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N° 5242

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 mai 2022

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d’une commission d’enquête
sur les carences de l’enseignement scolaire
en SeineSaintDenis et les moyens d’y remédier,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par

Mme Sabine RUBIN,

députée.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le rapport Cornut‑Gentille de 2018 a permis de mettre en évidence une rupture d’égalité en matière d’enseignement scolaire en Seine‑Saint‑Denis, malgré un cumul de dispositifs dérogatoires. Bien que 58 % des écoliers et 62 % des collégiens du département soient en zone prioritaire, « le moins bien doté des établissements parisiens est mieux doté que le plus doté des établissements de la Seine‑Saint‑Denis ».

Contrairement à une idée reçue tenace, la Seine‑Saint‑Denis ne bénéficie pas d’un traitement de faveur. Ainsi les seuils d’élèves par classe, arrêtés en 1998 à la suite d’une mobilisation sans précédent, n’y sont plus respectés qu’en théorie. Si les dédoublements ont donné lieu à quelques créations de postes, ils n’ont pas amélioré le sort d’une grande majorité d’élèves du primaire, ni celui des directions d’école, des Réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED), du secondaire, de la vie scolaire, de l’inclusion, ou encore du médico‑social.

Toutes les carences observées au niveau national se trouvent exacerbées en Seine‑Saint‑Denis. Ainsi l’élaboration d’un plan de rattrapage, outre son utilité directe pour ce département, pourra servir à l’identification des besoins de l’enseignement scolaire dans tout le pays. Au terme de ce quinquennat et de cette législature, mandats au cours desquels se sont succédé suppressions de postes dans le secondaire, rafistolages par les heures supplémentaires au lieu de recrutements, revalorisations en trompe‑l’œil et réformes à moyens constants, il importe de mener cette réflexion.

Cette proposition s’appuie sur plusieurs séries de rencontres et d’auditions des principaux syndicats, mais elle en appelle plusieurs autres, ainsi qu’un travail conjoint, pour se traduire en préconisations directement applicables. Si les données utilisées pour ce travail préliminaire donnent une estimation des principales carences, elles doivent être actualisées et complétées, ce que seule permettra la création d’une commission d’enquête.

  1. Le primaire

Dans l’enseignement primaire, le nombre d’enseignants semble insuffisant au regard du nombre de classes théoriquement nécessaire au respect des seuils de 1998. En effet, selon les documents budgétaires, le coût d’enseignement par classe est compris entre 1,5 et 2 équivalents temps plein, ce dont l’existant est éloigné. De plus, le nombre moyen d’élèves par classe inclut les classes dédoublées et l’inclusion scolaire, ce qui laisse penser qu’il existe des besoins non observables dans les autres classes, qu’il appartiendra à la commission d’établir.

En outre, les syndicats interrogés ne sont pas satisfaits des seuils existants. En appliquant les seuils revendiqués par chacun, le nombre d’ouvertures de classes nécessaires dans l’enseignement primaire varie entre 377 et 2 554. Le coût annuel supplémentaire serait alors compris entre 48 et 267 millions d’euros pour l’enseignement seul, soit 800 à 4 500 postes, ou entre 58 et 322 millions compte tenu des autres coûts, l’enseignement représentant environ 82 % du coût par élève. La commission d’enquête devra établir l’ampleur des investissements initiaux afférents, notamment immobiliers, et envisager leur répartition entre l’État et les collectivités territoriales, afin de ne pas imposer à ces dernières une charge excessive.

  1. Les remplacements

Une demande forte s’exprime également en Seine‑Saint‑Denis au sujet des remplaçants. Les 10 % des effectifs dévolus à cette tâche s’avèrent insuffisants, notamment parce que l’essentiel du contingent est affecté à des missions de longue durée, de sorte que les absences de moins de quinze jours sont très rarement remplacées. Il semble donc nécessaire d’accroître de 50 % le nombre de remplaçants, pour atteindre 15 % des effectifs, soit environ 400 postes, pour un coût estimé à 24 millions d’euros par an.

  1. Les directeurs

Il apparaît aussi que les décharges actuellement en place pour les directeurs d’écoles sont insuffisantes pour permettre le bon exercice de leurs missions. Cette situation ancienne n’a pas été résolue par la loi Rilhac, qui se préoccupe davantage du management des instituteurs. Plutôt, il conviendrait de recruter un agent supplémentaire par école, qui suppléerait la direction dans ses tâches administratives ; le coût de cette mesure, en supposant une rémunération au SMIC pour quelque 900 agents, serait d’environ 25 millions d’euros.

  1. Les RASED

Les RASED, dont l’efficacité face aux difficultés scolaires est reconnue par les personnels, ont perdu un tiers de leurs effectifs entre 2007 et 2012, et les créations de postes nécessaires à leur restauration ne sont pas prévues pour la rentrée 2021 en Seine‑Saint‑Denis. Suivant les revendications, et en tenant compte de l’existant, le coût du rétablissement des RASED serait compris entre 12 et 34 millions d’euros annuels, avec 204 à 571 nouveaux postes.

  1. L’inclusion scolaire

L’inclusion scolaire, priorité affichée par le gouvernement, souffre particulièrement de la sous‑dimension des effectifs d’accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH), qu’un statut précaire conduit à accepter une charge de travail excessive, désormais morcelée par la mise en place des pôles inclusifs d’accompagnement localisés (Pial). Outre la révision de leur statut, il convient donc de recruter au moins un millier d’AESH supplémentaires, pour un coût estimé à 29 millions d’euros, et de doubler le nombre d’enseignants référents chargés du suivi, de 36 à 72 postes, pour quelque 2 millions supplémentaires par an.

  1. Le médico‑social

Dans le primaire comme dans le secondaire, la couverture médico‑sociale est insuffisante. On ne compte par exemple que 258 équivalents temps plein (ETP) d’infirmiers tous degrés confondus, alors que le seul premier degré compte près d’un millier d’établissements. L’ouverture d’un minimum de 742 postes supplémentaires coûterait environ 30 millions d’euros par an. La même problématique existe du côté des assistantes sociales, trop souvent absentes des lycées d’enseignement général depuis la réforme Peillon, et des médecins scolaires, avec à peine un poste pourvu sur deux ; il importera pour la commission de réfléchir aux moyens de remédier à cette carence chronique.

  1. Le secondaire

Au collège, malgré des effectifs en hausse de 1 600 élèves pour la rentrée 2020, aucune création de poste n’est prévue, de sorte que le taux d’encadrement se dégrade, et le recours systématique aux heures supplémentaires épuise les personnels. En outre, la non‑comptabilisation des élèves en inclusion dans les classes impose de considérer la moyenne affichée avec une grande précaution : de 24, elle passe à 27 compte tenu de l’inclusion. La commission d’enquête devra donc établir le nombre de recrutements nécessaires au respect des seuils en incluant cette donnée.

Au collège toujours, les heures de marges, censées permettre le dédoublement temporaire des classes et la mise en place d’options, de modules d’approfondissement, d’expérimentations pédagogiques, sont également en quantité insuffisante. Leur doublement, pour un coût annuel de 34 millions d’euros, rendrait aux personnels la liberté qui leur est indispensable pour enseigner.

Faute de données, la vie scolaire et le lycée sont les principaux angles morts de ce travail préliminaire, dont l’examen est laissé aux bons soins de la commission d’enquête.

Cette tentative d’évaluation des besoins urgents est évidemment inséparable d’une réflexion sur la crise du recrutement. En l’état des conditions de travail des personnels, il est à craindre que les candidats manquent pour pourvoir les postes, quand bien même il en serait ouvert suffisamment. L’élaboration de remèdes à la désertion du métier comptera dès lors au nombre des tâches de la commission.

 

 

 

 


proposition de rÉsolution

Article unique

En application des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, est créée une commission d’enquête de trente membres chargée d’identifier, en s’appuyant sur l’expérience des acteurs de terrain, seuls à même de poser un diagnostic sérieux en la matière, les carences en termes de moyens humains, financiers, immobiliers et matériels des services de l’éducation nationale et des établissements publics locaux d’enseignement de la Seine‑Saint‑Denis, d’identifier les politiques publiques à l’origine de ces carences, de proposer un plan de rattrapage visant au rétablissement du service public et d’envisager l’extension de ce plan à l’échelle nationale afin de réaliser l’égalité entre les territoires en matière d’enseignement scolaire.