Compte rendu

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

 

–  Audition, conjointe avec la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, de Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, de M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires chargé des collectivités territoriales, et de M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics, sur les transferts financiers de l’État aux collectivités territoriales               2

–  Présences en réunion..............................25


Lundi
29 octobre 2018

Séance de 14 heures

Compte rendu n° 22

session ordinaire de 2018-2019

 

Présidence

 

de

 

M. Éric Woerth,

Président

 

et de

 

M. Jean Terlier,

Secrétaire de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République


—  1  —

La commission auditionne, conjointement avec la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires chargé des collectivités territoriales, et M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics, sur les transferts financiers de l’État aux collectivités territoriales.

M. le président Éric Woerth. Mes chers collègues, nous nous retrouvons dans cette salle Lamartine, non pas dans le cadre d’une commission élargie – chaque commission a repris son autonomie, la commission des finances examinant l’ensemble des missions budgétaires –, mais pour une audition conjointe. En effet, dans la mesure où la commission des finances et la commission des lois souhaitaient toutes deux recevoir les ministres en charge des crédits alloués aux collectivités, en particulier de la mission Relations avec les collectivités territoriales, nous avons décidé, madame la ministre de la cohésion des territoires, monsieur le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics – M. Lecornu, quant à lui, nous rejoindra un peu plus tard – de vous éviter deux auditions distinctes.

Je vous remercie de votre présence. M. Darmanin ne pouvant être là, c’est vous, monsieur Dussopt qui représentez le ministère de l’action et des comptes publics. Je remercie également de leur présence tous ceux qui vont intervenir sur la mission Relations avec les collectivités territoriales.

M. Jean Terlier, président. La présidente de la commission des lois, Mme Yaël Braun‑Pivet, vous prie de bien vouloir excuser son absence. J’ai le plaisir de la représenter et de vous retrouver dans cette salle Lamartine pour examiner les crédits d’une mission qui est au centre des compétences de la commission des lois, puisqu’il est question des collectivités territoriales. Je me permets d’ailleurs de rappeler que notre commission a mis en place une mission d’information sur le rôle de la commune dans la nouvelle organisation territoriale, qui va bientôt commencer ses travaux sous la présidence de MM. Rémy Rebeyrotte et Arnaud Viala.

Nous souhaitons entendre aujourd’hui le Gouvernement sur les crédits de la mission Relations avec les collectivités territoriales, mais aussi, plus généralement, sur l’ensemble des questions liées aux transferts financiers entre les collectivités et l’État.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. L’an passé, dans le cadre du pacte financier, le Gouvernement avait présenté un budget reposant sur trois piliers qui sont réaffirmés cette année : la prévisibilité et la stabilité des dotations versées aux collectivités, le soutien renforcé de l’État à l’investissement public local et le renforcement soutenable de la péréquation au profit des collectivités les moins favorisées.

Je laisserai M. Dussopt évoquer la maîtrise de la dépense publique et passerai directement à la question de la stabilité de l’enveloppe des concours financiers.

Les concours financiers de l’État seront effectivement stables, avec une hausse de 11 millions d’euros. Il en est de même pour la dotation globale de fonctionnement (DGF) des départements et du bloc communal, qui est stabilisée et dont le montant est de 26,96 milliards d’euros.

Je précise d’emblée que cette stabilité de l’enveloppe globale s’accompagne d’évolutions individuelles pour les collectivités. La DGF est en effet une dotation vivante, adaptée aux besoins, et qui fait l’objet de péréquations. L’an dernier, des critiques se sont fait jour : auparavant, la diminution était plus ou moins marquée en fonction des collectivités, mais comme elle était générale, personne ne comparait ; dès lors que l’enveloppe a été stabilisée, après des années de baisse continue, les dotations ont augmenté pour certaines collectivités et diminué pour d’autres. L’évolution de la DGF repose, je le rappelle, sur des critères objectifs tels que la population, les ressources ou encore les charges de la collectivité – je n’y reviens pas.

S’agissant de la diminution des variables d’ajustement – Olivier Dussopt en parlera en détail –, qui intervient en contrepartie de nouvelles dépenses, son niveau sera historiquement bas en 2019, avec une diminution de 3,7 %, soit 144 millions d’euros. Elle sera répartie de manière équitable entre les catégories de collectivités qui assument de nouvelles charges dans le périmètre de la mission Relations avec les collectivités territoriales, mais aussi partagée avec d’autres postes budgétaires – je pense en particulier au plan pauvreté et aux mineurs non accompagnés.

Par ailleurs, la justice et l’équité nous conduisent à faire progresser la péréquation en faveur des collectivités les plus fragiles, en lien avec les charges qu’elles assument et les ressources dont elles disposent. Les composantes péréquatrices de la DGF seront abondées de 190 millions d’euros en 2019, conformément aux engagements pris dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022. La péréquation se décline à travers une augmentation de 90 millions d’euros de la dotation de solidarité urbaine (DSU), de 90 millions d’euros également pour la dotation de solidarité rurale (DSR) et de 10 millions d’euros pour les dotations de péréquation des départements. C’est un choix clair en faveur de la solidarité, qui vise à réduire les fractures territoriales.

Vous le voyez, avec ce projet de loi de finances, l’État tient ses engagements et assoit sa politique dans la durée, tout en se fixant pour l’année à venir deux grandes priorités : le soutien à l’investissement et la modernisation des concours financiers.

Le soutien à l’investissement local est effectivement réaffirmé et modernisé. Les différentes aides à l’investissement des collectivités prévues par la mission Relations avec les collectivités territoriales – la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) et la dotation politique de la ville (DPV) – atteindront 1,8 milliard d’euros en 2019, soit 73 % de plus qu’en 2015. Nous avons fait le pari de la confiance et les retours sont très positifs : la hausse de l’investissement local a été de 7 % en 2017 – résultat que, pour être honnête, on peut d’ailleurs partager avec le gouvernement précédent, qui avait mis en place le fonds de soutien à l’investissement local (FSIL) – et elle se confirme pour l’année en cours.

Dans le même esprit, nous allons pérenniser le FSIL en créant une DSIL pour les départements – que l’on pourrait donc appeler « DSID » –, en lieu et place de l’actuelle dotation globale d’équipement (DGE) des départements. Nous nous placerons désormais dans une logique de projet, avec des crédits déconcentrés à la main des préfets de région, au plus près des territoires et des besoins.

Par ailleurs, les départements qui bénéficiaient des fractions péréquatrices de l’ancienne DGE ne seront pas oubliés : simplifiées, les composantes de la DGE seront attribuées aux départements dont le potentiel fiscal est le plus limité, à hauteur de 47 millions d’euros. En outre, la réforme se fera à moyens constants, l’effort de l’État demeurant inchangé, à hauteur de 212 millions d’euros. Enfin, l’État soldera la dette héritée du passé pour un montant de 84 millions d’euros.

Outre la réforme de la DGE, le projet de loi de finances comprend deux autres réformes de modernisation.

La première est celle de la dotation d’intercommunalité – 1,5 milliard d’euros –, engagée dans le cadre du Comité des finances locales (CFL). La répartition en sous‑enveloppes par catégories juridiques d’établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de cette dotation connaît des problèmes structurels, liés au poids des garanties et au bouleversement de la carte intercommunale, synonyme d’illisibilité et d’instabilité pour les collectivités. Comme vous le savez, cet élément a beaucoup joué l’année dernière dans la répartition de la DGF.

Dans un souci de simplification et d’équité, nous allons simplifier l’architecture de la dotation, qui consistera désormais en une enveloppe unique, compléter les critères existants – à savoir le potentiel financier et l’intégration fiscale –, en y ajoutant le par habitant, et améliorer la prévisibilité de cette ressource par l’application des garanties prévues. Cette réforme sera mise en œuvre progressivement en encadrant les évolutions annuelles : les baisses seront limitées à 5 % par an et les hausses plafonnées à 10 %. Un abondement annuel de 30 millions d’euros, financé en interne par la DGF facilitera par ailleurs sa mise en œuvre. Enfin, cette dotation bénéficiera à toutes les catégories juridiques d’intercommunalités. Selon nos prévisions – et celles du CFL, je tiens à le préciser –, 90 % des EPCI devraient être gagnants à un horizon de cinq ans.

La seconde réforme d’ampleur concerne l’accompagnement de la transition énergétique, inscrite en première partie du projet de loi de finances (PLF), que vous avez d’ores et déjà votée en première lecture.

La fermeture des centrales à charbon et de la centrale de Fessenheim est au cœur de notre politique de transition énergétique. C’est un choix fort et qui nous oblige envers les territoires. C’est l’exemple de ce que nous devons faire pour intégrer, dans les politiques menées par l’État, les conséquences qu’elles emportent pour les collectivités territoriales. Chacun sait en effet que l’impact de ces fermetures sur les ressources des collectivités concernées – quatre, si j’ai bonne mémoire, pour ce qui concerne les centrales à charbon, plus Fessenheim – était important.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Je compléterai la présentation de Jacqueline Gourault sur deux points : d’abord, la maîtrise des dépenses publiques des collectivités locales s’agissant du fonctionnement, ensuite, les variables d’ajustement, à propos desquelles j’apporterai certaines précisions.

Concernant la maîtrise des dépenses publiques, vous savez que nous avons prévu, dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, ce que l’on a appelé les « contrats de Cahors », qui visent à demander aux collectivités locales dans leur ensemble de respecter une évolution de leurs dépenses de fonctionnement de 1,2 % par an pendant les cinq années à venir. Sachant que l’augmentation tendancielle des dépenses de fonctionnement observée pendant les vingt-cinq dernières années se situe aux alentours de 2,5 %, cela représenterait, selon le chiffre qui est communément avancé, un amoindrissement de l’évolution de la dépense de 13 milliards d’euros.

Pour garantir que cet objectif sera effectivement atteint, nous avons fait le choix de proposer à 322 collectivités, représentant à elles seules 65 % de la dépense de fonctionnement totale des collectivités territoriales, de conclure un contrat ; 230 l’ont fait. Ce contrat prévoit des possibilités de modulation en fonction de l’évolution de la population, des richesses fiscales ou encore des efforts engagés les années précédentes.

À l’heure où nous parlons, la méthode semble porter ses fruits, puisque les dernières estimations dont nous disposons, datant de la fin du mois d’août, montrent que l’évolution de la dépense locale par rapport à 2017 se situe aux alentours de 1 % – je parle toujours du fonctionnement ; pour l’investissement, c’est différent. L’évolution des dépenses de fonctionnement des 322 collectivités potentiellement signataires de contrats était de 0,6 % au 31 août ; pour les 230 collectivités ayant accepté de signer le contrat, elle se situait entre 0,3 % et 0,4 %. Cela nous amène à penser qu’à la fin de l’année 2018, toutes ces collectivités auront respecté la norme de 1,2 %. Or, si c’est le cas pour ces collectivités représentant 65 % de la dépense de fonctionnement totale des collectivités, il y a fort à parier que cela vaudra aussi pour les autres collectivités, et cela d’autant plus qu’entre 2014 et 2016 la moyenne s’établissait à 1 % – quoiqu’elle ait été de 1,6 % en 2017.

Le respect de cet objectif nous permet de garantir, en contrepartie, la stabilité des ressources, évoquée par Jacqueline Gourault. La DGF est en effet stable, et les concours financiers de l’État aux collectivités en légère augmentation, puisque nous sommes passés de 47,8 milliards d’euros en 2017 à 48,1 milliards en 2018 et 48,2 milliards en 2019.

En ce qui concerne les variables d’ajustement, dont nous savons qu’elles sont souvent extrêmement problématiques puisqu’il s’agit du financement, à l’intérieur de l’enveloppe normée, de l’évolution de telle ou telle composante, comme la DSU, nous sommes, depuis l’année dernière, dans un nouveau cadre : le financement par écrêtement de la dotation forfaitaire, qui était plafonné à 3 % du montant de ladite dotation, a été fixé à 1 % du total des recettes réelles de fonctionnement, ce qui amène des collectivités un peu plus favorisées que les autres à contribuer davantage. Cela dit, nous devons toujours trouver ce que nous appelons les « variables d’ajustement », pour ajuster le tir.

Certaines dépenses nouvelles ont été prises en charge directement par l’État – je pense notamment à l’exonération de cotisation foncière des entreprises (CFE), à hauteur de 120 millions d’euros, pour les entreprises réalisant un chiffre d’affaires très faible. Par ailleurs, l’année 2017 a été marquée par la création, pour un an seulement, d’un fonds spécifique pour les régions, abondé à hauteur de 250 millions d’euros. En dépit du fait que nous n’ayons pas reconduit ce fonds, le montant total des concours financiers aux collectivités passe de 48,1 à 48,2 milliards d’euros : nous avons aussi gagné cette marge pour minorer les variables d’ajustement. Comme l’a dit Jacqueline Gourault, le montant total de ces dernières s’élève à 144 millions d’euros, contre 323 millions dans la version initiale de la loi de finances pour 2018 et 783 millions dans la loi de finances pour 2017. Or nous savons que plus les variables d’ajustement sont faibles, plus facile est leur répartition – en tout cas, elle a moins d’impact sur les composantes de la DGF perçue par les communes. Nous considérons que la répartition prévue de ces 144 millions d’euros est équilibrée : 40 millions d’euros pour les régions, 40 millions pour les départements et 64 millions pour le bloc communal, à raison de 54 millions pour les communes et de 10 millions pour les EPCI – chiffre auquel il faudra ajouter une petite quinzaine de millions d’euros pour l’année 2018 en traitement, notamment liés aux ajustements apportés pour telle ou telle catégorie de collectivités en première lecture. Je pense notamment à un amendement portant sur la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) des communes isolées.

M. le président Éric Woerth. Avant de donner la parole aux rapporteurs, je voudrais faire quelques observations.

Tout d’abord, je pense que vous devriez conduire un travail de simplification, notamment du calcul des différentes dotations. En effet, les collectivités qui les reçoivent ont bien du mal à en comprendre les modalités. Peut-être celles qui ont des services très importants à leur disposition et qui peuvent y consacrer du temps y parviennent-elles, mais pour toutes les autres, c’est-à-dire certainement 90 % des collectivités, c’est impossible. Je voudrais donc savoir où vous en êtes à cet égard : menez-vous une réflexion sur la simplification, donc sur la transparence, donc sur la démocratisation ?

Par ailleurs, la notion de variables d’ajustement est assez confuse dans l’esprit de beaucoup. On comprend bien que, dès lors qu’il y a une enveloppe globale, quand il y a une augmentation d’un côté, il faut qu’il y ait une diminution de l’autre – c’est bien là le principe des variables d’ajustement –, mais il est extrêmement surprenant, et même choquant que cela s’applique aussi, par exemple, aux décisions du Président de la République concernant la collectivité de Saint-Martin : les sommes affectées sont en fait prélevées sur l’enveloppe des collectivités locales. Le Gouvernement entend-il revenir sur ce choix ? Ce serait une bonne chose, à moins que notre lecture du mécanisme ne soit erronée.

Enfin, le Gouvernement dit qu’il va procéder à une réforme approfondie de la fiscalité locale au premier semestre de l’année 2019. Il est vrai que la suppression de la taxe d’habitation l’impose, car les dégrèvements ne suffisent pas. Que feront les collectivités une fois que la taxe d’habitation aura été totalement supprimée – ce qui est précisément prévu, si je comprends bien, sauf pour les résidences secondaires ? Où en êtes-vous dans votre réflexion ? Quelles sont les pistes, en dehors de celles qui figurent dans le rapport qui a été récemment publié sur le sujet, et quelles conséquences la mesure peut-elle avoir sur l’avenir des différentes dotations des collectivités territoriales ?

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je voudrais d’abord me réjouir que le nouveau périmètre ministériel corresponde peu ou prou à l’ensemble des transferts financiers de l’État aux collectivités territoriales, et que nous en arrivions ainsi, in fine, à ce que nous souhaitions tous en matière de lisibilité de l’ensemble des concours de l’État aux collectivités territoriales. Jusqu’à présent, il fallait que nous nous jetions sur les jaunes budgétaires pour essayer de tout comprendre ; c’était assez complexe.

Je voudrais ensuite poser quelques questions précises. Parmi les nouveautés de ce projet de loi de finances initiale, figure la réforme de la dotation globale d’équipement des départements. Je l’avais déjà dit l’an dernier : je suis très favorable à une réforme de la DGE au profit d’une DSIL des départements – ou DSID, peu importe comment on l’appelle. Serait‑il toutefois possible de mettre en œuvre un système de péréquation de façon que le mécanisme soit un peu plus favorable pour les départements les moins dotés ? Les départements font en effet partie des collectivités pour lesquelles l’écart par rapport à la moyenne – entre très pauvres d’un côté et très riches de l’autre – est le plus important. En l’absence d’une discipline interne au sein du Comité des finances locales qui permettrait de mieux équilibrer les choses, il serait bon que la discipline soit imposée par l’État.

S’agissant de la réforme de la répartition de la dotation d’intercommunalité au sein de la DGF prévue par l’article 79 du PLF, qu’en est-il du traitement des EPCI qui changent de statut à compter du 1er janvier 2019 ? Certains amendements visent à résoudre le problème en supprimant l’écrêtement à 110 %. Quelle est la position du Gouvernement sur le sujet ?

Je souhaite également vous interroger sur les événements climatiques intervenus dans le département de l’Aude : le Gouvernement envisage-t-il de créer une enveloppe spécifique ?

Pour conclure, je voudrais évoquer le « Gross Paris ». Je n’ai jamais vu système aussi complexe que celui de Paris et de son ensemble intercommunal. Ayant géré des intercommunalités en milieu rural profond, je croyais avoir atteint des niveaux de complexité absolus, mais je me suis rendu compte, en me penchant sur Paris, que la complexité rurale n’avait rien à voir avec celle de l’Île-de-France. Dans la mesure où des amendements ont été déposés sur le sujet – je pense notamment à des amendements cosignés par MM. Gilles Carrez et Christophe Jerretie, rapporteur spécial –, je voudrais savoir comment nous allons pouvoir assurer, dans les deux années qui viennent, le financement de la métropole du Grand Paris sans pour autant rogner sur les marges financières des établissements publics territoriaux (EPT). À plus long terme, quelle est votre vision de Paris ? J’ai, pour ma part, une vision un peu germanique des choses en la matière : je préfère le statut de Berlin et de Hambourg, par exemple, à celui de Paris. Il me paraît plus simple de se limiter à deux collectivités – une commune et une ville État – se superposant de manière assez efficace. Je voudrais donc savoir quel avenir est envisagé s’agissant de la métropolisation de Paris – je ne parlerai pas de « Gross Paris », car ce serait mal vécu.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. Étant également président de la délégation de l’Assemblée nationale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, je voudrais d’abord me féliciter de la création de votre grand ministère, madame la ministre. Certains ont injustement douté de l’engagement du Gouvernement vis-à-vis des territoires ; une réponse extrêmement claire a été apportée à cet égard. Évidemment, un ministère ne suffit pas, mais je constate – et cela peut être l’un des premiers succès de ce ministère – que jamais les discussions avec les élus et les associations d’élus n’ont été aussi nombreuses qu’en ce moment.

Le Gouvernement a prévu une réforme de la fiscalité locale au premier semestre de l’année prochaine. Il est difficile de dissocier cette réforme fiscale de la question des dotations : du point de vue des collectivités territoriales, les deux s’articulent. La DGF dépend de très nombreux critères – une quarantaine au total. Elle est devenue complexe, voire illisible. La Cour des comptes est d’ailleurs assez sévère et mesure des écarts entre collectivités équivalentes pouvant aller du simple au triple. On parle même de « DGF négative ». Tous, ici, nous connaissons les limites de cette dotation. Ma question est donc la suivante : avez-vous prévu d’engager la réforme des dotations en même temps que celle de la fiscalité locale ? Envisagez-vous une révision globale de la DGF, ou bien entendez-vous procéder compartiment par compartiment, comme vous le faites pour la dotation d’intercommunalité, ce qui va d’ailleurs dans le bon sens et constitue une très bonne réforme ?

M. Christophe Jerretie, rapporteur spécial. Le premier point que je souhaiterais aborder concerne la dotation d’intercommunalité, objet de la principale réforme relative aux collectivités dans le PLF. Nous sommes tous favorables à la constitution d’une enveloppe globale et à une nouvelle répartition. Toutefois, ne pourrait-on pas envisager en même temps une évolution des quatre strates existantes : à l’heure actuelle, nous avons les métropoles, les communautés urbaines, les communautés d’agglomération et les communautés de communes à fiscalité professionnelle unique ou à fiscalité additionnelle ?

À partir du moment où l’on a commencé à travailler sur le regroupement des enveloppes de la dotation intercommunale, il est peut-être bon de regarder également ces différentes strates, d’autant que l’on se rend compte qu’il n’y a plus guère de différences entre métropole et communauté urbaine. Il en est de même s’agissant des EPCI à fiscalité professionnelle unique et des EPCI à fiscalité additionnelle. Il pourrait donc être judicieux de procéder au regroupement ou à la fusion de quelques strates, afin de simplifier l’organisation d’ensemble – Joël Giraud en a parlé à propos de Paris, mais cela vaut aussi pour d’autres collectivités. Cela nous permettrait d’avancer beaucoup plus facilement dans le domaine financier.

Le deuxième sujet, qui me tient particulièrement à cœur, concerne les exonérations, les dégrèvements et les abattements, qui représentent plusieurs milliards d’euros. Ces dispositifs, qui sont les fruits de politiques publiques circonstanciées, datent parfois de plus de trente ans. Il serait bon d’y travailler, après la réforme fiscale, afin de mieux coordonner les politiques publiques.

Enfin, la réforme fiscale des collectivités ne peut se faire à moitié. Nous devons aller au-delà des recommandations du rapport de MM. Alain Richard et Dominique Bur et faire des choix pragmatiques pour les trente prochaines années. Forts désormais du grand ministère de la cohésion des territoires et d’un secrétariat d’État au ministère de l’action et des comptes publics principalement chargé de la décentralisation et des collectivités territoriales, nous devrions pouvoir mener à bien une réforme fiscale efficace des collectivités locales.

M. Paul Molac, rapporteur pour avis. Je souhaite tout d’abord remercier les rapporteurs spéciaux pour le travail d’auditions et de préparation des amendements que nous avons conduit ensemble, ainsi que le Gouvernement pour avoir répondu à plusieurs de nos questions. Beaucoup d’élus locaux considèrent ce projet de loi de finances comme une respiration bienvenue, après les réformes intervenues au cours des dernières années, et un signal encourageant de la volonté du Gouvernement de soutenir les collectivités dans les efforts qu’elles réalisent en matière d’organisation territoriale, de répartition des ressources et de modernisation des services publics.

Ce projet de loi maintient en effet les dotations à un niveau élevé et ne propose que des ajustements sur la répartition de certaines, dont la dotation d’intercommunalité et la dotation globale d’équipement des départements. Il s’inscrit ainsi dans la poursuite du fort soutien à l’investissement local, qui caractérise les crédits de la mission depuis deux ans, notamment en faveur des zones rurales, avec l’essor de la DETR qui atteint le milliard d’euros. L’investissement repart assez fortement au sein du bloc communal et des régions, et doit être consolidé dans les départements qui restent encore contraints par leurs dépenses importantes en matière d’allocations individuelles de solidarité.

C’est donc une respiration, mais également une transition vers de nouvelles réformes : celle de la fiscalité locale, qui ne pourra faire l’économie d’une réflexion plus globale sur les dotations, comme cela a été dit, et la révision constitutionnelle qui, si elle aboutissait, ouvrirait la possibilité de recourir à la différenciation territoriale appelée de leurs vœux par de nombreux élus locaux.

Lors des auditions que nous avons menées, il est ressorti assez nettement des interventions des principales associations d’élus que, si le principe d’une relation plus contractuelle avec l’État pour travailler à des objectifs communs de développement et de modernisation de notre pays était perçu très favorablement, la logique contractuelle, qui veut qu’il y ait un débat entre les acteurs, des options parmi lesquelles choisir et une discussion sur le meilleur moyen d’y parvenir, n’avait pas encore totalement abouti. Je ne parle pas ici de ceux qui refusent la contractualisation financière ; mais de ceux qui l’acceptent et participent aux contrats que leur propose l’État, que ce soit en matière de maîtrise de la dépense locale ou d’investissements, comme dans le cadre des contrats de ruralité qui ont rencontré un succès certain.

M. Jean-Louis Bricout. Ils ont pourtant été abandonnés !

M. le rapporteur pour avis. Madame la ministre, il faut que ce changement de relations avec les collectivités territoriales se traduise dans les faits par un changement de la culture administrative. La direction générale des collectivités locales (DGCL) et vos services déconcentrés y travaillent. Néanmoins, certains élus locaux perçoivent un hiatus entre le discours officiel et sa mise en œuvre, ce qui est dommageable et brouille le message, alors même que l’effort financier en faveur des collectivités territoriales est très important. Il reste, pour beaucoup de dotations, au niveau particulièrement élevé de 2016. Qu’allez-vous faire au sein de votre ministère, pour remettre de l’huile dans les rapports avec les différents élus ?

Par ailleurs, si cette logique contractuelle est positive, elle se heurte à l’écueil du manque d’ingénierie de projets, caractéristique de nombre de nos territoires, notamment ruraux. Or, l’accès aux dotations demandant de plus en plus de monter des projets précis et techniques, l’écart pourrait se creuser du simple fait que certains territoires réussiront à capter des ressources, quand d’autres n’auront pas su s’en saisir. À ce titre, une proposition de loi portant création d’une Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) a été déposée au Sénat. Dans ce contexte, quelles sont les mesures prises pour améliorer l’ingénierie de projets dans nos territoires et assurer une répartition des dotations fonctionnant sur une logique de guichet ? Pouvez-vous nous donner quelques indications sur les missions de la future agence et le calendrier de sa création ?

Enfin, j’ai souhaité examiner cette année la situation des intercommunalités, à la suite de la réforme de la carte intercommunale et des transferts de compétences qui l’ont accompagnée. Nos territoires sont pleinement engagés dans un processus d’appropriation des réformes et de conduite de projets fédérateurs qu’il faut saluer. Leur réussite dépendra de leur capacité à renforcer l’intégration entre zones urbaines et zones rurales, tout en tenant compte de leurs spécificités.

À ce titre, la réforme de la carte intercommunale, qui a privilégié la formation de plus grands ensembles dotés de plus de compétences, ainsi que l’essor de la métropolisation, doit nous amener à questionner la pertinence du maintien de quatre catégories juridiques d’EPCI, comme l’a fait remarquer Christophe Jerretie. Je pense qu’il faut que nous simplifiions, à moyen terme, cette répartition, devenue à bien des égards artificielle, comme en témoigne d’ailleurs la réforme de la dotation d’intercommunalité. Qu’en pensez-vous et quelles catégories pourraient être conservées pour mieux traduire les réalités du territoire national ?

Mme la ministre. Si vous le permettez, je vais répondre dès maintenant, puisque je dois partir d’ici peu.

Monsieur le président, comme vous le savez, il y a eu, récemment encore, en 2016, des tentatives pour réformer la DGF, sans aboutir, puisqu’il est très compliqué d’en maintenir les équilibres. À cette heure, nous n’avons pas de projet la concernant. Nous essayons cependant d’améliorer le système, en réformant, par exemple, la dotation d’intercommunalité. La DSU a, quant à elle, été réformée en 2016. Dans le cadre de la refonte de la fiscalité, il faudra réfléchir aux différents critères. Chacun sait ici qu’il est très difficile de mettre la DGF par terre pour trouver un meilleur système, même s’il est certain qu’il faut l’améliorer. Nous avons récemment fait des efforts pour fournir, en open data, toutes les données concernant la DGF. Les élus l’attendaient depuis de longues années et seront ainsi mieux informés.

S’agissant des crédits de la dotation exceptionnelle pour Saint-Martin, vous savez bien, monsieur le président, que toute hausse par rapport à la trajectoire prévisionnelle doit être compensée par la baisse d’une autre composante de l’enveloppe : il peut s’agir d’économies décidées par le Gouvernement sur tel ou tel dispositif ou de la minoration – du gage – de certaines dotations de compensation figées, comme les variables d’ajustement.

Pour l’Aude, une aide sera mise en place au titre de la dotation de solidarité pour les collectivités victimes d’événements climatiques. Une mission d’évaluation composée d’inspecteurs généraux s’est rendue sur place, afin de se prononcer sur les montants à ouvrir en loi de finances initiale. Une provision sera à disposition du préfet pour faire des avances : les dégâts sont si importants qu’il faut autoriser, dès maintenant, le commencement des travaux. Le Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) sur ces travaux sera remboursé l’année même de la dépense, et non pas en année n+1 ou n+2.

Le rapporteur général a appelé à une péréquation de la DSID. Le Gouvernement est ouvert à une révision des critères. La fraction péréquation de l’ancienne DGE est maintenue. Je discute beaucoup, en ce moment, avec les départements, dont les situations sont très inégales. Environ vingt-cinq d’entre eux sont en très grande difficulté financière et réclament une plus forte péréquation entre départements. La péréquation doit, de fait, être également horizontale.

Le transfert de la dotation d’intercommunalité à la métropole du Grand Paris (MGP) traduit la montée en puissance de la métropole. Il est envisageable de prévoir des atténuations pour préserver les établissements publics territoriaux (EPT), à condition que la mesure reste soutenable pour la MGP, qu’il ne faut pas mettre en danger. Les nombreuses concertations conduites pendant l’été et l’automne ont montré l’étendue des désaccords entre la MGP et les EPT. Une piste est totalement exclue : faire payer la province au profit d’un territoire qui est le plus riche de France – ce qui n’est pas un défaut, mais bien une qualité – et le moins intégré. Si les amendements du Gouvernement sont suivis, ils devront être assumés en interne par l’agglomération parisienne.

Quant à l’Agence nationale de la cohésion des territoires, une proposition de loi, déposée au Sénat, prévoit sa création. Elle sera discutée le 8 novembre. Ce texte a pour vocation de faire en sorte que l’ANCT soit en place pour le printemps 2019. Son objectif sera d’aider les territoires les plus fragiles, notamment ceux qui ont le moins de capacité à accompagner des projets, sur le plan financier ou de l’ingénierie. La loi n’étant pas encore votée, je ne sais pas comment l’Agence fonctionnera dans le détail, mais je peux déjà vous dire ce à quoi le Gouvernement tient : elle s’appuiera sur le Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET), ainsi que sur l’établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA) et l’Agence du numérique. Cette base de fonctionnement n’exclut pas, par la suite, d’autres conventions avec d’autres agences d’État, comme l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) ou encore l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU). Le Gouvernement tient absolument à ce que ce soit le préfet du département qui représente l’ANCT au niveau du territoire, afin de ne pas créer un nouveau « machin ». Il s’agit aussi bien d’accompagner les initiatives des élus locaux que les politiques publiques du Gouvernement – par exemple, le plan « Action cœur de ville » ou l’Agence du numérique.

M. le secrétaire d’État. Les variables d’ajustement constituent en effet une véritable difficulté : plus elles sont importantes et plus il est difficile de les répartir, ce qui justifie l’attachement que nous mettons à les réduire au maximum. Il faudra nécessairement revoir ce système que nous connaissons depuis 2010, avec la définition d’une enveloppe dite normée, au sein de laquelle l’ensemble des financements nouveaux devaient être des financements internes, sauf décision particulière, comme celle que nous avons prise cette année sur les 120 millions d’euros liés à l’exonération de CFE.

Monsieur Molac, les contrats existent aujourd’hui dans leur première version : il est évident qu’ils doivent être améliorés. Il faudra trouver d’autres méthodes de discussion, tout en garantissant la tenue d’une trajectoire nationale. L’équilibre n’est donc pas simple à définir. Je tiens à préciser qu’avec la ministre Jacqueline Gourault nous avons coprésidé le comité de suivi des contrats. Au-delà des trois critères fixés par la loi de programmation, nous avons pris, sous notre responsabilité, plusieurs dérogations et adaptations. Nous avons ainsi « détouré », pour les faire sortir du périmètre d’évaluation, certaines dépenses de fonctionnement dotées d’un caractère exceptionnel. Par exemple, l’organisation de la Route du Rhum, tous les quatre ans, coûte à l’agglomération de Saint-Malo 4 % de ses dépenses réelles de fonctionnement. Il est impossible de lui demander d’organiser la course et de soutenir une trajectoire à 1,2 %. Il en a été de même lorsque nous demandons à une commune d’accueillir des événements liés à la Coupe du monde de rugby. Nous avons également travaillé sur des repérimétrages géographiques, ce qui nous a conduits à un long débat avec la commune nouvelle et l’agglomération de Cherbourg-en-Cotentin, créée en 2018 et dont il faut reconstituer le périmètre d’évaluation de l’année 2017, les simples additions ne suffisant pas.

S’agissant des questions d’ingénierie, au Comité des finances locales, nous avons annoncé que nous allions rendre éligibles à la DETR les dépenses d’assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO), dans une certaine limite : le montant total de la DETR attribué au titre de l’AMO ne pourra pas excéder 10 % du total de la DETR versée pour le projet, de manière à éviter de faire grimper les coûts d’étude.

Pour en venir à la réforme de la fiscalité locale, pendant la période de suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages, a été actée, par la loi de programmation et la loi de finances pour 2018, la compensation des collectivités par dégrèvement. Cela est avantageux, puisque, contrairement aux allocations de compensation, il est impossible d’étendre les variables d’ajustement aux sommes liées au dégrèvement, ce qui sécurise les collectivités. Pendant la période qui suivra, en 2021 et 2022, pour ce qui concerne la suppression des 20 % restants, soit un nouveau modèle fiscal intègrera la recette correspondante, soit nous garderons la même méthode.

Le financement des 80 %, qui s’élève à environ 15 milliards d’euros, a été intégré dans la loi de programmation des finances publiques et pris en compte par l’État pour garantir le dégrèvement dans le cadre de sa programmation. Il nous reste aujourd’hui à trouver le financement correspondant aux 20 % restants, sachant que, parmi ces 20 %, tout ne sera pas supprimé, puisque la recette liée à la taxe d’habitation sur les résidences secondaires sera maintenue – nous devrons peut-être en changer le nom, dans la mesure où il n’y aura plus de taxe d’habitation sur la résidence principale –, tout comme les recettes de taxe d’habitation liées à des instruments politiques à la main des communes et des intercommunalités, pour sanctionner l’usage d’un logement à des fins commerciales – en Airbnb, par exemple, à Paris – ou sa vacance volontaire. Ces outils de politique locale du logement doivent être maintenus. Ils représentent un montant d’environ 400 millions d’euros. Charge à nous de trouver, y compris par économies, les 6,5 milliards d’euros qui manquent.

En ce qui concerne la compensation auprès des communes et des intercommunalités, la mission Richard-Bur a rendu son rapport. Si elle avance une piste privilégiée, le débat reste très ouvert. Son scénario consiste à affecter aux communes le produit de la taxe foncière sur les propriétés bâties des départements. À un niveau macroéconomique, il y a 300 millions d’euros d’écart. La compensation se trouverait là, à condition de créer un fonds national de garantie. Cette solution poserait deux questions : celle, d’une part, de la compensation des intercommunalités, pour laquelle deux hypothèses sont avancées – un financement par le biais de l’affectation d’une fraction d’un impôt national, comme nous l’avons fait pour les régions avec la TVA, ou via une partie de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) ou de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), pour créer une fiscalité dynamique assise sur une forme d’aménagement du territoire ; d’autre part, celle de la compensation des départements, pour laquelle l’hypothèse la plus souvent proposée tient à l’affectation d’une fraction d’un impôt national. Jacqueline Gourault, Sébastien Lecornu et moi-même sommes chargés de continuer la discussion avec l’ensemble des associations d’élus et des collectivités, pour trouver le modèle le plus efficient. Selon la feuille de route fixée par le Président de la République, lors du dernier Congrès des maires, la recette allouée en compensation doit être dynamique et juste, et le modèle de financement durable, pour financer les besoins des collectivités et de leurs habitants, sans créer d’impôt nouveau.

Par ailleurs, si nous n’avons pas aujourd’hui de projet de réforme des dotations, une fois la réforme de la fiscalité passée, c’est un chantier qu’il faudra rouvrir pour gagner en simplicité et, peut-être, nous débarrasser du système des variables d’ajustement, difficilement compréhensible, qui conduit à des réfactions sur des produits sans offrir d’explication limpide – c’est le moins que l’on puisse dire.

Enfin, la simple modification de l’affectation du produit des impôts locaux, en termes de répartition entre les différentes strates de bénéficiaires, a aussi des conséquences sur le potentiel financier des communes et des intercommunalités. Les principales évolutions de la DGF, en 2018, ont été liées, au-delà des variations de population ou de l’écrêtement, au fait que l’application de la nouvelle carte de l’intercommunalité avait modifié les potentiels financiers intégrés des communes bénéficiaires. Aussi faut-il avoir en tête que la modification de la répartition du produit de la fiscalité locale a un impact sur le potentiel financier. Il faudra veiller à éviter de répéter la mésaventure de cette année, en termes d’instabilité et d’imprévisibilité.

M. François Pupponi. Je trouve dommage que Mme Gourault doive partir avant la fin de notre réunion. Nous avons tous modifié nos agendas pour être présents, à 14 heures, à l’audition de ministres, en particulier ceux du nouveau ministère.

M. Erwan Balanant. Jacqueline Gourault était là !

M. François Pupponi. Mais elle est partie avant même que nous puissions lui poser des questions ! Des auditions comme celles-là, on peut s’en passer !

M. Bruno Questel. Je vais me faire le ventriloque d’Hélène Zannier, qui souhaite connaître l’intention du Gouvernement concernant la péréquation horizontale, laquelle se fonde aujourd’hui sur des indicateurs statistiques et une logique strictement comptable. Or il est possible de la concevoir autrement, en s’inspirant d’une logique de responsabilisation visant à encourager la bonne gestion en matière de finances locales. Il pourrait être utile de réfléchir à des pistes laissant une place au principe de responsabilité et d’évaluation de l’action dans la péréquation horizontale.

Par ailleurs, le Gouvernement entend-il réfléchir, après les élections municipales de 2020, à des mesures qui inciteraient à la création de communes nouvelles – seul aspect positif, à mes yeux, de la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi ELAN ?

M. Raphaël Schellenberger. Monsieur le secrétaire d’État, la discussion des articles rattachés aux collectivités territoriales dans le PLF s’inscrit dans le cadre de relations tendues entre celles-ci et le Gouvernement. Et pour cause ! Au-delà des paroles qui se veulent rassurantes, les actes sont très peu positifs à l’endroit des collectivités. Le dernier en date – la création, par le ministre de l’action et des comptes publics, d’un hashtag « Balance ton maire » (Exclamations) et la communication de la liste des communes qui ont augmenté leur taxe d’habitation – est abject ! Qui plus est, ces informations sont fausses, puisque les feuilles de taxe d’habitation que reçoivent actuellement les ménages, ne font pas apparaître l’instauration de certaines taxes, comme la taxe GEMAPI (gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations) ou la transformation d’une taxe en redevance pour les ordures ménagères. Tout cela est particulièrement abject !

Ce qui se dessine en filigrane dans vos projets, c’est le gel des moyens des collectivités territoriales en euros constants. Leur pouvoir d’action continue de décroître. En plus de geler leurs moyens, vous figez leur liberté, dans la mesure où tous les moyens financiers que vous leur confiez sont organisés de manière à réduire leurs possibilités d’action et de gestion du budget, et de défense de leurs priorités propres, que ce soit par l’instauration de contrats pour les grandes collectivités ou par la création de mécanismes qui ne passent que par la subvention, laquelle est le meilleur moyen de figer la capacité à agir des collectivités, puisque les priorités des exécutifs locaux sont oubliées au profit des seules priorités de l’État. En outre, comme le dispositif des subventions est instable, les exécutifs locaux sont incapables de se lancer dans des projets d’infrastructures ou d’investissement qui nécessitent plusieurs années d’ingénierie.

Mme Isabelle Florennes. La hausse des concours aux collectivités territoriales, dans un contexte budgétaire contraint, satisfait le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés, dont l’ancrage territorial est ancien. Néanmoins, nous avons quelques réserves et, partant, quelques questions. Monsieur le secrétaire d’État, dans son rapport sur les finances publiques locales, la Cour des comptes met en garde sur deux points principaux : le respect des objectifs inscrits dans la loi de programmation 2018-2022, qui ne pourront être atteints que suite à une réduction drastique des dépenses en volume – or, lorsque l’on sait qu’elles ont augmenté de 1,7 % par an depuis 2013, on peut légitimement s’interroger sur la marge de manœuvre des collectivités locales pour suivre cette trajectoire ; la nécessité d’une plus grande souplesse et d’une meilleure intégration des spécificités des territoires et des situations locales, notamment de la croissance démographique ou du revenu moyen par habitant, dans la mise en œuvre du dispositif de contractualisation. Sur ce dernier point, le Premier ministre avait dit être favorable à une possible refonte du dispositif pour le rendre plus agile. Qu’en est-il ?

Par ailleurs, s’agissant du calendrier de réforme de la fiscalité locale, quel schéma privilégiez-vous pour ne pas déstabiliser les équilibres fiscaux locaux ?

Enfin, concernant l’application de la loi NOTRe à la métropole du Grand Paris, les EPT craignent la perte de la dotation d’intercommunalité, symptôme de ce mal bien connu qu’est le millefeuille territorial français. Quelle solution pourrait être adaptée à la métropole du Grand Paris ?

Mme Christine Pires Beaune. S’agissant de la contractualisation, de nombreux élus souhaitent bien entendu l’insertion d’une clause de revoyure ou la possibilité de négocier l’évolution des charges qui ne dépendent pas des collectivités locales. Nous avions déposé des amendements concernant le plafond de 1,2 % ; ils ont été déclarés irrecevables. Quel véhicule législatif va nous permettre de débattre du taux d’évolution des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales ?

Concernant la dotation d’intercommunalité, je réitère ma demande de simulations. Il est hors de question de voter un texte aussi sensible, à hauteur de 5 milliards d’euros, sans disposer de l’ensemble des simulations pour 2019, 2020, 2021 2022 et 2023 ! Ce n’est pas extravagant : lors de la réforme de la DGF, des simulations concernant les 36 000 communes nous avaient été transmises, sur dix ans !

En outre, va-t-on bien vers plus de péréquation ? Actuellement, les deux critères de répartition de la dotation d’intercommunalité – coefficient d’intégration fiscale (CIF) et potentiel fiscal – n’expliquent que 36 % des attributions. Le complément n’est donc pas péréquateur. La réforme ne doit pas dégrader ce taux ; bien au contraire, elle doit aboutir à une amélioration de la péréquation. En effet, l’objectif initial est atteint : les intercommunalités couvrent le territoire et l’intégration est quasi parfaite, les CIF étant très proches, y compris entre les communautés de communes à fiscalité professionnelle unique et celles qui ont opté pour la fiscalité additionnelle.

Par ailleurs, le Gouvernement compte-t-il étendre les accords locaux ? Nous devions légiférer avant la fin de l’année sur la question du suffrage universel, qu’en est-il ?

Enfin, le produit attendu des amendes serait en hausse de 10 %. Le confirmez-vous ? Si oui, comment l’expliquez-vous ?

M. Philippe Dunoyer. Avec 3,89 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 3,43 milliards d’euros en crédits de paiement, la mission Relations avec les collectivités territoriales est stable, même si nous n’examinons qu’une faible part de l’ensemble des concours financiers vers les collectivités, qui atteindront 48,2 milliards d’euros en 2019.

Après plusieurs années de réformes territoriales et une baisse sans précédent des dotations, de l’ordre de 11 milliards d’euros entre 2014 et 2017, ce budget s’apparente à un budget de stabilisation. C’est heureux pour nos collectivités territoriales, qui en ont grandement besoin.

L’un de ses objectifs affichés est le soutien à l’investissement local. Il est primordial car les collectivités sont les premiers investisseurs publics. Après une forte contraction des dépenses d’investissement entre 2013 et 2016, on ne peut donc que saluer cet effort qui devrait représenter 2,1 milliards d’euros, hors FCTVA. La DETR, la DPV et la DSID sont maintenues à leur niveau de 2018. On note cependant que les autorisations d’engagement de la DSIL sont en baisse, passant de 615 millions d’euros en 2018 à 570 millions l’an prochain. Comment l’expliquez-vous ? Est-ce conjoncturel ?

Après quatre ans de baisse entre 2014 et 2017, on peut également se féliciter de la stabilisation de la DGF des départements. Pour autant, comme l’a souligné le rapporteur général, les montants de DGF par habitant demeurent très hétérogènes : de 62 euros par habitant en zone rurale, elle passe à 128 euros en zone urbaine. Ces différences ne sont pas toujours justifiées par les écarts de richesse ou de charges. Une réforme d’ensemble de cette dotation est donc nécessaire et urgente. Dans quel délai et selon quelles perspectives peut-elle être envisagée ?

Mme Sabine Rubin. Les dotations aux collectivités poursuivent leur chute, dans le prolongement de l’action des précédents gouvernements. Les chiffres sont têtus ; nous ne devons probablement pas analyser les mêmes. En revanche, les contrats d’austérité signés avec certaines collectivités sont une nouveauté, dans un contexte de désengagement de l’État et, concomitamment, de transfert de nouvelles compétences vers les collectivités.

Dans le projet de loi de finances pour 2019, la DGF diminue de 1,7 %, l’article 23 prévoyant même une minoration de la dotation de plus de 145 millions d’euros pour les communes, et non les EPCI, pourtant moins démocratiques car non élus au suffrage universel direct. Certes, en première lecture, un amendement visant à corriger cette différence de traitement a été adopté. Mais sera-t-il maintenu en nouvelle lecture ?

Un contrat de maîtrise des dépenses a été proposé – voire imposé – aux 322 collectivités les plus importantes : 70 % ont accepté de le signer, probablement le fusil sur la tempe. En effet, si elles le refusent, elles encourent des pénalités ! Cela représente 13 milliards d’euros d’économies sur le quinquennat. Ne s’agit-il pas d’une atteinte grave et sans précédent au principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales, que vous privez par ailleurs de leurs recettes ?

M. Hubert Wulfranc. Vous parlez de stabilisation des concours financiers ; nous préférons partir du panier de l’élu local. Or les dépenses de fonctionnement d’une commune augmentent en général de 3 à 3,5 % chaque année, en raison notamment du glissement vieillesse-technicité (GVT), les charges de personnel représentant 60 % du budget de fonctionnement des collectivités en régie. De même, les fluides connaissent une hausse similaire – essence, diesel, chauffage. L’inflation est croissante, la demande sociale en hausse, notamment venant des publics les plus fragiles – enfants, personnes âgées.

En conséquence, la « stabilisation » des concours financiers de l’État ne va absolument pas dans le sens des besoins des collectivités territoriales : maintenir, ce n’est pas soutenir ! La capacité des élus locaux à faire fonctionner leurs services publics s’érode.

S’agissant de l’investissement local, l’absence de diagnostic de la réalité des efforts des collectivités territoriales est patente... Ces efforts sont peut-être passés inaperçus aux yeux des grands élus, mais ils sont réels sur le terrain en matière scolaire ou de propreté urbaine, alors même que le soutien à l’investissement local n’est pas au rendez-vous. En effet, les plans pluriannuels d’investissement (PPI) ne sont pas respectés s’agissant du handicap ou de la rénovation thermique.

Enfin, les moyens du fonds prévu dans le PLF et visant à compenser intégralement les pertes fiscales sur trois ans, puis de manière dégressive sur dix ans, ne sont pas à la hauteur des profondes restructurations territoriales entraînées par cette transition.

M. Charles de Courson. La dotation de garantie des reversements des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle baisse très fortement cette année –de près de 15 % – passant de 333 millions d’euros en 2018 à 284 millions en 2019. Avez-vous pu en mesurer toutes les conséquences ?

Ma deuxième question concernera l’efficacité des contrats de modération de la croissance des dépenses de fonctionnement. Pouvez-vous nous confirmer les propos de la direction du budget lors de son audition devant la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation ? La croissance de ces dépenses au sein des quelque deux cent vingt collectivités qui ont contractualisé serait la même que celle des collectivités qui n’ont pas contractualisé. En 2015, les dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales avaient augmenté de 1,2 %, puis ont baissé de 0,1 % en 2016. La hausse serait de 1,8 % en 2017.

Mme la ministre nous a exposé les modalités de compensation de la suppression quasi-intégrale de la taxe d’habitation pour le bloc communal d’ici à 2022. Je suis inquiet. Elle reprend en effet à son compte les conclusions du rapport de MM. Dominique Bur et Alain Richard et semble privilégier une compensation pour les communes, les intercommunalités étant, elles, compensées par un prélèvement sur la TVA ou sur une autre recette nationale. Cette solution nie notre évolution institutionnelle – le transfert d’une partie des compétences des communes vers les intercommunalités. Pourriez-vous nous éclairer ?

Enfin, certaines communes ont augmenté le taux de leur taxe d’habitation en 2018 ; elles en avaient la liberté. Elles pourraient faire de même en 2019. Le Gouvernement envisage-t-il de compenser le produit du différentiel d’augmentation par rapport au taux de 2017 ?

Mme Catherine Kamowski. Mme Gourault a déjà partiellement répondu à ma question dans son propos liminaire et sa réponse était rassurante. L’article 79 du projet de loi de finances introduit une réforme de la dotation d’intercommunalité, louable dans son principe, puisqu’elle simplifie le mécanisme, le rend plus prévisible et renforce la solidarité entre les collectivités.

Les communautés les plus intégrées, tout comme les EPCI dont le potentiel fiscal par habitant est inférieur d’au moins 50 % au potentiel fiscal moyen par habitant, sont relativement protégées grâce aux alinéas 44 et 46 de l’article précité. Mais ces dispositions écartent les communautés d’agglomération dont le potentiel fiscal par habitant reste faible.

Monsieur le ministre, accepteriez-vous de relever ce ratio de 50 à 60 %, afin que les communautés d’agglomération dont le potentiel fiscal est de moins de 250 euros par habitant soient incluses dans le dispositif.

Ma collègue Marie Guévenoux, co-signataire de l’amendement que je vous présenterai ultérieurement, vous a déjà saisi de cette question. À titre d’exemple, en l’état actuel du droit, la communauté d’agglomération du Val d’Yerres-Val de Seine, qui lui est chère, pourrait perdre 3 millions d’euros de dotations, soit une baisse équivalente à celle subie pendant le précédent quinquennat...

J’ai cru comprendre que les rapporteurs préparaient également un amendement, peut-être plus global que celui que nous avons déposé.

Mme Véronique Louwagie. Les variations à l’intérieur de l’enveloppe globale ont déjà été abordées. En 2018, huit mille communes ont connu des diminutions de leur DSR et de leur dotation nationale de péréquation (DNP). Pour 3 600 d’entre elles, cette baisse dépassait 1 % des recettes réelles de fonctionnement et, pour certaines, cette diminution était liée à la recomposition des territoires intercommunaux, intervenue en 2017. Avez-vous réalisé des simulations pour 2019 ? J’espère que moins de communes connaîtront une baisse aussi importante qu’en 2018.

 

Ma deuxième question concerne la réforme de la DGE des départements, et la mise en place d’un nouveau dispositif, appelé dotation de soutien à l’investissement des départements. Cette dotation sera calculée à 77 % sur la base de la population municipale et à 23 % sur l’insuffisance de potentiel fiscal des départements. Pourquoi avoir retenu cette répartition ? Avez-vous réalisé des simulations ? Pouvez-vous nous les présenter ? Cette modification, couplée à la diminution importante de l’action n° 3 du programme 119 – à hauteur de 67,7 % – ne va-t-elle pas avoir de lourdes conséquences sur certains départements ?

Mme la ministre a évoqué la possibilité d’affecter une quote-part de la CVAE ou de la TICPE aux EPCI. Cette proposition n’est-elle pas de nature à enterrer la réforme de la CVAE, pourtant évoquée par le ministre de l’économie ?

M. Fabien Matras. Ma question concerne la dotation d’équipement des territoires ruraux. À l’heure actuelle, en raison des critères d’éligibilité, elle est versée aux communes rurales, mais aussi à certaines communes intégrées à des centres urbains. En effet, ne sont pris en compte que le nombre d’habitants de la commune et le potentiel financier moyen des communes concernées. Dans le département du Var – celui que je connais le mieux – près de la moitié des communes de la métropole la perçoive ! Sans précipiter une réforme, car il faut prendre le temps de la réflexion, seriez-vous favorable à l’évolution des critères d’éligibilité de la DETR ?

M. Jean-Louis Bricout. Le rapporteur général l’a souligné et Mme la ministre en est convenue, les écarts de richesse sont très importants entre départements. Différents dispositifs de péréquation ont été mis en place, horizontaux, verticaux, sur les budgets de fonctionnement ou d’investissement. Malgré tout, ils semblent très insuffisants, notamment pour les territoires les plus en difficulté et ceux qui sont les moins attractifs : dans ces territoires, les charges sociales sont les plus importantes et les recettes liées à l’immobilier – dont les droits de mutation à titre onéreux – les plus faibles, ce qui crée un effet de ciseau.

Quelles sont vos intentions en matière de péréquation horizontale et verticale pour réduire ces écarts entre départements ? Que ce soit en matière de fonctionnement ou pour ce que vous appelez la DSIL départementale, les dispositifs de péréquation existants vont-ils être musclés ?

M. Jacques Savatier. L’an dernier dans ma circonscription, les dotations aux collectivités ont globalement été stabilisées. Tout le monde s’en réjouissait, mais les dotations ont sensiblement varié entre collectivités, notamment pour celles qui avaient adhéré l’année précédente à des intercommunalités plus riches que celles qu’elles avaient quittées. Cela a entraîné certaines déceptions...

Mme Gourault a effectué un déplacement dans le département, elle a écouté les maires et a confirmé cette analyse. Monsieur le ministre, vous êtes également intervenu devant l’assemblée des maires du grand Poitiers et vous avez validé cette explication : en changeant d’intercommunalité, certaines communes ont aussi « épousé » le potentiel fiscal de leur nouvelle intercommunalité. À la suite de ces deux visites ministérielles, nous avons compris qu’il n’était pas question de revenir sur les quarante et un critères permettant le calcul de la DGF, mais qu’il était envisageable de gommer les effets de seuil pour les collectivités territoriales dont la dotation a connu une baisse importante – certaines ont été amputées d’environ 30 % de leur dotation par rapport à l’année précédente... Bien évidemment, la solidarité s’est exercée au sein des intercommunalités mais, vous le savez, elle ne peut porter que sur l’investissement. Certaines communes se trouvent donc dans une situation très préoccupante au regard de leurs dépenses de fonctionnement et ont parfois dû prendre des mesures extrêmement difficiles concernant leur personnel.

Est-il envisageable de tenir compte de ces phénomènes, massifs dans mon département, mais qui touchent probablement l’ensemble du territoire ? Ces effets de seuil pourraient-ils être gommés dans le cadre du présent projet de loi de finances, par le biais d’un système d’amortisseur de la dotation globale de fonctionnement ?

M. François Pupponi. La réforme de la DPV figure à l’article 81 du projet de loi de finances. Je partage l’avis de Mme Pires Beaune : il est complexe de voter un article sans disposer de simulations, d’autant que vous n’augmentez pas la DPV, tout en élargissant le nombre de communes éligibles. Certaines vont donc y perdre...

Vous ne parlez jamais de la compensation des différents abattements et exonérations votés depuis des années. Je ne prendrai qu’un exemple : la taxe foncière sur les propriétés bâties. Selon les données de 2016 indiquées dans le rapport que nous demandions depuis des années et que vous nous avez fourni – nous vous en remercions –, les communes devraient encaisser une allocation avant minoration de 492 691 894 euros. Or elles ne touchent que 139 millions d’euros. Le manque à gagner est donc de 352 millions d’euros par an ! Ce sont les communes les plus pauvres – celles qui peuvent prétendre à l’abattement de 30 % pour contrat de ville, qui ont des zones franches urbaines ou des quartiers prioritaires de la politique de la ville – qui perdent ces quelques 350 millions d’euros par an, non compensés par l’État...

Enfin, sur la péréquation horizontale, l’année dernière, nous avions réussi à convaincre le Président de la République et le Gouvernement qu’une évolution de la DSU ou de la DSR de 90 millions d’euros n’était pas suffisante pour compenser les différents abattements. Nous avions obtenu qu’elle soit portée à 110 millions. Cela avait permis aux communes concernées de ne pas connaître de baisse. Cette année, vous réinscrivez 90 millions d’euros... Comme l’an passé, si la DSU n’est pas augmentée, les communes les plus pauvres en subiront les conséquences.

Toujours en matière de péréquation horizontale, pour la première année, il n’y aura ni fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC), ni fonds de solidarité des communes de la région Ile-de-France (FSRIF). L’an passé, nous avions obtenu la poursuite de la solidarité en Île-de-France. Ce ne sera plus le cas cette année.

M. Hervé Saulignac. Le Président de la République a fait savoir que 80 millions d’euros seraient débloqués pour les communes du département de l’Aude. Chacun souhaite que l’État soit solidaire à l’égard de ces communes. Mais ces fonds vont-ils être prélevés sur le budget général de l’État ou est-ce la mission Relations avec les collectivités territoriales qui va être ponctionnée ?

Mme Hélène Zannier. Ce n’est un secret pour personne : ces dernières années, la tâche des collectivités territoriales n’a pas été facile. Il a fallu s’adapter à la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), à la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM). Il a également fallu faire face aux baisses de dotations pour redresser les finances publiques.

Tout cela a abouti à une situation défavorable. Le Gouvernement et la majorité parlementaire ont souhaité rompre avec cette situation. Ce budget en est la preuve : la nouvelle politique du Gouvernement est conforme au pacte passé avec les territoires. Il s’agit de leur apporter stabilité et prévisibilité. D’une part, l’État maintient le niveau des dotations ; d’autre part, il s’engage dans un processus de contractualisation avec les principales collectivités territoriales.

Le processus de contractualisation a porté ses premiers fruits. Dans les collectivités ayant contractualisé, la moyenne de progression des dépenses de fonctionnement s’élèverait à 0,6 % au premier semestre, contre 0,9 % en moyenne globale. Cela permet à ces communes, qui ont fait des efforts conséquents, de dégager des capacités d’autofinancement. Néanmoins, elles n’arrivent pas toujours à en dégager suffisamment pour investir alors que c’est parfois nécessaire. Ainsi, certaines petites collectivités de ma circonscription ne peuvent même plus réparer un clocher qui, pourtant, s’effondre. En outre, les banques privées ne jouent pas toujours le jeu. Existe-t-il des dispositifs spécifiques de financement pour ces collectivités ?

Mme Sarah El Haïry. La Cour des comptes demande la suppression de la prestation de déneigement. Or celle-ci est nécessaire et son coût restreint – 8 millions d’euros. Avant d’acter cette suppression, avez-vous prévu une évaluation, afin de ne pas mettre en péril les communes qui en ont besoin ?

Nous avons tous à l’esprit le projet de réforme de la fiscalité locale. Le vocabulaire devient en effet extrêmement technique. Quand des communes et des collectivités ne comprennent même plus ce qui relève de dotations, ce qui relève de compensations et les critères de répartition, c’est peut-être le moment de tout remettre à plat...

M. le président Éric Woerth. Sébastien Lecornu vient de nous rejoindre. Messieurs les ministres, vous avez une vingtaine de minutes pour nous répondre. Je vous laisse vous organiser, sachant que M. Lecornu n’a entendu que le tiers des questions…

M. le secrétaire d’État. Tout d’abord, en ce qui concerne l’enveloppe globale et la maîtrise de la trajectoire, je vous le répète : les dotations et le total des concours de l’État aux collectivités sont maintenus. Nous passons de 47,8 milliards d’euros en 2017 à 48,1 milliards d’euros en 2018 et 48,2 milliards d’euros en 2019, et le montant de la dotation globale de fonctionnement est maintenu au même niveau.

L’avis de la Cour des comptes comporte des éléments extrêmement intéressants. Elle écrit notamment que le mécanisme de contractualisation est plus intelligent qu’une baisse unilatérale des recettes. Il y a cependant aussi au moins deux sources d’interrogations, pour ne pas dire de confusion, ou des paradoxes. Ainsi, les dépenses des collectivités sont souvent évoquées sans que ce dont il est question soit précisé. Le contrat de maîtrise de la dépense locale ne porte que sur les dépenses de fonctionnement. De 2014 à 2016, la progression moyenne est inférieure à 1 %. En 2017, elle se situe autour de 1,5 % ou 1,6 %. Par ailleurs, il peut être difficile de respecter la double injonction de la Cour des comptes : à la fois une maîtrise du niveau d’augmentation des dépenses et une prise en compte parfaitement individualisée des différentes collectivités. Parfois, cela suscite en nous quelques interrogations.

 

Il y a une différence dans l’exécution budgétaire des collectivités signataires et des collectivités non signataires. Lorsque nous considérons, à la fin du mois de septembre 2018, l’évolution des dépenses réelles de fonctionnement des 36 000 collectivités, l’augmentation est de 0,6 %. Dans les 322 collectivités à qui il a été proposé de signer un contrat de maîtrise de la dépense locale, elle est de 0,3 %. Dans les 229 collectivités effectivement signataires, elle est de 0,2 % – contre 0,5 % dans les 93 collectivités non signataires. Il y a donc une différence entre l’ensemble des collectivités et ces 322, et, ensuite, au sein des 322, entre les signataires et les non-signataires.

Paul Molac et Christine Pires Beaune ont évoqué une clause de revoyure. Au printemps prochain, ce sera la première période d’évaluation des contrats, qui permettra donc d’examiner la première année d’exécution. Jacqueline Gourault et moi avons dit en comité de suivi que si clause de revoyure il devait y avoir, il nous paraissait plus utile de la prévoir après l’examen du premier exercice achevé plutôt qu’au cours de l’examen du premier exercice – si nous devions y travailler, par exemple, dès cette semaine. C’est la raison pour laquelle nous avons renvoyé la période d’examen à l’année prochaine, avec un certain optimisme, car les chiffres que je viens d’évoquer nous laissent penser que l’immense majorité des collectivités signataires seront plutôt dans une situation favorable au regard des engagements pris. Il est en effet plus facile de réfléchir à une clause de revoyure lorsque le contrat est tenu et qu’il n’y a pas de mécanisme de reprise que s’il y en a un, la détermination du niveau de reprise suscitant évidemment des tensions.

Madame la députée Pires Beaune, je crains une petite confusion à propos des accords locaux. Nous les envisageons plutôt sous l’angle de la décision rendue par le Conseil constitutionnel à la suite d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) soulevée par la commune de Salbris, décision qui a déterminé la composition des conseils communautaires. Une proposition de loi sénatoriale, portée alors par Jacqueline Gourault, apporte des réponses que certains jugent parfois insuffisantes. Nous avons jusqu’aux prochaines élections pour voir s’il peut y avoir des améliorations, avec une obligation : respecter cette décision dite « QPC Salbris » rendue le 20 juin 2014 par le Conseil constitutionnel et ne pas aggraver les problèmes tenant au respect de l’égalité des suffrages.

Quant au suffrage universel, le Premier ministre a eu l’occasion de le dire : à ses yeux, les intercommunalités pour lesquelles une forme de suffrage universel doit être envisagée étaient plutôt les collectivités à statut particulier – en l’occurrence, Lyon, collectivité à propos de laquelle des dispositions législatives ont été prises par ordonnances et ratifiées. Il a indiqué qu’il s’inscrivait dans la même perspective pour de nouvelles collectivités qui verraient le jour sous cette forme.

Je n’ai pas l’information que vous souhaitez sur le produit des amendes. Nous regarderons cela. S’agissant des simulations, M. Lecornu pourra vous donner les garanties nécessaires.

M. Philippe Dunoyer m’a interrogé sur les réorganisations territoriales et l’évolution des crédits ouverts en DSIL. Vous avez raison, monsieur le député : cette mission ne retrace qu’une faible part des concours financiers de l’État aux collectivités, puisque nous parlons de moins de 4 milliards d’euros, sur un montant global de 48 milliards d’euros. Nous pourrions même ajouter un certain nombre de compensations et d’autres concours pour arriver à près de 100 milliards d’euros de transferts entre l’État et les collectivités.

Sur la DSIL, l’évolution des crédits de paiement entre 2018 et 2019 tient au fait que c’est en 2018 qu’ont été conclus les contrats de ruralité. Ces contrats ont bénéficié de financements, certains ont été soldés, ce qui expliquent cet écart conjoncturel. De même, il y a un écart au niveau de la mission, qu’on ne retrouve pas au niveau des concours globaux, lié aux 250 millions d’euros versés aux régions que j’évoquais tout à l’heure.

Il est prévu que le projet de loi de finances rectificative portant réforme de la fiscalité locale soit adopté au cours du premier semestre de l’année 2019. Nous avons donc quelques semaines pour mener à bien la concertation sur les différents scénarios, notamment celui évoqué par la mission conduite par MM. Alain Richard et Dominique Bur, mais aussi tous les scénarios alternatifs possibles, auxquels nous restons ouverts. Nous voulons aboutir au premier semestre de l’année 2019, en vue d’une application après l’année 2020, à la suite de la première période transitoire de suppression de la taxe d’habitation. Il s’agit avant tout de permettre aux candidats aux élections municipales, et donc communautaires de 2020, de savoir dans quel cadre financier inscrire la préparation de leur programme et leur action. Il s’agit aussi de permettre à l’ensemble de nos services de préparer la mise en place de la réforme. Nous n’aurons pas trop de plus d’un an et demi pour mettre en place cette réforme ; il est plus prudent de prévoir ce délai.

Quant aux questions liées à la taxe professionnelle, nous retrouvons, monsieur le député de Courson, le même débat que sur les variables d’ajustement, avec la volonté d’une répartition entre les différentes strates. Pour les départements, de manière assez traditionnelle, c’est sur cette dotation de compensation qu’est prise l’enveloppe dite des variables d’ajustement.

La piste de la CVAE a été évoquée pour compenser la perte des recettes de taxe d’habitation aux intercommunalités, avec le risque, cependant, que cela ne bloque une éventuelle réforme de la CVAE. A aussi été évoquée, a contrario, la crainte qu’une affectation d’une fraction de la fiscalité nationale ne soit contraire à l’esprit de l’intercommunalité et du transfert de compétences. Les élus intercommunaux doivent avoir un débat sur le choix de cette ressource de remplacement. Faut-il une fraction d’un impôt national ou un impôt dit « territorialisable » ? Pour prendre une décision éclairée, il faut conserver deux éléments à l’esprit. Tout d’abord, la territorialisation d’un impôt, comme la CVAE ou la TICPE, impose la mise en place de mécanismes de péréquation pour éviter de renforcer les inégalités entre territoires au dynamisme inégal. Ensuite, à l’aune de l’expérience des régions, nous savons que la TVA est extrêmement dynamique – sa trajectoire actuelle est ainsi bien supérieure à celle qui était prévue en 2017 –, tandis que la trajectoire de la CVAE est beaucoup plus volatile. Ainsi, le produit de la CVAE a progressé de 4,3 % en 2017 mais de moins de 1 % en 2018. Comme tous les élus communautaires le savent, les recettes de CVAE sont fortement imprévisibles.

Des questions, posées notamment par M. Savatier et Mme Louwagie, ont porté sur l’évolution de la DGF en 2018 et la crainte de possibles variations en 2019. Nous sommes beaucoup plus sereins pour 2019. En effet, pour la partie péréquation, la dotation est déterminée par le potentiel financier des communes et des intercommunalités, l’accès à la DSU, à la DSR et à la DSR « cible ». Or le potentiel financier de la commune tient compte à la fois des indicateurs de la commune et de ceux de l’intercommunalité d’appartenance. Cela signifie qu’en 2017, dernière année de baisse des enveloppes globales, ces dotations ont été réparties sur la base du potentiel financier de 2016, soit du dernier exercice connu. En 2018, les dotations ont été réparties sur la base du potentiel financier de 2017, mais, le 1er janvier 2017, la carte de l’intercommunalité a été profondément modifiée, ce qui a très fortement affecté le potentiel financier des communes concernées, notamment celles de la communauté urbaine du Grand Poitiers. Pour 2019, l’absence presque totale de mouvements au sein des intercommunalités appelle plus de sérénité. Les évolutions de potentiel financier tiendront donc quasi uniquement à l’évolution des indicateurs économiques et non à une évolution artificielle liée à un changement de périmètre. La stabilité devrait ainsi être plus grande. En tout état de cause, le CFL peut se saisir de ce sujet comme du montant de l’augmentation de la DSU ou à la DSR dans le cadre de l’enveloppe normée, et qui a un impact sur les variables. Il serait peut-être utile qu’un travail soit effectivement mené pour voir dans quelles conditions les communes peuvent perdre le bénéfice d’une dotation de péréquation. En matière de DSU, un mécanisme de sortie en sifflet joue un rôle assez protecteur pour « limiter la casse » lorsque les critères d’éligibilité ne sont plus remplis. Peut-être serait-il utile de faire ce travail au moins pour la DSR « cible ». Le CFL n’avait pas poussé plus loin cette réflexion lorsque nous avions supprimé l’effet d’escalier pour la DSU, notamment la part « cible » de cette dotation.

Sébastien Lecornu pourra rassurer M. Saulignac à propos des fonds attribués à l’Aude.

Il est vrai que FPIC et FSRIF restent au même niveau que l’année précédente, un problème de soutenabilité se posant pour les communes contributrices. Le débat aura lieu comme chaque année, au moins à propos du FSRIF – c’est peut-être là qu’il y a le plus d’inégalités. Quant aux compensations, nous en avons déjà débattu à plusieurs reprises. Je me rappelle les interventions de la précédente rapporteure générale, Valérie Rabault, qui avait demandé et obtenu un rapport. Je crains, pour finir sur une note pessimiste, qu’il ne s’écoule un peu de temps avant qu’un gouvernement, quel qu’il soit, ne soit en mesure, budgétairement, de verser l’intégralité de ce qu’il devrait verser sous forme de compensation. Les dégrèvements, compensations et suppressions d’impositions locales qui ont fait l’objet d’une compensation avant que celle-ci n’intègre les variables d’ajustement ont été tellement nombreux, en effet, depuis trente ans que le chemin sera long avant de pouvoir rétablir l’équilibre.

M. le président Éric Woerth. Cela signifie qu’il faut mettre un terme à cette pratique !

M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales. Messieurs les présidents, mesdames et messieurs les députés, veuillez tout d’abord excuser mon retard, dû à l’actualité du Grand Est, mais j’étais déjà un peu parmi vous par la pensée, si j’en crois les sujets sur lesquels vous nous avez interrogés.

La dotation d’intercommunalité est évidemment l’une des nouveautés les plus importantes de la mission Relation avec les collectivités territoriales dans le cadre de ce PLF. L’enjeu était évidemment de mettre fin au caractère complètement imprévisible et instable de la dotation telle qu’elle fonctionnait jusqu’à présent. Ce fut un long travail, accompli par le CFL, avec cinq réunions et plus de quatorze simulations. Nous arrivons à un résultat qui devra être évalué et il faudra être très attentif à ses effets dans nos territoires mais, oui, l’intégration et la péréquation sont les deux éléments structurants de cette dotation.

Des simulations pluriannuelles ont été demandées. Nous pouvons évidemment les produire avant la discussion en séance ; je suis attaché à ce que le Gouvernement et le Parlement puissent travailler dans ces conditions. Nous avons quand même déjà des séries de chiffres portant sur l’ensemble des EPCI, qui donnent de grandes tendances : 981 EPCI connaîtraient une augmentation de la dotation, 114 une stabilité par rapport à l’année 2018 et 169 potentiellement une diminution. Le cas des communautés d’agglomération est spécifique, et nous vous fournirons les simulations pour que vous puissiez y voir clair.

S’agissant de la DPV, à laquelle, je le sais, vous êtes très attaché, monsieur le député Pupponi, nous vous donnerons également des simulations. Si nous augmentons le nombre de collectivités éligibles, c’est pour éviter des sorties injustifiées. Il aurait été plutôt bizarre que certaines communes dont je ne suis pas autorisé à donner les noms, malheureusement réputées pour les difficultés sociales qu’elles rencontrent, sortent du dispositif. Auparavant, 180 communes étaient éligibles ; demain, si vous adoptez le PLF, il y en aura 182 en métropole et 17 outre-mer.

Sur la DGF, l’instabilité liée aux nouveautés du 1er janvier 2018 ne se représentera pas le 1er janvier 2019. Le schéma départemental de coopération intercommunale se stabilise, et donc les modes de calcul. L’exemple de Poitiers est désormais cité en exemple par tous les experts en finances locales. Effectivement, la solidarité joue en investissement, mais elle peut aussi jouer en fonctionnement, avec la dotation de solidarité communautaire. Je crois d’ailleurs que c’est l’une des spécificités de l’intercommunalité du Grand Poitiers. La loi permet une mutualisation de la DGF mais cette possibilité est trop méconnue des élus locaux. Il y a aussi la modification des allocations de compensation. Il faudra faire du sur-mesure. Pour notre part, nous allons donner instruction aux préfets de s’attacher à chaque situation. De nombreux élus n’ont effectivement pas compris le calcul de la DGF pour leur commune ; avec la loi NOTRe, les mariages ont parfois été rapides et toutes les indications appropriées n’ont pas forcément pu être données en amont – j’en ai moi-même un exemple dans mon département avec la communauté d’agglomération d’Évreux.

La dotation globale d’équipement des départements est transformée en dotation de soutien aux investissements départementaux (DSID). C’est l’une des grandes nouveautés de ce PLF. Pourquoi cette répartition 77/23 ? C’est que nous n’avons pas voulu supprimer le fléchage en direction des départements les plus fragiles qui était prévu dans le cadre de la DGE historique. Ainsi, 23 % sont dévolus aux trente départements les plus fragiles – le fonctionnement de la DSID vous a été décrit tout à l’heure. L’idée est bien évidemment d’être attentif en permanence aux autorisations d’engagement et crédits de paiement en vue d’un pilotage efficace en gestion. Il s’agit de permettre aux sections d’investissement des conseils départementaux de mobiliser rapidement les fonds pour équilibrer leur budget. Dans le même temps, il y a une amélioration des critères de péréquation – c’est indispensable.

Sur les communes nouvelles, là où une volonté locale se fait jour, des mesures d’incitation sont prises, notamment sur la DGF, jusqu’au 1er janvier 2019, et sans qu’il soit question de forcer personne. Ensuite, dans les douze mois qui précèdent l’élection municipale, il n’est pas question de toucher au périmètre de la circonscription électorale de la commune. La question se reposera à partir du 1er janvier 2021. Il est trop tôt pour dire que je suis favorable à une reprise de ces mesures d’incitation, mais je vous le dis quand même...

Mme la députée Sarah El Haïry, je n’ai pas la réponse à votre question sur le déneigement. Je promets de vous la trouver rapidement.

 

Les fonds mobilisés pour l’Aude seront bien pris sur le programme 122 du budget de l’État. J’étais avec le Président de la République dans l’Aude, et j’y retournerai le 15 novembre prochain pour présider le comité de pilotage à la préfecture et au conseil départemental. C’est bien la dotation de solidarité en faveur de l’équipement des collectivités territoriales et de leurs groupements touchés par des événements climatiques ou géologiques qui est mobilisée pour subventionner les collectivités. Vous connaissez le principe : ce sont l’Inspection générale de l’administration (IGA) et le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) qui agissent en quelque sorte comme les experts de l’État et chiffrent. Ensuite, c’est sur le fondement de cette expertise que le ministère de la cohésion des territoires verse l’argent. Évidemment, tout cela se fait en lien avec les collectivités territoriales.

M. François Pupponi. Pourquoi n’avoir pas fait la même chose à Saint-Martin ?

M. le ministre. La situation à Saint-Martin présentait, monsieur le député, un caractère plus extraordinaire du fait de la nouveauté de la collectivité à l’époque. En l’état du droit, l’outre‑mer n’est pas éligible à cette ligne du budget. Nous avons donc dû trouver d’autres modes de financement.

C’est la Banque des Territoires, avec la Caisse des dépôts et consignations, qui joue un rôle dans un certain nombre de dossiers d’investissements pour lesquels les banques privées sont défaillantes. C’est ainsi la Caisse des dépôts qui, de plus en plus, intervient pour aider les collectivités territoriales à passer à l’acte lorsque des réseaux d’eau requièrent des investissements capitalistiques de long terme. Ainsi consent-elle des prêts sur soixante à soixante-dix ans, à des taux proches de celui du livret A, qui permettent un effet de levier important.

Les critères d’éligibilité à la DETR sont de deux ordres : ceux des communes qui y ont droit, et ceux qui relèvent de la « doctrine d’emploi » de la DETR. Une évolution a été introduite dans ce PLF avec la possibilité de financer l’ingénierie à hauteur de 10 % – c’était possible dans le cadre de la DSIL, non dans celui de la DETR. Bien souvent, notamment pour les communes les plus modestes, ce n’est pas que le « passage à l’acte » en investissement qui est important, c’est aussi la conception et la réalisation du projet, avec bureau d’études, maîtrise d’œuvre, etc. La DETR ne finançait que des travaux : elle financera désormais de plus en plus de l’ingénierie – nous veillerons à éviter les effets d’aubaine.

M. le président Éric Woerth. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie.

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Membres présents ou excusés

 

Membres présents ou excusés

Réunion du lundi 29 octobre à 14 heures

 

 

Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

 

Présents.  M. Jean-Louis Bourlanges, M. Jean-Louis Bricout, M. Jean-René Cazeneuve, M. Charles de Courson, Mme Dominique David, M. Benjamin Dirx, Mme Sarah El Haïry, M. Joël Giraud, Mme Perrine Goulet, M. Romain Grau, M. Alexandre Holroyd, M. Christophe Jerretie, M. Daniel Labaronne, Mme Véronique Louwagie, Mme Amélie de Montchalin, Mme Cendra Motin, Mme Catherine Osson, M. Hervé Pellois, Mme Bénédicte Peyrol, Mme Christine Pires Beaune, M. François Pupponi, Mme Sabine Rubin, M. Laurent Saint-Martin, M. Jacques Savatier, M. Éric Woerth

Excusés.  M. Stanislas Guerini, M. François Jolivet, M. Marc Le Fur, Mme Valérie Rabault, M. Olivier Serva, M. Benoit Simian, M. Philippe Vigier

 

 

 

Commission des lois constitutionnelles, de la législation
et de l’administration générale de la République

 

Présents. – M. Erwan Balanant, Mme Émilie Chalas, M. Philippe Dunoyer, Mme Isabelle Florennes, Mme Catherine Kamowski, M. Fabien Matras, M. Paul Molac, Mme Danièle Obono, M. Bruno Questel, M. Hervé Saulignac, M. Raphaël Schellenberger, M. Jean Terlier, Mme Hélène Zannier

Excusés. – M. Jean-Félix Acquaviva, Mme Huguette Bello, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Éric Ciotti, Mme Paula Forteza, Mme Marie Guévenoux, M. Mansour Kamardine, Mme Marietta Karamanli, Mme Maina Sage, M. Guillaume Vuilletet

 

 

 

Assistaient également à la réunion.  M. Bruno Millienne, M. Hubert Wulfranc

 

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