Compte rendu

Commission d’enquête
sur la situation et les pratiques
de la grande distribution
et de leurs groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs

– Audition de M. Bernard Oudard, administrateur de la Coordination rurale 2

 


Mardi 30 avril 2019

Séance de 18 heures 30

Compte rendu n° 3

session ordinaire de 2018-2019

Présidence de
M. Thierry Benoit,
Président

 


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La séance est ouverte à dix-huit heures trente-cinq.

M. le président Thierry Benoit. Mesdames, messieurs les députés, je vous propose de démarrer notre audition concernant la commission d’enquête relative aux relations commerciales, et notamment au rôle que tiennent la grande distribution et les centrales d’achat dans les relations commerciales. Nous avons le plaisir d’accueillir M. Bernard Oudard, administrateur de la Coordination rurale (CR).

Conformément aux dispositions de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, je vais vous demander, monsieur Oudard, de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Veuillez lever la main droite et dire « Je le jure ».

(La personne auditionnée prête serment.)

Je vous propose de nous présenter un propos liminaire de cinq minutes, puis nous céderons la parole aux membres de la commission. M. le rapporteur pourra compléter les sollicitations, interventions et questions des membres de la commission.

M. Bernard Oudard, administrateur de la Coordination rurale. Producteur en Île-de-France, je suis vice-président des arboriculteurs de cette région. Je suis également trésorier de la nouvelle section de l’Interprofession des fruits et légumes frais (INTERFEL) de l’Île-de-France, ainsi qu’administrateur de la Coordination rurale. Je produis des poires, des pommes et des cerises dans notre belle région.

J’ai eu affaire à la grande distribution tout au long de ma carrière. Les choses ont évolué, plutôt favorablement. Auparavant, nous étions parfois pressés pour signer des contrats, une pression à laquelle je n’ai jamais cédé et à laquelle je conseillais à mes collègues de résister.

Nous avons un statut un peu particulier en Île-de-France, puisque, aujourd’hui, les consommateurs désirent acheter des produits de proximité ; cette embellie nous est tout à fait favorable.

Nous ne disposons d’aucune coopérative. Nous ne servons que des magasins indépendants et, depuis quelque temps, des centrales d’achat. Cela se passe globalement bien.

S’agissant de la négociation, le producteur, qui paie ses factures et connaît tous les coûts qui lui incombent, a une bonne perception du prix de son travail. C’est la raison pour laquelle nous défendons nous-mêmes nos prix.

Nous sommes relativement vindicatifs et fiers de nos produits, ce qui facilite les choses quand on a des relations commerciales avec la grande distribution.

La grande distribution cherche à animer ses rayons et, surtout, à déstabiliser ses clients, pour éviter qu’il ne se crée un prix de marché. Tel jour, elle vend un produit très cher, avec une marge énorme, et, tel autre jour, elle vend un produit quasiment à perte. Et, parfois, elle nous demande de nous accorder avec ce prix qu’elle a imaginé…

L’élément le plus dommageable, dans nos relations avec la grande distribution, ce sont les effets des promotions nationales, décidées en amont et donc, forcément, en décalage avec notre métier, qui dépend notamment de la météorologie. Vous ne pouvez pas décider six mois avant, ni même trois semaines, si, à la date prévue, les producteurs seront dans un pic de production et auront besoin d’écouler celle-ci, ou non. Dans un tel cas de figure, il existe une disjonction avec les cours du marché.

L’offre faite aux supermarchés provient aussi bien d’agriculteurs dont la structure fait la taille de mon verger, que de grosses structures qui ont des centaines de milliers de tonnes de fruits à vendre. Ces dernières disposent de services commerciaux importants qui, quel que soit le résultat de la vente, touchent un salaire à peu près fixe.

Les personnes qui gèrent ces grosses structures sont plus fragiles que le petit agriculteur lors des négociations, en particulier quand peu de grandes surfaces sont présentes. En effet, si les magasins font l’impasse sur la production d’un producteur qui est à la tête de cinq coopératives de fraises qui produisent ensemble 100 tonnes par jour, celui-ci se retrouve le lendemain à devoir écouler, non pas 100 mais 200 tonnes. De fait, il devient beaucoup plus souple sur les prix… Les magasins font le tour des producteurs, et celui qui n’obtempère pas aux prix annoncés se retrouve immédiatement en difficulté.

Il n’y aurait pas de crise agricole si nous vendions, par exemple des boulons. Les boulons peuvent être stockés et ils sont vendus à un prix et pas à un autre, alors que la salade qui reste deux jours en chambre froide n’a pas la même tête, et on en produit chaque jour. Cela joue en faveur de la grande distribution.

La stabilisation du prix vis-à-vis du consommateur final me semble être un objectif intéressant. Tout le monde connaît le prix de la baguette, personne ne connaît celui de la pomme. Or, aujourd’hui, il oscille entre 1 euro et 2,90 euros le kilo, et ce tous les jours de l’année.

En ce qui me concerne, ce n’est pas un problème, car je discute personnellement le cours auquel le supermarché va vendre mes produits. Je ne suis pas certain que les gros producteurs aient cette latitude.

Les « super-coopératives » ne sont plus véritablement des coopératives ; elles n’en ont que le régime fiscal. En effet, elles disposent de réserves financières supérieures à leur chiffre d’affaires pendant que des producteurs meurent de faim. Il s’agit, pour moi, d’un dysfonctionnement.

M. le président Thierry Benoit. Je vous remercie. Je donne la parole à ceux de mes collègues qui souhaitent vous poser des questions.

Mme Ericka Bareigts. Je vous remercie pour votre exposé. La pratique des petites structures m’intéresse beaucoup. Je voudrais vraiment comprendre comment vous arrivez à être en position de négocier votre prix avec la grande distribution. Cette négociation est-elle fondée sur la valeur ajoutée, la montée en gamme ? Peut-être n’avez-vous pas de lien attitré avec certains magasins ? Disposez-vous d’une stratégie particulière ?

Je suis très intéressée car dans les outre-mer nous n’avons que de petites structures, et le poids de l’importation est vraiment très important.

M. Guillaume Garot. Je vous remercie d’avoir répondu à notre invitation à venir nous présenter les propositions de votre organisation syndicale.

Pourriez-vous nous préciser la durée des contrats que vous signez avec la grande distribution ?

M. Bernard Oudard. Je n’en signe jamais !

M. Guillaume Garot. Soit, mais les producteurs de votre région ? S’ils signent des contrats, quelle en est la durée ?

La Coordination rurale a-t-elle formulé des propositions pour stabiliser les relations commerciales, en particulier avec la grande distribution ? Aviez-vous présenté des propositions dans le cadre des États généraux de l’alimentation ? Et, avec le recul, considérez-vous qu’elles sont toujours valables, ou bien, à la lumière de la loi que nous avons discutée puis votée l’an dernier, avez-vous des modifications dont vous voudriez nous faire part ?

Mme Sophie Auconie. Quelles ont été vos contributions aux débats lors de ces États généraux ? Et quelles étaient vos attentes ? Aujourd’hui, que devons-nous faire pour que les relations que vous entretenez avec la grande distribution correspondent à ces attentes ?

M. Grégory Besson-Moreau, rapporteur. Monsieur Oudard, je vous remercie de vous être déplacé pour répondre aux questions de la représentation nationale.

Parmi vos adhérents, quelle proportion vend directement à la grande distribution, et quelle proportion à l’industrie agroalimentaire ?

Vous avez également évoqué les centrales d’achat. Passer de quatre à huit ou à douze centrales d’achat simplifierait-il la donne ?

M. le président Thierry Benoit. L’objet de cette commission d’enquête, je le rappelle, est de faire avancer notre réflexion sur la question des discussions et des relations commerciales, notamment sur le nécessaire rééquilibrage entre producteurs, industriels et distributeurs – dont les centrales d’achat. N’hésitez pas à répondre très librement !

M. Bernard Oudard. Je vous parlerai uniquement de ce que j’ai vécu. Et je commence à avoir du vécu, car j’ai repris l’affaire de mon père. Or j’ai toujours commercialisé mes fruits, dont une partie à la grande distribution. Globalement, à quelques exceptions près, je suis satisfait de mes relations avec la grande distribution, tout comme mes collègues parisiens.

Cela dit, que la grande distribution connaisse des problèmes avec certaines structures, je n’en doute pas. Ces gens ont des objectifs. Mais cela fait trente ans que l’on cherche à regrouper l’offre des producteurs. Or, regrouper leurs offres, c’est les mettre tous dans le même moule et ne pas tenir compte du marché local ; c’est de la standardisation et cela fait marcher l’affaire à l’envers. Nous ne sommes pas capables de livrer à la grande distribution des produits qui les intéressent.

Il y a une dizaine d’années, j’ai inventé des « palox », des boîtes de trois cents kilos de fruits – de pommes notamment. Après une analyse de la vente des fruits dans les magasins, je leur ai proposé une solution qui n’était pas gagnée d’avance, mais qui évitait les manipulations, car je sens n’importe quel de mes fruits qui a passé trois heures en magasin ! Les clients ne sont pas satisfaits par les manipulations et les conditions, qui ne sont pas ad hoc, de commercialisation des fruits.

Il y a trente ans, parce que je connaissais bien les patrons des magasins, j’ai obtenu qu’ils mettent un thermomètre-hygromètre dans un rayon de fruits et légumes. Le résultat a été catastrophique. L’hygrométrie et la température étaient proches de celles d’un four : 35 degrés et 25 % d’hygrométrie, quand mes chambres froides sont à 98 % et zéro degré. Bien entendu, un juste milieu doit être trouvé dans les magasins, mais certains le trouvent. Ce sont des adaptations de ce type que la grande distribution doit effectuer, ainsi qu’un effort sur le service et les conditions, car le service final doit convenir au client. Ensuite, nous pourrons parler prix. Si le commerçant vend l’ensemble des produits frais qu’il a achetés, il a nécessairement moins de freins et peut travailler avec des marges moindres.

En ce qui me concerne, je travaille essentiellement dans mon entourage, avec des personnes indépendantes. La Coordination rurale n’est pas majoritaire sur l’ensemble de la production nationale. Je vais un peu taper dans la fourmilière, et je m’en excuse, mais il est un peu facile de produire des fruits, de les déposer dans une coopérative, comme un céréalier dépose son blé et attend les cours mondiaux. Nous avons le choix, en produisant nos fruits, de les vendre nous-mêmes.

J’ai entendu les politiques proposer de faire de la vente à terme ; la vente à terme, c’est un truc de pauvre. C’est toujours le plus pauvre qui est roulé, parce qu’il a besoin de d’argent avant de produire quoi que ce soit. Les ventes conditionnées dans ce sens-là ne sont donc pas une avancée. C’est la relation humaine qui fait le commerce, ce n’est pas autre chose.

Dans les grosses structures, ce qui paye, c’est le poids. Mais 500 tonnes de tomates sur un hectare de serres, comme les produisent les Hollandais, n’ont rien à voir avec des tomates. Ce sont des boulons qui ont une couleur rouge, et le public s’en détourne. Les Espagnols, eux, sont en grande difficulté, leur technique de ramassage d’oranges étant totalement inadéquate du point de vue gustatif. Ils récoltent des hectares d’oranges, qu’ils entreposent dans des chambres froides ; elles ne mûrissent pas sur les arbres.

Les Portugais, qui ont compris la chose, ne disposent pas de chambres de stockage, ou très peu, et cueillent au jour le jour ; la rotation est rapide. De fait, ils prennent des parts de marché aux Espagnols, les fournisseurs historiques d’oranges.

De même, en Île-de-France, ce ne sont pas les gens qui ont les meilleures terres qui produisent les meilleurs fruits – je ne vous parle que de fruits, je suis désolé, c’est ce que je connais.

Mme Cendra Motin. Nous aimerions connaître votre sentiment sur les premiers effets de la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible, dite « EGAlim », notamment dans vos négociations en direct ?

Vous avez évoqué la question des promotions abusives qui ont des impacts dans vos négociations. Avez-vous senti, depuis la loi, un début d’infléchissement de la part des magasins avec lesquels vous travaillez ? La limitation du seuil de revente à perte a-t-elle produit un effet dans vos négociations ?

J’ai bien compris que vous êtes dans un circuit court et que vous vendez vos productions à des magasins clairement identifiés. De quel type de magasins s’agit-il ? Êtes-vous nombreux, s’agissant des fruits et légumes, à travailler en direct, ou faites-vous partie d’une minorité de producteurs ? De nombreux producteurs nous ont dit servir de « têtes d’affiche » à certains magasins qui mettent en avant le fait de travailler avec un producteur local, alors que la réalité est bien différente, leurs produits ne représentant qu’une minorité des produits en rayon.

M. André Villiers. Monsieur Oudard, on ne parle bien que de ce que l’on connaît, et vous avez concentré l’essentiel de votre intervention sur votre expérience personnelle, ce qui n’est pas un défaut.

Je souhaiterais néanmoins entendre l’avis du représentant syndical que vous êtes, celui de la Coordination rurale, sur sa perception d’un texte censé améliorer les relations entre les trois piliers de la filière que sont les producteurs, les transformateurs et les distributeurs.

Votre expérience personnelle est très enrichissante, et j’imagine que vous bénéficiez, en Île-de-France, d’un marché particulier, d’un bassin de population important, de circuits de distribution – vous n’avez pas parlé de Rungis, mais peut-être vendez-vous à Rungis ? Mais je n’ai pas le sentiment que le producteur de fruits de la vallée-du-Rhône, par exemple, qui serait adhérent à la Coordination rurale, et qui ne bénéficie pas du même environnement géographique et démographique que le vôtre, ait la même perception que vous d’un texte dont il attend sans doute plus que vous n’en attendez. Quel est le regard du représentant syndical ?

M. Grégory Besson-Moreau, rapporteur. Monsieur Oudard, vous êtes ici pour représenter la Coordination rurale, et j’ai cru comprendre que vous étiez aussi trésorier d’INTERFEL. Quand je vous écoute, j’ai l’impression que tout va bien. Or, quand je suis passé au Salon de l’agriculture, j’ai plutôt eu l’impression que pas grand-chose n’allait… Si tout va bien, c’est peut-être parce que la loi EGAlim a extrêmement bien fonctionné, et dans ce cas, je m’en félicite, mais nous aimerions que vous répondiez au nom des adhérents de la Coordination rurale.

Cela fait des années que les parlementaires souhaitaient créer cette commission d’enquête et que les gouvernements ne prenaient pas le risque – elle va en effet nécessairement créer de l’attente. Il est donc important que vous nous rapportiez ce que vos adhérents ont sur le cœur.

M. le président Thierry Benoit. En tant que producteur expérimenté, pensez-vous que la politique commerciale mise en œuvre dans notre pays par les acteurs de la grande distribution, depuis un certain nombre d’années, et qui est fondée pour beaucoup sur les prix bas, a contribué à une déflation, à une dévalorisation des produits que vous commercialisez et qui sont, vous l’avez dit, des produits de qualité ?

M. Bernard Oudard. Le poids sur les prix a contraint les politiques à venir au secours de nos exploitations. Nous avons été soutenus par les régions, notamment pour les investissements, l’acquisition du matériel nécessaire. Toute cette politique nous a permis de réduire nos coûts.

En 1976, quand j’ai repris l’affaire de mon père, la Seine-et-Marne comptait 5 000 hectares de vergers ; il en restait 200 vingt-cinq ans plus tard, et, il n’y en a plus que 165 aujourd’hui. Ce sont les banquiers qui nous font disparaître. Sachez qu’un agriculteur ne disparaît que très difficilement, car il y a un capital. Pour réinstaller des gens, il faudrait également réinstaller des agriculteurs, des arboriculteurs, ce qui exigerait des capitaux gigantesques, sans oublier le fait qu’il n’existe plus, par exemple, de brevet de technicien supérieur (BTS) arboricole. La production française de poires correspond à un tiers de la consommation. Le reste est importé. Ce sont les conditions économiques qui ont fait disparaître mes collègues.

Les relations avec la grande distribution sont un épiphénomène. Je me souviens d’un épisode qui nous a été favorable, c’est celui des prix margés, institués par Raymond Barre : les magasins étaient obligés d’acheter les produits chers. Je suis désolé, mais je vous parle de ce que je connais.

S’agissant de la grande distribution, la tension n’est pas la même selon les marques. À Auchan, tout le monde vous dit bonjour. Chez M. Carrefour, le gars est tellement stressé de ne pas faire son chiffre le soir que c’est un mort-vivant ! Chez Intermarché, cela dépend du patron local. M. Leclerc, lui, est très gentil lors des discussions, mais elles finissent toujours mal.

Aujourd’hui, je travaille avec les gentils. J’ai travaillé aussi avec les autres, bien entendu, notamment avec Carrefour, pendant dix ans, de 1990 à 2000. Mais que ce soit pour mes collègues ou pour moi, nous ne vendons à la grande distribution que de façon accessoire, contrairement à des coopératives qui, elles, vendent uniquement à la grande distribution.

Mon canal principal est Rungis. Même pour ceux qui habitent loin de Rungis, cette plateforme est spectaculaire ! J’espère que vous avez tous été sur place. J’ai fait l’ouverture de Rungis en 1969, je m’y rends encore quatre fois par semaine et je suis toujours aussi émerveillé. Tout le monde râle, dit que ça ne marche pas, mais en fin d’année tout a augmenté, les volumes, les prix… Le pire côtoie le meilleur et tout le monde y trouve son compte.

Mme Manuéla Kéclard-Mondésir. Vos derniers propos répondent à ma question car, à vous écouter, nous avions l’impression que tout allait bien pour vous. Je me demandais donc quels étaient vos clients et de quelle façon vous distribuez vos produits.

Vos adhérents pratiquent-ils votre façon de faire ? Sinon, quel type de négociation, quel type de contrat ont-ils avec leurs acheteurs ?

M. André Villiers. Ma question est très précise et s’adresse au producteur de fruits et légumes. Je ramène toujours mes pommes de province, mais, un jour, j’en manquais. Je me suis rendu rue de Bourgogne, dans une petite boutique, et j’ai demandé un kilo de pommes Juliet bio. Mal m’en a pris, le commerçant me les a vendues 6 euros le kilo ; provenaient-elles de chez vous ?

M. Bernard Oudard. Je ne suis surtout pas un agriculteur bio, mais, si vous avez une soirée, nous pourrons en discuter longtemps. Aujourd’hui, des arboriculteurs arrêtent l’agriculture bio, en particulier les fruits et légumes, au motif qu’ils ne disposent d’aucun produit pour se prémunir des maladies cryptogamiques, à savoir le cuivre – car le cuivre tue nos sols, mais personne n’en parle. C’est une ineptie de parler d’agriculture bio. Quand je dis que je tends vers le bio, il s’agit de mon bio à moi.

Le bio est une pensée doctrinaire ; or nous ne pouvons pas travailler selon une doctrine. J’espère que personne d’entre vous ne veut supprimer 90 % des pharmacies de France. Eh bien, c’est ce que nous sommes en train de faire avec l’agriculture. Le bio n’est même pas un produit de luxe, car il ne vous garantit pas le gustatif, uniquement l’innocuité, et ce n’est même pas certain.

Je vous rappelle la crise du concombre en Allemagne, il y a six ans, qui a tué plus de serristes de concombres que d’Allemands – une vingtaine –, de sorte qu’aujourd’hui plus personne ne mange de concombre alors que, six mois après la crise, il a été prouvé que c’étaient des graines germées bio d’origine égyptienne qui étaient responsables.

Par ailleurs, cinq personnes sont mortes dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), il y a quinze jours, et personne n’en parle. C’est peut-être parce que ne savons encore rien, mais les fournisseurs de cette maison sont des producteurs locaux et Sodexo. Attendons l’enquête.

Le bio ne combat pas tout. Si vous livrez des pommes avec de la tavelure, elles ne sont pas bonnes pour faire du jus de fruit, l’un des extraits – je ne me souviens pas du nom – étant cancérigène.

Mme Sandrine Le Feur. Je n’ouvrirai pas le débat sur le bio, mais je me dois d’intervenir en tant qu’agricultrice bio. Je cultive des légumes, mais j’ai surtout des vergers.

Quand on est engagé dans une démarche bio, ce doit être en bonne intelligence. Pour ce qui me concerne, je ne fais pas de monoculture. Mes légumes et mes arbres sont très diversifiés, avec des variétés très anciennes. Mes moutons pâturent sous mes vergers, et j’arrive à me passer de produits phytosanitaires et de cuivre, qui n’est effectivement pas une solution, puisqu’il est nocif pour le sol.

M. Bernard Oudard. Nous pouvons clore le débat si vous le souhaitez, mais le danger se trouve tout de même dans cette agriculture, où l’on envoie tout le monde. Tous les midis, je vois des personnes aller cueillir trois kilos de carottes pour un restaurateur. Pour payer mes charges, j’ai besoin de vendre plus que trois kilos de carottes ! C’est très gentil, mais ce n’est pas ça, l’agriculture. L’agriculture, c’est près de 70 millions de Français à nourrir tous les jours !

Qu’il y ait des essais en bio, c’est très bien : ils permettront de faire progresser l’agriculture. Nous investissons des sommes folles pour supprimer les désherbants dans nos vergers. C’est un cheminement, mais passer tout en bio, avec des certificateurs qui vous piquent la marge, je ne suis pas d’accord.

M. le président Thierry Benoit. Monsieur Oudard, M. le rapporteur sera éventuellement amené à vous questionner par écrit. Je vous remercie.

 

 

 

La séance est levée à dix-neuf heures vingt.

 

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Membres présents ou excusés

 

Commission denquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs

 

 

Réunion du mardi 30 avril 2019 à 18 h 35

 

Présents. - Mme Ericka Bareigts, M. Thierry Benoit, M. Grégory Besson-Moreau, Mme Michèle Crouzet, M. Yves Daniel, M. Guillaume Garot, Mme Manuéla Kéclard‑Mondésir, M. Jean-Claude Leclabart, Mme Sandrine Le Feur, Mme Cendra Motin, M. André Villiers

 

Excusés. - M. Nicolas Turquois, M. Arnaud Viala

 

Assistait également à la réunion. - Mme Sophie Auconie