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N° 1772

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 octobre 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à prendre dix grandes mesures pour la santé mentale,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Chantal JOURDAN, Joël AVIRAGNET, Boris VALLAUD, Jérôme GUEDJ, Christian BAPTISTE, MarieNoëlle BATTISTEL, Mickaël BOULOUX, Philippe BRUN, Elie CALIFER, Alain DAVID, Arthur DELAPORTE, Stéphane DELAUTRETTE, Inaki ECHANIZ, Olivier FAURE, Guillaume GAROT, Johnny HAJJAR, Marietta KARAMANLI, Fatiha KELOUA HACHI, Gérard LESEUL, Philippe NAILLET, Anna PIC, Christine PIRES BEAUNE, Dominique POTIER, Valérie RABAULT, Claudia ROUAUX, Isabelle SANTIAGO, Hervé SAULIGNAC, Mélanie THOMIN, Cécile UNTERMAIER, Roger VICOT,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Cette proposition de loi est la traduction législative partielle du plan santé mentale ([1]) présenté par notre groupe.

La santé mentale recoupe des problématiques aussi vastes qui vont de la souffrance psychosociale ordinaire jusqu’aux maladies psychiques avérées, incluant dès lors la dépression, les psychoses, les troubles liés à l’anxiété, les addictions, le suicide, les psychotraumatismes, ou encore les troubles autistiques, etc. Elle prend des formes nouvelles avec le développement récent des souffrances au travail (burnout, perte de sens, etc.) et l’émergence de nouveaux troubles comme l’éco‑anxiété.

Sous ces différentes formes, elle concerne la vie de tous les citoyens ou de leurs proches : 

– entre une personne sur cinq et une personne sur trois est concernée par un trouble psychique au cours de sa vie en France ; 

– plus de 2 millions de Françaises et Français sont pris en charge par les services psychiatriques par an ; 

– les troubles liés à la santé mentale représentent la première source d’arrêt de travail prolongé et 25 % des causes d’invalidité en France.

Dans ce contexte, l’état de santé mentale des Françaises et Français s’est gravement détérioré depuis la crise sanitaire. 

En décembre 2022, selon l’enquête de Santé publique France : 

– 24,1 % de la population française présentait un état anxieux, soit 11 points de plus par rapport au niveau avant l’épidémie de Covid‑19 ; 

– 17,1 % de la population française présentait un état dépressif, soit 7 points de plus par rapport au niveau avant l’épidémie de Covid‑19 ;

– et une personne sur dix avait des pensées suicidaires, soit 6 points de plus par rapport au niveau avant l’épidémie de Covid‑19.

Cette détérioration de l’état de santé mentale est particulièrement avérée au sein de la population jeune : le nombre de passages annuels au moins une fois en court séjour à la suite d’une tentative de suicide ou d’actes d’automutilation a été multiplié par deux pour la classe d’âge 10 – 14 ans, et connaît une progression à deux chiffres dans d’autres classes d’âge (15 – 20 ans par exemple). Si 31 % des Français disent ne pas se sentir suffisamment solides mentalement pour tout affronter dans leur vie quotidienne, c’est le cas de 40 % des 25–34 ans. Cette fragilisation touche davantage les femmes (37 %) que les hommes (24 %). Plus largement, on estime qu’entre deux et trois millions de jeunes Françaises et Français de moins de 19 ans souffrent de troubles de santé mentale.

Face à cette détérioration de l’état de santé mentale, nous ne sommes pas égaux : les personnes se situant dans les premiers déciles de revenus ont entre 1,5 et 3 fois plus de risque de souffrir de dépression, d’anxiété ou de problèmes de santé mentale que les personnes les plus riches.

À bout de souffle, notre système de santé mentale ne peut plus répondre à cette détérioration de l’état de santé mentale de la population.

La santé mentale est le parent pauvre de notre système de santé, qui a lui‑même été appauvri par des décennies de gestion comptable et un manque profond de considération des professionnels.

Depuis plusieurs décennies, les établissements de psychiatrie qui fonctionnent via une dotation annuelle de financement (essentiellement publics) subissent un sous‑financement chronique : leur financement a augmenté de seulement 12,5 %, soit deux fois moins que l’augmentation du budget national dédié à la santé (l’Objectif national de dépenses d’assurance maladie – ONDAM), + 24 %), elle‑même insuffisante.

Résultat : l’offre de soins s’est dégradée. Ainsi : 

– 60 % des lits hospitaliers psychiatriques ont été supprimés en 40 ans, ce qui crée un report de la demande de soins vers l’hôpital public, et notamment les services d’urgences, qui ne sont pas armés pour y répondre, sans ce que le développement de l’ambulatoire ne compense ces suppressions,

– certains services connaissent des taux d’occupation moyens supérieurs à 115 %,

– la part des soins sans consentement augmente de manière significative depuis au moins 10 ans : de 13 % entre 2012 et 2015 par exemple ; 

En parallèle, l’offre de soins est devenue toujours plus inégale entre les territoires, créant ainsi de véritables déserts pour trouver un professionnel de la santé mentale. 

Cela est vrai pour les lits en hôpital psychiatrique : on compte ainsi 83,2 lits pour 100 000 habitants en Meurthe‑et‑Moselle contre 279 lits dans l’Allier.

C’est le cas notamment de la densité de psychiatres pour 100 000 habitants, dont les écarts varient de 1 à 4 entre les départements les mieux dotés (34 en Gironde, 36 dans les Bouches‑du‑Rhône et 37 dans le Rhône) et les moins bien dotés (9 psychiatres dans l’Aube et dans le Cantal).

Le cas de l’Île‑de‑France illustre à lui tout seul les frontières élevées d’un département à un autre pour accéder à un professionnel de la santé mentale : Paris intra‑muros compte 1 305 psychiatres libéraux contre 64 en Seine‑Saint‑Denis et 90 dans le Val‑de‑Marne.

Ces inégalités territoriales sont tout aussi criantes concernant l’accès aux psychologues. 

Les causes de ce délitement de notre système de santé mentale, et notamment de ces pénuries massives de personnels sont connues : salaires indignes, dégradation des conditions de travail, insuffisance de l’offre de formation conduisant mécaniquement à un vieillissement des professionnels en activité (à titre d’exemple dans dix ans, 50 % des pédopsychiatres seront partis à la retraite).

Plus largement, la perte de sens se conjugue souvent à l’instabilité des équipes, au manque de pluridisciplinarité et à un management centré sur des objectifs chiffrés, déconnectés des besoins des patients. Dans ces conditions, le temps nécessaire à l’émergence des projets psychothérapeutiques est souvent annihilé. 

Dans ce contexte, les augmentations de soins médicamenteux sont particulièrement inquiétantes, surtout pour les enfants, car elles reflètent l’insuffisance des moyens dédiées aux autres approches, basées sur la relation et donc la disponibilité des professionnels. 

Ce délitement de notre système de santé mentale, profondément lié à un désinvestissement chronique de la puissance publique, est d’autant plus inexplicable que le coût total pour la société des troubles liés à la santé mentale était estimé pour l’année 2018 à 163 milliards d’euros.

Face à ce diagnostic sans appel, le Gouvernement a pris des mesures trop tardives, trop insuffisantes.

Depuis son arrivée au pouvoir en 2017, M. Emmanuel Macron n’a pas saisi l’urgence d’agir pour reconstruire notre système de santé mentale. 

Les deux feuilles de route présentées depuis 2017 sont marquées par l’insuffisance des actions annoncées : 

– la première en 2018 contenait des mesures intéressantes comme la création d’une délégation ministérielle à la psychiatrie et à la santé mentale, ou encore des mesures sur la prévention, la réinsertion et les dispositifs de soins aigus, mais pêchait par manque de vision d’ensemble de la santé mentale, et surtout n’a pas été suivie de moyens financiers suffisants ; 

– la seconde en 2021 a promis des financements importants (1,9 milliard d’euros) mais lissés sur cinq ans et a recyclé des mesures déjà annoncées auparavant (lors du Ségur de la santé notamment). Là aussi, les annonces étaient largement insuffisantes : création de 800 postes supplémentaires pour les centres de consultation publics soit moins de 0,25 ETP (équivalent temps plein) par centre, création d’un numéro national de prévention du suicide, le 3114, mais insuffisamment doté en moyens (un appel sur quatre est resté sans réponse en 2021), remboursement des consultations de psychologues mais sur prescription médicale (dispositif « MonPsy »).

Ce dernier dispositif est particulièrement critiquable sur plusieurs points. 

Primo, la nécessité de se voir prescrire ces consultations par le médecin ne répond pas aux besoins et nie la spécificité et la pluralité des approches des psychologues. 

Secundo, la limitation à huit consultations par an crée une rupture des soins pour les patients qui ont des besoins allant au‑delà de ce nombre de consultations. 

Tertio, le montant remboursé par l’Assurance maladie aux psychologues participant au dispositif « MonPsy » est largement insuffisant (30 euros). Ce montant nie toutes les compétences des psychologues en matière de connaissance des phénomènes psychiques et le temps nécessaire pour les accompagnements. Résultat : seuls 2 200 psychologues participent à « MonPsy » sur 30 400, soit 7 % des professionnels! Ainsi, seuls 0,13 % de la population française a pu bénéficier de ce dispositif, qui est donc loin de répondre à la dégradation de l’état de santé mentale de notre pays, décrite supra.

Face à cette urgence, nous proposons ici 10 mesuresclés pour répondre aux urgences et reconstruire à long terme notre système de santé mentale.

À l’article 1er, nous proposons de revaloriser les rémunérations des professionnels de la santé mentale, recréer des postes et de l’attractivité.

Alors que la demande de soins ne cesse d’augmenter, et que l’offre ne cesse de se dégrader, il est urgent de rebâtir notre système de santé mentale en misant sur sa première richesse : ses professionnels.

Il s’agit dès lors de lutter contre les départs des professionnels, et de rendre à nouveau attractives toutes les professions de la santé mentale, en premier lieu celles de la psychiatrie publique que nous souhaitons particulièrement soutenir.

Pour gagner ce combat, nous proposons d’augmenter massivement les rémunérations ainsi que les tarifs remboursés par l’Assurance maladie ; ce afin de compenser les décennies de gel budgétaire et l’inflation récente. 

Nous proposons en outre un plan massif d’embauche. À ce titre, nous estimons que les effectifs d’internes en psychiatrie doivent être augmentés d’au moins 20 %, que 5 000 postes de psychologues doivent être créés, et que le nombre d’infirmiers de pratique avancée (IPA) exerçant en psychiatrie doit être nettement augmenté pour atteindre au moins cinq postes par service. En outre, nous proposons le recrutement de 5 000 personnels supplémentaires (médecins, infirmiers, psychologues) dans les centres médico‑psychologiques (CMP) de manière à réduire les délais de consultation, qui explosent aujourd’hui. Enfin, les métiers de travailleur social, d’orthophoniste, de médiateur de santé pairs seront à revaloriser tant d’un point de vue des salaires que des conditions de travail.

En parallèle de cette revalorisation financière et de ces augmentations de postes, nous proposons de redonner de l’attractivité aux métiers de la santé mentale. 

Seul un effort majeur sur la formation – initiale comme continue – des professionnels sur la dépression et les aspects généraux de la santé mentale peut concourir à un tel objectif. Pour favoriser le choix de la spécialité de psychiatrie, nous proposons que tous les étudiants en médecine réalisent un stage dans un service de psychiatrie. Cela nécessite de revaloriser la discipline au niveau universitaire car son taux d’encadrement universitaire est actuellement un des plus faibles de toutes les spécialités. Nous proposons également que les médecins non psychiatres et les sages‑femmes suivent des programmes renforcés de formation continue sur la dépression, et plus généralement sur la santé mentale. 

L’amélioration des parcours de carrière et des conditions de travail est également un facteur‑clé d’attractivité des métiers de la santé mentale. 

À ce titre, des grades de psychologues à responsabilité dans les services pourront être créés, associés à une augmentation de salaire. Des fonctions de coordination de soins psychothérapeutiques peuvent également être envisagées. Les soins intensifs et complexes peuvent également être revalorisés via des formations spécifiques, avec bonification financière, ce qui réduira en parallèle le recours à la contention et à l’isolement. 

Pour la psychiatrie publique de secteur, des mutualisations pourraient être pensées. Concrètement, cela pourrait se traduire par une répartition géographique plus équilibrée des postes d’internes, un parrainage obligatoire entre centres‑pivots et centres de proximité en zones tendues pour mutualiser les pratiques. 

Des pratiques observées à l’étranger peuvent également nous inspirer : ainsi au Canada, en partenariat avec les facultés de psychologie, les étudiants en M1 et M2 ouvrent des consultations gratuites, ce qui pourrait être fait sous la supervision de psychologues expérimentés.

Concernant la profession de psychologue et l’accès à leur consultation, nous proposons – comme de nombreux professionnels – la fin du dispositif MonPsy au profit d’une convention de prise en charge construite avec l’Assurance maladie, et non imposée par le Gouvernement, qui serait adaptée aux besoins des patients et respectueuse des professionnels. 

Si ces mesures d’urgence peuvent sembler coûteuses, nous sommes convaincus qu’à long terme, le sauvetage de notre système de santé mentale ne pourra faire l’économie d’un tel investissement massif de la Nation.

À l’article 2, nous proposons de construire pour la Nation une vision pluriannuelle de la santé mentale.

Aujourd’hui, notre système de santé mentale manque cruellement d’une vision à long terme de la santé mentale englobant tous ses aspects médicaux, sociaux et éthiques. 

Résultat : il n’y a pas de stratégie en termes de choix scientifiques, de ressources humaines et financières, etc. Qui peut dire par exemple quelle est la stratégie à cinq ans pour soigner le nombre croissant des souffrances au travail, et avec quels moyens? Personne.

Comme c’est déjà le cas pour la défense, l’intérieur et la justice, nous proposons donc de construire une loi de programmation en santé mentale, votée tous les cinq ans, qui définirait les objectifs de santé mentale à atteindre (réduction du nombre de suicides, des soins sans consentement et de la pratique de la contention, fixation de délais maximum de consultation, création de postes par spécialité, ratio de présence de professionnels au chevet des patients, prise en charge financière des soins, etc.) et les moyens – notamment financiers – à déployer pour les atteindre.

Cette loi est un préalable aux réformes sectorielles, dont celles de la psychiatrie. Elle doit être construite avec l’ensemble des acteurs concernés (professionnels de santé, usagers, proches, ministères, etc.).

Elle pourrait contenir un volet propre à la santé mentale des enfants et des adolescents d’une part, et des personnes âgées d’autre part. Elle pourrait déterminer la stratégie de la Nation sur des impensés comme la santé mentale des personnes migrantes ou encore celles des personnes détenues en prison. 

Une fois adoptée, cette loi de programmation ne pourra être mise en œuvre avec l’organisation ministérielle actuelle, qui freine la coopération entre acteurs.

Pour y remédier, nous proposons que la Délégation à la santé mentale devienne interministérielle et soit rattachée au Premier ministre. Nous proposons également d’infuser une culture de l’évaluation en créant notamment une Agence nationale pour la recherche, l’innovation et l’évaluation en santé mentale, qui sera une instance de dialogue et d’expertise.

À l’article 3, nous proposons d’aller vers une organisation graduée et décloisonnée de l’offre de soins, s’appuyant en priorité sur l’ambulatoire.

L’organisation de notre système de santé mentale est aujourd’hui très cloisonnée et peu graduée, à l’image de ses outils de planification : 

La future organisation devrait tout d’abord garantir la gradation des réponses en fonction des besoins – qu’ils correspondent à des soins de proximité ou à des prises en charge plus spécialisées.

Elle devrait également promouvoir le décloisonnement des filières, notamment entre la psychiatrie et la médecine générale, l’hôpital et l’ambulatoire, entre le sanitaire, le médico‑social et le social, etc. Dans ce cadre, nous considérons que le secteur de santé mentale doit demeurer le socle de l’organisation. Il doit donc être renforcé et être entièrement articulé avec les autres intervenants et ouvert sur d’autres acteurs comme l’Éducation nationale, l’Aide sociale à l’enfance, les bailleurs sociaux, la Protection judiciaire de la jeunesse, Pôle emploi, ou encore les missions locales.

Dans cette offre graduée, l’ambulatoire est amplifié et soutenu comme une solution d’accompagnement parmi l’ensemble des dispositifs possibles. Développer l’ambulatoire ne doit pas être un moyen de réduire les coûts, mais une opportunité d’avoir une prise en charge plus efficace et plus durable dans l’objectif de rétablissement du patient. En effet, une prise en charge efficace et qualitative en ambulatoire permet le plus souvent d’éviter à terme une hospitalisation de longue durée. Le financement de l’accompagnement d’une personne en ambulatoire doit ainsi être le même que l’accompagnement d’une personne hospitalisée.

Deux outils nous semblent pertinents pour mettre en musique cette organisation graduée et décloisonnée : les Conseils locaux de santé mentale (CLSM) au niveau des villes ou intercommunalités, et les programmes territoriaux de santé mentale (PTSM) au niveau des départements. Leur consolidation et leur financement sont essentiels.

À plus long terme, lorsque notamment l’augmentation du nombre de professionnels le permettra, nous proposons de nous inspirer d’expériences locales qui ont fait leurs preuves – comme l’Établissement public de santé mentale de Lille – Métropole ou encore le Centre hospitalier de Jonzac – pour faire des droits des usagers et des aidants un pilier de l’organisation des acteurs.

Concrètement, il s’agit : 

– d’affirmer les droits et la pleine citoyenneté des personnes usagères, en cohérence avec la Convention Internationale de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées (CIDPH) ; 

– de lutter contre la stigmatisation et la discrimination des personnes confrontées à une souffrance, à un trouble ou à une situation de handicap d’ordre psychique ;

– de promouvoir et d’ouvrir les services de santé mentale au cœur de la vie sociale ;

– de faire participer les usagers du système de santé mentale, et les proches dans l’amélioration de la qualité des services et le traitement de la maladie.

Nous proposons que cette offre décloisonnée et graduée soit mise en œuvre par un service public territorial de la santé mentale, associant l’ensemble des modes d’exercice, et des types d’établissement, avec une autonomie laissée au territoire et à ses acteurs, sur le modèle belge. Ce service, sous le pilotage direct de l’agence régionale de santé (ARS) en coordination avec les Départements sur les volets relevant de leurs compétences, construirait les parcours en santé mentale et les offres, en associant fortement les professionnels, les représentants de personnes et les collectivités locales (communes, intercommunalités, conseils locaux de santé mentale). Il serait le guichet unique des établissements et des professionnels, concernant notamment leur financement.

À l’article 4, nous proposons de mettre en cohérence le financement des acteurs de la santé mentale avec les nouvelles ambitions.

L’enjeu du financement soulève au moins deux questions : 

– le montant de l’enveloppe, qui nécessitera un effort majeur pour compenser les retards accumulés depuis des décennies et rénover des cadres de travail très souvent vétustes. Nous estimons qu’une augmentation des budgets d’au moins 4 milliards d’euros sur cinq ans est nécessaire dont 3,2 pour les seuls établissements publics, ce qui représente le double de la hausse engagée par le Gouvernement. En parallèle, les acteurs tels que l’Éducation nationale, l’Aide sociale à l’enfance, la Justice, les services de PMI, de la petite enfance verront également leur budget augmenter pour mieux faire face aux besoins dans leur périmètre respectif ; 

– la méthode de ventilation de l’enveloppe, qui doit être plus transparente et mieux couvrir les charges que ne le fait le modèle en cours de mise en œuvre. À plus long terme, nous proposons de réduire la part des financements alloués via des appels à projets, sources de procédures lourdes et chronophages pour les professionnels. Plus largement, ces financements qui exigent des réponses à des appels à projet bénéficient souvent à des filières spécialisées qui ont le mérite d’exister, mais entraînent souvent des difficultés d’accès aux soins dans les zones peu denses. Par ailleurs, ces financements grèvent les dotations globales qui sont nécessaires à l’accueil généraliste en psychiatrie, et ne sont généralement pas présentés comme pérennes, ce qui empêche le recrutement de personnels titulaires et la construction de projets durables.

Nous souhaitons également ouvrir la réflexion sur la réforme du mode de financement récemment mise en œuvre par le Gouvernement.

En effet, certains points de ce modèle ne nous semblent pas satisfaisants : la prise en compte pour une part trop faible (9 %) des critères socio‑économiques dans la répartition de la dotation populationnelle, l’absence d’encouragement aux coopérations entre professionnels, la non prise en compte de missions pourtant essentielles comme la psychiatrie de liaison dans les hôpitaux généraux et la psychiatrie d’urgence, et un financement insuffisant des missions de secteurs les plus lourdes comme les hospitalisations de crise et le suivi des pathologies chroniques complexes (visites à domicile, « aller vers », réhabilitation, etc.).

À l’article 5, nous proposons de poursuivre l’objectif « Zéro contention, Zéro isolement ». 

Les nombreuses auditions que nous avons menées ont confirmé notre conviction première : la fin de la contention et de l’isolement que nous appelons de nos vœux ne pourra se faire qu’avec un renfort massif de professionnels de la santé mentale et un développement de la prévention.

Avant l’arrivée de ce renfort que nous proposons supra dans ce plan, plusieurs mesures peuvent néanmoins être mises en œuvre pour réduire la contention et l’isolement, tels que le renforcement en soignants des unités recevant des patients en crise et la création d’unités de soins aigus recevant un plus petit nombre de patients, l’expérimentation du contrôle des décisions de contention et d’isolement par un juge des libertés et de la détention qui serait un pair (comme c’est déjà le cas pour les prud’hommes), le soutien et le financement de formations aux prises en charge spécialisées et complexes, l’acculturation des professionnels aux pratiques de la bientraitance, etc.

À l’article 6, nous proposons d’avoir une attention particulière pour la santé mentale de l’enfant, de l’adolescent et de l’étudiant.

Directement liée à une pénurie de spécialistes encore plus prononcée comparée à l’ensemble des métiers de la santé mentale, la dégradation de la santé mentale des enfants et des adolescents appelle une réponse rapide et forte.

Concernant tout d’abord la pédopsychiatrie, nous mettons sur la table plusieurs mesures : 

– créer au moins trois postes universitaires en pédopsychiatrie dans chaque faculté de médecine spécialisés respectivement chez les bébés, les enfants et les adolescents ; ce afin de favoriser la formation de médecins dans chaque spécialité, à plus long terme doubler le nombre d’étudiants formés à la pédopsychiatrie comme le préconise la Cour des comptes ;

– ouvrir des lits d’hospitalisation de pédopsychiatrie, grâce au renfort de professionnels proposé dans nos mesures d’urgence ;

– renforcer la coopération entre les services de pédopsychiatrie, de pédiatrie, de l’Aide sociale à l’enfance, de l’Éducation nationale et du médico‑social ;

– consacrer la pédopsychiatrie comme une spécialité à part entière, et tout faire pour en augmenter les effectifs, sans en retirer à la psychiatrie des adultes.

Au‑delà de la pédopsychiatrie, c’est l’ensemble des acteurs de la santé mentale qu’il faut renforcer. La création de 15 000 postes de psychologues Éducation nationale, de psychologues cliniciens, le recrutement d’infirmiers et d’assistants sociaux, le soutien aux services de PMI, aux maisons de l’adolescent et aux CMP, ou encore le développement de l’aide à la parentalité y concourront.

Enfin, le temps est venu d’un véritable tournant structurel dans l’organisation de la santé à l’école mettant réellement en son cœur et ayant comme véritable priorité la prévention. Chaque établissement, chaque élève doit trouver l’écoute et la réponse qu’il cherche au sein d’un véritable service de santé scolaire. Nous proposons ainsi de revaloriser les rémunérations (médecins, infirmiers, psychologues), d’investir massivement dans l’embauche de personnels, en premier lieu de psychologues, d’assistant.e.s social.e.s et infirmièr.e.s. Ils seront également garants des actions de prévention et des formations destinées aux élèves ainsi qu’à l’ensemble de la communauté éducative. Nous proposons également d’aller vers un fonctionnement décloisonné de la médecine scolaire et un pilotage territorial rénové.

Plus largement, nous appuyons la proposition de la Cour des comptes d’intégrer au PTSM un volet pour la psychiatrie infantojuvénile. Nous proposons aussi de mettre en place un programme massif de formation continue et d’accompagnement de la communauté éducative et de la petite enfance : formations à l’accueil des enfants en situation de handicap, mais aussi à la détection de troubles mentaux, ou encore aux premiers gestes de secours en santé mentale.

Nous proposons également d’avoir une action ciblée sur les enfants et les adolescents en situation de vulnérabilité accrue. Nous pensons ici aux enfants de l’Aide sociale à l’enfance (ASE) et de la Protection judiciaire de la jeunesse, aux enfants vivant dans des familles aux revenus précaires, et aux enfants migrants. 

C’est plus largement le rapport de l’enfant à l’émotion que nous proposons d’infléchir. Inspirons‑nous ici de l’Australie où les écoles favorisent le développement psychique de l’enfant, où les élèves sont sensibilisés dès l’école primaire à ce que sont les émotions, et comment les gérer. Résultat : deux enfants sur trois ont vu leur bien‑être s’améliorer. Nous proposons donc de créer un cours spécifique d’éducation à la santé mentale dans le premier et le second degré, à relier au cours d’éducation à la vie affective et sexuelle. Enfin, des bilans de santé mentale pourraient être intégrés dans les examens médicaux obligatoires au cours de la scolarité et à l’entrée dans l’enseignement supérieur.

Enfin, chaque étudiant devrait pouvoir bénéficier d’un suivi concernant sa santé au sein des Services de Santé Étudiant ainsi que dans les BAPU qui devront être développés sur l’ensemble du territoire universitaire.

À l’article 7, nous proposons de faire de la santé mentale des travailleurs une priorité.

Comme mentionné supra, les troubles liés à la santé mentale représentent la première source d’arrêt de travail prolongé. Ces troubles connaissent une croissance exponentielle : en 2021, 1 600 affections psychiques ont été reconnues au titre des maladies professionnelles, soit dix-sept fois plus qu’il y a dix ans ! 

Travailler urgemment à la santé mentale des travailleurs est donc autant un enjeu de santé publique que de protection de la main d’œuvre.

Nous proposons tout d’abord d’améliorer la prise en charge de ces troubles en : 

– reconnaissant le « burnout » (syndrome d’épuisement professionnel) et le « brownout » (perte de sens au travail) comme maladies professionnelles, le cadre juridique actuel limitant très fortement une telle reconnaissance au bénéfice des travailleurs ; 

– créant des consultations visant spécifiquement la souffrance au travail ;

– réarmant la médecine du travail et en recréant des postes de psychologues de travail ;

– améliorant la prévention et la prise en charge des risques psycho‑sociaux ;

– développant les études sur la relation entre les organisations du travail et les effets sur la santé mentale.

En outre, nous proposons de travailler à la prévention de ces troubles, notamment en déployant, sous l’égide de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT) un plan national de formation à la prévention des troubles psychiques au travail et à l’impact de l’organisation du travail sur l’état de santé des travailleurs ; avec un abondement spécifique par la puissance publique du compte personnel de formation. 

À l’article 8, nous proposons de mieux prendre en charge le handicap psychique et les troubles du neurodéveloppement.

Le handicap psychique est aujourd’hui le parent pauvre de notre système de santé mentale, lui‑même à bout de souffle.

Là encore, nous proposons que l’effort de la Nation soit massif : 

– après un état des lieux global de la situation, créer au moins 20 000 solutions supplémentaires de prise en charge notamment dans les lieux de vie et les services d’accompagnement adaptés au handicap psychique (notamment les FAM, les MAS, et SAMSAH) pour mettre fin à l’absence de solution d’hébergement pour un trop grand nombre d’enfants, d’adolescents et d’adultes et ainsi mettre fin à des hospitalisations inadaptées de très longue durée ;

– structurer des parcours de rétablissement à destination des personnes concernées par des troubles psychiques ; parcours établis selon la volonté de ces dernières ; chercher plus largement les moyens de parvenir à l’intégration dans la cité ;

– créer des orientations transitoires urgentes, pris sur le fondement de certificats médicaux attestant de situations urgentes ; ce afin de répondre aux délais trop longs d’orientations de la part des Maisons départementales pour les personnes handicapées (MDPH) ;

– accompagner de façon plus sécurisée les parcours d’inclusion des enfants à l’école ;

– soutenir la recherche sur les maladies psychiques, sous toutes ses approches. 

Outre ce renforcement de l’offre médico‑sociale privilégiant les services d’intensité variable dans la communauté et des accueils résidentiels conformes à la Convention internationale des droits des personnes handicapées de l’ONU, un nouvel élan doit être donné aux dispositifs d’entraide par les pairs. 

Le doublement des groupes d’entraide mutuelle (GEM) sur cinq ans est atteignable avec une revalorisation de leur financement par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie à hauteur de 100 000 euros (versus environ 80 000 euros à ce jour). 

En outre, la création de cinq à sept clubhouses supplémentaires notamment dans des zones moins urbaines, par exemple avec des antennes en zone plus rurale, est souhaitable eu égard à l’efficacité démontrée de ces dispositifs pour la réhabilitation sociale des personnes, notamment via le réentrainement à l’emploi. Une dotation nationale supplémentaire de 1,5 million d’euros sera alors nécessaire. 

Enfin, l’efficacité de l’intégration de médiateurs‑pairs en santé mentale est démontrée tant au niveau international qu’en France. Cela plaide pour un passage à l’échelle du programme développé en France tant dans le secteur sanitaire que médico‑social avec une cible de 300 médiateurs pairs d’ici cinq ans (contre 150 aujourd’hui).

Ces mesures sont naturellement complémentaires de la revalorisation à tous points (salaires, statuts, formations, carrières et horaires) des métiers de l’accompagnement du handicap (AESH notamment) ; revalorisation que nous proposons supra.

À l’article 9, nous proposons de répondre à l’éco‑anxiété croissante de la population.

Face à l’inaction climatique, une part croissante de la population souffre d’un trouble psychique nouveau : « l’éco‑anxiété », c’est‑à‑dire l’anxiété liée au changement climatique. Elle toucherait jusqu’à 45 % des jeunes en France, selon une étude de la revue The Lancet. Il s’agit là d’états de détresse d’un genre nouveau, car ils s’inscrivent dans une double réalité incontestable, notamment pour les plus jeunes générations : des perspectives d’avenir très inquiétantes concernant l’appauvrissement des ressources indispensables à la vie et les perturbations environnementales associées au réchauffement climatique d’une part, et un sentiment d’impuissance et de colère face à l’inaction généralement constatée.

Ces détresses existentielles peuvent se compliquer avec des troubles psychiques classiques (troubles anxieux et dépressifs surtout), nécessitant un diagnostic et des soins, et des troubles psychosociaux devant interpeller les pouvoirs publics sur les actions collectives à mener.

Outre la plus qu’urgente bifurcation écologique que les députés de notre groupe défendent et qui a fait l’objet de propositions concrètes de notre part, la prise en charge de ce nouveau type de trouble psychique appelle des réponses spécifiques : sensibiliser et former spécifiquement les professionnels à ce type de prise en charge, organiser des temps de détection de l’éco‑anxiété dans les écoles, collèges, lycées, universités mais aussi dans les milieux militants (qui sont les environnements les plus touchés) et associatifs.

Plus largement, l’éco‑anxiété doit nous interpeller et déboucher sur une réflexion collective portant sur le développement de politiques publiques de proximité, de modes de vie, de nouveaux métiers permettant de redonner du sens, de l’entraide, etc.

À l’article 10, nous proposons de développer la prévention et les interventions précoces.

Devant l’ampleur des besoins, une réflexion sur la santé mentale ne peut faire l’économie de propositions pour développer la prévention.

Comme pour l’ensemble du système de santé, celle‑ci est quasi‑inexistante face à une logique essentiellement curative, et nous ne pouvons que le déplorer.

Nous proposons donc d’y consacrer un effort majeur. Nous mettons sur la table plusieurs propositions concrètes : 

– développer/expérimenter des consultations gratuites de prévention des troubles de santé mentale à plusieurs âges de la vie ; plus largement banaliser un point sur la santé mentale lors de consultations de professionnels de santé formés pour cela ;

– financer et systématiser les actions de détection et de prévention des pathologies psychiques chez l’adolescent et le jeune adulte en soins primaires coordonnés, en s’appuyant sur les maisons de santé pluridisciplinaires et les communautés professionnelles territoriales de santé via des financements forfaitaires de l’Assurance maladie ;

– développer les équipes d’interventions précoces et intensives, en lien étroit avec les filières hospitalières et médico‑sociales pour intervenir tôt et de façon adaptée auprès des jeunes présentant une psychose débutante ; 

– développer dans chaque territoire (départemental et au niveau du bassin de vie) des équipes d’interventions précoces et intensives pour les enfants présentant un trouble grave et persistant du neurodéveloppement (trouble du spectre de l’autisme [TSA] notamment) ;

– entretenir et réparer le lien social, comme nous y invitent une vingtaine de professionnels de la santé mentale dans une tribune récente en développant la vie associative, en revivifiant la vie sociale dans les zones péri‑urbaines et rurales, en soutenant les activités en clubs sportifs, culturels dont le bienfait pour la santé mentale est démontré, en luttant contre l’isolement, notamment celui des personnes âgées ;

– réinvestir le champ de la prévention en favorisant le travail hors les murs, avec des moyens renforcés ;

– élargir les missions des services de santé au travail au repérage précoce des facteurs de risque, comme le propose la Cour des comptes ;

– poursuivre et étendre la prévention contre les conduites addictives, avec ou sans produit, en luttant plus efficacement contre l’impact des lobbys de l’alcool et du tabac, avec l’objectif de parvenir rapidement aux premières générations sans tabac et en promouvant plus l’usage de la cigarette électronique comme substitution ;

– massifier le dispositif de sentinelle en prévention du suicide, et allouer des moyens suffisants au numéro national de prévention du suicide (le 3114).

Plus largement, nous invitons à réfléchir à une remise en cause de nos modes de vie structurés sur « le toujours plus, le toujours plus performant ». L’évolution d’une société précédant l’évolution de son état psychique ; il est nécessaire de transformer ces modes de vie, qui produisent massivement des troubles en santé mentale, comme le stress, des addictions diverses, de l’éco‑anxiété, etc.

 


proposition de loi

Article 1er

I. – Le III de l’article L. 3221‑2 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° À la seconde phrase du septième alinéa, les mots : « , sur le développement professionnel continu » sont supprimés ;

2° Après le même septième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Il offre des programmes renforcés de formation continue aux professionnels du territoire. Il suit des indicateurs sur les conditions de travail des professionnels et établit un plan d’actions d’amélioration de ces conditions ».

II. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Après le 12° de l’article L. 221‑1, il est inséré un 13° ainsi rédigé :

« 13° De concevoir et mettre en œuvre un plan de recrutement des professions de la santé mentale sur la période 2023 - 2035 en concertation avec les régions et en cohérence avec les contrats de plan régionaux de développement des formations et de l’orientation professionnelles mentionnés à l’article L. 214‑3 du code de l’éducation. » ;

2° Le chapitre 2 du titre IV du livre I est ainsi modifié :

a) Après le 9° du I de l’article L. 162‑14‑1, il est inséré un 10° alinéa ainsi rédigé :

« 10° Les modalités de prise en charge des séances chez un psychologue par les caisses d’assurance maladie ; »

b) L’article L. 162‑58 est abrogé.

III. – L’article L. 3231‑4 du code du travail est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Au premier jour du mois suivant la promulgation de la loi n°     du      visant à prendre dix grandes mesures pour la santé mentale, le montant du salaire minimum de croissance servant de référence pour le calcul de l’indexation prévue au présent article ne peut être inférieur à 2 050 euros brut mensuels.

« À compter du jour de la promulgation de la même loi, la branche du secteur sanitaire et médico‑social ouvre des négociations en vue de revaloriser les salaires minima hiérarchiques mentionnés au 1° de l’article L. 2253‑1, en concertation avec les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel. Les accords de branche sont négociés dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi n°     du      visant à prendre dix grandes mesures pour la santé mentale. »

Article 2

I. – Avant le dernier alinéa de l’article L. 1411‑1‑1 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La politique mentionnée au II de l’article 2 de la loi n°     du      visant à prendre dix grandes mesures pour la santé mentale comporte un volet concernant la santé mentale qui est mise en œuvre sous le pilotage d’une délégation à la santé mentale interministérielle. Cette délégation est placée sous l’autorité du Premier ministre. »

II. – Avant le 1er mars 2024, puis tous les cinq ans, une loi de programmation pluriannuelle pour la santé mentale détermine la trajectoire des finances publiques des acteurs concernés, pour une période minimale de cinq ans.

Elle définit les objectifs de santé mentale à atteindre sur cette période et les moyens humains et financiers à déployer pour les atteindre.

Elle est préparée en concertation avec les acteurs concernés, notamment les professionnels de santé, les usagers, et les proches.

Elle contient un volet propre à la santé mentale des enfants et des adolescents d’une part, et des personnes âgées d’autre part. »

Article 3 

Après l’article L. 322151 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 322152 ainsi rédigé :

« Art. L. 322152. – Dans chaque territoire de santé, l’agence régionale de santé construit en partenariat avec les acteurs mentionnés au II de l’article L. 3221‑2 une organisation graduée et décloisonnée de l’offre de soins en santé mentale. Cette organisation favorise l’ambulatoire, quand l’état de santé de l’usager le permet. Elle consacre les droits des usagers. »

Article 4 

Le livre II de la troisième partie du code de la santé publique est complété par un titre III ainsi rédigé :

« Titre III : Financement

« Art. L. 32311.  Par dérogation aux dispositions du présent code, le financement des acteurs du présent livre prévoit plusieurs modalités dont le financement à l’acte, selon les caractéristiques de la population du territoire, et le financement à la qualité, fondé sur l’innovation, valorisant des actions de coordination entre acteurs, rémunérant le suivi de parcours de longue durée de patients.

« Ces modalités peuvent se cumuler. 

« Elles sont précisées par décret pris après avis de la Haute Autorité de santé. »

Article 5

I.  L’article L. 313113 du code de la santé publique est ainsi modifié :

 Au premier alinéa du I, après le mot : « prononcées », sont insérés les mots : « en dernier recours » ;

 Le III est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les professionnels prenant les mesures individuelles mentionnées au présent article suivent une formation continue à une fréquence déterminée par décret pris avis de la Haute autorité de santé. Cette formation traite notamment de la bienveillance à l’égard des personnes. »

II.  La Nation se fixe pour objectif à l’horizon 2030 de ne plus recourir aux mesures de contention et d’isolement à l’égard des personnes dangereuses pour ellesmêmes et les autres.

Article 6 

I.  Le code de l’éducation est ainsi modifié :

 L’article L. 1111 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L’école œuvre à la promotion de la santé mentale et à la déstigmatisation des troubles mentaux. » ;

 L’article L. 4011 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le projet d’école ou d’établissement prévoit la promotion de la santé mentale et la déstigmatisation des troubles mentaux. » ;

 Après l’article L. 95222, il est inséré un article L. 952221 ainsi rédigé :

« Art. L. 952221.  Chaque faculté de médecine ouvre au moins trois postes universitaires en psychiatrie de l’enfant. »

II. – Après le septième alinéa du III de l’article L. 3221‑2 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Il contient une partie dédiée à la psychiatrie de l’enfant. »

Article 7

I. – Après le troisième alinéa de l’article L. 461‑2 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Un tableau spécial énumère les pathologies psychiques relevant de l’épuisement professionnel et les conditions dans lesquelles elles sont présumées avoir une origine professionnelle lorsque les victimes ont été exposées d’une façon habituelle à des facteurs limitativement énumérés par ce tableau. »

II. – Le code du travail est ainsi modifié :

1° L’article L. 4642‑1 est complété par un 4° ainsi rédigé :

« 4°De construire et de piloter la mise en œuvre d’un plan national de formation à la prévention des troubles psychiques au travail et à l’impact de l’organisation du travail sur l’état de santé des travailleurs. » ;

2° La section 3 du chapitre Ier du titre II du livre Ier de la cinquième partie est complétée par un article L. 5121‑6 ainsi rédigé :

« Art. L. 51216. – Tous les cinq ans, un entretien professionnel est organisé avec l’employeur et le salarié, consacré à la réalisation d’un bilan de santé mentale du salarié. Les salariés ayant dépassé l’âge de quarante‑sept an au 1er juillet 2024 bénéficient de ce bilan dans un délai de deux ans à compter de leur date d’embauche.

« Cet entretien donne lieu à un état des lieux sur les perspectives d’évolution de l’état de santé mentale du salarié et ne porte pas sur l’évaluation de son travail.

« Le recours à des mesures visant à améliorer la santé mentale du salarié est examiné.

« À l’issue de cet entretien, un abondement du compte personnel de formation ainsi que des consultations vers un professionnel de santé mentale peuvent être envisagés. Un bilan de compétence peut être intégralement financé par l’employeur à la demande du salarié. Un compte rendu écrit est remis au salarié. »

Article 8

La Nation se fixe pour objectif à l’horizon 2030 de créer au moins 20 000 solutions supplémentaires de prise en charge, notamment dans les lieux de vie et les services d’accompagnement adaptés au handicap psychique, en particulier les foyers d’accueil médicalisés, les maisons d’accueil spécialisées et les services d’accompagnement médico‑sociaux pour adultes handicapés.

Elle construit, dans et au-delà de ces solutions, des parcours de rétablissement à destination des personnes concernées par des troubles psychiques. Ces parcours sont établis selon la volonté de ces dernières.

Article 9 

Après le septième alinéa du III de l’article L. 3221‑2 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Il contient une partie dédiée à la prise en charge des troubles liés à l’éco‑anxiété. Il offre des programmes renforcés de formation continue aux professionnels du territoire sur ces troubles. ».

Article 10 

I.  L’État peut mettre en œuvre, dans trois régions et pour une durée de deux ans, une expérimentation de programmes de prévention en santé mentale et de programmes visant à aller vers les populations pour améliorer la détection précoce de troubles mentaux. Dans ces territoires, des moyens financiers spécifiques sont déployés pour que des professionnels de la santé mentale se déplacent dans des lieux de vie, notamment les écoles, les entreprises, les services publics, les associations, les clubs sportifs et de loisirs et l’espace public pour détecter des troubles mentaux chez des populations et pour organiser leur prise en charge.

II.  Un arrêté du ministre de la santé dresse la liste des territoires retenus pour mener l’expérimentation.

III.  Le Gouvernement présente au Parlement, avant le 1er septembre de la seconde année suivant la promulgation de la présente loi, un rapport faisant le bilan de cette expérimentation.

IV.  Les modalités d’application de l’expérimentation sont définies par un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Haute Autorité de Santé.

Article 11 

I.  La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

II.  La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

III.  La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.


([1])  https://www.jean-jaures.org/publication/sante-mentale-dix-grandes-mesures-pour-une-grande-cause-nationale/