Compte rendu

Commission
des affaires étrangères

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation sur l’accueil des étudiants étrangers en France

 

 

 

 


Mercredi
30 janvier 2019

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 038

session ordinaire de 2018-2019

Présidence
de Mme Marielle de Sarnez,
Présidente

 


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Audition, ouverte à la presse, de Mme Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation sur l’accueil des étudiants étrangers en France.

La séance est ouverte à 16 heures 40.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Mes chers collègues, je vous propose de débuter cette audition. Je vous rappelle qu’elle est ouverte à la presse et diffusée sur le canal de l’Assemblée.

Je suis très heureuse de recevoir, pour la première fois dans cette salle de la commission des affaires étrangères, Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, sur l’attractivité de la France et l’accueil des étudiants étrangers en France.

Notre commission est très soucieuse – c’est un sujet qui revient très régulièrement dans nos discussions et nos débats – de l’attractivité de notre enseignement supérieur, qui constitue un facteur essentiel de notre diplomatie, en particulier de notre diplomatie d’influence. Les anciens étudiants étrangers sont autant d’ambassadeurs volontaires de notre pays, relais de certaines valeurs et de notre culture et porteurs de la francophonie.

Dans ce cadre, nous attendons, madame la ministre que votre audition nous éclaire sur quelques dossiers.

Le premier concerne la stratégie intitulée « Bienvenue en France », que vous avez présentée fin 2018. Son objectif final est d’augmenter sensiblement le nombre d’étudiants accueillis en France, pour le porter à 500 000 en 2027, contre 324 000 aujourd’hui.

Le second concerne une mesure spécifique de ce plan qui prévoit une différenciation des frais d’inscription pour les étudiants extra-européens, ce qui conduirait – ou conduira, je ne sais pas – à une multiplication des frais d’inscription par seize pour les licences et par quinze pour les masters. Cette annonce a suscité de nombreuses inquiétudes au sein de cette commission et parmi les pays dont sont actuellement originaires les étudiants accueillis en France, ainsi que parmi de nombreux responsables d’université française et d’intellectuels français qui craignent, par une volonté clairement affichée, un effet négatif de cette mesure.

Notre Commission entend et a entendu ces inquiétudes, et les partage en partie. Nous attendons donc de vous, madame la ministre, des explications sur les justifications de cette réforme, les éventuelles études d’impact conduites pour en apprécier les effets, et, bien sûr les conditions d’application. Par ailleurs, je vous informe que notre commission réfléchit à l’opportunité de créer une mission flash sur ce sujet pour aller plus loin, en particulier avec les pays d’origine des étudiants étrangers.

Notre commission considère qu’il est essentiel de simplifier, nous l’avons souvent dit, notre politique d’attribution des visas.

Nous souhaiterions, par ailleurs, connaître les moyens budgétaires que vous comptez mobiliser pour développer l’octroi de bourses aux étudiants étrangers, dont vous avez parlé à plusieurs reprises.

En outre, à l’occasion d’auditions et de nombreuses missions de la Commission à l’étranger, mes collègues et moi-même avons pu constater que le rayonnement de la France restait très fort, qu’il existait une véritable demande tournée vers notre enseignement supérieur – encore faut-il créer les conditions nécessaires pour répondre à cette demande. Cette question est clairement en lien avec la première partie que j’évoquais plus haut.

Pour illustrer concrètement les enjeux de cette thématique, je prendrai l’exemple de l’Irak, auquel nous avons récemment consacré une table ronde. L’Irak est un pays essentiel, tout le monde le sait ici, pour la stabilité au Moyen-Orient, et dans lequel il est important de favoriser une communauté universitaire francophone. Selon les chiffres fournis par l’ambassade d’Irak en France, notre pays accueillerait aujourd’hui seulement treize étudiants irakiens, contre, par exemple, 6 000 en Russie. Comment pouvons-nous expliquer cette différence ?

Le chef du département de français de l’université de Mossoul, que nous avons reçu la semaine dernière, a plaidé pour l’octroi de bourses aux dix-sept professeurs de français de l’université, titulaires d’un master, afin qu’ils puissent faire leur doctorat en France. Il a rappelé l’importance qu’il y avait, pour les professeurs de français dans l’enseignement supérieur, à pouvoir effectuer facilement des séjours en France pour des formations, des travaux de recherche, et pour améliorer leur connaissance de notre pays.

Pour sa part, un autre de nos invités irakiens, le fondateur du Book Forum de Mossoul, a décrit une situation aujourd’hui catastrophique en Irak pour les jeunes chercheurs, qui ne trouvent pas d’emploi dans les universités irakiennes, faute pour ces dernières de disposer d’un budget.

Notre commission voudrait, concrètement, tenter d’apporter des solutions, offrir des possibilités de coopération, ouvrir l’horizon professionnel de ces jeunes chercheurs, tisser des liens étroits entre nos communautés universitaires. Il est primordial que la France contribue, comme nos invités irakiens nous l’ont demandé la semaine dernière, à la reconstruction, non seulement de l’Irak, mais aussi des esprits dans ce pays.

Madame la ministre, nous sommes très heureux de vous accueillir aujourd’hui. Vous pouvez le constater, ce sont des sujets que nous considérons d’intérêt absolument majeur et général pour nous-mêmes, notre pays, son influence, son attractivité et pour l’équilibre du monde auquel nous croyons très fort dans cette commission.

Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Je vous remercie, madame la présidente, d’avoir pris l’initiative de cette audition qui me permettra de vous présenter, à la fois les orientations du Gouvernement et de mon ministère en matière d’accueil des étudiants internationaux en France, et l’équilibre général de la stratégie « Bienvenue en France », qui a été présentée le 19 novembre dernier par le Premier ministre. J’apporterai ensuite quelques éléments sur la question particulière que vous avez évoquée concernant les relations universitaires avec l’Irak.

Je suis également ravie d’être la première ministre de l’enseignement supérieur à être auditionnée par votre commission des affaires étrangères, sur des questions propres à la vie étudiante et à l’attractivité de nos établissements.

L’écart est parfois immense entre la réalité de la stratégie « Bienvenue en France » et la description qui en a parfois été faite ici ou là. C’est la raison pour laquelle, il est important de rappeler l’ambition du Gouvernement et la vision du ministère en matière d’accueil et d’attractivité internationale.

Je rappellerai tout d’abord que la stratégie « Bienvenue en France » est une première. Jamais un gouvernement n’avait fait de la question de l’accueil des étudiants internationaux une priorité. Il est certes arrivé que la mobilité intra-européenne soit mise au premier plan, avec Érasmus, par exemple, mais jamais l’objectif d’accueillir plus et mieux les étudiants internationaux n’avait été défini comme prioritaire.

Si nous avons fait ce choix, c’est parce que nous vivons une révolution silencieuse. Non seulement la jeunesse du monde entier est de plus en plus nombreuse à accéder à l’enseignement supérieur, et c’est évidemment une chance, mais elle est aussi de plus en plus nombreuse à souhaiter bénéficier d’une expérience internationale.

Nous comptons aujourd’hui 5,5 millions d’étudiants en mobilité dans le monde ; ils seront 9 millions à l’horizon 2025. Certains d’entre vous ont d’ailleurs peut-être eu la chance, lorsqu’ils étaient étudiants, de bénéficier d’une expérience internationale, et savent donc à quel point celle-ci est enrichissante. Mais ils savent aussi à quel point les conditions de l’accueil sont loin d’être aussi performantes de celles de certaines grandes universités étrangères.

La question qui est posée est la suivante : la France sera-t-elle ou non au rendez-vous de cette explosion de la mobilité étudiante ? Saurons-nous saisir cette opportunité pour accroître le rayonnement de l’enseignement supérieur, mais aussi de la langue française, de la culture française et des valeurs démocratiques qui sont les nôtres ?

Il ne faut pas se leurrer. Aujourd’hui, certaines grandes nations universitaires font face à des hésitations et sont confrontées à une tentation de fermeture ; c’est le cas des États-Unis, dont la politique des visas est devenue extrêmement restrictive. Quant à nos amis britanniques, chacun le sait, ils traversent une période d’incertitude.

Parallèlement, de nouveaux acteurs émergent, avec une politique d’attractivité que nous pouvons qualifier, sans jugement de valeur, d’extrêmement dynamique ; je pense à la Chine, à la Turquie, à l’Arabie saoudite, à l’Iran, qui font partie des États qui connaissent la plus forte croissance du nombre d’étudiants internationaux accueillis.

Face à cette concurrence, nous avons des atouts évidents, mais nous avons également des faiblesses, et il nous faut être conscients des uns comme des autres. Les atouts, nous les connaissons, et les étudiants qui ont eu la chance d’étudier en France nous les rappellent : la culture française, le patrimoine, la qualité de l’offre de formation et de la recherche. Ce sont ces atouts qui expliquent que nous soyons aujourd’hui encore la quatrième nation, en termes d’accueil des étudiants internationaux.

Mais nos faiblesses, elles aussi, sont de plus en plus visibles, notamment le mauvais accueil que nous réservons aux étudiants internationaux, malgré des progrès réalisés dans les écoles ou pour certaines formations au sein des universités. Ces progrès demeurent insuffisants et, comme le disent pudiquement les étudiants internationaux qui ont étudié en France, venir faire des études supérieures en France, cela se mérite.

Nous ne sommes plus dans le « top 20 » des pays en plus forte progression en matière d’attractivité ; en réalité, nous sommes en train de décrocher. Pourquoi ? Parce que le parcours d’un étudiant commence avec une demande de visa, et se poursuit avec la recherche d’un logement qui nécessite l’ouverture d’un compte en banque. Or l’ouverture d’un compte en banque nécessite une adresse en France. Trop souvent, les étudiants internationaux sont livrés à eux-mêmes pour accomplir l’ensemble de ces démarches, là où, dans une université étrangère, un étudiant en mobilité est accueilli et accompagné de bout en bout. Alors le fossé est peut-être un peu moins large pour les étudiants francophones, mais dans tous les cas, il existe un sentiment d’abandon qui accompagne les étudiants lorsqu’ils arrivent en France.

C’est la raison pour laquelle, la stratégie « Bienvenue en France » vise à simplifier les procédures d’attribution des visas, à favoriser la mise en place du guichet unique pour l’accueil et l’accompagnement dans les démarches administratives, et à permettre aux étudiants internationaux, par exemple, de bénéficier de la caution VISALE pour leur logement, caution garantie par l’État.

Si nous comparons notre accueil à celui réservé aux étudiants français en mobilité dans une université étrangère, nous constatons que, pour eux, les choses sont beaucoup plus simples. L’enjeu est donc bien d’être à la hauteur des standards internationaux de l’accueil, d’autant qu’aujourd’hui les étudiants internationaux ont le choix, voire l’embarras du choix. Nous devons donc les convaincre de choisir nos universités et nos écoles ; c’est le cœur de notre stratégie.

Je voudrais insister sur ce point, d’autant plus que notre objectif est d’augmenter de manière volontariste le nombre d’étudiants internationaux qui seront accueillis dans notre pays. Ils sont aujourd’hui 324 000, dont 245 000 en mobilité diplômante, et notre objectif est de doubler ce nombre pour accueillir 500 000 étudiants dès 2027. Il ne s’agit donc pas de construire je ne sais quel mur autour des universités et des écoles, mais bien d’augmenter le nombre d’étudiants.

De la même manière, il ne s’agit pas de privilégier des étudiants venus de telle ou telle zone géographique aux dépens de ceux en provenance de telle ou telle autre. Je serai très claire sur ce point afin de rétablir la vérité : oui, la France a la chance, chaque année, d’accueillir des dizaines de milliers d’étudiants provenant de pays en voie de développement, notamment d’Afrique, et cela doit continuer.

Cette relation particulière qui a été nouée, notamment avec la jeunesse des pays d’Afrique francophone et des pays du Maghreb, nous devons non seulement la préserver, mais aussi la renforcer. C’est la raison pour laquelle, la stratégie « Bienvenue en France » met un terme à la baisse continue du nombre de bourses attribuées aux étudiants internationaux, que nous constatons depuis plus de dix ans. Cela se traduira, au minimum, par un doublement des bourses et des exonérations délivrées par nos postes diplomatiques. Je dis bien « au minimum », car les universités et les écoles, dans le respect de leur autonomie, dans le respect de leur stratégie internationale, seront aussi en capacité d’adapter les exonérations et les bourses d’études des établissements.

Comme je l’ai indiqué à plusieurs reprises, je suis prête, sur la base des demandes formulées par ces établissements, à faire évoluer le plafond qui encadre leurs décisions en ce domaine. Or donner à chaque université les outils d’une véritable politique de solidarité internationale, c’est aussi tout le sens de la stratégie « Bienvenue en France ».

Réaffirmer la place particulière de notre partenariat avec l’Afrique francophone ne doit en aucun cas nous conduire à renoncer à attirer des étudiants provenant de pays qui, aujourd’hui, ne font pas le choix de la France, qu’il s’agisse de l’Afrique anglophone, de la Chine, de l’ensemble des pays asiatiques, de l’Australie, des États-Unis, du Canada, pour ne citer que ceux-là. Ces étudiants attribuent une notion de qualité à la notion de coût des études et nous ne devons pas renoncer à mettre en place une politique redistributive, à partir de ressources nouvelles qui pourront être apportées par la mise en place de ces droits différenciés.

Pour attirer ces étudiants, nous devons donc nous saisir, au-delà des questions de visas et d’accueil, de questions que nous avons trop longtemps laissées à l’écart et qui font partie intégrante de la stratégie « Bienvenue en France » ; je pense aux enseignements et aux formations délivrés en langues étrangères. Nous avons la chance de pouvoir compter sur une francophonie forte à laquelle, je le sais, nous sommes tous profondément attachés, mais si nous voulons attirer vers la France et vers la pratique du français, des étudiants qui, de prime abord, en sont éloignés, nous devons aussi réfléchir à la manière dont nous pouvons permettre à ces étudiants d’apprendre le français de manière intensive, avant leur arrivée sur le territoire – c’est ce que vous évoquiez, madame la présidente, avec les étudiants irakiens – ou à leur arrivée sur le territoire. Parallèlement, nous devons soutenir le développement de formations en langues étrangères, chaque fois que cela a du sens.

 Pour mieux accueillir les étudiants internationaux, des moyens sont nécessaires. Dès cette année, le Gouvernement a dégagé 10 millions d’euros pour permettre aux universités et aux écoles de mettre en place des actions très concrètes, comme la création d’un guichet unique pour accompagner les étudiants, pour faciliter leur accès au logement, notamment par le biais du centre régional des œuvres universitaires et scolaires (CROUS), et développer des formations en langues étrangères.

Pour permettre aux étudiants qui choisiront la France de s’y retrouver, Campus France lancera, dans les jours qui viennent, le premier appel à labellisation « Bienvenue en France », qui sera le signe de l’engagement des établissements d’enseignement supérieur à revoir les conditions d’accueil à destination des étudiants internationaux.

Mais là aussi, je serai claire, et dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons, si nous voulons pouvoir financer durablement l’amélioration des conditions d’accueil pour les étudiants internationaux, nous devons mettre en place un vrai modèle redistributif. Un modèle qui doit passer par la mise en place de droits d’inscription différenciés pour les étudiants hors de l’Espace économique européen, qui s’accompagnera de dispositifs garantissant qu’aucun étudiant international qui souhaite choisir la France, et qui sera choisi par un établissement français, ne soit empêché pour des raisons financières. J’insiste sur ce point, car la stratégie « Bienvenue en France » forme un tout cohérent.

Les frais ne peuvent pas se concevoir sans une vraie politique d’exonérations et de bourses se déclinant à l’échelle nationale, grâce à l’engagement du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, et à l’échelle de chaque établissement ; c’est le sens de ce principe de redistribution. Les étudiants qui en ont le plus besoin seront soutenus par l’État, par le biais des bourses du gouvernement français, des exonérations, de la subvention pour charges de service public versée aux établissements. Ceux qui contribueront seront ceux qui seront en capacité de le faire ; par leur contribution, ils permettront d’améliorer l’accueil de tous.

Ce modèle a été choisi depuis longtemps déjà par de très grandes nations académiques, y compris des nations européennes. Les droits d’inscription d’un étudiant en premier cycle sont de 8 000 euros aux Pays-Bas, de plus de 6 000 euros au Danemark et d’environ 8 000 euros en Suède. Mais, parallèlement, d’autres étudiants bénéficient d’exonérations et de bourses accordées par les gouvernements ou les établissements. Bien entendu, chaque nation ayant son modèle singulier, la France, demain comme aujourd’hui, souhaite conserver un mode de financement de l’enseignement supérieur différent.

D’abord, parce que ce financement repose sur le service public, financé par l’impôt. C’est la raison pour laquelle, comme l’a indiqué le Premier ministre à l’occasion des questions au Gouvernement, nous ne donnerons pas suite au rapport de la Cour des comptes qui propose d’augmenter les droits d’inscription pour l’ensemble des étudiants, qu’ils soient français, européens ou internationaux. Sur ce point, la position du Gouvernement est limpide : nous ne sommes pas favorables à une hausse des droits d’inscription pour tous les étudiants.

Les étudiants français, de même que tous les étudiants internationaux résidant durablement en France et contribuant au financement par l’impôt du service public, ne sont en aucun cas concernés par la mise en place de ces frais différenciés. Et comme je l’ai indiqué à plusieurs reprises, dans les jours et les semaines qui viennent, je mettrai en place les actes réglementaires qui matérialiseront cet engagement.

Mettre en place les frais différenciés, ce n’est donc pas remettre en cause le financement par l’impôt de l’enseignement supérieur, bien au contraire. Ces frais s’appliqueront seulement à ceux dont les familles ne résident pas durablement en France et ne contribuent donc pas à ce financement.

Je tiens également à souligner que, dans le nouveau cadre que le Gouvernement souhaite mettre en place, la collectivité nationale continue à prendre en charge les deux tiers du coût de la formation des étudiants internationaux. Il s’agit, là aussi, d’une volonté d’investir dans le rayonnement et l’ouverture de l’enseignement supérieur.

La mise en place de nouvelles bourses et d’exonérations sera effective d’ici à la rentrée prochaine ; elle jouera un rôle central dans la stratégie « Bienvenue en France ». Ces exonérations et ces bourses seront déployées à deux niveaux. D’abord, au niveau des postes diplomatiques, 8 000 exonérations viendront s’ajouter aux 7 000 bourses dont dispose le réseau. Ensuite, au niveau des établissements, les universités et les écoles disposant d’une large faculté d’exonérations.

Tous les étudiants internationaux accueillis dans le cadre de conventions entre établissements sont de fait exonérés des frais différenciés. Les étudiants accueillis dans le cadre d’Érasmus Plus, tout comme les doctorants internationaux dont la thèse est en cotutelle, ne sont pas non plus concernés. À droit constant, et compte tenu de l’existence d’un plafond réglementaire, les universités et les écoles sont d’ores et déjà en mesure d’exonérer 10 % de la totalité des étudiants inscrits chez eux. Ce sont donc déjà, sans faire évoluer les textes, plus de 25 % des étudiants internationaux qui ne seront pas concernés par cette augmentation des frais différenciés. Nous sommes donc bien loin de la description qui est parfois faite de la stratégie « Bienvenue en France ».

Je l’ai également dit très clairement, et à plusieurs reprises, je suis prête à aller plus loin, à travailler sur le plafond réglementaire d’exonération prévu par les textes, notamment dans le cadre de la concertation en cours, et cela à deux conditions. D’abord, c’est que cela s’inscrive dans le cadre d’une vraie stratégie d’établissement, propre à chaque université et à chaque école. C’est la raison pour laquelle, j’ai demandé, dès le mois de décembre, à chaque université et à chaque école d’identifier ses besoins en bourses et en exonérations et de me les faire connaître.

Ensuite, c’est que cette stratégie intègre pleinement le double objectif d’amélioration des conditions d’accueil et de doublement des étudiants. Je conçois qu’il puisse y avoir un débat autour des modalités de financement de la politique d’accueil, mais ce débat ne doit pas nous faire oublier l’objectif, qui est de mieux accueillir les étudiants et d’en accueillir plus dans les années à venir. C’est la raison pour laquelle, le Gouvernement exclut toute remise en cause de la stratégie « Bienvenue en France » ; il s’agit d’un réel devoir collectif que de mieux accueillir les étudiants qui choisissent la France. Or ce n’est pas le cas dans l’immense majorité des cas, et c’est un euphémisme de dire cela.

La concertation qui s’est ouverte début janvier, et dont j’ai confié la coordination à cinq personnalités indépendantes, porte sur les modalités de mise en œuvre de l’ensemble de cette stratégie. Elle doit nous permettre de définir la signature française en matière d’accueil des étudiants internationaux. Dans ce cadre, j’ai indiqué que nous pourrions aborder certains des points d’inquiétude qui ont été formulés, et auxquels évidemment je reste très attentive.

Les étudiants internationaux d’ores et déjà présents en France, je le répète, ne sont pas concernés par les frais différenciés. Ils doivent ainsi être parfaitement rassurés sur ce point. S’agissant des doctorants, essentiels à notre système d’enseignement supérieur et de recherche, nous avons d’ores et déjà prévu la prise en charge des frais différenciés via les financements sur projets au service de la recherche, qui permettent le recrutement de nombreux doctorants, que ce soit au titre de l’Agence nationale de la recherche (ANR) ou du Programme d’investissements d’avenir (PIA). Mais, là encore, je suis prête à examiner toute proposition qui me serait faite sur ce sujet.

Certains acteurs ont exprimé leur volonté que le cadre de cette concertation puisse être élargi. Je n’y vois aucun inconvénient, dès lors que l’objectif de renforcer notre attractivité ne soit pas perdu de vue.

Notre stratégie internationale consiste, non seulement à mieux accueillir en France les étudiants internationaux, mais également à permettre à tous ceux qui le souhaitent d’accéder au modèle français d’enseignement supérieur, sans avoir à quitter leur pays. En effet, l’envie d’international doit pouvoir se concrétiser pour tous les étudiants, y compris ceux pour lesquels envisager une mobilité n’est pas possible.

Cela veut dire que nous avons un rôle à jouer, non seulement en maintenant ouvertes les portes de l’enseignement supérieur, mais également en participant à la projection d’universités et d’écoles françaises dans de nombreux pays, en co-construisant, entre les établissements français et les établissements locaux, et notamment dans les pays en voie de développement, de nouvelles universités et de nouvelles écoles. Cette démarche, vous le savez, est chère au Président de la République, qui s’est lui-même engagé dans la mise en place du Campus franco-sénégalais, pour ne citer que cet exemple.

Avec la stratégie « Bienvenue en France », nous donnerons un coup d’accélérateur très net à cette capacité de projection des établissements français à l’étranger. Dès 2019, ces derniers pourront s’appuyer sur des financements d’amorçage, à hauteur de 5 millions d’euros dégagés par Jean-Yves Le Drian. Et à compter de 2020, c’est l’Agence française de développement (AFD) qui prendra le relais pour financer la mise en place de projets, à hauteur de 20 millions d’euros par an ; il s’agit d’un effort considérable.

La création de ces formations diplômantes françaises à l’étranger, dans les pays du Sud, sera une réalité dès la rentrée de 2019. Ces formations verront le jour à Tunis dans le cadre de l’université franco-tunisienne pour l’Afrique et la Méditerranée, et à Dakar avec le campus franco-sénégalais. En Tunisie, ce sont des établissements aussi variés que l’université Paris 1, Dauphine ou l’université d’Aix-Marseille, qui s’engagent aux côtés d’universités tunisiennes. À Dakar, c’est le Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), l’Institut Mines-Télécom (IMT), l’université technologique de Troyes, l’université de Bretagne Sud, qui travaillent avec une douzaine d’établissements sénégalais – le socle du campus franco-sénégalais.

Ce n’est pas un hasard non plus si, hier, à l’occasion de la visite du Président de la République en Égypte, nous avons, une fois encore, signé un accord intergouvernemental qui relance l’université française d’Égypte. Dans quelques semaines, nous nous rendrons avec le Président de la République au Kenya, et là encore, l’enseignement supérieur sera au cœur de ce déplacement.

Cette évocation de l’Afrique dans toute sa diversité me conduit à dire quelques mots de ce continent avec lequel nous avons une relation si particulière – je sais que vous y êtes aussi sensibles que je le suis moi-même. Le Président de la République a souhaité que se développe, avec le continent africain, une relation partenariale nouvelle, peut-être plus équilibrée qu’elle ne l’a été auparavant. C’est tout le sens du discours qu’il a prononcé devant les étudiants à Ouagadougou, ou à l’Académie française, quelques mois plus tard. À Ouagadougou, comme à Paris, le Président a eu l’occasion d’indiquer, je cite : « Il faut doubler le nombre de partenariats universitaires avec l’Afrique ». Doubler le nombre de partenariats, c’est justement permettre cette relation équilibrée dans laquelle les étudiants africains viennent en France et les étudiants français partent étudier en Afrique.

C’est ce que nous porterons au Kenya dans les prochaines semaines, et c’est ce que je porterai en me rendant, d’ici à l’été, dans divers pays d’Afrique avec des représentants d’établissements français, pour renforcer encore plus la coopération entre les deux continents.

Mesdames et messieurs les députés, le cœur de la stratégie « Bienvenue en France », pour laquelle le Gouvernement est au service d’une seule ambition : celle de permettre à nos universités et à nos grandes écoles de rayonner pleinement dans un monde où la mobilité étudiante va connaître une accélération sans précédent.

Je terminerai, madame la présidente, en tentant de répondre, avec les éléments dont je dispose, à la question qui vous tient à cœur s’agissant des étudiants irakiens.

Nous venons de rouvrir deux espaces Campus France, l’un à Bagdad et l’autre à Erbil. Nous allons également relancer le programme de bourses avec l’Irak. Nous comptabilisons 470 étudiants irakiens en France, dont 399 à l’université – selon les chiffres de Campus France ; nous sommes le quatorzième pays d’accueil des étudiants irakiens, ce qui signifie que nous avons une grande marge de manœuvre. Actuellement, aucune convention bilatérale entre établissements français et irakiens n’a été signée, ce qui fait évidemment partie des sujets que nous pouvons travailler.

Dès janvier 2017, le programme national d’aide à l’accueil en urgence des scientifiques en exil (PAUSE), piloté par le Collège de France et soutenu financièrement par mon ministère, a permis d’accompagner les établissements qui accueillent les scientifiques et les universitaires en exil. Ce sont ainsi plus de 98 scientifiques qui ont pu être accueillis en 2017 grâce aux financements du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et de l’Union européenne. Nous souhaitons, bien évidemment, maintenir ce dispositif dans les années à venir.

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Concernant l’Irak, il est très important que nous travaillions ensemble dans les semaines qui viennent à un vrai partenariat universitaire, en particulier avec l’université de Mossoul. Il s’agit d’une vraie demande et nous nous devons d’y répondre. Nous savons très bien ce qui se joue avec la reconstruction de l’Irak. Soit nous arrivons à redonner un élan à ce pays, à le reconstruire, à le remettre debout et nous arriverons à éradiquer l’horreur de Daesh, soit Daesh continuera de sévir. Nous avons une responsabilité dans la reconstruction de l’Irak, et en particulier de Mossoul, ville martyre, et nous ne pouvons pas décevoir ceux qui attendent beaucoup de la France.

J’ouvre le débat. Plus de quinze députés sont inscrits et nous commencerons avec les porte-parole des groupes. Je vous demande à tous de respecter votre temps de parole.

M. Jean François Mbaye. Madame la présidente, si j’interviens bien au nom du groupe La République en Marche, les propos que je vais tenir ne reflètent pas la pensée de tous les députés de notre commission membres de ce groupe. Ils reflètent le sentiment des députés qui ont signé, avec moi, le courrier que nous avons adressé au Premier ministre concernant la différenciation des frais d’inscription.

Madame la ministre, je vous remercie d’avoir exposé devant nous la stratégie « Bienvenue en France ». Votre intervention devant la commission des affaires étrangères souligne l’importance de l’enseignement supérieur et de la recherche dans les relations que notre pays veut entretenir et entretient avec le reste du monde. Celles-ci permettent à la France de rayonner à l’international et font partie intégrante du soft power dont elle dispose afin d’occuper sur la scène mondiale le rang qui est le sien.

Parmi les composantes de cette capacité d’influence, se trouve la possibilité pour les étudiants en provenance de pays étrangers de s’inscrire au sein d’établissements français et de suivre les enseignements qui y sont dispensés. Certains de ces étudiants seront, une fois leur cursus achevé, amenés à retourner dans leur pays d’origine où ils pourront mettre en œuvre les fruits de leurs études, mais également faire état de la qualité de la formation dont ils ont pu bénéficier dans notre pays. En résumé, chacun de ces étudiants est un francophile en puissance ; chacun de ces étudiants peut devenir un acteur essentiel des échanges scientifiques, économiques et culturels entre la France et leur pays d’origine.

Or, le 19 novembre 2018, le Gouvernement a annoncé, par la voix du Premier ministre, pour la rentrée universitaire 2019-2020, la mise en place de frais de scolarité différenciés pour les étudiants en provenance de pays situés hors de l’Union européenne. Cette décision, madame la ministre, et madame la présidente de la commission l’a relevé, n’a pas manqué de surprendre, tant les étudiants concernés que les universités qui les accueillent. Nous avons été surpris par l’annonce de cette mesure, décidée en amont de toute concertation avec les principaux intéressés.

Alors même que la France entend accueillir 500 000 étudiants d’ici à 2027, ainsi que le prévoit la stratégie « Bienvenue en France » présentée par le Premier ministre, cette mesure risque de dissuader les étudiants les plus modestes de venir étudier en France. Les présidents d’université avec lesquels je me suis entretenu m’ont déjà fait part d’une diminution du nombre d’inscriptions de la part des étudiants potentiellement concernés par les frais différenciés. À ce risque, vient s’ajouter le flou qui entoure le sort des sommes perçues en raison de l’augmentation des frais. Ces sommes seront-elles fléchées vers le budget des universités concernées ? Seront-elles exclusivement consacrées à la mise en place d’un véritable plan d’accueil étudiants ? Ou seront-elles simplement budgétisées ?

Vous en conviendrez, madame la ministre, ces imprécisions ne sont pas de nature à rassurer des universités enclines à penser qu’il ne s’agit là que d’une première étape visant, in fine, à une augmentation généralisée des frais de scolarité. Je crois savoir que vous avez d’ores et déjà ouvert une concertation avec l’ensemble des parties prenantes. Néanmoins, les délais impartis étant extrêmement courts, sans doute madame le ministre, serait-il plus opportun, eu égard à l’importance des enjeux en présence, de surseoir à la mise en œuvre de cette mesure pour l’année universitaire à venir, afin de permettre l’instauration sur la durée d’une véritable logique de coopération entre vos services et ceux des présidents d’université. À cet égard, je souhaiterais donc, madame le ministre, obtenir de votre part tout élément de réponse utile quant à ces interrogations et ces doutes légitimes.

Mme Bérengère Poletti. Le sujet évoqué aujourd’hui avec vous, madame la ministre, est un sujet important, il fait l’actualité, il fait débat, voire polémique. Il s’agit donc bien d’un sujet qu’il nous faut évoquer ensemble, afin d’essayer de le comprendre et probablement de le cadrer. Nous sommes ravis de pouvoir vous poser un certain nombre de questions.

J’avais évidemment prévu d’évoquer la table ronde relative à l’Irak, ayant été particulièrement touchée par le témoignage des Irakiens et par leur demande de « plus de France » dans le domaine de l’enseignement supérieur. Mais je centrerai mes questions sur les droits différenciés.

Certaines universités françaises ont déjà déclaré qu’elles n’augmenteraient pas leurs droits d’inscription. Qu’en pensez-vous ?

Vous avez évoqué l’octroi de bourses supplémentaires, un choix tout à fait intéressant, qui seront confiées au ministre des affaires étrangères. Quelles sont vos priorités s’agissant de l’octroi de ces bourses supplémentaires ? Des pays sont-ils particulièrement ciblés ? Les pays francophones font-ils partie de vos priorités ?

 Vous avez par ailleurs décidé de confier à l’Agence française de développement (AFD) le financement de la mise en place de projets relatifs à la projection d’universités et d’écoles françaises. Nous allons bientôt en discuter au Parlement, à travers la loi d’orientation et de programmation relative à l’aide au développement. L’une des priorités est la question de la transparence et de l’évaluation ; quels critères de transparence et d’évaluation comptez-vous exiger de l’AFD ?

S’agissant des documents confiés par Campus France aux parlementaires, nous avons relevé une explosion du nombre d’étudiants étrangers dans des pays comme la Turquie, l’Arabie saoudite ou la Russie. La question de la concurrence va se poser. Pour quelles raisons des étudiants africains partent suivre leurs études dans ces pays ? Votre ministère travaille-t-il sur cette question ?

M. Michel Fanget. Madame la ministre, l’enseignement supérieur français relève très largement du budget de l’État et se caractérise par la quasi-gratuité pour les étudiants français, européens, mais aussi étrangers. Le Gouvernement auquel vous appartenez, madame la ministre, a choisi d’augmenter les frais d’inscription de ces étudiants étrangers. Si cette annonce fait l’objet d’un débat, elle est aussi l’occasion d’une réflexion sur les principaux enjeux de l’enseignement supérieur.

En effet, il s’agit de renforcer et de moderniser les conditions d’étude dans les universités pour nos étudiants et ce, dans leur ensemble. Malgré les nombreux atouts de l’enseignement supérieur français, tels que la qualité de la formation, des institutions prestigieuses, l’excellence scientifique et le rayonnement culturel, de nombreux axes d’amélioration existent. Les raisons sont multiples. La France, par exemple, accuse un retard dans le développement des campus universitaires, en particulier pour les étudiants étrangers. La France a, entre autres difficultés, une faible politique d’accueil et des procédures administratives complexes. D’ailleurs, les conditions actuelles ne sont pas appropriées, le nombre d’étudiants en mobilité progressant beaucoup moins en France que dans les autres pays qui développent des stratégies d’attractivité offensives pour attirer davantage d’étudiants.

Toutefois, madame la ministre, l’annonce sans préalable et brutale de l’augmentation des frais d’inscription pour nos étudiants étrangers crée une incompréhension chez nos pays partenaires. Cette mesure pourrait bloquer nos universités françaises, et le retour que nous en avons, à la commission des affaires étrangères, est très mitigé. Il ne s’agit pas de s’opposer au plan général que vous avez présenté, qui compte des aspects très positifs, mais la méthode polarise uniquement autour des frais financiers. Notre groupe, notamment par l’intermédiaire de notre collègue Bruno Fuchs, s’est manifesté dès le mois de décembre pour demander de surseoir à cette mesure, afin de réaliser en urgence une étude d’impact dans le cadre d’une mission d’information flash et de prendre le temps d’expliquer les objectifs de ce plan d’ensemble, « Bienvenue en France ».

M. Jean-Luc Warsmann. Madame la présidente, je vous remercie de m’accueillir au sein de votre commission. Comme vous-même, je suis absolument convaincu que notre enseignement supérieur est l’un des facteurs du rayonnement de la France et de sa politique étrangère.

Madame la ministre, je partage entièrement vos propos s’agissant du rôle de l’accueil d’étudiants étrangers dans le rayonnement de la France, le rayonnement de la langue française, et j’ajouterai dans le rayonnement du droit français, car la compétition entre les différents systèmes juridiques est un enjeu de niveau mondial, de sorte que la capacité de la France à accueillir des étudiants en droit est l’un des facteurs du rayonnement de notre système juridique et, de fait, de toute notre économie.

Je me limiterai à deux questions. Tout d’abord, vous avez évoqué l’ambition d’accueillir 500 000 étudiants. Connaissez-vous le calendrier prévu pour arriver à ce chiffre en 2027 ? Par ailleurs, pouvez-vous être plus claire s’agissant de l’octroi des bourses.

Membre du conseil régional Grand-Est, je puis vous assurer qu’un certain nombre d’élus – qui ne veulent pas du bien aux majorités dirigeant les régions – ne cessent de dénoncer ce phénomène. Il conviendrait donc d’être plus clair s’agissant de votre ambition d’accueillir davantage d’étudiants et d’augmenter le nombre de bourses, pour ne pas éloigner les étudiants dont les capacités financières ne leur permettent pas de poursuivre des études. Il n’en va pas de l’honneur de la France de pérenniser le système actuel, qui permet l’accueil d’étudiants étrangers, sans leur attribuer de bourses. Ils tombent alors dans une grande précarité.

Ma seconde question concerne la possibilité, pour les jeunes Français, de faire une partie de leurs études à l’étranger. Je suis élu des Ardennes, un département frontalier, et j’ambitionne pour mon pays que l’ensemble d’une classe d’âge – qu’il s’agisse de jeunes qui poursuivent des études supérieures, d’apprentissage ou toute formation – puisse faire une partie de ses études à l’étranger.

Comment cette ambition, qui est partagée par le Président de la République, est-elle accueillie dans votre ministère ? Pourrait-on imaginer, par le biais d’échanges internationaux, d’augmenter le nombre de jeunes qui partent faire une partie de leurs études, ou leur formation, à l’étranger ? Cette mobilité est indispensable pour une ouverture intellectuelle, une ouverture de formation, une ouverture au monde.

M. Alain David. Madame la ministre, comme nous l’avons encore fait ce matin suite à la mission de nos collègues au Liban, nous abordons presque chaque semaine la question de l’influence de la France dans le monde.

Régulièrement, nous nous penchons sur le classement des pays les plus influents et nous pouvons facilement identifier les éléments constitutifs de cette capacité à peser au-delà de nos frontières. Il y a évidemment l’ampleur de notre réseau diplomatique, le dévouement et l’expertise de nos diplomates. Il y a la force et la qualité, pourtant difficile à maintenir, de nos médias internationaux ; la force de la francophonie et de la culture française ; le leadership que nous avons acquis sur quelques grands dossiers internationaux, comme la lutte contre le sida ou la signature du traité de Paris de la COP21. Il y a également la présence de nos entreprises exportatrices et de nos compatriotes expatriés. Enfin, il y a l’accueil que notre pays réserve à de nombreux étudiants étrangers au sein des universités françaises.

La décision annoncée à la fin de l’année dernière, sous le vocable aussi surprenant que trompeur et provocateur de programme « Bienvenue en France », a donc été largement incomprise et contestée par de nombreux acteurs du monde universitaire. Ainsi, ce sont désormais plus d’une quinzaine d’universités qui ont annoncé qu’elles n’appliqueront pas la hausse des frais d’inscription que vous préconisez. C’est en effet méconnaître spectaculairement les sacrifices financiers parfois consentis par les ressortissants de pays africains, notamment, pour venir étudier dans notre pays. Le devoir d’obéissance et de loyauté, auquel vous avez appelé nos universités, est donc déplacé au moment où celles-ci demandent justement une concertation préalable avant de prendre une décision qui, si elle n’était pas reconsidérée, nuirait à leur attractivité.

Je rappellerai le montant des frais d’inscription, qui sont très importants, voire prohibitifs : un étudiant devra désormais verser 2 770 euros en licence, contre 170 euros actuellement ; et 3 770 euros en master et en doctorat, contre, respectivement, 243 euros et 380 euros.

Mme Clémentine Autain. Madame la ministre, j’ai d’abord apprécié le titre de ce programme, « Bienvenue en France », selon la « novlangue » donc votre majorité a le secret – « la guerre c’est la paix », etc.

De la même façon, vous nous dites depuis tout à l’heure qu’il s’agit d’augmenter le nombre d’étudiants étrangers, alors que, très concrètement, l’augmentation drastique des frais d’inscription va produire l’effet inverse, d’autant que 41 % des doctorants en France sont étrangers.

La présence de ces étudiants étrangers est, pour la France, non pas une charge, mais une chance – beaucoup d’enseignants le disent –, dans les amphis, dans l’apport scientifique, dans le mélange des cultures. Il s’agit donc bien d’une richesse et non d’une charge. Or, avec cette mesure, vous introduisez un accès aux études qui sera fondé sur un critère économique, un critère inquiétant et peut-être anticonstitutionnel – nous devrons le vérifier.

J’ai été interpellée dans ma circonscription par des étudiants, notamment par une jeune femme maghrébine qui a poussé un véritable cri d’alarme. Inscrite en master 1, elle travaille pour payer ses études et ne pourra pas s’acquitter du montant des frais d’inscription demandé. Elle envisage de renoncer à ses études.

Je rappelle que pour l’inscription en master, les droits d’inscription vont passer de 243 euros à 3 770 euros. Une augmentation absolument considérable à laquelle cette étudiante ne pourra pas faire face. Par ailleurs, faire un doctorat en France coûtera à l’avenir 11 300 euros, la licence passant de 170 à 2 770 euros.

Une carte réalisée par l’Union nationale des étudiants de France (UNEF) montre que dans l’essentiel des pays d’Amérique latine, d’Afrique et d’Asie, plus de la moitié de la population perçoit un salaire inférieur à une année de frais d’inscription. Nous serons donc dans une logique d’élite de la globalisation, avec un critère social et économique fort, qui pèsera sur la diversité des étudiants étrangers qui pourront avoir accès à des études en France.

Deuxième point qui m’inquiète, la hausse des frais sera-t-elle, demain, applicable à tous les étudiants ? Les étudiants français se posent cette question, d’autant qu’un rapport de la Cour des comptes de 2018 préconise une hausse de 300 % des frais d’inscription pour tous. Je vous pose donc la question, madame la ministre : cette hausse sera-t-elle suivie d’une hausse applicable à tous les étudiants ?

Enfin, madame la ministre, vous parliez de concertation. Si la décision est prise, sur quoi cette concertation va-t-elle porter ?

M. Jean-Paul Lecoq. Madame la présidente, nous vivons dans un drôle de pays. Nous sommes réunis en commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale et chacun autour de cette table fait part de son étonnement, de sa non-compréhension. Chacun se demande comment la décision a été prise, et si les subventions promises, les aides, ont été inscrites au budget.

En effet, nous avons, au sein de cette commission, discuté du budget des affaires étrangères et, de fait, de l’accueil des étudiants étrangers. Or nous n’avons constaté aucune augmentation significative visant à attribuer davantage de bourses.

Nous sommes membres de la commission des affaires étrangères, en suivi de tous ces sujets, et pourtant bien incapables de répondre aux questions que nous posent les syndicats d’étudiants, les présidents d’université, etc.

Qui a pris cette décision ? Et quelle est la part des représentants du peuple dans cette décision ? Aucune ! C’est le Président de la République qui décide et le Gouvernement qui applique. Pourtant, il va falloir entendre ce qui se dit dans le pays en matière de prise de décision.

Je ne reviendrai pas sur le scandale des chiffres.

Aujourd’hui vous nous dites, madame la ministre, qu’une concertation a été mise en place. Chacun, ici, sait ce que cela veut dire : un débat va être organisé pour expliquer pourquoi il faut appliquer cette décision.

Non, cette décision doit être suspendue et une étude d’impact menée – dont les résultats devront nous être communiqués. L’impact est réel puisque, déjà, le nombre d’inscriptions est en baisse par rapport à l’année dernière.

J’ai rencontré les étudiants du Havre ; 20 % d’entre eux sont des étudiants étrangers. Des étudiants qui suivent des études de dimension internationale, de logistiques. Le Havre est un grand port, la France tente de nouer des relations avec tous les grands ports du monde, et nous souhaitons tous que les marchandises passent par le Havre plutôt que par les Pays-Bas, l’Allemagne ou la Belgique. Il est important que des étudiants étrangers étudient ces métiers en France, car quand ils retournent chez eux, ils peuvent être des relais majeurs.

Par ailleurs, nous le savons, des relations nouées à l’université entre étudiants étrangers et français se poursuivent à vie. Des Français qui, trente ans après, sont toujours en relation avec des anciens étudiants étrangers, ont créé, dans le cadre de l’aide bilatérale, des solidarités entre régions ou villages. Nous n’imaginons pas suffisamment l’impact que ces relations peuvent avoir sur nos pays.

Mme Delphine O. Madame la ministre, je vous remercie pour votre présence. De nombreuses choses ont déjà été dites. Les mesures en faveur de la simplification des procédures administratives, celles qui visent à mieux accueillir les étudiants, à savoir l’objectif poursuivi par le plan « Bienvenue en France », sont à saluer.

En effet, les étudiants étrangers que je rencontre me parlent souvent de cet incompréhensible millefeuille administratif que vous avez décrit et auquel ils sont confrontés en arrivant en France. J’ai fait une partie de mes études aux États-Unis, je peux donc témoigner du fossé qui existe entre l’accueil réservé aux étudiants étrangers aux États-Unis ou dans le monde anglo-saxon, et celui proposé en France.

Je ne suis pas opposée au principe de la différenciation des frais d’inscription entre étudiants français et étudiants étrangers, ni au principe selon lequel les plus riches payent plus et les plus pauvres payent moins, voire ne paient pas. En revanche, notre questionnement, et vous le savez, porte sur les chiffres qui ont été annoncés s’agissant des bourses, indispensables au bon fonctionnement de notre système.

Vous avez parlé d’une augmentation de 7 000 à 15 000 bourses attribuées par le ministère des affaires étrangères via les postes diplomatiques, auxquelles se rajoutent 6 000 bourses attribuées par les établissements eux-mêmes.

J’ai ici la réponse du Premier ministre à la lettre qui lui a été adressée à l’initiative de mon collègue Jean François Mbaye, et dont j’étais cosignataire, qui mentionne 33 000 bourses au total – et non pas 21 000. Mais ce qui m’interroge, c’est le nombre de bourses, face aux 324 000 étudiants – et 500 000 en 2027. Nous souhaitons, non pas une remise en cause du principe, mais une visibilité sur la répartition des bourses en fonction de l’origine géographique des étudiants et de leur milieu socio-économique – donc de leurs moyens financiers.

Comment pourrez-vous vous assurer – et nous assurer – que les étudiants les plus riches paieront « plein pot », tandis que les étudiants les plus pauvres, en provenance notamment d’Afrique et d’Asie, paieront moins, voire seront exonérés ? Comment s’assurer que le modèle redistributif dont vous parlez sera bien effectif ?

Enfin, quand pourrez-vous nous communiquer les chiffres relatifs aux bourses ?

Mme Anne Genetet. Madame la ministre, je vous remercie de votre venue devant notre commission.

Si j’approuve cette réforme, certaines conditions devraient être améliorées. Aux propos de ma collègue Delphine O, qui vient d’exposer notre questionnement sur les bourses, j’ajouterai que je souhaite bien du courage aux étudiants étrangers qui souhaitent demander une bourse en France, étant donné la quantité de bourses qui existent à différents titres – bourses d’école, bourses d’université, bourses du ministère, bourses des régions, des départements…

 Par ailleurs, attribuer les bourses selon des conditions de ressources pose problème, alors même que nous avons les plus grandes difficultés à identifier, à l’étranger, les ressources de nos propres ressortissants pour leur attribuer nos bourses dans nos établissements à l’étranger. Comment envisagez-vous de contrôler les ressources des étudiants étrangers, pour lesquels nous n’avons pas la possibilité – j’en ai discuté avec plusieurs diplomates – de poser un regard inquisiteur, comme nous pouvons peut-être le faire pour nos propres ressortissants ?

 Je ferai ensuite un comparatif avec l’Allemagne sur la notion de bourse au mérite. Pourquoi ne pas envisager d’attribuer des bourses au mérite, pour attirer les meilleurs étudiants ? L’Allemagne délivre chaque année 41 000 bourses au mérite, à travers son organisme, le Deutscher Akademischer Austausch Dienst, alors que la France n’en distribue que 387 par an – selon le rapport Campus France.

Mme Samantha Cazebonne. Madame la ministre, mes questions concerneront davantage les Français de l’étranger. Parmi les 8 000 bacheliers étrangers hors Union européenne du réseau d’enseignement français à l’étranger, 40 % ont choisi la France pour faire leurs études supérieures. Leurs familles, en les inscrivant pour la plupart dès la maternelle, ont fait confiance à la France pour l’éducation de leurs enfants, qui sont, dans leur pays d’accueil, les meilleurs ambassadeurs culturels, politiques et économiques de notre pays. Ne devrait-on pas leur appliquer, pour l’accès à l’enseignement supérieur en France, les mêmes droits de scolarité que les étudiants français et européens ?

Ma seconde question est un peu plus technique. L’immense majorité des élèves du réseau d’enseignement français n’ont pas d’identifiant national étudiant (INE), indispensable pour la procédure Parcoursup. Ils ne disposent pas non plus de numéro de sécurité sociale. Serait-il envisageable d’attribuer ces numéros en amont, afin de lever les contraintes administratives qui poussent certains étudiants à choisir d’autres pays qui ne présentent pas ces contraintes ?

Enfin, dernière question, quelles sont les stratégies adoptées pour développer la fréquentation des campus français ou des filières francophones dans les universités à l’étranger, dans un contexte de concurrence accrue, notamment avec les filières anglophones et les offres privées ? Quelle place occupe les filières technologiques et professionnelles dans ces campus ou filières à l’étranger ?

M. Jean-François Portarrieu. Madame la ministre, j’évoquerai non pas les étudiants étrangers qui viennent en France, mais les étudiants français qui partent à l’étranger. Pourquoi ? Parce qu’il y a quelques semaines, à votre place, était assis Cédric Villani, qui a présenté devant notre commission son rapport sur l’intelligence artificielle. Il a fortement insisté sur les atouts de la France dans ce secteur stratégique, un secteur où se joue une compétition mondiale, où la concurrence entre les universités est très vive. Il a notamment évoqué l’excellent niveau de nos étudiants, notamment des doctorants, et de nos chercheurs, qui sont enviés un peu partout sur la planète, mais également la fuite de nos cerveaux. Si cette menace est confirmée, comment pensez-vous pouvoir l’enrayer ?

M. Jacques Maire. Madame la ministre, nous partageons, comme cela a été dit par de nombreux collègues, la vision, l’ambition de ce plan gouvernemental. Cependant, le plan de départ est assez médiocre. Le marché étant très concurrentiel, il conviendra de se positionner.

L’enfer est pavé de bonnes intentions. Si, comme cela est souvent le cas, les réformes de l’État sont justifiées et la vision cible excellente – se positionner en Asie, par exemple, est nécessaire –, la transition n’est pas toujours pensée. Si, du jour au lendemain, nous augmentons les frais d’inscription de 3 000 ou 4 000 euros, non seulement le budget de l’aide publique au développement (APD) sera fortement impacté, mais nous ne réduirons pas la part de l’écolage chinois dans l’APD française.

Au-delà de cet impact, les conséquences sur les opinions publiques des pays avec lesquels nous avons des rapports intimes seront immédiates et irréversibles. C’est la raison pour laquelle nous avons proposé une mission flash. Nous pensons qu’il est essentiel, s’agissant des grands projets de transformation, que nous apprenions, ensemble, à gérer les transitions. Si nous ne prenons pas la mesure de l’impact dans les pays les plus concernés, je suis persuadé que nous allons faire des bêtises importantes que nous regretterons.

Tel est l’esprit de la mission flash que nous proposons. Dans votre plan, madame la ministre, des points très importants sont à considérer, à commencer par le point de vue, non pas du marché en général, mais du partenaire.

M. Christophe Lejeune. Madame la ministre, votre ministère porte une attention toute particulière aux étudiants étrangers, afin de leur offrir les meilleures conditions d’accueil, vous l’avez rappelé. En revanche, vous l’avez aussi souligné, des progrès restent à faire, et même si cela ne concerne pas directement votre ministère, une démarche renforcée au profit des lycées français à l’étranger ne permettrait-elle pas de répondre à l’un de vos objectifs, qui est de passer de 324 000 à 500 000 étudiants étrangers sur notre territoire ?

Mme Sira Sylla. Madame la ministre, je vous remercie pour votre intervention et votre présence parmi nous. Je souscris à ce que mon collègue Jean François Mbaye a pu dire. J’ajouterai, puisque vous avez cité l’exemple des campus franco-africains, que ceux-ci ne sont pas encore opérationnels.

Je sais que vous travaillez main dans la main avec votre homologue sénégalais. Aujourd’hui, dix-sept formations en licence et master ont été validées. J’ai pu constater au Sénégal que le chantier du campus franco-sénégalais de Diamniadio avait démarré. J’ai pu participer à la signature de formations techniques, de « bac moins 3 » à « bac plus 3 », avec le rectorat de Normandie. Toutefois vu l’émotion que suscite cette réforme, ne pensez-vous pas qu’il serait opportun de suspendre les mesures liées à la hausse des frais d’inscription ?

J’ajouterai que l’université de Rouen compte 3 000 étudiants étrangers, alors que nous parlons de 15 000 bourses. Comment allons-nous pouvoir répondre à toutes les demandes des étudiants ?

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Madame la ministre, j’ajouterai une question à celles de mes collègues : une étude d’impact a-t-elle été menée avant de prendre cette décision ?

Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Je vous remercie, je vais tenter de répondre aux différentes questions qui m’ont été posées.

Je commencerai par celle relative à la soi-disant baisse des inscriptions constatée par les universités. Il s’agit en réalité d’une baisse redoutée, mais pas encore confirmée. Les inscriptions se font sur la plateforme « Étudier en France », gérée par les différents postes et ambassades. Les chiffres sont en cours de consolidation, mais nombreux sont ceux qui annoncent déjà des baisses spectaculaires. Or les premiers chiffres – je le répète, non encore consolidés – sont bien supérieurs aux craintes et rumeurs exprimées ; je vous les transmettrai dès qu’ils seront définitifs.

Concernant les droits d’inscription, je puis vous affirmer qu’ils sont perçus directement par les établissements. Vous pouvez faire taire les rumeurs sur ce point. Chaque fois qu’un étudiant s’inscrit dans un établissement, celui-ci en perçoit les droits – en contrepartie, l’étudiant bénéficie de cours délivrés par des professeurs.

Madame Autain, vous pouvez absolument rassurer l’étudiante de master 1 que vous avez rencontrée. Je l’ai dit et je le répète : la hausse des frais d’inscription ne concerne que les nouveaux arrivants. Les étudiants déjà inscrits dans une université française ne sont pas concernés par cette mesure. Alors n’hésitez pas à rassurer cette jeune femme.

S’agissant de la question des droits d’inscription en général, je ne sais pas comment le dire mieux que le Premier ministre, lors des questions d’actualité : le Gouvernement n’a aucunement la volonté, le souhait, l’ambition d’augmenter, d’une manière générale, les droits d’inscription. Il s’agit simplement de mettre en place un système redistributif, qui est nécessaire.

Contrairement à ce qui est rapporté, les universités ne refusent pas d’appliquer les lois et les décrets. J’ai simplement rappelé, au Sénat, les droits et devoirs de tous les fonctionnaires et leur ai conseillé, en vue d’atteindre l’objectif du doublement des étudiants internationaux, d’utiliser tous les moyens légaux à leur disposition pour exonérer un maximum d’étudiants. Là est le cœur de la concertation : aider les universités à s’approprier l’objectif d’accueillir plus d’étudiants et à programmer, dans le cadre de leur autonomie, une diversification de ces étudiants par l’intermédiaire des droits différenciés – qui seront payés par des étudiants en capacité de le faire ?

J’insiste sur l’aspect redistributif. La quasi-totalité des établissements français délivrent des diplômes d’établissement qui ne sont pas des diplômes nationaux, et dont les droits d’inscription ne sont pas régis par décrets : ils sont tarifés sur décision des conseils d’administration. Ils permettent aux établissements d’accueillir les étudiants dans de bonnes conditions, notamment en matière de logement, puisqu’ils peuvent en trouver un avant leur arrivée. Si cet accueil de qualité est possible, c’est parce que seuls les étudiants qui paient les droits d’inscription demandés sont pris en charge par les établissements. Or je souhaite que cette qualité de l’accueil, dont les universités sont capables de mettre en place, soit généralisée.

En termes d’attractivité, le nombre d’étudiants inscrits aux diplômes d’établissement est très faible par rapport au nombre de candidats. Ce qui montre que le coût de ces diplômes n’est pas un frein à leur attractivité.

S’agissant des doctorants, je l’ai déjà dit, les droits d’inscription différenciés seront inclus dans les sources de financement. Et pour les doctorants qui ne bénéficient pas de financements, j’attends que les établissements me fassent des propositions. Lorsque nous procédons à des comparaisons internationales, nous constatons que le doctorat, diplôme qui a le plus de valeur sur le marché du travail, est celui pour lequel les droits d’inscription sont les plus élevés, et ce partout dans le monde, mais aussi qu’il existe de nombreuses exonérations et bourses en vue d’attirer les meilleurs étudiants.

Monsieur Maire, le point de vue des partenaires doit évidemment être pris en compte ; les étudiants algériens, chinois, sénégalais et autres sont auditionnés dans le cadre de la concertation, afin de définir ce qu’ils attendent d’un accueil de qualité. Et la gestion de la transition correspond au rythme auquel les universités vont s’approprier l’objectif qui a été fixé pour 2027 – recevoir 500 000 étudiants étrangers.

Mesdames O et Genetet, je m’aperçois, s’agissant des chiffres, que personne ne parle de la même chose. Nous accueillons 324 000 étudiants internationaux, parmi lesquels 245 000 sont en formation diplômante, relevant de diplômes nationaux. Font partie de ces 245 000, les étudiants communautaires et ceux qui sont originaires des pays avec qui nous avons des accords particuliers, comme la Suisse et le Canada, soit 130 000 étudiants. Ces étudiants sont répartis comme suit : 40 % sont en premier cycle, 20 % en master et 40 % en doctorat. Ces chiffres concernent uniquement les étudiants qui arrivent chez nous – je le répète, les étudiants déjà inscrits en France ne sont pas concernés par cette mesure. Aux 7 000 bourses attribuées actuellement par le gouvernement français, nous en ajoutons 8 000 ; ce sont toutes des bourses au mérite.

S’agissant des 33 000 étudiants d’ores et déjà exonérés des frais d’inscription – parce qu’ils sont inscrits dans des conventions entre établissements français et étrangers –, ils sont sélectionnés en fonction de leurs résultats, c’est-à-dire au mérite. Ils ne sont donc pas concernés par les droits différenciés. Nous avons par ailleurs la possibilité d’en retenir 6 000 supplémentaires, hors convention.

Bien entendu, toute nouvelle convention signée exonèrera les étudiants, ou en tout cas les frais seront fixés par la convention. Chaque fois qu’un établissement signe une convention avec un établissement étranger, il s’agit d’une convention d’échange, qui nous permet d’envoyer nos étudiants dans les universités étrangères, sans qu’ils aient à payer les droits d’inscription – quel que soit le montant de ces droits. Grâce à ces conventions, quand nous recevons, par exemple, dix étudiants de Stanford, nous envoyons dix étudiants français à Stanford.

Par ailleurs, la Commission européenne, dans le cadre de ses travaux, a prévu un doublement du financement pour les mobilités Érasmus et Érasmus Plus, passant ainsi de 15 à 30 milliards d’euros. L’idée est donc bien de proposer une mobilité internationale à un maximum d’étudiants.

S’agissant de la question particulière des lycées français à l’étranger, 40 % des étudiants inscrits dans ces lycées font effectivement le choix de venir continuer leurs études en France. Les 60 % qui ne choisissent pas la France font état de la mauvaise qualité de l’accueil dans l’enseignement supérieur.

En ce qui concerne le numéro de Sécurité sociale, la question a été débattue et  réglée dans le cadre de la prise en charge par le régime général de la Sécurité sociale.

S’agissant de l’accroissement du nombre d’étudiants sur les campus développés à l’international, nous avons travaillé l’offre de formation avec les gouvernements des pays concernés. Cette offre permet de former et de diplômer les jeunes de ces pays dans des secteurs économiques où des besoins existent en termes d’emplois – agriculture, agroalimentaire, énergies renouvelables, etc. En effet, dans ces pays, un diplôme de l’enseignement supérieur n’est pas synonyme d’un accès à l’emploi facilité.

Les nouvelles bourses ne seront évidemment pas réparties par une règle de trois, mais cibleront les pays avec lesquels nous avons des traditions de coopération. Je pense en particulier aux pays francophones.

Concernant l’attractivité des pays tels que la Turquie et l’Arabie saoudite pour certains étudiants, notamment africains, il nous faut être conscients de la réalité. Au Maroc, par exemple, les études primaires et secondaires, dans les établissements publics, ne se font plus intégralement en français, contrairement aux études supérieures, de sorte que de nombreux étudiants préfèrent partir dans des pays où les enseignements sont délivrés en arabe. Il convient donc de posséder une connaissance fine de ce qui se passe dans ces pays et de redonner à ces étudiants, autant que faire se peut, l’envie de parler français.

Au Maroc, pays que je connais bien pour y avoir fait beaucoup d’échanges universitaires dans mon ancienne vie, les étudiants capables de poursuivre leurs études en français sont des jeunes issus de familles aisées qui ont fait leurs études primaires et secondaires dans des écoles privées. Il ne faut donc pas considérer que ces étudiants ont des difficultés financières.

En revanche, les étudiants qui ont peu de moyens, qui souhaitent étudier en France, et qui sont sélectionnés sur dossier, au mérite, peuvent être exonérés des frais en bénéficiant des conventions dont j’ai fait état.

Madame la présidente, nous pourrions mener une étude supplémentaire, une étude d’impact, et il est toujours intéressant d’ouvrir une mission flash. Cependant, un très grand nombre de rapports ont déjà été produits sur cette question. Or, aucun d’eux n’est en mesure de prédire ce qui va se passer. Le travail réalisé par France Stratégie en 2016, par exemple, relatif à l’attractivité de l’enseignement supérieur, est extrêmement fouillé. Par ailleurs, un travail juridique a été mené en vue d’évaluer la solidité de cette démarche, et des simulations ont été réalisées. Nous avons également étudié l’attractivité des diplômes d’établissement et son impact. Des contacts ont été pris avec des universités étrangères pour connaître leurs attentes en termes de qualité d’accueil.

Je ne vous cache pas que, dans de nombreux pays, le coût de la formation est proportionnel à sa qualité. Dans ces pays, les jeunes disposant de peu de moyens ne bénéficient pas, par exemple, de cours délivrés par des professeurs.

Nous n’avons donc pas mené d’étude d’impact au sens traditionnel du terme, mais avons plutôt consulté et analysé de très nombreux rapports qui ont été produits sur ce sujet.

Notre objectif est que chaque établissement, dans ce temps de concertation, dessine le chemin par lequel il atteindra l’objectif fixé par le Gouvernement.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Je vous remercie, madame la ministre.

Vous nous dites que vous allez prendre des décisions prochainement ; qu’entendez-vous par « prochainement » ? J’imagine que vous parlez des décrets et arrêtés.

Vous nous dites aussi que beaucoup de rapports ont été publiés sur la question. Ceux-ci pourraient-ils être rendus publics, faire l’objet d’une analyse par notre commission, afin que nous soyons dans la transparence la plus complète et dans l’accompagnement de la politique que vous préconisez ? Quel est votre calendrier ? Avons-nous le temps pour étudier ces rapports et mener une réflexion ?

Vous l’aurez compris, nous avons été un certain nombre à l’exprimer, nous souhaitons éviter toute précipitation et prendre le temps d’aller plus au fond du sujet – même si, bien sûr, je ne vous propose pas de prendre toute une année…

M. M’jid El Guerrab. Madame la présidente, je rentre de ma belle circonscription, celle du Maghreb et de l’Afrique de l’Ouest, où l’impact de cette décision est déjà important. Je me suis rendu sur tous les Campus France des pays que j’ai visités – Sénégal, Guinée, Niger, Maroc, Algérie, Tunisie – pour prendre la mesure de l’effet d’éviction provoqué par cette mesure, frappant des jeunes qui avaient prévu de venir en France, même s’ils n’ont pas fréquenté les établissements français, et qui sont confrontés à une décision brutale.

En ce qui concerne les étudiants des lycées Descartes et Lyautey, que j’ai rencontrés, la situation est également problématique, mais ils vont certainement s’en accommoder. En revanche, à Dakar, Campus France compte déjà moins 40 % d’inscriptions ; en Algérie, on en est à moins 80 %.

Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Non, ce ne sont pas les bons chiffres.

M. M’jid El Guerrab. Ce sont en tout cas ceux que l’on m’a donnés. Alors, les inscriptions ne sont pas closes, mais l’impact de la décision est déjà visible et important. Nous allons devoir trouver un autre terme que celui d’« attractivité ». J’ai rencontré les chefs d’État de Guinée et du Sénégal qui n’ont aucun doute sur l’effet « repoussoir » de cette décision.

Je suis en total accord avec Mme la présidente qui vous demande plus de temps. Même si les étudiants qui sont déjà en France ne sont pas concernés par cette hausse, lorsqu’il change de cycle – ce recul est une demie-victoire…

Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Il n’a jamais été prévu que ces étudiants soient concernés par la hausse des droits d’inscription.

M. M’jid El Guerrab. Si, ceux qui passent, par exemple, de licence en master ne sont pas exonérés et devront payer 3 800 euros. Ce changement serait donc une bonne nouvelle.

Cela dit, il est vrai que tous les pays ne sont pas touchés de la même façon. Le Maroc, pour l’instant, ne l’est pas, ni la Tunisie.

Ma demande est la même que celle de la présidente : prenons notre temps et analysons les documents. Je ne sais pas si vous avez des chiffres à nous donner, mais je serais curieux de les entendre.

Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Monsieur le député, je suis venue accompagnée de collaborateurs et de la directrice de Campus France, qui peuvent nous donner les chiffres en direct. Vous avez raison, le bon chiffre est 80 %, mais il s’agit non pas de 80 % d’évictions ou de jeunes qui ne se seraient pas inscrits : il s’agit de 80 % d’inscrits, contre 100 % l’année dernière à la même date, sachant que la procédure n’est pas encore close en Algérie. Nous sommes en train de consolider ces chiffres, et il est important de ne pas créer d’angoisse ou de stress inutilement.

S’agissant des étudiants déjà inscrits en France, comme cela a été indiqué dès le départ, le décret ne prévoira aucune hausse lors d’un changement de cycle, les universités étant en capacité d’exonérer 100 % des étudiants. Il convient donc de se placer dans une position où personne ne doit se demander qui avance ou qui recule : ce n’est pas le sujet.

La question est la suivante : comment positionner la France dans les vingt pays qui augmentent le plus leur attractivité pour les étudiants internationaux ? Comment attirer davantage d’étudiants au moment où la mobilité mondiale double ? Si nous ne répondons pas à cette question, nous allons décrocher. L’augmentation du nombre d’étudiants internationaux en Turquie est de 152 %.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Madame la ministre, permettez-moi de vous interrompre. D’abord, nous sommes tous d’accord ici pour dire que l’influence française dans le monde à travers les échanges universitaires, l’accueil de chercheurs et d’étudiants, est primordiale. Il s’agit pour nous d’une philosophie, d’une inspiration, d’un état d’esprit absolument vital, et qui est au cœur de nos débats et travaux.

Ensuite, j’entends les inquiétudes des uns et des autres. Ce que vous proposez est un changement de paradigme. Il est donc très difficile de faire les choses trop vite, les effets de surprise ne sont jamais très bons. Je rejoins mes collègues sur la question de la forme. Nous sommes toujours dans un moment démocratique difficile quand le Parlement apprend des décisions brutalement, qui tombent du ciel, sans que personne n’y ait été associé.

Alors vous avez lancé une concertation ; dont acte. Elle est nécessaire et utile, mais comment les parlementaires qui le souhaitent peuvent y être associés, ou du moins avoir connaissance de ce qui s’y passe ? Comment le Parlement, dont le rôle est aussi de veiller à l’influence française dans le monde et de défendre un certain nombre de principes, peut être partie prenante de cette concertation ?

M. Jacques Maire. Madame la ministre, notre intention n’est pas de remettre en cause l’ambition de ce texte ni de nier la réalité du marché de la formation supérieure au plan international. La France doit se repositionner sur ce marché, c’est absolument primordial.

Les propos que vient de tenir notre collègue El Guerrab, qui passe du temps à sillonner l’Afrique de l’Ouest, sont forts. Il a été reçu par deux chefs d’État qui lui ont fait part de leurs préoccupations.

Nous sommes en situation permanente de demandeurs avec ces États, en termes de partenariat, sur de nombreux de sujets – développement, migrations, terrorisme, etc. Nous avons besoin de réaliser un travail d’accompagnement, voire de déminage, dans un certain nombre de territoires sensibles. Cette mission flash aurait pour objectif de limiter les risques et d’aboutir à un projet qui serait mieux compris par les pays concernés.

M. Jean François Mbaye. Et dont nous pourrions faire le « service après-vente » !

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Vous entendez là le souci de cette Commission, madame la ministre : celui de participer à la définition de l’intérêt général et d’y être associée.

Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Le ministère des affaires étrangères est totalement partie prenante de cette proposition – c’est la raison pour laquelle c’est le Premier ministre qui l’a annoncée –, avec le ministère de l’intérieur, pour les visas, et le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Vous imaginez donc bien que le Gouvernement est conscient de votre intérêt et de votre volonté d’être associés à cette concertation.

Très souvent, les étudiants internationaux qui arrivent en France sont dans l’obligation de travailler pour payer leurs études ; leur taux de réussite en est donc entamé. C’est la raison pour laquelle nous travaillons avec les différents gouvernements à renforcer les partenariats et, de fait, les échanges d’étudiants. Le ministère des affaires étrangères, sous l’impulsion du Président de la République et du Premier ministre, est en charge de mener les pourparlers diplomatiques.

Vous me posiez la question du calendrier, madame la présidente. Je viendrai vous rendre compte des conclusions de la concertation, dès qu’elle sera terminée, à savoir mi-février. Je devrai ensuite, rapidement, une fois que les établissements se seront organisés, publier le décret fixant les droits d’inscription – voilà soixante-dix ans que le législateur a confié la fixation des droits d’inscription dans les établissements supérieurs au ministère, par décret. Les inscriptions des étudiants internationaux commencent à la fin du mois de mars, partout dans le monde. Il ne faudrait pas que les étudiants s’inscrivent ailleurs qu’en France pour l’unique raison que le décret n’aurait pas été publié.

Je comprends bien que votre commission souhaite s’emparer de cette question, mais vous comprenez aussi que nous sommes limités dans le temps.

S’agissant de la prise en compte par les établissements de l’accueil des étudiants internationaux, ceux-ci ont fait la démonstration qu’ils étaient capables de mettre en place les conditions d’accueil au standard international, grâce à la facturation des droits d’inscription des diplômes d’établissement – qu’ils fixent eux-mêmes.

Enfin, nous proposons à tous les diplômés de master et de doctorat la possibilité de rester travailler en France, grâce à un changement de visa facilité –source d’attractivité importante pour les étudiants qui devaient, jusqu’alors, retourner dans leur pays pour modifier leur visa.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Je vous remercie, madame la ministre. Je trouve que nous avançons.

M. Jean François Mbaye. J’entends bien, madame la ministre, vos explications. Cependant, certains présidents d’université nous expliquent que la fracture, qui existe déjà entre certaines universités parisiennes prestigieuses, et les universités de la petite et de la grande couronne, va augmenter.

J’ai la chance d’avoir, dans ma circonscription, une université qui développe un certain nombre de projets innovants. J’ai discuté longuement avec les syndicats étudiants, le président, les représentants d’autres facultés, et tous me disent que cette décision met en porte-à-faux leur système de solidarité, leur système de cohésion mis en place, notamment avec d’autres pays, et risque d’agrandir la fracture déjà existante. Ce n’est plus des universités à deux vitesses que nous aurons, mais à trois vitesses.

Nous souhaitons donc suspendre cette décision le temps d’une véritable concertation.

M. Alain David. Madame la ministre, nous voulons bien vous croire lorsque vous nous dites que cette mesure améliorera la situation et rendra l’enseignement français plus attractif. Mais alors pourquoi est-elle si contestée par les présidents d’université, dont la liste s’allonge tous les jours ? Clermont-Ferrand, Lyon 2, Toulouse 2, Angers, Évry, Aix-Marseille…

Je cite l’un des vice-présidents de l’université Lyon 2, Jim Walker, en charge des relations internationales : « Cette mesure vient heurter les valeurs que nous portons, comme l’égal accès à l’enseignement supérieur ; c’est presque une question philosophique. »

M. M’jid El Guerrab. Nous essayons ici de mettre en œuvre l’intelligence collective que j’ai mise en place au Maroc, notamment en me déplaçant dans toute ma circonscription et en organisant sept débats.

Nous vous demandons solennellement, madame la ministre, de surseoir à l’application de cette décision, cette année, le temps d’une concertation. Certes, vous avez un calendrier à respecter, mais nous n’en sommes pas responsables.

Nous avons tous le même objectif, celui de l’attractivité de la France. Nous souhaitons tous que les étudiants qui sortent de nos établissements réussissent, trouvent un emploi ou deviennent les élites de leur pays. J’ai rencontré des chefs d’État qui m’ont déclaré : « Je dois tout à la France ».

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Madame la ministre, d’abord, une concertation a été lancée, c’est bien, il était utile de le faire. Ensuite, si vous nous transmettez les résultats de cette concertation en revenant devant notre commission, nous sommes bien évidemment preneurs ; c’est un premier pas.

Je vais vous faire une proposition dans le cadre du calendrier que vous nous avez transmis, madame la ministre : nous disposons d’une quinzaine de jours pour analyser les rapports et évaluer l’impact que les prochains décrets auront sur les pays d’où proviennent le plus d’étudiants étrangers en France. Il me semble aisé d’obtenir des contacts par le biais de la diplomatie et des responsables des pays en question – Maroc, Algérie, Chine, Tunisie, Sénégal, Cameroun, Liban Vietnam –, dans les jours qui viennent. Nous pouvons donc créer une mission « flash » et faire notre travail de parlementaires, membres de la commission des affaires étrangères, en liaison avec ces pays de provenance d’étudiants étrangers. Nous pourrions ensuite en débattre, lors d’une prochaine audition.

M. Jacques Maire. Madame la ministre, vous avez travaillé avec le Quai d’Orsay et disposez de chiffres assez précis, grâce à Campus France. Pourriez-vous nous transmettre, dans les jours qui viennent, l’intégralité des informations afin que nous puissions prendre contact avec les pays et responsables concernés et les comparer avec les informations dont ils disposent – notamment à travers les relations de M. El Guerrab ?

Si nous constatons rapidement que le niveau de risque est limité, nous nous arrêterons là. En revanche, si le risque est réel, je proposerai de lancer une mission flash.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Je vous remercie. Il me semble que nous arrivons à une bonne proposition qui nous permettrait de réaliser notre mission d’évaluation, de contrôle et de mesure des impacts que peut avoir cette décision.

Mme Frédérique Vidal. Nous vous transmettrons les chiffres, dès qu’ils seront consolidés. Et je reviendrai vers vous, dès la fin de la concertation, pour vous faire part des résultats.

Aujourd’hui, les droits d’inscription qui sont acquittés par les étudiants internationaux dans le cadre de diplômes d’établissement représentent 52 millions d’euros de ressources propres pour les universités. Toutes les universités offrent des diplômes d’établissement, tarifés parfois à plusieurs dizaines de milliers d’euros. Ces diplômes ont une valeur pour l’établissement qui les délivre, et certains, je pense au MBA et DBA, sont reconnus sur le marché du travail. Mais en aucun cas, ils ne sont reconnus au niveau européen, qui ne reconnaît que les diplômes nationaux.

Il est extrêmement important de faire attention à la valeur des diplômes nationaux français, de nombreux étudiants s’interrogeant déjà sur la valeur des diplômes d’établissement qu’ils n’ont pourtant pas hésité à payer. J’ai été notamment questionnée sur ce sujet lors d’un déplacement en Chine, notamment sur un diplôme d’établissement délivré par une école présente en Chine, qui ne correspondait pas, apparemment, à celui imaginé par les étudiants.

Il est important que les droits d’inscription concernent aussi les diplômes nationaux, afin d’accueillir l’ensemble des étudiants inscrits.

Bien évidemment, je respecte profondément la conviction des vice-présidents en charge des relations internationales des universités qui se sont exprimés. Ce sont eux, d’ailleurs, qui signent les conventions internationales relatives aux diplômes d’établissement.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Je vous remercie, madame la ministre. Je récapitule. Vous avez pris l’engagement de nous transmettre les chiffres, dès qu’ils seront consolidés. Ces documents seront utiles aux parlementaires pour le travail qu’ils vont mener dans les deux semaines à venir, sur des sujets que certains d’entre eux connaissent bien.

Ensuite, vous êtes attendue devant cette commission pour nous rendre compte des résultats de la concertation et entendre ce que le groupe de travail de cette mission d’évaluation flash aura à vous dire, en particulier sur les pays d’origine des étudiants étrangers.

Nous aurons donc le plaisir de vous retrouver prochainement pour faire progresser cette question de la meilleure des façons.

La séance est levée à 18 heures 35.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires étrangères

Réunion du mercredi 30 janvier 2019 à 16 h 40

Présents. - Mme Samantha Cazebonne, Mme Mireille Clapot, M. Alain David, M. Michel Fanget, Mme Anne Genetet, M. Hubert Julien-Laferrière, Mme Aina Kuric, M. Pascal Lavergne, M. Jean-Paul Lecoq, Mme Nicole Le Peih, M. Jacques Maire, M. Jean François Mbaye, Mme Delphine O, Mme Bérengère Poletti, M. Jean-François Portarrieu, Mme Marielle de Sarnez, Mme Sira Sylla, Mme Valérie Thomas, Mme Nicole Trisse

Excusés. - M. Lénaïck Adam, Mme Huguette Bello, M. Jean-Michel Clément, M. Olivier Dassault, M. Christophe Di Pompeo, Mme Laurence Dumont, M. Nicolas Dupont-Aignan, M. Philippe Gomès, M. Meyer Habib, M. Bruno Joncour, Mme Amélia Lakrafi, Mme Marine Le Pen, M. Frédéric Petit, M. Didier Quentin, Mme Isabelle Rauch, M. Hugues Renson, M. Sylvain Waserman

Assistaient également à la réunion. - Mme Clémentine Autain, M. M'jid El Guerrab, M. Christophe Lejeune, M. Jean-Luc Warsmann