Compte rendu

Commission
des affaires sociales

– Examen du projet de loi relatif à la protection des enfants (n° 4264) (Mmes Bénédicte Pételle et Michèle Peyron, rapporteures)               2

– Informations relatives à la commission  .....................43

 

 

 

 


Mercredi
30 juin 2021

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 99

session ordinaire de 2020-2021

Présidence de
Mme Fadila Khattabi,
Présidente
 


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COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 30 juin 2021

La séance est ouverte à neuf heures trente.

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La commission procède à l’examen du projet de loi relatif à la protection des enfants (n° 4264) (Mmes Bénédicte Pételle et Michèle Peyron, rapporteures).

 

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous abordons l’examen du projet de loi relatif à la protection des enfants. Je me réjouis de cette discussion sur ce beau texte, attendu et sur lequel nombre de collègues travaillent depuis longtemps. Nous sommes tous animés par un objectif commun : renforcer la protection des enfants et lutter davantage contre les violences qu’ils subissent. C’est une préoccupation majeure pour beaucoup de nos concitoyens. Compte tenu de ces enjeux, je ne doute pas que seront étudiées avec toute la sérénité requise les questions les plus sensibles abordées par ce projet de loi.

Avant de débuter la discussion générale, je souhaite préciser comment ont été appliquées les dispositions constitutionnelles relatives à la recevabilité des amendements. L’article 37 de la Constitution exclut les amendements modifiant des dispositions de nature réglementaire. C’est notamment le cas des dispositions du code de procédure civile, qui ne peut être modifié par la loi. L’article 40 exclut les amendements qui auraient pour effet d’accroître une charge publique. Plusieurs amendements déposés ont été déclarés irrecevables à ce titre, à la suite des avis rendus par le président de la commission finances. Enfin, l’article 45 exige que les amendements aient un lien, même indirect, avec le projet de loi. Il convient de rappeler que pour l’appréciation de ce lien, le Conseil constitutionnel précise très clairement qu’il ne faut pas se fonder sur l’intitulé du texte ou de ses parties mais bien sur le contenu des différents articles. Au total, quatre-vingt-onze amendements ont été jugés irrecevables au titre de l’article 40, vingt-trois en vertu de l’article 45 et treize en application de l’article 37 ; 345 amendements demeurent en discussion.

M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Avant tout, je veux m’excuser pour les délais assez courts dans lesquels vous avez dû travailler. Mais vous voudrez bien me donner acte de ma volonté d’avoir souhaité au maximum associer les parlementaires à l’élaboration du projet de loi. Nous avons ainsi eu l’occasion de nous rencontrer à de nombreuses reprises. J’ai consulté les présidents des différents groupes politiques, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, pour échanger sur les grandes lignes du texte, ainsi que les différents groupes d’études qui travaillent sur ces questions. C’est donc un esprit de concertation sereine qui a présidé à l’élaboration du projet de loi, qui perdurera sans doute lors de nos discussions.

Je tiens d’ailleurs à vous remercier pour les premiers apports qui apparaissent dans les amendements déposés. Tous ne pourront pas faire l’objet d’un avis favorable du Gouvernement, mais nous avons veillé à le faire pour le plus possible d’amendements enrichissant le projet de loi, qu’ils proviennent de la majorité ou de l’opposition.

La concertation a également eu lieu avec les associations, rencontrées régulièrement depuis trois ans et plus encore à l’occasion de la rédaction du projet de loi. Vous les avez également auditionnées, et certains amendements reprennent des propositions qu’elles défendent.

Les instances de protection de l’enfance ont été consultées. C’est le cas du Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE), dont je salue le travail, et du Haut Conseil de de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA). Outre ces consultations à caractère obligatoire, j’ai également tenu à saisir le Conseil national consultatif des personnes handicapées, car l’aide sociale à l’enfance protège des enfants qui, pour nombre d’entre eux, sont en situation de handicap reconnu par les maisons départementales des personnes handicapées. La question du handicap a donc été prise en considération, même si elle n’est pas encore suffisamment abordée dans ce projet de loi ; j’attends bien du débat parlementaire qu’elle le soit davantage.

La concertation a été la méthode qui a permis d’élaborer la stratégie de prévention et de protection de l’enfance, dont nous examinons le volet législatif.

J’en viens au deuxième point de mon intervention liminaire, qui consiste à replacer ce projet de loi dans la perspective plus large de la dynamique lancée lors de la création de ce secrétariat d’État, à la protection de l’enfance à l’époque, et qui est désormais un secrétariat d’État à l’enfance et aux familles. Dès ma nomination, j’avais parlé d’un pacte pour l’enfance reposant sur trois grands piliers.

Le premier pilier concerne la prévention pure. J’ai toujours lié la prévention et la protection, et je pense qu’en cette matière comme dans d’autres nous devons bien plus investir. Ce pilier prend essentiellement forme par le projet des 1 000 premiers jours de l’enfant. Juste avant de vous rejoindre, j’étais à Clamart, au service de néonatologie de l’hôpital Antoine-Béclère, pour rencontrer des parents de nouveau-nés, les pères allant figurer parmi les premiers bénéficiaires du doublement du congé paternité qui entrera en vigueur à partir de demain.

Le deuxième pilier de ce pacte pour l’enfance, c’est la lutte contre les violences faites aux enfants. Cela a toujours été un axe fort de la politique que j’ai menée, sous la forme d’un plan de lutte contre les violences faites aux enfants présenté le 20 novembre 2019, à l’occasion du trentième anniversaire de la convention internationale des droits de l’enfant. Comprenant vingt-deux mesures pour lutter contre les violences de toute nature faites aux enfants, ce plan a depuis lors été complété par un durcissement de la loi pénale, avec l’adoption définitive de la proposition de loi du Sénat visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste.

Ce plan va être complété, car le Président de la République a demandé que soit instauré un repérage systématique des violences qu’auraient pu subir les enfants à l’école primaire puis au collège. Des annonces seront prochainement faites à ce sujet, pour une mise en œuvre dès la rentrée prochaine.

Le Président de la République a également souhaité une prise en charge systématique en soins psychologiques des enfants victimes de violences sexuelles. Nous y travaillons et aboutirons très prochainement.

Enfin pour être complet sur cet aspect, je recevrai très bientôt le rapport que j’ai demandé sur la prostitution infantile, fléau en forte progression – il concernerait 10 000 enfants – contre lequel nous devons agir le plus précocement possible.

Le troisième pilier de ce pacte pour l’enfance, c’est ce qui nous occupe aujourd’hui : l’amélioration du système institutionnel de protection des enfants, l’aide sociale à l’enfance (ASE). Dès mars 2019, deux mois après ma nomination, j’ai lancé une grande concertation avec l’ensemble des acteurs pour réfléchir à l’amélioration de ce que j’ai toujours considéré comme une compétence, non pas décentralisée, mais partagée entre les départements et l’État. Les départements demeurent chefs de file, bien entendu, mais la vie d’un enfant ne se déroule pas en fonction de l’organisation administrative. Il ne se dit pas en se levant le matin, dans un foyer de l’enfance, qu’il dépend du conseil départemental puis, quand il va à l’école, du ministre de l’éducation nationale, et de votre serviteur lorsqu’il se rend chez le médecin. C’est donc véritablement une compétence partagée, et ce d’autant plus que l’on sait que la santé des enfants relevant de l’ASE est moins bonne que celle de ceux de leur classe d’âge, ou encore que près de deux tiers d’entre eux ont déjà un an de retard scolaire quand ils arrivent en sixième.

Il y a donc un enjeu de réinvestissement de cette politique par l’État, non pas pour remettre sous tutelle ou reprendre des compétences qui ne seraient pas les siennes, mais au contraire pour être au rendez-vous de ses propres compétences et responsabilités. Les défaillances constatées dans l’ASE sont parfois le fait des départements, mais aussi beaucoup celui de l’État. Ce discours de vérité peut être entendu et accepté par tous.

Nous avons engagé la concertation en avril 2019, avec les sept ministères concernés, les départements et l’Assemblée des départements de France (ADF), au travers de six groupes de travail, qui étaient tous coprésidés par un président de conseil départemental. Les associations, de protection de l’enfance et d’anciens enfants protégés, ont été consultées. Cela a représenté plusieurs mois de travail et a permis l’élaboration en commun d’une stratégie de prévention et de protection de l’enfance, qui a été présenté en septembre 2019. De manière schématique, elle s’est déployée depuis deux ans autour de deux axes principaux.

Elle se matérialise tout d’abord au travers d’une méthode de contractualisation entre l’État et les départements, sur le modèle retenu pour la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, en trois temps – trente départements prioritaires, puis quarante, puis les trente derniers. Cette stratégie de contractualisation représente pour l’État un investissement de 600 millions d’euros en trois ans, dont 100 millions au titre de la protection maternelle et infantile (PMI). Le rapport de Michèle Peyron, parlementaire en mission sur ce sujet, avait permis de constater que les crédits de la PMI avaient baissé de 100 millions d’euros au cours des dix dernières années ; nous avons décidé de consacrer 100 millions en trois ans à cette noble et utile institution, qui est au cœur de la stratégie des 1 000 jours que j’évoquais précédemment – nous essayons de faire les choses de manière cohérente.

Des projets pouvaient être soumis par les départements dans le cadre de la contractualisation avec l’État, sachant qu’il était impératif de réinvestir dans la PMI, d’une part, et de proposer la création de dispositifs innovants pour les enfants en situation de handicap, d’autre part.

Le deuxième axe de cette stratégie comprend l’accompagnement à l’autonomie et à la sortie de l’ASE. Nous allons en débattre et je ne peux pas laisser dire que rien n’a été fait.

Nous avions déjà eu l’occasion d’en discuter il y a maintenant deux ans, à l’occasion de la proposition de loi visant à renforcer l’accompagnement des jeunes majeurs vulnérables vers l’autonomie, déposée par Brigitte Bourguignon. Depuis, nous avons mis en œuvre un certain nombre de mesures très concrètes. Dès la stratégie de lutte et de prévention contre la pauvreté, des moyens ont été alloués au financement d’un accompagnement après la majorité, avec le maintien d’un lien pour les enfants de l’ASE. Nous avons, par ailleurs, rendu automatique l’accès aux bourses universitaires, à l’échelon le plus élevé, pour les enfants de l’ASE qui font des études supérieures, de même qu’un accès privilégié aux logements étudiants. Si seulement 6 % d’entre eux suivent de telles études, ce qui est trop peu, du moins ont‑ils automatiquement accès à l’échelon de bourse le plus élevé, soit 680 euros par mois. Ce sont 2 000 enfants de l’ASE faisant des études supérieures qui ont pu bénéficier de ce dispositif lors de la rentrée scolaire précédente.

Nous avons passé un accord avec l’Union nationale des missions locales et avec la Convention nationale des associations de protection de l’enfant (CNAPE) pour que les missions locales se dotent d’un référent chargé de la protection de l’enfance et accompagnent vers les dispositifs de droit commun d’insertion professionnelle les jeunes sortant de l’aide sociale à l’enfance qui ne sont ni dans un parcours d’insertion professionnelle, ni dans un parcours universitaire. Depuis février dernier, ces jeunes ont un accès automatique à la garantie jeunes, c’est-à-dire un accompagnement professionnel et social renforcé et une allocation de 500 euros par mois.

Nous aurons l’occasion d’y revenir et je vous fournirai quelques chiffres actualisés, notamment sur ce qui a été mis en place dans le cadre de la stratégie de lutte contre la pauvreté ; mais je voulais d’ores et déjà en faire état.

J’aborde une question qui n’a pas trait à la seule aide sociale à l’enfance, mais concerne plus largement tous les enfants : la pédopsychiatrie. Cette spécialité est en grande souffrance et, depuis 2018, beaucoup d’investissements ont été réalisés par l’État pour essayer de la remettre à flot, en répondant à l’urgence et en préparant l’avenir – en agissant notamment au niveau des formations et en créant des postes d’assistant chef de clinique. C’est un point au sujet duquel nous sommes souvent interpellés à raison par les associations et les départements.

Le projet de loi s’inscrit donc dans cette dynamique engagée depuis deux ans et demi, et il constitue l’étape et l’étage législatifs de la stratégie de prévention et de protection de l’enfance.

Il comprend un certain nombre de dispositions qui sont issues de travaux lancés il y a plus d’un an. Celles concernant les assistants familiaux sont le fruit de concertations organisées avec les syndicats, les associations d’assistants familiaux et les employeurs, qu’ils soient publics ou privés. Un certain nombre de leurs points d’accord relèvent du domaine législatif, d’autres du domaine réglementaire, mais je vous ferai part des mesures prévues par voie réglementaire lors des débats, en commission et en séance. Comme vous pouvez l’imaginer, l’article 13, qui réorganise la gouvernance de la protection de l’enfance au travers d’un groupement d’intérêt public (GIP), est l’aboutissement d’un long travail avec les parties prenantes, pour trouver l’organisation la plus efficace possible pour la protection de l’enfance.

Certaines dispositions du projet de loi trouvent également leur source dans les nombreux rapports publiés ces dernières années par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et la Cour des comptes, ou réalisés par des parlementaires – je pense notamment au rapport de la mission d’information de la Conférence des présidents sur l’aide sociale à l’enfance, présidée par Alain Ramadier et dont Perrine Goulet était la rapporteure. L’ensemble de ces travaux a nourri la réflexion et ils ont trouvé leur traduction dans ce projet de loi.

Celui-ci comprend schématiquement cinq volets.

Le premier volet fait de la sécurité physique des enfants une priorité absolue, avec une mesure phare à l’article 3 : le principe d’interdiction des enfants seuls à l’hôtel. Un rapport de l’IGAS que j’avais commandé évalue entre 7 000 et 10 000 le nombre d’enfants vivant dans cette situation, qui n’est pas acceptable et à laquelle nous devons mettre un terme, sans dogmatisme. Par ailleurs, nous allons renforcer la sécurité des enfants dans les foyers ou dans les familles d’accueil. Pour les foyers, cela suppose que les associations intègrent des plans de lutte contre la maltraitance dans leur projet d’établissement. Le projet initial fixait dans la loi un certain nombre de normes, puisqu’à l’heure actuelle il n’en existe pas. Le Conseil d’État ayant estimé que cela relevait du domaine réglementaire, celles-ci ne figurent plus dans le texte. J’ai cru comprendre que certains ici avaient l’intention de proposer que certaines normes soient bien définies par la loi ; à titre personnel je n’y suis pas opposé, mais les amendements sur ce point n’ont, semble-t-il, pas été jugés recevables. Nous aurons l’occasion d’en reparler lors des débats, que j’aborde de manière très ouverte.

Nous allons créer une base nationale des agréments pour les assistants familiaux. Il a pu arriver, et il peut encore arriver, qu’une assistante familiale dont l’agrément a été retiré en raison d’actes de maltraitance puisse en obtenir un nouveau dans un autre département. Ces situations ne sont plus acceptables, et le renforcement de la sécurité physique des enfants passe aussi par un meilleur contrôle des antécédents judiciaires des assistants familiaux.

Le deuxième volet du plan porte sur la sécurité affective des enfants et leur quotidien.

L’article 1er impose aux services éducatifs d’étudier systématiquement, avant la décision de placement par le juge, l’option de l’accueil de l’enfant par un membre de sa famille ou d’un tiers de confiance. C’est probablement la mesure ayant le plus fort potentiel de transformation du système de protection de l’enfance.

Deuxième disposition importante pour le quotidien de ces enfants, qui attendent de nous d’être traités autant que possible comme les autres : la clarification des règles de délégation de l’autorité parentale, avec la question des actes usuels et non usuels.

Tous les départements rencontrent des difficultés pour recruter des assistantes familiales, alors que la moitié des enfants sont accueillis au sein de familles d’accueil. C’est un beau métier, difficile, dont les assistantes familiales nous disent qu’il a changé parce que les enfants ont changé. C’est un métier qui mérite d’être revalorisé, financièrement mais aussi symboliquement. Ce projet de loi comprend un certain nombre de choses à cet égard, notamment l’instauration d’une garantie de salaire minimum, fixée au niveau du SMIC.

Le quatrième volet est consacré à la réforme de la gouvernance nationale, dans la lignée de différents rapports, dont celui de Perrine Goulet à l’issue de la mission d’information de l’Assemblée nationale présidée par Alain Ramadier, ainsi que ceux de la Cour des comptes ou de l’IGAS. Le projet de loi ne contient que le volet national de cette réforme de la gouvernance, mais nous sommes tous convaincus que la gouvernance territoriale a également un rôle majeur à jouer pour améliorer le fonctionnement de la politique de protection de l’enfance. J’attends beaucoup de nos débats sur l’article 13, à l’Assemblée mais aussi au Sénat.

Enfin, le dernier volet du projet de loi porte sur les mineurs non accompagnés (MNA) et comprend deux dispositions. La première est relative à la clé de répartition, qui se veut plus équitable pour les territoires ; la seconde concerne le fichier d’appui à l’évaluation à la minorité (AEM), que nous souhaitons généraliser.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Je suis très heureuse que nous évoquions ce sujet cher à de nombreux membres de la commission, la protection de l’enfance. Je tiens tout d’abord à vous remercier, monsieur le secrétaire d’État, du dépôt de ce projet de loi, extrêmement attendu par les parlementaires. Si le Gouvernement s’est régulièrement emparé du sujet au cours des dernières années, c’est aussi le cas du Parlement. Ainsi, j’étais membre de la très riche mission d’information rapportée par Perrine Goulet et présidée par Alain Ramadier, qui a rendu ses conclusions il y a deux ans.

Le projet de loi est donc l’aboutissement de nombreux travaux préparatoires auxquels ont participé les acteurs de terrain ainsi que les parlementaires. Je vous remercie de m’y avoir associée. Il est évidemment l’un des volets importants – mais pas le seul – de la stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance, à l’œuvre depuis 2019.

Plus de cinq ans après l’entrée en vigueur de la dernière grande loi sur le sujet, celle du 14 mars 2016, il apparaît en effet nécessaire de consolider l’édifice législatif de la protection de l’enfance, et d’aller plus loin. Ce nouvel élan législatif s’inscrira, non pas dans la rupture, mais dans la continuité de la loi de 2016, qui avait explicitement consacré l’intérêt supérieur de l’enfant, en rupture avec des normes et pratiques antérieures.

C’est aussi un exercice qui tire toutes les conclusions de l’insuffisante application des lois de 2016 et de 2007 : la loi n’est appliquée que lorsqu’elle est pensée en termes d’efficacité sur le terrain. C’est pourquoi les dispositions proposées sont placées sous le sceau d’un grand pragmatisme. Il faut inciter, créer, parfois obliger lorsque nous sommes sûrs que cela améliorera concrètement la situation, sans céder à la tentation de la surenchère législative.

Il faut aussi légiférer chaque fois que c’est nécessaire pour déverrouiller une situation bloquée, ouvrir de nouvelles facultés d’agir aux acteurs et rappeler les principes qui doivent guider l’action de terrain. C’est cet objectif équilibré que poursuit le projet de loi, et c’est aussi dans cet esprit que j’ai rédigé mes amendements et préparé mes avis sur les amendements de mes collègues.

L’intérêt supérieur de l’enfant doit être notre boussole, et c’est celle qui a présidé à la définition de la stratégie du Gouvernement. C’est à l’intérêt supérieur des plus de 340 000 enfants pris en charge par les services départementaux de l’ASE que nous devons penser.

Les titres Ier et II favorisent l’approche pragmatique que j’évoquais pour la vie quotidienne des enfants. En évaluant systématiquement la possibilité de confier l’enfant à un membre de sa famille ou à un tiers de confiance avant que le juge envisage un placement, l’article 1er rappelle une évidence : un enfant se sentira toujours plus en sécurité, et rassuré, dans un environnement familier. Il faut que les services explorent cette solution au préalable, afin d’éclairer le juge. Notre attention a été appelée sur la nécessité d’accompagner le membre de famille ou le tiers de confiance dans certaines situations : y seriez‑vous favorable sur le principe ?

L’article 2 autorise de manière plus claire la délégation ponctuelle de l’autorité parentale au gardien de l’enfant, lorsque ses parents sont dans une démarche d’obstruction ou tout simplement absents. Cela ne remplacera pas les solutions plus pérennes créées en 2016 en cas de délaissement parental, mais répondra à des difficultés réelles sur le terrain et permettra aux enfants de l’ASE de vivre au quotidien comme les autres enfants.

L’article 3 interdit le recours pérenne à des structures d’hébergement non autorisées pour accueillir des mineurs protégés. Le principe sera beaucoup plus clairement affirmé qu’aujourd’hui même si, par réalisme, il aménage une dérogation dans des conditions définies par décret. Pouvez-vous nous rappeler ce que seront ces conditions ? Seriez-vous favorable à ce que le législateur les définisse de manière plus précise ?

L’article 4 a pour objet un meilleur contrôle des professionnels du secteur social et médico-social, plus particulièrement dans le domaine de la protection de l’enfance. Outre la possibilité de vérifier les antécédents judiciaires à tout moment, il s’agit de disposer de moyens humains et techniques permettant de faciliter et de systématiser la consultation du casier judiciaire et du fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes. Quels moyens l’État entend-il déployer pour cette mission, indispensable afin de prévenir les violences ?

L’article 5 entend mieux structurer les politiques de prévention de la maltraitance dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux, à la fois à l’échelon ultralocal, avec un nouveau volet dédié au sein du projet d’établissement ou de service, et à l’échelon départemental. Pourrait‑on envisager un référent extérieur pour les mineurs ?

L’article 6 encadre l’évaluation des informations préoccupantes par un référentiel national, attendu depuis longtemps. Ce sera celui de la Haute Autorité de santé (HAS), avec tout le sérieux qui s’attache à ce travail de nature scientifique. Quels moyens seront alloués à la formation des professionnels à ce référentiel ? Pouvez-vous nous assurer qu’il évoluera régulièrement pour prendre en compte le dernier état des connaissances ?

Le projet de loi vise également à améliorer le suivi des mineurs par la justice, en faisant progresser ses pratiques comme ses modalités d’information. L’article 7 ménage la possibilité pour le juge des enfants, à l’instar de ce que peut déjà faire le juge aux affaires familiales, de recourir à une formation collégiale si l’affaire qui lui est soumise est particulièrement complexe. L’article 8 renforce les obligations d’information du juge au moment où le service envisage de modifier le lieu de placement du mineur.

Beaucoup de collègues – j’en fais partie – souhaitaient mieux protéger les mineurs en les dotant d’un avocat nommé d’office, mais nos amendements ont été déclarés irrecevables. J’ai compris des auditions qu’il s’agit d’une demande unanime des associations de magistrats, comme des enfants placés, et j’y suis très sensible. Seriez-vous favorable à l’extension de cette protection aux mineurs, si celle-ci est proportionnée et laissée à la main du juge des enfants, dans la seule perspective de l’intérêt supérieur de l’enfant ?

Le titre IV est consacré à la modernisation du métier d’assistant familial, dont les dispositions législatives qui le régissent n’ont pas évolué depuis 2005. En fait d’assistant familial, je pourrais parler d’assistantes familiales, puisqu’il s’agit à plus de 90 % de femmes. Prendre soin de ces assistantes familiales, reconnaître l’importance, mais aussi la difficulté, de ce qu’elles font au quotidien, vingt‑quatre heures sur vingt‑quatre, c’est aussi prendre soin des enfants. L’article 9 est fondamental, car il sécurise leur métier en le rendant financièrement moins précaire, grâce notamment à l’instauration d’une garantie de salaire minimum, fixée au niveau du SMIC mensuel pour l’accueil d’un seul enfant. Il rend également leur rémunération moins aléatoire, en fixant l’indemnité au niveau de leur salaire en cas de suspension de l’agrément, et en créant une nouvelle indemnité en cas d’accueil d’un nombre d’enfants inférieur à celui prévu par le contrat de travail.

La concertation avec les assistants familiaux a permis de faire émerger d’autres sujets, au premier rang desquels les nécessaires évolutions de leur formation. Quelles sont les mesures envisagées qui ne relèvent pas du projet de loi ?

Le titre VI porte sur les mineurs non accompagnés, et vise à aider les départements dans leur évaluation et leur prise en charge par les services de protection de l’enfance. L’article 14 permettra d’introduire de nouveaux critères pour la répartition de ces mineurs sur le territoire, comme les spécificités socio-économiques des départements et la valorisation de ceux qui accompagnent les MNA à leur majorité. L’article 15 simplifiera les démarches de détermination de la minorité en généralisant l’utilisation du fichier AEM. Certains acteurs, dont France Terre d’Asile, plaident pour que les départements ne puissent plus réexaminer un mineur déjà déclaré mineur dans un autre département et réorienté par le juge. Plusieurs amendements vont dans le même sens. Quelle est votre position sur ce sujet important ?

Pour conclure, je souhaite que le projet de loi soit aussi l’occasion d’une nouvelle étape : si elle veut atteindre les ambitieux objectifs qu’elle s’est fixés, la protection de l’enfance doit certes faire évoluer son cadre légal et réglementaire, mais aussi sa culture et ses pratiques. Ce texte, après celui de 2016, trace un chemin dont il nous appartiendra collectivement – État, parlementaires, départements, professionnels – de nous assurer qu’il est suivi.

Mme Michèle Peyron, rapporteure. Je suis rapporteure pour l’article 12, relatif à la protection maternelle et infantile, et l’article 13 qui tend à rendre la gouvernance nationale de la protection de l’enfance plus efficiente.

En 2018, 2 % des mineurs étaient concernés par 314 000 mesures prises dans toute la France, selon les données recueillies par notre collègue Perrine Goulet dans son rapport sur l’aide sociale à l’enfance, dont certaines propositions ont largement irrigué le projet de loi. Ces mineurs, qui sont-ils ? La moitié, à peu près, a moins de 11 ans ; près d’un cinquième est porteur d’un handicap physique ; surtout, 25 % des personnes de moins de 25 ans sans domicile fixe sont des enfants de l’ASE au sens large.

Les départements dépensent 8 milliards d’euros et l’État, 400 millions, pour la protection de l’enfance, et la dépense n’a cessé de croître depuis les années 1990. Pour protéger les mineurs, souvent victimes de violence ou de délaissement parental, la puissance publique s’engage résolument. Pourtant, chacun a en tête les reportages récents qui ont jeté une lumière crue sur les dysfonctionnements des services de l’ASE ; chacun ici peut attester des différences qu’il a constatées dans la manière dont les enfants sont accueillis selon les territoires.

Faut-il pour autant recentraliser cette politique, comme certains amendements nous y invitent ? Je ne le crois pas. Il y a quarante ans, le législateur a fait le choix de confier la protection de l’enfance aux départements parce qu’il s’agit d’une politique de proximité, intimement liée à la fonction de chef de file social des départements. Depuis, les services départementaux ont largement gagné en compétences, et malgré les dysfonctionnements mentionnés, aucun rapport récent ne propose de confier cette politique à l’État.

Cependant, aux termes de la convention internationale des droits de l’enfant, qui garantit l’intérêt supérieur de l’enfant, c’est l’État qui est responsable de la protection des enfants résidant sur son territoire. Le projet de loi apporte une première réponse, concrète et globale, à ce paradoxe dans son article 13. Comme l’ont constaté nos collègues Perrine Goulet et Alain Ramadier, et comme le remarquent également les rapports récents des corps d’inspection et de la Cour des comptes, la gouvernance de la protection de l’enfance est difficilement lisible, voire incohérente. Alors qu’il s’agit d’une compétence décentralisée, la multiplication des agences compétentes ne permet pas d’y voir plus clair à l’échelle nationale.

En 2016, le législateur avait déjà apporté une forme de réponse par la création du CNPE, chargé de veiller aux questions nationales entrant dans son champ d’expertise. Cinq ans après, le bilan est mitigé. Bien que le CNPE ait produit de nombreux avis et se soit saisi de questions cruciales, bien que le projet de loi soit en partie alimenté par ses propositions, le Conseil peine à se distinguer d’autres instances, comme le HCFEA, qui traite de tous les sujets ayant trait à l’enfance. Il s’agit donc de le réformer pour recentrer ses missions et en faire la vigie nationale de la protection de l’enfance.

Plusieurs instances plus opérationnelles fonctionnent également de manière autonome, alors qu’elles interagissent toutes avec le conseil départemental et qu’elles pourraient être sollicitées par le biais d’un guichet unique : le Service national d’accueil téléphonique de l’enfance en danger, l’Agence française de l’adoption (AFA), le Conseil national pour l’accès aux origines personnelles (CNAOP) ou encore l’Observatoire national de la protection de l’enfance ; leurs actions doivent s’inscrire dans une démarche commune et des compétences partagées.

Ainsi, en matière d’adoption, par exemple, il existe une faille dans le recueil des données et l’harmonisation des pratiques relatives à l’adoption sur le sol français. L’extension des compétences de l’AFA à ces adoptions, en plus de ses missions internationales, répond donc à un vrai besoin. En outre, elle pourra s’associer au CNAOP pour orienter les demandes de personnes adoptées à l’issue d’un accouchement sous le secret.

Le GIP ainsi créé emploiera les personnes travaillant actuellement dans les instances qui vont être regroupées, mais ses missions vont être étendues. Il disposera notamment d’une expertise s’agissant des ressources à mettre à la disposition des acteurs de la protection de l’enfance. Certains collègues ont déposé des amendements concernant la création et la gestion de référentiels par ce nouveau GIP. S’il ne faut pas restreindre les marges de manœuvre de celui-ci par la multiplication des missions, ces amendements soulignent l’importance d’améliorer la fiabilité des données à disposition des professionnels comme des enfants accueillis.

Enfin, le dispositif proposé par le Gouvernement répond aux craintes exprimées par de nombreuses familles ayant déposé une demande d’adoption internationale, inquiètes de la disparition de l’AFA au profit du nouveau GIP. En tant que personnalité morale, l’AFA bénéficiera d’une prolongation de deux ans de sa « durée de vie », ce qui permettra au nouveau GIP d’être accrédité auprès des États signataires de la convention de La Haye et d’être reconnu comme l’autorité française en charge des dossiers d’adoption internationale.

J’ai toutefois noté des lacunes dans la gouvernance envisagée, auxquelles je proposerai, comme mes collègues, de remédier à travers des amendements. J’estime, en particulier, que les premiers concernés – les enfants – devraient être intégrés au CNPE au sein d’un collège spécifique.

Soucieuse d’éveiller les consciences sur le risque d’extinction progressive des activités de PMI dans les départements, j’avais donné à mon rapport sur le sujet un titre choc : « Pour sauver la PMI, agissons maintenant ! ». Vous comprendrez donc aisément mon attachement particulier à l’article 12.

Cet article est l’une des pierres sur lesquelles nous nous appuyons pour reconstruire les services de PMI, en plus de la contractualisation avec les départements. Nous proposons d’inscrire l’action des PMI dans des objectifs nationaux de santé publique. Là encore, et sans nier la compétence départementale en la matière, il s’agit d’ancrer résolument la PMI dans une démarche de prévention sanitaire, en cohérence avec la littérature scientifique unanime sur les bienfaits de la prévention précoce. Ce faisant, nous nous inscrivons pleinement dans la stratégie des 1 000 premiers jours, qui définit un continuum de politiques publiques à destination des nourrissons.

Les actions de PMI étant pleinement sanitaires, l’article prend le soin de préciser et d’adjoindre de nouvelles missions aux services départementaux, notamment en matière de dépistage des troubles du neurodéveloppement. Surtout, le texte lève un obstacle juridique à une pratique homogène du remboursement sur tout le territoire des bilans de santé en école maternelle. Des inégalités persistent entre départements – moins de la moitié des enfants de Seine‑Saint‑Denis ont accès à ces bilans malgré les efforts du département pour les développer – et il est inacceptable que les caisses primaires d’assurance maladie ne prennent pas en charge ces actions absolument indispensables pour le dépistage précoce de carences qui, sans bilan, peuvent prendre une ampleur parfois irréparable par la suite.

J’ai souhaité que ces dispositions soient inscrites au sein d’un titre spécifique. En outre, elles sont appelées à s’enrichir au cours de nos débats. C’est pourquoi j’ai déposé des amendements afin que les PMI soient au cœur de la politique de prévention précoce et de soutien à la parentalité, dans l’ensemble des départements, qu’il s’agisse de la transformation des centres de planification et d’éducation familiale en centres de santé sexuelle et reproductive, potentiellement dirigés par des sages-femmes, de l’expérimentation de nouvelles formes de gouvernance, de relations avec la santé scolaire ou de la reconnaissance du caractère pluridisciplinaire des équipes de PMI. Ne pas agir rapidement, et dès les premières étapes de la vie, c’est un gâchis budgétaire pour l’assurance maladie, mais surtout un gâchis sanitaire pour tous nos concitoyens.

Les personnels de PMI développent des compétences actuellement trop peu reconnues. Je pense en particulier aux infirmières puéricultrices diplômées d’État, dont je proposerai qu’elles puissent prescrire des dispositifs de soutien à l’allaitement. Alors que la mise en œuvre des bilans de santé en école maternelle, des visites à domicile ou du suivi postnatal est remboursée dès lors qu’elle est effectuée par un médecin ou une sage-femme, la charge revient aux départements dès lors que ce sont les puéricultrices qui pratiquent ces actes. Elles représentent pourtant parfois quatre cinquièmes des activités d’un service de PMI.

Monsieur le secrétaire d’État, avez-vous prévu des négociations avec l’assurance maladie en vue de prendre en compte les actes des puéricultrices dans la nomenclature générale des actes professionnels ? Envisagez-vous et, si oui, à quelle échéance, de permettre le remboursement par la solidarité nationale des actes des puéricultrices, qui permettent d’éviter tant de futures dépenses de santé par leurs actions préventives ?

J’espère que la pierre que nous posons avec ce texte en faveur d’une renaissance de la PMI constituera les prémices d’un chemin vers le développement d’une culture de prévention, au cœur de laquelle ces services départementaux ont toute leur place.

Mme Monique Limon. Dès la fin 2019, vous avez, monsieur le secrétaire d’État, présenté la stratégie nationale 2020-2022 de prévention et de protection de l’enfance, enjeu politique majeur du quinquennat d’Emmanuel Macron. Celle-ci s’est déployée dans les territoires par contractualisation entre l’État et les départements, avec des objectifs partagés et des moyens financiers dédiés de près de 600 millions d’euros sur trois ans. Le projet de loi est l’occasion de mettre en perspective et de traduire de manière législative les avancées contenues dans la stratégie nationale.

La protection de l’enfance est un sujet fondamental : plus de cinq ans après la promulgation de la loi de 2016 relative à la protection de l’enfant, nous devons nous réinterroger pour améliorer le quotidien des enfants, lutter contre les violences commises contre eux, inscrire la stratégie de la protection et de la promotion de la santé maternelle et infantile au sein de la politique globale de santé, améliorer les conditions de travail des assistants familiaux, mieux piloter la politique de prévention et de protection de l’enfance en rénovant sa gouvernance et mieux protéger les MNA en améliorant leur prise en charge.

Tels sont les objectifs du projet de loi. Il est une étape complémentaire pour garantir aux enfants un cadre de vie sécurisant et, aux professionnels, un exercice amélioré de leurs missions. Un changement de paradigme est nécessaire pour renforcer l’action publique sur les enjeux de prévention et rénover le pilotage de cette politique afin d’en améliorer la cohérence et l’efficacité.

Ce projet de loi constitue un progrès, en faveur d’une meilleure protection des enfants, et je ne doute pas que nos débats permettront encore d’améliorer les dispositions. Le groupe La République en Marche votera pour ce projet de loi.

M. Alain Ramadier. Il y a deux ans, la mission d’information sur l’aide sociale à l’enfance, que j’ai eu le plaisir de présider, a dressé un constat accablant : malgré les lois de 2007 et 2016, la protection de l’enfance souffre de nombreux dysfonctionnements, voire de manquements graves. Alors qu’avec mes collègues de la mission, nous avions fait des propositions pragmatiques pour les enfants, le présent projet de loi arrive beaucoup trop tard et son examen est beaucoup trop rapide. Un sujet aussi important que la protection des enfants aurait mérité plus : plus d’ambition, plus de volonté d’agir.

Si ce projet de loi est le volet législatif de la stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance, s’il répond à des problématiques importantes, à l’instar des placements à l’hôtel ou de la rémunération des assistants familiaux, il occulte totalement le plus important : l’intérêt supérieur de l’enfant. Rien sur le suivi psychologique des enfants qui doivent attendre, comme en Seine‑Saint‑Denis, six mois – quand ils ont de la chance – pour obtenir un rendez-vous ; rien sur le projet pour l’enfant (PPE), pourtant obligatoire ; rien non plus sur les mesures d’action éducative en milieu ouvert (AEMO) non appliquées faute d’éducateurs spécialisés. Plus triste encore, l’article que l’on nous annonçait, qui viendrait déterminer le taux d’encadrement dans les foyers, a tout bonnement disparu.

Les enfants suivis par l’ASE méritent bien plus. Je défendrai plusieurs amendements. Je vous proposerai aussi d’aller plus loin dans la réflexion que nous devons absolument mener au sujet de la pénurie d’assistants familiaux qui s’annonce. Un assouplissement des règles semble indispensable et il faudrait permettre aux familles dont les parents travaillent d’accueillir un enfant.

Les députés Les Républicains seront particulièrement attentifs à l’évolution des dispositions du texte et espèrent que les amendements défendant l’intérêt supérieur de l’enfant trouveront écho.

Mme Perrine Goulet. Pour la première, et la seule, fois au cours de la législature, nous allons légiférer sur la protection de l’enfance. Cette unique opportunité nous oblige, en termes d’efficacité et de méthode.

Nous légiférons dans un temps particulièrement contraint, ce dont tous les participants conviennent, et nous en subissons les conséquences pratiques : nous n’avons pas pu rencontrer, individuellement ou collectivement, suffisamment d’acteurs nationaux ou territoriaux, et échanger avec eux. Nous avons donc l’obligation de nous appuyer sur la littérature récente : le rapport de l’IGAS, rendu en 2020, dont la technicité et la gouvernance ressortent dans le projet de loi ; le rapport de la Cour des comptes de novembre 2020, de très grande qualité, chiffré, argumenté et détaillant les évolutions nécessaires en plaçant l’intérêt de l’enfant au centre ; le rapport de 2019 de la mission d’information de l’Assemblée nationale relative à l’ASE, présidée par notre collègue Alain Ramadier et que j’ai eu l’honneur de rapporter, le premier de cette série récente de travaux. Vous êtes nombreux, ici, à avoir été membre de la mission et, tous, vous avez adopté ses propositions. Ce vote, comme tous nos votes, nous oblige et nous engage. J’espère qu’il se traduira dans le projet de loi.

Je souhaite exprimer mon agacement quant à l’interprétation de la recevabilité de nos amendements – 25 % ont été déclarés irrecevables en première lecture en commission. Si j’entends parfaitement l’interprétation très, voire trop, stricte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, j’observe que l’article 40, qui a également fauché de nombreux amendements, souligne le caractère particulièrement interministériel, coûteux et imbriqué de la politique de la protection de l’enfance. Un seul exemple : un tiers digne de confiance coûte moins cher qu’un placement. Les faire monter en puissance pourrait diminuer le coût des placements et permettrait de réinvestir l’argent gagné. Pour autant, il ne nous est pas possible d’accompagner les tiers par un soutien, la Constitution ne nous le permettant pas.

Le groupe Mouvement Démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés proposera des avancées visant à assurer les droits des enfants, avec la systématisation de l’avocat pour un mineur en procédure d’assistance éducative, l’application locale d’une meilleure coordination entre l’État et les collectivités et l’amélioration des conditions d’encadrement des enfants dans les foyers.

Mme Isabelle Santiago. Depuis le début de mon mandat, en septembre dernier, la protection de l’enfance, sujet qui suscite toujours beaucoup d’attentes, me tient à cœur – je l’ai pilotée pendant dix ans.

Plus de 350 000 enfants, dont 30 % souffrent d’un handicap, bénéficient aujourd’hui d’une mesure d’aide sociale à l’enfance. Les dispositifs de l’ASE peinent à accompagner les jeunes dans un parcours de vie marqué par les difficultés. Un quart des personnes sans‑abri nées en France sont d’ailleurs d’anciens enfants placés. Je m’offusque donc, comme beaucoup de collègues ayant déposé des amendements, que beaucoup d’entre eux aient été déclarés irrecevables au titre de l’article 40, car l’analyse des dépenses supplémentaires doit prendre en compte le coût pour la société du délaissement des jeunes majeurs. Il est temps que nous puissions parler de cette problématique ; or elle ne figure pas dans le texte. J’y reviendrai donc au cours des débats pour formuler des propositions.

Le groupe Socialistes et apparentés s’inscrit, bien évidemment, dans le débat collectif et sera favorable à de nombreux amendements, car, s’il comporte des avancées, ce texte doit être amélioré.

M. Paul Christoph. Ce projet de loi très attendu vise à améliorer la situation des enfants placés auprès de l’ASE, à revaloriser le métier d’assistant familial et à moderniser la gouvernance de la protection de l’enfance. Il est le fruit d’une large concertation à laquelle vous nous avez associés, monsieur le secrétaire d’État. Je salue cette méthode.

Le groupe Agir ensemble se réjouit donc de son inscription à l’ordre du jour, car il permettra de replacer l’intérêt de l’enfant au cœur de la politique de la protection de l’enfance, principe notamment clarifié par l’obligation établie à l’article 1er pour les services éducatifs de rechercher si le mineur concerné peut être confié à un membre de sa famille ou à un tiers digne de confiance en cas de danger. Si le placement institutionnel est parfois incontournable, le maintien dans un environnement sécurisant et familier doit être privilégié sans ambiguïté pour le bien-être de l’enfant.

Petit regret, le texte n’aborde pas la question des jeunes majeurs sortant de l’ASE qui, le jour de leur dix-huitième anniversaire, quittent leur foyer et se retrouvent livrés à eux‑mêmes. Alors que, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques un jeune quitte en moyenne le foyer familial au milieu de sa vingt-troisième année, il semble paradoxal d’admettre que ces jeunes en difficulté puissent être autonomes dès l’âge de 18 ans.

Nous avons déposé plusieurs amendements pour tenter d’atténuer ce phénomène de sortie « sèche ». En tant que conseiller départemental du Nord, j’ai mené une mission d’information et d’évaluation de la politique départementale de l’enfance – je vous en ai d’ailleurs remis le rapport, monsieur le secrétaire d’État. Dans ce département, le dispositif « Entrée dans la vie active » (EVA) propose une démarche d’accompagnement adaptée aux besoins du jeune afin de l’aider à devenir autonome de sa majorité jusqu’à l’âge de 21 ans. Ce même rapport souligne l’importance d’un entretien avec chaque jeune avant sa majorité afin de repérer précocement les difficultés, ainsi que la nécessité d’un suivi après la sortie de l’ASE. Plusieurs départements proposant déjà, avec succès, de tels dispositifs, nous souhaitions les inscrire dans la loi afin de mettre fin aux inégalités territoriales de prise en charge. Nous regrettons donc que cette idée de suivi n’ait pas pu franchir la barre de la recevabilité, tant l’iniquité est manifeste et les besoins pressants.

Mme Valérie Six. Il est des enfants, dans notre pays, dont les parcours de vie sont particulièrement difficiles, pour ne pas dire chaotiques. Notre responsabilité en tant que législateurs est de créer les conditions de la protection des personnes vulnérables, de leur donner les clés de leur émancipation et de donner sa chance à chacun.

Nous sommes tous conscients de la nécessité d’améliorer le quotidien des enfants placés, d’agir pour améliorer la rémunération des assistants familiaux et de lutter contre le dévoiement des dispositifs dont bénéficient les mineurs isolés : nous soutiendrons donc les mesures allant dans ce sens.

J’appelle toutefois votre attention sur la nécessité de compenser à l’euro près le coût de ce projet de loi pour les départements puisqu’il n’entraînera de nouvelles contraintes quasiment que pour ces derniers. Pour ceux du Nord, ce coût serait de l’ordre de 10 à 30 millions d’euros. Si l’État n’abonde pas d’autant leurs budgets, cette réforme se fera au détriment d’autres politiques publiques.

Par ailleurs, la politique de la protection de l’enfance est par nature complexe, interministérielle et décentralisée. Il faudrait donc agir sur de nombreux autres leviers tels que l’accès aux soins, notamment en psychiatrie, le suivi de la réussite scolaire, les actions de prévention ou l’organisation des services de police et de justice afin de lutter contre les réseaux de traite des mineurs.

Après ce projet de loi, les enfants placés ressentiront-ils une amélioration substantielle de leur quotidien ? Les assistants familiaux verront-ils leurs conditions de travail concrètement améliorées ? La prise en charge de chacun des MNA sera‑t‑elle digne ? Nous en doutons : dans l’attente du débat, notre groupe réservera donc son vote jusqu’à son examen en séance publique.

Mme Jeanine Dubié. J’émets tout d’abord le vœu que nous cessions d’employer le terme péjoratif de « placement » de l’enfant pour lui préférer celui d’« accueil ».

Monsieur le secrétaire d’État, votre projet de loi présente un intérêt à plusieurs titres. S’il s’appuie sur l’excellent rapport de nos collègues Alain Ramadier et Perrine Goulet, j’aurais souhaité que vous vous en inspiriez davantage. L’accueil par un membre de la famille, l’interdiction du placement des mineurs dans des hôtels, la possible délégation de plusieurs actes relevant de l’autorité parentale à un tiers de confiance, formant le titre Ier, vont dans le bon sens. Il n’en reste pas moins que ce texte manque d’ambition. Je regrette, en particulier, que la PMI ne soit pas davantage abordée sur le plan social, que l’on s’en tienne à une vision strictement sanitaire et qu’il n’y ait pas une meilleure articulation avec la médecine scolaire.

Concernant les assistants familiaux, revoir leur rémunération, c’est bien mais insuffisant. D’autres travailleurs sociaux du même champ sont complètement oubliés alors qu’ils sont épuisés. Il y a besoin de formation, de promotion du métier, de droit au répit, de logement : tout cela aurait dû être davantage abordé.

Enfin, je regrette que l’accompagnement des jeunes majeurs ne soit vu qu’à travers l’évaluation de la minorité. Je rappelle que ce sont avant tout, et avant d’être des personnes étrangères, des enfants, et je rejoins les propositions faites par nos collègues à leur sujet.

Le groupe Libertés et Territoires réservera son vote après la séance publique.

M. François Ruffin. J’ai lu, ce week-end, le rapport de mes collègues Perrine Goulet et Alain Ramadier sur l’ASE : c’est devenu ma bible pour l’examen de ce projet de loi, car il confirme les discussions que j’ai pu avoir avec les enfants passant par l’ASE, avec les éducateurs et les assistantes familiales.

Ce rapport dit, d’abord, qu’on fait plein de belles lois – sur l’entretien à 17 ans, sur le projet pour l’enfant, sur la commission d’examen de la situation et du statut des enfants confiés, sur des observatoires –, mais qu’elles se traduisent très peu dans la réalité. Il y a un énorme fossé entre les unes et l’autre, ce que confirment les gens qui travaillent là-dedans : ils disent que le problème est de mettre les moyens pour qu’elles soient appliquées. Or avec un projet à zéro euro, sans moyen et qui ne prévoit même pas un taux d’encadrement dans les foyers, ça ne peut pas coller.

Ensuite, le projet de loi pose trois problèmes majeurs, le premier étant la décentralisation. Le rapport nous dit que la logique est à bout de souffle, qu’il faut réinterroger sans tabou la gouvernance et se demander si l’ASE doit rester une politique décentralisée. Or ce point n’est pas abordé.

Deuxième problème, l’autorité parentale, qui fait que les gamins peuvent se retrouver de l’âge de 6 mois à 18 ans dans une espèce de no man’s land, baladés entre la famille et les foyers. Le rapport indique que les parcours de vie des enfants connaissent des ruptures quand prévaut la préservation d’une autorité parentale chancelante. Cette question centrale n’est pas non plus abordée.

Troisième problème : le saucissonnage ou plutôt le jonglage pour les gamins avec des référents et des foyers qui changent en raison du manque de places et du passage d’une institution à l’autre.

Le projet de loi ne répond absolument pas à ces problèmes. Nous avons là un texte bâclé et bricolé, quand l’ASE nécessitait une plus grande ambition. Nos amendements essaieront d’en relever le niveau. S’agissant de notre vote, nous sommes, pour l’instant, très réservés.

M. Pierre Dharréville. Je regrette, à mon tour, les conditions d’examen de ce projet de loi ainsi que la limitation de plus en plus forte du droit d’amendement, qui empêche un véritable débat, même si j’ai entendu, madame la présidente, vos explications.

Sont abordés divers sujets touchant à la protection de l’enfance, cette période pendant laquelle se joue une part essentielle du devenir humain. Les propositions faites comportent des améliorations, mais l’ensemble manque singulièrement d’ampleur et d’ambition. En particulier, l’ASE se trouve en grande difficulté et les différents acteurs la jugent sinistrée.

Le texte pèche tant par ses silences – par exemple, sur les moyens nécessaires à la mise en œuvre des mesures, comme la collégialité –, que par ses carences : sur le recours au placement à l’hôtel, qui est, en réalité, avalisé comme une possibilité, sur les normes d’encadrement et sur les conseils d’avocats dispensés aux enfants de l’ASE.

Concernant les assistantes et les assistants familiaux, en dépit d’une amélioration, la question de leur départ en retraite demeure. Vous en profitez – vous êtes incorrigibles – pour prolonger la durée de leur carrière, or ce n’est pas une solution pour faire face aux difficultés rencontrées.

Enfin, nous ne sommes pas du tout au rendez-vous concernant les mineurs non accompagnés. La mesure de fichage est extrêmement problématique, alors que nous devrions plutôt nous orienter vers des mesures de plus grande protection. Les différents départements rencontrent des problèmes manifestes. Il faut y faire face beaucoup mieux, ce qui pose également la question des jeunes majeurs, de même que celle des tests osseux, jugés inadaptés, inefficaces et indignes par la Défenseure des droits, et qui mériterait aussi de figurer dans ce texte.

Mme Agnès Thill. Ce projet de loi comporte certes des mesures appréciables, mais, à l’évidence, il ne va pas assez loin dans certaines problématiques essentielles de la protection de l’enfant, voire en oublie.

Si le titre II prévoit la mise en œuvre de dispositifs visant à prévenir les violences au sein des établissements de l’ASE, ceux-ci ne sont pas suffisants pour garantir la sécurité des enfants. Contrôler les antécédents judiciaires de l’ensemble du personnel des établissements accueillants est une chose, mais lutter contre les violences infligées aux enfants par leurs camarades en leur sein en est une autre. Règlements de compte, trafics de drogue et même viols entre mineurs, les centres d’accueil de l’ASE sont le théâtre de nombreux dysfonctionnements et l’objet de nombreux scandales. Questionnons-nous alors sur leur légitimité : sont‑ils réellement bénéfiques pour les enfants placés ?

Un autre sujet, pourtant fondamental dans la lutte contre les violences subies par les enfants, n’est pas non plus pris en compte par ce projet de loi : l’accès des mineurs aux images violentes et à la pornographie. Selon un sondage IFOP, plus de 50 % des adolescents âgés de 15 à 17 ans sont tombés sur des images pornographiques sans les avoir cherchées et 8 % des enfants âgés de 11 ans en sont déjà dépendants. Il est urgent de mettre en œuvre des mesures concrètes afin de lutter contre les dangers de la pornographie pour les mineurs.

J’appelle enfin votre attention sur un phénomène qu’il convient de garder l’esprit en matière de protection de l’enfance : l’infanticide. Le projet de loi ne prévoit pas de mesures de lutte contre les crimes familiaux, alors même que le rapport glaçant de l’IGAS d’avril 2019 explique qu’en France, tous les cinq jours, un enfant est tué par l’un de ses parents. Il est de notre devoir de réfléchir et d’adopter des lois visant à endiguer ces crimes.

M. Stéphane Viry. Je ne reviens pas sur les conditions d’examen de ce projet de loi, ni sur l’irrecevabilité de certains amendements, mais je les déplore.

La protection des enfants, de l’enfance en général, est probablement l’une des politiques publiques les plus importantes. Les amendements vont permettre de débattre d’ajustements et d’améliorations à apporter au texte. Je souhaite, en particulier, que nous abordions la question de la parentalité, qui doit être au cœur de nos réflexions, et que nous évitions d’adopter des dispositions entraînant un formalisme trop conséquent et une bureaucratie de nature à retarder la prise de mesures urgentes et utiles à l’intérêt des enfants. Il faut également défendre la parole de l’enfant, au travers d’un mécanisme d’administrateur ad hoc ou de la présence d’un avocat. Les questions de représentation sont essentielles.

Les accueillants familiaux et tout ce qui concerne la PMI doivent effectivement être renforcés, et la carrière de ces hommes et de ces femmes doit être accompagnée. Le projet de loi donne un certain nombre d’indications à ce sujet, mais nous avons des lacunes à combler sur l’accompagnement en général.

Manifestement, le cadre de l’hébergement hôtelier est à préciser et probablement à restreindre.

Enfin, le juge des enfants doit être renforcé dans son rôle de garant des libertés fondamentales.

M. Bernard Perrut. Le projet de loi traduit des avancées significatives en matière de protection de l’enfance. Nous sommes tous attachés à la protection contre la maltraitance et contre les violences.

S’il est bon de réglementer l’exercice du service public de la protection de l’enfance, notamment en mettant un terme à la pratique de l’accueil dans des hôtels – une prise en charge tout à fait inadaptée pour un public particulièrement vulnérable –, le délai rapide d’application de la mesure ne sera pas sans conséquence pour les départements. Ceux-ci font déjà face à des coûts croissants du fait de l’augmentation du nombre de mineurs non accompagnés, de la précarité et des besoins sociaux, et auraient bien besoin d’un soutien financier. Il est difficile d’imaginer qu’ils seront à même de dégager en si peu de temps les marges financières nécessaires sans un engagement très clair de l’État.

Ma remarque vaut également pour le dispositif de revalorisation des rémunérations des accueillants familiaux, car, contrairement à ce qui est affirmé dans l’étude d’impact, il n’est pas envisageable de seulement revoir leur budget à la hausse pour le financer. Il reste toutefois le bienvenu, même si son financement mérite donc des éclaircissements.

S’agissant toujours des départements, je regrette que le projet de loi n’aille pas plus loin dans la coordination des acteurs. Comment insuffler dans les territoires l’obligation d’une meilleure articulation entre les différents acteurs intervenant dans la vie de l’enfant – services d’accueil, conseil départemental, éducation nationale, secteur médical, notamment en pédopsychiatrie –, afin de garantir une plus grande effectivité de ses droits ?

Il est nécessaire d’avoir, y compris à l’échelon territorial, une approche globale de l’enfant et de sortir d’une logique de silos pour le remettre au cœur des politiques publiques. Allez-vous, comme nous le souhaitons, enrichir le texte sur ce sujet ?

M. Ugo Bernalicis. Ayant suivi le débat sur le code de la justice pénale des mineurs, je souhaite redemander ici : bon sang, pourquoi ne travaillons-nous pas à un code de l’enfance intégrant la totalité des mesures pénales et civiles ? À l’époque, le secrétaire d’État ici présent m’avait dit : « Ne vous inquiétez pas, on y réfléchira et d’autres textes feront le pendant civil du code de la justice pénale des mineurs. »

Or, à l’approche de la fin de la législature, qu’avons-nous ? Un texte de bonnes intentions, très clairement au rabais, qui ne traite pas les sujets fondamentaux. Voulons-nous en élever le niveau que nous nous heurtons aux traditionnelles irrecevabilités tirées des articles 40 ou 45, au choix, de la Constitution. En ont fait les frais notamment la présence obligatoire de l’avocat afin d’accompagner l’enfant à chaque étape ou l’accès au revenu de solidarité active dès 18 ans pour les jeunes issus de l’ASE, toutes choses concrètes qui auraient pu faire de ce texte un point d’appui utile et efficace pour les enfants de ce pays.

Je le répète, le moment venu, nous ferons le code de l’enfance puisque, finalement, l’ambition a plutôt penché du côté répressif que du côté protecteur. On voit bien que la prédominance de l’éducatif sur le répressif a trouvé ici ses limites, avec ce texte qui n’est pas à la hauteur.

M. Guillaume Chiche. Ce texte nous donne l’occasion, enfin, d’apporter une solution aux situations absolument dramatiques vécues par les enfants mis sous protection de la République dans le cadre de l’ASE et au traitement inhumain réservé aux mineurs non accompagnés. Il est cependant insuffisant, souffre d’oublis majeurs, comme le dit la Défenseure des droits, Claire Hédon, et aggrave la situation.

Parmi les oublis, je relève en particulier l’accompagnement de l’enfant – et de sa parole – par un professionnel, en l’occurrence par un avocat. Je présenterai des amendements visant à rendre systématiquement possible la présence d’un avocat auprès des enfants.

À vous entendre, le texte interdirait formellement le placement de nos enfants dans des hôtels, dont on sait les situations catastrophiques qu’il entraîne. Or j’y trouve trois exceptions : les vacances scolaires, les congés, professionnels ou de loisir, et – tenez-vous bien – les situations d’urgence. Je crois qu’il faut l’interdire strictement, dans leur intérêt, et qu’en la matière les demi-mesures sont inacceptables. L’exposé des motifs prévoit de limiter la durée d’un tel placement à deux mois, mais cette limitation ne se retrouve pas dans le corps du projet de loi. Il faut l’interdire tout bonnement !

Enfin, l’article 15 crée un droit spécifique pour les mineurs non accompagnés, les faisant sortir du champ de la protection de l’enfance et imposant aux travailleurs sociaux et aux départements de les remettre, y compris avec le concours des forces de l’ordre, aux autorités préfectorales. Il est indigne de vouloir traiter les enfants de cette manière !

M. Thibault Bazin. De très nombreux étrangers qui toquent à la porte des départements afin de bénéficier des services de l’ASE, on le sait, ne sont pas mineurs : certains ont même plus de 30 ans ! Ce détournement aux fins d’immigration illégale conduit à l’embolie de nos structures de protection de l’enfance et à la dégradation des conditions d’accueil des vrais mineurs que nous devons protéger.

Vous avez indiqué, monsieur le secrétaire d’État, votre volonté de généraliser le recours au fichier national d’appui à l’évaluation de la minorité. C’est une très bonne orientation, car certains départements, comme la Meurthe‑et‑Moselle, sont encore réticents à l’utiliser. Dans quel délai une telle généralisation sera-t-elle effective ? Quels moyens comptez-vous mettre en œuvre pour lutter contre ces fraudes, et quelles sanctions prévoyez‑vous si le recours à ce fichier n’était pas effectif ?

M. Cyrille Isaac-Sibille. La prévention dès le plus jeune âge est, pour nous, essentielle. Elle nécessite d’accompagner les parents, notamment les plus fragiles, et de favoriser les bons comportements. Nous connaissons, monsieur le secrétaire d’État, le travail que vous accomplissez depuis plusieurs années pour accompagner les services de PMI, la prévention étant une priorité du Gouvernement et de notre assemblée, alors que nous savons tous que les services de prévention en santé, qu’il s’agisse de la PMI, de la médecine scolaire ou de la médecine du travail, se trouvent en difficulté.

Nous nous réjouissons donc de l’article 12 du projet de loi, rapporté par notre collègue Michèle Peyron. Nous défendrons deux amendements, essentiels à nos yeux, visant à permettre et aux conseils départementaux et au Gouvernement de rendre compte de leur action en faveur de ces services essentiels que sont les PMI.

M. Raphaël Gérard. La réforme de la gouvernance nationale de la protection de l’enfance et de l’adoption prévoit la création d’un GIP qui regrouperait les compétences de l’AFA, du GIP Enfance en danger (GIPED), des secrétariats généraux du Conseil national de l’adoption, du CNPE et du Conseil supérieur de l’adoption. Très attendue par l’ensemble des acteurs en ce qu’elle renforcerait les fonctions de pilotage et d’appui au niveau national, notamment par la création d’un opérateur compétent dans le champ de l’adoption nationale, cette réforme suscite dans le même temps beaucoup d’inquiétude, en particulier au sein des associations spécialisées dans le domaine de l’adoption internationale, ce qui explique que la création d’un tel organisme a, par le passé, échoué à plusieurs reprises. Afin de rassurer les familles, je souhaiterais quelques éclaircissements sur deux points.

En premier lieu, quelle est la feuille de route du Gouvernement en matière d’adoption internationale dans les années qui viennent ?

Dans le cadre de la proposition de loi de notre collègue Monique Limon, le Gouvernement a soutenu l’interdiction des adoptions à titre individuel à l’étranger au motif de lutter contre les trafics d’enfants. Il a également soutenu le renforcement des contrôles exercés sur les organismes autorisés pour l’adoption au moyen d’une procédure d’agrément bornée dans le temps. Dans le même temps, vous prévoyez d’intégrer l’AFA au sein de ce GIP, ce qui soulève des interrogations sur le maintien de sa capacité d’action à l’international, d’autant que le renouvellement des accréditations du futur organisme dans sa mission d’intermédiation dans les pays signataires de la convention de La Haye devra s’accompagner d’un plan de communication et d’organisation, en lien avec la Mission de l’adoption internationale (MAI), qui semble avoir été, jusqu’à présent, peu associée à l’élaboration du texte. Ces différentes mesures alimentent la crainte d’un désinvestissement de la France dans le domaine de l’adoption internationale sous couvert d’une baisse tendancielle du nombre d’enfants adoptables.

En second lieu, pourriez-vous nous confirmer que l’élargissement des missions confiées à l’AFA, notamment dans le domaine de l’adoption nationale, ne se fera pas au détriment de sa fonction d’intermédiation en matière d’adoption internationale ? Pouvons‑nous avoir l’assurance que cette même AFA, puis le GIP, disposera des moyens adaptés afin d’accompagner les familles dans leur projet d’adoption dans les pays d’origine ?

Mme Josiane Corneloup. Une société moderne se juge à sa capacité à protéger les plus vulnérables, notamment, les enfants en danger. Prévenir les situations dans lesquelles un parent ne parvient plus à offrir à son enfant les garanties nécessaires à sa sécurité et à son bon développement est l’affaire de tous. L’intérêt supérieur de l’enfant, qui doit être notre priorité, commande une attention de tous les instants pour sécuriser celui-ci au sein de sa famille.

L’article 1er vise à placer prioritairement l’enfant auprès d’un membre de la famille ou d’un tiers digne de confiance. Je suis tout à fait favorable à l’idée d’explorer systématiquement la possibilité de maintenir l’enfant dans un cadre connu plutôt que de le placer auprès d’un service de l’ASE. Toutefois, je regrette que cet article ne comprenne aucune mesure en matière d’AEMO, laquelle concerne des familles dont les parents sont confrontés à des difficultés dans l’exercice de leur mission et vise à les accompagner tout en assurant la protection de l’enfant. L’AEMO peut, par exemple, favoriser l’insertion sociale à l’école, lors des loisirs, au sein d’associations ou dans des lieux de soins. Elle est essentielle et il convient d’y recourir plus fréquemment.

M. le secrétaire d’État. Contrairement à ce que prétendent un certain nombre d’entre vous, ce texte ne manque pas d’ambition. J’assume que tout ne soit pas dans la loi, tout simplement parce que des actions ont déjà été menées ou sont en cours. La pédopsychiatrie est en effet un domaine essentiel. Or, depuis deux ans et demi, je n’ai cessé d’en parler à chacun de mes déplacements. Il en est de même s’agissant des délais d’attente dans les centres médico-psychologiques (CMP). Il est faux de dire que rien n’est fait !

Je vous rappelle que 80 millions d’euros ont été débloqués en faveur de la pédopsychiatrie dans le cadre de la feuille de route de la santé mentale et de la psychiatrie de 2018, que le fonds d’innovation organisationnelle en psychiatrie a été doté de 15 millions pour la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent et qu’il a été reconduit de 2019 à 2021, que dix postes d’assistants chefs de clinique en pédopsychiatrie ont été créés depuis 2019 et que, dans le cadre du Ségur de la santé, 160 postes de psychologues ont été créés afin de réduire les délais d’attente dans les CMP. La pédopsychiatrie sera également l’un des axes fondamentaux des assises de la santé mentale et de la psychiatrie qui auront lieu en septembre prochain.

Le Gouvernement agit également contre l’accès massif et précoce des enfants à la pornographie et la prostitution infantile – à ce sujet, nous annoncerons d’ailleurs un certain nombre de mesures à la rentrée, à la suite du rapport que me remettra Mme Champrenault, procureure générale près la cour d’appel de Paris.

Le rapport d’avril 2019 sur la mort inattendue des nourrissons est le premier à avoir été déposé sur mon bureau dès après ma nomination. Le référentiel de la HAS, dont cette loi généralisera l’utilisation, y figurait, de même que la collégialité des juges lorsque les situations sont complexes.

J’aurai l’occasion de vous dire lors des débats à quoi servira l’argent de l’État dans le cadre de la contractualisation : créations de postes dans les PMI de vos départements, d’équipes mobiles en pédopsychiatrie, de places dans les villages d’enfants afin d’éviter la séparation des fratries. C’est du tangible, du concret !

La loi ne peut pas tout, en effet. Nous savons fort bien que des dispositifs datant de la loi de 2007 réformant la protection de l’enfance – projets pour l’enfant, observatoires départementaux de la protection de l’enfance – ne sont pas mis en œuvre et que ce n’est pas normal. À mes yeux, c’est un véritable enjeu des pratiques professionnelles.

Des documentaires, des reportages font état des maltraitances qui existent au sein des foyers – nous débattrons de dispositions qui, je l’espère, permettront d’y mettre fin –, mais je tiens également à saluer le professionnalisme des travailleurs sociaux de la protection de l’enfance.

Ce texte comprend des dispositions concernant le seul métier d’assistant familial mais nous réfléchissons aux moyens d’améliorer la qualité de vie au travail de l’ensemble des travailleurs sociaux.

Certains d’entre vous se sont étonnés que les mesures relatives aux normes et aux taux d’encadrement ne figurent pas dans ce texte. J’ai saisi le CNPE afin qu’il rende un avis à ce propos mais le Conseil d’État a considéré que cela ne relève pas de la loi et un certain nombre d’amendements à ce sujet ont été jugés irrecevables. Je m’engage toutefois à ce que nous puissions en discuter ensemble et que le Gouvernement réfléchisse à ce qu’il sera possible de faire en séance publique sur un certain nombre de thèmes, notamment, le financement du GIP.

J’attends également que le débat parlementaire permette de remédier à certaines lacunes du texte, notamment en ce qui concerne l’AEMO. Nous reviendrons sur la question des délais d’exécution des mesures de justice – je pense à la tribune qu’avaient publiée les juges des enfants de Bobigny en 2018 – et je suis tout à fait disposé à entendre des propositions de votre part. L’AEMO est en effet mal connue et mal utilisée puisqu’elle ne concerne que 18 % des mesures sociales à l’enfance. Il y a deux ans, j’ai demandé à l’inspectrice générale des affaires sociales Geneviève Gueydan un rapport sur la démarche de consensus relative aux interventions de protection de l’enfance ; il contient un certain nombre de propositions. La question, maintenant, est de savoir comment mieux les appliquer.

Un certain nombre d’amendements visant à renforcer l’accompagnement avant et après de la sortie de l’ASE ont été déclarés irrecevables, mais le Gouvernement est plutôt favorable à l’idée de travailler dans ce sens. Là encore, nous en parlerons.

J’attends également beaucoup de nos débats, au Sénat et à l’Assemblée nationale, à propos de la gouvernance territoriale et de l’observatoire départemental de la protection de l’enfance, qui doit en être l’épicentre. J’attends donc l’installation des nouveaux conseils départementaux et du nouveau bureau de l’ADF afin que les parlementaires puissent nous dire comment renforcer cette organisation territoriale.

La MAI a été très étroitement associée à nos travaux et l’AFA poursuivra sa mission de haute autorité juridique pour qu’il n’y ait pas le moindre risque de remise en cause des agréments à l’étranger. Elle continuera à mener des actions internationales, d’autant plus qu’avec la crise sanitaire, de nombreux organismes autorisés pour l’adoption connaissent de grandes difficultés.

Avec la nouvelle gouvernance, l’idée est que l’AFA puisse mettre ses compétences à disposition des départements en matière d’adoption nationale, une expérimentation concluante étant en cours dans vingt-cinq d’entre eux. Des moyens seront consacrés à la formation et permettront l’accomplissement de ces deux missions. Je me suis également engagé auprès des organisations syndicales pour que le cadre d’emploi le plus favorable soit appliqué à l’ensemble des organisations qui rejoindront ce nouveau GIP. Cela dit, nous proposons moins une réforme « de moyens » qu’une réforme « de sens », comme en témoigne également le rapprochement du CNAOP avec l’AFA.

La proposition de loi de Mme Limon avait été, en effet, l’occasion d’évoquer la protection de l’enfance. Nous nous rejoignons également sur la nécessité de l’accompagnement et nous pourrons y travailler ensemble.

Depuis trois ans, le choix a été fait de ne pas recentraliser, même si je n’ai pas voulu que l’on entre dans des débats institutionnels et de compétences. J’ai le sentiment que, sur ces questions, il faut faire preuve d’humilité. Je ne crois pas que les directions départementales des affaires sanitaires et sociales ou la commission technique d’orientation et de reclassement professionnel soient toujours d’heureuse mémoire. En tout cas, je ne peux laisser dire que l’intérêt supérieur de l’enfant n’est pas pris en compte dans ce texte alors qu’il est, au contraire, central.

L’enjeu essentiel est d’éviter les ruptures et il n’est pas admissible que le système en génère lui-même. C’est pourquoi nous permettons aux assistantes familiales de poursuivre leur activité au-delà de la retraite – je vous renvoie au très beau documentaire sur Yanie, Itinéraire d’un enfant placé.

Ce sont 8 milliards d’euros qui sont consacrés à la protection de l’enfance mais ne faisons pas de la question des moyens un préalable : nous pouvons tous mieux faire. Des moyens supplémentaires, de plus, ont été accordés à la justice qui ont permis de créer soixante‑dix postes de juges des enfants et cent postes de greffiers pour les tribunaux pour enfants.

Je ne suis pas contre l’élaboration d’un code de l’enfance mais je ne suis pas celui qui, au banc, à l’occasion du débat sur la cellule de veille jeunes majeurs, a affirmé que deux textes devaient voir le jour !

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous avons bien compris que vous êtes ouvert à l’enrichissement de ce texte, dont nous commençons donc l’examen.

La commission en vient à l’examen des articles du projet de loi.

TITRE IER
AMÉLIORER LE QUOTIDIEN DES ENFANTS PROTÉGÉS

Article 1er : Recherche préalable d’un membre de la famille ou d’un tiers de confiance avant tout placement

La commission est saisie de l’amendement AS417 de Mme Perrine Goulet.

Mme Perrine Goulet. L’amendement soulève la question de la pluralité des tiers dignes de confiance pour aborder celle des parrainages.

Le parrainage concerne des personnes qui ont un lien ou non avec l’enfant, qui ne peuvent pas l’accueillir en permanence chez eux mais qui souhaitent pour autant jouer un rôle, par exemple en l’accueillant certains week-ends ou pendant les vacances scolaires en s’engageant ainsi sur le long terme.

L’ancien secrétaire d’État Mounir Mahjoubi, engagé dans cette démarche, m’a fait part de son bien-fondé pour l’enfant. Il importe donc de sécuriser juridiquement ces parrainages en donnant un statut aux parrains. Dans la stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance, monsieur le secrétaire d’État, vous vous êtes engagé à ce qu’il y ait 10 000 parrainages d’ici à 2022.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Votre amendement propose de pouvoir confier l’enfant à plusieurs tiers dignes de confiance, évoquant en filigrane les parrainages pratiqués avec succès par plusieurs associations. La rédaction proposée ouvre cependant la possibilité, qui n’est pas permise par le droit actuel ni souhaitable, de « diluer » la responsabilité en confiant l’enfant à plusieurs gardiens, ce qui pourrait soulever des problèmes.

Reste, bien sûr, la notion plus souple de parrainage, sans qu’il s’agisse nécessairement de confier l’enfant au parrain, mais nous aurons l’occasion de l’aborder avec plusieurs amendements après l’article 3.

Craignant qu’une telle possibilité offerte au juge insécurise l’enfant, je vous invite à retirer votre amendement.

M. le secrétaire d’État. Cet article, très important, permet de rechercher systématiquement l’existence d’un tiers de confiance – parent, voisin avec lequel l’enfant a noué des liens – plutôt que d’envisager un placement. Bien entendu, une telle démarche s’inscrit dans la recherche de l’intérêt supérieur de l’enfant, unique motivation du juge. Un tiers des courriers que je reçois concerne cette question : des grands‑mères, des cousins me font part du placement d’un enfant alors qu’ils auraient pu s’en occuper. L’accompagnement est impératif et l’exception d’urgence, me semble-t-il, a été mal comprise.

En 2019, sur 138 462 placements, 68 000 enfants ont été confiés à l’ASE, 4 382 à un tiers digne de confiance et 1 526 à un membre de leur famille. En Allemagne, quasiment deux fois moins d’enfants sont placés en institution. La « désinstitutionalisation » fait son chemin pour le handicap et la dépendance. Nous devons l’envisager pour l’ASE Cet article peut avoir un effet de levier sur l’organisation de notre système.

Avis défavorable ou demande de retrait pour cet amendement qui, en effet, « dilue » un peu les responsabilités. Le parrainage demeure néanmoins un élément important de la stratégie de prévention et de protection de l’enfance à travers la contractualisation : 10 000 places de parrains sont financées ou en voie de l’être. Je vous donnerai le nombre de contrats signés et leur localisation.

Les tiers bénévoles bénéficient d’un statut mais ces derniers ne peuvent intervenir dès que le juge prononce une mesure d’AEMO, ce qui est souvent nécessaire et qui soulève à nouveau la question de l’accompagnement par le tiers digne de confiance.

Mme Perrine Goulet. La mention d’un parrain dans un jugement sécuriserait, au contraire, l’enfant qui serait ainsi accompagné sur le long terme.

L’amendement est retiré.

La commission en vient à l’amendement AS484 de Mme Bénédicte Pételle, rapporteure, qui fait l’objet du sousamendement AS500 de Mme Perrine Goulet.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Au moment de confier l’enfant à un membre de famille ou un tiers digne de confiance, le juge doit examiner systématiquement l’opportunité d’appliquer l’une des mesures qu’il peut déjà ordonner en application du code – AEMO, soutien d’un professionnel, conditions de prise en charge sanitaire ou scolaire pour que l’enfant soit placé – afin d’accompagner l’accueillant, qui a parfois besoin d’un soutien pour pouvoir assurer son rôle.

L’apport serait donc une décision explicite du juge des enfants sur cette question, qu’il devrait motiver dans sa décision et calibrer aux besoins spécifiques du membre de famille et du tiers de confiance.

Cette réflexion rejoint un autre amendement du groupe La République en marche que nous examinerons un peu plus loin sur l’accompagnement par un référent. La rédaction n’est peut-être pas totalement aboutie, d’autant qu’elle pourrait se rapprocher de celle de mes collègues, mais je souhaiterais avoir le sentiment du Gouvernement sur cette piste de travail, qui me paraît intéressante.

Mme Perrine Goulet. Je suis très étonnée que cet amendement ait été jugé recevable – tout comme celui, dont nous discuterons, de Mme Limon – et pas celui du groupe Mouvement démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés disposant, lui aussi, que des mesures d’accompagnement doivent être prévues. D’où mon sous-amendement.

Devenir tiers de confiance entraîne un bouleversement pour l’enfant et pour celui qui l’accueille. Un accompagnement est donc nécessaire mais pas seulement à travers l’AEMO : il faut un accompagnement global, social. Peut-être le tiers de confiance aura-t-il besoin d’un petit soutien financier faute de revenus suffisants ou d’être accompagné par un travailleur social pour trouver des psychologues, un encadrement sanitaire.

Ce n’est donc pas tant d’opportunité qu’il doit être question mais d’une obligation.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Selon les associations – notamment Retis, basée en Haute‑Savoie et spécialisée dans l’accompagnement des tiers dignes de confiance –, même si un accompagnement peut être nécessaire pendant plusieurs mois ou années, un accompagnement systématique n’est pas requis et pourrait être jugé intrusif.

C’est sur ce point que nous divergeons, et c’est précisément parce que mon amendement parle d’« opportunité », écartant ainsi la systématicité, qu’il a été déclaré recevable, à la différence du vôtre.

M. le secrétaire d’État. Sans vouloir m’immiscer dans les débats sur la recevabilité, je pense en effet que le caractère systématique ou non du dispositif a été le critère en la matière.

Sur le fond, et en anticipant sur l’amendement à venir de Mme Limon, nous sommes tous d’accord quant à l’opportunité d’un accompagnement du tiers digne de confiance, voire, parfois, sa nécessité, à cause des bouleversements que la situation peut provoquer dans la vie d’une famille. C’est d’ailleurs l’avis de nombre d’associations, à commencer par la CNAPE.

Je ne suis pas défavorable à une AEMO systématique, mais l’AEMO est prononcée dans la plupart des cas lorsqu’un tiers digne de confiance est désigné ; il faut sans doute laisser la décision à la libre appréciation du juge. Je suis plutôt favorable au principe d’un accompagnement – social, global, c’est à définir. Reste à déterminer qui l’assure. Pour cela, il nous faut réfléchir et consulter les associations spécialisées.

Ce pourrait être un référent de l’ASE, comme le proposera Mme Limon dans son amendement. Mme Goulet a parlé d’un travailleur social : serait-il du département, auquel cas il risquerait peut-être d’être juge et partie ? La question mérite d’être précisée.

Pour ces raisons, je demanderai le retrait de tous les amendements portant sur le sujet afin que nous puissions retravailler d’ici à la séance, ensemble et avec les spécialistes, à une rédaction recevable et pertinente.

Mme Monique Limon. Je conviens tout à fait qu’il faille travailler le sujet pour déterminer qui est le mieux placé pour accompagner le tiers digne de confiance.

Quant au fond, je suis d’accord avec Perrine Goulet. Ordonner de confier un enfant à un tiers digne de confiance ne fait pas encore partie des pratiques habituelles, et si l’on veut que la mesure ne fasse pas seulement bel effet dans le texte de loi, mais soit mise en œuvre de façon efficace, pérenne et à grande échelle, il faut rassurer tout le monde – le juge, l’éducateur, le tiers digne de confiance, la famille et l’enfant lui-même – en réfléchissant à un accompagnement.

M. François Ruffin. Il y a un consensus pour développer les possibilités d’accueil par un tiers digne de confiance – c’est‑à‑dire, en clair, par un membre de la famille. Mais je crains qu’on ne le fasse par souci d’économie : cette solution est moins chère que le placement en foyer ou chez une assistante familiale. Une dérive fonctionnaliste est donc possible.

Il nous paraît, par conséquent, nécessaire d’instaurer au moins un accompagnement des tiers dignes de confiance. L’arrivée de l’enfant peut bouleverser la vie de la famille, dites‑vous, monsieur le secrétaire d’État ; elle la bouleverse de toute façon ! Se pose donc, une fois de plus, la question des moyens mis au service de la loi. Voilà pourquoi je suis favorable à un accompagnement.

M. le secrétaire d’État. C’est le juge qui décide du placement éventuel chez un tiers digne de confiance, et ce n’est pas lui qui paye, mais le département. D’ailleurs, les départements reprochent souvent au système de protection de l’enfance le fait que le décideur ne soit pas le payeur. Votre inquiétude n’est donc pas fondée, monsieur Ruffin.

M. Ugo Bernalicis. Il n’empêche que les magistrats ne prononcent pas une mesure quand ils savent que les moyens permettant de la rendre effective ne sont pas au rendez-vous, d’autant qu’ayant énormément de dossiers à traiter, ils sont tentés d’avancer à l’économie pour pouvoir passer à des cas plus complexes. Cela nous ramène à la question des moyens. Dans les textes, c’est le juge qui décide ; dans le monde réel, les choses sont un peu plus compliquées.

Cela vaut des mineurs comme des majeurs. Combien de magistrats s’abstiennent de prononcer des alternatives à l’incarcération parce qu’ils ne savent pas où ira la personne, ni qui la prendra en charge, et que l’incarcération est plus simple ? Pourtant, ce sont des juges indépendants ; mais ils ne sont pas en dehors de la société, exempts de contradictions ni de contraintes budgétaires.

L’obligation de motiver la décision n’est pas sans intérêt, mais si les juges ne prononcent pas ce type de mesures alors que cela semblerait nécessaire, c’est aussi pour aller plus vite.

Mme Isabelle Santiago. Je suis d’accord avec Mme Goulet au sujet de l’accompagnement global. D’expérience, les tiers dignes de confiance désignés par le juge sont souvent les grands frères ou grandes sœurs, des jeunes de 24 ou 25 ans sans revenu, ayant eux-mêmes eu un parcours au sein du dispositif de protection de l’enfance, très fragiles et entièrement démunis lorsqu’il s’agit d’accompagner un cadet ou une cadette de 17 ans également en grande difficulté. Il est donc important d’accompagner les tiers dignes de confiance en tenant compte de la situation réelle des personnes.

Mme Perrine Goulet. Absolument. J’avais à l’esprit tous ces frères, toutes ces sœurs qui, pour accueillir leur cadet ou leur cadette, ont besoin d’un accompagnement plus global que ce que permet une AEMO. Vous dites, madame la rapporteure, que l’accompagnement peut être jugé intrusif par la famille ; je m’en fiche, ce qui m’importe, c’est l’intérêt supérieur de l’enfant. Un enfant qui bénéficie d’une mesure de protection a nécessairement des difficultés, donc besoin d’un accompagnement.

Nous verrons lequel avec M. le secrétaire d’État, que je remercie de nous tendre la main pour que nous trouvions une solution d’ici à la semaine prochaine. Il faut en tout cas le rendre obligatoire, quitte à en limiter la durée, le temps de voir comment se noue la relation entre l’enfant et le tiers digne de confiance. Ce ne serait pas une solution que de placer l’enfant chez un tiers puis, faute d’accompagnement, de devoir lui trouver un nouveau moyen de protection parce que les choses se sont mal passées.

M. François Ruffin. C’est le juge qui décide, monsieur le secrétaire d’État, mais il le fait à partir des éléments fournis par le département, notamment par les services de l’ASE, qui évaluent la pertinence du placement de l’enfant auprès d’un tiers. Évidemment, ce n’est pas le juge qui mène l’enquête sociale. Je persiste donc à craindre un glissement vers l’économicisme.

M. le secrétaire d’État. Je fais confiance aux travailleurs sociaux et aux juges. Nous reparlerons de la systématisation d’ici à la séance, mais on peut aussi laisser le juge apprécier l’opportunité et la durée de la mesure.

Madame Goulet, une allocation à la main des départements est prévue pour les tiers dignes de confiance, d’un montant de 350 à 450 euros, afin de leur permettre de subvenir aux besoins matériels essentiels de l’enfant. Elle a fait l’objet, en 2017, d’une décision du Conseil d’État, qui a rappelé qu’elle devait être versée au tiers digne de confiance au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Rappelons l’importance de l’évaluation préalable au placement. Il faut faire confiance au juge, qui s’appuie sur elle pour prendre sa décision.

Madame Goulet, je défends, moi aussi, l’intérêt supérieur de l’enfant, mais il serait dangereux de tout systématiser. C’est au juge de décider d’un éventuel accompagnement. Nous sommes tous favorables à ce que l’on se pose la question de cet accompagnement, au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Je retire mon amendement pour que nous puissions travailler à une solution commune.

L’amendement est retiré.

En conséquence, le sous-amendement tombe.

La commission est saisie, en discussion commune, des amendements identiques AS55 de M. Guillaume Chiche et AS375 de Mme Florence Provendier, des amendements identiques AS110 de M. François Ruffin et AS247 de Mme Isabelle Santiago ainsi que des amendements AS111 de M. Ugo Bernalicis et AS33 de M. Alain Ramadier.

M. Guillaume Chiche. Nous proposons de remplacer la notion d’urgence par celle d’intérêt supérieur de l’enfant. Sous-tendant l’ensemble du texte, cette dernière devrait en effet figurer à l’article 1er. La notion d’urgence, en revanche, est particulièrement difficile à interpréter et pourrait jouer ici ou là contre l’intérêt supérieur de l’enfant.

Mme Florence Provendier. Je remercie tout d’abord M. le secrétaire d’État de nous permettre d’examiner un sujet aussi sensible et essentiel que celui des 350 000 enfants confiés à l’ASE. Si j’ai demandé à rejoindre votre commission aujourd’hui, c’est parce qu’avant d’être parlementaire, j’étais dans l’humanitaire, et que, depuis mon entrée à l’Assemblée, je n’ai eu de cesse de travailler sur les droits de l’enfant, dans le cadre de la mission d’information rapportée par Perrine Goulet sur l’ASE, présidée par Alain Ramadier, comme du projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales ou de la proposition de loi visant à protéger les jeunes mineurs des crimes sexuels. Les droits de l’enfant sont un sujet transversal qui concerne toutes nos commissions, la vôtre, mais aussi les commissions des affaires culturelles et de l’éducation, des lois, de la défense, des affaires étrangères et du développement durable.

J’en viens à mon amendement. En 2019, il y a eu 68 057 placements à l’ASE, 4 392 auprès d’un tiers digne de confiance et 1 526 chez un membre de la famille. L’article va dans le bon sens en donnant la priorité au placement chez un tiers digne de confiance – sauf en cas d’urgence ; or la notion d’urgence risque d’être difficile à interpréter. Voilà pourquoi nous proposons de la remplacer par celle d’intérêt supérieur de l’enfant.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Je suis défavorable à tous les amendements en discussion. La norme est la recherche d’une solution permettant à l’enfant de rester dans un environnement familier ; l’exception est une situation d’urgence constatée ou suspectée, généralement à cause de violences, qui doit permettre un placement rapide. Parfois, le placement d’urgence est dans l’intérêt supérieur de l’enfant.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Pardonnez-moi, j’aurais dû donner d’abord la parole aux défenseurs des autres amendements en discussion, et d’abord à M. Ruffin – veuillez m’excuser, monsieur le député.

M. François Ruffin. J’ai la chance de savoir que mon amendement va être rejeté avant même de l’avoir présenté : c’est original !

Mme la présidente Fadila Khattabi. Vous pouvez tout de même le défendre !

M. François Ruffin. Oh, merci de me le permettre !

La recherche d’un tiers digne de confiance doit, dit-on, devenir la norme. Et tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État, vous avez fait un lapsus en parlant de systématiser « la recherche » d’un tiers digne de confiance au lieu de dire « le recours ».

Je le répète, je crains donc un glissement vers des mesures d’économie. Je veux bien faire toute la confiance que vous voulez aux juges des enfants et aux éducateurs, mais nous parlons de services qui sont sous l’eau ! Tous les rapports sur le sujet, toutes les auditions en témoignent. De sorte que l’évaluation, comme l’entretien à 17 ans ou le projet pour l’enfant, n’aura pas lieu dans beaucoup de départements. Il y a là un fossé entre la loi et la réalité. Voilà pourquoi il faut du systématique.

La mention de l’intérêt supérieur de l’enfant, que nous proposons ici, sera néanmoins insuffisante, car ce n’est qu’une garantie verbale.

Mme Isabelle Santiago. Les professionnels sont favorables à l’article 1er, mais ils craignent l’interprétation pouvant être faite de la notion d’urgence. La notion d’intérêt supérieur de l’enfant, présente dans le droit, permet aussi de faire face à l’urgence sans que ce soit au détriment de l’enfant.

M. Ugo Bernalicis. Faites confiance au juge ! La mention de l’intérêt supérieur de l’enfant, notion plus large que celle d’urgence, permet aussi au juge d’apprécier celle-ci. Dans la rédaction actuelle de l’article, l’urgence est le préalable, sur lequel il faut statuer avant d’envisager le reste. L’objectif est pourtant de rappeler le primat de l’intérêt supérieur de l’enfant, déjà garanti par la loi et par des normes plus élevées. Laissons au magistrat toute la latitude nécessaire pour apprécier la situation au nom des objectifs soulignés dans le reste de l’alinéa et auxquels nous souscrivons.

M. Thibault Bazin. Nous partageons le souhait de confier le mineur à un membre de la famille ou à un tiers digne de confiance, mais nous nous interrogeons sur le caractère systématique de l’évaluation, qui pourrait fonder un recours excessif de la part de la famille si celle-ci n’est pas d’accord avec la décision. En ce sens, l’intérêt supérieur de l’enfant justifierait que l’on assouplisse le dispositif.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Vous voulez transformer l’obligation d’évaluation en faculté, mais je ne partage pas votre point de vue sur la lourdeur de la procédure. Si nous ne rendons pas obligatoire cette évaluation – déjà envisageable aujourd’hui, comme l’ont rappelé les magistrats auditionnés –, nous continuerons à passer à côté de solutions alternatives au placement. N’en faire qu’une faculté reviendrait à ne rien changer à la situation existante, que chacun estime peu satisfaisante. Cela a été dit, pour 68 057 enfants placés par décision du juge auprès des services de l’ASE, seuls 4 392 l’ont été auprès d’un tiers de confiance et 1 526 auprès d’un membre de la famille : c’est vraiment peu. Dans ce contexte, les associations auditionnées ont insisté sur l’importance de l’évaluation.

Avis défavorable.

M. le secrétaire d’État. Même avis.

L’amendement qui vient d’être défendu revient à vider l’article de sa substance puisqu’il tend à maintenir le droit existant.

Quant aux autres amendements, je fais tellement confiance au juge, monsieur Bernalicis, de même que les législateurs qui vous ont précédé, que l’article 375‑1 du code civil dispose que le juge des enfants doit « se prononcer en stricte considération de l’intérêt de l’enfant ». Pas d’inquiétude, donc : il n’est nul besoin de le répéter.

La mention de l’urgence au début de l’article est mal comprise par ceux d’entre vous qui ont déposé des amendements à ce sujet et par l’association qui les leur a suggérés. Ce n’est pas le juge qui décide de l’urgence. Que se passe-t-il très concrètement si, un vendredi à minuit, un enfant se fait frapper par un membre de sa famille ? Va-t-on commencer par chercher un tiers digne de confiance ? Non : le département, par une décision administrative, enlève l’enfant à sa famille pour le protéger et le place, tout en saisissant le parquet pour que le juge puisse prononcer une ordonnance de placement provisoire. C’est de cette urgence-là que l’on parle. Dans un contexte comme celui-là, l’évaluation de la possibilité de l’accueil par un tiers digne de confiance aura lieu dans un second temps, au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant. Le texte est au plus près de la réalité du terrain, de ce que vivent les services sociaux et les juridictions.

M. Guillaume Chiche. À défaut d’avis du Gouvernement sur le mien, je maintiens mon amendement.

Mme la présidente Fadila Khattabi. M. le secrétaire d’État vous a répondu.

Mme Florence Provendier. Dans une situation telle que celle que vous décrivez, monsieur le secrétaire d’État, les parties prenantes auront l’intelligence de tenir compte de l’intérêt supérieur de l’enfant et de le mettre à l’abri. Le fait d’insister sur l’intérêt supérieur de l’enfant plutôt que sur l’urgence vise à éviter les placements intempestifs à l’hôtel qui pourraient avoir lieu dans certains cas. Je maintiens mon amendement.

M. François Ruffin. Moi aussi, bien sûr. Je rappelle que la Défenseure des droits nous alerte sur « le défaut d’encadrement de ces dispositions qui pourraient avoir comme conséquence de maintenir l’enfant dans sa famille en attendant l’évaluation des services compétents, sans que ces derniers soient clairement identifiés ». En gros, il existe un risque que l’évaluation traîne et que, en attendant, le statu quo soit maintenu. D’autant que les services impliqués, je le répète, sont à peu près tous sous l’eau – et c’est ce problème qu’il faudrait résoudre, ce que ne fera pas le projet de loi.

Mme Isabelle Santiago. Je maintiens, moi aussi, mon amendement.

M. Ugo Bernalicis. De même. La mention « sauf urgence » oblige le magistrat à analyser la situation du point de vue de l’urgence avant de prendre sa décision. La rédaction actuelle l’enserre dans ce cadre alors qu’une formule générale sur l’intérêt supérieur de l’enfant lui permettrait, après enquête sociale, de favoriser l’accueil par un tiers digne de confiance, mais aussi, s’il y a urgence, de prendre les mesures que vous avez évoquées, monsieur le secrétaire d’État. La question n’est pas l’urgence, mais l’intérêt supérieur de l’enfant.

M. Alain Ramadier. Compte tenu de l’intervention de M. le secrétaire d’État, qui apaise nos inquiétudes, nous retirons notre amendement.

Mme Monique Limon. À la lumière de mon expérience professionnelle de plusieurs années dans ce domaine, il me semble plutôt rassurant que l’on tienne compte de l’urgence pour ne pas prendre le risque de placer l’enfant ou de le laisser dans sa famille sans évaluation globale de la situation. D’abord, on protège ; ensuite, on évalue, et, si besoin, on place chez un tiers digne de confiance, en établissement ou en famille d’accueil.

M. Guillaume Chiche. Avec mes excuses, monsieur le secrétaire d’État, j’aimerais revenir sur vos éléments de réponse à l’ensemble des amendements. Je maintiens le mien, car il faut supprimer la notion d’urgence, particulièrement floue, au profit de celle d’intérêt supérieur de l’enfant.

Il importe de supprimer également la tournure négative – « le juge ne peut ordonner un placement [...] qu’après évaluation », etc. –, qui limitera drastiquement la marge de manœuvre du magistrat, y compris lorsque les services de l’ASE n’auront pu mener les investigations recommandées ou nécessaires. Voilà pourquoi je proposais également dans mon amendement de supprimer les mots « ne » et « qu’ », pour que le juge soit entièrement libre de sa décision.

L’amendement AS33 est retiré.

La commission rejette successivement les amendements AS55 et AS375, AS110 et  AS247 ainsi qu’AS111.

Elle en vient à l’amendement AS178 de Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Je propose, à l’alinéa 2, de remplacer le mot « placement » par le mot « accueil », car parler du placement d’un enfant est stigmatisant. Je suis un vieux travailleur social et j’ai vu la réglementation évoluer, en même temps que la terminologie. Autrefois, on parlait de familles d’accueil, puis on s’est mis à parler d’assistant familial, pour souligner la professionnalisation, mais c’est toujours au sein d’une famille que l’enfant est accueilli. Il faut donc préférer le mot « accueil » au terme « placement ».

J’ai mené le même combat à propos des personnes âgées, pour lesquelles on parlait autrefois de « placement » pour arriver, petit à petit, à l’envisager comme un « accueil » en établissement ou en maison de retraite. Du reste, le verbe « confier » serait déjà préférable à celui de « placer ».

Même si mon amendement n’est pas adopté, j’aimerais vraiment, monsieur le secrétaire d’État, qu’on n’utilise plus ce terme dans vos administrations. Le CNPE a d’ailleurs exprimé une réserve à ce sujet dans son avis du 31 mai 2021, relatif au présent projet de loi.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Je ne peux qu’approuver votre souhait. L’association Repairs! nous a, elle aussi, demandé de remplacer tous les acronymes par des mots plus humains.

Si je l’entends, votre demande serait difficile à satisfaire sur le plan législatif, puisque le terme « placement » figure dans tous les codes et fait allusion à un mode d’accueil particulier en établissement ou dans des familles d’accueil. Le remplacer dans ce seul article ne règlerait pas tout le problème de sémantique que vous évoquez.

Avis défavorable.

M. le secrétaire d’État. Même avis.

Sur le fond, vous avez évidemment raison et je m’évertue, dans mes prises de parole, à éviter le mot « placement » et à parler d’enfants protégés plutôt que d’enfants placés. Du reste, la protection de l’enfance ne se limite pas au « placement » d’enfants dans des foyers ou des familles d’accueil, puisque la moitié des enfants qui bénéficient de la protection de l’ASE sont dans leur famille, où ils bénéficient de mesures d’aide éducative en milieu ouvert ou d’un placement à domicile.

Le mot « placement » figure dans trois ou quatre autres codes ; c’est un terme consacré dans notre droit actuel. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas changer le droit – qui ne définit pas seulement des normes mais produit aussi des symboles. Mais si nous supprimons le mot « placement » ici, alors qu’il continue d’être utilisé dans les autres codes, nous allons créer un problème de coordination et d’articulation juridique.

Le code de l’enfance que souhaite promouvoir M. Bernalicis pourrait être l’occasion de nettoyer un peu tous les codes existants. À ce stade, il me semble compliqué de ne modifier que ce texte.

Mme Jeanine Dubié. Il faut bien commencer quelque part, sinon, on ne fera jamais rien. Monsieur le secrétaire d’État, il me semble que vous seriez en mesure de changer les choses au niveau de votre ministère. On pourrait au moins remplacer le mot « placement » par le mot « accueil » dans le code de la famille et de l’aide sociale, sinon dans le code civil. Un juge place un coupable en détention. L’enfant, lui, n’a rien fait ; il n’a pas à être placé. Nous pourrions faire un pas en avant dans cet article 1er avant de modifier les autres textes.

Mme Isabelle Santiago. En vue de la séance, peut-être pourrions-nous écrire un amendement de coordination au moins sur l’ensemble de ce texte, à défaut de tous les codes, puisque nous sommes nombreux à être d’accord sur ce point ?

M. François Ruffin. Chacun sait qu’on ne va pas changer une réalité tragique avec des mots, ni même en promulguant cette loi, quand on voit le nombre de lois relatives à la protection de l’enfance qui ont été votées et qui ne sont pas appliquées. Reste que si nous sommes tous d’accord pour remplacer le mot « placement » par le terme « accueil », il est facile de le faire. Vous nous dites que le mot « placement » figure dans tous les textes. Pourquoi ne pas profiter de ce nouveau texte pour rappeler que nous parlons d’êtres humains que l’on accueille et non d’objets que l’on déplace ? Il ne s’agit que d’un aménagement à la marge, bien peu satisfaisant, mais c’est toujours quelque chose.

Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. Au-delà du symbole, ces questions de terminologie ont une vraie importance. Elles nous rappellent que l’intérêt de l’enfant se heurte à des contraintes administratives et légistiques qui font qu’il n’est pas toujours prioritaire. Même si cet amendement présente des difficultés, il vaut la peine d’être voté. Quand des enfants vivent ce genre de rupture familiale, que leurs copains, à l’école ou au collège, leur demandent où ils habitent et qu’on leur a mis dans la tête le mot « placement », cela peut avoir des conséquences psychologiques. Il faut éviter d’ajouter du traumatisme au traumatisme, pour aider ces enfants à se construire.

Mme Isabelle Valentin. Employer le terme « placement », à propos d’un enfant, me paraît effectivement violent et je crois, moi aussi, qu’il faudrait lui préférer le mot « accueil ». Même si cela pose des difficultés sur le plan législatif, il faudra bien commencer un jour. Pourquoi pas avec ce texte ?

Mme Jeanine Dubié. Je signale que cet amendement porte sur l’article 375‑3 du code civil, où il n’est pas question de « placer » l’enfant, mais de le « confier » à quelqu’un. On peut donc faire un pas de plus et parler d’accueil.

M. le secrétaire d’État. Dans l’article 375‑3 du code civil, qui est l’article de référence, il est effectivement question de « confier » les enfants à quelqu’un.

Le terme « placement » apparaît notamment dans le code de procédure civile, qui relève du domaine réglementaire – c’est d’ailleurs ce qui a justifié qu’un certain nombre d’amendements soient jugés irrecevables. Un amendement visant à coordonner les différents codes n’est donc pas envisageable, d’autant plus que cette question concerne aussi d’autres ministères. Je m’engage, en tout cas, à examiner la question et à voir comment on peut faire évoluer les choses. Je ne peux pas vous donner de garantie mais je vous rejoins tous sur le fond.

M. Didier Martin. Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous dire à nouveau si vous êtes favorable ou défavorable à cet amendement ? Dans la mesure où nous nous accordons sur cette évolution, nous pourrions l’adopter, mais nous pourrions aussi vous faire confiance et prendre acte de votre engagement.

M. le secrétaire d’État. Je vous ai dit clairement quelle était ma position sur le fond et ce que je m’engageais à faire – je vais notamment voir s’il est possible de faire évoluer le code de procédure civile. Mais c’est aussi ma responsabilité que de prendre en compte les conséquences d’une telle disposition, et je ne les maîtrise pas totalement. À ce stade, je ne peux pas aller plus loin.

La commission rejette l’amendement.

M. le secrétaire d’État. En dépit du sort qu’a connu cet amendement, je réitère mon engagement à essayer d’avancer avec vous sur cette question d’ici à l’examen du texte en séance, même si je ne peux rien promettre.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Je ne veux pas vous affoler, et je reconnais que le débat est très riche, mais nous avons n’avons examiné que neuf amendements en une heure.

La commission est saisie de l’amendement AS422 de Mme Perrine Goulet.

Mme Perrine Goulet. Vous avez dit, madame la rapporteure, qu’il importait de faire une évaluation des tiers dignes de confiance. Je propose, pour ce faire, la création d’un référentiel d’évaluation, qui serait confiée au GIP que nous allons créer tout à l’heure.

Ce projet de loi crée un référentiel unique pour évaluer les informations préoccupantes : c’est une nécessité, puisqu’on constate des différences de traitement d’un département à l’autre. J’ai peur que nous ayons le même problème avec les tiers dignes de confiance si nous ne faisons rien.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Pour moi, le GIP doit garder la main sur ses référentiels sans se voir contraint, dès sa création, à produire trop de documents obligatoires, incompatibles avec son autonomie et ses capacités d’initiative.

Par ailleurs, la création d’un tel référentiel est incompatible avec le calendrier : cette mesure doit entrer en vigueur au lendemain de la publication de la loi et le référentiel ne sera pas prêt à ce moment-là. Il me semble important de laisser au GIP la liberté de définir son référentiel.

M. le secrétaire d’État. Je n’avais pas noté cette question de calendrier, mais c’est un vrai argument. Par ailleurs, j’aurais, moi aussi, tendance à laisser au GIP le soin d’organiser ses travaux comme il l’entend. La définition d’un référentiel pourrait effectivement être une piste de travail à lui suggérer, toutefois, je vous invite à retirer votre amendement, car il ne me semble pas nécessaire de l’inscrire dans la loi.

Mme Perrine Goulet. L’esprit de mon amendement est de laisser au GIP le soin de définir lui-même ce référentiel, mais il me semble important qu’il le fasse de sorte que le juge puisse s’appuyer sur des évaluations construites sur les mêmes critères partout sur le territoire. Je ne voudrais pas, alors que nous accomplissons une avancée au sujet des informations préoccupantes, que les évaluations introduisent une nouvelle distorsion.

Il faudrait, a minima, inscrire dans la loi le principe selon lequel les tiers dignes de confiance sont évalués sur la base d’un référentiel unique pour garantir l’égalité de traitement de ces tiers, et donc des enfants. Toute la difficulté de cette politique, c’est que les départements ne mènent pas la même politique. Que le GIP soit autonome n’empêche pas qu’on lui confie certaines missions.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle aborde, en discussion commune, les amendements AS245 de Mme Isabelle Santiago et AS376 de Mme Florence Provendier.

Mme Isabelle Santiago. Il s’agit de prendre en compte le projet pour l’enfant au moment de la décision de placement – ou plutôt d’accueil, pour prolonger le débat que nous venons d’avoir sur ce terme.

Mme Florence Provendier. L’idée de cet amendement, travaillé avec l’association ATD Quart Monde, est de toujours s’assurer que les mesures prises s’adaptent aux besoins propres à chaque enfant. Il subordonne donc la mesure de placement auprès d’un tiers digne de confiance à l’établissement d’un PPE qui, complétant l’évaluation par les services, permet une consultation étendue de toutes les personnes œuvrant pour l’éducation de l’enfant, en particulier les parents, afin de déterminer, avec le plus de précision possible, son intérêt supérieur.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Je suis tout à fait favorable à ce que l’évaluation soit réalisée en cohérence avec le PPE, encore faut-il qu’il existe. Or ce n’est pas le cas au moment d’un premier placement. C’est pourquoi je préfère la rédaction de Mme Santiago, qui ne présuppose pas l’existence de ce projet.

M. le secrétaire d’État. Dans la mesure où le PPE n’est pas toujours élaboré au moment du premier placement, il semble effectivement préférable de retenir la rédaction de Mme Santiago. Ces deux amendements ont, en tout cas, le mérite de rappeler l’importance du PPE, qui est insuffisamment mis en œuvre dans les territoires, et dont l’élaboration associe insuffisamment les professionnels qui devraient l’être – les assistantes familiales ne le sont pas toujours.

Avis favorable sur l’amendement AS245 et demande de retrait de l’amendement AS376.

Mme Florence Provendier. Compte tenu de cet état d’esprit constructif, je retire mon amendement.

M. François Ruffin. Comme reporter, j’ai toujours du mal à me retrouver dans ces débats de juristes. Le PPE, on en parle comme s’il existait. Il existe dans le texte de loi, mais un éducateur que j’ai interrogé m’a dit qu’en six années passées au centre départemental de l’enfance, il n’avait fait que trois de ces projets et que, sur les quinze enfants qui s’y trouvent actuellement, un seul a eu un PPE, qui n’a même pas été défini par tous les acteurs concernés. Quant aux référents de l’ASE, dans mon département, ils disent avoir cessé d’en faire.

Dans leur rapport d’information, Perrine Goulet et Alain Ramadier ont écrit que « les travaux de la mission conduisent la rapporteure à douter de la traduction réelle et uniforme de ces louables intentions juridiques sur le terrain » et que « cette disjonction entre les progrès du droit et la réalité tangible pour les enfants placés procède sans conteste des difficultés de gouvernance », c’est-à-dire de la départementalisation. Le rapport contient aussi des statistiques qui montrent que ces projets pour l’enfant sont à peu près inexistants dans de nombreux départements. Qu’est ce qui, dans votre projet de loi, va permettre que les dispositions contenues dans les lois existantes aient enfin une traduction dans la réalité ? Quels moyens sont mis en œuvre ? Qu’est-ce qui va changer dans la gouvernance pour que le projet pour l’enfant soit enfin une réalité ? Pour l’instant, je ne vois rien qui aille dans ce sens...

M. le secrétaire d’État. Je vous dirai, d’abord, sans aucune provocation, que c’est votre boulot, non seulement de reporter, mais de député – et vous le faites très bien – que d’identifier, dans votre circonscription, les cas où les lois ne sont pas appliquées par les collectivités locales, et de les dénoncer.

La gouvernance locale est l’un des lieux où les acteurs pourront faire le point sur ce qui va et ce qui ne va pas, sur ce qui est fait et ce qui devrait être fait, et la manière d’y arriver. Nous reviendrons sur ces questions au moment où nous examinerons l’article 13.

L’amendement AS376 est retiré.

La commission adopte l’amendement AS245.

 

Puis elle est saisie, en discussion commune, des amendements AS428 de M. Didier Martin et AS226 de Mme Delphine Bagarry.

M. Didier Martin. Cet amendement du groupe La République en Marche réaffirme un principe que nous avons déjà tous rappelé ce matin, à savoir qu’il est indispensable de replacer l’enfant au cœur de la procédure et de trouver la solution qui correspond le mieux à ses besoins, tels qu’il peut les exprimer quand, bien sûr, son équilibre et son discernement le permettent. Le code civil, rappelons-le, dispose que « les parents associent l’enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité ». Nous proposons donc de compléter l’alinéa 2 par les mots : « et après recueil de l’avis de l’enfant lorsque ce dernier est capable de discernement ».

Mme Delphine Bagarry. L’article 1er constitue une belle avancée, puisque l’accueil d’un enfant par un membre de sa famille ou un tiers digne de confiance, avant son placement, peut constituer la prise en charge la plus adaptée pour le mineur concerné. Cela dit, il paraît indispensable que l’avis de l’enfant puisse être recueilli avant la décision du juge. L’amendement de notre collègue Didier Martin mentionne le discernement de l’enfant, mais il me semble que le discernement de l’adulte qui l’écoute est tout aussi important.

Cet amendement nous semble cohérent avec les droits de l’enfant, qui nous sont chers à tous, mais aussi avec la loi de 2016, qui plaçait le recueil de l’avis de l’enfant au premier plan. Je ne sais pas s’il est nécessaire de faire référence au discernement de l’enfant : pour ma part, j’ai préféré me référer à l’avis de l’enfant tout court.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Je suis tout à fait favorable à ce que l’avis de l’enfant soit recueilli avant son placement. Ce sont les magistrats que nous avons auditionnés qui nous ont dit qu’il importait d’ajouter la mention « capable de discernement ». J’ai une préférence pour l’amendement AS428, qui concerne potentiellement tous les enfants sans donner l’impression qu’il s’agirait d’une décision qu’il aurait déjà à prendre.

M. le secrétaire d’État. Nous sommes d’accord : le recueil de la parole de l’enfant, en matière d’assistance éducative – mais aussi plus globalement – est évidemment crucial. Toutefois, vos amendements me semblent déjà satisfaits par les textes. Les mesures d’assistance éducative, y compris le placement auprès d’un membre de la famille ou d’un tiers digne de confiance, sont toujours prises, sauf urgence, à l’issue d’une audience, et l’article 1189 du code de procédure civile dispose qu’« à l’audience, le juge entend le mineur, ses parents, tuteur ou personne ou représentant du service à qui l’enfant a été confié ainsi que toute autre personne dont l’audition lui paraît utile ». L’enfant peut donc donner son avis sur la mesure de protection.

Je suis très attaché, comme vous, au recueil de la parole de l’enfant. Mais il faut bien veiller à ce que cette disposition n’ait pas pour conséquence de faire peser sur les épaules de l’enfant un poids trop important. C’est toute la difficulté, toute la complexité de ces matières, puisque le placement auprès d’un tiers digne de confiance peut aussi placer l’enfant dans un conflit de loyauté entre différents membres de sa famille. Les juges le savent bien et en tiennent compte.

Pour toutes ces raisons, j’émets un avis de sagesse sur l’amendement de M. Didier Martin et invite Mme Bagarry à retirer le sien.

Mme Perrine Goulet. Je me permets de signaler que mon amendement AS419, qui sera examiné un peu plus loin, porte exactement sur le même sujet. Il vise à compléter l’article 1er par l’alinéa suivant : « Le juge s’assure de rechercher le consentement de l’enfant dans le cadre d’un accueil par un membre de la famille ou un tiers digne de confiance. » Je ne sais pas pourquoi cet amendement ne fait pas l’objet d’une discussion commune avec ceux que nous examinons, dans la mesure où il vise également à favoriser l’écoute de la parole de l’enfant. Je pense qu’il est vital d’écouter l’enfant si l’on veut que l’accueil par un tiers digne de confiance soit une réussite : il faut qu’il y ait une rencontre et un désir de part et d’autre, y compris du côté de l’enfant. Les amendements que nous examinons mettent l’accent sur l’écoute ; le mien parle du consentement, mais il me semble qu’ils sont assez proches.

M. Ugo Bernalicis. Je soutiens plutôt l’amendement de Mme Bagarry. L’avis de l’enfant doit être recueilli qu’il soit capable de discernement ou non.

Dans la rédaction du code civil et du code de procédure civile, on voit souvent se profiler l’idée qu’on peut se passer de rencontrer l’enfant. Or je pense que c’est une étape déterminante pour pouvoir identifier des conflits de loyauté. Cela n’engage pas le juge, qui reste libre de sa décision finale – à la différence de l’amendement de Mme Goulet qui vient d’être évoqué, qui vise, lui, à recueillir le consentement de l’enfant : c’est peut-être ce qu’on rechercherait dans un monde idéal, mais ce n’est quand même pas du tout la même chose.

À l’heure actuelle donc, vous l’avez dit vous-même, monsieur le secrétaire d’État, le juge peut entendre l’enfant, mais n’y est pas du tout obligé. Beaucoup de magistrats le font, fort heureusement, mais si l’on considère vraiment que l’intérêt supérieur de l’enfant doit primer, peut-être qu’échanger avec lui, qu’il soit discernant ou non, serait un minimum à rendre obligatoire dans la procédure.

M. Guillaume Chiche. Je suis, moi aussi, plutôt favorable à l’amendement de Mme Bagarry. D’abord, lorsque la mission d’information menée par Mme Goulet a entendu des personnes passées par le dispositif de l’ASE, toutes ont souligné leur incompréhension quant au fait que leur parole ait été prise en compte relativement tardivement dans leur parcours. J’ai la conviction qu’il faut donner à tous les enfants, discernants ou non, la possibilité de s’exprimer, d’autant qu’en l’occurrence, il ne s’agit que d’un simple avis : le juge reste pleinement décisionnaire, l’enfant ne porte pas le poids du choix.

Par ailleurs, je pense qu’il serait un peu prématuré d’organiser à ce stade du processus une sorte de tri entre les enfants faisant preuve de discernement ou non. De manière générale, il faut se donner l’occasion de recueillir leur ressenti le plus tôt possible, objectif ou subjectif : c’est bien de leur vie, de leur placement qu’il est question.

La commission adopte l’amendement AS428.

En conséquence, l’amendement AS226 tombe.

La commission en vient à l’amendement AS396 de Mme Perrine Goulet.

Mme Perrine Goulet. L’article 1er prévoit que le juge statue sur la possibilité d’être tiers digne de confiance sur la base d’une évaluation faite par le « service compétent », à savoir l’ASE dans la plupart des cas, ou des associations diligentées par elle.

À l’heure actuelle règne dans la tête des justiciables le soupçon de la partialité de la justice – c’est pour cela que le Gouvernement élabore un projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire. Sans aucunement vouloir dire si cette appréhension est fondée ou pas, je vous propose par cet amendement de prévoir une possibilité de recours contre l’évaluation faite en première intention. Ce recours serait réalisé par un service indépendant, une autre association, un autre organisme qui ne rencontrerait pas d’intérêt dans l’affaire, contrairement aux services de l’ASE, qui sont chargés ensuite du suivi de l’enfant.

Il est important de permettre au tiers d’obtenir une seconde évaluation s’il estime que la première n’est pas conforme à la réalité. Il est important que notre pays garantisse des possibilités d’appel et un exercice à charge et à décharge. Il est important pour moi de donner cette solution au tiers qui aurait été débouté dans un premier temps sur la base de l’évaluation des services de l’aide sociale à l’enfance.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Le juge tient compte de l’évaluation dans sa décision, mais n’est pas tenu par celle-ci. Il peut l’enrichir de pièces complémentaires apportées par la famille ou le tiers digne de confiance. Par ailleurs, vous parlez d’une seconde évaluation « réalisée par un service compétent indépendant », ce qui est une notion assez floue.

Pour ces deux raisons, je vous demande de retirer votre amendement.

M. le secrétaire d’État. Le juge a déjà la faculté de demander une seconde évaluation, notamment si le tiers digne de confiance estime que la première n’est pas conforme à la réalité. Il n’est pas nécessaire de le répéter ici. Par ailleurs, vous avez parlé du tiers digne de confiance, mais la rédaction de l’amendement vise également les membres de la famille, ce qui pourrait conduire à leur donner une possibilité de s’opposer au placement.

Pour ces raisons, je vous demande de retirer cet amendement.

Mme Perrine Goulet. Effectivement, c’est bien ma volonté que des parents qui auraient été évalués défavorablement par l’aide sociale à l’enfance puissent produire une seconde évaluation. Dans d’autres types de procédure, au pénal par exemple, on peut demander une contre‑expertise. Cette mesure ferait donc entrer le droit de la protection de l’enfance dans un cadre commun avec le reste de la justice en France. Dans un contexte de défiance croissante à l’encontre de la justice, et alors que de plus en plus de parents se disent victimes de placements abusifs – ce qui n’est pas le cas dans la quasi-totalité des dossiers, il faut le rappeler –, elle permettrait aussi de calmer un certain nombre de difficultés.

M. le secrétaire d’État. La protection de l’enfance est déjà dans le droit commun : une famille qui refuse une décision de placement a la possibilité à la fois de demander une seconde évaluation au juge et de faire appel de ladite décision de placement. Par ailleurs, introduire une nouvelle possibilité, mais attachée spécifiquement à l’article 1er créerait un régime distinct pour les tiers dignes de confiance et membres de la famille face à toutes les autres possibilités de protection. Cela ne me semble pas pertinent.

Mme Perrine Goulet. J’entends que mon amendement n’est pas placé au bon endroit : je le retire, mais en vue de la discussion en séance publique, je le redéposerai à un endroit plus approprié. Je pense qu’il faut vraiment mettre un peu plus de contradictoire dans cette procédure largement fondée sur les rapports faits par l’ASE, qui se retrouve juge et partie.

L’amendement est retiré.

 

La commission est saisie de l’amendement AS113 de M. François Ruffin.

M. Ugo Bernalicis. C’est pour les raisons qui viennent d’être évoquées, je le dis au passage, qu’il serait bon que l’enfant soit accompagné systématiquement d’un avocat : ce dernier pourrait faire valoir son intérêt supérieur, contester les pièces et les types de placement, introduire davantage de contradictoire dans la procédure...

Notre amendement veut proscrire le « placement à domicile », qui est tout de même une notion assez étrange. Cela a déjà été dit, si l’on avait pu mettre sur la table l’intégralité des mesures que peuvent prononcer les magistrats et mener une réflexion globale sur l’assistance éducative, on aurait pu éviter de recourir à ce genre de bizarrerie. Je comprends bien l’intérêt d’éviter la rupture familiale par exemple, mais le choix des mots eux-mêmes, « placement à domicile », crée la perplexité. Soit on est accueilli ailleurs, soit on reste dans sa famille avec un accompagnement. L’intermédiaire me semble dénué de sens.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Pour avoir rencontré beaucoup d’associations, je sais que l’ASE fait véritablement de la dentelle. Elle doit disposer de nombreuses possibilités, parce que chaque situation est complexe. Il ne me paraît pas fondé d’interdire totalement le placement à domicile.

Avis défavorable.

M. le secrétaire d’État. Je vous accorde que la formulation est pour le moins étonnante, mais le placement à domicile n’est pas une mesure qui tombe d’en haut : elle fait partie de la pratique des professionnels, car la gradation dans l’accompagnement des enfants est une nécessité réelle.

Je rappelle que les enfants suivis par l’ASE ne sont pas tous des victimes d’inceste ou de violences, par exemple : il y a aussi beaucoup de cas de carence éducative, de parents qui sont juste dans l’incapacité, pour une raison ou une autre, d’éduquer leur enfant. L’idée est d’appuyer les parents, de les remettre à flot, afin d’éviter de placer l’enfant ; d’où toute la palette d’outils qui a été mise au point, comme les mesures en milieu ouvert, le placement à domicile, l’AEMO renforcée...

Il y a probablement des choses à améliorer, et je suis ouvert à l’idée d’en parler d’ici à la séance. Replongez-vous dans le rapport de la démarche de consensus relative aux interventions de protection de l’enfance à domicile conduite par Geneviève Gueydan : il contient des propositions. En tout cas, le placement à domicile, au-delà de son nom, est un outil utile.

Avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis. C’est bien pour cela qu’il est dommage de ne pas avoir un débat d’ensemble sur l’assistance éducative. Puisqu’on n’en discute que petit bout par petit bout, lorsque je propose de supprimer le placement à domicile, vous me répondez qu’il est utile, qu’il faut pouvoir faire du sur-mesure dans l’intérêt supérieur de l’enfant. C’est vrai en grande partie, mais il n’empêche, le placement à domicile n’a pas de sens profond. Soit l’enfant reste avec ses parents, avec une assistance éducative qui vient pallier leurs carences, soit il est dans une situation de détresse et a besoin d’être protégé, auquel cas il doit être sorti de son cercle familial.

On voit bien les effets de bord qui peuvent se produire : on doit placer un enfant, mais comme on ne trouve de place ni en famille ni en foyer, on le place à domicile – sur le papier, il y aura eu un placement... Il ne faut pas tomber dans cet écueil. Il me semble que c’est le bon moment pour clarifier les choses.

Mme Isabelle Santiago. Le placement à domicile est évidemment une ineptie. Un enfant qui rencontre des difficultés avec sa famille a peu de chances de comprendre quand on lui explique qu’il va être placé chez lui. Tous les pédopsychiatres ont dit que le terme devait être absolument modifié.

Il faut absolument veiller à répondre au cas par cas à l’attente des enfants et à leurs problèmes spécifiques. Proscrire complètement le placement à domicile est donc difficile, puisqu’on a besoin de tout une palette d’outils. D’un autre côté, il pose problème : sur le terrain, on voit bien que certains départements ont décidé d’utiliser le placement à domicile pour réduire leurs coûts budgétaires. Rien que cela justifierait d’adopter l’amendement. En tout état de cause, j’insiste sur la nécessité de répondre spécifiquement à chaque enfant.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement AS18 de M. Alain Ramadier.

M. Alain Ramadier. Mon amendement rend automatique le versement des prestations relatives aux frais d’entretien et d’éducation de l’enfant à la personne qui en prend la charge en urgence, dans l’attente de la décision de justice.

J’ai été alerté par des habitants de ma circonscription : deux grands‑parents extraordinaires ont recueilli leurs petits‑enfants après le décès de leur fils et ont tout assumé financièrement sans recevoir aucune prestation sociale pendant plus d’un an en attendant la décision de justice. Il me paraît donc indispensable que ces personnes soient accompagnées, aidées et soutenues par nos administrations.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Vous faites référence à un cas délicat et complexe, celui des mesures d’urgence, peut-être provisoires.

Le principe est de continuer à verser les prestations notamment familiales aux parents qui gardent un lien avec l’enfant, les caisses pouvant procéder elles-mêmes à un transfert si elles se rendent compte que ce lien n’existe plus du tout. L’allocation de rentrée scolaire, elle, depuis la loi de 2016, est placée sur un compte à la Caisse des dépôts et consignations jusqu’à la majorité de l’enfant.

Priver les familles des prestations peut avoir des conséquences lourdes qu’il faut évaluer à deux fois. La question que vous soulevez, celle des ressources des familles d’accueil, est importante, mais je vous demande tout de même de retirer votre amendement.

M. le secrétaire d’État. Je pense que cet amendement est satisfait, et que le problème se trouve dans la façon dont les administrations ont réagi dans ce cas particulier. L’article L. 513‑1 du code de la sécurité sociale prévoit que les prestations familiales, sous réserve de certaines qui suivent des règles spécifiques, sont en général dues à la personne physique qui assume la charge effective et permanente de l’enfant. Le membre de la famille ou tiers digne de confiance qui accueille l’enfant percevra donc, en principe, les prestations familiales sans qu’il soit besoin d’une décision de justice.

Nous pourrons étudier ensemble le cas particulier que vous dépeignez, mais sans vouloir parler trop vite, il est possible que les organismes aient mis un peu de temps à transférer les dossiers.

M. Alain Ramadier. Je retire mon amendement, mais je me rapprocherai de vous pour régler ce cas : le papa est décédé, la maman n’est pas en capacité d’élever les enfants, les grands‑parents les ont recueillis et il n’y a toujours pas de décision de justice. Je sais qu’il y a eu des efforts en Seine‑Saint‑Denis pour doter le tribunal en personnel, mais il faut aussi bien comprendre qu’un an sans absolument aucune aide, c’est long.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement AS419 de Mme Perrine Goulet.

Mme Perrine Goulet. C’est celui que j’ai évoqué tout à l’heure. J’aimerais avoir l’avis de la rapporteure et du Gouvernement.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Comme cela a été dit, il ne s’agit plus d’écouter la parole de l’enfant, comme dans l’amendement de M. Martin tout à l’heure, mais d’obtenir son consentement. Nous avons opté pour la première solution.

Demande de retrait.

M. le secrétaire d’État. Cela pourrait avoir pour effet de faire un peu trop peser sur les épaules de l’enfant la décision qui sera prise in fine. Tel que l’amendement est formulé, on peut penser que le consentement de l’enfant conditionne la décision du juge. Si le but était simplement de demander son avis, alors il est satisfait.

L’amendement est retiré.

La commission en vient à l’amendement AS429 de Mme Monique Limon.

Mme Monique Limon. Parfois, quand un enfant est confié à une personne de la famille ou à un tiers digne de confiance, il se peut que les relations avec le reste de la famille soient compliquées. On ne souhaiterait pas que la situation finisse par devenir si mauvaise qu’il faille placer l’enfant ailleurs à cause de conflits d’adultes.

Si c’est encore possible, les visites peuvent bien sûr se dérouler au domicile du tiers digne de confiance. Sinon, pour permettre, si c’est la décision du juge, à l’enfant de garder des liens avec ses parents, je propose que le tiers digne de confiance puisse demander à ce que les rencontres se fassent dans le cadre des visites médiatisées, c’est-à-dire avec un tiers et dans des lieux spécifiques, qui existent déjà.

Le fil conducteur, c’est de faire prendre l’idée du tiers digne de confiance dans la tête de tous les professionnels. Pour cela, il faut garantir son exécution. Les visites médiatisées existent, le juge peut les ordonner, mais je n’ai pas connaissance qu’un tiers digne de confiance puisse de lui-même les demander s’il estime en avoir besoin.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Nous avons rencontré les associations qui accompagnent les tiers dignes de confiance : c’est une forte demande de leur part.

Avis favorable.

M. le secrétaire d’État. L’article 375‑7 du code civil permet au juge d’imposer que le droit de visite du ou des parents ne puisse être exercé qu’en présence d’un tiers, et cela peut être une demande du tiers digne de confiance ou du membre de la famille qui accueille l’enfant. Par ailleurs, selon l’article 375‑5 du même code, le juge des enfants prend toujours sa décision en stricte considération de l’intérêt de l’enfant, et est donc amené à évaluer la nature des relations entre les membres de la famille. Il me semble que cette faculté et cette liberté d’appréciation font que l’amendement est satisfait.

Mais j’entends qu’il s’agit d’une demande d’un certain nombre d’acteurs. Elle n’était pas remontée jusqu’à moi et il serait préférable que vous me l’exposiez en détail, car l’amendement soulève quelques soucis de formulation juridique. Sans fermer la porte, je vous propose donc de le retirer afin que nous le retravaillions ensemble pour la séance.

Mme Monique Limon. Je veux bien le retirer, pour trouver avec vous une rédaction qui garantisse que cette faculté puisse s’exercer dans les faits.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de ‘amendement AS427 de Mme Monique Limon, qui fait l’objet du sous-amendement AS502 de Mme Perrine Goulet.

Mme Monique Limon. Cet amendement aurait pu être discuté avec le précédent. Il s’agit de l’accompagnement du tiers digne de confiance. Bien qu’étant à la retraite, j’ai gardé le réflexe de me tourner directement vers l’ASE : je propose donc que le tiers digne de confiance ou le membre de la famille ait systématiquement un référent de l’aide sociale à l’enfance. Je suis ouverte à d’autres propositions, l’idée étant, là encore, de faire en sorte qu’ils ne se trouvent pas seuls face à la situation de l’enfant.

Mme Perrine Goulet. Dans la suite des discussions de tout à l’heure, je suis en phase avec Mme Limon sur ce sujet, à ceci près que je ne pense pas qu’il faille se restreindre aux référents de l’ASE. Je propose donc de remplacer « référent de l’aide sociale à l’enfance » par « travailleur social », afin de bien aboutir à une prise en charge globale de la nouvelle famille.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Nous en avons longuement discuté. Je suis très sensible à la question de l’accompagnement du membre de la famille ou du tiers digne de confiance pour faciliter l’accueil de l’enfant, mais il me semble que la rédaction est un tout petit peu trop directive, puisque la mesure pourrait prendre une forme d’automaticité.

Je vous demande donc de retirer l’amendement pour réfléchir à une autre rédaction.

M. le secrétaire d’État. Comme tout à l’heure, je suis d’accord sur le principe ; essayons donc de voir ensemble et avec les acteurs concernés quel serait le meilleur dispositif.

Demande de retrait.

Mme Monique Limon. Devant ces assurances, je veux bien retirer mon amendement, mais je ne lâcherai pas. Il est vraiment essentiel que le tiers digne de confiance soit accompagné, quitte à prévoir un dispositif systématique : s’il n’en a pas besoin, le dispositif ne s’appliquera presque pas, mais s’il en a besoin, nous serons sûrs qu’il sera aidé.

Mme Perrine Goulet. Je remercie le secrétaire d’État, mais j’insiste, moi aussi, pour que cet accompagnement soit systématique. Les modalités en seront ensuite définies par le travailleur social : tous les mois, tous les quinze jours, tous les trois mois, selon les besoins. Mais qu’un travailleur social intervienne à côté de la famille et du tiers digne de confiance doit être obligatoire.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 1er modifié.

 

 

La séance s’achève à treize heures dix.

 

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Informations relatives à la commission

 

1. Ont été nommés rapporteurs thématiques du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 :

 M. Thomas Mesnier, rapporteur général, pour l’équilibre général, les recettes et la santé ;

 Mme Caroline Janvier pour l’autonomie et le secteur médico-social ;

 Mme Monique Limon pour la famille ;

 M. Cyrille Isaac-Sibille pour l’assurance vieillesse ;

 M. Paul Christophe pour les accidents du travail et maladies professionnelles.

2. Ont été nommés rapporteurs pour avis du projet de loi de finances pour 2022 :

 Mme Christine CloarecLe Nabour pour la mission Solidarité, insertion et égalité des chances ;

 M. Pierre Dharréville pour la mission Santé ;

 M. Belkhir Belhaddad pour la mission Régimes sociaux et de retraite ;

 M. Bernard Perrut pour la mission Travail et emploi ;

 Mme Claire Pitollat pour le Logement.

3. Mme Caroline Janvier et M. Stéphane Viry ont été nommés rapporteurs de la mission « flash » sur les salles de consommation à moindre risque.