Compte rendu

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

  Audition, de M. Pierre Moscovici, président du Haut Conseil des finances publiques, sur l’avis du Haut Conseil relatif aux projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021              2

  Informations relatives à la commission...............16

–  Présences en réunion...........................18

 


Lundi
28 septembre 2020

Séance de 14 heures

Compte rendu n° 96

session extraordinaire de 2019-2020

 

 

Présidence de

 

M. Éric Woerth,

Président

 

 

 


  1 

La commission entend M. Pierre Moscovici, président du Haut Conseil des finances publiques, sur l’avis du Haut Conseil relatif aux projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021.

 

M. le président Éric Woerth. Chers collègues, nous recevons M. Pierre Moscovici en sa qualité de président du Haut Conseil des finances publiques (HCFP). En application de l’article 14 de la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, il revient au Haut Conseil des finances publiques d’émettre un avis sur les prévisions macroéconomiques qui fondent le projet de loi de finances (PLF) et le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), ainsi que sur la cohérence entre l’article liminaire du PLF et les orientations pluriannuelles de solde structurel fixées par la loi de programmation.

M. Pierre Moscovici, président du Haut Conseil des finances publiques. Je vous remercie de m’avoir invité devant votre commission en tant que président du Haut Conseil des finances publiques pour vous présenter les principales conclusions de notre avis relatif au PLF et au PLFSS pour l’année 2021.

C’est la deuxième fois que je viens devant vous en tant que président du Haut Conseil. À l’occasion de ma première audition, qui a eu lieu une semaine après ma nomination et était relative au troisième projet de loi de finances rectificative pour 2020(PLFR3), je vous avais fait part de mon attachement sincère au Haut Conseil, que j’ai porté sur les fonts baptismaux en 2012, alors que j’étais ministre de l’économie et des finances.

J’avais également souligné, en référence à mon parcours personnel, la double orientation nationale et européenne du Haut Conseil. Chargé de veiller à la sincérité des prévisions macroéconomiques et de finances publiques établies par le gouvernement français, le HCFP est en outre compétent pour apprécier la cohérence de la trajectoire des finances publiques au regard de nos engagements européens.

Je vous avais indiqué mon souhait d’approfondir les relations entre le Haut Conseil et le Parlement. Éclairer le législateur est au cœur de la mission du Haut Conseil. Disposer d’un tiers de confiance indépendant est, j’en ai la conviction, nécessaire à la qualité et la sincérité des prévisions gouvernementales sur lesquelles sont établis les textes financiers qui vous sont soumis.

Pour qu’il puisse assurer pleinement sa mission, le Haut Conseil doit disposer d’un mandat et de moyens adaptés à cet enjeu démocratique, ainsi qu’aux enjeux de finances publiques que nous impose la crise sanitaire et économique. J’aurai l’occasion d’y revenir dans quelques instants en partageant avec vous certaines réflexions sur la modernisation de la gouvernance des finances publiques.

Je ne serai pas plus long dans ce propos introductif et en viens à la saisine du Haut Conseil.

Dans la continuité du troisième projet de loi de finances rectificative, le PLF pour 2021 est marqué par le choc économique de très grande ampleur qui a touché l’économie mondiale au premier semestre 2020 en raison de la crise sanitaire.

La chute de l’activité du fait de l’impact de l’épidémie et des mesures de restrictions sanitaires présente le même profil dans la plupart des économies du monde : ce n’est ni un V avec une reprise rapide après une chute profonde, ni un W avec une sorte de double chute, mais une racine carrée. Cela signifie que le PIB mondial s’est très nettement replié au premier semestre avant de connaître un rebond vigoureux mais incomplet, au cours du second, et que, selon l’ensemble des prévisions, le retour à la normale de l’activité devrait être lent – vers fin 2021 ou mi-2022, à conditions sanitaires relativement inchangées, bien sûr. Si les économies dans le monde enregistrent un recul et un rebond de l’activité d’ampleur et de temporalité diverses, le profil d’ensemble est très largement partagé, au moins dans les grandes économies. En particulier, l’activité au sein de la zone euro se serait située fin juin près de 15 % en dessous de son niveau d’avant-crise. Selon le consensus des prévisionnistes, cet écart devrait se résorber progressivement mais l’activité de la zone dans son ensemble ne retrouverait son niveau d’avant-crise qu’à la mi-2022.

D’après les dernières données disponibles, le rebond de l’économie mondiale ne serait ainsi que partiel. Plusieurs indicateurs signalent en effet depuis juillet que le rattrapage, très fort au début de l’été, commence à s’essouffler, freiné par certains secteurs des services comme le transport aérien, l’hôtellerie ou la restauration, pour lesquels les restrictions d’origine sanitaire perdurent, voire s’accroissent.

Les perspectives de l’économie mondiale restent soumises à l’évolution des conditions sanitaires. Les incertitudes sur la maîtrise de l’épidémie comme sur le développement d’un vaccin demeurent exceptionnellement élevées, ce qui fragilise inévitablement les exercices de prévisions macroéconomiques et de finances publiques, sachant que nous sommes sur un terrain qui n’est pas particulièrement solide.

Le contexte général étant posé, je vais vous présenter les trois principaux messages du Haut Conseil des finances publiques. Le premier porte sur les prévisions macroéconomiques et de finances publiques du Gouvernement, que nous estimons, dans l’ensemble, plausibles pour les années 2020 et 2021 consolidées. Le deuxième tient à la nécessité impérative d’adopter, dès le printemps 2021, une nouvelle loi de programmation de finances publiques (LPFP). Le dernier a trait à la soutenabilité de la dette publique, qui doit constituer la boussole de la stratégie de finances publiques à moyen terme de la France.

Premier message, concernant le scénario macroéconomique du Gouvernement : il suit, à l’instar de celui adopté par la plupart de nos partenaires, une évolution en racine carrée. Pour 2020, le Gouvernement prévoit en conséquence un recul du PIB français de 10 % en volume, un chiffre en légère amélioration par rapport à la prévision du troisième projet de loi de finances rectificative pour 2020, qui était de moins 11 %. Cette prévision avait d’ailleurs été jugée prudente par le Haut Conseil. Pour 2021, le Gouvernement prévoit un rebond de l’activité de 8 %.

Le Haut Conseil considère que le scénario macroéconomique d’ensemble à l’horizon 2021 est plausible. Ce qualificatif de plausible, nous l’appliquons aux prévisions d’activité économique, ainsi qu’à celles en matière d’inflation, d’emploi et de masse salariale. En 2021, l’activité s’établirait 2,7 % en dessous de son niveau de 2019, à un montant proche des autres prévisions disponibles. Elle dépendra très étroitement de l’évolution de la situation sanitaire, principal facteur d’incertitude.

Si nous estimons que le scénario macroéconomique d’ensemble est plausible d’ici à 2021, la chronique annuelle de l’évolution de l’activité pourrait être légèrement différente de celle prévue par le Gouvernement. Pour 2020, nous considérons ainsi que, sauf aggravation marquée de la situation sanitaire d’ici à la fin de l’année, compromettant la reprise du travail dans notre pays, la prévision d’activité est prudente, c’est-à-dire que le recul du PIB pourrait être moindre que prévu. La quasi-totalité des prévisionnistes que nous avons consultés sont un peu moins pessimistes que le Gouvernement. À l’inverse, le rebond pourrait être d’une ampleur plus limitée que ce qui est prévu dans le PLF pour 2021 ; c’est aussi ce que disent la plupart des prévisionnistes. Mais si l’on prend ensemble 2020 et 2021, la prévision du Gouvernement nous paraît plausible et ne s’écarte pas de manière significative du consensus.

Cela repose sur l’hypothèse forte d’une amélioration de la situation sanitaire tout au long de l’année 2021, mais aussi sur l’hypothèse volontariste d’un effet important des mesures du plan de relance sur la croissance, que le Gouvernement estime à 1,1 point de PIB, auquel s’ajouteraient les effets attendus des plans de relance chez nos partenaires. Par exemple, l’effet du plan de relance sur l’investissement public local pourrait être en 2021 un peu moins fort que prévu par le projet de loi de finances, en raison des délais inhérents à l’instruction des dossiers d’investissement et du niveau élevé d’utilisation des capacités de production du secteur du bâtiment.

Sur le fondement de ces hypothèses économiques, le Gouvernement prévoit un niveau de déficit absolument inédit depuis plus de soixante-dix ans : il s’établirait à 10,2 % du PIB en 2020, puis à 6,7 % du PIB en 2021. Ces prévisions sont proches de celles que le Gouvernement vous a présentées à l’été lors du débat d’orientation des finances publiques. Par rapport à ces dernières, le PLF prévoit un solde public en amélioration de 1,2 point en 2020 mais, symétriquement, en dégradation de 1,2 point en 2021. Cette prévision prend en compte la révision des hypothèses macroéconomiques et les nouvelles mesures de soutien de l’activité décidées dans le cadre du plan de relance. Le Haut Conseil estime que le solde public nominal prévu pour 2020 et 2021 est atteignable. Cette prévision est néanmoins affectée par les très fortes incertitudes qui entourent les conditions sanitaires et les évolutions macroéconomiques.

Au-delà du déterminant sanitaire, nous nous sommes attachés à identifier les principaux risques qui affectent les prévisions de recettes et de dépenses sur la base des informations dont nous disposons.

S’agissant des prévisions de prélèvements obligatoires, que nous estimons cohérentes avec le scénario macroéconomique, nous relevons que le Gouvernement ne prend que faiblement en compte les risques de pertes de recettes liées aux mesures de report d’échéances fiscales et sociales accordées en 2020. Il fait aussi l’hypothèse que les exonérations temporaires de cotisations pour les entreprises des secteurs les plus touchés par la crise sanitaire ne seront pas prolongées en 2021. Si l’une ou l’autre de ces hypothèses ne se vérifie pas, les recettes publiques seront dégradées.

S’agissant des prévisions de dépenses publiques, que nous estimons vraisemblables, des risques à la hausse comme à la baisse existent. Du côté baissier, la mise en œuvre des investissements prévus dans le cadre du plan de relance pourrait être plus lente qu’attendu, ce qui se traduirait par un report de dépenses sur 2022 et les années ultérieures. D’autre part, la charge d’intérêts pourrait être un peu moins élevée que dans la prévision du PLF pour 2021 du fait d’hypothèses d’évolution des taux d’intérêt par le Gouvernement qui sont, comme à l’accoutumée, relativement conservatrices ou prudentes.

Du côté haussier, nous relevons un risque sur le niveau attendu des dépenses de santé. Le PLFSS pour 2021 prévoit en effet une enveloppe de 4,3 milliards d’euros pour faire face à la crise sanitaire en 2021, contre des dépenses actuellement estimées à 10,1 milliards d’euros pour 2020. Par exemple, les dépenses associées à une éventuelle campagne de vaccination pourraient se révéler supérieures à celles prévues par le PLFSS pour 2021, qui sont de 1,5 milliard d’euros.

En dépit de ces aléas, le Haut Conseil estime dans l’ensemble que les prévisions de finances publiques sont atteignables.

J’en viens au deuxième message du Haut Conseil : celui de la nécessité d’adopter une nouvelle loi de programmation des finances publiques. C’est sans doute notre message principal de politique publique. Qu’il s’agisse du scénario macroéconomique ou de finances publiques, la LPFP du 22 janvier 2018 est définitivement caduque, nous le savons tous. D’abord, l’estimation du PIB potentiel retenue par cette loi, adoptée deux ans avant la crise, est obsolète. L’ampleur du choc subi par l’économie française devrait avoir un impact durable sur l’appareil productif, notamment sous l’effet du recul de l’investissement. Dans les documents fournis au Haut Conseil, le Gouvernement considère d’ores et déjà que le niveau du PIB potentiel devrait être révisé à la baisse de 1,5 point en 2020, puis de plus de 2 points en 2021 par rapport aux hypothèses de la LPFP.

Plus généralement, la trajectoire financière de la LPFP n’anticipait évidemment pas le choc sur les finances publiques que nous observons en 2020 et que nous constaterons encore en 2021. La LPFP prévoyait ainsi un déficit public égal à 1,5 point de PIB en 2020 et à 0,9 point en 2021, des prévisions bien éloignées de celles présentées par le PLF pour 2021.

Caduque, cette loi de programmation constitue pourtant, aux termes de la loi organique de 2012, la référence pour le PLF qui vous est soumis et pour l’exercice du mandat du Haut Conseil, et ce à double titre.

D’une part, le Haut Conseil doit s’appuyer sur la croissance potentielle telle qu’établie par la loi de programmation en vigueur. Le solde structurel est ainsi calculé dans le PLF pour 2021 avec la même hypothèse de croissance potentielle que dans la loi de programmation, même si, nous venons de le voir, cette hypothèse n’est absolument plus pertinente. Ainsi, la révision à la baisse de la croissance potentielle, telle qu’estimée actuellement par le Gouvernement, conduirait à accroître de plus d’un point en 2021 le déficit structurel.

D’autre part, le Haut Conseil doit comparer la trajectoire financière prévue par le PLF à celle de la LPFP. À cet égard, le Haut Conseil constate que l’écart de solde structurel prévu en 2021 par rapport à la loi de programmation de 2018 s’élève à moins 2,4 points de PIB, soit un écart important au sens de la loi organique de décembre 2012. Le solde structurel présenté par le Gouvernement se dégraderait ainsi de 1,2 point entre 2019 et 2021 et s’établirait à moins 3,6 points de PIB en 2021, ce qui est bien éloigné de l’objectif de déficit structurel de moins 1,2 point fixé par la LPFP.

Puisque les anciens repères économiques et financiers sont devenus inadaptés, le Haut Conseil estime tout à fait nécessaire d’en changer aussitôt que possible – pas à l’issue de la crise, mais dès que la situation sera stabilisée et l’horizon plus lisible. Il invite ainsi le Gouvernement à présenter dès le printemps 2021 un nouveau projet de loi de programmation des finances publiques. Cette LPFP permettra d’établir une stratégie de finances publiques de moyen terme. À cet effet, elle fixera notamment une nouvelle trajectoire d’évolution du PIB et du PIB potentiel, ainsi que de finances publiques, conformément à la loi organique de 2012.

Le troisième message du Haut Conseil a trait à la soutenabilité de la dette. Selon le scénario du Gouvernement, la dette publique s’élèverait à 117,5 points de PIB en 2020, soit une hausse de près de 20 points par rapport à la loi de finances initiale pour 2020. Le ratio de dette publique reculerait ensuite légèrement en 2021, à 116,2 points. Cette perspective d’une baisse limitée du ratio de dette publique est liée au très fort rebond du PIB attendu par le Gouvernement. Elle est fragile et pourrait être remise en cause, notamment si le rebond de l’activité était moindre qu’escompté.

En tout état de cause, la dette connaîtrait une augmentation massive par rapport à la situation d’avant-crise, résultant à la fois du choc économique inédit et de la réponse budgétaire apportée pour y faire face. Le ratio de dette publique s’établirait ainsi, en 2021, 18 points de PIB au-dessus de son niveau d’avant-crise et 22 points au-dessus de celui prévu par la loi de programmation. Cela ne fait que confirmer et accélérer des évolutions intervenues depuis longtemps, après une décennie quasi ininterrompue de hausse de la dette. Or le contexte de croissance potentielle affaiblie rend plus difficile la réduction du déficit. La soutenabilité à moyen terme de la dette publique constitue donc un enjeu central de la stratégie financière de la France. Elle appelle à cet égard la plus grande vigilance. Je sais tous les débats que la dette peut susciter, et je vous ai déjà dit que, quelles que soient les possibilités qu’offre une nouvelle politique monétaire, ou une nouvelle politique européenne, ni la monétisation absolue, ni la mutualisation absolue, ni l’annulation de la dette, qui pèserait sur les épargnants, ne sont plausibles. La question de la dette doit donc être traitée, raison pour laquelle nous vous appelons à la vigilance.

Dans la continuité de ce message sur la dette, et avant de répondre à vos questions, je tiens à partager avec vous quelques réflexions sur la gouvernance des finances publiques et particulièrement sur le mandat du HCFP. La crise sanitaire qui a touché la France et le monde en 2020 s’est traduite par un choc massif sur les finances publiques, notamment sur l’encours de la dette publique. Compte tenu de cette situation, je suis persuadé qu’une refondation de la stratégie financière est indispensable pour assurer la soutenabilité de la dette publique et le meilleur usage des deniers publics. La Cour des comptes s’est d’ailleurs exprimée à ce sujet dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, publié en juin dernier.

La mise en œuvre et le respect à long terme de cette stratégie appellent un renforcement de la gouvernance financière. Je vous rappelle qu’en 2012, à la suite de la crise financière de 2008 puis de celle des dettes de la zone euro, les gouvernances française et européenne des finances publiques avaient été refondées pour éviter que les difficultés rencontrées alors ne se reproduisent. Dans le prolongement du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, la loi organique de 2012 avait introduit dans le droit français un ensemble de dispositifs visant à assure une maîtrise durable des finances publiques ; elle avait notamment fondé le Haut Conseil des finances publiques, que j’ai l’honneur de présider.

Après le choc que nous venons de connaître, totalement inédit depuis la Seconde Guerre mondiale, il m’apparaît nécessaire de compléter l’architecture élaborée en 2012 pour franchir une nouvelle étape dans l’amélioration du pilotage des finances publiques en France. La Cour des comptes s’exprimera sur ce sujet à la fin de l’automne. Mon propos n’est pas d’anticiper ici ce prochain rapport, que je vous présenterai le moment voulu, si vous m’y conviez ; c’est bien en ma qualité de président du Haut Conseil que je tiens aujourd’hui à m’adresser à vous.

Depuis sa création, notre jeune institution budgétaire indépendante a contribué à l’amélioration du réalisme des hypothèses macroéconomiques. Ce constat, conforme aux attentes du législateur de 2012, a été étayé par des analyses économiques de grande qualité du Haut Conseil, réalisées de manière indépendante. Toutefois, notre mandat, significativement plus réduit que celui de nos homologues européens, est insuffisant pour assurer pleinement la surveillance indépendante de la trajectoire de finances publiques et éclairer les autorités et les citoyens sur les risques liés à la situation de nos finances publiques. C’est la raison pour laquelle je me contenterai de répondre aux questions entrant dans le cadre de notre mandat ; je répondrais volontiers aux autres questions, mais je ne pourrai le faire que lorsque notre mandat sera étendu.

Je vous citerai à cet égard trois exemples de limites de notre mandat actuel. Première limite : la loi organique de 2012 n’a pas formellement confié au HCFP la mission d’apprécier le réalisme des prévisions de finances publiques, qu’il s’agisse des recettes, des dépenses ou du déficit public. Dans l’exercice de son mandat actuel, nous ne pouvons faire abstraction de ces considérations et elles font régulièrement l’objet de développements dans nos avis. Notre analyse reste toutefois limitée dans sa portée par la loi organique.

Deuxième limite : le Haut Conseil n’est pas non plus compétent pour examiner le réalisme de l’évaluation de l’impact financier ou socio-économique de mesures, quand bien même cette évaluation serait déterminante pour apprécier le réalisme de la trajectoire de finances publiques.

Troisième limite, et ce sera là mon dernier exemple, mais il y en a d’autres : le mécanisme de correction ex post n’a pas fait la preuve de son efficacité. Son déclenchement par le Haut Conseil en cas d’écart significatif à la trajectoire de solde structurel est trop tardif, puisqu’il intervient seulement une fois l’écart à la trajectoire constaté et ne semble pas permettre d’assurer le plein respect des trajectoires financières programmées.

Un ensemble d’ajustements de la gouvernance des finances publiques est donc nécessaire. À cet effet, j’ai demandé au rapporteur général du Haut Conseil, M. Éric Dubois, de réfléchir aux évolutions souhaitables du mandat de notre institution budgétaire indépendante. Il faut aussi que les moyens soient progressivement adaptés à ces nouveaux enjeux. Le PLF pour 2021 prévoit un accroissement très significatif des moyens humains du Haut Conseil, et je m’en réjouis. Je pense toutefois que le mandat et les moyens devraient aller de pair ; j’aurai l’occasion de revenir devant vous pour présenter les propositions qui iraient dans ce sens, si vous en convenez.

M. le président Éric Woerth. Je n’ai pas d’opposition à une éventuelle extension du mandat du HCFP, bien au contraire : disposer d’un avis plus global et plus cohérent constituerait un progrès et irait dans le sens de ce qui existe déjà dans d’autres démocraties. La seule limite, c’est le respect des compétences des uns et des autres : il faut éviter tout chevauchement.

Pour en revenir à 2021, vous évoquez dans votre avis le caractère incertain des recettes provenant des financements européens. Pouvez-vous nous en dire davantage ? Comment l’appréciez-vous et quelles conséquences cela pourrait-il avoir ?

Vous n’évoquez pas le cantonnement de la dette, probablement parce qu’il n’est pas évoqué dans les documents budgétaires que nous avons reçus ce matin – nous n’avons eu que peu de temps pour en prendre connaissance. Avez-vous une opinion sur ce point ?

La soutenabilité de la dette est une question très importante. Quelle lecture faites-vous de l’ambition du Gouvernement de financer la relance par l’activité ? S’il n’y a pas de programme de financement de cette relance – ce que je regrette –, c’est parce que, selon le Premier ministre, la relance paiera la relance. Ce n’est pas ce que vous semblez dire lorsque vous appelez l’attention sur la soutenabilité de la dette. Cela met en jeu l’avenir : on ne peut pas brûler ses vaisseaux pour le futur, même quand on a affaire à une crise de l’ampleur que nous connaissons actuellement.

Dernière question : pourquoi le Gouvernement est-il plus pessimiste que le consensus des prévisionnistes pour 2020, et plus optimiste que lui pour 2021 ? Ce n’est pas classique d’être ainsi à fronts renversés ; si vous avez une opinion sur ce point, je serais heureux de l’entendre.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avant d’aborder les trois messages de votre avis, je souhaite commenter la trajectoire de reprise en racine carrée que vous avez présentée. Si l’on peut y souscrire facilement, plusieurs économistes présentent actuellement une autre courbe, en K, que je trouve assez juste : tandis qu’une partie de l’économie redémarre assez bien et, nous l’espérons, vite et fort grâce au plan de relance, une autre partie subit encore de plein fouet la crise, souvent pour des raisons administratives liées aux conditions sanitaires. Cette courbe en K présente un intérêt : elle oblige les commissaires aux finances que nous sommes à rester très vigilants, pendant que nous discutons du plan de relance pour 2021 et 2022, face aux difficultés économiques qui restent présentes, avec cette branche descendante de la lettre K qu’il faudra toujours soutenir pendant cette crise.

Concernant les trois messages que vous évoquez, le Haut Conseil valide les nouvelles prévisions pour 2020. Vous les considérez prudentes, atteignables, malgré les incertitudes. Il est vrai que celles-ci sont majeures et rendent la prévision économique complexe ; le rebond de l’activité dépend entre autres de la situation sanitaire, qui n’est pas stabilisée – personne ne peut l’anticiper. En plus des risques internes, l’économie française est dépendante des perspectives de reprise économique au sein de l’Union européenne, ainsi qu’à l’international. Ces risques sont un point essentiel de l’analyse du Haut Conseil. Nous devrons discuter du PLF alors que les prévisions restent fragiles ; c’est la particularité de la séquence que nous vivons. Mais, dans ce contexte, votre analyse me paraît tout à fait sérieuse et précieuse.

Je retiens que vous validez les principales hypothèses macroéconomiques pour 2021 présentées par le Gouvernement concernant le rebond de notre activité, l’inflation et l’emploi. Je retiens également que les conséquences qu’en tire le Gouvernement pour les finances publiques vous apparaissent plausibles, pour reprendre votre terminologie. L’estimation du déficit public en 2021 serait atteignable, bien que très dépendante des évolutions sanitaires.

Concernant votre deuxième message portant sur la loi de programmation, j’y souscris totalement : il nous faudra une nouvelle LPFP le plus tôt possible car celle de 2018 est bien évidemment caduque. La question de savoir quand il faut examiner une nouvelle loi de programmation n’est pas simple : il ne faut pas qu’elle intervienne après la crise, vous avez raison, mais elle ne peut pas non plus être votée avant la fin de la crise sanitaire puisque, par définition, elle serait caduque quelques semaines plus tard. La vraie difficulté sera donc de savoir à quel moment nous aurons une visibilité sanitaire suffisante pour envisager un horizon de développement économique relativement sérieux et crédible. Comme vous, je souhaite une LPFP au premier trimestre 2021. Toutefois, si les conditions sanitaires n’étaient pas satisfaisantes à cette période, je préférerais que la LPFP soit examinée un peu plus tard dans l’année. En tout cas, l’exercice est effectivement à renouveler.

Quant à votre inquiétude sur la soutenabilité de l’endettement public de la France, c’est une question qui me tient à cœur. Nous en avions parlé au printemps dernier, avant le PLFR3. Le Parlement devra, avec votre concours, mieux travailler sur l’évolution de la soutenabilité de notre endettement. Nous sommes d’accord avec le président Woerth sur ce point : le Parlement doit se saisir une fois par an au minimum du débat sur la dette. Il faut que nous nous équipions d’indicateurs plus complets que le seul ratio dette sur PIB, devenu caduc en ces temps de crise, l’effet dénominateur d’un PIB en chute rendant l’analyse de tout ratio sur PIB très complexe. Nous devons examiner la dette non seulement selon une trajectoire pluriannuelle, mais aussi de façon qualitative, en tenant compte de la valeur de la signature de la France pour ses créanciers et pour les investisseurs internationaux. C’est en effet extrêmement important pour savoir si notre pari sur la croissance pour financer la reprise de l’activité et le remboursement de notre endettement à long terme est crédible.

La priorité, aujourd'hui, c’est la relance : nous devons profiter du faible coût de la dette pour investir de façon ambitieuse. Mes questions seront d’ordre technique, et auront trait aux missions du Haut Conseil. Concernant la dégradation du PIB potentiel et du solde structurel entre 2020 et 2021, avez-vous pu analyser les fondements de ces hypothèses et par quels canaux la crise agirait sur la dégradation de ces indicateurs ? De même, s’agissant du gain de croissance envisagé par le Gouvernement, le Haut Conseil a-t-il disposé du temps et des moyens suffisants pour procéder à une analyse fine ?

M. Daniel Labaronne. Le Haut Conseil estime que les hypothèses macroéconomiques sont prudentes pour ce qui concerne la consommation, mais un peu surévaluées s’agissant de l’investissement et des exportations. Avez-vous une idée de ce que pourrait être la contribution du commerce extérieur à la croissance ? On apprend dans les manuels de macroéconomie que lorsque, dans une économie, le montant de l’épargne est supérieur au montant de l’investissement privé et public, alors cette économie connaît généralement un excédent de sa balance commerciale – ce fut longtemps le cas de l’Allemagne. Or, en France, si l’épargne l’emporte vraisemblablement sur l’investissement, on n’enregistre pas pour autant d’excédent de la balance commerciale. Comment expliquer ce paradoxe ? Notre appareil de production rencontrerait-il des obstacles structurels à l’export ?

La crise que nous traversons touche à la fois l’offre et la demande, provoquant une diminution du PIB potentiel et une dégradation des investissements en capital matériel et humain. Cette diminution du PIB, conséquence d’une crise conjoncturelle, va entraîner une augmentation du déficit structurel. N’est-ce pas là encore paradoxal ? Ne faudrait-il pas revoir notre approche tant du PIB potentiel que du déficit structurel ?

Vous dites que, du fait de l’affaiblissement de la croissance potentielle, se pose la question de la soutenabilité des finances publiques. Celle-ci ne dépend-elle pas aussi d’autres facteurs, tels que la crédibilité de la politique publique, la solidarité des États membres de l’Union européenne ou l’engagement de la Banque centrale européenne à travers son programme d’achat d’actifs ?

Mme Véronique Louwagie. Le Haut Conseil note que le niveau de l’investissement public en 2020 est revu à la baisse par rapport aux prévisions du troisième projet de loi de finances rectificative : entre 2019 et 2020, la diminution serait de 4,9 milliards d’euros plutôt que de 2,4 milliards. Comment l’expliquez-vous ?

Vous indiquez en outre que l’investissement public – qui revêt une importance particulière pour les entreprises – risque d’être moins élevé en 2021 que prévu par le Gouvernement. Sur quoi se fonde ce jugement ?

Le solde structurel s’améliorerait en 2020 et se dégraderait en 2021. Vous estimez que son calcul est affecté par le choix fait par le Gouvernement d’enregistrer les mesures en dépenses temporaires ou structurelles. Le constat que vous dressez est assez factuel. Avez-vous réfléchi à d’autres possibilités d’enregistrement des dépenses que celles qui ont été retenues ?

S’agissant de la dette, que pensez-vous de l’évolution des taux d’intérêt ? Avez-vous émis des hypothèses différentes de celles qui ont été retenues ?

M. Jean-Paul Mattei. Le Haut Conseil qualifie de prudente, quoique comportant quelques incertitudes – ce qui est tout à fait compréhensible dans le contexte actuel –, la prévision d’activité pour 2020 faite par le Gouvernement ; je noterai toutefois vos interrogations concernant les méthodes classiques de prévision, notamment en matière d’emploi. Il juge d’autre part volontariste la prévision d’un rebond de 8 % de l’activité en 2021. Qu’entendez-vous par là ? Avez-vous intégré dans votre estimation les effets du plan de relance, doté d’une enveloppe de 100 milliards d’euros sur deux ans ? Disposez-vous d’informations sur les prévisions de nos voisins européens ?

Pour abonder dans le sens du président Woerth, cantonner la dette liée à l’épidémie de covid-19 dans un instrument ad hoc, sur le modèle de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES), ne permettrait-il pas de donner à nos concitoyens une meilleure vision de l’effort budgétaire, exceptionnel compte tenu du contexte, actuellement fourni ?

Mme Valérie Rabault. Il est inscrit dans le projet de loi de finances pour 2021 20 milliards d’euros de recettes en plus et 10 milliards d’euros de dépenses en moins au titre du plan de relance par rapport à ce qui avait été prévu dans le troisième projet de loi de finances rectificative pour 2020. Qu’en pensez-vous ?

Vous faites état, à l’alinéa 56 de l’avis, d’une « légère diminution » – de 18 milliards d’euros quand même ! – des dépenses de l’État par rapport à 2020. Or, si certaines dépenses ont dû baisser du fait d’une moindre activité, d’autres, au contraire, devraient augmenter, en raison du plan de relance – à moins que ce dernier ne soit moins important qu’annoncé par le Gouvernement… Sur quel champ porte la diminution constatée ?

À l’alinéa 65, il est indiqué que le montant du plan de relance pour 2021 serait de 44,2 milliards d’euros. On est loin des chiffres annoncés par le Gouvernement ! Qu’en est-il réellement ?

Chaque année, le groupe Socialistes et apparentés dépose des amendements sur le solde structurel. D’ordinaire, nous estimons que les prévisions en la matière ne sont pas sincères. Cette année, le Gouvernement semble avoir fait un choix inhabituel, en transférant une partie de la composante conjoncturelle à la composante structurelle. Qu’en pensez-vous ? Sachant que le Haut Conseil doit s’appuyer sur la croissance potentielle prévue, n’aurait-il pas été souhaitable que cet indicateur soit recalculé, ce qui aurait supposé que le Gouvernement révise la loi de programmation des finances publiques en vigueur – qui, chacun ici en conviendra, est obsolète ?

M. Charles de Courson. Vous préconisez, comme je le fais depuis un an et demi, une nouvelle loi de programmation des finances publiques. Toutefois, le Gouvernement a-t-il le choix ? Il me semble que les dispositions de la loi organique relatives à l’écart entre le solde structurel indiqué dans la loi de finances et celui prévu par la loi de programmation en font, non pas une possibilité, mais une obligation.

Vous indiquez que le déficit structurel s’établira en 2021 à 3,6 points de PIB au lieu de 1,2, comme prévu dans la loi de programmation. En réalité, ce sera plutôt 4,8, si l’on tient compte du ralentissement économique et de la diminution du PIB potentiel, lequel est très inférieur à ce qui était prévu dans la loi de programmation. Il faudrait en tirer les conclusions ! En effet, le déficit structurel n’a pas été réduit pendant les trois années précédentes. S’il s’établit à 1,2 en 2020, c’est pour une raison très simple, qui est bien expliquée dans l’avis du Haut Conseil : les recettes se sont effondrées plus vite que les dépenses et une partie de celles-ci ont été enregistrées comme des mesures conjoncturelles ; il s’agit d’un simple effet mécanique.

Vous jugez tout à fait excessifs les 17,3 milliards d’euros de fonds européens prévus en recettes pour 2021 ; je partage votre opinion. Aux dernières nouvelles, on nous a octroyé 37 milliards d’euros. Il semble difficilement concevable qu’on consomme plus de 45 % de cette somme en 2021. Qu’en pensez-vous ?

Quant à la soutenabilité de la dette publique, je me permets d’indiquer que 22 points de PIB, cela représente, en gros, 500 milliards d’euros. Si vous rapportez cette somme aux 30 millions de Français actifs – ce sont ceux qui créent de la richesse qui remboursent la dette –, cela fait une augmentation de la dette publique de 17 000 euros par actif. Il est dommage que vous n’alliez pas jusqu’au bout du raisonnement : ce qu’il faut faire, ce sont des économies ! On les attend toujours.

M. Éric Coquerel. Vous souhaitez qu’on élargisse les attributions du Haut Conseil des finances publiques. Surtout pas ! En Europe, les organismes indépendants ont déjà bien trop de pouvoir par rapport aux élus, à commencer par la Banque centrale européenne ou, notamment en matière de politique de la concurrence, les commissaires européens – dont vous avez été. Je ne suis pas pressé qu’un organisme indépendant dispose de pouvoirs accrus pour évaluer les politiques budgétaires décidées par les gouvernements !

Vous dites que l’avis que vous rendez ne porte que sur les prévisions économiques et non sur le contenu du projet de loi de finances, mais je vous signale que la Cour des comptes, à laquelle le Haut Conseil est rattaché, a indiqué le 30 juin qu’il faudrait faire rapidement des économies en réduisant la dépense publique. C’est un choix. La Cour estimant à 250 milliards d’euros le coût de la crise du covid-19 d’ici à la fin 2020, on pourrait tout aussi bien s’interroger sur les 135 milliards d’euros de pertes de recettes fiscales. Or est prévue une baisse de 10 milliards d’euros des impôts sur la production, ce qui est une autre manière de creuser le déficit. Personnellement, je préférerais une réforme fiscale plutôt qu’une baisse des dépenses publiques.

Vous vous interrogez sur la soutenabilité d’une dette atteignant 2 415 milliards d’euros. Même les économistes les plus libéraux affirment qu’en réalité, la dette liée à la crise du covid-19, on ne la paiera pas. Vous semblez dire l’inverse. Comment pensez-vous pouvoir la rembourser – d’autant que, comme vous le dites, les taux d’intérêt risquent d’être relevés ? Si c’était la Banque centrale européenne qui rachetait leur dette aux États, et non les marchés, il y aurait moins de risque que les taux intérêt augmentent !

Mme Émilie Cariou. Nous prenons acte de la difficulté d’établir des prévisions de solde budgétaire dans la période exceptionnelle que nous vivons et entendons les alertes que vous lancez concernant l’insuffisante prise en compte de la baisse des recettes – notamment parce que certaines exonérations temporaires de cotisations risquent d’être reconduites – et la nécessité d’adopter une nouvelle loi de programmation des finances publiques. Cela dit, compte tenu des mesures prises après la crise des gilets jaunes, de la forte hausse de la prime d’activité, de la montée en puissance des lois de programmation telles que la loi de programmation militaire ou le projet de loi de programmation de la recherche que nous venons d’adopter, ainsi que des annonces faites dans le cadre de la réforme des retraites, il me semble que, dès avant la crise sanitaire, nous n’étions plus dans les clous.

Pour ce qui est de la dette, pensez-vous que la décision du Gouvernement de baisser massivement les impôts de production, ce qui pèsera sur le budget à hauteur de 10 milliards d’euros par an, soit une solution ? Il me semble qu’il s’agit, non pas d’une mesure d’urgence ayant des effets à court terme, mais d’une mesure de compétitivité à long terme qui ne trouvera aucune compensation dans le budget de l’État. Ne craignez-vous pas que cela dégrade encore les comptes publics ?

Le Gouvernement table sur la croissance pour contrer la progression de la dette publique. Or, dans une enquête publiée la semaine dernière, la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) note que les entreprises sont confrontées à une crise de la demande. Ne pensez-vous pas qu’il faudrait donner une autre dimension au plan de relance, afin d’en faire le plan d’urgence susceptible de sortir le pays de la crise ?

Mme Patricia Lemoine. Quelques remarques concernant la méthode, pour commencer. Vous soulignez la cohérence du Gouvernement quant aux hypothèses macroéconomiques sur lesquelles il fonde le projet de loi de finances. À l’exception du déficit public, qui sera plus élevé que prévu, tous les indicateurs macroéconomiques sont stables, voire meilleurs qu’annoncé lors du débat d’orientation des finances publiques en juillet dernier. C’est, pour le groupe Agir ensemble, une dimension à saluer, car nous attachons une importance particulière à la sincérité budgétaire.

La situation exceptionnelle que nous connaissons nous oblige à co-construire un budget exceptionnel, fondé sur des hypothèses macroéconomiques elles-mêmes exceptionnelles. Le déficit public s’élèvera à 10,2 points de PIB en 2020 et 6,7 en 2021, alors qu’il était de 2,1 hors CICE en 2019. La dette publique atteindra 117,5 points de PIB en 2021. Nous partageons vos inquiétudes concernant la soutenabilité de cette dette ainsi que l’idée qu’il faudrait définir une nouvelle trajectoire budgétaire si nous voulons maintenir un niveau d’endettement soutenable.

Nous n’avons pas eu le temps d’étudier en profondeur le contenu du projet de loi de finances pour 2021. Les mesures du plan de relance qu’il reprend sont-elles conformes aux souhaits que vous aviez exprimés en juin dernier dans le rapport de la Cour des comptes sur la situation et les perspectives des finances publiques – pour rappel, vous appeliez à des mesures ciblées et temporaires qui ne seraient pas financées par la dette ?

M. Julien Aubert. Le chiffre de 100 milliards d’euros avancé pour le plan de relance vous semble-t-il plausible, vraisemblable ou volontariste ?

S’agissant du rapport temporel entre le rendement des trois principaux impôts d’État et la croissance, peut-on tirer des enseignements de la crise que nous venons de vivre ? Cela pourrait-il modifier l’élasticité des recettes au PIB, donc avoir des conséquences structurelles dans les années à venir sur la manière dont on appréhende cette élasticité ?

Vous appelez à un élargissement des compétences du Haut Conseil des finances publiques. Pensez-vous qu’il serait bon que vous ayez la capacité de fixer vous-mêmes les prévisions de croissance et de croissance potentielle, qui s’imposeraient ensuite au Gouvernement pour ses projections budgétaires ?

M. Jean-René Cazeneuve. S’agissant de la nouvelle loi de programmation des finances publiques, je suis tout à fait d’accord sur le fond : elle est nécessaire. En revanche, je resterai prudent quant au timing : pour pouvoir la faire, il faudrait que les indicateurs soient moins volatils. Fixer l’échéance à l’année prochaine me paraît plutôt raisonnable.

J’imagine que vous intégrez dans votre réflexion les finances des collectivités territoriales. Préconisez-vous une limitation de leurs dépenses au moyen d’une nouvelle forme de contractualisation ?

M. Pierre Moscovici. Monsieur le président Woerth, si nous évoquons des incertitudes concernant les financements européens, c’est pour deux raisons. D’une part, il demeure des incertitudes politiques, notamment s’agissant d’une éventuelle conditionnalité des versements au respect de l’État de droit, ce qui fait débat ; m’étant rendu la semaine dernière au Parlement européen, je puis vous assurer que cela peut être un facteur de retard. D’autre part, il faudra monter une tuyauterie qui permette de dépenser rapidement ces 17,3 milliards d’euros ; c’est aussi dans l’ingénierie que les choses se joueront. C’est pourquoi la Cour des comptes étudiera l’an prochain l’impact des différentes politiques publiques engagées en réponse à la crise du covid-19.

Le Haut Conseil ne s’est pas exprimé sur le cantonnement de la dette. Cependant, la Cour des comptes l’avait fait en juin, et c’est pourquoi je me permets de répondre sur ce point – je précise que toutes les réponses que je fais s’inscrivent dans le cadre de mon mandat, quelle que soit mon envie de répondre à vos questions, voire de ferrailler, si j’ose dire. L’aspect positif, c’est que la partie de la dette qui serait cantonnée serait reconnue et, pour le coup, remboursée ; on peut de surcroît imaginer qu’une ressource serait définie en regard. Ce qui serait en revanche négatif – je le dis sans faire de procès d’intention –, c’est de considérer qu’à partir du moment où l’on cantonnerait, par exemple, 20 points de dette, on repartirait avec une dette publique de 100 points de PIB : non, le montant total de la dette resterait le même, et il ne faudrait pas que ce soit une incitation à ne pas maîtriser le reste.

S’agissant de la relance par l’activité et de la soutenabilité de la dette publique, j’entends vos questionnements, qui reflètent fort logiquement vos positionnements politiques. La Cour et le Haut Conseil considèrent qu’il s’agit d’une question centrale. Nous ne devons pas caresser l’illusion que la Banque centrale européenne absorbera la totalité de la dette ; ce serait pour le coup imprudent. Si une percée est enregistrée avec le plan européen, qui, pour la première fois, prévoit une mutualisation partielle de la dette, cela ne signifie pas pour autant que cela débouchera un jour sur une mutualisation totale ; les conditions dans lesquelles ce plan a été adopté et les précautions prises par un certain nombre de pays font plutôt penser le contraire. La dette peut-elle être entièrement annulée ? Attention au piège : en définitive, ce seraient les épargnants qui seraient spoliés. La question de la dette doit donc être examinée sur le moyen terme et la relance par l’activité est sans doute un préalable, voire une urgence. Reste à savoir si ce sera suffisant : c’est un débat que nous avons devant nous.

Pourquoi considérer que la prévision d’activité pour 2020 est prudente et celle pour 2021 volontariste ? D’abord, le printemps 2020 fut moins mauvais et le rebond de l’été meilleur qu’attendu ; pour enregistrer une récession de 10 %, il faudrait une rechute assez forte au quatrième trimestre : voilà pourquoi nous considérons que la prévision est prudente – ce n’est pas un jugement de valeur. Pourquoi le Gouvernement l’a-t-il fait ? Ce sera au ministre de vous répondre. Probablement s’agit-il d’un réflexe de prudence intégrant la possibilité d’une dégradation brutale de la situation sanitaire qui impacterait le quatrième trimestre. Quant à 2021, je le répète, tout dépendra de la mise en œuvre du plan de relance, de son impact et de l’évolution de la situation sanitaire.

Pour ce qui concerne la nouvelle loi de programmation des finances publiques, je reprendrai la formule du rapporteur général : il faut qu’elle arrive le plus tôt possible. Cela ne signifie pas qu’il faille attendre que tout soit derrière nous, crise sanitaire et crise économique, mais il faut avoir une visibilité suffisante – concernant, par exemple, un éventuel vaccin et son efficacité. D’un autre côté, il convient aussi de tenir compte du cycle politique : cette loi doit advenir suffisamment tôt pour être crédible, sinon nous risquons de vivre longtemps sans loi de programmation des finances publiques, de nous éloigner des textes que vous avez votés, notamment de la loi organique de 2012, et de ne plus avoir de boussole, ce qui ne me semble pas bon. C’est pourquoi nous nous sommes permis de suggérer le printemps 2021 – si possible plutôt que quoi qu’il en coûte, serais-je tenté d’ajouter. Je pense qu’il est nécessaire que nous fixions un cap et que le Parlement soit attentif à cette question.

Pour ce qui est de l’impact de la crise sur le potentiel de croissance, nous pensons que son évaluation est réaliste parce que s’il y a moins d’investissements, il y a moins de capacités de production. La structure productive doit être adaptée : il y a trop de capacités de production dans certains secteurs, pas assez dans d’autres. Cela rejoint ce que vous disiez sur la courbe en K, monsieur le rapporteur général : ne prenons pas les prévisions de croissance comme un bloc ; certains secteurs seront terriblement touchés. Cela signifie que même avec une croissance assez forte, et même si l’on retrouve le niveau d’activité de 2019, on restera loin du niveau d’emploi de la fin 2019 – alors que c’est ce à quoi nos concitoyens sont très attachés. Vous avez donc raison de manifester votre préoccupation pour la jambe descendante du K et pour un certain nombre de secteurs, d’autant qu’il y a aussi une perte de capital humain liée à un chômage élevé. Voilà pourquoi nous pensons que la croissance potentielle peut être atteinte.

Sans doute, monsieur Labaronne, existe-t-il, et depuis fort longtemps, des problèmes structurels, notamment de spécialisation, en matière de commerce extérieur. Cela étant, si l’épargne des ménages s’est fortement accrue – d’aucuns parlent de sur-épargne –, celle des entreprises et des administrations a baissé. Il y a donc une certaine cohérence.

Si nous sommes prudents pour ce qui concerne l’investissement public, madame Louwagie, c’est, d’une part, parce que les délais d’instructions peuvent être longs, d’autre part, parce qu’on risque de buter sur la capacité de certains secteurs, notamment celui du BTP, déjà fortement sollicités à répondre rapidement à un surcroît de demande.

La baisse de 18 milliards d’euros des dépenses de l’État enregistrée entre la troisième loi de finances rectificative pour 2020 et le projet de loi de finances pour 2021 provient notamment d’une baisse de 51 milliards d’euros correspondant au coût du plan d’urgence pour faire face à la crise sanitaire, compensée partiellement par la mise en œuvre du plan de relance, à hauteur de 22 milliards d’euros, et par l’augmentation des crédits des ministères et des dotations à l’Union européenne, à hauteur respectivement de 4 milliards et de 3,5 milliards d’euros.

Pour ce qui est du calcul du solde structurel pour 2020, les mesures qui ont été prises pour faire face à la crise sanitaire ont été enregistrées comme des dépenses temporaires et exceptionnelles, alors qu’elles auraient pu être comptabilisées dans le solde structurel – c’est d’ailleurs le choix qu’avait fait la Commission européenne pour ses prévisions au printemps dernier.

L’amélioration des finances publiques en 2020 résulte de l’amélioration de la conjoncture par rapport aux prévisions, avec une base taxable plus importante, donc plus de recettes que prévu, et moins de dépenses, notamment celles liées au dispositif de l’activité partielle, qui ne peut être maintenu trop longuement à un niveau élevé.

Je serai, sans grande surprise, en désaccord avec vous, monsieur Coquerel, s’agissant du mandat du Haut Conseil des finances publiques – tout comme je l’aurais été s’agissant de celui de la Commission européenne. Il ne s’agit pas d’imposer des lectures qui viendraient d’ailleurs ou d’instruments non démocratiques, il s’agit au contraire d’éclairer vos débats et vos décisions par une approche plus ambitieuse et plus approfondie des déterminants des différentes composantes que j’ai évoquées. Je crois qu’il serait très positif pour le Parlement de disposer d’un outil plus puissant – sans aller pour autant jusqu’à établir les prévisions, même si c’est le cas dans certains pays, comme l’Espagne. Vous disiez, monsieur le président de la commission des finances, qu’il fallait éviter les chevauchements ; soyez assuré que le jour où je viendrai vous rendre visite avec des propositions, je tiendrai compte de mon expérience de la structure de l’État français et de ma connaissance des rôles respectifs des uns et des autres ! Je pense que l’on peut faire des choses plus claires et plus fortes sans pour autant remettre en cause le rôle du ministère des finances. Tout cela doit se passer en bonne intelligence. Il reste que nous ne sommes plus en 2012 : le contexte est aujourd’hui très changeant.

On a beaucoup parlé du solde structurel et de la croissance potentielle ; nombre d’entre vous ont souligné la très grande incertitude qui pesait sur ces données. Cela signifie – disant cela, j’ai bien conscience d’outrepasser ma mission de président du Haut Conseil, et même celle de premier président de la Cour des comptes, et je vous prie de m’en excuser – qu’il ne faut pas s’interdire d’engager une réflexion plus approfondie sur ce que devraient être les règles de finances publiques après la crise. Le pacte de stabilité et de croissance a été, vous le savez, suspendu en 2020, en raison de l’activation de ce que l’on appelle la clause dérogatoire générale. Je me suis rendu à la Commission européenne la semaine dernière : il sera également suspendu en 2021. Néanmoins, on ne peut pas vivre éternellement sans règles ; toutefois, ce ne pourra pas être exactement les mêmes. Il faudrait tenir compte du manque de robustesse de certains concepts : si la croissance potentielle est aussi vulnérable et si le solde structurel, qui est théoriquement indépendant de la croissance, est lui-même très volatil, c’est qu’il y a des choses à repenser – je le disais déjà lorsque j’étais commissaire européen. L’essentiel, c’est la soutenabilité de la dette publique, car nos concitoyens ne sont pas fous : ils savent bien qu’une dette, à un moment donné, ça se rembourse – au moins en partie.

M. le président Éric Woerth. Merci, monsieur le président du Haut Conseil. Nous aurons l’occasion de reparler de tout cela avec vous.

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Informations relatives à la commission

 

1 La commission a désigné, selon la liste ci-après, les rapporteurs spéciaux sur la loi de finances pour 2021.

 

Titre

Rapporteur

1

Action extérieure de l’État

Vincent Ledoux

2

Action extérieure de l’État : Tourisme

Émilie Bonnivard

3

Administration générale et territoriale de l’État

Jennifer de Temmerman

4

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales : Politiques de l'agriculture, forêt, pêche et aquaculture ; Développement agricole et rural

Hervé Pellois/Anne-Laure Cattelot

5

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales : Sécurité alimentaire

Michel Lauzzana

6

Aide publique au développement ; Prêts à des États étrangers

Marc Le Fur

7

Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation

Jean-Paul Dufrègne

8

Cohésion des territoires : logement et hébergement d’urgence

François Jolivet

9

Cohésion des territoires : politique des territoires

Mohamed Laqhila

10

Conseil et contrôle de l’État

Daniel Labaronne

11

Culture : Création ; transmission des savoirs et démocratisation de la culture 

Dominique David

12

Culture : Patrimoines

Gilles Carrez

13

Défense : Préparation de l’avenir

François Cornut-Gentille

14

Défense : Budget opérationnel de la défense

Aude Bono-Vandorme

15

Direction de l’action du Gouvernement ; Publications officielles et information administrative, Investissements d’avenir

Marie-Christine Dalloz

16

Écologie, développement et mobilité durables : Paysage, eau et biodiversité ; Prévention des risques ; Expertise, information géographique et météorologie ; Conduite et pilotage des politiques

Éric Coquerel

17

Écologie, développement et mobilité durables : Affaires maritimes    

Saïd Ahamada

18

Écologie, développement et mobilité durables : Énergie, climat et après-mines ; Service public de l’énergie ; Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale

Julien Aubert

19

Écologie, développement et mobilité durables :   Infrastructures et services de transports  ; Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs ; Aides à l'acquisition de véhicules propres; Contrôle et exploitation aériens

Zivka Park
Benoît Simian

20

Économie : Développement des entreprises et régulations ; Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés

Xavier Roseren

21

Économie : Commerce extérieur

Nicolas Forissier

22

Économie : Statistiques et études économiques ; Stratégie économique et fiscale ; Accords monétaires internationaux

Philippe Chassaing

23

Engagements financiers de l’État

Bénédicte Peyrol

24

Enseignement scolaire

Catherine Osson

25

Gestion des finances publiques et des ressources humaines : Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local ; Facilitation et sécurisation des échanges ; Conduite et pilotage des politiques économiques et financières ; Action et transformation publiques

Alexandre Holroyd

26

Gestion des finances publiques et des ressources humaines : Fonction publique ; Crédits non répartis

Eric Alauzet

27

Gestion du patrimoine immobilier de l’État

Jean-Paul Mattei

28

Immigration, asile et intégration

Stella Dupont
Jean-Noël Barrot

29

Justice

Patrick Hetzel

30

Médias, livre et industries culturelles ; Avances à l’audiovisuel public

Marie-Ange Magne

31

Outremer

Olivier Serva

32

Pouvoirs publics

Christophe Neagelen

33

Recherche et enseignement supérieur : Recherche

Francis Chouat

34

Recherche et enseignement supérieur : Enseignement supérieur et vie étudiante

Fabrice Le Vigoureux

35

Régimes sociaux et de retraite ; Pensions

Olivier Damaisin

36

Relations avec les collectivités territoriales ; Avances aux collectivités territoriales ;

Jean-René Cazeneuve
Christophe Jerretie

37

Remboursements et dégrèvements

Christine Pires Beaune

38

Santé 

 Véronique Louwagie

39

Sécurités ; Police, gendarmerie, sécurité routière, Contrôle de la circulation et du stationnement routiers

Romain Grau

40

Sécurités ; Sécurité civile

Bruno Duvergé

41

Solidarité, insertion et égalité des chances

Stella Dupont

42

Sport, jeunesse et vie associative

Benjamin Dirx

43

Travail et emploi 

Marie-Christine Verdier-Jouclas

44

Participations financières de l’État ; Participation de la France au désendettement de la Grèce ; Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics

Valérie Rabault

45

Affaires européennes

Xavier Paluszkiewicz

46

Plan de relance

Eric Woerth
Laurent Saint Martin

2. La commission a désigné Mmes Cendra Motin et Christelle Dubos rapporteures pour avis sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021.

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Commission des finances, de léconomie générale et du contrôle budgétaire

 

 

Réunion du lundi 28 septembre à 14 heures

Présents. - M. Éric Alauzet, M. Julien Aubert, M. Jean-Noël Barrot, Mme Aude BonoVandorme, M. Jean-Louis Bricout, M. Fabrice Brun, Mme Émilie Cariou, M. Gilles Carrez, M. Michel Castellani, M. Jean-René Cazeneuve, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, Mme Dominique David, Mme Cécile Delpirou, Mme Christelle Dubos, M. Christophe Jerretie, M. François Jolivet, M. Daniel Labaronne, Mme Patricia Lemoine, Mme Véronique Louwagie, M. Jean-Paul Mattei, Mme Cendra Motin, Mme Catherine Osson, Mme Zivka Park, M. Hervé Pellois, M. Benoit Potterie, M. François Pupponi, Mme Valérie Rabault, Mme Claudia Rouaux, M. Fabien Roussel, M. Laurent Saint-Martin, M. Benoit Simian, M. Éric Woerth

Excusés. - M. Damien Abad, M. Marc Le Fur, Mme Christine Pires Beaune, M. Olivier Serva

Assistaient également à la réunion. - M. Bruno Fuchs, M. Guillaume Larrivé