Compte rendu

Commission
des affaires étrangères

– Audition, ouverte à la presse, de M. Pascal Canfin, directeur général du World Wide Fund for Nature (WWF) France, ancien ministre délégué au développement et du Contre-amiral Loïc Finaz, directeur de l’École de guerre, sur « Les conséquences du réchauffement climatique sur l’ordre mondial »

– Examen, ouvert à la presse, et vote sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Géorgie relatif au séjour et à la migration circulaire de professionnels (n° 1127) – M. Éric Girardin, rapporteur

– Informations relatives à la Commission

 

 

 


Mercredi
7 novembre 2018

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 017

session ordinaire de 2018-2019

Présidence
de Mme Marielle de Sarnez,
Présidente

 


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Audition, ouverte à la presse, de M. Pascal Canfin, directeur général du World Wide Fund for Nature (WWF) France, ancien ministre délégué au développement et du Contre-amiral Loïc Finaz, directeur de l’École de guerre, sur « Les conséquences du réchauffement climatique sur l’ordre mondial ».

La séance est ouverte à neuf heures trente.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Je suis très heureuse d’accueillir en votre nom Pascal Canfin, directeur général du World Wide Fund for Nature – plus connu sous le nom de WWF – et ancien ministre délégué au développement de 2012 à 2015, et, avec lui, l’amiral Loïc Finaz qui dirige l’École de guerre. Il vous semblera peut-être étonnant de les trouver réunis à la tribune. En fait, il n’en est rien parce qu’à la vérité, la lutte contre le dérèglement climatique est toujours – comme vous l'avez dit, je crois, Pascal Canfin – un investissement pour la paix et pour la sécurité. Nous savons tous, ici, que c’est aussi l’un des principaux défis auxquels nous sommes confrontés, depuis la fonte des glaces jusqu’à la montée des océans en passant par la déforestation ou encore la recrudescence des événements météorologiques extrêmes. Nombreuses sont, évidemment, les répercussions de nos modes de vie sur notre écosystème. Au-delà de la seule protection de l’environnement, c’est aussi la préservation de leur mondial qui est en jeu. C’est la raison pour laquelle cette double audition sera intéressante.

Les conséquences du réchauffement climatique, du tarissement des ressources naturelles et de la dégradation des écosystèmes entraînent des tensions géopolitiques accrues et déstabilisatrices à travers le monde entier.

Je suis très heureuse de vous recevoir tous les deux ce matin afin de bénéficier de vos réflexions croisées, puisque vous avez noué un partenariat sur cette grande question. C’est en l’apprenant que j’ai pensé qu’il serait une bonne idée de vous recevoir tous les deux. Je vous laisse la parole pour une dizaine de minutes chacun, dans l’ordre que vous voudrez.

M. Pascal Canfin, directeur général du WWF France. Il était prévu que j’ouvre cette audition.

Je suis vraiment ravi d’être ici avec vous et avec l’amiral Finaz. Ce n’est pas tous les jours qu’une organisation non-gouvernementale (ONG) qui défend la nature et l’environnement, la première au monde – le WWF –, prend la parole avec un représentant d’une armée, en l’occurrence l'armée française. Et la réciproque est vraie, je pense !

Nous avons accepté votre invitation à intervenir ensemble parce que, vous l’avez dit, nous travaillons en collaboration depuis septembre sur l’incidence des enjeux environnementaux, notamment du dérèglement climatique, en matière de sécurité et de conflictualité. Cela peut encore surprendre, mais sur le terrain, les forces armées françaises touchent du doigt la réalité du dérèglement climatique et sont de plus en plus soucieuses d’intégrer cette dimension dans leur analyse – l’amiral y reviendra.

Notre partenariat a deux grandes dimensions : une réflexion, à partir de cas concrets d’opérations sur le terrain, sur la façon de prendre en compte le facteur climatique dans les analyses ; un cadre général de pensée sur les aspects stratégiques et politiques – qui relèvent aussi de votre responsabilité.

L’an dernier, le WWF a commis un rapport intitulé Soutenabilité, stabilité, sécurité. Vous n’avez pas besoin de le lire, tout est dans le titre ! Cela étant, vous pouvez malgré tout le lire – vous le trouverez en ligne sur le site www.wwf.fr[1]. Notre objectif était de montrer que le cadre de pensée à travers lequel on pense les enjeux de sécurité, d’insécurité et de conflictualité – y compris les conflits violents, armés – doit intégrer une nouvelle dimension. Il va de soi que le dérèglement climatique ne sera jamais la seule cause d’un conflit. Comme le considère à juste titre la doctrine officielle de l’armée américaine, c’est un multiplicateur de menaces. Cela signifie que là où il existe déjà une fragilité – des tensions communautaires, religieuses ou politiques – ou une vulnérabilité dans un corps social, le dérèglement climatique l’accroît en aggravant le stress, la tension, la difficulté d’accès aux ressources, les sécheresses, les inondations, la montée des eaux. La multiplication des menaces dépend évidemment de l’endroit de la planète où l’on se trouve. Elle devient le facteur de plus et, parfois, la goutte d’eau de trop. Nous évoquons ainsi, dans notre rapport, le cas syrien – l’amiral pourra également y revenir. Parmi les nombreux facteurs de dégradation de la situation politique apparus au milieu des années 2000, il convient de citer la sécheresse historique qui a nourri une tension communautaire et des migrations internes, donc un élément supplémentaire de déstabilisation politique.

Une façon d’intégrer l’analyse consiste tout simplement à la projeter chez nous. S’il ne pleuvait pas pendant un an dans le Sud-Ouest et si des manifestations massives d’agriculteurs étaient organisées, le tissu social serait nécessairement déstabilisé. Nous sommes dans une démocratie, avec des institutions fortes dont on peut penser qu’elles tiendraient. Mais dans les pays dont les institutions sont faibles et où plusieurs facteurs sont prêts à « mettre de l’huile sur le feu », le dérèglement climatique est typiquement multiplicateur de menaces.

Dans ce contexte, nous formulons aujourd’hui deux demandes fortes vis-à-vis des autorités politiques. La première vise à « stress-tester » un monde à 2, 3, 4 – voire 5 si l’on ne fait rien – degrés de réchauffement climatique en termes de conflictualité. Les rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) nous l’ont démontré, nous sommes capables de modéliser les impacts du dérèglement climatique à une échelle régionale. En revanche, il n’est pas dans son mandat de réfléchir aux conséquences de ces dérèglements sur les tensions sociales, sociétales, communautaires, l’accès aux ressources, l’accès à l’eau ou encore les rendements agricoles dans certaines des régions du monde particulièrement vulnérables, dans lesquelles nous autres Français avons des intérêts particuliers. Aussi demandons-nous que le gouvernement français, en lien avec l’Agence française de développement (AFD) et avec votre soutien éventuel, puisse « stress-tester » la conflictualité dans un monde à 2, 3 ou 4 degrés de réchauffement – par exemple au Sahel, sachant que lorsque l’on se rapproche de l’équateur, le coefficient de multiplication du réchauffement climatique est de 2. Ainsi, un réchauffement de 5 à 7 degrés dans une région déjà particulièrement vulnérable et tendue n’est pas tenable. Il contribuerait largement à déstabiliser les institutions et à générer des dérèglements sociétaux, des migrations locales puis régionales et éventuellement d’autres types de migration. Telle est donc notre première demande : « stress-tester » le réchauffement climatique dans certaines régions du monde, en commençant par le Sahel. J’espère que nous aurons l’occasion de mettre ce sujet sur la table dans les jours qui viennent, lors des commémorations du 11 novembre.

Notre deuxième demande vise à nous assurer que ni le ministère des affaires étrangères ni celui des armées n’a d’angle mort dans ses analyses d’anticipation des crises. Dans ma vie antérieure au Quai d’Orsay, j’ai constaté – et je ne suis pas sûr que cela ait vraiment changé – que les postes en place étaient intarissables sur la façon dont un opposant pouvait passer une alliance avec un autre pour prendre le contrôle d’une sous-région, dans le cadre d’une analyse très fine du jeu politique, mais ne savaient pas anticiper les conséquences liées à l’absence de pluie depuis plusieurs mois, aux migrations des éleveurs ou à l’entrée en conflit avec d’autres communautés – c’est-à-dire le fait qu’un conflit environnemental et d’usage des sols, donc purement économique et d’accès aux ressources, puisse dégénérer en conflit ethnique et religieux, avec des revenus beaucoup plus faibles pour la population et une influence accrue des économies informelles et mafieuses. Ce continuum s’observe notamment au Sahel, autour du lac Tchad et dans la corne de l’Afrique. Pour des raisons historiques, les Français regardent moins la Corne de l’Afrique. Mais tous ces éléments sont très interconnectés, notamment au travers des routes migratoires. Ces exemples très concrets montrent qu’il est indispensable de mettre le facteur environnemental dans l’équation de l’anticipation des crises et des conséquences à trois, six ou neuf mois. Nous demandons donc, de façon très concrète et opérationnelle, que, dans toutes les cellules d’analyse et d’anticipation des crises, un expert soutenabilité ait pour mission d’analyser les conséquences potentielles des dérèglements climatiques dans les zones de fragilité, avant de se connecter à l’analyste politique pour en tirer les leçons.

Aujourd’hui, nous avons un point aveugle, un angle mort. Même si nous agissons contre le dérèglement climatique – et nous savons que nous sommes loin d’être à la hauteur –, le réchauffement se produira. C’est un fait. Nous devons absolument changer de lunettes et de logiciel pour éviter ce point mort et cet angle aveugle. C’est aussi une question d’efficacité de la dépense publique et des politiques publiques.

Pour conclure, n’oublions jamais que les scientifiques du GIEC ont reçu le prix Nobel de la paix, pas celui de l’environnement. Ce n’est pas un hasard. Très clairement, ainsi que vous le rappeliez dans votre introduction, madame la présidente, la lutte contre le dérèglement climatique et l’adaptation au choc climatique sont un investissement pour la paix dans de très nombreuses régions du monde.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Merci beaucoup. Nous reviendrons sur vos deux propositions. Pour ma part, je les valide entièrement. Je suis sûre qu’il en sera de même pour la commission, et que nous nous mobiliserons pour vous aider à les porter.

Amiral, la parole est à vous.

M. Loïc Finaz, directeur de l’École de guerre. Merci, madame la présidente. Je dirai d’abord quelques mots, en préambule, pour préciser que je ne représente pas, ce matin, le chef d’état-major des armées ou l’état-major des armées (EMA) – même s’il travaille sur ces sujets. Je dirige l’École de guerre, ce qui signifie que je suis en charge de la formation des chefs militaires de demain. Je suis à la tête d’une école qui réunit chaque année 250 officiers français et étrangers – 60 nationalités y sont représentées – et 50 auditeurs civils, ce qui en fait, au-delà de ma responsabilité de cette formation des chefs miliaires de demain, un lieu de réflexion et de prospective.

Je voudrais également souligner que nous pouvons craindre quatre grandes causes de conflits que le XXIème siècle connaîtra. La première est la résurgence et la folie des empires ou, pour le moins, des États-nations. La deuxième est ce que je formulerais comme le choc de l’islam et de la modernité. Je ne crois pas du tout au choc des civilisations évoqué par Samuel Huntington dans un livre devenu célèbre, mais j’observe que le choc de l’islam et de la modernité est compliqué. Qui plus est, nous éprouvons une grande difficulté à l’analyser et à en parler avec sérénité, intelligence, recul et, parfois, courage. La troisième cause est celle des conséquences des réalités démographiques et économiques. Enfin, la quatrième cause sont les effets des problématiques environnementales – au premier rang desquels, bien sûr, le réchauffement climatique.

Bien évidemment, ces quatre grandes causes se mêlent et se combinent. Mais pour moi, celle qui porte en elle-même le plus de dangers, de changements et de violences est la quatrième – celle des problématiques environnementales. Je m’étonne et je m’inquiète que l’on ne parle pas davantage de leurs conséquences géopolitiques. Aussi ai-je considéré qu’il était normal que l’École de guerre, au-delà de sa responsabilité de formation des chefs militaires de demain, soit un lieu de réflexion sur l’ensemble de ces sujets. C’est tout le sens de notre association et de la réflexion commune que nous avons décidé de lancer, Pascal Canfin et moi. C’est également pour cela que nous sommes devant vous ce matin.

Permettez-moi, pour terminer, de vous lire ces lignes publiées dans la presse française il y a quelques jours, écrites par Sylvain Tesson qui revient d’Orient : « Or je ne revois que la ruine, le chaos et la détresse. Partout des villes en cendres, des masses affligées, un monde fumant. Des plaines de sacs en plastique, des versants de béton qui devaient avoir été de grandes pentes parcourues par des troupeaux et des tribus farouches. Des amoncellements de décombres pour témoigner de cette double opiniâtreté de l’homme, sa fièvre de bâtir partout, sa rage de détruire toujours. Et, en rentrant en France, en ouvrant à nouveau les journaux, en écoutant les nouvelles du monde, je ne reçois que la même information sur la montée des eaux, la fonte des glaces, tout ce que nous savons sans trop nous en effrayer, l’embrasement du ciel, la disparition des bêtes, le flétrissement du vivant, le recul des formes de la vie. Bref, l’usure du monde. » Je crains, hélas, qu’il n’ait raison et je m’étonne sans cesse que nous ne parlions pas plus souvent des conséquences géopolitiques de tout cela – et quand je dis « géopolitiques », je suis dans la litote.

Voilà ce que je voulais dire en préambule.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Merci beaucoup, amiral. Nous sommes là pour parler de ces conséquences, prendre des décisions et tenter d’avancer. Les demandes de parole sont très nombreuses, dans un temps un peu contraint. Puis-je demander à chacun de faire l’effort d’essayer de rester dans son temps de parole, soit deux minutes environ ?

M. Jean-François Mbaye. Le rapport Planète vivante de 2018 publié par le WWF ne vient malheureusement pas démentir les propos que j’ai moi-même pu tenir à l’occasion du rapport que j’ai présenté la semaine dernière. C’est finalement faire preuve de retenue que de qualifier son contenu de terrifiant. En moins d’un demi-siècle, pas moins de 60 % de la population des vertébrés sauvages ont disparu de la surface de la planète. Les mots ne manquent pas – en tout cas, pas à moi – pour exprimer l’effroi qui peut nous saisir. Néanmoins, l’on doit désormais faire place aux actions qui permettront d’endiguer cette insupportable dégradation de la diversité biologique.

Les raisons, nous les connaissons : destruction des habitats naturels, pollution, dérèglement climatique, surexploitation des espèces. Elles ont toutes un point commun. Ce sont toutes les filles de l’activité humaine. Vous le soulignez dans votre rapport, les trois quarts des espèces animales et végétales disparues depuis l’an 1500 de notre ère se sont éteintes en raison de leur surexploitation ou d’une activité agricole déraisonnée. Des études scientifiques en provenance de tous les pays du globe pointent un seul et même responsable : le genre humain, et les turpitudes de son mode de vie. Ces raisons, nous les connaissons. Et pourtant, nous n’agissons que très peu. Nous n’agissons pas. Des objectifs sont fixés, mais nous ne les atteignons pas. C’est ce que je relève, moi aussi, dans mon rapport.

En ce qui me concerne, le temps de la parole est révolu. Si cette dynamique mortifère ne s’inverse pas, l’espèce humaine viendra grossir les rangs de ces plantes, oiseaux, amphibiens, reptiles et mammifères qu’elle aura elle-même envoyés au néant. À ce titre, je me félicite de l’élaboration par le ministère de la transition écologique et solidaire d’un plan « Biodiversité » pragmatique et ambitieux. Il repose sur six axes principaux et prévoit une reconquête de la biodiversité fondée sur des actions concrètes – nous aurons peut-être le temps d’y revenir ultérieurement.

Dans votre rapport, vous faites pour votre part état d’une feuille de route comprenant trois points : l’objectif de restauration de la biodiversité, la mise en place d’indicateurs de progrès mesurables et pertinents, la définition de mesures permettant d’atteindre les objectifs fixés dans les délais requis. Je suis convaincu que les institutions, la vôtre et celle des ministères, gagneraient à nouer des partenariats stratégiques non seulement avec leurs homologues, mais encore avec les divers acteurs privés, parmi lesquels les ONG qui disposent d’une expertise indispensable dans le combat que nous devons mener.

Monsieur Canfin, selon vous, quelle possibilité la France aurait-elle de nouer ces partenariats ambitieux à l’échelle nationale, européenne voire mondiale ? Quelles mesures devrait-elle prendre afin de passer d’une logique verticale à une approche horizontale permettant à toutes les parties prenantes de se réunir autour de la table, de discuter d’égales à d’égales et d’agir tel un seul homme face à cet ennemi universel qu’incarne le déclin de la biodiversité ?

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Merci, cher collègue. Je demande vraiment à chacun de tenir son temps de parole. À défaut, je ne parviendrai pas à donner la parole à toutes et à tous. Je pense que ce serait la première fois que cela arriverait, et cela m’ennuierait beaucoup.

M. Michel Fanget. Dans le préambule du dernier rapport, Planète vivante, sur l’état de la biodiversité mondiale, le directeur général de WWF International, Marco Lambertini, note qu’il « ne peut y avoir de vie sur la planète totalement dépourvue de biodiversité, la toile du vivant dont chacun de nous dépend ». Chacun de nous est certain de l’enjeu que représente la préservation de la biodiversité, dont nous constatons chaque jour, au travers de rapports statistiques, combien elle est menacée. Isabelle Autissier, présidente du WWF France, a exprimé son désarroi dans une interview récente. Selon elle, la France ne fait pas assez et peine à atteindre les objectifs fixés par l’accord de la Conférence internationale de 2015 sur le climat (COP21). Or la France devrait être à l’avant-garde de ces questions, notamment parce que son domaine maritime fait d’elle la deuxième puissance maritime du monde. Vous avez-vous-même, amiral, indiqué combien le combat pour la biodiversité et contre le réchauffement climatique se joue, pour l’essentiel, sur les mers. Les enjeux actuels – l’eau, la nourriture et l’énergie pour tous – trouvent une part importante de leur solution dans les océans. Cela implique que notre pays puisse se doter d’une politique ambitieuse en la matière. Je pense notamment aux aires de préservation ou à l’usage qui pourrait être fait des courants et des vents marins.

Quelles sont vos positions sur ces questions de l’usage possible des mers, de la mise en valeur de ces espaces et de ce que la France peut faire à son niveau ? Comment pourrions-nous mieux prendre en compte l’espace maritime dans les discussions internationales ?

M. Christophe Naegelen. J’ai deux questions très simples. Que peut faire la France aujourd’hui, à son niveau, au vu de sa population et de sa taille, sur toutes les problématiques environnementales dont nous savons qu’elles doivent être considérées comme des priorités et qu’elles représentent l’avenir des générations futures ? Quel peut être son poids dans la lutte contre la pollution, les dégradations climatiques et les dégradations environnementales au niveau mondial ?

Par ailleurs, vous avez évoqué différentes causes de menaces, parmi lesquelles les problématiques environnementales, la démographie ou encore le nomadisme. Quelle peut être l’incidence du nomadisme de certaines civilisations ? Celui-ci peut-il être à la fois une cause et une conséquence du dérèglement climatique ?

Enfin, vous avez parlé de choc des civilisations et de l’islam : pouvez-vous pousser davantage votre réflexion, pour que je comprenne mieux le lien entre les deux ? Sous-entendez-vous que la pratique quotidienne de certaines religions ou croyances a une répercussion différente sur l’environnement ?

M. Alain David. Je remercie nos deux invités pour leurs présentations à la fois éclairantes et préoccupantes. Sur le plan international, on voit des pays se retirer délibérément de l’accord sur le climat et d’autres, qui se veulent pourtant vertueux, ne pas respecter leurs engagements.

Au Brésil, l’élection récente du « Donald Trump tropical », comme il a parfois été surnommé, menace manifestement la forêt amazonienne, souvent présentée comme un poumon vert pour notre planète. La France, de son côté, a récemment accordé un permis de forage à Total dans la partie guyanaise de ce même poumon vert, tandis que le projet de la Montagne d’or est une source d’inquiétude majeure. Que pensez-vous de ces deux projets ?

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Merci beaucoup. Vous voyez que l’on peut être bref et pertinent !

M. Jean-Luc Mélenchon. Je voudrais d’abord dire à nos deux invités qu’ils sont les bienvenus pour nous tous et que leurs analyses et points de vue comptent beaucoup dans la formation de notre propre réflexion politique. Nous avons besoin d’eux et de leurs éclairages.

Nous partageons, je crois, à peu près tous ici le diagnostic sur l’incidence du changement climatique sur l’ordre du monde, et sur le fait que, souvent, ce changement sera le facteur déclenchant. Si l’on allait chercher dans l’histoire, on pourrait rappeler le rapport entre l’éruption d’un volcan islandais et la Révolution française – mais je ne remonterai pas si loin. Cette fois, nous avons affaire à des événements globaux, auxquels aucune forme, aucune structure ni aucun régime politique ne pourra échapper. J’aimerais cependant que vous nous apportiez un éclairage supplémentaire sur les conséquences des événements climatiques extrêmes. Nous traitons là du changement climatique et de ses répercussions sur un régime économique ou agricole, mais une autre incidence me semble devoir être prise en compte, en lien peut-être aussi avec ce qui a été dit tout à l’heure quant à l’importance de la mer et de la montée du niveau des eaux dans le monde.

Ce sont les événements climatiques extrêmes qui détruisent de manière irréversible un certain nombre de structures. Je soumets en particulier à notre réflexion le fait qu’une tornade ou un cyclone en Louisiane n’entrainerait pas les mêmes destructions que s’il touchait New York ou Washington. Je rappelle que huit des plus grandes villes du monde sont situées sur un littoral et, par conséquent, ne peuvent échapper à un événement de cette nature. Quelle est votre appréciation sur ce point ? Avez-vous le sentiment que le monde ordonné est en état de faire face à ces événements, ou bien avez-vous le sentiment que s’il arrivait quelque chose, il faudrait se débrouiller car rien n’est prévu ?

Pour notre part, nous considérons que le process actuel de dérèglement climatique est irréversible. Les engagements de la COP21 portaient sur un réchauffement limité à 2 degrés, puis on a retenu 1,5 degré pour rendre possibles certaines signatures. Mais tout le monde a été capable de lire que le cumul des engagements des États représentait 3,5 degrés. Par conséquent, le processus semble irréversible et la catastrophe assurée. Quelle est votre évaluation de la situation ? Avez-vous le sentiment que l’on se prépare au fait qu’à un moment ou à un autre le système interrompra son fonctionnement, au moins dans son caractère global ? Si 90 % des échanges commerciaux se font par la mer, le changement de régime aura clairement une conséquence sur la façon dont nous organisons le commerce mondial – tout repose là-dessus.

Par ailleurs, devinez-vous une possible réorganisation politique, là où les événements climatiques ont rendu caduques les formes d’organisation, les frontières, les tracés, les parcours ou les regroupements régionaux ? Avez-vous le sentiment de voir se dessiner une nouvelle carte, ou voyez-vous seulement une ancienne carte s’effondrer ?

Enfin, devons-nous faire des propositions, et certaines sont-elles déjà exprimées, sur le partage des techniques de réparation et de sauvegarde lorsque la catastrophe arrive, que ce soit pour l’accès à des médicaments, en dehors des cadres des brevets, ou aux techniques elle-même – moyens de production, moyens de production d’énergie, etc. ? Vos éclairages seront précieux dans ce domaine.

M. Jean-Paul Lecoq. Merci, madame la présidente, et merci pour ces exposés courts mais ô combien précis. Pour gagner du temps, je ne reviendrai pas sur les sujets qui ont déjà été développés, qu’il s’agisse de la biodiversité ou des éléments cités par Jean-Luc Mélenchon. Je me concentrerai sur l’éducation. N’est-il pas temps d’œuvrer, dans nos espaces d’éducation, à la tolérance et à la bienveillance, puis d’éduquer nos futurs citoyens à l’accueil – de manière globale ? Cela illustre ce que vient de dire Jean-Luc Mélenchon quant au fait que la notion de frontière deviendra obsolète sous peu, ce qui pourrait être un élément de guerre comme vous le démontrez. Les choses doivent bouger. Nous ne pouvons pas rester dans l’ancien monde – j’emploie cette expression à dessein.

Par ailleurs, nous avons eu l’occasion d’en parler dans le cadre d’autres rapports, au sein de cette commission, comment nos représentations diplomatiques doivent-elles être configurées à l’avenir ? Souvent, on estime que la meilleure configuration est celle qui est favorable aux affaires de la France. Au regard de ce que vous nous avez dit, peut-être consiste-t-elle à considérer qu’il faut nommer, dans nos ambassades, des experts en matière environnementale et – ajoutez-vous – climatique. Nous en avions débattu à l’occasion de l’examen du rapport sur la biodiversité. Cela permettrait un véritable relais avec les ONG et les États. Nous le disons nous aussi régulièrement, en tant que membres de la commission des affaires étrangères, qui étudions des traités internationaux et les proposons à la ratification de notre Parlement. Hier encore, nous pensions que nos traités commerciaux et de business pourraient contenir des clauses fortes et non négociables sur les questions environnementales. Qu’en pensez-vous ?

Pensez-vous que ces armes pacifiques – même si d’autres sont aussi utiles – peuvent faire évoluer les choses ? Pour ma part, je pense qu’il faut toujours utiliser la diplomatie et des armes contraignantes mais pacifiques.

Ou bien pensez-vous qu’il faudra vivre la crise pour en sortir grandis, malgré des destructions ?

M. Jean-Michel Clément. Le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (ONU), Antonio Guterres, estime que le monde a deux ans pour agir contre le changement climatique, sauf à affronter des conséquences désastreuses. Amiral, vous avez précisé que les conséquences géopolitiques n’étaient pas suffisamment considérées. J’ai une seule question à vous poser. L’heure n’est-elle pas venue d’instaurer un droit d’asile climatique qui s’imposerait à tous et, indirectement, à tous ceux qui ne respectent pas les accords de Paris ?

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Merci beaucoup, monsieur le député, pour cette vaste question formulée en quelques secondes !

Mme Annie Chapelier. Merci de vos exposés brefs, mais très explicites. Monsieur Canfin, l’un de vos slogans est « Nous avons tous besoin de la nature dans notre vie, demandez à vos dirigeants de la protéger. » En vous voyant devant nous, et face à l’intérêt que vous éveillez autour de vous, je me prends un peu à rêver que ce moment est venu et qu’une prise de conscience se produit chez les personnes que vous souhaitez solliciter.

Nous avons orienté nos échanges sur les relations entre le changement climatique et la sécurité. Mais si, comme vous l’avez exprimé, ce changement est un multiplicateur de menaces et l’une des causes les plus en plus fréquentes de l’insécurité – par des mécanismes que vous avez très bien expliqués –, il n’en reste pas moins que placer ces deux problèmes à la même échelle me dérange quelque peu. L’insécurité a toujours existé. Les crises, les guerres et les exodes aussi. Déjà, les changements climatiques ont ponctué notre histoire de crises démographiques, d’épuisements des ressources et de famines. Ils ont souvent été la cause des crises migratoires et de l’insécurité. Toute la nouvelle problématique de notre époque est que l’incidence du changement climatique n’a plus pour seule conséquence des mouvements de populations, mais aussi une remise en question de notre viabilité sur cette unique planète.

Je voulais illustrer mes propos par l’exemple de la Corne de l’Afrique, mais Mme la présidente ne m’en laissera pas le temps. Deux mille casques blancs et bleus sont actuellement sollicités, ce qui risque de créer un stress hydrique pour toute l’Égypte et ses 100 millions d’habitats, que ce soit par le remplissage du barrage Renaissance en Éthiopie, qui entraînera une baisse d’étiage du Nil, ou par l’aménagement du lac Sudd lorsque la paix reviendra dans le Sud Soudan, pays en conflit depuis des dizaines d’années – aménagement qui entraînera également, sans doute, une baisse d’étiage du Nil blanc.

Comment peut-on continuer, dans les instances internationales, à ne voir dans le retour de la paix qu’un développement économique, en faisant de notre propre modèle l’objectif à atteindre ? Comment changer les priorités dans les politiques de développement, en mettant en avant l’indispensable prise en compte environnementale, sinon par la prise de conscience des populations, les nôtres en particulier, et leur traduction notamment dans des changements de comportement et de consommation ?

Mme Anne Genetet. Vous avez employé à plusieurs reprises le mot « guerre ». Ce terme m’a évidemment interpellée, surtout en cette période de commémorations. J’aurai deux questions, une précise et une plus vague. La première, plus spécifique, s’adresse à M. Canfin. J’aurais voulu que vous rappeliez la position du WWF quant au rôle de la culture du palmier à huile dans la déforestation. Comment pensez-vous que l’on puisse, ou non, éviter une guerre autour du produit de cette culture ?

J’en viens à ma question plus large. En 1911, un général prussien disait que « la guerre est indispensable au progrès de l’humanité ». Cette citation est absolument terrible. Amiral, faut-il vraiment en venir à un conflit pour changer nos comportements dans le domaine environnemental ?

Mme Nicole Le Peih. Je vous remercie pour votre appel à la réflexion sur la géostratégie. Hier, j’écoutais en audition M. Jean-Michel Valantin, auteur de Géopolitique d’une planète déréglée, sur les effets géostratégiques d’un dérèglement climatique. Amiral, quels sont les enjeux de l’ouverture de la route du Nord, avec le réchauffement ? Une nouvelle orientation géopolitique se dessine avec la la Russie, la Chine et l’Inde notamment.

Par ailleurs, Monsieur Canfin, quel est l’effet du ralentissement du Gulf Stream ?

M. Jacques Maire. J’ai une question brève concernant la contribution du secteur privé et des entreprises à la lutte contre le réchauffement climatique. On ne le sait pas forcément, mais les études conduites dans les années 2010 et suivantes montrent que deux tiers des émissions de CO2 viennent des entreprises elles-mêmes, notamment 90 grandes multinationales. On estime ainsi que Chevron a contribué à 3 % des émissions de gaz à effet de serre entre 1850 et 2010. Pour leur part, ExxonMobil et Total en ont respectivement émis 3,2 % et 0,9 %. Ces entreprises, à commencer par Total, ont fait des annonces sur leur contribution à la lutte contre l’effet de serre. En fait, plus elles sont polluantes, plus elles font d’annonces !

Je pense qu’aujourd’hui, il n’existe pas vraiment de juge de paix ou de système d’évaluation pour savoir si ces annonces se traduisent réellement une évolution forte par rapport au business as usual – vous excuserez cette expression. Traduisent-elles une simple déviation de tendance, ou une véritable remise en cause ? Des réflexions et des travaux permettent-ils de juger de la réalité, de l’importance et de la magnitude des annonces effectuées par les acteurs à la fois industriels et financiers ?

Mme Liliana Tanguy. Monsieur le directeur général, amiral, merci pour vos exposés très éclairants. J’ai deux questions.

Monsieur Canfin, le rapport Soutenabilité, stabilité, sécurité publié par le WWF en 2017 comporte plusieurs préconisations en faveur de la mise en place de nouvelles pratiques, notamment au sein des ministères des affaires étrangères et des armées. Le rapport propose ainsi d’intégrer systématiquement dans les équipes des experts et des analystes de crise, ou encore de former des diplomates et des membres des ministères à la sensibilisation au risque d’insécurité. Pouvez-vous nous dire de quelle manière ces préconisations ont été accueillies au sein des ministères ? Ont-elles fait l’objet d’échos voire de mesures concrètes ?

Mon autre question s’adresse à l’amiral. Un rapport de l’assemblée parlementaire de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) adopté en 2017 se penche sur les défis et les implications en matière de sécurité liés au changement climatique. Il conclut que le changement climatique est un multiplicateur de risques et représente une menace particulière pour les États fragiles. Il préconise, par ailleurs, de préserver le consensus pour affronter les défis liés au changement climatique et de trouver une nouvelle façon d’entreprendre le dialogue avec des acteurs sceptiques. Pouvez-vous nous donner votre perception du rôle que joue et que devrait jouer la France dans ce contexte ? Est-il concevable que les pays membres de l’OTAN puissent jouer ensemble un rôle au cours de la COP24 qui se tiendra en décembre prochain à Katowice ?

Mme Mireille Clapot. Ma question porte sur la route maritime de l’Arctique et son exploitation par la Russie. En quelques décennies, la calotte glacière de l’Arctique a perdu près de la moitié de sa surface à cause du réchauffement climatique. Ce dernier y est, en effet, deux fois plus important qu’ailleurs. Les autorités russes en ont parfaitement saisi l’opportunité stratégique en ouvrant une route commerciale – la route maritime du Nord – qui part de Mourmansk, plus grande ville russe du cercle arctique, et se termine au détroit de Behring en Alaska. Le détroit de Behring est cet endroit du monde où la Russie est à l’Ouest et fait face à l’Alaska à l’Est, avec les îles Diomède au milieu. Cette route du Nord est pour l’instant un essai, puisqu’il n’est possible d’y naviguer que trois mois par an. Tout de même, le volume des cargaisons qui l’empruntent a augmenté de 25 % l’an dernier, atteignant 10 millions de tonnes. Et la Russie en prévoit trois fois plus en 2020.

Cette nouvelle frontière du nord traverse une zone qui, en se réchauffant, rend accessibles de nouvelles ressources en gaz et en hydrocarbures. À votre avis, cette route commerciale augmentera-t-elle encore la puissance pétrolière et gazière de la Russie – puisque 20 % des réserves mondiales y sont enfouies ? Confortera-t-elle également sa puissance militaire ? Dans cette zone, les Russes rénovent et construisent une série de bases militaires, lesquelles seront, à terme, coordonnées par un futur North Join Arctic Command, commandement stratégique conjoint de la flotte du Nord.

M. Hervé Berville. J’ai deux questions. La première s’adresse à l’amiral. Dans ses discussions avec ses homologues, notamment dans les pays émergents et en développement, parvient-il à les convaincre de la pertinence du lien entre sécurité, soutenabilité et stabilité ? Ces discussions sont-elles d’actualité ? Nous avons vu qu’un important travail avait été effectué pour « verdir » le ministère des finances. En est-il de même du côté du ministère des armées ?

Ma seconde question s’adresse à Monsieur Canfin. Vous parlez de la nécessité de préserver la biodiversité. Quels sont, selon vous, les mécanismes les plus pertinents – garanties, investissements privés, etc. ? Pouvez-vous en dire plus sur les financements nécessaires et les mécanismes les plus pertinents pour préserver la biodiversité ?

Mme Marion Lenne. Monsieur Canfin, pour préserver notre biodiversité, il faudrait logiquement interdire la chasse – cette menace certaine pour la nature et aussi, parfois, pour les citoyens. À Genève, la chasse est interdite depuis 1974. L’exemple genevois, avec, bien sûr, ses spécificités, prouve que l’on peut tout à fait gérer la faune sans la présence de chasseurs. Dans le prolongement du plan « Biodiversité », fin août, le Gouvernement a annoncé des mesures pour mieux protéger la biodiversité avec des contributions financières sur tous les permis pour la biodiversité ou encore la modernisation de la gestion des espèces. Sur ce sujet, le Gouvernement entend les organisations de chasseurs et le WWF, je suppose, en tant que fondation d’utilité publique œuvrant pour une planète vivante. Comment vous positionnez-vous sur la future réforme de la chasse, sachant que celle-ci a des incidences sur la gestion de la faune locale en régulant les populations animales, et tout particulièrement celles qui causent d’importants dégâts aux cultures ? Les mesures déjà annoncées sur la pratique de la chasse vous semblent-elles pertinentes pour protéger notre biodiversité ? Aussi, alors que la pratique de la chasse pose la question du partage de l’espace public naturel entre les chasseurs et les promeneurs, il convient également de s’interroger sur la compatibilité entre la présence humaine et les espèces porte-drapeau comme le panda, le loup ou l’ours. Aujourd’hui, le monde est essentiellement peuplé d’humains et de leurs animaux domestiqués. Comment rendre compatible cette présence avec les espèces porte-drapeau ?

Enfin, amiral, de retour du Sénégal j’ai été interpellée sur la construction d’un port militaire et de pêche en Mauritanie, qui pourrait accélérer l’érosion côtière à Saint-Louis et faire de cette zone frontière densément peuplée une future zone de conflits. La Mauritanie aurait conduit une étude d’impact environnemental. En avez-vous eu connaissance ?

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Je suis heureuse de donner maintenant la parole à des collègues de la commission de la défense nationale et des forces armées.

M. Thomas Gassilloud. En 2018, le Forum économique mondial estimait que, parmi les risques majeurs auxquels est confrontée la planète, quatre sur cinq sont d’origine environnementale. Le cinquième est celui d’utilisation d’armes de destruction massive. Je le rappelle pour montrer toute la pertinence de la réunion conjointe de ce jour entre la commission des affaires étrangères et celle de la défense nationale. Je vous remercie de cette initiative. Nous sommes plusieurs à être montés d’un étage avec grand plaisir pour nous joindre à vous !

J’étais ce matin à la commission régulation de l’énergie avec le préfet Carenco, dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Ma question est toute simple. Avez-vous été associés aux travaux de cette PPE ? Selon vous, la dimension énergie est-elle bien prise en compte dans cette PPE pour le mix énergétique – pour lutter contre le dérèglement climatique, bien sûr, mais également dans le cadre de la résilience de nos pays, puisque les producteurs d’énergie sont classés comme des opérateurs d’importance vitale (OIV), et dans celui de la dualité du nucléaire ?

Permettez-moi d’ajouter, pour terminer, que l’une des trois priorités d’innovation de l’armée de terre est l’énergie solaire – dans un cadre tactique, bien sûr.

M. Christophe Lejeune. L’Europe est clairement au contact des crises internationales, même les plus éloignées. Si chaque pays doit participer à la lutte contre le changement climatique, que faire avec ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas le faire ? Le concours ponctuel de la France est-il envisagé dans des zones très localisées où sévit le réchauffement climatique ? Si oui, dans quelle mesure et sur quelles bases ?

M. Jean-Michel Jacques. Je partage pleinement votre analyse des incidences climatiques sur la stabilité des équilibres mondiaux. Je reviens d’une mission parlementaire près de la force Barkhane dans la bande sahélo-saharienne, au cours de laquelle j’ai pu m’entretenir avec différents chefs militaires. J’ai notamment pu voir, avec mes collègues, ce qu’était l’action civilo-militaire sur le terrain. Cette action est nécessaire puisqu’elle permet à la fois de sécuriser et d’apporter très rapidement des solutions aux populations. Toutefois, nous avons pu constater un manque de continuum entre l’action civilo-militaire, l’action diplomatique des différents corps diplomatiques en présence, les bailleurs et les différentes ONG. Ce manque de continuum provoque parfois une perte de confiance des populations locales. En gros, nos militaires arrivent sur place dans des zones où l’État failli n’est plus en présence. Ils sécurisent. Ils apportent une première solution – un puits, par exemple. Mais par la suite, les actions complémentaires ne viennent pas suffisamment vite, ce qui provoque une perte de confiance et favorise parfois le retour du terrorisme sur place. Avez-vous une approche sur ce point, dans votre analyse ?

Finalement, une solution ne passerait-elle pas par la formation et la culture des différents acteurs sur le terrain ?

M. Philippe Michel-Kleisbauer. J’aurais souhaité que nous parlions des terres et des métaux rares, car c’est une équation géostratégique avec une variable très encombrante. En effet, il est au moins un métal rare, le lithium, dont nous avons aussi besoin dans notre transformation énergétique. Or certaines « vallées de la mort », notamment en Chine, seront fermées car la puissance chinoise subit la pression de sa population. Et si nous ne pouvons plus nous fournir à cet endroit, il nous faudra nous transporter vers d’autres pays dans lesquels soit nous importerons des conflits, soit nous en créerons – car cela va toujours de pair. Une dernière solution, que personne ici ne souhaite mais nous savons qu’il existe une pression en ce sens, consisterait à rouvrir des mines sur notre sol. Je serais donc heureux de vous entendre nous parler de ces terres rares.

M. Hubert Julien-Laferrière. J’ai deux questions très brèves. Quelles sont les conséquences de l’urbanisation massive du monde en développement et de l’étalement urbain sur la biodiversité ? Je m’excuse auprès de mes collègues d’aborder à nouveau ce thème sur lequel je fais une « fixette » en ce moment. Une ville comme Lagos compte 500 000 habitants supplémentaires chaque année. On avance même que sa population devrait passer de 20 millions d’habitants aujourd’hui à 90 millions en 2050 !

Par ailleurs, j’étais en Guyane il y a quelques semaines, où l’on a tenté de me convaincre des bienfaits de la Montagne d’or. J’en suis revenu en étant persuadé qu’elle ne se ferait pas – parce qu’on m’a aussi expliqué que le dossier était très mal monté. Plusieurs arguments ont été avancés, par exemple qu’il valait mieux une Montagne d’or sans mercure que de l’orpaillage illégal avec mercure, ou que c’était juste un tout petit trou dans une forêt de 8 millions d’hectares… On m’a même fait visiter, côté surinamais, une start-up qui reforeste très vite. J’aimerais connaître votre avis sur ce sujet, monsieur le directeur général du WWF, puisque vous avez pris position.

On était très déterminé à m’expliquer que le projet de Montagne d’or ne présentait que des bienfaits, en réduisant l’orpaillage illégal et en étant plus respectueux de la nature. J’ai évidemment rétorqué que c’était peut-être envoyer un mauvais signal, et plus encore aujourd’hui, lorsque l’on voit ce qui se passe de l’autre côté de la frontière, au Brésil.

M. Bruno Fuchs. Amiral, vous avez cité quatre sources possibles de conflits. N’en existe-t-il pas une cinquième, liée à une famille d’industriels ou de penseurs du capitalisme ultralibéral ? Je pense au président Trump, bien sûr, qui résiste et qui est reconnu comme étant climatosceptique. Vous citez également l’un des membres du conseil consultatif des entreprises auprès du Premier ministre d’Australie, selon lequel « cela fait cinquante ans que nous sommes sujets aux extravagances du catastrophisme du climat, que le véritable objectif vise à concentrer l’autorité politique, que le réchauffement global est l’hameçon et qu’il s’agit de réaliser un nouvel ordre mondial sous contrôle de l’ONU – un nouvel ordre qui s’opposerait au capitalisme et à la liberté. On a fait du catastrophisme environnementaliste un sujet dont on cause dans les chaumières afin d’atteindre son objectif. Le nouvel ordre mondial est une tyrannie imposée par le biais de la lutte contre le réchauffement. » N’est-ce pas là notre ennemi principal, et une importante source de conflits ?

Mme Monica Michel. J’ai le privilège d’être députée d’une circonscription qui possède sur son territoire, en Camargue, l’une des plus grandes zones humides d’Europe, qui bénéficie d’une réputation internationale grâce sa biodiversité. Je tiens à saluer, à cette occasion, la mémoire de Lukas Hoffmann, l’un des pères fondateurs du WWF, qui s’est installé sur ce territoire remarquable pour créer, entre autres, le domaine de la Tour du Valat, un institut de recherche pour la valorisation des zones humides méditerranéennes.

Nous évoquons aujourd’hui des problématiques à l’échelle mondiale. Sur le plan économique, nous sommes confrontés à une course aux ressources et à la tentation de faire des réserves pour nous prémunir, ce qui peut aggraver en partie la situation. Les enjeux géopolitiques sont très importants. La question de l’influence du changement climatique se pose pour certains conflits qui pourraient être en partie liés à des problèmes de sécheresse et d’appauvrissement des ressources nécessaires à la satisfaction des besoins vitaux. Nous voyons à quel point ce qui menace notre planète et sa biodiversité menace aussi la sécurité des peuples à l’échelle internationale. La cause est multifactorielle, et l’appréhension de ces phénomènes est parfois morcelée, divisée.

Je comprends que votre organisation participe à ce travail d’élaboration d’une modélisation de systèmes futurs pour déterminer des solutions intégrées et collectives. Je crois en effet que nos concitoyens, nos entreprises, nos exploitants agricoles ont besoin d’une représentation concrète de ce système et de leur expérimentation. Les moyens de haute technologie dont nous disposons aujourd’hui permettent-ils de réaliser des simulations qui soient suffisamment parlantes pour envisager ces solutions et permettre aux acteurs économiques de s’en saisir pour les expérimenter ?

Par ailleurs, la disparition progressive des espaces sauvages est une préoccupation majeure. Le braconnage international est l’une des ressources des groupes terroristes au même titre que d’autres trafics, comme celui de drogue. Le WWF mène-t-il aussi des actions de lutte contre ce type de braconnage international ?

Enfin, amiral, la France a le deuxième territoire marin au monde. C’est une zone particulièrement vaste, notamment dans l’océan Pacifique qui souffre de la pêche illégale. Les bateaux qui viennent pêcher de manière illicite dans les eaux françaises font probablement escale dans les pays voisins, pour le traitement et la commercialisation des produits de la pêche. Pouvez-vous nous parler des efforts, négociations et transactions conduits auprès de nos voisins pour contrôler ces trafics ?

Mme Martine Leguille-Balloy. Merci pour vos exposés si explicites pour nous informer de l’état de la planète. Je suis un peu comme Hubert Julien-Laferrière, j’ai des dadas ! En l’occurrence, je voudrais savoir ce que vous pensez de la proposition, qui avait été faite à l’époque par le président bolivien, d’un tribunal international du climat, ou d’une section spécialisée de la Cour pénale internationale ? On nous reproche continuellement de prévoir dans les accords commerciaux bilatéraux ou multilatéraux des mesures non coercitives pour le respect du climat. Pensez-vous que cette solution soit à abandonner ou, au contraire, qu’elle pourrait être proposée par notre président de la République ? Celui-ci pourrait-il être meneur dans cette affaire ? La France en sortirait-elle grandie ?

M. Christian Hutin. Merci, Madame la présidente, d’avoir fait naviguer « de conserve » l’amiral d’une flotte au pavillon arc-en-ciel et celui d’une flotte de la Royale, bleu-blanc-rouge. Je pense que c’est tout à fait adapté. Anne Genetet avait raison quand elle citait le général prussien. Je pense qu’il s’agissait de Falkenhayn, « gourou » de Guillaume II – nous sommes dans l’itinérance mémorielle – et qu’il avait parfaitement raison.

Il existe des guerres impérialistes, nationalistes, ethniques, religieuses. Il existe aussi des guerres de territoires. Malheureusement, je crois que les conflits à venir, outre ceux qui existeront encore, seront des conflits de survie. Des pays sont pillés. C’est en partie le cas de l’Afrique. D’autres s’automutilent. On peut penser que le Brésil, par ses décisions politiques, s’automutilera bientôt. D’autres encore s’automutileront par leur volonté économique – Bruno Fuchs avait raison sur ce point. Je pense à la Chine ou, dans une moindre mesure, à la Russie. Ce faisant, ils créent des conditions de conflits absolument majeurs.

Ma question est assez simple. Dans un ou deux siècles, l’histoire nous regardera. Que penseront ces générations du fait que nous n’aurons pas réagi assez tôt ? C’est la vraie question. Le XIXème siècle était celui du productivisme et de l’industrie. On pouvait encore comprendre qu’il en soit ainsi. Mais ensuite, il y a vingt ou trente ans, pourquoi n’avons-nous pas réagi collectivement – aux niveaux national et international – face à ce qui deviendra des sources de conflits majeurs et des sources d’autodestruction de l’humanité ?

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Je me tourne maintenant vers nos deux invités, en remerciant tous les députés qui se sont exprimés. Leurs nombreuses questions montrent l’étendue de l’intérêt que cette commission porte au sujet, absolument crucial, des conséquences du dérèglement climatique sur l’ordre mondial – sujet sur lequel nous continuerons de travailler dans les semaines qui viennent. Peut-être pouvez-vous commencer, amiral ?

M. Loïc Finaz. C’est moi qui plonge dans le traquenard le premier ! Les questions ont été très nombreuses et demanderaient, toutes et chacune d’entre elles, de très longues réponses. J’essaierai d’en apporter quelques-unes, très modestement.

Je commencerai par la dernière. Dans deux siècles, y aura-t-il encore une humanité pour se demander pourquoi nous n’avons pas réagi collectivement ? La Terre sera toujours là. Mais y aura-t-il encore une humanité pour se poser la question ? Ce n’est pas sûr. J’espère que oui, bien sûr, mais je n’en suis pas certain.

Concernant la cinquième source de conflits identifiée par M. Bruno Fuchs, la bêtise humaine est-elle une source de conflits ? Hélas, oui ! Mais, pour plagier une réponse célèbre face à l’interpellation « Mort aux cons ! », j’aurais tendance à dire : « Vaste programme » ! Je réponds à votre question mais je ne résous pas le problème, et j’en suis désolé.

Je tâcherai maintenant, de manière un peu plus synthétique, de répondre – là encore, très modestement – au plus grand nombre possible de questions. Plusieurs d’entre vous ont évoqué le rôle de la France. Je suis absolument convaincu que notre pays a un rôle très important, pour au moins deux raisons. La première – et là encore, je vais utiliser une réplique célèbre du général de Gaulle – est qu’il existe « un lien multiséculaire entre la grandeur de la France et la liberté du monde ». Je crois qu’il avait raison. Cela ne doit pas pour autant nous léguer, en héritage, une prétention épouvantable de Gaulois stupides et trop fiers. En revanche, c’est une exigence pour nous, Français. Je crois que la France a un rôle particulier. Je dirige l’École de guerre aujourd’hui, mais je ne suis pas un élève de cette école, puisque j’ai fait l’École de guerre aux États-Unis. Je vous garantis – je le dis sans aucune prétention et cela n’a rien à voir avec l’officier que j’essaie d’être – que l’officier français dans une école de guerre à l’étranger a un statut particulier. Donc oui, la France a un rôle important.

La deuxième raison – évoquée par nombre d’entre vous – est que nous avons le deuxième territoire maritime du monde. On pourrait presque dire le premier. Là encore, pour deux raisons. La première est qu’avec le programme Extraplac, on pourrait considérer que nous sommes devant les États-Unis, qui sont les premiers aujourd’hui. Les autres sont très loin derrière. Il existe une autre raison, très importante, pour laquelle on pourrait considérer, au-delà des chiffres, que nous sommes le premier territoire maritime du monde. Les États-Unis ont le premier territoire grâce à leurs eaux continentales, si j’ose dire. En France, nous avons un territoire maritime sur tous les océans. Nous sommes le seul pays au monde sur lequel le soleil ne se couche jamais !

Et cela, combiné avec la première raison que j’ai évoquée, nous conduit à affirmer que, bien sûr, la France a un rôle particulier à jouer. Cela ne doit nous léguer aucune prétention, mais de véritables exigences pour que nous soyons au rendez-vous de ce rôle.

Je ferai quelques remarques sur la mer et les océans. Les trois défis les plus importants – car si on ne les résout pas, l’on n’aura même pas à résoudre les autres – sont les suivants. Comment 9 milliards d’individus vont-ils se nourrir sur la planète en 2050 ? Comment auront-ils accès à l’eau douce ? Comment résoudrons-nous ces problèmes en prenant en compte la protection de la planète ? Tels sont nos grands défis. Ils sont effarants parce que la terre, au sens des continents émergés, ne sait pas y répondre. La bonne nouvelle, c’est que la mer et les océans savent le faire. Mais cela entraîne un corolaire absolument fondamental : puisque notre survie est là, il faudra exploiter la mer sans la violer comme on a violé la terre.

Cela me permet d’aborder un autre sujet qui me permettra, j’espère, de répondre en partie à un certain nombre de vos questions – et qui rejoint celle du rôle de la France. Dans l’éternel dilemme entre nos valeurs et nos intérêts, quelle posture faut-il adopter ? Je n’ai pas la prétention de répondre à cette question, mais je crois que nous serions idiots d’ignorer nos intérêts, et criminels d’ignorer nos valeurs.

Nous serions idiots d’ignorer nos intérêts. La façon de nourrir 9 milliards d’êtres humains impose d’exploiter la mer. La façon de les nourrir dans la durée impose de la protéger. Vous voyez bien que dans cette seule question, vous retrouvez le juste milieu qu’il faut savoir poser entre nos intérêts et nos valeurs. Quand je parle d’intérêts à propos de la nourriture et de l’eau douce, vous comprenez bien que je ne parle pas d’intérêts financiers. Allons-nous pouvoir « bouffer » ? Allons-nous pouvoir boire cette eau douce nécessaire à notre vie ? Je crois fondamentalement que nos valeurs sont là pour que nous puissions nous nourrir et avoir accès à l’eau jusqu’à dans deux siècles et plus loin encore.

Plusieurs questions ont porté sur la guerre. C’est un éternel débat. D’aucuns pensent qu’elle est une anomalie sociale primitive. D’autres, que c’est une utilité politique fonctionnelle. Quand John Kennedy dit qu’il faudra que l’humanité mette un terme à la guerre, sinon à la guerre mettra un terme à l’humanité, il n’a pas tort. Mais lorsque Proudhon observe que la guerre est une nécessité politique et culturelle, il n’est pas sur Sirius ! Il dit même que c’est ce qui pose l’homme dans sa majesté et sa vaillance. C’est d’ailleurs, en ces moments où l’on commémore le 11 novembre, ce qui fonde le soldat comme défenseur de la collectivité nationale. Oui, la guerre est primitive et étatique. Les Grecs l’avaient parfaitement compris, avant que les Lumières ne nous embrouillent, avec Arès, le dieu de cette violence primitive et Athéna, la déesse de cette violence raisonnée. Donc, oui, la guerre est primitive et étatique. J’ai bien conscience qu’en vous répondant cela, je ne résous pas le problème. Mais il ne sera jamais résolu !

Ne soyons pas naïfs. Relisons tous plus souvent Thucydide et La guerre du Péloponnèse, c’est la meilleure des gazettes de notre temps d’aujourd’hui, avec, en plus, une clairvoyance et une qualité littéraire bien supérieures à celle de nos médias actuels. N’oublions jamais ce dialogue mélien. D’ailleurs, plus nous proclamons le contraire, plus nous y replongeons. Rappelez-vous Mélos, cette petite île du sud de la mer Égée, à l’est de Sparte, à laquelle Athènes demande de se soumettre, qui répond qu’il n’y a pas de raison qu’elle quitte son statut de neutralité et qui en appelle au sens de la justice d’Athènes et à sa compassion pour une petite cité pacifique et sans défense. Athènes répond que la justice ne s’applique pas entre puissances inégales, assiège la ville, l’affame, la soumet, tue tous les hommes, réduit femmes et enfants en esclavage. La justice n’entre pas en compte dans le raisonnement des hommes lorsque les forces sont inégales. Les forts soumettent les faibles à leur pouvoir. Donc, ne soyons pas naïfs. Pour le redire, je crois que la France a un vrai rôle à jouer. N’oublions jamais que nous serions idiots d’oublier nos intérêts, et criminels de ne pas prendre en compte nos valeurs.

D’autres questions, tout à fait justes, portaient sur la formation. Bien sûr, la formation et l’éducation sont absolument indispensables. Permettez-moi de l’illustrer par deux incarnations, parce que c’est cela qui compte. Il faut incarner ces principes qui nous sont chers. Tout d’abord, je suis à l’origine de la Fondation de la mer, dont l’un des enjeux vise précisément à faire comprendre et à éduquer – en particulier tous les enfants de France – à ces problématiques. Le deuxième exemple que je pourrais évoquer est l’École de guerre. L’École de guerre, c’est comme si, dans la fonction publique, on disait à tous les énarques de 35 ans qu’ils doivent repasser un concours, que l’on retiendra les 20 % les meilleurs et que ce sont eux qui deviendront les grands chefs de la fonction publique – ce qui imposerait de repartir un an à l’école pour s’y préparer. C’est ce que les armées font avec l’École de guerre. Je pense très honnêtement, et sans chercher à mettre ma boutique en avant, que c’est un modèle qui pourrait être plus souvent copié.

Voilà ce que je pouvais dire très rapidement, pour ne pas dépasser mon temps, en essayant de revenir de manière synthétique sur ces très nombreuses et très intéressantes questions que vous avez tous posées.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Vous pourrez y revenir, car vous disposez d’une quinzaine de minutes chacun. Claude Goasguen souhaitait dire un mot avant que Pascal Canfin ne prenne la parole.

M. Claude Goasguen. Quel avenir envisagez-vous pour la mer Méditerranée ?

M. Loïc Finaz. Vous avez compris que je pense que toutes les mers sont importantes. La mer Méditerranée est très importante pour nous, Occidentaux, parce qu’elle est la matrice de notre civilisation – pour des raisons tout à fait passionnantes. Elle est d’abord le bassin du blé et de la vigne. Le blé et la vigne existent partout où ils peuvent être cultivés sur la planète aujourd’hui, mais ils viennent de la Méditerranée. Ce sont eux qui ont donné aux hommes une façon de vivre, puisqu’ils pouvaient se nourrir. La Méditerranée est aussi le bassin de l’invention et du développement des trois grandes religions monothéistes. Elle est le bassin de l’invention de la démocratie, avec la Grèce antique. Enfin, elle est aussi, avec les premières routes maritimes, le bassin de l’invention du commerce international. La Méditerranée est donc la matrice de notre civilisation occidentale. L’on peut considérer, dans une autre lecture de l’histoire que la lecture classique, qu’il y a eu un temps de la Méditerranée. À partir du XVIe ou du XVIIe siècle, il a laissé la place à celui de l’Atlantique, qui a permis à l’Occident de coloniser le monde entier et de développer sa toute-puissance, pour le meilleur et pour le pire. Ce temps est aujourd’hui probablement terminé, et nous pouvons penser que nous sommes entrés dans le temps du Pacifique. Et la Méditerranée s’y inscrit différemment d’il y a quelques siècles. Pour autant, elle reste importante, ne serait-ce que pour les pays de ses côtes nord ou sud qui, très certainement, ont à inventer une solidarité beaucoup plus forte que celle qui existe aujourd’hui et reposant sur des équilibres meilleurs que ceux du passé.

M. Christophe Naegelen. Je souhaite revenir sur ce que vous voulez faire avec l’École nationale d’administration (ÉNA).

M. Loïc Finaz. Je ne veux rien faire avec l’ÉNA !

M. Christophe Naegelen. Aujourd’hui, les énarques comptent sans doute parmi les personnes les plus intelligentes de France. Néanmoins, on leur reproche principalement d’être déconnectés du terrain. Je ne suis donc pas certain que les remettre un an à l’école changera la donne, même si cela concerne les 20 % les meilleurs.

M. Loïc Finaz. Tout dépend du contenu pédagogique et de ce que l’on y fait. Si on l’envisage, comme trop souvent en France, comme un enseignement ex cathedra avec des professeurs qui savent et des crétins d’élèves qui ne savent rien, cela ne servira à rien ! Si c’est une école pour mieux comprendre le monde qu’on ne l’a compris jusqu’à maintenant, si c’est une école pour apprendre à penser autrement à ces gens qui deviendront des patrons dans quelques années et qui auront à régler des problèmes que l’on ne connaît pas aujourd’hui, pour lesquels il faudra inventer des solutions nouvelles, si c’est une école pour mettre les sujets en perspective, si c’est – comme l’École de guerre – une école pour apprendre à se connaître soi-même et à travailler sur soi-même afin d’être, cinq ans ou dix après, les grands chefs complets et équilibrés dont nous avons besoin, je crois que le modèle des armées serait utile pour la fonction publique – et d’autres grands systèmes également.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Pour ma part, je suis absolument convaincue qu’apprendre à penser autrement serait une très bonne chose, nécessaire et utile pour l’ÉNA mais aussi pour les autres grandes écoles. Voilà ma contribution !

M. Pascal Canfin. Je vais à mon tour répondre aux questions. Question 1, oui ; question 2, non ; question 3, « joker » ! J’aurai ainsi tenu mon quart d’heure. Vos questions sont très vastes et l’amiral, à grand renfort de citations, a essayé de ne pas y répondre !

M. Loïc Finaz. J’espère y avoir répondu.

M. Pascal Canfin. Je vais essayer de le faire à mon tour avec moins de citations, vous m’en excuserez.

M. Loïc Finaz. Les associations ne sont pas toujours si faciles. Vous venez d’en avoir la preuve !

M. Pascal Canfin. Justement, c’est fructueux.

Je vais rebondir sur ce que vous avez dit quant aux valeurs et aux intérêts, parce que je pense que c’est un bon point de départ. Si nous considérons qu’il existe une tension permanente entre nos valeurs et nos intérêts sur ces sujets, nous serons toujours soit dans l’inaction, soit dans une action imparfaite qui, finalement, ne réglera pas les problèmes auxquels nous sommes confrontés sur le plan du dérèglement climatique – pour ne prendre que ce sujet environnemental.

Je pense profondément, avec un peu de recul historique, que l’Europe a inventé le capitalisme et l’économie telle qu’elle fonctionne aujourd’hui. Les banques et les marchés financiers sont nés ici. Les grands accords commerciaux ont été conçus ici avec les Chinois et d’autres. Si l’on fait une analyse géostratégique, le continent européen – c’est aussi valable pour la France, mais pas seulement – est le plus riche en capital humain, mais le plus pauvre en énergies fossiles et en minerais nécessaires à la continuation de cette économie linéaire. Et donc, de la même manière que nous avons inventé une économie linéaire capitaliste, nous disposons de tous les atouts pour inventer l’économie circulaire qui permet de se passer d’un certain nombre de projets miniers, de terres rares et de routes – qui bénéficieront évidemment à certaines puissances, au premier rang desquelles la Russie, raison pour laquelle elle fait l’analyse, sans doute rationnelle d’un point de vue géopolitique, qu’elle a plus à gagner qu’à perdre au dérèglement climatique. C’est d’ailleurs pour cela qu’elle est un acteur totalement inactif sur cette scène, ou un acteur qui, lorsqu’il intervient, le fait en négatif. En effet, malgré la fonte du pergélisol qui déstabilisera une grande partie de la Sibérie – qui est vide –, la Russie voit bien qu’elle a une capacité, notamment avec la route du Nord, à aller chercher davantage d’hydrocarbures – ce qui passe par le dérèglement climatique. C’est l’une des très rares puissances à penser qu’elle a à gagner au dérèglement climatique. Ce n’est pas le cas des États-Unis, où l’armée continue à avoir, comme dans les années 1990, une vision selon laquelle ce pays a intérêt à lutter contre le dérèglement climatique.

Il existe donc, je le disais, quelques pays qui pensent qu’ils ont plus à gagner qu’à perdre. La Russie est en un. C’est le cas le plus emblématique, peut-être même le seul puisque les Chinois ne font pas du tout cette analyse. Ils considèrent, en effet, que le dérèglement climatique est un enjeu majeur pour eux, ne serait-ce qu’au regard du dérèglement des cycles de la mousson qui génère de l’insécurité pour la souveraineté alimentaire du pays. Pour nous, les disettes et les famines relèvent des livres d’histoire. Elles ont totalement disparu de notre mémoire collective. Ce n’est pas vrai en Chine. Même si c’est essentiellement pour des raisons politiques, ces événements sont une réalité. Ainsi, la question de l’insécurité alimentaire chinoise en raison du dérèglement climatique est structurante dans les prises de position et dans les prises d’actifs de ce pays partout dans le monde, notamment en Afrique. L’objectif est de s’assurer une sécurité alimentaire extérieure.

En termes d’intérêt géostratégique, je pense que la Russie est sans doute le seul pays à faire clairement l’analyse qu’il a plus à gagner qu’à perdre. Tous les autres font l’analyse inverse. Pour nous, dans ce contexte et dans la mesure où nous sommes le continent le plus riche en capital humain et en brevets d’économie verte, mais le plus pauvre en capital fossile, minerais et terres rares, il existe un alignement évident des intérêts et des valeurs. Une économie circulaire décarbonnée – neutre en carbone – qui repose sur une augmentation de la productivité de l’utilisation des ressources est un enjeu majeur de souveraineté et de compétitivité. Quand on raisonne en termes « macro » selon un cycle un peu long, je ne vois aucun désalignement pour nous, Européens, entre nos valeurs – qui nous pousseraient à agir au nom d’un bien commun – et nos intérêts. C’est fondamental. À défaut, nous serions toujours en porte-à-faux.

Je vais continuer quelques minutes sur les sujets économiques, en commençant par citer un chiffre sur la biodiversité. Selon le calcul de l’économiste Robert Costanza, si nous devions remplacer les services gratuits rendus par la nature, il nous faudrait payer une fois et demie le PIB mondial. Nous vivons dans un environnement qui nous rend des services gratuits. La nature est l’inverse d’une banque et du capitalisme ! Pour prendre une autre citation, « ce qui n’est pas compté ne compte pas ». En effet, dans le système économique tel qu’il fonctionne aujourd’hui – et je ne porte pas de jugement –, ce qui n’est pas compté ne compte pas. Dès lors, comment attribuer une valeur économique potentielle aux services rendus gratuitement par la nature ? En l’occurrence, les intérêts du capital naturel représentent 1,5 fois le PIB mondial. Notre prospérité, notre capital financier, notre capital social, notre mode de vie et notre civilisation sont adossés à ce capital naturel. S’il disparaît – 60 % des animaux sauvages ont disparu depuis quarante-quatre ans et nous vivrons dans un monde sans eux dans vingt ou trente ans si nous ne faisons rien –, nous devrons payer pour ce que la nature nous donne gratuitement. À ce moment-là, l’insoutenabilité du modèle reposant sur des services gratuits apparaîtra.

Par ailleurs, à l’échelle française, si nous voulions franchir le pas qui nous sépare d’une économie compatible et alignée avec l’accord de Paris, il faudrait engager un investissement vert supplémentaire de 20 à 30 milliards d’euros par an. Cela peut sembler énorme, mais le montant total de l’investissement dans l’économie française aujourd’hui est supérieur à 500 milliards d’euros par an. Il faut donc faire évoluer de 5 %, 6 % ou 7 % l’investissement annuel dans l’économie publique et privée. Ce ne serait donc pas nécessairement de l’investissement additionnel : 20 à 30 milliards d’euros par an, c’est beaucoup, mais c’est absolument gérable, puisque l’ensemble des acteurs économiques publics, privés, ménages et entreprises ont investi un peu plus de 500 milliards d’euros dans l’économie l’année dernière. Le problème est donc commensurable. Nous pouvons le gérer. Mais nous ne sommes pas organisés pour le faire, aujourd’hui. Comment piloter cette transition dans la façon dont l’État est organisé ? C’est l’un des grands enjeux de la période.

Aujourd’hui, l’État est organisé comme au XIXème et au XXème siècles. Il ne s’est pas réorganisé pour faire face à ce défi du XXIème siècle. C’est normal, puisque ce défi ne se posait pas. Mais il faut le réorganiser aujourd’hui, dès lors que la question se pose de manière massive et incontestable. Cela passe par le fait de voter un budget – et c’est vous qui le faites – dont on doit savoir s’il est aligné ou non avec l’Accord de Paris. Personne ne donne cette information. On peut donc malheureusement penser qu’il ne l’est pas. Mais posons-nous déjà la question, et ce dans un cadre totalement transpartisan, car cette question n’est pas politique mais organisationnelle et démocratique. C’est une question de cohérence des politiques publiques. En tant que parlementaires, vous pourriez ainsi considérer que le budget de cette année sera le dernier que vous voterez sans savoir s’il est aligné avec l’Accord de Paris. Vous pourriez même franchir une étape supplémentaire l’année d’après en refusant de voter un budget qui ne serait pas aligné avec cet accord. La première étape au moins doit être franchie. Cela peut venir de vous. C’est votre première responsabilité que de voter le budget. Tous groupes politiques confondus, vous pourriez assez facilement exercer une pression sur le Gouvernement, car le budget est le bras armé de l’action politique.

Sur les questions géopolitiques et le lien avec les questions économiques, que peut faire la France ? Je suis en total accord avec ce qu’a dit l’amiral. Pour nous, en France et en Europe, le sujet est celui de l’accès qualifié au marché. L’Europe est encore le premier marché du monde, devant la Chine et les États-Unis. Dans une logique de rapport de forces « pacifique » – pour reprendre l’expression de Jean-Paul Lecoq –, la question commerciale est fondamentale. Il est évident que plus les années passent, plus la tension entre les échanges commerciaux, les règles du jeu commercial et les questions environnementales est forte. Je prendrai d’abord un exemple macroéconomique, avant d’aborder celui de l’huile de palme.

Nous sommes le premier marché du monde. Cela signifie qu’aucun acteur économique, privé ou public, ne peut se passer de l’accès à ce marché. Autant la puissance publique peine à réguler le lieu de production, sous peine de voir partir les entreprises, autant elle peut reprendre la main sur l’accès qualifié au marché. Une entreprise, quels que soient sa finalité et son secteur, ne produit pas pour produire, mais pour vendre et gagner de l’argent. C’est normal. C’est le système tel qu’il est organisé aujourd’hui. Si vous lui proposez de produire où elle veut mais de respecter un certain nombre de règles pour vendre chez nous, vous reprenez la main là où vous avez le pouvoir. Vous ne vous battez pas sur le lieu de production, mais sur le lieu de consommation et d’accès qualifié au marché. Prenons l’exemple de l’huile de palme. L’Europe a décidé qu’à partir de 2022, je crois, l’huile de palme ne pourra plus être importée pour servir de biocarburant – et la France, dans le cadre de stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée, s’apprête même à aller un peu plus loin. Cela déclenche une guerre commerciale avec l’Indonésie et la Malaisie. Ainsi, pour aller au bout de la logique, la rétorsion immédiate des Indonésiens consiste à ne plus acheter d’Airbus ou d’équipements militaires européens. C’est factuel. Ségolène Royal l’évoque dans son récent ouvrage, mais ce sujet est récurrent. Il est revenu il y a quelques mois, quand Nicolas Hulot était encore au Gouvernement. C’est un sujet récurrent, quelle que soit la couleur politique des gouvernements et quels que soient les ministres en exercice. Parviendrons-nous à adopter un agenda coopératif sur de grands enjeux commerciaux ayant des conséquences sur les ressources, le dérèglement climatique et la biodiversité ? L’huile de palme est la deuxième cause de déforestation au monde, derrière le soja. Et la déforestation est l’une des premières causes du dérèglement climatique. L’enjeu n’est donc pas mineur.

Aussi avons-nous tous ensemble un agenda à construire : soit de la conflictualité commerciale, avec des guerres commerciales liées à la régulation climatique ; soit de la coopération, en trouvant les moyens de fixer des règles du jeu qui changeront progressivement la donne sans entrer dans une guerre commerciale. On voit bien que c’est un sujet de grande actualité.

Pour finir, je reviendrai sur les sujets qui sont au cœur de notre partenariat avec l’École de guerre : gagner cette bataille culturelle qui consiste à décloisonner la communauté diverse – scientifiques, ONG, politiques, entreprises, etc. – qui travaille sur l’environnement. À cet égard, je précise que les chiffres dont nous disposons sur la montée des eaux, qui sont basés sur les projections du GIEC, montrent qu’à l’horizon 2030, 824 millions de personnes seront menacées par la montée des eaux. Elles seront 1,22 milliard à horizon 2060 Et ce, dans deux contextes : soit celui des pays en développement – delta du Nil, Bengladesh, etc. – dans lesquels les rizières et les terres disparaîtront, ce qui entraînera une insécurité alimentaire et des migrations ; soit le contexte urbain – New York, grandes capitales africaines au bord de la mer, etc. Dans tous les cas, un milliard d’êtres humains vivent dans des lieux menacés par la montée des eaux. Évidemment, on peut penser que les villes comme New York parviendront à financer des digues pour contenir cette montée. Ailleurs, malheureusement, ce ne sera pas le cas.

Cela m’amène à la question des déplacés et des migrants. Aujourd’hui, d’après une étude norvégienne, on dénombre d’ores et déjà trois à dix fois plus de personnes déplacées pour des causes climatiques qu’en raison de conflits armés. Il est difficile d’être plus précis en l’absence de statut de « réfugié climatique ». Mais peu importe l’échelle, finalement. Ce qui compte, c’est que c’est déjà davantage. Dans le monde d’aujourd’hui, les flux migratoires potentiels liés au dérèglement climatique et à ses incidences sont plus élevés que ceux liés aux conflits. Imaginez ce qu’il en sera demain !

Les chiffres sont très difficiles à manier. Je vais en donner un, qui vaut ce qu’il vaut. Aux termes de la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification, 700 millions de personnes sont menacées là où elles vivent par la dégradation des terres arables, notamment du fait de la multiplication des sécheresses ou de la déforestation. Ces personnes se trouvent plutôt à l’intérieur des terres. Si on les ajoute aux 800 millions de personnes directement concernées par la montée des eaux sur la bande littorale, on atteint 1,5 milliard de personnes pour lequel l’on n’est pas certain de pouvoir assurer le premier droit humain fondamental, celui pouvoir vivre chez soi si l’on en a envie. Le deuxième droit est celui de pouvoir migrer si nécessaire, ce qui pose nombre de questions politiques. Mais le premier droit fondamental est de pouvoir vivre là où l’on en a envie, y compris chez soi. Or ce droit fondamental est menacé par le dérèglement climatique, pour potentiellement 1,5 milliard d’êtres humains à l’horizon du milieu du siècle.

Concernant les flux migratoires, Nicolas Hulot disait que nous regardions la bande-annonce d’un film que nous n’avons pas envie de regarder. Nous n’en sommes en effet qu’à la bande-annonce. Quand on voit les difficultés que nous éprouvons à la gérer, dans nos sociétés, comment imaginer que l’on puisse facilement gérer le film ? Un milliard et demi d’êtres humains sont menacés de devoir migrer. Cela ne signifie pas qu’ils viendront tous en Europe continentale. Vous le savez, les migrations sont d’abord régionales, locales : dans le pays, puis dans les pays voisins, avant de devenir des migrations internationales. Ne serait-ce qu’à travers cet exemple des flux migratoires, mais il en existe de nombreux autres, il apparaît qu’il est impossible d’avoir un monde en paix et un bien commun – la démocratie – avec un climat qui se dérègle de 2, 3 ou 4 degrés. C’est incompatible. Il faut vraiment en prendre conscience. Ce ne sont pas des rapports ou du papier glacé, mais la réalité. C’est parfaitement incompatible.

C’est pourquoi, au-delà des clivages politiques et des différences qui sont parfaitement légitimes, nous avons un bien commun à défendre : la démocratie. Une action transpartisane doit être menée pour défendre cette démocratie et lutter contre le dérèglement climatique.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Merci, Pascal. Je crois que Jean Lassalle souhaite dire un mot rapide.

M. Jean Lassalle. C’est la première fois que j’interviens et je vais essayer de ne pas me griller d’entrée ! (Sourires.) J’apprécie beaucoup ce type de réunion. La présence massive de députés témoigne de son intérêt.

Vous avez cité plusieurs risques de guerres. J’en évoquerai peut-être un autre. Pourquoi ceux qui ont la charge de détenir le pouvoir de raison, c’est-à-dire de réflexion et de recul, dont la France et l’Europe font partie, en restent-ils à la publication de rapports et à une forme de moralisation à l’adresse du monde entier, alors que nous pourrions prendre des initiatives, notamment en Afrique ? Nous savons très bien ce qui s’y passe, et nous sommes tous d’accord sur ce qu’il conviendrait d’y faire – notamment de l’écodéveloppement. Pourquoi rester sur cette posture ? D’une certaine manière, nous encourageons les plus puissants en ne leur faisant pas entendre raison, et nous décourageons les plus faibles.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Merci, cher collègue. Au nom de l’ensemble de notre commission, il me reste à remercier Pascal Canfin et l’amiral Finaz. Je pense que cette audition était très importante. Elle n’est pas un point d’arrivée, mais un point de départ pour les réflexions sur le lien entre réchauffement climatique et stratégie. Un grand merci à vous deux, sous les applaudissements de notre commission qui a été heureuse de vous recevoir !

*

Examen, ouvert à la presse, et vote sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Géorgie relatif au séjour et à la migration circulaire de professionnels (n° 1127) – M. Éric Girardin, rapporteur.

M. Éric Girardin, rapporteur. L’accord qui nous est soumis aujourd’hui a été conclu le 12 novembre 2013 entre les gouvernements français et géorgien. Avant d’en venir à ses clauses, je voudrais rappeler quelques éléments de contexte.

Cet accord s’inscrit dans un cadre général défini en 2005-2007 par l’Union européenne, dit de l’« approche globale de la question des migrations et de la mobilité » et des « partenariats pour la mobilité ». L’idée générale était d’établir avec les partenaires extérieurs des programmes de mobilité légale en contrepartie de leur coopération à la lutte contre l’immigration illégale. Huit accords européens de « partenariat pour la mobilité » ont été conclus entre 2008 et 2014 : avec le Cap-Vert, la Moldavie, la Géorgie, l’Arménie, l’Azerbaïdjan, le Maroc, la Jordanie et la Tunisie. Ces accords s’inscrivent pour la plupart dans les deux grandes « politiques de voisinage » de l’Union – politique euro-méditerranéenne et « partenariat oriental » – et sont complétés par des accords de réadmission et des accords sur les visas. Ces accords européens étaient destinés à être déclinés par des accords passés ensuite par les États-membres avec les pays considérés, étant donné que les politiques migratoires relèvent principalement des compétences nationales. Le partenariat européen pour la mobilité avec la Géorgie, signé en 2009, a ainsi été décliné par seize États-membres, dont la France en 2013.

L’accord que nous examinons s’inscrit plus généralement dans une série d’accords signés par la France avec des pays européens non membres de l’Union ou de certains pays africains entre 2006 et 2014, soit pour décliner, comme c’est le cas en l’espèce, des accords-cadres européens, soit de manière autonome. Tous ces accords visent à faciliter la délivrance de titres de séjour autorisant à travailler, pour une durée limitée, à d’anciens étudiants, des « jeunes professionnels », des « talents » ou des professionnels de métiers connaissant en France des problèmes de recrutement, dits souvent « métiers en tension ».

Il s’agit de favoriser une migration économique légale, mais dans une optique de retour au pays ensuite, ou d’allers-retours, d’où le qualificatif de « circulaire » parfois employé, notamment dans le titre de l’accord avec la Géorgie, qui est « relatif au séjour et à la migration circulaire de professionnels ». L’ouverture de voies légales de migration de travail est un sujet dont nous avons déjà eu l’occasion de débattre, en particulier lorsque nous avions examiné l’avis préparé par notre présidente, Marielle de Sarnez, sur le projet de loi sur l’asile et les migrations.

L’analyse des chiffres sur la mobilité des Géorgiens en France illustre les enjeux d’une action dans ce domaine. En 2016, dernière année plaine de l’obligation de visa court séjour, 250 à 300 visas de long séjour ont été attribués, principalement à des étudiants géorgiens, au nombre de 150 à 200. En 2017, le nombre d’étudiants géorgiens en France était de 495. La migration économique « officielle », via un visa de travail, est marginale : moins de 30 titres par an. Les Géorgiens étaient plus nombreux à obtenir un titre de séjour après être entrés en France avec un visa de court séjour. En 2016, ils ont été près de 1 200 à obtenir un titre de séjour de longue durée dans ces conditions, notamment en raison de liens familiaux, au titre de l’asile ou pour raisons humanitaires.

Un évènement récent a accru la pression migratoire géorgienne. Je rappelle que la réglementation des visas de court séjour est de la compétence de l’Union européenne. Depuis le 28 mars 2017, les Géorgiens peuvent entrer sans visa dans l’espace Schengen pour un séjour de moins de trois mois. Ceci a eu pour conséquence une forte augmentation de la demande d’asile d’origine géorgienne dans plusieurs pays européens. En 2017, le nombre de demandes d’asile de Géorgiens dans l’ensemble des pays de l’Union européenne a augmenté de 35 % par rapport à 2016. Ils ont déposé près de 10 000 demandes dans l’Union, dont 31 % en Allemagne et 19 % en France. Dans la Marne, en 2018, alors même que l’année n’est pas terminée, et d’après la préfecture, 77 ménages ont fait la demande, 33 en 2017, soit une hausse de 133 % en 9 mois. De manière plus générale, En France, le nombre de demandes d’asile par des Géorgiens, qui était de l’ordre de mille par an de 2014 à 2016, a doublé en 2017, où il s’est élevé à 2 096. Cette évolution s’est accentuée durant les derniers mois : les Géorgiens ont déposé 4 807 demandes d'asile en France sur les neuf premiers mois de 2018, soit 4,8 % du total des dossiers. Ils se situent désormais au 5ème rang des nationalités demandeuses. On constate donc, suite à la suppression de l’obligation de visa, une forte accélération des demandes d’asile, lesquelles constituent pour les personnes entrées dans l’Union le moyen pratique le plus accessible pour régulariser leur séjour, même si, dans l’absolu, les effectifs concernés ne sont pas considérables.

Dernier point à signaler sur ce contexte migratoire : la Géorgie est un pays qui collabore à l’exécution des mesures d’éloignement, ce qui s’explique sans doute par son engagement clairement pro-européen et son espoir d’adhérer à terme à l’Union. Le taux de délivrance par la Géorgie des laissez-passer consulaires demandés par les autorités françaises pour exécuter des retours forcés a été en moyenne de 85 % en 2015-2017. Il atteint même 98 % sur les trois premiers trimestres de 2018. Ces chiffres sont à comparer à un taux moyen, tous pays confondus, de l’ordre de 50 %.

J’ajoute enfin que la Géorgie est non seulement un pays ami, mais aussi, hormis quelques points noirs qui subsistent, comme le système pénitentiaire et la justice, une vraie démocratie. La Géorgie est l’une des rares ex-républiques soviétiques où il y a des alternances politiques dans les urnes, sans violences, sans manœuvres des sortants pour se maintenir à tout prix. Les exportations géorgiennes sont orientées vers l’Union européenne à 18 % et les importations à 30 %. Enfin, la Géorgie a été, après la France, le plus important fournisseur de troupes à l’opération EUFOR RCA entre 2014 et 2015, dont l’objectif était le maintien de la paix en Centre-Afrique.

Tout cela justifie, me semble-t-il, la démarche qui sous-tend l’accord, à savoir le développement de mobilités de travail dans un cadre légal. Sans cela, nous décevrons nos partenaires géorgiens, qui, pour le moment, coopèrent pleinement à la lutte contre l’immigration illégale. Et nous entretiendrons une demande d’asile d’origine géorgienne qui, le plus souvent, n’a pas lieu d’être.

J’en viens aux clauses de l’accord lui-même. Il prévoit quatre types de facilitation de la mobilité professionnelle.

Primo, il est prévu que la France délivre un titre de séjour temporaire d’une durée de validité de douze mois, pour recherche d’emploi, aux étudiants géorgiens ayant obtenu un diplôme de niveau master ou licence professionnelle en France ou en Géorgie dans un établissement partenaire d’un établissement français.

Secundo, l’accord prévoit la délivrance d’un titre de séjour d’une durée d’un an renouvelable à des Géorgiens pour l’exercice de 50 métiers en tension sans que leur soit opposée la situation de l’emploi, dans la limite annuelle de 500 personnes.

Tertio, les deux pays conviennent de développer des échanges réciproques de « jeunes professionnels » âgés de dix-huit à trente-cinq ans, en vue d’améliorer leurs perspectives de carrière grâce à cette expérience, dans la limite de 150 bénéficiaires par an.

Enfin, la France s’engage à faciliter la délivrance de la carte « compétence et talents », qui a maintenant été remplacée par le « passeport talent », aux ressortissants géorgiens qui en remplissent les critères.

La question que pose un accord de ce type est celle de notre capacité à l’appliquer de manière effective et faire en sorte qu’il ait un impact.

Comme je l’ai rappelé, la France a signé entre 2006 et 2009 des accords dits de gestion concertée des flux migratoires avec huit pays africains, qui comprenaient exactement le même genre d’ouvertures en matière de migrations légales de travail. L’OCDE a publié en 2017 une analyse de cette politique qui montre des résultats assez décevants. Les flux de migrations légales de travail provenant de ces pays ont à peine augmenté. Les contingents de titres de travail dans les métiers en tension ou de cartes « compétences et talents » qu’ils prévoyaient ont été remplis à quelques pourcents seulement. L’OCDE observait en outre que les ouvertures prévues par les accords étaient quelque peu factices en ce sens que beaucoup de leurs dispositions ne faisaient que reprendre des dispositions du droit commun français en matière de migrations. Dans l’autre sens, les pays signataires n’ont aucunement amélioré leur coopération en matière de retour des migrants illégaux.

Si nous voulons éviter un bilan aussi décevant pour l’accord avec la Géorgie, il y a un message à faire passer. Il doit y avoir un accompagnement administratif fort de sa mise en œuvre, afin que des jeunes Géorgiens puissent effectivement en bénéficier.

En effet, selon l’accord, la délivrance de titres de séjour aux « jeunes professionnels » géorgiens ou aux professionnels de métiers en tension est subordonnée à la production d’un contrat de travail. 4073 kilomètres séparent Tbilissi et Paris, et alors même qu’ils ne sont pas encore rentrés sur le territoire français, les intéressés doivent donc y avoir déjà trouvé un emploi. Un dispositif aussi exigeant ne peut fonctionner que si les demandeurs sont réellement aidés par les administrations dans leurs démarches.

C’est d’ailleurs ce que prévoit l’annexe II s’agissant d’une des ouvertures de l’accord, celle concernant les « jeunes professionnels ». Il est prévu que chaque pays désigne un organisme chargé de centraliser et présenter les candidatures, ainsi que de diffuser de l’information. La mise en œuvre effective de cet accompagnement administratif et son extension aux professionnels des métiers en tensions et aux personnes susceptibles d’obtenir le « passeport talent » sont nécessaires pour que le présent accord fonctionne. Les autorités politiques devront veiller à ce que cet accompagnement administratif soit mis en place.

Enfin, du point de vue français, cet accord pourrait être l’occasion de faire reconnaître clairement par les autorités géorgiennes le statut des quelques volontaires internationaux en entreprise, les VIE, que nous avons sur place ; je pense notamment à l’école internationale d’hostellerie Vatel ou encore au groupe AccorHotels. Vous savez que les VIE out un statut particulier très souvent contesté dans beaucoup de pays, y compris la Géorgie, où les entreprises sont parfois obligées de ruser avec la réglementation.

Je conclurai avec un élément de l’actualité politique de la Géorgie. Le premier tour de l’élection présidentielle y a eu lieu il y a quelques jours. La personnalité arrivée en tête, qui pourrait donc remporter l’élection au second tour qui aura lieu dans quelques jours, est Mme Salomé Zourabichvili, qui est une personnalité franco-géorgienne. Mme Zourabichvili est née en France dans une famille d’origine géorgienne et, après avoir servi la diplomatie française pendant trente ans – son dernier poste étant l’ambassade de France à Tbilissi –, est devenue en 2004-2005 ministre des affaires étrangères de la Géorgie, puis y a continué une carrière politique. Je crois que ce parcours illustre à la fois l’amitié entre les deux pays et ce que peut apporter la mobilité internationale.

Je vous invite donc à adopter le présent projet de loi, afin que l’accord puisse enfin entrer en vigueur. Ce vote est d’autant plus justifié que l’accord a été signé en 2013 et a déjà été approuvé par le Sénat en juin 2015 : il est temps de parachever la procédure. Cet accord confortera l’influence de la France en Géorgie.

M. Alain David. Ce rapport concerne un nombre limité de personnes. En 2016, la communauté géorgienne en France était composée d’environ 8 500 personnes, tandis que la communauté française en Géorgie était d’environ 300 personnes. La Géorgie se situe au 54ème rang des pays comptant le plus d’immigrés en France, la principale cause de cette immigration étant humanitaire. Ceci étant dit, il importe de soutenir la Géorgie, ce petit pays du Caucase peuplé d’environ 4,5 millions d’habitants, en raison de ses relations avec l’Union européenne et bien entendu avec la France. Le groupe Socialistes et apparentés votera en faveur de ce projet de loi.

Mme Mireille Clapot. Je salue cet accord bilatéral qui vise à faciliter une migration professionnelle temporaire fondée sur la mobilité et l’incitation à un retour des compétences en Géorgie. Je voudrais faire remarquer que cet accord date de 2013 et qu’il comporte une annexe avec les 50 métiers ouverts aux ressortissants géorgiens, dans lesquels ne figurent pas des métiers qui sont aujourd’hui en tension, comme ceux des services à la personne ou de la santé. À nouveau, je suggère que cette liste soit régulièrement réactualisée, ce qui n’est pas le cas.

M. Éric Girardin, rapporteur. L’intérêt de cet accord est de souligner que, quand on est capable de mettre en place des systèmes de coopération qui favorisent la montée en compétence et le retour au pays des travailleurs, le tout au bénéfice de la stratégie nationale de développement, c’est bénéfique pour tous.

Mme Marielle de Sarnez, présidente. Je trouve absolument scandaleux que la liste des « métiers en tension » ne soit pas réactualisée. Elle date de 2008 ; cela fait dix années qu’elle est restée inchangée, ce qui n’a absolument aucun sens. Nous l’avions demandé dans le cadre du rapport pour avis sur l’immigration, et nous attendons toujours un signe du gouvernement vers cette actualisation, plus que jamais nécessaire me semble-t-il.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte le projet de loi n° 1127.

 

 

Informations relatives à la Commission

 

La commission a nommé :

– Mme Monica Michel, rapporteure sur le projet de loi autorisant la ratification d'une convention autorisant l’approbation du protocole entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Djibouti relatif aux compétences de la prévôté sur le territoire de la République de Djibouti (n° 1154) ;

– M. Christophe Di Pompeo, rapporteur sur le projet de loi autorisant la ratification d'une convention autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale démocratique d’Éthiopie relatif aux services aériens, de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Costa Rica relatif aux services aériens et de l’accord relatif aux services aériens entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Mozambique (n° 1174) ;

– M. Christian Hutin, rapporteur sur le projet de loi autorisant la ratification d'une convention, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Moldavie relatif à l'emploi salarié des conjoints des agents des missions officielles de chaque État dans l'autre, de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Bénin relatif à l'emploi salarié des personnes à charge des agents des missions officielles de chaque État dans l'autre, de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Serbie relatif à l'exercice d'une activité rémunérée des membres des familles des agents des missions officielles de chaque État dans l'autre et de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le conseil des ministres de la République d'Albanie relatif à l'emploi salarié des membres des familles des agents des missions officielles de chaque État dans l'autre (n° 1182) ;

– M. Michel Fanget, rapporteur sur le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République dominicaine relatif à l’emploi des conjoints des agents des missions officielles de chaque État dans l’autre, et de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Nicaragua relatif au libre exercice des activités professionnelles salariées des membres des familles du personnel diplomatique, consulaire, administratif et technique des missions officielles (n° 1226) ;

– Mme Laetitia Saint-Paul, rapporteure sur le projet de loi visant à approuver la décision du Conseil du 25 juin et du 23 septembre 2002 modifiant l'acte portant élection des représentants au Parlement européen au suffrage universel direct, annexé à la décision 76/787/CECA, CEE, Euratom (n° 1355).

 

 

 

La séance est levée à onze heures trente.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires étrangères

 

Réunion du mercredi 7 novembre 2018 à 9 h 30

Présents. - Mme Clémentine Autain, M. Frédéric Barbier, M. Hervé Berville, M. Bruno Bonnell, Mme Valérie Boyer, M. Moetai Brotherson, M. Pierre Cabaré, Mme Annie Chapelier, Mme Mireille Clapot, M. Jean-Michel Clément, M. Alain David, M. Christophe Di Pompeo, M. Michel Fanget, M. Bruno Fuchs, Mme Anne Genetet, M. Éric Girardin, Mme Olga Givernet, M. Claude Goasguen, M. Christian Hutin, M. Bruno Joncour, M. Hubert Julien-Laferriere, M. Rodrigue Kokouendo, Mme Aina Kuric, M. Jean Lassalle, Mme Nicole Le Peih, Mme Marine Le Pen, M. Jacques Maire, Mme Jacqueline Maquet, M. Jean François Mbaye, M. Jean-Luc Mélenchon, Mme Monica Michel, M. Sébastien Nadot, M. Christophe Naegelen, M. Frédéric Petit, M. Jean-François Portarrieu, Mme Isabelle Rauch, M. Jean-Luc Reitzer, M. Bernard Reynès, Mme Laetitia Saint-Paul, Mme Marielle de Sarnez, Mme Liliana Tanguy, M. Guy Teissier

Excusés. - M. Lénaïck Adam, Mme Samantha Cazebonne, M. Pierre Cordier, M. Olivier Dassault, M. Bernard Deflesselles, Mme Laurence Dumont, M. Nicolas Dupont-Aignan, M. Philippe Gomès, M. Meyer Habib, M. Michel Herbillon, Mme Amélia Lakrafi, M. Jérôme Lambert, M. Ludovic Mendes, Mme Bérengère Poletti, M. Didier Quentin, M. Hugues Renson, M. Joachim Son-Forget, Mme Sira Sylla, Mme Michèle Tabarot, Mme Valérie Thomas, M. Sylvain Waserman

Assistaient également à la réunion. - M. Thomas Gassilloud, M. Fabien Gouttefarde, M. Jean-Michel Jacques, M. Christophe Lejeune, M. Philippe Michel-Kleisbauer, Mme Laurence Trastour-Isnart

 


[1] https://www.wwf.fr/sites/default/files/doc-2017-11/171114_rapport_3S.pdf