Compte rendu

Commission
des affaires sociales

   Projet de loi de finances pour 2021 (n° 3360) (seconde partie) : crédits de la mission Travail et emploi : audition de Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion ; examen et vote des crédits (M. Gérard Cherpion, rapporteur pour avis)              2

   

 

 

 


Mercredi
28 octobre 2020

Séance de 15 heures

Compte rendu n° 15

session ordinaire de 2020-2021

Présidence de
Mme Fadila Khattabi,
Présidente
 


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COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 28 octobre 2020

La séance est ouverte à quinze heures.

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La commission procède, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2021 (n° 3360) (seconde partie), à l’audition de Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Après l’examen, ce matin, des crédits consacrés au logement dans la mission Cohésion des territoires et alors que la commission mixte paritaire (CMP) concernant la proposition de loi relative au renforcement de l’inclusion dans l’emploi par l’activité économique et à l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » s’est avérée conclusive, nous poursuivons nos travaux sur le projet de loi de finances (PLF) pour 2021 avec l’examen des crédits de la mission Travail et emploi, initialement inscrite à notre ordre du jour hier soir.

Je remercie la ministre Élisabeth Borne de venir nous les présenter. En forte hausse compte tenu de la crise économique et sociale que nous traversons, le budget consacré à l’emploi est en effet primordial pour lutter contre le chômage de masse, protéger les publics les plus vulnérables mais, aussi, pour accompagner les milliers de jeunes qui arrivent sur le marché du travail. Les axes de cette mission, bien sûr, sont au centre de nos préoccupations.

Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion. Je remercie votre commission d’avoir accepté le report de cette audition. Je suis confuse que vous ayez été prévenus très tardivement mais nous avions une réunion avec les partenaires sociaux à propos du contexte sanitaire et des mesures qu’il implique. Après la conférence sociale de lundi dernier, le dialogue social est plus important que jamais afin de partager le diagnostic et d’échanger sur les réponses à y apporter dans ce contexte inédit. Je salue la très grande responsabilité dont les partenaires sociaux ont fait preuve hier. Chacun a conscience de la difficulté de la situation sur le plan sanitaire, de même que de la fragilisation de notre pays sur le plan économique et social. Nos échanges étaient donc empreints d’une grande gravité.

Je suis très heureuse de vous retrouver et de répondre à vos questions sur le projet de loi de finances pour 2021.

Le budget du ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion est ambitieux ; il mobilise des moyens sans précédent, à la hauteur des circonstances, et doit nous permettre de traiter et de surmonter les conséquences économiques et sociales de la crise.

Ce budget de relance inclusive a été largement co-construit avec les collectivités, les partenaires sociaux et les acteurs de terrain, conformément à la volonté de concertation qui anime le Gouvernement.

Pour 2021, les crédits alloués au ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion reposent sur deux volets.

Tout d’abord, les crédits de la mission Travail et emploi, indépendamment de l’action de relance, augmentent de 400 millions d’euros car nous souhaitons intensifier l’effort d’inclusion de tous dans l’emploi, conformément aux trajectoires prévues avant la crise.

S’ajoutent ensuite à cet effort les crédits exceptionnels de la nouvelle mission Plan de relance : 10 milliards d’euros sont ainsi alloués à mon ministère sur les 22 milliards d’euros de crédits de paiement ouverts pour 2021. Le ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion est donc destinataire de près de la moitié des crédits de paiement de France Relance en 2021, ce qui montre à quel point les politiques de l’emploi et de l’insertion sont un pilier essentiel du plan de relance.

Ces politiques doivent permettre de surmonter les crises grâce à la formation, de renforcer la compétitivité de nos entreprises, de préserver et de développer les emplois et les compétences.

Le budget « socle » de mon ministère, hors relance, s’élève à 13,2 milliards d’euros et nous proposerons au vote du Parlement l’application ou le renforcement d’un certain nombre de mesures à la suite des récentes annonces du Président de la République et du Premier ministre dans le cadre du renforcement de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté.

Tous les dispositifs de formation et d’accompagnement vers l’emploi des jeunes et des salariés sont renforcés. Le plan d’investissement dans les compétences (PIC), doté de 14 milliards d’euros de crédits pour le ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion sur l’ensemble du quinquennat, fait l’objet d’un nouvel engagement de 3,3 millions d’euros.

Les crédits de l’aide unique à l’apprentissage augmentent de près de 150 millions d’euros. La garantie jeunes et les parcours contractualisés d’accompagnement adapté vers l’emploi et l’autonomie (PACEA) sont dotés de plus de 70 millions d’euros supplémentaires, hors plan de relance.

Les fonds destinés aux dispositifs d’insertion des personnes les plus éloignées de l’emploi sont également renforcés. Nous augmentons de plus de 204 millions d’euros les crédits alloués aux dispositifs d’insertion par l’activité économique (IAE), dont 62 millions d’euros issus du plan de relance. L’ensemble de ces crédits permettra l’accueil de 35 000 jeunes supplémentaires dans l’IAE et de 25 000 dans la création d’entreprises.

En outre, conformément aux annonces récentes du Premier ministre, nous proposerons au Parlement de renforcer encore le dispositif de 30 000 places supplémentaires et d’augmenter en conséquence les crédits de la mission de 150 millions d’euros.

Nous augmentons également de 23 millions d’euros le budget alloué aux entreprises adaptées, qui incluent dans l’emploi des personnes en situation de handicap, en coordination avec les établissements et services d’aide par le travail (ESAT) et l’emploi accompagné.

Nous maintenons le nombre de contrats aidés, hors plan de relance, notamment les 100 000 parcours emploi compétences (PEC). Dans le cadre des récentes annonces du Premier ministre, nous vous proposerons également d’augmenter le budget de 120 millions d’euros afin de renforcer le dispositif dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) et les zones rurales, en faisant passer le taux de prise en charge à 80 % et en doublant la cible en termes de volume.

Nous attribuons aux emplois francs consacrés aux QPV 93 millions d’euros supplémentaires d’autorisations d’engagement, lesquels bénéficieront à plus de 33 000 nouvelles entrées en emplois francs.

Nous dotons d’un budget de 23 millions d’euros l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » afin d’en financer la deuxième phase et dont la CMP, en effet conclusive, vient de permettre l’adoption du principe.

Les enjeux de mobilité sont essentiels pour l’insertion : une personne en insertion sur deux a déjà refusé un travail ou une formation en raison de ce problème. Le Gouvernement, en lien avec les collectivités locales, proposera donc au Parlement de voter une mesure nouvelle pour soutenir des plateformes mobilité et faciliter l’achat d’un véhicule pour les personnes en insertion.

Enfin, le service public de l’insertion et de l’emploi annoncé par le Président de la République à la fin de 2018 devrait se déployer dans trente territoires en 2021, puis dans trente-cinq nouveaux territoires en 2022. Nous proposerons au Parlement d’y consacrer 30 millions d’euros.

Ce budget « socle » de mon ministère est considérablement renforcé, quasiment doublé, grâce aux crédits de relance qui lui sont affectés et à ceux que nous allons proposer au vote du Parlement dans le cadre du plan de lutte contre la pauvreté.

Avec 10 milliards d’euros de crédits de paiement ouverts en 2021, France Relance permet de conduire un effort d’investissement sans précédent pour développer les compétences de nos concitoyens.

Notre première priorité, c’est la sauvegarde et le développement des emplois : près de 8 milliards d’euros lui sont consacrés. Nous faisons un effort substantiel de 7,6 milliards d’euros, dont 2,2 milliards d’euros sont financés par l’UNEDIC, pour prendre en charge l’activité partielle et la formation des salariés pendant leur temps non travaillé, en activité partielle ou en activité partielle de longue durée.

Une partie de ces fonds doit également financer la reconversion des salariés dans le cadre des trois dispositifs conçus avec les partenaires sociaux et les entreprises qui ont été présentés ce lundi à la conférence du dialogue social.

Deuxièmement, notre urgence, c’est de donner à tous les jeunes, quelle que soit leur situation, des solutions d’insertion dans l’emploi. Le ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion pilote la plus grande partie des 6,7 milliards du plan « 1 jeune, 1 solution », répartis entre trois ministères, soit 5,7 milliards, dont 3,6 en 2021.

Comme vous le savez, nous créons des primes exceptionnelles pour encourager l’embauche des jeunes et la signature de contrats en alternance. Par ailleurs, la revalorisation de la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle a été votée avant-hier. Nous ouvrons également 300 000 parcours et contrats d’insertion sur mesure en renforçant les moyens qui leur sont déjà consacrés par le budget « socle ».

Pour accompagner tous les jeunes vers l’emploi, nous ouvrons 80 000 nouvelles places en PACEA et 50 000 nouvelles places en garantie jeunes, soit une augmentation de 50 %.

Pour insérer dans l’emploi les jeunes qui connaissent le plus de difficultés, nous ouvrons, au-delà des places dans l’IAE et dans l’accompagnement à la création d’entreprises, de nouveaux contrats aidés, notamment 60 000 contrats initiative emploi, 60 000 nouvelles places en PEC, en plus des 20 000 déjà prévues dans le « socle ». Enfin, nous renforçons fortement le budget des missions locales en leur allouant 100 millions supplémentaires, ce qui porte leur enveloppe à 472 millions d’euros.

Troisièmement, nous investissons plus de 1,7 milliard d’euros, dont 1 milliard d’euros dès 2021, dans les formations aux métiers d’avenir ou en tension. Notre objectif est de permettre l’accès à un emploi durable des jeunes, des demandeurs d’emplois et des salariés en reconversion.

Dans ce cadre, nous engageons tout d’abord 500 millions dès 2021 sur 1,2 milliard d’euros au total, pour ouvrir 200 000 formations aux métiers d’avenir s’adressant aux jeunes.

Ensuite, nous mobilisons près de 500 millions d’euros pour financer un vaste plan de digitalisation de l’offre de formation continue en France.

Par ailleurs, le budget 2021 présente de solides garanties de bonne exécution et d’efficacité des crédits alloués à mon ministère.

Tout d’abord, les conditions d’exécution du budget seront souples afin de garantir une efficacité maximale des dépenses. En effet, il sera possible de redéployer les crédits selon le niveau d’avancement des programmes grâce à un pilotage à la maille des territoires.

Ensuite, les dépenses de fonctionnement, notamment de personnels, participent à l’effort de maîtrise des finances publiques par l’État.

Le ministère est contributeur mais, compte tenu de la crise, j’ai veillé à ce que des ajustements en gestion soient consentis en fonction de la hausse de la charge de travail liée à la crise à travers des recrutements en contrat à durée déterminée (CDD) dans les services déconcentrés du ministère et à Pôle emploi.

Enfin, le projet de loi de finances comporte quelques évolutions législatives proposées par le Gouvernement.

Tout d’abord, pour rétablir la situation de l’opérateur France compétences, un plan d’action est en cours pour produire des effets à brève échéance. De manière plus structurelle, le Gouvernement propose de doter cet opérateur d’une règle d’or visant son retour à l’équilibre à compter de 2022.

Par ailleurs, comme vous avez pu le constater dans le cadre de l’examen de la mission Engagements financiers de l’État, le Gouvernement propose de relever le plafond de la garantie de l’UNEDIC d’un montant de 10 milliards d’euros supplémentaires.

Au-delà, en tant que ministre de l’emploi et de l’insertion, je m’assurerai que les secteurs bénéficiaires de France Relance s’engagent pour l’emploi, notamment à travers des clauses en faveur de l’apprentissage et de l’insertion, dans le cadre de marchés publics comme privés.

Déjà, des signaux de mobilisation nous remontent du terrain.

En août et septembre, les embauches ont un peu augmenté : + 1,3 % par rapport à 2019 pour les jeunes de moins de 26 ans recrutés en CDD de plus de trois mois ou en contrat à durée indéterminée (CDI) – près de 700 000 recrutements au total, ce qui est très rassurant.

Les primes à l’embauche des jeunes montent en charge. Les premiers chiffres montrent que le processus fonctionne bien – 43 000 demandes de primes entre le 1er et le 20 octobre – mais nous n’en sommes encore qu’au démarrage, moins de 10 % de réalisation de l’objectif ayant été réalisé.

La mobilisation de l’aide pourrait rapidement s’accélérer en raison des embauches qui ont eu lieu, ce que confirme une enquête menée par la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la part des entreprises de plus de dix salariés identifiant bien l’aide recouvrant 40 % des salariés du pays.

De la même manière, les perspectives de l’apprentissage sont positives, même si les demandes formelles de prime à l’apprentissage ne font que démarrer. Les derniers chiffres témoignent d’une dynamique très positive des conclusions de contrats, avec 314 000 contrats conclus. Si elle se poursuit, et nous ferons tout pour, nous aurons retrouvé le niveau de 2019, qui était une très belle année pour l’apprentissage. Là encore, l’enquête montre que la part des entreprises de plus de dix salariés ayant l’intention de recourir à l’aide représente un salarié sur deux.

Ce budget entend poursuivre la construction d’une « société des compétences », que la crise a rendue plus que jamais nécessaire. Elle repose sur l’idée, défendue dès le début du quinquennat par le Président de la République, que le travail est un facteur d’émancipation individuelle et de cohésion nationale, et que la formation constitue la meilleure des protections face aux crises.

Je suis prête à répondre à vos questions et à écouter les propositions d’enrichissement du texte que formulera votre commission.

M. Gérard Cherpion, rapporteur pour avis des crédits de la mission Travail et emploi. La discussion de ce PLF intervient dans des conditions particulièrement difficiles et je comprends, madame la ministre, votre indisponibilité d’hier soir. Je remercie Mme la présidente d’avoir pu reporter notre réunion.

Face à cette situation nécessitant de prendre des mesures d’urgence, l’exercice annuel d’autorisation d’engagements des dépenses par le Parlement perd un peu de son sens : vous venez d’ailleurs d’annoncer de nouvelles mesures complétant favorablement ce budget. Les dépenses nouvelles engagées par le Gouvernement, exprimées en milliards, ne sont plus conditionnées à une approbation parlementaire préalable et le budget 2020 fera l’objet d’une quatrième loi de finances rectificative.

L’équation consiste à limiter les conséquences de la crise sanitaire et à préserver l’emploi. Or, les prévisions du taux de chômage à court terme se situent entre 9,8 % et 11 % et les crédits de paiement progressent de 400 millions, portant ainsi le budget de la mission Travail et emploi à 13,38 milliards d’euros, inférieur de près de 2 milliards d’euros au budget de 2018.

Je m’interroge sur les conditions d’équilibre du budget et la continuité de l’effort pour les budgets à venir. Le budget du plan de relance s’ajoute à celui de la mission pour un montant de plus de 10 milliards d’euros ; or, l’activité partielle est intégralement financée par le premier, y compris l’activité partielle préexistante. Quid, dans les budgets à venir, de l’équilibre entre le plan de relance et le PLF ?

L’IAE progresse de 1,15 milliard d’euros au sein de la mission, budget complété par 62 millions d’euros issus du plan de relance, ce qui devrait assurer sa pérennité, comme vous vous y êtes engagée, et ce dont je me félicite.

Ma deuxième question porte sur l’UNEDIC. Le déficit, en 2020, devrait s’élever à 55,5 milliards d’euros, pour atteindre 65 milliards en 2021. Quelles mesures envisagez-vous de prendre pour répondre à cette situation en préservant, d’une part, l’indemnisation du chômage et, d’autre part, la recherche de l’équilibre budgétaire ? Dans mon rapport pour avis de 2020, j’avais appelé l’attention sur le risque engendré par la réforme rendant Pôle emploi très dépendant des ressources de l’assurance chômage en cas de retournement de conjoncture. Vous avez annoncé un report de l’application de cette réforme, mais qu’envisagez-vous ?

Ce rapport a été rédigé lorsque vous avez annoncé une revalorisation des aides pour les emplois francs. Malgré des aides déjà importantes, ce dispositif ne semble pas avoir trouvé son public. Quelles mesures concrètes votre ministère entend-il prendre pour mieux le faire connaître ?

Avec 314 000 entrées en apprentissage cette année, les chiffres sont excellents et les mesures prises par le Gouvernement ont montré leur utilité : augmentation du nombre d’apprentis en post-bac et diminution des contrats de professionnalisation. Il convient toutefois de prendre garde à ce que les formations infra-bac permettent également d’accéder à l’emploi et à la promotion sociale et professionnelle. Ne craignez-vous pas qu’un certain nombre de jeunes qui sont dans la voie générale se dirigent vers l’apprentissage alors que, globalement, les chances de trouver un emploi après des études supérieures sont sensiblement les mêmes ?

Une dotation de 750 millions d’euros, subordonnée à l’adoption d’un budget en équilibre, est inscrite au plan de relance pour France compétences. Or cela me semble relever de « mission impossible », sauf à diminuer le coût par apprenti et à obtenir une autorisation d’emprunt. Je proposerai d’ailleurs un amendement pour augmenter cette dotation.

Comment sensibiliser au compte personnel de formation (CPF) les trois quarts des salariés qui n’ont pas converti leur droit individuel à la formation (DIF) ? Ce sont 12,5 milliards d’euros cotisés qui risquent de disparaître le 1er juillet 2021, ce qui reviendrait à remettre en cause des droits acquis par les salariés. Est-il possible d’aller plus loin pour les inciter à en faire usage ?

Enfin, quand le Gouvernement inscrira-t-il à l’ordre du jour le texte de ratification des ordonnances du 3 novembre 2019 portant diverses mesures d’ordre social ?

Je vous prie, madame la ministre, de bien vouloir excuser cette présentation très condensée en raison des conditions dans lesquelles nous discutons. Je souhaite que vous apportiez un certain nombre de réponses aux questions qui se posent pour que chaque personne ait une vie professionnelle heureuse dans notre société.

M. Didier Baichère. Ce budget offensif et protecteur est à la hauteur de la crise sanitaire, économique et sociale que nous traversons.

La mission Travail et emploi s’inscrit dans un contexte exceptionnel. Depuis 2018, nous œuvrons pour consolider notre modèle social autour d’un triptyque : emploi, formation, et accompagnement des plus fragiles. Je pense par exemple à la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel dont France compétences est issue, aux ordonnances prises sur le fondement de la loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, qui permettent un dialogue social rénové, à la stratégie de lutte contre la pauvreté, qui tend à mieux accompagner les jeunes et dont le déploiement se poursuit ou, encore, plus récemment, à la proposition de loi relative au renforcement de l’inclusion dans l’emploi par l’activité économique, la CMP ayant donc été conclusive ce midi.

Face à la crise sanitaire, nous voulons que la France tienne debout socialement et économiquement. C’est tout l’objectif de ce budget.

La mission Travail et emploi progresse significativement de 600 millions d’euros depuis la loi de finances initiale pour 2020, pour atteindre 13,38 milliards d’euros, les principales hausses concernant le PIC, l’aide à l’apprentissage et l’amélioration des dispositifs d’IAE.

Ce budget combine deux dimensions : assurer le développement des compétences de notre jeunesse et des salariés en transition professionnelle, laquelle s’accélère avec la crise sanitaire, et un soutien exceptionnel pour préserver l’emploi.

Ce sont 2,4 milliards d’euros qui sont consacrés au financement de l’accompagnement vers l’emploi des personnes les plus éloignées du marché du travail, ce qui représente une hausse de 9,4 %, hors l’enveloppe de la mission du plan de relance.

Citons également l’effort particulier pour les jeunes en direction des métiers d’avenir avec le plan « 1 jeune, 1 solution » et 100 000 contrats aidés supplémentaires, l’augmentation de l’allocation PACEA pour 82 millions d’euros et l’ouverture de 2 000 places supplémentaires financées d’ici à 2022 pour les écoles de la deuxième chance. Citons aussi les 80 000 PEC – avec un budget à hauteur de 217 millions d’euros – et les 35 000 parcours supplémentaires de l’IAE pour préparer le chemin vers l’emploi durable.

Le budget pour l’insertion dans l’emploi des personnes en situation de handicap est porté à 425 millions afin de mieux financer l’aide aux postes, avec l’objectif de permettre à 40 000 personnes d’être mieux accueillies dans le secteur adapté d’ici à 2022.

Enfin, soulignons le renforcement de notre action pour les habitants des QPV avec le dispositif des emplois francs. Pour la première année, les primes aux employeurs passeront de 2 500 à 5 500 euros pour un CDD et de 5 000 à 7 000 euros pour un CDI, le budget total, en forte croissance, s’élevant à 317 millions d’euros.

Nous pouvons également compter sur le plan de relance pour soutenir notre politique en faveur de l’emploi avec un dispositif d’activité partielle, habituellement inclus dans le programme 103, qui sera largement abondé. Près de 12 milliards d’euros seront consacrés à la cohésion sociale et à l’emploi, auxquels s’ajoutent donc les 13,38 milliards d’euros de cette mission. Il s’agit d’un effort dans précédent pour soutenir l’emploi.

Quelles seront les prochaines étapes pour faciliter et renforcer encore l’accès aux mesures du plan jeunes ? Comment appréciez-vous le dialogue social sur le plan national ? De mon point de vue, il a permis de réaliser des avancées importantes. Je songe à la place des comités sociaux et économiques dans l’analyse du financement reçu par les entreprises dans le cadre du plan de relance et aux dispositifs de transition collective présentés lundi afin de renforcer les reconversions professionnelles.

Le groupe La République en Marche votera les crédits de cette mission.

M. Stéphane Viry. Nous abordons cet après-midi une question complexe compte tenu de ce qui se passe depuis quelques mois mais aussi, peut-être, depuis quelques années, avec un chômage de masse durable.

Collectivement, nous avons posé voilà quelques décennies le principe du plein emploi, lequel devait guider nos choix et nos orientations pour que chaque homme et femme trouve sa place dans notre société grâce à l’emploi. Cette ambition est devenue problématique mais je considère qu’elle doit rester notre bel horizon, fût-il utopique. Peut-être doit‑elle être transformée en une ambition d’une activité professionnelle pour tous, même si elle ne relève pas d’un contrat de travail classique. Il faut être pragmatique : il serait déjà essentiel de donner à chaque homme et à chaque femme une activité.

Nous avons donc appréhendé le budget de la mission et le plan de relance pour l’année 2021 en tenant compte de la première vague de la crise sanitaire, économique et sociale. Celle-ci nous plaçait déjà en situation d’urgence, caractérisée notamment par un taux de chômage de 10 ou 11 % selon les prévisions des organismes. Notre point de vue sur votre budget n’était donc pas le même que les trois premières années : à nouvelle donne, nouvelles difficultés liées à l’emploi, avec leurs conséquences sur l’équilibre financier des organismes chargés du travail et de l’emploi.

La deuxième vague épidémique bouleverse déjà notre vision d’il y a quelques semaines. Nous serons suspendus aux lèvres du Président de la République ce soir, comme nous attendons le débat que nous aurons demain sur les choix qui seront faits, mais on sait déjà que la récession économique va être terrible et que le nombre de demandeurs d’emploi va augmenter en 2021.

D’où la nécessité d’une politique publique de l’emploi non seulement ambitieuse, comme cela vient d’être dit, mais aussi très novatrice. Osons casser certaines pratiques, faire fonctionner le logiciel qui nous aidera à trouver d’autres solutions ; surtout, restons à la fois exigeants et bienveillants envers les structures chargées de l’accompagnement et de la réinsertion professionnelle. Au-delà des chiffres, le travail est un sujet de fond : il y va de sa place dans notre société, de notre cohésion sociale, de la valeur travail – autant de questions qui méritent d’être soulevées en 2020 et 2021.

Gérard Cherpion a eu la grande honnêteté de relever l’augmentation des crédits de la mission. Il faut évidemment prendre des mesures favorisant l’emploi et, surtout, repenser l’accompagnement des demandeurs d’emploi, avoir d’autres exigences à leur endroit, d’autres réflexes pour les inciter à l’activité.

Ce matin, nous sommes parvenus à un accord en CMP sur la proposition de loi relative au renforcement de l’inclusion dans l’emploi par l’activité économique et à l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ». J’ai noté, madame la ministre, vos orientations et les mesures de votre budget en la matière.

S’agissant d’emploi, nous ne pouvons que vous inviter à envisager des solutions locales. Il y a dans chaque bassin de vie, dans chaque bassin d’emploi des ressources, des hommes et des femmes, des collectivités territoriales, des entreprises, des organismes de formation, au plus près des possibilités existantes, disposés à agir. Pourtant, cette année, il n’y a plus de crédits pour les maisons de l’emploi, alors que leur mission n’a fait l’objet d’aucune évaluation et qu’il n’existe aucun « plan B », et on ne fait pas grand-chose pour mobiliser les associations, qui disposeraient pourtant de leviers pour remettre les gens au travail et bénéficieraient ainsi de ressources humaines supplémentaires.

En matière d’IAE, vous avez récemment pris un virage après les débuts atones de votre majorité, mais la question de l’aide au poste se pose encore – nous y reviendrons.

S’agissant des jeunes, enfin, vous n’apportez qu’une réponse budgétaire concernant les dispositifs qui existent déjà, alors qu’il aurait fallu proposer des solutions innovantes.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Au nom du groupe Mouvement Démocrate et Démocrates apparentés, je salue l’engagement de l’État pour la préservation de l’emploi et des compétences ainsi que le renforcement des moyens destinés aux publics les plus exposés aux difficultés d’accès à l’emploi en raison de la crise économique résultant de la crise sanitaire. Je salue également l’analyse très précise des crédits par notre rapporteur pour avis et les questions qu’il soulève dans son rapport.

Pour faire face à la situation très dégradée du marché du travail, les moyens de la mission Travail et emploi sont portés à 14,3 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et à 13,38 milliards d’euros en crédits de paiement (CP), soit une augmentation de 2,98 % en AE et de 3,5 % en CP, auxquels il convient d’ajouter 13 milliards pour 2021 dans le cadre du plan de relance, ce qui représente au total un quasi-doublement des moyens affectés. À juste titre, les crédits du plan de relance iront principalement aux mesures d’activité partielle et à la formation des salariés et demandeurs d’emploi, 3,5 milliards étant spécifiquement alloués au soutien à l’emploi des jeunes et à leur accompagnement.

En effet, le recul du taux de retour à l’emploi pour 2021, de plus de 2 points au niveau global, touche plus durement les jeunes. Nous soutenons donc l’ensemble des mesures de la mission Plan de relance tendant à agir davantage en leur faveur : soutien aux contrats de professionnalisation et d’apprentissage, actions de formation à destination des jeunes, aide à l’embauche des moins de 26 ans, renforcement des dispositifs d’accompagnement des jeunes, création de parcours dédiés en IAE, ajout de 110 000 contrats aidés au bénéfice de la jeunesse.

Les principaux opérateurs – France compétences, Pôle emploi, les missions locales – seront également soutenus pour pouvoir faire face aux conséquences des pertes de recettes, pour l’un, et à la nécessité de renforcer l’accompagnement des demandeurs d’emploi, pour les autres.

La préservation de la dynamique de l’apprentissage par le versement de subventions exceptionnelles aux employeurs était une véritable gageure. Elle a permis de maintenir les objectifs d’entrées en apprentissage. Nous devons toutefois redoubler d’efforts pour que les contrats bénéficient prioritairement aux niveaux bac et infra-bac, car ce public n’a pas bénéficié des recrutements liés à ces subventions exceptionnelles et représente moins de 60 % des signataires de contrats alors que l’objectif est de 71 %. De quelle manière le Gouvernement entend-il réaffirmer en 2021 la priorité accordée à ces niveaux bac et infra‑bac ?

Au sujet de la convention-cadre conclue le 4 septembre dernier sur le contenu de l’offre de services intégrée de Pôle emploi et Cap emploi, où en sont les discussions concernant la construction d’indicateurs d’accès à l’emploi des travailleurs handicapés ?

Quelles sont les prévisions de dépenses à engager au titre du programme 103 dans le cadre des contrats de plan État-région ? L’absence de tableau dédié à la contractualisation pluriannuelle 2021-2027 nuit à la lisibilité des financements.

Enfin, les crédits du PIC, de 5,5 millions d’euros en AE et de 2,52 millions d’euros en CP, initialement transférés en base dans le cadre du programme Interventions territoriales de l’État concernant la Guyane, ont été rapatriés au sein du programme 103 : pourquoi ?

Notre groupe votera bien évidemment pour les crédits de la mission.

M. Paul Christophe. Les crédits de la mission que nous examinons augmentent de plus de 3 % en 2021 ; le budget dédié à l’emploi, à l’insertion et à la formation professionnelle atteindra ainsi 13,2 milliards d’euros, auxquels s’ajoutent les 13 milliards d’euros du plan de relance dédiés aux mêmes thématiques.

Ces crédits sont particulièrement importants : ils représentent l’effort consenti par la société pour ne laisser aucun de ses membres de côté, permettre à ceux qui sont le plus éloignés du travail de retrouver un emploi et, ainsi, être véritablement plus inclusive. Il est impératif de ne pas former dans ce domaine une société à deux vitesses. Je crois fortement en la valeur intégrative du travail et en sa capacité à construire une société du vivre-ensemble. Il est primordial de lutter contre les fractures qui favorisent les replis, nuisant considérablement à notre modèle social. Par ces crédits spécifiques, nous y contribuons.

Afin de faire face aux conséquences de la pandémie, l’État a mis en œuvre au printemps des moyens sans précédent pour accompagner nos entreprises et soutenir l’emploi en prenant presque intégralement en charge l’activité partielle. En addition des moyens prévus dans le plan de relance, la mission Travail et emploi disposera l’année prochaine de 434 millions d’euros supplémentaires destinés au PIC, à l’aide unique à l’apprentissage et aux dispositifs d’IAE.

Le groupe Agir ensemble souligne l’effort particulier consenti pour l’accompagnement des jeunes. Les parcours contractualisés d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie, mis en œuvre par les missions locales, sont ainsi dotés de 82 millions d’euros, contre 65 millions d’euros en 2020. Le chômage des jeunes étant déjà fortement affecté par la crise, cet accompagnement adapté sera des plus bénéfiques.

De plus, les moyens dédiés à l’insertion des personnes handicapées sont portés à 430 millions d’euros, contre 407 millions en 2020. C’est très positif, car l’insertion professionnelle est essentielle pour elles : le travail est un lieu de vie, un instrument de lien social, mais aussi un opérateur de santé auquel il faut aider tout le monde à accéder.

Un budget de 23 millions d’euros est par ailleurs débloqué pour financer l’extension de l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » prévue par une proposition de loi en cours d’examen qui vient de faire l’objet d’une CMP conclusive. Nous avons défendu ce dispositif au nom du principe selon lequel personne n’est inemployable. La création d’une entreprise à but d’emploi permet bel et bien de redonner une utilité sociale à ses bénéficiaires. Notre groupe partage entièrement la philosophie de cette expérimentation. Je me réjouis donc de la mobilisation de ce budget.

Le nombre d’allocataires du revenu de solidarité active (RSA) a considérablement augmenté depuis le début de la crise sanitaire. Dans le département du Nord, par exemple, il est passé de plus de 100 680 personnes en mars à plus de 108 000 en septembre, la dépense mensuelle afférente étant portée de 56 à 60 millions d’euros. Au-delà de la politique d’accompagnement financier des allocataires, quel est, madame la ministre, votre point de vue sur la hausse du nombre de bénéficiaires du RSA au cours des mois à venir et sur les politiques publiques qui pourraient être menées, en partenariat avec les départements, pour favoriser leur retour à l’emploi ?

Mme Valérie Six. Le contexte sanitaire et économique dans lequel nous sommes saisis des crédits de la mission Travail et emploi est inédit. Je m’étonne que le plan de relance soit examiné séparément de cette mission : ce choix de présentation complique l’appréhension du budget global destiné au travail et à l’emploi. J’aurais préféré que les mesures finançant l’activité partielle et favorisant les embauches ou le développement de la formation soient également soumises à la commission des affaires sociales, pour permettre une vision d’ensemble.

Quant au fond, il faut donner la priorité aux éléments suivants. D’abord, les conditions de travail et la santé au travail : la crise sanitaire a bouleversé notre manière de travailler et conforte la place essentielle de la protection de la santé et de la sécurité des salariés. Cependant, et malgré plusieurs rapports, dont celui de notre collègue Charlotte Lecocq, la réforme de la santé au travail, engagée depuis 2018, reste au point mort. De plus, les crédits de paiement alloués à l’action 01 « Santé et sécurité au travail » du programme 111 Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail baissent de 0,5 %.

Notre seconde priorité doit être la protection des entreprises, des salariés les plus éloignés de l’emploi et de ceux dont l’emploi est menacé. Face à la crise, nous devons mobiliser tous les acteurs de l’emploi pour lutter contre le chômage : Pôle emploi, les missions locales, Cap emploi, l’Association pour l’emploi des cadres, les maisons de l’emploi.

Or le PLF ne prévoit pas de crédits pour subventionner le fonctionnement de ces dernières, pourtant essentielles à la politique de l’emploi au niveau territorial, véritables tremplins locaux pour l’accès à l’emploi. J’ai déposé un amendement visant à stabiliser le niveau des financements dont elles bénéficiaient de la part de l’État dans le PLF 2020, malheureusement déclaré irrecevable alors que, lors de l’examen de la mission en commission des finances, un amendement similaire de Marie-Christine Verdier‑Jouclas a été adopté, ce dont je me réjouis.

Le groupe UDI et Indépendants déplore que la collaboration effective entre les nombreuses structures d’accompagnement des demandeurs d’emploi ne soit pas mise en avant. Et pour cause : les financements sont attribués à chaque structure en fonction de leur objectif propre, ce qui les met en concurrence au lieu de les inciter à travailler de façon complémentaire. Nous souhaitons qu’elles choisissent des actions communes à coordonner sur le terrain en combinant les initiatives spécifiques à chacune du fait de leurs compétences propres et reconnues. Hier devant notre commission, Jean Bassères, directeur général de Pôle emploi, s’est dit favorable à ces partenariats locaux. Je propose donc l’instauration d’une prime de coopération dont le versement dépendrait de l’atteinte d’objectifs territoriaux communs, préalablement fixés. Seriez-vous prête, madame la ministre, à inciter ces structures à coopérer de cette manière et, si oui, dans quelle mesure ?

Mon prédécesseur, Francis Vercamer, vous avait proposé l’année dernière l’expérimentation du dispositif « territoires mobilisés pour l’insertion professionnelle » (TEMOINS) au bénéfice des intercommunalités volontaires incluant un ou plusieurs QPV. L’objectif est d’associer les différents acteurs travaillant pour l’emploi et l’insertion dans les QPV afin qu’ils coordonnent leurs actions et engagent ensemble les nouvelles opérations facilitant l’accès à l’emploi de celles et ceux qui en sont le plus éloignés. L’expérimentation vise à décloisonner les interventions des opérateurs de la politique de l’emploi, à créer parmi eux des habitudes de travail en commun et à mutualiser les actions pour l’emploi afin de leur donner plus d’efficacité et d’ampleur en plaçant les territoires de proximité au cœur de la dynamique. Vous le voyez, nous sommes sur la même longueur d’ondes ! Seriez-vous favorable à une telle expérimentation ?

Nous allons devoir faire face à une vague de personnes à la recherche d’un emploi : ce sont des formations courtes qu’il nous faut leur proposer afin de leur permettre de s’adapter au marché de l’emploi. Je salue donc l’augmentation des crédits destinés au développement de la formation professionnelle, notamment ceux visant à soutenir les contrats d’apprentissage et de professionnalisation, ainsi que la hausse des financements de l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA).

En ce qui concerne l’allocation de solidarité spécifique, je salue la revalorisation de la participation de l’État au financement du régime de solidarité et d’indemnisation du chômage. Mais dans quelle mesure est-elle susceptible d’évoluer en fonction des besoins créés par la crise ?

Enfin, l’enveloppe prévue pour aider les créateurs ou repreneurs d’entreprise par l’exonération de cotisations sociales est divisée par deux. Je le regrette dans le contexte actuel, où nous devrions soutenir l’emploi par tous les moyens. N’oublions pas que, parmi les demandeurs d’emploi, certains chercheront à créer leur emploi.

Mme Jeanine Dubié. Compte tenu de la crise économique et sociale dans laquelle notre pays risque de s’enfoncer durablement, le budget de la mission Travail et emploi est probablement l’un des plus substantiels du PLF 2021.

Quelques semaines seulement après le début du confinement, au printemps dernier, les chiffres du chômage n’étaient pas rassurants. Aujourd’hui, on constate une hausse de 10 % des dépenses liées au RSA et de 20 % du nombre de demandeurs d’emploi. C’est donc peu de dire que le soutien à l’emploi doit être une priorité et que les plus précaires, les plus fragiles et les jeunes doivent bénéficier d’une attention particulière.

La crise est intervenue alors même que le Gouvernement avait procédé à une réforme de l’assurance chômage, dont la mise en œuvre a été repoussée en raison du contexte – on sait depuis hier qu’elle l’est désormais jusqu’au 1er avril 2021. Madame la ministre, il faudrait aller jusqu’au 30 avril pour couvrir la durée de la saison hivernale, sans quoi les saisonniers d’hiver reviendront dans votre cabinet ! Nous regrettons également que ce report ne concerne pas le seuil de rechargement des droits et ne s’applique pas aux personnes ayant perdu leur emploi entre novembre 2019 et août 2020. La crise sanitaire et économique va durer. Pourquoi ne pas abandonner définitivement cette réforme ? D’autant qu’elle aura certainement des conséquences néfastes pour les travailleurs exerçant une activité discontinue, comme les intérimaires ou les saisonniers, déjà les plus pénalisés par la crise.

Les secteurs du tourisme, de la restauration, de l’hôtellerie et de l’événementiel sont en effet particulièrement touchés. Je salue donc l’amendement du Gouvernement au projet de loi de financement de la sécurité sociale qui permettra notamment des exonérations de cotisations pour ces entreprises très fragilisées et qui s’ajoute aux autres mesures de soutien.

Je reste cependant particulièrement inquiète de la situation des saisonniers. Je vous avais déjà interrogée sur la possibilité de proroger les droits aux allocations chômage des travailleurs saisonniers qui n’ont pas suffisamment travaillé ou qui n’ont pu signer de contrat de travail. Où en sont les discussions sur ce sujet préoccupant ?

Pour en revenir au PLF 2021, la plupart des dispositifs en faveur de l’emploi étant financés dans la mission Plan de relance, les crédits de la mission Travail et emploi reflètent probablement mal la politique globale du Gouvernement. Nous constatons que, par rapport à 2020, ils augmentent de 434 millions d’euros et que l’enveloppe globale passe – hors plan de relance – de 12,8 à 13,22 milliards d’euros.

Comme l’an dernier, la principale hausse concerne le PIC, dont le budget passe de 3 à 3,3 milliards d’euros.

Nous saluons le soutien à la formation et le plan de relance en faveur de l’apprentissage.

En dépit de ces efforts financiers, la crise sanitaire a affecté en 2020 la plupart des dispositifs de formation, dont ceux du PIC, puisque l’accueil physique des stagiaires dans les organismes de formation et les centres de formation d’apprentis a été suspendu à compter du 16 mars 2020. Dès lors, les objectifs pour 2021 sont en cours de révision. Quelles sont les perspectives en matière d’offre de formation et d’accueil des stagiaires ? Envisagez-vous un grand plan de formation aux métiers du soin et de l’accompagnement, qui souffrent d’une grave pénurie de vocations ?

Une question doit nous préoccuper s’agissant de la réforme de la formation professionnelle. Si ses effets sur l’emploi et sur la croissance sont positifs, en revanche, selon un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l’Inspection générale des finances (IGF) publié en septembre, il manquerait 4,9 milliards d’euros pour la période 2020‑2023. Ces prévisions doivent probablement être revues à l’aune de la crise sanitaire. Comment le Gouvernement entend-il traiter le problème, notamment par l’intermédiaire de France compétences ?

En dépit de mesures satisfaisantes en faveur de l’emploi – je pense notamment aux dispositifs d’insertion par l’activité économique –, le groupe Libertés et Territoires s’inquiète de la réduction des effectifs, à hauteur d’environ 500 équivalents temps plein, ministère et opérateurs confondus. Elle touche l’AFPA, dont la situation se dégrade depuis plusieurs années, mais aussi Pôle emploi ; certes, les effectifs de ce dernier augmentent par ailleurs dans le cadre du plan de relance, mais nous craignons que cette hausse ne soit que temporaire, alors même que la crise durable à venir devrait nous inviter à proposer des accompagnements pérennes et renforcés. Pouvez-vous nous rassurer sur ce point et – c’est le plus important – nous indiquer les orientations du Gouvernement en matière d’accompagnement des demandeurs d’emploi ?

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, rapporteure spéciale de la commission des finances pour les crédits de la mission Travail et emploi. Je félicite le Gouvernement d’avoir pris la mesure de la situation et de nous soumettre, dans le cadre de la mission Travail et emploi comme du plan de relance, un budget conséquent et digne, pouvant financer tous les outils dont nous avons besoin en matière d’insertion par l’activité économique et plus généralement de retour à l’emploi pour les personnes qui en sont dépourvues ou qui vont perdre le leur à cause de la crise sanitaire et économique.

J’entrerai davantage dans les détails lorsque nous examinerons les crédits de la mission dans l’hémicycle, mais toutes les lignes budgétaires fournissent un motif de satisfaction, qu’il s’agisse des jeunes, de l’IAE, des entreprises adaptées, de la garantie jeunes, des missions locales ou de Pôle emploi, doté des effectifs nécessaires pour faire face à la crise.

Deux remarques seulement. D’abord, une inquiétude – que vous allez assurément dissiper, madame la ministre – concernant les missions locales, dont le budget est en hausse et auxquelles nous confions une responsabilité considérable en leur demandant d’accroître le nombre de garanties jeunes, donc de jeunes à amener vers ce parcours. Certaines devront changer de locaux pour cela ; elles craignent de devoir engager des dépenses par anticipation faute de toucher des avances. Je ne formule cette observation que pour mieux vous permettre de les rassurer, comme je l’ai fait moi-même lors des auditions, quant à la volonté gouvernementale de les accompagner pour qu’elles atteignent le formidable objectif que nous leur fixons.

Ensuite, je salue les annonces faites par le Premier ministre samedi – vous étiez à ses côtés – d’une nouvelle augmentation du budget de l’IAE, mais ne serait-il pas dès lors judicieux de revaloriser celui du fonds de développement de l’inclusion (FDI) afin d’accompagner la hausse du nombre de contrats en IAE ?

Mme la ministre. Je vais tenter de répondre au plus grand nombre de questions possible, quitte à compléter mes réponses par écrit si je n’ai pas le temps de traiter certains points.

En ce qui concerne l’articulation des missions Plan de relance et Travail et emploi, nous avons fait le choix de présenter une mission de relance cohérente, pour montrer notre effort face à la crise, mais aussi parce que France Relance nous donne une souplesse qui nous permettra de réallouer les crédits le cas échéant selon l’évolution de la crise sanitaire et ses conséquences sur l’activité économique et sur l’emploi. Cela complique évidemment la compréhension des moyens consacrés à la politique du travail, de l’emploi et de l’insertion, que j’ai essayé de retracer.

S’agissant plus précisément de l’activité partielle, le recours à cette dernière, auparavant peu utilisée par les entreprises, a changé de dimension avec la crise, mais lors de la sortie de crise que nous espérons tous, nous pourrons rapatrier les crédits afférents vers la mission Travail et emploi.

Les finances de l’UNEDIC sont très affectées, ce qui rejaillira sur le budget de Pôle emploi avec deux ans de décalage, compte tenu des règles de fonctionnement en vigueur ; je veillerai naturellement à ce que ces pertes soient compensées pour Pôle emploi. À plus court terme, un chantier de l’agenda social est le cantonnement de la dette liée au covid pour l’ensemble des comptes sociaux et son effet sur l’assurance chômage. Un autre chantier concerne la gouvernance et le pilotage financier de l’assurance chômage, qui devraient précisément donner aux partenaires sociaux des leviers pour organiser le rééquilibrage des comptes sans avoir à absorber le choc de la « dette covid », qui doit faire l’objet d’un traitement spécifique.

S’agissant des emplois francs, nous renforçons le soutien de l’État en revalorisant la prime due la première année. Cela nous permet de nous fixer l’objectif de 33 000 entrées en 2021, soit autant que depuis le lancement du dispositif en avril 2018. Je suis cependant convaincue que l’argent, en la matière, n’est pas tout : pour que les jeunes des QPV accèdent à l’emploi, il faut les accompagner, faire comprendre aux entreprises que nous sommes là pour leur enseigner des codes qu’ils ne maîtrisent pas nécessairement et qu’elles doivent s’interroger sur la manière de les intégrer. J’ai donc demandé à mes services d’œuvrer à compléter le dispositif et les primes par un accompagnement vers et dans l’emploi – avant l’embauche, pendant l’embauche et après.

S’agissant de l’apprentissage, c’est vrai, la part des formations post-bac augmente. Nous devons rester très vigilants à deux niveaux. Tout d’abord, nous devons faire attention au travail des prescripteurs qui accompagnent les jeunes vers des formations infra-bac. Par ailleurs, nous avons engagé une discussion avec le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation pour que les financements affectés aux formations post-bac ne cannibalisent pas l’ensemble des moyens dédiés à l’apprentissage, ce qui pourra se traduire par un plafonnement du coût-contrat pour ces formations. En effet, les coûts contrats sont parfois extrêmement élevés, pour des formations qui pouvaient très bien être suivies auparavant, sans recourir à l’apprentissage et donc sans ces financements au contrat. Il me paraît donc raisonnable de plafonner le coût contrat pour les formations supérieures.

Pour ce qui est de France compétences, l’objectif est de parvenir à un équilibre – je vois mal comment il pourrait en aller autrement. Bien évidemment, il ne s’agit pas de pénaliser l’action de l’opérateur mais nous souhaitons que la gouvernance quadripartite prenne toute sa place, notamment face à un opérateur dont les recettes sont définies mais dont les dépenses sont dites de guichet. Cela ne signifie pas renoncer aux politiques prioritaires, en particulier l’apprentissage qu’il n’est pas question de freiner, mais nous nous sommes peut‑être montrés un peu trop généreux lors de la fixation du coût contrat — au-delà de ce que je viens d’expliquer pour l’apprentissage dans l’enseignement supérieur. Nous devons pouvoir disposer de ce type de leviers de régulation. Par ailleurs, nous devrons nous pencher sur des sujets de trésorerie, notamment pour rééquilibrer le profil entre les encaissements et les décaissements de l’opérateur. Celui-ci a été créé récemment mais il est important que la gouvernance quadripartite s’empare pleinement de son pilotage. C’est bien le sens de la règle d’or qui a été proposée.

Concernant le CPF, un quart des bénéficiaires avait fait basculer ses droits à la formation acquis au titre de l’ancien DIF vers son compte CPF. Nous avons donc choisi de reporter à nouveau la date limite pour basculer d’un dispositif à l’autre. Il est important que chacun se saisisse de cet outil. D’ailleurs, nous enrichissons le CPF. Ainsi, dans le cadre du plan jeunes, nous ferons apparaître sur le CPF l’ensemble des formations gratuites auxquelles un jeune peut accéder, notamment les formations financées par le PIC. Depuis septembre, les employeurs peuvent abonder les comptes CPF de leurs salariés. Par ailleurs, dans le cadre du plan de relance, le Gouvernement a décidé d’investir pour des formations orientées vers les secteurs d’avenir – la transition écologique, la transition numérique, la santé etc. Ce dispositif doit devenir une référence dans l’esprit de tous les salariés. Nous comptons communiquer auprès des employeurs et des salariés mais aussi enrichir le CPF pour que chacun s’emparer de cet outil d’émancipation.

Monsieur Didier Baichère, pour accélérer le déploiement du plan jeunes, nous avons d’abord besoin que les territoires s’en saisissent. Je m’appuie sur les préfets de région pour instaurer des gouvernances à l’échelle locale qui associent les collectivités et les partenaires sociaux. Nous avons également demandé aux préfets de région de travailler avec les préfets de département afin de décliner, le cas échéant à l’échelle des bassins d’emploi, des objectifs territoriaux partagés. Nous allons créer une nouvelle application qui devrait être disponible dans les tout prochains jours afin de rendre lisible l’ensemble de ces dispositifs. Nous avons voulu proposer, par le plan jeunes, une réponse adaptée à chacun. En contrepartie, nous devons clarifier l’ensemble pour que les jeunes identifient toutes les solutions de proximité auxquelles ils ont accès. Enfin, les parlementaires, peut-être mieux informés que les autres de toutes ces propositions, ont un rôle important à jouer pour les faire connaître.

Le dialogue social joue un rôle majeur pour surmonter la crise que nous traversons, en particulier pour permettre la reprise de l’activité à l’issue du confinement. Pas moins de 9 000 accords ont été signés pour mettre en œuvre les mesures sanitaires au sein des entreprises. Relevons également que 3 600 accords d’activité partielle de longue durée sont à présent entrés en vigueur dans les entreprises. On est encore capables, pour des sujets compliqués, de se projeter dans les prochains mois, d’anticiper le devenir de l’activité, de répartir l’activité entre les salariés, dans le cadre d’accords majoritaires, de mettre à profit les périodes non travaillées pour mettre en place des formations – c’est peut-être cette étape qui est encore devant nous. Je trouve remarquable que l’on y ait réussi.

La conférence sociale qui s’est tenue à Matignon en début de semaine mais aussi la réunion d’hier soir ont mis en évidence le très grand esprit de responsabilité des partenaires sociaux, que je salue. Le dialogue social finit toujours par porter ses fruits. C’est grâce au dialogue social que les entreprises ont bien voulu se saisir du plan jeunes. Le dispositif d’activité partielle de longue durée est une proposition des partenaires sociaux. Quant à celui qui permettra d’accompagner la reconversion des salariés des entreprises qui subissent une baisse durable de leur activité, vers des secteurs qui recrutent, il s’est, là encore, élaboré grâce au dialogue social.

J’ai toujours cru, quelles que soient les circonstances, au dialogue social mais la crise que l’on traverse nous démontre qu’il fonctionne dans notre pays.

Monsieur Stéphane Viry, il est majeur, pour la cohésion de notre pays, de favoriser l’insertion, de donner à chacun une qualification, de permettre à chacun de se former pour trouver un emploi. Nous nous y efforçons grâce à un ensemble de dispositifs qui permettent de maintenir les gens dans l’emploi – activité partielle, activité partielle de longue durée, dispositifs de reconversion pour changer de métier sans passer par le statut de demandeur d’emploi. Ces mesures contribuent à marquer la place du travail dans notre pays.

Nous avons également mobilisé Pôle emploi, notamment en direction des métiers en tension. Je ne sais pas si ce terme convient mais c’est une manière de répondre à l’une des questions qui a été posée au sujet des métiers du soin et de l’accompagnement. Il est tout de même paradoxal qu’au plus fort de cette crise, nous nous retrouvions avec d’un côté, une forte hausse du nombre de demandeurs d’emploi et de l’autre, des difficultés pour recruter dans des secteurs essentiels comme le soin ou l’accompagnement. Bien évidemment, il faut prévoir des formations, et j’en profite pour répondre d’ores et déjà à Mme Dubié que nous ouvrirons, grâce au financement exceptionnel du plan de relance, 6 000 formations d’infirmiers supplémentaires, 6 400 formations d’aides-soignants et 3 600 formations d’auxiliaires de vie.

Au-delà du problème de la formation, il faut pouvoir trouver les personnes qui acceptent de s’engager dans ces métiers, ce qui pose la question de l’attractivité et du déroulement de carrière. Nous en parlons avec Mme Brigitte Bourguignon. En tout cas, Pôle emploi, pour revenir à la question de M. Viry, est très mobilisé pour ces métiers, comme il peut l’être pour ceux du bâtiment et des travaux publics. Le contexte économique est compliqué mais le plan de relance prévoit de nombreux outils qui permettront d’accompagner les collectivités territoriales pour soutenir le secteur du bâtiment public et des travaux publics. Encore faut-il avoir les salariés formés pour accéder à ces métiers. Nous avons donc mobilisé Pôle emploi pour distinguer, parmi les demandeurs d’emploi, ceux que l’on pourrait orienter vers les métiers du bâtiment et des travaux publics.

Dans le contexte actuel, il faut savoir faire preuve d’imagination. C’est vrai, nous avons appuyé le plan jeunes sur des dispositifs existants car nous avons eu peur de prendre du retard en en créant de nouveaux. Cela étant, peut-être reste-t-il des trous dans la raquette au niveau des mécanismes qui permettent d’accompagner les jeunes. Pour les combler, il est nécessaire de nous informer des cas où certains jeunes n’auraient pas pu être accompagnés vers une qualification, une formation, un emploi pour que nous adaptions nos dispositifs. Quant aux personnes les plus éloignées de l’emploi, vous aurez noté l’effort consenti pour les insérer par l’activité économique. Soyons clairs : il est important de prévoir des financements pour créer des postes supplémentaires à condition que les entreprises d’insertion aient accès à des marchés. C’est le sens de la réflexion confiée à Thibaut Guilluy, haut-commissaire à l’emploi et à l’engagement des entreprises. C’est en tout cas le sens des achats inclusifs : nous devons parvenir, par l’intermédiaire des achats publics et privés, à donner de l’activité à ces entreprises d’IAE, si l’on veut répondre à la diversité des situations.

Pour ce qui est du rapprochement entre Pôle emploi et Cap emploi, nous avons pris du retard dans les objectifs initialement fixés en raison de la crise sanitaire. En tout cas, au 1er janvier 2021, l’offre de service intégré des demandeurs d’emploi en situation de handicap devrait être déployée sur 220 agences de Pôle emploi, le déploiement à la totalité des 930 agences de Pôle emploi et des 98 agences Cap emploi étant prévue pour avril 2021. Heureusement, nous avons pu nous appuyer sur une phase pilote qui nous a permis de bien concevoir le dispositif et d’échapper à une vision quelque peu hors sol de ces sujets. La construction est bien engagée et le groupe de travail qui réunit l’ensemble des contributeurs de données à transmis ses propositions, qui seront prises en compte.

S’agissant de la contractualisation des dépenses engagées au titre du programme 103, dans le cadre des contrats de plan État-région, nous souhaitons maintenir, pour les contrats de plan 2021-2027, les crédits précédemment prévus entre 2015 et 2020. L’État signera également des accords régionaux de relance avec les régions, à hauteur de 3 milliards d’euros, notamment pour travailler sur les dispositifs du plan « 1 jeune, 1 solution », dont les objectifs ont d’ores et déjà été déclinés à l’échelle régionale.

Monsieur Paul Christophe, le nombre d’allocataires du RSA augmente dans tout le territoire, ce qui nous conduit à accélérer le déploiement du service public de l’insertion et de l’emploi. Des expérimentations devaient être menées dans quatorze départements mais la crise a interrompu les démarches engagées. Nous avons la ferme intention d’avancer au cours de l’année 2021 dans trente départements, et dans trente-cinq supplémentaires en 2022. Il me semble indispensable que chaque personne éloignée de l’emploi puise s’adresser à un référent unique, que l’on puisse proposer un accompagnement global, régler les problèmes de systèmes d’information, afin d’assurer un véritable suivi de ces personnes. C’est le sens des crédits qui vous seront proposés pour lancer l’expérimentation dans trente départements en 2021.

Madame Valérie Six, je ne peux vous laisser dire que la réforme de la santé au travail est au point mort. Ce n’est pas, en tout cas, la vision qu’en ont les partenaires sociaux. Vous le savez, j’échange régulièrement avec eux et ce point figure à l’agenda social. Cela étant, lorsque les partenaires sociaux négocient entre eux, il est bien évident que le Gouvernement les laisse faire. C’est notamment le cas dans le domaine de la santé au travail. Nous avons à nouveau échangé récemment à ce sujet avec les partenaires sociaux : ils ont confiance dans les chances d’aboutir à un accord sur ce sujet majeur. À ce stade, nous allons continuer à leur faire confiance. Nous leur avons dit, lors de la conférence du dialogue social, lundi dernier, que le Gouvernement se tenait à leur disposition et que les vecteurs législatifs nécessaires pour concrétiser ces accords seraient ensuite trouvés — je ne pense pas que les parlementaires me contrediront.

Concernant les maisons de l’emploi, il a été entendu, suite à la création de Pôle emploi et au constat, dressé à l’époque, du caractère limité de la couverture du territoire par ces maisons de l’emploi, qu’elles concentreraient leur action sur la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences territoriales ou sur les clauses sociales, tout en se plaçant dans une logique d’appels à projets grâce à des financements provenant, par exemple, du PIC ou du Fonds social européen. Je connais l’attachement des parlementaires à ce sujet et je suppose que les amendements seront nombreux. Nous y serons attentifs.

La coopération entre Pôle emploi et les missions locales est essentielle. Un jeune ne doit pas être pénalisé parce qu’il aurait frappé à la porte de Pôle emploi au lieu d’une mission locale. C’est pour cette raison que, dans le cadre du plan jeunes nous avons fixé des objectifs communs entre les missions locales et Pôle emploi en les invitant à s’organiser pour travailler ensemble. Nous avons un besoin impératif, urgent, massif, de missions locales dans la période que nous traversons, ce qui explique que nous ayons renforcé leurs moyens. Je n’ai pas été alertée sur d’éventuelles difficultés qu’elles pourraient rencontrer, alors que l’on échange régulièrement avec le président de l’union nationale des missions locales. S’il a des messages à nous transmettre, nous serons à son écoute. Il est très important, du fait de la période qui s’annonce, de s’assurer que les missions locales ont tous les moyens nécessaires pour accueillir les jeunes qui en auraient besoin. J’y veillerai personnellement.

J’enchaîne avec le FDI. Le défi de l’IAE est considérable puisque nous avons la volonté de créer 65 000 places supplémentaires en 2021. C’est adapté au contexte actuel mais il faut que nous ayons les marchés pour ces structures d’IAE et que nous soyons capables d’accompagner leur transformation. Nous devons, pour cela, utiliser avec souplesse les moyens, qu’il s’agisse de l’aide au poste ou des financements du FDI, comme en 2020. En tout cas, il faudra lever tous les freins au développement des structures d’IAE.

Par ailleurs, le Premier ministre a annoncé le nouveau report, de trois mois, de la réforme de l’assurance chômage. Pour autant, le Gouvernement est attaché à cette réforme dont les objectifs ne sont pas remis en cause par la crise : encourager les entreprises à proposer des emplois de meilleure qualité. Nous sommes les champions d’Europe des contrats courts alors qu’ils fragilisent grandement les salariés, en particulier dans la crise actuelle. L’objectif d’inciter les entreprises à améliorer la qualité de l’emploi reste valable. On doit toujours gagner à reprendre un emploi plutôt qu’à rester demandeur d’emploi. Pour autant, il faut prendre en compte le contexte. Les chiffres du troisième trimestre, qui viennent de nous être communiqués, montrent que la situation n’était pas si mauvaise. Si le nombre de demandeurs d’emploi de catégorie A avait fortement augmenté en raison de la crise, au deuxième trimestre, cette hausse s’est réduite de deux tiers par la suite et cette tendance s’est poursuivie en septembre.

Ces résultats ne nous empêchent pas de porter une attention particulière à certaines évolutions, notamment l’augmentation de 200 000 demandeurs d’emploi non indemnisés par rapport à février, ce qui est certainement lié à l’augmentation du nombre de bénéficiaires du RSA. On constate également que certains salariés précaires, qui parvenaient à avoir un niveau de vie satisfaisant en combinant les revenus qu’ils tiraient de l’enchaînement de CDD courts et les allocations de demandeur d’emploi, n’y parviennent plus dans la période actuelle. Pour remédier à cette situation, nous proposons des mesures en direction des entreprises afin de soutenir l’activité, comme le dispositif de l’activité partielle. Nous avons pris des dispositions pour favoriser l’embauche – je vous renvoie à tout ce qui concerne l’insertion par l’activité économique.

Récemment, le Premier ministre a annoncé des mesures pour renforcer le plan de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale. Je reste très vigilante à la situation des personnes qui avaient signé des contrats courts ou précaires. Nous en discuterons dans le cadre de la réforme de l’assurance chômage. Je ne sais pas si les décisions que le Président de la République prendra pour faire face à la crise sanitaire nous amèneront à prévoir des mesures exceptionnelles pour indemniser le chômage de tous les demandeurs d’emploi mais nous devrons, quoi qu’il en soit, nous pencher sur le sort des travailleurs qui alternent périodes de chômage et périodes d’emploi. On insiste beaucoup pour que Pôle emploi identifie les personnes susceptibles d’être fragilisées par la crise mais, finalement, on se rend compte que tous les secteurs recourent au contrat court, pas seulement celui de l’événementiel ou du tourisme. Nous devons avoir une vision globale du problème des personnes fragilisées du fait de leur modèle de revenus qui, en enchaînant contrats courts et indemnisation chômage, ne fonctionne plus en période de crise. Plus structurellement, nous devrons également prévoir des mesures pour sécuriser ces personnes fragilisées et en grande précarité, qui parviennent encore à s’en sortir en temps normal, mais ne le peuvent plus en temps de crise. Le travail est engagé et nous l’évoquerons avec les partenaires sociaux dans le cadre des discussions que nous menons autour de la réforme de l’assurance chômage.

M. Bernard Perrut. Les jeunes sont notre priorité, dans cette période difficile, et je salue le travail des missions locales, en lien avec Pôle emploi. Comment expliquez-vous, madame la ministre, que les montants affectés aux moyens d’accompagnement et à la garantie jeunes diffèrent autant entre la mission Travail et emploi et la mission Plan de relance ? Les évaluations du dispositif ont apporté la preuve de son utilité et si les moyens investis par la nation restent insuffisants dans le cadre du plan de relance, les effets de la montée en charge du dispositif – 50 000 supplémentaires – seront annulés par une dégradation du dispositif et de ses résultats. Ne conviendrait-il pas de mettre en cohérence les moyens mis à disposition pour accompagner les jeunes en situation de précarité et augmenter l’enveloppe prévue dans le plan de relance, par jeune, pour la ramener au même niveau que dans le programme 103, ce qui correspondrait à une augmentation de 33 millions d’euros de l’enveloppe globale de 133 millions prévue par le plan de relance pour les missions locales. Vous avez indiqué, madame la ministre, que les missions locales ne vous avaient pas fait part de leurs réflexions. C’est, en tout cas, l’une de celles qu’elles ont adressées aux parlementaires.

M. Thierry Michels. Concernant l’action dédiée aux entreprises adaptées du programme 102 Accès et retour à l’emploi, une réforme importante du modèle des entreprises adaptées a été initiée en 2018, à travers l’expérimentation de nouveaux dispositifs que sont les CDD « tremplins », l’entreprise adaptée de travail temporaire et l’entreprise adaptée pro‑inclusive. Compte tenu des difficultés liées à l’épidémie que connaît l’emploi dans notre pays, pourriez-vous nous détailler les mesures prises pour que le déploiement de ces dispositifs n’en supporte pas les conséquences ? Que pourriez-vous nous dire, en particulier, des premiers résultats du plan de soutien aux entreprises sociales inclusives, dont les entreprises adaptées, annoncé en août 2020 ?

Par ailleurs, les entreprises adaptées relèvent de la compétence du ministère du travail alors que le dispositif de l’emploi accompagné est supervisé par le ministère de la santé. Comme la coordination s’opère-t-elle pour un suivi effectif de l’avancement des différentes expérimentations en faveur d’une meilleure inclusion dans l’emploi des personnes handicapées ?

M. Thibault Bazin. Je souhaite vous transmettre deux sujets d’inquiétude, dans notre territoire frappé par les pertes d’emploi. Concernant le handicap, tout d’abord, beaucoup d’ESAT réalisent un travail remarquable pour insérer professionnellement les personnes en situation de handicap mais leurs acteurs sont inquiets pour l’avenir. Au regard du contexte économique, avez-vous compris que l’inclusion dans le milieu ordinaire s’avère bien difficile ? Êtes-vous prête à faire perdurer le modèle des ESAT, bien adapté pour répondre à la situation de nombreuses personnes en situation de handicap ?

S’agissant des territoires oubliés, par ailleurs, ma circonscription compte des milliers de demandeurs d’emplois mais elle reste exclue du dispositif des emplois francs en raison de l’absence de quartier prioritaire de la politique de la ville. Pourtant, les secteurs en renouvellement urbain où le nombre de demandeurs d’emploi est élevé, ne manquent pas. Madame la ministre, donnerez-vous les mêmes chances à tous les territoires en souffrance ? Êtes-vous prête à revoir les zonages pour qu’ils soient plus équitables et n’oublient personne au bord du chemin ?

M. Belkhir Belhaddad. Je crois en l’intérêt du dispositif des emplois francs, meilleur que celui des zones franches, précédemment mis en place et totalement dévoyé par les entreprises. Vous avez annoncé 33 000 nouvelles entrées en emplois francs et 93 millions supplémentaires en autorisations d’engagement pour 2021 à destination des QPV. Ce dispositif a cependant soulevé quelques critiques, notamment parce qu’il ne rencontrerait pas toujours son public. Vous l’avez d’ailleurs évoqué en soulignant la nécessité de prévoir des mesures d’accompagnement. Je suis d’accord avec vous. Toute la difficulté est de diriger ces jeunes vers ces dispositifs extrêmement intéressants. Quelles pistes nous proposez-vous ?

Mme Perrine Goulet. On ne peut que saluer l’ampleur du plan de soutien à la formation et l’emploi des jeunes. Les moyens d’action de nombreux dispositifs augmentent, mais les écoles de la deuxième chance ne bénéficient pas de cette dynamique. Le budget que consacre l’État à cette mission est identique qu’en 2020, et je n’ai pas trouvé de ligne sur ce dispositif dans le plan de relance.

Le projet annuel de performances prévoit d’ouvrir 2 000 parcours supplémentaires en 2022 : serait-il possible d’avancer cette échéance à 2021 ? Les jeunes sortants des écoles de la deuxième chance peuvent bénéficier d’emplois francs s’ils sont issus d’un quartier prioritaire de la politique de la ville ou, à La Réunion, dans le cadre du plan Pétrel. Serait-il possible d’étendre les emplois francs à tous les jeunes sortants des écoles de la deuxième chance en zone rurale ?

Mme Isabelle Valentin. Dès la première vague du covid-19, des mesures d’urgence ont été prises par le Gouvernement pour accompagner les entreprises et les salariés. Mais comment expliquer que nous manquions cruellement de personnel dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes et les hôpitaux ? Comment expliquer que l’intérim médical renchérisse les coûts : 606 euros par jour pour un médecin, 300 euros par jour pour un aide-soignant ? Comment expliquer que Pôle emploi ne travaille que depuis septembre sur les fichiers des personnes aptes à rejoindre les entreprises et les établissements de santé ?

Les 16 000 formations supplémentaires d’infirmiers, aides-soignants et auxiliaires de vie sont une bonne nouvelle, mais pourquoi avoir tant attendu ? Pourquoi ne pas avoir profité du répit de l’été pour les mettre en place ?

Pourquoi l’aide à l’embauche des jeunes, de 4 000 euros, est-elle aussi encadrée ? Les entreprises qui ont embauché des jeunes en CDD cet été et souhaitent leur offrir un CDI ne peuvent y prétendre, puisqu’ils faisaient partie des effectifs en août. Certaines entreprises renonceront aux CDI et embaucheront d’autres jeunes.

L’augmentation de 50 % du nombre de contrats garantie jeunes est notable. Dans ma circonscription, sur 700 garanties jeunes, seulement dix ont répondu favorablement pour travailler dans les métiers du sanitaire.

Les certificats de qualification professionnelle sont une solution rapide pour répondre aux besoins des entreprises et des territoires. Envisagez-vous de les développer ?

M. Philippe Vigier. Madame la ministre, croyez-vous raisonnable de ne prolonger que de trois mois le report de la réforme de l’assurance chômage ? Nous allons subir de plein fouet le confinement qui arrive, offrir un peu plus de lisibilité, sans renoncer à la réforme, apporterait de la sérénité aux partenaires sociaux.

Le chômage des jeunes explose, et je m’inquiète de constater à quel point ils sont abandonnés à eux-mêmes. Vous dites être en relation étroite avec les missions locales. Pour y avoir participé dans ma circonscription, je ne suis pas persuadé que les moyens dévolus soient à la hauteur des enjeux. Cette génération sacrifiée a vécu le drame du confinement pendant deux mois et va de nouveau être confrontée à une période difficile, nous devons employer les grands moyens.

Le directeur général de Pôle emploi a déclaré que les 1 500 collaborateurs récemment recrutés seront formés en seulement six semaines. Ce n’est pas sérieux ! Je me suis fait passer pour un quidam au chômage, pour voir dans quelle mesure ils étaient capables de m’accompagner. J’ai été reconnu au bout de 2 heures, mais j’ai constaté qu’en dehors de liens internet, il n’y avait pas de prise en charge, pourtant indispensable.

Je sais que le contexte est difficile, mais il faut renforcer les rapports humains. Le plan de 2005 de MM. Borloo et Larcher prévoyait de rencontrer les gens très souvent, pour les sécuriser, les rassurer, et les accompagner sur une nouvelle voie.

Mme le ministre. Monsieur Perrut, la lecture du budget n’est pas simple, mais je vous assure que tous les moyens pour les missions locales sont prévus. Les crédits d’intervention prévoient 100 millions d’euros pour disposer d’effectifs, et si les missions locales ont des difficultés, qu’elles nous en informent.

Les crédits affectés à la garantie jeunes augmentent de 50 % en additionnant les crédits portés au budget du ministère et à la mission Plan de relance. C’est un excellent dispositif, et je regrette que l’objectif ne soit atteint qu’à 60 %. Par comparaison, l’accompagnement intensif des jeunes, dispositif comparable proposé par Pôle emploi, est à 70 % de ses objectifs. Nous mettrons le paquet sur les garanties jeunes et nous nous assurerons que les missions locales ont les ressources pour accueillir les jeunes, quelles que soient les restrictions dues aux mesures sanitaires. Si besoin, nous abonderons les crédits. Tous les jeunes doivent accéder à une qualification, un accompagnement, une formation ou un emploi.

S’agissant des dispositifs de soutien aux entreprises inclusives, nous avons décidé de travailler en deux temps avec l’enveloppe de 300 millions d’euros. Tout d’abord, 134 millions d’euros ont été engagés pour pallier les difficultés qu’elles ont connues lors du confinement. Ensuite, les projets de développement de ces entreprises inclusives se multiplient. Le calendrier étant un peu serré, nous verrons comment continuer à les accompagner au début de l’année 2021.

Nous coordonnons nos efforts avec le secrétariat d’État aux personnes handicapées au sujet des ESAT et des entreprises adaptées. Nos dispositifs sont complémentaires, notamment les emplois accompagnés, qui sont une très bonne mesure. Les mesures d’accompagnement des personnes handicapées peuvent nous inspirer pour trouver les réponses à d’autres difficultés. Nous disposons d’une palette de réponses que nous articulons au mieux entre ESAT, entreprises adaptées et emplois accompagnés.

Les emplois francs ne sont pas prévus pour les zones rurales, mais pour les QPV. Mais nombre de dispositifs s’appliquent sur tout le territoire, en particulier la prime exceptionnelle à l’embauche ou les PEC. Je n’ai pas identifié de difficultés propres aux jeunes en zone rurale.

M. Thibault Bazin. Je ne parlais pas des zones rurales, mais des zones de renouvellement urbain (ZRU).

Mme la ministre. Vous évoquez les ZRU qui ne sont pas des QPV. Je prends note de votre remarque, nous allons consulter la carte.

Nous devons articuler les aides au poste, l’accompagnement, et aller chercher les jeunes. Tous les acteurs dans les QPV doivent coopérer, et nous échangeons régulièrement avec Mme Nadia Hai. Le ministère du travail souhaite devenir partenaire des cités éducatives. Par ailleurs, les cités de l’emploi permettent de réunir tous les acteurs qui accompagnent les jeunes. Nous voulons aussi projeter Pôle emploi dans les quartiers prioritaires. Nous devons aller chercher tous les jeunes pour les amener dans nos dispositifs.

Il n’est pas prévu de moyens spécifiques pour les écoles de la deuxième chance en 2021. Si nous recevons des projets de développement, nous pourrons réallouer des financements. J’ai rencontré les responsables de ces écoles, ils n’ont pas formulé de demandes de renforts dès 2021, mais je suis ouverte à tout. Tous les dispositifs peuvent être mobilisés dans la période actuelle pour nous assurer de tenir l’engagement : un jeune, une solution.

S’agissant de la réforme de l’assurance chômage, nous travaillons sur les différents paramètres pour prendre en compte les objectifs initiaux de la réforme et les situations particulières créées par la crise.

Quant à l’emploi des jeunes, avec le plan que nous avons présenté dès le mois de juillet, notre objectif est bien de ne pas laisser une génération sacrifiée. Nous devons apporter une réponse à chaque jeune.

La commission en vient à l’examen des crédits de la mission Travail et emploi.

Article 33 et état B

La commission est saisie de l’amendement II-AS23 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur. Avant la pandémie de covid-19, un rapport a été réalisé par l’IGAS et l’IGF sur les conséquences financières de la réforme et la trajectoire d’équilibre de France compétences. Le déficit de France compétences était lié à la reprise du financement des contrats d’apprentissage conclus par les régions. Avec la survenue de la crise du covid‑19, ce déficit va s’aggraver. Les 750 millions d’euros de subventions seront insuffisants pour retrouver l’équilibre si la tendance reste identique. Le conseil d’administration de France compétences s’est engagé à un retour à l’équilibre, dans le cadre de la gouvernance quadripartite. Je propose d’augmenter de 250 millions d’euros la subvention à France compétences pour l’aider à passer cette période difficile.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement II-AS16 de M. Stéphane Viry.

M. Stéphane Viry. Cet amendement tend à donner plus de moyens à Pôle emploi pour affronter le choc qui se dessine en 2021. Pôle emploi est un opérateur efficient, agile, réactif, qui s’adapte aux besoins des entreprises et à la situation des demandeurs d’emploi. Mais lorsque le nombre de dossiers à traiter par chaque conseiller augmente, le travail ne peut se faire dans les mêmes conditions. La seule solution est d’augmenter les effectifs : c’est pourquoi je propose de transférer certains crédits pour donner à Pôle emploi les moyens d’assumer sa mission dans les mois à venir.

Mme la rapporteure spéciale. Je suis d’accord avec vous, il faut donner les moyens à Pôle emploi de remplir sa mission, surtout dans le contexte que nous vivons. Le plan de relance lui octroie précisément 250 millions d’euros supplémentaires, et le projet de loi de finances prévoit 2 433 équivalents temps plein travaillé (ETPT). Ils seront affectés à l’accompagnement des jeunes, qui constituent la priorité, mais aussi au paiement des indemnités qu’il faudra verser en raison de l’augmentation du nombre de chômeurs, et à l’accompagnement de ces nouveaux chômeurs, pour qu’ils retrouvent rapidement un emploi.

L’année dernière, les effectifs de Pôle emploi avaient été augmentés de 1 000 ETPT pour lancer le « pack de démarrage », qui a pour but d’accompagner les nouveaux entrés et les entreprises qui n’auraient pas trouvé un salarié répondant à leur proposition d’embauche au bout de trente jours.

Nous partageons tous votre souci, mais ce projet de loi de finances donne les moyens nécessaires à Pôle emploi.

M. Stéphane Viry. La rapporteure spéciale est d’accord avec moi, mais elle considère qu’il ne faut pas voter cet amendement. Je déplore ce blocage psychique ! J’ai lu dans le rapport de Gérard Cherpion que les crédits de Pôle emploi étaient en baisse – il l’a d’ailleurs indiqué à la ministre. Cet amendement apporte une réponse à ce constat.

Certes, 1 000 ETPT ont été recrutés, mais ce sont des CDD ; ils ne sont donc pas pérennes. La mission de Pôle emploi est double : payer des indemnités, ce qui va mobiliser les services pour éviter les ruptures, mais aussi assurer le placement des demandeurs d’emploi. Cette seconde mission ne devrait pas être délaissée en raison de la mobilisation de tout le personnel pour le versement des indemnités. Il faut renforcer les effectifs, et je ne désespère pas de convaincre la rapporteure spéciale d’ici à la séance.

M. le rapporteur. M. Viry a développé l’argumentaire que je souhaitais exposer, je l’en remercie !

La commission rejette l’amendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements II-AS18 et II-AS19 de M. Stéphane Viry.

M. Stéphane Viry. Nous avons un certain nombre d’outils pour favoriser l’accès à l’emploi des personnes les plus en difficulté ; les dispositifs se sont sédimentés au fil du temps. Mais nous pouvons encore faire preuve d’innovation en la matière.

Pour le tissu associatif, les PEC ne fonctionnent pas assez bien. Et il n’y a plus de statut d’emploi associatif qui offre des solutions de premier emploi pour un certain nombre de jeunes. Je propose donc d’expérimenter, comme nous l’avons fait pour le dispositif « territoires zéro chômeurs de longue durée », des solutions d’emploi qui mobilisent le tissu associatif, en particulier sportif.

Nombre d’associations sportives évoluent à un niveau soutenu sans être professionnelles. Elles ont besoin de se mettre en ordre de marche pour fonctionner les week‑ends : préparer l’accueil du public, ouvrir la buvette, laver les maillots, et ainsi de suite. Ces tâches étaient autrefois assumées par des bénévoles, mais les associations peinent désormais à en trouver. Ces services inhérents à l’activité sportive pourraient être pris en charge par des personnes qui seraient placées en situation de travail, dans le cadre d’un parcours d’insertion.

J’ai éprouvé cette idée auprès d’acteurs dans les Vosges, tous y sont favorables, mais il faut un amorçage. Cet amendement propose de tester ce nouvel outil mobilisant le tissu associatif pour remettre des gens en situation de travail.

M. Didier Baichère. Nous partageons cet objectif, mais dans le cadre du plan « 1 jeune, 1 solution », il est prévu que 2 500 jeunes soient orientés vers les métiers du sport par l’Agence nationale du sport. Ce nombre est suffisant pour mener une expérimentation.

M. Belkhir Belhaddad. En effet, l’Agence nationale du sport s’est vue confier cette tâche : le plan de relance lui affecte 120 millions d’euros, dont 30 millions au bénéfice des clubs sportifs. Ces crédits répondent aux préoccupations des clubs suite à la crise sanitaire, et au besoin de pérennisation de ces emplois, qui font l’objet de contractualisation avec les collectivités locales pour trois à quatre ans.

Mme Perrine Goulet. Dans le cadre du dispositif SESAME, 1 000 emplois sont prévus chaque année, et le plan de relance va permettre d’en financer 3 000 de plus. Votre amendement est satisfait.

M. le rapporteur. Le plan de relance prévoit deux types de financement : un accompagnement des associations sportives locales pour 11 millions d’euros, et le dispositif SESAME, pour 6 millions. Mais l’amendement de M. Viry s’applique spécifiquement aux jeunes, pour les insérer dans les métiers du sport. J’y suis favorable.

La commission rejette l’amendement II-AS18.

L’amendement II-AS19 est retiré.

La commission étudie l’amendement II-AS24 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur. Je propose de maintenir le niveau de la contribution de l’État au dispositif « territoires zéro chômeur ». Son extension va conduire à une progression du nombre d’emplois aidés. En 2021, la participation de l’État s’établirait à 22,61 millions d’euros pour 1 519 emplois, contre 28,5 millions d’euros pour 1 750 emplois en 2020. Le montant consacré à chaque contrat diminuerait de 8,6 %.

Mme la rapporteure spéciale. Je comprends votre propos, car je me suis moi-même préoccupée de cette question. L’année dernière, l’exécution de ce budget a uniquement été d’environ 16 millions d’euros.

La proposition de loi a fait l’objet d’un accord ce midi en CMP. En prenant en compte les délais pour publier les décrets et habiliter les candidats, le budget prévu, supérieur à l’exécution de l’année passée, est largement suffisant. L’association Territoires zéro chômeur en convient.

Si d’aventure le budget s’avérait insuffisant, et que de nombreux territoires étaient habilités l’année prochaine, j’ai demandé à la ministre de s’engager à abonder les crédits pour que les contraintes budgétaires n’interdisent pas de retenir des territoires en 2021. Vous avez mon engagement, et je me fais fort d’obtenir celui de la ministre.

M. Stéphane Viry. Nous avons beaucoup et bien travaillé avec la rapporteure spéciale sur le dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée », nous pourrions parler de « PACS intellectuel » entre nous. Mais je vais rompre ce PACS, madame la rapporteure spéciale ! Vous dites qu’il n’y aura peut-être pas assez de crédits en 2021, mais que nous verrons le moment venu. Comment tenir un tel discours face au défi du chômage que nous allons devoir relever ? Vous avez été remarquable pour installer le dispositif « territoires zéro chômeur », mais vous lui coupez les vivres avant qu’il ne démarre.

Cet amendement est pondéré et juste : j’invite la majorité à se désolidariser de sa rapporteure spéciale !

Mme la rapporteure spéciale. Je n’entrerai pas dans un aparté, cher collègue. Je vous rappelle que les départements contribueront au financement des territoires ; l’État ne financera pas seul le dispositif. En outre, les calculs et les prévisions ont été faits avec l’association Tterritoires zéro chômeurs. Je suis donc totalement confiante Je demande à mes collègues de ne pas se désolidariser de ma décision !

M. le rapporteur. Je connais en effet votre détermination, mais l’objet du budget est de fixer des sommes et un objectif. Même si les crédits ont été sous-consommés l’année dernière, l’adoption de la proposition de loi va créer un effet d’entraînement. Mieux vaut donc inscrire ces sommes au budget.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement II-AS17 de M. Stéphane Viry.

M. Stéphane Viry. Madame la rapporteure spéciale, j’ai relevé que vous aviez fait corriger par la commission des finances une erreur fondamentale du Gouvernement et de la majorité concernant les maisons de l’emploi. Je crois profondément aux solutions locales, car dans certains territoires, il y a des énergies positives. Encore faut-il leur donner les moyens de se structurer.

Mme la rapporteure spéciale. La commission des finances a voté un budget de 5 millions d’euros pour les maisons de l’emploi. Je vous invite à retirer votre amendement, pour en redéposer un pour la séance prévoyant le même montant : je vous assure qu’il sera adopté.

M. Stéphane Viry. Je crois en la sincérité de la rapporteure spéciale ; je retire donc mon amendement.

L’amendement est retiré.

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Travail et emploi sans modification.

Après l’article 58

La commission est saisie de l’amendement II-AS25 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur. Je demande au Gouvernement de remettre un rapport au Parlement sur les effectifs de France compétences. France compétences a beaucoup de travail, dont elle s’est bien acquittée. Ce projet de loi de finances relève son plafond d’emplois de 70 à 74 emplois. Je propose de le porter à 80 ETPT. Rappelons que France compétences doit gérer un budget de 9 milliards d’euros par an.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement II-AS26 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur. Je demande un nouveau rapport sur l’équilibre du dispositif de financement de l’apprentissage et de la formation professionnelle.

M. Didier Baichère. Vu l’importance de l’apprentissage, ce rapport nous semble intéressant ; nous voterons cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement II-AS27 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Il s’agit d’une demande de rapport sur le pilotage de la formation des chômeurs par les régions, après l’expérimentation qui a été lancée.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement II-AS28 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur. Le dispositif ARDAN permet à des entreprises de recruter une personne pour développer un projet particulier. Ce système fonctionne très bien : le taux d’insertion après la période de six mois pendant laquelle la personne a été dans l’entreprise est supérieur à 85 %. Mais ce dispositif a été freiné dans son développement par la création des nouvelles régions. Il est demandé un rapport permettant de dresser un état des lieux de ce système qui donne d’excellents résultats.

La commission rejette l’amendement.

 

La réunion s’achève à dix-sept heures.

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