Compte rendu

Commission
des affaires économiques

– En application de l’article 13 de la Constitution, audition de M. Jean-Bernard Lévy, dont la nomination est proposée par M. le Président de la République aux fonctions de président‑directeur général du groupe Électricité de France (EDF)              2

– Examen de la proposition de loi, modifiée par le Sénat, pour la protection foncière des activités agricoles et des cultures marines en zone littorale (n° 1758) (M. Jimmy Pahun, rapporteur)              24


Mardi
30 avril 2019

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 39

session ordinaire de 2018-2019

Présidence de
M. Roland Lescure,
Président,
puis de
Mme Marie-Noëlle Battistel
Vice-Présidente
 


  1 

La commission a procédé, en application de larticle 13 de la Constitution, à laudition de M. Jean-Bernard Lévy, dont la nomination est proposée par M. le Président de la République aux fonctions de président-directeur général du groupe Électricité de France (EDF).

M. le président Roland Lescure. Chers collègues, nous sommes réunis pour rendre un avis préalable à une nomination envisagée par le Président de la République. En effet, par un courrier en date du 9 avril 2019, le Premier ministre a informé le président de l’Assemblée nationale qu’il est envisagé de nommer M. Jean-Bernard Lévy aux fonctions de président‑directeur général d’Électricité de France (EDF). Il s’agit plus précisément de nommer M. Lévy pour un deuxième mandat, puisqu’il occupe déjà ces fonctions depuis le 27 novembre 2014. La commission des affaires économiques l’avait d’ailleurs auditionné avant le début de son premier mandat, le 25 novembre 2014.

Cette première audition, tout comme celle d’aujourd’hui, répondent à l’exigence prévue à l’article 13 de la Constitution : « Le président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l’addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions » de l’Assemblée nationale et du Sénat. La nomination du président-directeur général intervient par décret en conseil des ministres, sur proposition du conseil d’administration d’EDF, qui se réunira le 16 mai.

S’agissant du volet de la procédure qui concerne notre commission, je vous rappelle les principales règles qui régissent les auditions organisées dans le cadre de l’article 13 de la Constitution. Premièrement, l’audition est publique. Ensuite, le scrutin est secret et doit avoir lieu hors la présence de la personne auditionnée ; il ne peut donner lieu à la délégation de votes et sera effectué par appel public, des bulletins devant être distribués à cet effet. Le dépouillement du scrutin sera effectué par deux scrutateurs qui seront les deux plus jeunes députés présents, l’un étant membre du groupe La République en Marche et l’autre du groupe Les Républicains. Toutefois, le dépouillement doit avoir lieu simultanément à l’Assemblée nationale et au Sénat. Le Sénat auditionnera M. Lévy le jeudi 2 mai à 10 heures 30. L’urne sera donc transportée dans mon bureau, où les scrutateurs seront appelés à intervenir jeudi vers midi. Chaque scrutateur se verra remettre l’une des deux clefs nécessaires à l’ouverture de l’urne qu’ils devront apporter lorsqu’ils seront appelés à dépouiller les bulletins dans mon bureau. Il m’appartiendra ensuite de communiquer le résultat du vote à la présidence de l’Assemblée nationale et de vous en informer.

Enfin, je vous rappelle qu’un questionnaire supervisé par deux commissaires, Mme Célia de Lavergne et M. Anthony Cellier, a été transmis à M. Lévy. Ses réponses et son curriculum vitae vous ont été envoyés vendredi dernier. Vous disposiez donc d’informations détaillées pour préparer la présente audition.

M. Jean-Bernard Lévy, président-directeur général du groupe Électricité de France. Mesdames et Messieurs les députés, je suis très heureux de l’occasion qui m’est donnée de vous retrouver pour vous présenter mon projet pour EDF, puisque le Président de la République a exprimé son intention, si vous l’acceptez, de me reconduire à la tête de cette entreprise publique pour une nouvelle période de quatre ans. Cette marque de confiance est un honneur pour moi et, je l’espère, la reconnaissance du travail accompli depuis la fin 2014.

EDF est un atout pour la France, pour le pouvoir d’achat des ménages et la compétitivité des entreprises, pour les emplois qualifiés et pour les exportations, mais aussi pour notre indépendance énergétique, alors que nous manquons de ressources naturelles. J’ai l’ambition de poursuivre le développement et l’adaptation d’EDF pour que nous demeurions le champion que nous sommes en France, en Europe et au-delà.

Ces dernières années, le secteur de l’énergie a connu des évolutions très importantes : l’accélération de la concurrence, la volatilité des prix de l’énergie, le nouveau « paquet » européen qui vient d’être définitivement adopté, la baisse rapide des coûts des nouvelles énergies renouvelables et la prise de conscience de l’urgence climatique, entre autres. Dans ce contexte très évolutif, la définition par le Gouvernement de la stratégie nationale bas carbone et le projet de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) vont dessiner l’avenir de l’entreprise pour de nombreuses années. Après une longue période de débat public, cette phase si importante pour tous les énergéticiens français va s’achever devant votre assemblée dans les prochains mois avec l’examen du projet de loi relatif à l’énergie et au climat que le conseil des ministres a adopté ce matin même.

Avec la programmation pluriannuelle de l’énergie, la France disposera d’une politique énergétique sur dix ans et même au-delà dans certains domaines. Il s’agit d’une politique qui offre un cadre clair et prévisible dans lequel EDF inscrira naturellement son action et ses investissements. Ainsi, notre propre stratégie « Cap 2030 », que nous mettons en œuvre depuis 2015 pour quinze ans, se poursuivra avec la force que lui donnera une cohérence totale avec la PPE. Tout en s’inscrivant dans le cadre de l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050, les principales orientations de la PPE se répartissent en trois volets. Le premier a trait à l’efficacité énergétique et consiste à réduire la consommation finale d’énergie. Le deuxième vise à réduire autant que possible le recours aux énergies fossiles – c’est le phénomène de substitution. Le troisième consiste à diversifier le bouquet énergétique afin d’augmenter la part des énergies renouvelables et de limiter à 50 % celle du nucléaire en 2035.

La réalisation des deux premiers objectifs – efficacité énergétique et remplacement des combustibles fossiles par des énergies décarbonées – nécessite d’orienter les choix des consommateurs dans les secteurs clés du bâtiment et de la mobilité. De fait, EDF offre déjà des solutions d’efficacité énergétique et climatique pour toutes ses catégories de clients, aussi bien les particuliers que les professionnels. Ces douze dernières années, le groupe a accompagné plus de trois millions de foyers français dans la rénovation énergétique de leurs logements. Nous demeurons ainsi de loin le premier fournisseur d’économies d’énergie des Français, et nous sommes également le premier fournisseur de solutions de mobilité électrique.

Atteindre la neutralité carbone exige aussi d’accompagner nos concitoyens dans le renoncement aux énergies fossiles. Le secteur du bâtiment est à l’origine de 30 % des émissions françaises de dioxyde de carbone, dont le volume a, hélas, augmenté de 8 % depuis 2014. De notre point de vue, la réglementation environnementale 2020 qui est à l’étude doit corriger la réglementation thermique 2012, qui ne mettait l’accent que sur la basse consommation. Il faudra désormais marcher sur deux jambes et être beaucoup plus exigeant sur le volet carbone, qui a une incidence directe et majeure sur le climat, sans oublier – dans un domaine où les investissements portent sur le très long terme – d’assurer non seulement la construction de logements neufs mais aussi la rénovation des logements existants. Il faut encourager davantage l’isolation des logements et le remplacement des solutions au gaz et au fioul par des solutions électriques – c’est le sens de l’offre que nous avons lancée concernant la pompe à chaleur. Je rappelle que chaque pompe à chaleur fait gagner un facteur 4 en énergie finale, et donc davantage en carbone puisque l’énergie de substitution est beaucoup moins carbonée.

En ce qui concerne le mix énergétique, la PPE fixe des trajectoires précises de développement des énergies renouvelables et de recours au nucléaire. La planification d’EDF s’inscrit dans ces trajectoires. La visibilité à dix ans, et souvent plus, est précieuse pour l’ensemble des opérateurs énergétiques et des acteurs industriels. Elle permet à notre filiale Enedis de développer ses investissements dans les réseaux. Les investissements d’Enedis représentent 4 milliards d’euros par an et concourent notamment à l’insertion des énergies renouvelables. D’autre part, Enedis joue un rôle essentiel pour la solidarité entre les territoires grâce au mécanisme de péréquation tarifaire, qui est l’un des éléments clés du pacte social et qui est inscrit dans la loi. À cet égard, je me félicite de la signature, l’an dernier, d’un cahier des charges type pour les concessionnaires avec la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) et France urbaine, qui sont les principaux partenaires. Depuis, c’est sur la base de ce contrat type que soixante-dix autorités concédantes ont renouvelé des contrats de concession avec Enedis. Dans les années qui viennent, Enedis achèvera le déploiement en France continentale du compteur Linky, qui équipe déjà dix-huit millions de foyers. Enedis reste mobilisée en faveur de la qualité de service du réseau au quotidien, y compris dans les moments critiques comme les tempêtes.

Le groupe EDF développe des énergies renouvelables dans toutes les technologies pour les traduire en électricité et, parfois, en chaleur, comme le fait notre filiale Dalkia. Notre plan solaire prévoit la construction de 2 gigawatts à l’horizon 2035. Il s’agit tout aussi bien d’installations en toiture que de fermes au sol. Le lancement d’appels d’offres sur des surfaces plus importantes contribuera à atteindre les objectifs de la PPE. J’espère que nos projets d’éolien en mer verront le jour cette année, après une longue attente et au terme d’un interminable parcours d’obstacles et de procédures contentieuses. Dans cette hypothèse, que nous appelons de nos vœux, nous pourrons enfin débuter les travaux de construction qui, dans leur grande majorité, feront appel à des emplois industriels situés en France.

La production hydraulique est la première des énergies renouvelables. Pour l’essentiel, elle est stockable. Elle peut être développée en complétant des ouvrages existants afin d’en augmenter la puissance et via des appels d’offres de l’État pour de nouvelles installations. Nous espérons toujours que soit accordée l’autorisation d’étendre la capacité hydraulique de la Truyère en échange de l’allongement de la durée de nos concessions. Je le dis fortement : pourquoi ce qui est possible sur les autoroutes ne le serait-il pas sur les barrages ?

Le parc de production nucléaire d’EDF fait l’objet de dispositions spécifiques de la PPE. La conviction d’EDF est que le parc existant peut être exploité en toute sûreté jusqu’à soixante ans. Néanmoins, les centrales actuelles ont été construites en un temps très court et il nous est apparu préférable, sur le plan économique et industriel, d’étaler l’arrêt des centrales en anticipant la fermeture de certains réacteurs lorsqu’ils atteignent l’âge de cinquante ans. C’est le sens de notre contribution à la PPE de juin 2018. Il est prévu dans la PPE de séquencer l’arrêt des premiers réacteurs à partir de 2027, soit un peu avant la première des cinquièmes visites décennales, puis de poursuivre sur un rythme aboutissant à la fermeture de quatorze réacteurs d’ici à 2035, y compris les deux unités de Fessenheim. En 2035, compte tenu du développement des énergies renouvelables, la production nucléaire représentera donc 50 % de la production totale d’électricité, sous réserve de l’adoption du projet de loi qui vous sera bientôt soumis. Pour le moyen et le long terme, afin de disposer en permanence et dans tous les scénarios d’une électricité décarbonée et compétitive et d’un excellent niveau de sécurité d’approvisionnement, EDF prépare tous les éléments qui permettront au Gouvernement de prendre en 2021 une décision concernant la construction de nouvelles centrales nucléaires.

Dans le contexte nouveau de la PPE, nous constatons donc un alignement de la stratégie industrielle d’EDF avec la politique énergétique définie par l’État qui me paraît non seulement indispensable mais aussi exemplaire. J’entends concentrer les efforts de l’entreprise sur sa performance à moyen et long terme d’une part, et sur la poursuite de la transformation en profondeur qu’EDF a entamée d’autre part.

Le premier volet de mon action consistera donc à sécuriser l’avenir de l’entreprise en renforçant sa performance économique. L’EDF que nous connaissons aujourd’hui est le résultat de décennies de choix politiques volontaristes, mais notre dimension et la compétitivité de l’électricité produite ne nous immunisent pas contre une déréglementation mal conçue. En 2015 et 2016, EDF a subi de plein fouet la chute des cours de l’électricité sur les marchés de gros, avec comme première conséquence la dégradation rapide de la notation financière du groupe. Cette situation nous a imposé la mise en œuvre, en étroite coordination avec l’État, d’un plan d’urgence et d’une nouvelle trajectoire financière pour mettre notre endettement sous contrôle. Ce plan est aujourd’hui presque achevé. Lorsqu’il a été défini il y a trois ans, il reposait sur un renforcement des fonds propres d’EDF de 7 milliards d’euros, dont 4 milliards au titre d’une augmentation de capital intervenue en 2017, sur un programme de cessions de 10 milliards d’euros, et sur un plan d’économies visant 1 milliard d’euros par an. L’année 2018 a montré le succès du plan de 2016 avec des résultats économiques en net rebond. EDF a démontré sa capacité à traverser une période difficile, en prenant des mesures qui, il est vrai, ne seront pas réplicables une nouvelle fois.

Quelle est la cause de cette fragilité ? Pour l’essentiel, c’est l’ARENH – l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique, autrement dit l’accès garanti qu’ont nos concurrents à une électricité nucléaire qu’ils ne produisent pas mais qu’ils peuvent nous acheter à un prix fixe : 42 euros par mégawattheure. Ce prix n’a pas évolué depuis sept ans. Il est si avantageux qu’aucun de nos concurrents ne construit de production nouvelle sans cette garantie ou sans une autre garantie de la part de l’État.

La régulation de l’ARENH est asymétrique et cette asymétrie montre qu’elle est inéquitable pour EDF puisque l’ARENH impose que nos revenus soient limités sans pour autant que nous disposions du moindre filet de sécurité pour contenir nos pertes quand les prix sont bas, comme cela s’est produit en 2015 et 2016. J’appelle votre attention sur ce dispositif car de fait, il fragilise les investissements publics et transfère la valeur en subventionnant des acteurs privés, dont certains disposent de moyens considérables.

L’ARENH a été instauré il y a près de dix ans pour favoriser la concurrence. À l’évidence, il a rempli son objectif en permettant l’émergence d’une trentaine de fournisseurs alternatifs sur le marché français. Cependant, la prolongation d’un mécanisme qui affaiblit EDF au bénéfice d’acteurs parfois très puissants qui ne prennent pratiquement aucun risque n’est plus défendable. Lors de la présentation de la PPE en novembre dernier, le Président de la République, dans son discours du 27 novembre, a exprimé l’intention qu’aurait le Gouvernement d’engager une remise à plat de la régulation du prix de vente de l’électricité nucléaire. Pour ma part, je souhaite que la production d’électricité nucléaire, qui est le fruit d’une volonté politique ayant engagé toute la Nation depuis cinq décennies, continue de bénéficier concrètement aux Français, qui en sont les propriétaires indirects, à travers l’entreprise EDF, qu’ils en soient ou non clients. Nous avons adressé des propositions en ce sens aux services de l’État. Ce n’est qu’avec une régulation équitable et durable que nos concitoyens pourront être protégés contre l’incertitude des prix de l’électricité, prix qui sont en grande mesure déterminés par l’évolution des cours des matières premières et, à ce titre, qui échappent largement au périmètre du territoire national. Ce n’est que par cette régulation équitable et durable que le groupe EDF sera protégé contre cette même volatilité et pourra ainsi engager tous les investissements nécessaires à la transition énergétique, notamment ceux d’Enedis et d’EDF Renouvelables.

Le deuxième volet de mon action, si vous acceptez le renouvellement de mon mandat, consistera à poursuivre la transformation en profondeur d’EDF. Je souhaite en effet que les prochaines années à la tête d’EDF puissent être l’occasion de poursuive cette transformation profonde dans laquelle nous avons engagé l’entreprise. Elle doit d’abord se faire au bénéfice de nos clients, particuliers comme entreprises, qui attendent beaucoup en termes de services et d’innovation. Nous leur proposons régulièrement de nouveaux services et de nouvelles offres.

Je commencerai par évoquer les services d’efficacité énergétique, qui sont disponibles en ligne en quelques clics, sur téléphone, tablette ou ordinateur, pour tous les Français. L’application gratuite e.quilibre, par exemple, permet aux clients d’agir sur les différents postes de leur consommation. Statistiquement, un client qui consulte régulièrement – à raison de deux ou trois fois par mois par exemple – cette application peut réaliser jusqu’à 12 % d’économies. Ce n’est qu’un exemple parmi les nombreuses offres nouvelles que nous proposons et continuerons de développer. Elles nous permettent de reconquérir des clients et, par une forte utilisation des espaces numériques, d’atteindre différentes catégories de clientèle. Le tarif réglementé demeure naturellement accessible à tous les Français, mais nous avons également introduit l’offre haut de gamme Sowee, ou encore l’offre Digiwatt, plus basique, qui est disponible à 100 % en ligne. Quant à Sowee, il s’agit d’une station connectée qui permet de piloter de nombreux usages dans la maison y compris à distance, depuis un téléphone. Cette application intègre désormais les fonctionnalités de l’interface vocale d’Amazon, de sorte qu’il peut par exemple lui être demandé oralement d’augmenter la température de la salle de bains ou de passer en mode absence en cas de départ.

Autre exemple de service, que nous offrons cette fois aux communes et métropoles de toutes dimensions, dont bon nombre souhaitent devenir des villes intelligentes : notre filiale Citelum a développé la plateforme MUSE®, qui permet la gestion intégrée de tout un ensemble d’équipements dans la ville, depuis les bornes de recharge des véhicules électriques et les caméras de vidéoprotection à l’éclairage public, à la gestion de la circulation et des feux tricolores ou encore aux différents incidents qui surviennent sur la voie publique. Cette plateforme a été mise en place dans de nombreuses villes comme Mexico, Copenhague, Naples ou Barcelone et surtout, en France, à Dijon, où elle a été inaugurée récemment : cette ville est sans doute la mieux dotée en la matière et reçoit de nombreux visiteurs étrangers pour démontrer que la ville intelligente est d’ores et déjà une réalité pour ceux qui en font l’investissement.

Plus généralement, nous cherchons simplement à développer un écosystème favorable à l’innovation pour identifier et accompagner des start-ups prometteuses. Nos centres de recherche et développement travaillent en partenariat avec des universités et des entreprises innovantes, à Saclay et ailleurs en France mais aussi à Palo Alto, à Karlsruhe, à Pékin ou à Singapour. Nous avons créé EDF Pulse Croissance, un incubateur destiné à accompagner le développement de nouveaux métiers EDF. Il nous a notamment permis de faire récemment notre entrée sur le terrain très prometteur de l’hydrogène décarbonée destinées à l’industrie et à la mobilité lourde.

Le numérique est également un puissant levier de transformation de notre propre outil industriel. Depuis deux ans, plusieurs de nos centrales disposent de jumeaux numériques qui sont des duplications en trois dimensions, à cinq millimètres près, de l’ensemble des installations physiques des centrales nucléaires, et qui permettent d’optimiser les opérations de maintenance afin de réduire la durée d’arrêt des tranches concernées. Plus généralement, nous utilisons pleinement le potentiel des données massives, ou big data, grâce au vaste patrimoine de données de notre outil de production, hérité de décennies de mesures réalisées sur nos ouvrages. En 2018, nous avons créé une usine interne, Data Analytics, qui rassemble nos experts dans le domaine des données – les data scientists ­– et qui permet, grâce à des algorithmes prédictifs, d’optimiser la gestion de nos installations. Des dizaines voire des centaines de millions d’euros sont en jeu si nous utilisons convenablement les données de production. Il s’agit également d’un service que nous proposons dans nos offres à l’international.

D’autre part, nous investissons beaucoup dans l’intelligence artificielle. Nous avons, par exemple, soutenu une équipe d’ingénieurs de notre propre direction de recherche et développement qui est désormais organisée sous forme de filiale, Metroscope, grâce à laquelle nous offrons un service de diagnostic automatique des installations industrielles – les nôtres et celles de tiers. Je pourrais multiplier les exemples d’innovations. Mon objectif vise à poursuivre cette démarche d’innovation ouverte et fondée sur l’alliance de la transition énergétique et de la révolution numérique.

Un mot sur l’évolution de nos propres modes de travail au quotidien, que nous voulons innovants. Nous avons engagé une démarche d’intelligence collective, « Parlons énergie », qui a réuni 20 000 contributions et 10 000 participants à des réunions physiques l’an dernier. Nous sommes en train de renouveler cet effort alors que nous préparons d’éventuelles évolutions de l’organisation d’EDF, dont je dirai un mot dans un instant. Avec le lancement du projet Y, nous avons choisi de faire confiance à de jeunes employés, sélectionnés chaque année par tirage au sort tant ils sont nombreux à vouloir y participer. Ils ont moins de trente-cinq ans et assistent à de nombreuses réunions du comité exécutif. Ils réfléchissent ensemble à nous aider à faire bouger les lignes grâce à leurs usages massifs et natifs du numérique et à leur fort besoin de travail coopératif et d’autonomie, qui favorisera la transformation.

À travers ces quelques exemples, vous aurez compris que je voudrais, avec votre accord, donner à EDF une nouvelle impulsion pour les quatre années à venir aux processus de modernisation et de transformation de l’entreprise, au service de sa performance économique et, naturellement, au service de ses clients et de ses actionnaires, en particulier l’État. Je conclurai en vous disant ceci : à mes yeux, EDF est en ordre de marche, après avoir traversé une période difficile puis rebondi. Toutefois, la régulation asymétrique de la vente de l’électricité nucléaire mise en œuvre depuis 2011 est un péril majeur pour l’entreprise et un obstacle à son développement. Je crois que le Gouvernement l’a compris puisque nous travaillons avec lui, depuis que le chef de l’État a donné son feu vert, à la mise en place d’une régulation équitable et durable. Pour donner à EDF les meilleures chances de remplir les objectifs que lui assigne la programmation pluriannuelle de l’énergie et pour poursuivre notre mission de fournir aux Français une électricité tout à la fois compétitive et décarbonée, le Gouvernement m’a demandé d’étudier l’adaptation de l’organisation de nos actifs. C’est un travail très lourd qui vient de commencer. Il s’agit de permettre aux différentes activités d’EDF, qui se développent à des rythmes et selon des modalités de financement très différents. Il faut permettre à EDF de trouver les moyens, dans ses différentes activités, d’associer croissance et performance au service de tous. Il est trop tôt pour en dire davantage mais, bien entendu, je formulerai à la fin 2019, comme il me l’a été demandé, des propositions d’organisation des nouveaux actifs que j’adresserai au Gouvernement et au ministre de tutelle.

Conduire l’entreprise EDF est pour moi une mission essentielle et exaltante. EDF joue un rôle majeur pour les ménages mais aussi pour l’industrie et toute l’économie française. C’est une entreprise qui mérite que l’on y consacre beaucoup d’énergie et que l’on s’y dévoue pleinement, en ayant une bonne visibilité dans la durée. Nous avons face à nous de nombreux défis à relever, mais j’ai confiance dans EDF et dans la compétence de ses équipes, dans les clients qui sont restés très nombreux avec nous malgré les moyens déployés par nos concurrents, et dans ce qui fait de nous une entreprise très singulière, c’est-à-dire nos capacités technologiques. Nous investissons fortement dans la recherche et le développement, alors que les autres ne le font pas. Grâce à tous ces atouts, EDF pourra continuer à se développer au service de notre pays. Si vous le souhaitez, je poursuivrai donc la mission que l’État m’a confiée à la fin 2014. Je resterai à l’écoute de toutes les parties prenantes, et j’espère pouvoir déployer la même ardeur que ces quatre premières années à défendre dans les quatre prochaines les intérêts de l’entreprise publique.

M. Anthony Cellier. Je vous remercie, Monsieur Lévy, pour l’exposé complet que vous nous avez fait de la situation du groupe EDF, dont vous avez pris la tête en novembre 2014. Nous connaissons tous ici les différentes interrogations qui subsistent quant à l’avenir d’EDF, à ses orientations et à sa réorganisation possible entre une société mère qui regrouperait des activités nucléaires et des filiales davantage ouvertes aux capitaux privés. Le projet de loi relatif à l’énergie et au climat, que le Parlement examinera prochainement, formalisera l’un des engagements majeurs : parvenir à un mix électrique composé de 50 % de nucléaire en 2035. Vous avez également évoqué le plan solaire, le plan de stockage électrique, le plan de mobilité électrique et le plan de réduction des émissions de dioxyde de carbone.

Je souhaite, quant à moi, vous interpeller sur deux points. Le premier concerne l’arrêt définitif de tranches de centrales nucléaires. Le décret relatif à la PPE prévoit la fermeture de quatorze réacteurs d’ici à 2035. Avez-vous d’ores et déjà identifié ces réacteurs ? Un avis de l’État a recensé douze sites prioritaires dans l’attente de la version définitive de la PPE. Suivrez-vous cette analyse ? En ce qui concerne le démantèlement et la déconstruction, qui sont sources d’emplois, comment organisez-vous ce chantier d’avenir ? Allez-vous vous appuyer sur les savoir-faire des entreprises françaises, notamment les très petites et moyennes entreprises (TPE et PME) des territoires, plus fortement encore que vous ne l’avez fait pour les chantiers de grand carénage ?

Le second sujet est le rôle d’EDF dans l’accompagnement des personnes et des territoires à la suite des fermetures de centrales, qu’il s’agisse de centrales à charbon ou de centrales nucléaires. Pour avoir initié le contrat de transition écologique (CTE) CleanTech Vallée à la suite de la fermeture de la centrale au fioul d’EDF à Aramon, dans ma circonscription, je connais les conséquences sociales, économiques et fiscales de la fermeture de grands sites de production. Aussi, de la même manière que vous avez contribué à l’accompagnement de ma circonscription dans le cadre de ce CTE, comment comptez-vous prendre part à l’accompagnement des territoires et des personnes ? Les femmes et les hommes qui travaillent directement ou indirectement sur un site destiné à être fermé un jour ou l’autre doivent être accompagnés. Dans la continuité du plan solaire, du plan de stockage électrique et du plan de mobilité électrique, peut-on imaginer un plan d’accompagnement des territoires lié à ces fermetures ?

M. Daniel Fasquelle. Je vous remercie à mon tour, Monsieur Lévy, pour votre exposé très complet. Permettez-moi de revenir sur la question du coût de l’électricité et du pouvoir d’achat. Se chauffer et se déplacer sont des préoccupations majeures de nos concitoyens. Le développement de l’usage du véhicule électrique aura des conséquences sur la consommation d’électricité. Quel lien faites-vous entre l’évolution à venir de l’entreprise et ces futurs besoins ? Les avez-vous évalués ?

Ma question porte sur le tarif. La commission de régulation de l’énergie (CRE) a annoncé une augmentation de près de 6 % des tarifs réglementés de l’électricité en août prochain. Or ces tarifs ont déjà considérablement augmenté, de même que ceux du gaz, et les carburants n’ont jamais été à des prix aussi élevés. Le mouvement de l’automne dernier a précisément démarré en raison du coût trop élevé de l’énergie. Quelle est la réponse d’EDF à cette question de l’évolution à venir du tarif de l’électricité ? Est-il possible de minorer cette augmentation tout à fait considérable de 6 % ?

Par ailleurs, le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie a annoncé qu’il allait engager une réflexion sur un nouveau mode de calcul des tarifs réglementés. Allez-vous être associés à cette réflexion, et avez-vous des propositions à faire à ce sujet ?

Si la France a toujours été un leader mondial dans le domaine de l’énergie, on peut cependant regretter qu’Alstom ait récemment cédé sa division énergie. À la suite de cette opération, avez-vous imaginé des partenariats avec d’autres acteurs du secteur de l’énergie, afin de conforter la place de la France et de lui éviter de perdre d’autres fleurons dans ce domaine ? D’une façon plus spécifique, envisagez-vous des partenariats en Europe, et quel développement prévoyez-vous pour votre entreprise à l’échelle européenne – étant précisé que le marché de l’énergie est de moins en moins français et de plus en plus européen ?

Enfin, pouvez-vous nous dire quel bilan vous faites de l’ouverture à la concurrence ?

Mme Laure de La Raudière. Monsieur le président-directeur général, pouvez-vous nous indiquer quel est le coût prévisible du grand carénage, et pensez-vous que les provisions faites par EDF en vue de cette opération seront suffisantes ?

Par ailleurs, les provisions faites dans la perspective de l’arrêt des centrales nucléaires tiennent-elles compte du coût de la gestion des déchets nucléaires ?

Pour ce qui est de l’ARENH, que vous souhaitez faire évoluer, dans le cadre de la commission d’enquête sur l’impact des énergies renouvelables et sur l’acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique, plusieurs des personnes auditionnées ont déclaré considérer qu’au vu du développement actuel de la concurrence, on pourrait supprimer ce dispositif. Cependant, cette opération entraînerait la disparition des tarifs réglementés de l’électricité, ce à quoi nous ne sommes pas favorables politiquement. Selon vous, comment pourrait-on faire évoluer l’ARENH sans supprimer les tarifs réglementés ?

Pouvez-vous nous fournir quelques éléments permettant d’établir une comparaison internationale de la productivité et de l’efficience d’EDF par rapport aux grands énergéticiens mondiaux ? J’aimerais également savoir quelle est la part de marché d’EDF en ce qui concerne la fourniture d’électricité aux particuliers, et quelles sont les prévisions figurant dans le plan stratégique d’EDF sur ce point pour 2020 et 2021 dans l’hypothèse où l’ARENH serait conservé en l’état ?

Enfin, on sait que, du fait du caractère intermittent de la production des énergies renouvelables électriques, le recours à ces énergies a pour effet d’augmenter le coût global de l’électricité. Compte tenu de la très faible acceptabilité sociale de l’implantation d’éoliennes terrestres au sein des territoires ruraux – en raison du mitage et de la dégradation du patrimoine qui en résulte, les agriculteurs et les élus favorables à l’implantation d’éoliennes sont rares –, seriez-vous d’accord pour qu’on cesse de subventionner les éoliennes terrestres ?

Mme Marie-Noëlle Battistel. Monsieur le président-directeur général, nous vous remercions pour les précisions très importantes que vous nous avez fournies dans le cadre de votre intervention liminaire.

Comme vous le soulignez, le mécanisme de l’ARENH, qui n’a pas été réévalué depuis sept ans, est asymétrique, puisqu’il limite les revenus à la hausse mais ne les protège pas à la baisse. En ouvrant la concurrence sur le marché aval, ce dispositif a permis à trente fournisseurs alternatifs d’émerger et de proposer des prix attractifs aux consommateurs. Cependant, dans le même temps, l’ARENH pénalise l’entreprise EDF et, in fine, le consommateur. Pouvez-vous nous éclairer sur le bon compromis que vous imaginez pour le nouveau cadre qui pourrait être mis en place en vue d’une régulation de long terme, conçue pour profiter durablement au consommateur sans mettre EDF en danger ?

Dans le contexte actuel de développement de l’autoproduction et de l’autoconsommation, et de l’engouement que l’on connaît pour la production décentralisée, comment envisagez-vous la compatibilité entre celle-ci et la production centralisée – qui, selon moi, ne saurait se concevoir que sous l’angle de la complémentarité ? Cette évolution va entraîner une modification des métiers d’EDF, avec la nécessité d’un renforcement de sa fonction assurantielle, sur le centralisé comme sur le décentralisé. Comment vous projetez‑vous dans ce nouveau modèle ?

Enfin, si je n’évoquais pas l’hydroélectricité, mes collègues ne me reconnaîtraient pas… Vous effectuez actuellement des investissements importants dans ce secteur, notamment sur les sites de La Coche, en Savoie, et de Romanche Gavet, dans l’Isère, dans le cadre de projets de développement ou de suréquipement. Comme vous l’avez dit, il y a encore un gros potentiel dans ce domaine, en particulier sur la Truyère, mais l’avancée des projets est parfois rendue difficile en raison de l’ouverture à la concurrence, de la mise en demeure adressée à la France par la Commission européenne et de la question de la réciprocité. On se rend compte que la mise en concurrence n’est pas systématique, et qu’elle dépend en grande partie du statut de l’opérateur et du pays où elle a son siège, ce qui crée un problème en termes d’équité. Pouvez-vous nous donner quelques éléments d’information sur ce point ?

M. François Ruffin. Monsieur Lévy, vous êtes ici parce que vous espérez être reconduit dans vos fonctions de président-directeur général d’EDF et, puisque vous comptez certainement sur ma voix, je vais m’efforcer de la monnayer.

Lors de la campagne des dernières élections législatives, mon programme prévoyait la suppression des abonnements aux services de fourniture d’eau, de gaz et d’électricité. En effet, le système de l’abonnement est injuste et aboutit à ce que les foyers modestes, même lorsqu’ils s’efforcent de consommer peu, ont tout de même du mal à réduire le montant de leur facture puisqu’ils payent très cher le premier kilowattheure. Je souhaite donc la suppression de l’abonnement et la mise en place de tarifs progressifs, pouvant être modulés en fonction de la taille des ménages.

N’oublions pas que le mouvement des Gilets jaunes a été déclenché par une crise du coût de l’énergie. Or, dans les mois et les années à venir, cette question va revêtir un aspect de plus en plus sensible politiquement. La décision qui a été prise d’augmenter le tarif de l’électricité de 5,9 % au 1er juin prochain ne va pas de soi : pour chaque foyer, elle va se traduire par une hausse de 25 euros à 100 euros de la facture annuelle. Je souhaite donc savoir si vous acceptez d’intégrer à votre programme la mesure que je défends, consistant à supprimer l’abonnement.

Par ailleurs, quel bilan faites-vous de l’ouverture à la concurrence au niveau européen ? Si certains voient en la concurrence une valeur sacrée, n’apportant que des bienfaits, on observe en réalité que l’un de ses premiers effets est celui d’une hausse du coût de l’énergie. Seriez-vous favorable au retour d’un monopole clair et simple en matière d’électricité ?

M. Hubert Wulfranc. Monsieur le président-directeur général, l’adaptation d’EDF et la fin de son unicité constituent une hypothèse qui, selon le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, pourrait mettre en péril les capacités d’investissement du groupe, notamment en ce qui concerne la filière nucléaire et les missions qui lui sont assignées dans le cadre du mix énergétique prévu par la programmation pluriannuelle de l’énergie, mais aussi susciter des interrogations en matière de ressources humaines et de recherche et développement.

Notre groupe s’interroge également sur l’ouverture à la concurrence des concessions portant sur les barrages hydrauliques. Dans la mesure du possible, nous aimerions connaître votre position sur ce point, ainsi que sur les conséquences qu’il faut en attendre en matière de gestion de la production électrique renouvelable et modulable, et sur la ressource en eau et ses usages à l’échelle des territoires qu’EDF et ses équipes connaissent.

Enfin, nous sommes attachés à une régulation équitable et durable visant à protéger EDF, mais aussi ses usagers, dans le contexte actuel d’une douloureuse précarité énergétique. En la matière, avez-vous le sentiment que la facture d’électricité pourrait légitimement baisser grâce à une révision des taxes qui la grèvent – je pense notamment à la contribution au service public de l’électricité (CSPE) et au taux de TVA ?

M. Jean-Bernard Lévy. M. Cellier m’a interrogé au sujet de l’arrêt des tranches et de l’organisation de leur démantèlement. De toute évidence, lorsque nous aurons douze tranches additionnelles, nous les désignerons d’un commun accord avec l’État – en ce qui concerne les deux premières de Fessenheim, la messe est dite… Ces douze tranches feront naturellement partie d’une équation impliquant certaines contraintes, la première étant constituée par la demande de l’État de ne fermer aucun site : il ne s’agit donc, au moins dans le cadre de cette première phase, que de réduire le nombre de tranches sur chacun des sites. J’insiste sur ce point : en dehors de Fessenheim, il n’y aura aucune fermeture de site.

Je précise que les sites concernés sont ceux comportant les réacteurs les plus anciens, d’une puissance de 900 mégawatts, qui seront les premiers à atteindre l’âge de cinquante ans – il ne s’agit donc pas des réacteurs plus récents, de 1 300 ou de 1 450 mégawatts. Parmi ces sites, la plupart comptent quatre tranches, mais certains en comptent six – c’est le cas de la centrale de Gravelines. Le moment venu, en fonction d’un certain nombre de considérations à caractère économique et social, mais aussi de l’avis de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), qui devra donner son feu vert pour que la durée d’exploitation de certaines installations passe de quarante ans à cinquante ans, nous déterminerons les sites sur lesquels nous procéderons à la fermeture de deux unités – par exemple, le site de Gravelines pourrait passer de six à quatre unités. En tout état de cause, j’insiste sur le fait qu’aucune décision n’est prise pour le moment.

Pour ce qui est du démantèlement, nous estimons que c’est notre métier. Nous sommes organisés pour démonter les centrales nucléaires par nos propres moyens, la gestion des déchets à radioactivité élevée étant, elle, confiée à Orano dans un premier temps, puis au Centre industriel de stockage géologique (CIGEO). Sur le plan de l’organisation, nous allons faire en sorte de piloter nous-mêmes les chantiers, et avons pour cela complété les unités que nous possédions déjà en faisant l’acquisition d’unités supplémentaires. Nous avons actuellement neuf chantiers de déconstruction en cours, correspondant aux centrales les plus anciennes, notamment celle de Brennilis, dans le Finistère, celle de Saint-Laurent-des-Eaux, en Loir-et-Cher, celle de Chinon, en Indre-et-Loire, ou encore celle de Chooz, dans les Ardennes – pour ce qui est de cette dernière, le chantier de démantèlement de l’un des réacteurs à eau pressurisée en est à plus de 80 % d’avancement, et devrait être terminé dans quelques années. Comme je vous le disais, nous faisons en sorte que le démantèlement soit l’un des métiers d’EDF et soit, à ce titre, intégré à son écosystème. Bien sûr, nous travaillons avec des partenaires et sommes à ce titre tenus par le code des marchés publics d’organiser des appels d’offres.

M. Cellier a également évoqué la dimension locale et le contrat de transition énergétique portant sur le site d’Aramon, dans son département du Gard – ce qui me donne l’occasion de le remercier pour le travail qu’il a accompli au cours des dernières années afin de nous accompagner dans la fermeture de la centrale au fioul. Je rappelle que nous construisons à Aramon une centrale solaire, ce qui est un bel exemple d’une énergie verte venant se substituer à une énergie fossile. Nous avons l’intention, sur chacun des sites concernés par une diminution importante d’effectifs – par exemple à Fessenheim – de nous investir, comme nous l’avons toujours fait, pour la reconversion de nos salariés mais aussi pour soutenir un écosystème qui souffre du départ des activités d’EDF.

M. Fasquelle m’a interrogé au sujet de nos moyens. Comme vous le savez, nous avons besoin d’investir largement dans les plans de développement que nous mettons en place, notamment dans le plan solaire, le plan mobilité et le plan stockage. Aujourd’hui, nos moyens se trouvent très contraints par la régulation.

Pour ce qui est de nos tarifs, ils obéissent à un mode de calcul fixé et géré en dehors d’EDF, c’est-à-dire par la CRE. Ce mode de calcul tient compte d’un certain nombre de paramètres tenant aux coûts d’acheminement, mais aussi aux taxes gérées par l’État ; il tient également compte du prix du marché et du niveau du tarif réglementé, ce dernier étant géré par l’État. Compte tenu de ces différents paramètres, les tarifs de l’électricité se caractérisent par une certaine volatilité, dépendant très partiellement des prix de marché. Ceux-ci, après avoir baissé, puis stagné, ont augmenté assez rapidement, ce qui a conduit à la hausse de 5,9 % annoncée pour le mois prochain.

L’avenir du tarif de l’électricité dépendra de ses différentes composantes, à savoir les coûts d’acheminement, gérés directement par la CRE via le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE) – ce sont les activités régulées de Réseau de transport d’électricité (RTE) et d’Enedis –, le tarif réglementé de vente (TRV), que la modification du mode de calcul de l’ARENH devrait permettre de faire évoluer, les prix de l’énergie sur le marché – très élevés l’année dernière, au moment où ce paramètre a été intégré dans le calcul, et qui ont un peu baissé depuis – et, enfin, le niveau de la fiscalité, qui dépend de l’État. Je souligne que, dans la note d’information qu’elle a mise à disposition du public, la CRE a indiqué que, dans certains pays, on a vu l’État alléger un peu la fiscalité afin de compenser la hausse constatée du prix de marché de l’énergie, ce qui équivaut à une espèce de taxe flottante.

Pour ce qui est des partenariats industriels, ceux que nous avons réussi à créer en France sont importants et puissants, notamment dans le domaine de l’industrie électronucléaire. Grâce à un fort soutien de l’État, Areva a pu être transformée en Framatome et en Orano, deux sociétés bénéficiant d’une bonne visibilité. Quant à la cession de la division énergie d’Alstom à General Electric, elle ne s’est pas traduite par des modifications substantielles pour nous, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire devant la commission d’enquête de l’Assemblée qui m’avait interrogé à ce sujet : certes, nous avons dû prendre de nouvelles habitudes contractuelles et commerciales dans nos relations avec les équipes de General Electric, mais ce changement de propriétaire n’a pas fondamentalement modifié les rapports que nous avons avec nos partenaires dans les différentes usines et bureaux d’études. En tout état de cause, nous avons parfaitement conscience de l’importance des emplois industriels qui dépendent des commandes d’EDF et nous avons bien l’intention, en France et en Europe, de poursuivre notre rôle d’opérateur énergétique engagé avec son industrie dans des partenariats, en vue de travailler sur le long terme.

Vous m’avez aussi interrogé, Monsieur Fasquelle, sur le bilan de l’ouverture à la concurrence. À cette question, que m’a également posée M. Ruffin, devrais-je répondre que l’ancien monopole regrette le bon vieux temps ? Je préfère vous dire qu’un bilan honnête de l’ouverture à la concurrence devrait distinguer la production et la commercialisation. En matière de production, il y a des initiatives et de la créativité, et des choix sont faits : je choisis de privilégier tel ou tel moyen de production, j’ai un meilleur rendement, j’investis dans une nouvelle technologie, etc. En revanche, la commercialisation ne touche qu’une petite partie de la chaîne de valeur de l’électricité – évaluée à environ 5 % par les experts –, et il ne paraît pas forcément pertinent de se battre sur ce segment très réduit et portant finalement sur un service qui est toujours un peu le même : faire en sorte que le consommateur qui actionne un interrupteur ait de la lumière… En fait, il s’agit simplement de transférer un compte d’un ordinateur de l’opérateur précédent vers un compte du nouvel opérateur, en se contentant de procéder au passage à quelques vérifications d’identité et de coordonnées bancaires.

Il est permis de se demander s’il est vraiment justifié et conforme à l’intérêt général de dépenser beaucoup d’énergie et d’argent sous forme de campagnes publicitaires pour un enjeu ne représentant que 5 % de la chaîne de valeur. Cela dit, je conçois que l’ancien monopole qu’est EDF ait du mal à faire sien ce discours, et davantage encore à aller plus loin, et il me semble que nous pourrions nous demander si l’ouverture à la concurrence ne pourrait s’envisager sous un angle différent, en s’élargissant au domaine de la production.

Je veux dire à Mme de la Raudière que le coût du grand carénage a été optimisé ces dernières années, puisque nous avons gagné 15 % sur le devis correspondant à la période 2014-2025 – la période clé du grand carénage –, ce qui fait que nous consacrons actuellement environ 4 milliards d’euros par an, de manière stable, à cette opération. Disposant de moyens définis depuis plusieurs années, le grand carénage est tout à fait sous contrôle, et nous allons passer en 2019 une étape extrêmement importante : en effet, après l’arrêt du réacteur 1 de la centrale du Tricastin, nous allons procéder cet été à son grand carénage, qui devrait être terminé pour la fin de l’année ; lorsque nous aurons reçu l’autorisation de l’ASN, nous pourrons redémarrer ce réacteur, qui sera alors le premier des cinquante-six réacteurs français à voir son exploitation dépasser le cap des quarante ans pour aller vers celui des cinquante ans. Ce sera de notre point de vue un moment clé, qui servira aussi à démontrer le bon fonctionnement de ce programme qu’est le grand carénage.

Pour ce qui est des provisions, je vous confirme qu’elles intègrent le coût de la gestion des déchets de fin de vie. De nombreuses études, qu’elles soient réalisées par les services comptables et les commissaires aux comptes de l’entreprise, par la Cour des comptes, ou encore par les analystes indépendants commandités par le ministère de l’énergie il y a quelques années, ont analysé en détail le stock de provisions que nous avons constitué pour traiter à la fois le problème des déchets nucléaires en fin de cycle et le coût de la déconstruction des installations et de la remise en état des terrains après exploitation, et toutes ces études ont validé le montant de nos provisions, estimé suffisant. Au moment où je vous parle, nous avons déployé, dans un compartiment spécial du bilan d’EDF, des actifs consacrés à la déconstruction et à la gestion des déchets, dont le montant dépasse celui des passifs correspondants. Je précise que ces provisions font l’objet d’un contrôle de la part d’un comité spécialisé émanant du conseil d’administration, ainsi que de Bercy.

Mme Laure de La Raudière. Compte tenu de ce qu’on entend parfois dire, il n’était pas inutile de le préciser !

M. Jean-Bernard Lévy. Je peux vous assurer qu’en tant que responsable d’EDF j’attache une grande importance à cet aspect, car j’estime que nous ne pouvons pas léguer aux générations futures des provisions insuffisantes. Nous vérifions à chaque fin de semestre que nous avons suffisamment doté, et procédons si nécessaire à des réajustements afin d’être en permanence au moins à l’équilibre – actuellement, le solde entre les actifs et les passifs présente même un léger excédent.

Vous avez également évoqué la suppression de l’ARENH et des TRV. À ce sujet, je précise que si nous avons formulé des propositions d’évolution de l’ARENH, il ne s’agit pas de supprimer les TRV. Nous défendons en effet le maintien d’un tarif réglementé, le tarif bleu, qui constitue une assurance pour tous les Français et représente environ 78 % des parts de marché auprès des particuliers. Par ailleurs, il nous semble possible de conserver une composante fixe au sein du TRV en modifiant le mécanisme asymétrique de l’ARENH qui, pour nous, présente une certaine inéquité, puisque l’EDF n’est jamais gagnante : le tarif étant limité à la hausse, mais pas à la baisse, il s’agit pour nous d’un système « perdant-perdant » ! C’est cet aspect-là que nous voulons changer, mais cela ne se fera pas au détriment de la facture d’électricité : nous souhaitons que soit trouvé un nouvel équilibre entre EDF et des concurrents qui, concentrés, sont aujourd’hui puissants, d’autant plus qu’ils ne se donnent même pas la peine d’investir et bénéficient donc de ce que les Français ont construit au fil des décennies en payant leurs factures d’électricité : à notre sens, il n’y a pas de raison que cette rente appartenant à la collectivité finisse dans les poches de nos concurrents.

La productivité d’EDF par rapport à d’autres électriciens est assez difficile à calculer. Même à l’intérieur de la zone européenne, les régimes de taxation sont très différents d’un pays à l’autre. On trouve en Europe quelques pays où le prix de l’électricité est un peu moins élevé que celui pratiqué par EDF : ce sont souvent des pays assez peu peuplés et disposant d’importantes ressources naturelles – je pense notamment aux pays scandinaves, où les ressources hydroélectriques sont abondantes –, ce qui fait qu’il est difficile d’établir une comparaison entre la situation de ces pays et celle de pays comme le nôtre, où la densité de population est beaucoup plus élevée. Cela dit, aucun des pays limitrophes ou proches de la France, qu’il s’agisse de la Belgique, des Pays-Bas, du Luxembourg, de l’Allemagne, de la Suisse, de l’Italie ou de l’Espagne, ne pratique des tarifs inférieurs à ceux d’EDF : l’écart avoisine les 30 % dans la plupart de ces pays, et les tarifs sont même presque deux fois plus élevés en Allemagne – en grande partie en raison des taxes appliquées outre-Rhin. Un ménage français qui traverserait une frontière pour aller s’installer dans l’un de ces pays paierait donc son électricité 30 % plus cher dans la plupart des cas, et environ 85 % plus cher si sa destination était l’Allemagne.

Pour ce qui est de l’installation des éoliennes, je dirai qu’elle constitue l’un des thèmes des politiques publiques. Nous avons conscience que la politique mise en œuvre jusqu’à présent, consistant à essayer de produire une quantité importante d’énergie éolienne en installant peu de machines, n’a pas très bien fonctionné. Si dans d’autres pays, on a fait le choix de recourir à des installations plus nombreuses et présentant une plus grande densité – je me suis rendu en Italie du sud où, sur une zone correspondant à deux départements français, on voit davantage d’éoliennes qu’on n’en trouverait sur une zone recouvrant deux régions de notre pays –, cela ne correspond pas à ce qui est fait en France, où les problèmes d’acceptabilité ont parfois pour conséquence de retarder considérablement les chantiers que nous lançons. Dans le cadre du développement des énergies renouvelables, les éoliennes constituent un moyen puissant et potentiellement significatif – en Allemagne ou en Espagne, la production obtenue par ce moyen est loin d’être anecdotique – de substitution aux énergies fossiles, et peut-être même un jour à l’électronucléaire.

À un moment donné, il y a donc un choix à faire en matière de politique énergétique, et c’est la raison d’être de la PPE que de faire ce choix. Si la baisse des prix des éoliennes offshore peut conduire à réexaminer le poids respectif des éoliennes terrestres et des éoliennes en mer, force est de constater que, pour des raisons que je n’ai sans doute pas le temps de vous expliquer aujourd’hui, l’installation des éoliennes offshore n’a pas encore commencé. J’aurais aimé pouvoir vous parler des installations offshore réalisées sur la base des décisions prises par l’État du temps du Président Nicolas Sarkozy, mais c’est malheureusement impossible, rien n’ayant encore été fait – et il n’est même pas certain qu’une éolienne offshore soit construite avant la fin du quinquennat d’Emmanuel Macron… Je le répète, s’il doit être procédé à un rééquilibrage entre éoliennes terrestres et éoliennes offshore, encore faudrait-il qu’on puisse construire des éoliennes offshore dans des délais raisonnables.

Madame Battistel, vous m’avez d’abord interrogé sur le cadre de la régulation. Nous avons en effet formulé des propositions afin qu’une nouvelle régulation puisse s’inscrire dans le principe – figurant d’ailleurs dans le discours du Président de la République du 27 novembre dernier – d’un nouveau mécanisme se substituant au mode de calcul de l’ARENH. Il s’agirait d’instaurer un plafonnement du tarif afin que les consommateurs ne subissent pas de plein fouet la volatilité des prix lorsque ceux-ci connaissent une forte hausse, assorti d’un prix plancher – qui n’existe pas aujourd’hui –, afin que nous n’ayons pas, dans le contexte d’une baisse des tarifs, à remettre en cause nos investissements ou à mettre en place des mesures exceptionnelles pour les maintenir.

C’est le principe du corridor, qui est plus ou moins explicite dans le discours du Gouvernement, auquel nous travaillons avec lui, et qui peut faire partie des propositions que nous ferons dans le cadre de l’invitation faite par M. de Rugy de réfléchir à ces questions alors que des interpellations se font jour au moment où la CRE recommande une hausse significative des tarifs.

Votre question portant sur l’autoconsommation se situe dans l’anticipation, car, si elle est intéressante, elle demeure pour l’instant marginale et ne concerne que 10 000 ou 20 000 foyers français, alors que nous sommes dans un monde qui compte 35 millions d’autoconsommateurs.

Nous pouvons nous préparer à concilier le centralisé et le décentralisé, à redéfinir – chose qui doit interpeller notre régulateur, la CRE – ce qu’est une installation privée par rapport au régime public, ce qui relève des systèmes de péréquation et ce qui, au contraire, peut être produit et consommé dans un cadre privé. Nous avons cependant un peu de temps devant nous, car il est aujourd’hui plus intéressant pour les ménages de construire des panneaux solaires et de revendre toute l’électricité à EDF. Certains en consomment eux‑mêmes une partie et revendent le solde à EDF.

Ce sujet ne manquera pas de faire couler beaucoup d’encre à l’avenir, mais ne constitue pas pour l’instant une préoccupation opérationnelle, même si c’est avec raison que vous soulignez que nous devons nous en préoccuper et la faciliter. L’autoconsommation amènera nos concitoyens à davantage de sobriété et de prise de conscience de l’importance des questions relatives à l’énergie. EDF sera conduite dans peu de temps à travailler davantage avec la CRE, et ce d’autant plus que nous nous sommes réorganisés de façon à faire de l’autoconsommation le fer de lance de nos nouvelles offres commerciales. Nous pensons effectivement être leader sur le marché français, et le nombre de foyers installant des panneaux solaires sur leur toiture et pratiquant l’autoconsommation commence à être un peu plus élevé, ce qui était embryonnaire par le passé.

Vous m’avez encore interrogé sur les barrages. Comme vous le savez, la France a reçu, et EDF était en copie, une nouvelle mise en demeure de la Commission européenne. Nous ne sommes pas les seuls puisque huit États européens ont été concernés, et que la France va donner une réponse dans quelques jours.

Je crois qu’il y a deux poids et deux mesures en Europe en fonction de différentes considérations qui ne semblent guère rationnelles. On voudrait ainsi pénaliser EDF simplement parce qu’elle gère bien ses barrages, et que l’écosystème que nous avons créé autour de ces installations constitue une exception française. Nous avons en effet trouvé un bon équilibre entre la valorisation de l’eau pour sa valeur énergétique et l’ensemble des systèmes économiques, sociaux, du tourisme, du sport et de l’irrigation vivant autour des barrages.

C’est pourquoi nous ne voulons pas rompre cet équilibre ; et je veux, à cet égard, vous remercier pour votre action constante ainsi que pour votre soutien. Nous tâchons de combattre cette vision très particulière de la Commission européenne du système hydraulique français.

À M. Ruffin, je rappellerai que ce n’est pas uniquement EDF qui fixe la répartition entre la part de l’abonnement et part de la consommation. Un chèque énergie a été mis en place, qui est un moyen important de combattre une certaine forme de précarité énergétique.

Le chèque énergie constitue-t-il le meilleur outil, dans la mesure où les intéressés doivent aller le toucher une fois qu’ils l’ont reçu ? Il est probablement trop tôt pour le dire puisque le ministère, qui gère le dispositif et qui est à l’origine de la modification apportée au régime des tarifs sociaux de l’énergie ayant conduit à l’institution de ce mécanisme, aura certainement à en établir le bilan.

En tout état de cause, EDF est déterminée à aider ceux qui connaissent la précarité énergétique en mettant en œuvre les moyens de la combattre ; à cet égard, je veux souligner que près de 350 de nos salariés s’emploient à temps plein à travailler dans les quartiers avec les travailleurs sociaux pour aider les personnes en situation de difficulté énergétique à surmonter ce problème d’accès à l’énergie. C’est ainsi que nous avons mis en place ce système de conseillers très décentralisés auprès des associations, des services de l’État ou des municipalités qui s’occupent de ces sujets.

Je voudrais encore répondre à M. Ruffin que tout le système énergétique est fondé sur des péréquations, et qu’il existe des mécanismes de modulation de ces péréquations. Je souhaite rappeler qu’il existe une péréquation géographique tout à fait essentielle, ce que l’on a tendance à oublier, qui fait que le prix de l’électricité est le même dans le centre de Paris, dans un village rural ou dans les territoires d’outre-mer, ce qui est un des fondements de la République et d’EDF. Nous ne sommes pas dans un système qui pourrait exister dans d’autres circonstances où les prix seraient différenciés. Nous pratiquons un prix unique, nous avons mis en place un système pour les précaires, et nous sommes le cœur d’un mécanisme de péréquation extrêmement puissant au sein du système énergétique français.

M. Wulfranc m’a interrogé sur la fiscalité des factures ; à cette question je répondrai que l’État dispose des moyens de la moduler en fonction de l’évolution des autres composantes. N’étant pas compétent sur ces sujets, je ne répondrai pas plus avant.

M. le président Roland Lescure. Je suis saisi de neuf demandes de prise de parole. Madame la présidente de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, je vous remercie de votre présence et vous donne la parole en premier.

Mme Barbara Pompili. Toute la programmation pluriannuelle de l’énergie est fondée sur l’hypothèse de la prolongation de la durée de vie des réacteurs nucléaires à plus ou moins cinquante ans. Or, le président de l’Autorité de sûreté nucléaire, M. Bernard Doroszczuk, a déclaré le 11 avril dernier à un organe de presse que la prolongation à quarante ou cinquante ans n’est pas acquise, et que l’ASN ne s’est pas encore prononcé sur les dispositions génériques qui ont été proposées par EDF pour l’amélioration du niveau de sûreté des réacteurs à 900 mégawatts. L’Autorité rendra son avis sur ces dispositions fin 2020. Ensuite, dans le calendrier d’arrivée des réacteurs à quarante ans, elle délivrera au cas par cas une autorisation de prolongation après vérification de leur état de sûreté et des améliorations apportées. Mais il y a encore des sujets qui ne sont pas tranchés.

L’hypothèse qu’un certain nombre de réacteurs ne reçoivent pas cette autorisation de prolongation au-delà de quarante ans ne peut donc pas être écartée. Pouvez-vous nous indiquer quelles sont les mesures de précaution que vous avez prévues pour faire face à cette éventualité, alors que le nombre de réacteurs concernés n’est pas négligeable ? Comment éviterez-vous, le cas échéant, d’avoir à recourir à des énergies fossiles qui augmenteraient nos émissions de gaz à effet de serre ?

Mme Huguette Tiegna. La commission des affaires économiques et la commission du développement durable ont saisi l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) pour qu’elle produise un rapport sur la fin de la commercialisation des véhicules émettant des gaz à effet de serre.

Les travaux ont été basés sur les scénarios prévoyant un mix énergétique de 50 % d’énergie renouvelable et 50 % d’énergie nucléaire. Or, qui dit mobilité décarbonée, c’est‑à‑dire mobilité propre, doit déterminer comment atteindre nos objectifs de mix énergétique entre 2035 et 2040.

Les sources d’énergie sont nombreuses, ainsi la France exploite-t-elle aujourd’hui entre 10 % et 12 % de son énergie hydroélectrique ; le barrage de la Truyère, par exemple, est exploité à 20 %, même si des incertitudes dues à la concession, dont le sort doit se régler au niveau européen, demeurent. La question est de savoir quels sont les objectifs d’EDF en matière d’énergie hydroélectrique, qui constitue la première source d’énergie française renouvelable.

Par ailleurs, beaucoup de chercheurs se sont intéressés aux hydroliennes. EDF a‑t‑elle encore des projets dans ce domaine ?

M. Martial Saddier. Vous avez considéré, Monsieur le président, que les centrales nucléaires sont partie intégrante du patrimoine de la Nation.

Je souhaiterais insister sur un autre patrimoine que je place au même rang ; le patrimoine hydroélectrique et les grands barrages français. Ils ne représentent pas seulement 12 % de la production hydroélectrique et la première source d’énergie verte, mais aussi 7 milliards de mètres cubes d’eau douce, soit l’équivalent de sept fois le lac d’Annecy. Sept lacs d’Annecy stockés dans les barrages français !

L’usage multiple de ces 7 milliards de mètres cubes d’eau ne fait plus débat ; il concerne l’alimentation en eau potable, l’agriculture et le tourisme. Ils sont aussi écrêteurs de crues, à l’heure où nous connaissons des évènements climatiques très importants dans le sud‑est de notre pays. Le bassin Rhône-Méditerranée, dont j’ai l’honneur de présider le comité, représente 65 % de cette production hydroélectrique.

Je voudrais, Monsieur le président-directeur général, vous assurer du soutien de tous les acteurs du comité de bassin Rhône-Méditerranée, au moment où nous parlons d’ouverture à la concurrence, pour se battre avec vous afin que nos infrastructures hydroélectriques soient reconnues d’intérêt général, et que nos grands barrages soient définitivement identifiés comme relevant du patrimoine commun de la Nation. Partagez-vous ce point de vue, Monsieur le président-directeur général ?

Mme Delphine Batho. Je souscris pleinement à ce qui vient d’être dit, et je vous remercie, Monsieur le président Lescure, de bien vouloir demander au Gouvernement de nous communiquer la réponse à la mise en demeure de la Commission européenne, qui doit être rendue publique en toute transparence.

Monsieur le président Lévy, vous avez évoqué la question du carbone, c’est pourquoi je vous pose la question : que diable EDF va-t-elle faire dans l’importation en France de gaz de schiste américain ?

Si la priorité est d’en finir avec le carbone, nous ne pouvons pas être complices de l’exploitation du gaz de schiste américain alors que nous l’avons interdit sur notre propre sol. Je souhaite donc vous interroger sur le contrat passé par EDF avec l’entreprise américaine Cheniere, et savoir s’il est possible d’y mettre fin.

Ma seconde interrogation porte plus sur la politique énergétique du Gouvernement, qui n’est qu’une stratégie de relance du nucléaire et d’engagement d’un nouveau programme nucléaire. Vous avez indiqué que les décisions seraient prises en 2021, mais elles sont déjà à l’œuvre puisqu’actuellement EDF achète les terrains proches de certaines centrales nucléaires en prévision de la construction de nouveaux réacteurs.

Cette stratégie me paraît dangereuse pour la Nation au regard d’enjeux de sûreté, mais aussi à cause des problèmes industriels de la filière nucléaire ainsi qu’à sa compétitivité économique. J’observe d’ailleurs que nous n’avons pas parlé des liens avec le changement climatique, ainsi cet été des réacteurs ont-ils été mis à l’arrêt au cours de phases de canicule.

Pour ces raisons, dans le contexte de perte de compétitivité de la filière nucléaire et de réchauffement climatique que nous connaissons, fonder la stratégie d’EDF pour l’avenir sur le nucléaire ne me paraît pas constituer un choix sûr et efficient.

M. le président Roland Lescure. En ce qui concerne la stratégie nucléaire, je rappelle qu’un projet de loi relatif à l’énergie et au climat va être discuté au sein de notre commission les 18 et 19 juin prochains pour être examiné dans l’hémicycle au cours de la dernière semaine du même mois.

M. Dominique Potier. Un débat national sur le stockage des matières radioactives s’ouvre autour du site de Bure. Le cas échéant, EDF a-t-elle prévu l’organisation d’un stockage en subsurface ? Les réserves de déchets et les moyens financiers prévus permettent‑ils d’envisager un stockage dans tous les cas de figure ?

Par ailleurs, EDF est l’un des acteurs majeurs du parc photovoltaïque, or le déploiement au sol des panneaux solaires peut poser des problèmes de concurrence avec d’autres fonctions du sol, notamment dans le domaine de la résilience climatique : quelle doctrine avez-vous adoptée en la matière ?

Enfin, les certificats d’économie d’énergie (CEE) ont parfois donné lieu à des dérives de pratiques low cost délétères dans le secteur du bâtiment. EDF pourrait-elle être chef de file d’une transition énergétique accessible aux plus modestes, mais de grande qualité ?

M. Jean-Bernard Sempastous. Je souhaiterais aborder sous un autre prisme la question de l’énergie hydraulique que vous avez déjà évoquée.

S’agissant du potentiel de la filière, vous avez rappelé qu’EDF s’est engagé dans un important programme de l’hydraulique. Je sais qu’au-delà des concessions existantes, de nouveaux projets de centrales demandent à exister, pour lesquels des opérateurs économiques et des collectivités sont forces de proposition.

C’est pourquoi je soutiens l’idée de lancement d’initiatives publique comme des appels d’offres afin de permettre à ces projets d’émerger, car le potentiel existe. Nous devons aussi penser à valoriser les compétences scientifiques et techniques des exploitants pour garantir leurs capacités dans le domaine de la recherche-développement et de l’innovation. Comment votre groupe s’est-il engagé dans ce sens ?

Par ailleurs, comme le Gouvernement, j’ai toujours soutenu le principe d’une égale concurrence dans le renouvellement des infrastructures. Bien entendu, EDF doit avoir ses chances, et je connais votre savoir-faire en montagne dans le dialogue avec les territoires et les sous-traitants afin de prendre en compte les spécificités locales et la complexité des sujets touchant à l’hydraulique.

Cette complexité doit d’ailleurs nous conduire à réfléchir à la mise en œuvre de formules partenariales entre les opérateurs économiques, qui pourraient rester majoritaires dans le capital, et d’autres acteurs publics, particulièrement des collectivités.

Quelle est votre position à ce sujet ?

Mme Christine Hennion. Je souhaiterais, Monsieur le président-directeur général, revenir sur le sujet du numérique et l’exploitation des données par EDF que nous avons peu abordé aujourd’hui.

Il me semble important qu’EDF devienne un des grands acteurs dans ce domaine, alors que vous avez indiqué que le groupe utilisait ces données pour ses besoins internes, ses applications industrielles, et qu’il soutenait un écosystème de start-ups.

Je rappelle toutefois que la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a mis en demeure certains opérateurs parmi vos concurrents au sujet des données personnelles. Pouvez-vous expliquer comment EDF sécurise et protège les données de ses clients en tenant compte de leur confidentialité ?

Mme Véronique Hammerer. Je tiens tout d’abord à saluer le travail fourni par EDF dans la production et le développement de l’énergie en France. Ainsi, la centrale nucléaire du Blayais, lauréate du prix « Performance globale » dans le cadre du challenge production nucléaire, en constitue-t-elle un exemple notoire.

Votre engagement dans la nouvelle PPE pour le déploiement de l’énergie éolienne dans notre pays illustre votre investissement dans ce domaine. J’appelle toutefois votre attention sur les caractéristiques de certains territoires ainsi que sur la méthode de déploiement de l’énergie éolienne.

En dépit de ma préférence marquée pour l’éolien offshore, je souhaite vous interpeller au sujet du projet d’implantation d’une quarantaine d’éoliennes terrestres sur l’estuaire de la Gironde par EDF Renouvelables. Plus grand estuaire d’Europe, il incarne tout ce que nous devons protéger pour les générations futures. Il constitue un couloir de migration avifaune, bordé de marais humides aux écosystèmes rares autant que fragiles. Il est inclus dans le parc littoral marin, classé en zone Natura 2000 et protégé par un schéma de cohérence territoriale (SCoT) qui interdit toute construction sur la ligne de côte.

Les enjeux environnementaux sont tels qu’EDF Renouvelables va lancer une concertation préalable cet été. En tant que députée, je ne peux que constater la mobilisation massive des citoyens contre ce projet, vécu comme régressif, voire incohérent.

Toutefois, il me semble intéressant d’aborder une approche globale et territoriale de la transition écologique, qui permet, dès la phase du diagnostic, de travailler avec tous les acteurs concernés, entreprises, associations et élus locaux, tout en s’appuyant sur les potentiels énergétiques des territoires. Les contrats de transition écologique (CTE) initiés par le Gouvernement, portant cette philosophie, cette méthode de travail rend possible une telle démarche.

EDF Renouvelables gagnerait à partager cette dynamique collective de concertation dans des territoires souffrant déjà d’un déficit de considération.

Vous comprendrez, Monsieur le président-directeur général, que c’est sur la méthode que je souhaite vous interroger. Développer la mixité énergétique est en effet plus que nécessaire ; non pas parce qu’il le faut, mais parce que c’est efficient.

M. Jean-Bernard Lévy. Mme Pompili a rappelé les recommandations de l’ASN, qui par définition s’imposent à nous. Nous appliquerons donc ses décisions portant sur la prolongation des centrales, comme nous l’avons fait lorsque récemment elle nous a demandé de pratiquer des travaux correctifs sur un site important dans la vallée du Rhône. C’est d’ailleurs bien pour cela qu’il y a une autorité indépendante : pour que ses décisions soient respectées.

J’ajoute que, lorsque nous travaillons à nos obligations de fourniture d’énergie, nous prévoyons des marges. Le contraire reviendrait à manquer de considération envers nos clients, puisque nous devons en permanence assurer que nous sommes capables d’apporter l’électricité au niveau de ce qu’ils consomment. C’est pourquoi nous devons à chaque instant prévoir un éventuel manque de production, car des interruptions fortuites de telle ou telle unité sont toujours susceptibles de survenir. Au cours des derniers mois du mandat de M. Chevet, l’ASN avait d’ailleurs rappelé dans des déclarations publiques que l’ensemble de ceux qui planifient, EDF et Réseau de transport d’électricité (RTE) pour leurs comptes respectifs, doivent prévoir des marges, car, à tel ou tel moment, des évènements sont susceptibles de se produire, qui amènent à ne pas disposer tous les moyens attendus.

Notre objectif est donc de prévoir ces marges et d’anticiper afin d’éviter dans tous les cas d’augmenter le recours aux énergies fossiles dans notre pays. Il y a un an, j’ai d’ailleurs pris des engagements très clairs au sur la baisse des productions de dioxyde de carbone par l’ensemble du groupe EDF entre 2015 et 2030. Cela de façon à compléter notre stratégie pour 2030 en nous engageant à ne pas dépasser 30 millions de tonnes de CO2 émises ; ce qui n’était pas prévu au départ. Nous sommes d’ailleurs un peu en avance sur la trajectoire qui nous permettra d’atteindre ce seuil ; je peux donc vous assurer que nous éviterons la reconstruction de moyens fossiles.

Vous avez été nombreux à m’interroger sur la question de l’hydroélectricité, qui constitue pour nous un objectif important. Au-delà du fait que pendant encore longtemps l’hydroélectricité constituera la première source d’énergie renouvelable en France, son rôle dans les territoires est méconnu. De plus, la partie de cette ressource qui n’est pas produite au fil de l’eau des rivières, celle qui est stockée dans des barrages et en constitue l’essentiel, est pilotable, elle se commande en fonction des besoins. L’eau peut d’ailleurs être pompée à nouveau du bas vers le haut lorsque la conception des installations offre cette possibilité.

L’hydroélectricité fait donc bien partie de notre patrimoine commun. Et j’avoue ne pas comprendre l’acharnement que met la Commission européenne à vouloir à tout prix ouvrir à la concurrence un secteur qui fonctionne bien, et qui, dans aucun autre pays, n’y est ouvert de la façon dont elle le souhaite. Aucun autre pays n’a engagé ce que Bruxelles demande à la France avec insistance. Il y a donc sûrement une incompréhension sur le principe même de mettre en concurrence ce patrimoine commun, qui de l’avis général fonctionne bien.

Je mets d’ailleurs cette occasion à profit pour rendre hommage à tous les parlementaires, dont certains sont présents, qui se dépensent sans compter pour nous aider à soutenir ce dossier. Je veux encore rendre hommage au corps social et aux représentants des salariés d’EDF qui, eux aussi, nous accompagnent dans ce débat.

À Mme Tiegna, qui m’a interrogé sur les hydroliennes, j’indique que nous en avons testé quelques-unes ; elles constituent une énergie d’appoint qui pourra être intéressante le moment venu. Le potentiel est réel, mais pas considérable, nous considérons toutefois que, dans le domaine des énergies nouvelles, il faut tout essayer.

Une nouvelle génération d’hydroliennes un peu plus robuste fera peut-être son apparition. Nous continuons de suivre ce dossier ; les installations que nous avons testées en Bretagne n’ayant pas donné toute satisfaction, nous attendons la survenance de progrès techniques.

M. Sempastous m’a questionné au sujet des partenariats dans les territoires. Certains mécanismes ont été prévus par la loi de transition énergétique de 2015, particulièrement la création de sociétés d’économie mixte. Cela n’a pas vraiment été testé ; si l’État souhaite s’engager dans cette voie, nous l’accompagnerons. Mais c’est à lui qu’il revient de mettre en œuvre ce mécanisme qu’il a lui-même prévu par cette loi.

À Mme Batho, je répondrai que notre stratégie n’est pas le tout nucléaire ; cette conception est loin derrière nous. La stratégie pour 2030, mise en place depuis quatre ans, consiste à trouver le bon équilibre dans le mix électrique entre les énergies renouvelables –dont on sait qu’elles ne peuvent pas tout faire – et le nucléaire dont nous savons qu’il est un atout considérable pour notre pays puisqu’il nous permet, à l’exception de la Norvège et de l’Islande, d’être les champions européens en termes d’émissions de dioxyde de carbone.

Conservons donc cet atout formidable qui consiste à être très en avance sur la politique climatique, ainsi que celui de disposer d’une électricité moins chère que tous nos pays voisins ; trouvons le bon équilibre entre énergie nucléaire et énergies renouvelables. Et je ne dirai pas qu’il faut relancer le nucléaire, mais en garder ce qu’il faut afin de conserver une énergie compétitive et pilotable, car il est de notre responsabilité collective de faire en sorte qu’il y ait toujours de l’électricité.

Je pourrais me réfugier derrière RTE, qui a la charge de l’équilibre entre l’offre et la demande au plan national, mais je ne le ferai pas. EDF est parfaitement conscient qu’en sa qualité de premier producteur d’électricité en France, il lui revient de trouver le juste équilibre entre électricité d’origine nucléaire et renouvelable, et nous proposerons, le moment venu, de construire de nouvelles centrales nucléaires. Nous n’avons pas l’intention d’engager notre pays dans la voie des énergies fossiles, ni dans l’aventure du tout renouvelable, car personne ne sait aujourd’hui si cette solution est viable pour un pays de la taille de la France, alors qu’aujourd’hui notre électricité est décarbonée et compétitive. Les batteries posent aujourd’hui des problèmes environnementaux sérieux – extraction des métaux rares, contenu en dioxyde de carbone – et nous ne pouvons pas tout miser sur le stockage de l’électricité.

S’agissant de l’impact des canicules, il nous arrive en effet, pour le respect des normes environnementales concernant la température de l’eau dans les fleuves, de ralentir voire d’arrêter le fonctionnement de certaines centrales nucléaires. C’est en été, donc à une période où la demande en électricité est moindre. C’est un sujet bien connu, que nous maîtrisons, et nous avons parfaitement surmonté la grande canicule de 2003, alors que nous n’avions aucun parc solaire. Aujourd’hui, notre parc solaire pourrait atténuer l’effet d’une canicule identique.

Monsieur Potier, vous avez mentionné le stockage et les certificats d’économie d’énergie…

Mme Delphine Batho. Vous ne m’avez pas répondu sur le gaz de schiste.

M. Jean-Bernard Lévy. Pardon. Un contrat a été signé avec la société Cheniere afin qu’elle nous fournisse du gaz. Ce n’est ni spécifiquement du gaz de schiste, ni un autre type de gaz, il n’y a aucune garantie d’origine…

Mme Delphine Batho. Si, si, c’est du gaz de schiste !

M. Jean-Bernard Lévy. Non, je vous l’assure, Madame Batho.

Mme Delphine Batho. Je peux vous assurer qu’il s’agit de gaz de schiste, importé en France des États-Unis.

M. Jean-Bernard Lévy. Il n’y a aucune garantie d’origine en ce qui concerne ce gaz. Nous devons répondre aux besoins en gaz de nos clients, et nous nous approvisionnons dans différentes parties du monde. Une part du gaz importé vient de Libye, une autre part vient du Qatar, une autre des États-Unis ou d’autres régions du monde. Nous n’avons pas l’intention de soutenir l’exploration de gisements de gaz de schiste, si c’est le sens de votre question. Nous ne participons à aucun projet de recherche de gaz de schiste.

En ce qui concerne le stockage en surface ou en souterrain des déchets nucléaires, nous avons prévu, conformément à la loi, le stockage dans l’installation de Bure. Nous y travaillons, il s’agit pour l’instant de valider le concept avec une installation expérimentale et il faut encore quelques années avant de tirer un premier bilan. La décision définitive d’utiliser Bure comme lieu de stockage souterrain sera prise le moment venu, lorsque tous les résultats de l’expérimentation seront disponibles.

C’est un sujet de politique énergétique qui sera peut-être abordé au moment de la conclusion du plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs. Pour l’instant, la France a fait le choix du stockage souterrain, comme quelques autres pays, notamment dans le nord de l’Europe.

S’agissant des installations photovoltaïques et de la concurrence avec d’autres utilisations du sol, nous sommes parfaitement conscients de l’attachement des Français, en particulier dans les campagnes, à la préservation des zones de forêt et de cultures. Nous n’avons pas l’intention d’aller attaquer les forêts ou les zones cultivées pour y placer des installations photovoltaïques. Si nous concentrions toutes les installations photovoltaïques dont nous avons besoin en un seul endroit, l’espace nécessaire semblerait très important, mais en réalité le nombre d’hectares requis par notre plan solaire est tout à fait accessible avec le solaire en toiture et le solaire au sol, qui sera réparti dans des friches industrielles, des terrains abandonnés et d’autres dont nous sommes en train de discuter la disponibilité avec l’État. Nous n’avons absolument pas l’intention de détourner de leur vocation agricole ou forestière des zones cultivées ou des forêts. Nous avons la possibilité de développer le plan solaire sans employer ces sols.

Au sujet des CEE, vous avez raison et nous avions fait part de nos soucis dès que les décisions ont été prises. La quatrième période de CEE, décidée par le Gouvernement précédent, nous a imposé des engagements extrêmement élevés, qui entraînent probablement des abus. Ce n’est pas à nous de le démontrer, mais nous sommes extrêmement vigilants. Nous avons mis en place, en interne, un suivi vigilant des CEE que nous présentons ensuite à la valorisation. EDF essaie d’être exemplaire sur ce point, des audits vont être réalisés sur ce schéma, et il est possible que la volonté de fixer des objectifs trop élevés ait eu des effets sur les tarifs. Il ne me revient pas d’en parler trop, mais il est clair que les CEE ont un effet dans la hausse des tarifs. Cela pourrait être modulé, mais il revient au Gouvernement de se saisir du sujet. Peut-être existe-t-il des abus, mais nous veillons, avec nos partenaires artisans, que nous sélectionnons et que nous contrôlons systématiquement, à ne pas participer à ces éventuels abus. Je parle bien d’abus éventuels, car je n’ai pas de preuves et je ne voudrais pas aller plus loin.

Madame Hennion, vous avez parlé du numérique. Pour nous, la donnée est une matière première fondamentale de notre performance, vous le savez pour avoir travaillé pour un groupe industriel. La protection des données est une responsabilité tout aussi fondamentale, nous avons un correspondant informatique et libertés depuis bientôt quinze ans, il est aujourd’hui délégué à la protection des données en application des nouveaux règlements européens. Le groupe a mis en place une politique éthique et conformité qui inclut la protection des données et fait en sorte que toutes nos entités, dans la maison mère ou la filiale, soit conforme avec le règlement général sur la protection des données (RGPD). Nous prenons soin d’informer tous nos clients et partenaires de l’utilisation de leurs données personnelles. Enedis et EDF veillent à recueillir l’accord exprès de leurs clients pour toute transmission de données fines de consommation, évidemment anonymisées. Enedis est légalement contraint de transmettre au fournisseur les données nécessaires à la facturation, mais dès lors qu’il s’agit d’un traitement allant au-delà de la facturation, nous avons mis en place tous les moyens pour recueillir un accord exprès de nos clients.

Nous avons mis en place une organisation pour accélérer le traitement des questions posées par les personnes qui s’interrogent sur ce qu’il advient de leurs données, de façon à raccourcir le délai de réponses de deux à un mois. C’est une des dispositions les plus exigeantes du RGPD, et nous tenons à démontrer que nous satisfaisons cette exigence.

Madame Hammerer, vous m’interrogez sur les difficultés rencontrées lors de la concertation autour du projet d’implantation d’éoliennes en Gironde, sur le versant nord de l’estuaire. La méthode et l’approche retenue ont-elles été les bonnes ? Nous devons tenir compte de la nécessité de répondre aux règles, mais aussi aux besoins des populations. J’espère que cette approche territoriale, qui ne peut être gérée que par les délégués d’EDF  Renouvelables sur le terrain, permettra d’aboutir à une solution satisfaisante. C’est un projet important pour l’équilibre de la région. Je tiens vous remercier pour les mots que vous avez eus pour nos collègues du Blayais, qui ont réalisé en 2018 une performance tout à fait exceptionnelle.

M. le président Roland Lescure. Je vous remercie, Monsieur Lévy.

*

*     *

Les réponses de M. Jean-Bernard Lévy au questionnaire qui lui avait été soumis sont disponibles à l’adresse suivante :

http://assnat.fr/5AocjD.

*

Après le départ de M. Jean-Bernard Lévy, il est procédé au vote sur la nomination par appel à la tribune et à bulletins secrets.

Les résultats du scrutin sont les suivants :

Nombre de votants

Bulletins blancs ou nuls

Suffrages exprimés

Pour

Contre

Abstention

*

*     *

La commission a ensuite procédé à l’examen de la proposition de loi, modifiée par le Sénat, pour la protection foncière des activités agricoles et des cultures marines en zone littorale (n° 1758) (M. Jimmy Pahun, rapporteur).

Mme Marie-Noëlle Battistel, présidente. Nous allons examiner la première des trois propositions de lois relevant de la compétence de notre commission que le groupe Mouvement Démocrate et apparentés (Modem) souhaite inscrire à l’ordre du jour de sa « niche » du 9 mai.

La commission n’a été saisie d’aucun amendement, et il est envisageable d’adopter le texte conforme en séance publique. La Conférence des présidents a d’ailleurs prévu une procédure simplifiée pour l’adoption de ce texte dans l’hémicycle.

M. Jimmy Pahun, rapporteur. Mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner en deuxième lecture la proposition de loi déposée en octobre dernier par le groupe Modem « pour la protection foncière des activités agricoles et des cultures marines en zones littorales ».

Pour rappel, cette proposition de loi a été adoptée à l’unanimité en première lecture à l’Assemblée nationale le 29 novembre 2018 grâce, notamment, à toutes les améliorations que nous avons collectivement apportées à ce texte en commission. Je tiens à vous en remercier de nouveau.

Cette proposition de loi a ensuite été rapidement inscrite à l’ordre du jour du Sénat, à la demande du groupe La République en Marche, et adoptée à l’unanimité le 6 mars dernier. Je me félicite de cette unanimité, qui démontre une fois encore que les constatations à l’origine de cette proposition de loi et les mesures prévues sont partagées par l’ensemble des groupes politiques.

Je souhaiterais remercier les sénateurs pour l’esprit dans lequel ils ont discuté ce texte, et tout particulièrement M. Daniel Gremillet, rapporteur au Sénat. Les chances qu’une proposition de loi parvienne au terme de la navette parlementaire résident dans le maintien de sa concision et dans des enrichissements consensuels. Le Sénat a donc adopté conformes les trois articles qui constituaient le texte issu de l’Assemblée nationale, il a précisé le titre de la proposition de loi et n’a introduit qu’un nouvel article.

Avant d’évoquer ce nouvel article, le seul restant en discussion, je souhaite rappeler les raisons pour lesquelles l’adoption de cette proposition de loi est, à mes yeux, cruciale. Il s’agit essentiellement de préserver nos activités agricoles en zone littorale et de protéger notre bord de mer, espace rare et convoité, contre la spéculation foncière. Les chiffres sont très parlants : le rythme d’artificialisation des communes littorales est 2,6 fois plus élevé que sur le reste du territoire. Il en va de même de la disparition des terres agricoles ces quarante dernières années, qui est 2,5 fois plus rapide que la moyenne métropolitaine.

Les trois premiers articles de la proposition de loi, adoptés conformes par le Sénat, tendent donc à lutter contre ces phénomènes. Ils renforcent, pour ce faire, le droit de préemption des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER), dont la mission est d’acquérir des biens agricoles – terrains ou bâtiments – et de les rétrocéder aux personnes capables d’en assurer la gestion, la mise en valeur ou la préservation ; le plus souvent des exploitants agricoles.

Il existe aujourd’hui un vrai « trou dans la voile », car les SAFER ne peuvent préempter des bâtiments ayant eu un usage agricole pour leur rendre un tel usage que si cette activité agricole a été exercée au cours des cinq années précédant l’aliénation. Il suffit donc aux propriétaires de bâtiments agricoles d’attendre cinq ans pour éviter une préemption par les SAFER et revendre leur bien plus cher à des non-professionnels. L’objectif de la proposition de loi est de combler ce trou et de permettre aux SAFER de préempter des bâtiments qui ont eu un usage agricole si l’activité agricole a été exercée au cours des vingt années précédant la vente. Je pense que cette mesure sera réellement dissuasive à l’égard des contournements rencontrés dans les communes littorales, tout en présentant des garanties au regard du droit de propriété.

J’en viens désormais au seul article restant en discussion. Cet article reconnaît l’exploitation de marais salants comme une activité agricole. Il s’agit d’une demande forte des saliculteurs depuis un certain nombre d’années. L’activité salicole, qui n’est ni une production végétale, ni animale, n’est pas considérée aujourd’hui comme une activité agricole au titre de l’article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime. La saliculture n’étant pas considérée comme une activité agricole, ni les marais salants, ni les bâtiments affectés à la production du sel issu des marais salants ne sont pleinement considérés comme des biens à usage agricole soumis au droit de préemption des SAFER.

La reconnaissance de la saliculture comme activité agricole permettra donc aux SAFER de préempter des terrains ou des bâtiments qui auraient été utilisés pour l’exploitation de marais salants au cours des vingt années précédant leur aliénation, afin de leur redonner un usage agricole. Cette disposition va dans le sens d’une meilleure préservation de la saliculture en zone littorale. Les saliculteurs y sont, en effet, confrontés aux mêmes pressions touristiques, démographiques et foncières que les autres agriculteurs.

Cette disposition me semble également être de bon sens dans la mesure où les saliculteurs sont déjà assimilés à des agriculteurs à plusieurs titres : l’activité d’exploitation de marais salants ouvre aujourd’hui droit à l’affiliation au régime de protection sociale des non‑salariés et des salariés des professions agricoles ; et les exploitants de marais salants sont aujourd’hui soumis à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices agricoles.

Comme l’a indiqué, il y a tout juste un an, le ministre de l’agriculture et de l’alimentation devant notre commission, la reconnaissance de la production de sel issu des marais salants comme activité agricole permettra de sécuriser la situation des acteurs du secteur. Je suis ravi que cette proposition de loi puisse être le vecteur de cette reconnaissance.

Pour conclure, je souhaite dire à quel point je me réjouis du parcours de ce texte. Il a été élaboré, au départ, avec la profession et des élus du littoral, en particulier le maire de Saint-Philibert, pour répondre à une difficulté concrète liée à la transformation, en zone littorale, de bâtiments à usage conchylicole en habitations résidentielles, restaurants ou résidences secondaires. Il permet désormais, après examen en commission et en séance dans les deux assemblées, de préserver plus généralement les activités agricoles en zone littorale, et donc le littoral lui-même, en luttant contre l’artificialisation de son sol. Certes, renforcer le droit de préemption des SAFER ne résoudra pas toutes les difficultés qui se posent en zone littorale. Néanmoins, il s’agit d’une première étape vers une meilleure préservation des activités agricoles, dont je me félicite. Nous sommes tous ici conscients de l’importance des activités agricoles pour le maintien de notre patrimoine, le développement économique de nos territoires littoraux et la préservation de l’environnement.

Cette proposition de loi passera ensuite en procédure simplifiée en séance, le consensus général permettant l’effectivité du travail parlementaire. Comme l’a indiqué la présidente, cette proposition sera discutée en séance jeudi 9 mai. J’appelle de mes vœux un vote conforme en séance, de manière à ce que ce texte, fruit d’un travail de concertation mené avec l’ensemble des fédérations professionnelles et le rapporteur du texte au Sénat, puisse rapidement entrer en vigueur.

Mme Annaïg Le Meur. Nous nous retrouvons depuis le mois de novembre dernier pour examiner la proposition de loi de mon collègue breton Jimmy Pahun. Je salue d’ailleurs son engagement, tant à l’Assemblée qu’au Sénat, pour aboutir à un texte consensuel.

Cette proposition de loi traite d’un problème urgent sur nos littoraux, en particulier en Bretagne. Nos exploitations conchylicoles disparaissent de manière inquiétante face à la pression foncière en bord de mer. Dans le sud du Finistère, le phénomène est encore peu répandu, mais il se multiplie dans le Morbihan. Mon collègue Hervé Pellois pourrait en parler mieux que moi.

Ce problème est dû à deux facteurs. D’une part, nos communes littorales sont des territoires attractifs, où la population résidente augmente chaque année. L’urbanisation y est 2,5 fois plus rapide que dans le reste de la France métropolitaine.

D’autre part, les outils à disposition des opérateurs publics pour protéger le foncier agricole – dans le cas présent le droit de préemption des SAFER – ne sont plus adaptés. Le délai de cinq ans à partir de la cessation de l’activité agricole durant lequel les SAFER peuvent exercer leur droit de préemption est trop court. Il ne permet tout simplement pas d’enrayer de manière efficace la spéculation foncière exercée par une partie de la profession conchylicole.

C’est pourquoi nous avions porté ce délai à vingt ans en première lecture. C’est un bon compromis, qui devrait garantir la transmission des exploitations restantes à des professionnels. Au-delà de la disparition d’une exploitation lorsqu’elle est transformée illégalement en résidence, c’est toute une profession qui est en danger à terme.

C’est donc une position équilibrée que nous avons trouvée en première lecture entre la libre jouissance d’un bien privé et la sauvegarde d’un patrimoine agricole et économique.

Le groupe La République en Marche a toujours été favorable à cette proposition de loi. Après quelques aménagements, nous l’avons votée à l’unanimité l’année dernière. C’est aussi avec l’aide de notre groupe au Sénat que le texte a pu être examiné si rapidement en mars dernier. Mon seul regret est que le texte n’ait pas été adopté conforme par nos collègues sénateurs, qui ont ajouté un article. L’urgence se fait grande et les déclarations d’intention d’aliéner d’exploitations conchylicoles sont en forte hausse. Le nouvel article sur la saliculture est intéressant et légitime, mais était-ce le bon texte pour l’introduire ? J’en profite néanmoins pour saluer le travail de mes collègues Stéphane Buchou, Sandrine Josso et Yannick Haury mobilisés en faveur de la saliculture depuis le début du mandat.

Nous prendrons nos responsabilités. La procédure d’examen simplifié nous permettra de conduire nos travaux de manière rapide et efficace le 9 mai prochain. Pour l’heure, c’est à notre commission que je souhaite exprimer, au nom de mon groupe, tout notre soutien à ce texte.

Mme Marguerite Deprez-Audebert. Nous voici à nouveau réunis pour l’examen de la proposition de loi de notre collègue Jimmy Pahun sur la préservation de l’agriculture littorale, laquelle est essentielle à la vie socio-économique de nos territoires. L’agriculture est un gestionnaire efficace de l’espace, car elle contribue à contenir l’urbanisation et à préserver nos paysages. Elle joue également un rôle économique important par sa production, les emplois qu’elle procure, et indirectement, en approvisionnant en produits du terroir.

Inscrit dans la niche parlementaire du groupe Modem et apparentés le 29 novembre 2018, le parcours de cette proposition de loi a été rappelé par son auteur.

Le Sénat a procédé à deux modifications.

Il a ajouté un article permettant aux activités salicoles de bénéficier de l’extension du droit de préemption des SAFER dans les communes littorales, en les reconnaissant comme activité agricole. Cet article additionnel permet, en outre, de faire bénéficier aux exploitants saliculteurs de plusieurs dispositifs agricoles.

La proposition de loi ne vise que la protection foncière des activités agricoles et des cultures marines en zone littorale, principalement par le mécanisme du droit de préemption des SAFER. Le Sénat a donc souhaité faire apparaître la thématique foncière dans l’intitulé de la proposition de loi.

Les modifications effectuées par le Sénat sont tout à fait bienvenues et permettent de clarifier la situation juridique des exploitants saliculteurs.

Ainsi, trois articles sur quatre ont été adoptés conformes, et le dernier article sur la saliculture, ajouté par le Sénat, est lui aussi très consensuel.

Je souhaite que nous retrouvions, pour cette nouvelle lecture, l’unanimité qui nous avait rassemblés en première lecture. Il en va de l’avenir de la profession conchylicole et de la préservation des activités agricoles dans des zones extrêmement fragiles comme le littoral, victime de fortes pressions touristiques, démographiques et foncières.

Je rappelle que la réglementation actuellement en vigueur, relative au droit de préemption des SAFER, n’apparaît pas suffisante pour atteindre cet objectif. Les SAFER ne peuvent intervenir qu’en cas d’aliénation à titre onéreux de biens immobiliers ayant eu un usage agricole au cours des cinq années précédant l’aliénation. Dans la pratique, on constate que des exploitants attendent bien souvent l’expiration du délai de cinq ans afin de revendre leurs biens aux plus offrants, malgré les efforts des communes et des SAFER, que je salue pour leur engagement quotidien. Il semble donc important de modifier le cadre législatif en vigueur.

Mes chers collègues, je pense que nous partageons tous ici un attachement profond au maintien des exploitations agricoles. Ces activités sont en effet partie intégrante de nos territoires et de leur identité. Nous le savons toutes et tous, il n’est pas de protection environnementale sans acteurs forts de la filière agricole. Le rôle que joue la filière conchylicole pour la protection des milieux aquatiques est fondamental.

Mon groupe souhaite, grâce à cette proposition de loi, préserver ces économies locales qui valorisent nos paysages, respectent l’environnement et façonnent la spécificité de chaque espace.

M. Dominique Potier. Monsieur Pahun, je tiens à vous dire combien nous sommes fiers du travail que vous avez réalisé. Vous aviez sollicité mes conseils ainsi que ceux de mes collègues Anne-Laurence Petel et Jean-Bernard Sempastous, et nous avions été prudents en estimant que le projet de loi foncier, qui aurait pu contenir ces dispositions, n’était pas attendu à court terme. Nous avions raison. Il est heureux que vous ayez été pragmatique, précis et concret. Vous venez d’affirmer à nouveau votre humilité, ce n’est pas la solution magique, mais c’est une part de la solution au problème que vous avez parfaitement identifié et que vous réglez sans attendre une loi foncière, et c’est tant mieux.

En ouvrant ce chantier, vous éclairez les enjeux de la future loi foncière : se battre contre les logiques spéculatives qui détournent la terre de sa fonction nourricière et de son rôle dans la conservation de la biodiversité terrestre ou marine, et qui nous privent de ressources alimentaires précieuses et des valeurs ajoutées afférentes à ces activités. Il s’agit de choisir entre le court terme et l’économie au long cours, celle des ressources. Notre pays doit rester un pays producteur de biens alimentaires à forte valeur ajoutée. C’est une loi concrète pour des espaces précis, les littoraux, mais sa philosophie ouvre un chantier beaucoup plus vaste pour lequel nous nous battons.

J’échangeais à l’instant avec un ancien président de cette commission sur les perspectives de ce projet de loi annoncé par le Président de la République, et que le ministre de l’agriculture prépare pour l’année 2020. J’appelle solennellement l’attention de la commission des affaires économiques sur un enjeu que cette proposition de loi a dévoilé : lorsque nous annonçons un projet afin de lutter contre la spéculation, dans quelque domaine que ce soit, cela provoque immédiatement une accélération de cette spéculation. Vous avez, Monsieur le rapporteur, observé l’envolée des prix et l’existence de pratiques contournant la future régulation prévue dans cette proposition de loi. Ce texte est bienvenu bien qu’imparfait : le débat sur la montagne n’est pas réglé et a laissé une certaine amertume, le travail pourra être repris dans la loi foncière. Il y a des questions de délais : nous étions favorables à trente ans, la loi retient vingt ans.

Mais même imparfaite, cette proposition de loi a entraîné une accélération de la spéculation. Il y a une importante leçon à en tirer, j’ai alerté le ministre de l’agriculture à ce sujet, je le ferai solennellement dans l’hémicycle. Prévoir une loi foncière de la portée que nous envisageons impose de prendre du temps, d’écouter toutes les parties prenantes. Nous délibérons pour un demi-siècle, comme l’ont fait Messieurs Tanguy-Prigent et Pisani après la guerre pour créer le cycle de prospérité que nous avons connu dans l’agriculture. Il faut donc prendre son temps, mais sans être naïfs. Lorsque nous décidons de créer une nouvelle armature de régulation, il faut empêcher les désordres à court terme : dans l’agriculture et pour les sols, ils sont irréversibles.

Merci encore de ce travail, nous sommes très fiers de l’unanimité qui se dégage, et nous sommes surtout très fiers de nos conchyliculteurs qui vont trouver un outil de travail à la mesure de leurs ambitions et de leurs mérites.

Mme Sandrine Josso. Au nom de mes collègues Stéphane Buchou et Yannick Haury, je me félicite que les saliculteurs obtiennent le statut d’agriculteurs au cours de cette législature grâce à une correction du code rural et de la pêche maritime. Nous avons travaillé depuis le début de notre mandat sur ce dossier, et nous sommes ravis de contribuer au développement de cette filière.

M. Jimmy Pahun, rapporteur. Je vous remercie tous pour l’unanimité qui se dégage autour de cette proposition de loi. Puisque nous avons décidé de la voter en procédure simplifiée, je resterai bref !

La commission en vient à lexamen de larticle de la proposition de loi restant en discussion.

Article 5 (art. L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime) : Reconnaissance de lactivité dexploitation de marais salants comme une activité agricole

La commission adopte à lunanimité larticle 5, sans modification.

Puis elle adopte à lunanimité lensemble de la proposition de loi, sans modification.


Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 30 avril 2019 à 16 h 30

Présents.  M. Damien Adam, M. Patrice Anato, M. Erwan Balanant, Mme Delphine Batho, Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Anne Blanc, M. Yves Blein, M. Sébastien Cazenove, M. Anthony Cellier, Mme Michèle Crouzet, M. Rémi Delatte, M. Nicolas Démoulin, M. Fabien Di Filippo, M. José Evrard, M. Daniel Fasquelle, Mme Véronique Hammerer, Mme Christine Hennion, Mme Sandrine Josso, M. Guillaume Kasbarian, Mme Laure de La Raudière, Mme Célia de Lavergne, Mme Marie Lebec, Mme Annaïg Le Meur, M. Roland Lescure, Mme Graziella Melchior, M. Jean-Baptiste Moreau, M. Jérôme Nury, Mme Valérie Oppelt, M. Jimmy Pahun, Mme Anne-Laurence Petel, M. Dominique Potier, M. Benoit Potterie, M. Richard Ramos, M. François Ruffin, M. Jean-Bernard Sempastous, M. Denis Sommer, Mme Huguette Tiegna, M. Hubert Wulfranc

Excusés.  M. Grégory Besson-Moreau, M. Jean-Claude Bouchet, M. Julien Dive

Assistaient également à la réunion.  M. Jean-Charles Colas-Roy, Mme Marguerite Deprez-Audebert, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Barbara Pompili, M. Martial Saddier