Compte rendu

Commission
des affaires sociales

 

– Audition, en application de l’article L. 1451-1 du code de la santé publique, de Mme Marie–Caroline Bonnet–Galzy, candidate pressentie à la présidence du conseil d’administration de l’Agence nationale de santé publique              2

– Présences en réunion.................................23

 

 

 

 

 


Mercredi
6 décembre 2017

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 31

session ordinaire de 2017-2018

Présidence de
M. Jean-Louis Touraine
Vice-président
 


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COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 6 décembre 2017

La séance est ouverte à dix-sept heures.

(Présidence de M. Jean-Louis Touraine, vice- président)

La commission des affaires sociales procède à l’audition, en application de l’article L. 1451-1 du code de la santé publique, de Mme Marie-Caroline Bonnet-Galzy, candidate pressentie à la présidence du conseil d’administration de l’Agence nationale de santé publique.

M. Jean-Louis Touraine, président. Notre ordre du jour appelle l’audition de Mme Marie-Caroline Bonnet-Galzy, en application de l’article L. 1451-1 du code de la santé publique.

Mme Marie-Caroline Bonnet-Galzy est pressentie pour présider le conseil d’administration de l’Agence nationale de santé publique. M. Lionel Collet accomplissait précédemment cette mission ; il est devenu, fin mai, conseiller spécial au sein du cabinet de Mme Agnès Buzin, ministre des solidarités et de la santé. Le poste est donc vacant.

Nous avons la grande chance et l’honneur d’avoir la candidature de Mme Marie‑Caroline Bonnet-Galzy. Pour plusieurs d’entre vous, vous la connaissez. Les autres vont entendre de sa propre bouche tout ce qu’elle a réalisé et tout ce qu’elle espère mettre en place dans cette agence si importante dans le champ de ce qui constitue une des priorités de notre action.

Mme Marie-Caroline Bonnet-Galzy, je vous laisse donc la parole, non sans vous avoir prié d’excuser la présidente, Mme Brigitte Bourguignon, qui n’a pas pu se libérer et m’a demandé de la remplacer.

Mme Marie-Caroline Bonnet-Galzy. Je vous remercie de m’auditionner dans le cadre de la proposition qui vous est faite de me nommer présidente de l’Agence désormais nommée Santé publique France.

Après m’être présentée, à travers mon parcours et mes convictions forgées par mes différentes expériences dans l’administration de la santé et des territoires, je reviendrai sur le rôle de Santé publique France et sur celui que je serai appelée à jouer comme présidente – non exécutive – de cette structure nouvelle et déterminante dans le paysage de la santé.

À la différence de mon prédécesseur, le professeur Lionel Collet, dont l’implication a permis de poser les fondations de Santé publique France, et à la différence de certains d’entre vous, je ne suis pas médecin. Toutefois, dans mon parcours de gestionnaire public, j’ai accompagné de longue date les politiques de santé.

Mon cursus se partage entre plus de vingt années dans les ministères sociaux et plus de dix ans dans les politiques des territoires. Après une formation de gestion et de management, j’ai choisi de rejoindre le service public et j’ai intégré l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS).

Entre 1990 et 1994, j’ai été directrice de cabinet du directeur général de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). Ce sont des moments dont on se souvient toujours, avec le démarrage du suivi de la bronchiolite par le Minitel – on voit les progrès qu’on a faits depuis... C’était aussi le temps de l’épidémie de Sida, qui démarrait dans une proportion terrible, de l’affaire de l’amiante, de celle du sang contaminé : autant d’expériences qui ont construit mes convictions et mes priorités.

Après un parcours au ministère du travail, je suis revenue comme chef de l’IGAS, de 2000 à 2006. Là, j’ai pu suivre et appuyer l’évolution des agences régionales de l’hospitalisation (ARH) vers les agences régionales de santé (ARS), dans une logique d’offre générale de soins et de santé. J’ai aussi contribué à ce que l’IGAS puisse jouer un rôle dans les diagnostics de démarrage des contrats d’objectifs et de performance (COP), à l’occasion des bilans intermédiaires : il faut en effet un tiers dans ces contrats, pour bien analyser les responsabilités des différents opérateurs, dans le champ du travail, de la sécurité sociale ou de la santé.

J’ai aussi un souvenir bien particulier, puisque j’étais chef de l’IGAS quand la crise de la canicule s’est déclarée. Nous avons donc composé une mission, qui est partie à Atlanta, pour entendre quelles leçons les États-Unis avaient tiré de la canicule de 1996. Je me souviens du message, terrible et réconfortant : « Vous savez, cela ne se produira jamais plus. Comme nous, vous allez apprendre de cette canicule ». C’est terrible à dire, mais c’est vrai : cela a construit un certain nombre de priorités que nous nous sommes données dans la construction de nos agences et, bien sûr, de Santé publique France.

De 2006 à 2008, j’ai été ensuite secrétaire générale des ministères sociaux, où j’ai appréhendé de nombreux enjeux liés au virus H1N1, à l’instauration des plans de continuité, à la nécessité de constituer des stocks, dans la démarche de l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS), ainsi que la création d’une réserve sanitaire. ébauche de la réserve sanitaire actuelle, forte de 2 000 personnes : le chemin parcouru a été très convaincant.

J’ai ensuite œuvré dans les politiques des territoires, puisque j’ai été directrice générale des services à Lille-Métropole – où j’ai fait la connaissance de M. Vercamer. J’ai ensuite été, de 2014 à 2016, commissaire générale au sein du nouveau commissariat à l’égalité des territoires, qui conjugue politique de la ville et aménagement du territoire. La santé étant à la fois un déterminant des inégalités dans les territoires ainsi qu’un facteur et un acteur de l’aménagement du territoire, j’ai eu à travailler avec mes collègues des ministères de la santé. Cela a duré cinq ans et c’était une très belle expérience. S’il y a encore beaucoup à faire sur ces sujets, je retiens de ces moments l’intérêt de regarder le fonctionnement de l’État non pas seulement depuis Paris mais aussi depuis les territoires.

J’en retiens aussi la nécessité de territorialiser nos politiques publiques et de les croiser dans un territoire. Il n’y a pas de Français moyen ; il n’existe que dans les statistiques. En fait, il faut circonstancier et analyser plus spécifiquement les problèmes. C’est aussi l’un des enjeux de l’ANSP.

Enfin, depuis 2016, je suis au Conseil d’État comme conseil du Gouvernement dans la production des textes relevant de la section sociale. Je peux ainsi continuer à suivre un certain nombre de ces dossiers.

Tout cela m’a donné trois convictions. D’abord, il est absolument indispensable d’aider à adapter nos modalités de vivre ensemble dans une société qui évolue très vite. C’est pour y contribuer directement que j’ai choisi de rejoindre l’administration de l’État. Les enjeux de l’épidémiologie et de la veille sanitaire, qui veulent « faire du prévenir avant du guérir », qui veulent faire « passer du parcours de soins au parcours de santé », selon les mots de la ministre Agnès Buzin, font ressortir la nécessité de faire évoluer nos comportements.

Ma deuxième conviction est qu’il faut sortir du tout État et sortir des chapelles. Pour avancer, il faut absolument croiser et développer les coopérations entre les acteurs. La mobilité de mon parcours, à la fois en fonction publique de l’État, hospitalière et territoriale, a été une grande chance. Je suis absolument convaincue qu’il faut croiser, écouter, s’ouvrir aux différents points de vue pour avancer. Là aussi, Santé publique France a un rôle pivot particulier dans la coordination des acteurs.

Ma troisième conviction, c’est que ce qui compte, au total, pour nos concitoyens, ce sont les conditions de mise en œuvre de nos politiques sur le terrain. Certes, les choix stratégiques tracent des orientations, mais beaucoup se joue dans la manière dont les politiques sont perçues, comprises et appropriées : c’est ce qui déterminera leurs résultats. Tout ce que fait Santé publique France en matière de promotion de la santé, de communication, de prévention, d’information, ses liens avec la société civile, sa capacité à analyser les retours de veille et de surveillance, sont des enjeux auxquels je crois très profondément.

J’en viens précisément à Santé publique France, même si vous connaissez sans doute mieux que moi nombre de ses acteurs, qui sont intervenus devant vous ces derniers mois. L’agence existe depuis 2016, après vingt mois de préfiguration portés par le docteur François Bourdillon, qui avait remis un rapport en juin 2015. Ce qui la caractérise, c’est son approche populationnelle : à la différence des autres agences, qui conduisent des politiques de produits, de soins, de pratiques, et dont elle est complémentaire, il lui revient de recueillir et d’analyser la situation de santé des populations dans les territoires.

Cette logique de fonctionnement était à la base du regroupement des trois structures préexistantes, regroupement qui apparaît comme une évidence aujourd’hui puisqu’il s’agit de mener, en continuité, la promotion de la santé, l’éducation, la formation, en y associant la veille et la surveillance, et en allant jusqu’à l’alerte et l’intervention, quand c’est nécessaire.

Permettez-moi de vous relire les missions confiées à l’Agence par la loi, dans l’article L. 1413-1 du code de la santé publique. Elles sont très précises et déterminent son action.

« L’agence a pour missions :

1° L’observation épidémiologique et la surveillance de l’état de santé des populations ;

2° La veille sur les risques sanitaires menaçant les populations ;

3° La promotion de la santé et la réduction des risques pour la santé ;

4° Le développement de la prévention et de l’éducation pour la santé ;

5° La préparation et la réponse aux menaces, alertes et crises sanitaires ;

6° Le lancement de l’alerte sanitaire.

L’agence assure la mise en œuvre d’un système national de veille et de surveillance sanitaire, dont elle définit les orientations, anime et coordonne les actions, dans le respect des missions dévolues aux agences régionales de santé ». J’y reviendrai car c’est un point important.

Le texte dispose également que l’agence met en œuvre un outil permettant la centralisation et l’analyse des statistiques sur les enjeux et l’environnement du travail, ce qui est aussi important, en particulier au regard de son articulation avec l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), dans un domaine où les besoins sont importants.

Enfin, l’agence « assure, pour le compte de l’État, la gestion administrative, financière et logistique de la réserve sanitaire et de stocks de produits, équipements et matériels ainsi que de services nécessaires à la protection des populations face aux menaces sanitaires graves. »

Telles sont les missions inscrites dans la loi et qu’il nous faut assurer dans leur plénitude.

Je l’ai dit, Santé publique France est le produit de la fusion de trois composantes : l’Institut national de veille sanitaire (InVS), qui existait depuis 1998, l’Institut national de prévention et d’éducation à la santé (INPES), créé en 2002, l’établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS), institué en 2007, ainsi que le groupement d’intérêt public (GIP) « addiction-drogue-alcool-info-service » (ADALIS), système de téléréponse addictal. Au total, Santé publique France compte quelque six cents équivalents temps plein (ETP), dont 90 relèvent de l’action territoriale : ils ont été entièrement basculés des agences vers Santé publique France et dans les quinze cellules d’intervention en région (CIRE), qui sont les antennes locales de Santé publique France.

Par ailleurs, Santé publique France a des partenaires, notamment les quarante-quatre centres nationaux de référence, généralement localisés dans les établissements de santé et qui œuvrent dans la lutte contre les maladies transmissibles, ainsi que tous les professionnels qui constituent le réseau national de santé publique, ou encore tous les professionnels et industriels qui sont appelés à faire des déclarations, quand il y a un point d’alerte spécifique.

Comme je l’ai indiqué, j’ai été moi-même observateur et, parfois, facilitateur indirect de la mise en place de ces trois établissements dans mes précédentes fonctions. J’ai pu les suivre et j’ai un intérêt tout particulier pour leur réussite. Comme conseiller d’État, j’ai vu la nécessité d’organiser à la fois l’ensemble du dispositif de vigilance autour des ARS, au niveau local, et de donner un support juridique au comité d’animation du système d’agences (CASA), placé auprès du directeur général de la santé. Car il y a effectivement nécessité d’améliorer les coopérations et d’éviter les doublons, en un mot de trouver les bonnes articulations.

Enfin, le nouveau système national des données de santé (SNDS) est une grande innovation. Tous les partenaires ont décidé de construire, sous le pilotage de l’État, un système afin de donner plus facilement accès à des données, le plus souvent anonymisées, afin d’améliorer les capacités d’analyse et de recherche et de favoriser ainsi une médecine prédictive absolument essentielle pour progresser à la fois en prévention et en soins.

Qu’attend-on d’un président non exécutif d’un conseil d’administration qui compte trente-trois membres ? Les bases majeures sont déjà posées, c’est une grande chance. Le déménagement à Saint-Maurice est effectif depuis février 2017, mais nous sommes encore dans des préfabriqués et un grand bâtiment est en cours de construction, pour un coût de 14,5 millions. L’ensemble de l’opération coûtera à peu près 19 millions. L’objectif est qu’en janvier 2019 nous soyons tous dans les locaux rénovés.

Ma responsabilité est d’accompagner et de responsabiliser au mieux l’ensemble des membres du conseil d’administration. Cela ne va pas complètement de soi, car l’État a décidé que, dans ce conseil où les voix sont au nombre de 62, il dispose, avec ses neuf représentants, de la majorité. Cela induit parfois, dans l’esprit des autres membres, l’idée qu’ils ne peuvent plus intervenir comme ils le voudraient dans des champs qui sont dans le monde de l’État. Il convient donc de trouver les sujets de participation les plus pertinents pour l’ensemble des membres.

Deux de vos représentants sont désignés : Mme Albane Gaillot et M. Joël Aviragnet. Ils nous rejoindront dans le conseil d’administration et je les salue tout particulièrement, ainsi que Mme Martine Wonner qui est votre référente pour notre établissement.

Une autre tâche importante est de porter la ligne stratégique du Gouvernement et d’assurer l’unité de cette nouvelle structure. Santé publique France est un acteur majeur de la stratégie nationale de santé, au stade tant des propositions que de la mise en œuvre. Sa convention d’objectifs et de performance a été adoptée le 23 novembre par le conseil d’administration. Elle est en ligne avec la stratégie nationale de santé.

Il me faut aussi appuyer le directeur général, le docteur François Bourdillon, nommé le 10 juin 2016, ainsi que toute son équipe – sans interférer cependant dans leurs responsabilités propres. Il y a donc un rôle d’articulation pertinent à trouver. Dans les compétences du conseil d’administration et du président, il y a des enjeux particuliers de déontologie, explicitement mentionnés dans les textes. Le comité d’éthique et de déontologie, qui existe déjà, est présidé par Mme Martine Bungener, directrice de recherche honoraire du CNRS, économiste et sociologue qui s’est beaucoup penchée sur le travail des aidants.

Je dois aussi faciliter la relation avec la tutelle. Nous sommes dans un contexte budgétaire qui n’est pas simple et je pense que le président a un rôle à jouer. Il y a eu des choix en matière de financement de l’assurance maladie qui nous forceront à des évolutions. Il y a aussi des liens et des animations à organiser avec le conseil scientifique, présidé par le professeur Philippe Quénel, ancien de la Cellule interrégionale d'épidémiologie des Antilles que j’avais eu l’occasion de rencontrer dans des fonctions antérieures. Il a aussi coordonné toutes les questions lors de l’épidémie de chikungunya à la Réunion. Il est aujourd’hui professeur à l’École des hautes études en santé publique (EHESP). Il préside le comité d’orientation et de dialogue avec la société – cet intitulé étant aussi l’une des spécificités de l’agence. Il est également président de ResPublica, bien connue des élus des territoires.

Voilà pour mes responsabilités. J’en viens aux enjeux des trois années à venir.

D’abord, il faudra mettre en œuvre la convention d’objectifs et de performance, en lien avec la stratégie nationale de santé. Plusieurs sujets y figurent.

J’insisterai d’abord sur l’optimisation de la surveillance et de la veille, qui passe par une approche combinée, c’est-à-dire que nous mesurions l’impact des facteurs de risque et leurs conséquences épidémiologiques dans le cadre de poly-expositions, et que nous soyons capables de croiser l’ensemble des données. Dans ce cadre, l’obésité infantile est identifiée comme un sujet de priorité.

Il faut ensuite renforcer l’efficacité des actions de prévention et de promotion de la santé, en rompant avec une communication trop institutionnelle. Nous avons commencé en lançant la campagne du « mois sans tabac » via les réseaux sociaux, comme Twitter, de façon à être plus dynamiques et à nous adapter aux nouvelles générations. Au-delà du tabac, de l’alcool et de la vaccination, un autre enjeu est l’usage des écrans et des nouvelles technologies, notamment par les enfants et les jeunes. Il a été identifié aussi comme l’une des priorités du COP.

Santé publique France doit aussi préparer les réponses aux menaces et aux crises. Elle lance à cet effet un portail unique des signalements. Sa construction est en cours, il est très important pour l’ensemble des professionnels. Nous devrons également systématiser les analyses collectives de retour d’expérience. À cet égard, la gestion de l’ouragan Irma fait l’objet d’une évaluation globale. C’est une bonne méthode de travail que de revenir, chaque fois, sur les expériences de nos interventions.

L’agence entend également contribuer, en termes d’expertise, aux politiques et études relatives à l’antibiorésistance, qui prend des proportions très lourdes, ainsi qu’aux nouveaux enjeux de santé mentale. Il faudra aussi trouver, en coopération avec les ARS, des dispositifs de surveillance adaptés régionalisés, afin d’organiser aussi les choses sur le terrain.

Pour une gestion et un pilotage efficients, la priorité est bien sûr le regroupement de l’unité à Saint-Maurice, mais aussi la bonne insertion dans le système des agences. En termes de développement de partenariat et de recherche, l’enjeu du système national de santé et du public data est aussi signalé dans le COP.

J’ai déjà évoqué la nécessite d’une bonne articulation avec les autres agences : nous pouvons leur apporter notre approche populationnelle spécifique mais elles peuvent aussi nous apporter leur vision. C’est pour moi une orientation majeure. Pour ce qui a trait au tabagisme, nous devrons chercher une articulation avec l’Institut national du cancer (INCa), compétent dans le domaine des soins, tandis que nous travaillons à faire évoluer les comportements. Pour les enjeux de l’environnement de travail, nous avons une articulation très forte avec l’ANSES, compétente pour tout ce qui a trait à la toxicovigilance.

Autre point majeur : l’articulation avec les ARS. Notre nouvelle organisation fait que les CIRE sont une émanation de Santé publique France. En revanche, toutes les équipes en charge de l’information, l’éducation et la promotion pour la santé sont entièrement dans les ARS. Nous devons donc maintenant appliquer les conventions prévues par la loi et qui sont aujourd’hui toutes signées entre les 15 CIRE et les 17 ARS pour bien établir les modalités de travail. L’enjeu est maintenant d’aider à l’élaboration du programme régional de santé dans chaque ARS, en identifiant les études et les expérimentations à mener.

Réfléchir à la manière de conforter le financement de Santé publique France est aussi une orientation majeure. Des choix ont été faits en 2017, de sorte que les financements de l’État et de l’assurance-maladie ont été décroisés. Deux agences, l’agence biomédicale et l’EHESP, ont alors basculé vers le financement par l’assurance-maladie. Les autres agences, Santé publique France, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) et l’Institut national du cancer (INCa), sont entièrement financées par l’État.

Nous nous trouvons néanmoins dans une situation où un certain nombre de fonds dits de prévention vont alimenter l’assurance-maladie. Au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2018, vous avez sans doute identifié que le fonds d’intervention régional s’élève à 500 millions, que le fonds national pour la prévention, l’information et l’éducation pour la santé est doté de 400 millions et que le nouveau fonds tabac créé en 2017 bénéficiera de 130 millions. C’est ainsi plus d’un milliard d’euros destinés à l’assurance-maladie qui pourraient alimenter la prévention. Ce n’est pas le cas aujourd’hui, en tout cas pour ce qui concerne Santé publique France.

Dans le budget de l’État, c’est le programme 204 qui regroupe les 500 millions destinés aux quatre agences que j’évoquais tout à l’heure. Sur cette ligne de 500 millions, Santé publique France reçoit ainsi 148 millions, sur un budget total de 177 millions. Les quatre agences sont alimentées à hauteur de 400 millions par une subvention budgétaire, tandis que les 100 millions restants pourvoient aux frais de justice visant à l’indemnisation des dommages imputables à la Dépakine.

Au sein du budget de l’agence, 60 millions d’euros sont vraiment dédiés à la prévention. Bien sûr, tout n’est pas une question d’argent : les personnes sont importantes. Mais des pressions fortes s’exercent sur les budgets, puisque Santé publique France doit prévoir de réduire de 15 ETP son effectif cette année, et d’autant encore l’an prochain.

Nous devons pourtant préserver notre rôle déterminant en matière de prévention, sachant que nous sommes aussi sollicités en cas d’urgence, on l’a vu avec Irma, ce qui a tout de même coûté 4 millions d’euros. Le traitement des urgences se fait alors au détriment du reste du budget. Nous devons donc être très vigilants.

M. Jean-Louis Touraine, président. C’était, madame, un délice de vous entendre, tant vous connaissez parfaitement votre sujet.

Nous sommes très intéressés au bon déroulement de votre mission. Vous savez qu’elle est au cœur des priorités et des engagements, aussi bien du Parlement que du Gouvernement, pour ce mandat. Les préventions individuelle ou collective, s’agissant des crises sanitaires, doivent progresser significativement dans notre pays.

Nous ne pouvons nous satisfaire du retard pris en ce domaine, par rapport aux pays d’Europe du Nord, aux États-Unis et à l’Australie. Ce retard, qui devient criant, est injustifiable. Il faut qu’au terme des cinq années qui viennent nous l’ayons totalement rattrapé.

Il y a donc des efforts considérables à faire. Nous avons entendu vos inquiétudes budgétaires, mais ce n’est pas principalement vers nous qu’elles doivent dirigées : nous vous soutiendrons mais nous ne tenons pas les cordons de la bourse. Certes, il faut des moyens pour conduire vos actions, mais il faut aussi de la détermination : vous l’avez et c’est très encourageant. Ne sous-estimons cependant pas la difficulté dans un pays où la culture de la prévention fait défaut.

J’en veux pour preuve qu’alors que le tabagisme est le premier enjeu de santé publique dans notre pays, que c’est lui qui provoque le plus de morts, le simple fait de rappeler les dispositions de la loi Évin vous attire des critiques... On rétablit sous n’importe quel prétexte l’autorisation de fumer dans la cour des lycées. Les créateurs culturels sont encouragés à faire la promotion du tabac chez les jeunes. Nous sommes à mille lieues de l’engagement de tous les autres pays pour lutter contre ce fléau catastrophique qu’est le tabagisme. Nous voudrions tous que la jeune génération considère que fumer est ringard, fini, que c’est d’un autre temps… Las, ce discours n’est pas suivi d’effet pour l’instant.

Vous avez donc une mission considérable et je ne suis pas sûr qu’il s’agisse seulement de finances : ce qu’il faut, c’est renverser les choses pour passer enfin d’une culture des soins à une culture de la prévention. Faute de quoi, il y aura hélas encore beaucoup de morts telles celle de Johnny Hallyday dans les années qui viennent, compte tenu de l’importance du tabagisme dans la génération actuelle.

Rappelons-nous tous que nous avons déjà beaucoup discouru sur la prévention, sans avoir encore atteint d’objectif significatif. J’ai infiniment confiance dans Santé publique France, dans sa prochaine présidente comme dans son directeur général. Vous devez nous dire quelles aides nous pouvons vous apporter pour qu’une communication plus efficace transforme le regard que la population française porte sur la santé. Pour l’instant, elle croit que la santé, ce sont les soins, alors qu’il s’agit d’abord de conserver le capital-santé. Cela n’a toujours pas pénétré dans les esprits.

Merci encore pour votre connaissance de ces sujets et pour la force de votre conviction.

Je donne la parole à Mme Martine Wonner, référente de notre commission.

Mme Martine Wonner. Je vous remercie, madame, de votre intervention, qui était claire et passionnante. Vous n’y êtes pas encore, mais c’est comme si vous y étiez déjà depuis quelque temps… Je vous remercie également de nous avoir résumé votre parcours.

Vous l’avez dit, le regroupement à moyens constants des trois agences sanitaires que sont l’InVS, l’INPES et l’EPRUS est très récent, puisqu’il date d’à peine plus d’un an. La dynamique de la fusion n’est donc pas encore tout à fait aboutie.

Je vous remercie de nous avoir présenté la stratégie, ainsi que votre vision experte de la réussite et de l’accompagnement du directeur général actuellement en place.

Je souhaitais, pour mes collègues députés, évoquer quelques actions menées par Santé publique France depuis sa création, il y a un an. D’abord, deux études ont été lancées, sur les travailleurs agricoles et les travailleurs indépendants.

Depuis juillet 2017, Santé publique France a ainsi, par questionnaire en ligne, lancé l’étude Cohortes pour la surveillance épidémiologique en lien avec le travail – Régime social des indépendants (COSET-RSI) pour les 300 000 travailleurs affiliés à ce régime. En lien avec le RSI, vous suivez l’état de santé et les conditions des actifs et des retraités, de manière prospective.

De la même façon, pour les travailleurs agricoles, des questionnaires sont en ligne depuis novembre : 180 000 travailleurs, relevant du régime agricole, sont concernés.

Pourquoi avez-vous choisi ces deux études, en ciblant ces deux populations ? Remarquons au passage, même si cela n’affecte en rien la qualité des résultats, que nous avons récemment voté la disparition du RSI. Il faudra bien évidemment en tenir compte, puisqu’il sera désormais adossé au régime général.

Santé publique France publie un bulletin épidémiologique hebdomadaire, essentiellement destiné aux professionnels de santé, consacré à des sujets particuliers, tels le diabète de type 1 de l’enfant ou le SIDA.

Mais vous vous adressez également au grand public. Ainsi, à l’occasion de la journée européenne d’information sur les antibiotiques du 18 novembre 2017, Santé publique France, l’ANSM, l’ANSES et l’Assurance maladie ont dressé un état des lieux très précis de la consommation et de la résistance aux antibiotiques en France lors des dix dernières années. Votre slogan était que « chacun peut agir pour que les antibiotiques continuent à sauver des vies ». En effet, l’antibiorésistance pourrait devenir l’une des principales causes de mortalité dans le monde d’ici à 2050 – vous l’avez dit. Les enjeux sont donc considérables.

Lors du débat parlementaire sur l’élargissement des obligations vaccinales chez l’enfant de moins de deux ans, nous avons pu nous référer très concrètement au dossier pédagogique que vous avez publié, sur l’état des connaissances en matière de vaccination en France. Ce dossier présente les résultats des travaux qui ont éclairé la concertation citoyenne et les arguments épidémiologiques qui montrent l’importance d’une amélioration de la couverture vaccinale des jeunes enfants. Votre slogan était alors « protégeons-nous, vaccinons-nous ».

De la même manière, vous avez lancé avec le ministère des solidarités et de la santé, en partenariat avec l’Assurance maladie, la deuxième édition de Mois sans tabac en novembre dernier. Votre slogan était « en novembre, on arrête ensemble et en équipe ».

Je me permettrais de vous suggérer de trouver également un slogan en matière de santé mentale. Certes, vous avez engagé une surveillance de la population générale et des travailleurs, ainsi qu’une surveillance spécifique lors de catastrophes naturelles et industrielles. Mais, en comparaison des pays anglo-saxons, la France est manifestement en retard pour le repérage, la prévention et la recherche dans le domaine de la souffrance psychique et des pathologies mentales. La part de notre PIB consacrée à ces problématiques est dix fois inférieure à celle des pays anglophones…

Quels leviers comptez-vous utiliser pour être un influenceur incontournable auprès des décideurs ? Vous connaissez le souhait de la ministre de la santé d’améliorer la prévention. C’est d’ailleurs le premier axe de la stratégie nationale de santé. Comment participer à l’amélioration de ces actions de prévention ? Comment utiliser au mieux toutes les bases de données à votre disposition ? Quels sont vos critères décisionnels et comment envisagez-vous de faire évoluer la politique de prévention de Santé publique France ?

Mme Albane Gaillot. Je vous remercie pour votre présentation.

Ma question porte sur la prévention auprès des personnes handicapées. L’une des missions de Santé publique France est de rendre accessible au public handicapé l’information sur les sujets de santé. Or, cette information est difficile d’accès pour les publics les plus vulnérables, notamment les personnes malvoyantes, aveugles, sourdes et malentendantes.

Il est nécessaire de comprendre les besoins très spécifiques des personnes handicapées et d’adapter en conséquence les supports et moyens de communication. Des initiatives intéressantes voient le jour, comme celle de l’association CoActis Santé qui propose des outils pratiques pour l’accès aux soins des personnes en situation de handicap – fiches explicatives illustrées sous forme de bande dessinée via le site Santé BD par exemple. Pourriez-vous nous rappeler les outils et les actions engagées par Santé publique France en la matière ?

Par ailleurs, l’ANSP effectue ses missions en coordination avec la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Pourriez-vous nous préciser les besoins d’amélioration, si nécessaire, pour une meilleure coordination entre ces deux organismes, afin de favoriser davantage l’accès à la prévention et l’éducation à la santé des personnes en situation de handicap ?

M. Gilles Lurton. Je vous remercie de la présentation extrêmement complète que vous venez de faire : la plupart des questions que nous pouvions vous poser ont déjà été en partie abordées.

J’ai eu la chance de visiter Santé publique France au moment de sa création, puisque la précédente présidente de la commission des affaires sociales y avait organisé un déplacement. J’avais été assez passionné par cette volonté du directeur général de fédérer les institutions qui lui avaient été confiées. Vous l’avez rappelé, Santé publique France est née de la fusion de trois organismes. Comment se passe leur fédération ? Les choses avancent-elles normalement, un peu plus d’un an après la création ?

Cette fusion devait par ailleurs permettre de réaliser des économies. Effectivement, fusionner peut améliorer le fonctionnement des organismes en question et dégager des économies. Mais – vous en avez parlé – les problèmes de financement sont importants. Je pense que notre commission a une responsabilité très forte en la matière : nous votons le PLFSS et le projet de loi de finances, en particulier le programme qui concerne Santé publique France. Nous devons nous assurer que nous allouons bien les financements nécessaires à cet organisme qui me paraît essentiel pour la santé dans notre pays.

Dans son rapport annuel pour 2016, le directeur général, M. François Bourdillon, évoquait une programmation sur cinq ans : quels sont vos grands objectifs en matière de prévention pendant les cinq prochaines années ?

Ma deuxième question concernait l’information des patients, mais ma collègue l’a abordée. Ma troisième question porte sur la lutte contre le SIDA. Nous sommes au lendemain de la journée mondiale de lutte contre le SIDA : si le nombre de contaminations n’augmente pas dans notre pays, il ne diminue pas non plus. Or l’objectif doit être d’éradiquer cette maladie d’ici à 2030. Pourtant, ce problème ne fait plus véritablement partie des préoccupations des jeunes générations : quelles nouvelles méthodes de sensibilisation préconisez-vous pour que les choses se passent mieux ?

Mme Michèle de Vaucouleurs. Je vous remercie pour la présentation de votre parcours, le rappel des missions qui vous seront dévolues, ainsi que vos remarques sur la situation organisationnelle de l’agence.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2018 prévoit de confier la gestion de la protection santé des étudiants au régime général ou au régime dont l’affilié relevait avant de devenir étudiant. En 2018, ce rattachement concernera tous les nouveaux entrants dans l’enseignement supérieur, avant d’être généralisé en 2019. Le système actuel avait démontré ses limites, tant au plan administratif que pour l’accès aux soins.

À la rentrée 2018, le Gouvernement prévoit de réunir une conférence de prévention étudiante afin de promouvoir la santé des étudiants. Des outils de coordination seront créés, des priorités et des mesures d’impact définies. Le rôle des services de santé universitaires sera renforcé, afin qu’ils deviennent le pivot de la santé étudiante D’ici fin 2019, le nombre de ces centres de santé devrait être porté de vingt-quatre à trente-quatre. Il est prévu que des étudiants en santé et des internes soient présents au sein de ces centres.

Pouvez-vous nous faire part de votre regard sur la santé des étudiants ? Quels sont, selon vous, ses points de fragilité ? Les moyens envisagés vous paraissent-ils suffisants ? Au-delà des indicateurs à adopter, quels seraient pour vous les objectifs d’une politique de prévention aboutie dans le domaine de la santé étudiante et, plus généralement, pour la santé de notre jeunesse ?

Mme Marie-Caroline Bonnet-Galzy. Je vous remercie pour ces questions passionnantes, qui m’inspireront pour l’avenir. J’espère que vous comprendrez que je n’aie pas, aujourd’hui, toutes les réponses.

Madame Wonner, vous l’avez constaté, nous avons bien avancé dans un certain nombre de domaines : les équipes étaient en face de vous.

Le débat sur les vaccinations l’a bien montré : nous devons organiser un discours public qui recrée la confiance, avec les professionnels et avec les populations. Quelquefois, les messages se perdent, se diluent et des contre-messages apparaissent Pour créer cette confiance, il ne faut pas être naïf : de nouveaux outils existent et nous devons y prendre toute notre place.

C’est le cas dans le débat concernant les vaccinations, mais la situation est identique sur beaucoup d’autres sujets. Nous devons apparaître suffisamment haut dans les moteurs de recherche. Parfois, cela se paie, mais il faut être sûr que le discours légitime apparaisse à un bon niveau dans les recherches et qu’il soit étayé, avec des preuves médicales fortes. Sinon, il sera contrebalancé par ce que les uns et les autres peuvent penser ou diffuser. Il faut savoir se battre sur les bons terrains et utiliser pleinement, avec intelligence et pertinence, les nouveaux outils.

J’ai bien entendu votre message sur la santé mentale, auquel je souscris pleinement. Ce point est identifié dans le contrat d’objectifs et de performance de l’Agence. Dans ce COP figurent l’ensemble des réformes et toute la programmation associée, que vous avait annoncées le Dr Bourdillon. Le COP ayant été voté, il sera sur le site de l’Agence dans quinze jours. Les orientations, programmes et actions se déclineront dans ce cadre et il nous faudra les suivre pendant cinq ans. Un calendrier sera associé.

La santé mentale a été identifiée comme une des priorités dans le domaine des expertises utiles aux politiques menées. Il s’agit de répondre à la question : comment construit-on une expertise puis la fait-on rejaillir sur la politique appliquée ? C’est de cette façon que nous serons un influenceur incontournable. Vous l’avez dit, notre ministre est extrêmement déterminée à ce sujet ; c’est une force pour notre agence. Nous sommes chargés d’agir auprès des maîtres d’ouvrage des politiques, mais aussi de constituer des bases de données intelligentes, à partir desquels des analyses seront réalisées, étayées par des éléments de preuve incontournables nous permettant d’expliquer, de convaincre, d’orienter.

Nous sommes, là encore, face à de nouveaux modes de faire. Cette capacité à construire, stocker, croiser les données doit nous permettre des progrès importants. Nous devons disposer d’orientations claires : il faut choisir les secteurs que l’on juge prioritaires pour l’analyse, puis les exploiter pour aboutir. L’agence doit porter ce message : mesurer nos priorités pour creuser le sillon des données correspondantes.

S’agissant des personnes en situation de handicap, je ne travaille pas encore à l’agence mais je sais que ce sujet est d’ores et déjà intégré, et l’était depuis longtemps par l’INPES. Sur le site, des formulaires sont dédiés aux personnes handicapées.

Il est important de développer ces missions, en lien avec la CNSA, afin de mieux nous coordonner. S’agissant de la coordination, l’agence m’a transmis des fiches d’entretiens réalisés entre mai et septembre avec l’ensemble des interlocuteurs et des agences – dont la CNSA. Nous savons désormais sur quels points nous avons besoin de coopérer et sur lesquels nous avons besoin de clarification et d’articulations.

Monsieur Lurton, vous avez eu la chance de visiter Santé publique France ; je suggérerai une nouvelle visite avec les membres de la commission qui le souhaiteront. J’y trouverai tout autant d’intérêt que vous et apprendrai également beaucoup car c’est auprès des professionnels, qui sont chacun d’autant plus compétents que les secteurs sont diversifiés, que l’on apprend le mieux.

S’agissant des restructurations, le Dr Bourdillon considère que les établissements ayant intégré l’agence avaient déjà réalisé près de 10 % d’économies sur leurs fonctions supports avant l’intégration. Depuis que la structure existe, 10 % d’économies ont à nouveau été demandés. L’objectif est quasiment atteint. L’impact sur les effectifs est réel, je l’ai indiqué : ils étaient initialement de 600 personnes et ils ont connu deux diminutions de 15 %. L’exercice aura évidemment ses limites car les fonctions support sont très utiles, notamment pour porter les systèmes de bases de données. En effet, les enjeux en termes de systèmes d’information sont très lourds. Il a fallu unifier ces systèmes et ils sont quelquefois vieillissants. Il faut donc garder à l’esprit que ces investissements seront nécessaires dans le futur et qu’il s’agira de marchés sensibles pour le conseil d’administration. De même, il faut pouvoir articuler les fonctions support aux fonctions de compétences et aux fonctions opérationnelles.

Vous avez raison, lorsque vous débattez du budget de l’État, comme de celui de la sécurité sociale, vous êtes amenés à identifier ces problématiques. Notre structure fonctionne, mais nous devons être très vigilants pour qu’elle conserve ses moyens. En effet, la situation actuelle m’amène à penser que nous aurons des besoins supplémentaires ou des besoins par projet. Pour autant, les crédits de l’assurance maladie dans les fonds de prévention doivent aussi pouvoir financer des projets. À l’heure actuelle, la politique de lutte contre le tabac n’est pas financée par l’assurance maladie : nous devons trouver des ponts. Certes, le ministère des Finances tient à décroiser les financements mais, sur la base de projets, la prévention devrait pouvoir faire l’objet de cofinancements.

Vous avez évoqué, comme Mme Wonner, la lutte contre le SIDA. Comme dans la lutte contre le tabac, les messages connaissent une forme d’usure. Certes le SIDA ne tue plus – heureusement ! –, contrairement à ce que j’ai connu à l’AP-HP. Le sujet reste prégnant et l’incidence importante, notamment auprès des hommes – sur les 5 000 à 6 000 nouveaux cas par an, 2 600 concernent les relations entre hommes. Cela dénote d’un relâchement. Nous devons donc absolument rappeler que le SIDA reste présent, même si on peut le soigner et qu’on vit durablement. C’était le but de la campagne de l’an passé, qui avait surpris mais qui visait à toucher les principaux concernés.

Monsieur le président, je vous rejoins s’agissant du tabac. En France, nous déplorons 73 000 morts par an et un taux de tabagisme de 26 %, alors qu’il est de 19 % au Royaume-Uni. Nous sommes au troisième plus mauvais rang européen en la matière, après la Bulgarie et la Grèce, malgré un prix élevé des cigarettes. Des femmes et des jeunes continuent de devenir fumeurs. Nous souhaitons les empêcher de démarrer ou de rechuter.

Sur ces sujets, la déception est réelle et nous devons rester vigilants. Nous devons nous adresser aux plus jeunes – à l’école, au lycée –, mais aussi aux étudiants, cible majeure dans la lutte contre le sida, le tabac, mais aussi l’alcool. Il faut leur faire comprendre que ces addictions ne sont ni un bon usage, ni un style de société. Mais il y a encore du travail…

La campagne menée à l’occasion du mois sans tabac a tout de même été efficace puisque, selon les derniers chiffres dont je dispose, nous avons obtenu les mêmes effets d’inscription pour arrêter le tabac en quinze jours cette année qu’en un mois l’an passé.

Nous devons maintenir et renouveler ces initiatives, en nous adressant à des populations plus jeunes, par le biais de la bande dessinée, des nouvelles technologies, de messages qui choquent ou dérangent quelquefois, car cela permet de mieux toucher les populations concernées.

Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel. Ma question porte sur une structure dont vous serez responsable, outil de très grande qualité malheureusement assez méconnu : l’EPRUS, créé en 2007. C’est un véritable bijou, destiné à répondre aux situations sanitaires exceptionnelles, en France et à l’étranger. Pour cela, il organise une réserve sanitaire : il s’agit de professionnels de tous les secteurs de la santé, volontaires, contactés en cas de besoin de renforts dans un établissement de santé en région ou à l’étranger. L’EPRUS a deux missions complémentaires : la gestion du stock national de produits de santé et l’appui technique aux ARS. À titre personnel, si je n’avais pas été parlementaire, j’aurais finalisé mon dossier pour faire en partie car je trouve que c’est un établissement où l’on doit s’investir quand on est personnel de santé.

La fusion de l’EPRUS dans l’ANSP va-t-elle permettre d’assurer la continuité de ses actions et de ses missions ? Même si c’est un bel outil, l’EPRUS souffre d’un grand déficit de notoriété : comptez-vous agir pour améliorer cette notoriété, afin d’impliquer un maximum de praticiens dans ces belles missions ?

M. Alain Ramadier. Je voulais avoir votre avis sur l’e-santé qui, dans les prochaines années, devrait permettre d’anticiper l’arrivée de certaines maladies, de mieux prévenir les symptômes, donc d’améliorer le suivi des patients – par exemple ceux atteints de maladies chroniques. D’ailleurs, notre pays est souvent présenté comme le plus dynamique en la matière, notamment pour la création d’applications.

Pourtant, à l’heure actuelle, aucune instance n’est chargée d’évaluer ces applications. Santé publique France ne pourrait-elle y concourir, en partenariat avec la Haute autorité de santé (HAS), qui évalue les produits de santé et a déjà contribué à l’évaluation des technologies d’e-santé, pour fournir aux patients les meilleures applications, et ainsi améliorer l’efficience de notre système de soins ?

M. Francis Vercamer. Je connais votre capacité de travail et votre sens du service public et de l’intérêt général : je n’ai aucun doute quant à vos capacités à présider cette agence. En tant que rapporteur pour avis de la mission « Santé » du projet de loi de finances, j’ai eu l’occasion de m’intéresser de près à l’ANSP, en analysant son positionnement dans la politique de prévention et de promotion de la santé. Le Gouvernement souhaite donner un nouvel élan à la prévention – ce dont je me félicite. L’ANSP est un acteur clé dans ce domaine. Son ambition est de se positionner comme une instance d’expertise et d’ingénierie incontournable. Néanmoins, force est de constater qu’elle doit trouver sa place au sein d’un paysage fragmenté, où de multiples acteurs concourent à la prévention sans véritable coordination. Que pouvez-vous faire en la matière ?

Son principal défi réside dans l’articulation de ses missions de prévention avec celles des ARS. Ces dernières, chargées d’élaborer les projets régionaux de santé, sont soucieuses de préserver leurs prérogatives dans ce domaine. D’ailleurs, d’après les textes, l’ANSP ne peut faire partager son expertise qu’à la demande de l’ARS et dans le respect de ses moyens et de ses priorités. Afin de clarifier au mieux l’articulation des missions de l’agence et des ARS, le décret relatif à la création de l’ANSP a prévu que les relations entre l’agence et les ARS soient régies par des conventions. Au 15 septembre 2017, seules dix des dix-sept conventions avaient été signées. De plus, la majeure partie de ces conventions ne concerne pas les politiques de prévention, mais simplement le fonctionnement des CIRE ou la réserve sanitaire. Les relations entre l’ANSP et les ARS restent sans doute à développer. Je voudrais avoir votre avis.

Enfin, je me permets d’appeler votre attention sur le fait qu’aucun crédit relatif aux actions de prévention de l’agence n’est sanctuarisé. Jusqu’en 2017, l’ANSP recevait un transfert de l’assurance maladie pour ses missions de promotion de la santé, de réduction des risques de santé, ainsi que pour le développement de la prévention et l’éducation pour la santé, ce qui permettait une sanctuarisation. Cette dotation a été abrogée par la loi de finances pour 2017, afin d’unifier le financement de l’agence. Il sera donc de votre ressort de sanctuariser ces crédits. Allez-vous le faire ?

Mme Marie-Caroline Bonnet-Galzy. Madame Fontaine-Domeizel, Santé publique France est une structure unique, mais l’EPRUS y a totalement sa place. Il est peut-être préférable que l’EPRUS soit peu connu : cela veut dire que ses interventions sont peu nécessaires. L’EPRUS est suffisamment bien connu des professionnels. Il n’est pas nécessaire que le grand public le connaisse, les interventions étant réalisées à son bénéfice.

Vous le savez, l’EPRUS est intervenu suite au cyclone Irma. Ses actions ont été appréciées et efficaces. La réserve sanitaire a été très employée. La principale difficulté tenait au fait que les personnels volontaires s’y inscrivent plutôt pour une semaine que pour un mois, ce qui limite leur disponibilité et a nécessité coordination et renouvellement. Il faudra sans doute à l’avenir que nous soyons capables de traiter ce point et d’allonger un peu les missions. Pour autant, cela a été extrêmement probant, et les personnes mises à disposition n’étaient pas seulement des professionnels de santé, mais aussi des logisticiens, des informaticiens, très utiles dans ce cas.

Cet exemple vous permet de constater la cohérence réelle du dispositif : l’intervention d’urgence a été assurée dans la nouvelle configuration, avec beaucoup d’énergie. De même une intervention a été menée extrêmement rapidement auprès de 18 000 jeunes à Dijon, pour des vaccinations contre la méningite. Nous avons été capables d’assurer ces missions, et de le faire en coordination avec les ARS, ce qui est très important.

En cas d’urgence sanitaire, nous intervenons toujours en lien et en totale coordination avec le pilote du soin qu’est l’Agence régionale de santé. Il est important que l’ARS reste pilote. À ce moment, Santé publique France passe en second ; c’est normal et légitime.

À l’inverse, le déficit de notoriété doit disparaître s’agissant de la communication relative aux comportements. Nous devons apparaître plus fortement. De même, pour alimenter la réserve sanitaire – je vous remercie donc de votre message – il est important d’expliquer aux professionnels à quoi sert l’EPRUS. Chaque fois que nous intervenons, nous pouvons ainsi expliquer comment l’intervention s’est déroulée et donner envie à ceux qui le veulent de rejoindre la réserve.

Monsieur Ramadier, je ne suis pas encore au fait des actions de Santé publique France concernant l’e-santé et les maladies chroniques. En revanche, vous savez sans doute que nous devons en préalable savoir si tous ces outils et ces applications sont des dispositifs médicaux, ou non. Nous ne disposons pas encore de cette réponse. En tout état de cause, la HAS me semble principalement compétente, même si nous pouvons intervenir en appui s’agissant des comportements.

Monsieur Vercamer, je comprends parfaitement vos deux questions. M. Bourdillon m’a déjà exposé notre lien avec les ARS. Cette année, et dans un premier temps, nous avons assuré la configuration globale. Aujourd’hui, les équipes se sont rapprochées et une dynamique interne se produit spontanément, ce qui est très satisfaisant.

Pour autant, vous avez raison, notre lien avec les ARS doit être conforté dans l’année qui vient. Les dix-sept conventions ont bien été signées. Elles portent effectivement sur les CIRE et l’organisation. Il s’agit maintenant de contribuer aux programmes régionaux de santé. En la matière, l’apport de Santé publique France sera bien perçu et utile pour les ARS qui veulent et doivent être respectées dans leur volonté de piloter l’organisation et l’offre de soins. En revanche, s’agissant de la déclinaison de la prévention dans la stratégie nationale de santé, Santé publique France a son mot à dire pour orienter les programmes régionaux de santé. Sur ce sujet, nous serons présents et influents.

S’agissant de la question financière, j’ai partagé mon expérience passée et mes tentatives de financements croisés entre l’assurance maladie et l’État chaque fois que c’était possible : lorsque l’offre de soins peut être concernée, en cas d’intervention sanitaire d’urgence, ou lorsque l’on fait des économies sur le soin grâce à la prévention. Par ailleurs, l’assurance maladie bénéficie du versement de certaines taxes « comportementales ». Ce n’est pas le choix retenu en 2017. Dans mes nouvelles responsabilités, je perçois les conséquences de ce choix et pense qu’il faut mesurer les risques. Il ne serait clairement pas légitime que l’assurance maladie pilote des interventions de manière autonome, sans articulation avec les politiques de prévention. Je ne crois pas que ce soit l’orientation des institutions et de l’État. Enfin, nous devons créer des ponts avec l’assurance maladie, afin de disposer d’une visibilité pluriannuelle et pas de simples coordinations projet par projet.

S’agissant de la sanctuarisation des crédits de prévention, nous serons vigilants. Mais, en cas d’urgence ou de catastrophe sanitaire, nous devrons intervenir et vous serez derrière nous… Notre fragilité est évidente. J’ai bien entendu le président Touraine : la France fait en effet face à un véritable problème culturel. Nous devons œuvrer d’urgence pour faire basculer les comportements.

Nous maintiendrons donc cette vigilance, nous vous alerterons et alerterons les pouvoirs publics quand cela nous paraîtra nécessaire. Dans tous les cas, nous essaierons de mieux coordonner les acteurs. Effectivement, beaucoup d’actions de prévention ne sont pas coûteuses : l’instituteur, le médecin du travail comme le médecin généraliste, le pharmacien ont tous un rôle à jouer. Nous devons nous appuyer sur tous ceux qui peuvent œuvrer pour diffuser le bon message, et peut-être compter un peu sur la pression sociale. En la matière, les nouveaux outils peuvent nous aider. Il n’est pas illégitime de dire à son voisin qu’il devrait penser à arrêter de fumer.

J’entends votre message. Je vous remercie de votre vigilance car nous aurons besoin de votre écoute.

Mme Delphine Bagarry. Vous donnez l’impression d’avoir envie, madame Bonnet-Galzy, ce qui nous donne envie de vous faire confiance. Je viens d’un petit département, les Alpes de Haute-Provence, où les seuls acteurs de la prévention sanitaire sont la délégation territoriale de l’ARS et le comité départemental d’éducation pour la santé (CODES). Or, la formation des professionnels de santé aux nouveaux outils de communication donne souvent l’impression d’être en décalage avec la vie quotidienne des populations, en particulier en milieu rural. Ces informations m’ont notamment été transmises par le CODES : nous n’encourageons pas assez la participation des professionnels et des hôpitaux locaux, et certaines formations professionnelles dispensées à l’hôpital de la Timone à Marseille ne le sont pas dans mon département. Quel pouvoir Santé publique France pourrait-elle avoir dans ce domaine ?

Vous avez déjà répondu concernant l’articulation de Santé publique France avec les ARS. Qu’en est-il des problèmes de nature locale, comme le moustique tigre dans le quart sud-est de la France ? Quel pouvoir l’ARS de la région PACA aura-t-elle afin d’exercer une action de veille et de prévention face à un problème de cet ordre, qui n’est pas d’ampleur nationale ?

M. Brahim Hammouche. Nous nous dotons d’une agence d’expertise et de prévention en matière de santé des populations, suivant en quelque sorte le modèle des grandes agences anglo-saxonnes – même si les moyens ne sont pas les mêmes. La nouvelle organisation administrative se met en place progressivement.

Ma question concerne le champ de la prévention – puisque l’intitulé de l’agence comporte le mot « publique » – ainsi que celui de la démocratie sanitaire en général et des perturbateurs endocriniens en particulier. L’académie des sciences et de la médecine vient à son tour de relayer des inquiétudes relatives aux effets des perturbateurs endocriniens en matière de développement neurologique et de comportement. Elle invite les pouvoirs publics à prendre dès à présent des mesures de prévention visant les personnes les plus vulnérables, en particulier les jeunes enfants et les femmes enceintes.

Cet appel n’est pas le premier. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) évoquaient dès 2013 une « menace mondiale ». En octobre, le Parlement européen a fait obstacle à l’établissement d’une définition jugée trop laxiste des perturbateurs endocriniens. L’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) a récemment conduit des recherches regroupant un consortium international de scientifiques qui démontrent qu’une exposition prénatale aux perturbateurs endocriniens entraîne des troubles graves des jeunes enfants pendant plusieurs générations, en cohérence avec les conclusions des études d’embryogenèse animale. Quel plan d’action concret et préventif comptez-vous déployer à court terme pour prévenir les incidences néfastes des perturbateurs endocriniens ? Disposez-vous d’une équipe dédiée en la matière ? Si oui, de combien de personnes se compose-t-elle ?

Enfin, compte tenu du cadre financier contraint qui s’impose au budget de l’agence, comment hiérarchisez-vous les priorités entre les différents programmes de prévention ?

Mme Laëtitia Romeiro Dias. Santé publique France a une importance cruciale en matière de prévention, d’information, d’expertise et d’alerte dans tous les champs de la santé, vis-à-vis tant des décideurs que de la population. J’en veux pour preuve les enquêtes, alertes et autres publications concernant la vaccination, le tabagisme, l’obésité, l’exposition à certains polluants. En clair, l’expertise, le bilan et l’expression de Santé publique France sont essentiels dans un pays qui doit améliorer son volet relatif à la prévention – pierre angulaire de la politique de santé qu’entendent mener le Gouvernement et la majorité.

Néanmoins, soyons francs : la voix de l’établissement est encore trop peu lisible et audible, et doit être renforcée alors que chaque citoyen fait face à une inondation d’informations, notamment via les réseaux sociaux où pullulent les pseudo-experts et où il devient difficile de faire le tri entre les bonnes et les fausses informations, ou de repérer ce qui relève davantage de la conviction que de l’expertise scientifique. Le risque de perte de confiance dans les décisions qui sont prises est donc réel si nous n’améliorons pas l’accès de la population et des décideurs à une information fiable ; le débat concernant la vaccination en est l’illustration. Toute politique de prévention doit partir d’une source d’information officielle, certaine et connue de tous. Avez-vous des projets d’amélioration en la matière, qu’il s’agisse de modifications organisationnelles ou de nouvelles méthodes de communication, pour que votre voix soit reconnue par tous les Français comme la source experte et rassurante d’information relative à la santé ? Pouvez-vous nous éclairer au sujet de votre réflexion – qui est encore personnelle, puisque vous n’êtes pas officiellement nommée – concernant la communication et la pédagogie à développer en direction des enfants ?

Mme Marie-Caroline Bonnet-Galzy. S’agissant du lien entre les professionnels et l’agence, madame Bagarry, il existe un réseau national de santé publique auquel bon nombre de professionnels participent par leur vigilance et leurs interrogations. Je vérifierai l’existence d’une représentation territoriale inégale mais il me semble que nous sommes attentifs à cette question.

Pour savoir combien Santé publique France est intervenue dans les outre-mer concernant les problématiques qui leur sont propres, je ne doute pas que la CIRE disposera de tous les moyens nécessaires pour contribuer aux analyses du moustique tigre, fort de l’expérience acquise outre-mer – je le sais pour avoir été en poste à la Réunion et en Guadeloupe à des moments-clés. Sans pouvoir en attester, je suis certaine que nous sommes déjà présents dans ce domaine qui s’accompagne de risques nationaux.

S’agissant des perturbateurs endocriniens, au sujet desquels nous devons partager une analyse commune avec l’ANSES, j’ai compris que Santé publique France est très active au niveau européen. C’est à cette échelle que nous pouvons exercer le rôle d’influence qu’évoquait Mme Wonner. Nous devons entrer dans ces différents réseaux, déterminer lesquels sont exposés à un risque d’influence adverse et tâcher d’intervenir. Il existe une association internationale des instituts de santé publique dont Santé publique France assure le secrétariat général. En outre, nous représentons la France au conseil d’administration de l’Agence européenne de sécurité sanitaire (ECDC, European Centre for Disease Prevention and Control). Nous participons également à d’autres projets tels que des formations à l’épidémiologie au niveau européen, des mesures concernant la fragilité des personnes âgées ou encore des initiatives européennes relatives à la biosurveillance, qui pourraient peut-être englober la question des perturbateurs endocriniens. D’autres études sont en cours ; nous aurons donc l’occasion de revenir à ces questions au sujet desquelles je vous prie de m’excuser de n’être pas assez informée pour vous en dire davantage.

Enfin, madame Romeiro Dias, je suis tout à fait d’accord avec vous : il est essentiel d’envoyer des messages clairs et univoques qui créent la confiance parce qu’ils ont une légitimité forte. Or, ces messages ne passent ni par la presse ni dans le discours politique ; il faut investir massivement les réseaux sociaux et, pour ce faire, élaborer une stratégie de présence, comme au sujet de la vaccination. Santé publique France a consacré 1 million d’euros à cette présence grâce à laquelle 1,5 million de citoyens ont consulté le site, sans quoi l’information aurait été considérablement diluée et dévalorisée par le café du commerce où s’expriment des citoyens ne disposant pas d’éléments de référence. C’est une véritable bataille à mener ; Santé publique France s’inscrit dans cette stratégie de marketing.

Quant aux enfants, beaucoup sera aussi fait par ce moyen, car l’apprentissage numérique commence très tôt. L’école reste en outre l’endroit-clé pour aborder un certain nombre de sujets et faire passer ces messages. En règle générale, les instituteurs y sont très ouverts ; encore faut-il pouvoir les outiller avec des kits d’information.

M. Sylvain Maillard. Parmi ses missions, l’ANSP est chargée de la veille des risques sanitaires menaçant les populations. Dans ce domaine, quelle sera votre politique de gestion des données, donc des mégadonnées ? Quelle est votre opinion de l’évolution de l’ANSP face à l’intelligence artificielle, qui pourrait permettre une gestion plus performante de la donnée ? Vous avez répondu partiellement à cette première question, mais nous pouvons y revenir.

Deuxième question, qui est le corollaire de la première : les syndicats de l’InVS viennent de m’alerter – et c’est aussi notre rôle de député que de relayer leurs inquiétudes – au sujet de la baisse potentielle de « 20 % des effectifs » de l’institut, et craignent que les moyens ne soient insuffisants pour accomplir ses missions.

Ma troisième question est elle aussi liée à la précédente : quel sera le lien entre les recherches de l’InVS et celles de l’INSERM ? De façon générale, en effet, l’INSERM recommande que, compte tenu de ses missions et de ses moyens, Santé publique France privilégie ses missions de base sans chercher à réaliser seule ou à coordonner des évaluations ambitieuses dont elle n’aurait pas les moyens.

Mme Nadia Ramassamy. Quelles sont vos priorités en matière de prévention dans les territoires d’outre-mer, étant donné leurs spécificités en matière de santé publique ?

D’autre part, que pensez-vous du déremboursement, dans les îles, de certains médicaments comme les phlébotoniques ou veinotoniques ? Le remboursement vous semble‑t-il possible compte tenu du climat chaud de ces territoires ?

Ensuite, de nombreuses études montrent que pour garantir l’efficacité de la lutte contre le tabac, il est utile de nouer un partenariat avec les professionnels de santé et de permettre le remboursement des substituts nicotiniques. Il existe certes des programmes d’addictologie qui prévoient la prise en charge de ces traitements, mais seulement pendant peu de temps alors que les effets s’observent à long terme. Ne jugez-vous pas utile d’autoriser le remboursement des substituts nicotiniques dans le cadre d’un suivi du traitement par des professionnels de santé ?

Mme Jeanine Dubié. Ma première question concerne la borréliose de Lyme, qui se transmet par la morsure d’une tique infectée. Si elle n’est pas soignée à temps, la maladie de Lyme peut entraîner des complications graves et souvent très invalidantes. Dans ma circonscription des Hautes-Pyrénées, je suis très souvent sollicitée à ce sujet. Avez-vous l’intention de renforcer le suivi par l’agence de cette maladie ?

Ma deuxième question a trait à la prévention des effets du vieillissement. Lors de son audition en juillet 2016, votre prédécesseur, le professeur Collet, répondant à une question de M. Touraine concernant la prévention, avait évoqué le sujet rarement abordé des chutes parmi les personnes âgées – étant précisé que les trois quarts des décès provoqués par des chutes concernent des personnes de plus de 75 ans. Il semblerait que la perte auditive multiplie par trois le risque de chute. L’une des actions conduites par l’agence, nous disait M. Collet, consistait à caractériser cette population. Privilégierez-vous les mesures qui contribuent à prévenir les effets du vieillissement ?

M. Jean-Hugues Ratenon. Si vous prenez la tête de l’ANSP, madame Bonnet-Galzy, l’une de vos missions consistera à répondre aux menaces sanitaires via l’observatoire épidémiologique. Ces dernières semaines, des cas de dengue ont été signalés à La Réunion, et la saison chaude qui s’annonce est propice au développement des maladies vectorielles, puisque les moustiques se développent principalement à cette période. Étant donné le nombre élevé de cas, nous craignons l’irruption d’une épidémie de grande ampleur comme ce fut le cas, il y a quelques années, avec le chikungunya qui fit plus de trois cents victimes – une épidémie qui a marqué nos territoires, en particulier La Réunion. Les derniers cas de dengue ont été signalés dans le centre-ville de Saint-Paul qui, avec plus de 100 000 habitants, est l’une des premières villes de l’île. Que comptez-vous faire concrètement, suite à la baisse des emplois aidés, pour endiguer les épidémies régulières de maladies vectorielles dans les outre‑mer en général et à La Réunion en particulier ?

Mme Marie-Caroline Bonnet-Galzy. Nous sommes à un moment charnière en ce qui concerne les nouvelles technologies et capacités. La loi ouvre désormais la possibilité de croiser des données, ce qui doit nous inciter à mener des études différentes et complémentaires mais sans doute aussi, vous l’avez dit monsieur Maillard, à utiliser des formes d’intelligence artificielle pour rationaliser l’analyse des données et mieux cibler nos interventions. Les enjeux en matière de systèmes d’informations vont nécessiter des travaux, car nous devons nous doter de nouvelles générations d’outils d’extraction. J’ignore ce que nous pouvons faire dès maintenant, mais ce projet est essentiel pour l’équipe qui a lancé cette réflexion globale concernant les données à rassembler. À titre personnel, j’ai toujours considéré, au fil de mes expériences professionnelles, que les systèmes d’information constituaient un facteur majeur de rupture et d’évolution, et qu’il nous fallait les organiser de telle sorte que nous puissions progresser. J’y serai donc vigilante.

J’en viens au message des syndicats de l’InVS. En effet, des efforts très importants ont été consentis par les structures avant leur réunion, et de nouveau aujourd’hui. C’est une situation difficile et exigeante pour l’ensemble des agents. Entre 2010 et 2016, la structure dans son ensemble aurait perdu 65 ETP. En 2017, elle en a 600 et s’efforcera d’en supprimer 15 par an – étant entendu qu’un ETP peut concerner plusieurs personnes. Ces efforts sont donc sensibles, même s’ils n’atteignent pas 20 % des effectifs, loin s’en faut – et c’est heureux, car une telle réduction ne serait pas supportable. L’effort demandé est réaliste mais exigeant ; il faut savoir le doser selon les secteurs où les mesures de rationalisation et de mutualisation sont possibles.

Votre troisième question, monsieur Maillard, avait trait aux liens de l’agence avec l’INSERM. Nous ne sommes pas un opérateur de recherche et n’avons donc aucune raison de nous confronter à l’INSERM en la matière – j’ignore pourquoi cela a pu être le cas. Santé publique France, qui est une agence d’expertise scientifique pouvant apporter sa contribution, peut s’adosser à des programmes de recherche. Elle entretient en outre des relations régulières avec l’INSERM. J’en veux pour preuve le débat concernant le niveau de la « taxe nutrition » : sollicité en avril par l’État et l’ANSP, l’INSERM a estimé qu’il était plus urgent de réduire le marketing alimentaire destiné aux enfants. Nous travaillons donc avec cet institut, et j’ignore d’où vient le bruit selon lequel nous entretiendrions une volonté de coordination, qui serait présomptueuse plus qu’ambitieuse. Nous sommes adossés à des programmes et nous associons aux opérateurs qui pilotent la recherche.

Santé publique France est convaincue – et l’a montré – des spécificités des régions d’outre-mer, madame Ramassamy. Nous devons nous donner les moyens de les analyser et d’y répondre.

S’agissant des phlébotoniques et des substituts nicotiniques, l’agence n’est pas compétente en matière de produits, même si je comprends le lien que vous établissez. Se posent des questions d’égalité et de légitimité ; peut-être les spécificités locales peuvent-elles justifier certaines mesures, mais je ne m’aventurerai guère au-delà. Plusieurs programmes ouvrent déjà la possibilité du remboursement des substituts nicotiniques, pour les femmes enceintes par exemple ou dans d’autres cas particuliers, et j’ai le sentiment que l’on a répondu à l’essentiel des situations qui le nécessitaient. Au-delà, il appartient à chacun de prendre sa propre santé en charge – c’est aussi l’un des objectifs de Santé publique France. Il ne faut pas aller trop loin en matière d’assistance.

Je comprends naturellement votre préoccupation relative à la maladie de Lyme, madame Dubié, qui est un sujet sensible dans votre département comme dans d’autres. J’ignore si des études sont en cours. J’instruirai cette question mais, a priori, elle n’a pas été identifiée comme une priorité pour Santé publique France car elle relève sans doute davantage de l’ANSES. L’agence participe néanmoins à l’élaboration par la direction générale de la santé de documents de prévention, afin d’éviter la contamination par la maladie.

Quant à la prévention des chutes chez les personnes âgées, je crois ne pas me tromper en vous indiquant qu’elle figure dans l’un des programmes du COP, qui sera prochainement diffusé en ligne, et qu’elle a donc été identifiée comme un sujet devant faire l’objet d’un suivi particulier.

S’agissant des maladies vectorielles à La Réunion, monsieur Ratenon, l’InVS a toujours été présent et les CIRE sont restées vigilantes ; elles ont travaillé autrefois avec les directions régionales des affaires sanitaires et sociales (DRASS) et aujourd’hui avec les ARS. Au-delà de la question des emplois aidés, c’est le pilote de l’organisation et de l’intervention locale qui est responsable. Je suis convaincue que l’on sait trouver des solutions dans les périodes difficiles, et nous en avons heureusement les moyens. Sachez que la CIRE de La Réunion est très impliquée dans ce domaine, et Santé publique France saura prendre le relais si nécessaire – ce que je ne souhaite pas.

Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. En tant que médecin de prévention, je suis naturellement aux côtés de ce qui était l’INPES.

La transmission de « messages » revient fréquemment dans le discours. Les documents produits, de très bonne qualité, sont fort utiles tant pour les professionnels que pour les publics ciblés. En matière de prévention, néanmoins, ce qui conditionne le changement des comportements ne tient pas tant à l’information qu’au savoir-être, en particulier aux compétences psychosociales qui viennent du Canada et des pays anglophones. Je me réjouis que nous nous emparions enfin de ces domaines ouverts dans les années 1980 – car la France a toujours un peu de mal. Pour avoir promu ces compétences dans les collèges au cours des années 1990, je constate qu’elles sont désormais mises en avant. Toutefois, j’observe, par exemple, par l’intermédiaire de mes enfants qui font des études de médecine, qu’elles ne font pas partie intégrante de la formation des professionnels de santé. Comment Santé publique France pourrait-elle contribuer à la promotion de ces connaissances et à leur intégration dans la formation des professionnels de santé ? Ces compétences englobent notamment la manière de conduire les entretiens motivationnels, qui sont un élément indispensable de l’accompagnement des personnes malades ou ayant des comportements à modifier. L’injonction, en effet, n’est pas toujours, et même pas souvent le meilleur moyen de provoquer le changement.

Mme Marie-Caroline Bonnet-Galzy. Je souscris pleinement à l’intérêt d’intégrer aux études de médecine les compétences ayant trait aux entretiens motivationnels et à la prévention. Nous avons en effet un rôle à jouer pour transmettre ces messages via ceux qui peuvent les relayer. Le professeur Collet était sûrement mieux armé que moi pour le faire, et je saurai le solliciter ; sachez, en tout état de cause, que je suis très sensible à ce sujet. On le sait bien : l’injonction seule ne fonctionne pas. Il faut y ajouter la confiance et faire comprendre l’intérêt que présente un changement de comportement permettant de s’assumer différemment. Il va de soi qu’il appartient entre autres à Santé publique France d’encourager ces évolutions.

M. Jean-Louis Touraine, président. Il est vrai que la France a la chance de disposer d’un vaste réseau de professionnels de haut niveau qui sont éveillés à l’ensemble des sciences, y compris humaines, qui favorisent l’efficacité, mais il faut aussi des chefs d’orchestre qui s’assurent que tous jouent la même partition en fixant des objectifs – le tabac telle année, l’alcool telle autre, la santé sexuelle une autre encore, et ainsi de suite. Cette tendance doit s’affermir au point que notre culture bascule dans une nouvelle dimension où la jeune génération se rendra compte que les messages faisant appel à la seule raison n’affectent guère les comportements, et qu’elle doit servir de relais d’opinion et de partenaire. Je me souviens d’actions conduites dans un lieu où de nombreux jeunes s’adonnaient à l’alcool. La sensibilisation du public avait été confiée non pas aux professionnels de santé, mais aux jeunes eux-mêmes – les jeunes parlaient aux jeunes, en quelque sorte, comme les Français parlaient aux Français. Il faut inventer de nouveaux moyens pour rendre la prévention efficace.

Je vous remercie, madame Bonnet-Galzy ; votre intervention a suscité de nombreuses questions et un vif intérêt. Nous vous sommes reconnaissants des éclaircissements que vous nous avez apportés, et vous souhaitons plein succès.

La séance est levée à dix-huit heures cinquante.

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Présences en réunion

Réunion du mercredi 6 décembre 2017 à 17 heures

Présents. - Mme Delphine Bagarry, M. Belkhir Belhaddad, M. Bruno Bilde, Mme Jeanine Dubié, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel, Mme Albane Gaillot, M. Brahim Hammouche, M. Gilles Lurton, M. Sylvain Maillard, M. Thierry Michels, M. Adrien Quatennens, M. Alain Ramadier, Mme Nadia Ramassamy, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Laëtitia Romeiro Dias, Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, M. Jean-Louis Touraine, M. Boris Vallaud, Mme Michèle de Vaucouleurs, M. Francis Vercamer, Mme Corinne Vignon, M. Stéphane Viry, Mme Martine Wonner

Excusés. - Mme Monique Iborra, Mme Fadila Khattabi

Assistait également à la réunion. - M. Jean-Luc Warsmann