023, pour des raisons financières, contre 43 % en 2022. Par ailleurs, 70 % des étudiants ne peuvent pas s’acheter de viande, 37 % ne peuvent pas acheter de fruits et 23 % des sondés disent ne pas pouvoir acheter de légumes, contre 12 % en 2022. Depuis janvier 2023, Linkee a distribué plus de 1,5 million de denrées alimentaires aux étudiants, contre près de 1 million sur l’ensemble de l’année 2022. Pour endiguer la précarité alimentaire et la malnutrition, nous proposons, comme l’année dernière, d’instaurer la gratuité des repas dans les Crous. L’amendement II-AC725 propose d’affecter 400 millions à cet objet.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). L’amendement II-AC673 vise à généraliser à tous les étudiants et toutes les étudiantes l’accès à un repas de qualité, équilibré, à 1 euro. Certes, en théorie, les étudiants non boursiers en proie à des difficultés sociales peuvent se rendre dans le service social de leur université. Toutefois, ces services sont très difficilement accessibles, ce qui entraine une difficulté d’accès au droit.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. L’amendement II-AC743 vise à généraliser le repas à 1 euro. Il est essentiel de l’étendre à l’ensemble des étudiants et des étudiantes pour éviter le non-recours à ce service. C’est un débat qui concerne l’ensemble des aides sociales : lorsque le bénéfice d’une aide est réservé à ceux qui en ont le plus besoin, un grand nombre de ceux-ci n’en bénéficient pas car cela suppose l’accomplissement d’un certain nombre de démarches. La généralisation de cette mesure, que le Gouvernement avait instaurée pendant le covid, constituerait une réelle avancée.

M. Stéphane Lenormand (LIOT). L’amendement II-AC548 vise à augmenter les crédits dédiés à l’aide à la restauration des étudiants, afin de proposer à l’ensemble d’entre eux des repas à 1 euro dans les restaurants des Crous. C’est une mesure essentielle, qui a fait la preuve de son efficacité et qui permettrait de lutter contre la précarité affectant un certain nombre d’étudiants, lesquels sont parfois contraints de sauter des repas.

M. Jérôme Legavre (LFI-NUPES). En janvier 2021, le Président de la République avait étendu les repas à 1 euro à tous les étudiants, qu’ils soient ou non boursiers, ce qui avait rendu des services très précieux en cette période de covid. La mesure a été supprimée à la rentrée universitaire 2021. En 2022, près de 19 millions de repas à 1 euro ont été servis, contre près de 20 millions l’année précédente. Autrement dit, le nombre de repas servis diminue alors que les coûts de la restauration augmentent. On place un nombre grandissant d’étudiants dans une situation très délicate. Cela rend nécessaire l’extension à tous du repas à 1 euro.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). L’amendement II-AC656 vise également à étendre le bénéfice du repas à 1 euro à tous les étudiants. Le repas à 1 euro réservé aux boursiers et aux précaires manque sa cible. Je l’ai dit, le système des bourses est désuet : près de 40 % des boursiers perçoivent 130 euros par mois. Par ailleurs, certes, les personnes précaires ont droit à un repas à 1 euro, dans le cadre d’une aide d’urgence, mais elles doivent ensuite constituer un dossier avec une assistante sociale – étant rappelé que l’on en compte une pour 12 500 étudiants. En outre selon les Crous, la liste des pièces demandées varie – ainsi, à Créteil, on épluche les relevés bancaires et les fiches de paie. Autrement dit, chaque Crous juge selon ses propres critères de la précarité de l’étudiant, ce qui est profondément injuste.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Je suis favorable à la gratuité des repas du Crous comme à l’extension du repas à 1 euro. La représentation nationale a failli adopter cette dernière proposition lors de la niche de nos collègues Socialistes : cela s’est joué à une voix. Il serait souhaitable que le 49.3 ne nous empêche pas de reprendre ce débat dans l’hémicycle. Par ailleurs, lorsque les étudiants ne vont pas au Crous, il arrive qu’ils ne mangent pas. Parfois, ils se nourrissent de sandwiches ou font le choix de la restauration rapide, ce qui crée des habitudes préjudiciables à la santé, alors que l’alimentation est un enjeu de santé publique et que l’on connaît une épidémie d’obésité.

M. Fabrice Le Vigoureux (RE). Le repas à 3,30 euros, qui, de l’avis même du Cnous et des Crous, constitue un tarif social unique au monde, n’a pas augmenté d’un centime depuis 2017, ce qui n’était jamais arrivé sous les quinquennats précédents. Et il est déjà fortement subventionné puisque le coût complet d’un repas au Crous est de l’ordre de 8 à 9 euros. Nous sommes très fiers d’avoir instauré le repas à 1 euro mais nous le concentrons sur ceux qui en ont besoin. Ce serait mal dépenser l’argent public que de faire bénéficier de cette subvention des étudiants qui n’en éprouvent pas réellement la nécessité. L’argent public n’est pas magique !

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). On parle de 90 millions d’euros, soit une goutte d’eau dans le budget de l’État ! Pour éviter de mal employer cette somme, on va donc laisser des étudiants ne pas se nourrir ou se rendre dans les banques alimentaires… que vous avez abondées de 40 millions d’euros. Vous êtes en train de mettre une partie de la France sous perfusion. Nous, nous voulons des étudiants qui mangent à leur faim et qui puissent étudier.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Nous avons pleinement conscience que des étudiants qui auraient les moyens de payer 3,30 euros ne débourseront que 1 euro, mais nous souhaitons inciter le plus grand nombre d’étudiants possibles à se rendre dans les Crous, car ces structures proposent des repas de qualité, qui s’inscrivent dans le cadre du programme national nutrition santé. Nous considérons aussi qu’en apportant une aide généralisée et inconditionnelle, on permet à des étudiants non boursiers, dont un grand nombre éprouve des difficultés importantes, à accéder au droit. Le système actuel est mal conçu : on est finalement obligé d’accorder 40 millions d’euros à des associations, qui distribuent, comme elles le peuvent, une aide alimentaire.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-AC632 de Mme Béatrice Descamps

M. Stéphane Lenormand (LIOT). Cet amendement vise à renforcer l’accès des jeunes en situation de handicap à l’enseignement supérieur. L’accès au logement est, en la matière, essentiel. Or, la crise du logement étudiant concerne aussi les étudiants en situation de handicap, dont plus de la moitié des demandes qu’ils adressent au Crous n’aboutiraient pas. Nous proposons d’améliorer leur accès au logement étudiant en portant l’effort budgétaire à 30 millions d’euros.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Avis favorable : les personnes en situation de handicap doivent évidemment pouvoir poursuivre leurs études.

La commission rejette l’amendement

Amendements identiques II-AC577 de Mme Martine Froger, II-AC612 de Mme Fatiha Keloua Hachi et II-AC640 de M. Jean-Claude Raux

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Cet amendement vise à augmenter les crédits destinés à l’accompagnement pédagogique des étudiants présentant un besoin spécifique lié à un trouble ou à un handicap. Les financements alloués aux établissements assurant un accompagnement pédagogique de ces personnes seraient ainsi portés de 15 à 23 millions d’euros en 2023.

Contre la position du rapporteur pour avis, la commission rejette les amendements.

Suivant la position du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement II-AC664 de Mme Béatrice Descamps.

Amendement II-AC738 de M. Hendrik Davi

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Une étude de la Fage présentée en août 2023 indiquait qu’à chaque rentrée, les étudiants déboursent en moyenne plus de 300 euros au titre du matériel pédagogique. Pour préparer certains concours, en médecine ou en droit, par exemple, ces dépenses peuvent excéder 500 euros, ce qui, dans un contexte d’inflation galopante, est considérable, en particulier pour les étudiants les plus précaires. Certains doivent se passer de manuels, faute de moyens, ce qui avantage injustement les mieux lotis. L’enseignement supérieur doit être gratuit pour toutes et tous. Par cet amendement, nous proposons d’augmenter le budget des bibliothèques universitaires de 876 millions, afin qu’elles puissent mettre à la disposition de chaque étudiant les ouvrages nécessaires pour chaque cursus en quantité suffisante.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC619 de Mme Fatiha Keloua Hachi

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Cet amendement vise à souligner la nécessité d’un grand plan immobilier au sein des universités concernant les infrastructures sportives. Selon l’Observatoire national de l’activité physique et de la sédentarité (Onaps), seul un étudiant sur cinq fait du sport dans le cadre universitaire. Par ailleurs, un étudiant passe, en moyenne, huit heures par jour devant son écran, constat terrible quand on sait que rester assis plus de sept heures par jour augmente le risque de développer une maladie cardiovasculaire. L’entrée dans l’enseignement supérieur marque ainsi une rupture sur le plan de la pratique sportive. Il est urgent de renforcer la place du sport à l’université, y compris dans le cursus de chaque étudiant, mais cela nécessite l’existence de structures suffisantes.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Avis favorable. Il est essentiel que les étudiantes et les étudiants aient les moyens de faire du sport. En prenant de bonnes habitudes en ce domaine, comme en matière alimentaire, ils protégeront leur santé tout au long de leur vie. Par ailleurs, cela favorise la convivialité, qui est primordiale dans le cadre de la vie étudiante.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC724 de M. Henrik Davi

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. L’amendement vise à augmenter de 15 % la subvention pour charge de service public du Cnous. Les Crous sont aujourd’hui en grande difficulté financière. Les mesures de gel des charges locatives et des tarifs de restauration ne sont pas entièrement compensées par l’État, alors que les prix des fluides et des denrées alimentaires continuent d’augmenter. La fréquentation des restaurants universitaires est également en hausse, ce dont on peut se féliciter.

Dans le cadre des auditions menées pour mon rapport, la présidente du Cnous m’a fait part de son inquiétude concernant les finances des centres régionaux en 2023. Le Crous d’Aix-Marseille-Avignon, dans ma circonscription, a voté en janvier dernier un budget extrêmement dégradé, en déficit de 6 millions d’euros.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-AC595 de Mme Sarah Legrain, II-AC699 de Mme Fatiha Keloua Hachi, II-AC563 de M. Idir Boumertit et II-AC646 de M. Jean-Claude Raux

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Cet amendement ne coûte que 2 millions d’euros et répond à une demande pressante des étudiants et des organisations étudiantes : l’augmentation du crédit alloué à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles (VSS). Le PLF prévoit le recrutement de quarante référents en matière de violences sexistes et sexuelles, ce qui est très bien. Mais il est indispensable d’augmenter les crédits dédiés à la lutte contre ces violences, de façon à établir un véritable plan de lutte et de médiatisation, pour expliquer aux jeunes qu’il n’est pas normal qu’un sur dix ait subi des violences sexistes et sexuelles à l’université.

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Il existe 3 500 établissements d’enseignement supérieur, soit 3 500 lieux de potentielles agressions sexistes et sexuelles. Une étudiante sur dix déclare en avoir été la victime. Prévention, formation, signalement, accompagnement doivent être les maîtres mots d’une politique de lutte contre les VSS. Deux ans après le plan national du Gouvernement, le bilan est maigre : moins d’une centaine de projets financés. Cela illustre le manque de moyens et l’inadaptation d’un fonctionnement par appel à projets. L’amendement vient augmenter les crédits dédiés à la lutte contre les VSS. Je trouve dommage que nous soyons obligés de quémander, d’autant que le projet de loi de finances transfère 2,5 millions d’euros vers l’emploi de référents dans les rectorats. Ce seront 2,5 millions d’euros en moins pour les actions dans les établissements publics comme privés.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Le 12 octobre dernier, dans une tribune, les associations expertes et les organisations étudiantes demandaient le renforcement urgent des moyens dédiés à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans l’enseignement supérieur. Elles dénonçaient le manque de moyens, à hauteur de 3,5 millions d’euros. Pour elles, cette somme est largement insuffisante pour couvrir l’ensemble de l’enseignement supérieur et de la recherche. Elles demandent de mettre en place des formations et des campagnes de sensibilisation dans tous les établissements. Elles soulignent un autre élément important : pour l’instant, les financements étant faits sous forme d’appels à projets, chaque université monte ses cellules d’écoute et ses dispositifs, sans vision d’ensemble. C’est pourquoi je suis favorable à ces amendements qui visent à faire un grand plan de lutte contre ces violences à l’université.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Je concède que le Gouvernement a fait un effort avec les quarante référents, mais cela veut dire un référent pour deux grosses universités, ce qui n’est pas suffisant. La majorité peut aussi faire un effort en acceptant un amendement de 2 millions d’euros.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-AC715 de M. Henrik Davi

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. L’amendement vise à lancer un plan de recrutement d’assistantes sociales. La précarité étudiante augmente fortement. Ainsi, 1,5 million de denrées alimentaires a été distribué aux étudiants. Cette situation nécessite la présence de professionnels au sein des universités pour les aider. En France, il y a 1 assistant social pour 12 000 étudiants contre 1 pour 5 000 en Allemagne. Nous proposons de recruter suffisamment d’assistants sociaux pour obtenir un ratio de 1 pour 7 000.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC235 de M. Roger Chudeau

M. Roger Chudeau (RN). Nous souhaitons reprendre une initiative formulée par l’ancienne ministre de l’Enseignement supérieur, Mme Frédérique Vidal, en 2021, lorsqu’elle avait demandé un rapport au CNRS sur les dérives islamo-gauchistes à l’université, en expliquant que « l’islamo-gauchisme gangrène la société dans son ensemble et [que] l’université n’est pas imperméable ». Elle ajoutait qu’à l’université « il y a des gens qui peuvent utiliser leurs titres et l’aura qu’ils ont […] pour porter des idées radicales ou pour porter des idées militantes ». Forgée au début des années 2000 par le philosophe Pierre-André Taguieff, la notion d’islamo-gauchisme désigne une alliance militante de fait entre des milieux d’extrême gauche se réclamant du marxisme et des mouvances islamistes. Cet amendement d’appel vise à demander au Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Hcéres) un rapport sur l’emprise croissante des idéologies politiques et religieuses à l’université.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Avis défavorable. Je suis un peu étonné, monsieur Chudeau, par votre amendement, car vous connaissez le milieu universitaire, qui est guidé par deux principes : la liberté académique et la liberté pédagogique, encadrées par les mêmes règles que pour l’ensemble des citoyens. Si vous tenez des propos antisémites ou racistes au sein du monde universitaire, vous pouvez être attaqué en justice. Je pense qu’il est extrêmement grave d’essayer d’encadrer les recherches, d’en stigmatiser un certain type parce qu’elles ne vous plaisent pas. Comment une petite sortie pas très bien calibrée, que j’avais trouvée très douteuse, tout comme le CNRS d’ailleurs, de l’ancienne ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche, finit dans un amendement du Rassemblement national ? Voilà matière à réflexion politique ! Nous devons prendre garde à ne pas amplifier des idéologies que je qualifierais de racistes.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC554 de M. Rodrigo Arenas

M. Jérôme Legavre (LFI-NUPES). Par cet amendement d’appel, nous souhaitons dénoncer le laisser-faire du Gouvernement dans le développement de l’enseignement privé lucratif et les ponts d’or qui lui sont accordés de plus en plus généreusement. Il se développe dans des proportions très importantes, en bénéficiant des dernières réformes. La situation est telle qu’un quart des étudiants se retrouvent dans des formations privées dont certaines laissent dubitatifs. Prenons l’exemple de l’institut d’arts appliqués Lisaa, qui exige des frais d’inscription de 8 000 euros par an. Or cet institut privé a baissé le nombre d’heures de cours délivrées à la dernière rentrée. Je crains que l’on ne retrouve dans l’enseignement supérieur des situations semblables à celles que l’on observe, toutes proportions gardées, dans le domaine des crèches privées. Il faut encadrer l’enseignement privé lucratif et limiter considérablement le financement de ses établissements.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Dans la mesure où c’est l’objet de mon rapport pour avis, je suis favorable à votre amendement. Les chiffres sont vertigineux : nous sommes passés de 292 000 étudiants en 2001 à plus de 766 000 en 2022. Cette progression de l’enseignement privé a pu se faire grâce à l’apprentissage et à la sélection sur Parcoursup. L’un des principaux groupes, Galileo, dépend du fonds qui investissait dans Orpea… Le rapprochement avec les Ehpad et les crèches privées n’est donc pas si incongru. Bien sûr, je ne mets pas toutes les formations privées dans le même sac. Certaines sont de qualité, elles existent depuis très longtemps et ont pignon sur rue. Elles sont d’ailleurs inquiètes. Quand j’ai demandé à BPIFrance si ça ne les gênait pas de financer des acteurs concurrents du public et du privé qui a pignon sur rue, il est apparu que, pour eux, c’était l’avenir et que les grandes écoles françaises, ne disposant pas de la masse critique pour faire des investissements, relevaient de modèles obsolètes et qu’elles étaient vouées à disparaître. C’est pour cela que BPIFrance s’enorgueillit de financer Galileo. Je vous invite à la plus grande vigilance face à cette explosion du privé dans le supérieur. C’est notre souveraineté qui est en péril. Quand ce seront des fonds de pension étrangers qui gouverneront l’ensemble de nos formations supérieures, nous aurons un vrai problème.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Parcoursup propose des formations dans des écoles privées qui devraient avoir un agrément. Mais, en réalité, beaucoup d’écoles ferment en cours de route. Récemment, en Seine-Saint-Denis, des étudiants se sont inscrits dans une formation de kiné privée, ont payé des frais de scolarité très élevés et l’école a fermé début octobre. La ministre de l’Enseignement supérieur n’a pas de recours dans cette situation, puisque le public est complètement saturé. De plus, les diplômes ne sont pas des diplômes internationaux. Il y a du tri à faire parmi ces écoles privées.

La commission rejette l’amendement.

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Recherche et enseignement supérieur non modifiés.

 

Article 38 et état G

Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement IIAC616 de M. Philippe Ballard.

Amendement II-AC653 de M. Jean-Claude Raux

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). J’étais, il y a quelques semaines, dans une résidence Crous de Seine-Saint-Denis à la demande des étudiants qui voulaient m’alerter sur leurs conditions de vie, l’insalubrité de leur logement entre les rats, les souris, l’absence d’aération dans les cuisines, les deux machines à laver pour un immeuble entier, les cafards. J’ai pu vérifier tout cela sur place. D’après le travail des syndicats étudiants, on observe une surreprésentation des étudiants étrangers dans les logements Crous les plus insalubres. L’amendement vise à ajouter un nouvel indicateur afin d’obtenir des données objectives sur la mixité sociale au sein des résidences Crous et d’adapter en conséquence les politiques d’attribution des logements.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Après l’article 55

Amendement II-AC713 de M. Henrik Davi

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Le projet annuel de performances de la mission fait état, pour le seul programme 150 de quatre dépenses fiscales portant sur des impôts d’État, pour un coût total estimé à 3,521 milliards d’euros en 2023 et en 2024, soit une augmentation de 261 millions d’euros par rapport à 2022, après une augmentation déjà marquée entre 2021 et 2022. Par cet amendement, je souhaite que le Gouvernement rende compte au Parlement de façon détaillée de l’effet de ces dépenses fiscales sur le niveau, la structure et la répartition du financement de l’enseignement supérieur. On nous rétorque très souvent que nous proposons des amendements qui coûtent de l’argent. Or il existe des niches fiscales dont on ne voit pas l’intérêt. Ce rapport serait très utile.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC617 de M. Philippe Ballard

M. Roger Chudeau (RN). L’amendement vise à demander un rapport sur l’utilisation du produit de la contribution de vie étudiante et de campus.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Sagesse.

La commission rejette l’amendement.


—  1  —

  ANNEXE :
Liste des personnes entendues par le rapporteur pour avis

(par ordre chronologique)

       Audition commune :

– Eurobiomed  Mme Émilie Royere, directrice générale

– Medicen *– Dr Christian Deleuze, président

       France universités  MM. Yassine Lakhnech, président du Conseil de la recherche et de l’innovation, et Kévin Neuville, conseiller aux relations institutionnelles

       Table ronde :

– France Biolead *– MM. Jacques Volckmann, président, et Laurent Lafferrère, directeur général

– Institut national des sciences appliquées – Mmes Fayza Daboussi, directrice de recherche à l’Inrae et directrice de l’intégrateur santé TIBH, et Magali Remaud-Simeon, professeur des universités à l’Insa Toulouse, responsable pôle Biocatalyse de TBI

       Table ronde :

 Institut Curie  Pr Thierry Philip, président du directoire

– Institut de cancérologie Gustave Roussy – Pr Fabrice Andre, directeur de la recherche

– Institut Pasteur  MM. Stewart Cole, directeur général, Louis Marty, directeur de cabinet, et Basile Maddalena, chargé de mission

       Académie de médecine  MM. Christian Boitard, secrétaire perpétuel, Arnold Migus, Bruno Clément, Patrick Netter, et Patrice Debré, président du comité des relations internationales, académie nationale de médecine et département d’immunologie

       Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses)  Mme Agathe Denéchère, directrice générale adjointe, et M. Gilles Salvat, directeur général délégué pôle recherche et référence

       Centre national pour la recherche scientifique (CNRS) – MM. Antoine Petit, président-directeur général, et Thomas Borel, responsable des affaires publiques

       M. Philippe Gillet, géophysicien, auteur du rapport sur l’écosystème de la recherche et de l’innovation

       Réseau Satt – MM. Xavier Apolinarski, président-directeur général de Satt Paris-Saclay, et Hervé Ansanay, responsable de Filière Biotech

       Agence nationale de la recherche (ANR)  M. Thierry Damerval, président-directeur général, et Mme Cécile Schou, conseillère relations institutionnelles

       Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) – Pr. Didier Samuel, président-directeur général, M. Damien Rousset, directeur général délégué à l’administration, et Mme Anne-Sophie Etzol, responsable des relations institutionnelles

       Table ronde :

 Association française contre les myopathies (AFM-Téléthon)  MM. Serge Braun, directeur général adjoint scientifique, et Christophe Duguet, directeur des affaires publiques

– Fondation pour la recherche médicale (FRM) – M. Benjamin Pruvost, président du directoire, et Mme Valérie Lemarchandel, directrice scientifique et membre du directoire

 Fondation de France – Mmes Bénédicte Fossard, directrice adjointe de la transformation sociétale, et Fanny Ledonné, responsable de programmes et de fondations du pôle santé et recherche médicale

 Ligue contre le cancer  M. Daniel Nizri, président, et Mme Iris Pauporté, directrice de la recherche, innovation et information scientifique.

       Audition commune :

 Institut de recherche pour le développement (IRD) – Mme Valérie Verdier, présidente directrice générale, et M. Éric Delaporte, directeur du département scientifique « Science et Société »

 Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) – M. Philippe Mauguin, président-directeur général, M. Louis-Augustin Julien, directeur général délégué aux ressources, Mme Muriel Vayssier-Taussat, cheffe du département santé animale et directrice de l’Institut Carnot France futur élevage, et M. Marc Gauchée, conseiller du P-DG pour les relations parlementaires et institutionnelles

       M. Alain Fischer, président de l’Académie des sciences

       Pr. Christian Lüscher, du département des neurosciences fondamentales, à la faculté de médecine de l’Université de Genève

       Table ronde :

– Paris Saclay Cancer Cluster  M. Éric Vivier, président, professeur d’immunologie à Aix-Marseille Université et cofondateur et directeur scientifique d’Innate Pharma

– Marseille Immunology Biocluster  MM. Hervé Brailly, cofondateur, président du conseil de surveillance d’Innate Pharma, Chairman, CEO et Co fondateur de Kalsiom SAS, Chairman de Systol Dynamics et de TherAguix, et Daniel Olive, professeur d’immunologie à Aix-Marseille Université

– Biocluster Français d’Innovation en Infectiologie (BCF2I, Lyon) M. Bruno Lina, président du biocluster, virologue aux Hospices civils de Lyon

       Les entreprises du médicament (LEEM) *– M. Thomas Borel, directeur recherche, innovation, santé publique et engagement sociétal, Mme Nathalie Manaud, directrice innovation, et M. Loïck Landouzy, chargé d’affaires publiques

       Ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche  Mme Naomi Peres, directrice du cabinet de la ministre, MM. Baptiste Bourboulon, conseiller budgétaire, Etienne Gayat, conseiller spécial santé, et Mme Louise Thomas-Vaillant, conseillère parlementaire

       Institut Imagine  Pr. Stanislas Lyonnet, directeur

       Audition commune :

– Health Data Hub  Mme Stéphanie Combes, directrice

– GIS IBISA (Infrastrutures en Biologie Santé et Agronomie) – Mme Elsa Cortijo, présidente

       Table ronde des organisations syndicales :

–  Syndicat national des chercheurs scientifiques (SNCS-FSU)  M. Boris Gralak, secrétaire général

 Syndicat national indépendant de la recherche scientifique et de l’enseignement supérieur (SNIRS-CFE-CGC)  Mme Catherine Brenner, directrice de recherche CNRS, Institut Gustave Roussy Villejuif, et Mme Patricia Duchambon, ingénieur Inserm, Institut Curie Orsay

 SUP Recherche-UNSA  M. Jean-Pascal Simon, secrétaire général

 Syndicat général de l’éducation nationale-Confédération française démocratique du travail (SGEN-CFDT) – M. Nicolas Holzschuch, secrétaire fédéral, et Mme Christine Zimmermann, secrétaire fédérale

       Pr. Alexandre Loupy, professeur de néphrologie et d’épidémiologie à l’hôpital Necker-Enfants malades et directeur de l’équipe Recherche en transplantation d’organes au Centre de recherche cardiovasculaire de Paris (Parcc)

       Audition commune :

– M. Ali Saib, conseiller maître à la Cour des comptes

 M. Gilles Bloch, président du Muséum national d’histoire naturelle, ancien président de l’Inserm

       Ministère de la Santé et de la prévention - MM. Jean-Claude Carel, conseiller médical, enseignement supérieur et recherche, et Guillaume Zucman, conseiller parlementaire, conseillers au cabinet du ministre

       Ministère délégué auprès du ministre de l’Économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie - Mme Mathilde Bouchardon, conseillère santé et agroalimentaire au cabinet du ministre

       Agence de l’innovation en santé – Mme Lise Alter, directrice générale, M. Benoît Labarthe, responsable accélération recherche et transfert de technologie, et Mme Clémentine Body, directrice projets transverses et international

       M. Thierry Coulhon, Président par intérim de l’Institut Polytechnique de Paris, ancien président du Hcéres

       Conférence des directeurs généraux de CHU – Mme Florence Decoopman, vice-présidente de la commission recherche et innovation de la conférence des DG de CHU et directrice générale adjointe de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris

       Table ronde :

–  Ministère de la Santé et de la prévention, direction générale de l’offre de soins (DGOS) – Mmes Cécile Lambert, cheffe de service et adjointe à la directrice générale, et Emmanuelle Cohn, sous-directrice par intérim du pilotage de la performance des acteurs de l’offre de soins

 Institut national du Cancer (INCa)  M. Norbert Ifrah, président, et M. Thierry Breton, directeur général

 Agence nationale de recherches sur le sida - Maladies infectieuses émergentes (ANRS-MIE) – M. Yasdan Yasdanpanah, directeur, et Mme Geneviève Nguyen, chargée de mission

 

       Haute autorité de santé (HAS)  Dr Cédric Carbonneil, chef du service Évaluation des actes professionnels

       Secrétariat général pour l’investissement (SGPI)  Mme Katia Cargnelli Barral, conseillère transfert de technologie

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.


([1]) Loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur.

([2]) Projet de campus de santé numérique lancé en décembre 2021 qui devrait s’installer sur le site de l'ancien hôpital d'instruction des armées du Val-de-Grâce d’ici 2029.

([3]) En avril 2021, la ministre Frédérique Vidal avait annoncé la nomination de Mme Fannette Charvier, alors députée, à la présidence du Conseil. Mais cette nomination n’a pas pu se concrétiser. En effet, dès lors que cette nomination repose sur une base non pas législative mais réglementaire, Mme Chavrier, en tant que parlementaire, s’est trouvée en situation d’incompatibilité au sens de la loi organique du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique.

([4]) Rapport de la mission Gillet sur l’écosystème de la recherche et de l’innovation : 14 propositions pour engager le processus de rénovation et de simplification de l’écosystème national, 15 juin 2023.

([5]) À titre d’illustration, 60 % des maladies infectieuses humaines ont une origine animale, et on sait que la déforestation accroît le risque d’exposition des humains et des élevages à de nouveaux pathogènes.

([6]) Rapport sur la biodiversité et les pandémies de la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services – IPBES), octobre 2020.

([7]) Opecst, Avancées thérapeutiques en oncologie, note scientifique n° 40 - juin 2023, Philippe Berta, Laure Darcos, [en ligne], https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/organes/delegations-comites-offices/opecst/publications/notes_scientifiques_opecst/avancees-therapeutiques-en-oncologie-note-scientifique-n-40-juin-2023

([8]) Cour des comptes, rapport public thématique, La gestion de la recherche publique en sciences du vivant, mars 2007, p. 6.

([9]) Sénat, rapport d’information, Les Instituts hospitalo-universitaires et le financement de la recherche biomédicale en France, Thierry Meignen et Jean-François Rapin, février 2022, p. 17.

([10])  Ensemble des conséquences néfastes pour la santé, potentielles ou avérées, résultant de l’intervention médicale (erreurs de diagnostic, prévention ou prescription inadaptée, complications d’un acte thérapeutique) ou de recours aux soins ou de l’utilisation d’un produit de santé.

([11]) https://bigmedia.bpifrance.fr/infographies/quels-sont-les-chiffres-a-retenir-sur-le-secteur-de-la-sante-en-france

([12]) Ibid.

([13]) Données issues de l’Observatoire des sciences et techniques (OST)-HCERES, « Position de la France dans la recherche biomédicale mondiale », octobre 2023. Les données de 2022 sont provisoires (complètes à 95 %).

([14]) La position scientifique de la France dans le monde et en Europe, 2005–2018, OST HCERES (2021), cité par Alain Fisher, La recherche médicale en France, bilan et propositions, Terra Nova, janvier 2023, p. 11.

([15]) Concernant les chercheurs hautement cités, d’après le classement réalisé par Clarivate analytics, la France se classe au 8e rang mondial, cf. rapport Gillet, Mission sur l’écosystème de la recherche et de l’innovation 14 propositions pour engager le processus de rénovation et de simplification de l’écosystème national, juin 2023, p. 19.

([16]) Sur la base du classement effectué par la revue Nature, indicateur synthétisant la production scientifique de haut niveau, la France est 6e, derrière l’Allemagne (3e) et le Royaume-Uni (4e), et plus loin encore dans le classement si on rapporte les publications au nombre d’habitants. Cf. Alain Fischer, La recherche médicale en France, bilan et propositions, Terra Nova, janvier 2023, p. 12.

([17]) Données issues de l’OST-HCERES, op. cit., octobre 2023.

([18]) France Universités, Soutenir les réflexions de France Universités sur l’état de la recherche biomédicale en France, janvier 2023.

([19]) Données issues de l’OST-HCERES, op. cit., octobre 2023.

([20]) Réformer la recherche en sciences biologiques et en santé : partie I, le financement. Arnold Migus, Raymond Ardaillou, Patrick Berche, Christian Boitard, Bruno Clément, Patrick Couvreur, Patrice Debré, Patrick Netter, au nom d’un groupe de travail biacadémique de l’Académie nationale de pharmacie et de l’Académie nationale de médecine, Bull Acad Natl Med 205, juin 2021, p. 694-702.

([21]) Rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), Le financement et l’organisation de la recherche en biologie santé, C. Villani, député, G. Longuet, sénateur, juillet 2021, p. 7.

([22]) Rapport Gillet, op. cit., juin 2023, p. 19.

([23]) Rapport d’information, Sénat, Excellence de la recherche/innovation, pénurie de champions industriels : cherchez l’erreur française, C. Redon-Sarrazy et V. Paoli-Gagin, juin 2022, p. 19.

([24]) Inspection générale de l’Éducation, du sport et de la recherche (IGÉSR), Mécanismes de coordination des acteurs et des démarches en matière de recherche liée à la covid-19, Émilie-Pauline Gallié, Marie-Odile Ott, juillet 2021, p. 9.

([25]) Cour des comptes, audit flash, Le financement de la recherche publique dans la lutte contre la pandémie de Covid-19, juillet 2021, p. 6.

([26]) Académie nationale de médecine, Réformer la recherche en sciences biologiques et en santé-I, op. cit., juin 2021.

([27]) Cour des Comptes, audit flash, op. cit., p. 7.

([28]) Loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur.

([29]) https://www.oecd.org/fr/science/inno/pist.htm

([30]) Sénat, rapport d’information, Les Instituts hospitalo-universitaires, op. cit., p. 23.

([31]) Académie nationale de médecine, Réformer la recherche en sciences biologiques et en santé-I, op. cit., juin 2021, p. 696.

([32]) Alain Fischer, op. cit., p. 15.

([33]) Sénat, rapport d’information, Les Instituts hospitalo-universitaires, op. cit., février 2022, p. 25.

([34]) Académie nationale de médecine, Réformer la recherche en sciences biologiques et en santé-I, op. cit., p. 696.

([35])  Avis n° 374 sur le projet de loi de finances 2023, Assemblée nationale, commission des affaires culturelles et de l’éducation, Tome V, Recherche et enseignement supérieur, Philippe Berta, député. Dans le PLF 2023, 500 millions d’euros étaient affectés à la compensation du coût de la revalorisation du point d’indice de la fonction publique de juillet 2022.

([36]) Avis n° 374 sur le projet de loi de finances 2023, op. cit., p. 6.

([37]) France 2030, Plan Innovation Santé 2030, Conseil stratégique des industries de santé (CSIS) – 29 juin 2021.

([38]) Voir l’étude d’impact de la loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur.

([39]) Sénat, Excellence de la recherche/innovation, pénurie de champions industriels : cherchez l’erreur française, op. cit., p. 37.

([40]) Plan innovation santé 2030. Faire de la France la 1ère nation européenne innovante et souveraine en santé, 29 juin 2021, CSIS 2021, p. 13.

([41]) Alain Fischer, op. cit., p. 17.

([42]) Ibid., p. 18.

([43]) Le Figaro, Bruno Canard, l’expert des coronavirus « sauvé » par l’épidémie de Covid, 22 juin 2022.

([44]) Le Monde, David Larousserie, 2 octobre 2020.

([45]) Cour des comptes, rapport public thématique, La recherche en infectiologie. Un enjeu fort insuffisamment piloté, février 2022, p. 9.

([46]) La dotation récente en équipements d’envergure pour la recherche en biologie santé (laboratoire P4 par exemple qui permet aux scientifiques de travailler sur les virus les plus dangereux) a été réalisée via les programmes d’investissements d’avenir.

([47]) Fondé en 2007, le GIS IBiSA coordonne la politique nationale de labellisation et de soutien aux infrastructures en biologie et santé (INBS). Il est l’unique instrument de financement commun à l’ensemble des établissements partenaires en sciences du vivant. Il conseille et soutient les infrastructures dans leurs projets de développement technologique et méthodologique. Il est sous la tutelle des grands organismes de la recherche (Inserm, CEA, CNRS, Inrae).

([48]) Plan innovation santé 2030. Faire de la France la 1ère nation européenne innovante et souveraine en santé, 29 juin 2021, CSIS 2021, p. 13.

([49])  Sénat, rapport d’information, Les Instituts hospitalo-universitaires, op. cit., février 2022, p. 33.

([50]) Institut national de la santé et de la recherche médicale ; Institut de recherche pour le développement ; Centre national de la recherche scientifique ; Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement ; Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives.

([51]) Agence nationale de la recherche ; Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales-maladies infectieuses émergentes

([52]) Académie nationale de médecine, Réformer la recherche en sciences biologiques et en santé-I, op. cit.

([53]) Cette dotation est répartie en fonction d’indicateurs d’activité (publications scientifiques, enseignement, recherche clinique).

([54]) A. Fischer, op. cit., p. 29.

([55]) Par exemple, Programme hospitalier de recherche clinique, PHRC ; Programme de recherche translationnelle en santé, PRTS ; Programme hospitalier de recherche clinique dédié aux maladies infectieuses émergentes et ré-émergentes, ReCH-MIE.

([56]) Le ministère de la Santé a créé le PHRC pour contrer la faiblesse du développement de la recherche clinique en France et la difficulté d’en assurer le financement sur le budget de l’État. Depuis 1997, le PHRC est inscrit dans la loi de financement de la sécurité sociale annuelle.

([57]) Deux programmes de recherche translationnelle, l’un à caractère général (PRTS) et l’autre consacré au cancer (PRTK), ont été mis en place à partir de 2011.

([58]) Cour des comptes, Le rôle des CHU dans l’enseignement supérieur et la recherche médicale, 2017, p. 80.

([59]) 130,1 millions d’euros en 2020 et 133,8 millions d’euros en 2021. Données communiquées par la DGOS (octobre 2023).

([60]) Cour des comptes, Le rôle des CHU, op. cit., p. 80. Voir aussi Sénat, Les Instituts hospitalo-universitaires, op. cit., p. 28, qui explique que l’écart entre les autorisations d’engagement et les crédits de paiement est notamment lié à la complexité inhérente au pilotage des essais cliniques.

([61]) Contribution écrite de l’ANR.

([62]) Académie nationale de médecine, Réformer la recherche en sciences biologiques et en santé-I, op. cit.

([63]) https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/contenu/piece-jointe/2023/06/france2030_cma_fiche_thematique_objectif_7_produire_20_biomedicaments_final.pdf

([64]) Sénat, Les Instituts hospitalo-universitaires, op. cit.,février 2022, p. 32.

([65])  Opecst, Le financement et l’organisation de la recherche en biologie santé, op. cit., juillet 2021, p. 12.

([66]) Dépêche AEF n° 701270 du 23 octobre 2023. La région Centre-Val-de-Loire affirme que son soutien à la recherche est « du même ordre de grandeur » que les financements de l’État par appel à projets.

([67]) Opecst, Le financement et l’organisation de la recherche en biologie santé, op. cit., p. 12.

([68]) Rapport d’activités 2021 https://www.ligue-cancer.net/sites/default/files/rapport-recherche-2021.pdf. La Ligue nationale contre le cancer a pour missions la prévention et la promotion des dépistages des cancers, l’accompagnement des personnes malades et de leurs proches et le soutien financier de la recherche publique dans tous les domaines touchant à la cancérologie.

([69]) https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/qui-oriente-et-definit-la-politique-de-recherche-46108

([70]) Article L. 120-1 du code de la recherche, et décret n° 2013-943 du 21 octobre 2013 relatif au Conseil stratégique de la recherche. Le Conseil comprend de 16 à 24 membres, dont 13 à 21 personnalités qualifiées représentant la recherche, l’économie et l’innovation.

([71]) https://www.gouvernement.fr/2015/rapport_strategie_nationale_de_recherche_snr

([72]) Article L. 113-1 du code de la recherche.

([73]) Depuis 1977, on dénombre :

 un ministère de la Recherche de plein exercice (associé le cas échéant à la technologie) sur une période fragmentée d’environ 10 années (mai 1981-juin 1982 ; juillet 1984-mars 1986 ; juin 1988-mars 1993 ; mars 2000-juin 2002) ;

 un ministère délégué à la Recherche (associé le cas échéant aux nouvelles technologies) auprès du ministre de l’Éducation nationale sur une période d’environ 3 années (juin 2002-mai 2005) et un secrétariat d’État à la Recherche auprès du ministre de l’Éducation nationale sur deux années (mai 1995-juin 1997) ;

– un secrétariat d’État à la Recherche auprès du Premier ministre entre 1977 et 1981.

([74]) https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/historique-de-l-institution-recherche-46364

([75]) Aux côtés des ministères chargés de la recherche et de la santé, on trouve par exemple les ministères chargés de l’énergie, de l’industrie et de la défense, pour le CEA ; des affaires étrangères (coopération) pour l’IRD ; de l’agriculture, pour l’INRAE ; et de l’environnement, du travail et de la consommation, pour l’Anses. On pourrait y ajouter la mer (pour l’Ifremer) et le numérique (pour l’Inria).

([76]) CEA, réseau des CHU, CNRS, France Universités, Inrae, Inria, Pasteur, IRD, Curie, etc.

([77]) L’Alliance pour la recherche et l’innovation des industries de santé (Ariis, qui regroupe des industriels pharmaceutiques) ; la fondation Mérieux.

([78]) Cour des comptes, Le rôle des CHU dans l’enseignement supérieur et la recherche médicale, op. cit., p. 81.

([79]) Réformer la recherche en sciences biologiques et en santé : partie II, l’organisation. Arnold Migus, Raymond Ardaillou, Patrick Berche, Christian Boitard, Bruno Clément, Patrick Couvreur, Patrice Debré, Patrick Netter, au nom d’un groupe de travail biacadémique de l’Académie nationale de pharmacie et de l’Académie nationale de médecine, Bull Acad Natl Med 205 (2021) pp. 703-718.

([80]) https://medias.vie-publique.fr/data_storage_s3/rapport/pdf/154000630.pdf. Le rapport intitulé Plan d’action pour l’organisation de la programmation de la recherche en santé, présenté en juillet 2015, souligne que la recherche française en santé souffre d’une gouvernance excessivement fragmentée et que la phase de programmation ne fait pas l’objet d’une concertation suffisante.

([81]) Cour des comptes, Le rôle des CHU dans l’enseignement supérieur, op. cit., p. 83

([82]) Rapport Gillet, mission sur l’écosystème de la recherche et de l’innovation, op. cit., juin 2023, p. 49. Pour le professeur Gillet, l’Aviesan a vocation à être remplacée par une agence de programme, confiée à un opérateur de la recherche (l’Inserm en l’espèce).

([83]) L’AIS a été lancée le 31 octobre 2022 à l’occasion du comité de pilotage ministériel France 2030 Santé.

([84])  Établissement public à caractère scientifique et technologique, créé en 1964, anciennement Institut national d’hygiène créé en 1942.

([85])  Établissement public industriel et commercial, sous la tutelle de quatre ministères dont ceux chargés de la recherche et de l’industrie.

([86])  EPST sous la tutelle de deux ministères dont celui chargé de la recherche.

([87])  EPST, sous la tutelle de deux ministères dont celui chargé de la recherche.

([88])  Établissement public administratif sous la tutelle des quatre ministères dont celui chargé de la santé.

([89])  Notamment pour l’écotoxicité et la biodiversité.

([90]) Les universités françaises sont regroupées au sein de France Universités.

([91])  https://www.conseil-national.medecin.fr/etudiants-internes/etudes-medecine/facultes-medecine.

([92]) Les écoles d’ingénieurs sont regroupées au sein de la Conférence des grandes écoles (CGE) et de la Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs (CDEFI).

([93]) Dont l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (HP-‑HM) ou encore les Hospices civils de Lyon.

([94]) La liste des CHR figure à l’article D. 6141-15 du code de la santé publique. Depuis 2022, l’ensemble des CHR sont des CHU ; le dernier né des CHU est le CHR d’Orléans.

([95]) Art. L. 6141-2 du code de la santé publique.

([96]) Art. L. 6141-1 du code de la santé publique : arrêté du directeur général de l’agence régionale de santé (ARS) pour un ressort communal et départemental, et décret pour un ressort supra départemental.

([97]) Cour des comptes, Le rôle des CHU dans l’enseignement supérieur, op. cit., p. 10.

([98]) Créés en 1945, ils sont mentionnés aux articles L. 6162-1 et suivants du code de la santé publique. La liste des CLCC figure à l’arrêté du 16 juin 2005 fixant la liste des centres de lutte contre le cancer. Les CLCC sont réunis au sein du réseau Unicancer.

([99]) Cour des comptes, Le rôle des CHU dans l’enseignement supérieur, op. cit., p. 32.

([100]) Parmi les 3 244 unités de recherche recensées dans le répertoire national des structures de recherche, 54 % sont mixtes (dont environ 880 impliquant le CNRS), et parmi celles-ci, environ 3 sur 4 sont labellisées par un ONR et une université. Quasiment toutes les universités partagent des UMR avec des partenaires. Données extraites du rapport Gillet, mission sur l’écosystème de la recherche et de l’innovation, op. cit., juin 2023, p. 23 et suiv.

([101]) Le principe de l’UMR a été initié par le CNRS en 1966 et s’est progressivement appliqué aux principaux ONR.

([102]) Le volet « valorisation » des IHU est développé au point D, 4, d, iii. Les outils spécifiques au domaine de la santé.

([103]) À l’exception d’ICAN et de LIRYC, qui ont été conçus de novo en réponse à l’appel à projets, cf Sénat, rapport d’information, Les Instituts hospitalo-universitaires, op. cit., p. 40.

([104]) Sénat, rapport d’information, Les Instituts hospitalo-universitaires, op. cit., p. 52. Par exemple, l’IHU Imagine est adossé à l’Institut des maladies génétiques, créé en 2007 et alors dirigé par le Pr. Alain Fisher ; l’IHU en maladies infectieuses (IHU Méditerranée Infection, ou « IHU MI ») à Marseille est alors dirigé par le Pr. Didier Raoult.

([105]) Tableau issu du rapport d’information du Sénat, Les Instituts hospitalo-universitaires, op. cit., p. 9.

([106]) Par exemple : cardiologie, neuroscience, métabolisme, maladies rares, maladies infectieuses, maladies du système nerveux, technologies pour la santé, cancérologie, hématologie, immunologie, transplantation.

([107]) https://anr.fr/fr/detail/call/instituts-hospitalo-universitaires-ihu-3-appel-a-projets-2022. Voir aussi le projet annuel de performances de la mission Investir pour la France de 2030, p.  56.

([108]) https://www.ihu-france.org/fr/france-2030/. L’annonce des 12 IHU a été faite par le Président de la République lors de son discours à l’Institut Curie du 16 mai 2023. On trouve la liste précise de ces nouveaux IHU ici : https://www.ihu-france.org/fr/france-2030.

([109]) Sénat, rapport d’information, Les Instituts hospitalo-universitaires, op. cit., p. 13.

([110]) Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur. En 2012 et 2013, l’AP-HP, les organismes de recherche et les universités ont labellisé 16 départements hospitalo-universitaires (DHU) pour cinq ans. Ce programme et les 16 DHU ont été évalués par le HCERES. Le rapport a été très positif et recommandait que l’expérience soit réitérée.

([111]) Le volet « valorisation » des IRT est développé au point D, 4, d, ii. Les structures positionnées dans la recherche partenariale.

([112]) https://u-paris.fr/sante/instituts-hors-murs

([113]) Maladies Ostéo-Articulaires ; Diabète ; Microbiologie ; Sciences Cardiovasculaires ; Immunologie et Immunopathologie ; Paris Institute for Transplantation & Organ Regeneration (PITOR) ; Santé des Femmes ; Neurosciences et Cognition.

([114]) Contribution écrite de l’ANR.

([115]) L’ANRS-MIE est née en 2021 de la fusion de l’ANRS, créée en 1988 pour lutter contre le VIH/sida puis les hépatites virales, et de REACTing.

([116]) https://iresp.net/GIS-IReSP_Rapportdactivite-2022

([117]) Instruments du programme d’investissements d’avenir, destinés à soutenir la recherche d’ensemble d’équipes sur une thématique scientifique donnée.

([118]) Les deux premières vagues RHU n’étaient ouvertes qu’à des porteurs membres d’un DHU/FHU. Les suivantes sont ouvertes à toute équipe hospitalo-universitaire.

([119]) Le volet « valorisation » des RHU, est développé au point D, 4, d, iii. Les outils spécifiques au domaine de la santé.

([120]) L’action du PIA 3 « Programmes prioritaires de recherche » (PPR) est le précurseur des PEPR, visant à construire ou consolider des leaderships français de recherche.

([121]) https://anr.fr/en/france-2030/programmes-et-equipements-prioritaires-de-recherche. Convention du 2 juin 2021 entre l’État et l’ANR relative au programme d’investissements d’avenir (action « programmes et équipements prioritaires de recherche »).

([122]) Sur les 25 PEPR retenus, on peut mentionner pour le secteur de la santé : PREZODE (Preventing Zoonotic Diseases Emergence) :  « Maladies Infectieuses Émergentes – Menaces NRBC » (Cirad, Inrae, IRD) ; Maladies Infectieuses (MIE) (ANRS, MIE) ; Santé numérique (INRIA, Inserm) ; Biothérapies et bioproduction de thérapies innovantes (CEA, Inserm) ; Santé des femmes, santé des couples (Inserm).

([123]) Le HCERES a été créé par la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche (dite loi « Fioraso »), articles 89 à 94 et le décret n° 2014-1365 du 14 novembre 2014 relatif à l’organisation et au fonctionnement du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur. Voir les articles L. 114-3-1 à L. 114-3-6 du code de la recherche.

([124]) Conformément à l’article 13 de la Constitution et à la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la constitution.

([125])  Voir l’article L. 311-2 du code de la recherche : « Tout établissement public de recherche conclut avec l’État un contrat pluriannuel qui définit, pour l’ensemble de ses activités, les objectifs de l’établissement ainsi que les engagements réciproques des parties […] L’exécution du contrat fait l’objet d’une évaluation. L’État tient compte des résultats de l’évaluation pour déterminer les engagements financiers qu’il prend envers l’établissement dans le cadre du contrat pluriannuel. »

([126]) Article L. 114-3-1 du code de la recherche.

([127]) Sénat, Excellence de la recherche/innovation, pénurie de champions industriels : cherchez l’erreur française, op. cit., p. 7.

([128]) Loi n° 99-587 du 12 juillet 1999 sur l’innovation et la recherche.

([129]) Loi n° 82-653 du 29 juillet 1982 portant réforme de la planification.

([130]) Article L. 513-2 du code de la recherche.

([131]) Articles L. 111-1 et L. 111-6 du code de la recherche.

([132]) Articles L. 533-1 à L. 533-3 du code de la recherche. Voir aussi le décret n° 2020-24 du 13 janvier 2020 relatif à la gestion de la copropriété des résultats de recherche, au mode de désignation et aux missions du mandataire unique prévu à l’article L. 533-1 du code de la recherche.

([133]) Article L. 6145-75 du code de la santé publique.

([134]) Article L. 611-1 du code de la propriété intellectuelle : « Toute invention peut faire l’objet d’un titre de propriété industrielle délivré par le directeur de l’Institut national de la propriété industrielle qui confère à son titulaire ou à ses ayants cause un droit exclusif d’exploitation ».

([135]) Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.

([136]) À l’Inria notamment.

([137]) Rapport Jamet, Le transfert de technologie aux start-up, mars 2019, p. 29.

([138]) La procédure de désignation du mandataire unique anciennement fixée par le décret n° 2014-1518 du 16  décembre 2014 prenait pour point de départ la date de dépôt de la demande de brevet et pouvait durer neuf mois, voire être prolongée de sept mois pendant lesquels le ministre chargé de la recherche pouvait être saisi.

([139]) Assemblée nationale, avis n° 2298 de la commission des Affaires économiques sur le projet de loi de finances pour 2020 (n° 2272), tome XIII, Recherche et enseignement supérieur – grands organismes de recherche, M. Richard Lioger, député ; voir la troisième partie, p. 39 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/opendata/AVISANR5L15B2298-tXIII.html#_Toc256000012.

([140]) Cette convention comprend les noms des personnes publiques copropriétaires, le nom du mandataire unique, le nom des inventeurs ou auteurs fonctionnaires ou agents de l’État et salariés de personnes publiques ayant directement participé à l’obtention du résultat qui est également identifié.

([141]) Voir l’article 8 du décret n° 2020-24 du 13 janvier 2020 relatif à la gestion de la copropriété des résultats de recherche, au mode de désignation et aux missions du mandataire unique prévu à l’article L. 533-1 du code de la recherche.

([142]) Cour des comptes, Les comptes et la gestion d’Inserm transfert. Exercices 2015-2021 (2020 pour les comptes), novembre 2022, p. 10.

([143]) Cour des comptes, Les outils du programme d’investissements d’avenir (PIA) consacrés à la valorisation de la recherche publique, mars 2018, p. 9.

([144]) C’est l’ensemble de ces constats qui ont motivé la recommandation, formulée dans le rapport « Investir pour l’avenir » de la commission présidée par MM. Alain Juppé et Michel Rocard en 2009, d’accroître les moyens permettant  de protéger et valoriser les résultats de la recherche publique, et de favoriser la recherche partenariale dans un cadre européen.

([145]) Cour des comptes, Les outils du programme d’investissements d’avenir, op. cit., mars 2018, p. 16.

([146])  https://anr.fr/fr/france-2030/france2030/call/bioclusters-appel-a-manifestation-dinteret-selectif-2022/

([147])  https://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2016-1-page-165.htm#re6no6  .

([148])  Cour des comptes, Les outils du programme d’investissements d’avenir, op. cit., p. 11.

([149])  Cour des comptes, 10 octobre 2022, https://www.ccomptes.fr/fr/documents/62484.

([150])  Cour des comptes, Les outils du programme d’investissements d’avenir, op. cit., p. 199.

([151])  Cour des comptes, Les comptes et la gestion d’Inserm transfert, op. cit., p. 35.

([152]) Loi n° 91-748 du 31 juillet 1991 portant réforme hospitalière.

([153]) Ordonnance n° 2005-406 du 2 mai 2005 simplifiant le régime juridique des établissements de santé. Voir l’actuel L. 6145-7 du code de la santé publique.

([154]) Article L. 6145-7 du code de la santé publique.

([155]) Décret n° 2016-211 du 26 février 2016 relatif aux filiales et aux prises de participation des centres hospitaliers universitaire. Art. R. 6145-74 et R. 6145-75 du code de la santé publique.

([156]) Cour des comptes, Le rôle des CHU dans l’enseignement supérieur, op. cit., décembre 2017, p. 41. On note p. 76 du rapport que « la possibilité donnée aux CHU de créer des fondations de recherche et des filiales de valorisation a été fortement critiquée par le monde académique qui y a vu une mise en concurrence des structures de valorisation récemment créées comme les SATT ».

([157]) Au nombre de 14 initialement, la Satt du Grand Centre ayant été supprimée.

([158]) Cour des comptes, Les comptes et la gestion d’Inserm transfert, op. cit., p. 11 : « Convention donnant la gestion intégrale et exclusive de la valorisation de l’ensemble des UMR à une SATT  (exploitation de la propriété intellectuelle et activité partenariale) : cas unique de la SATT Conectus ».

([159]) Cour des comptes, Les outils du programme d’investissements d’avenir, op. cit., p. 23.

([160]) On en compte 38 % en biotech, 34 % en MedTech et diagnostic, 15 % en outils de R&D et 13 % en e-santé.

([161]) Pour certains territoires, c’est plus de 50 % : Satt Sud Est (54 %), Conectus (58 %) et Erganeo (67 %).

([162]) Convention du 19 août 2019 entre l’État, l’Epic Bpifrance, Bpifrance et l’ANR relative au programme d’investissements d’avenir (action : « Valorisation-Fonds national de valorisation relative au Fonds d’investissement dans les SATT »)

([163])  Prévenir et contrôler les maladies infectieuses émergentes, les menaces nucléaires radiologiques biologiques et chimiques (Inserm Transfert pour le volet pré-maturation et Satt Pulsalys pour la maturation) ; faire de la France un leader en santé numérique ; permettre à la France de retrouver sa place de leader européen en bioproduction des thérapies innovantes (Inserm Transfert et Satt Sud-Est).

([164])  Au nombre de 127. https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/les-structures-de-diffusion-de-technologies-46263.

([165]) Dans le domaine biomédical, peuvent être mentionnés les pôles de compétitivité suivants : BioValley France (Grand Est), Atlanpole Biotherapies (Grand Ouest), Cancer-Bio-Santé (Sud-Ouest), Lyonbiopôle (Auvergne Rhône-Alpes) ou encore Eurobiomed (Occitanie, PACA).

([166]) Le dispositif Carnot a connu, depuis sa création, quatre vagues de labellisation.

([167])  Entre autres, l’AP-HP (premier et seul établissement hospitalo-universitaire à ce jour), Pasteur Microbes&Santé, Curie Santé, Calym (consortium pour l’accélération de l’innovation et de son transfert dans le domaine du lymphome), Institut des maladies génétiques Imagine, ICM Institut du Cerveau, etc.

([168])  https://www.lereseaudescarnot.fr/fr/notre-mission

([169])  Cour des comptes, Les outils du programme d’investissements d’avenir, op. cit., p. 46. Cela étant, la Cour appelait à prendre ses résultats avec prudence compte tenu du peu de recul lié à la jeunesse de ces outils, s’inscrivant dans un temps long de façon générale.

([170]) Ibid., p. 47.

([171]) Ibid

([172]) Données fournies par la DGRI, MESR.

([173]) https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/contenu/piece-jointe/2017/10/cahier_des_charges_ihu2-2_vf.pdf.

([174]) En application de l’article 8 de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010 relative au programme d’investissements d’avenir.

([175]) Sénat, rapport d’information, Les Instituts hospitalo-universitaires, op. cit., p. 42 :  « Bien que chaque IHU ait ses forces et faiblesses spécifiques, chacun d’eux fait clairement preuve d’impact translationnel, d’innovation et de science de qualité. Ils présentent une valeur ajoutée significative par rapport aux activités de recherche et de soins menées par les mêmes équipes avant la création de l’IHU ».

([176]) La source d’inspiration de ce dispositif est le biocluster de Boston, qui concentre des hôpitaux et des universités de premier plan, les grands laboratoires pharmaceutiques et un foisonnement de start-up dans le domaine de la santé.

([177]) Cinq bioclusters ont été sélectionnés :  trois sont prêts et à pleine maturité –  Paris Saclay Cancer Campus, Marseille Immunology Biocluster et Brain&Mind (B&M) à Paris ; deux autres projets sont moins matures mais néanmoins labellisés pour leur excellence scientifique – BCF2I (BioCluster français d’innovation en infectiologie) et GenoTher, autour du Généthon en région parisienne. Le biocluster PSCC (Paris Saclay) a été labellisé un an avant ceux de mai 2023.

([178]) Valo-cité, IMPULSE, PUI A, L-VoRTEKS, SEVILLE, POLARIS, Pôle PSL Innovation, Campus Innov, Blue Box, PUI BFC, InnoREM..

([179]) On peut notamment mentionner, ces deux dernières années : le rapport Villani-Longuet de juillet 2021 sur la recherche en biologie santé, au nom de l’Opecst ; les deux études de l’Académie de médecine en 2021 « Réformer la recherche en sciences biologiques et en santé » (financement et organisation) ; le rapport d’information sénatorial de février 2022 sur les Instituts hospitalo-universitaires et le financement de la recherche biomédicale en France ; le rapport Fischer de 2023 (Terra-Nova) ; le rapport Gillet de juin 2023.

([180]) Lettre de mission « Mise en œuvre du plan de rénovation de la recherche biomédicale » du 13 juillet 2023.

([181]) Fisher, op. cit., p. 34.

([182]) Étude internationale TIMSS 2019.

([183]) Métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation.

([184]) Le Haut conseil scientifique serait en mesure d’orienter, de conseiller ou encore d’informer sur les grandes innovations de rupture à venir, ou encore sur un potentiel péril sanitaire. Il convient de noter que le rapport Gillet, op. cit., p. 32, préconise également l’installation auprès du Président de la République ou du Premier ministre d’un Haut-conseiller à la science.

([185]) Rapport Gillet, op. cit., p. 48.

([186]) France Brevets a été supprimée en 2022, et Reacting a fusionné avec l’ANRS-MIE en 2021.

([187]) Cour des comptes, Les outils du programme d’investissements d’avenir, op. cit., p. 58.

([188]) Voir dans ce chapitre, le : 1. c) La mise en place d’une vision consolidée des crédits alloués à la recherche biomédicale.

([189]) Sénat, rapport d’information, Les Instituts hospitalo-universitaires, op. cit., p. 5

([190]) Voir Cour des comptes, Le rôle des CHU dans l’enseignement supérieur et la recherche médicale, décembre 2017 p. 79 : « 3 - Un déficit de ressources pour la recherche translationnelle ».

([191]) Soit moins de 5 millions d’euros sur un total de plus de 130 millions d’euros. Si ce taux a presque doublé pour atteindre 6,64 % en 2021, son volume final en AE reste faible : moins de de 9 millions d’euros sur un total PHRC/PRT de presque 134 millions d’euros (données DGOS, octobre 2023).

([192]) Gillet, op. cit., p. 22

([193]) Par exemple, les établissements et ministères avec une activité de recherche biomédicale sont notamment : le CEA – direction de la recherche fondamentale (MESR, Industrie) ; l’Inserm (MESR, Santé) ; le CNRS –  Institut des sciences biologiques (MESR) ; l’IRD (MESR, Affaires étrangères) ; l’Inrae (MESR, Agriculture) ; le Cirad (MESR, Affaires étrangères) ; l’Ifremer (MESR, Agriculture, Transition écologique) ; l’EFS (Santé).

([194]) IGÉSR, Mécanismes de coordination des acteurs, op. cit., juillet 2021, p. 1

([195]) Cette question est également traitée au « 3. Au niveau international, réactiver la diplomatie scientifique »

([196]) Cour des comptes, rapport public annuel 2013, L’INSERM et les sciences du vivant, février 2013 pp. 287 et suiv., cf. le « 3 - Une consolidation budgétaire inexistante ».

([197]) Cour des comptes, Le rôle des CHU dans l’enseignement supérieur, op. cit., 2017 p. 76.

([198]) Cour des comptes, rapport public annuel 2013, L’INSERM et les sciences du vivant, op. cit., p. 287.

([199]) Les taux de 75 % d’AAP contre 25 % de crédits pérennes (récurrents) ont souvent été avancés.

([200]) cf. 3. Repenser le rôle de l’ANR.

([201]) Voir à cet égard les observations de la Cour des comptes dans un rapport de mars 2021 sur le HCERES pour la période 2014-2020 : https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2021-06/20210604-refere-S2021-0350-HCERES.pdf, p. 1. « Menés sur la base de référentiels très normés et de procédures particulièrement longues, les travaux d’évaluation pèsent sur les établissements et plus encore, sur des unités de recherche déjà chargées en travaux non scientifiques. À titre d’exemple, l’évaluation de l’université d’Aix-Marseille a nécessité, en 2018, tous champs confondus, la production de 324 rapports. »

([202]) Cf. article L. 311-2 du code la recherche. Le rapport de la Cour des comptes de mars 2021, précédemment cité, insistait sur la « nécessité de lier évaluation et allocation des moyens ».

([203]) Scientific Advisory Board (Comité scientifique international).

([204]) Conformément à l’article L. 329-5 du code de la recherche et au décret n° 2021-1628 du 11 décembre 2021 relatif à la répartition d’un préciput entre les établissements participant au service public de la recherche lauréats d’un appel à projets financé par l’Agence nationale de la recherche.

([205]) L’établissement gestionnaire du projet perçoit une part gestionnaire (10,5 %) destinée à couvrir les frais généraux du projet et une part laboratoire (3 %) destinée à soutenir la stratégie scientifique et le financement des unités de recherche.  L’établissement hébergeur du projet perçoit une part hébergeur (13,5 %) destinée à contribuer au coût et à la qualité de l’hébergement des équipes de recherche concernées, ainsi qu’une part site (3 %) destinée à contribuer à la stratégie scientifique partagée du site dans lequel est implanté l’établissement.

([206]) Ce taux augmente régulièrement en vue d’atteindre, en 2027, les 40 % fixés par la LPR 2020. Il est ainsi passé de 19 % des coûts des projets en 2020, à 28,5 % en 2022. Il représente un abondement aux établissements qui est passé de 104 millions d’euros en 2020, à 192 millions d’euros en 2022.

([207]) Le rapporteur pour avis renvoie à la première partie de cette étude pour leur présentation détaillée.

([208]) Voir le rapport d’évaluation du HCERES de l’Université de Strasbourg publié le 04/09/2023, p. 24. L’Université de Strasbourg « est incontestablement reconnue pour la haute valeur de ses recherches et pour sa capacité à les traduire en innovations à fort impact social et sociétal. L’Unistra place l’innovation au cœur de sa stratégie depuis sa création et rassemble l’ensemble des acteurs du territoire autour du pôle universitaire d’innovation (PUI) […] Plus globalement, l’Unistra est soucieuse de faire connaître davantage ses capacités, ses expertises et ses innovations auprès des acteurs socio-économiques pour accroître les possibilités de partenariat de recherche et ainsi fluidifier le transfert des technologies vers les entreprises. La position de premier vice-président attribuée à la vice-présidence "Relations avec le monde socio-économique et valorisation" traduit la volonté de l’université d’inscrire prioritairement le transfert de technologies dans sa trajectoire ».

([209]) Par exemple, en Alsace, on trouve aux côtés de l’Université de Strasbourg, la Satt Conectus, l’incubateur régional Semia et l’agence d’innovation et de prospection internationale de la région Grand Enov+.

([210]) C’est par exemple le cas du CNRS, avec sa filiale CNRS Innovation qui gère les premières étapes de la chaîne de valeur jusqu’à la pré maturation, avant de passer le relais à une Satt.

([211]) Voir le rapport d’évaluation de l’Université de Strasbourg publié le 04/09/2023, p.  24. « L’Unistra a fait le choix de confier à la Satt la gestion exclusive de ses activités de valorisation, en particulier la gestion de la propriété intellectuelle et des contrats et accords de consortium ».

([212]) Rapport Gillet p. 65 : « Le fonctionnement mais aussi l’existence des SATT comme des sociétés à actions simplifiées (SAS) doivent être revus. Le modèle de rentabilité et d’équilibre financier d’une SAS est incompatible avec la temporalité de l’innovation. »

([213]) Cour des comptes, Les comptes et la gestion d’Inserm transfert, op. cit., p. 10.

([214]) https://assnat.fr/Aba1hP

([215]) https://assnat.fr/Aba1hP

([216]) https://assnat.fr/ftKUJO