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N° 2823

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 avril 2020.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

invitant le Gouvernement à interroger le Parlement par un débat suivi dun vote quant à lutilisation dune application technologique présentant des risques juridiques, éthiques et sociétaux,

 

 

présentée par Mesdames et Messieurs

Damien ABAD, Philippe GOSSELIN, Emmanuelle ANTHOINE, Julien AUBERT, Nathalie BASSIRE, Thibault BAZIN, Valérie BAZINMALGRAS, Valérie BEAUVAIS, Émilie BONNIVARD, JeanYves BONY, Ian BOUCARD, JeanClaude BOUCHET, Valérie BOYER, Marine BRENIER, Xavier BRETON, Bernard BROCHAND, Fabrice BRUN, Gilles CARREZ, Jacques CATTIN, Gérard CHERPION, Dino CINIERI, Éric CIOTTI, Pierre CORDIER, Josiane CORNELOUP, François CORNUTGENTILLE, MarieChristine DALLOZ, Olivier DASSAULT, Claude de GANAY, Charles de la VERPILLIÈRE, Bernard DEFLESSELLES, Rémi DELATTE, Vincent DESCOEUR, Fabien DI FILIPPO, Éric DIARD, Julien DIVE, JeanPierre DOOR, Marianne DUBOIS, Virginie DUBYMULLER, PierreHenri DUMONT, Daniel FASQUELLE, JeanJacques FERRARA, Nicolas FORISSIER, Laurent FURST, JeanJacques GAULTIER, Annie GENEVARD, Claude GOASGUEN, JeanCarles GRELIER, Claire GUION‑FIRMIN, Michel HERBILLON, Patrick HETZEL, Sébastien HUYGHE, Christian JACOB, Mansour KAMARDINE, Brigitte KUSTER, Valérie LACROUTE, Marc LE FUR, Constance LE GRIP, Sébastien LECLERC, Geneviève LEVY, David LORION, Véronique LOUWAGIE, Gilles LURTON, Emmanuel MAQUET, Olivier MARLEIX, Franck MARLIN, JeanLouis MASSON, Gérard MENUEL, Frédérique MEUNIER, Maxime MINOT, Jérôme NURY, JeanFrançois PARIGI, Éric PAUGET, Guillaume PELTIER, Bernard PERRUT, Bérengère POLETTI, JeanLuc POUDROUX, Aurélien PRADIÉ, Didier QUENTIN, Alain RAMADIER, Nadia RAMASSAMY, Robin REDA, Frédéric REISS, JeanLuc REITZER, Bernard REYNÈS, Vincent ROLLAND, Martial SADDIER, Antoine SAVIGNAT, Raphaël SCHELLENBERGER, JeanMarie SERMIER, Éric STRAUMANN, Michèle TABAROT, JeanCharles TAUGOURDEAU, Guy TEISSIER, JeanLouis THIÉRIOT, Laurence TRASTOURISNART, Isabelle VALENTIN, Pierre VATIN, Patrice VERCHÈRE, Arnaud VIALA, Michel VIALAY, JeanPierre VIGIER, Stéphane VIRY, Éric WOERTH,

députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La France vit aujourd’hui sa pire crise sanitaire jamais connue.

La pandémie du covid‑19 a forcé le Gouvernement à prendre des dispositions qui limitent notre liberté d’aller et venir en confinant les Français chez eux depuis le 17 mars 2020.

Suite à l’annonce du Président de la République d’un probable déconfinement le 11 mai, le Gouvernement cherche des solutions pour assurer la sortie des millions de Français.

Il est nécessaire de rappeler qu’un outil numérique, aussi utile soit‑il, n’est pas suffisant en lui‑même et doit s’intégrer dans une stratégie d’ensemble (masques et tests de dépistage). 

L’utilisation des technologies modernes a pris une importance grandissante pour maintenir un lien social depuis un mois. Et le Gouvernement veut utiliser le numérique, notamment le Bluetooth, pour mettre en place une application de suivi de contact « Stop Covid », utilisée uniquement sur la base du volontariat et qui permettrait à un utilisateur dêtre prévenu sil a croisé une personne contaminée par le coronavirus.

Ainsi, l’application stockerait localement et temporairement l’identifiant de tous les autres smartphones.

L’option retenue par le Gouvernement est basée sur l’anonymat des données et le volontariat.

Néanmoins, dans l’hypothèse où cette application pourrait être un complément nécessaire dans la stratégie de déconfinement, elle suscite des interrogations légitimes :

‑ la précision du Bluetooth ne semble pas être optimale pour mesurer précisément la distance entre deux smartphones…

‑ le secrétaire d’État chargé du numérique, Cédric O, a reconnu lui‑même que « la faisabilité technique » d’une telle application pose encore question ;

‑ qu’en est‑il de l’efficacité ? Selon une étude de l’université d’Oxford, il faudrait qu’une application de ce type couvre 60% de la population pour être efficace. Mais une majorité de Français (53%) est opposée à l’installation obligatoire chez tous les détenteurs de téléphones portables d’une application permettant de les avertir s’ils ont été à proximité d’une personne infectée par le coronavirus, selon un sondage de l’Ifop du 12 avril ([1])

‑ quid du risque de ré‑identification des personnes « anonymisées » ?

‑ qui développera cette application ? Les deux géants américains Google et Apple travaillent déjà ensemble… quelle sera leur implication ?

‑ Pouvons‑nous craindre qu’après avoir autorisé, même sur la base du volontariat, l’utilisation généralisée du traçage, la tentation soit forte de mettre le pied dans la porte et d’aller au‑delà ? Ne risque‑t‑on pas d’ouvrir ainsi « la boîte de Pandore » ?

Il est évident qu’en fonction des décisions gouvernementales, cette application aura des implications plus ou moins importantes sur les libertés individuelles et la vie privée de nos concitoyens. Plus quun débat technique, médical et juridique, cest aussi un débat éthique.

Tout est donc une question de confiance et c’est pourquoi, sur un sujet aussi sensible, chaque député doit pouvoir être le garant des libertés publiques.

Toutes ces interrogations doivent être clarifiées tant pour les citoyens, que pour les parlementaires qui légifèrent et contrôlent l’action du Gouvernement, afin d’évaluer si le dispositif proposé offre des garanties suffisantes.

Lutilisation de ces technologies ne doit pas se faire au détriment de la Démocratie. Si les parlementaires ne légifèrent pas sur cette application, il faut a minima quils la contrôlent.

Ainsi, cette présente proposition de résolution tend à ce que le débat parlementaire sur cet outil de traçage soit suivi d’un vote sans préjuger de la position du Groupe Les Républicains sur le dispositif proposé.


proposition de rÉsolution

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu le Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données),

Vu la loi n° 78‑17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés,

Vu l’article 9 du code civil,

Considérant qu’il relève du rôle du Parlement de contrôler l’action du Gouvernement ;

Considérant qu’il relève du rôle du Parlement de légiférer sur les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques ;

Considérant que cet outil doit être strictement nécessaire et proportionné à l’objectif recherché sans entraver les libertés publiques ;

Considérant qu’une application de « traçage numérique » peut constituer un préjudice aux droits individuels, notamment ceux de la protection de la vie privée et des données personnelles ;

Considérant le rôle central de l’éthique dans les missions de la Commission nationale informatique et libertés ;

Invite le Gouvernement à soumettre à un débat, suivi d’un vote, toute mise en place d’application technologique de traçage présentant des risques juridiques, éthiques et sociétaux.


([1])  Le taux de pénétration des smartphones dans la population française est de 77 % – 40 % chez les plus de soixante ans. 13 millions de personnes se disent en difficulté avec le maniement des outils numériques, qu’elles aient ou non un smartphone.