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N° 300

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 octobre 2017.

PROPOSITION DE LOI

visant à améliorer laccompagnement et le traitement des personnes souffrant de fibromyalgie,

(Renvoyée à la commission affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Arnaud VIALA,

député.

 

 

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Suite aux travaux de la commission d’enquête parlementaire sur la fibromyalgie instituée le 10 mai 2016, je me permets de vous proposer cette proposition de loi reprenant certaines réflexions issues de cette commission.

La fibromyalgie se caractérise, pour les personnes qui en sont atteintes, par un état douloureux musculaire chronique et une fatigue continue pouvant aller de la simple gêne dans le quotidien à l’épuisement complet forçant à rester allonger. Cette affection chronique touche près de deux millions de personnes en France, dont une large majorité de femmes. Les personnes atteintes de fibromyalgie évoquent un ensemble de symptômes tels que des douleurs diffuses, constantes et chroniques, des paresthésies des membres, des perturbations psychiques importantes de type dépression, ou encore un épuisement constant et un sommeil fortement perturbé. Si les symptômes sont nombreux, les examens physiques, biologiques et radiologiques ne décèlent pourtant aucune anomalie. Comme le relève le rapport d’enquête parlementaire : « Le diagnostic se construit (…) par élimination, le médecin devant sassurer que ces symptômes ne relèvent pas dune autre pathologie comme la sclérose en plaques ou la myopathie ».

Les patients atteints de fibromyalgie souffrent réellement et décrivent un mal‑être constant qui impacte négativement leur vie personnelle et professionnelle. Beaucoup perdent leur emploi et ne parviennent plus à se maintenir dans une vie sociale. La fibromyalgie entraîne ainsi un isolement pouvant plonger les malades dans une précarité humaine, affective et sociale.

L’élaboration de critères de classification a récemment permis une amélioration du diagnostic de la fibromyalgie, sans toutefois parvenir à convaincre certains personnels du corps médical qui la perçoivent encore comme une construction de l’esprit, une maladie psychosomatique. Il n’existe pas de traitement spécifique, notamment médicamenteux, ni de prise en charge bien établie.

Le corps médical reste encore peu formé et informé sur le syndrome fibromyalgique qui demeure, il est vrai, difficile à cerner et à diagnostiquer. Les associations de patients ayant témoigné dans le cadre de la commission d’enquête ont souligné cette méconnaissance par certains médecins généralistes, ce qui pouvait parfois conduire au déni de leurs souffrances. Le syndrome fibromyalgique pâtit ainsi d’un déficit évident de considération du fait de son invisibilité et de sa cause indéterminée.

1.  Lamélioration de la prise en charge de la fibromyalgie au titre de lAffection de Longue Durée, dite ALD

Le dispositif des affections de longue durée permet la prise en charge de patients ayant une maladie chronique dont la gravité nécessite un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse. La liste des affections de longue durée est établie par décret après avis de la Haute Autorité de santé. Cette liste, dite ALD 30, compte aujourd’hui 29 affections représentant près de 400 maladies. Il existe, en outre, la possibilité de se voir reconnaître le régime des ALD pour une affection ne figurant pas sur cette liste, dite ALD 31, dès lors qu’elle nécessite un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse. En 2014, en France, près de 11,3 millions de personnes bénéficiaient du dispositif de l’ALD, dont plus de 700 000 d’ALD hors liste.

Le syndrome fibromyalgique ne fait pas partie de la liste des ALD 30. Comme l’a mis en évidence le rapport d’enquête parlementaire, faute de doctrine précise élaborée par la HAS dans ce domaine, « la prise en charge de la fibromyalgie au titre de lALD nest pas satisfaisante car il existe de fortes présomptions dun traitement différencié dun point du territoire à lautre ». Lors de son audition devant la commission d’enquête, le docteur François‑Xavier Brouck, directeur à la direction des assurés de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), a reconnu que l’appréciation de la condition « coût du traitement » n’était pas homogène. Cette situation est principalement imputable à l’hétérogénéité des demandes, tant en volume qu’en libellé diagnostic.

Pourtant, il importe avant tout que la reconnaissance de l’ALD hors‑liste puisse être garantie aux cas sévères et coûteux en soins, de manière homogène sur le territoire national. Selon la CNAMTS, il appartient à la HAS d’établir des recommandations de prise en charge. Comme le préconise le rapport, celles‑ci pourraient ainsi permettre de « réaliser des actions de formation auprès du réseau afin dobtenir la meilleure cohérence des avis donnés ».

2.  La reconnaissance du syndrome fibromyalgique en tant que maladie

Selon l’Académie nationale de médecine, la fibromyalgie est qualifiée de syndrome car elle ne correspond pas aux critères de la définition médicale d’une maladie. Auditionné le 31 mai 2016 à l’Assemblée nationale dans le cadre de la commission d’enquête sur la fibromyalgie, le professeur Daniel Bontoux, membre de l’Académie nationale de médecine et rhumatologue, indiquait que « Le terme maladie dans le langage médical courant correspond à un ensemble de symptômes anormaux résultant dune même cause connue ; son identification aboutit à létablissement dun diagnostic et dun traitement approprié quand il existe. Le syndrome est quant à lui un ensemble de symptômes qui ne constitue pas une entité ou un concept dont lidentification corresponde à une cause parfaitement connue... La fibromyalgie, nayant pas de cause connue – peutêtre en auratelle un jour –, ne peut donc être considérée comme une maladie. »

En pratique, les professionnels de santé utilisent les deux termes et cette question n’a pas d’incidence sur la prise en charge de leurs patients.

Il convient de rappeler que le contenu de la terminologie médicale ne peut relever du pouvoir législatif, ni même du pouvoir réglementaire. En conséquence, le code de la santé publique ne contient aucune définition d’une quelconque maladie. Certes, sa troisième partie « Lutte contre les maladies et dépendances » évoque expressément de nombreuses maladies, affections ou troubles : la lèpre et la tuberculose (articles L. 3112‑1 à L. 3112‑3), les virus de l’immuno­déficience humaine et les infections sexuellement transmissibles (articles L. 3121‑1 à L. 3122‑6) ; elle fait référence aux « maladies humaines transmises par lintermédiaire dinsectes » (article L. 3114‑5) ; la partie réglementaire du même code fait référence à la notion d’« anomalie biologique » (article R. 3113‑2) et contient des listes de maladies (article D. 3113‑6 : liste des maladies soumises à obligation de signalement ; article D. 3113‑7 : liste des maladies soumises à obligation de notification) dans le cadre des dispositions visant à lutter contre les épidémies et certaines maladies transmissibles. Mais, dans tous les cas, la norme juridique – légale ou réglementaire – prend pour fondement une « évidence médicale » qui ne ressortit que d’un savoir purement médical et qui lui est donc extérieure.

Les difficultés persistantes rencontrées par le corps médical pour cerner précisément le périmètre des troubles relevant du syndrome fibromyalgique et formuler des diagnostics incontestables font que la fibromyalgie échappe, pour l’instant – et notamment en France –, à cette « évidence médicale » qui permettrait d’en faire le fondement de normes juridiques effectives.

Il est néanmoins possible de contourner la difficulté en s’appuyant sur le fait que la fibromyalgie est inscrite dans la classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes établie par l’organisation mondiale de la santé (CIM‑10). On notera, à cet égard, qu’une modification de cette classification validée par les instances compétentes en octobre 2006 a individualisé la fibromyalgie, qui est désormais inscrite sous la référence M79.7 et fait l’objet de trois sous‑rubriques, alors qu’elle était, depuis sa première inscription en 1992, incluse dans la rubrique « M79.0 Rhumatisme, non spécifié ».

Pour asseoir la reconnaissance juridique, il conviendra que le code de la santé publique y fasse référence comme fondement d’une politique de santé publique. À cet égard, les dispositions concernées devront figurer sous la troisième partie « Lutte contre les maladies et dépendances » de ce code, mais évidemment pas sous le livre Ier « Lutte contre les maladies transmissibles », le livre II « Lutte contre les maladies mentales », le livre III « Lutte contre l’alcoolisme », le livre IV « Lutte contre la toxicomanie », le livre V « Lutte contre le tabagisme et lutte contre le dopage » ou le livre VII « Prévention de la délinquance sexuelle, injonction de soins et suivi socio‑judiciaire ». L’emplacement le plus approprié paraît être le livre II bis « Lutte contre les troubles du comportement alimentaire », sous réserve de le renommer « Lutte contre des troubles et affections divers » ; un titre Ier pourra alors être consacré, comme aujourd’hui, au sujet « Nutrition et santé » et un titre II pourra être consacré à la fibromyalgie.

3.  Le panier de soins

Si les traitements médicamenteux de la fibromyalgie sont pris en charge dans les conditions de droit commun par l’assurance maladie, d’autres possibilités, pourtant déterminantes dans le traitement de la douleur comme la balnéothérapie, les séances de kinésithérapie ou les consultations d’un psychologue, sont peu ou pas prises en charge.

Pour permettre le remboursement par l’assurance maladie de ces prises en charge non médicamenteuses, l’article L. 160‑8 du code de la sécurité sociale, qui fixe la liste de la couverture des frais contre le risque et les conséquences de la maladie, pourrait être complété.

La loi n° 2013‑504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi a généralisé l’accès à une complémentaire santé pour tous les salariés et a institué une couverture minimale appelée panier de soins, codifiée à l’article L. 911‑7 du code de la sécurité sociale. Un décret en date du 8 septembre 2014 précise le contenu de ce panier de soins avec des niveaux minimums de garanties.

Dans le cadre de la généralisation des garanties santé complémentaires, un forfait de soins adaptés à la prise en charge de la fibromyalgie pourrait être inclus dans le panier de soins. Ces soins seraient définis par la Haute Autorité de santé.

Tels sont les objectifs de la proposition de loi que nous vous proposons :

– l’amélioration de la prise en compte de la fibromyalgie parmi les troubles ouvrant droit à l’ALD ;

– la reconnaissance du syndrome fibromyalgique en tant que maladie ;

– la création d’un panier de soin adapté à chaque malade permettant un meilleur accompagnement des personnes souffrant de la fibromyalgie.


proposition de loi

Article 1er

Le a du 4° de l’article L. 160‑14 du code de la sécurité sociale est complété par une phrase ainsi rédigée :

« La Haute Autorité de santé diffuse des recommandations de prise en charge aux médecins‑conseils de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés afin d’assurer l’égalité de traitement des patients fibromyalgiques au regard de l’accès au régime de l’affection longue durée. »

Article 2

Le livre II bis du code de la santé publique est ainsi modifié :

I. – L’intitulé du livre est ainsi rédigé :

« Livre II bis

« Lutte contre des troubles et affections divers »

II. – Il est complété par un titre ainsi rédigé :

« Titre II

« Lutte contre la fibromyalgie

« Art. L. 32411 A. – La politique de santé contribue à la prévention et au diagnostic précoce des troubles relevant du syndrome fibromyalgique tel que mentionné à la rubrique M79‑7 de la classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes établie par l’organisation mondiale de la santé.

« Art. L. 32411 B. – L’État organise et coordonne la prévention et le traitement du syndrome fibromyalgique.

« Les dépenses entraînées par l’application du présent article sont à la charge de l’État, sans préjudice de la participation des régimes d’assurance maladie aux dépenses de soins de ville et d’hospitalisation, et aux dépenses médico‑sociales des centres mentionnés à l’article L. 3311‑2.

« Art. L. 32411 C. – Les modalités d’application du présent titre sont déterminées par décret en Conseil d’État. »

Article 3

Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

I. – L’article L. 160‑8 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« 7° La couverture des frais, dans la limite d’un forfait déterminé par décret, d’un panier de soins non médicamenteux défini par la Haute Autorité de santé éligible à la prise en charge de la fibromyalgie. »

II. – Au II de l’article L. 911‑7, après le quatrième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« 4° Un forfait de soins défini par la Haute Autorité de santé éligible à la prise en charge de la fibromyalgie. »

Article 4

Les charges qui pourraient résulter pour l’État et pour les organismes de sécurité sociale sont compensées à due concurrence par la création de taxes additionnelles aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.