Compte rendu

Commission d’enquête
sur l’impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables,
sur la transparence des financements
et sur l’acceptabilité sociale
des politiques de transition énergétique

– Audition, ouverte à la presse, de M. Daniel Bour, président d’Enerplan, accompagné de M. Richard Loyen, délégué général, de M. David Gréau, responsable des relations institutionnelles et de M. Antoine Huard, président du think tank France Territoire Solaire                2

 


Mardi
14 mai 2019

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 24

session ordinaire de 2018-2019

Présidence
de Mme Laure
de La Raudière,
Vice-Présidente

 


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La séance est ouverte à dix-sept heures cinq.

M. la présidente Laure de la Raudière. Mes chers collègues, nous accueillons ce soir les représentants du syndicat des professionnels de l’énergie solaire, Énerplan : M. Daniel Bour, son président, est accompagné de M. Richard Loyen, délégué général, de M. David Gréau, responsable des relations institutionnelles, et de M. Antoine Huard, président du think tank France territoire solaire.

Messieurs, nous allons beaucoup discuter d’autoconsommation ce soir, puisque, a priori, l’activité des professionnels que vous fédérez vise à fournir de la chaleur ou de l’électricité localement. Elle vise également à alimenter le bouquet électrique national et local au moyen des centrales de production.

Vous indiquez qu’Énerplan s’ouvre aux questions de stockage, d’électromobilité et de numérisation de l’énergie. Vous présentez votre activité comme suit : « Notre détermination, c’est faire aboutir rapidement une offre d’électricité et de chaleur solaires compétitive pour les Français et créatrice de valeur dans les territoires. Notre engagement : formuler des propositions crédibles et agir afin d’amplifier la dynamique du solaire au niveau national et dans les régions. »

Après avoir envisagé l’autoconsommation sur le plan technique, vous estimez que des taux élevés d’autoconsommation pourraient être atteints sans avoir recours au stockage. Mais aussi que dans l’habitat individuel, les pics de consommation du matin et du soir pourraient être aisément déplacés aux heures solaires, grâce à des dispositifs de pilotage intelligents de la demande permettant d’optimiser le taux de rentabilité.

Vous nous direz comment vous arrivez à ces objectifs. De nombreuses personnes que nous avons auditionnées nous ont expliqué que le solaire ne servait pas à grand-chose la nuit, et qu’il s’agissait d’une énergie, par essence, non pilotable. Je vous indique cela en transcrivant de façon un peu caricaturale et rapide des propos qui ont été tenus par des personnes provenant de filières énergétiques différentes de la vôtre. Vous nous expliquerez comment il est possible d’arriver à piloter cette énergie.

Vous donnez aussi une dimension politique et sociale à l’autoconsommation. Un point important pour cette commission, car les personnes qui pratiquent l’autoconsommation ne financent pas nécessairement la péréquation tarifaire de l’accès au réseau ; comment résoudre cette question ?

Où en serons-nous dans cinq ans, horizon que vous avez retenu pour une faisabilité technique en matière de stockage ?

Comment créer des réseaux décentralisés ? Dans ce cas, la somme des puissances nécessaires pour couvrir les pointes de consommation décentralisées ne sera-t-elle pas supérieure à la puissance de pointe requise par un réseau centralisé ?

Enfin, la présentation avantageuse de l’autoconsommation et du stockage ne fait-elle pas l’impasse sur la péréquation permise par un réseau centralisé ?

Monsieur Bour, je vous propose de nous présenter un exposé liminaire de quinze minutes, notre rapporteure et les membres de la commission d’enquête vous poseront ensuite des questions.

Messieurs, avant de vous donner la parole, je rappelle que l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d’enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rient que la vérité.

Je vous invite à lever la main droite et à dire « je le jure ».

(MM. Bour et Loyen prêtent serment)

M. Daniel Bour, président d’Érneplan. Madame la présidente, je commencerai par vous présenter la filière photovoltaïque dans son ensemble. Je m’appuierai, pour cela, sur un certain nombre de slides.

La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) fixe, pour le solaire, des objectifs ambitieux à l’horizon 2028. La part du solaire dans la production électrique passerait de 2 %, à 10 % en dix ans. Ces chiffres nous semblent réalistes et réalisables, pour plusieurs raisons.

La première est l’évolution des prix : le prix de l’électricité solaire photovoltaïque a chuté sur l’ensemble des segments du marché – le résidentiel, moins 12,5 %, les grandes toitures, moins16,1 % par an et les centrales au sol, moins 18,3 % par an.

Seconde raison : historiquement, le solaire avait un coût élevé pour la contribution au service public de l’électricité (CSPE) – qui a été absorbée en 2016 par la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE). Aujourd’hui, les volumes des centrales solaires raccordées en 2018 représentent un engagement de 50 millions d’euros par an pour les charges publiques, contre 613 millions par an en 2011.

Les chiffres indiqués sur le slide ne sont pas ceux des nouvelles centrales, mais ceux des centrales qui ont gagné des appels d’offres il y a deux ans. Je n’entrerai pas dans le détail, je souhaitais simplement vous montrer la chute très forte des tarifs, notamment pour les centrales au sol.

Par tranche de cent mégawatts, entre 2011 et 2018, les aides publiques ont été divisées par dix pour les plus grandes centrales, un peu moins fortement pour les toitures et le résidentiel.

Les lauréats des derniers appels d’offres verront leurs centrales raccordées d’ici à deux ans. Le prix aura encore baissé.

Actuellement, le prix moyen de marché est de cinquante-huit euros et quatre-vingt-six centimes par mégawattheure pour les centrales au sol et le coût du soutien public n’est plus que de 6,67 euros par mégawattheure, soit un coût annuel de 867 700 euros pour cent mégawatts. J’insiste sur ce point : les centrales au sol, par rapport au prix de marché, ne bénéficient que d’un très faible soutien public. Et non seulement elles vont coûter de moins en moins cher, mais elles feront un jour gagner de l’argent à l’État.

Je vous arrête tout de suite si vous songez à supprimer les aides publiques ! Elles sont fondamentales, le prix de marché n’étant ni constant ni bien connu. En garantissant un prix, l’État favorise énormément la diminution des coûts.

Le prix moyen de marché pour les centrales en toiture, qui ont emporté les derniers appels d’offres, est de 84,65 euros par mégawattheure, le coût du soutien public pour chaque mégawatt est de 32,46 euros par mégawattheure, soit un coût annuel de 3 732 000 euros pour cent mégawatts.

Cependant, les centrales au sol génèrent des recettes fiscales récurrentes pour la collectivité, pour un montant total de 1 400 000 euros par an pour cent mégawatts : imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER), taxe foncière, cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), cotisation foncière des entreprises (CFE) et impôt sur les sociétés.

Ce qui signifie que, sur la base du prix de marché actuel, les centrales au sol qui ont emporté les derniers appels d’offres génèrent un bénéfice pour la collectivité de 500 000 euros par an.

Il s’agit là d’un changement de paradigme. La compétitivité du solaire a progressivement permis de coûter moins cher et, aujourd’hui, d’être dans une phase plus positive.

Nous l’expliquons de façon plus explicite encore, avec le tableau suivant. Le soutien de l’État est de garantir un prix donné au producteur. En contrepartie, celui-ci se doit de mettre sur le marché chaque kilowattheure produit.

Cependant le prix de marché évolue chaque jour. Si, entre 2017 et 2018, l’État a perdu de manière permanente de l’argent, à certaines périodes, de l’argent lui a été reversé ; et plus nous avancerons dans le temps, plus les versements seront importants. En effet, les centrales solaires au sol produisent une électricité à un prix fixe sur vingt ans, dont le niveau est d’ores et déjà, sur certaines périodes, inférieur au prix du marché.

N’en déduisez pas, là aussi, que nous puissions nous passer des appels d’offres. Une énergie s’amortit sur vingt ans, nous avons donc besoin de visibilité. Si nous étions sur un marché classique, sans garantie de l’État, le coût financier serait plus que doublé. Sans visibilité, chacun prendrait plus de précautions – les banques, les investisseurs, etc. C’est bien grâce à cette garantie de l’État, que les investisseurs et les financiers se sentent en sécurité et acceptent des taux extrêmement bas. Ce qui explique la compétitivité du solaire.

Aujourd’hui, quand l’État investit dans le solaire, il ne s’agit plus d’une aide, mais bien d’un investissement, puisqu’il bénéficiera d’un retour – les courbes le montrent déjà.

Cependant, le solaire est l’énergie la moins chère de toutes les énergies ; si le prix de marché était plus bas, beaucoup d’autres énergies seraient en difficulté. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y aura pas de moments de crise – parfois le marché est négatif. Les prévisions présentées par la PPE indiquent une augmentation régulière du prix de marché.

Nous pouvons en parler durant des heures, peu de personnes peuvent réellement deviner quel sera le prix de marché futur.

Venons-en aux coûts globaux des énergies renouvelables (EnR), et en particulier, au coût du solaire. L’essentiel des charges de service public consacrées au soutien des EnR correspond à des contrats déjà engagés, dont le poids va décroître dans les années à venir. S’agissant du solaire, c’est bien ce coût historique que nous sommes en train de payer, et non pas les nouvelles centrales.

Par ailleurs, les spécificités du contexte français conduisent à des prix de l’électricité solaire plus élevés qu’ailleurs, notamment en Allemagne. Bien entendu, certaines d’entre elles sont tout à fait logiques, notamment dans le cadre de la transition énergétique.

Nous avons décomposé le prix de l’électricité d’un projet de centrale solaire au sol, qui est de 56,8 euros. Sont compris dans ce prix les éléments suivants : d’abord, le critère carbone, qui a une raison d’être dans le cadre de la transition énergétique.

Ensuite, la S3RENR. La France a choisi de faire supporter aux EnR tous les coûts de l’amélioration et d’adaptation au réseau, contrairement à d’autres pays européens, où le coût est pris en charge par la collectivité. Les fournisseurs sont inquiets, une explosion de ce poste étant prévue dans les dix années qui viennent.

Enfin, l’IFER, un impôt qui a été décidé il y a une dizaine d’années, et justifié par la volonté de bien ancrer les EnR dans les territoires. Il s’agit en réalité d’un impôt qui pèse très lourd dans le solaire, puisque son taux est le même pour une centrale qui produit le mégawattheure à 400 euros que pour une centrale qui le produit à quatre ou cinq euros.

Le taux d’IFER payé par les producteurs d’énergies solaires et éoliennes est le double du nucléaire et du thermique, alors que le solaire produit, en nombre d’heures, moins que toutes les autres énergies. Par ailleurs, il nous semble que l’IFER devrait faire l’objet d’un débat afin de s’assurer qu’il est fléché correctement, les communes rurales, dans lesquelles sont implantées les centrales, n’en bénéficiant quasiment pas – contrairement aux intercommunalités, agglomérations et départements.

Sans toutes ces spécificités, le prix moyen passerait de 56,8 à 45,8 euros, soit une différence significative. Il ne s’agit pas pour nous de contester ces décisions, ce sont des choix réglementaires, politiques. Je vous demande simplement de les prendre en compte, lorsque vous procédez à des comparaisons, notamment avec d’autres pays européens.

Dans cette première partie, nous nous sommes efforcés de vous expliquer le coût financier du solaire pour la collectivité ; un coût qui devient extrêmement réduit – quasi nul pour les centrales au sol. Nous avons fait, en termes de compétitivité, l’essentiel du chemin.

Dans un deuxième temps, nous vous présenterons l’activité de la filière et notamment les emplois qui ont été créés et à venir. Les chiffres que nous avons repris dans notre présentation proviennent d’une étude effectuée, en liaison avec notre syndicat, par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) et la société Care&Consult. Elle vise à mettre en perspective les emplois qui seront créés, en application de la PPE – à horizon 2023.

Dans un premier temps, suite au moratoire, qui a été très violent, l’emploi a fortement diminué – il a été divisé par deux. Ce qui démontre, encore une fois, que lorsqu’on coupe la visibilité économique d’une activité, les conséquences en termes d’emplois sont dramatiques. Puis, dès qu’il a été remis de la visibilité sur le solaire, nous avons recommencé à recruter – et cela s’accélère. Le nombre d’emplois va quasiment doubler entre 2016 et 2023 – plus 10 000 emplois –, et nous estimons être capables d’en créer 20 000 supplémentaires d’ici à 2028. Le nombre d’emplois indirects est important, et il est parfois difficile de les mesurer.

Notre troisième partie tend à vous présenter quelques idées reçues sur l’énergie solaire photovoltaïque, ce que j’appelle le « péché originel » du solaire. Cette énergie a connu un engouement incroyable dans les années 2009-2010, mais a fait l’objet d’un moratoire. Certaines idées reçues se sont développées ; si certaines, à l’époque, étaient vraies, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Nous souhaitons donc revenir sur les principales.

Premièrement : « tous les panneaux solaires viennent de Chine » et coûtent extrêmement cher. S’il est vrai que le Chine est le premier producteur mondial de panneaux solaires, elle produit avant tout pour ses propres besoins. Un panneau est composé de différents éléments – cellules, plaquettes, cadre… Les plaquettes proviennent principalement de Norvège et en partie de la France. Il s’agit de la partie la plus énergétivore, la plus importante si nous voulons baisser notre empreinte carbone. Or la Norvège, grâce à ses barrages a une empreinte carbone extrêmement faible.

Les cellules, quant à elles, proviennent en majorité de Corée du Sud. Enfin, le montage, l’addition de toutes les cellules, est une étape importante mais méprisée, alors que c’est à ce moment-là qu’il est possible de faire des économies et de l’ergonomie. Les modules sont principalement assemblés en France, il faut le souligner.

Deuxièmement : « un panneau solaire permet d’économiser moins de CO2 qu’il n’en a été produit lors de sa fabrication ». Le temps de retour énergétique d’un panneau solaire est inférieur à trois ans et son temps de retour carbone en France se situe entre un et cinq ans.

Par ailleurs, selon la PPE, l’accroissement des capacités EnR – passer de 2 % à 10 % – ne nécessite pas de back-up. Et c’est le réseau de transport de l’électricité (RTE) qui l’affirme.

Troisièmement : « l’intermittence de l’énergie solaire la rend peu intéressante, car elle ne produit que 15 % du temps ». Dans la réalité, un panneau solaire produit de l’électricité 47 % du temps. L’énergie solaire est, certes, variable, mais prédictible. Sa gestion ne pose aucun problème, et peut être incluse dans la distribution jusqu’à 10 % sans back-up.

L’énergie solaire contribue à une transition énergétique harmonieuse, puisqu’elle coche à peu près toutes les cases demandées : retombée sur l’emploi ; retombée pour les collectivités, les centrales étant construites sur des communes rurales ; coût du soutien porté par le consommateur ; bénéfices environnementaux ; occupation des sols ; revalorisation du patrimoine terrien et immobilier ; participation des populations aux enjeux énergie-climat.

Concernant l’occupation des sols, l’enjeu pour les années à venir est de passer de huit gigawatts à quarante. Nous aurons besoin pour ce faire, selon la PPE, de deux mille hectares par an ; c’est à la fois peu et beaucoup. C’est la raison pour laquelle, nous privilégierons les terrains artificialisés. D’ailleurs, 73 % des lauréats des appels d’offres proposaient des terrains artificialisés.

Quels sont les enjeux pour atteindre les objectifs, de façon harmonieuse, et quels sont les points qui doivent être réglés pour y arriver ? J’en citerai trois. D’abord, les permis de construire, un système qui fonctionne mal en France.

Ensuite, la symbiose avec l’agriculture : comment pouvons-nous être un allié pour les agriculteurs, leur faire bénéficier d’un revenu, sans perturber l’agriculture – notamment sans utiliser les terres agricoles ?

Enfin, le respect de la concurrence. Le photovoltaïque, qui était jusque-là une activité de petites et moyennes entreprises (PME) et d’entreprises de petite taille (ETI), voient arriver les grands groupes – ce que nous pouvons considérer comme une marque de reconnaissance. De sorte que nous serons vigilants quant à ce que tous les acteurs puissent répondre de manière transparente et homogène aux appels d’offres.

En effet, les acteurs doivent, en général, répondre à un premier appel d’offres qui leur permet d’acquérir des terrains, avant de répondre à celui de la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Si, par exemple, les terrains de l’armée étaient attribués à un ou deux opérateurs seulement, nous taperons sur la table pour évoquer le non-respect de la concurrence.

Quel futur pour le solaire ? D’abord, nous ne devons pas, pendant une dizaine d’années, être obnubilés par l’intermittence, puisque 10 % peuvent être absorbés par le réseau. Mais si nous ne faisons rien d’ici à 2028, alors nous aurons un problème. Nous devons donc absolument anticiper, sachant que le coût du solaire va continuer à baisser et que nous ne voyons aucune raison pour que l’appétence de la population pour cette énergie diminue.

Différentes questions doivent être réglées pour mettre fin à l’intermittence. D’abord, la digitalisation permettra que les usages de l’utilisation de l’électricité cadrent avec les moments de production solaire. Cela peut se faire chez soi, mais également à une plus grande échelle – au niveau des entreprises, et au niveau national. Une digitalisation que nous devons prévoir dès aujourd’hui, car elle prendra du temps.

Ensuite, la question du stockage. Électricité de France (EDF) a déjà annoncé que deux gigawatts de capacité supplémentaire peuvent être envisagés. Par ailleurs, il existe différentes façons de stocker : la batterie, mais également, chez soi, dans notre ballon d’eau chaude ou notre voiture.

M. la présidente Laure de la Raudière. Je vous remercie, monsieur le président. Avant de laisser la parole à la rapporteure, j’aurais quelques questions à vous poser.

L’énergie solaire a déjà dépensé 25 milliards d’euros de subventions publiques et 25 autres milliards sont déjà engagés : confirmez-vous ces chiffres ?

M. Daniel Bour. Ces 25 milliards d’euros représentent l’historique. Cet historique commencera à diminuer dans dix ans, soit à partir de 2029. Les centrales qui ont vingt ans ne sont plus soutenues par l’État. Mais oui, cet ordre de grandeur me paraît correspondre.

M. la présidente Laure de la Raudière. Les appels d’offres se font sur un prix garanti pour combien d’années ?

M. Daniel Bour. Vingt ans.

M. la présidente Laure de la Raudière. Quelle est la durée de vie d’une installation solaire au sol ?

M. Daniel Bour. Quarante ans.

M. la présidente Laure de la Raudière. Ce qui veut dire que, au-delà de vingt ans, vous n’avez plus besoin que le prix soit garanti ?

M. Daniel Bour. Tout à fait, les investissements sont amortis.

M. la présidente Laure de la Raudière. Quel sera alors l’impact sur le prix du marché ? Vous nous avez indiqué que le prix garanti favorisait la baisse du coût du fait de la visibilité donnée grâce à l’État – qui rassure les investisseurs – et que le prix de marché va augmenter. Ce qui n’a rien d’évident, puisque les prix de marché négatifs sont souvent la conséquence d’une surproduction d’électricité, du fait de trop d’énergies non pilotables.

M. Daniel Bour. Le terme « non pilotable » ne me semble pas approprié.

M. la présidente Laure de la Raudière. Intermittente.

M. Daniel Bour. Oui, je préfère, ce n’est pas tout à fait la même chose.

La question de l’accroissement de l’utilisation de l’énergie solaire se pose déjà, mais en 2028 elle sera primordiale : à midi au mois d’août, la production sera importante.

M. la présidente Laure de la Raudière. Sauf s’il s’agit d’un jour de grand vent.

M. Daniel Bour. Oui, cela peut arriver. Mais il faudrait qu’il pleuve sur toute l’Europe, et même si c’était le cas, la gêne serait minime, le solaire ne représentant que 2 % de la consommation – ce qui peut difficilement faire grimper le prix de marché.

Cependant, à terme, il s’agira d’une vraie question, et c’est la raison pour laquelle, un lissage sera demandé. Je pense que, à un moment donné, les contrats passés avec différents distributeurs, prévoiront de lisser, de décaler dans le temps, pour qu’il y ait des électrons à certaines plages horaires et pas à d’autres.

Il s’agit là de la question de la digitalisation. Quand l’énergie solaire et les autres EnR prendront de l’importance, il y aura tout un travail à réaliser pour éviter que le prix de marché fasse n’importe quoi.

M. la présidente Laure de la Raudière. Et qui doit s’occuper de la digitalisation ?

M. Daniel Bour. Cela se fait naturellement. Le RTE est déjà en train d’y travailler. Et il le fait en collaboration avec nous. Il est de l’intérêt de tout le monde d’éviter que les prix du marché ne s’emballent.

M. la présidente Laure de la Raudière. Je souhaiterais revenir sur un point que je n’ai pas bien compris.

La mécanique des appels d’offres vous garantit un prix sur vingt ans. Mais il s’agit de grandes surfaces. Comment cela se passe-t-il pour une grange, par exemple, une maison qui s’équipe et contracte avec un installateur ? Comment le prix de rachat est-il défini ?

M. Daniel Bour. Les appels d’offres commencent à partir de cent kilowatts, ce qui représente un grand hangar agricole. En dessous, le tarif est fixé par arrêté. Une personne qui souhaite poser un panneau bénéficiera du tarif en cours pour une durée de vingt ans.

M. la présidente Laure de la Raudière. Ce tarif est-il renouvelé par la CRE régulièrement ?

M. Daniel Bour. Il est revu tous les trimestres, et en général à la baisse.

M. la présidente Laure de la Raudière. À combien est-il par rapport au prix des appels d’offres ?

M. Daniel Bour. Il est d’environ 100 euros pour les installations de trente-six à cent kilowatts ; de 120 euros, pour les installations de neuf à trente-six kilowatts ; et de cent cinquante euros pour le résidentiel de moins de neuf kilowatts.

Les prix des appels d’offres sont de quatre-vingt-dix à quatre-vingt-quinze euros le mégawattheure, en toiture à partir de cent kilowatts, et de cinquante-huit euros au sol.

 

M. la présidente Laure de la Raudière. Je vous remercie.

Madame la rapporteure, je vous cède la parole.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Monsieur Bour, je vous remercie pour votre présentation.

Je souhaiterais tout d’abord revenir sur le slide qui évoque le S3RENR. Je n’ai pas bien compris ce que vous payez à ce titre. Vous avez indiqué que la France avait choisi de faire supporter aux producteurs tous les coûts de l’amélioration et d’adaptation au réseau, à savoir le raccordement au réseau, contrairement à d’autres pays européens.

Cela a-t-il un lien avec l’autoconsommation, les free riders qui ne financent pas la péréquation tarifaire de l’accès au réseau – de fait, l’État fait porter ce coût sur les producteurs ?

M. Daniel Bour. Sachez, tout d’abord, que les petites centrales de moins de cent kilowatts ne sont pas soumises aux mêmes taxations. Elles ne paient pas, par exemple, ni le S3RENR ni l’IFER. Elles ne participent donc pas à l’amélioration et à l’adaptation du réseau, mais objectivement, elles ne pèsent pas lourd sur le réseau. En revanche, elles paient leur raccordement.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Dans d’autres pays européens, le coût de raccordement est prix en charge par la collectivité. Les distributeurs ne contribuent-ils pas, par un autre moyen, à ce coût ?

M. Daniel Bour. In fine, l’utilisation du réseau est payée par le consommateur. Mais le prix ce rachat est plus faible.

M. Richard Loyen, délégué général d’Énerplan. Les producteurs de grande centrale paient leur accès au réseau sur vingt ans, alors que leur structure a une durée de vie de quarante ans. Une question se pose alors : l’accès au réseau doit-il être financé par le S3RENR ou par les tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE), qui financent les infrastructures réseaux ?

Je voudrais par ailleurs revenir sur vos propos, madame la rapporteure, lorsque vous dites que les autoconsommateurs sont des free riders du réseau. Je rappellerai que l’autoconsommation représente 0,01 % de la consommation électrique des Français. Je vous laisse donc imaginer son impact économique.

En revanche, d’autres free riders ont beaucoup plus d’impact sur le réseau. Je veux parler de l’installation de 100 000 pompes à chaleur et 100 000 chauffe-eaux thermodynamiques par an, qui font baisser la consommation d’électricité de façon importante et de façon beaucoup plus significative que l’autoconsommation. Avons-nous un jour accusé ces consommateurs de moins contribuer au TURPE et à la péréquation tarifaire ? Je ne le pense pas. Cela voudrait-il dire qu’il y a une bonne façon d’économiser l’énergie et une mauvaise ?

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. J’entends votre remarque, mais les situations ne sont pas comparables, les personnes s’équipant en pompes à chaleur ou en chauffe-eaux thermodynamiques paient quoi qu’il arrive l’utilisation du réseau. Alors que dans l’autoconsommation, il y a le fantasme d’être totalement indépendants du réseau.

M. Richard Loyen. Actuellement, l’autoconsommation représente 20 à 30 % de la consommation totale d’un consommateur, ce qui signifie qu’il reste tributaire du réseau pour 70 à 80 % de sa consommation et paye donc sa part fixe de TURPE dans son abonnement ; seule sa part de flux va un peu baisser.

Par ailleurs, l’autoconsommation pourrait bien avoir des effets positifs qu’il reste à évaluer. Ce matin, nous travaillions avec l’AVERE sur la réduction d’investissements dans le réseau, pour favoriser l’électromobilité. Produire localement évitera de renforcer le réseau au niveau local. Il s’agira d’une économie de TURPE.

Par ailleurs, nous allons contribuer à limiter la pointe d’été au niveau de la climatisation. Le changement climatique fait que nous subissons de plus en plus de canicules, l’énergie solaire pourra ainsi soulager le réseau.

Enfin, le photovoltaïque avec stockage coûte moins cher que la production thermique dans les zones non interconnectées. Nous pouvons donc, d’ores et déjà, en mobilisant activement le photovoltaïque, avec et sans stockage, faire baisser le coût de la continuité territoriale ; aujourd’hui, la CSPE sert à subventionner le CO2 dans les îles.

Voilà des effets qu’il conviendrait de mettre à l’actif de l’autoconsommation.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Vous avez donc le sentiment que le débat, sur l’autoconsommation est tronqué, avec des arguments uniquement à sa charge. De fait, pouvez-vous, nous envoyer des études et des éléments chiffrés, afin que nous puissions creuser la question ?

M. Daniel Bour. Bien entendu. En effet beaucoup de choses sont dites sur l’autoconsommation, alors qu’elle ne représente quasiment rien. En tant que professionnels, nous voyons bien qu’il n’existe aucun soutien particulier en faveur de l’autoconsommation. Et les objectifs de la PPE pour 2028 sont déjà atteints.

Nous constatons néanmoins une volonté des Français à l’autoconsommation, à la fois dans les enquêtes et dans les chiffres.

Ce qui est important à savoir, c’est que nous prenons du retard, notamment à l’égard des industriels qui, un jour ou l’autre, feront de l’autoconsommation, pour des raisons d’économie – aucune autorisation n’est requise. Notre frilosité va donc, à terme, se retourner contre nous.

Cependant, je n’en ai pas parlé dans mon propos liminaire, car il ne s’agit absolument pas de l’enjeu du photovoltaïque, il n’y a aucun soutien à l’autoconsommation et elle ne représente rien ; il est donc inutile de passer des heures à débattre de ce sujet.

M. Richard Loyen. Je finirai avec les éléments que nous pouvons mettre à l’actif de l’autoconsommation. Le dernier point est la dimension sociale de la lutte contre l’intensité de la précarité énergétique qui va aller croissant avec les augmentations à venir du coût de l’électricité. Aujourd’hui, un kilowatt permet d’économiser 150 euros sur la facture d’électricité d’une personne précaire. À savoir un chèque énergie par an. Le service public de l’électricité est rendu en nature localement et directement. Demain, l’économie sera de deux cents euros, ce qui veut dire qu’un kilowatt va générer six mille euros d’économie sur la durée de vie de l’installation ; une somme importante pour des personnes précaires. Il s’agit d’une autre façon de rendre un service public de l’électricité, une solidarité territoriale à l’échelle locale.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Je souhaiterais vous interroger sur la compatibilité entre le solaire et l’éolien, s’agissant de la réduction de l’intermittence.

Une partie de la réponse à l’intermittence est de s’appuyer sur le foisonnement et la complémentarité entre l’éolien et le solaire. En effet, et je parle sous votre contrôle, quand il y a du vent, il y a moins de soleil, et inversement. Le foisonnement pallierait les fluctuations aléatoires de la production d’EnR. Le confirmez-vous et pouvez-vous l’accompagner d’une manière ou d’une autre ?

M. Daniel Bour. Oui, il s’agit d’un constat. Il y a plus de vent en hiver, et parfois la nuit, et plus de soleil en été. De fait, ces énergies se complètent assez bien. Mais il appartient au RTE, le gestionnaire du réseau, de gérer les énergies – le solaire étant plus prédictible que l’éolien.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Certaines personnes que nous avons auditionnées, nous ont conseillé, s’agissant des EnR, de penser « big is beautiful » et non « small is beautiful ». Qu’en pensez-vous ?

M. Daniel Bour. Comme pour tout, il y a des tailles appropriées, qui sont une résultante de plusieurs facteurs. Bien évidemment, plus les centrales seront importantes, plus les prix seront bas. Cependant, à un certain moment, le phénomène d’échelle devient très limité : il y a peu de différences entre une centrale de vingt mégawatts et de cinquante mégawatts.

En revanche, une centrale de cinquante mégawatts pose davantage de problèmes. D’abord, de raccordement : il faudra trouver une ligne qui supporte cette puissance. Ensuite, d’acceptabilité : pour cinquante mégawatts, nous avons besoin de cinquante ou soixante hectares. Même si la population est très favorable au solaire, si le projet est mal géré, elle risque de ne plus l’être.

Je ne suis donc pas certain que la notion de « big is beautiful » s’applique dans le solaire, même si une taille est plus appropriée qu’une autre, notamment au sol. En toiture, aucune taille n’est vraiment significative.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. L’historique de la filière solaire nous permet de tirer des enseignements. Elle a, tout d’abord, été très fortement accompagnée par les politiques publiques, avant d’être lâchée. La « bulle solaire » s’est alors arrêtée net et les emplois ont été divisés par deux ; ce qui a tué les capacités d’innovation de la filière. La recherche et développement (R&D) – ainsi que les investissements – ont largement ralenti, ce qui a permis à d’autres pays de devancer la France, alors qu’elle était dans une logique de pointe.

Aujourd’hui, l’engouement pour le solaire est de retour et l’État ne pourra pas y mettre un frein, le prix des panneaux ayant baissé de manière très importante. Cependant, nous constatons également le retour d’« éco-délinquants » qui ont fait, à l’époque, du tort à la filière. Je me souviens des mises en garde contre les installateurs non compétents et les installations défectueuses.

Comment, selon vous, lutter contre ces fraudes ? L’objectif est d’accompagner une filière saine et non pas de pouvoir acheter son panneau voltaïque à la boulangerie du coin.

M. Daniel Bour. Lorsque l’engouement pour le solaire s’est accéléré, nous avons tardé à réagir. La profession, et notamment notre syndicat, avait alerté les pouvoirs publics pour le mettre en garde contre cette « bulle solaire », leur conseillant de baisser les prix ; or ils ont augmenté. Nous n’avons pas été bons, soyons clairs. Et cela a coûté très cher à la filière solaire : dépôts de bilan, perte d’emplois… Mais aussi au contribuable, à travers du soutien de l’État, qui peut être considéré comme abusif.

Un échec qui nous a été attribué, et nous en prenons notre part. Cependant, d’autres acteurs devraient également prendre leurs responsabilités, dans le monde de gestion – les spéculateurs étaient accompagnés par des personnes insouciantes et incapables de réagir en temps et en heure.

Le deuxième point, c’est le moratoire. Que nous avons compris. En revanche, la suspension de cette activité a duré trop longtemps et a contraint à mettre toute une profession en mode survie. Ce qui a été une catastrophe. De nombreux talents sont partis, des jeunes passionnés, formés en France, se sont retrouvés sans emploi et ont dû se retirer ; un énorme gâchis.

Le moratoire n’a pas été bien géré. Je rappellerai que le solaire était, à cette époque, considéré comme un « gadget écolo » et non comme une énergie sérieuse. Il nous a fallu des années, notamment à travers la baisse de nos coûts – car il n’y a pas que les panneaux qui ont baissé – pour redevenir compétitifs et reconnus, par l’ensemble des gros énergéticiens, comme une énergie du futur.

Ce secteur étant subventionné par l’État, il est fondamental que l’administration, les élus et les professionnels se réunissent et collaborent – ce qui a été fait pour la PPE – pour définir ce qui est faisable et ce qui a un coût trop élevé. Or ces dernières années, nous avons noté une évolution considérable de l’attitude de la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC), à notre égard. Nous travaillons en partenariat et cela se passe bien, même si nous ne sommes pas toujours d’accord sur les solutions adoptées.

M. Richard Loyen. S’agissant des éco-délinquants, Énerplan était très favorable, et a été entendu par le ministère sur cette question, à ce que le nouvel arrêté tarifaire de mai 2017 inscrive l’exigence Reconnu garant de l’environnement (RGE) dans le domaine du photovoltaïque. Désormais, l’installateur doit être qualifié RGE pour que le client puisse bénéficier des aides publiques. Jusqu’alors, n’importe qui pouvait faire n’importe quoi, et le client recevait de l’aide publique, ou pas, selon le fonctionnement de son installation.

Aujourd’hui, les éco-délinquants se sont reconvertis sur le marché de l’autoconsommation sans aide – ils font du porte-à-porte, vendent dans les foires, etc. Pour les arrêter, il conviendrait que les organismes de crédit, qui font l’objet d’une jurisprudence de la Cour de cassation de plus en plus sévère à leur encontre, exigent que l’entreprise soit qualifiée RGE pour accorder un prêt à une installation photovoltaïque.

Par ailleurs, un installateur novice, qualifié RGE, est contrôlé lors de sa première ou deuxième installation, avant la mise en service – nous avons un partenariat avec Consuel. Nous disposons aujourd’hui de l’un des dispositifs le plus sérieux pour contrôler le photovoltaïque : Enedis identifie l’entreprise qui déclare son installation, une attestation de conformité est délivrée par Consuel et nous allons contrôler l’installateur.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Conditionner l’obtention d’un crédit à la qualification RGE de l’installateur n’est pas encore mis en place ?

M. Richard Loyen. Non, pas encore. Mais il n’y a rien de compliqué, les organismes de crédit peuvent le faire de façon volontaire. Nous avons déjà réussi à leur faire accepter d’exiger l’attestation Consuel.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Concernant l’innovation dans le solaire, de grandes marges de progrès restent. Pensez-vous que nous investissons suffisamment dans la R&D ?

M. Daniel Bour. Nous en sommes au balbutiement, même au niveau de la production d’un panneau solaire. Les marges de progrès sont énormes, mais n’auront pas forcément lieu avec la technique actuelle. D’ailleurs, la future baisse du prix du solaire sera liée à de nouvelles technologies. Le prochain saut technologique entraînera à la fois une baisse du prix des panneaux, mais de tout le reste. Les panneaux seront plus puissants, nous aurons donc besoin de moins de supports, de moins de balance of system, etc., ce qui baissera le coût de façon importante.

M. la présidente Laure de la Raudière. Je vous remercie, messieurs. Je vais maintenant donner la parole aux membres de la commission.

M. Vincent Thiébaut. Je vous remercie, messieurs, pour toutes vos explications riches et détaillées.

Je souhaiterais vous interroger sur la question territoriale, l’enjeu des EnR étant de produire de l’énergie façon « dentelle », d’apporter des réponses territoriales et non de remettre en cause le nucléaire.

La France a une approche très nationale dans les politiques énergétiques. Comment pourrions-nous permettre aux territoires de se saisir de ce sujet, au niveau du cadre normatif, et éventuellement législatif ?

M. Daniel Bour. D’abord, et nous sommes en train d’essayer de faire bouger les choses au niveau des redevances, les communes devraient pouvoir bénéficier de l’IFER de façon plus importante.

Ensuite, les territoires auraient tout à gagner à mieux accepter les EnR. D’autant que nous avons besoin d’être relayés au niveau local, pour obtenir des hectares, et donc des permis.

Par ailleurs, des terrains communaux sont souvent peu ou pas utilisés. Or une centrale solaire est un plus pour une collectivité locale.

Enfin, les EnR vont entraîner la création d’emplois locaux. Une centrale au sol de vingt, vingt-cinq mégawatts installée dans un territoire, fera travailler le berger – ses moutons viendront entretenir la centrale – mais également les entreprises locales de maintenance, de surveillance... De l’argent sera ainsi réinjecté dans un endroit isolé.

La question de la régionalisation est une question philosophique et politique : l’énergie doit-elle être la même pour toute la France ou est-il possible d’investir de façon différente selon les régions – régionaliser l’énergie ? Nous n’avons pas à intervenir dans ce choix. Nous devons nous adapter aux décisions politiques.

Si la politique énergétique se décide au niveau national, presque tout le reste est local – je pense aux permis – et se réalise avec le soutien des élus locaux. De fait, le solaire est une énergie locale.

M. Nicolas Turquois. Je voudrais tout d’abord vous présenter mes excuses, ma présence ayant été, comme l’énergie solaire, intermittente. J’ai donc peut-être loupé quelques éléments d’information.

Vous souhaitez installer des panneaux photovoltaïques sur des terres agricoles ?

M. Daniel Bour. Non, non pas du tout.

M. Nicolas Turquois. Je suis agriculteur, j’ai élaboré un projet photovoltaïque – pour un coût de 500 000 euros –, reçu les autorisations en 2010 et installé la centrale de cent kilowatts, en 2011. En 2013, les panneaux, français, ont commencé à défaillir et mon installation n’a fonctionné que deux ans et demi. Faire face à la partie juridique a été très difficile pour moi ; le dossier vient d’être soldé.

Selon des d’avocats, beaucoup d’affaires explosent et des agriculteurs, porteurs de projet, se retrouvent dans de réelles difficultés.

Quel votre avis ? Car on nous vend des installations d’une durée de vie de vingt ans, qui ne tiennent que quelques années. Les panneaux de ma centrale étaient de fabrication française, pour d’autres, il s’agissait de fournisseurs chinois, qui n’existent plus.

Il s’agit d’une vraie source d’inquiétude, sur le terrain. Les agriculteurs hésitent vraiment à investir dans le solaire, même si les coûts d’investissement sont bien moins élevés qu’en 2010.

M. la présidente Laure de la Raudière. La durée de vie d’une centrale est même censée être de quarante ans.

M. Daniel Bour. Nous avons déjà entendu cette histoire, et nous la craignons toujours. Elle s’inscrit dans l’historique de la filière, ce que j’appelle le « péché originel ».

Au démarrage, l’engouement pour le solaire était important, et de nombreux fabricants ont produit des panneaux de mauvaise qualité. En outre, des règlements français, assez bizarres, relatifs aux toitures, ont été élaborés ; par exemple, les panneaux photovoltaïques devaient assurer l’étanchéité – une source de problèmes qui n’est toujours pas réglée.

J’espérais que l’historique de la filière était aujourd’hui soldé, que les panneaux produits fonctionnaient désormais pour une durée de quarante ans et que la question de l’étanchéité avait été réglée par les assurances – quand les installateurs de l’époque étaient sérieux et donc assurés.

Je sais qu’il reste quelques installateurs qui ne sont pas sérieux, mais nous n’attendons quasiment plus ce type d’histoire pour les nouvelles installations. Toute personne souhaitant une installation photovoltaïque doit s’assurer de la qualification de son installateur.

M. Nicolas Turquois. Il avait toutes les qualités requises, un fabricant de renommée nationale. Il existe toujours, il a été repris par EdF.

M. Richard Loyen. Mais son passif n’a pas été repris.

M. la présidente Laure de la Raudière. La question se pose d’ajouter une garantie supplémentaire dans la loi.

M. Nicolas Turquois. Votre projet prévoit toute une variété d’installations, qui peut paraître importante pour le porteur individuel, mais qui reste limitée. Si un gros faiseur a la capacité d’avoir une protection juridique ad hoc, il n’en va pas de même pour un grand nombre d’agriculteurs. Il est très difficile d’entrer dans ce genre de procédure, et cela peut être un frein – faire une évaluation, faire appel à un distributeur d’énergie local.

M. Daniel Bour. Je reconnais que la procédure est complexe. Je vous répondrai « bienvenu en France » ! Mais, très objectivement, il n’est pas très compliqué de trouver un vrai professionnel qui vous accompagne tout au long de l’élaboration du projet.

M. Nicolas Turquois. Le premier cabinet juridique auquel je me suis adressé à refuser mon dossier, au motif que l’un de ses associés travaillait avec l’installateur – qui exerce au niveau national. J’ai essuyé un certain nombre de refus avant de trouver un cabinet qui n’était pas lié à cet installateur – qui dispose de plusieurs filiales. Il s’agit d’une vraie difficulté.

Il s’agissait de ma première affaire juridique, et j’ai mis du temps à trouver une solution à mon problème. D’autres personnes, qui n’ont peut-être pas les ressources qui étaient les miennes, connaissent de réelles difficultés.

M. la présidente Laure de la Raudière. Dans certaines filières, mais peut-être pas la vôtre, on assèche les compétences professionnelles par les professionnels de la filière ; c’est ce que veut dire M. Turquois.

M. Emmanuel Maquet. Je souhaiterais pour ma part évoquer l’idée reçue selon laquelle, un panneau solaire est très performant les premières années, puis beaucoup moins. Vous avez indiqué une durée de vie de quarante ans. Quel est son rendement après quarante ans de fonctionnement, reste-t-il à 100 % de ses capacités ?

Ma seconde question concerne les éoliennes. Nous rencontrons, aujourd’hui, de nombreuses difficultés – et j’en suis très heureux – pour installer des éoliennes terrestres, quand celles-ci sont trop proches, par exemple, de bâtiments historiques, classés – et parfois avec l’avis des architectes des bâtiments de France (ABF).

Je ne sous-entends pas qu’il conviendrait d’installer des panneaux solaires sur certaines toitures. J’ai été à la tête d’une collectivité qui comptait six cents maisons classées, et parfois les arrières, les îlots n’étaient pas visibles. Avez-vous un retour des ABF sur cette question ?

Dans le cadre de la mise en place d’un plan de sauvegarde et de mise en valeur, j’avais essayé de travailler et de sensibiliser l’ABF, mais il n’a pas été sensible.

M. Daniel Bour. Concernant la performance des panneaux solaires, tous les grands fournisseurs garantissent un taux de 80 % de production, durant vingt-cinq ans – certains trente ans – par rapport à ce qui était prévu historiquement. C’est une garantie, ce qui veut dire qu’après vingt-cinq ans, ils produiront certainement beaucoup plus.

La baisse prise en considération par les financiers, qui ne sont pas les plus aventureux, est de 0,5 % par an. D’ailleurs, tous les business plans prévoient cette baisse de production dans le chiffre d’affaires.

Les ABF sont un sujet intéressant. L’égalité territoriale n’existe pas, car il y a de très bons ABF, très imaginatifs avec les panneaux solaires, et d’autres qui y sont, par principe, totalement opposés. Et comme nous passons sous leurs fourches caudines, parfois nous avançons, parfois pas du tout.

M. Vincent Thiébaut. Je souhaiterais revenir sur le début de vos propos et notamment sur le coût du mégawattheure. Vous nous avez dit que le soutien de l’État vous donne la visibilité nécessaire pour développer l’énergie solaire.

Le prix proposé pour les derniers d’appels offres est de quelque cinquante-huit euros le mégawattheure. On parle beaucoup en ce moment de l’acceptation du coût du décarboné, du coût de l’impact sur le budget public.

Des études montrent que, s’agissant du nucléaire, dont nous ne pourrons pas nous passer totalement, le coût est de soixante euros le mégawattheure – il est de soixante-dix euros à Flamanville.

Pouvons-nous affirmer que les investissements que nous faisons actuellement sur les EnR sont un pari sur l’avenir de pouvoir disposé d’un coût de l’énergie acceptable par l’ensemble de la population ?

M. Daniel Bour. La réponse est mathématique : de fait, le solaire produit aujourd’hui aboutit à une acceptabilité de la population, puisqu’il n’est pas plus cher que les énergies existantes. Nous jouons notre rôle : nous sommes compétitifs et nous avons des avantages s’agissant de l’énergie décarbonée propre.

Reste la question de l’intermittence à régler. Mais en produisant 10 % d’énergie solaire, nous considérons faire bénéficier la collectivité d’une énergie très compétitive et qui se mixe très bien avec l’existant.

Si le coût du solaire, associé à celui du stockage, est plus performant que n’importe quelle autre énergie, des questions se poseront inévitablement. Or des rapports de l’ADEME prévoient que l’énergie solaire, coût du stockage compris, sera d’ici à 2050 la plus performante.

La courbe du solaire le montre bien. Cela ne veut pas dire que nous ne connaîtrons pas des fluctuations, mais elle n’a aucune raison de s’arrêter. Le prix va baisser de façon régulière, nous allons donc participer à l’allègement des factures des Français.

Le calcul est complexe à réaliser, car actuellement le solaire se rajoute par rapport à d’autres énergies. Il conviendra de déterminer ce qui pourrait être exporté, calculer la proportion de charbon ou de thermique que nous remplaçons, etc.

La question deviendra plus complexe quand nous commencerons à toucher d’autres éléments, notamment le nucléaire.

Mme Danièle Hérin. Connaissez-vous des expériences de participation de collectivités, d’agriculteurs ou de caves coopératives, à la gouvernance d’une installation solaire – comme c’est le cas pour des projets d’éolienne ? Si oui, quels retours en avez-vous ?

M. Daniel Bour. Oui, cela existe aussi dans le solaire, c’est que ce nous appelons le participatif. Ouvrir le capital pour faire du participatif nous fait gagner des points supplémentaires dans un appel d’offres.

Dans le solaire, ce sont en général des sociétés d’économie mixte (SEM) qui prennent une participation, ou des citoyens du département ou des départements limitrophes qui investissent dans une installation. Cela se fait beaucoup. Il me semble que la majorité des derniers appels d’offres ont prévu du participatif.

C’est pour nous important, car ce maillage local renforce l’acceptabilité et nous ouvre un certain nombre de portes, les maires étant assez friands de ce procédé – même s’ils le sont un peu moins quand il faut payer. Mais quand nous allons présenter une centrale et que nous expliquons l’intérêt du participatif, nous sommes toujours très bien accueillis.

M. la présidente Laure de la Raudière. Messieurs, je vous remercie.

La séance est levée dix-huit heures trente-cinq.

 

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Membres présents ou excusés

 

Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

 

Réunion du mardi 14 mai 2019 à 17 heures

 

Présents. - M. Vincent Descoeur, M. Fabien Gouttefarde, Mme Danièle Hérin, Mme Laure de La Raudière, M. Emmanuel Maquet, Mme Marjolaine Meynier-Millefert, M. Hervé Pellois, M. Vincent Thiébaut, M. Nicolas Turquois

 

Excusés. - M. Julien Aubert, M. Christophe Bouillon, M. François-Michel Lambert, M. Jean-Charles Larsonneur