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N° 3389

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 30 septembre 2020.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création dune commission denquête relative
à la disponibilité des toilettes scolaires,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Bastien LACHAUD, JeanLuc MÉLENCHON, Alexis CORBIÈRE, Caroline FIAT, Ugo BERNALICIS, Danièle OBONO, Éric COQUEREL, Mathilde PANOT, Michel LARIVE, Muriel RESSIGUIER, Loïc PRUDHOMME, Sabine RUBIN, Bénédicte TAURINE, Adrien QUATENNENS, JeanHugues RATENON,

députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La rentrée scolaire 2020 s’est faite dans un contexte de reprise épidémique du covid‑19. Alors que des incertitudes demeurent sur la contagiosité des enfants, que de nombreuses classes sont déjà fermées quelques semaines après la rentrée du fait d’élèves positifs au covid‑19, le retour à l’école de tous les élèves pose la question de l’hygiène scolaire. En effet, il est martelé qu’il faut se laver très régulièrement les mains, ce qui est d’autant plus utile que les personnes ont de nombreux contacts, ce qui est particulièrement vrai pour des enfants scolarisés. Or, le respect de ce geste barrière est conditionné à l’existence effective de lavabos et de savon en quantité suffisante pour se laver les mains, et que tous les élèves puissent le faire dans un temps raisonnable. Pourtant, les établissements scolaires ont depuis longtemps un nombre insuffisant de sanitaires, et ne sont pas en capacité de les nettoyer suffisamment.

Cela pose déjà problème en temps normal : les élèves rechignent à se rendre aux toilettes, se « retiennent », ce qui pose problème pour leur bien‑être, leur concentration en classe, tout comme leur santé. « Du coup, on va aux toilettes chez nous avant le collège puis en rentrant. On se retient 9 heures, mais parfois on a du mal à rester concentrées », expliquent des élèves de 6e dans le Val‑de‑Marne. Se retenir aussi longtemps augmente le risque d’infection urinaire, et de douleurs abdominales.

Les jeunes filles hésitent trop souvent à se rendre aux toilettes pour changer leur protection menstruelle, ce qui accroît le risque de choc toxique, du fait d’une propreté insuffisante des sanitaires, ou du manque de matériel hygiénique (papier, savon). « Je mets trois serviettes hygiéniques en espérant ne pas avoir de fuite… », témoigne une jeune fille de 17 ans dans la presse. L’absence de savon pour se laver les mains accroît le risque de transmission de maladies comme la gastro‑entérite, tout comme le covid‑19.

Les difficultés sont accrues dans le contexte de la pandémie : les élèves ne peuvent pas toujours se laver les mains, ou n’ont pas le temps de le faire vu le nombre d’élèves qui devraient se laver les mains sur le temps de récréation. Parfois, il n’y a pas assez de savon, ou de moyens de se sécher les mains.

L’Observatoire national de la sécurité et de laccessibilité des établissements denseignement a produit une étude relative aux conditions de la reprise scolaire après le confinement, communiquée le 16 avril 2020. Celle‑ci a montré qu’environ un quart des établissements scolaires n’étaient pas en mesure d’offrir aux élèves des conditions sanitaires adéquates pour respecter les gestes barrières.

Pour ce qui est des écoles, 25 % n’ont pas de points d’eau en nombre suffisant. 1 école sur 7 n’a pas de savon en quantité suffisante, et 3 écoles sur 4 n’avaient pas de gel hydroalcoolique à cette date. 21,5 % des établissements du secondaire n’avaient pas de points d’eau en nombre suffisant, 12 % n’ont pas suffisamment de savon, et 77 % n’ont pas de gel hydroalcoolique en quantité suffisante.

Ces chiffres complètent l’enquête sur la restauration et l’architecture scolaires du Centre national détude des systèmes scolaires (Cnesco) d’octobre 2017, selon laquelle « plus d’un chef d’établissement sur trois (36 %) considère qu’il n’y a pas assez de locaux sanitaires (toilettes, lavabos) dans son collège ou son lycée. Parmi les répondants, 3 % ont indiqué que les toilettes de leur établissement étaient nettoyées moins d’une fois par jour, 53 % qu’elles l’étaient une fois par jour et 44 % ont déclaré l’existence d’au moins deux nettoyages quotidiens. » Par ailleurs, cette étude montre que les incidents sont nombreux : « des dégradations et l’approvisionnement en produits hygiéniques suscitent des mécontentements dans plus d’un établissement du second degré sur deux. Une insatisfaction quant à la propreté des toilettes est rapportée au chef d’établissement dans près d’un établissement sur deux ».

Par exemple, en Seine–Saint‑Denis, dans un lycée d’Epinay‑sur‑Seine, en juin 2019, la presse relate le manque d’équipements sanitaires : pour les 800 lycéennes, seules « 2 sont équipées de lumière ». Mais cette situation terrible constituait néanmoins pour les élèves une amélioration minime, car au début de l’année « aucun w.c. ne fonctionnait ». Cela a pu contraindre les élèves à rentrer chez eux si nécessaire, « au prix de cours manqués ». Autre exemple, au lycée Angela‑Davis à Saint‑Denis (Seine–Saint‑Denis) les 1 200 élèves se partagent une petite trentaine de w.c.. À la Tourelle à Sarcelles (Val‑d’Oise), les 1 409 lycéens ont « seulement 19 cabinets ».

Au‑delà de l’existence de sanitaires en nombre suffisant, la situation est aggravée par le manque d’eau potable qui touche certaines communes en France, particulièrement dans les Outre‑mer. Des coupures d’eau ont ainsi causé la fermeture d’écoles, parce qu’il était impossible aux élèves comme aux personnels d’accéder à des sanitaires. Selon le rectorat de Guadeloupe, « 40 écoles, deux lycées et un collège », de six communes différentes, sont fermés à cause du manque d’eau en septembre 2020. Dans le sud de Mayotte, la reprise des cours a déjà été reportée en janvier 2017 à cause de la pénurie d’eau. En août 2020, la pénurie d’eau s’installait déjà sur l’île, ce qui menace l’approvisionnement général des populations, mais aussi celui des écoles. De telles fermetures temporaires de classes ont lieu ailleurs, par exemple en Guyane, ou encore en Nouvelle‑Calédonie, du fait de coupures d’eau.

Plus encore, la pauvreté et l’insalubrité des locaux ont aggravé la crise, par manque d’eau, d’agents et de produits d’hygiène. « À Acoua une école na pas été nettoyée pendant deux semaines, à Doujani il y a 4 robinets pour 540 élèves » témoigne Saïd Mouigni, secrétaire adjoint du syndicat enseignant SNUDI FO, quelques semaines après la rentrée 2020. Il ajoute que « les directeurs décoles mendient du savon dans les mairies ». Un rapport de la CNCDH ([1]) de 2017 note que « à Mayotte, il a été rapporté que près de 80 % des écoles ne respecteraient pas les normes de sécurité et d’hygiène minimales. […] En Guyane, il apparaît que la rénovation et l’entretien des locaux sont difficilement assumés par les collectivités territoriales, les communes mettant notamment en avant le manque de moyens en termes financiers et d’ingénierie. »

Par ailleurs, l’augmentation de la population scolaire ne permet pas d’accueillir les élèves dans de bonnes conditions à Mayotte et en Guyane particulièrement. En Guyane, en l’espace de dix ans, les effectifs ont progressé de 11,2 % dans le premier degré, de 18,2 % au collège et de 50 % au lycée, et le rythme d’ouverture de nouveaux établissements reste en deçà de ce qui était prévu pour pouvoir accueillir tous les élèves dans de bonnes conditions. Selon les chiffres de la FSU Guyane, sur les huit nouveaux collèges programmés par le conseil général sur la période 2007‑2013, seuls deux ont été créés. Depuis 2013, un seul collège a été construit, alors même que l’académie scolarise 500 nouveaux collégiens supplémentaires chaque année depuis près de 10 ans. Le dernier lycée a quant à lui été construit en 2009‑2010. L’État doit financer à hauteur de 50 millions d’euros par an pendant cinq ans la construction de collèges et de lycées, toutefois, cela ne permettra pas de pallier le déficit d’établissements dans l’immédiat de la crise du covid‑19.

Ainsi, les risques de contamination sont accrus du fait de la promiscuité contrainte en classe, étant donné qu’il est souvent impossible de placer les tables à un mètre les uns des autres. Ils sont accrus du fait du brassage d’un grand nombre de personnes dans le même établissement dans des espaces communs (cantine scolaire, sanitaires, lieux de récréation). Et ils sont d’autant plus accrus que les personnes ne sont pas en capacité de se laver les mains.

Les élèves peuvent toujours apporter du gel hydroalcoolique personnel, mais cela contrevient au principe de gratuité de l’école, et d’égalité des élèves : ceux‑ci n’ont pas à être plus ou moins protégés selon les ressources de leurs parents. C’est à l’école de fournir aux élèves les moyens de se protéger contre les risques de contamination. Par ailleurs, l’usage récurrent de gel hydroalcoolique abîme la peau, particulièrement celle de jeunes enfants, et rend le lavage au savon préférable.


proposition de rÉsolution

Article unique

En application des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, est créée une commission d’enquête de trente membres, chargée d’examiner les capacités des établissements scolaires de fournir des sanitaires permettant aux élèves et aux personnels d’avoir une hygiène correcte : nombre de toilettes, lavabos, et points d’eau, présence de savon, papier toilette, éléments pour le séchage les mains. Elle évaluera également la fréquence du nettoyage des sanitaires. Elle aura une attention particulière pour la situation dans les outre‑mer.


([1]) https://www.cncdh.fr/sites/default/files/170706_avis_droit_a_leducation_dans_les_outre-mer_0.pdf