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N° 2243

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 septembre 2019.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION SPÉCIALE ([1])
CHARGÉE D’EXAMINER LE PROJET DE LOI relatif à la bioéthique,

 

 

Par MPhilippe BERTA, Mme Coralie DUBOST, M. Jean-François ÉLIAOU, Mme Laëtitia ROMEIRO DIAS, M. Hervé SAULIGNAC et M. Jean-Louis TOURAINE,

Rapporteurs

 

 

Tome I

Audition des ministres
Commentaires darticles

 

——

 

 

Voir le numéro :

Assemblée nationale :  2187.

 


 

La commission spéciale est composée de :

Mme Agnès Firmin Le Bodo, présidente ;

M. Thibault Bazin, M. Francis Chouat, M. Bruno Fuchs, Mme Monique Limon, vice-présidents ;

Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Aurore Bergé, M. Guillaume Chiche, M. Maxime Minot, secrétaires ;

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur sur le titre Ier, articles 1er et 2,

Mme Coralie Dubost, rapporteure sur le titre Ier, articles 3 et 4,

M. Hervé Saulignac, rapporteur sur le titre II,

M. Philippe Berta, rapporteur sur les titres III et IV,

M. Jean-François Eliaou, rapporteur sur le titre V,

Mme Laëtitia Romeiro Dias, rapporteure sur les titres VI et VII ;

M. Joël Aviragnet, M. Didier Baichère, Mme Valérie Beauvais, M. Olivier Becht, Mme Valérie Boyer, Mme Marine Brenier, M. Xavier Breton, M. Pascal Brindeau, Mme Anne-France Brunet, M. Pierre Cabaré, Mme Josiane Corneloup, Mme Bérangère Couillard, M. Marc Delatte, M. Pierre Dharréville, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Pierre-Henri Dumont, Mme Nathalie Elimas, Mme Elsa Faucillon, Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel, Mme Paula Forteza, Mme Annie Genevard, M. Raphaël Gérard, M. Philippe Gosselin, M. Guillaume Gouffier-Cha, M. Brahim Hammouche, M. Patrick Hetzel, M. Cyrille Isaac Sibille, Mme Caroline Janvier, M. Bastien Lachaud, Mme Anne-Christine Lang , Mme Marie Lebec, Mme Brigitte Liso, M. Jacques Marilossian, M. Didier Martin, Mme Sereine Mauborgne, M. Thomas Mesnier, Mme Danièle Obono, Mme George Pau-Langevin, Mme Bénédicte Pételle, Mme Sylvia Pinel, Mme Claire Pitollat, M. Jean-Pierre Pont, Mme Florence Provendier, M. Alain Ramadier, M. Pierre-Alain Raphan, Mme Marie-Pierre Rixain, Mme Laurianne Rossi, Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon, M. Pierre Vatin, Mme Michèle de Vaucouleurs, M. Olivier Véran, M. Philippe Vigier, M. Guillaume Vuilletet, Mme Martine Wonner

 

 

 

 

 


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SOMMAIRE

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Pages

Avant-propos

Les principales modifications apportées au projet de loi par la commission spéciale

Audition de Mmes Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la justice, et Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, puis discussion générale

Commentaires des articles

TITRE Ier  ÉLARGIR L’ACCÈS AUX TECHNOLOGIES DISPONIBLES SANS S’AFFRANCHIR DE NOS PRINCIPES ÉTHIQUES

Chapitre Ier Permettre aux personnes d’exercer un choix éclairé en matière de procréation dans un cadre maîtrisé

Article 1er Élargissement de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules

Article 1er bis Rapport relatif à la structuration des centres d’assistance médicale à la procréation

Article 2 Assouplissement du don de gamètes et autorisation de leur autoconservation

Chapitre II Reconnaître et sécuriser les droits des enfants nés d’assistance médicale à la procréation

Article 3 Droit d’une personne conçue dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation par recours à un tiers donneur d’accéder à ses origines

Article 4 Établissement de la filiation des enfants nés par recours à l’assistance médicale à la procréation par un couple de femmes ou par une femme non mariée

TITRE II  PROMOUVOIR LA SOLIDARITÉ DANS LE RESPECT DE L’AUTONOMIE DE CHACUN

Chapitre Ier Conforter la solidarité dans le cadre du don d’organes, de tissus et de cellules

Article 5 Extension du don croisé d’organes à plus de deux paires de donneurs/receveurs pour améliorer l’accès à la greffe

Article 6 Extension du bénéfice d’un prélèvement de cellules souches hématopoïétiques sur un mineur ou un majeur protégé à ses parents pour accroître les possibilités de greffes intrafamiliales en l’absence d’autre alternative thérapeutique

Article 7 Renforcement des droits des personnes sous mesure de protection de leurs biens dans l’exercice de leur citoyenneté en leur permettant de donner leur consentement au don

Chapitre II Permettre la solidarité dans le cadre de la transmission d’une information génétique

Article 8 Réalisation d’examens de génétique sur une personne décédée ou hors d’état d’exprimer sa volonté au profit de sa parentèle

Article 9 Transmission d’une information génétique au profit de la parentèle ou dans les situations de rupture du lien de filiation biologique dans le strict respect de l’anonymat des personnes concernées

Titre III  appuyer la diffusion des progrÈs scientifiques et technologiques dans le respect des principes Éthiques

Article 10 Consentement à l’examen des caractéristiques génétiques

Article 11 Garanties entourant le recours à des traitements algorithmiques de données massives en santé

Article 12 Encadrement du recours aux techniques d’enregistrement de l’activité cérébrale

Article 13 Encadrement des dispositifs de neuro-modulation

TITRE IV  SOUTENIR UNE RECHERCHE LIBRE ET RESPONSABLE AU SERVICE DE LA SANTÉ HUMAINE

Chapitre Ier Aménager le régime actuel de recherches sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires

Article 14 Différenciation des régimes juridiques d’autorisation s’appliquant à l’embryon et aux cellules souches embryonnaires

Article 15 Régulation, en recherche fondamentale, de certaines utilisations des cellules souches pluripotentes induites

Article 16 Limite de conservation des embryons proposés à la recherche et non inclus dans un protocole après cinq ans

Chapitre II Favoriser une recherche responsable en lien avec la médecine génomique

Article 17 Utilisation des outils de modification ciblée du génome en recherche fondamentale

Article 18 Développement des « passerelles soin/recherches » par l’utilisation facilitée d’échantillons conservés à d’autres fins

Titre V  Poursuivre l’amélioration de la qualité et de la sécurité des pratiques du domaine bioéthique

Chapitre Ier Renforcer la qualité et la sécurité des pratiques

Article 19 Rénovation du régime du diagnostic prénatal permettant de reconnaître la médecine fœtale et de renforcer l’information de la femme enceinte et du couple et prévoyant des recommandations de bonnes pratiques

Article 19 bis État des lieux du diagnostic prénatal et du diagnostic préimplantatoire

Article 20 Suppression de l’obligation de proposer un délai de réflexion prévue dans le cadre de l’interruption médicale de grossesse (IMG) et encadrement de la réduction embryonnaire

Article 21 Clarification des conditions d’interruption médicale de grossesse  pour les femmes mineures non émancipées

Article 22 Autorisation de la greffe de tissu germinal pour le rétablissement d’une fonction hormonale et clarification du devenir des gamètes et tissus germinaux conservés

Chapitre II Optimiser l’organisation des soins

Article 23 Élargissement des missions des conseillers en génétique

Article 24 Garantie d’une transmission sécurisée des résultats d’examens génétiques entre laboratoires

Article 25 Aménagement, pour les patients concernés, d’une passerelle  entre la génétique somatique et la génétique constitutionnelle

Article 26 Sécurisation de l’utilisation du microbiote fécal

Article 27 Réalisation de médicaments de thérapie innovante préparés ponctuellement dans le cadre d’une seule intervention médicale sous la responsabilité d’un établissement ou organisme autorisé au titre de l’article L. 4211-9-1 du code de la santé publique

Article 28 Diverses mises en cohérence au sein du code de la santé publique

Titre VI  Assurer une gouvernance bioéthique adaptée au rythme des avancées rapides des sciences et des techniques

Article 29 A (nouveau) Création d’une délégation parlementaire à la bioéthique

Article 29 Élargissement des missions du Comité consultatif national d’éthique des sciences de la vie et de la santé

Article 30 Évolution des compétences et de la composition des organes de l’Agence de la biomédecine

Titre VII  Dispositions finales

Article 31 Habilitations à légiférer par voie d’ordonnance

Article 32 Réexamen de la loi

Liste des personnes auditionnées dans le cadre des travaux de la commission spéciale

liste des textes susceptibles d’être abrogés ou modifiés à l’occasion de l’examen du projet de loi

 


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   Avant-propos

 

2011-2019 : huit années se sont écoulées entre la promulgation de la dernière loi de bioéthique et le dépôt du projet de loi portant révision le 24 juillet dernier. Ce délai est beaucoup trop long. Il en va parfois de la bioéthique comme de l’interrègne : à l’absence du souverain qui se fait cruellement sentir s’ajoute le report de décisions importantes. Les huit années écoulées ont vu surgir de nouvelles questions qui auraient sans doute mérité une incidence législative plus précoce. Il en est ainsi, par exemple, du recours croissant à la génomique. Pour une part non négligeable de nos concitoyens, ces huit années représentent aussi une épreuve, où s’entremêlent le désir de voir la loi modifiée, la frustration créée par de trop nombreux combats d’arrière-garde et la déception de voir le calendrier de la révision connaître des reports successifs. Ce projet de loi était donc attendu.

Il était d’abord attendu par la société.

Alors que le désir d’enfant peut être satisfait par la mise à disposition de techniques éprouvées, bien que perfectibles, à l’étranger, les évolutions de notre société appellent à une mise en cohérence du cadre juridique. Avec l’extension de l’assistance médicale à la procréation avec tiers donneur à toutes les femmes, le projet de loi répond en effet à une demande exprimée depuis plus de deux décennies. Si des divergences demeurent sur les choix opérés par le Gouvernement, il convient toutefois de se féliciter que notre pays s’engage enfin dans un chemin déjà emprunté par de nombreuses autres nations modernes. L’extension de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes non mariées, associée à une réforme de la filiation représente en effet une avancée majeure.

Tirant les conséquences de l’ouverture de l’assistance médicale à la procréation aux couples de femmes et de la suppression de son motif thérapeutique, le projet de loi tel que déposé sur le bureau de l’Assemblée crée, dans un nouveau titre du code civil situé après le titre consacré à la filiation, un mode de filiation par déclaration anticipée de volonté qui permet aux couples de femmes de devenir légalement les parents de l’enfant issu de l’assistance médicale à la procréation qu’elles auront réalisée ensemble, et ce, simultanément, dès la naissance. Il prévoit par ailleurs que la femme non mariée qui donne naissance à un enfant par assistance médicale à la procréation avec un tiers donneur se voit appliquer les règles de filiation dites de droit commun.

Le projet de loi apporte également une réponse à la demande d’accès aux origines personnelles des enfants issus du don de gamètes d’un tiers donneur. Cette question, qui s’est posée dès l’examen des premières lois de bioéthique en 1994, s’est heurtée au refus du législateur à deux reprises, en 2004 et 2011. Il aura fallu l’action salutaire et tenace d’enfants issus du don pour que ce sujet délicat, souvent douloureux, puisse enfin trouver un aboutissement, dans le respect de la liberté de chacun : de l’enfant, du tiers donneur et des familles légales. Le projet de loi autorise en effet les personnes nées d’assistance médicale à la procréation avec un tiers donneur à accéder aux données non identifiantes ainsi qu’à l’identité de leurs donneurs de gamètes ou d’embryons. Il conditionne le don au consentement du donneur à ce que l’enfant puisse accéder à ses données non identifiantes et à son identité. La gestion centralisée des données relatives aux donneurs, aux dons et aux enfants nés de dons est confiée à l’Agence de la biomédecine, tandis qu’une commission est créée afin d’accueillir les demandes des personnes nées de don et de solliciter l’Agence de la biomédecine pour obtenir les informations lui permettant d’exercer ses missions.

Ce texte était aussi attendu par les professionnels.

Alors que notre pays a fait le choix clair, déterminé, de s’engager dans la recherche sur les embryons et les cellules souches, l’une des dispositions phares du projet de loi vise à distinguer le régime juridique relatif aux recherches portant sur l’embryon de celui portant sur les cellules souches.

Les protocoles de recherche portant sur l’embryon feront toujours l’objet d’une autorisation délivrée par l’Agence de la biomédecine compte tenu des interrogations éthiques suscitées par sa destruction. La limite de développement in vitro des embryons, que l’usage fixe aujourd’hui à 7 jours suivant des recommandations du Comité consultatif national d’éthique, sera désormais fixée par la loi à 14 jours.

Les recherches portant sur les cellules souches embryonnaires, non susceptibles de reconstituer un embryon et n’appelant pas les mêmes interrogations éthiques, feront l’objet d’une déclaration auprès de l’Agence de la biomédecine qui pourra s’y opposer le cas échéant. Les protocoles portant sur les cellules souches adultes pluripotentes induites ne sont pas non plus exempts d’interrogations éthiques ; le projet de loi comble un vide juridique en les encadrant dans les mêmes conditions.

Le régime juridique du diagnostic prénatal est modifié afin de prévoir explicitement la mise en œuvre de la médecine fœtale, qui vise à apporter des soins au fœtus. Parallèlement, l’information apportée à la femme enceinte est renforcée alors que les nouvelles techniques d’investigation permettent de révéler des données incidentes.

Le diagnostic d’une pathologie fœtale d’une particulière gravité et reconnue comme incurable peut conduire à envisager une interruption médicale de grossesse. Le projet de loi supprime l’obligation faite depuis 2011 aux équipes des centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal de proposer à la femme un délai de réflexion d’au moins une semaine avant de décider de poursuivre ou d’interrompre sa grossesse pour motif médical. La suppression de cette obligation – qui peut culpabiliser la femme et rompre la relation de confiance qu’elle a pu nouer avec les équipes de ces centres – est attendue par les professionnels de santé…

…Tout comme l’est l’encadrement juridique et la sécurisation des pratiques d’interruption partielle de grossesse multiple (également connues sous le nom de « réductions embryonnaires »). À cet égard, le projet de loi apporte des garanties utiles qui précisent les conditions d’examen des demandes d’interruption sélective de grossesse multiple et de mise en œuvre de telles demandes (notamment en termes de délai).

L’élargissement des missions des conseillers en génétique est une autre attente des professionnels qui trouve une réponse dans le projet de loi. Ils se voient reconnaître le droit de prescrire certains examens de biologie médicale, sous la responsabilité d’un médecin qualifié en génétique. Le projet sécurise également la transmission des résultats d’examen des caractéristiques génétiques entre laboratoires.

Au-delà des réponses qu’il apporte aux attentes des professionnels, le projet de loi entend aussi satisfaire des attentes exprimées par les citoyens.

S’agissant du don d’organes, il apporte une réponse à nos concitoyens pour lesquels la solidarité est un enjeu de survie. Le texte desserre donc les conditions drastiques du code de la santé publique relatives à l’articulation entre le prélèvement sur un donneur vivant et la transplantation. Alors que l’élargissement du don du cercle familial au cercle affectif a permis d’augmenter sensiblement le nombre de vies sauvées, le don croisé, limité à deux paires de donneur/receveur et conditionné à la simultanéité des opérations de prélèvement et de transplantation, ne s’est pas avéré être une procédure efficace. S’appuyant sur de nombreuses publications scientifiques, le texte institue une chaîne de dons croisés pouvant aller jusqu’à quatre paires de donneur/receveur tout en levant la condition de simultanéité des opérations de prélèvement et de don. Pour augmenter les possibilités d’appariement, il pourra être fait appel à un prélèvement sur un donneur décédé. Parallèlement le texte offre des garanties pour surmonter les éventuels obstacles aux opérations de prélèvement et de greffe afin de ne pas léser un receveur.

Dans la droite ligne des évolutions récentes du droit civil tendant à conférer davantage d’autonomie aux majeurs protégés, le projet de loi dépoussière les très nombreuses dispositions du droit de la santé qui leur ferment la possibilité d’effectuer un don. Inspirée par un paternalisme désuet et peu respectueuse de la dignité des majeurs protégés, le texte actuel du code de la santé publique méritait une adaptation des dispositions applicables au don des éléments et produits du corps humain.

Le recours aux techniques de séquençage de dernière génération, d’une précision et d’une puissance encore inimaginables il y a seulement quelques années, permettent la détection d’anomalies génétiques susceptibles de provoquer des affections graves. Que faire de ces informations alors que des traitements et des prises en charge sont susceptibles de préserver la santé des personnes concernées ? Pour approfondir la solidarité entre les bien portants et les malades, le projet de loi prévoit des modalités équilibrées d’information de la parentèle en cas de découvertes incidentes, qu’il s’agisse d’examens réalisés à des fins de diagnostic sur un patient vivant ou bien dans le cadre d’une autopsie ou d’une recherche portant sur des échantillons biologiques. Ce nouveau cadre juridique des examens génétiques ne s’écarte pas du modèle éthique que notre pays s’honore à promouvoir. Il n’est ainsi nullement question d’autoriser le recours aux tests génétiques autrement que dans un cadre médical ou de recherche.

S’agissant des découvertes incidentes, le projet de loi instaure, dans l’intérêt de nos concitoyens, des garanties, notamment au regard des exigences d’information de la personne et de sa parentèle, afin d’encadrer la réalisation des examens des caractéristiques génétiques somatiques susceptibles de révéler des caractéristiques génétiques constitutionnelles, par exemple dans le cadre d’une prise en charge en oncologie.

Toujours au bénéfice de nos concitoyens – en particulier de ceux qui sont atteints d’une pathologie menaçant leur fertilité ou exposés à des traitements potentiellement stérilisants – le projet de loi étend au rétablissement d’une fonction hormonale les finalités du recueil et de (cryo)conservation de gamètes et tissus germinaux – finalités qui sont aujourd’hui limitées à la réalisation d’une assistance médicale à la procréation et à la préservation ou restauration de la fertilité.

Afin de promouvoir le principe d’une « garantie humaine » en matière d’intelligence artificielle, le projet de loi prévoit qu’en cas de recours à un traitement algorithmique de données massives pour des actes à visée préventive, diagnostique ou thérapeutique, le professionnel de santé qui communique les résultats de ces actes informe le patient de l’utilisation et des modalités d’action de ce traitement ; il prévoit aussi que son paramétrage est réalisé avec l’intervention d’un professionnel de santé.

Le recours aux techniques d’enregistrement de l’activité cérébrale sera mieux encadré : le projet de loi interdit l’emploi de l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle dans le domaine de l’expertise judiciaire et renforce l’interdiction des discriminations fondées sur les données issues de l’enregistrement de l’activité cérébrale, en particulier en matière de prévention et de couverture des risques.

Toujours avec la même volonté de protéger les patients, le projet de loi confère au ministre chargé de la santé le pouvoir d’interdire un dispositif de neuro-modulation qui présenterait un danger grave pour la santé humaine.

Le projet de loi consacre enfin des dispositions significatives à l’évolution de la gouvernance du cadre bioéthique national. Il élargit le champ d’action du Comité consultatif national d’éthique des sciences de la vie et de la santé aux questions et problèmes de santé résultant de progrès scientifiques et technologiques dans d’autres domaines que ceux de la biologie, de la médecine et de la santé (comme le numérique ou l’intelligence artificielle), il lui confie l’organisation de débats publics réguliers sur la bioéthique en lien avec les espaces de réflexion éthique régionaux et il simplifie son organisation. Il modifie également les missions confiées à l’Agence de la biomédecine ainsi que la composition de ses conseils d’administration et d’orientation. Il renouvelle par ailleurs la clause de réexamen périodique de la loi de bioéthique dans un délai de sept ans.

*
*     *

En guise de conclusion, les rapporteurs aimeraient souligner que la genèse de ce texte a été marquée par une mobilisation citoyenne importante à travers les Etats généraux de la bioéthique et qu’elle a été précédée par la publication d’une littérature scientifique et juridique particulièrement importante. Avec notamment l’étude du Conseil d’État, le rapport de la mission d’information instituée par la Conférence des présidents, les rapports de l’OPECST et ceux de l’Agence de la biomédecine, chacun a pu prendre connaissance dans le détail des enjeux soulevés par les évolutions scientifiques et sociétales récentes, auxquelles le projet devait répondre. En particulier, si les travaux de la commission spéciale ont été conduits dans un calendrier particulièrement resserré, la mission d’information sur la révision de la loi de bioéthique, qui a publié son rapport en janvier dernier, avait un programme d’auditions aussi dense qu’équilibré, et ouvert à l’ensemble des parlementaires. Dans un cas comme dans l’autre, tant les partisans des évolutions envisagées que leurs opposants ont pu exprimer leurs arguments et faire valoir leurs convictions. Tout parlementaire pouvait donc disposer de l’ensemble des éclairages possibles avant de s’engager dans l’examen du projet de loi.

 

 


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   Les principales modifications apportées
au projet de loi par la commission spéciale

 À l’article premier, la commission a supprimé la mention de l’évaluation psychologique, considérant qu’elle faisait partie intégrante de la prise en charge par l’équipe pluridisciplinaire. Elle a également adopté deux amendements réaffirmant le principe de non-discrimination dans l’accès à l’assistance médicale à la procréation. Elle a adopté un amendement visant à prévoir la mise en place d’une étude de suivi portant sur l’AMP, le devenir des receveurs et des enfants issus du don. Elle a enfin adopté un amendement visant à préciser la portée du principe de gratuité dans le cadre de l’accueil d’embryon par un autre couple ou une femme mariée.

 À l’article 2, la commission adopté un amendement visant à prévoir la mise en place d’une étude de suivi sur le devenir des donneurs de gamètes. Elle a également prévu la possibilité d’effectuer un don de gamètes concomitamment au recueil ou au prélèvement réalisé à des fins autologues. Elle a étendu aux établissements privés à but lucratif la possibilité de proposer le recueil, le prélèvement et la conservation des gamètes à des fins autologues. Elle a enfin entendu exclure les employeurs de toute prise en charge des frais de conservation.

 À l’article 3, la commission a clarifié la rédaction de l’article principiel en affirmant que toute personne conçue par AMP avec tiers donneur peut, si elle le souhaite, accéder, à sa majorité, aux données non identifiantes et à l’identité de ce tiers donneur. Elle a également précisé que la commission d’accès à ces données fait droit aux demandes présentées conformément aux conditions définies réglementairement. Elle a en outre supprimé, pour les donneurs relevant du régime actuel, la condition de manifestation, à leur initiative, de leur consentement à l’accès à leurs données personnelles. Elle a par ailleurs défini dans le code civil les receveurs de don de gamètes ou d’embryons comme les personnes qui ont donné leur consentement à l’AMP. Elle a enfin prévu la conservation du stock de gamètes et d’embryons recueillis antérieurement à l’entrée en vigueur du nouveau régime et pour lesquels les donneurs ont donné leur consentement à la transmission de leurs données personnelles.

 La commission a adopté une nouvelle rédaction de l’article 4, qui crée, au sein du titre du code civil relatif à la filiation, un nouveau chapitre consacré au recours à l’AMP avec tiers donneur qui s’applique à tous les couples, sans distinction selon qu’ils sont composés d’un homme et d’une femme ou de deux femmes, et qui remplace le mécanisme de la déclaration anticipée de volonté par celui de la reconnaissance conjointe, faite par les deux mères s’engageant ensemble dans leur projet d’enfant, au même moment que le consentement à l’AMP.

 À l’article 5, la commission a renvoyé à un décret en Conseil d’État la fixation de la limite du nombre de paires de donneurs et de receveurs impliquées dans une chaîne de dons croisés.

 À l’article 9, elle a étendu aux enfants issus du don et aux tiers donneurs l’obligation de transmission d’informations génétiques les concernant.

 À l’article 14, elle a adopté deux amendements identiques visant à soumettre la conservation des cellules souches embryonnaires à un régime de déclaration et non plus d’autorisation. Elle a aussi prévu de soumettre à la déclaration auprès de l’Agence de la biomédecine les protocoles de recherche portant sur les cellules souches embryonnaires ayant pour objet leur « insertion dans un embryon animal dans le but de son transfert chez la femelle », cette dernière modification étant aussi apportée à l’article 15 pour les cellules souches pluripotentes induites.

 À l’article 19, elle a recentré l’information et l’accompagnement de la femme enceinte dans toutes les étapes du diagnostic prénatal en lui laissant le choix d’y associer son conjoint si elle est en couple. Un amendement a également été adopté afin de prévoir un dispositif d’information du tiers donneur si les examens révèlent des caractéristiques génétiques fœtales sans relation avec l’indication de l’examen.

 En adoptant l’article 19 bis, la commission attend de l’Agence de la biomédecine un état des lieux du diagnostic prénatal et du diagnostic préimplantatoire en vue de la prochaine révision des lois de bioéthique.

 À l’article 26, elle a décidé de soumettre l’activité de collecte des selles destinées à la préparation de microbiote fécal à une autorisation par l’Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé.

 En adoptant l’article 29 A, la commission a créé, dans chaque assemblée, une délégation parlementaire à la bioéthique, qui a pour mission d’informer les assemblées de la politique suivie par le Gouvernement en matière de bioéthique, de suivre l’application de la loi et de conduire une réflexion continue sur les sujets liés à la bioéthique.

 À l’article 30, elle a décidé de maintenir la compétence de l’Agence de la biomédecine en matière de nanobiotechnologies.

 


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   Audition de Mmes Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la justice, et Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation,
puis discussion générale

Lors de sa réunion du lundi 9 septembre 2019 ([2]), la commission spéciale procède à l’audition de Mmes Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la justice, et Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, et à la discussion générale du projet de loi relatif à la bioéthique (n° 2187) (M. Jean-Louis Touraine, rapporteur sur les articles 1er et 2, Mme Coralie Dubost, rapporteure sur les articles 3 et 4, M. Hervé Saulignac, rapporteur sur le titre II, M. Philippe Berta, rapporteur sur les titres III et IV, M. Jean-François Eliaou, rapporteur sur le titre V, et Mme Laetitia Romeiro Dias, rapporteure sur les titres VI et VII).

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Mesdames les ministres, je vous remercie d’être parmi nous pour l’examen du projet de loi relatif à la bioéthique. Au cours des dix derniers jours, nous avons déjà passé cinquante-cinq heures en auditions. Nous avons pu travailler, poser des questions et, pour certains d’entre nous, évoluer.

Nous commencerons par entendre les ministres, qui présenteront le projet du Gouvernement dans un exposé liminaire de quelques minutes chacune. Puis ce sera au tour des six rapporteurs, qui disposeront chacun de cinq minutes pour poser leurs questions, des porte-parole des groupes qui auront quatre minutes – cette durée pouvant être répartie entre deux orateurs – et enfin des députés, dont les interventions ne pourront excéder une minute. Les ministres répondront après chaque groupe d’intervenants, à raison de cinq interventions pour les questions des députés. À 1 heure du matin, quoi qu’il advienne, la réunion lèvera, car nous commencerons l’examen des 2 229 amendements déposés dès demain, à 16 heures. Le nouveau règlement de l’Assemblée nous impose d’avoir terminé au plus tard dans la nuit de vendredi à samedi. Il est donc probable que nous siégerons au-delà de 1 heure du matin les autres soirs.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Je serai brève, mais cette brièveté est inversement proportionnelle à l’immensité de notre tâche. Nous ouvrons une séquence inédite en ce sens que chaque projet de loi de bioéthique affronte les enjeux toujours singuliers d’une époque. La France a la chance d’organiser à intervalles réguliers un grand débat de société, au cours duquel la science rencontre nos grands principes éthiques. Cette rencontre a lieu chaque jour dans le quotidien des Français, dans les discussions familiales ou entre amis. Mais, à l’heure des choix, un lieu s’impose : le Parlement.

Ce rendez-vous, nous l’avons préparé ensemble. Le projet de loi que je vous présente ce soir, aux côtés de Nicole Belloubet et de Frédérique Vidal, a été largement nourri de vos travaux – ceux de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) et de la mission d’information.

À la demande du Premier ministre, le ministère des solidarités et de la santé, le ministère de la justice et le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation ont organisé une série de séminaires pour présenter, de façon neutre et approfondie, aux parlementaires qui le souhaitaient les questions mises en débat.

Des revendications nouvelles ont émergé, dans une société qui évolue et où les modèles et les repères ne sont jamais figés. Nous ne pouvons pas non plus ignorer que des marchés se développent, que des pratiques prospèrent dans d’autres pays et que les frontières s’effacent. La France a fait le choix que les représentants du peuple décident de ce qui est permis et interdit dans le champ de la bioéthique. Peu de pays mènent cette réflexion parce qu’elle nécessite à la fois la capacité à déployer les techniques médicales dont il est question, un régime politique démocratique stable, et une volonté collective de défendre une certaine vision de la liberté, de l’humanité et de la solidarité.

Cette réflexion profonde sur la société dans laquelle nous voulons vivre et que nous voulons proposer aux générations futures, nous y sommes. Elle doit se dérouler dans la sérénité, sans caricature ni raccourci ou clivage artificiel. Nous avons tous des doutes qui subsistent ou des convictions qui s’affinent, mais chacun sera, je le sais, respectueux de la contradiction. C’est au prix d’un débat apaisé et exigeant que nous donnerons un nouveau cadre bioéthique à notre pays.

La voix de la France sur ces sujets porte bien au-delà de ses frontières, en Europe et dans le monde. Face à certaines pratiques, nous devons avoir le courage de ne pas faire du moins-disant éthique la nouvelle référence. Les limites que nous fixerons ne représentent pas un risque de nous exclure de certains marchés, mais une chance de donner des repères à tous.

Le projet de loi que vous allez examiner dessine, en une trentaine d’articles regroupés en sept titres, un cadre permettant à la liberté de chacun de s’exprimer dans le respect de l’intérêt collectif. Il accorde de nouveaux droits, apporte les ajustements rendus nécessaires par les évolutions, tant techniques et technologiques que sociétales. Enfin, il s’intègre à l’édifice bioéthique qui, depuis vingt-cinq ans, assure en France un équilibre entre le respect de la dignité de la personne humaine, l’autonomie de chacun et la solidarité de tous. Ces grands principes ont guidé chaque ligne du projet de loi ; ils ne sont nulle part mis en danger.

Nous aurons évidemment l’occasion de débattre précisément de chacun des articles, mais j’aimerais m’attarder sur certains. L’article 1er, qui concentre tant de débats, est une mesure majeure. Ouvrir la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes non mariées, avec une prise en charge par l’assurance maladie, c’est ouvrir les yeux sur ce qu’est la famille française contemporaine, une famille aux nombreux visages, qui s’épanouit sous des formes diverses.

Bien d’autres sujets sont majeurs : l’accès aux origines, qui est un véritable changement de paradigme pour les enfants, l’autoconservation de gamètes pour les femmes et les hommes, l’amélioration de la qualité et de la sécurité des pratiques dans le champ de la bioéthique, la transmission des informations génétiques, l’élargissement des missions des conseillers en génétique, ou encore l’accompagnement de la médecine génomique, dans le cadre du soin ou de la recherche, dans le respect de nos valeurs éthiques.

Les sujets que nous allons aborder sont parfois – souvent même – d’une grande technicité. Pour autant, ils recouvrent des enjeux qui auront une incidence très concrète sur le quotidien des Français. Je nous souhaite des débats riches, exigeants, respectueux et constructifs. Comme mes deux collègues, j’aurai à cœur de répondre à toutes vos interrogations.

Mme Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la justice. Le projet de loi ouvre des perspectives et des droits nouveaux, plus spécifiquement aux femmes, qu’elles vivent ou non en couple. Je suis chargée de son article 4, qui tire les conclusions en termes de filiation de l’ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules.

Le dispositif que je vous présenterai, en lien avec la rapporteure chargée de cet article, porte sur les conditions d’établissement de la filiation. Il prévoit que les couples de femmes qui consentent, devant notaire, à faire une PMA avec tiers donneur, comme c’est le cas aujourd’hui pour les couples hétérosexuels, s’engagent au même moment, de manière très simple, à devenir les mères de l’enfant qui naîtra. En l’état actuel du projet de loi, le document qui établit la filiation est appelé « déclaration anticipée de volonté » (DAV). Il devra être produit lors de la naissance de l’enfant devant l’officier d’état civil. Nous avons proposé qu’il soit établi ab initio afin de sécuriser la situation, totalement nouvelle.

En outre, par souci, peut-être excessif, de symétrie, dans le projet de loi tel qu’il vous est présenté, les dispositions relatives à cette nouvelle forme de filiation ont été placées dans un titre propre, après le titre VII consacré à la filiation fondée sur la vraisemblance biologique et avant le titre VIII, tout aussi spécifique, qui porte sur la filiation adoptive. Nous créons un nouveau mode d’établissement de la filiation fondé sur la volonté et l’engagement conjoint de deux femmes, puisque la vraisemblance biologique, à l’évidence, ne peut pas jouer.

Je le sais, le sujet de la filiation suscite de très nombreux débats, absolument légitimes : les ministres et le Gouvernement se sont également interrogés. Leur choix, pesé, est issu d’une réflexion approfondie. Il faut aborder ces sujets avec infiniment de modestie et une certaine délicatesse. Aucun choix ne s’impose d’évidence ; chaque solution présente ses avantages et ses inconvénients.

Nous devons être juridiquement rigoureux – le sort de femmes et d’enfants en dépendra –, mais aussi prendre en considération les questions symboliques, d’une grande importance. Il faut également faire preuve de justesse dans les mots employés. J’ai entendu parler de « stigmatisation » ou de « discrimination ». Ces termes sont excessifs là où la réforme ouvre, en réalité, des droits qu’aucun gouvernement n’avait auparavant proposés. Une distinction juridique – ce n’est que cela – dans le mode d’établissement d’un lien de filiation n’est ni une stigmatisation ni une discrimination.

Le projet de loi présenté par le Gouvernement propose une voie d’équilibre qui repose sur quatre principes simples. Le premier d’entre eux est d’offrir un nouveau droit aux femmes, en particulier aux femmes qui vivent en couple. C’est un engagement du Président de la République, un choix de progrès et d’égalité. Le deuxième principe consiste à offrir aux enfants nés dans ces conditions des droits en tout point identiques à ceux des autres enfants, dans un souci d’égalité. Le troisième principe est d’apporter la sécurité juridique aux mères et à leurs enfants, la filiation, non établie sur la vraisemblance biologique mais sur la base d’un engagement commun, devant être juridiquement très solide. Enfin, il s’agit, pour le quatrième principe, de ne pas revenir sur le droit applicable aux couples hétérosexuels. Nous souhaitons apporter des droits nouveaux sans rien retirer au régime de filiation applicable à ces derniers, ni le modifier. Ce point est important pour le Gouvernement.

Le texte est totalement novateur, car il permet de sécuriser le lien de filiation sur la base du consentement de deux personnes là où la vraisemblance biologique ne peut, à l’évidence, pas jouer. Les femmes concernées s’engageront dans un projet commun ; l’une et l’autre seront mères, sans distinction ni hiérarchie. C’est la victoire de l’égalité au profit des couples de femmes.

Ce progrès fera date ; c’est même une forme de révolution dans le droit de la filiation. Pour autant, ce progrès ne doit pas s’accomplir en portant atteinte aux équilibres juridiques existants : nous ne souhaitons pas imposer de nouvelles contraintes aux couples hétérosexuels. Le projet de loi tire les conclusions sur la filiation de l’ouverture du droit à la PMA pour les couples de femmes, mais ne vise pas à réformer le droit de la filiation dans son ensemble. Ce texte, porté par Agnès Buzyn, est relatif à la bioéthique ; il ne s’agit pas d’un projet de loi relatif à la famille.

Dans ce cadre, nous nous sommes demandés s’il fallait construire un mécanisme qui imposerait aux couples hétérosexuels de déclarer qu’ils ont eu recours à la PMA. Certains le souhaitent afin d’en finir avec ce qui est qualifié de « culture du secret ». Ce n’est pas complètement le choix fait par le Gouvernement, même s’il a exploré cette voie et demandé son avis au Conseil d’État. Il apparaît comme une évidence que les enfants nés de PMA au sein d’un couple hétérosexuel ne peuvent pas avoir moins de droits d’accès à leurs origines que les enfants nés dans un couple homosexuel. Ils auront exactement les mêmes. Si les parents ne les informent pas de l’existence d’une PMA, les enfants ne feront pas la démarche, nous assure-t-on. En tout cas, tous pourront engager cette demande d’accès à leurs origines.

Nous n’avons pas souhaité forcer les parents à divulguer le recours à une PMA, alors que c’est une évidence factuelle pour les couples de femmes. Le Gouvernement a fait le choix de laisser les parents déterminer le moment et les conditions de la divulgation de ce recours. S’agissant de sujets aussi délicats et intimes, l’État et le législateur ne me semblent pas devoir s’immiscer à ce point dans la vie des familles. Nous pensons qu’il faut faire confiance à celles-ci et, collectivement, les accompagner pour les convaincre que la PMA est un sujet dont il faut parler. Aujourd’hui, la PMA est socialement mieux acceptée. L’expérience personnelle et familiale des enfants issus de PMA dans les décennies à venir sera certainement très différente de celle des enfants nés il y a trente ans de parents eux-mêmes nés juste après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Les mentalités ont changé ; nous devons les aider à évoluer davantage. Le projet de loi, par son objet, va y contribuer en banalisant la PMA, qui sera ainsi mieux acceptée. Enfin, soyons réalistes : les couples hétérosexuels qui voudraient continuer à se taire alors qu’ils ont eu recours à une PMA pourront toujours déclarer que leur enfant est né sans en faire état. La solution retenue me semble donc plus équilibrée et réaliste.

Le dispositif retenu fait l’objet de discussions, je le sais. J’ai été très attentive aux auditions extrêmement riches que vous avez menées. Je ne néglige aucune des questions soulevées, aucune des critiques, aucune des propositions que plusieurs d’entre vous m’ont rapportées. La création d’un nouveau document, la DAV, et d’un titre spécifique au sein du code civil a pu laisser craindre que nous entendions enfermer les couples lesbiens dans un cadre juridique à part. Telle n’est absolument pas l’intention du Gouvernement. Notre seul souci est d’offrir aux enfants et aux mères une sécurité juridique absolue : dès l’origine du projet de PMA, l’enfant à naître doit avoir un statut clair. C’est une sécurité pour lui et pour les deux mères.

Je prendrai un exemple simple : pour deux femmes qui se lancent dans un tel projet, le fait d’établir la filiation par un acte authentique devant notaire avant même la conception permet d’imposer cette filiation à la naissance, même si, entre-temps, un homme a fait irruption et revendique sa paternité par reconnaissance anticipée. L’officier d’état civil prendra connaissance de la déclaration devant notaire et la fera prévaloir sur la reconnaissance de paternité. Bien sûr, le contentieux n’est pas exclu, mais tant qu’il ne sera pas démontré que l’enfant n’est pas né de la PMA, les deux mères seront mères et leur enfant aura une filiation clairement établie.

Parce que nous construisons une filiation de toutes pièces sur le plan juridique, que nous voulons que les deux mères soient égales au sein du couple et qu’elles puissent s’engager dans cette voie le plus simplement possible, nous avons prévu une procédure légère, mais parfaitement sécurisée.

Certains se sont inquiétés de la mention de la déclaration anticipée de volonté dans l’acte intégral de naissance, qui dévoilerait donc publiquement que ces enfants sont nés d’une PMA, engendrant un risque de stigmatisation. J’entends cette crainte, mais veux la relativiser, puis proposer une voie pour y répondre : les enfants qui auront deux mères sauront, par définition, qu’elles ont eu recours à un tiers donneur – c’est une évidence. La mention dans l’acte de naissance, à laquelle seuls les enfants, leurs ascendants et descendants auront accès, ne change rien à cela. Je le dis avec force : non, le Gouvernement n’a pas l’intention d’imposer dans les actes de naissance une mention stigmatisante telle que « né d’un couple homosexuel ayant eu recours à la PMA » ! Comment peut-on imaginer cela ?

Mais j’entends les craintes et vos auditions ont été extrêmement utiles pour mieux les comprendre. C’est pourquoi je crois qu’il est préférable de mieux prendre appui sur ce qui existe aujourd’hui pour les couples hétérosexuels non mariés : la reconnaissance anticipée de paternité et de maternité. Nous pouvons faire évoluer les dispositions du projet de loi pour les rapprocher de celles prévues par le code civil pour les couples hétérosexuels, afin de banaliser la situation des couples de femmes. Le Gouvernement a travaillé très étroitement avec votre rapporteure, Mme Coralie Dubost, et avec les groupes LaREM et MODEM, afin de proposer une évolution dans deux directions.

Il s’agit d’abord de s’appuyer sur la notion de reconnaissance applicable aux couples hétérosexuels, afin que la mention figurant sur l’acte intégral de naissance pour les enfants nés d’un couple de femmes soit semblable à celle concernant un enfant né d’un couple hétérosexuel l’ayant reconnu de manière anticipée devant notaire. Après le nom des deux mères, il sera simplement mentionné que ces dernières ont reconnu l’enfant à telle date devant tel notaire.

Nous proposons également d’intégrer les dispositions portant sur la filiation des enfants nés d’une PMA avec tiers donneur au sein d’un couple lesbien dans le chapitre V du titre VII consacré à la filiation dans le code civil. Il n’y aurait donc plus de titre spécifique, comme nous l’avions initialement envisagé. Cela permettrait d’établir un tronc commun de règles applicables aux couples ayant recours à la PMA, quelle que soit leur orientation sexuelle. Nous préciserions simplement que la reconnaissance par les deux mères aurait lieu devant notaire. Serait-ce une démarche supplémentaire imposée aux mères ? Non, pas plus que pour un père qui, en l’état actuel du droit, doit établir ce document et le présenter pour déclarer la naissance de son enfant à l’état civil.

Nous aurons l’occasion d’aborder ces sujets dans le détail au moment de l’examen des amendements. Nous sommes d’ailleurs en train de finaliser la rédaction avec votre rapporteure. Ce double mouvement est de nature à rendre ce mode d’établissement de la filiation plus simple, plus sécurisant et encore plus banal, au bénéfice des couples pour lesquels nous ouvrons ce droit nouveau. C’est l’essentiel.

Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Cette semaine constitue une nouvelle étape, décisive, dans le cheminement de la révision des lois de bioéthique. La réflexion a débuté il y a près de deux ans, à l’occasion des états généraux de la bioéthique. Ce rendez-vous périodique de la science et du droit fait partie de ces instants qui font l’honneur du débat parlementaire. Je sais que nous avons tous le souci d’un débat digne au sein de la commission spéciale, puis en séance publique. C’est une condition nécessaire pour aller au bout des questionnements éthiques et juridiques auxquels nous confrontent les progrès de la science.

Une loi de bioéthique participe d’un défi collectif, celui de faire coïncider deux formes d’attentes qui semblent pourtant difficilement conciliables : ce que la science attend de liberté dans la société et le droit de faire progresser la connaissance, au carrefour entre recherche et soin, et ce que la société attend de la science comme modération, comme prudence, et ce qu’elle lui fixe comme règles.

Une loi de bioéthique ne couvre pas l’ensemble des questions auxquelles la recherche biomédicale peut apporter des réponses, car elles ne sont pas toutes bioéthiques. Mais, je tiens à vous rassurer, mon ministère prépare un projet de loi de programmation pluriannuelle pour la recherche, qui nous permettra d’aborder les grandes priorités de la recherche scientifique à venir.

Ce qui a conduit le législateur à se pencher sur la bioéthique pour la première fois, en 1994, est l’ampleur du questionnement éthique lié à la recherche sur l’embryon. Ce sujet demeure source de débats, comme en témoignent les très nombreux amendements déposés sur ce seul aspect du projet de loi. Rappelons que ce dernier réaffirme les grands principes de notre droit de la bioéthique en en précisant la portée. D’abord, l’interdiction de produire des embryons à des fins de recherche demeure. Le Gouvernement réaffirme son attachement à ce principe fort, énoncé par des textes internationaux dont nous sommes signataires. Les embryons proposés à la recherche ont été conçus dans le cadre d’un projet parental et leur destination est conditionnée au recueil du consentement du couple et au contrôle de l’Agence de la biomédecine.

L’article 14 du projet de loi précise la durée pendant laquelle la recherche sur l’embryon est autorisée. Nous avons fait le choix de quatorze jours, interrompant la recherche avant le début de l’organogenèse, processus qui pose des questions éthiques spécifiques. Le texte fixe également à cinq ans la durée de conservation des embryons surnuméraires destinés à la recherche, suivant les recommandations du Comité consultatif national d’éthique (CCNE). À la lumière des avancées contemporaines en matière de recherche sur l’embryon, il nous a semblé souhaitable de ne pas entretenir artificiellement un stock supérieur aux besoins.

La création de chimères – le transfert pour gestation d’embryons humains dans lesquels des cellules d’autres espèces auraient été introduites – est aussi une ligne rouge. Son interdiction est clairement affirmée dans le projet de loi, la loi en vigueur étant ambiguë. Certaines recherches impliquant l’adjonction de matériels cellulaires humains à des embryons animaux peuvent susciter des espoirs en termes de connaissances et de thérapeutiques – par exemple dans le domaine de la greffe –, mais elles soulèvent aussi des interrogations. Nous serons attentifs à toutes les suggestions qui permettront de garantir la sécurité juridique des chercheurs et laboratoires.

Si notre droit de la bioéthique doit maintenir des interdits, votre travail de législateur consiste aussi à les faire évoluer pour prendre en compte la manière dont les résultats de la recherche scientifique ont modifié les questionnements éthiques. Le titre IV du projet de loi porte spécifiquement sur la recherche scientifique, notamment sur les enjeux contemporains de la recherche sur l’embryon et les cellules souches. En prenant appui sur les travaux du CCNE et de l’OPECST, nous avons souhaité intégrer les incidences de trois avancées scientifiques majeures pour nos chercheurs et nos laboratoires : la dérivation de lignées de cellules souches embryonnaires, le développement des cellules souches induites, dites IPS (de l’anglais induced pluripotent stem cells), et le développement de techniques de modification ciblée du génome.

Nous sommes capables de faire dériver des lignées de cellules souches issues d’un même embryon pour produire d’autres cellules souches embryonnaires. En réunissant les conditions de culture nécessaires en laboratoire, nous pouvons reproduire indéfiniment ce processus itératif grâce aux propriétés uniques des cellules souches embryonnaires. À l’article 14 du projet de loi, nous tirons deux conclusions de cette avancée scientifique majeure. La première est que si nous pouvons distinguer la recherche sur les cellules souches embryonnaires de la recherche sur l’embryon, nous pouvons faire évoluer le cadre normatif propre aux lignées de cellules dérivées des cellules souches originaires. La seconde est que, néanmoins, une cellule souche embryonnaire ne peut pas être considérée comme une cellule commune. Elle porte une histoire, un imaginaire collectif, que chacun doit respecter et qui justifie un régime spécifique. L’article 14 prévoit donc la déclaration des protocoles de recherche impliquant des cellules souches embryonnaires à l’Agence de la biomédecine.

Dès 2007, grâce aux travaux du Dr Shinya Yamanaka, prix Nobel de médecine, nous avons découvert que l’on pouvait faire revenir une cellule adulte déjà différenciée à un stade très proche, mais non identique, de celui d’une cellule souche. En réunissant des conditions très spécifiques de culture, cette cellule peut être différenciée à nouveau, parfois dans des directions différentes de son état d’origine. On peut également produire des lignées, comme on sait déjà le faire à partir de cellules souches, sans avoir à détruire d’embryons. L’objet de l’article 15 est de faire une place dans la loi à l’encadrement des recherches sur les cellules IPS. Même si leur manipulation ne pose pas de questions aussi lourdes de sens que celles concernant l’embryon, nous souhaitons vérifier que cela n’invalide pas le besoin d’apporter un cadre à nos chercheurs et laboratoires pour certaines de leurs expérimentations. Le Gouvernement est ouvert à une discussion sur l’intérêt du maintien d’un régime d’autorisation pour les recherches sur les lignées de cellules souches – peut-être pourrions-nous plutôt prévoir une déclaration ? Des amendements ont été déposés, nous aurons donc l’occasion d’y revenir.

Depuis quelques années, la science est également capable de modifier de manière très précise certains paramètres du génome. Les médias, comme les chercheurs, ont largement contribué à faire connaître cette technique dite CRISPR-Cas9, pour « courtes répétitions en palindrome regroupées et régulièrement espacées sur la protéine Cas9 » (ou clustered regularly interspaced short palindoromic repeats/Cas9), parfois comparée à des ciseaux moléculaires. Il ne s’agit pas de modifier génétiquement des organismes qui transmettraient cette modification à leur descendance – cela demeure et doit demeurer interdit. Il s’agit d’observer ce qui se passe dans une cellule ou un organisme lorsque l’on modifie certains paramètres, afin de comprendre la fonction de certains gènes. Cette approche peut conduire à des avancées biomédicales majeures. Ainsi, en matière de recherche fondamentale en cancérologie pédiatrique, il y a fort à parier que ces techniques pourront apporter certaines réponses. Nous vous proposons de les encadrer à l’article 17.

Certes, la science nous a beaucoup appris ces dernières années, mais le questionnement éthique doit conduire à maintenir certains interdits. Nous avons cherché à maintenir l’équilibre dans le projet de loi. Est-il souhaitable de permettre à chaque citoyen de disposer d’un séquençage de son génome ? Pouvons-nous garantir à nos concitoyens d’améliorer leur bien-être et notre système de santé de cette manière ? Dans le cadre d’une fécondation in vitro, faut-il permettre aux parents de choisir des caractéristiques génétiques dans les embryons conçus, quitte à en écarter certains ? Comme vous, nous nous sommes posé ces questions, nous en avons exploré les implications et chacune des étapes de la chaîne qui lie une avancée technologique à un bouleversement sociétal. Il ne nous semble pas souhaitable d’introduire ces techniques dans notre quotidien. La position du Gouvernement est très claire : le diagnostic génomique doit s’inscrire dans un contexte médical ou de recherche. Ce point d’équilibre permettra de concilier les attentes des chercheurs et les besoins de la société.

Vous le voyez, les sujets d’interrogation seront nombreux. Nous aurons plusieurs semaines pour en débattre. Dans l’immédiat, je me tiens à votre disposition pour répondre à vos questions.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Nous en venons aux questions des rapporteurs.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur sur les articles 1er et 2. Je tiens à remercier les trois ministres, qui préparent ces importantes avancées attendues par notre société. Comme vous, mesdames les ministres, les députés ont longuement préparé cette troisième révision des lois de bioéthique.

Je me limiterai à trois questions liées à la procréation. Faut-il inscrire dès maintenant dans la loi l’interdiction d’utiliser, pour la procréation humaine, des cellules somatiques et des cellules IPS transformées artificiellement en gamètes ? De fait, la procréation serait d’un type très différent, et la question se posera prochainement compte tenu de l’évolution des techniques.

Faut-il ouvrir les activités d’assistance médicale à la procréation (AMP) aux centres privés, très compétents, habilités et contrôlés par l’Agence de la biomédecine et par les agences régionales de santé (ARS) ? Les procréations bénéficiant d’une assistance médicale sont de plus en plus nombreuses, ce qui plaide pour une extension du nombre de centres habilités. Mais, dans ce cas, ne faudrait-il pas appliquer les mêmes conditions qu’à l’hôpital public, afin d’éviter toute dérive commerciale et toute rémunération supplémentaire des praticiens ?

Pour les couples de femmes, seriez-vous favorables à la méthode dite de réception d’ovocytes de la partenaire (ROPA), très différente d’un don dirigé, dans laquelle une des femmes donne les ovocytes, tandis que l’autre offre l’utérus permettant le développement fœtal ?

Mme Coralie Dubost, rapporteure sur les articles 3 et 4. Mesdames les ministres, je vous remercie pour ce très beau projet de loi. Les nombreuses avancées qu’il comporte dans différents domaines ont rendu nécessaire de désigner plusieurs rapporteurs, qui se réjouissent de pouvoir partager avec nos collègues. Pour ma part, je traite des origines et de la filiation.

Ce projet de loi répare les injustices vécues au quotidien par différentes familles. Il reconnaît la pluralité des familles et des intérêts en présence au sein de ces familles, particulièrement entre les parents et les enfants, s’agissant des origines. Il modernise la filiation et, grâce aux avancées proposées sur la question de l’accès aux origines, permettra un développement relationnel de qualité.

Madame la garde des Sceaux, j’aurai peu de questions puisque nous avons résolu une grande partie des difficultés ensemble – vous venez d’exposer nos solutions. Je le confirme, nous travaillons à une rédaction qui réponde aux préoccupations exposées durant les auditions et aux demandes de l’ensemble des députés, sans distinction de groupe. Vous avez su l’entendre et je vous remercie pour ce travail de co-construction qui permettra aux couples de femmes d’être reconnus comme les couples hétérosexuels. Il était important que toutes les familles, monoparentales ou en couple, intègrent cette globalité symbolique. Je vous remercie également pour le choix du titre VII, qui concernera toutes les familles. Cela va dans le sens de l’effacement des distinctions.

Enfin, je vous remercie pour vos explications, pour les mots toujours très justes que vous avez employés et le soin que vous avez apporté à créer un mécanisme sécurisé pour ces nouvelles familles que le code civil s’apprête à reconnaître. Ce nouveau mécanisme de filiation va probablement engendrer de longues années de discussions chez les juristes ! À titre personnel, je suis particulièrement satisfaite que l’on torde enfin le cou à l’idée selon laquelle le code civil aurait une approche « biologisante » de la famille. Je suis très heureuse que la volonté et l’engagement dans un projet parental y prennent toute leur place. Même s’ils y figuraient déjà et étaient discutés en doctrine, avec l’engagement du mari dans le mariage, la reconnaissance prénatale, la déclaration, etc., ils sont désormais clairement affirmés. C’est une excellente chose !

Madame Buzyn, sur les origines, un grand pas est franchi. Comme on a, un temps, entretenu la confusion entre filiation et origine – ce qui a occupé nombre de nos auditions –, on a longtemps confondu droit au respect de la vie privée et familiale des parents et secret. Ce dernier était même organisé par le code civil, dans des conditions le garantissant, chez un notaire. Après avoir entendu les enfants issus de PMA depuis trente à quarante ans, vous affirmez que ce goût du secret est celui d’une époque révolue, désuète, et qu’il a engendré des difficultés pour les enfants et pour la relation parents-enfants. Vous estimez qu’à l’avenir, il faut permettre à ces enfants d’accéder à leurs origines à la majorité. Je vous en remercie.

Mais qu’en est-il pour les enfants nés avant l’adoption de la future loi ? Vous avez annoncé des campagnes de sensibilisation auprès des donneurs qui s’étaient engagés sous le régime de l’anonymat. De nombreux enfants demandent un accès, même partiel, à leurs origines, sur le modèle du Conseil national pour l’accès aux origines personnelles (CNAOP). Est-ce envisageable ? Hors la manifestation volontaire du donneur, quelles solutions leur offrir ? J’aimerais beaucoup vous entendre sur le sujet, car nos collègues ont déposé de nombreux amendements.

Mme Laëtitia Romeiro Dias, rapporteure sur les titres VI et VII. Les progrès de la science nous obligent à repenser régulièrement le cadre juridique et organisationnel de la bioéthique, afin d’encadrer au plus près les risques, de permettre les avancées que la société attend, de ne pas freiner l’innovation tout en empêchant ce qui ne semble pas acceptable collectivement.

C’est toute l’ambition des dispositions relatives à la gouvernance, sur lesquelles je rapporte. Je soulignerai trois avancées notables.

Tout d’abord, le débat public est réformé pour corriger l’écueil actuel, lié à l’absence de débat citoyen entre deux révisions : le projet de loi prévoit l’organisation de tels débats citoyens permanents. Ensuite, il renforce les missions de l’Agence de la biomédecine pour mieux encadrer les activités à risques, harmoniser certaines pratiques dans le territoire et faire remonter des difficultés d’application. Lors des auditions, tous les acteurs rencontrés, associatifs ou professionnels, ont salué le rôle indispensable de cette agence.

Enfin, le projet de loi maintient la clause de révision périodique, visant à conserver un moment spécifique dans le temps parlementaire pour ces questions. Les auditions ont souligné l’intérêt d’une révision tous les cinq ans, et non tous les sept ans comme actuellement. C’est aussi ce que préconise le CCNE. Quel est votre avis ?

Des professionnels, les centres d’étude et de conservation des œufs et du sperme humains (CECOS), les associations de couples ayant eu recours à la PMA ou d’adultes issus d’un don ont plaidé pour une évolution des missions de l’Agence de la biomédecine afin de se rapprocher d’un encadrement du type de celui régissant le don d’organes. Tout n’est pas transposable, mais qu’en pensez-vous ?

Afin d’améliorer l’organisation pratique des débats citoyens dont sera chargé le CCNE, ne pourrait-on lui adjoindre le concours de la Commission nationale du débat public (CNDP) ?

M. Hervé Saulignac, rapporteur sur le titre II. Tout en centrant mon propos sur le titre II, je rappellerai que la France est précurseure dans le domaine des greffes d'organes. C'est, en effet, en France, en 1952, qu’a eu lieu la première tentative de greffe à partir d'un donneur vivant. À la fin des années 1960, c'est également à la France que l'on doit les premières greffes réussies d'autres organes que le rein, notamment celles du cœur.

Cette excellence française conduit à recommander de plus en plus souvent des greffes d'organes, quand elles sont possibles. C'est ainsi que le nombre de patients en attente de greffe, inscrits sur le registre national, s'accroît chaque année : en 2018, près de 25 000 personnes étaient en attente d'un organe ; 5 800 patients ont été greffés.

Le titre II du projet de loi contient donc un certain nombre d'évolutions devant faciliter l’accès à la greffe, qui constitue un enjeu fondamental, notamment en faisant évoluer les possibilités de dons croisés d'organes et en améliorant le fonctionnement des comités d'experts.

Nous pouvons également nous féliciter des évolutions relatives à un public qui a longtemps été laissé pour compte, celui des majeurs protégés, qui seront désormais éligibles – bien entendu, sous conditions – au prélèvement de cellules souches hématopoïétiques au bénéfice de leur père ou de leur mère. Ceux qui en ont la capacité pourront exprimer leur consentement ou leur refus. Je pense également à une disposition similaire s'agissant des mineurs, qui ne pouvaient pas faire l'objet de prélèvements de cellules souches au bénéfice de leurs parents.

Le texte améliore aussi la transmission d'une information génétique dans les cas particuliers où il existe une rupture du lien de filiation biologique ou une impossibilité pour une personne de consentir à la transmission de cette information.

Quant à l'article 8, il répond aux besoins des familles qui doivent pouvoir bénéficier d'examens des caractéristiques génétiques d'un de leurs membres qui ne peut pas exprimer sa volonté, y compris s'agissant d'une personne décédée. Cette mesure est de nature à améliorer la prévention et les soins dans certaines familles touchées par des pathologies à caractère génétique.

La transmission de telles informations sera désormais aussi possible pour les personnes nées dans le secret ou issues de PMA, qui peuvent avoir un parent biologique ou un donneur porteur d'une anomalie génétique. Elle s’entend dans les deux sens et, bien entendu, sans rupture de l'anonymat.

Le projet de loi pose toutefois certaines questions qui ne manqueront pas d'alimenter nos débats.

Qu'en est-il, par exemple, du don de cellules souches hématopoïétiques au profit d'une personne chargée d'une mesure de protection lorsque celle-ci n'est pas membre du cercle familial ni liée par un lien affectif au donneur ?

Quel est l’avis du Gouvernement sur l'élargissement du dépistage néonatal ? Je crois le connaître mais je pense important que Mme la ministre puisse l'exprimer.

Par ailleurs, lorsqu'une anomalie génétique est diagnostiquée chez le parent d'un enfant né sous X ou à la suite d'une AMP, pourquoi une obligation d'information n'est-elle pas prévue ?

Enfin, si les majeurs protégés bénéficient de mesures nouvelles pour le don d'organes et de cellules souches, ils restent toujours exclus du don du sang. Quel est votre avis sur ce point ?

M. Jean-François Eliaou, rapporteur sur le titre V. Le projet de loi apporte des modifications extrêmement conséquentes dans le domaine des lois de bioéthique. Globalement, le texte proposé est cohérent et équilibré. Mes questions suivront l’ordre des articles du titre V.

S’agissant de l'article 22, des professionnels demandent à pouvoir travailler sur l'autoconservation des gamètes et des tissus germinaux, notamment ceux issus de patients pédiatriques. La demande se justifie notamment par la nécessité de s’assurer que les tissus devant être réinjectés sont exempts de toute cellule leucémique résiduelle.

Mon collègue vient de le dire, le texte fait un effort particulier pour la sécurisation de la communication des données génétiques et établit une différenciation entre génétique constitutionnelle et génétique somatique. C'est un point extrêmement important, comme l’est le cadre législatif de la découverte de données incidentes. À cet égard, s’agissant du conseiller en génétique prévu à l’article 24, qu’en est-il de l'obligation de formation continue et du contrôle de cette formation ?

Sans lien avec cette thématique, l'article 26 traite du microbiote fécal, qui nécessite un encadrement. On peut cependant se demander s’il n’était pas plus justifié d’introduire cet article, non dans la loi de bioéthique, mais dans une loi relative à la santé. Par ailleurs, qu'en est-il de la rémunération des donneurs d’un tel microbiote qui est actuellement possible dans le cadre d'études de recherche clinique ? Enfin, question importante mais difficile, que se passerait-il en termes d’encadrement si ce projet de loi n’était pas adopté ?

L'article 27 traite des médicaments de thérapie innovante préparés ponctuellement. Il constitue une avancée majeure, car la pratique de ces thérapies innovantes doit être encadrée. Une clarification devra être opérée pour bien préciser qu'il s'agit d'un acte médical unique ainsi que les différents rôles des administrations, en particulier de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), dans le contrôle de ces pratiques thérapeutiques.

En outre, Madame la ministre, de nombreux collègues s’interrogent sur la position du Gouvernement concernant la conservation des gamètes pour les couples transgenres.

Enfin, Mme Romeiro Dias a bien expliqué la nécessité de disposer d’un registre des donneurs et des receveurs de gamètes pour assurer, entre autres, un suivi médical de ces personnes. Je suis entièrement d’accord avec cette proposition.

M. Philippe Berta, rapporteur sur les titres III et IV. Le projet de loi relatif à la bioéthique avec lequel nous ouvrons l'année parlementaire est un enjeu fort, qui révèle beaucoup de ce que nous sommes, de notre rapport à la science et au progrès, ainsi que de notre rapport à la société et à ses évolutions.

Son volet sociétal comprend non seulement l'extension de la PMA aux couples de femmes et aux femmes non mariées, qui rend possible l'épanouissement des nouvelles formes de familles que nous voyons émerger, mais aussi son corollaire, la filiation, et toutes les questions que le don de gamètes pose en termes d'accès aux origines, remettant en cause le parti pris français de l'anonymat.

Mais ce sont également les nouvelles solidarités ouvertes par les dons croisés d'organes, ainsi que la transmission d'informations génétiques à la parentèle lorsqu'il y va d'une affection grave pour laquelle des mesures de prévention et de soins existent. Sur ce point, Madame la ministre, ne serait-il pas plus juste de permettre aux enfants nés de dons ou d’un tiers donneur de bénéficier du même niveau de solidarité, au regard de l’information génétique, que les autres enfants ?

Quant au volet relatif à la recherche scientifique, il touche aussi bien à la génétique et aux algorithmes qu’aux cellules souches embryonnaires ou aux cellules souches pluripotentes induites, dites cellules IPS.

Je veux insister sur le lien entre ces deux volets du projet de loi : sans une recherche fortele volet sociétal de l’extension de la PMA risque de rester lettre morte, tant nos besoins de données nouvelles sur le développement de l'embryon sont grands pour améliorer nos pratiques médicales.

Le titre III rappelle la nécessité de mieux encadrer la révélation de données génétiques chez un patient, non seulement celles directement issues d’une recherche ou d'une finalité médicale, mais aussi les données incidentes qui pourraient en découler. De nombreux amendements font mention des tests récréatifs – un qualificatif bien peu approprié –, sur lequel je souhaitais alerter la commission spéciale.

Les sociétés qui proposent ces tests ont initialement utilisé les résultats des programmes de recherche publique, qu’elles ont enrichis d’informations issues de leurs clients, lesquels ne sauront rien de l'utilisation qui sera faite de leurs données. Or les exemples d’erreurs et d’imprécisions dans les résultats fournis se multiplient, comme, au début de cette année, ces vraies jumelles qui se sont vu attribuer des géniteurs différents. Comment prétendre que l'on vend des tests d'origines quand les bases de données ne sont constituées que de l'ADN actuel alors que nos générations et les précédentes sont caractérisées par de grandes migrations ?

Outre un gaspillage d'argent, nous devons faire face à une menace pour la vie privée par la recherche de tests de paternité ou de parenté. Comment se protéger de tels tests, réalisés en famille, sans mise en garde ni soutien psychologique, qui aboutissent ou aboutiront à l'explosion des familles ? Un groupe Facebook dénommé NPE, pour not parent expected ou « cas de non-paternité », regroupe déjà des milliers de personnes.

Les articles 11 à 13 du titre III font apparaître les risques associés au recours à des techniques algorithmiques, à l'enregistrement de l'activité cérébrale ou à l’utilisation de la neuromodulation dans la pratique médicale d'aujourd'hui et encore plus de demain. Nous ne pouvons que nous en féliciter.

Le titre IV, quant à lui, lève un verrou important pour la communauté scientifique qui travaille sur les cellules souches embryonnaires. Je m’en réjouis, comme les chercheurs avec lesquels je me suis entretenu. Ils estiment que remplacer le régime d'autorisation par un régime de déclaration contribuera à simplifier et à sécuriser juridiquement les travaux de recherche. Une simplification du même ordre serait d'ailleurs la bienvenue pour la détention de telles cellules.

À la lecture des premiers amendements, il me semble important de rappeler l'état des lieux. La recherche, certes, mais désormais aussi la thérapie doivent pouvoir accéder à l’outil des cellules souches embryonnaires dites cellules ES, et ce à travers des lignées cellulaires établies depuis plusieurs années, voire plusieurs décennies. Cette recherche ne peut pas s’abstenir – mais de façon exceptionnelle – de devoir dériver des lignées plus récentes à partir d'embryons surnuméraires destinés à la destruction, en raison de la dérive génomique des lignées actuelles, mais aussi pour étudier les cellules ES dérivées d'embryons porteurs de pathologies génétiques.

Les cellules IPS sont prometteuses, mais loin d’une application. Elles sont issues de cellules le plus souvent adultes qui ont été manipulées génétiquement par ajout de quatre gènes codant des facteurs de différenciation. On est loin de les connaître intégralement, en particulier leurs caractéristiques épigénétiques. Les comprendre, les améliorer, suppose à tout moment de pouvoir utiliser les cellules souches embryonnaires comme gold standard. Tous les professionnels nous ont rappelé l’utilité de ce test de référence.

Enfin, sur le plan clinique, les lignées ES ont été établies selon le grade GMP (Good Manufacturing Practices) et ont permis les premières thérapies cellulaires. Nombre d’essais cliniques sont en cours à travers le monde. La reprogrammation des IPS au grade GMP pourra peut-être un jour se faire avec de gros moyens, mais on en est encore très loin.

Autre assouplissement bienvenu pour la communauté scientifique : l'utilisation secondaire des prélèvements biologiques, qui nécessite le recours à des tests génétiques. La rédaction proposée par le projet de loi présente le meilleur équilibre entre la liberté du consentement du patient et la nécessaire simplification pour les projets de recherche. Un encadrement est également souhaitable pour l'utilisation de cellules souches IPS et la conservation des embryons non inclus dans un protocole après cinq ans. L'article 17 propose également un encadrement des recherches sur les embryons chimères, qui demande à être précisé. Aussi, madame la ministre, je souhaiterais entendre vos précisions sur ce point.

Telles sont les principales avancées de ce texte pour la recherche. Ce projet de loi ambitieux comporte divers diagnostics mais répond parfaitement aux attentes de la société et de la communauté scientifique pour une éthique française du progrès.

Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Pour répondre à la question de M. Jean-Louis Touraine relative à l’inscription dans la loi de l'interdiction de produire des embryons à partir de gamètes issus d’IPS, il existe actuellement des protocoles de recherche pour les cellules souches IPS, qui visent à déterminer s’il est possible de les différencier en gamètes. On est encore loin de pouvoir mener cette différenciation de manière simple et surtout de comprendre exactement les phénomènes qui permettraient que ces IPS puissent être considérées comme des gamètes. Ces recherches font néanmoins partie des pistes importantes pour le traitement de l'infertilité. C'est la raison pour laquelle nous pouvons proposer d'encadrer l'usage des IPS qui, potentiellement, pourraient être transformées en gamètes. Cela fait partie des précisions qu'il faudra peut-être apporter au texte.

Il n’est cependant pas possible que ces gamètes puissent ensuite être utilisés pour créer des embryons à des fins de recherche puisque cela est interdit. L'utilisation potentielle de gamètes ou pseudo-gamètes issus des IPS ne pourrait s’envisager que dans le cadre de recherches sur l'AMP, de façon encadrée, mais en aucun cas pour constituer des embryons. Nous n'avons absolument pas levé cette interdiction, à laquelle nous sommes attachés au travers de la loi en vigueur, du présent projet de loi et de la convention d’Oviedo.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. La deuxième question de M. Jean-Louis Touraine concernait l'ouverture de l'AMP, notamment de la conservation des gamètes, aux centres privés.

Aujourd'hui, le modèle français réserve aux établissements publics de santé et aux organismes à but non lucratif le monopole de la collecte, de la conservation et de l'attribution des gamètes destinés aux dons. L’inspection générale des affaires sociales (IGAS) a mené une mission sur ce sujet en 2011. Elle concluait qu'il faut une séparation claire entre la collecte, qui pourrait reposer sur des centres privés, la qualification de la conservation et surtout l'appariement et la distribution, qui doivent rester sous la responsabilité d'un organisme sans lien financier avec le couple de receveurs.

Le monopole qui réserve le don aux établissements publics de santé et aux organismes à but non lucratif découle des débats de la première loi de bioéthique de 1994. Il est la traduction concrète, opérationnelle, du principe de non-patrimonialité du corps humain, de ses éléments et de ses produits. Ainsi, l'exclusion du secteur privé à but lucratif ne concerne pas uniquement le don de gamètes mais également toutes les autres cellules, les tissus et les organes du corps humain. Une brèche qui serait ouverte pour les gamètes risquerait de s'étendre aux autres éléments et produits du corps humain et, par un effet domino, de déstabiliser tout le cadre du don. C'est pourquoi nous ne souhaitons pas une telle extension aujourd'hui.

Concernant la ROPA c'est-à-dire, dans un couple de femmes homosexuelles, la réception d'ovocytes congelés d'une femme par sa partenaire, qui porterait le bébé, il s'agit clairement, pour le Gouvernement, d'un don dirigé de gamètes. En tant que la ROPA contrevient à la loi qui nécessite le strict anonymat entre donneur et receveur, elle relève forcément d’une dérogation. La situation est évidemment différente de celle d’un couple hétérosexuel. Dans le projet de loi, nous consacrons la mère sociale d'intention par le biais de la filiation sécurisée. La ROPA représenterait une forme de retour en arrière, avec une mère qui accueillerait les ovocytes et serait porteuse. Nous n'y sommes pas favorables.

Pour répondre à Mme Coralie Dubost, nous avons évidemment réfléchi à l'accès aux origines et à la difficulté, voire la frustration, des enfants nés aujourd’hui par PMA de ne pas avoir le moyen de retrouver leurs donneurs de gamètes et de ne pas être consacrés dans cette loi. La loi, vous le savez, n'est jamais rétroactive. Nous avons étudié si les CECOS pourraient recontacter les donneurs de gamètes d'il y a vingt ans en leur demandant l'autorisation de divulguer des données non identifiantes ou identifiantes, pour entrer dans le cadre de la loi. Il est cependant apparu que le contrat social passé avec ces donneurs au moment de leur don reposait sur l'anonymat. L'effraction que représenterait un coup de téléphone d'un CECOS, vingt ans après, dans la vie de donneurs qui ne s'attendaient en aucun cas à être recontactés pose problème. Du reste, les CECOS ne se sentaient pas autorisés à une telle effraction.

Nous avons donc proposé que des campagnes d'information généralistes suggèrent à ces donneurs de se faire connaître auprès de la future commission, de façon à faire savoir s'ils acceptent d’entrer dans le nouveau cadre et de donner accès à leurs origines aux enfants nés avant cette loi. C'est la seule solution que nous avons trouvée à ce jour.

La clause de révision spécifique à cinq ans demandée par Mme Laetitia Romeiro Dias a, elle aussi, fait l’objet d’un long débat. Dans les lois initiales de bioéthique, une clause de révision à cinq ans était prévue, que nous n'avons jamais réussi à mettre en œuvre. La présente loi avait une clause de révision à sept ans, mais nous serons en retard de deux ans. Nous voyons bien la difficulté de mettre en œuvre une loi de bioéthique à la française, qui implique un grand débat sociétal ainsi qu’une évaluation de la loi antérieure, dont la propre mise en œuvre, nécessitant des décrets, est parfois différée par rapport à sa promulgation. Tout cela nous fait craindre qu’un délai de cinq ans ne soit difficile à respecter quand bien même il serait opportun au regard du progrès médical, notamment pour certaines techniques.

Le travail fourni par les états généraux de la bioéthique et toutes les commissions, notamment cette commission spéciale, la lourdeur du processus d'un projet de loi à la française, qui se veut exhaustif, méritent que l’on prenne le temps d’appliquer la loi précédente, de l’évaluer et de mener un débat sociétal. Certes, d'autres pays révisent plus souvent leurs lois, mais celles-ci englobent rarement la totalité du champ de la bioéthique et ne visent que des points ponctuels. La spécificité française doit être préservée, car elle permet une forme de cohérence d'ensemble et une réflexion globale sur la société que nous voulons ainsi qu’une vision très transversale. Le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) avait préconisé un délai de cinq ans. Le Gouvernement a fait le choix de fixer le délai à sept ans, de façon à se donner la possibilité d'évaluer la loi antérieure. C'est, pour nous, un délai de réalisme.

S’agissant de l'Agence de la biomédecine, nous en verrons les missions dans le détail. Il s’agit d’une agence d'expertise qui s'adresse aux professionnels et qui a un rôle, en matière de santé publique, d'évaluation des pratiques mais jamais sur les individus concernés. Elle n'a aucun contact direct avec les donneurs ou les receveurs d'organes ou de cellules. Nous estimons qu’elle doit être maintenue à ce niveau d'expertise.

Le projet de loi lui donne pour mission supplémentaire d'organiser un registre qui permettra ultérieurement l’accès aux origines des enfants, donc d'apparier, par une commission qui lui sera extérieure. Nous avons fait ce choix, car nous pensons que l'Agence de la biomédecine n'a pas vocation à recevoir des appels de patients ; cela n’a jamais été sa mission. Ce sera la mission particulière de la future commission que de s'assurer de la légalité de la demande. Essentiellement juridique, elle comprendra des magistrats qui vérifieront l'état civil des demandeurs et le bien-fondé de leur demande, examinant notamment si le demandeur n'est pas un parent ou un employeur.

L'Agence de la biomédecine, avec son expertise médicale et scientifique, n'a pas vocation à instruire les demandes individuelles sur le plan juridique. D’où l’idée d’une commission similaire au CNAOP pour les enfants nés sous X, qui sera placée sous l'égide du ministère des solidarités et de la santé et dotée d’une vraie fonction régalienne d'instruction juridique. L'Agence de la biomédecine, elle, tiendra un registre que pourra interroger la commission. Nous voulons donc vraiment séparer les deux instances, pour ne pas mettre l'Agence de la biomédecine dans une position qui n'a jamais été la sienne et pour laquelle elle n'est pas armée. Nous aurons l'occasion de définir son rôle de manière plus détaillée.

Une autre question portait sur le rôle du CCNE et la possibilité qu'il s'appuie sur la Commission nationale du débat public. À ma connaissance, celle-ci joue un rôle essentiellement en matière environnementale, par exemple lorsqu’il est question de construire une nouvelle autoroute. J’ignore si son rôle est amené à évoluer, mais je le trouve sans lien avec le CCNE.

Il peut, en revanche, être intéressant que le CCNE s'adosse aux outils mis en place par la Commission nationale du débat public en termes d'animation du débat citoyen, mais ce ne serait là qu’une question de méthode. Voudrait-on élargir le rôle du CCNE à un débat citoyen permanent ? Je ne suis pas certaine qu’il entre dans l’objet de ce projet de loi d’en modifier les missions. Nous aurons toutefois l'occasion d'en reparler. Aujourd'hui, ce comité est composé de personnalités qualifiées ; quel serait le poids d’un avis des citoyens face à ses avis ? Le CCNE a fait l'objet d'une saisine pour animer ce débat citoyen. Il est intéressant de mobiliser ses membres au coup par coup, sur des questions spécifiques. Naturellement, nous voulons bien en débattre.

Monsieur Saulignac, s’agissant du don de cellules souches hématopoïétiques par les majeurs protégés, aujourd'hui, le prélèvement de ces cellules est réservé aux dons intrafamiliaux – par exemple, lorsqu’une compatibilité avec un patient atteint de leucémie, qui est essentielle pour de telles greffes, n'est retrouvée que chez ce majeur protégé et pas dans un registre international ni chez les autres membres de la fratrie. J’ai eu à vivre cette situation très particulière dans ma vie professionnelle, en 1993 : il m’a fallu demander à un juge de lever une curatelle pour une durée de vingt-quatre heures, de façon à prélever un donneur protégé pour sauver la vie d'un patient. De nombreux donneurs protégés comprennent l'acte qu'on leur propose ainsi que les risques induits, et sont prêts à s'engager dans ce don lorsqu’ils savent que la vie d'un parent proche est en jeu. Il est évidemment hors de question d'étendre ces possibilités aux dons non familiaux.

M. Hervé Saulignac, rapporteur. Dans sa rédaction actuelle, le texte prévoit que le don de cellules souches de la part d'un majeur protégé puisse être réalisé au bénéfice d'une personne chargée d'une mesure de protection. Le cas où cette personne n’est pas un membre de la famille du majeur protégé contrevient à ce que vous venez de dire.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Le don est forcément intrafamilial. De toute façon, les compatibilités ne peuvent être qu'intrafamiliales. Pour une greffe de cellules souches hématopoïétiques, les chances qu'un donneur majeur protégé soit compatible sur le plan tissulaire avec n'importe qui dans la population générale sont proches d’une sur 20 ou 30 millions.

La problématique du don du sang est tout autre car celui-ci n'est jamais dirigé. Dans le premier cas, nous parlons de situations humaines terribles où un majeur protégé ne peut pas donner, alors que son enfant, son parent, son frère ou sa sœur va mourir dans les trois mois d’une leucémie. Les dispositions proposées sont donc liées à la difficulté de trouver un donneur compatible dans un fichier international, avec un risque de mortalité immédiate. Il s’agit là de sauver la vie de quelqu'un. Dans le cas du don du sang, il y a heureusement des millions de donneurs bénévoles. Un donneur protégé ne sauve pas à lui seul la vie d’une personne. Pour donner son sang, il faut répondre à un très long questionnaire, ce qui nécessite, pour un majeur protégé, d’être accompagné, ce qui alourdirait énormément les procédures du don du sang. On peut certes y réfléchir, mais le risque vital n'est pas engagé dans le don du sang, alors qu'il l’est dans une greffe de cellules souches hématopoïétiques.

Concernant l'élargissement du dépistage néonatal, celui-ci est actuellement sous la responsabilité d'associations. Des dépistages néonataux sont même organisés pour des maladies génétiques très rares, tel le déficit en acyl-CoA-déshydrogénase des acides gras à chaîne moyenne (MCAD). Récemment, bien que recommandés par la Haute Autorité de santé, deux dépistages n'ont pas pu être mis en œuvre du fait de cette organisation, sinon artisanale du moins qui nécessite d'être rendue plus robuste. La loi modifie donc les organisations de façon à se donner la capacité d'étendre le dépistage néonatal à toutes les pathologies auxquelles il s'adresse.

Vous avez également demandé pourquoi les parents d’enfants nés sous X n'avaient pas l'obligation de donner leurs informations génétiques. Nous pourrions toujours inscrire cette obligation dans la loi, mais je ne sais pas comment nous pourrions l’assurer et repérer le défaut de transmission. Le législateur et le pouvoir régalien n'auront jamais connaissance qu'une mère qui a accouché sous X dispose de données génétiques importantes, telles qu’un risque de cancer. Il s’agit donc davantage de rendre cette information possible et de la sécuriser, de la même façon que l'on demande à un enfant qui aurait connaissance d'une maladie génétique dans sa vie d'adulte d'être capable de transmettre cette information à son ascendant qui a accouché sous X. Nous ouvrons une possibilité sans la rendre obligatoire.

Je ne suis pas certaine d'avoir compris la question portant sur le risque qu’il y aurait à conserver des gamètes, des tissus ovariens ou testiculaires, prélevés chez des enfants prépubères.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Les professionnels se demandent s’ils pourraient disposer, avec le consentement des parents et de façon très encadrée, de tissus pédiatriques pour la recherche. Aujourd'hui, c’est impossible.

Leur obsession, que j’estime justifiée, est de pouvoir mener des études sur des tissus germinaux prépubères, qui n'ont rien à voir avec les tissus germinaux pubères. Par ailleurs, des études préliminaires leur font craindre que la greffe des tissus germinaux, qui ont été prélevés dans la phase aiguë d’une leucémie, par exemple, n’entraîne un risque de réimplanter des cellules tumorales chez un patient en rémission. Ces études sont possibles chez l'adulte mais interdites chez l’enfant.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Il s’agirait donc d’ouvrir la possibilité de recherches sur les maladies résiduelles dans le tissu ovarien ou testiculaire prépubère. De telles recherches sont déjà réalisées en préimplantatoire. Je l’ai pratiqué pour certains patients.

J'entends que nous puissions toujours ouvrir cette possibilité. Cela ne pose pas de problème si le tissu n'est pas utilisé, mais il faut en être certain. Ce tissu étant rare et précieux pour la personne, il faut vraiment encadrer cette recherche pour des enfants qui n'auront plus de projet parental.

S’agissant du microbiote fécal, il peut paraître amusant à certains que l’on encadre ces nouvelles techniques de greffe de flore intestinale. Or celles-ci se développent dans le cadre de règles définies par l’ANSM, que nous voudrions renforcer par la loi, car ces techniques se rapprochent de plus en plus de médicaments. Encore un peu artisanales, elles se développeront dans les années qui viennent. Pour l’heure, seuls quelques centres dédiés l’utilisent, pour des pathologies peu nombreuses. Nous voudrions apporter aux receveurs de ces flores intestinales la même sécurité que celle attendue d’un médicament innovant. Il s’agit donc d’un renforcement de la sécurité juridique.

En ce qui concerne les thérapies innovantes, l’article 27 prévoit que l'ANSM aura connaissance des structures qui produisent des médicaments de thérapie innovante préparés ponctuellement lors d'une seule intervention médicale, les MTIPP. Elle pourra ainsi procéder à des inspections pour vérifier la conformité aux bonnes pratiques dans les deux types d'établissements, les structures autorisées et celles ayant contracté avec les premières. Il s’agit, là aussi, de renforcer notre capacité à sécuriser ces techniques innovantes. Pour l’instant, les bonnes pratiques concernent essentiellement l'établissement qui fabrique ces médicaments mais pas celui qui les reçoit et les injecte.

S’agissant de la conservation de gamètes des personnes transgenres, si une opération chirurgicale de transition a lieu, l'autoconservation des gamètes à titre médical peut être prise en charge, comme c'est le cas aujourd'hui pour des patients atteints de cancer ou d’endométriose. En dehors de ce cas, comme pour les personnes non transgenres, l'autoconservation sera ouverte dans les bornes d'âge définies par décret. Ainsi, il n’y a pas de sélection ou de discrimination.

Évoquant l’accès aux origines, M. Philippe Berta a ensuite demandé comment faire en sorte que les informations génétiques soient données à des enfants nés par PMA avec tiers donneur dans des couples hétérosexuels. C'est une question qui n’est pas sans lien avec les choix faits en matière de filiation dans le projet de loi, puisque la loi laissera aux couples hétérosexuels le choix d’informer ou non l’enfant que sa naissance est due à une PMA avec tiers donneur. En réalité, la société évoluant, dans dix-huit ou vingt ans, la PMA avec tiers donneur ne sera plus un tabou, comme c'est le cas aujourd'hui de l’adoption dont les parents parlent librement avec leur enfant adopté.

Il est probable que les équipes qui accompagnent ces couples leur suggéreront de donner tôt cette information, que l’on sait importante pour la construction de l'enfant. Cet accompagnement permettra peut-être aux couples qui souhaiteraient plutôt le secret de se projeter dans l'avenir de leur enfant et d'être amenés à dire la vérité. Cette question me semble donc un peu théorique et qu’elle ne sera qu’un faux débat dans dix-huit ans.

La nécessité de mieux encadrer les données incidentes et les tests récréatifs a également été soulignée. Nous sommes d'accord avec vous sur le fait que les tests dits récréatifs fournissent des informations très peu robustes, voire erronées, qui peuvent induire des changements de comportement. C'est la raison pour laquelle nous n'ouvrons pas cette possibilité dans la loi. Nous ne sommes pas favorables au dépistage ou aux tests récréatifs génétiques en population générale. Les médecins devraient être formés à expliquer aux patients qui les consultent avec ce type de test et d'information, venant de Chine notamment, que ces tests ne sont pas fiables et qu'il ne faut pas en tenir compte. Il y a là un enjeu de formation des professionnels.

Nous aurons assurément l’occasion de débattre de ces questions relatives à la génétique.

Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Je partage l’avis que les résultats des tests génétiques récréatifs, comme les bases de données qui en résultent, sont très souvent faux, et qu’ils influent fortement sur les comportements lorsqu’ils sont utilisés pour vérifier des liens de parenté. Il faut expliquer à quel point il peut être dangereux de s’y fier. Outre les outils à donner aux médecins pour prévenir ces conséquences, il convient donc, à mon sens, d’informer la population générale.

La simplification des déclarations concernant les cellules souches embryonnaires et la détention de lignées de cellules souches embryonnaires pourrait, en effet, apporter au texte davantage de clarté. Nous devrons travailler sur cette question importante.

Je souhaitais également remercier M. Philippe Berta d'avoir rappelé la différence entre les cellules souches embryonnaires et les IPS. Effectivement, on est encore loin de pouvoir considérer que ces dernières peuvent remplacer les cellules souches embryonnaires, car on ne connaît pas encore tout l'impact que peuvent avoir les quatre gènes nécessaires pour permettre à ces cellules de revenir à un état moins différencié ou dédifférencié.

En ce qui concerne les chimères, des précisions devront être apportées. Dès lors que l’on rappelle que l’on ne peut toujours pas créer d'embryons humains, qu'ils soient chimériques ou non chimériques, à des fins d'implantation, un régime d'autorisation et de déclaration est nécessaire pour utiliser ces embryons comme les cellules souches embryonnaires.

Pour les IPS, faudra-t-il un régime de déclaration lorsque l’on parviendra à utiliser des IPS comme gamètes ? La réponse sera certainement positive, mais des précisions devront être apportées au projet de loi, qui ne prévoit, pour l’instant, qu’une déclaration de l'usage des IPS. Sans doute faudra-t-il préciser que la déclaration devra mentionner l’usage des IPS en tant que gamètes, notamment dans le cas particulier des embryons chimériques. Nous devons donc travailler cette rédaction, de manière à sécuriser l'utilisation des IPS par les chercheurs, afin que toutes les possibilités soient prises en compte.

Mme Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la justice. Deux mots, pour indiquer à Mme Coralie Dubost, qui a évoqué le travail que nous faisons ensemble actuellement et qui est presque finalisé, qu’en ce qui concerne le mode d'établissement de la filiation, c'est évidemment la sécurité des mères mais aussi l'intérêt de l'enfant qui nous ont guidés. Mme la députée l'a dit, dans notre recherche du mode pertinent d'établissement de la filiation, l'intérêt de l'enfant est primordial.

Je voudrais également abonder dans le sens de Mme Agnès Buzyn s’agissant de la situation actuelle en matière d’accès des enfants à leurs origines. Le principe de l’anonymat du don a été posé. On ne saurait y revenir : l’anonymat a été garanti au donneur. C’est donc uniquement par une campagne de communication que l’on pourra éventuellement inciter les donneurs à se faire connaître et à donner leur accord pour que les enfants aient accès à leurs origines.

Pour répondre à M. Hervé Saulignac au sujet de l’article 7, concernant les majeurs protégés, le consentement au don de cellules est un acte strictement personnel. Le projet de loi le rend possible pour les majeurs protégés ne faisant pas l’objet d’une mesure de représentation à la personne – on distingue les mesures de représentation à la personne et les mesures de représentation aux biens. L’ouverture de ce droit va dans le sens que nous avons voulu développer au moment de la loi du 23 mars 2019 de programmation et de réforme pour la justice, qui visait à accroître les droits fondamentaux, y compris ceux des majeurs protégés. Nous cherchions, dans ce texte, un équilibre entre droits fondamentaux et protection du majeur protégé. C’est pour cela que nous avons inclus cet article dans le présent projet de loi. S’agissant, en revanche, du don de sang, l’une des raisons pour lesquelles nous n’avons pas abordé le sujet à propos des majeurs protégés est que le présent texte ne comporte aucune disposition concernant le don de sang en général.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Nous allons passer aux questions des groupes. Il est d’usage que les porte-parole des groupes disposent de deux minutes. Au vu du nombre et de l’importance des sujets abordés dans le texte, j’ai souhaité que le temps de parole soit plutôt de quatre minutes, et que chaque groupe, s’il le souhaite, puisse le diviser.

Mme Aurore Bergé. C’est avec fierté que le groupe LaREM défend les avancées majeures que prévoit le texte, comme l’ouverture de la PMA pour toutes les femmes. Nous présenterons un amendement visant à nous assurer de l’effectivité de ce droit en interdisant toute discrimination, notamment en raison de l’orientation sexuelle ou du statut matrimonial. Ce n’est pas l’orientation sexuelle ou le statut matrimonial qui doivent déterminer ce qu’est une famille. Cela doit également se faire sans préjudice vis-à-vis d’un tiers.

C’est aussi avec fierté que nous considérons un texte qui dit quelle est l’identité de notre pays. Nous refusons la marchandisation du corps humain et nous n’ouvrons – ni n’ouvrirons – la voie à la gestation pour autrui (GPA). De même, nous réaffirmons qu’en aucun cas un embryon ne saurait être créé à des fins de recherche. Le parlement français, depuis qu’il légifère en matière de bioéthique, se livre à un travail d’analyse et d’écoute de la société sur les questions de bioéthique pour adapter notre droit au bon rythme, avec la bonne maturation. Il s’agit, non pas de considérer ce qui est permis ailleurs, mais de dire ce que nous voulons ici. Il y a les avancées que l’on souhaite et que l’on concrétise ; il y a les interdits que l’on pose.

Mesdames les ministres, je souhaite vous poser deux questions qui sont aussi le reflet des auditions que nous avons menées. La première concerne la fertilité. Nous marquons une avancée importante pour les femmes et les hommes avec la possibilité de procéder à une autoconservation des gamètes, mais nous devons aller plus loin. Pour être libre et en maîtrise de son corps, encore faut-il connaître celui-ci. L’autoconservation est un moyen de pallier les conséquences du recul de l’âge de la première naissance, mais elle ne résout pas les problèmes que sont l’infertilité et l’infécondabilité. La majorité préconise à ce titre, à travers un amendement, de généraliser une campagne d’information factuelle. Quels engagements le ministère de la santé pourrait-il prendre à cet égard ?

Ma seconde question porte sur le diagnostic préimplantatoire. Nous avons tous été bousculés, voire ébranlés, lors des auditions, par les demandes des professionnels de santé quant à cette possibilité. Qui, ici, pourrait souhaiter qu’une femme subisse une fausse couche lorsque c’est évitable ? Mais, derrière cette possibilité – si elle est avérée scientifiquement –, il y a deux questions fondamentales : comment placer le curseur sur ce qui mérite d’être dépisté et qui serait habilité à le positionner, légitime pour le faire ? Quelle est votre conviction en la matière et comment l’arbitrage a-t-il été rendu ?

M. Guillaume Chiche. La révision des lois de bioéthique constitue un moment singulier, un moment fort pour la représentation nationale, car il est l’aboutissement de plusieurs années de débat et de travaux parlementaires. Le projet de loi dont nous débattons marque aussi un retour à la normale en donnant les mêmes droits à toutes les femmes – car, oui, plusieurs milliers d’entre elles souffrent chaque année de ne pouvoir recourir à la PMA, alors même que celle-ci est autorisée dans des pays voisins, et même sur notre sol pour les femmes vivant en couple hétérosexuel. Chaque année, près de 2 000 femmes se surendettent, mettent en jeu leur santé, courent des risques juridiques pour accéder à une aide médicale à la procréation. Ce n’est pas normal. En autorisant l’accès à la procréation médicalement assistée pour toutes les femmes, vous nous proposez de mettre fin à une inégalité fondée sur l’orientation sexuelle et le statut matrimonial. Vous nous proposez de consacrer l’absence de hiérarchie entre les familles et, surtout, vous affirmez que les enfants ont besoin d’amour pour s’épanouir. Je crois pouvoir dire que les femmes qui recourent à une aide médicale à la procréation, avec toutes les contraintes qui y sont liées, sont motivées par un sentiment : l’amour qu’elles souhaitent donner à leurs enfants.

Outre la procréation, le présent projet de loi embrasse de nombreux sujets, tels que l’accès aux origines, la recherche sur l’embryon, l’usage de l’intelligence artificielle ou encore les dons d’organe. Sur ces enjeux, il sera difficile, voire impossible, de trouver des consensus. C’est la raison pour laquelle les moyens de co-construire cette réforme, le climat dans lequel nous allons légiférer, seront aussi importants que le texte final. Nous devons préserver la population de tout propos offensant ou stigmatisant, car ce texte, avant d’être une loi de bioéthique, est un projet relatif aux droits humains.

M. Thibault Bazin. Le groupe Les Républicains considère que les questions de bioéthique nécessitent une approche caractérisée par l’écoute et la prudence. Dans la mesure où ces questions touchent à l’intime, aux valeurs et aux convictions de chacun, les députés Les Républicains, ayant des avis différents, disposeront d’une liberté de vote absolue. Sur ces enjeux, chacun s’exprime en conscience ; ma parole ne prétend en aucun cas refléter l’opinion de la totalité de mes collègues. Il s’agit uniquement de souligner les enjeux éthiques qu’impliquent, selon moi, les mesures proposées et les questions qu’elles soulèvent.

Je tiens, en préambule, à réaffirmer mon profond attachement au respect de la dignité de chaque personne, avec ses vulnérabilités. Nous abordons ce débat dans un état d’esprit constructif, convaincus que ce projet de loi de bioéthique exige une responsabilité accrue du législateur, tant son impact est important. Il nous faut légiférer afin de mieux faire face aux nouveaux défis de la science. L’univers des possibles s’est élargi ; techniquement, on peut créer des gamètes artificiels, des embryons transgéniques, des bébés à trois ADN, des chimères.

Nous adopterons trois approches différentes en fonction des articles du texte, qui en compte trente-deux. Nous soutiendrons ceux qui vont dans le bon sens. Nous souhaitons en enrichir certains, les assortir de garde-fous, en particulier en ce qui concerne l’intelligence artificielle et les données génétiques, par des propositions visant à clarifier et rassurer. Dans quelle mesure pourriez-vous accepter ces propositions ? D’autres articles, enfin, nous semblent trop risqués en l’état, mettant potentiellement en danger des principes fondamentaux du droit de la bioéthique français, tels que la primauté de la personne humaine, la protection du corps humain, sa non-marchandisation et la protection de l’espèce humaine. Si nos débats confirment des alertes déjà émises par les états généraux de la bioéthique, le CCNE, le Conseil d’État et même des experts auditionnés récemment, dans quelle mesure pourriez-vous retirer les dispositions dont les effets conduiraient – je le dis sans exagération, mais sans minimisation non plus – à amenuiser l’effectivité de nos principes éthiques ?

Quel monde souhaitons-nous pour demain ? Nous souhaitons une recherche, une santé, une justice aussi éthiques que possible. L’objectif peut être partagé, mais comment y parvenir ? Face à la montée de l’individualisme, notre société peut-elle, doit-elle parfois dire non au désir individuel ? Gouverner c’est choisir. Or ce projet de loi semble renoncer à fixer précisément des critères, à définir des priorités, laissant potentiellement la place à des conflits et à des injustices. Les incidences de la promotion du rôle de la volonté et de l’intention ont-elles été pleinement mesurées juridiquement ? Pourquoi ne pas donner la primauté à l’éthique de la vulnérabilité, fondée sur la protection des plus fragiles, et à l’intérêt supérieur de l’enfant ? Sous couvert de finalités humaines qui peuvent être louables, ne risque-t-on pas d’utiliser des moyens indignes, d’aboutir à la marchandisation du corps, à l’absence de consentement libre et éclairé ? L’embryon dont sont issues les cellules souches embryonnaires perd-il, du fait de sa destruction, son caractère humain, son potentiel le plus identifiant, en passant parfois du statut de sujet à celui d’objet ?

Mesdames les ministres, les ressources – humaines et budgétaires – sont limitées. Quelles priorités souhaitez-vous, demain, pour la recherche, l’assurance maladie, la politique familiale ? Êtes-vous prêtes à mener une politique publique cohérente, à promouvoir la recherche sur la fertilité, une santé publique axée sur les pathologies et une politique permettant de mieux concilier la vie professionnelle et la vie familiale ? Dans un monde qui promeut la parité, pourquoi minimiser l’altérité sexuelle ? Quelle place auront les pères, les hommes dans la société de demain ? Dans un monde qui promeut le respect de la nature et du bio, pourquoi ne pas privilégier les voies naturelles quand elles sont possibles ?

Pour conclure, j’espère que ce projet de loi fera preuve d’audace et de courage, pour une bioéthique à la française : le courage de refuser le techniquement possible qui n’est pas souhaitable, l’audace de tenter de réguler les techniques qui peuvent, dans leurs excès, se révéler irrespectueuses de la dignité humaine. J’espère que nos débats aboutiront à une bioéthique exigeante, profondément valorisante pour la France, car nous défendrons, pour la société de demain, une certaine idée de la personne humaine.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Ce projet de loi relatif à la bioéthique est l’occasion pour le Parlement de débattre de sujets éminemment importants, qui mettent aux prises, d’un côté, les positions éthiques, philosophiques, voire morales de chacun d’entre nous et, de l’autre, les évolutions de la science, en termes de valeurs et de principes qui soutiennent notre société. C’est sur cet écart entre ce qui est possible et ce qui est acceptable que nous sommes amenés à nous prononcer.

L’équilibre, toujours difficile à trouver, doit, selon nous, s’appuyer sur les principes qui fondent notre pacte républicain : l’égalité des droits de tous les citoyens, l’encadrement juridique des pratiques existantes pour ne pas les laisser en dehors de la loi, l’usage de la raison dans la délibération, et le respect de la dignité de chacun. Aussi abordons-nous l’examen du texte avec la ferme conviction que celui-ci contient des propositions qui constituent de réels progrès, tout en rappelant qu’il est bien légitime d’en interroger les fondements et les prolongements possibles – cela est sain en République, dont l’essence même est l’amalgame de la diversité. La diversité d’opinions doit donc aussi produire une diversité d’expressions dont nous n’avons rien à craindre, si ce n’est qu’elle puisse nous éclairer et mieux faire entendre nos différents points de vue, dès lors que ces expressions sont elles-mêmes le fruit de la raison, de l’argumentation et du questionnement. Cette démarche est d’autant plus salutaire que les questions abordées sont parfois d’une très grande complexité. Les multiples auditions auxquelles nous avons été associés nous ont permis de forger nos opinions au regard des avis parfois contradictoires des spécialistes de ces domaines, au sujet desquels mes collègues du groupe MODEM et moi-même aurons l’occasion de nous exprimer tout au long de nos échanges.

S’agissant de l’élargissement de l’accès aux technologies disponibles en matière de procréation, si la mesure concernant la PMA ne pose pas véritablement question au sein de notre groupe, car il s’agit, selon nous, d’une évolution légitime au regard de la maturation de l’opinion publique, sa traduction, en revanche – notamment en ce qui concerne l’établissement de la filiation et l’accès aux origines –, soulève de multiples interrogations auxquelles nous devrons apporter des réponses. Nous attendons beaucoup de nos débats pour trouver une issue qui garantisse tout à la fois la simplicité et l’égalité des droits – ceux des parents aussi bien que ceux des enfants.

Cette égalité repose également sur la faculté qu’auront les futures personnes concernées à accéder aux gamètes. Quand on ouvre un droit, il faut toujours se soucier de son effectivité. À ce titre, nous avons plusieurs craintes et interrogations. S’il faut s’attendre, avec la levée de l’anonymat du donneur, à une baisse importante du nombre de dons, quelles mesures le Gouvernement peut-il anticiper pour faire en sorte que le stock de gamètes reste à un niveau qui garantisse la facilité d’accès ? Qu’est-il prévu pour le stock de gamètes existants, qui risquent d’être détruits ? Si le stock devait être insuffisant, n’y a-t-il pas un risque de voir certains profils de demandeurs être discriminés ?

Par ailleurs, comme je le disais précédemment, le projet de loi souligne la place de la science et des découvertes scientifiques dans notre droit. Si plusieurs avancées sont notables, concernant notamment le dépistage et les possibilités offertes à la recherche, nous estimons que nous n’allons pas assez loin. Ainsi, les diagnostics préimplantatoires et néonataux nous semblent être des outils pertinents pour assurer un déroulement normal de la grossesse et, par la suite, de la vie de l’enfant et de l’individu. Il nous semble important d’aller au-delà de ce que propose le texte en la matière. Le groupe MODEM formule ainsi plusieurs propositions en ce sens.

Ce sont là quelques-uns des enjeux qu’il nous paraît important de souligner et de soumettre à notre réflexion collective. Le groupe MODEM et apparentés aborde nos échanges avec une réelle volonté constructive de parvenir à un équilibre susceptible de recueillir l’assentiment du plus grand nombre.

Mme George Pau-Langevin. Le sujet que nous abordons ce soir est d’une importance particulière. Il nous revient d’analyser les conséquences sociales, juridiques, morales et culturelles de l’évolution des pratiques médicales sur le corps humain et de légiférer afin d’encadrer ces techniques, ce qui n’est pas simple. Il s’agit en quelque sorte, pour nous, d’une vision de la société, de la définition d’un projet collectif. Ces enjeux transcendent les cadres partisans habituels. Chacun, dans le groupe Socialistes et apparentés, se déterminera en son âme et conscience. Il est important, pour chaque parlementaire, de concilier des impératifs contradictoires et de trancher. Ce choix nous amène à nous abstraire des conditionnements que notre vie, notre éducation, nos convictions religieuses ou nos origines nous imposent souvent, pour appréhender l’intérêt général. En l’occurrence, cet intérêt trouve son origine non seulement, bien sûr, dans les progrès scientifiques et médicaux, souvent vertigineux, mais aussi dans les demandes nouvelles, dans les débats inédits liés à ces progrès qui ont surgi dans la société. Ce qui nous préoccupe le plus, évidemment, est de trouver l’intérêt de l’enfant à naître, notamment le droit pour chaque enfant d’avoir une famille.

Évidemment, sur le principe, nous sommes infiniment favorables au fait que de nouveaux droits soient ainsi reconnus, notamment aux couples de femmes et aux femmes seules. Toutefois, nous nous interrogeons sur certains aspects. Par exemple, le diagnostic préimplantatoire permet de savoir si les embryons sont viables et s’il existe un risque de fausse couche. La loi de bioéthique de juillet 1994 autorise la pratique du diagnostic préimplantatoire seulement dans le but d’éviter la transmission d’une maladie génétique ou chromosomique reconnue. Nous pensons que cette pratique est bien encadrée et qu’elle n’a pas entraîné de dérives. Il nous semble donc possible d’autoriser le DPI sur un certain nombre de cellules qui ne possèdent pas le nombre normal de chromosomes, en laissant à un décret le soin d’en fixer les conditions. En tout cas, éviter les interruptions médicales de grossesse et diminuer le taux de fausses couches nous paraît positif.

En ce qui concerne le don personnalisé ou « dirigé », plusieurs membres de notre groupe ont déposé un amendement qui vise à ouvrir cette possibilité, sous condition. Il s’agirait de permettre à une donneuse d’ovocytes ou à un donneur de sperme de réserver leur don à une personne en particulier, comme cela existe en Belgique depuis de nombreuses années – sous réserve d’un avis favorable des médecins, évidemment.

S’agissant de la déclaration anticipée de volonté, la manière dont elle était prévue dans le texte nous posait problème, car elle créait une nouvelle procédure, réservée exclusivement aux couples de femmes, avec mention sur l’acte intégral de naissance, soit une procédure différente de celle qui existe pour les couples hétérosexuels. Nous appelons donc à une évolution de la procédure. À cet égard, nous étudierons avec beaucoup d’attention la nouvelle formulation que vous allez proposer, madame la garde des Sceaux. En effet, il nous semble évidemment positif de se rapprocher autant que possible du droit commun.

Au total, nous allons donc participer activement et avec beaucoup d’intérêt au débat sur ce texte qui nous semble de nature à accomplir des avancées significatives pour un certain nombre de personnes qui souhaitent avoir un enfant.

M. Pascal Brindeau. Quatre minutes, c’est mieux que deux, mais cela reste beaucoup trop court au regard de l’immensité des champs qui sont couverts par le projet de loi bioéthique. Dans mon intervention, je ne ferai donc que choisir quelques sujets parmi la totalité des questions que soulève le texte. Je voudrais également indiquer qu’il ne s’agit pas là d’une déclaration visant à porter une appréciation sur telle ou telle des dispositions du projet de loi : chacun, au sein du groupe UDI et indépendants, se forgera sa conviction intime et délibérera en fonction de ce qu’il pense être utile pour le pays.

Je souhaite rappeler la spécificité de la conception française de la bioéthique, qui, contrairement à ce qui se passe dans d’autres pays, se manifeste par le fait que nous soyons amenés à délibérer de manière régulière et à inscrire dans le droit un certain nombre de dispositions qui répondent à des principes que nous considérons comme intangibles, notamment la dignité et l’indisponibilité du corps humain. Dans un contexte international souvent caractérisé par une course au moins-disant éthique, il nous faut, dans le cadre de ce projet de loi et dans les futures révisions bioéthiques, réaffirmer et garantir le maintien de cette spécificité française – en particulier en ce qui concerne la notion de gratuité du don.

Le texte, dans son article 1er, prévoit l’extension de la procréation médicalement assistée à une autre cause que thérapeutique. C’est un bouleversement philosophique et anthropologique qui emporte des conséquences, notamment sur la filiation – aspect qui a déjà été longuement abordé. Je voudrais interroger Mme la garde des Sceaux pour être sûr d’avoir bien compris le dispositif qui va être finalement proposé. Si j’ai bien suivi votre explication, l’idée d’une déclaration anticipée de volonté est abandonnée ; on s’appuierait sur les dispositions de l’article 311-20 du code civil en matière de PMA avec tiers donneur pour les couples hétérosexuels. Le consentement au don, effectué devant notaire, est la base de la filiation, constituant une présomption irréfragable et incontestable, et ce document est ensuite présenté à l’état civil par le couple – hétérosexuel ou lesbien – pour l’établissement de la filiation. Celle-ci est donc fondée sur une déclaration. Cela ne pose-t-il pas de problème pour les couples non mariés, qu’ils soient composés d’un homme et d’une femme ou de deux femmes ? Dès lors qu’il s’agit d’un couple de femmes mariées, est-ce que l’on maintient une déclaration pour la seconde mère, ou bien existera-t-il une présomption de maternité, comme pour les couples hétérosexuels ? Le risque n’est-il pas, en s’appuyant sur une déclaration, que l’on demande à l’avenir aux couples hétérosexuels, et donc au père naturel d’un enfant, de devoir faire une sorte de déclaration de reconnaissance ?

Ces questions concernaient un premier domaine d’interrogation ; il y en a bien d’autres, évidemment. L’un d’entre eux touche à l’article 11 : en matière d’intelligence artificielle, le Gouvernement est-il ouvert à la possibilité d’encadrer le recours aux tests algorithmiques en les certifiant ? Il convient, en effet, d’encadrer ces pratiques très récentes.

Mme Sylvia Pinel. Je souhaite saluer l’orientation générale du projet de loi. Dans le temps qui m’est imparti, je ne pourrai évoquer tous ses aspects. Je tiens à saluer, tout d’abord, l’ouverture aux couples de femmes et aux femmes seules du droit de recourir à l’assistance médicale à la procréation. Je défendais depuis de nombreuses années l’idée qu’il fallait le faire. Cette avancée est cruciale pour assurer l’égalité d’accès des femmes aux techniques médicales de procréation, quels que soient leur modèle familial ou leur catégorie sociale. En effet, notre droit, en son état actuel, crée un désordre et une situation d’injustice en contraignant de nombreuses femmes à partir à l’étranger pour recourir à une AMP, démarche coûteuse et éprouvante.

S’agissant de la levée de l’anonymat du donneur au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant et de son droit à connaître ses origines, les auditions menées par la commission spéciale nous ont rassurés. Nous saluons cette avancée. Nous ne pouvons rester sourds aux revendications de certains enfants nés d’une AMP avec tiers donneur et qui expriment leur souffrance d’être privés de la possibilité de reconstituer leur histoire. On peut néanmoins regretter l’absence, dans ce texte, d’une véritable politique de lutte contre l’infertilité, au travers de campagnes nationales d’information et de prévention portant notamment sur les causes environnementales de l’infertilité.

En ce qui concerne la filiation, j’étais opposée à son établissement par déclaration anticipée de volonté réservée aux seuls couples de femmes. Cette distinction créait une stigmatisation, aussi bien des parents – hétérosexuels ou homosexuels – que des enfants nés à la suite d’une AMP. J’ai bien entendu vos propos, madame la garde des Sceaux. Ils me semblent aller dans le bon sens, sous réserve de la rédaction qui sera proposée. Si j’ai bien compris, vous supprimez la DAV et rapprochez la procédure de la reconnaissance anticipée qui existe en matière de paternité en créant une reconnaissance anticipée de maternité. Pouvez-vous me le confirmer ?

Par ailleurs, nous devons également veiller à garantir l’égalité d’accès à l’AMP sur l’intégralité du territoire à travers une valorisation budgétaire des centres d’AMP et une plus grande transparence des pratiques des différents centres. Concrètement, comment comptez-vous le garantir ? Tout en élargissant l’AMP à un public plus nombreux, nous devons tenir compte des avancées scientifiques en matière de recherche sur l’embryon pour améliorer la qualité des soins – c’est la possibilité ouverte avec le diagnostic préimplantatoire sur l’embryon, dans le cadre d’un projet parental, afin de mieux identifier les embryons viables.

S’agissant du volet du projet de loi relatif à la recherche sur l’embryon, les cellules souches ou encore les tests génétiques, le texte doit ménager un juste équilibre entre l’impératif de protection des droits fondamentaux, à savoir les principes de dignité et d’indisponibilité du corps humain, et la prise en compte des avancées scientifiques. Nous serons particulièrement attentifs à ce que l’humain, le patient, reste toujours au centre de la réflexion et des dispositifs médicaux.

Je m’interroge aussi sur les mesures que le Gouvernement entend prendre, dans le cadre la récente réforme des études de santé, pour renforcer la formation des professionnels de santé en matière de questions bioéthiques. Pouvez-vous nous préciser ce qui est prévu en la matière ?

Le groupe Libertés et territoires espère des débats sereins, utiles, à même d’améliorer le texte. Chacun de ses membres se prononcera librement.

Mme Danièle Obono. Ce projet de loi relatif à la bioéthique procède, selon nous, dans ses articles relatifs à l’extension des techniques d’assistance médicale à la procréation, au rétablissement d’un droit et non à une réflexion bioéthique. Le débat bioéthique a été tranché par la loi de 1994, qui a ouvert aux couples hétérosexuels la possibilité de recourir à cette technique. Il ne s’agit plus, dans ce cas précis, de se poser la question de la manipulation du vivant ou encore du caractère nécessairement biologique de la filiation : avec l’ouverture aux couples de femmes et aux femmes seules du recours à l’assistance médicale à la procréation, c’est d’égalité qu’il s’agit. Placer cette décision sur le plan éthique appelle au moins deux remarques. D’une part, cela dénote, selon nous, une conception morale du droit des femmes à disposer de leur corps. D’autre part, le temps qui nous sépare de l’adoption du projet de loi est au mieux difficile à estimer, au pire long, très long. Or, redisons-le, c’est une question d’égalité, pas d’éthique ; et l’égalité, c’est maintenant – et il était temps.

L’égalité, donc ; rien de plus, rien de moins. Dès lors, il ne saurait s’agir d’une égalité sous conditions ou amoindrie. Nous voulons l’égalité des familles et non pas créer de nouvelles discriminations. Il n’y a pas de semi-égalité. L’égalité, cela veut dire la même chose pour tout le monde. Il n’est pas concevable, de notre point de vue, qu’une loi d’égalité discrimine les couples de femmes en introduisant des dispositifs dérogatoires par rapport au droit commun. La PMA avec donneur existe déjà, la double filiation maternelle aussi, la filiation avec un parent non-géniteur également. Nous voulons l’égalité réelle, pas seulement l’égalité sur le papier. C’est pourquoi nous nous inquiétons, avec d’autres, de la destruction planifiée du stock de gamètes. Il ne peut s’agir d’ouvrir un droit tout en bloquant l’accès réel faute de gamètes disponibles, sachant que, pour de nombreuses femmes entrant dans un parcours de PMA, le temps est compté. Nos travaux devront donc apporter des clarifications et des garanties sur ce point.

Nous ne voulons pas de discrimination en fonction du sexe à l’état civil. Or, alors qu’un homme transgenre n’ayant pas fait de changement à l’état civil aura accès à la PMA, puisqu’il sera considéré comme « femme seule » ou « femme en couple », un homme ayant modifié son état civil n’y aura plus accès. Nous regrettons par ailleurs que, d’une façon générale, les conséquences juridiques de la transidentité n’aient que peu, voire pas du tout, été prises en compte jusque-là par la majorité, malgré des propositions en ce sens.

Sur le plan de l’éthique, il y a des questions dont nous devrions – dont nous aurions pu – discuter, que nous aurions pu trancher, mais qui ne figurent pas dans le texte. Nous les avons abordées par voie d’amendements. Nous espérons ainsi que le débat avancera. Ces questions touchent à la liberté fondamentale de disposer de soi, notamment de son corps, et au consentement libre et éclairé.

Autant la PMA n’est plus une question bioéthique, autant les opérations non consenties réalisées sur les personnes présentant des variations du développement sexuel en sont une. Or le projet de loi ne l’aborde pas. Le problème touche 1,7 % des enfants. Des opérations non vitales sont pratiquées à un âge où ces enfants ne sont pas en mesure de consentir, avec des séquelles physiques et psychologiques très lourdes. La France a été rappelée à l’ordre trois fois par différentes instances – l’ONU, le Parlement européen et le Défenseur des droits –, qui demandent de mettre fin à ces opérations. Sur le plan éthique, c’est une question grave : comment peut-on tolérer plus longtemps que des enfants soient mutilés pour rendre leur sexe conforme aux attentes sociales du masculin et du féminin, alors qu’il n’y a pas d’urgence vitale, sans que soit respectée leur intégrité physique et que leur consentement soit recueilli ?

La question de la fin de vie n’est pas non plus abordée – je laisserai ma collègue Caroline Fiat y revenir. Plus généralement, les conditions du débat ne nous permettent pas d’aborder plus en détail, ici et maintenant, l’ensemble des autres questions éthiques posées par ce projet de loi en ce qui concerne la recherche ou encore l’intelligence artificielle. Nous y reviendrons, notamment dans les débats en séance.

Pour terminer, nous souhaitons remercier toutes celles et tous ceux qui se sont battus et qui continuent à se battre pour permettre que l’égalité proclamée dans notre devise soit une réalité. Le rétablissement des droits effectué dans ce texte est le résultat de ce combat ; cette victoire en appelle d’autres. Pour cela, nous serons au rendez-vous des débats et de la mobilisation.

M. Pierre Dharréville. L’exercice auquel nous sommes appelés est important. Il consiste en un travail sensible et exigeant. Il s’agit de regarder en face les questions qui sont posées à l’humanité par les avancées technologiques et scientifiques, et de dire le droit. À la faveur des décisions que nous prendrons – et qui mériteraient sans doute un débat éthique beaucoup plus large dans la société, car il nous concerne toutes et tous en tant que membres de l’espèce humaine –, nous engagerons des modifications pour lesquelles, il faut le dire, tout retour en arrière sera délicat.

Je formulerai quelques remarques sur le projet, avant d’indiquer les lignes de force qui guideront nos choix. Je souhaite, d’abord, mesurer le travail accompli, ce qui a été soupesé, dans un état d’esprit d’ouverture – dont j’imagine qu’il demeure d’actualité, même si nous avons désormais un projet de loi entre les mains. Ce texte, j’espère, est susceptible de continuer à évoluer.

Le projet de loi a le mérite d’affronter un certain nombre d’enjeux, mais n’en laisse-t-il pas d’autres de côté ? Je veux parler de ce qui résulte notamment des recherches sur l’intelligence artificielle ou l’humain augmenté, ou encore du large champ de l’utilisation des données de santé. L’éthique, je le souligne au passage, vient nous interpeller dans tous les champs de l’activité humaine, même si, ici, nous n’en prenons évidemment qu’une partie. Cela étant, chaque sujet que nous abordons nous montre combien ces enjeux dépassent le cadre national et appelleraient des débats éthiques à plus vaste échelle, car c’est bien le genre humain dans son entier qui est concerné.

Ensuite, ce texte, s’il court parfois le risque, du fait de sa philosophie, d’en rester à une approche individualisante du droit, va répondre positivement à un certain nombre d’aspirations, notamment celle de l’ouverture à la PMA pour toutes les femmes, permettant ainsi de tirer quelques conclusions des évolutions de la famille dans notre société et de mettre le droit en cohérence. Il ne s’agit pas de répondre à un certain nombre d’aspirations individuelles, même si celles-ci peuvent s’entendre à l’échelle d’une personne, mais bien de répondre à des questionnements d’ordre collectif, qui engagent au-delà de soi-même.

Toutefois, je dois dire que nous peinons parfois à saisir la cohérence de certains choix. Or ce n’est pas un enjeu mineur : définir nos choix éthiques exige de rechercher la plus grande cohérence face aux contradictions. Nous nous interrogeons, par exemple, sur la distinction introduite à propos de la filiation – mais, madame la garde des Sceaux, vous avez annoncé des nouveautés à cet égard – et sur l’utilité de la DAV. Nous nous interrogeons sur le plein respect du don, sur la notion d’origine, sur le risque de sélection génétique en lien avec le DPI, sur les garanties publiques et sur les moyens publics consacrés à ces enjeux, sur l’accompagnement humain, ou encore sur les bases de données et leur usage.

Nous pensons nécessaire de fonder sur une pensée conséquente et durable les choix que nous faisons, de toujours mettre en rapport les moyens et les fins. Dans le cours du débat, nous serons donc attentifs à ce que jamais les impatiences et les appétits du capitalisme n’emportent la décision ; à ce que jamais la tentation de toute puissance n’emporte la raison ; à ce que jamais l’ordre moral n’emporte le courage d’accompagner les changements nécessaires. Face à ces enjeux éminemment politiques, à ces questionnements d’ordre civilisationnel, la société s’interroge. Le débat doit faire droit aux interrogations. Notre état d’esprit consistera à avancer dans une vraie discussion. Nous avons reçu de nombreuses interpellations et nous devons être conscients, dans nos débats, des situations humaines, des désirs contrariés, des vies concernées. Nous cheminerons avec une question au cœur : quelle humanité voulons-nous être et comment respecter, au fil des choix que nous avons à faire, la dignité de la personne humaine, et donc l’égale dignité des personnes humaines d’aujourd’hui et de demain ?

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Pour répondre à Mme Aurore Bergé et à Mme Silvia Pinel, à propos de la fertilité, il est clair qu’il est nécessaire de mieux informer les femmes, mais aussi les hommes, sur les risques d’infertilité liés à l’âge. Nous avons d’abord, à mon arrivée, entamé l’élaboration d’une feuille de route sur la santé sexuelle. Nous allons, dans ce cadre, mettre en place une information sur la fertilité à travers l’assurance maladie, pour les hommes comme pour les femmes, et je souhaite m’engager devant vous très clairement sur le fait qu’il s’agit là, à nos yeux, d’un véritable enjeu.

Nous souhaitons aussi, notamment dans le cadre de la politique familiale, mieux accompagner la parentalité, mieux organiser la conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle. La loi de bioéthique ne doit pas aboutir à aggraver la situation actuelle. Elle vient en réparation pour quelques femmes ou hommes qui souffrent d’infertilité, mais tout ce que nous pourrons faire pour maintenir un âge de la grossesse précoce et une grossesse naturelle, qui permette aux femmes d’inscrire leur vie familiale au sein de leur parcours professionnel, sera évidemment tout aussi important. Toutefois, il n’y a pas lieu d’inscrire cela dans la loi : ce n’est pas l’objet d’une loi de bioéthique que de parler de l’information dans ce domaine. Je rappelle qu’une loi de bioéthique doit traiter de nouvelles techniques médicales et de progrès scientifique.

Cela posé, je parlerai d’emblée du DPI. Beaucoup parmi vous ont certainement été très secoués, lors des auditions, par les témoignages des professionnels de santé – généticiens, obstétriciens –, voire d’associations de parents d’enfants malades ou de personnes ayant connu des échecs successifs d’AMP, pour telle ou telle raison. Je comprends votre souhait d’aller vers un dépistage préimplantatoire : quand on entend ces témoignages individuels, on ne peut que s’émouvoir du fait qu’en dépit de l’existence d’une technique, on n’évite pas un certain nombre de souffrances, de retards de prise en charge, voire, à l’arrivée, la naissance d’un enfant atteint d’une maladie génétique. Mais nous faisons ici la loi, et il me semble que nous devons tenir compte des conséquences collectives d’un tel choix. C’est la raison pour laquelle nous n’avons pas souhaité inscrire le dépistage préimplantatoire dans le texte. Nous en avons beaucoup discuté, notamment avec Frédérique Vidal, qui connaît extrêmement bien les questions de génétique pour avoir pratiqué cette discipline dans sa vie professionnelle. Je vais vous expliquer les raisons de ce choix.

Actuellement, le diagnostic préimplantatoire n’est autorisé que pour des couples ayant eu un enfant atteint d’une maladie génétique, afin de leur éviter d’avoir un deuxième enfant atteint, ou pour les couples dont on sait qu’il existe une maladie génétique dans la famille et que le risque que l’enfant en soit atteint est très élevé. Autrement dit, on recherche une anomalie génétique en particulier, en raison d’une maladie dont la famille est atteinte.

Le cadre que vous souhaitez ouvrir est tout à fait différent. Il a deux finalités. On peut rechercher deux types d’anomalie à travers un diagnostic préimplantatoire. La première est l’aneuploïdie, c’est-à-dire une anomalie chromosomique dont on sait qu’elle entraîne une probabilité importante de fausse couche. Or la volonté des centres d’AMP et des personnes qui travaillent sur ces questions est d’améliorer la probabilité de déclencher une grossesse dans le cadre d’une démarche d’AMP. Il y a toutefois deux problèmes s’agissant de la détection des aneuploïdies.

Le premier tient au fait que la robustesse de nos connaissances concernant le lien entre l’aneuploïdie et un risque réel de fausses couches n’est pas très grande. Il existe des données scientifiques, mais dans des séries petites, concernant des femmes de moins de trente-cinq ans. C’est la raison pour laquelle les scientifiques et les médecins ont déposé un projet hospitalier de recherche clinique (PHRC), c’est-à-dire un projet de recherche, qui sera autorisé, destiné à mieux comprendre le phénomène et mettre en regard la découverte d’une anomalie de chromosomes et un risque de fausse couche. Il me semble donc que nous en sommes au stade de la recherche et que nous ne possédons pas une connaissance affirmée permettant d’inscrire dans la loi la recherche systématique de ces anomalies chromosomiques.

Le second problème est lié aux anomalies chromosomiques non létales que l’on peut trouver, notamment la trisomie 21. Actuellement, cette anomalie fait l’objet d’un dépistage prénatal. Les parents, en fonction de tests sanguins, d’échographies et désormais d’analyses de l’ADN, sont informés d’un risque d’avoir un enfant atteint d’une trisomie 21 – ou d’autres anomalies chromosomiques non létales, c’est-à-dire que l’enfant est viable. Ils ont le choix, alors que la femme est enceinte, de garder l’enfant ou pas. Certaines familles choisissent de le garder, et c’est très bien ainsi. Si on découvrait une anomalie chromosomique telle que la trisomie 21 dans le cadre d’un dépistage préimplantatoire d’aneuploïdie, il est évident que les couples choisiraient systématiquement un enfant non atteint. Autant, quand on porte un enfant et qu’on est sensible à l’idée d’une société inclusive à l’égard du handicap, on peut faire le choix de garder un enfant atteint d’une telle maladie, autant, quand on a le choix entre différents embryons dont l’un est atteint d’une maladie génétique, il va de soi que personne ne prendra le risque d’une réimplantation.

Il s’agit là d’une première dérive potentielle du diagnostic préimplantatoire de recherche des aneuploïdies : nous glissons vers une société triant les embryons. En outre, si nous accordons à des couples engagés dans une démarche de PMA le droit de connaître le risque de trisomie 21, nous pouvons craindre que d’autres couples, qui font des enfants par voie naturelle et ne choisissent pas leurs embryons, s’engagent, eux aussi, dans une démarche de PMA tout simplement pour avoir le droit de trier. Nous considérons donc que les risques de dérives d’un dépistage préimplantatoire sont importants. Je rappelle que l’analyse des chromosomes permet aussi de choisir le sexe : on mesure la pression qui peut apparaître et les dérives auxquelles la pratique pourrait donner lieu. Voilà pour les anomalies chromosomiques.

En ce qui concerne les anomalies génétiques – les mutations aboutissant à des maladies génétiques graves –, les dépistages sont autorisés pour les familles dont un enfant est déjà atteint. Si nous ouvrons la possibilité de réaliser des diagnostics de maladies génétiques potentiellement mortelles chez l'enfant à l'âge de deux ou trois ans – et il est insupportable de laisser naître des enfants dont on sait qu'ils seront atteints d'une maladie mortelle en l'espace de deux ans ! –, la première question qui se pose est de savoir qui déciderait du type d'anomalies génétiques que l'on recherche. Quand une famille est atteinte d'une maladie, on recherche un gène lié à une pathologie, mais on ne garantit pas la naissance d’un enfant sain : celui-ci peut être atteint d'une autre maladie. En revanche, si la recherche d'anomalies génétiques était autorisée dans le cadre d’un dépistage préimplantatoire, il faudrait déterminer quelles maladies on souhaite éliminer. Qui en déciderait ? Les médecins ? Les chercheurs ? Les familles ? Autoriser cette pratique conduirait manifestement à une dérive eugénique. Il est évident que tous les couples qui, aujourd'hui, font des enfants par la voie naturelle, se diraient : moi aussi, j'ai le droit à un enfant sain. Ils s'engageraient dans une démarche de PMA, de façon à disposer de tests génétiques permettant de rechercher des anomalies et des pathologies potentiellement mortelles. Je pourrais tirer le fil pendant des heures ! Nous aurons ce débat, mais je veux vous dire que nous avons choisi, de façon très claire, très volontariste et très réfléchie de ne pas inscrire le dépistage préimplantatoire dans la loi.

Mme Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la justice. Mme Aurore Bergé relevait, à très juste titre, que, dans le projet que nous vous proposons, nous ne stigmatisons pas l'orientation sexuelle. Mme Danièle Obono, tout à l'heure, s’inquiétait d’un risque de discrimination : telle n’est évidemment pas la direction empruntée par le projet de loi, qui n’introduit aucune stigmatisation de l'orientation sexuelle. Au contraire, nous avons souhaité, chaque fois que cela était possible, assurer la reconnaissance de l'hétérosexualité ou de l'homosexualité, sans aucune discrimination. Dans le travail que nous avons effectué, comme l'a souligné M. Guillaume Chiche, nous avons manifesté la volonté de n'offenser personne et de respecter les positions affirmées par les uns et les autres.

Monsieur Bazin, j'ai relevé dans vos propos trois types d'inquiétude. D’abord, vous affirmez que certains articles constituent ou pourraient constituer un danger – je suis certaine d’avoir entendu le mot « danger ». Je ne sais pas à quoi vous faisiez allusion : vous aurez l'occasion de nous le dire au cours des débats. Mes collègues et moi-même avons manifesté en permanence le souci de respecter les principes fondamentaux éthiques et juridiques qui structurent notre droit : la dignité des personnes, l'indisponibilité du corps humain, mais aussi le principe d'égalité, que l'on retrouvera en discutant de certains aspects juridiques.

Ensuite, vous nous avez interrogées sur la protection de l'intérêt supérieur de l'enfant. Comme je l'ai dit tout à l'heure en corroborant un propos de Mme Coralie Dubost, et comme l’illustre le volet du texte consacré à la filiation, nous avons systématiquement pris en compte l'intérêt de l'enfant et l'égalité des droits des enfants.

Enfin, vous avez estimé que nous minimisons l'altérité sexuelle. Je ne pense pas que tel soit le cas. Nous la considérons comme une donnée puisque, vous le savez, nous ne modifions pas les droits aujourd'hui établis au profit des personnes hétérosexuelles. Nous créons de nouveaux droits pour les personnes homosexuelles, en l’occurrence les couples de femmes. Il n'y a donc aucune atteinte à l'altérité sexuelle.

Madame de Vaucouleurs, vous avez rappelé, au sujet de l'établissement de la filiation, l’exigence de la simplicité et de l'égalité des droits. Il me semble que c'est ce que nous avons cherché à faire. Plus nous travaillons avec vous, avec votre groupe comme avec les autres groupes, avec Mme la rapporteure, plus nous renforçons notre volonté de simplicité et d'égalité.

Monsieur Brindeau, madame Pinel, le mécanisme que nous vous proposerons demain, qui diffère légèrement de celui qui est présenté dans le projet de loi, repose sur l'idée du consentement à l'AMP devant notaire, aussi bien pour les couples de femmes que pour les couples hétérosexuels. Nous y ajoutons, pour les premiers nommés, une reconnaissance conjointe de l'enfant à naître, qui se ferait en même temps que le consentement à l'AMP. Le terme de « reconnaissance conjointe » diffère de celui de « déclaration anticipée » que nous avons employé dans le projet de loi. La reconnaissance conjointe va dans le sens de la simplicité et du rapprochement avec la situation des couples hétérosexuels. Vous le savez, lorsqu’un couple hétérosexuel non marié recourt à une AMP avec tiers donneur, le père procède quasi systématiquement à une reconnaissance de paternité anticipée, laquelle se rapproche très sensiblement de celle qui pourra être effectuée par un couple de mères. L'acte de naissance ne comportera aucune mention de la PMA, s’agissant d’un couple de femmes, mais signalera évidemment la reconnaissance, comme c’est le cas pour un couple hétérosexuel. La reconnaissance traduira un engagement mutuel entre les deux mères et sécurisera tant l’établissement de la filiation entre celles-ci que la filiation de l'enfant à naître. C'est en ce sens que nous prenons en compte la protection de l'enfant. Aucune distinction ne sera établie entre les femmes, selon qu’elles sont ou non mariées.

Je redis à Mme Obono que nous n'établissons pas de discrimination entre les couples hétérosexuels et homosexuels. Nous avons vraiment le souci de créer des droits égaux pour les deux mères, ce qui est extrêmement important pour un couple homosexuel. Cela étant, nous avons pris acte du fait que la situation juridique des couples hétérosexuels et homosexuels n'est pas exactement identique. Nous considérons – cela me paraît fondamental – que le mode d'établissement de la filiation que nous proposons pour les couples de femmes est tout à fait novateur, puisqu’il repose sur un acte de volonté partagée. En ce sens, il me semble important que les couples de femmes n'aillent pas rechercher une filiation classique, fondée sur la vraisemblance biologique, dans la mesure où leur situation est un peu distincte. Nous allons la rapprocher le plus possible de celle des couples hétérosexuels ; néanmoins, nous créons un mode d'établissement de la filiation très novateur, sur la base du projet parental, de la volonté partagée.

Je pense avoir également répondu à M. Pierre Dharréville.

Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Je voudrais revenir sur la recherche d'équilibre qui nous a animés. M. Thibault Bazin a affirmé qu'il fallait faire très attention à ne pas autoriser tout ce qui était techniquement possible et qu’il convenait de mettre en regard ce qui était possible et ce qui était souhaitable. Vous avez été nombreux à exprimer cette préoccupation, que nous partageons pleinement. Nous avons, de fait, maintenu quelques-uns des interdits fondamentaux, telle la prohibition formelle de créer des embryons à des fins de recherche, tout en instituant de nouveaux principes. Ainsi, nous avons limité la durée d’utilisation des embryons à des fins de recherche à quatorze jours, alors que certains chercheurs souhaitaient travailler sur les phénomènes d’organogénèse, qui interviennent après quatorze jours de développement embryonnaire. Nous avons fait le choix de quatorze jours parce que c'est le moment où apparaissent potentiellement les éléments précurseurs de ce qui deviendra le système nerveux. Il nous est apparu important d’instituer cette limite, que ne posait pas la loi précédente. Lorsque cette dernière a été élaborée, on savait très peu de choses – pratiquement rien, devrais-je dire – sur la possibilité d'avoir des cellules pluripotentes induites. Nous avons encadré l'usage de ces cellules, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent. Nous avons bien opéré systématiquement un choix entre ce qui est techniquement possible et ce qui est souhaitable.

Le diagnostic préimplantatoire est très souvent demandé parce qu’on observe des fausses couches dont on estime qu’elles pourraient être évitées. Sur ces questions, on en sait finalement assez peu. Contrairement aux idées reçues, les risques d'infécondité et de fausses couches sont liés à l'âge tant du père que de la mère. Il est donc très important que nous puissions répondre, par la recherche, aux questionnements sur les fausses couches. L’aneuploïdie en est une des causes, parmi d'autres, mais ne constitue pas le déterminant général et majeur. Je veux dire par là qu’il ne faut pas faire croire à un couple que, parce qu'on aura cherché un certain nombre d'anomalies, son parcours de fécondation in vitro en sera facilité. C’est un risque de dire à ces couples qu’on a tout cherché, tout compris, qu’on est sûrs que les embryons qu’on va réimplanter sont parfaits, que tout va bien fonctionner et qu’ils n’ont plus à se préparer, notamment psychologiquement, au fait que les fécondations in vitro, parfois, échouent.

Cela m'amène à la question de la recherche sur l'embryon, qui a été autorisée, il y a plus de vingt-cinq ans, dans des conditions extrêmement strictes. Nous ne changeons absolument rien à l'encadrement de ces recherches, parce que nous pensons que ces règles permettent toujours de répondre aux questionnements actuels sur la bioéthique. J'insiste sur l'importance de la recherche sur l'embryon, qui est peut-être mal comprise. Quelques chiffres permettront de mettre à bas certains fantasmes en la matière. Depuis 2004, 19 000 embryons humains sont conservés – c'est la raison pour laquelle nous travaillons aussi sur la durée de la conservation – et 3 300 d’entre eux ont été utilisés à des fins de recherche. Un grand nombre des recherches autorisées concernent l'implantation des embryons et la compréhension du développement embryonnaire précoce. Elles ont trait, notamment, à l'effet que peuvent exercer certaines molécules sur l’aneuploïdie, c'est-à-dire sur les raisons mêmes de l’échec d’un certain nombre de PMA. La recherche, me semble-t-il, n'a pas encore livré suffisamment de connaissances pour nous permettre d’aller plus loin sur la question du DPI. J’estime que nous devons lui accorder les moyens de poser les bonnes questions et d’apporter ces connaissances.

Les couples qui autorisent l’utilisation des embryons créés initialement dans le cadre d'un projet parental et n’en faisant plus l’objet ont le choix, soit de demander leur destruction, soit d'autoriser qu’ils soient proposés à d'autres couples rencontrant des problèmes de fertilité, ou étudiés dans le cadre d’un projet de recherche. Dans tous les cas, les embryons qui ne font plus l’objet d’un projet parental vont être soit utilisés par d'autres couples, soit détruits avant ou après qu'ils aient pu aider à poser une question dans le cadre de l’activité de recherche. J’insiste sur le fait que, l'an dernier, seules dix-neuf naissances ont résulté d’un don d'embryons : les couples infertiles qui se voient offrir la possibilité d'utiliser des embryons issus d'un autre projet parental n’exercent pas prioritairement ce choix. Il me semble donc essentiel de rappeler quelle est la réalité de la recherche sur l'embryon. Les recherches se font sur l'embryon humain parce qu'elles ne peuvent pas porter sur autre chose qu’un embryon humain : c'est le cœur des lois de bioéthique.

M. Brindeau a évoqué les tests algorithmiques, moyen par lequel nous souhaitons faire entrer l'intelligence artificielle dans la loi de bioéthique, étant entendu que des améliorations rédactionnelles sont tout à fait possibles. Les tests auxquels nous faisons référence, qui font appel à l'intelligence artificielle, peuvent contribuer grandement à améliorer les diagnostics difficiles, notamment pour les maladies rares. Toutefois, la loi prévoit la permanence de l’intervention humaine, qui reste essentielle. On ne peut pas confier à des intelligences artificielles ou à des algorithmes le soin de poser des diagnostics, sans un regard humain.

Connaître l'algorithme n'a pas beaucoup de sens dans ce contexte, sachant que l’on attend des algorithmes qu’ils fonctionnent en deep learning, c'est-à-dire qu’ils évoluent en permanence pour améliorer continûment leurs capacités prédictives. Il est difficile de définir une fois pour toutes un algorithme à qui l’on demande de s'auto-améliorer pour être de plus en plus prédictif. La rédaction actuelle du projet de loi est équilibrée et jugée correcte par les spécialistes des algorithmes, même si l’on peut sans doute mieux expliquer le contexte d'utilisation de l'intelligence artificielle.

Pour répondre à Mme Silvia Pinel, des formations en bioéthique sont prévues dans le cadre de l’évolution des seconds cycles des études médicales, au sein de spécialisations. Nous étions certes convenus, lors du débat sur la loi santé, de ne pas imposer dans le cursus des études de médecine une liste interminable de matières, mais des formations spécifiques à la bioéthique sont bien prévues. D’ailleurs, au-delà même des études de médecine, elles devront être proposées aussi en biologie ainsi qu’à ceux qui travailleront avec l’intelligence artificielle sur des sujets de biologie humaine ou de médecine. Cela relève plutôt du domaine réglementaire, mais il serait possible d’inscrire dans le texte une précision qui vous paraîtrait nécessaire. Veillons, cependant, à ne pas définir trop précisément la formation à la bioéthique, parce qu’elle doit pouvoir évoluer et s'enrichir.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur Bazin, vous avez évoqué l'éthique de la vulnérabilité et l'intérêt supérieur de l'enfant. Nous avons considéré le texte sous ces deux angles. Une fois les dispositions rédigées, nous les avons réexaminées en prenant en considération les populations les plus vulnérables et l'intérêt supérieur de l'enfant. C’est M. Adrien Taquet, secrétaire d'État responsable de la mise en place de la stratégie pour la protection de l'enfance, qui a revu le texte sous ce dernier aspect. De fait, la vulnérabilité et l’intérêt supérieur de l’enfant sont les deux raisons pour lesquelles nous n'avons pas retenu l'AMP post mortem. Nous en débattrons à l’occasion des nombreux amendements qui portent sur ces sujets.

Madame de Vaucouleurs, madame Obono, vous avez évoqué le risque de pénurie de gamètes et la destruction du stock, qui sont des préoccupations récurrentes. Il est évident qu'en raison de l'ouverture de la PMA à toutes les femmes, d'une part, et de l’autorisation d'accès aux origines qui sera demandée aux nouveaux donneurs, d'autre part, le risque s’accroît d’un changement de profil des donneurs et d'une diminution des dons de la part des profils de donneurs actuels. Ce risque étant identifié, nous avons proposé que la loi soit mise en œuvre en trois phases, ce qui nous permettra de répondre à la fois à la pénurie de gamètes et à la destruction potentielle du stock.

Dans la première phase, une fois la loi promulguée et l'ouverture de la PMA autorisée pour les femmes homosexuelles ou non mariées, les gamètes congelés formant le stock actuel seront utilisés pour les nouveaux couples. Si, préalablement au vote de la loi, des donneurs de gamètes ne souhaitent pas que ceux-ci soient utilisés pour des couples homosexuels ou des femmes isolées, ils ont la liberté – cela a toujours été vrai et le restera – de signifier aux CECOS qu’ils retirent leur consentement au don. Pour ceux qui n’entreprendraient pas cette démarche, les gamètes stockés seront utilisés dans le nouveau cadre ouvrant la PMA à toutes.

Durant cette première phase, le registre des donneurs de gamètes, tel que la loi le proposera, sera mis en place au sein de l'Agence de la biomédecine. Il s’agira de déterminer quelles données identifiantes et non identifiantes seront conservées. Cela nécessitera un travail préalable de structuration d’un registre qui doit être robuste, sécurisé – car il doit garantir l'anonymat – et fiable sur une durée minimale de quatre-vingts ans. Plusieurs mois seront nécessaires à l'Agence de la biomédecine pour mener à bien cette mission.

Dans la deuxième phase, une fois que le registre sera prêt, nous ouvrirons le don de gamètes à des donneurs qui entreront dans le nouveau cadre légal, autrement dit qui s'engageront à permettre l’accès aux origines, donc à être intégrés dans le registre. Pendant ce temps où l’on accumulera un stock de nouveaux donneurs, on épuisera le stock antérieur.

Dans la troisième phase, lorsque le stock de nouveaux donneurs sera suffisant, on fermera le stock existant – qui aura, a priori, été tari au cours des deux premières étapes –, et on ouvrira la PMA aux nouveaux donneurs.

Nous ne prévoyons pas les délais dans la loi. Des décrets permettront de tenir compte de l'utilisation des stocks et de la capacité de recruter de nouveaux donneurs. Nous pensons, par cette disposition en trois phases, éviter la destruction du stock – ou la réduire au minimum – et prévenir la pénurie en reconstituant un nouveau stock par anticipation.

Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. On dénombre à peu près 300 dons de sperme par an sur une population estimée d'hommes entre dix-huit et quarante-cinq ans de 11 millions. La marge de progrès est donc considérable, d'autant que 85 % des hommes interrogés dans le cadre d'une étude de l'Institut national d'études démographiques ne se disent absolument pas informés sur le don de gamètes. Les 300 dons de gamètes annuels représentent environ 2 400 couples traités et 950 naissances.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. La loi et les nouvelles pratiques qu’elle introduit feront l’objet d’une publicité. L'Agence de la biomédecine sera autorisée à mener, dans le cadre légal, une campagne de promotion du don. En outre, la société aura été sensibilisée à ces questions pendant toute la durée de la discussion du projet de loi, qui produira probablement plus d’écho. En tout état de cause, les trois phases nous permettront de répondre à la question de la destruction du stock et au risque de pénurie.

Madame Pau-Langevin, nous ne sommes pas favorables au don dirigé de gamètes, qui consiste, pour une personne, à faire don de ses gamètes, ovocytes ou spermatozoïdes, à un bénéficiaire précis. Si cela paraît une solution pour résoudre la pénurie de gamètes – on peut imaginer qu'on donne plus facilement à sa sœur ou à son frère –, ce serait totalement contraire à notre éthique de l'anonymat du don. Nous n'avons aucun moyen d'assurer le caractère éthique et non contraint d'un don dirigé, ni de contrôler les conséquences à long terme de ce type de dons sur un enfant à naître. Nous craignons aussi que, par un effet de rebond, nos capacités à avoir des donneurs altruistes ne s’amenuisent : le seul don dirigé s’en trouverait favorisé au détriment des donneurs à l'ensemble de la population. Le don dirigé nous semble présenter trop de risques de dérives, de pressions financières ou morales entre les bénéficiaires et les donneurs. On ne peut exclure des rémunérations occultes, des pressions insaisissables au sein d’une famille, avec un enfant qui naîtrait grâce aux gamètes d'une personne connue. Nous jugeons cette mesure contraire à notre éthique.

Monsieur Brindeau, je crois que nous vous avons répondu sur l'encadrement des tests algorithmiques.

Madame Pinel, les causes environnementales de l’infertilité font l'objet du plan santé environnement. Vous avez suggéré que l’on harmonise les pratiques entre les centres d'AMP : conformément à son rôle d’animation, l'Agence de la biomédecine a pour tâche de favoriser, chez les professionnels, le partage des bonnes pratiques et l’harmonisation des procédures.

Madame Obono, je vous ai répondu sur le stock de gamètes. Vous affirmez que ce texte est une « loi d'égalité » qui « discrimine ». Je rappelle qu'une loi de bioéthique n’a pas pour objet d’assurer l'égalité des droits – qui débouche sur des sujets tels que la GPA. Une loi de bioéthique interroge une technique médicale à l’aune de nos principes éthiques. Elle vise, non pas à assurer l'égalité de tous les citoyens vis-à-vis de telle ou telle pratique, mais à vérifier qu'une pratique accessible techniquement répond à nos principes éthiques. Je ne peux donc pas dire que ce texte s’assigne un objectif d'égalité ; ce n’est pas comme cela que je souhaite le porter. Même s’il assure l'égalité d'accès à la PMA pour toutes les femmes, ce n'est pas son objet premier.

Vous avez abordé la question des personnes transgenres. Depuis la loi du 18 novembre 2016 relative au changement de sexe à l'état civil, la preuve d'une intervention médicale pour authentifier cette évolution n'est plus nécessaire. La loi a introduit une procédure déclarative, qui atteste de la volonté de changer d'état civil ; on n'a pas besoin d'être opéré ou traité. Dans la vie civile, seule l'identité indiquée à l'état civil d'une personne est prise en compte. Ainsi, une femme devenue un homme à l'état civil, même en ayant conservé son appareil reproducteur féminin, est un homme et sera considérée comme tel au regard de l'assistance médicale à la procréation, car c’est l'état civil qui est pris en considération dans la loi. Selon celle-ci, un homme à l'état civil ne peut pas avoir accès à la PMA seul, ni en couple avec un autre homme, même s'il a gardé son appareil génital féminin. En revanche, il pourra y avoir accès, s'il est en couple avec une femme, et c'est cette dernière qui portera l'embryon ou l'insémination.

La question des enfants intersexes ne relève pas, à proprement parler, de la bioéthique, car ils font l’objet d'une intervention chirurgicale standard qui n’implique pas une nouvelle technique, un progrès scientifique. La prise en charge médicale précoce des enfants présentant des variations du développement génital est déjà soumise à la législation : une intervention chirurgicale pratiquée précocement et ne répondant à aucune nécessité médicale est interdite par la loi, plus précisément par le code civil et le code de la santé publique. Il nous semble qu’il n'appartient pas au législateur de définir ce qu’est une indication médicale ou ce qui ne l'est pas. Aujourd'hui, il n'y a pas lieu d'opérer ces enfants en l’absence d'indication médicale.

J'ai demandé à mes services d'améliorer la prise en charge des enfants intersexes ; ils conduisent, à cette fin, une série d'entretiens avec toutes les parties prenantes. Nous devons progresser avant tout sur ces troubles du développement, mieux connaître ces maladies rares en disposant notamment de données sur le nombre d'enfants concernés et sur leur parcours dans le système de santé. Mes services s’y emploient.

Nous devons homogénéiser et renforcer l'accès aux centres de référence des maladies rares du développement génital, qui ont été labellisés en 2017. Ils s’étendent sur quatre sites et disposent d'un réseau de centres de compétences. Je ne sais pas dans quelle mesure ils sont sollicités. Ces structures étant assez récentes, les enfants en souffrance venus témoigner, qui vous ont sollicités, ne bénéficiaient pas de ce parcours encadré et n’ont pas connu ces centres. Nous allons tout mettre en œuvre pour qu’ils s’y réfèrent systématiquement et pour que leur dossier soit discuté au sein de ces institutions. J'envisage notamment d'instaurer, par arrêté, un recours organisé et systématique de chaque enfant concerné à un centre de référence qui, soit assurerait directement sa prise en charge et son suivi, soit en déterminerait les modalités. Nous avons sollicité l'avis du CCNE avant d'élaborer un projet d'arrêté. Je pense donc que cette question est couverte par la loi en vigueur.

Enfin, monsieur Dharréville vous avez mis en regard les moyens employés et les finalités. Nous affectons les moyens financiers en fonction des choix que nous avons affichés. Nous engageons également des moyens financiers pour renforcer les centres d'AMP.

S’agissant de l’intelligence artificielle, nous aurons des débats intéressants sur les bases de données, en particulier en séance publique.

 

La réunion, suspendue à vingt-trois heures trente-cinq, est reprise à vingt-trois heures cinquante.

 

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Nous en venons aux questions des députés.

M. Maxime Minot. L'intervention de mon collègue Thibault Bazin, il l'a dit, ne reflète pas la position de l'intégralité de notre groupe. Je regrette d'ailleurs de n’avoir qu'une minute pour faire entendre une des voix des députés Les Républicains favorables à l'extension de la PMA pour toutes mais également à l'ensemble du projet de loi. J'ai, pour ma part, suivi l'intégralité des auditions de la commission spéciale, en retirant le sentiment que beaucoup d'interrogations subsistent.

S’agissant du don dirigé de gamètes, vous craignez un risque de monétarisation ou de pressions exercées sur les donneurs, mais il suffirait de s'inspirer de ce que prévoit la loi en matière de don d'organes entre vivants. Que pensez-vous du dispositif du « donneur dirigé », par lequel un couple proposerait un donneur, lequel alimenterait la banque de son don, ce qui réduirait les délais d'attente et augmenterait significativement les dons ?

Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon. Grâce à ce texte, de nombreuses familles vont bientôt pouvoir réaliser leur projet parental dans notre pays et faire reconnaître une filiation, qui sera établie pour chacun des parents. Peu importe le mode de conception, les liens de filiation devront toujours emporter les mêmes effets – des droits et des devoirs – au sein d'une famille, quelle qu'elle soit.

Durant l'examen de ce texte, mon seul objectif sera de m'attacher à l'intérêt supérieur des enfants, de tous les enfants, ceux qui vont naître, ceux qui sont déjà nés – avant la loi sur le mariage pour tous, par exemple –, ceux conçus par PMA en France ou à l'étranger, les enfants nés de familles hétéroparentales, homoparentales ou monoparentales, sans aucune distinction. Aussi, j'aimerais connaître le dispositif qui sera proposé par le Gouvernement pour remédier à l'absence de double filiation des enfants nés avant l’entrée en vigueur de la future loi.

M. Bruno Fuchs. Nous sommes nombreux à saluer les avancées majeures de ce texte. Deux des points de blocage qui demeuraient sont susceptibles d’être desserrés grâce à l'intervention de Mme la ministre de la justice.

Le projet de loi suscite de très grands espoirs chez nos concitoyens mais, dans l'état actuel de notre organisation de l’AMP, il y a de grands risques que ces espoirs se transforment en déception dans les prochaines années. La procédure est, en effet, beaucoup plus longue en France que dans les autres pays. L'efficacité de notre parcours est très relative : un couple sur deux quitte le parcours sans enfant, et un embryon implanté donne naissance à un enfant dans 16,5 % des cas, ce qui est l’un des taux les plus faibles d'Europe. Ce texte, qui va faire rêver certains, risque de susciter la déception s'il ne s'accompagne pas d'un plan de mise en œuvre extrêmement ambitieux.

Mme Annie Genevard. Si l’on ajoute des dispositions après le titre VII du code civil, que fera-t-on de son article 6-1, madame la garde des Sceaux ?

Si, pour un couple de femmes, la loi fonde désormais la filiation sur la volonté, qu'est ce qui empêchera un couple d'hommes, demain, sur la base de l'égalité des droits qui vous est chère, de revendiquer la même chose et de soutenir la légalisation de la GPA ?

Comment pouvez-vous être certaines, mesdames les ministres, que l'effacement de l'altérité masculine, c'est-à-dire du père, dans la filiation ne soit pas préjudiciable à l'intérêt supérieur de l'enfant – l’enfant, dont il a finalement été assez peu question durant les auditions ?

M. Raphaël Gérard. Je faisais sans doute partie des députés les plus réservés vis-à-vis de l'option qui avait été retenue pour le mode d'établissement de la filiation pour les couples de femmes. Je ne peux donc que me réjouir des annonces que vous avez faites, madame la garde des Sceaux. La solution qui se dessine me paraît être un bon compromis. Vous avez à plusieurs reprises employé le terme de « projet parental », qui me semble fondamental. J'ai moi-même proposé un amendement pour consacrer cette notion, qui me semble de nature à résoudre un certain nombre de difficultés.

Si l’on ouvre la PMA à toutes les femmes, c'est naturellement pour que les opérations d'AMP se déroulent sur le territoire français. Cependant, outre la possibilité d’une pénurie de gamètes, on ne peut pas écarter l'éventualité que des PMA se poursuivent à l’étranger, soit parce qu'elles sont déjà engagées, soit pour des raisons de simplicité. Les femmes qui auront recours à la PMA à l'étranger seront-elles éligibles au nouveau dispositif ?

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur Minot, vous évoquez la possibilité que des couples amènent leur donneur aux banques ou aux CECOS, de manière à pouvoir bénéficier d’un don sans qu’il s’agisse d’un don dirigé. Une telle pratique a eu cours dans certains CECOS pendant de nombreuses années, parfois sans le dire. Elle est très discriminante en termes d’égalité, l’accès à l’AMP dépendant alors de votre milieu socio-culturel, de votre fratrie, de vos amis. Nous ne souhaitons pas inscrire dans la loi cette disposition qui obligerait des personnes ne souhaitant pas nécessairement parler de leur infertilité à solliciter des donneurs dans leur entourage. Si je vois bien l’intérêt potentiel d’un tel dispositif, je mesure aussi toutes les difficultés qu’il entraînerait sur le terrain.

Mme Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la justice. Madame Vanceunebrock-Mialon, la loi n’étant pas rétroactive, il va de soi que nous allons veiller à ce qu’il ne puisse pas y avoir de double filiation, qui est un interdit du code civil. Nous maintenons donc la situation actuelle.

Madame Genevard, l’article 6-1, article fondamental du code civil, sera maintenu. Toutefois, il ne devrait plus renvoyer à tout le titre VII du livre Ier du code civil, mais aux chapitres Ier à IV, le chapitre V devant, lui, être applicable à la filiation avec AMP. Nous allons prévoir une disposition de coordination. Il va de soi que l’article 6-1 est tout à fait essentiel pour les droits reconnus aux enfants.

Vous craignez un glissement de la filiation établie sur un projet parental, ou en tout cas sur la volonté, vers la GPA. Je rappelle que nous sommes toujours totalement arc-boutés sur les questions de non-marchandisation et d’indisponibilité du corps humain, principes qui l’emportent clairement dans notre droit. Il n’est pas question ici d’égalité, et nos principes fondamentaux l’emportent sur cet éventuel glissement.

Monsieur Gérard, rien n’interdit dans le texte de prendre en compte les enfants qui seraient nés d’une PMA à l’étranger si les mères ou les parents ont procédé, comme l’exigera notre droit et comme il l’exige pour les couples hétérosexuels, à un consentement à l’AMP et à une reconnaissance conjointe pour les mères. Il va de soi que tout le dispositif que nous élaborons est fait pour éviter que les PMA ne s’effectuent à l’étranger, avec les coûts que cela entraîne. Pour autant, lorsque la loi sera votée, nous ne refuserons pas, évidemment, d’établir la filiation dans ce cadre-là.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur Fuchs, vous suggérez que le faible taux de succès des PMA en France appelle un plan ambitieux. Ambitieux, le plan l’est, mais il convient de relativiser l’impact de l’ouverture de la PMA aux couples de femmes sur les procédures de PMA en France. Actuellement, il y a 150 000 tentatives de PMA par an dans notre pays. Nous ouvrons cette procédure à 2 000 couples ou femmes non mariées supplémentaires, ce qui est un volume absorbable. Grâce à un soutien financier des centres d’AMP et une campagne de promotion du don, nous serons tout à fait capables de recevoir ces couples.

Une cartographie des centres d’AMP sera réalisée par la direction générale de l’offre de soins (DGOS), pour connaître leurs forces et leurs faiblesses. Nous suivrons également la montée en charge du dispositif avec les professionnels. Nous adapterons, d’ailleurs, les missions d’intérêt général (MIG), les financements dédiés. Les besoins financiers que nous avons évalués sont assez faibles par rapport à ce que représente la PMA dans son ensemble. Clairement, les droits doivent être effectifs, et nous engagerons les moyens nécessaires.

Madame Genevard, la garde des Sceaux vient d’indiquer clairement que la GPA était contraire à nos principes éthiques. Il n’y a donc pas lieu d’en discuter.

Nous avons examiné, notamment aux États-Unis où ces pratiques existent depuis longtemps, quel impact pouvait avoir sur les enfants le fait de vivre dans une famille monoparentale ou de couple homosexuel. Des études ont également été réalisées dans les pays européens où ces pratiques sont permises depuis longtemps. Il ne ressort de ces études aucune alerte d’aucune sorte sur des difficultés qu’auraient ces enfants à se construire dans ces familles monoparentales ou de couples homosexuels. Toutes concluent à une construction tout à fait adéquate de l’enfant.

Mme Monique Limon. Je m’associe aux compliments de mes collègues pour saluer ce projet de loi qui marque une avancée notable dans les droits des femmes.

Le CCNE s’est montré favorable à l’ouverture de la PMA post mortem ; en revanche, le Conseil d’État a soulevé quelques difficultés : l’enfant serait marqué par le récit identitaire ; il faudrait faire attention aux pressions familiales ; il faudrait aménager le droit de la filiation et le droit des successions afin d’intégrer l’enfant à naître dans la lignée du défunt. Nous devons donc nous interroger dès lors que l’on autorise la PMA pour les femmes non mariées. Cela dit, à titre tout à fait personnel, je maintiens que l’enfant pourrait être entravé dans son processus de construction identitaire. Je souhaiterais connaître votre point de vue sur ce sujet.

M. Alain Ramadier. Pour faire face à la hausse de la demande de gamètes que l’ouverture de la PMA va nécessairement engendrer, la France pourrait être tentée d’importer des gamètes en provenance d’autres pays, par exemple du Danemark, où la pénurie de gamètes a pu être palliée par la mise en place d’un système de rémunération des donneurs. Recourir à des gamètes issus de pays tiers ne serait pas sans risque sur le plan éthique, puisque cette facilité contreviendrait aux deux principes phares de notre droit : la gratuité du don et la non-marchandisation du corps humain. Comment se prémunir d’un tel risque ? Ne faudrait-il pas graver dans le marbre de la loi l’interdiction de recourir aux importations de gamètes provenant de pays ne respectant pas nos principes bioéthiques ?

M. Cyrille Isaac-Sibille. Je m’exprime à titre personnel et non au nom du groupe du Mouvement Démocrate et apparentés.

Le projet de loi pose la question des modèles familiaux sur lesquels nous souhaitons construire notre société. De par le monde, il existe de nombreux modèles familiaux, tel le matriarcat, et tout type de modèle peut se concevoir. Même au sein de la République française, il existe d’autres modèles comme le modèle polynésien coutumier.

Lors des auditions, plusieurs intervenants ont parlé de déconstruire notre modèle, qui repose jusqu’à aujourd’hui sur la notion de couple. Ce terme fort m’a interpellé. Madame la garde des Sceaux, quelle est la définition juridique du couple dans notre droit ? Le projet de loi est flou à ce sujet et n’apporte aucune précision quant aux liens qui doivent unir un couple pour accéder à la PMA.

Madame la ministre des solidarités et de la santé, le modèle familial basé sur le couple, qu’il soit homosexuel ou hétérosexuel, permet de créer la première cellule de solidarité pour la prise en charge éducative et matérielle de l’enfant. En permettant aux femmes seules d’accéder à la PMA, nous instaurons l’existence de familles « uniparentales ». J’utilise ce néologisme pour les différencier des familles monoparentales, qui sont généralement subies. Ne craignez-vous pas d’aller vers une société de plus en plus individualiste où la solidarité ne serait plus exercée que par les collectivités et l’État ?

M. Jacques Marilossian. En dehors des recherches à finalité médicale ou scientifique, le législateur doit être vigilant sur ce qu’on appelle les manipulations d’embryons humains. Malgré la convention d’Oviedo, d’autres pays n’ont pas les mêmes garde-fous – la Chine et les États-Unis, par exemple. Je ne suis pas certain non plus que tous nos partenaires européens aient une législation bioéthique. Nous savons que des recherches plus avancées, déjà en cours à travers le monde, sont parfois éthiquement dangereuses. Notre législation nationale n’apparaît-elle pas un peu faible face à ces programmes de recherche privés ou étrangers déjà bien avancés ? Dans quelle mesure se confronte-t-elle à celle de nos voisins ? Ne pourrions-nous pas convenir de normes éthiques plus élaborées au sein même de l’Union européenne et des organisations internationales, afin de mieux encadrer, autoriser et sanctionner les recherches sur l’embryon humain ?

Mme Elsa Faucillon. J’aimerais avoir des précisions sur les modifications apportées en matière de filiation. Si les propositions que vous faites me semblent aller dans le bon sens, j’avoue ne pas totalement comprendre le procédé de reconnaissance anticipée pour les couples de femmes. Madame la garde des Sceaux, vous disiez vouloir protéger juridiquement la filiation pour les couples de femmes au cas où un homme souhaiterait pouvoir dire qu’il est le père. Cela est important et je partage votre objectif, mais c’est vrai aussi pour les couples hétérosexuels qui ont recours à la PMA avec tiers donneur. Je souhaite que votre réponse aille dans le sens de ce que j’ai cru comprendre : qu’il n'y ait pas de distinction dans la reconnaissance anticipée, et que ce qui existe pour les couples hétérosexuels faisant appel à un tiers donneur soit appliqué pour les couples de femmes.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Madame Limon, aujourd’hui une femme qui est dans une démarche de PMA et qui perd son conjoint brutalement peut proposer que les embryons en cours de conservation au moment du décès soient accueillis par un autre couple, mais elle ne peut demander leur transfert in utero. De facto, l’accueil d’embryons est très rare, les couples qui s’engagent dans un projet parental ne souhaitant pas accueillir des embryons qui ont été pensés dans un autre projet parental. C’est une réalité qu’il convient de prendre en compte.

Dans un souci de cohérence, on peut considérer que si l’on autorise la PMA aux femmes seules, il serait logique d’autoriser la PMA post mortem, et de permettre à des femmes ayant perdu leur conjoint d’accéder aux gamètes de celui-ci, à ses spermatozoïdes dans le cas d’un certain type d’infertilité, ou à un embryon congelé s’il existe, puisqu’on les autoriserait à accéder à un tiers donneur. On comprend le désarroi d’une femme qui perd son conjoint alors qu’elle est dans une démarche de PMA, et qui se verrait refuser la réimplantation d’un embryon ou les gamètes de son conjoint alors qu’on l’autoriserait à avoir ceux d’un tiers donneur.

Pour autant, après avoir beaucoup réfléchi, il nous apparaît que le deuil crée une situation qui n’est évidemment pas celle d’une femme impliquée dans une démarche de projet parental isolé. Pour avoir entendu des témoignages de femmes qui se sont engagées dans une démarche de PMA alors qu’elles n’étaient pas mariées, j’ai pu constater que ce projet était mûrement réfléchi, qu’il intervenait après qu’elles avaient pris acte qu’elles n’auraient pas de conjoint ou de compagnon. Il s’agit souvent d’un projet parental très assumé, concerté avec la famille, avec une capacité d’accueil très puissante de l’enfant à naître.

Le deuil, brutal, nous semblerait susciter plusieurs risques, en premier lieu pour l’enfant à naître qui aurait à en supporter le poids. L’AMP post mortem ne représente pas du tout le même investissement que celui d’une femme célibataire engagée dans une démarche d’AMP. Il pourrait y avoir une forme de transfert de l’image paternelle vers l’enfant du poids du deuil. Face aux risques qui pourraient peser sur sa construction, nous ne sommes pas certains de pouvoir garantir l’intérêt supérieur de l’enfant qui a été évoqué tout à l’heure.

Deuxièmement, il nous semble que ces femmes peuvent être en situation de vulnérabilité et faire l’objet de pressions. Sociétale, d’une part – tu étais en couple, tu aimais ton mari, tu as un embryon congelé, pourquoi ne vas-tu pas au bout de ce projet ? Familiales, d’autre part, par exemple de la part des parents d’un défunt fils unique, qui demanderaient des petits-enfants. En fait, alors qu’elles auraient le droit de faire leur deuil et de penser à une autre vie, de se projeter dans une autre famille, nous ne sommes pas certains de pouvoir garantir à ces femmes une liberté totale de choix.

En résumé, nous n’avons pas la garantie que l’intérêt de l’enfant serait préservé ; nous ne pensons pas pouvoir assimiler la démarche d’une femme célibataire allant vers une PMA à celle d’une femme en deuil ; nous ne considérons pas non plus comparable la situation d’une femme enceinte qui perd son conjoint par un accident à celle d’une femme qui concevrait un enfant posthume longtemps après le décès d’un conjoint. Voilà pour le plan éthique ; pour le plan juridique, je laisse la parole à Mme la garde des Sceaux.

Mme Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la justice. La PMA post mortem pose des problèmes en termes d’établissement de la filiation vis-à-vis du défunt, qui nécessiterait des dispositions ad hoc. Elle pose également des problèmes de succession. Notre droit précise qu’il faut exister à l’instant de l’ouverture de la succession ou avoir déjà été conçu et naître viable. La PMA post mortem pose des problèmes de règlement de la succession. Par exemple, lors d’une succession, si un partage a déjà été fait, il conviendrait de revenir sur ce partage lors de la naissance éventuelle de l’enfant ; ou bien il faudrait différer le partage jusqu’à la naissance. Évidemment, rien n’est impossible – le droit n’est qu’un outil –, mais nous sommes vraiment là face à une très grande complexité. C’est un autre élément qui vient à l’appui de la réflexion de Mme Buzyn.

Monsieur Isaac-Sibille, vous demandez quelle est la définition juridique du couple, notion qui apparaît à plusieurs reprises dans le projet de loi. Un couple, ce sont deux personnes qui, sans distinction de leur statut juridique, s’engagent à partager des éléments mis en commun et une vie ensemble. Le Conseil constitutionnel a jugé qu’il existait trois modes d’établissement du couple : le mariage, le PACS et le concubinage, indépendamment du sexe des personnes concernées. Nous avons là, je crois, une définition du couple assez claire et que nous utilisons, me semble-t-il, à bon escient.

Madame Faucillon, vous m’interrogez à nouveau sur la distinction juridique dans le mode d’établissement de la filiation. Nous avons souhaité établir la sécurité juridique des deux mères et de l’enfant. Dès lors qu’il y aura consentement à l’AMP et reconnaissance conjointe, la filiation de l’enfant sera établie à l’égard des deux mères. Pour un couple hétérosexuel non marié qui a recours à une PMA – les choses sont différentes pour un couple marié puisque nous fondons notre raisonnement sur la vraisemblance biologique –, il y aura, de la même manière, consentement à l’AMP et reconnaissance anticipée ou reconnaissance au moment de la naissance. On a donc bien, dans les deux cas, deux actes.

Nous avons fait le double choix – c’est un choix politique que nous assumons – de ne pas toucher au mode d’établissement de la filiation pour les couples hétérosexuels tel qu’il est établi actuellement. Il s’agit d’une loi sur la bioéthique qui pose un principe d’ouverture de l’AMP aux couples de femmes et en tire les conclusions en matière de filiation, mais qui, pour autant, ne bouleverse pas l’entièreté du droit de la filiation. Nous aurions pu le faire s’il s’était agi d’une loi sur la famille ou sur la filiation, mais ce n’est pas le cas. Nous ne touchons donc pas au mode d’établissement de la filiation pour les hétérosexuels ; nous ouvrons des droits pour les couples de femmes, et nous calons ce mode d’établissement de la filiation au plus près de l’un des deux modes d’établissement de la filiation pour les couples hétérosexuels, c’est-à-dire sur la base d’une reconnaissance.

Nous avons voulu la simplicité et la sécurité, mais aussi le respect d’une forme de réalité et de singularité pour les couples de femmes. Un couple de femmes qui va donner naissance à un enfant, ce n’est pas exactement la même chose que lorsqu’il s’agit d’un couple hétérosexuel. Nous prenons acte de cette réalité. Comme je l’ai dit tout à l’heure, nous nous appuyons sur cette réalité pour proposer un nouveau mode d’établissement de la filiation fondé sur un projet parental et sur un acte de volonté, ce qui n’existe pas jusqu’à présent et qui, me semble-t-il, est très riche et très porteur.

Nous avons donc, dans ce projet, à la fois la sécurité, la simplicité, avec un rapprochement très étroit avec l’un des deux modes d’établissement de la filiation pour les couples hétérosexuels, mais aussi la reconnaissance d’un nouveau mode d’établissement de la filiation qui me semble être très riche pour les couples de femmes. Je ne vois pas pourquoi il faudrait à tout prix qu’on revendiquât pour elles une filiation de type classique, fondée sur la vraisemblance biologique.

Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Monsieur Marilossian, la recherche en matière de bioéthique est une compétence des États ; il n’y a pas de cadre général au niveau européen. Néanmoins, il existe des instruments de régulation et d’harmonisation, comme la convention d’Oviedo au plan international, et les questions de bioéthique sont l’un des thèmes de travail du Conseil de l’Europe. Il peut y avoir des prises de position communes au niveau européen, voire au niveau international. On l’a observé cet été, après la divulgation des expérimentations chinoises : le vif émoi qui a saisi tous les comités d’éthique des différents pays européens et d’autres, a conduit les sociétés savantes et la réunion mondiale des comités d’éthique initiée par l’OMS à prendre des positions et à proposer un moratoire qui a été récemment publié dans Nature, selon le principe que les pays s’appuient sur les lois existant dans les uns ou les autres pour construire ces moratoires et proposer des positions communes. À cet égard, les lois de bioéthique françaises peuvent donc servir de modèle à d’autres pays de l’Union européenne.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur Ramadier, vous demandez que soient interdites les importations de dons non éthiques. En France, il est déjà interdit d’importer des gamètes des banques étrangères. Le projet de loi n’entend certainement pas remettre en cause cette interdiction essentielle, précisément parce qu’elle fixe que les dons doivent être éthiques, selon l’éthique à la française, et respecter des normes de qualité et de sécurité des gamètes. C’est ce qui permet d’ailleurs la prise en charge en France. Notre responsabilité sera de tout faire pour satisfaire la demande, les besoins et la montée en charge potentielle, sachant que je vous ai donné des chiffres laissant penser qu’elle est absorbable du point de vue numérique. Un plan national, piloté par l’Agence de la biomédecine, a été lancé en 2017 pour favoriser le don de gamètes. Comme je l’ai déjà dit, nous accompagnerons cette montée en charge, et nous serons très vigilants quant à notre capacité à satisfaire les besoins.

Monsieur Isaac-Sibille, vous m’interrogez sur l’ouverture de la PMA aux femmes non mariées. On ne peut pas faire l’amalgame entre une parentalité isolée choisie et une monoparentalité subie. Les témoignages montrent que des femmes seules qui s’orientent dans une démarche de PMA ont mûrement réfléchi leur projet, analysé les difficultés. Je pense qu’elles ne sont pas sujettes aux mêmes risques que les familles monoparentales telles qu’on en connaît dans la société, qui se caractérisent par un taux de pauvreté élevé, des difficultés à maintenir le lien social, des dépressions parfois parentales, voire des violences conjugales. Toutes les études montrent que la monoparentalité en tant que telle n’a pas de conséquences sur le développement de l’enfant. Certes, on connaît les difficultés que rencontrent les enfants dans les familles monoparentales qui sont en situation de détresse, notamment de pauvreté, mais on n’a pas démontré qu’être élevé dans une famille monoparentale exposait l’enfant à un risque psychologique particulier. D’ailleurs, l’adoption est d’ores et déjà permise aux couples homosexuels et aux parents isolés, ce qui prouve que le législateur a déjà, quelque part, répondu à cette question.

Mme Florence Provendier. Ma question s’inscrivant dans la droite ligne de celle posée par mon collègue Cyrille Isaac-Sibille, je prends note de vos propos, madame Buzyn. Pourriez-vous, néanmoins, nous éclairer sur la façon d’atteindre le juste équilibre, dans le cadre du projet parental par AMP d’une femme seule non mariée, entre l’avis de l’équipe qui l’accompagnera et l’intérêt supérieur de l’enfant ? Dans l’accompagnement a priori, comment évaluer les ingrédients, notamment psychologiques, pour être sûr que, dans l’intérêt supérieur de l’enfant, on préserve bien l’intérêt de tout le monde ?

Mme Emmanuelle Ménard. Ce soir, j’ai entendu parler de progrès, de modernité mais surtout d’égalité. En cette matière, le projet de loi me semble parfois paradoxal, voire contradictoire.

Il ne s’agit évidemment pas de parler des modes de vie. La seule question qui nous est posée est de déterminer si nous pouvons, au regard de l’égalité, de la justice et de l’éthique, décider de priver délibérément et sciemment des enfants de père dès avant leur conception. Il me semble que l’extension de la PMA telle que vous l’envisagez créerait des inégalités nouvelles. D’abord, parmi les enfants, entre ceux qui auront un père et une mère et ceux qui auront été privés de père par la société, et parmi les enfants qui seront nés de PMA avec tiers donneur, entre ceux qui auront le droit de connaître leurs origines avant l’âge de dix-huit ans et ceux qui n’y auront accès qu’après dix-huit ans. Ensuite, entre femmes et hommes, les unes ayant accès à un mode de procréation qui leur permettrait d’avoir un enfant et les autres non, la gestation pour autrui étant, à ce jour, interdite en France. Cette situation ne sera pas tenable dans le temps ; nous en viendrons forcément, dans cette logique, à la gestation pour autrui, donc à la marchandisation des corps des femmes.

M. Didier Martin. Madame la garde des Sceaux, quelles raisons vous ont poussée à choisir le terme de « femme non mariée » plutôt que ceux de « femme célibataire » ou de « femme seule » ? Les femmes pacsées n’étant pas mariées, pourront-elles s’engager seules vers la PMA, sans le consentement de leur conjoint pour les accompagner ?

M. Philippe Gosselin. Madame la ministre des solidarités et de la santé, comment garantirez-vous l’absence de dumping éthique, qui existe aujourd’hui pour les greffes, le sang et les gamètes ? Comment garantir que le marché n’imposera pas sa loi, sachant qu’il y a en France du plasma qui provient d’Autriche et qu’en Espagne les ovocytes sont rémunérés ? Comment l’État compte-t-il réellement assurer la protection et la non-marchandisation des corps ?

Madame la garde des Sceaux, il y a, dites-vous, une filiation de toutes pièces sur le plan juridique, un droit nouveau qui crée un droit à l’enfant. Comment espérez-vous circonscrire ce droit à certaines catégories de personnes, sans avoir à l’étendre à d’autres qui pourraient le revendiquer au nom de l’égalité ?

Mme Martine Wonner. Ce projet de loi est un magnifique texte en ce qu’il crée de nouveaux droits. Cependant, la procédure d’accès aux origines telle qu’elle est prévue risque de laisser de côté les enfants nés en France d’AMP au sein des couples hétérosexuels. Adoptée en l’état, cette procédure permettrait aux enfants issus de dons d’avoir accès, à leur majorité, aux informations non identifiantes ou à l’identité du donneur, s’ils en font la demande et à condition, bien sûr, qu’ils sachent qu’ils sont nés d’un don. L’enfant issu d’une AMP au sein d’un couple composé d’une femme et d’un homme ne le sait aujourd’hui et ne le saura demain que si ses parents le lui disent. Sinon, impossible pour lui d’avoir accès à ses origines.

À ce propos, je défendrai, avec le soutien de nombreux collègues, un amendement visant à proposer aux parents, dès la naissance de l’enfant, un accompagnement psychologique pour les aider dans ce processus. Qu’il faille faire confiance aux parents, j’en suis d’accord, mais ne pensez-vous pas que cela risque d’être insuffisant dans quelques cas ? Aller plus loin pourrait consister à établir le principe d’une déclaration d’intention de la part des parents. Qu’en pensez-vous ?

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Madame Provendier, actuellement tous les couples qui sont dans une démarche d’AMP ont une évaluation pluridisciplinaire. La prise en charge des femmes non mariées sera totalement superposée à celle des couples, avec des entretiens d’évaluation pluridisciplinaire autour du projet parental et de la capacité d’accueillir l’enfant. Aujourd’hui, tout le monde n’accède pas à la PMA. On peut imaginer qu’il y ait un refus des équipes médicales, qui en ont le droit. Les démarches seront exactement les mêmes que pour les couples qui bénéficient d’une AMP, avec un accompagnement psychologique, voire social si besoin. Cela vaudra pour tout le monde, et c’est inscrit dans le texte de loi.

Madame Ménard, la possibilité de connaître ses origines avant l’âge de dix-huit ans n’est pas prévue par la loi. Vous avez utilisé le principe d’égalité pour dérouler des conséquences : je le répète, une loi de bioéthique n’est pas une loi d’égalité des droits. Ce que dit le Défenseur des droits, à travers le prisme propre à sa fonction, ne répond pas tout à fait aux questions de bioéthique. Celles-ci interrogent chaque technique, de façon totalement dissociée, pour déterminer si elles sont contraires à notre éthique ou pas. Ce n’est pas le principe d’égalité qui fait évoluer une loi de bioéthique, c’est l’appréciation que nous portons, à l’aune de leurs valeurs éthiques, sur les nouveaux progrès qui arrivent, une nouvelle technique médicale ou une nouvelle capacité à faire de la recherche, pour savoir si nous les rendons disponibles ou non pour la société française. C’est la seule façon de procéder dans les lois de bioéthique.

Mme Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la justice. Monsieur Martin, la situation juridique n’est pas la même entre la femme mariée ou non mariée et la femme pacsée. Autoriser une femme mariée à pratiquer seule une AMP avec tiers donneur, soit que le mari aurait refusé le recours à l’AMP, soit qu’il ne serait tout simplement pas au courant de la démarche de sa femme, présente la difficulté que le mari pourrait se voir appliquer une présomption de paternité, le mariage entraînant une telle présomption. Pour une femme pacsée, les incidences du PACS en matière de filiation ne sont pas du tout identiques. C’est la raison pour laquelle, pour les couples non mariés, le concubin ou le partenaire de la mère qui a eu recours toute seule à l’AMP ne serait pas tenu de reconnaître l’enfant issu d’une AMP. D’où cette rédaction qui prend en compte les différences de situation par rapport à la filiation.

Monsieur Gosselin, vous évoquez un « droit à l’enfant » : nulle part dans le texte un tel droit n’est mentionné ! Nous considérons qu’un projet parental peut se construire, se dessiner, qu’il peut être celui d’un couple hétérosexuel ou d’un couple de femmes lesbiennes, mais nous n’estimons pas qu’il y a de droit à l’enfant. C’est même exactement l’inverse d’une certaine manière, puisque, à l’article 6-1 du code civil dont parlait Mme Genevard tout à l’heure, nous allons ajouter l’article 6-2 suivant, qui précisément n’évoque pas le droit à l’enfant mais les droits de l’enfant, qui nous ont servi de point d’appui : « Tous les enfants dont la filiation est légalement établie ont, dans leurs rapports avec leurs parents, les mêmes droits et les mêmes devoirs. » Ainsi, l’idée n’est pas du tout celle d’un droit à l’enfant, mais au contraire d’un projet parental qui est mûri, et de droits et de devoirs de l’enfant, donc pas exactement l’optique que vous alléguiez.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Vous avez aussi parlé de marchandisation, craignant que le marché n’impose sa loi. Actuellement, en France, aucune technique de greffe n’a abouti à la moindre marchandisation, et c’est heureux. Je pense que notre éthique est pleinement préservée et que l’ensemble des structures médicales et scientifiques ainsi que les professionnels sont très attachés au maintien de la gratuité et à la non-marchandisation. Le marché n’impose pas sa loi dans le champ de la bioéthique, il ne l’a jamais fait et ne le fera pas plus maintenant.

Vous faites l’analogie avec le sang ou les médicaments dérivés du sang. Ces derniers, en tant que médicaments, obéissent à un marché mondial. C’est complètement différent du don du sang. Aujourd’hui, le sang, les produits sanguins labiles, sont éthiques en France, qui est autosuffisante pour ces produits issus du don du sang. Ce dernier participe du bénévolat, qui assure la gratuité ; les donneurs sont très attachés à ces grands principes éthiques et y sont très vigilants. Ne mêlez donc pas le don du sang et les médicaments dérivés du plasma, qui répondent à la définition d’un médicament dans un contexte international que nous connaissons.

Madame Wonner, je comprends l’attachement de tous au fait que les enfants nés de PMA avec tiers donneur dans les couples hétérosexuels puissent, eux aussi, accéder à leurs origines. À l’heure actuelle, les parents concernés bénéficient déjà d’un accompagnement psychologique et social par des équipes pluriprofessionnelles. La loi évoluant, il est évident que ces équipes vont très fortement suggérer aux parents de s’inscrire dans la démarche consistant à indiquer à leurs enfants qu’ils sont nés de PMA avec tiers donneur.

Je dois ici rappeler le chemin parcouru en termes d’adoption. Il y a vingt ans, les parents s’efforçaient de trouver des enfants leur ressemblant physiquement, ce qui permettait de garder le secret sur l’adoption – les enfants eux-mêmes n’apprenaient la vérité que tardivement, voire jamais. Aujourd’hui, les parents d’enfants adoptés parlent librement de l’origine de leurs enfants et de leur adoption. Une telle attitude est devenue la norme : je ne connais pas de famille où l’adoption d’un enfant soit encore entourée du secret.

Il faut arrêter de s’angoisser sur le fait que ces enfants-là n’accéderont pas à leurs origines. Premièrement, n’importe quel citoyen français pourra s’adresser au CNAOP pour demander s’il est né d’un don, même s’il ne dispose initialement d’aucune information sur ce point. Deuxièmement, je pense que, dans vingt ans, la question du secret de famille aura disparu avec la simplification et l’ouverture plus large de la PMA, notamment pour les couples homosexuels.

Cela dit, l’accompagnement psychologique des parents d’enfants nés de PMA avec tiers donneur est déjà prévu dans les règles de bonnes pratiques des centres d’AMP.

Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Sur ce point, on peut ajouter que la situation sera complètement différente lorsque le don ne sera plus anonyme. Actuellement, on ne connaît pas l’origine du donneur dans une PMA avec donneur : même si les parents concernés peuvent dire à leurs enfants qu’ils sont issus d’une PMA avec donneur, ils sont dans l’incapacité d’en dire davantage.

Désormais, le don sera accompagné de l’accord du donneur pour qu’à partir de l’âge de dix-huit ans, l’enfant puisse avoir accès à des données identifiantes ou non identifiantes sur son origine. Cela va transformer les choses, car ce ne sont pas leurs parents que cherchent les enfants adoptés ou nés de PMA avec donneur – leurs parents, ce sont les personnes qui les ont élevés –, mais plutôt la possibilité de s’inscrire dans une histoire. En ce sens, la possibilité de connaître le donneur va aussi modifier le comportement des familles.

M. Xavier Breton. Madame la garde des Sceaux, vous avez indiqué instaurer un nouveau mode d’établissement de la filiation, fondé sur le projet parental et sur l’acte de volonté. Si l’on se fonde sur ce principe, qu’est-ce qui va empêcher d’aller vers la multiparentalité, c’est-à-dire la possibilité pour trois adultes, par exemple, de revendiquer le fait d’être parents, dans une logique d’égalité ? Il est d’autant plus légitime de se poser cette question qu’il y a déjà des demandes en ce sens, comme on l’a entendu lors des auditions. À partir du moment où vous ne fondez plus la filiation sur l’altérité sexuelle et le fait qu’un couple est composé du « un » et du « deux », qu’est-ce qui empêchera une dérive vers la notion de pluriparentalité, c’est-à-dire le fait qu’il y ait plus de deux parents ?

M. Pierre-Alain Raphan. Merci, mesdames les ministres, pour la grande ambition de ce texte qui permet aussi d’encadrer l’utilisation de l’intelligence artificielle par une vision socialement responsable et de réaffirmer le principe de garantie humaine dans le traitement des algorithmes.

S’agissant des données de santé, comment peut-on s’assurer qu’elles seront stockées sur des espaces non soumis à l’extraterritorialité des lois, notamment les lois américaines dans le cadre du Cloud Act, qui va à l’encontre du règlement général de la protection des données (RGPD) ? En d’autres termes, comment comptez-vous garantir pleinement la vie privée et l’intimité des citoyens français en matière de données de santé ?

M. Brahim Hammouche. Des craintes ont été exprimées au sujet d’une potentielle dérive vers des pratiques qui feraient penser à l’eugénisme. Or l’eugénisme résulte d’une intention, formalisée par une législation. Il n’y aurait rien de tout cela dans le cadre d’une autorisation de diagnostic préimplantatoire (DPI) : nous serions simplement en concordance avec ce qui se passe aujourd’hui en France, puisque les trois quarts des grossesses font l’objet d’un diagnostic et que 96 % des cas où une maladie grave de l’embryon est découverte aboutissent à une interruption thérapeutique de grossesse – ce taux atteint 100 % dans d’autres pays européens.

Comme l’ont mis en évidence les auditions d’un certain nombre de professionnels, notamment des cytogénéticiens et des membres du CCNE, il serait souhaitable d’étendre le DPI, d’une part, pour augmenter le potentiel d’implantation – nous n’en sommes aujourd’hui qu’à 20 % de réussite –, d’autre part, pour permettre au projet parental d’aboutir en toute sérénité. J’ajoute que cela renforcerait notre politique d’inclusion du handicap dans la société en permettant aux couples de choisir plutôt que de subir, et à la société d’inclure plus fortement.

Mme Caroline Fiat. On ne peut que regretter la décision du CCNE de laisser l’euthanasie à la lisière de la présente loi de bioéthique. L’euthanasie est un sujet crucial et, par-delà leurs convictions politiques et religieuses, 89 % des Français se prononcent en faveur de sa légalisation. La représentation nationale doit s’emparer pleinement de ce débat : ce n’est pas un parti qui le réclame, mais toute une époque, toute une société. Nous sommes en 2019 et le courage veut que nous parlions de l’euthanasie, comme, en 1975, le courage et les dégâts de l’opacité législative qui régnait alors ont conduit Simone Veil à défendre le droit à l’IVG.

Mes chers collègues, j’ai déposé une proposition de loi sur le sujet l’an dernier. Ne laissons pas la société avancer sans nous, ne laissons pas les Français privés de la possibilité de choisir de choisir pleinement les conditions de leur fin de vie. Nous avons déposé des amendements relatifs à cette question dans le cadre du présent projet de loi bioéthique : mesdames les ministres, accepterez-vous que le débat ait lieu ?

Mme Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la justice. Monsieur Breton, je ne vois pas comment le risque de multiparentalité, pour reprendre les termes que vous avez employés, pourrait advenir, dans la mesure où des dispositions du code civil l’interdisent. En vertu de l’article 320 du code civil, tant qu’une filiation n’a pas été contestée, on ne peut établir de double filiation dans une même ligne. Cet article n’étant absolument pas remis en question par le projet de loi, je ne vois pas du tout comment une triple filiation serait possible : il pourra y avoir deux mères ou un père et une mère, mais en aucun cas trois parents.

Monsieur Raphan, vous avez exprimé la crainte que les données parentales soient accaparées, par exemple via le Cloud Act, ce qui pourrait nous en faire perdre la maîtrise. Or la représentation nationale a voté les mesures de transposition du  RGPD et la modification de la loi de 1978 qui les accompagnait. Pour ce qui est du Cloud Act, il ne saurait s’appliquer en France en l’absence de réciprocité entre notre pays et les États-Unis. Certes, les Américains souhaitent que des accords bilatéraux soient conclus afin de permettre cette réciprocité dans l’échange de données et d’ouvrir la possibilité de demander à des opérateurs de transférer des données, y compris des contenus, mais aujourd’hui de tels accords n’existent pas. Le cas échéant, ce ne sont d’ailleurs pas des accords bilatéraux qui seraient négociés, mais un accord entre les États-Unis et l’Union européenne – je le répète, ce n’est pas le cas à l’heure où nous parlons. Je ne suis donc pas certaine qu’en l’état actuel des choses, le Cloud Act représente un risque en termes de transfert de données.

Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Je précise qu’en France, rien de ce qui est relatif aux données de santé ne se trouve dans le cloud : ce type de données fait l’objet d’un stockage sécurisé au moyen d’infrastructures de serveurs prévues et financées, notamment dans le plan France Médecine génomique, ainsi que de très grandes infrastructures de recherche mises en place grâce à des financements européens. L’Europe est tout à fait consciente de l’importance d’être capable de stocker des données, notamment des données sensibles telles que celles relatives à la santé.

Cela dit, il est très important d’expliquer à nos compatriotes que leurs données ne sont pas protégées quand ils téléchargent et utilisent une application qui leur permet de compter leurs pas ou de mesurer les battements de leur cœur, ou encore quand ils frottent l’intérieur de leur joue avec un coton-tige et envoient celui-ci par la poste à une société afin d’obtenir leur séquence ADN – ce qui constitue, je le rappelle, une pratique formellement interdite.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Madame Fiat, si ce projet de loi sur la bioéthique ne comporte aucune mesure relative à la fin de vie, c’est d’abord parce que ces deux questions sont bien distinctes et l’ont toujours été sur le plan de la législation. Pour qu’une question figure dans une loi de bioéthique, il faut qu’elle fasse appel à une technique médicale et au progrès médical, ce qui n’est pas le cas de la fin de vie : aujourd’hui, nous savons mettre fin à la vie de quelqu’un sans avoir recours à des techniques particulières. Comme cela a toujours été le cas, la fin de vie doit être abordée dans le cadre de lois à part, relevant de l’éthique pure.

Pour ce qui est du sondage que vous évoquez, je crois que les Français mettent beaucoup de choses derrière le mot « euthanasie » : ce qu’ils veulent avant tout, c’est une fin de vie apaisée. Nombre d’entre eux ne connaissent pas la loi Claeys-Leonetti, qui répond déjà en très grande partie aux difficultés auxquelles peuvent être actuellement confrontées les équipes médicales face à des fins de vie dans le cas de pathologies chroniques ou sévères, et aux inquiétudes des Français quant à leur capacité d’avoir une fin de vie apaisée. Il ne faut donc pas brandir ce sondage comme s’il s’agissait d’un sondage sur l’euthanasie, et bien faire la distinction entre, d’une part, l’accompagnement de fin de vie et, d’autre part, l’euthanasie active qui peut être proposée dans certains pays, notamment à des personnes qui ne sont pas malades. Les questions de l’euthanasie et de la fin de vie peuvent faire l’objet d’un débat, mais ce n’est pas à moi de décider des thèmes dont le Parlement doit discuter, et je répète que le présent projet de loi relatif à la bioéthique ne comporte aucune mesure concernant la fin de vie.

Monsieur Hammouche, vous dites que l’eugénisme relève d’une intentionnalité, ce qui est vrai à l’échelon d’une nation. En revanche, quand le choix est possible à l’échelon individuel, il ne s’agit pas d’un eugénisme décidé au niveau de l’État, mais d’une pratique tolérée de facto par la société. Si je comprends bien la distinction que vous établissez entre cette pratique et celle d’un eugénisme mis en place par un État dictatorial, comme on a malheureusement pu en connaître, il me semble qu’une extension du DPI pourrait, par glissements successifs, ouvrir progressivement la voie à la notion d’exigence d’un enfant sain.

Aujourd’hui, les généticiens et les obstétriciens me parlent régulièrement de l’amyotrophie spinale, une maladie qui a pour conséquence pour les enfants qui en sont porteurs de souffrir d’insuffisance respiratoire et de mourir généralement à l’âge de deux ans, dans d’horribles conditions. En l’absence de traitement, toutes les équipes estiment qu’il vaut mieux ne pas laisser naître des enfants porteurs de cette pathologie qui peut être facilement détectée, puisqu’elle est monogénique, et j’entends ce raisonnement. Mais que dire d’une maladie dont on meurt non pas en deux ans, mais en cinq ou en quinze ans ? Que dire d’une maladie dont on ne meurt pas, mais avec laquelle on vit dans d’atroces souffrances ? Que dire de toutes ces pathologies qui étaient mortelles à brève échéance il y a cinq ou dix ans, et avec lesquelles les malades peuvent désormais vivre au-delà de trente ans grâce aux nouveaux traitements qui prolongent la durée de vie, comme c’est le cas pour la mucoviscidose ?

Quelles maladies faudrait-il détecter, et qui en déciderait ? Moi qui ai présidé la Haute Autorité de santé, je peux vous dire que j’aurais refusé une saisine de ce type-là. Il ne suffit pas de dire qu’on va détecter les maladies génétiques graves, car ce que chacun met derrière le mot « grave » est très variable : même au sein de cette salle, il y en aurait plusieurs définitions.

Je pense que l’analyse génétique des embryons aboutirait à une société qui n’aurait pas décidé d’être eugéniste, mais qui finirait tout de même par offrir la possibilité à tous les couples de faire procéder à une analyse génétique afin qu’ils soient sûrs d’avoir un enfant sans maladie – sans que l’on sache précisément quelles maladies sont absolument inacceptables –, car il pourrait paraître étrange que les couples bénéficiant d’une AMP puissent choisir d’écarter le risque d’avoir un enfant malade, alors que tous les autres y seraient exposés. Je ne vois vraiment pas comment nous pourrions nous opposer à l’évolution sociétale par rapport à la demande d’avoir un enfant sain.

Pour ce qui est des aneuploïdies, toutes les équipes ne sont pas d’accord sur les chances de succès d’une AMP dans ce cas, au point qu’elles souhaitent la mise en place d’un programme hospitalier de recherche clinique, c’est-à-dire d’une étude ayant pour objet d’évaluer le risque réel en fonction des différentes anomalies constatées. Si les aneuploïdies augmentent le risque de fausse couche, celle-ci peut être provoquée par de nombreuses autres causes, comme l’a indiqué Frédérique Vidal.

Les progrès de la science, notamment en matière d’AMP, aboutissent parfois à ce qu’on détecte sur des embryons des anomalies qui n’auraient pas été décelées autrefois. Il ne faut donc pas faire croire aux parents que les tests sont de nature à régler tous les problèmes. Enfin, quand on effectue une analyse caryotypique, on ne peut décider d’examiner seulement une partie des chromosomes : ils sont tous étalés de façon très visible sur une lame. Dès lors, que fait-on quand on détecte une trisomie 21, un syndrome de Klinefelter ou des anomalies des chromosomes porteurs du X et du Y ? Pour ma part, je ne vois pas quels parents pourraient décider de réimplanter un embryon potentiellement porteur d’une anomalie génétique.

La notion d’eugénisme intentionnel ne me paraît pas très pertinente car, si l’idée d’une société intentionnellement eugéniste fait horreur, ce n’est pas de cela qu’il est question ici : j’évoque, pour ma part, une dérive potentielle, qu’on ne verra même pas venir. C’est justement tout l’intérêt d’une loi de bioéthique que de permettre de débattre et de tirer ainsi le fil de toutes les nouvelles possibilités offertes par les avancées de la science.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Mes chers collègues, nous arrivons au terme de soixante heures d’auditions, et celle qui s’achève à l’instant est la première à se terminer à l’heure prévue. Je remercie les administrateurs qui ont réussi à établir un calendrier d’auditions intéressantes dans un temps contraint – et en une période estivale peu propice à ce type d’exercice. Je remercie également les rapporteurs pour tout le travail effectué en cette occasion. Je remercie l’ensemble de nos collègues pour le climat serein et apaisé dans lequel nos débats ont pu avoir lieu, et j’espère que le même climat prévaudra au cours de la seconde phase qui va s’ouvrir demain, celle de l’examen des amendements. Enfin je vous remercie, mesdames les ministres, pour la disponibilité dont vous avez fait preuve ce soir et les réponses que vous avez apportées à nos questions.

 


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   Commentaires des articles

 

TITRE Ier

ÉLARGIR L’ACCÈS AUX TECHNOLOGIES DISPONIBLES
SANS S’AFFRANCHIR DE NOS PRINCIPES ÉTHIQUES

Chapitre Ier
Permettre aux personnes d’exercer un choix éclairé
en matière de procréation dans un cadre maîtrisé

Article 1er
Élargissement de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules

Adopté par la commission avec modifications

    Résumé du dispositif initial

L’article 1er étend aux couples de femmes ainsi qu’aux femmes seules l’accès aux techniques d’assistance médicale à la procréation (AMP).

Ce faisant, il supprime le critère d’infertilité pathologique ou de transmission d’une maladie d’une particulière gravité qui conditionne aujourd’hui l’accès à l’AMP. Toutes les techniques d’AMP pourront être proposées aux couples ainsi qu’aux femmes seules. Placées sur un pied d’égalité, les bénéficiaires de cette extension à l’accès de l’AMP se verront proposer l’ensemble de la palette des techniques disponibles. Il reviendra à l’équipe médicale d’apprécier le recours à telle ou telle d’entre elles en fonction de la situation rencontrée là où le droit actuel propose un encadrement strict. Dans tous les cas, l’accès aux techniques est subordonné à une « évaluation médicale et psychologique » préalable réalisé par l’équipe médicale clinicobiologique pluridisciplinaire chargée de l’AMP.

L’article 1er supprime en outre l’interdiction du double don de gamètes.

Enfin, il prévoit la prise en charge de l’AMP par la sécurité sociale quels qu’en soient les demandeurs.

    Modifications apportées par la commission

La commission a procédé à plusieurs modifications :

– elle a d’abord supprimé la mention de l’évaluation psychologique, considérant qu’elle faisait partie intégrante de la prise en charge par l’équipe pluridisciplinaire, tout en maintenant l’évaluation médicale (amendement n° 2020 et amendements n° 601 et identiques) ;

– elle a ensuite adopté deux amendements visant à réaffirmer le principe de non-discrimination dans l’accès à l’assistance médicale à la procréation (amendement n° 2018) ainsi que dans l’évaluation opérée par l’équipe pluridisciplinaire (amendement n° 1769) ;

– à l’initiative du rapporteur, elle a introduit la « séparation de corps » comme motif de rupture de parcours d’AMP, revenant ainsi au droit actuel (amendement n° 2237) ;

– sur proposition du rapporteur, elle a adopté un amendement visant à prévoir la mise en place d’une étude de suivi portant sur l’AMP, le devenir des receveurs et des enfants issus du don (amendement n° 2239) ;

– elle adopté un amendement visant à préciser le principe de gratuité dans le cadre de l’accueil d’embryon par un autre couple ou une femme mariée : elle a ainsi substitué à la notion d’absence de paiement celle d’absence de contrepartie, dont la portée est plus large (amendement n° 1878) ;

– à l’initiative du rapporteur, elle a adopté deux amendements visant, d’une part, à informer les personnes engagées dans un parcours d’AMP des dispositions prévues en cas de décès (amendement n° 2243) et, d’autre part, à assortir le dossier-guide, qui leur est remis, d’informations portant sur l’accès aux origines personnelles (amendement n° 2244) ;

– en adoptant l’amendement n° 1918, elle a entendu préciser que la décision d’accès à l’AMP doit être prise par le médecin de l’équipe pluridisciplinaire ayant participé aux entretiens préalables avec les couples ou les femmes mariées ;

– elle a enfin prévu une évaluation du nouveau dispositif, qui fera l’objet d’un rapport au Parlement (amendement n° 1979).

I.   Le droit en vigueur

Les conditions générales de l’assistance médicale à la procréation (AMP) sont prévues par les articles L. 2141-1 à L. 2141-12 du code de la santé publique. Aux termes de l’article L. 2141-1, l’AMP « s’entend des pratiques cliniques et biologiques permettant la conception in vitro, la conservation des gamètes, des tissus germinaux et des embryons, le transfert d’embryon et l’insémination artificielle ».

1.   L’AMP recouvre plusieurs techniques

Comme souligné dans le rapport d’information portant sur la révision de la loi relative à la bioéthique ([3]), l’AMP « recouvre plusieurs techniques qui permettent de répondre à différents problèmes de fertilité, sans pour autant en traiter la cause. Elles peuvent faire appel ou non à un don de gamètes par un tiers ».

On distingue ainsi :

– l’insémination artificielle consistant à injecter le sperme du conjoint (insémination artificielle intraconjugale) ou issu d’un don (insémination artificielle avec donneur) au fond de la cavité utérine de la femme à l’aide d’un cathéter. La fécondation se fait selon le processus naturel in vivo, c’est-à-dire à l’intérieur du corps de la femme. En 2017, 49 367 tentatives d’insémination artificielle ont conduit à la naissance de 5 868 enfants ;

– la fécondation in vitro (FIV) pour laquelle la rencontre de l’ovule et du spermatozoïde ainsi que les premières étapes du développement embryonnaire se produisent à l’extérieur du corps de la femme. La FIV dite classique fait se rencontrer les gamètes dans une boîte de culture quand la FIV par injection intra-cytoplasmique (FIV-ICSI) consiste à injecter un spermatozoïde unique directement dans le cytoplasme de l’ovule. Les embryons ainsi obtenus sont conservés avant d’être implantés dans l’utérus, cette dernière opération étant appelée « transfert d’embryon ». En 2017, 64 043 tentatives de fécondation in vitro (y compris avec don de gamètes) ont permis la naissance de 12 266 enfants. Si l’on y ajoute les 38 054 tentatives effectuées à partir de la décongélation d’embryons, le nombre de naissances s’élève à 19 728.

– l’accueil d’embryons provenant d’un autre couple. En 2017, 147 tentatives ont conduit à la naissance de 18 enfants.

Globalement, 151 611 tentatives d’AMP ont été recensées en 2017 quelles que soient les techniques utilisées. Elles ont permis la naissance de 25 614 enfants.

2.   L’AMP se caractérise par sa finalité médicale

● Recouvrant une palette d’actions mais aussi de procédés techniques (congélation ultra-rapide, stimulation ovarienne, etc.), l’AMP est aujourd’hui réservée aux couples, hétérosexués, pour lesquels a été notamment diagnostiquée une infertilité d’origine pathologique.

Selon l’article L. 2141-2 du code de la santé publique, l’AMP poursuit une finalité médicale en étant réservée à trois situations distinctes. Elle est proposée :

– en cas d’infertilité pathologique du couple médicalement diagnostiquée ;

– pour éviter la transmission à l’enfant d’une maladie d’une particulière gravité ;

– pour éviter la transmission à l’un des membres du couple d’une maladie d’une particulière gravité. Le rapport sur l’application de la loi de bioéthique produit par l’Agence de la biomédecine mentionne ainsi « les maladies virales telles que les infections par le VIH ou les virus des hépatites B et C » ([4]).

● Au-delà de ce cadre général, le code de la santé publique prévoit des critères d’accès aux différentes techniques proposées. Tel est par exemple le cas de l’insémination artificielle avec donneur (IAD). L’article L. 2147-1 prévoit ainsi une mise en œuvre dans trois cas de figure : le risque d’une transmission d’une maladie d’une particulière gravité à l’enfant ou à l’un des membres du couple, l’échec de précédentes tentatives d’AMP au sein du couple ou le renoncement à une AMP au sein du couple. Tel est aussi le cas de l’accès à la FIV, l’article L. 2141-6 disposant que la technique est proposée « lorsque les techniques d’assistance médicale à la procréation au sein du couple ne peuvent aboutir ».

● L’accès à la technique est réservé aux couples formés d’un homme et d’une femme « vivants, en âge de procréer » et devant « consentir préalablement au transfert des embryons ou à l’insémination ».

À la différence du droit civil qui emploie rarement le terme de couple
– ainsi, lorsqu’il s’agit de prévoir les conséquences de l’AMP sur la filiation, le code civil emploie les termes d’époux et de concubins –, le code de la santé publique y fait de nombreuses références, notamment pour préciser les conditions de l’assistance médicale à la procréation.

Il faut en déduire que la notion de couple revêt un caractère pluriel couvrant différents cas de figure tel que le mariage ou le concubinage. Au demeurant, les motifs faisant obstacle à l’AMP font référence à la dissolution du mariage, à la séparation de corps mais surtout à la cessation de la communauté de vie. Exigence constitutive du mariage, cette notion s’inscrit aussi au cœur du pacte civil de solidarité (l’article 515-4 du code civil prévoit que les partenaires liés par un pacte civil de solidarité (PACS) s’engagent à une vie commune) mais aussi du concubinage (l’article 515-8 du même code évoque le concubinage en tant qu’ « union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité »). S’agissant du PACS, le Conseil constitutionnel a précisé que la notion de vie commune « ne couvre pas seulement une communauté d’intérêts et ne se limite pas à l’exigence d’une simple cohabitation entre deux personnes » ([5]). En somme, la communauté de vie, qu’elle concerne le PACS ou le concubinage, semble de même nature que dans le mariage.

Aucun texte législatif ne prévoit de critères encadrant la condition d’âge, comme cela a pu être souligné par le rapport d’information portant sur la révision de la loi relative à la bioéthique. L’Agence de la biomédecine appelle de ses vœux une clarification en la matière ([6]), cette dernière ayant été fixée par le législateur pour éviter certaines dérives. Dans le cadre actuel, l’approche de l’Agence se fonde sur un avis de son conseil d’orientation qui prend en compte l’intérêt de l’enfant aussi bien que la réussite des techniques d’AMP ou l’arrêt du fonctionnement gonadique justifiant une différence d’approche entre l’homme et la femme. L’état de la science suggère à cet effet une limite d’âge de 43 ans pour la femme et de 60 ans pour l’homme.

Sur ce fondement, l’Agence de la biomédecine a été amenée à refuser l’exportation de gamètes recueillis en France dans le cadre d’une AMP réalisée à l’étranger. Par deux arrêts du 17 avril 2019, le Conseil d’État considère que « compte tenu du large consensus existant dans la communauté scientifique et médicale », la fixation par l’Agence de la biomédecine de l’âge de procréer à 59 ans pour l’application de l’article L. 2141-2 du code de la santé publique est légale ([7]).

Les membres du couple devant être vivants, il en résulte que le décès de l’un d’entre eux fait obstacle à l’insémination ou au transfert d’embryons. Cette exigence, formulée au deuxième alinéa de l’article L. 2141-2 du code de la santé publique, proscrit de ce fait la procréation post mortem. Le rapporteur renvoie à cet effet au rapport de la mission d’information sur la révision de la loi relative à la bioéthique qui en rappelle notamment les enjeux.

3.   L’encadrement des techniques d’AMP

Diverses dispositions encadrent le recours à l’AMP. Elles s’inscrivent dans la philosophie générale qui anime le recours au don (principe d’anonymat, de gratuité, consentement). Elles visent plus spécifiquement à préciser le régime du recours au don de gamètes, la finalité de la conception de l’embryon en l’arrimant au projet parental et à formaliser le principe du consentement lors de la mise en œuvre de l’AMP.

a.   Un cadre juridique du don de gamètes ou d’embryon qui ne s’écarte pas des principes de droit commun

i.   Les principes de gratuité et d’anonymat

À l’instar des règles conditionnant le don des éléments et produits du corps humain, l’accueil de l’embryon est effectué dans des conditions de gratuité et d’anonymat. Pour le don de gamètes, ces dispositions figurent dans le code civil (chapitre 2 du titre 1er du livre 1er) comme dans le code de la santé publique, au sein du livre II de la première partie relatif aux « don et utilisation des éléments et produits du corps humain ».

Le don de gamètes s’inscrit donc dans le cadre des règles générales applicables à l’ensemble des éléments et produits du corps humain. L’article L. 1211-4 dispose ainsi qu’« aucun paiement, quelle qu’en soit la forme, ne peut être alloué à celui qui se prête au prélèvement d’éléments de son corps ou à la collecte de ses produits ». L’article L. 1211-5 dispose quant à lui que le « donneur ne peut connaître l’identité du receveur, ni le receveur celle du donneur. Aucune information permettant d’identifier à la fois celui qui a fait don d’un élément ou d’un produit de son corps et celui qui l’a reçu ne peut être divulguée. ». Enfin, seule la nécessité thérapeutique peut permettre de déroger au principe d’anonymat. Des dispositions propres au don de gamètes interdisent la subordination du bénéfice d’un don « à la désignation par le couple receveur d’une personne ayant volontairement accepté de procéder à un tel don en faveur d’un couple tiers anonyme » (article L. 1244-7).

L’embryon n’étant ni un élément du corps humain, ni revêtu de la personnalité juridique, les dispositions entourant son accueil se trouvent à l’article L. 2141-6 du code de la santé publique, dans le chapitre relatif à l’AMP. Son troisième alinéa garantit l’anonymat du don puisque « le couple accueillant l’embryon et celui y ayant renoncé ne peuvent connaître leurs identités respectives ». Son cinquième alinéa dispose en outre qu’« aucun paiement, quelle qu’en soit la forme, ne peut être alloué au couple ayant renoncé à l’embryon ».

ii.   Le consentement

● Quelle que soit la technique utilisée, le consentement reste au cœur de la mise en œuvre de l’AMP. Cette formalité substantielle est rappelée au deuxième alinéa de l’article L. 2141-2 du code de la santé publique.

La finalité médicale autant que la nécessité du consentement justifient la mise en place d’entretiens particuliers des demandeurs avec les membres de l’équipe du centre pratiquant l’AMP, ne serait-ce que pour s’assurer que les conditions de l’article L. 2141-2 sont effectivement remplies. La teneur et la portée de ces entretiens sont précisées par l’article L. 2141-10.

Ces entretiens apportent aux couples l’ensemble des éclairages juridiques, techniques et éthiques propres à la formalisation du consentement. Aux termes de l’article L. 2141-10 du code de la santé publique, ces entretiens permettent de « vérifier la motivation » des membres du couple, de leur rappeler les « possibilités ouvertes par la loi en matière d’adoption », de les informer « des possibilités de réussite et d’échec des techniques » ou de « l’impossibilité de réaliser un transfert des embryons conservés en cas de rupture du couple ou de décès d’un de ses membres » et de leur remettre un document faisant état du droit en vigueur relatif à l’AMP et à l’adoption ainsi que des techniques d’AMP.

Ils conditionnent aussi l’accès à la technique à une appréciation médicale puisqu’une décision du médecin peut y faire obstacle. Cette disposition ne peut finalement s’expliquer qu’au regard de la finalité strictement médicale de l’AMP.

● Le consentement étant rattaché au couple en tant qu’il est constitué de deux membres, la dissolution de celui-ci (divorce, séparation de corps ou cessation de communauté de vie) ou la révocation du consentement par l’un des deux membres met fin au projet d’AMP.

● Hormis ces deux hypothèses, le code de la santé publique prévoit d’autres cas de figure nécessitant le recueil du consentement des membres du couple, pour s’assurer du devenir de l’embryon.

Le devenir de l’embryon est d’abord conditionné par le consentement des membres du couple à l’origine de sa conception.

Avant la conception des embryons, le consentement par écrit est recueilli pour que « soit tentée la fécondation d’un nombre d’ovocytes pouvant rendre nécessaire la conservation d’embryons, dans l’intention de réaliser ultérieurement leur projet parental » (article L. 2141-3) mais aussi pour que les « embryons, non susceptibles d’être transférés ou conservés, fassent l’objet d’une recherche » (article L. 2141-3) ou encore pour l’accueil par un autre couple (article L. 2141-5).

Après la conception des embryons, les membres du couple sont consultés chaque année pour savoir si leur projet parental est maintenu (article L. 2141-4). Faute de projet parental, le consentement écrit est requis soit pour l’accueil des embryons par un autre couple, soit pour la recherche, soit pour la destruction (article L. 2141-4). Il fait l’objet d’une confirmation par écrit « après un délai de réflexion de trois mois ».

Le devenir de l’embryon ne requiert plus de consentement si « l’un des deux membres du couple consultés à plusieurs reprises ne répond pas sur le point de savoir s’il maintient ou non son projet parental », s’il y a désaccord des membres du couple sur le maintien du projet parental ou sur le devenir des embryons. Dans ces trois cas de figure, il « est mis fin à sa conservation si la durée de celle-ci est au moins égale à cinq ans ». De la même manière, il est mis fin à la conservation de l’embryon qui n’aurait pas fait l’objet d’un accueil dans le délai de cinq ans à compter du consentement donné par le couple donneur.

Le décès d’un des membres du couple faisant obstacle à la réalisation du projet parental, des dispositions spécifiques sont également prévues.

L’article L. 2141-5 prévoit ainsi que le membre survivant est consulté par écrit pour savoir s’il consent à l’accueil des embryons conservés par un autre couple. De la même manière, le consentement lui échoit pour la destination de l’embryon à la recherche ou à la destruction. La circonstance du décès allonge le délai de réflexion de trois mois à une année à compter du décès sauf « initiative anticipée » du membre survivant.

b.   Des dispositions spécifiques aux techniques d’AMP

i.   L’encadrement du recours aux gamètes

L’encadrement du don de gamètes couvre un interdit ainsi qu’une procédure d’autorisation dans le cadre d’échanges internationaux.

L’article L. 2143-3 dispose que l’embryon ne « peut être conçu avec des gamètes ne provenant pas d’un au moins des membres du couple ». En d’autres termes, l’embryon peut être soit conçu avec les gamètes des deux membres du couple (procréation endogène), soit par l’appariement des gamètes d’un membre du couple et d’un tiers donneur (procréation exogène). Comme le rappelle l’étude d’impact, cette interdiction a été posée dans un « contexte où coexistent une pénurie de gamètes et l’existence d’embryons surnuméraires qui ne font plus l’objet d’un projet parental et peuvent être accueillis par d’autres couples » ([8]).

La protection des gamètes s’applique aussi dans le cadre des échanges internationaux. Rappelant la conception de l’embryon à partir des gamètes d’au moins un des membres du couple, l’article L. 2141-9 charge l’Agence de la biomédecine d’autoriser l’entrée ou la sortie sur le territoire français d’embryons « destinés à permettre la poursuite du projet parental ». L’article L. 2141-11-1 charge l’Agence de la biomédecine d’autoriser ou non « l’importation et l’exportation de gamètes ou de tissus germinaux ».

Les autorisations délivrées par l’Agence de la biomédecine

Le dernier rapport de l’ABM révèle qu’« entre le 19 juin 2008 (date du décret d’application) et le 1er décembre 2017, 391 autorisations d’importation ou exportation de gamètes ou tissus germinaux ont été délivrées par l’Agence (27 décisions de refus) » ([9]).

C’est principalement à travers la contestation devant le juge administratif des décisions de l’Agence de la biomédecine relatives à la circulation internationale des gamètes qu’un certain nombre de questions se posent sur la portée des interdits français.

Le rapport de la mission d’information sur la révision de la loi relative à la bioéthique rappelle ainsi qu’« en 2016, la haute juridiction a eu à se prononcer sur le refus de l’Agence de la biomédecine d’autoriser l’exportation vers l’Espagne des gamètes de son mari défunt à une requérante espagnole pour y poursuivre son projet parental. À la différence de la France, l’Espagne autorise en effet la pratique de l’insémination post mortem. Hospitalisé dans un hôpital parisien, le mari y avait effectué un dépôt de gamètes mais n’avait pas eu le temps de faire de même dans son pays d’origine, son état s’étant aggravé ; il était ensuite décédé des suites de sa maladie. Estimant que le refus de l’Agence de biomédecine portait une atteinte excessive aux droits et aux libertés protégés par la CEDH, en l’espèce le respect de la vie privée et de la vie familiale, le Conseil d’État a autorisé l’exportation des gamètes tout en assortissant sa décision d’une condition : le consentement du mari défunt » ([10]).

On rappellera les décisions rendues plus récemment par le Conseil d’État sur l’exportation de gamètes au regard de l’âge requis pour la procréation ([11]).

ii.   La protection de l’embryon

La conception d’un embryon in vitro ne peut être réalisée que « dans le cadre et selon les objectifs » d’une AMP. Cet embryon ne peut ni être conçu à des fins exclusives de recherche ni utilisé à des fins commerciales ou industrielles. La protection juridique de l’embryon procède de la mise en œuvre du projet parental qui façonne en quelque sorte son destin.

L’achèvement du projet parental, l’échec ou la renonciation peut mettre fin à cette protection. Si le projet parental disparaît, alors le destin de l’embryon pourra se conclure par sa destruction ou par un don en faveur de la recherche. L’accueil de l’embryon par un autre couple permet toutefois de prolonger cette protection en rattachant l’embryon à un nouveau projet parental.

Les techniques d’AMP ne se caractérisent pas par un taux de réussite significatif. Pour augmenter les chances de voir aboutir le projet parental, l’article L. 2141-3 du code de la santé publique prévoit la possibilité de féconder plusieurs ovocytes et partant de conserver plusieurs embryons en vue d’un transfert dans l’utérus pour la poursuite de leur développement. Le même article prévoit par ailleurs que toute nouvelle tentative de FIV suppose le transfert préalable de tous les embryons conservés « sauf si un problème de qualité affecte ces embryons ». Se pose alors la question du devenir des embryons conservés qui ne feront pas l’objet d’un transfert soit en raison d’un problème de qualité affectant leur développement dans l’utérus, soit parce que l’arrivée au monde d’un enfant, procédant d’un transfert réussi, met fin au projet parental. Ces embryons surnuméraires sont aujourd’hui conservés, leur finalité étant étroitement liée à la poursuite ou non du projet parental. Faute de projet parental, il est mis fin à leur conservation au bout d’un délai de cinq ans à moins que l’embryon soit accueilli par un autre couple, ou qu’il fasse l’objet d’une recherche.

La protection de l’embryon s’applique aussi dans le cadre des échanges internationaux. Rappelant la conception de l’embryon à partir des gamètes d’au moins un des membres du couple, l’article L. 2141-9 charge l’Agence de la biomédecine d’autoriser l’entrée ou la sortie sur le territoire français d’embryons « destinés à permettre la poursuite du projet parental ».

Les autorisations délivrées par l’Agence de la biomédecine

Le dernier rapport de l’ABM révèle qu’« entre le 22 décembre 2006 (date du décret d’application) et le 1er décembre 2017, 44 autorisations de déplacement d’embryon ont été délivrées » ([12]).

iii.   L’intérêt de l’enfant et la préservation du cadre familial justifient un consentement devant le notaire en matière de filiation

L’établissement de la filiation justifie dans certains cas des modalités particulières de recueil du consentement qu’il s’agisse de l’insémination artificielle avec donneur (IAD) ou d’accueil d’embryon.

Le consentement du couple receveur fait écho à celui du couple donneur ou de son membre survivant. Il s’effectue dans des modalités particulières puisqu’il doit être recueilli par un notaire.

Cette disposition est en effet étroitement liée aux modalités d’établissement de la filiation. Pour l’AMP, l’établissement du lien de filiation s’appuie sur le jeu des présomptions de maternité (article 311-25 du code civil) et de paternité (article 312 du code civil) ou sur la reconnaissance (article 316 du code civil). Parce qu’ils font intervenir un tiers, l’IAD ou l’accueil d’embryon justifient que la filiation soit établie au regard du couple demandeur dans l’intérêt de l’enfant à naître et de la famille.

En cas d’insémination artificielle avec tiers donneur (IAD), l’article 311-20 du code civil dispose ainsi que le consentement donné à une procréation médicalement assistée interdit toute action aux fins d’établissement ou de contestation de la filiation. L’article L. 2141-6 du code la santé publique dispose que « les conditions et les effets de ce consentement sont régis par l’article 311-20 du code civil » s’agissant de l’accueil d’embryon.

On notera que s’agissant de l’IAD, le recueil du consentement par le seul notaire n’est possible que depuis la mise en application de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Avant l’application de ce texte, le recueil du consentement pouvait concurremment concerner le juge. Le rapport de première lecture de notre assemblée justifie cette évolution « dans la mesure où cette formalité ne suppose pas de contrôle des conditions légales posées pour […] recourir [à l’AMP] mais a seulement pour objet d’informer le couple des conséquences de ses actes en matière de filiation ».

4.   Une finalité médicale justifiant une prise en charge par l’assurance maladie

Comme le souligne le rapport d’information sur la révision de la loi relative à la bioéthique, « la prise en charge de l’AMP par l’assurance maladie repose sur l’article L. 160-8 du code de la sécurité sociale, en raison de sa dimension pathologique, et sur une décision de l’UNCAM, s’agissant des conditions de prise en charge ».

Le recours aux techniques d’AMP entre à cet effet dans le champ du 1° de l’article L. 160-8 précité, qui prévoit « la protection sociale contre le risque et les conséquences de la maladie », « la couverture des frais de médecine générale et spéciale », la prise en charge « des frais de biologie médicale » et de ceux « relatifs aux actes d’investigation individuels ».

La prise en charge couvre le financement de l’AMP en France mais aussi à l’étranger au titre de l’article R. 160-2 du code de la sécurité sociale pour les activités cliniques et biologiques d’AMP réalisées à l’étranger sous réserve d’un accord préalable de l’assurance maladie.

● Pour les centres d’AMP, le financement de l’AMP recouvre deux modalités différentes : le financement par les prestations facturables qui couvre l’hospitalisation pour ponction d’ovocytes, effectuée en hôpital de jour, les actes biologiques de FIV sans ou avec micromanipulation (ICSI) et le transfert d’embryons intra-utérin par voie vaginale ainsi que le financement par le biais d’une dotation forfaitaire au titre d’une mission d’intérêt général.

Dans le premier cas, les recettes prennent appui de la manière suivante :

– la ponction d’ovocytes, effectuée dans le cadre ambulatoire, fait l’objet d’un financement dans le cadre de la tarification à l’activité (T2A). Un tarif moyen issu des groupes homogènes de séjour (GHS) est fixé afin de couvrir les frais afférents. Selon les données transmises par le ministère de la santé, le tarif s’élève à 1 450,41 euros pour le public lorsque la patiente est prise en charge dans le cadre d’un don d’ovocyte et 1 172,79 euros dans les autres cas et à 349,28 euros pour le secteur privé.

– l’acte biologique de FIV, qu’il soit classique ou avec micromanipulation (ICSI) fait l’objet d’un financement au titre de l’activité externe, indépendamment de la tarification à l’activité. Ces actes relèvent de la nomenclature des actes de biologie médicale (NABM) et sont pris en charge respectivement à hauteur de 418,50 euros et 675 euros.

– le transfert d’embryon comprend deux actes : le transfert intratubaire d’embryon (entre 121,36 euros et 153,62 euros selon la situation du centre) et le transfert intra-utérin d’embryon, par voie vaginale (52,25 euros) qui peut faire l’objet d’une prestation facturable en activité externe pour les établissements publics.

Dans le second cas, la dotation « mission d’intérêt général » (MIG) vise à compenser les surcoûts des activités de soins, principalement les équipements et personnels. Cette dotation permet de garantir le principe de neutralité financière pour les donneurs de gamètes en prenant en charge la totalité des dépenses non médicales du donneur, l’exonération du ticket modérateur et du forfait journalier. En 2018, la dotation MIG AMP s’élève à près de 19 millions d’euros.

● Pour les patients, les actes de procréation médicalement assistée sont pris en charge jusqu’au 43e anniversaire de la femme, sous accord préalable de la caisse primaire d’assurance maladie. Sont remboursées :

– une insémination artificielle par cycle, avec un maximum de six pour obtenir une grossesse. Selon les informations transmises au rapporteur, le coût moyen par patient s’élève à 1 454 euros pour une prise en charge par l’assurance maladie de 100 % ;

– quatre tentatives de fécondation in vitro pour obtenir une grossesse. Selon les informations transmises au rapporteur, le coût moyen par patient s’élève à 3 084 euros par patient pour chaque FIV standard, et à 4 184 euros pour une FIV ICSI, la prise en charge par l’assurance maladie est de 100 %.

II.   Les évolutions prévues par le projet de loi

L’article 1er étend aux couples de femmes ainsi qu’aux femmes seules l’accès aux techniques d’AMP. Ce faisant, il supprime le critère d’infertilité pathologique ou de transmission d’une maladie d’une particulière gravité qui conditionne aujourd’hui l’accès à l’AMP. Aux termes des diverses modifications, tous les couples hétérosexuels ou couples de femmes ainsi que les femmes seules pourront avoir accès aux différentes techniques d’AMP. Il n’en subordonne pas moins le recours à l’AMP à une « évaluation médicale et psychologique » préalable réalisé par l’équipe médicale clinicobiologique pluridisciplinaire. Il supprime en outre l’interdiction du double don de gamètes. Enfin, il vise à égaliser la prise en charge de l’AMP par la sécurité sociale quel qu’en soit le ou les demandeurs.

Le I procède à différentes modifications portant sur le chapitre Ier du titre IV du Livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique qui fixe les dispositions générales d’accès à l’AMP. Le II modifie le code de la sécurité sociale, pour la prise en charge des actes d’AMP.

A.   L’extension des conditions générales d’accès à l’AMP

Le 1° du I tend à modifier les articles L. 2141-2, relatif aux conditions d’accès à l’AMP, et L. 2141-3, qui a trait à la conception d’embryon in vitro. L’article L. 2141-7 relatif à l’accès à l’IAD étant concomitamment abrogé (3° du I), l’ensemble des demandeurs pourra avoir accès aux différentes techniques d’AMP. Si l’insémination intra-conjugale concerne exclusivement les couples hétérosexuels, l’IAD, la FIV comme l’accueil d’embryon pourront être proposés indépendamment de la situation du ou des demandeurs.

1.   Un assouplissement des critères d’accès

La nouvelle rédaction globale de l’article L. 2142-2 assouplit les conditions d’accès à l’assistance médicale à la procréation.

a.   L’élargissement aux couples de femmes et aux femmes seules

Le premier alinéa de l’article L. 2141-2 proposé fixe les nouvelles conditions d’accès à l’AMP et a vocation à se substituer aux deux premiers alinéas du même article dans sa rédaction actuelle. Cette substitution emporte plusieurs modifications.

Il procède à l’extension de l’AMP aux couples de femmes et à toute femme « non mariée ».

Le rapporteur renvoie aux travaux de la mission d’information l’analyse des enjeux liés à l’extension de l’AMP aux couples de femmes ainsi qu’aux femmes seules.

Il souhaiterait cependant faire part de quelques éléments d’appréciation. La notion de « femme non mariée » présente quelque difficulté d’articulation avec celle de couple hétérosexuel et de couple de femmes. Le critère de l’absence de mariage n’est pas suffisamment discriminant pour caractériser la situation d’une femme seule. Alors que la notion de couple renvoie à une réalité multiforme (mariage, pacs, concubinage), celle de « femme non mariée » ne lui fait pas écho. Elle ne permet pas d’exclure qu’une femme liée par un pacs ou en concubinage, par définition non mariée, formule un projet parental sans l’accord du conjoint. L’évaluation par l’équipe médicale pourra sans doute permettre de lever ce doute.

Selon les informations transmises au rapporteur, « cette question a fait l’objet de discussions au Conseil d’État. Le terme “femme non mariée”, a été retenu par préférence à d’autres termes comme “femme ne vivant pas en couple” par exemple ».

Le Gouvernement poursuit en indiquant qu’il « apparaît d’abord important d’exclure la femme mariée afin de préserver les droits du mari qui aurait refusé une AMP ou qui ne serait pas même informé de la démarche de son épouse ». Dans sa réponse à aux interrogations du rapporteur, il ajoute que « lorsqu’un enfant est conçu pendant le mariage, la filiation paternelle est établie à l’égard du mari de la mère par le jeu de la présomption de paternité » et que « cet établissement de la paternité par présomption est “automatique” ». Le Gouvernement souhaite « éviter de générer un contentieux à ce sujet ».

S’agissant des couples vivant en concubinage ou des partenaires liés par un PACS, « le problème se pose différemment : si le concubin ou le partenaire de la mère ne souhaite pas s’engager dans la procédure d’AMP, il peut ne pas reconnaître l’enfant qui en est issu. Étant donné qu’il n’aura pas lui-même consenti à l’AMP, il ne tombera pas sous le régime prévu à l’article 311-20 [du code civil] » et « sa responsabilité ne pourra pas davantage être recherchée ».

Cette rédaction n’empêche donc pas qu’une femme engagée dans un concubinage ou un PACS d’avoir recours à une AMP sans le consentement de son conjoint mais le Gouvernement « estime qu’il ne pourrait s’agir que de cas qui relèvent de la vie privée du couple et n’auraient en tout état de cause aucune incidence sur le concubin ou le partenaire en termes de filiation ».

Le rapporteur souhaite aussi apporter quelques précisions relatives à l’appariement des gamètes. Qu’il s’agisse d’une insémination ou d’une conception d’embryons, un appariement des gamètes est opéré par le personnel médical des centres d’AMP en application de recommandations de bonnes pratiques ([13]). Cet appariement est d’abord motivé par le « souci d’exclure tout facteur de risque présent chez le donneur ou chez le receveur » ([14]). En cas d’IAD ou de conception d’un embryon à partir des gamètes d’un des deux membres du couple, l’appariement participe aussi de la vraisemblance du lien entre le parent ne donnant pas ses gamètes et l’enfant qui sera issu de l’AMP. Il vise ainsi à prendre en compte les caractéristiques physiques et les groupes sanguins du couple receveur « dans la mesure du possible et si le couple le souhaite » ([15]). On peut supposer que la recherche de la vraisemblance du lien pourra être étendue aux couples de femmes dans les mêmes conditions.

Se pose toutefois la question s’agissant des femmes seules. Interrogé sur ses intentions, le Gouvernement a indiqué au rapporteur qu’il « n’y aura aucun choix possible de la part d’une femme seule » et que « l’appariement se fera en fonction des seules caractéristiques de la femme “dans la mesure du possible” et si la femme le souhaite comme aujourd’hui pour les couples hétérosexuels ».

b.   Un accès généralisé à toutes les techniques d’AMP disponibles

● Le premier alinéa de l’article L. 2141-2 proposé vise également à supprimer la finalité médicale consistant à « remédier à l’infertilité d’un couple ou [à] éviter la transmission […] d’une maladie d’une particulière gravité ».

L’étude d’impact justifie cette évolution car « le maintien de ce critère d’accès pour les couples hétérosexuels alors qu’il n’existera pas pour les femmes en couple ou célibataires […] aboutirait à créer une nouvelle inégalité, source potentielle de contentieux » ([16]). Reprenant les termes du rapport de la mission d’information sur la révision de la loi relative à la bioéthique, l’étude d’impact relève que l’AMP apportée aux couples hétérosexuels ne s’appuie pas toujours sur des critères pathologiques. Reprenant aussi l’évaluation du Conseil d’État, l’étude souligne que les progrès en matière de diagnostic préimplantatoire « rendent cette technique comparativement moins aléatoire qu’une procréation charnelle » ([17]). Cela étant, l’étude d’impact relativise cette évolution majeure en soulignant que « les contraintes et les désagréments d’un parcours en assistance médicale à la procréation (a fortiori en fécondation in vitro, technique rendue nécessaire pour un diagnostic préimplantatoire) ne laissent pas présager d’un recours massif aux techniques d’assistance médicale à la procréation par des couples hétérosexuels qui pourraient procréer naturellement » ([18]).

Toutes les conséquences de cette orientation en sont par ailleurs tirées dans les autres articles du code, qu’il s’agisse de la FIV (levée de l’interdiction du double don de gamètes à l’article L. 2141-3), de l’accueil à l’embryon faute d’aboutissement des techniques d’assistance médicale à la procréation au sein du couple (premier alinéa de l’article L. 2141-6) ou des conditions d’accès à l’IAD formulées par l’article L. 2141-7 (cf. 4° du présent A).

En d’autres termes, placés sur un pied d’égalité, l’ensemble des bénéficiaires aura accès à l’ensemble de la palette des techniques disponibles. Il reviendra à l’équipe médicale d’apprécier le recours à telle ou telle d’entre elles en fonction de la situation rencontrée là où le droit actuel propose un encadrement strict à l’instar de l’IAD.

S’agissant des couples hétérosexuels, l’insémination artificielle intraconjugale ou avec tiers donneur pourra être réalisée sans que l’on puisse exclure une FIV en cas d’échecs répétés, l’accueil d’embryon constituant enfin une dernière possibilité.

Les mêmes propositions pourront être formulées pour les couples de femmes à l’exclusion bien évidemment de l’IA intraconjugale. Le transfert d’embryons, consécutif à une FIV, nécessite toutefois de lever l’interdiction du double don de gamète lorsqu’aucun ovocyte ne peut être produit par la femme concernée (cf 2° du présent A).

S’agissant des femmes seules, la FIV pourra être privilégiée par rapport à l’IAD afin de limiter le risque de grossesse multiple par le transfert d’un embryon unique, ce que ne permet pas l’insémination avec sperme de donneur.

c.   L’accès aux techniques d’AMP justifie une évaluation préalable réalisée par une équipe médicale pluridisciplinaire

Le premier alinéa de l’article L. 2142-1 proposé tend à introduire une évaluation « médicale et psychologique » préalable à l’accès à l’AMP, signifiant ainsi que les techniques proposées s’inscrivent toujours dans un parcours médical.

L’évaluation médicale concernera tous les publics, notamment « parce que toute contre-indication doit être écartée au regard de la balance bénéfices/risques » ([19]). L’étude d’impact précise que le bilan d’infertilité classique sera maintenu pour les couples hétérosexuels « non pour objectiver l’existence d’une origine pathologique de leur infertilité mais pour adapter la prise en charge procréative et, le cas échéant, apporter des traitements complémentaires ». Cette évaluation permettra « d’identifier, au cas par cas (en fonction des éventuels risques personnels ou familiaux identifiés) et après un examen médical clinique, les examens complémentaires qui s’avèreront nécessaires avant de poursuivre la prise en charge » dans la mesure où « les femmes […] ne sont pas à l’abri d’anomalies de l’ovulation, d’obstruction des trompes de Fallope, d’obstacles mécaniques au niveau de l’utérus ou de maladies comme l’endométriose […] » ([20]).

S’agissant de l’évaluation psychologique, le Gouvernement a indiqué au rapporteur qu’elle « vise à identifier une fragilité ou un facteur de risque psychique susceptible d’être contraire à “l’intérêt de l’enfant à naître” ». Cette fragilité « peut être suspectée par l’équipe pluridisciplinaire lors des entretiens préalables (antécédents, contexte…) qui fait alors appel à un médecin qualifié en psychiatrie ou à un psychologue pour une évaluation spécialisée ».

Cette évaluation est réalisée dans les conditions prévues par l’article L. 2141-10 dans sa rédaction issue du présent article (cf. C du présent II).

d.   Le consentement constitue toujours une formalité substantielle

Le deuxième alinéa de l’article L. 2141-2 proposé maintient le principe du consentement préalable tant à l’insémination artificielle qu’au transfert d’embryon. Il remplace l’actuelle première phrase du deuxième alinéa qui pose des critères supplémentaires liés à l’âge de la procréation et au caractère « vivant » des membres du couple. La condition d’âge n’est pas supprimée pour autant mais fait l’objet d’un alinéa spécifique situé en fin d’article. On notera, à cet égard, que maintenir une rédaction requérant du bénéficiaire qu’il soit « en âge de procréer » n’aurait pas particulièrement été adapté à la situation des femmes seules. L’âge de procréation ne constitue pas un critère suffisamment discriminant pour exclure les femmes mineures, alors que les références au « couple » renvoient à une forme institutionnalisée, ouverte aux seules personnes majeures.

e.   Les obstacles à la réalisation de l’assistance médicale à la procréation

Le troisième alinéa procède au toilettage de la rédaction de la seconde phrase du dernier alinéa de l’article L. 2141-2 dans sa version actuelle. Il vise tout particulièrement à énumérer les conditions dans lesquelles l’insémination artificielle et le transfert d’embryons ne peuvent être conduits au bénéfice des couples demandeurs. Le droit actuel prévoit plusieurs situations depuis le décès d’un des membres du couple jusqu’à la révocation par écrit d’un des membres du couple, en passant par le divorce, la séparation de corps ou la cessation de la communauté de vie.

La nouvelle rédaction procède à un aménagement légistique en substituant aux termes « requête en divorce » ceux de « demande de divorce » par coordination avec le terme employé par le code civil. Ce dernier couvre ainsi les demandes introduites devant le juge (consentement mutuel, acceptation du principe de la rupture du mariage, altération définitive du lien conjugal, faute).

La nouvelle rédaction introduit la « signature d’une convention de divorce par consentement mutuel selon les modalités de l’article 229-1 du code civil ». Il s’agit ici de tenir compte de l’évolution opérée par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 ([21]) laquelle instaure une procédure de divorce ne requérant plus l’intervention du juge mais celle de deux professions réglementées ‑ les avocats et les notaires. La convention prend ainsi la forme d’un acte sous signature privée contresigné par les avocats des deux époux.

La rédaction ne fait plus référence à la « séparation de corps », état qui laisse subsister le mariage tout en dispensant les époux du devoir de cohabitation. La séparation de corps est une séparation judiciairement autorisée et organisée. Elle peut être demandée dans les mêmes cas et aux mêmes conditions que le divorce judiciaire. Cette notion pourrait être réintroduite comme obstacle à la réalisation de l’AMP, car dans la mesure où le devoir de cohabitation ne s’impose plus et qu’il a été dûment constaté par le juge, les personnes, bien que toujours mariées, n’ont plus de communauté de vie.

Cette nouvelle rédaction n’identifie pas non plus la possibilité de révocation du consentement par les femmes seules. Interrogé par le rapporteur, le Gouvernement estime que « la révocation du consentement entraîne la cessation de la prise en charge médicale de façon évidente » et « qu’aucune précision supplémentaire n’apparaît utile ».

f.   Des conditions d’âges qui seront précisées par la voie réglementaire

Le dernier alinéa de l’article L. 2141-2 proposé fixe le principe d’une condition d’âge pour bénéficier d’une AMP sans pour autant le préciser dans la loi. Celle-ci sera en effet précisée par décret en Conseil d’État, lequel prendra en compte « les risques médicaux […] liés à l’âge » ainsi que l’intérêt de l’enfant à naître. Avant sa publication, ce texte fera l’objet d’un avis de l’Agence de la biomédecine. Le Gouvernement n’a pas apporté de précisions sur ce point.

2.   L’extension des conditions d’accès à la fécondation in vitro

Le 1° du I procède à une rédaction globale de l’article L. 2141-3 qui prévoit la conception d’embryons in vitro. L’économie de l’article n’est que peu modifiée par la nouvelle rédaction : elle n’est en effet ajustée que pour tenir compte de l’extension de la technique aux couples de femmes et aux femmes seules ainsi que pour lever l’interdiction du double don de gamètes.

● Le premier alinéa ne comporte plus qu’une seule phrase, qui reprend l’actuelle première phrase du premier alinéa de l’article L. 2141-3. Le dispositif renvoie, pour l’accès à la FIV, aux conditions générales mentionnées par l’article L. 2141-1 (définition de l’assistance médicale à la procréation, encadrement des techniques utilisées, etc.). La seconde phrase, qui édicte l’interdiction du double don de gamètes, n’est pas reprise.

Le législateur a en effet toujours écarté la possibilité de concevoir un embryon à partir d’un double don de gamètes. L’objectif consistait à guider les couples souffrant d’une double stérilité vers la procédure d’accueil d’embryons. Cette incitation permettait en outre de « diriger » les embryons ne faisant plus l’objet d’un projet parental vers un accueil par d’autres couples.

Dans l’hypothèse de l’accès à l’ensemble des techniques disponibles, l’interdit peut constituer un obstacle car les femmes qui seraient dans l’incapacité de concevoir avec leurs propres ovocytes, n’auraient pas d’autre solution que de recourir à l’accueil d’embryon.

En outre, le maintien de cet interdit a été dénoncé à de multiples reprises dans la mesure où le double don constitue une pratique biologiquement équivalente à un don d’embryons. Dans les deux cas, l’embryon est dénué de tout lien biologique.

● La rédaction est par ailleurs ajustée aux trois derniers alinéas afin de prendre en compte la situation des femmes seules s’agissant du consentement à la « fécondation d’un nombre d’ovocytes pouvant rendre nécessaire la conservation d’embryons », de l’information apportée aux bénéficiaires de la FIV sur les différents devenirs possibles des embryons conservés, du consentement à la recherche pour les embryons non susceptibles d’être transférés ou conservés, et de la subordination du recours à une nouvelle FIV au transfert préalable de tous les embryons conservés.

3.   Les modifications relatives à l’accueil de l’embryon

Le 2° du I procède à la rédaction globale des articles L. 2141-5 et L. 2141-6, relatifs à l’accueil d’embryons.

● Par cohérence avec l’extension de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules, l’article L. 2141-5 étend les possibilités d’accueil de l’embryon. Les donneurs comme les receveurs pourront indifféremment être des couples hétérosexuels ou de femmes, ou des femmes seules au terme du premier alinéa dans sa nouvelle rédaction. Le même alinéa renvoie, comme actuellement, aux conditions définies par l’article L. 2141-6 (cf. infra).

S’agissant des couples, pour lesquels le décès d’un des deux membres fait obstacle à la poursuite d’une AMP, le deuxième alinéa est modifié pour étendre le bénéfice de l’accueil des embryons conservés aux femmes seules dans la mesure où le conjoint survivant y consent par écrit.

L’article est enfin complété par un nouvel alinéa qui prévoit une obligation d’information des bénéficiaires d’une AMP sur l’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur (cf. commentaire de l’article 3).

●Le dispositif de l’article L. 2141-6 qui encadre les conditions d’accueil de l’embryon fait aussi l’objet d’ajustements. L’économie générale de l’article, qui repose sur sept alinéas, est préservée ; seuls les cinq premiers alinéas font l’objet d’une évolution rédactionnelle.

Par cohérence avec l’évolution générale du projet de loi, le texte vise à la fois les couples hétérosexuels, de femmes ou les femmes seules qu’il s’agisse de l’accès (premier alinéa), du recueil du consentement devant le notaire (deuxième alinéa), de la garantie d’anonymat (troisième alinéa), de l’exception médicale (quatrième alinéa) et de la gratuité (cinquième alinéa).

Par cohérence avec la généralisation de l’ouverture aux techniques d’AMP, le premier alinéa de l’article L. 2141-6 ne prévoit plus de conditions d’accès à l’accueil d’embryon. Rappelons que le droit actuel subordonne l’accueil de l’embryon à l’inaboutissement des techniques au sein du couple (insémination ou FIV) ou à la renonciation par le couple aux techniques proposées après qu’une information leur a été délivrée sur celles-ci. Ces deux conditions levées, le droit permettra d’accéder à un accueil d’embryon sans autre restriction que l’appréciation établie par l’équipe médicale au cours de son évaluation préalable.

La rédaction du troisième alinéa de l’article L. 2141-6 est aussi modifiée s’agissant de la portée de l’obligation d’anonymat, principe structurant de l’accueil de l’embryon. Le droit actuel prévoit que seule la nécessité thérapeutique peut y faire obstacle et autorise le médecin à accéder aux informations médicales non identifiantes concernant le couple ayant renoncé à l’embryon.

La nouvelle rédaction réserve toujours l’accès à ces informations aux médecins mais retient la condition de nécessité « médicale ». La portée en est sensiblement modifiée. Selon les informations transmises à votre rapporteur, « l’objectif est de favoriser la prise en charge médicale des personnes nées d’assistance médicale à la procréation avec don ». Le terme « thérapeutique » est en effet « trop restreint puisqu’il suppose une action curative ». Or « la démarche du médecin qui prend en charge une personne née d’un don (ou un donneur) ne vise pas exclusivement la guérison de son patient mais la possibilité de mettre en place à son bénéfice des mesures de prévention ou de soin ». Tel est l’objet de l’emploi de ce nouveau terme.

4.   Un accès également élargi à l’insémination artificielle avec donneur

Le 3° du I abroge l’article L. 2141-7 qui concerne l’accès à l’IAD en cohérence avec l’ouverture de toutes les techniques d’AMP aux bénéficiaires. Rappelons que le droit actuel subordonne l’accès à l’IAD à une finalité médicale (risque de transmission d’une maladie d’une particulière gravité), à l’inaboutissement des techniques au sein du couple ou à la renonciation par le couple des techniques proposées après qu’une information leur a été délivrée sur celles-ci. Ces trois conditions supprimées, le recours à l’IAD sera possible sans autre restriction que l’appréciation établie par l’équipe médicale au cours de son évaluation préalable.

B.   Le régime du déplacement des embryons

Le 4° du I vise à modifier l’article L. 2141-9 relatif à la circulation internationale des embryons soumise à l’autorisation de l’Agence de la biomédecine.

En cohérence avec la levée de l’interdiction du double don de gamètes et avec l’extension de l’AMP aux femmes seules, les déplacements internationaux d’embryons (entrée ou sortie du territoire national) pourront concerner tous les embryons quel que soit leur mode de conception. Tel est l’objet de la suppression de la restriction visant les embryons conçus « avec les gamètes de l’un ou moins des membres d’un couple » à l’article L. 2141-9.

L’autorisation accordée par l’Agence qui s’apprécie aujourd’hui au regard des principes fondamentaux prévus par les articles 16 à 16-8 du code civil (consentement, anonymat, gratuité, interdiction du clonage reproductif,…) est étendue aux dispositions du titre IV du code de la santé publique relatif à l’AMP. Il s’agit ici de sécuriser la procédure d’autorisation : cet ajout procure notamment un fondement juridique à l’appréciation par l’Agence du respect du critère d’âge.

Une dernière modification concerne l’objet du déplacement de l’embryon faisant l’objet de l’autorisation. Il vise la poursuite du projet parental du couple comme de la femme seule.

C.   Le maintien des entretiens particuliers, préalable indispensable à la mise en œuvre de l’AMP

Le 4° du I modifie également l’article L. 2141-10. Cet article, qui précise le déroulement des entretiens particuliers préalables à la mise en œuvre d’une AMP, est modifié sur plusieurs points.

Le premier alinéa comporte plusieurs modifications :

– les entretiens s’adressant aux couples aussi bien qu’à la femme seule, le texte vise désormais le ou les demandeurs ;

– la formulation actuelle mentionne des entretiens avec les membres de l’équipe médicale clinico-biologique pluridisciplinaire du centre d’assistance médicale à la procréation. Selon l’étude d’impact, elle « laissait supposer que toute l’équipe devait être présente au moment de tels entretiens » ([22]) ce qui n’est pas le cas. Selon les situations, les entretiens peuvent nécessiter la présence d’un ou de plusieurs membres.

– la rédaction est revue pour viser expressément l’appel, « en tant que de besoin, à un assistant de service social inscrit sur la liste mentionnée au deuxième alinéa de l’article L. 411-2 du code de l’action sociale et des familles ». Les assistants de service social dûment diplômés ou disposant d’une attestation de capacité à exercer doivent en effet s’enregistrer, une liste de cette profession, par département, étant ensuite portée à la connaissance du public.

L’objet des entretiens, actuellement porté par les 1°, 2°, 2° bis et 3°, est précisé par quatre subdivisions numérotées 1° à 4°:

Le 1°, qui vise à s’assurer de la motivation des demandeurs, reprend la rédaction actuelle tout en l’étendant aux couples de femmes et femmes seules. la rédaction actuelle prévoit qu’une information est apportée sur les possibilités en matière d’adoption. Cette mention est supprimée, d’une part parce qu’elle figure dans le dossier-guide remis aux demandeurs, d’autre part, en raison du « contexte de chute du nombre d’enfants à adopter » ([23]).

Le 2° vise à prévoir l’« évaluation médicale et psychologique » des bénéficiaires de l’AMP, par cohérence avec l’article L. 2141-2 (cf. A du présent II). Cette disposition est nouvelle au regard du droit en vigueur et déterminante pour permettre l’accès à l’AMP.

La rédaction du 3°, relatif aux informations techniques et médicales sur l’AMP (réussite, échec, effets secondaires et risques) reprend les dispositions de l’actuel 2° sans les modifier.

L’actuel 2° bis, qui devient le 4°, concerne l’information à apporter aux couples sur l’impossibilité de réaliser un transfert d’embryon en cas de rupture ou de décès d’un des deux membres. La nouvelle rédaction réserve l’obligation d’information en cas de rupture et ne retient plus l’hypothèse du décès d’un des deux membres. Cette suppression est surprenante dans la mesure où l’article L. 2141-2 maintient cet obstacle. Par ailleurs, l’information ne semble pas exhaustive puisqu’elle ne porte pas sur l’insémination artificielle et n’envisage pas non plus la révocation par écrit. Interrogé sur ces éléments, le Gouvernement a souligné qu’il pouvait être utile de réintroduire ces précisions.

Le 5° reprend, sans les modifier, les dispositions de l’actuel 3° qui prévoit la remise d’un guide aux personnes demandant l’accès à l’AMP. Ce dossier comporte le rappel des dispositions législatives et réglementaires relatives à l’assistance médicale à la procréation, un descriptif de ces techniques et le rappel des dispositions législatives et réglementaires relatives à l’adoption, ainsi que l’adresse des associations et organismes susceptibles de compléter leur information à ce sujet.

Les dixième et onzième alinéas sont fusionnés au sein d’un nouvel alinéa à des fins de clarification. Il prévoit le consentement des demandeurs à une AMP à l’issue d’un délai d’un mois – inchangé au regard du droit actuel ‑, non plus après le « dernier entretien » mais « après la réalisation des étapes mentionnées » aux 1° à 5°.

L’actuel douzième alinéa, relatif au respect des règles de sécurité sanitaire, conserve sa rédaction actuelle.

L’actuel treizième alinéa prévoit que l’AMP ne peut être mise en œuvre si les demandeurs ne remplissent pas les conditions prévues par le code de la santé publique ou lorsque le médecin, après concertation au sein de l’équipe clinicobiologique pluridisciplinaire, estime qu’un délai de réflexion supplémentaire est nécessaire. Cette rédaction est ajustée pour indiquer que la mise en œuvre de l’AMP est faite par le médecin ayant participé aux entretiens obligatoires. C’est d’ailleurs ce même médecin qui peut être amené à proposer le délai de réflexion.

La rédaction du dernier alinéa, qui conditionne la mise en œuvre d’une AMP nécessitant un tiers donneur au consentement préalable devant un notaire, est également revue à des fins de simplification. Elle vise aujourd’hui les époux, les partenaires liés par un pacte civil de solidarité et les concubins. S’agissant des couples et en cohérence avec le code civil, la nouvelle rédaction vise les époux et les concubins. Sa portée est par ailleurs étendue aux femmes seules.

D.   La prise en charge de l’AMP par la sécurité sociale

La rédaction actuelle de l’article L. 160-8 du code de la sécurité sociale, qui fonde la prise en charge de l’AMP pour les couples hétérosexuels, est suffisamment explicite pour permettre la prise en charge des actes d’AMP concernant les couples de femmes et les femmes seules. Dans tous les cas, la prise en charge s’inscrit dans un cadre médical et suppose la réalisation d’actes médicaux.

Le II tend à modifier l’article L. 160-14 qui concerne la limitation ou la suppression du ticket modérateur selon la situation des patients (affectation de longue durée, pension d’invalidité, etc.) ou les actes. Le ticket modérateur désigne les sommes restant à la charge du patient après prise en charge par la sécurité sociale. Le ticket modérateur peut être pris en charge en totalité ou en partie par les organismes complémentaires de santé et dans les conditions fixées par leur contrat. Il doit donc être distingué du reste à charge qui désigne le coût effectivement supporté par le patient après prise en charge par les couvertures obligatoires et complémentaires.

Le 1° du II clarifie la rédaction du 12° de l’article L. 160-14 et réserve la limitation ou la suppression du ticket modérateur aux investigations nécessaires au diagnostic de l’infertilité, le terme étant plus approprié que celui de stérilité. Par coordination avec le nouveau 26°, la mention du traitement de l’infertilité est supprimée.

Le 2° du II insère en effet un 26° qui prévoit la limitation ou la suppression du ticket modérateur pour l’assistance médicale à la procréation réalisée dans les conditions prévues par le code de la santé publique.

Selon l’étude d’impact, le surcoût consécutif à l’extension de l’AMP « peut être estimé entre 10 et 15 millions d’euros », soit un « enjeu […] modeste pour les finances publiques puisqu’il représente 5 % du coût total de l’assistance médicale à la procréation » qui est estimé à 300 millions d’euros aujourd’hui.

 


Article 1er bis
Rapport relatif à la structuration
des centres d’assistance médicale à la procréation

Introduit par la commission

    Résumé du dispositif

L’article 1er bis résulte de l’adoption de l’amendement n° 1227 présenté par M. Philippe Berta. Il vise à évaluer la structuration des centres d’assistance médicale à la procréation et prévoit, pour ce faire, la remise d’un rapport au Parlement dans les douze mois suivant la promulgation de la loi.

 

L’article 1er bis résulte de l’adoption de l’amendement n° 1227 présenté par M. Philippe Berta.

Il vise à évaluer la structuration des centres d’assistance médicale à la procréation ainsi que le taux de succès rencontré dans leur activité. Il prévoit, pour ce faire, la remise d’un rapport au Parlement dans les douze mois suivant la promulgation de la loi. Ce rapport pourra également aborder l’« opportunité d’une évolution structurelle ».

 


  1  

Article 2
Assouplissement du don de gamètes
et autorisation de leur autoconservation

Adopté par la commission avec modifications

    Résumé du dispositif initial

L’article 2 poursuit deux objectifs.

Il vise d’abord à assouplir les conditions dans lesquelles le don de gamètes peut être réalisé en supprimant le consentement du conjoint du donneur si ce dernier est en couple et en supprimant la condition d’une procréation préalable. Le principe de gratuité est, quant à lui, maintenu.

Il vise ensuite à autoriser, sous réserve d’un consentement écrit et révocable et de conditions d’âge définies par décret, l’autoconservation de gamètes en vue de la réalisation ultérieure d’une assistance médicale à la procréation. La poursuite de la conservation est subordonnée au renouvellement d’un consentement écrit chaque année. La durée de la conservation est limitée à dix ans. Hors indications pathologiques, la conservation des gamètes ne fait pas l’objet d’une prise en charge par la sécurité sociale, l’intention de Gouvernement étant d’autoriser cette pratique sans la favoriser. L’acte de prélèvement sera par contre pris en charge.

    Modifications apportées par la commission

La commission a procédé à plusieurs modifications :

– sur proposition du rapporteur, elle a adopté un amendement visant à prévoir la mise en place d’une étude de suivi portant sur le devenir des donneurs de gamètes (amendement n° 2246) ;

– elle a ouvert la possibilité de consentir à un don de gamètes lors de prélèvements réalisés dans le cadre du processus de conservation des gamètes à des fins autologues (amendements identiques n° 1881 et 2022) ;

– elle a étendu aux établissements privés à but lucratif la possibilité de proposer le recueil, le prélèvement et la conservation des gamètes à des fins autologues  (amendement n° 1695) ;

– elle a entendu préciser que les frais de conservation des gamètes recueillis ou prélevés à des fins autologues dont le projet exclut la prise en charge par l’assurance maladie, ne sont pas pris en charge par l’employeur (amendements n° 2023 et n° 984) ;

– elle a enfin réaffirmé l’interdiction de l’importation de gamètes par des entreprises commerciales (amendement n° 2025).

I.   Le droit en vigueur

Le don et l’utilisation de gamètes respectent les grands principes protégeant la personne et son corps, considéré comme étant le prolongement de celle-ci. Le corps et ses éléments n’étant pas un simple bien dont on pourrait librement disposer, le code civil et le code de la santé publique posent des principes d’application générale comme l’absence de droit patrimonial (principe de gratuité), l’obligation d’anonymat, le consentement éclairé ou le but thérapeutique. Les articles L. 1244-1 à L. 1244-9 du code de la santé publique déclinent ces règles s’agissant du don de gamètes.

1.   Le don et l’utilisation de gamètes s’inscrivent dans un cadre médical

À l’instar de l’article 16-3 du code civil, qui autorise l’atteinte à l’intégrité du corps humain « en cas de nécessité médicale pour la personne ou à titre exceptionnel dans l’intérêt thérapeutique d’autrui », le don de gamètes ne peut être envisagé que dans un cadre strictement médical, à savoir l’assistance médicale à la procréation pour soi dans le cadre d’une insémination ou d’une fécondation in vitro intraconjugale ou pour autrui en cas de recours à une insémination artificielle ou d’une fécondation in vitro avec tiers donneur.

2.   Un consentement écrit est nécessaire

Principe cardinal de l’éthique du don, le consentement écrit est toujours nécessaire et peut être révoqué à tout moment jusqu’à l’utilisation des gamètes. Cette exigence s’applique aussi bien au donneur qu’au receveur.

Le consentement éclairé suppose qu’une information loyale et appropriée soit apportée au donneur. La prise en charge s’effectuant dans un cadre médical, les articles L. 1244-1-1 et L. 1244-1-2 du code de la santé publique prévoient l’information régulière des patients par les gynécologues s’agissant du don d’ovocytes et plus généralement par le médecin traitant pour le don de gamètes.

L’article R. 1244-2 du même code prévoit en outre des entretiens avec les membres d’une équipe médicale pluridisciplinaire avant tout recueil du consentement. Ces entretiens ont notamment pour objet de vérifier que les conditions prévues pour le don sont remplies, d’informer le donneur « des dispositions législatives et réglementaires relatives au don de gamètes et de leurs conséquences au regard de la filiation » et de « préciser la nature des examens à effectuer par le donneur avant le don ».

Pour les donneuses d’ovocytes, l’article L. 1244-7 dudit code dispose en outre qu’elles doivent être informées des conditions de la stimulation ovarienne, du prélèvement ovocytaire ainsi que des risques et contraintes qui lui sont liés. Cette information est également apportée par l’équipe médicale pluridisciplinaire susmentionnée.

S’agissant du donneur, des règles spécifiques ont été édictées puisque, lorsqu’il fait partie d’un couple, le consentement de l’autre membre doit aussi être recueilli. Cette disposition résulte d’évolutions successives qui ont été opérées par le législateur. En 2004, le législateur a souhaité faire du don de gamètes une démarche individuelle alors qu’il avait été initialement conçu comme un don de couple à couple justifiant par construction le recueil du consentement du conjoint. En 2011, le législateur a supprimé la condition de procréation antérieure pour les donneurs majeurs. L’étude d’impact note d’ailleurs que le « maintien est d’autant plus surprenant qu’en levant la condition de procréation antérieure, le législateur a abrogé le modèle retenu pour le don jusque-là, à savoir celui d’un couple, déjà parents, qui permet à un autre couple de le devenir […] » ([24]). Le maintien du consentement du conjoint constituerait quelque sorte que le dernier vestige du don de couple à couple.

De son côté l’Agence de la biomédecine souligne que « les textes d’application ayant été publiés à la fin de l’année 2015, la mise en œuvre de la possibilité de donner des gamètes sans avoir procréé n’a débuté qu’en 2016. Si le nombre de donneurs et de donneuses recrutés semble avoir augmenté de façon significative (données préliminaires 2016), il est en revanche trop tôt pour en évaluer réellement l’efficacité au regard de l’âge des donneuses recrutées dans ce contexte, du nombre d’ovocytes effectivement donnés et du nombre de couples en ayant bénéficié » ([25]).

3.   Le principe d’anonymat régit le don de gamètes

L’article L. 1211-5 du code de la santé publique, qui pose le principe de l’anonymat ainsi que les dérogations justifiées par une nécessité thérapeutique, s’applique au don de gamètes. On se reportera au commentaire de l’article 3 sur la portée de cette règle au regard de l’évolution visant à autoriser l’accès aux origines personnelles. S’agissant de la dérogation relative à la nécessité thérapeutique, on trouvera, à l’article L. 1244-6 du même code, une disposition enjoignant les établissements et organismes participant à l’AMP de fournir aux autorités sanitaires « les informations utiles relatives aux donneurs » étant par ailleurs précisé que seul un médecin « peut accéder aux informations médicales non identifiantes en cas de nécessité thérapeutique concernant un enfant conçu à partir de gamètes issus de don ».

La règle d’anonymat est particulièrement stricte puisqu’il est aussi précisé par l’article L. 1244-7 dudit code que le « bénéfice d’un don de gamètes ne peut en aucune manière être subordonné à la désignation, par le couple receveur, d’une personne ayant volontairement accepté de procéder à un tel don en faveur d’un couple tiers anonyme ».

Notons enfin qu’aux termes de l’article R. 1244-1 du code de la santé publique, « la disposition des locaux ainsi que les modalités d’accueil des donneurs et des couples receveurs sont de nature à assurer l’anonymat du don et la confidentialité des activités ».

4.   Le don et l’utilisation de gamètes sont soumis à des encadrements stricts

Plusieurs dispositions tendent à restreindre les conditions du don et de l’utilisation de gamètes.

a.   Des restrictions portent sur l’utilisation des gamètes

L’utilisation des gamètes est d’abord limitée. Outre qu’elle doit être liée à une AMP, l’article L. 1244-3 dispose que « l’insémination artificielle par sperme frais » ainsi que le « mélange de spermes » sont interdits. L’article L. 1244-4 dispose en outre que le recours aux gamètes d’un même donneur ne peut donner naissance à plus de dix enfants.

Au titre de la restriction de l’utilisation des gamètes, on rappellera que dans sa rédaction actuelle l’article L. 2141-3 prohibe le double don de gamètes dans le cadre de la fécondation in vitro (cf. commentaire de l’article 1er).

b.   Les conditions du recours à l’autoconservation des gamètes

La conservation à usage autologue des gamètes, autrement appelée autoconservation, concerne les gamètes (mais aussi les tissus germinaux) et s’applique indifféremment aux femmes et aux hommes. Deux modalités sont aujourd’hui prévues par les articles L. 1244-2 et L. 2141-11 du code de la santé publique.

● Aux termes de l’article L. 2141-11, la conservation à des fins autologues peut d’abord être réalisée chaque fois qu’une pathologie (comme l’endométriose) ou un traitement (chimiothérapie par exemple) est susceptible d’altérer la fertilité d’une personne. Cette indication médicale justifie le recueil et la conservation des gamètes soit en vue d’une AMP, soit « en vue de la réalisation et de la restauration de sa fertilité ». Comme le souligne dans le rapport de l’Agence de la biomédecine, cette conservation à des fins autologues peut également couvrir des pathologies non malignes ([26]).

Selon l’Agence de la biomédecine ([27]), « au total, au 31 décembre 2016, 60 319 patients disposaient de gamètes et/ou de tissus germinaux conservés en vue de préservation de la fertilité ; dans 89 % des cas, il s’agit de spermatozoïdes conservés […] »

Cette base légale permet également de proposer une conservation de gamètes en cours de prise en charge pour une AMP. L’arrêté du 30 juin 2017 ([28]) souligne que « certaines situations rencontrées en cours de prise en charge en AMP peuvent conduire à conserver des ovocytes pour une mise en fécondation différée : échec de recueil ou de prélèvement de spermatozoïdes le jour du prélèvement ovocytaire, refus de la conservation des embryons par le couple, risque de syndrome d’hyperstimulation ovarienne sévère, toute affection intercurrente faisant surseoir à la mise en fécondation et au transfert embryonnaire. Selon les situations, la conservation peut concerner toute la cohorte ovocytaire ou une partie de cette cohorte ».

Selon l’Agence de la biomédecine, 5 507 patients ont bénéficié en 2016 d’une conservation de spermatozoïdes au cours d’une prise en charge en AMP. La même agence révèle aussi que « moins développée pour les ovocytes, l’autorisation de la technique de vitrification étant d’application plus récente, l’activité de conservation des ovocytes a concerné 812 patientes en 2016 » ([29]).

L’étude d’impact donne ainsi quelques exemples telles que les « chirurgies ovariennes répétées pour pathologies tumorales bénignes, baisses de réserve ovarienne idiopathiques ou induites, etc. » ([30]).

Le consentement de l’intéressé est bien évidemment requis et, le cas échéant, « celui de l’un des titulaires de l’autorité parentale, ou du tuteur, lorsque l’intéressé, mineur ou majeur, fait l’objet d’une mesure de tutelle ».

● Aux termes de l’article L. 1244-2, l’autoconservation des gamètes, en l’absence de pathologie ou de traitement susceptible d’altérer la fertilité, est également permise en vue de la réalisation ultérieure d’une AMP.

Cet article dispose que le donneur doit déjà avoir procréé pour consentir à un don. Toutefois, depuis la dernière loi de bioéthique, un donneur majeur n’ayant pas procréé a désormais la possibilité de consentir à un don et de se voir parallèlement proposer le recueil et la conservation de ses gamètes en vue de la réalisation d’une AMP à son bénéfice.

Le texte visant le donneur, il concerne indifféremment l’homme ou la femme mais en réalité, c’est principalement le don d’ovocytes qui était visé par le législateur, le don de ce gamète étant plus rare que le don de spermatozoïdes. Cette disposition, censée agir comme une incitation au don d’ovocytes, pose des difficultés et suscite d’évidentes réserves qui ont été soulignées par le comité consultatif national d’éthique (CCNE) ou l’Académie de médecine. Le rapporteur renvoie au rapport parlementaire sur la révision de la loi relative à la bioéthique sur cette question.

Dans ce contexte, il peut être proposé au donneur une conservation des gamètes à des fins autologues sous réserve de son consentement et de son information éclairés. Tout donneur n’ayant pas procréé est informé de la nécessité de se soumettre, préalablement au don, à un ou plusieurs entretiens avec un médecin qualifié en psychiatrie ou un psychologue ([31]). Lorsqu’il choisit une conservation à des fins autologues, le donneur bénéficie d’une information particulière dont les modalités ont été définies par le décret du 13 octobre 2015 ([32]) et l’arrêté du 24 décembre 2015 ([33]).

Pour les donneuses d’ovocytes, l’information, délivrée au cours des entretiens préalables au don, porte sur « ses chances ultérieures de procréation à partir des ovocytes conservés à son bénéfice » ([34]) ou sur « l’éventualité d’une impossibilité de conservation d’ovocytes à son bénéfice en cas d’obtention d’une quantité insuffisante de gamète » ([35]). Ces entretiens préalables doivent aussi être l’occasion d’indiquer à la donneuse d’ovocytes l’existence de règles de répartition des gamètes entre ceux conservés et ceux donnés. L’article R. 1244-2 du code de la santé publique indique ainsi qu’« au moins la moitié des ovocytes matures d’un même prélèvement seront orientés vers le don ».

Enfin, pour ces donneurs, l’article R. 1244-7 du code de la santé publique prévoit que les bénéficiaires de la conservation des gamètes sont consultés chaque année par écrit sur le point de savoir s’ils souhaitent maintenir la conservation. La conservation est maintenue en vue d’un don dans quatre situations :

– à la demande exprimée par le donneur de ne plus maintenir de gamètes à son bénéfice ;

– en l’absence de réponse du donneur, consulté à plusieurs reprises, lorsque la durée de conservation a dépassé dix ans ;

– en cas de décès du donneur ;

– si le donneur n’est plus en âge de procréer.

● Conformément au principe de gratuité, le don de gamètes ne fait pas l’objet de rémunération. Le principe de neutralité financière du don, qui suppose qu’aucune charge occasionnée par le don ne soit assumée par le donneur, autorise le remboursement de certains frais médicaux (bilan préalable, suivi du don) et non médicaux (remboursement des frais de transport, d’hébergement ou de garde d’enfants).

S’agissant des frais médicaux, le rapport d’application de la loi de bioéthique publié par l’Agence de la biomédecine précise si « le donneur de spermatozoïdes est peu exposé à une problématique de dépenses », « la donneuse d’ovocytes bénéficie d’une prise en charge à 100 % pendant une durée de 6 mois, permettant une fluidité du parcours ambulatoire (pharmacie, recours à des soins infirmiers, échographie) ».

S’agissant de la conservation à des fins autologues, la nomenclature des actes de biologie médicale (NABM) prévoit le remboursement des actes correspondant à la congélation et à la conservation est prévu dans la mesure ils s’inscrivent dans le cadre d’un traitement stérilisant ou d’une AMP.

Interrogé par le rapporteur, le ministère de la santé a bien voulu lui fournir les informations suivantes :

– s’agissant des spermatozoïdes, la congélation est actuellement valorisée à 94,50 euros quand la cryoconservation est valorisée 40,50 euros par an. La prise en charge par l’assurance maladie s’élève à 60 %.

– s’agissant des ovocytes, la vitrification sera valorisée à 337, 50 euros (tarifs prévus) pour une cryoconservation valorisée à 40,50 euros par an. La prise en charge par l’assurance maladie s’élève également à 60 %.

II.   Les évolutions prévues par le projet de loi

Deux objectifs sont visés par l’article 2 : l’assouplissement des critères permettant d’effectuer un don de gamètes ainsi que la possibilité de conserver ses gamètes à des fins autologues sans indication pathologique.

1.   L’assouplissement des critères permettant d’effectuer un don de gamètes

Le I procède à la rédaction globale de l’article L. 1244-2 qui fixe les conditions dans lesquelles le don de gamètes peut être effectué.

● Le premier alinéa de l’article L. 1244-2 proposé dispose que seul une personne majeure peut effectuer un don et qu’en tout état de cause, un mineur, même émancipé, ne peut être donneur.

Il supprime toute référence à une condition de procréation antérieure qui n’était plus opposable aux donneurs majeurs depuis la loi de 2011.

La nouvelle rédaction supprime également la nécessité du recueil du consentement du conjoint si le donneur forme avec ce dernier un couple. Outre qu’il s’agit d’une survivance du don de couple à couple, le maintien de cette condition constitue un obstacle sérieux puisque le conjoint dispose du droit de révoquer le don par décision unilatérale. L’étude d’impact souligne enfin que « la possibilité d’accès à l’identité du tiers donneur en assistance médicale à la procréation plaide pour la suppression de cette condition », « les deux consentements n’auront pas (ou plus) la même portée » ([36]).

La même étude d’impact admet néanmoins que « le partenaire [peut], d’une certaine manière, se sentir concerné par une demande d’accès à l’identité du donneur ». Cela étant, l’option consistant à remplacer le consentement du conjoint par une information a été écartée car elle « ferait peser sur les équipes clinico-biologiques d’assistance médicale à la procréation une responsabilité puisque l’information du conjoint, ainsi prévue par la loi, garderait un caractère obligatoire ». Des obstacles pratiques se posent : l’étude d’impact se demande « comment vérifier l’existence d’un partenaire si le candidat au don ne souhaite pas le mentionner » ou « comment s’assurer que la nécessité d’informer ce partenaire a été bien comprise ».

● C’est la raison pour laquelle le deuxième alinéa ne prévoit une obligation d’information qu’à l’égard du donneur, particulièrement sur l’accès aux origines dans les conditions prévues par l’article L. 2143-2 (cf. commentaire de l’article 3).

● Enfin, le dernier alinéa mentionne que le consentement du donneur est recueilli par écrit et révocable à tout moment jusqu’à l’utilisation des gamètes. Ces dispositions ne s’écartent pas du droit actuel, exception faite de la suppression de la mention du conjoint.

La rédaction nouvelle de l’article L. 1244-2 permet un assouplissement significatif dans la mise en œuvre du don : il décharge les centres d’AMP d’une formalité substantielle ; il permet également de faciliter de nouveaux dons sans avoir à renoncer au principe de gratuité ni à se procurer des gamètes à l’étranger.

L’extension de l’AMP comme l’accès à l’identité du donneur peuvent faire craindre une raréfaction du don. Sans revenir sur les arguments développés à l’appui ou à l’encontre de cette crainte tant dans le rapport d’information sur la révision de la loi relative à la bioéthique que dans l’étude d’impact, il importe de souligner que le profil du donneur changera significativement. L’assouplissement des critères du don, associé à des campagnes d’information, est l’approche privilégiée par le Gouvernement plutôt que la rémunération du don de gamètes.

L’étude d’impact souligne aussi qu’il ne sera pas fait appel aux banques de sperme situées à l’étranger.

On notera enfin que la nouvelle rédaction de l’article L. 1244-2 vise à supprimer « le dispositif d’autoconservation dans le cadre du don qui crée une contrepartie au don » ([37]) prévu par le troisième alinéa du même article dans sa rédaction actuelle. Le régime de la conservation à des fins autologues est d’ailleurs sensiblement renouvelé par le II du présent article.

2.   La conservation des gamètes à des fins autologues

Le II vise à autoriser l’autoconservation de gamètes en vue de la réalisation ultérieure d’une assistance médicale à la procréation en l’absence d’indications pathologiques.

Le 1° du II vise à rénuméroter l’actuel article L. 2141-12, relatif aux conditions d’application du chapitre relatif aux dispositions générales de l’AMP, pour en faire un nouvel article L. 2141-13.

Le 2° du II procède en conséquence à la rédaction globale de L. 2141-12 afin de fixer les conditions de la conservation des gamètes à des fins autologues. On notera que l’article L. 2141-11, relatif à l’autoconservation des gamètes sur indication pathologique, fait l’objet d’évolutions précisées à l’article 22 du projet de loi (cf. commentaire de cet article).

La nouvelle rédaction de l’article L. 2141-12 comporte deux subdivisions.

 Le I précise en trois alinéas les critères d’accès.

À l’instar du don de gamètes, le premier alinéa du I dispose que seule une personne majeure peut se voir proposer cette possibilité. De la même manière, la finalité de la conservation s’inscrit en vue de la réalisation ultérieure d’une AMP. C’est pourquoi elle ne peut être effectuée qu’après une prise en charge médicale par l’équipe pluridisciplinaire intervenant dans la réalisation de l’AMP. Enfin, si la mesure vise principalement à favoriser l’autoconservation ovocytaire ([38]), on notera, qu’en droit, elle a aussi vocation à concerner les hommes, faute de quoi elle constituerait une rupture du principe d’égalité.

L’étude d’impact souligne que « cette autorisation aurait pour double effet, d’une part de réduire la demande de dons d’ovocytes (puisque les propres ovocytes de la femme conservés antérieurement seraient utilisés) et, d’autre part, d’augmenter le nombre d’ovocytes disponibles pour le don, dans l’hypothèse où, n’en ayant pas eu besoin, la femme les donnerait finalement pour qu’ils bénéficient à d’autres femmes » ([39]).

Le premier alinéa du I prévoit également des « conditions d’âge » pour pouvoir prétendre à cette nouvelle possibilité. Ces conditions devront être définies par décret mais l’étude d’impact permet d’en apprécier les contours.

Deux limites d’âges seront opposables au recours à l’autoconservation : un plancher fixé à 32 ans pour les deux sexes, un plafond fixé à 37 ans pour les femmes et 45 ans pour les hommes afin de « garantir la qualité des gamètes prélevés ou recueillis » ([40]).

Avant 32 ans, la balance bénéfices/risques ne serait pas favorable selon l’étude d’impact. Par ailleurs « la femme a toutes les chances de procréer naturellement sans avoir besoin de recourir aux ovocytes qu’elle aurait conservés » ([41]).

S’agissant de la limite d’âge de 37 ans, l’étude d’impact signale, dans une note de bas de page, qu’« autoriser l’autoconservation au-delà de cet âge serait donner de faux espoirs à la femme surtout si sa réserve ovarienne est basse » et rappelle que « les chances d’obtenir une naissance en congelant 10 ovocytes tombent à 50 % pour les femmes de 37 ans et 30 % pour celles de 40 ans » ([42]).

Le décret précisera aussi la limite d’âge d’utilisation des gamètes. Elle correspondra à la prise en charge par l’assurance maladie de l’assistance médicale à la procréation, soit jusqu’au 43e anniversaire pour la femme et 59 ans pour un homme.

Le deuxième alinéa du I subordonne le recours à l’autoconservation à un consentement écrit qui sera remis à l’équipe chargée de l’AMP. Une information loyale et sincère sera apportée, qui concernera les conditions, risques et limites de la démarche ainsi que de ses suites.

Le dernier alinéa du I dispose enfin que le recueil, le prélèvement et la conservation des gamètes seront assurés dans les établissements publics et privés à but non lucratif. La possibilité d’une extension aux centres privés lucratifs avait été envisagée par l’Agence de la biomédecine dans son rapport portant sur l’application de la loi de bioéthique et avait même été l’objet d’une proposition du rapport d’information sur la loi relative à la bioéthique. Suivant cependant l’Académie de médecine, qui craint une dérive mercantile, le Gouvernement entend « ne pas inciter à cette autoconservation, tout profit devant être exclu de l’activité » ([43]).

L’étude d’impact rappelle cependant que des sociétés savantes, notamment le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) et l’association de biologistes des laboratoires d’étude de la fécondation et de la conservation de l’œuf (BLEFCO) « demandent que l’autoconservation ovocytaire soit possible dans tous les centres d’assistance médicale à la procréation » ([44]), le rapporteur étant par ailleurs assez sensible à cet appel.

 Le II de l’article L. 2141-12 fixe les conditions de maintien de la conservation en s’inspirant des dispositions réglementaires précédemment décrites (cf. article R. 1244-7 du code de la santé publique évoqué au b du 4° du I du présent commentaire d’article).

La poursuite de la conservation est ainsi subordonnée au renouvellement d’un consentement écrit chaque année.

Sous réserve d’un consentement écrit, le maintien de la conservation peut être levé dans trois hypothèses : en vue d’un don de gamètes, d’une recherche ou d’une destruction. Ce consentement est révocable soit jusqu’à l’utilisation des gamètes (en vue d’un don ou d’une recherche), soit « jusqu’à ce qu’il soit mis fin à leur conservation ».

En l’absence de réponse de la personne intéressée, la conservation des gamètes est limitée à 10 ans. Cette disposition, déjà prévue par la partie règlementaire du code de la santé publique, se voit rehaussée au niveau législatif.

Enfin, le dernier alinéa du II dispose qu’en cas de décès de la personne et en l’absence du consentement en vue d’un don ou d’une recherche, l’arrêt de la conservation des gamètes est décidé.

3.   La prise en charge par l’assurance maladie obligatoire est volontairement limitée

Le III modifie l’article L. 160-8 du code de la sécurité sociale relatif à la protection sociale contre le risque et les conséquences de la maladie. Il tend à insérer un 7° prévoyant la prise en charge des « frais relatifs aux actes et traitements liés à la préservation de la fertilité et à l’assistance médicale à la procréation ».

Cependant, le même texte dispose expressément que la couverture maladie de base ne prendra pas en charge la conservation des gamètes hors des indications pathologiques formulées par l’article L. 2141-11 dans sa rédaction issue de l’article 22 du présent projet de loi. Le coût de la conservation annuelle restera donc à la charge de la personne concernée, hors pathologie altérant la fertilité.

L’étude d’impact fournit deux raisons. Un remboursement pourrait constituer une contrepartie au don « dans le cas où, ne les ayant pas utilisés, les personnes décideraient de les orienter vers le don » ([45]). Par ailleurs, le remboursement pourrait constituer un signal d’incitation à l’autoconservation.

 


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Chapitre II
Reconnaître et sécuriser les droits des enfants nés d’assistance médicale à la procréation

Article 3
Droit d’une personne conçue dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation par recours à un tiers donneur d’accéder à ses origines

Adopté par la commission avec modifications

    Résumé du dispositif initial

L’article 3 a pour objet d’autoriser les personnes nées d’assistance médicale à la procréation avec un tiers donneur à accéder aux données non identifiantes ainsi qu’à l’identité de leurs donneurs de gamètes ou d’embryons.

    Modifications apportées par la commission

La commission a procédé à plusieurs modifications :

– à l’initiative de la rapporteure, la commission a clarifié la rédaction du nouvel article du code de la santé publique qui ouvre l’accès aux personnes nées par AMP avec tiers donneur aux données personnelles de ce donneur en affirmant que toute personne conçue par AMP avec tiers donneur peut, si elle le souhaite, accéder, à sa majorité, aux données non identifiantes et à l’identité de ce tiers donneur (amendement n° 2295) ;

– la commission a explicitement subordonné le don de gamètes ou d’embryon au consentement du donneur à la communication de ses données personnelles en précisant qu’en cas de refus, il ne peut procéder au don (amendement n° 380) ;

– à l’initiative de la rapporteure, la commission a clarifié les missions de la commission d’accès aux données non identifiantes et à l’identité des tiers donneur. Elle a, en particulier, précisé que cette commission fait droit aux demandes présentées conformément aux conditions définies réglementairement ; ainsi, sous réserve que la personne produise les pièces à joindre à la demande (éléments d’ordre administratif et raisons de la démarche engagée, à l’exception de la preuve d’être né d’AMP avec tiers donneur), la commission d’accès fait suite à la demande sans l’apprécier en opportunité. Il en résulte que, si la personne est répertoriée dans le fichier géré par l’Agence de la biomédecine, la commission d’accès transmet les données demandées ; si elle n’est pas répertoriée dans le fichier, la mission de la commission d’accès prend fin. La commission spéciale a également supprimé, pour les donneurs relevant du régime actuel, la condition de manifestation, à leur initiative, de leur consentement à l’accès à leurs données personnelles (amendement n° 2296) ;

– à l’initiative de la rapporteure, la commission a défini, à l’article 16-8-1 du code civil, les receveurs de don de gamètes ou d’embryons comme les personnes qui ont donné leur consentement à l’AMP (amendement n° 2293) ;

– la commission a prévu la conservation du stock de gamètes et d’embryons recueillis antérieurement à l’entrée en vigueur du nouveau régime et pour lesquels les donneurs ont donné leur consentement à la transmission de leurs données personnelles (amendement n° 1930) ;

– la commission a prévu que le Gouvernement remette au Parlement, en 2025, un rapport d’évaluation du nouveau dispositif d’accès aux origines (amendement n° 1986).

I.   Le droit en vigueur

Le droit d’accéder à ses origines personnelles est l’objet de traitements différenciés selon les États.

Certains pays le reconnaissent expressément, comme la Suède, qui a été le premier pays à consacrer le droit de connaître l’identité de son donneur, dès 1984 dans le cas d’un don de sperme et depuis 2003 dans le cas d’un don d’ovocyte, la Suisse et l’Autriche depuis 1992, les Pays-Bas depuis 2002, la Finlande et la Norvège depuis 2003 – pour cette dernière, dans le cas d’un don de sperme uniquement, le don d’ovocyte y étant prohibé –, le Royaume-Uni depuis 2005 et l’Irlande depuis 2015. En Allemagne, alors que la Cour constitutionnelle fédérale reconnaît depuis 1989 à toute personne le droit de connaître ses origines, le législateur a consacré ce droit en 2017 pour les personnes issues de don de sperme, celui d’ovocyte étant interdit.

D’autres pays permettent un accès partiel aux origines. Il en va ainsi en Islande où, depuis une loi de 1996, le donneur choisit au moment du don s’il souhaite rester anonyme ; si tel a été son choix l’enfant ne peut pas obtenir d’information sur son identité. En Belgique, la loi du 6 juillet 2007 relative à la procréation médicalement assistée pose le principe de l’anonymat tout en autorisant le don de gamètes non anonyme si celui-ci résulte d’un accord entre le donneur et le ou les receveurs ; seuls les parents ont alors connaissance de l’identité du donneur. Au Danemark, depuis 2012, la possibilité pour un enfant conçu par don d’accéder à ses origines dépend du choix de ses parents.

D’autres pays enfin le refusent. C’est le cas de l’Espagne, qui a consacré l’anonymat du don de gamètes en ne l’assortissant d’une levée du secret qu’à titre exceptionnel, notamment en cas de nécessité pour la santé de l’enfant. En Pologne, en l’absence de dispositions légales spécifiques, l’anonymat du don de gamètes découle du secret médical qui lie le médecin envers le donneur et le receveur. En Grèce, l’identité du donneur ne peut en aucun cas être révélée ; seul l’accès aux informations médicales relatives au donneur est possible pour des raisons liées à la santé de l’enfant.

Dans ce paysage européen au contraste diminuant, avec une nette tendance vers une consécration du droit d’accès à ses origines personnelles, la France, qui privilégie depuis 1994 le principe d’un « anonymat absolu, inconditionnel et irréversible » ([46]) du don de gamètes et d’embryons à l’égard du couple receveur comme de l’enfant issu de ce don, semble de plus en plus isolée.

A.   l’interdiction lÉgislative d’accÉder aux informations relatives au donneur

1.   L’anonymat du don de gamètes ou d’embryon : un principe absolu

a.   Les fondements de ce choix

En 1994, le législateur a décidé de transposer au don de gamètes le régime élaboré pour le don du sang et d’organes, pour lequel l’anonymat était conçu comme le corollaire des principes de gratuité et de non-patrimonialité des éléments du corps humain, affirmés aux articles 16-5 ([47]) et 16-6 ([48]) du code civil issus de l’article 3 de la loi n° 94-653 du 29 juillet 1994.

Bien que rejoignant la pratique des CECOS, ce choix était, aux yeux des parlementaires, une solution par défaut. M. Bernard Bioulac, rapporteur de la commission spéciale chargée de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, considérait ainsi que l’anonymat était « la moins mauvaise solution », sa levée risquant, selon lui, de « créer une névrose de choix d’identité, l’enfant étant écartelé entre un père biologique et un père social » et « l’identité biologique » n’ayant pas, selon ses termes, à l’emporter sur celle « résultant de la parenté sociale » ([49]). M. Jean-François Mattéi, alors député d’opposition, allait dans le même sens en affirmant, le 24 novembre 1992, en séance publique en première lecture : « Ni l’une, ni l’autre solution n’est bonne. Si nous nous en tenons à la règle de l’anonymat, il est clair que nous prenons le risque d’une quête d’identité chez l’adolescent. Si, inversement, on lève l’anonymat, on remplace sa quête identitaire par l’ambiguïté d’une référence identitaire et, au lieu de régler le problème, on lui en substitue un autre qui est tout aussi grave » ([50]). C’est donc avec le sentiment de choisir le moindre mal pour l’enfant que l’option de l’anonymat a été retenue par le législateur.

En imposant l’anonymat, celui-ci décidait de poser un cadre commun de principe pour l’ensemble des produits et éléments du corps humain. L’objectif était également de maintenir le secret de la famille légale, qui pouvait ainsi choisir de révéler ou non le recours à l’AMP et l’existence d’un tiers donneur. Quant au donneur, le principe d’anonymat le mettait à l’abri, ainsi que sa famille, de toute tentative de reconnaissance ou de recherche en paternité de l’enfant issu de ses gamètes. Cet anonymat permettait également de garantir l’absence de sélection entre les donneurs, d’éviter toute pression entre donneurs et receveurs et de limiter les risques de trafic.

L’interdiction de divulguer toute information sur les données personnelles d’un donneur de gamètes a été confirmée, après un débat approfondi, par la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique.

En effet, alors que le projet n° 2911 déposé le 20 octobre 2010 à l’Assemblée nationale prévoyait, aux articles 14 et suivants, une possibilité d’accès aux données non identifiantes ainsi qu’à l’identité du tiers dont les gamètes ont contribué à la mise en œuvre de l’assistance médicale à la procréation, sous réserve du consentement exprès du tiers donneur pour ce qui concerne l’identité, ces dispositions ont été écartées par l’Assemblée nationale en première lecture dès l’examen du texte en commission spéciale, à l’initiative de son rapporteur, M. Jean Leonetti ([51]). Plus partagé ([52]), le Sénat s’était finalement rangé, en séance publique, aux trois arguments ainsi résumés par M. Alain Milon, rapporteur du texte : « la crainte d’une confusion entre filiation biologique et filiation par le droit et l’éducation ; la crainte d’une baisse du nombre de donneurs ; la crainte que les parents n’informent pas, ou plus, l’enfant des circonstances de sa conception » ([53]).

b.   Les implications

Issu de l’article 3 de la loi n° 94-653 du 29 juillet 1994 et repris à l’article L. 1211-5 du code de la santé publique, l’article 16-8 du code civil institue ainsi, en son alinéa premier, un anonymat à double entrée : « Aucune information permettant d’identifier à la fois celui qui a fait don d’un élément ou d’un produit de son corps et celui qui l’a reçu ne peut être divulguée. Le donneur ne peut connaître l’identité du receveur ni le receveur celle du donneur ». Concernant l’accueil d’embryon, l’article L. 2141-6 du code de la santé publique précise également que « le couple accueillant l’embryon et celui y ayant renoncé ne peuvent connaître leur identité respective ».

La règle est d’ordre public, c’est-à-dire qu’elle prévaut sur l’éventuel accord de l’ensemble des parties en présence, en application de l’article 16-9 du code civil, créé par le même article 3.

L’article 511-10 du code pénal, introduit par l’article 9 de la même loi et repris à l’article L. 1273-3 du code de la santé publique, assure l’effectivité du dispositif en punissant de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende « le fait de divulguer une information permettant à la fois d’identifier une personne ou un couple qui a fait don de gamètes et le couple qui les a reçus ».

Le principe d’anonymat concerne l’identité du donneur mais également les données non identifiantes que sont, par exemple, les caractéristiques physiques du donneur, sa situation familiale, son âge ou sa catégorie socio-professionnelle au moment du don.

Compte tenu du caractère absolu de l’anonymat entourant le don de gamètes, les informations sur le donneur disponibles pour l’enfant issu du don sont à la fois générales et succinctes. Elles traduisent le fait que le donneur devait répondre aux conditions légales fixées pour le don, c’est-à-dire, conformément aux articles 16-6 du code civil et L. 1244-2 et suivants du code de la santé publique, sur le fait que :

– le donneur a déjà procréé, sauf à être majeur et à s’être vu proposer le recueil et la conservation de ses gamètes en vue d’une éventuelle réalisation ultérieure, à son bénéfice, d’une assistance médicale à la procréation ;

– ses gamètes n’ont pu donner plus de dix enfants (le seuil était fixé à cinq jusqu’en 2004), du moins pas « délibérément » ;

– son don a été gratuit ;

– s’il faisait partie d’un couple, l’autre membre du couple avait aussi donné son consentement ;

– il ne sait pas si ses gamètes ont été effectivement utilisés, et encore moins si cette utilisation a abouti à la naissance d’un ou plusieurs enfants.

Là s’arrête l’information disponible sur le géniteur – et encore dans la seule mesure où les parents ont fait le choix de dire à leur enfant comment il est venu au monde.

En effet, selon une pratique médicale qui semble encore largement répandue, tout est fait, par l’appariement des caractères phénotypiques ([54]), pour que le donneur ressemble le plus possible au parent dont il est censé pallier la stérilité – ceci dans le but de préserver le secret sur le mode de conception. Comme l’a expliqué Mme Florence Eustache, présidente de la commission scientifique et technique de la Fédération des CECOS à la mission d’information sur la révision de la loi relative à la bioéthique, l’appariement, motivé par le souci d’exclure tout facteur de risque présent chez le donneur ou chez le receveur, vise aussi à prendre en compte les caractéristiques physiques et les groupes sanguins du couple receveur : « Lorsque nous accueillons les couples receveurs, nous tenons compte des phénotypes physiques – couleur des yeux, des cheveux, taille, poids, etc. –, de façon à disposer d’un gabarit et d’une représentation du couple. Nous pratiquons de la même façon avec les donneurs. (…) L’idée présidant à l’appariement est que l’enfant soit cohérent avec le couple » ([55]).

2.   Une exception en cas de nécessité thérapeutique ou de diagnostic d’une anomalie génétique grave

Le législateur a ainsi organisé une parfaite étanchéité, qui ne peut être remise en cause qu’en cas de nécessité thérapeutique ou de détection d’une anomalie génétique grave.

a.   La portée limitée de l’exception

En cas de nécessité thérapeutique, le code de la santé publique prévoit d’abord, en son article L. 1244-6 pour les dons de gamètes et en son article L. 2141-6 pour les dons d’embryons, la possibilité pour le médecin d’accéder aux informations médicales non identifiantes du donneur ou du couple donneur selon le cas.

Mais l’article 16-8 du code civil permet également, en son second alinéa, l’accès du médecin aux informations identifiantes.

Par ailleurs, lorsqu’une personne a procédé à un don de gamètes avant la réalisation d’un examen de génétique qui révèle une anomalie, elle peut autoriser son médecin à informer le centre d’assistance médicale à la procréation où elle a fait son don afin qu’il prévienne les enfants issus du don sans rupture du principe d’anonymat. Le dernier alinéa de l’article L. 1131-1-2 du code de la santé publique prévoit en effet : « Lorsqu’est diagnostiquée une anomalie génétique grave dont les conséquences sont susceptibles de mesures de prévention, y compris de conseil génétique, ou de soins chez une personne qui a fait un don de gamètes ayant abouti à la conception d’un ou plusieurs enfants ou chez l’un des membres d’un couple ayant effectué un don d’embryon, cette personne peut autoriser le médecin prescripteur à saisir le responsable du centre d’assistance médicale à la procréation afin qu’il procède à l’information des enfants issus du don dans les conditions prévues au quatrième alinéa ». Il s’agit alors seulement de recueillir les données de santé relatives au donneur strictement nécessaires à l’élaboration de la stratégie médicale.

À cette fin, des règles de recueil et de conservation des données ont été posées.

b.   Les modalités de recueil et de conservation des données

Aux termes de l’article R. 1244-5 du code de la santé publique, le donneur doit, avant le recueil ou le prélèvement des gamètes, donner expressément son consentement à la conservation de son dossier qui contient sous une forme rendue anonyme :

– les antécédents médicaux personnels et familiaux nécessaires à la mise en œuvre de l’assistance médicale à la procréation avec tiers donneur ;

– les résultats des tests de dépistage sanitaire ;

– le nombre d’enfants issus du don ;

– s’il s’agit d’un don de sperme, la date des dons, le nombre de paillettes conservées, la date des mises à disposition et le nombre de paillettes mises à disposition ;

– s’il s’agit d’un don d’ovocyte, la date de la ponction et le nombre d’ovocytes donnés ;

– le consentement écrit du donneur et, s’il fait partie d’un couple, celui de l’autre membre du couple ;

– s’il s’agit d’un donneur n’ayant pas encore procréé, l’attestation qu’il s’est soumis à un entretien avec un médecin qualifié en psychiatrie ou un psychologue et la mention, le cas échéant, d’une conservation d’une partie de ses gamètes en vue d’une éventuelle réalisation ultérieure à son bénéfice d’une assistance médicale à la procréation.

Ce dossier est conservé pour une durée minimale de quarante ans et, quel que soit son support, sous forme anonyme. L’archivage est effectué dans des conditions garantissant la confidentialité.

Les informations touchant à l’identité des donneurs, à l’identification des enfants nés et aux liens biologiques existant entre eux sont conservées par les centres d’étude et de conservation des œufs et du sperme humains (CECOS) ([56]), de manière à garantir strictement leur confidentialité, quel que soit le support.

Seuls certains praticiens, répondant aux critères de qualification et d’expérience fixés par les articles R. 2142-10 et R. 2142-11 du code de la santé publique pour exercer les activités d’assistance médicale à la procréation, c’est-à-dire les professionnels des CECOS, ont par ailleurs accès à ces informations.

Au nombre de vingt-neuf sur le territoire, les CECOS sont notamment soumis au contrôle de la CNIL, qui veille aux conditions dans lesquelles est effectué le recueil des données à caractère personnel à l’occasion des procréations médicalement assistées ([57]).

Il n’existe pas actuellement de fichier centralisé des donneurs et des dons qui permettrait une traçabilité des dons de gamètes et des enfants nés grâce à ces dons. En effet, la Fédération française des CECOS qui constitue un réseau national dans le domaine de l’assistance médicale à la procréation avec tiers donneur et de la préservation de la fertilité, ne conserve pas de façon centralisée les données relatives aux donneurs et aux dons de gamètes.

B.   le cadre constitutionnel et conventionnel

Les équilibres ainsi définis par le législateur n’ont jusqu’à présent pas été remis en cause au titre des normes juridiques supérieures.

1.   La conformité à la Constitution

Le Conseil constitutionnel n’exerce qu’un contrôle restreint sur les choix fondamentaux qui sous-tendent les lois dont il est saisi en matière de droit de la famille, rappelant que les articles 61 ([58]) et 61-1 ([59]) de la Constitution ne lui confèrent pas un pouvoir général d’appréciation et de décision identique à celui du Parlement, mais lui donnent seulement compétence pour se prononcer sur la conformité à la Constitution des lois déférées à son examen. Il exerce, en la matière, son office avec une retenue particulière.

Dès 1994, le Conseil a été amené à se prononcer sur la conformité à la Constitution des dispositions garantissant l’anonymat des tiers donneurs et interdisant aux enfants de connaître l’identité de ceux-ci. Outre le principe de l’assistance médicale à la procréation avec tiers donneur – les conditions du développement de la famille visées au dixième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 pouvant selon lui être assurées par des dons de gamètes ou d’embryons –, il a validé la règle de l’anonymat, étant précisé que le Conseil ne l’a confronté expressément, pour conclure à l’absence de contradiction, qu’à la protection de la santé telle que garantie par le onzième alinéa de ce préambule.

Il a ainsi considéré « qu’aucune disposition du Préambule de la Constitution de 1946 ne fait obstacle à ce que les conditions du développement de la famille soient assurées par des dons de gamètes ou d’embryons dans les conditions prévues par la loi ; que l’interdiction de donner les moyens aux enfants ainsi conçus de connaître l’identité des donneurs ne saurait être regardée comme portant atteinte à la protection de la santé telle qu’elle est garantie par ce Préambule » ([60]).

Le Conseil constitutionnel s’est ensuite prononcé sur la question de l’accès aux origines dans le contexte de l’accouchement sous le secret en 2012.

Saisi par le Conseil d’État d’une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité des articles L. 147-6 et L. 222-6 du code de l’action sociale et des familles tels que modifiés par la loi n° 2002-93 du 22 janvier 2002 relative à l’accès aux origines des personnes adoptées et pupilles de l’État, qui encadrent le droit à l’accouchement sous le secret, le Conseil les a déclarés conformes à la Constitution, considérant qu’« en permettant à la mère de s’opposer à la révélation de son identité même après son décès, les dispositions contestées visent à assurer le respect de manière effective, à des fins de protection de la santé, de la volonté exprimée par celle-ci de préserver le secret de son admission et de son identité lors de l’accouchement tout en ménageant, dans la mesure du possible, par des mesures appropriées, l’accès de l’enfant à la connaissance de ses origines personnelles ; qu’il n’appartient pas au Conseil constitutionnel de substituer son appréciation à celle du législateur sur l’équilibre ainsi défini entre les intérêts de la mère de naissance et ceux de l’enfant ; que les dispositions contestées n’ont pas privé de garanties légales les exigences constitutionnelles de protection de la santé ; qu’elles n’ont pas davantage porté atteinte au respect dû à la vie privée et au droit de mener une vie familiale normale » ([61]).

Il convient enfin d’observer que le Conseil constitutionnel a, tout récemment, consacré la notion de « protection de l’intérêt supérieur de l’enfant » en lui reconnaissant une valeur constitutionnelle sur le fondement des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 ([62]). Il n’apparaît cependant pas que cette évolution remette nécessairement en cause sa jurisprudence sur l’accès aux origines.

2.   La conformité au cadre conventionnel

Plusieurs instruments internationaux témoignent d’une évolution vers une reconnaissance progressive d’un droit d’accès aux origines personnelles.

a.   La Convention de New York relative aux droits de l’enfant

L’article 7 de la Convention internationale des droits de l’enfant de 1989 proclame en son paragraphe 1, qui a été jugé d’effet direct par la Cour de cassation ([63]), le droit pour celui-ci, « dans la mesure du possible », de « connaître ses parents ». Toutefois, la portée de cette stipulation reste incertaine pour la question posée dans la mesure où, d’une part, cette convention ne concerne que les enfants et où, d’autre part, la notion de parents ne s’applique pas nécessairement aux donneurs.

b.   La Convention européenne des droits de l’homme

Si la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) ne s’est, à ce jour, jamais prononcée sur le droit d’une personne conçue grâce à un don de gamètes d’accéder à des informations sur le donneur, elle a développé une conception particulièrement extensive de la notion de droit au respect de la vie privée, au sens de l’article 8 de la Convention, même s’il pose un droit fondamental relatif, qui peut connaître des tensions, des conflits avec d’autres droits fondamentaux.

La Cour juge de façon constante que le respect de la vie privée exige que chacun puisse établir les détails de son identité d’être humain ([64]) et que le droit d’un individu à de telles informations est essentiel du fait de leurs incidences sur la formation de la personnalité. Il en va, selon elle, du droit à l’identité et à l’épanouissement personnel que protège l’article 8.

La Cour a même, à plusieurs reprises, qualifié de vital l’intérêt à obtenir les informations qui sont indispensables aux individus pour découvrir la vérité sur un aspect important de leur identité personnelle. En matière d’actions en paternité, elle a, pour ce motif, vu une violation de l’article 8 dans l’absence de toute mesure procédurale de nature à contraindre le père prétendu à se plier à l’injonction du tribunal de se soumettre à un test ADN ([65]).

Il apparaît donc que le droit de connaître son « ascendance » et plus précisément, même, « l’identité de ses géniteurs » est protégé par la Convention ([66]).

Cependant, le droit de connaître ses origines n’est pas absolu. Il doit être mis en balance avec les intérêts des autres parties concernées. Ainsi, la Cour a eu l’occasion de rappeler que l’expression « toute personne » dans l’article 8 vise aussi bien l’enfant, qui a le droit de connaître ses origines, que le géniteur, qui a le droit de protéger sa vie privée ainsi que celle de sa famille. Il s’agit donc d’un conflit de droits horizontal, issu de deux branches du même droit. Deux interprétations du même droit au respect de sa vie privée et familiale sont en effet mises en concurrence s’agissant de l’accès aux origines, tant pour l’enfant né sous le secret vis-à-vis de sa mère de naissance ([67]) que pour l’enfant dont le géniteur présumé refuse de se soumettre à un test de paternité ([68]).

Au demeurant, la Cour reconnaît une marge d’appréciation aux États parties à la Convention dès lors qu’il n’existe pas « de consensus au sein des États membres du Conseil de l’Europe, que ce soit sur l’importance relative de l’intérêt en jeu ou sur les meilleurs moyens de le protéger, en particulier lorsque l’affaire soulève des questions morales ou éthiques délicates » ([69]).

Au bénéfice de cette marge d’appréciation, le Conseil d’État a estimé, dans un avis contentieux du 13 juin 2013 mentionné supra ([70]), « qu’en interdisant la divulgation de toute information sur les données personnelles d’un donneur de gamètes, le législateur a établi un juste équilibre entre les intérêts en présence et que, dès lors, cette interdiction n’est pas incompatible avec les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ». Il a précisé qu’il n’appartenait « qu’au seul législateur de porter, le cas échéant, une nouvelle appréciation sur les considérations d’intérêt général à prendre en compte et sur les conséquences à en tirer ».

Il n’est cependant pas exclu que la Cour européenne des droits de l’homme juge, le moment venu, que la législation française sur l’anonymat du don de gamètes, par son caractère absolu, n’assure pas une conciliation équilibrée entre les différents intérêts en présence en ce qu’elle néglige l’intérêt vital, tel que reconnu par sa jurisprudence, de tout individu à connaître l’identité de son géniteur.

La question est d’ailleurs pendante devant elle à la requête d’une justiciable française. Dans le cadre de l’instruction de cette affaire, qui sera jugée dans les prochains mois, la Cour a demandé au Gouvernement ses intentions dans la perspective de la révision de la loi de bioéthique.

C.   les facteurs de remise en cause

1.   La prise en compte de l’intérêt de l’enfant

Tel que défini par les lois de bioéthique de 1994, le régime de protection de l’anonymat du don de gamètes exclut tout simplement l’enfant. Tout se joue entre donneurs et receveurs, les enfants étant les grands oubliés.

Non seulement le secret s’impose à eux par la force des choses, mais le législateur n’a pas cru utile de, simplement, les situer dans cette problématique de l’anonymat.

Vingt-cinq ans après l’adoption des lois de 1994 et alors que les premières générations d’enfants issus de la PMA avec tiers donneur dans le cadre légal ainsi institué sont adultes, cette règle de l’anonymat absolu et irréversible se révèle être insupportable à nombre d’entre eux.

Bien qu’il n’y ait pas de consensus parmi les psychiatres et les psychanalystes, ni parmi les psychologues et les sociologues, sur les conséquences du principe d’anonymat sur les enfants, « nombre d’études font apparaître que le secret de l’anonymat engendre souvent chez les enfants de la honte sans qu’ils comprennent pourquoi », comme le souligne Mme Geneviève Delaisi de Parseval, psychanalyste ([71]).

« De nombreux psychologues témoignent des conséquences délétères d’une identité fondée sur l’effacement de l’intervention d’un tiers », ajoute le Conseil d’État dans son étude intitulée Révision de la loi de bioéthique : quelles options pour demain ? du 28 juin 2018. Ils démontrent que l’application du principe d’anonymat risque d’entraîner à long terme des effets préjudiciables sur l’enfant parce que ce dernier est privé d’une dimension de son histoire qui le concerne pourtant intimement.

Il convient donc d’éviter, comme le recommande Mme Irène Théry, sociologue que, « par le seul effet de la loi, l’enfant [soit] interdit de pouvoir se situer complètement dans la chaîne de transmission de la vie humaine, chaîne qui pour lui fut répartie sur deux transmissions complémentaires : par ses parents, (et donc par la filiation) et par son donneur (qui par hypothèse ne s’inscrit pas dans la filiation). En supprimer arbitrairement une, c’est décider de priver la personne d’une partie d’elle-même » ([72]). La dissociation volontaire des dimensions biologiques et sociales de la filiation ne doit en effet pas masquer le fait que l’enfant hérite, de fait, de ces deux dimensions et de toute l’histoire qui a abouti à sa conception dans une unique filiation.

La connaissance du donneur apparaît également importante pour les personnes nées de don dans le rapport avec une troisième génération.

2.   Les nouveaux modèles de familles

Depuis 40 ans, le modèle de la famille française a profondément évolué. De la famille reposant sur un père et une mère on est passé à des familles qui peuvent être monoparentales, composées de deux parents de sexe opposé ou de même sexe ou encore au sein desquelles il n’est pas rare, à la faveur de la recomposition, que plusieurs adultes concourent à l’éducation des enfants.

« La diversification des modèles familiaux tend à banaliser la dissociation entre filiation juridique et biologique et atténue aujourd’hui la dimension potentiellement déstabilisante de la revendication de l’accès aux origines » comme l’a souligné le Conseil d’État ([73]).

Elle conduit en particulier à remettre en cause le secret sur le mode de procréation des enfants issus d’AMP. Le Comité consultatif national d’éthique indique ainsi, dans son rapport de synthèse des États généraux de la bioéthique, qu’« un consensus existe sur le fait de ne pas cacher aux enfants l’histoire de leur conception ». En outre, l’ouverture de l’accès à l’AMP aux femmes, seules ou vivant en couple, va conduire à ce que le secret portant sur le mode de conception soit de facto inexistant puisque, double ou simple, la filiation biologique sera invraisemblable. Dans ces cas, le projet parental fondant la filiation, il y aura lieu de distinguer entre origine, parenté et filiation.

3.   Le développement des tests génétiques

Les tests génétiques dits « récréatifs » sont utilisés pour connaître les origines géographiques d’ancêtres et retrouver des parents plus ou moins éloignés.

Bien que le système juridique français prohibe le recours à de tels tests ([74]), son contournement est aisé puisqu’il suffit de passer commande, pour un prix de plus en plus modique, sur internet, à des sociétés implantées à l’étranger pour recevoir un kit à domicile. Après un prélèvement salivaire, le dispositif est retourné à l’étranger. Les résultats parviennent quelques semaines plus tard avec l’identification des personnes qui, au sein de la base ([75]), partagent des fragments d’ADN avec le client.

Grâce à ces tests, les personnes nées d’assistance médicale à la procréation parviennent de plus en plus fréquemment à identifier leur donneur. Auditionné par la mission d’information sur la révision de la loi relative à la bioéthique, M. Arthur Kermalvezen a relaté son histoire ([76]), démontrant qu’au prix d’un test et d’une enquête dans l’entourage de la personne pré-identifiée, il lui a été possible d’entrer en contact avec son donneur. Selon l’étude d’impact, quinze personnes auraient ainsi retrouvé leur donneur et cinquante-cinq autres personnes issues de ces mêmes donneurs auraient été identifiées en France en avril 2019.

Le Conseil national consultatif d’éthique en conclut, dans sa contribution à la révision de la loi de bioéthique ([77]), que « continuer à défendre l’anonymat à tout prix est un leurre à l’ère présente et future de la génomique et du “Big data” » tout comme M. Jean-Louis Touraine, rapporteur de la mission d’information sur la révision de la loi relative à la bioéthique, qui considère que « la combinaison d’internet et de la génétique frappe de quasi caducité l’anonymat du donneur, quand bien même le législateur choisirait d’en maintenir strictement le principe » ([78]).

Il apparaît donc nécessaire de prévenir les dérives de l’évolution de ces technologies en encadrant la communication des informations, alors que les rencontres qui s’organisent entre donneurs et personnes nées du don dans ce cadre se font spontanément et sans accompagnement.

II.   Les évolutions prévues par le projet de loi

Alors que la loi n° 2002-93 du 22 janvier 2002 relative à l’accès aux origines des personnes adoptées et pupilles de l’État a défini un nouvel équilibre entre le droit de la mère à demander le secret de son accouchement et le droit de l’enfant à connaître ses origines et a créé le Conseil national pour l’accès aux origines personnelles (CNAOP) ([79]), l’article 3 du projet de loi autorise, dans un cadre très différent, les personnes nées d’assistance médicale à la procréation avec un tiers donneur à accéder aux données non identifiantes ainsi qu’à l’identité des donneurs de gamètes ou d’embryons et instaure, à cet effet, une commission ad hoc.

Cette évolution n’a aucun lien avec l’extension aux couples de femmes et aux femmes seules de l’accès à l’assistance médicale à la procréation prévue par l’article 1er du projet de loi : certains enfants nés d’un tiers donneur au sein de couples hétérosexuels revendiquent un droit d’accès à l’identité de ce tiers depuis longtemps déjà.

Comme dans le cadre de l’accouchement dans le secret ([80]) et à l’instar de tous les pays qui ont choisi de donner aux enfants nés de PMA avec tiers donneur un accès à leurs origines, cette réforme n’emporte en outre pas de conséquence en matière de filiation. Le projet de loi veille en effet à maintenir l’impossibilité d’établir tout lien de filiation entre le donneur et l’enfant.

Alors qu’il est très difficile d’estimer le nombre de personnes qui demanderont à avoir accès à leurs origines personnelles compte tenu, d’une part, du secret que certaines familles entretiennent sur le mode de conception de l’enfant (sur les 70 000 personnes ainsi nées en France, 64 000 l’ignoreraient selon l’étude d’impact) et, d’autre part, des difficultés à estimer l’évolution du nombre de ces naissances, la question de l’accès aux origines et de ses modalités est complexe.

Elle implique en effet de parvenir à un juste équilibre entre le droit de l’enfant au respect de sa vie privée, le droit au respect de la vie privée et familiale du donneur, l’équilibre de la famille de l’enfant issu du don et le maintien d’une quantité suffisante de dons de gamètes.

Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d’État a considéré qu’aucune des dispositions de l’article 3 ne se heurtait à un obstacle de nature constitutionnelle ou conventionnelle.

A.   la confirmation du principe de l’anonymat du don de gamÈtes ou d’embryon

L’accès par la personne issue d’un don à l’identité du tiers donneur ne remet pas en cause le principe d’anonymat prévu par l’article 16-8 du code civil, qui interdit au donneur et au receveur de connaître leurs identités respectives au moment du don et ultérieurement.

Il convient en effet de distinguer l’anonymat qui concerne les relations entre les donneurs et les receveurs et le droit d’accès à des informations, identifiantes ou non, qui concerne les relations entre les donneurs et les personnes nées du don.

Comme l’a souligné le Comité consultatif national d’éthique dans son avis n° 126 ([81]), « il faut distinguer le droit à l’accès à ses origines personnelles (« élément structurant de l’identité des personnes ») et le droit à l’anonymat garanti aux donneurs de sperme, ces deux normes ne devant pas être confondues ».

Le principe de l’anonymat demeure donc garanti entre le donneur et le receveur. Il est également toujours assuré à l’égard de toute personne autre que l’enfant, qui sera, à partir de dix-huit ans, le seul bénéficiaire du droit d’accéder aux informations personnelles de son donneur. Il ne s’agit donc ni de cesser d’« anonymiser » les gamètes, ni de modifier les procédures de sélection des donneurs en permettant aux parents de les choisir.

Afin de garantir l’effectivité de ce principe, les dispositions suivantes clarifient la distinction à opérer entre anonymat du don et droit d’accès aux origines.

Le IV de l’article 3 insère un article 16-8-1 nouveau après l’article 16-8 du code civil, afin de préciser que le principe d’anonymat du don ne fait pas obstacle à l’accès de l’enfant majeur né d’une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur, sur sa demande, à des données non identifiantes ou à l’identité de ce donneur. En effet, le principe d’anonymat s’exerce entre le donneur et le receveur ; l’enfant est donc un tiers dans cette relation.

Le V de l’article 3 modifie l’article 511-10 du code pénal relatif à l’infraction tenant à la divulgation de l’identité du donneur ou du receveur, afin d’écarter l’exercice du droit d’accès aux origines du champ de cette infraction et d’inclure, conformément à l’article 1er du projet de loi, dans le champ des receveurs la femme non mariée.

Le II de l’article 3 procède à la même précision dans la disposition miroir figurant à l’article L. 1273-3 du code de la santé publique, en omettant toutefois le cas de la femme non mariée.

B.   l’AccÈs de la personne issue d’assistance mÉdicale à la procrÉation À ses origines

Le III de l’article 3 ajoute au titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique, relatif à l’assistance médicale à la procréation, un chapitre III intitulé « Accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur » qui comprend neuf nouveaux articles L. 2143-1 à L. 2143-9.

1.   La définition du tiers donneur

Afin de couvrir les enfants issus tant d’un don de gamètes que d’embryon, le nouvel article L. 2143-1 définit la notion de « tiers donneur » comme la personne dont les gamètes ont été recueillis ou prélevés en vue d’une assistance médicale à la procréation ainsi que le couple ou la femme ayant consenti à ce qu’un ou plusieurs de ses embryons soient accueillis par un autre couple ou une autre femme.

Il ajoute que lorsque le tiers donneur est un couple, son consentement s’entend du consentement de chacun de ses membres tout en précisant qu’il doit être exprès.

2.   Le droit de la personne à accéder aux données non identifiantes et à l’identité du donneur

a.   L’autorisation d’accéder aux données personnelles du donneur

Le nouvel article L. 2143-2 ouvre, en son premier alinéa, le droit à tout enfant conçu par assistance médicale à la procréation avec un tiers donneur d’accéder, à sa majorité, aux données non identifiantes relatives à ce tiers donneur, comme ses caractéristiques physiques, ainsi qu’à son identité.

Combiné au nouvel article L. 2143-1, il permet que les bénéficiaires de ce nouveau droit ne fassent pas l’objet de distinction selon la nature du don dont ils sont issus (spermatozoïdes, ovocytes ou embryon).

L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques s’était interrogé sur les conséquences d’un accès aux données personnelles du donneur à la suite d’un accueil d’embryon. Mme Annie Delmont-Koropoulis et M. Jean-François Éliaou, rapporteurs de l’évaluation de l’application de la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique, soulignaient ainsi que « s’agissant de frères ou sœurs génétiques de l’enfant ou des enfants du couple, issus des embryons créés pour l’assistance médicale à la procréation et ayant permis la naissance d’un ou de plusieurs enfants, “recueillis” par un autre couple, quel pourrait être le “ressenti” psychologique des parents génétiques auxquels l’un de ceux-ci, devenu majeur, issu de l’un de ces embryons “abandonnés”, demanderait l’accès aux données identifiantes ? » ([82]).

Cependant, l’objectif de permettre l’accès de chaque enfant issu d’assistance médicale à la procréation avec un tiers donneur à ses origines l’a emporté sur ces considérations.

Par conséquent, tous les enfants conçus par assistance médicale à la procréation avec un tiers donneur sont concernés dès qu’ils ont atteint l’âge de la majorité, le délai de dix-huit ans devant permettre à l’enfant de se construire au sein de sa famille légale.

Le droit d’accès à l’identité du donneur n’est pas un « droit de rencontre » mais un droit à la connaissance d’une information. Par conséquent, il n’emporte pas un « droit à contacter » le donneur ou à s’immiscer dans la famille de celui-ci et inversement pour le donneur. L’article 9 du code civil, qui affirme que « chacun a droit au respect de sa vie privée », a en effet vocation à s’appliquer pour protéger l’enfant comme le donneur.

Il convient enfin de préciser que la personne majeure peut, si elle le souhaite, demander l’accès aux données non identifiantes ou à l’identité du donneur ou bien, encore, demander l’accès aux deux. Elle peut également ne pas faire usage de ce nouveau droit. En effet, la personne née de don est libre d’exercer ou non son droit d’accès, à l’instar des dispositions prévues dans les pays étrangers qui ont reconnu un droit d’accès aux origines.

b.   Le consentement du donneur comme condition préalable au don

Le nouvel article L. 2143-2 prévoit, en son second alinéa, que le consentement exprès du donneur à la communication de ses données non identifiantes et de son identité est recueilli avant même de procéder au don.

Le Gouvernement a ainsi fait le choix d’un consentement irrévocable du donneur, de nature à sécuriser l’enfant, qui saura qu’à sa majorité, il pourra, s’il le souhaite, connaître les données personnelles du donneur.

Le caractère irrévocable du consentement, requis avant le don, pourrait rebuter certains donneurs ou à tout le moins avoir un impact, difficile à anticiper, sur les dons de gamètes. Ainsi, il apparaît qu’en Suède, en Australie, en Finlande et au Royaume-Uni, la reconnaissance du droit d’accès aux origines personnelles a conduit à une baisse des dons. Mais celle-ci n’a été que temporaire : quelques mois ou années plus tard, une augmentation a été constatée, estimée à 6 % pour la Suède et à 100 % pour le Royaume-Uni ([83]).

À cet égard, Mme Petra de Sutter, membre de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, souligne que « l’argument systématiquement invoqué par les cliniques pratiquant les IAD est celui d’une baisse du nombre de donneurs en cas de levée de l’anonymat des dons. Cependant, les statistiques ne permettent pas de confirmer cet argument. (…) Les différentes études conduites permettent de constater une modification sensible du profil des donneurs, ceux-ci étant généralement plus âgés et ayant mieux mûri leur geste, et non une réduction de leur nombre. » ([84]).

Le Gouvernement a toutefois privilégié cette solution par rapport à celles qui auraient consisté soit à donner le choix au donneur, avant le don, entre l’accord pour l’accès à son identité et le refus de cet accès, soit à subordonner l’accès à l’identité du donneur à un accord de ce dernier au moment où l’enfant en fait la demande.

La première option avait pour inconvénient de créer deux catégories de donneurs, avec le risque que le ou les parents demandent à pouvoir choisir entre ces deux catégories. Un tel double système aurait été source d’inégalité entre les enfants selon le choix opéré par leurs parents.

La seconde option, qui avait la faveur de la Commission nationale consultative des droits de l’homme ([85]), du Défenseur des droits ([86]), du rapporteur de la mission d’information parlementaire sur la révision de la loi relative à la bioéthique ([87]) ainsi que du Conseil d’État ([88]), apparaissait comme une solution plus équilibrée qui prenait en compte l’ensemble des intérêts en présence. Cependant, elle était profondément inégalitaire en ce qu’elle exposait la personne née de don à un refus d’accès à l’identité du donneur.

Outre qu’elle permet de garantir à l’enfant l’accès à ses origines personnelles, la solution retenue par le Gouvernement permet de couvrir l’hypothèse du décès du donneur, qui ne fait pas obstacle à la communication de son identité à la personne née de son don, l’accord du donneur quant à cette communication ayant été donné avant le don.

3.   Le recueil des données relatives au donneur

Le nouvel article L. 2143-3 fixe, dans son I, les catégories de données non identifiantes qui doivent être recueillies par le médecin, en plus de l’identité du donneur, lors du consentement au don de gamètes ou à l’accueil d’embryon.

Ces informations concernant le donneur portent sur :

– son âge ;

– son état général au moment du don ;

– ses caractéristiques physiques ;

– sa situation familiale et professionnelle ;

– son pays de naissance ;

– les motivations de son don, qui doivent être rédigées par ses soins.

Le nouvel article L. 2143-3 prévoit, dans son II, que le même médecin est destinataire des informations relatives à l’évolution de la grossesse résultant d’une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur et qu’à l’issue il recueille l’identité de chaque enfant, afin de permettre l’appariement entre le donneur et l’enfant dans le traitement de données prévu au nouvel article L. 2143-4.

La nature des données non identifiantes (comme la taille, le poids, la couleur de la peau, des yeux et des cheveux, etc.) sera précisée par décret en Conseil d’État tout comme les modalités de recueil de l’identité des enfants, en application des 1° et 2° du nouvel article L. 2143-9.

Comme l’ont souligné la CNIL et le Conseil d’État dans leurs avis sur le projet de loi, il conviendra en particulier que le décret d’application prévoie que les donneurs seront clairement informés du fait que certaines données non identifiantes sont en réalité susceptibles d’être indirectement identifiantes.

4.   La conservation des données relatives au tiers donneur

Tirant les enseignements du dispositif actuel de conservation des informations relatives aux donneurs qui souffre aujourd’hui de l’absence d’harmonisation des pratiques des CECOS et d’un défaut de centralisation des données, le nouvel article L. 2143-4 prévoit que les informations relatives aux tiers donneurs, à leurs dons et aux enfants nés de ces dons, recueillies par les CECOS, seront désormais conservées par un seul organisme : l’Agence de la biomédecine.

La mise en place d’un fichier centralisé des données relatives aux donneurs, aux dons et aux enfants nés de don s’inscrit dans l’objectif de définir un cadre juridique clair pour l’accès aux origines des enfants nés de don, à même de susciter la confiance des donneurs. Elle doit également contribuer à leur protection en permettant le respect du plafond de dix enfants par donneur, posé par l’article L. 1244-4 du code de la santé publique, ainsi que celle du nombre de prélèvements par donneuse.

Le choix de confier cette nouvelle mission de conservation des données relatives aux donneurs et aux enfants à l’Agence de la biomédecine, établissement public administratif placé sous la tutelle du ministère de la Santé compétent notamment dans le secteur de la reproduction, est justifié par l’expérience qu’elle a acquise en matière de gestion de bases de données sensibles dans des domaines proches du don de gamètes ou d’embryons.

Cette mesure a également pour objet d’alléger la responsabilité qui pèse sur les CECOS – ceux-ci ne souhaitent plus être les seuls garants de l’anonymat des donneurs et de la conservation des données identifiantes et non identifiantes – qui pourront se concentrer sur leur mission première, l’accueil des publics relevant d’une assistance médicale à la procréation.

L’Agence de la biomédecine sera donc responsable de la gestion du fichier, en application du nouveau 13° de l’article L. 1418-1 du code de la santé publique, créé par l’article 30 du projet de loi ([89]), dans des conditions garantissant strictement leur sécurité, leur intégrité et leur confidentialité.

La durée de conservation des données sera fixée par décret en Conseil d’État. Ne pouvant être inférieure à quatre-vingts ans, elle devra notamment tenir compte de trois données :

– les gamètes d’un donneur peuvent être utilisés une dizaine d’années après le don ;

– l’enfant issu du don doit être majeur pour demander l’accès à ses origines ;

– l’enfant majeur peut initier cette démarche à tout âge.

5.   La commission d’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur

Le nouvel article L. 2143-6 crée, auprès du ministre chargé de la santé, une commission d’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur, à laquelle l’enfant qui souhaite, à sa majorité, accéder aux données non identifiantes relatives au tiers donneur ou à son identité doit s’adresser, en application de l’article L. 2143-5. Le 3° du nouvel article L. 2143-9 nouveau prévoit que la nature des pièces à joindre à la demande est fixée par décret en Conseil d’État.

La création d’une commission ad hoc plutôt que le recours au CNAOP est justifiée par la différence de situation juridique et psychologique entre les enfants issus d’un don de gamètes et ceux qui ont été abandonnés ou confiés à leur naissance. Il convient de ne pas instaurer de parallélisme entre la situation de ces enfants, au risque de fragiliser les procédures d’AMP avec tiers donneur et d’accouchement dans le secret. En outre, la composition actuelle du CNAOP ([90]) apparaît inadaptée pour examiner les demandes des enfants issus d’un don de gamètes.

● Le I du nouvel article L. 2143-6 fixe les missions de cette commission. Elle est ainsi chargée de statuer :

– sur les demandes d’accès à des données non identifiantes relatives au tiers donneur ;

– sur les demandes d’accès à l’identité du tiers donneur ;

– à la demande d’un médecin, sur le caractère non identifiant de certaines données préalablement à leur transmission à l’Agence de biomédecine.

Les 3° et 4° du III précisent que la commission assure la communication au demandeur des données non identifiantes relatives au tiers donneur et de son identité ainsi que l’information et l’accompagnement des demandeurs et des tiers donneurs.

Le 2° du III ajoute que, s’agissant plus particulièrement des donneurs dont les gamètes ont été recueillis ou prélevés dans le cadre juridique actuel, il revient à la commission de recueillir et d’enregistrer leur accord à l’accès aux informations les concernant sous réserve qu’ils se soient manifestés, sur leur initiative, auprès d’elle pour autoriser un tel accès. Ainsi, le Gouvernement a écarté le principe d’une sollicitation nominative, par courrier, de ces donneurs, au motif que les CECOS ne disposent pas des moyens nécessaires pour les recontacter.

● Le II et les 1° et 2° du III du nouvel article L. 2143-6 ainsi que le nouvel article L. 2143-8 précisent la nature des relations entre la commission et l’Agence de la biomédecine.

Ainsi, la commission demande à l’Agence la communication des données non identifiantes et de l’identité des tiers donneurs, celle-ci étant tenue de les lui transmettre. Elle communique par ailleurs à l’Agence les données personnelles du donneur qui a donné son accord, postérieurement à son don, à l’accès à ces données.

● Le nouvel article L. 2143-7 fixe la composition de la commission de la manière suivante :

– un membre des juridictions administratives ;

– un magistrat de l’ordre judiciaire ;

– quatre représentants du ministère de la justice et des ministères chargés de l’action sociale et de la santé ;

– quatre personnalités qualifiées choisies pour leurs connaissances ou leur expérience dans le domaine de l’assistance médicale à la procréation ou des sciences humaines et sociales ;

– six représentants d’associations dont l’objet relève du champ d’intervention de la commission.

Le magistrat de l’ordre judiciaire préside la commission.

Il est par ailleurs prévu que l’écart entre le nombre de femmes et le nombre d’hommes ne peut être supérieur à un, que chaque membre dispose d’un suppléant et qu’en cas de partage égal des voix, celle du président est prépondérante.

Les membres de la commission sont tenus à une obligation de confidentialité. Tout manquement à cette obligation – consistant en la divulgation d’informations sur une personne ou un couple qui a fait don de gamètes ou d’embryons – est passible des sanctions prévues à l’article 511-10 du code pénal.

La composition et le fonctionnement de la commission seront précisés par décret en Conseil d’État, en application du 4° du nouvel article L. 2143-9.

C.   l’AccÈs aux informations non identifiantes par un mÉdecin

Le I de l’article 3 réécrit l’actuel article L. 1244-6 du code de la santé publique, afin de préciser la portée de l’exception au principe d’anonymat prévue en cas de nécessité thérapeutique.

Il prévoit qu’un médecin peut accéder aux informations médicales non identifiantes en cas de nécessité médicale – et non plus « thérapeutique » – au bénéfice d’un enfant conçu à partir de gamètes issus de don ou au bénéfice d’un donneur de gamètes.

La substitution de l’adjectif « médical » à celui de « thérapeutique » qui, supposant une action curative, apparaît trop restreint, a pour objet de favoriser une prise en charge médicale élargie des personnes nées d’assistance médicale à la procréation avec don. En effet, la démarche du médecin ne doit pas viser exclusivement la guérison de son patient mais également inclure la possibilité de mesures de prévention ou de soin. L’ajout du donneur de gamètes a en outre pour finalité de réparer une omission dans le code de la santé publique.

Le I supprime par ailleurs les dispositions relatives à la transmission aux autorités sanitaires des informations utiles relatives aux donneurs. Ces dispositions n’ont en effet jamais été mises en œuvre. Leur objectif, en particulier en matière de prévention des risques de consanguinité, sera désormais poursuivi par le fichier national des donneurs, des dons et des enfants nés de don géré par l’Agence de la biomédecine.

Le I supprime enfin les dispositions relatives au contrôle de la CNIL sur les conditions dans lesquelles est effectué, par les CECOS, le recueil des données à caractère personnel car elles ne sont plus conformes au règlement général sur la protection des données (RGPD) ([91]).

D.   une application diffÉrenciÉe dans le temps

Le VI et le VII de l’article 3 prévoient un dispositif d’application dans le temps dont le Conseil d’État considère, dans son avis sur le projet de loi, qu’« il est de nature à garantir le respect du consentement du donneur, ce qui suppose de s’assurer qu’aucun donneur ne soit exposé au risque que son identité, ou des informations non identifiantes le concernant, soient révélées sans qu’il y ait préalablement consenti ».

Il s’agit en effet de prévoir un droit inconditionnel pour tout enfant conçu par assistance médicale à la procréation avec un tiers donneur après une certaine date à accéder aux informations personnelles de son donneur, tout en prévoyant, pour les enfants conçus avant cette date, un même droit conditionné à l’accord du donneur. L’instauration de ce droit inconditionnel pour les premiers impose nécessairement de détruire le stock de gamètes et d’embryons issus des dons consentis sous l’ancien régime.

1.   Les modalités de mise en œuvre du nouveau régime

Le VI prévoit une entrée en vigueur en trois temps des dispositions des articles 1er, 2 et 3 du projet de loi relatives à l’accès aux origines des personnes nées d’assistance médicale à la procréation avec un tiers donneur. Ces trois temps sont déterminés à partir de la date de promulgation de la loi.

Le premier temps consiste à donner une base légale à deux éléments du dispositif d’accès aux origines qui nécessitent la mise en œuvre préalable de mesures réglementaires : la composition de la commission d’accès (article L. 2143-7) et le fichier des donneurs à l’Agence de la biomédecine (article L. 2143-4). C’est l’objet du 2° du VI, qui fixe l’entrée en vigueur de ces dispositions à une date fixée par décret, et au plus tard le premier jour du treizième mois suivant la promulgation de la loi.

Le deuxième temps consiste à ouvrir le recrutement des « nouveaux » donneurs. Cela concerne les modalités du consentement au don (articles L. 1244-2 et L. 2141-5 ([92])), les données recueillies par les médecins des CECOS (article L. 2143-3), les modalités d’accès aux informations personnelles (article L. 2143-5), l’existence et les missions de la commission ad hoc (article L. 2143-6) et l’obligation de communication des données à la commission par l’Agence de la biomédecine (article L. 2143-8). C’est l’objet du 1° du VI, qui fixe l’entrée en vigueur de ces dispositions au premier jour du treizième mois suivant la promulgation de la loi. À partir de cette date, les gamètes seront donc recueillis et les embryons proposés à l’accueil dans le cadre du nouveau régime du don.

On doit noter cependant que les stocks antérieurs subsisteront et resteront utilisables ; passé le deuxième temps, les gamètes et les embryons utilisés pour insémination ou AMP pourront donc avoir été indifféremment recueillis et proposés à l’accueil dans le cadre de l’actuel ou du nouveau régime du don, donc à partir de donneurs placés sous le régime actuel de l’anonymat ou sous le régime nouveau du droit d’accès aux origines. Les contraintes matérielles liées à la constitution d’un stock suffisant de gamètes et embryons entrant dans le cadre du nouveau régime du don imposent ce recouvrement entre les deux régimes, pour ce qui concerne l’utilisation des gamètes et embryons.

Le troisième temps consiste justement à basculer définitivement dans le nouveau régime du don, en prévoyant que désormais, seuls les gamètes recueillis et les embryons proposés à l’accueil dans le cadre du nouveau régime pourront être utilisés pour une insémination ou une tentative d’AMP. C’est l’objet du 3° du VI, qui fixe l’entrée en vigueur de cette disposition à une date, fixée par décret, postérieure au premier jour du treizième mois suivant la promulgation de la loi.

En conséquence de ce basculement, le 4° du VI prévoit qu’à la veille de la date prévue au 3° du VI, il sera mis fin à la conservation des gamètes et des embryons provenant de dons effectués par les « anciens » donneurs. À compter du lendemain, il sera donc matériellement impossible d’effectuer des actes d’AMP susceptibles de donner naissance à des enfants qui seraient issus des « anciens » donneurs.

En toute logique, c’est donc seulement à partir de cette date prévue au 3° du VI que peut être ouvert au profit des enfants à naître dans le cadre d’une AMP avec tiers donneur le droit d’accès aux origines personnelles. Pourtant, le 1° du VII prévoit que l’article L. 2143-2 du code de la santé publique, relatif au droit d’accès de l’enfant à ses origines personnelles et au consentement du donneur à la communication de ces données, s’appliquera aux personnes conçues par AMP avec tiers donneur à compter de la date prévue au  du VI, c’est-à-dire du tout premier temps de l’entrée en vigueur échelonnée du dispositif. Un tel dispositif remettrait en cause la situation des donneurs ayant procédé au don sous le régime de l’anonymat. La date correcte est en fait celle déterminée par le 3° du VI.

La destruction de gamètes et d’embryons peut susciter des interrogations dans un contexte marqué par leur insuffisance au regard de la demande et des risques allégués de baisse des dons à la suite de la mise en place de la réforme.

Dans son rapport sur l’application de la loi de bioéthique, l’Agence de la biomédecine souligne en effet que, pour les couples en attente de dons, les délais d’attente vont de un à trois ans ([93]). Selon l’Institut national d’études démographiques (INED) ([94]), « la pénurie de donneurs en France ne permet pas de répondre à la demande des couples hétérosexuels infertiles en âge reproductif, en particulier la demande d’ovocytes », sachant que le recours à un tiers donneur, qui concerne 5 % des enfants conçus par AMP en France, porte « très largement [sur] le don de spermatozoïdes (4 % des naissances AMP, soit environ 1 000 enfants par an) et de manière marginale [sur] le don d’ovocytes (1 % des naissances d’AMP, soit environ 250 enfants par an) ».

2.   Les modalités de mise en œuvre pour les enfants issus des dons antérieurs à l’entrée en vigueur du nouveau régime

Les 2° à 6° du VII déterminent les modalités particulières selon lesquelles un accès aux origines peut être organisé pour les enfants issus d’une AMP avec tiers donneur effectuée dans le cadre du régime actuel de l’anonymat. Ils ouvrent à ces enfants la possibilité, mais pas le droit, d’accéder à leurs origines, possibilité qui résultera de la rencontre a priori fortuite de deux volontés : celle du donneur et celle de l’enfant, par l’intermédiaire de la commission précédemment évoquée.

Le 2° prévoit que les « anciens » donneurs peuvent manifester auprès de la commission leur accord à la transmission aux personnes majeures nées de leur don de leurs données non identifiantes d’ores et déjà détenues par les CECOS ainsi que leur accord à la communication de leur identité en cas de demande par ces personnes.

Le 3° prévoit que les enfants conçus par AMP avec tiers donneur, une fois majeurs, peuvent se manifester auprès de la commission pour demander l’accès aux données non identifiantes du donneur d’ores et déjà détenues par les CECOS et, le cas échéant, l’identité de celui-ci.

Le 4° prévoit que la commission fait droit aux demandes d’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur qui lui parviennent, si le tiers donneur s’est manifesté auprès d’elle.

Le 5° précise que les CECOS, qui détiennent actuellement les informations relatives à ces donneurs, sont tenus de les communiquer à la commission, à sa demande.

Le 2° et le 3° sont applicables le premier jour du treizième mois suivant la promulgation de la loi, c’est-à-dire à partir du moment où doit normalement être opérationnel auprès de l’Agence de la biomédecine le fichier nécessaire pour enregistrer l’accord des « anciens » donneurs, leurs données non identifiantes et leur identité, en application du 2° du III de l’article L. 2143-6 nouveau.

Le 2° et le 3° font référence à la « date prévue au 2° du VI » pour caractériser l’utilisation des dons antérieurs à l’entrée en vigueur du nouveau régime et déterminant donc le champ des donneurs et des enfants concernés par le dispositif spécifique à ces dons. Il s’agit d’une erreur de référence et la date correcte est celle prévue au 3° du VI, puisque c’est celle à partir de laquelle ne peuvent plus être utilisés que les gamètes recueillis et les embryons proposés à l’accueil dans le cadre du nouveau régime.

Après avoir souligné dans son étude sur la révision de la loi relative à la bioéthique qu’« il n’est constitutionnellement envisageable de porter une atteinte aux situations nées antérieurement que si la révélation de l’identité du donneur est subordonnée à son consentement exprès » ([95]), le Conseil d’État a estimé, dans son avis sur le projet de loi, que le dispositif proposé préservait le droit au respect de la vie privée des anciens donneurs, tout en ménageant une possibilité pour les enfants issus de leurs dons de connaître leurs origines et en a conclu que l’équilibre ainsi atteint ne soulevait pas de difficulté juridique.

 


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Article 4
Établissement de la filiation des enfants nés par recours à l’assistance médicale à la procréation par un couple de femmes ou par une femme non mariée

Adopté par la commission avec modifications

    Résumé du dispositif initial

Tirant les conséquences de l’ouverture de l’assistance médicale à la procréation aux couples de femmes, et de la suppression de son motif thérapeutique, cet article crée un mode de filiation par déclaration anticipée de volonté leur permettant de devenir légalement les parents de l’enfant issu de l’assistance médicale à la procréation qu’elles auront réalisée ensemble, et ce, simultanément, dès la naissance.

Il prévoit par ailleurs que la femme non mariée qui a un enfant par assistance médicale à la procréation avec un tiers donneur se voit appliquer les règles de filiation dites de droit commun.

    Modifications apportées par la commission

À l’initiative du Gouvernement et de la rapporteure, la commission a adopté deux amendements identiques (n° 2266 et n° 2267) qui proposent une nouvelle rédaction de l’article 4. Celle-ci :

– crée, au sein du titre VII du livre Ier du code civil relatif à la filiation, un nouveau chapitre consacré au recours à l’AMP avec tiers donneur qui s’applique à tous les couples, sans distinction selon qu’ils sont composés d’un homme et d’une femme ou de deux femmes ;

– remplace le mécanisme de la déclaration anticipée de volonté par celui de la reconnaissance conjointe, faite par les deux mères s’engageant ensemble dans leur projet d’enfant, au même moment que le consentement à l’AMP. Il en résulte que l’acte de naissance de l’enfant portera simplement la mention selon laquelle il a été reconnu par ses deux mères.

I.   Le droit en vigueur

A.   les rÈgles relatives À la filiation

La filiation est le lien de droit qui unit un enfant à son ou à ses parents. Lien personnel d’individu à individu, la filiation est aussi un lien collectif qui relie l’individu à une famille et, au-delà, l’inscrit dans une organisation sociale.

Le code civil distingue la filiation qui a pour origine l’engendrement – par procréation naturelle ou par assistance médicale – et celle, dans un rapport de subsidiarité, qui résulte l’adoption. Dans tous les cas, la filiation est un lien de nature juridique qui n’existe que s’il a été légalement établi. La filiation se distingue en cela de la parenté, qui désigne le lien factuel découlant de la procréation.

Dans le premier cas, le lien de filiation repose sur l’engendrement – tantôt interprété comme vraisemblance biologique, tantôt interprété comme volonté – en tant que cause de la venue au monde de l’enfant. De ce lien causal découle une responsabilité, qui produit les effets de la filiation (autorité parentale, transmission du nom et de la nationalité, obligation alimentaire ou encore droit de succession).

Ce lien de droit est régi par le titre VII du livre Ier du code civil intitulé « De la filiation ». Aux termes de l’article 310-1 du code civil, la filiation peut être établie de façon non contentieuse par l’effet de la loi ([96]), par une reconnaissance volontaire ([97]) ou encore par la possession d’état ([98]). Elle peut également l’être de façon contentieuse par un jugement rendu à l’issue d’une action engagée à cette fin, cette contestation reposant sur la preuve biologique.

Dans le second cas, le lien de filiation résulte d’une décision post-natale volontaire. Il est régi par le titre VIII du livre Ier du code civil intitulé « De la filiation adoptive ». Permettant l’établissement d’un lien de filiation en l’absence de lien par engendrement, l’adoption peut être simple ou plénière, selon qu’elle laisse subsister ou non une filiation reposant sur les liens du sang. L’adoption est ainsi une institution destinée à rattacher un enfant déjà né à une ou plusieurs personnes qui ne sont pas responsables de sa venue au monde, mais qui ont manifesté leur volonté de le prendre en charge.

Tous les enfants ont les mêmes droits et les mêmes devoirs dans leurs rapports avec leur père et mère, en vertu des articles 310 ([99]) et 358 ([100]) du code civil.

La filiation produit en effet des liens juridiques variés et importants en matière extrapatrimoniale (nom, autorité parentale) et patrimoniale (obligation alimentaire, droits successoraux en droit civil, allocations familiales en droit social, quotient familial en droit fiscal).

1.   La filiation en cas d’insémination artificielle conforme au droit français

a.   La filiation en cas d’assistance médicale à la procréation endogène

La filiation d’un enfant conçu et né d’une assistance médicale à la procréation endogène est soumise au droit commun (« établissement de la filiation par l’effet de la loi ») défini par le titre VII du livre Ier du code civil.

Le droit commun de la filiation repose sur l’engendrement et établit une présomption de parenté, dont les modes de preuve pour contestation sont ‑ depuis plusieurs décennies ‑ essentiellement biologiques. Dans ce cadre, la mère est la femme qui accouche – ce que traduit l’adage romain mater certa est, la mère est certaine – et son époux est présumé être le père de l’enfant – pater is est quem nuptiae demonstrant, le père est celui que le mariage désigne – ou, s’ils ne sont pas mariés, le père est celui qui reconnaît l’enfant.

L’article 311-25 du code civil prévoit en effet que la filiation est établie, à l’égard de la mère, par la désignation de celle-ci dans l’acte de naissance de l’enfant. Cependant, lors de l’accouchement, la mère peut demander que le secret de son admission et de son identité soit préservé.

La présomption de paternité en faveur du mari repose sur l’article 312 du code civil, selon lequel « l’enfant conçu ou né pendant le mariage a pour père le mari ».

Toutefois, lorsque la filiation n’est pas établie dans ces conditions – parce que la femme n’a pas indiqué son nom dans l’acte de naissance ou que les parents ne sont pas mariés –, elle peut l’être par une reconnaissance de maternité ou de paternité, faite avant ou après la naissance, en vertu de l’article 316 du code civil. Dans ce cas, la reconnaissance n’établit la filiation qu’à l’égard de son auteur, de façon divisible. Elle est faite dans l’acte de naissance, par acte reçu par l’officier de l’état civil ou par tout autre acte authentique.

b.   La filiation en cas d’assistance médicale à la procréation avec don de gamètes par un couple hétérosexuel

La filiation d’un enfant conçu et né d’une assistance médicale à la procréation avec don de gamètes est calquée sur les règles de droit commun mais elle doit répondre à certaines conditions propres à cette méthode de procréation, qui ont été introduites dans le code civil par la loi de 1994, au sein d’une section du titre VII du livre Ier consacrée à l’assistance médicale à la procréation.

Le dispositif a en effet été conçu dans un souci de mimer l’engendrement, comme si l’acte médical se substituait au charnel. Ainsi, bien que la filiation ne soit pas charnelle, elle en utilise les modes classiques d’établissement, telle une « pseudo filiation charnelle » ([101]).

Par conséquent, la mère est celle qui accouche et son époux est présumé être le père de l’enfant ou, s’ils ne sont pas mariés, le père est celui qui reconnaît l’enfant.

Toutefois, la filiation paternelle, considérée en 1994 comme plus fragile que dans les autres situations, a été consolidée dans un souci de protection de la famille ainsi constituée. Pour que l’absence de caractère biologique ne puisse être invoquée comme mode de preuve fragilisant l’origine du lien institué – puisqu’une action en contestation de la filiation paternelle aboutirait nécessairement –, le code civil prévoit, en ses articles 311-19 et 311-20, que la filiation établie à l’égard du père qui a consenti à l’AMP avec tiers donneur est la seule à ne pas pouvoir être contestée, ni par le père, qui s’engage devant le juge à reconnaître l’enfant sous peine de s’exposer à une action en responsabilité engagée par la mère ou l’enfant, ni par le donneur, ni par un quelconque tiers, sauf à prouver que l’enfant n’est pas issu de l’assistance médicale à la procréation avec tiers donneur. Sous cette dernière réserve, il s’agit donc de la première reconnaissance paternelle irréfragable, le père ayant consenti à la procréation médicalement assistée qui a causé la venue au monde de l’enfant étant certain.

L’article 311-20 du code civil impose ainsi tout d’abord un formalisme particulier au consentement à l’assistance médicale à la procréation nécessitant l’intervention d’un tiers donneur, puisqu’il prévoit que les époux ou les concubins qui y recourent doivent préalablement donner, « dans des conditions garantissant le secret », leur consentement à un notaire ([102]), qui les informe des conséquences de leur acte au regard de la filiation.

Il ajoute que le consentement donné à une procréation médicalement assistée interdit toute action aux fins d’établissement ou de contestation de la filiation, à moins qu’il ne soit soutenu que l’enfant n’est pas issu de la procréation médicalement assistée ou que le consentement a été privé d’effet.

Il évoque ensuite les cas de caducité ou de rétractation dans lesquels le consentement est privé d’effet : décès, dépôt d’une requête en divorce ou en séparation de corps ([103]) ou cessation de la communauté de vie, survenant avant la réalisation de la procréation médicalement assistée. Il est également privé d’effet en cas de rétractation volontaire de l’homme ou de la femme, qui le révoque, par écrit et avant la réalisation de la procréation médicalement assistée, auprès du médecin chargé de mettre en œuvre cette assistance. Dans tous les cas, la notion de réalisation de l’opération paraît postuler une réalisation complète, la caducité ou la rétractation pouvant jouer tant que l’opération n’est pas irréversible.

Il prévoit enfin que celui qui a donné son consentement et qui ne reconnaît finalement pas l’enfant issu de l’AMP engage sa responsabilité envers la mère et l’enfant et voit sa paternité judiciairement déclarée.

L’article 311-19 du code civil dispose en outre qu’aucun lien de filiation ne peut être établi entre l’auteur du don et l’enfant issu de l’AMP et qu’aucune action en responsabilité ne peut être exercée à l’encontre du donneur. L’interdiction d’établissement d’un lien de filiation avec le tiers donneur est indépendante de l’anonymat du donneur, qui est protégé par l’article 16-8 du code civil ([104]). Il en résulte que si l’enfant et le donneur venaient à se connaître et que le donneur prouvait son lien génétique avec l’enfant ou inversement, tout établissement de filiation entre eux serait interdit.

Ainsi, en dehors du consentement ante-conceptionnel au projet parental, rien ne peut détruire le lien volontaire de filiation.

2.   La filiation en cas d’insémination artificielle non conforme au droit français

Les demandes qui s’affranchissent du cadre défini par la loi sont de plus en plus nombreuses. Selon le Comité consultatif national d’éthique, deux à trois mille femmes se rendraient chaque année à l’étranger pour y subir une insémination ou recourir à une fécondation in vitro ([105]).

Les conséquences en matière de filiation diffèrent selon que la femme est célibataire ou mariée avec une autre femme.

a.   La filiation en cas d’insémination artificielle non médicale

Certaines femmes, seules ou en couple, ont recours à une insémination artificielle en dehors d’un centre agréé grâce à la technique dite « artisanale », c’est-à-dire par une pratique non médicale, à partir de sperme acheté dans des banques de sperme étrangères ou obtenu à l’aide d’un don amical ou par le biais d’une petite annonce. Dans un tel cadre, l’insémination est réalisée sans l’aide d’un médecin, à domicile, ou avec l’aide d’un gynécologue qui contourne la loi ; elle n’entre donc pas dans le champ de l’assistance médicale à la procréation.

Pour la femme qui a fait l’objet de l’insémination, la filiation de l’enfant à l’égard de sa mère ne suscite pas de difficulté puisqu’elle relève du droit commun : la mère est la femme qui accouche. Elle est établie par l’inscription du nom de la mère sur l’acte de naissance. La filiation dans la deuxième branche parentale est vacante.

Les règles propres à l’assistance médicale à la procréation ne pouvant s’appliquer en l’espèce, si le tiers donneur n’est pas anonyme, il peut reconnaître l’enfant issu de son don sans que la mère ne puisse s’y opposer. À l’inverse, la mère peut décider d’établir judiciairement la filiation paternelle de l’enfant sans que le géniteur ne puisse l’en empêcher.

S’agissant du compagnon ou du concubin, actuel ou futur, ou du futur mari de la mère, il peut, s’il le souhaite, reconnaître l’enfant – la présomption de paternité du mari ne s’appliquant que si l’enfant est né ou a été conçu dans le temps du mariage. La reconnaissance est en effet simplement déclarative. Il s’agit alors d’une reconnaissance dite « de complaisance » qui n’est pas explicitement interdite par le code civil ([106]). Elle inscrite en marge de l’acte de naissance de l’enfant et ses effets remontent au jour de la naissance de l’enfant. Il s’agit toutefois d’un lien de filiation fragile puisqu’il peut toujours être contesté par la mère, par l’enfant majeur ou son représentant légal, par l’intéressé ou encore par le donneur qui peut vouloir établir sa propre paternité. Néanmoins, la recevabilité de l’action en contestation de paternité est limitée dans le temps : si le père légal vit et se comporte avec l’enfant comme un père, la filiation établie par reconnaissance, même de complaisance, ne peut être contestée que dans un délai de cinq ans.

Le futur mari peut également adopter l’enfant de sa conjointe par adoption simple ou plénière.

L’épouse de la mère peut également adopter l’enfant de sa conjointe sous forme simple ou plénière. En revanche, aucun lien de filiation ne peut être établi entre l’enfant et l’actuelle ou la future compagne ou concubine de la mère en raison de l’interdiction de la double filiation maternelle posée par l’article 320 du code civil ([107]).

b.   La filiation en cas d’assistance médicale à la procréation avec don de gamètes à l’étranger

i.   Le cas des femmes célibataires

Pour la femme célibataire qui a eu recours à une assistance médicale à la procréation à l’étranger, la filiation à l’égard de la femme qui a accouché est établie sans difficulté, conformément au droit commun.

La filiation dans la deuxième branche parentale est vacante. Elle peut être établie comme indiqué précédemment (cf. supra a) au bénéfice d’un homme ou d’une femme – par l’adoption, dès lors qu’elle serait mariée à la mère, à l’exception toutefois du donneur qui est anonyme.

ii.   Le cas des couples de femmes

En l’absence d’ouverture de l’assistance médicale à la procréation aux couples de femmes, aucune règle de droit n’organise spécifiquement la filiation des enfants.

Cependant, les règles posées par la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 qui a conféré aux couples composés de personnes de même sexe le droit de se marier et a autorisé l’adoption plénière de l’enfant du conjoint ([108]) trouvent à s’appliquer, comme l’a indiqué la Cour de cassation dans deux avis du 22 septembre 2014 ([109]). La Cour a en effet estimé que « le recours à l’assistance médicale à la procréation, sous la forme d’une insémination artificielle avec donneur anonyme à l’étranger, ne fait pas obstacle au prononcé de l’adoption par l’épouse de la mère de l’enfant né de cette procréation dès lors que les conditions légales de l’adoption sont réunies et qu’elle est conforme à l’intérêt de l’enfant ».

Il en résulte que l’établissement du lien de filiation de la mère qui donne naissance à l’enfant procède de la mention de son nom sur l’acte de naissance et celui de la mère d’intention de l’adoption de l’enfant de sa conjointe.

Outre qu’elle diffère du mode d’établissement de la filiation prévu pour les couples hétérosexuels bénéficiant d’une insémination artificielle avec donneur, cette solution présente plusieurs inconvénients.

Tout d’abord, cette modalité d’établissement de la filiation détourne l’adoption de sa finalité première, qui est de donner des parents et une famille à un enfant.

Ensuite, son accessibilité étant restreinte aux seules femmes mariées, elle porte une atteinte excessive à la liberté de choisir son statut matrimonial et serait contraire au principe d’égalité ([110]), comme l’a souligné le Conseil d’État ([111]).

En outre, elle introduit une différence de traitement importante entre la mère biologique et sa conjointe –  le parent légal devant donner son consentement à l’adoption par son conjoint –, alors qu’elles sont toutes deux à l’origine du projet parental.

Par ailleurs, elle génère une forme d’incertitude liée à la lourdeur et au caractère parfois aléatoire de la procédure d’adoption.

Enfin, elle crée une insécurité juridique pendant le temps écoulé entre la naissance de l’enfant et le prononcé de l’adoption. En effet, au cours de cette période, les droits de la mère d’intention ainsi que ceux de l’enfant à son égard sont inexistants, ce qui soulève des difficultés notamment en cas de décès de la mère légale ou de séparation. Mme Laurence Brunet, maître de conférences en droit, a ainsi souligné devant la mission d’information sur la révision de la loi relative à la bioéthique que « le risque subsiste qu’entre la naissance de l’enfant et l’introduction de la requête en adoption, le couple se dispute et qu’à la suite de tensions, la mère légale refuse de donner son consentement à l’adoption. Ce sont des hypothèses que les tribunaux commencent à rencontrer » ([112]).

À cet égard, il convient de souligner que les tentatives portées par des femmes qui se sont séparées pour faire établir la filiation par possession d’état se sont jusqu’à présent soldées par un échec : saisie par le tribunal d’instance de Saint-Germain-en-Laye, la Cour de cassation a rendu un avis selon lequel la filiation de la seconde mère ne peut être établie par possession d’état après séparation du couple ([113]). Fondé sur les articles 6-1 et 320 du code civil qui interdisent l’établissement de deux filiations de même sexe, hors adoption, son raisonnement s’applique également à la reconnaissance.

La Cour a en effet considéré qu’« en ouvrant le mariage aux couples de même sexe, la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 a expressément exclu qu’un lien de filiation puisse être établi à l’égard de deux personnes de même sexe, si ce n’est par l’adoption. Ainsi, l’article 6-1 du code civil, issu de ce texte, dispose que le mariage et la filiation adoptive emportent les mêmes effets, droits et obligations reconnus par les lois, à l’exclusion de ceux prévus au titre VII du livre Ier du présent code, que les époux ou les parents soient de sexe différent ou de même sexe. Les modes d’établissement du lien de filiation prévus au titre VII du livre Ier du code civil, tels que la reconnaissance ou la présomption de paternité, ou encore l’a possession d’état, n’ont donc pas été ouverts aux époux de même sexe, a fortiori aux concubins de même sexe. En toute hypothèse, l’article 320 du code civil dispose que, tant qu’elle n’a pas été contestée en justice, la filiation légalement établie fait obstacle à l’établissement d’une autre filiation qui la contredirait. Ces dispositions s’opposent à ce que deux filiations maternelles ou deux filiations paternelles soient établies à l’égard d’un même enfant. Il en résulte qu’un lien de filiation ne peut être établi, par la possession d’état, à l’égard du concubin de même sexe que le parent envers lequel la filiation est déjà établie ».

Dans les situations où le projet d’adoption n’est pas mené à son terme, comme à la suite du renoncement au projet de mariage, la conjointe ou compagne de la mère légale peut certes bénéficier d’une délégation de l’autorité parentale ou d’un droit au maintien des relations avec l’enfant. Néanmoins, ces dispositifs ne permettent pas l’établissement d’un lien de filiation à l’égard de l’enfant.

Outre les nombreux inconvénients soulevés par l’établissement de la filiation par la voie de l’adoption, demeure pendante la question de la filiation pour les couples de femmes non mariées, qui ne peuvent pas, en l’état du droit, être parents ensemble d’un enfant.

La Cour de cassation a ainsi rejeté la demande d’adoption plénière présentée par une concubine, en l’espèce séparée de la mère biologique de l’enfant sans filiation paternelle, aux motifs que le droit au respect d’une vie familiale normale garanti par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme n’impose pas de consacrer « tous les liens d’affection fussent-ils anciens et établis » et que l’adoption plénière a pour effet de conférer à l’enfant une filiation se substituant à sa filiation d’origine ([114]).

3.   Les mentions portées sur l’acte de naissance

Depuis l’ordonnance du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation, les actes de naissance sont établis sous forme de rubriques. L’acte de naissance se compose de quatre rubriques :

‑ enfant : nom, prénom, sexe, date et lieu de naissance ;

‑ père ou mère : nom, prénom, date et lieu de naissance, profession, domicile ;

‑ père ou mère : nom, prénom, date et lieu de naissance, profession, domicile ;

‑ événements relatifs à la filiation : date du mariage des parents, reconnaissance, acte de notoriété constatant la possession d’état.

Lorsque la filiation est établie au moment de la déclaration de naissance, c’est-à-dire en cas de mariage des parents, en cas de reconnaissance anténatale devant le notaire ou l’officier d’état civil sur le fondement de l’article 316 du code civil ou faite au moment de la déclaration de naissance, ou encore en cas ‑ très rare ‑ de délivrance d’un acte de notoriété avant la naissance, le mode d’établissement de la filiation est indiqué dans le corps de l’acte, c’est-à-dire dans la quatrième rubrique.

Lorsque la filiation est établie après la naissance et la rédaction de l’acte, le mode d’établissement de la filiation est portée en marge de l’acte, c’est-à-dire à la fin de l’acte dans une case rubrique intitulée « mentions marginales ».

B.   le cadre constitutionnel et conventionnel

Le Conseil constitutionnel et la Cour européenne des droits de l’homme ont développé une jurisprudence proche en matière de filiation.

1.   La jurisprudence du Conseil constitutionnel

Les exigences constitutionnelles en matière de filiation et d’état des personnes reposent avant tout sur le principe d’égalité tel qu’il est proclamé dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 dans son article 1er ([115]) et son article 6 ([116]) et sur les principes selon lesquels « la Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement » et garantit à l’enfant notamment la sécurité matérielle, énoncés par les alinéas 10 et 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. Le Conseil constitutionnel a déduit de cet alinéa 10 le droit de mener une vie familiale normale.

Le Conseil constitutionnel n’a jamais eu à connaître de l’égalité des filiations puisque ni la loi du 3 janvier 1972 réformant la filiation, ni celle du 8 janvier 1993 relative à l’état civil, la famille, les droits de l’enfant et le juge aux affaires familiales, ni celle du 18 juin 2003 sur le nom de famille ni celle du 3 décembre 2001 sur les successions ne lui ont été déférées. Toutefois, la combinaison du principe d’égalité, du droit à vivre une vie familiale normale et de la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant qui vient d’être consacrée ([117]) ne laisse pas de doute quant à l’exigence de garantie de l’égalité des enfants indépendamment des modes d’établissement des liens de filiation.

Néanmoins, le Conseil constitutionnel estime, dans un considérant de principe repris depuis 1979 ([118]), que le principe d’égalité « ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ». Une rupture d’égalité est donc admissible si les situations sont objectivement différentes ou si le législateur rapporte un « intérêt général » qui se dégage de la loi elle-même.

Dans sa décision n° 2013-669 DC du 17 mai 2013 relative à la loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe, le Conseil constitutionnel a précisé l’application du principe d’égalité en matière de filiation en indiquant, d’une part, que « le principe d’égalité impose que les enfants adoptés en la forme plénière bénéficient, dans leur famille adoptive, des mêmes droits que ceux dont bénéficient les enfants dont la filiation est établie en application du titre VII du livre Ier du code civil » et, d’autre part, qu’« aucune exigence constitutionnelle n’impose (…) que les liens de parenté établis par la filiation adoptive imitent ceux de la filiation biologique » ([119]). Il peut en être déduit qu’en matière de filiation, le principe d’égalité impose que tous les enfants aient les mêmes droits, autrement dit que tous les modes de filiation produisent les mêmes effets, mais n’impose pas que tous les enfants bénéficient du même mode d’établissement de filiation.

Le Conseil a en outre souligné que, si « la liberté proclamée par l’article 2 de la Déclaration de 1789 implique le respect de la vie privée, toutefois, aucune exigence constitutionnelle n’impose […] que le caractère adoptif de la filiation soit dissimulé » et que « par suite, le grief tiré de ce que la possibilité d’une adoption par deux personnes de même sexe porterait atteinte (…) au droit à la protection de la vie privée doit être écarté » ([120]).

Le Conseil a enfin rappelé que le choix du mode d’établissement de la filiation, notamment la prise en compte de la différence entre les couples de personnes de même sexe et les couples formés d’un homme et d’une femme pour choisir ce mode de filiation ‑ en l’occurrence pour l’adoption pour les couples de même sexe ‑, relève du législateur qui a compétence exclusive pour fixer les règles relatives à l’état et à la capacité des personnes en application de l’article 34 de la Constitution ([121]).

2.   La jurisprudence de la CEDH

La Cour européenne de droits de l’homme a reconnu l’égalité des couples de personnes de même sexe et des couples de personnes de sexe différent à l’égard de la parentalité, voyant dans l’interdiction d’adopter opposée aux couples de personnes de même sexe une discrimination et une violation du droit au respect de la vie privée et familiale posé par l’article 8 de la Convention de 1950 ([122]).

La Cour a également reconnu qu’il n’y avait pas de discrimination lorsqu’un mode de filiation était réservé aux couples hétérosexuels mariés et interdit aux couples de même sexe, considérant que la situation d’un couple composé de deux femmes n’est pas comparable à celle d’un couple hétérosexuel marié en ce qui concerne les mentions à porter sur l’acte de naissance d’un enfant ([123]).

II.   Les évolutions prévues par le projet de loi

Si les dix États membres de l’Union européenne ([124]) qui ont ouvert l’assistance médicale à la procréation aux couples de femmes ont retenu comme principes communs que la femme qui accouche est la mère de l’enfant et que le nombre de filiations pour un même enfant est limité à deux, ils privilégient des modes d’établissement de la filiation pour la conjointe ou la concubine de la mère différents.

Dans certains pays, comme les Pays-Bas, la Suède et la Finlande, le lien de filiation avec la conjointe, la partenaire ou la concubine de la mère est établi par adoption. Au contraire, en Belgique et en Autriche, la filiation est établie par extension aux couples de femmes du régime de droit commun prévu pour les couples de sexes différents ([125]). Au Danemark et à Malte, l’établissement de la filiation est en revanche fondé sur le consentement exprès à l’assistance médicale à la procréation. Dans les autres pays enfin, des systèmes mixtes ont été mis en place. En Espagne, l’épouse de la mère doit faire une déclaration de consentement à devenir parent et, pour les couples de femmes non mariées, seule la voie de l’adoption permet à la compagne de la mère d’établir sa filiation. Au Portugal, la filiation est établie par présomption si le couple est marié ou si le concubin présente le consentement conjoint à l’assistance médicale à la procréation qui a été donné avant le début de la procédure de procréation. Au Royaume-Uni, la présomption de parenté est étendue aux femmes unies par un partenariat enregistré pour devenir les parents légaux de l’enfant ; s’agissant de deux concubines, le lien de filiation est établi avec la compagne de la mère aux termes d’une convention passée entre elles, à défaut, cette dernière peut solliciter auprès du juge l’exercice de l’autorité parentale ou engager une procédure d’adoption.

Dans ce paysage diversifié, le Gouvernement tire les conséquences, sur le plan de la filiation, de l’ouverture de l’assistance médicale à la procréation à toutes les femmes en prévoyant, d’une part, que les femmes seules relèveront du régime qui s’applique aux couples hétérosexuels ayant recours à une assistance médicale à la procréation avec un tiers donneur et, d’autre part, que les couples de femmes bénéficieront d’un nouveau mode de filiation par déclaration anticipée de volonté leur permettant de devenir légalement les parents de l’enfant issu de l’assistance médicale à la procréation qu’elles auront réalisée ensemble, et ce, dès sa naissance.

Selon le Gouvernement, l’ouverture de l’assistance médicale à la procréation pourrait entraîner « un doublement des demandes en matière de recueil de consentement et, par conséquent, entre 4 000 et 5 000 déclarations de volonté » ([126]).

A.   le principe de l’ÉgalitÉ des droits et des devoirs de tous les enfants

Le I de l’article 4 a pour objet de poser le principe d’égalité des effets des modes de filiation, et, à travers elle, l’égalité des droits et des devoirs pour tous les enfants dans leurs rapports avec leurs parents.

À cet effet, il introduit dans le titre préliminaire du code civil un nouvel article 6-2, après l’article 6-1 qui, créé par la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013, dispose que le mariage et la filiation adoptive emportent les mêmes effets, droits et obligations reconnus par les lois, à l’exclusion de ceux relatifs à la filiation de droit commun, que les époux ou les parents soient de sexe différent ou de même sexe.

L’article 6-2 nouveau pose le principe selon lequel tous les enfants dont la filiation est légalement établie ont, dans leurs rapports avec leurs parents, les mêmes droits et les mêmes devoirs, sous réserve des dispositions relatives à l’adoption simple.

Il répond ainsi à l’exigence constitutionnelle et conventionnelle d’égalité en matière de filiation ([127]), qui veut que tous les enfants aient les mêmes droits, sous réserve des dispositions spécifiques à l’adoption simple, autrement dit que tous les modes de filiation produisent les mêmes effets.

Ce même article indique que la filiation fait entrer l’enfant dans la famille de chacun de ses parents.

Tous les enfants nés par assistance médicale à la procréation seront ainsi placés à égalité de droits et de devoirs, que leur filiation soit établie par l’effet de la volonté ou par la vraisemblance biologique.

Par cohérence avec l’introduction de cet article principiel dans le code civil, le I de l’article 4 supprime les deux articles du code civil qui traitent de l’égalité entre enfants :

‑ l’article 310, situé dans le titre VII, qui a pour objet d’assurer la parfaite égalité entre les enfants qu’ils soient ou non nés ou conçus dans le mariage ([128]) ;

‑ l’article 358, situé dans le titre VIII, qui assure l’égalité entre les enfants adoptés en la forme plénière et les enfants dont la filiation est établie dans les conditions du titre VII ([129]).

B.   l’Établissement de la filiation À l’Égard des couples de femmes par dÉclaration anticipÉe de volontÉ

Le III de l’article 4 introduit, entre le titre VII du livre Ier du code civil, dévolu à la filiation reposant sur la vraisemblance biologique, et le titre VIII, relatif à la filiation adoptive, un titre VII bis consacré à un nouveau mode d’établissement de la filiation fondé sur la volonté et l’engagement des couples de femmes qui consentent à l’assistance médicale à la procréation à devenir parents de l’enfant qui en est issu par déclaration anticipée de volonté.

Cette déclaration de volonté a pour objet de reconnaître le projet parental du couple de femmes et d’assurer à l’enfant une filiation sécurisée et qui emporte les mêmes effets et droits que la filiation fondée sur la vraisemblance biologique et la filiation adoptive sans modifier le cadre actuel de l’établissement de la filiation pour les couples hétérosexuels qui ont recours à un tiers donneur.

Le Gouvernement a en effet fait le choix de ne pas étendre le dispositif de la déclaration de volonté à toutes les personnes ayant recours à un tiers donneur car cela « contraindrait à modifier le cadre actuel de l’établissement de la filiation pour les couples hétérosexuels qui ont recours à un tiers donneur. Or, rien ne vient juridiquement justifier ce changement pour ces couples » ([130]). L’indication de la déclaration anticipée de volonté dans l’acte de naissance de l’enfant pourrait en effet révéler aux tiers la situation d’infertilité d’un couple avec, comme conséquence, « un impact symbolique d’autant plus important que cela distingue les couples hétérosexuels ayant eu besoin d’un don de gamètes des autres couples hétérosexuels dont la pathologie est surmontable par des techniques d’AMP endogènes » ([131]). En outre, la révélation à l’enfant de son mode de conception est d’ordre intime et privé : elle relève de la responsabilité des parents tant que l’enfant est mineur. Le Gouvernement a donc souhaité « éviter de troubler inutilement la paix des familles » ([132]).

Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d’État a justifié la création d’un mode de filiation spécifique pour les enfants nés dans le cadre d’un couple de femmes au sein d’un titre dédié du code civil « par une différence objective de situation : la référence à une vraisemblance biologique leur est inapplicable. Cette différence de situation est en rapport avec l’objet de la loi qui est de tirer toutes les conséquences de la possibilité reconnue à un couple de femmes de poursuivre un projet parental ». Il ajoute que « l’existence d’une double filiation maternelle et d’une impossibilité pour l’enfant de faire établir sa filiation paternelle n’apparaît pas contraire à l’intérêt supérieur de celui-ci qui est, ainsi qu’il a été dit, de disposer d’une certitude juridique sur son état et de grandir dans un cadre familial stable ».

Le nouveau titre VII bis est composé de quatre articles 342-9 à 342-12.

1.   L’interdiction de la filiation à l’égard du donneur

Le nouvel article 342-9 rappelle que le principe fondamental posé par l’article 311-19 au sein du titre VII du livre Ier du code civil s’applique aux couples de femmes qui recourent ensemble à une assistance médicale à la procréation avec l’intervention d’un tiers donneur.

Il convient en effet de préciser que, dans ce cas, aucun lien de filiation ne peut être établi entre l’auteur du don et l’enfant issu de la procréation et aucune action en responsabilité ne peut être exercée à l’encontre du donneur, afin de protéger le donneur mais également le couple receveur et l’enfant.

2.   La simultanéité du consentement à l’assistance médicale à la procréation et de la déclaration de volonté d’être parent

Le nouvel article 342-10 prévoit, en son alinéa premier, que les couples de femmes, à l’instar des couples formés d’un homme et d’une femme et des femmes seules, qui recourent à une assistance médicale à la procréation doivent préalablement donner leur consentement à un notaire dans les conditions fixées par l’article 311-20 du code civil. Il ajoute que, dans le même temps, elles déclarent conjointement leur volonté de devenir les parents de l’enfant issu de l’assistance médicale à la procréation.

Cette déclaration commune anticipée, par laquelle chacune s’engage à devenir le parent légal de l’enfant à naître, permet de consacrer le projet parental du couple. Elle est reçue en la forme authentique par le notaire après que celui-ci a informé le couple de ses conséquences sur le plan de la filiation. Le notaire conserve la déclaration commune de volonté originale au rang de ses minutes et chaque auteur de la déclaration se voit remettre une copie.

Ce nouvel acte notarié, effectué en même temps que le recueil du consentement à l’assistance médicale à la procréation, ne devrait pas faire l’objet d’une tarification spécifique. Ainsi, comme c’est le cas actuellement, seul le consentement à l’AMP donnera lieu à la perception d’un émolument fixe de 76,92 euros, qui a été exonéré des frais d’enregistrement de 125 euros par la loi n° 2019-222 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

La déclaration de volonté est donc plus simple que la procédure d’adoption à laquelle les femmes mariées doivent avoir recours actuellement, car elle ne nécessite pas les mêmes formalités (attestations, etc.) et elle se déroule, simultanément au consentement à l’assistance médicale à la procréation, devant le notaire, et non selon une procédure diligentée par le juge, qui peut comprendre une audience en présence de l’enfant ou une convocation au commissariat.

Par parallélisme avec le deuxième alinéa de l’article 311-20, le deuxième alinéa de l’article 342-10 prévoit que le consentement ainsi que la déclaration anticipée de volonté interdisent toute action aux fins d’établissement ou de contestation de la filiation à moins qu’il ne soit soutenu que l’enfant n’est pas issu de la procréation médicalement assistée ou que le consentement et la déclaration de volonté ont été privés d’effet. Cette interdiction de contestation de la filiation, sauf en cas d’adultère ou de consentement privé d’effet, a pour objet, comme à l’article 311-20, de sécuriser la famille ainsi constituée.

Le troisième alinéa de l’article 342-10 prévoit que le consentement est privé d’effet dans tous les cas énumérés à l’article 311-20 (décès, demande en divorce ou en séparation de corps, cessation de la communauté de vie, rétractation volontaire). Il ajoute, de manière logique, que les effets de la déclaration anticipée de volonté cessent en même temps que ceux du consentement. Cette précision permet de lever toute ambiguïté en cas de survenue d’un aléa comme un divorce ou un décès. Ainsi, par exemple, si, après un divorce, une femme décide de recourir seule à une assistance médicale à la procréation, son ex-conjointe ne pourra pas se prévaloir de la déclaration de volonté passée lors du mariage.

Le troisième alinéa de l’article 342-10 pose enfin le principe de l’irrévocabilité de la déclaration anticipée de volonté à compter de la réalisation de l’insémination ou du transfert d’embryon. S’agissant d’un acte d’engagement de la volonté, la déclaration doit en effet, pour être parfaitement libre, pouvoir être révoquée à tout moment, tant que l’insémination ou le transfert d’embryon n’a pas été réalisé. En revanche, une fois l’insémination ou le transfert d’embryon réalisé, aucun des membres du couple, en particulier la femme qui ne porte pas l’enfant, ne peut se désengager de sa filiation envers l’enfant, ce qui est facteur de sécurité pour l’enfant et l’une ou l’autre des deux mères.

3.   L’établissement de la filiation

 Le nouvel article 342-11 prévoit, en son premier alinéa, que la filiation est établie à l’égard de la femme qui accouche et de l’autre femme, toutes deux désignées dans la déclaration anticipée de volonté. La déclaration est remise par l’une d’entre elles ou, le cas échéant, par la personne chargée de déclarer la naissance, à l’officier d’état civil qui l’indique dans l’acte de naissance de l’enfant.

Il s’agit de permettre aux deux membres du couple de femmes de devenir légalement les parents de l’enfant issu de l’assistance médicale à la procréation qu’elles ont voulu ensemble, et ce, dès la naissance de l’enfant, de la même façon et dans le même temps, afin que l’une ne soit pas, davantage que l’autre ou avant l’autre, considérée comme parent de l’enfant.

Ce mode d’établissement des deux filiations de l’enfant à la naissance de ce dernier présente l’avantage d’être simple, simultané et sécurisé par l’exigence d’un projet parental antérieur à l’AMP revêtant la forme d’un acte authentique.

La simple remise d’une des copies à l’officier d’état civil au plus tard lors de la déclaration de naissance de l’enfant suffit à établir la filiation à l’égard de chacun des auteurs de la déclaration de volonté. L’officier de l’état civil l’indique dans l’acte de naissance de l’enfant, comme c’est le cas, de manière explicite ou implicite ([133]), pour tous les autres modes d’établissement de filiation autres que celui relatif à la femme qui a accouché. L’indication de la déclaration anticipée de volonté dans l’acte de naissance de l’enfant ne s’écarte donc pas des indications similaires pour les autres parents.

 Les deuxième et troisième alinéas de l’article 342-11 prévoient le cas où la déclaration de volonté ne peut être remise à l’officier d’état civil au moment de la déclaration de naissance.

L’absence de remise de la déclaration de volonté peut être accidentelle
– par exemple parce que la déclaration de naissance est faite par le représentant de la maternité qui peut ne pas avoir la déclaration de volonté en sa possession – ou volontaire, si les deux femmes s’entendent pour ne pas produire la déclaration de volonté, à la suite d’une séparation par exemple.

Dans ce cas, la filiation de la femme qui a accouché sera établie du fait de l’accouchement mais la seconde filiation ne pourra pas être indiquée dans l’acte de naissance.

Aussi, le deuxième alinéa de l’article 342-11 prévoit qu’en cas d’absence de remise de la déclaration anticipée de volonté lors de la déclaration de naissance, celle-ci peut être communiquée au procureur de la République à la demande de l’enfant majeur, de son représentant légal s’il est mineur ou de toute personne ayant intérêt à agir (par exemple, la femme qui n’a pas accouché et qui voudrait faire reconnaître sa filiation). Il ajoute que la mention de la déclaration est alors portée en marge de l’acte de naissance de l’enfant.

Cette mission est confiée au procureur de la République car il s’agit de l’autorité compétente pour délivrer des instructions aux officiers d’état civil.

Conformément au principe selon lequel un enfant ne peut avoir que deux filiations, le troisième alinéa de l’article 342-11 prévoit que la filiation établie par la déclaration ne peut être portée dans l’acte de naissance tant que la filiation déjà établie à l’égard d’un tiers, par présomption, reconnaissance ou adoption plénière n’a pas été contestée en justice.

 Le quatrième alinéa de l’article 342-11 prévoit que la femme qui, après avoir consenti à l’assistance médicale à la procréation, fait obstacle à la remise de la déclaration anticipée de volonté à l’officier de l’état civil engage sa responsabilité sur le fondement des articles 1240 et suivants du code civil.

En effet, la femme qui a donné son consentement à l’assistance médicale à la procréation, a contracté à l’égard de l’enfant l’obligation de se comporter comme un parent, et notamment de subvenir à ses besoins. L’inexécution de cet engagement est génératrice d’un préjudice matériel et moral pour l’enfant et engage sa responsabilité civile. Sa responsabilité peut également être engagée envers l’autre femme, qui peut obtenir une indemnisation du préjudice moral et matériel qu’elle subit à la suite de l’absence de remise de la déclaration anticipée de volonté. Elle peut enfin être engagée à l’égard de toute autre personne qui peut se prévaloir d’un préjudice, comme la personne qui aurait reconnu ou adopté l’enfant de bonne foi et qui verrait sa filiation contestée.

4.   Le choix du nom de famille de l’enfant

Conformément au principe selon lequel les circonstances de l’établissement de la filiation déterminent les titulaires du choix du nom de l’enfant, le nouvel article 342-12 du code civil prévoit les règles de choix et de dévolution du nom.

Il les fixe selon des modalités comparables à ce qui est prévu, pour la filiation fondée sur la vraisemblance biologique, au titre VII par l’article 311-21, ainsi que, pour la filiation adoptive, au titre VIII par l’article 357 ([134]).

Ainsi, son premier alinéa dispose que les deux personnes désignées dans la déclaration anticipée de volonté choisissent le nom de famille qui est dévolu à l’enfant au plus tard au moment de la déclaration de naissance selon une alternative à trois branches :

‑ soit le nom de l’une ;

‑ soit le nom de l’autre ;

‑ soit leurs deux noms accolés, dans l’ordre qu’elles souhaitent et dans la limite d’un nom de famille pour chacune d’elles.

Il ajoute qu’en l’absence de déclaration conjointe à l’officier de l’état civil mentionnant le choix du nom de l’enfant, celui-ci prend leurs deux noms, dans la limite du premier nom de famille pour chacune d’elles, accolés selon l’ordre alphabétique. Il convient de préciser que cette disposition, décalque du quatrième alinéa de l’article 357 tel qu’issu de la loi n° 2013-404, diffère de celle prévue par l’article 321 tel que modifié par la même loi, en ce qu’elle vise l’absence de déclaration conjointe alors que l’article 321 vise explicitement le cas d’un désaccord entre les parents, signalé par l’un d’eux à l’officier de l’état civil au plus tard au jour de la déclaration de naissance ou après la naissance, lors de l’établissement simultané de la filiation. Saisi de la conformité de ces dispositions à la Constitution, le Conseil constitutionnel a considéré que cette différence de traitement ne méconnaissait pas le principe d’égalité puisque, selon le mode d’établissement de la filiation, ni les parents ni les enfants n’étaient placés dans la même situation ([135]).

Son deuxième alinéa prévoit qu’en cas de naissance à l’étranger d’un enfant dont l’un au moins des parents est français, les parents qui n’ont pas usé de la faculté de choix du nom telle que décrite au premier alinéa peuvent effectuer une telle déclaration lors de la demande de transcription de l’acte, au plus tard dans les trois ans de la naissance de l’enfant.

Le troisième alinéa ajoute que lorsqu’il a déjà été fait application de l’article 342-12 ou de l’article 357 à l’égard d’un enfant commun, le nom précédemment dévolu ou choisi vaut pour les autres enfants communs.

Le quatrième alinéa indique que lorsque les parents ou l’un d’entre eux portent un double nom de famille, ils peuvent, par une déclaration écrite conjointe, ne transmettre qu’un seul nom à leurs enfants.

Le cinquième alinéa précise enfin que lorsque la prise en compte de la déclaration anticipée de volonté intervient après la déclaration de naissance et que la filiation de l’enfant s’en trouve modifiée, le procureur de la République modifie le nom de l’enfant par application des dispositions de l’article 342-12. Ainsi, si les deux femmes déclarent choisir pour l’enfant leurs deux noms et que l’enfant ne porte que le nom de la femme qui a accouché parce que la déclaration de volonté n’a pas été produite, le procureur de la République rétablit les deux noms en même temps qu’il fait porter la déclaration de volonté en marge de l’acte de naissance de l’enfant.

5.   Les mesures de coordination

a.   En matière d’adoption plénière

Le IV de l’article 4 modifie le chapitre 1er du titre VIII du livre Ier du code civil relatif à l’adoption plénière.

Son modifie l’article 353-2, relatif à la tierce opposition à l’encontre d’un jugement d’adoption plénière. Il ajoute, à son premier alinéa, le conjoint de l’adoptant aux personnes auxquelles le dol ou la fraude doit être imputable (les adoptants) pour permettre la tierce opposition à l’encontre du jugement d’adoption.

Il complète également la définition du dol qui est apportée au cas d’espèce, depuis la loi n° 2013-404, par le second alinéa. À la dissimulation au tribunal du maintien des liens entre l’enfant adopté et un tiers, décidé par le juge aux affaires familiales sur le fondement de l’article 371-4, s’ajoute donc la dissimulation au tribunal de l’existence d’un consentement à une procédure d’assistance médicale à la procréation avec tiers donneur et d’une déclaration anticipée de volonté.

Son modifie le cinquième alinéa de l’article 357, relatif aux règles de dévolution du nom en cas d’adoption plénière, afin de préciser que lorsqu’il a été fait application des règles relatives à la dévolution du nom en cas de filiation établie par déclaration anticipée de volonté à l’égard d’un enfant commun, le nom précédemment dévolu ou choisi vaut pour l’adopté.

b.   En matière d’exercice de l’autorité parentale

Le V de l’article 4 modifie l’article 372 du code civil, relatif aux principes généraux de l’exercice de l’autorité parentale, afin de tenir compte du nouveau mode d’établissement de la filiation prévu par le titre VII bis.

Il complète tout d’abord le deuxième alinéa de l’article 372, qui dispose que lorsque la filiation est établie à l’égard de l’un des parents plus d’un an après la naissance d’un enfant dont la filiation est déjà établie à l’égard de l’autre, celui-ci reste seul investi de l’exercice de l’autorité parentale et qu’il en est de même lorsque la filiation est judiciairement déclarée à l’égard du second parent de l’enfant pour y inclure le cas d’un établissement de la filiation dans les conditions du titre VII bis, lorsque la mention de la déclaration anticipée de volonté est apposée à la demande du procureur de la République.

Il complète également le troisième alinéa qui prévoit que l’autorité parentale peut néanmoins être exercée en commun en cas de déclaration conjointe des père et mère adressée au directeur des services de greffe judiciaires du tribunal de grande instance ou sur décision du juge aux affaires familiales. Il dispose qu’il en est de même pour les parents dont la filiation est établie par déclaration anticipée de volonté.

C.   L’Établissement de la filiation À l’Égard d’une femme seule ayant eu recours À l’AMP avec tiers donneur

Pour l’établissement de la filiation à l’égard des femmes seules ayant recours à l’assistance médicale à la procréation, le Gouvernement privilégie, au nouveau dispositif de déclaration anticipée de volonté, le régime juridique qui s’applique aux couples hétérosexuels ayant recours à une assistance médicale à la procréation avec un tiers donneur.

À cet effet, le II de l’article 4 du projet de loi modifie l’article 311-20 du code civil relatif au consentement à l’assistance médicale à la procréation dans le cadre de la filiation de droit commun.

Tirant les conséquences de l’ouverture de l’assistance médicale à la procréation aux femmes seules, il substitue, à l’alinéa premier relatif au consentement devant le notaire, aux termes « les époux ou les concubins », les termes « les couples composés d’un homme et d’une femme ou la femme non mariée » et précise que le notaire doit les informer des conséquences de leur acte au regard des dispositions relatives à l’accès aux données non identifiantes et à l’identité du donneur introduites par l’article 3 du projet de loi.

Il ajoute par ailleurs au troisième alinéa, relatif aux cas où le consentement est privé d’effet, celui de la signature d’une convention de divorce ou de séparation de corps par consentement mutuel selon les modalités de l’article 229-1 du code civil, conformément aux dispositions introduites par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle. Il précise également que les cas dans lesquels le consentement est privé d’effet interviennent avant la réalisation, non plus de la procréation médicalement assistée, mais de l’insémination ou du transfert d’embryon.

L’ouverture de l’assistance médicale à la procréation aux femmes seules ne nécessite par conséquent pas d’aménagement du droit de la filiation, car le droit commun permet déjà de répondre à l’ensemble des situations envisageables pour la deuxième branche parentale (cf. I.A.2.a)

 


  1  

TITRE II

PROMOUVOIR LA SOLIDARITÉ DANS LE RESPECT
DE L’AUTONOMIE DE CHACUN

Chapitre Ier
Conforter la solidarité dans le cadre du don d’organes,
de tissus et de cellules

Article 5
Extension du don croisé d’organes à plus de deux paires de donneurs/receveurs pour améliorer l’accès à la greffe

Adopté par la commission avec modifications

    Résumé du dispositif initial

Le prélèvement et la greffe d’organes, qui sont une priorité nationale selon l’article L. 1231-1 A du code de la santé publique, requièrent deux types de donneurs : les donneurs décédés et les donneurs vivants.

Le prélèvement d’organes sur les donneurs vivants est effectué dans l’intérêt thérapeutique du receveur et concerne le cercle familial et affectif. Il est également possible d’effectuer des dons croisés, consistant en des prélèvements et des greffes simultanées entre deux paires de donneurs et de receveurs entre lesquels une incompatibilité existe.

L’article 5 apporte deux modifications relatives aux dons croisés et aux neufs comités d’experts chargés d’informer les donneurs et d’autoriser les opérations de prélèvement.

S’agissant du don croisé, l’article prévoit qu’il pourra concerner jusqu’à quatre paires de donneurs et de receveurs. Il met fin à l’exigence de simultanéité des opérations de prélèvement et de greffe en prévoyant d’une part que les opérations de greffe se déroulent dans un délai de vingt-quatre heures, d’autre part que les opérations de greffe sont réalisées consécutivement aux prélèvements. Pour augmenter les possibilités d’appariement, le chaînage des dons pourra être initié par le prélèvement sur un donneur décédé.

S’agissant des comités d’experts, l’article vise à permettre à l’Agence de la biomédecine de compléter leur composition, en cas d’indisponibilité d’un ou de plusieurs de leurs membres, en désignant des experts inscrits sur une liste nationale. Cette possibilité n’existe aujourd’hui qu’en cas d’urgence vitale.

    Modifications apportées par la commission

La commission a souhaité ne pas fixer dans la loi la limitation de la chaîne de dons croisés à quatre paires de donneurs et de receveurs. Elle renvoie la fixation de cette limite à un décret en Conseil d’État pris après avis de l’Agence de la biomédecine (amendement n° 1693).

I.   Le droit en vigueur

Le code de la santé publique fixe les principales dispositions relatives aux opérations de prélèvement et de greffe d’organes. S’agissant des opérations de prélèvement, deux régimes juridiques distincts coexistent : celui afférent aux donneurs vivants et le prélèvement opéré sur les donneurs décédés. L’article modifiant sensiblement les opérations de prélèvement sur les donneurs vivants, la présentation du droit en vigueur s’attachera à considérer ce régime juridique.

1.   Le prélèvement sur les donneurs vivants est restreint au cercle familial et affectif

L’article L. 1231-1 fixe le régime juridique des prélèvements d’organes opérés sur les personnes vivantes dans l’intérêt thérapeutique direct du receveur.

Le principe d’anonymat, consubstantiel au don des éléments et produits du corps humain, ne s’applique pas au don d’organes lorsqu’il s’inscrit dans un cercle familial ou affectif. Il n’intervient qu’à l’occasion du « don croisé ».

Le premier alinéa de l’article L. 1231-1 pose le principe du don effectué par les parents au profit de leur progéniture. Ce périmètre assez restreint a fait l’objet d’un élargissement progressif. Par dérogation, le deuxième alinéa du même article prévoit désormais que le donneur est issu du cercle familial nucléaire (conjoint, fratrie), élargi (grands-parents, oncles et tantes, cousins issus de germains) ou encore affectif (toute personne attestant d’une vie commune d’au moins deux ans, toute personne ayant un lien affectif étroit et stable depuis au moins deux ans). L’article L. 1231-3 interdit parallèlement le prélèvement d’organes, en vue d’un don, sur une personne vivante mineure ou sur une personne vivante majeure faisant l’objet d’une mesure de protection légale.

L’article L. 1231-1 prévoit une possibilité de prélèvement en associant deux paires « donneur-receveur », lorsque le don est impossible au sein de chaque paire, dans un cadre appelé « don croisé » (cf. schéma ci-après). Dans ce dernier cas de figure, le lien familial ou affectif entre donneur et receveur n’est établi qu’à l’échelle des deux paires. Afin de se prémunir contre le risque de rétractation d’un donneur après la greffe de son proche, les actes de prélèvement et de greffe doivent être « engagés de façon simultanée ».

Le don croisé aujourd’hui

Source : Rapport d’information de la mission sur la révision de la loi relative à la bioéthique

La survenue d’un prélèvement et d’une greffe au sein d’un même cercle pouvant faire craindre quelques pressions de nature à altérer le consentement du donneur, les quatrième et cinquième alinéas de l’article L. 1231-1 prévoient trois obligations distinctes :

– l’information du donneur sur la procédure, les risques encourus et les conséquences du prélèvement par un comité d’experts ;

– le recueil du consentement qui sera effectué auprès du Président du tribunal de grande instance en cas de don croisé ;

– le prélèvement est autorisé par le comité d’experts dans le cadre du cercle familial élargi et affectif. Cette autorisation n’est pas obligatoire lorsque les donneurs sont les parents mais le juge peut en décider autrement.

Le comité d’expert, prévu par l’article L. 1231-3, est ainsi la clef de voûte de la vérification du prélèvement d’organes effectuée sur une personne vivante. Il se prononce dans le respect des principes généraux relatifs aux dons des éléments et produits du corps humain (consentement, interdiction de la publicité, gratuité, et respect de l’anonymat s’agissant du don croisé).

2.   Le prélèvement sur les donneurs vivants se heurte à des limites

● Selon le rapport de la mission d’information sur la révision de la loi relative à la bioéthique, les élargissements successifs du cercle des donneurs « ont permis d’augmenter sensiblement le don d’organes ». Le cap symbolique des 600 greffes à partir de donneurs vivants a été franchi en 2017. Toutefois, on observe un tassement en 2018 avec 551 greffes réalisées à partir de donneurs vivants selon l’étude d’impact.

Évolution des greffes réalisées à partir de donneurs vivants

 

2014

2015

2016

2017

2018

 Nombre total de greffes réalisées

5 357

5 746

5 891

6 105

5 781

dont greffes réalisées à partir de donneurs vivants

526

562

581

629

551

Sources :

­ Agence de la biomédecine, Le rapport médical et scientifique du prélèvement et de la greffe en France, 2017 (années 2014 à 2017)

­ Étude d’impact (année 2018)

Ce sont principalement les dons du cercle affectif qui ont permis d’augmenter le nombre de greffes réalisées. Ils représentent 7 % à 8 % des greffes rénales depuis 2014, soit 40 à 50 greffes par an.

S’agissant du don croisé, l’Agence de la biomédecine ([136]) souligne des « possibilités d’appariement […] très réduites », les cycles trimestriels « incluant chacun 10 à 20 paires donneur-receveur ». Elle ajoute que « la modélisation mathématique et l’expérience d’autres pays montrent que l’appariement est efficace lorsqu’au moins 50 paires donneur-receveur sont inscrites et que l’on “chaîne” plus de deux paires ». En effet, 10 greffes ont été réalisés sur la période 2014-2016.

Ce résultat s’explique aussi par les contraintes de disponibilité des blocs opératoires puisqu’il faut quatre blocs pour réaliser simultanément deux prélèvements et deux greffes.

● La réalisation des opérations de prélèvement et de greffe suppose une mobilisation rapide du comité d’experts dont l’article L. 1231-3 précise qu’il comprend deux formations de cinq membres respectivement compétentes pour les prélèvements sur les personnes majeures et pour les prélèvements sur les personnes mineures.

Neuf comités d’experts interviennent dans le cadre du prélèvement d’organes. Chacun dispose d’une compétence rationae loci, la décision relative au prélèvement devant porter sur le donneur demeurant dans le ressort géographique du comité. Leur composition appelle donc la constitution de listes géographiques.

L’étude d’impact souligne cependant la difficulté à réunir les comités d’experts en dépit du nombre de suppléants (quatre membres suppléants sont nommés pour un membre titulaire). Le rapport de l’Agence de la biomédecine sur l’application de la loi de bioéthique ([137]) indique également que « le nombre de réunions des comités d’experts [ayant] augmenté proportionnellement à l’activité […] il en résulte une plus grande difficulté à trouver des professionnels disponibles pour [y] siéger ».

La seule hypothèse permettant de passer outre cette organisation régionalisée est l’urgence vitale. Dans cette hypothèse, les membres du comité d’experts sont désignés par l’Agence de la biomédecine parmi les membres disponibles.

II.   Les évolutions prévues par le projet de loi

L’article 5 apporte deux modifications qui concernent d’une part, les modalités d’organisation des dons croisés, d’autre part, la constitution du comité d’experts chargé d’autoriser les opérations de prélèvement.

1.   L’assouplissement des conditions du don croisé

Le tend à modifier l’économie de l’article L. 1231-1 qui encadre les modalités de réalisation du don croisé. Ce dernier sera constitué de cinq subdivisions numérotées de I à V.

Le a) du 1° vise à rassembler les deux premiers alinéas, relatifs au cercle familial et affectif du don, au sein d’une nouvelle subdivision I.

Le b) du 1° substitue au troisième alinéa quatre alinéas distincts rassemblés dans une subdivision II.

La rédaction du premier alinéa du nouveau II rappelle la condition d’incompatibilité qui empêche la réalisation simultanée d’un prélèvement et d’une greffe au sein d’une même paire de donneur et de receveur. Il maintient également le caractère facultatif du don croisé qui reste une proposition formulée à l’égard du donneur et du receveur. Surtout, il précise que la chaîne de don croisé pourra concerner jusqu’à quatre paires au lieu de deux actuellement.

L’étude d’impact souligne que « l’augmentation du nombre de paires accroît les possibilités de combinaison c’est-à-dire les chances d’accès à la greffe pour des patients immunologiquement complexes » et indique que « l’expérience américaine, rapportées en 2017 portant sur 1 748 transplantations de ce type, indique un nombre moyen de 4,6 paires indiquant que les chaînes de deux paires, trois paires et quatre paires sont de loin les plus fréquentes » ([138]).

Le deuxième alinéa du nouveau II reprend la définition actuelle du don croisé qui est actuellement l’objet de la deuxième phrase du troisième alinéa de l’article L. 1231-1.

Les deux derniers alinéas du nouveau II apportent des modifications substantielles.

Le premier tend à augmenter les possibilités d’appariement entre donneurs et receveurs par le recours à un organe prélevé sur une personne décédée en substitution au prélèvement sur l’un des donneurs vivants. En d’autres termes, le don croisé pourra s’opérer aussi bien dans le cadre d’une chaîne « fermée » (entre donneurs et receveurs des quatre paires) que d’une chaîne « ouverte » avec une amorce constituée par un prélèvement d’organe sur un donneur décédé (cf. schémas ci-après).

L’étude d’impact motive cette évolution en soulignant la possible remise en cause de la chaîne de don croisé lorsque « l’appariement entre les couples de donneurs-receveurs montre une impasse pour l’un des receveurs » ([139]). Deux modalités d’application sont envisagées à travers cette possibilité :

– une chaîne de don croisé débutant par la mise à disposition de l’organe issu d’une personne décédée qui permet d’envisager ensuite les opérations de prélèvement et de greffe consécutives ;

– la possibilité de se prémunir d’une rupture de la chaîne dans l’hypothèse d’un retrait de dernier moment d’un donneur ou d’un échec de greffe.

Le dernier alinéa du II prévoit enfin des modalités d’organisation du don croisé « en cas d’échec du prélèvement ou de la greffe ». À cet effet, l’Agence de la biomédecine est informée sans délai de l’échec de la procédure pour procéder à l’attribution d’un greffon selon les règles d’équité de répartition de l’article L. 1231-1 B du code de la santé publique les plus favorables compte tenu de la situation du receveur.

Chaîne « fermée » de dons croisés incluant 4 paires

Chaîne « ouverte » de dons croisés incluant 4 paires, dont l’amorce est constituée par un prélèvement effectué sur une personne décédée

L’option retenue par le Gouvernement écarte donc la possibilité d’initier la chaîne de dons croisés par un donneur vivant « altruiste », autrement appelé « bon samaritain », hypothèse évoquée par le rapport de la mission d’information sur la loi relative à la bioéthique. Dans ce cas de figure, le donneur n’a aucun lien de parenté ni de lien affectif stable avec aucun des receveurs. Dans son étude, le Conseil d’État avait exprimé sa réserve quant à ce scenario. L’étude d’impact motive son choix par les risques portant sur la fragilisation des principes éthiques qui fondent notre droit : « l’ouverture du don d’organe au donneur altruiste poserait la question de la motivation au donneur altruiste et notamment de sa possible rémunération, du choix par ce dernier du receveur qu’il entend aider et mettrait en exergue le risque de pression morale et financière qui pourrait être exercée sur le donneur avec les dérives possibles pouvant à l’extrême aller jusqu’au trafic d’organes » ([140]).

Le dernier alinéa met fin à l’exigence de simultanéité des opérations de prélèvement et de greffe en prévoyant, d’une part, que les opérations de greffe se déroulent dans un délai de vingt-quatre heures et, d’autre part que les opérations de greffe sont réalisées consécutivement aux prélèvements. Il rappelle l’exigence d’anonymat entre donneur et receveur.

L’étude d’impact justifie cette évolution en s’appuyant sur les retours d’expérience des professionnels de santé et les comparaisons internationales.

Les c), d) et e) du 1° procèdent à la répartition des quatrième à huitième alinéas restant entre les trois subdivisions créées :

– le quatrième alinéa, relatif à l’information du donneur et au recueil du consentement, formera ainsi le III ;

– les cinquième à septième alinéas, relatifs à l’autorisation du prélèvement et à l’information de l’Agence de la biomédecine en cas de prélèvement à des fins thérapeutiques, constitueront le IV ;

– le V sera constitué par le dernier alinéa qui prévoit la remise d’un rapport au Parlement.

2.   L’assouplissement de la constitution des comités d’experts chargés d’autoriser les opérations de prélèvement

Le tend à modifier l’article L. 1231-3 relatif à la constitution du comité d’experts chargé d’informer les donneurs d’organe et d’autoriser les opérations de prélèvement. On notera que le même comité intervient dans le cadre du don de cellules hématopoïétiques (cf. commentaire de l’article 6).

Le a) du 2° vise à modifier la cinquième phrase du premier alinéa qui réserve aujourd’hui la possibilité à l’Agence de la biomédecine, en cas d’urgence vitale, de compléter la composition d’un comité d’experts donné par les membres disponibles de la liste nationale arrêtant les membres de chacun des neuf comités d’experts.

Aux termes des articles R. 1231-5 et R. 1231-6, il existe neuf comités d’experts dont les membres sont désignés dans un seul et même arrêté à raison de quatre suppléants pour un titulaire. Ce n’est que lorsqu’un comité réunit ses cinq membres qu’il peut se prononcer sur un dossier.

Toutefois, en cas d’urgence vitale lorsqu’un membre titulaire et ses quatre suppléants sont empêchés, les textes prévoient la possibilité de compléter la composition du comité en désignant un membre d’un autre comité figurant sur l’arrêté précité, que cette personne soit titulaire ou suppléante.

Le a) du 2° vise à étendre cette modalité de désignation aux situations de droit commun. La modification consiste donc à supprimer la condition d’urgence vitale afin de systématiser, quel que soit le cas de figure, la possibilité de compléter la composition d’un comité d’expert par la désignation de nouveaux membres sur la base de la liste nationale.

Par coordination, le b) du 2° opère une substitution de termes à la dernière phrase du même alinéa afin de réserver, comme actuellement, au seul cas d’urgence vitale, la délivrance par le praticien qui a posé l’indication de la greffe ou tout autre praticien au choix du donneur l’information « sur les conséquences prévisibles d’ordre physique et psychologique du prélèvement, sur les répercussions éventuelles de ce prélèvement sur la vie personnelle, familiale et professionnelle du donneur » ([141]). Dans le droit commun, cette information est délivrée par le comité d’experts.

3.   Les mesures d’application

Le vise à modifier l’article L. 1231-4, au terme duquel les modalités d’application des dispositions relatives aux prélèvements sur donneurs vivants sont déterminées par décret en Conseil d’État. La nouvelle rédaction apparaît simplifiée et prévoit deux items spécifiques et non exclusifs :

– les dispositions relatives au don croisé, qui incluent les modalités d’information des donneurs et receveurs ;

– les conditions de fonctionnement du comité d’experts.

 


—  1  —

Article 6
Extension du bénéfice d’un prélèvement de cellules souches hématopoïétiques sur un mineur ou un majeur protégé à ses parents pour accroître les possibilités de greffes intrafamiliales en l’absence d’autre alternative thérapeutique

Adopté par la commission avec modifications

    Résumé du dispositif initial

L’article 6 vise à développer la pratique du don de cellules hématopoïétiques dans le cadre intrafamilial qu’il s’agisse de personnes vivantes mineures ou de personnes majeures faisant l’objet de mesures de protection.

 S’agissant des mineurs, seul le don des cellules hématopoïétiques issues de la moelle osseuse est concerné par les modifications. Il est étendu aux parents. Le don issu de la moelle osseuse n’est actuellement autorisé, à titre exceptionnel, qu’au bénéfice des cousins germains, oncle et tante du donneur, en l’absence de solution thérapeutique appropriée. Le régime juridique est inchangé : le recueil du consentement est effectué devant le juge judiciaire et le prélèvement reste subordonné à l’autorisation d’un comité d’experts.

Lorsque le receveur est l’un des deux parents, afin d’éviter toute pression sur le mineur, l’article prévoit que le recueil du consentement est effectué par le juge judiciaire qui désigne un administrateur ad hoc chargé de représenter le mineur. Cet administrateur ne pourra être ni un ascendant ni un collatéral des parents ainsi que du mineur. Il appartient au juge judiciaire d’autoriser le prélèvement après avis du comité d’experts.

 Pour les majeurs protégés, les régimes relatifs au prélèvement de cellules hématopoïétiques issues de la moelle osseuse ou du sang périphérique sont harmonisés et sont par ailleurs étendus aux parents. En cohérence avec le droit civil et les évolutions opérées par l’article 7 du projet de loi, la procédure dépend de la faculté ou non de la personne majeure à exprimer son consentement.

→ Lorsque le receveur est le père, la mère ou la personne chargée de la mesure de protection, un administrateur ad hoc est désigné afin de représenter le majeur protégé.

→ Si la personne majeure est apte à exprimer son consentement, le juge judiciaire autorise le prélèvement a été autorisé par le comité d’expert.

→ Si la personne majeure n’est pas apte à exprimer son consentement, il appartient au juge judiciaire d’autoriser le prélèvement après recueil de l’avis du majeur protégé, de la personne chargée de la mesure de protection, et de l’administrateur ad hoc lorsque c’est le cas. Le comité d’expert émet par ailleurs un avis.

    Modifications apportées par la commission

La commission a procédé à plusieurs modifications de nature rédactionnelle.

I.   Le droit en vigueur

Les cellules hématopoïétiques sont des cellules souches prélevées dans la moelle osseuse, par ponction intra-osseuse, ou dans le sang périphérique par cytaphérèse ; le prélèvement peut aussi provenir du sang du cordon ombilical à l’occasion d’une naissance. Il s’agit de cellules pluripotentes, qui ont donc la capacité de se multiplier puis de se différencier en lignées cellulaires.

Comme indiqué dans l’étude d’impact, « les greffes de cellules souches hématopoïétiques sont utilisées pour traiter des hémopathies malignes (lymphomes, leucémies), certaines tumeurs telles que le cancer du sein mais aussi certains déficits, tels que les aplasies médullaires, les déficits immunitaires ou les hémoglobinopathies » ([142]). Les greffes proviennent soit de cellules souches issues du patient lui-même (autogreffe), soit d’un tiers donneur (allogreffe) ressortissant du cercle familial (apparenté) ou inscrit sur un registre (non apparenté).

1.   Un enjeu important

Deux enjeux ont été récemment identifiés : l’élargissement des bénéficiaires de la greffe de cellules hématopoïétiques aux père et mère dans le cadre intrafamilial, et l’amélioration du suivi des donneurs de cellules hématopoïétiques.

● L’étude du Conseil d’État, le rapport de l’Agence de la biomédecine ou le rapport de la mission d’information sur la révision de la loi relative à la bioéthique plaident en faveur de l’élargissement aux parents de la greffe de cellules hématopoïétiques.

L’activité de prélèvement de cellules hématopoïétiques issues de la moelle osseuse concerne, en 2018, 42 centres autorisés. L’activité de prélèvement des cellules hématopoïétiques dans le sang concerne, quant à elle, 44 centres répartis entre 18 centres dépendant de l’établissement français du sang (EFS), 20 centres hospitaliers, 5 centres de lutte contre le cancer et 1 centre de transfusion sanguine des armées (CTSA) dépendant du Ministère de la Défense ([143]). 22 maternités identifiées comme actives en 2018 ont effectué un prélèvement du sang placentaire.

Selon l’étude d’impact, on dénombre un peu plus de 4 700 prélèvements effectués en 2018 dont 93 % dans le sang. 75 % de ces prélèvements visent à réaliser une autogreffe ([144]). Pour la même année, on dénombre près de 5 300 greffes réalisées, 63 % d’entre elles étant autologues. Dans le cas des allogreffes, les greffons issus de prélèvements réalisés dans la sphère familiale représentent 51 % de l’activité.

Le principal enjeu de la greffe consiste à éviter le rejet du greffon par le système immunitaire du patient concerné. Dans le cas des dons de cellules hématopoïétiques, pour déterminer l’histocompatibilité, il est recouru au typage des antigènes HLA (human leucocyte antigen). La priorité consiste d’abord à trouver un donneur HLA compatible, soit dans la sphère familiale (le frère ou la sœur étant les meilleurs « candidats »), soit dans le registre des donneurs.

Depuis la révision de la loi de bioéthique en 2011, la greffe intrafamiliale haplo-identique s’est beaucoup développée. Elle consiste à transplanter un greffon d’un proche qui ne partage que 50 % des antigènes HLA. Les greffes intrafamiliales ont ainsi augmenté de 41 % depuis 2009 selon la Haute Autorité de santé ([145]) grâce au développement des greffes haplo-identiques qui représentent « 35 % des greffes apparentées » ([146]). Ces nouvelles possibilités résultent principalement de l’administration d’un traitement immunosuppresseur à la suite de la greffe afin de réduire les risques de rejet.

Le développement de cette pratique médicale représente pour certains patients la seule thérapeutique possible. L’élargissement des bénéficiaires aux père et mère, qui s’inscrit dans ce contexte, permettrait d’améliorer leur durée de vie.

● Parallèlement, le rapport de la mission d’information sur la révision de la loi relative à la bioéthique s’est fait l’écho de la proposition de l’Agence de la biomédecine visant à assurer un meilleur suivi du donneur de cellules hématopoïétiques.

Ce rapport insiste ainsi sur la priorité que doit devenir le renforcement du suivi médical des donneurs. Il plaide en faveur d’un plus grand effort « dans l’intérêt des donneurs mais aussi dans l’intérêt du don lui-même ».

Dans son rapport sur l’application de la loi de bioéthique, l’Agence de la biomédecine souligne à cet égard qu’à la différence des donneurs d’organes et des donneuses d’ovocytes la loi ne prévoit pas le suivi de l’état des donneurs de cellules hématopoïétiques afin d’évaluer les conséquences du prélèvement sur leur santé ([147]).

2.   L’interdiction du prélèvement sur les personnes vivantes mineures et majeures protégées est tempérée par des dérogations

a.   Le principe d’interdiction

L’article L. 1241-1 dispose que le prélèvement de cellules hématopoïétiques peut être effectué par tout donneur sous réserve de son consentement et après qu’il a été « préalablement informé des risques qu’il encourt et des conséquences éventuelles » du prélèvement. Le consentement est exprimé devant le président du tribunal de grande instance (TGI) ou le magistrat désigné par lui. En cas d’urgence, il est recueilli « par tout moyen » par le procureur de la République. Il est révocable à tout moment « sans forme ».

Le prélèvement des tissus ou cellules sur les personnes vivantes mineures ou les personnes vivantes majeures protégées fait l’objet d’une interdiction de principe prévue par l’article L. 1241-2 du code de la santé publique. Par dérogation, les articles L. 1241-3 et L. 1241-4 autorisent le prélèvement de cellules hématopoïétiques dans la moelle osseuse et le sang périphérique sur ces deux catégories de personnes au seul bénéfice du cercle familial à l’exclusion des père et mère.

b.   Les personnes vivantes mineures

S’agissant des mineurs, le prélèvement dans la moelle osseuse ou dans le sang périphérique ne peut être effectué que dans le cadre intrafamilial, au bénéfice du frère ou de la sœur et en l’absence d’autre solution thérapeutique. Lorsque ce prélèvement « n’est pas possible » et en l’absence « d’autre solution thérapeutique appropriée », seul un prélèvement de moelle osseuse peut être effectué, « à titre exceptionnel » au bénéfice des cousins germain, oncle, tante, neveu ou nièce. En aucun cas, le prélèvement ne peut être effectué au bénéfice des parents.

Pour tout prélèvement, il importe de recueillir le consentement des parents (ou du représentant légal) éclairés par le praticien « qui a posé l’indication de greffe » ou par tout autre praticien de leur choix. Le consentement est recueilli dans les mêmes conditions que pour le prélèvement des tissus et cellules. Il est révocable dans les mêmes conditions.

Enfin, le prélèvement est soumis à l’autorisation du même comité d’experts que celui requis par le don d’organe (cf. commentaire de l’article 5). Ce comité est chargé de vérifier que le prélèvement ne comporte « aucun risque pour le mineur », que « tous les moyens ont été mis en œuvre pour trouver un donneur majeur suffisamment compatible pour le receveur» et que « le mineur a été informé du prélèvement envisagé en vue d’exprimer sa volonté, s’il y est apte ». Enfin, il est indiqué que le refus du mineur fait obstacle au prélèvement.

c.   Les personnes vivantes majeures faisant l’objet d’une mesure de protection légale

Un cadre quasi-similaire est également prévu pour les personnes majeures faisant l’objet d’une mesure de protection légale. On notera cependant que les dispositions du code de la santé publique relatives à la protection légale ne visent que trois des cinq cas de figure prévus par le code civil. Il est fait mention de la tutelle, de la curatelle et de la sauvegarde de justice quand le code civil prévoit également l’habilitation familiale et le mandat de protection future.

La protection légale

Le terme de protection légale couvre toutes les mesures de protection juridique (tutelle, curatelle, sauvegarde de justice, habilitation familiale et mandat de protection future) qu’elles concernent la protection de la personne ou de ses intérêts patrimoniaux.

Les mesures de protection de la personne couvrent plusieurs cas de figure incluant les mesures de protection juridique avec représentation à la personne et les mesures de protection juridique visant à assister la personne.

Les mesures de protection des intérêts patrimoniaux de la personne concernent les biens.

Depuis la loi du 5 mars 2007, le code civil ne contient plus de référence à la protection légale mais le code de la santé publique n’a pas été modifié suite à cette importante réforme de la protection juridique des majeurs.

● En l’absence d’autre solution thérapeutique, un prélèvement peut être pratiqué dans la moelle osseuse ou dans le sang périphérique au bénéfice du frère ou de la sœur.

Si la personne fait l’objet d’une mesure de tutelle ou si elle fait l’objet mesure de curatelle ou de sauvegarde de justice sans avoir la faculté de consentir, le prélèvement nécessite une décision du juge des tutelles qui recueille l’avis du majeur concerné, de son tuteur et du comité d’experts précité, qui s’assure que « tous les moyens ont été mis en œuvre pour trouver un donneur majeur suffisamment compatible pour le receveur ».

Si la personne fait l’objet d’une mesure de curatelle ou de sauvegarde de justice, le prélèvement intervient après autorisation du comité d’experts si le juge des tutelles estime que la personne protégée a la faculté de consentir au prélèvement. Le consentement est recueilli dans les conditions prévues par l’article L. 1241-3 soit devant le président du tribunal de grande instance (TGI) ou le magistrat désigné par lui ou en cas d’urgence par le procurer de la République.

● Seul un prélèvement dans la moelle osseuse peut être effectué au profit d’un cercle familial élargi (cousins germains, oncle, tante, neveu ou nièce), « en l’absence d’autre solution thérapeutique appropriée » et « à titre exceptionnel ». Seuls sont concernés les majeurs protégés faisant l’objet d’une mesure de curatelle ou de sauvegarde de justice qui se voient reconnaître la faculté de consentir par le juge des tutelles. Le consentement est recueilli par le comité d’experts qui autorise par ailleurs le prélèvement.

Dans tous les cas, le comité d’experts précité s’assure que « tous les moyens ont été mis en œuvre pour trouver un donneur majeur suffisamment compatible pour le receveur ». Dans tous les cas également, le refus de la personne majeure fait obstacle au prélèvement.

Le prélèvement des cellules hématopoïétiques effectué
sur les personnes vivantes mineures

 

Prélèvement dans la moelle osseuse

Prélèvement dans le sang périphérique

Bénéficiaires concernés

Frère ou sœur

Cercle familial élargi hors père et mère

Frère ou sœur

Cercle familial élargi hors père et mère

Possibilité de prélèvement

OUI

OUI

OUI

NON

Recueil du consentement

- consentement des parents (ou du représentant légal)

- consentement exprimé et recueilli devant le président du TGI (ou un magistrat désigné par lui)

- le refus du mineur fait obstacle au prélèvement

 

Comité d’experts

Délivre une autorisation

 

 

Le prélèvement des cellules hématopoïétiques effectué sur les personnes vivantes majeures faisant l’objet d’une mesure de protection légale ([148])

Les personnes majeures sous tutelle et les personnes majeures n'ayant pas la faculté de consentir sous curatelle ou faisant l’objet de sauvegarde justice

 

 

Prélèvement dans la moelle osseuse

Prélèvement dans le sang périphérique

Bénéficiaires concernés

Frère ou sœur

Cercle familial élargi

Frère ou sœur

Cercle familial élargi

Possibilité de prélèvement

OUI

NON

OUI

NON

Recueil du consentement

- Décision du juge des tutelles

- Avis de la personne concernée, du tuteur (ou du curateur ou du mandataire spécial) et du comité d’experts

- le refus du majeur protégé fait obstacle au prélèvement

 

Comité d’experts

Délivre un avis

 

 

Les personnes majeures ayant la faculté de consentir sous curatelle
ou faisant l’objet de sauvegarde justice

 

Prélèvement dans la moelle osseuse

Prélèvement dans le sang périphérique

Bénéficiaires concernés

Frère ou sœur

Cercle familial élargi

Frère ou sœur

Cercle familial élargi

Possibilité de prélèvement

OUI

OUI

OUI

NON

Recueil du consentement

Exprimé et recueilli devant le président du TGI (ou un magistrat désigné par lui)

Exprimé et recueilli devant le président du TGI (ou un magistrat désigné par lui)

Exprimé et recueilli devant le président du TGI (ou un magistrat désigné par lui)

 

Le refus du majeur protégé fait obstacle au prélèvement

 

Comité d’experts

Délivre une autorisation

 

II.   Les évolutions prévues par le projet de loi

L’article 6 vise à développer la pratique du don de cellules hématopoïétiques dans le cadre intrafamilial qu’il s’agisse de personnes vivantes mineures ou de personnes majeures faisant l’objet de mesures de protection. C’est notamment l’objet du I qui modifie en ce sens les articles L. 1241-3 et L. 1241-4 du code de la santé publique. Par coordination, les II et III actualisent les dispositions du code de la santé publique et du code pénal visant à réprimer le non-respect des mesures d’encadrement du don de cellules hématopoïétiques effectué par les majeurs protégés.

1.   L’élargissement du cercle des bénéficiaires du don aux parents du mineur

L’article L. 1241-3, qui encadre le don des cellules hématopoïétiques prélevées sur les mineurs, est modifié par le 1° du I. Seuls les prélèvements opérés à titre exceptionnel dans la moelle osseuse sont concernés par ces modifications.

Le a) du 1° du I étend au père et à la mère du mineur la possibilité de bénéficier d’un prélèvement issu de la moelle osseuse, les conditions actuelles restant inchangées (impossibilité d’effectuer un prélèvement au profit d’un frère ou d’une sœur, absence d’autre solution thérapeutique, caractère exceptionnel). Il modifie à cet effet le deuxième alinéa de l’article L. 1241-3.

Le b) du 1° du I revoit les conditions légales du prélèvement, qui requiert aujourd’hui le consentement parental, son recueil par le juge judiciaire et l’autorisation du comité d’experts.

Le troisième alinéa de l’article L. 1241-3 est ainsi remplacé par trois nouveaux alinéas.

Le premier alinéa fixe le cadre juridique des dons effectués au bénéfice d’un « membre de la famille autre que le père ou la mère ».

Les conditions restent inchangées au regard du droit actuel. Le consentement parental est requis ou à défaut, celui du « tuteur du mineur » ‑ ces termes remplaçant ceux de « représentant légal » à des fins d’harmonisation rédactionnelle avec le code civil ‑, son recueil est exprimé devant le président du tribunal de grande instance ou le magistrat désigné par lui ou devant le procureur de la République en cas d’urgence, sa révocation est effectuée sans forme et à tout moment. Ce troisième alinéa est complété par une phrase selon laquelle le prélèvement ne peut être autorisé que par le comité d’experts, situation inchangée au regard du droit actuel. L’ajout de cette phrase est cependant nécessaire dans la mesure où la procédure retenue diverge lorsqu’elle implique un don au bénéfice des parents.

Les deux autres alinéas fixent les conditions dans lesquelles le don est effectué au profit des parents par le donneur mineur. Une procédure calquée sur le précédent alinéa ne permettrait pas de préserver le donneur de toute pression, les parents étant à la fois bénéficiaires du don et détenteurs de l’autorité parentale chargés d’exprimer le consentement du mineur devant le président du tribunal de grande instance.

Afin d’éviter ce risque, le deuxième alinéa prévoit la désignation d’un administrateur ad hoc par le président du tribunal de grande instance conformément à l’article 388-2 du civil. Cet article prévoit en effet la désignation d’un administrateur ad hoc chargé de représenter les intérêts du mineur lorsque, dans une procédure, ils « apparaissent en opposition avec ceux de ses représentants légaux ». Le nouvel alinéa propose des garanties supplémentaires puisqu’il prévoit que cet administrateur ne peut être ni un ascendant (père, mère, grands-parents, arrière-grands-parents) ni un collatéral (frère, sœur, oncle, tante et leurs descendants, cousins et cousines).

Comme les parents, cet administrateur est informé des risques encourus par le mineur et des conséquences éventuelles du prélèvement par le praticien ayant posé l’indication de greffe ou par tout autre praticien choisi par les parents.

À la différence du don bénéficiant aux collatéraux, et afin de préserver les intérêts du mineur, l’autorisation de prélèvement relève du président du tribunal de grande instance qui aura pris soin d’entendre le mineur « s’il est capable de discernement », les parents et l’administrateur ad hoc. Une formalité substantielle s’ajoute à ces consultations avec le recueil de l’avis du comité d’experts.

Le c) du 1° du I tire les conséquences des modifications ci-dessus et modifie le début du dernier alinéa de l’article L. 1241-3 – puisque selon les situations, le comité d’experts délivrera soit une autorisation, soit un avis. La nouvelle rédaction en tient désormais compte, étant précisé qu’il devra toujours vérifier que le prélèvement ne comporte « aucun risque pour le mineur », que « tous les moyens ont été mis en œuvre pour trouver un donneur majeur suffisamment compatible pour le receveur» et que « le mineur a été informé du prélèvement envisagé en vue d’exprimer sa volonté, s’il y est apte ». En tout état de cause, cet alinéa précise toujours que le refus du mineur fait obstacle au prélèvement.

Selon l’étude d’impact, « le nombre de prélèvements et donc de greffes susceptibles d’être effectuées dans cette situation peut être estimé à 50 par an, si l’on ne met pas de plafond en termes de limite d’âge du donneur pédiatrique potentiel. Si l’on introduit un seuil pour l’âge du donneur mineur pas avant 15 ans, ce nombre serait de l’ordre d’environ 15 par an » ([149]).

Le prélèvement des cellules hématopoïétiques effectué sur les personnes vivantes mineures

 

Prélèvement dans la moelle osseuse

Prélèvement dans le sang périphérique

Bénéficiaires concernés

Frère ou sœur

Cercle familial élargi

Parents

Frère ou sœur

Cercle familial élargi

Possibilité de prélèvement

OUI

OUI

OUI à titre exceptionnel

OUI

NON

Recueil du consentement

- consentement des personnes investies de l’exercice de l'autorité parentale (ou le cas échéant du tuteur)

- consentement exprimé et recueilli devant le président du TGI (ou un magistrat désigné par lui)

- le refus du mineur fait obstacle au prélèvement

- Décision du juge président du TGI

- désignation d’un administrateur ad hoc

- le Président du TGI entend éventuellement le mineur, les parents, l’administrateur ad hoc

- le refus du majeur protégé fait obstacle au prélèvement

‑ consentement des personnes investies de l’exercice de l'autorité parentale (ou le cas échéant du tuteur)

- consentement exprimé et recueilli devant le président du TGI (ou un magistrat désigné par lui)

- le refus du mineur fait obstacle au prélèvement

 

Comité d’experts

Délivre une autorisation

Délivre un avis

Délivre une autorisation

 

2.   L’élargissement du cercle des bénéficiaires du don aux parents des majeurs protégés

L’article L. 1241-4, qui encadre le don des cellules hématopoïétiques prélevées sur les majeurs protégés, fait l’objet des modifications du  du I. À la différence des mineurs, ces évolutions concernent aussi bien les prélèvements opérés à titre exceptionnel dans la moelle osseuse que dans le sang périphérique.

Le a) du 2° du I vise à substituer les termes de mesures de « protection légale » par ceux de mesures de protection « juridique avec représentation à la personne », en cohérence avec les mesures portées par l’article 7 (cf. commentaire de l’article 7).

L’article 425 du code civil dispose en effet que toute personne dans l'impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d'une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l'expression de sa volonté peut bénéficier d'une mesure de protection juridique. Par défaut, cette mesure est destinée à la protection tant de la personne que des intérêts patrimoniaux de celle-ci mais peut toutefois être limitée expressément à l'une de ces deux missions.

Cette modification emporte un double effet. Elle étend le bénéfice de la protection aux cas de figure non pris en compte par le code de la santé publique (habilitation familiale, mandat de protection future) en même temps qu’elle assouplit la portée de l’encadrement en le réservant aux majeurs protégés qui ne sont concernés que par une protection juridique avec représentation à la personne. La mesure vise donc à accroître la possibilité de don en offrant cette possibilité aux majeurs protégés ne ressortissant pas de la protection juridique avec représentation à la personne, c’est-à-dire celles qui font l’objet de mesures de protection au titre de leurs biens patrimoniaux ou qui ne font l’objet que de mesures d’assistance.

Interrogé par le rapporteur, le Gouvernement a bien voulu préciser que les mesures de protection « juridique avec représentation à la personne » désignent la tutelle, l’habilitation familiale ou encore la sauvegarde de justice. Elles ne couvrent donc pas le cas de la curatelle, qui est une mesure d’assistance, ni l’habilitation familiale quand celle-ci ne prévoit que l’assistance du majeur.

Le b) du 2° du I remplace les deuxième à cinquième alinéas par quatre nouveaux alinéas régissant le prélèvement à partir de la moelle osseuse ou du sang périphérique effectué à titre exceptionnel et en l’absence d’une solution thérapeutique appropriée. Ces modifications visent à harmoniser les procédures, quelle que soit la mesure de protection concernée. Deux traits structurants conditionneront à l’avenir la procédure à suivre : d’une part, le profil du receveur (parents ou personne chargée de la protection), d’autre part la faculté ou non de la personne majeure à exprimer son consentement.

Le deuxième alinéa de l’article L. 1241-4, dans sa nouvelle rédaction, dispose qu’un prélèvement de cellules hématopoïétiques issues de la moelle osseuse ou du sang périphérique pourra être effectué au bénéfice du père ou de la mère du majeur protégé. Les conditions médicales restent inchangées, la rédaction maintenant le caractère exceptionnel du prélèvement et l’absence d’autre solution thérapeutique appropriée.

Les trois alinéas suivants définissent la procédure de recueil du consentement et d’autorisation du prélèvement.

Lorsque le receveur est l’un des deux parents ou la personne chargée de la mesure de protection ou lorsque la personne chargée de la mesure de protection est un ascendant ou un collatéral du receveur, un administrateur ad hoc est désigné par le juge des tutelles. Chargé de représenter le majeur protégé, il sera informé des risques encourus par celui-ci et des conséquences du prélèvement. Cet administrateur ne pourra être ni un ascendant ni un collatéral des parents ou du majeur protégé. Ces dispositions visent à préserver le majeur protégé de toute pression, qu’elle provienne de ses parents ou de la personne chargée de la représenter s’il apparaît qu’elle est bénéficiaire du don. On soulignera particulièrement l’alignement de la situation de la personne chargée de représenter le majeur protégé sur celle de ses parents, qui représente un réel progrès au regard du droit actuel.

Deux procédures d’autorisation peuvent être mises en œuvre en fonction de la faculté de consentir de la personne protégée :

– si la personne a la faculté de consentir, le juge des tutelles recevra le consentement et l’autorisation sera délivrée par le comité d’experts ;

Le prélèvement des cellules hématopoïétiques effectué sur les personnes vivantes majeures faisant l’objet d’une mesure de protection légale

Les personnes majeures faisant l’objet d’une mesure de protection juridique avec représentation à la personne ayant la faculté de consentir

 

Prélèvement dans la moelle osseuse

Prélèvement dans le sang périphérique

Bénéficiaires concernés

Frère ou sœur

Cercle familial élargi, hors parents

Parents ou personne chargée de la mesure de protection

Frère ou sœur

Cercle familial élargi, hors parents

Parents ou personne chargée de la mesure de protection

Possibilité de prélèvement

OUI

OUI

OUI

OUI

OUI

OUI

Recueil du consentement

‑ Décision du juge des tutelles qui reçoit le consentement

‑ Avis de la personne concernée

‑ Désignation d’un administrateur ad hoc

‑ Décision du juge des tutelles qui reçoit le consentement

‑ Avis de la personne concernée

‑ Décision du juge des tutelles qui reçoit le consentement

‑ Avis de la personne concernée

‑ Désignation d’un administrateur ad hoc

‑ Décision du juge des tutelles qui reçoit le consentement

‑ Avis de la personne concernée

 

Le refus du majeur protégé fait obstacle au prélèvement

Comité d’experts

Délivre une autorisation

– si la personne ne dispose pas la faculté de consentir, il reviendra au juge des tutelles d’autoriser le prélèvement après avis de la personne concernée, de la personne chargée de la mesure de protection (lorsque celle-ci n’est ni le receveur, ni un descendant, ni un collatéral du receveur) et du comité d’experts. L’avis de l’administrateur ad hoc est également recueilli lorsque le prélèvement est effectué au bénéfice des parents, de la personne chargée de la mesure de protection ou lorsque la personne chargée de la mesure de protection est un ascendant ou un collatéral du receveur.

Le prélèvement des cellules hématopoïétiques effectué sur les personnes vivantes majeures faisant l’objet d’une mesure de protection légale

Les personnes majeures faisant l’objet d’une mesure de protection juridique avec représentation à la personne n’ayant pas la faculté de consentir

 

Prélèvement dans la moelle osseuse

Prélèvement dans le sang périphérique

Bénéficiaires concernés

Frère ou sœur

Cercle familial élargi, hors parents

Parents ou personne chargée de la mesure de protection

Frère ou sœur

Cercle familial élargi, hors parents

Parents ou personne chargée de la mesure de protection

Possibilité de prélèvement

OUI

OUI

OUI

OUI

OUI

OUI

Recueil du consentement

‑ Autorisation du juge des tutelles

‑ Avis de la personne concernée, de la personne chargée de la mesure de protection si elle n’est ni receveur, ni descendant, ni collatéral

‑ Désignation d’un administrateur ad hoc

‑ Le juge des tutelles reçoit le consentement et autorise le prélèvement

‑ Avis de la personne concernée, de la personne chargée de la mesure de protection si elle n’est ni receveur, ni descendant, ni collatéral, et de l’administrateur ad hoc

‑ Autorisation du juge des tutelles

‑ Avis de la personne concernée, de la personne chargée de la mesure de protection si elle n’est ni receveur, ni descendant, ni collatéral

‑ Désignation d’un administrateur ad hoc

‑ Le juge des tutelles reçoit le consentement et autorise le prélèvement

‑ Avis de la personne concernée, de la personne chargée de la mesure de protection si elle n’est ni receveur, ni descendant, ni collatéral, et de l’administrateur ad hoc

 

Le refus du majeur protégé fait obstacle au prélèvement

Comité d’experts

Délivre un avis

Il convient de souligner que ces dernières dispositions ont également vocation à s’appliquer au don de cellules issues de la moelle osseuse ou du sang périphérique effectué au bénéfice du frère ou de la sœur du majeur protégé.

Comme aujourd’hui, le comité d’experts précité s’assurera que « tous les moyens ont été mis en œuvre pour trouver un donneur majeur suffisamment compatible pour le receveur ». Le refus de la personne majeure fera toujours obstacle au prélèvement, le dernier alinéa restant inchangé.

3.   Les autres dispositions

Les II et III procèdent à des mesures de coordination tendant à substituer aux termes de « mesure de protection légale » ceux de « mesure de protection juridique avec représentation à la personne » aux articles L. 1272-4 du code de la santé publique et 511-5 du code pénal.

Ces articles prévoient des pénalités lorsque les dispositions prises pour le prélèvement des cellules hématopoïétiques sur les majeurs protégés ne respectent pas les conditions fixées par le code de la santé publique, l’article L. 1272-4 du même code n’étant que la reproduction au sein dudit code de l’article 511-5 du code pénal.

 


—  1  —

Article 7
Renforcement des droits des personnes sous mesure de protection de leurs biens dans l’exercice de leur citoyenneté en leur permettant de donner leur consentement au don

Adopté par la commission avec modifications

    Résumé du dispositif initial

Les interdits actuels sont ressentis comme une discrimination, particulièrement pour les majeurs protégés qui font l’objet de mesures de protection visant leurs biens.

En cohérence avec le droit civil, qui privilégie l’autonomie du majeur protégé et la recherche de son consentement, l’article 7 modifie plusieurs dispositions du code de la santé publique qui fixent le régime applicable aux personnes majeures protégées du don d’organes (prélèvement sur une personne vivante, prélèvement post mortem, greffe en domino) et du don de tissus, cellules ou tout produit du corps humain. Les interdictions et les encadrements ne s’appliqueront qu’aux personnes majeures faisant l’objet de mesures de protection avec représentation à la personne. Relèveront donc du droit commun du don des éléments et produits du corps humain, les majeurs protégés dont la protection juridique est limitée aux biens ou qui bénéficient d’une assistance.

Par coordination, l’article 7 adapte les pénalités prévues par le code de la santé publique et le code pénal en cas de non-respect des lois en vigueur.

    Modifications apportées par la commission

La commission a procédé à plusieurs modifications de nature rédactionnelle.

I.   Le droit en vigueur

1.   Les majeurs protégés sont des personnes dans l’impossibilité de pourvoir seules à leurs intérêts

Chaque individu majeur doit être en mesure de pourvoir seul à ses intérêts. En matière médicale, cette responsabilité prend la forme du consentement. L’article 16-3 du code civil énonce ainsi que « le consentement de l’intéressé doit être recueilli préalablement hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n’est pas à même de consentir ».

Toutefois, il est des situations dans lesquelles une personne majeure est dans l’impossibilité d’exprimer sa volonté. L’article 425 du code civil prévoit à cet effet la mise en place d’une mesure de protection juridique « en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles ». Cette mesure est destinée à la protection tant de la personne que de ses intérêts patrimoniaux et nécessite l’intervention du juge des tutelles, rouage judiciaire majeur des personnes majeures vulnérables.

Aux termes de l’article 459 du même code, « la personne protégée prend seule les décisions relatives à sa personne dans la mesure où son état le permet ». Si son état ne le permet pas, elle peut bénéficier de l’assistance de la personne chargée de sa protection « pour l’ensemble des actes relatifs à sa personne ou ceux d’entre eux qu’il énumère » voire se faire représenter par elle si cela ne suffit pas « y compris pour les actes ayant pour effet de porter gravement atteinte à son intégrité corporelle ». Le même article dispose enfin que, sauf urgence, le juge n’intervient qu’en cas de désaccord entre le majeur et la personne chargée de sa protection, pour autoriser l’un ou l’autre à prendre la décision, à leur demande ou d’office.

2.   Les mesures de protection juridique applicables aux personnes majeures

Le code civil propose plusieurs mesures de protection juridique des personnes majeures. Elles résultent soit d’un mandat de protection future, soit d’une décision de justice. Toutes ces mesures doivent s’inscrire dans le respect des principes de nécessité, de subsidiarité et de proportionnalité rappelés par l’article 428 du code civil. Il s’agit en quelque sorte d’appliquer la mesure la plus appropriée, en tout état de cause la moins contraignante, afin de privilégier les intérêts de la personne protégée.

● Le mandat de protection future, introduit par la loi du 5 mars 2007 ([150]) et dont la primauté a été réaffirmée par la loi du 23 mars 2019 ([151]), participe des mesures d’anticipations conventionnelles qui doivent être privilégiées avant l’intervention du juge. Ce mandat permet à toute personne majeure et capable de désigner une ou plusieurs personnes qui seront chargées de la représenter dans le cas où elle ne serait plus en mesure de pourvoir seule à ses intérêts.

● Les mesures de protection judiciaire, qui font intervenir le juge des tutelles, sont au nombre de quatre : la tutelle, la curatelle, la sauvegarde de justice et l’habilitation familiale.

La tutelle autorise la représentation continue d’une personne dans les actes de la vie civile. La tutelle n’est prononcée que s’il est établi que ni la sauvegarde de justice, ni la curatelle ne peuvent assurer une protection suffisante.

La curatelle permet à une personne « qui, sans être hors d’état d’agir elle-même », a besoin « d’être assistée ou contrôlée d’une manière continue dans les actes importants de la vie civile » ([152]). Moins contraignante que la tutelle, la curatelle n’est prononcée que s’il est établi que la sauvegarde de justice ne peut assurer une protection suffisante.

La sauvegarde de justice peut être prononcée pour les personnes qui ont besoin d’une protection juridique temporaire ou d’être représentées pour l’accomplissement d’actes déterminés ([153]). Elle peut être prononcée par le juge saisi d’une demande de tutelle ou de curatelle et ne constitue d’une mesure temporaire puisque sa durée est limitée à un an. Le juge peut désigner à cet effet un mandataire spécial chargé d’accomplir « un ou plusieurs actes déterminés, même de disposition, rendus nécessaires par la gestion du patrimoine de la personne protégée » ([154]) et qui peut aussi se voir confier une mission de protection de la personne ([155]).

L’habilitation familiale consiste, pour le juge, à désigner un proche du majeur protégé à le représenter, et, depuis à la loi du 23 mars 2019 précitée, à l’assister, ainsi qu’à passer un ou des actes en son nom.

3.   L’articulation entre le code civil et le code de la santé publique

a.   Une articulation malaisée

On notera qu’aux termes de l’article 459-1, les dispositions du code civil relatives aux majeurs protégés ne peuvent « avoir pour effet de déroger aux dispositions particulières prévues par le code de la santé publique [...] prévoyant l’intervention d’un représentant légal ». Cette dérogation organise ainsi l’articulation des dispositions du code civil avec celles du code de la santé publique, s’agissant des actes de soins et plus particulièrement des dons et éléments des produits du corps humain.

Plusieurs rapports ont évoqué les difficultés d’articulation résultant d’un empilement de mesures successives. On citera chronologiquement un rapport de la Cour des comptes ([156]), le rapport d’une mission interministérielle ([157]) et plus récemment un rapport parlementaire ([158]). Ce dernier souligne ainsi que « les règles relatives aux décisions concernant des majeurs protégés en matière de santé sont donc définies spécifiquement par le code de la santé publique, qui ne prend pas en compte les principes du code civil issus de la loi du 5 mars 2007 » et ajoute que « la complexité de ce régime est une source de difficultés pratiques pour les médecins et les hôpitaux ». Une des difficultés réside dans l’articulation entre le principe de l’autonomie du majeur protégé et les pouvoirs de la personne chargée de la mesure de protection. Alors que le code civil fait primer l’autonomie, le code de la santé publique privilégie une approche plus protectrice du majeur à travers la figure tutélaire.

Ces difficultés d’articulation concernent notamment les principes généraux des droits de la personne et ont récemment conduit le Gouvernement à demander une habilitation à légiférer par voie d’ordonnance afin de prendre « toute mesure relevant du domaine de la loi visant à modifier, dans un objectif d’harmonisation et de simplification, les dispositions fixant les conditions dans lesquelles est prise une décision portant sur la personne d’un majeur qui fait l’objet d’une mesure de protection juridique et, selon les cas, intervenant en matière de santé ou concernant sa prise en charge ou son accompagnement social ou médico-social » ([159]).

b.   Les dispositions relatives au don des éléments et produits du corps humain

Le code de la santé publique prévoit, quant à lui, plusieurs dispositions relatives aux majeurs protégés dans le cadre du don des éléments et produits du corps humain.

Le principe d’interdiction prévaut ainsi pour le don du sang, le prélèvement d’organe sur un majeur protégé vivant ainsi que le don de tissus ou de cellules, à l’exception des greffes en domino s’agissant du don d’organes ou du prélèvement de cellules hématopoïétiques qui fait l’objet d’une autorisation encadrée (cf. commentaire de l’article 6).

Le prélèvement d’organes effectué post mortem est possible pour les seuls majeurs sous tutelle, signifiant en creux que pour les majeurs faisant l’objet d’autres mesures de protection, c’est le régime de droit commun qui s’applique (consentement présumé).

En revanche, le code de la santé publique ne prévoit aucune disposition :

– en matière d’interruption volontaire de grossesse dont le rapport précité souligne qu’elle « pourrait être considérée comme un acte strictement personnel au sens de l’article 458 du code civil » ([160]), c’est-à-dire ne pouvant jamais donner lieu à assistance ou représentation à la personne protégée ;

– en matière d’assistance médicale à la procréation, hormis la conservation des gamètes à des fins autologues sur une indication pathologique.

II.   Les évolutions prévues par le projet de loi

L’article 7 modifie en plusieurs points le régime applicable aux personnes majeures protégées en matière de don des éléments et produits du corps humain. Les interdits actuels sont ressentis comme une discrimination, particulièrement pour les majeurs protégés faisant l’objet d’une « assistance pour leurs biens que ce soient les personnes sous sauvegarde de justice, sous curatelle, sous tutelle aux biens mais aussi celles dont le mandat de protection future et l’habilitation familiale ne sont pas étendus aux actes personnels » ([161]). Il est ainsi proposé de s’inscrire dans l’évolution générale du droit civil, qui privilégie l’autonomie du majeur protégé et la recherche de son consentement, en limitant les interdits ou l’encadrement des autorisations aux personnes faisant l’objet d’une mesure de protection juridique avec représentation à la personne. Relèveront donc du droit commun du don des éléments et produits du corps humain les majeurs protégés dont la protection juridique est limitée aux biens ou qui bénéficient d’une assistance.

L’article 7 modifie en conséquence plusieurs dispositions du code de la santé publique relatives au don d’organes (prélèvement sur une personne vivante, prélèvement post mortem, greffe en domino) et au don de tissus, cellules ou tout produit du corps humain. Par coordination, il adapte les sanctions prévues par le code de la santé publique et le code pénal en cas de non-respect des lois en vigueur.

1.   L’extension des possibilités de don à certains majeurs protégés

Les I à IV visent à tirer les conséquences de cette évolution dans différentes parties du code de la santé publique.

a.   Le prélèvement d’organe

● Le I tend à modifier l’article L. 1231-2 relatif notamment à l’interdiction du prélèvement d’organes sur les personnes vivantes majeures faisant l’objet d’une mesure de protection légale. Désormais, l’interdiction ne sera opposable qu’aux majeurs faisant l’objet d’une mesure de protection juridique avec représentation à la personne.

S’agissant du don d’organe effectué du vivant de la personne, l’étude d’impact souligne que « le don pourra être ouvert dans les conditions du droit commun aux personnes faisant l’objet d’une mesure de protection juridique sur leurs biens uniquement » ([162]). Le rapporteur ajoute que la nouvelle rédaction ouvre aussi d’ouvrir cette possibilité de don aux majeurs protégés concernés par une simple mesure d’assistance à la personne.

● Le II tend à modifier l’article L. 1232-2 relatif au prélèvement d’organes effectué post mortem. Le droit actuel n’autorise ce prélèvement sur les personnes majeures placées sous tutelle qu’à condition que le tuteur y consente par écrit. En d’autres termes, cette interdiction n’est actuellement pas opposable aux majeurs protégés qui font l’objet d’autres mesures de protection que la tutelle.

Cette disposition est considérée comme peu cohérente avec le droit civil dans la mesure où l’article 418 du code civil dispose que « le décès de la personne protégée met fin à la mission de la personne chargée de la protection ».

Elle privilégie le rôle du tuteur par rapport à celui de la personne de confiance, rendant ainsi inopérantes les dispositions de l’article L. 1111-6 du code de la santé publique. Rappelons que ce dernier prévoit qu’une personne faisant l’objet d’une mesure de tutelle peut désigner une personne de confiance, laquelle est « consultée au cas où elle-même serait hors d’état d’exprimer sa volonté et de recevoir l’information nécessaire à cette fin ».

Le 1° du II vise en conséquence à supprimer le consentement préalable du tuteur à tout prélèvement opéré sur un majeur placé sous tutelle. Le droit commun s’appliquera donc en cas de prélèvement post mortem, à savoir le consentement présumé sauf s’il a fait part de son refus.

La nouvelle rédaction tend aussi à actualiser les dispositions du code de la santé publique au regard de celles du code civil s’agissant de l’exercice de l’autorité parentale sur les personnes mineures. Le code de la santé publique évoque les « titulaires de l’autorité parentale » alors qu’il conviendrait d’évoquer les personnes investies de « l’exercice » de l’autorité parentale.

Le 2° du II procède à la même modification relative à l’exercice de l’autorité parentale au deuxième alinéa de l’article L. 1232-2.

● Le III tend à modifier le second alinéa de l’article L. 1235-2, lequel autorise la greffe en domino depuis qu’il a été introduit par la loi du 6 août 2004 ([163]).

Dans une étude, le Conseil d’État présente cette pratique médicale à travers l’exemple des opérations effectuées pour soigner la mucoviscidose. En l’espèce, cette technique consiste « à enlever le cœur sain et les poumons malades d’un patient et à lui greffer un bloc cœur-poumons. Le cœur sain peut ensuite être réutilisé pour un second receveur » ([164]).

Le premier alinéa de l’article L. 1235-2 dispose que les organes prélevés à l’occasion d’une intervention chirurgicale, pratiquée dans l’intérêt de la personne opérée, peuvent être utilisés à des fins thérapeutiques ou scientifiques, sauf opposition exprimée par elle après qu’elle a été informée de l’objet de cette utilisation.

Le second alinéa dispose actuellement que lorsque la personne est un mineur ou un majeur sous tutelle, l’utilisation ultérieure des organes est en outre subordonnée à l’absence d’opposition des titulaires de l’autorité parentale ou du tuteur, dûment informés de l’objet de cette utilisation. Le refus du mineur ou du majeur sous tutelle fait toutefois obstacle à cette utilisation.

À l’instar des évolutions précédentes, les termes de « majeur sous tutelle » sont remplacés par ceux de « majeurs faisant l’objet d’une mesure de protection juridique avec représentation à la personne ». En cohérence avec le code civil, cette modification élargit les possibilités d’opposition à une greffe en domino à toute personne bénéficiant d’une mesure de protection pourvu qu’elle implique une représentation à la personne. Sont ainsi potentiellement concernés la tutelle, la sauvegarde de justice, l’habilitation familiale ([165]) ou le mandat de protection future. Lorsque les mesures de protection juridique n’impliquent qu’une assistance ou qu’elles concernent les biens, c’est le régime de droit commun qui s’appliquera à savoir l’absence d’opposition du patient.

L’alinéa est également modifié, en cohérence avec les évolutions précédentes, pour viser les « personnes investies de l’exercice de l’autorité parentale » et non plus les « titulaires de l’autorité parentale » lorsque le prélèvement concerne un mineur.

b.   Le prélèvement des tissus ou de cellules ou de tout produit du corps humain

Le IV tend à modifier l’article L. 1241-2 qui interdit tout prélèvement de tissus ou de cellules ou de tout produit du corps humain sur les personnes vivantes mineures ou majeures faisant l’objet d’une mesure de protection légale.

L’interdiction ne sera plus opposable qu’aux majeurs faisant l’objet d’une mesure de protection juridique avec représentation à la personne.

On rappellera toutefois que cette interdiction ne concerne pas le prélèvement des cellules hématopoïétiques, dont le régime juridique se trouve modifié par l’article 6 du présent projet de loi.

2.   La répression de ces prélèvements

Les V et VI visent à modifier par coordination le second alinéa des articles L. 1272-2 du code de la santé publique et 511-3 du code pénal. Ils tendent à substituer aux termes de « mesure de protection légale » ceux de « mesure de protection juridique avec représentation à la personne ».

Ces alinéas répriment le prélèvement des organes, tissus ou cellules ainsi que la collecte d’un produit en vue de don sur une personne vivante mineure ou sur une personne vivante majeure faisant l’objet d’une mesure de protection légale, l’article L. 1272-2 du code de la santé publique n’étant que la reproduction de l’article 511-3 du code pénal.

Ces articles prévoient des sanctions lorsque les dispositions prises pour effectuer un prélèvement de cellules hématopoïétiques sur les majeurs protégés ne respectent pas les conditions fixées par le code de la santé publique.

 


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Chapitre II
Permettre la solidarité dans le cadre de la transmission
d’une information génétique

Article 8
Réalisation d’examens de génétique sur une personne décédée ou hors d’état d’exprimer sa volonté au profit de sa parentèle

Adopté par la commission avec modifications

    Résumé du dispositif initial

L’article 8 vise à actualiser le régime de réalisation des examens des caractéristiques génétiques ou d’identification par empreinte génétique lorsque la personne est hors d’état d’exprimer sa volonté et dans son intérêt. La recherche du consentement est étendue aux personnes chargées d’une mesure de protection avec représentation à la personne, en cohérence avec le droit civil et les évolutions opérées à l’article 7.

Il ouvre également la possibilité d’effectuer un examen des caractéristiques génétiques sur des patients décédés ou des personnes hors d’état d’exprimer leur consentement dans l’intérêt de la parentèle et à des fins médicales.

Le dispositif proposé repose sur le consentement présumé de la personne concernée, l’entourage du patient pouvant cependant faire valoir un droit d’opposition.

La mise en œuvre de l’examen s’inscrit dans un cadre médical ainsi que dans le respect des principes généraux des droits du patient. Ces derniers peuvent décider pour eux-mêmes d’être tenus dans l’ignorance du diagnostic mais ce refus ne fait pas obstacle à la réalisation de l’examen dès lors qu’un membre de la famille y consent.

Informés de l’existence d’un résultat, les membres de la famille peuvent en connaître le sens sur simple demande. Toutefois, la nature de l’anomalie et les risques associées ne peuvent être abordés que dans le cadre d’une consultation de génétique.

La mise en œuvre de cette nouvelle procédure implique par ailleurs une adaptation des principes généraux des droits des patients afin de permettre la transmission d’informations relatives à l’état de santé d’un patient décédé (article L. 1110-4 du code de la santé publique) et l’accès à son dossier médical (article L. 1111-7 du même code). Elle nécessite enfin de prévoir une base légale pour permettre de recourir aux examens des caractéristiques génétiques dans le cadre des autopsies médicales.

    Modifications apportées par la commission

La commission a procédé à plusieurs modifications de nature rédactionnelle.

I.   Le droit en vigueur

Les sociétés occidentales font face à un usage croissant des tests génétiques dits récréatifs destinés à parfaire les connaissances généalogiques. L’usage de ces tests récréatifs n’est pas prévu par notre droit national. Les données génétiques constituant, au sens du RGPD, des données sensibles, la mise en oeuvre de ces méthodes doit s’inscrire dans un cadre particulièrement protecteur.

À cet égard, seuls les tests effectués dans un cadre médical peuvent être effectués : c’est la raison pour laquelle le droit civil comme le droit de la santé consacrent une appellation en cohérence avec la logique médicale et thérapeutique qui préside à l’usage des tests génétiques : sont évoqués les termes d’« examens des caractéristiques génétiques ».

1.   Les tests génétiques poursuivent une finalité médicale ou de recherche

L’article 16-10 du code civil autorise le recours aux examens des caractéristiques génétiques à des fins médicales ou de recherche scientifique.

L’examen des caractéristiques génétiques d’une personne vise à analyser ses caractéristiques génétiques héritées ou acquises à un stade précoce du développement prénatal. L’article R. 1131-1 du code de la santé publique lui assigne trois objets : permettre le diagnostic d’une maladie à caractère génétique chez une personne ; rechercher les caractéristiques d’un ou plusieurs gènes susceptibles d’être à l’origine du développement d’une maladie chez une personne ou les membres de sa famille ; adapter la prise en charge médicale.

Aux termes de l’article R. 1131-2, les examens pratiqués recouvrent les analyses de cytogénétique moléculaire, relatives au nombre et à la forme des chromosomes, et les analyses de génétique moléculaire, relatives aux mutations et anomalies touchant les gènes.

Les examens des caractéristiques génétiques

Aux termes de l’article R. 1131-2 du code de la santé publique, les examens pratiqués recouvrent les analyses de cytogénétique moléculaire, relatives au nombre et à la forme des chromosomes, et les analyses de génétique moléculaire, relatives aux mutations et anomalies touchant les gènes.

 Les analyses de cytogénétique qui permettent de détecter les anomalies des chromosomes comprennent trois sortes d’examens : le caryotype (ensemble des chromosomes constituant un individu), l’analyse par FISH (fluorescent in situ hybridation) qui permet de rendre fluorescente une zone spécifique d’un chromosome pour l’étudier, l’analyse chromosomique par puce à ADN (ACPA).

 Les analyses de génétique moléculaire permettent d’effectuer le séquençage des gènes, c’est-à-dire la lecture du code génétique de l’individu pour repérer une mutation.

Alors que les premières peuvent être réalisées par microscope, les secondes nécessitent des moyens techniques plus élaborés.

 On notera enfin que des techniques permettent actuellement de combiner ces deux approches.

L’analyse chromosomique par puce à ADN (ACPA), qui relève du premier type, permet de repérer des anomalies non seulement chromosomiques « mais aussi de repérer des morceaux dADN (ou de gènes) en plus ou en moins » ([166]). Cette analyse permet de comparer l’ADN du patient à un ADN étalon afin de repérer « sil y a une augmentation ou une diminution anormale du matériel génétique qui pourrait expliquer la maladie recherchée » ([167]) .

Les nouvelles générations de séquenceurs « sont parfois utilisés non pas pour "lire" lADN, mais pour permettre de compter le nombre de chromosomes et donc de mettre en évidence, par exemple, la présence de monosomie (un chromosome en moins) ou de trisomie (un chromosome en plus) ».

Source : Agence de la biomédecine, site thématique sur la génétique médicale

Les articles L. 1131-1-1 et L. 1131-1-2 prévoient les conditions de la mise en œuvre des examens à des fins médicales ou scientifiques ([168]).

2.   La recherche du consentement s’insère dans un cadre médical

L’examen des caractéristiques génétiques est effectué à des fins médicales sur prescription et nécessite le recueil préalable du consentement du patient.

● Principe cardinal des lois de bioéthique, le consentement participe de la protection de l’intégrité de la personne et de l’inviolabilité du corps humain. L’article 16-3 du code civil dispose ainsi qu’il « ne peut être porté atteinte à lintégrité du corps humain quen cas de nécessité médicale pour la personne ou à titre exceptionnel dans lintérêt thérapeutique dautrui ». À cet effet, « le consentement de lintéressé doit être recueilli préalablement hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il nest pas à même de consentir ».

Sur l’examen des caractéristiques génétiques à proprement parler, l’article 16-10 en subordonne la réalisation à un consentement exprès de la personne sur laquelle est pratiqué l’examen après la délivrance d’une information qui porte sur tant sur sa nature que sa finalité. L’article L. 1131-1 prévoit qu’en cas d’impossibilité du recueil du consentement de cette personne ou de consultation de la personne de confiance ou d’un proche, l’examen peut néanmoins être entrepris à des fins médicales, dans l’intérêt de la personne.

Deux situations sont envisageables.

L’examen peut porter sur un patient qui présenterait un symptôme d’une maladie génétique ou chez une personne asymptomatique présentant toutefois des antécédents familiaux. Dans les deux cas, la prescription s’effectue dans le cadre d’une consultation médicale individuelle et suppose qu’une information soit délivrée au patient.

Des examens génétiques peuvent également être programmés dans le cadre d’un diagnostic prénatal dont l’objet est « de détecter in utero chez lembryon ou le fœtus une affection dune particulière gravité » ([169]). Une information est également délivrée à la femme enceinte en vue du consentement.

● L’information du patient en vue de l’expression de sonconsentement s’inscrit dans le cadre général des droits des malades et des usagers du système de santé.

L’article L. 1111-2 du code de la santé publique pose le principe du droit à l’information du patient sur son état de santé qui incombe à chaque professionnel de santé dans le cadre de ses compétences. Cette information est par ailleurs délivrée au cours d’un entretien individuel. De la même manière qu’il est informé de son état de santé, le patient peut également demander à être tenu dans « lignorance dun diagnostic ou dun pronostic [qui] doit être respectée, sauf lorsque des tiers sont exposés à un risque de transmission ».

Les dispositions propres aux examens des caractéristiques génétiques viennent compléter ce cadre général.

Les tests génétiques, opérés à des fins médicales personnelles, présentent une singularité, en ce que leur résultat ne renseigne pas seulement sur l’état de santé du patient concerné mais aussi sur celui de son entourage. En conséquence, l’article L. 1131-1-2 dispose que le patient est informé « des risques quun silence ferait courir aux membres de sa famille potentiellement concernés si une anomalie génétique grave dont les conséquences sont susceptibles de mesures de prévention, y compris de conseil génétique, ou de soins était diagnostiquée ».

La personne qui se soumet aux tests est également informée « des caractéristiques de la maladie recherchée, des moyens de la détecter, du degré de fiabilité des analyses ainsi que des possibilités de prévention et de traitement » ([170]).

Dans le cadre du diagnostic prénatal, l’article L. 2131-1 dispose qu’une « information loyale, claire et adaptée » est délivrée à la femme enceinte. Cette information porte sur les objectifs des examens, les résultats, leurs modalités, leurs éventuelles contraintes, risques, limites et leur caractère non obligatoire. Le médecin délivre également une information portant sur les caractéristiques de l’affection recherchée, les moyens de la détecter, les possibilités de médecine fœtale et, le cas échéant, de traitement ou de prise en charge à partir de la naissance. Il informe également de l’existence d’associations d’accompagnement des patients atteints de l’affection suspectée et de leur famille ([171]) .

3.   La communication des résultats s’inscrit dans un cadre médical

Parce qu’ils sont susceptibles de concerner son entourage, les résultats doivent pouvoir être communiqués au patient tout en tenant compte de l’équilibre entre, d’une part, le respect du secret médical, le droit au respect de la vie privée et le cas échéant, celui du droit à être dans l’ignorance d’un diagnostic et, d’autre part, le risque couru par l’entourage à être tenu à l’écart d’une information capitale sur son état de santé.

a.   Les principes généraux du secret de l’information concernant le patient et les atténuations prévues par le législateur

● Le droit de la santé préserve le secret d’information (article L. 1110-4 du code de la santé publique) et son corollaire l’accès à l’information (article L. 1111-7 du même code). S’il existe des atténuations, celles-ci demeurent strictement encadrées, les informations relatives à l’état du patient ne pouvant être délivrées que dans un cadre strictement médical.

Le secret de l’information constitue un principe majeur du droit de la santé qui concerne au premier chef les professionnels de santé, mais également tous les personnels en interaction avec le patient lorsque sa prise en charge implique un établissement, un service ou un organisme. En tout état de cause, le V de l’article L. 1110-4 prévoit, en son premier alinéa, des sanctions en cas de violation (un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende).

● Plusieurs atténuations sont apportées par l’article L. 1110-4 au secret de l’information couverte par le secret médical.

Elles s’inscrivent dans le cadre de l’échange d’information d’une part, du partage d’information d’autre part. L’idée qui préside à ces aménagements est de permettre la continuité de la prise en charge d’un même individu dans un contexte où l’offre médicale est davantage spécialisée et fragmentée. En tout état de cause, l’échange ou le partage d’une information ne concerne pas l’entourage familial du patient mais seulement les professionnels impliqués dans sa prise en charge.

L’article L. 1110-4 autorise l’échange d’information entre professionnels concourant à la prise en charge du patient en vue notamment d’assurer la continuité des soins. Initialement restreint au cercle des professionnels de santé, l’échange d’information concerne désormais tous les professionnels dans la mesure où ils participent à la prise en charge du patient et pour autant que ces informations soient strictement nécessaires. Le patient peut exercer un droit d’opposition à l’échange d’information.

Le même article prévoit également le partage entre professionnels d’une information relative à un patient à la condition qu’elle soit strictement nécessaire à la coordination ou à la continuité des soins ou à son suivi médico-social et social. Ces informations sont réputées confiées par la personne à l’ensemble de l’équipe impliquée dans sa prise en charge. Le consentement préalable est requis sauf lorsque ces professionnels appartiennent à une équipe de soins. Comme pour l’échange d’information, le patient peut exercer un droit d’opposition au partage d’information.

Deux autres atténuations, restreintes au secret médical, concernent, cette fois-ci, les membres de l’entourage du patient.

Dans l’intérêt du patient, la famille, les proches de la personne malade ou la personne de confiance peuvent recevoir les informations nécessaires en vue de lui apporter un soutien en cas de diagnostic ou de pronostic grave. Cette information ne peut être délivrée que par un médecin, le patient étant libre de s’y opposer.

Dans l’intérêt de l’entourage, des informations peuvent être délivrées lorsque le patient est décédé pour autant qu’elles permettent de « connaître les causes de la mort, de défendre la mémoire du défunt ou de faire valoir leurs droits ». Par "entourage", il faut comprendre les ayants droits, le concubin ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité.

● L’accès à l’information est régi par l’article L. 1111-7 du code de la santé publique qui vise l’accès au dossier médical. Bien évidemment, chaque patient a accès à l’ensemble des informations qui le concerne soit directement soit par le biais d’un médecin. L’accès d’un tiers aux informations d’un patient donné est prohibé sauf exception. Ainsi l’accès au dossier médical d’un patient décédé est autorisé afin de permettre aux membres de son entourage de « connaître les causes de la mort, de défendre la mémoire du défunt ou de faire valoir leurs droits ».

b.   L’application de ces principes aux tests génétiques

● La communication du résultat des tests génétiques s’inscrit dans ce cadre général notamment au regard du secret et de l’accès aux informations du patient commandent aussi ce domaine particulier.

S’agissant de l’information du patient lui-même, une obligation incombe au médecin sauf si l’intéressé a demandé à être tenu dans l’ignorance d’un diagnostic. Consignée dans un document écrit l’information médicale est délivrée de « manière loyale, claire et appropriée », le patient étant par ailleurs informé de « lexistence dune ou plusieurs associations de malades susceptibles dapporter des renseignements complémentaires sur lanomalie génétique diagnostiquée ».

S’agissant de l’information de la famille, celle-ci ne peut concerner que l’hypothèse d’une anomalie génétique grave, qui, au terme d’un arrêté daté du 8 décembre 2014, implique un risque de décès prématuré ou de handicap sévère ([172]). Deux situations sont envisageables : l’information des membres de la famille par le patient lui-même ou l’information par le médecin, lorsque le patient préfère rester dans l’ignorance d’un diagnostic ou qu’il ne souhaite pas informer directement sa parentèle.

En tout état de cause, si une obligation d’information du patient incombe au médecin, le droit actuel impose aussi au patient d’informer sa parentèle compte tenu des risques qu’elle encourt « dès lors que des mesures de prévention ou de soins peuvent leur être proposées » en cas d’anomalie génétique grave. Cette obligation n’est cependant assortie d’aucune sanction, comme le souligne M. Jean‑René Binet dans un ouvrage juridique  ([173]) même si l’on ne peut exclure une mise en cause du patient dans le cadre d’une action en responsabilité civile. M. Binet mentionne ainsi une note de bas de page de l’arrêté du 8 décembre 2014 précité évoquant la possibilité d’un engagement de la responsabilité civile en cas de non-respect de cette obligation. La même note dispose aussi qu’« de défaut d'information, la personne pourrait être tenue responsable pour faute des éventuels dommages »..

Un dernier cas de figure est constitué par le diagnostic d’une anomalie génétique sur un patient qui a fait un don de gamètes ayant abouti à la conception d’un ou plusieurs enfants dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation. Le dernier alinéa de l’article L. 1131-1-2 dispose qu’il « peut autoriser le médecin prescripteur à saisir le responsable du centre dassistance médicale à la procréation afin quil procède à linformation des enfants issus du don ». Cette disposition, qui exempte l’intéressé de l’obligation d’information, permet ainsi d’informer les enfants issus d’un don dans le strict respect du principe d’anonymat qui préside au don de gamètes tant pour le donneur que pour le receveur.

4.   L’information de la parentèle se heurte à des limites

a.   Le cas de personnes hors d’état d’exprimer leur consentement

Une première limite réside dans l’absence de dispositions explicites relatives à une personne hors d’état d’informer sa parentèle et pour laquelle l’examen médical peut être réalisé dans son intérêt.

Le deuxième alinéa de l’article L. 1131-1 prévoit qu’un examen peut être réalisé à des fins médicales et dans l’intérêt de la personne en cas d’impossibilité de recueillir son consentement ou celui de la personne de confiance, de la famille ou, à défaut, d’un de ses proches.

Cette disposition ne prévoit pas les situations dans lesquelles la personne est représentée par un tiers désigné dans les conditions prévues par l’article 425 du code civil. Elle présente par ailleurs des difficultés d’articulation avec le droit civil qui privilégie l’autonomie des personnes protégées. On se reportera à cet égard au commentaire de l’article 7 s’agissant des majeurs protégés.

Le code de la santé publique n’apporte pas non plus de garanties sur l’information de la parentèle. Le droit actuel prévoit explicitement que le patient habilite par écrit le médecin à informer sa famille lorsqu’il ne souhaite pas accomplir cette démarche lui-même. Ce cas de figure ne peut trouver à s’appliquer pour une personne hors d’état d’exprimer sa volonté.

b.   L’absence d’un consentement signifié du vivant empêche la réalisation de tests post mortem dans l’intérêt de la parentèle

Le droit actuel n’offre aucun point d’accroche autorisant la mise en œuvre d’examens génétiques sur les patients décédés.

Si l’article L. 1110-4 permet la délivrance d’information sur les causes de la mort, les autopsies « médicales », réalisées dans un cadre extra-judiciaire, ne peuvent être réalisées malgré l’opposition de la personne décédée qu’en « cas de nécessité impérieuse pour la santé publique » ([174]) et qu’« en labsence dautres procédés permettant dobtenir une certitude diagnostique sur les causes de la mort » ([175]). Souligné tant par l’étude d’impact que par une proposition de loi sénatoriale ([176]), la notion de nécessité impérieuse pour la santé publique ne permet pas d’envisager l’hypothèse d’un examen susceptible d’informer la patientèle sur une anomalie génétique grave.

S’y oppose également l’article 16-10 du code civil qui impose le consentement écrit du patient à la réalisation d’un examen des caractéristiques génétiques.

Or, la réalisation de tels examens post mortem est susceptible d’augmenter les chances de la parentèle. L’étude d’impact mentionne ainsi les pathologies cardiaques d’origine génétique à l’origine d’un décès pour lesquelles aucune démarche diagnostique ne peut être engagée en l’absence du consentement préalable de la personne décédée. Elle mentionne également le cas de la recherche d’une « mutation familiale responsable de cancers héréditaires » en vue d’une éventuelle prise en charge mais qui ne peut être effectuée faute de base légale ([177]).

Enfin, on notera plus particulièrement l’articulation de cet enjeu avec la recherche scientifique. La possibilité de réaliser des examens post mortem peut également accroître le nombre et la portée des études relatives à la morbidité et partant mieux cibler les politiques de santé publique dans une démarche de prévention, de dépistage ou de prise en charge. L’évolution parallèlement opérée par l’article 18 du projet de loi participe, pour partie, de cette intention.

II.   Les Évolutions prévues par le projet de loi

L’article 8 modifie plusieurs dispositions du code de la santé publique afin de permettre la réalisation d’examens des caractéristiques génétiques sur des patients décédés ou des personnes hors d’état d’exprimer leur consentement dans l’intérêt de la parentèle.

1.   La transmission d’informations relatives à l’état de santé d’un patient décédé, nouvelle dérogation au secret médical

a.   Le principe de la transmission d’informations médicales relatives à un patient décédé

Le I complète le V de l’article L. 1110-4 par un nouvel alinéa afin de prévoir la possibilité d’une transmission d’informations relatives à l’état de santé d’un patient décédé.

Le V de l’article punit d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende toute violation des dispositions de l’article L. 1110-4. La même section prévoit également les deux cas de dérogation au secret médical présentés ci-avant (information de la parentèle d’un patient vivant en vue de lui apporter un soutien en cas de diagnostic ou de pronostic grave, informations de la parentèle d’un patient décédé notamment sur les causes de la mort).

Une nouvelle dérogation au secret médical est ajoutée. Les informations relatives à une personne décédée peuvent ainsi être délivrées à un médecin impliqué dans la prise en charge d’une personne susceptible de faire l’objet d’un examen des caractéristiques génétiques (cf. 3° du présent III). Le principe de l’accès à cette information réside dans un consentement présumé. Y fait donc obstacle la « volonté contraire exprimée par la personne avant son décès ».

La recherche de l’opposition se fera dans les conditions prévues l’article L. 1130-3 nouveau institué par le présent article à savoir la consultation de la personne de confiance, de la famille, d’un proche et de la personne chargée d’une mesure de protection pour les majeurs protégés.

L’objet de cette dérogation résulte de l’application du I de l’article L. 1130-4 nouveau instauré par le présent article, à savoir la réalisation d’un examen à des fins médicales, pour le compte de la parentèle lorsqu’est suspectée une anomalie génétique grave.

On notera enfin que l’accès aux informations ne se fait pas qu’à travers la médiation du médecin. La rédaction proposée permettrait d’autoriser l’accès au dossier médical du patient décédé (une mesure « miroir » est proposée en ce sens à l’article L. 1111-7) ainsi qu’aux résultats des examens réalisés sur les échantillons biologiques conservés ou prélevés dans le cadre d’une autopsie à des fins médicales par renvoi au I de l’article L. 1130-4 nouveau.

b.   L’accès au dossier médical

Le 1° du II modifie, par coordination, l’avant-dernier alinéa de l’article L. 1111-7 afin de prévoir que puisse accéder au dossier médical du patient décédé le médecin prenant en charge un patient susceptible de faire l’objet d’un examen des caractéristiques génétiques.

2.   La consultation des informations relatives à un patient sera exclusivement effectuée sur place

Le 2° du II vise à supprimer la deuxième phrase du dernier alinéa de l’article L. 1111-7. Celui-ci pose le principe de la gratuité de la consultation des informations sur place dans une première phrase. La seconde phrase autorise la délivrance de copies dont les frais restent à la charge du demandeur, la facturation ne pouvant excéder le coût de la reproduction et de l'envoi des documents. Au terme de la modification proposée, la consultation des informations ne pourra se faire que sur place.

3.   L’organisation de la transmission d’une information génétique

Le III insère au début du titre III du livre Ier de la première partie du code de la santé publique un chapitre préliminaire consacré aux principes généraux relatifs à l’examen des caractéristiques génétiques, l’identification par empreintes génétiques et la profession de conseiller en génétique.

● Ce chapitre préliminaire, dénommé « Principes généraux » comprendra plusieurs articles numérotés L. 1130-1 à L. 1130-6 institués :

– par le présent article s’agissant des articles L. 1130-3, L. 1130-4 (examens effectué sur un patient décédé) et L. 1130-6 (mesures d’application des dispositions du chapitre) ;

– par l’article 18 du projet de loi, s’agissant de l’article L. 1130-5 (recherche scientifique) ;

– par l’article 25 du projet de loi, s’agissant des articles L. 1130-1 (principe du consentement relatifs à l’examen des caractéristiques génétiques et à l’identification par empreinte génétique) et L. 1130-2 (objet de l’examen des caractéristiques génétiques et de l’identification par empreinte génétique).

Le chapitre Ier actuellement dénommé « Principes généraux » sera désormais consacré à l’information de la parentèle  dans le cadre des examens de caractéristiques génétiques (cf. commentaire de l’article 9).

● Aux termes du III, l’article L. 1130-3 nouveau reprend, tout en l’adaptant, la rédaction actuelle de l’article L. 1131-1. Selon l’étude d’impact, la rédaction actuelle autorise un examen des caractéristiques génétiques ou une identification par empreintes génétiques chez une personne qui ne peut exprimer son consentement, sous certaines conditions et notamment dès lors que cet examen est réalisé dans son intérêt.

Le premier alinéa maintient la réalisation des examens et identifications à finalité médicale ainsi que dans l’intérêt de la personne concernée. Ce régime, dérogatoire à l’article 16-10 du code civil pour les examens génétiques et à l’article 16-11 du même code pour les identifications génétiques, est donc précisé et concerne la personne hors d’état d’exprimer sa volonté.

Selon les informations transmises au rapporteur, la notion de « personnes hors d’état d’exprimer sa volonté » désigne « avant tout des personnes qui sont, physiquement, dans l’incapacité de s’exprimer, comme les personnes dans le coma par exemple ». Cette notion ne s’applique pas :

– au mineur qui ne consent pas par lui-même ;

– au majeur bénéficiant d’une mesure de protection juridique avec représentation à la personne qui, en application de l’article 459 du code civil est présumé capable de consentir en matière de décisions personnelles.

Identification d’une personne par ses empreintes génétiques

Le législateur réserve l’identification d’une personne par ses empreintes génétiques à trois finalités :

– dans le cadre de mesures d’enquête ou d’instruction diligentées lors d’une procédure judiciaire ;

– à des fins médicales ou de recherche scientifique ;

– aux fins d’établir, lorsqu’elle est inconnue, l’identité de personnes décédées.

Le deuxième alinéa dispose qu’avant toute réalisation de l’examen ou de l’identification, le médecin doit rechercher si l’entourage de la personne hors d’état d’exprimer sa volonté a été préalablement informé de ses intentions. Sont consultés à cet effet la personne de confiance, la famille, un proche ou la personne chargée de la protection légale.

Selon l’étude d’impact, le droit actuel « prévoit de consulter la personne de confiance mentionnée à l'article L. 1111-6 du code de la santé publique, la famille ou, à défaut, un de ses proches, mais sans caractériser l’objectif de la démarche – étant précisé que ces personnes ne peuvent en aucun cas consentir en lieu et place de l’intéressé ». Or, la consultation de ces personnes ne peut s’envisager que pour vérifier l’absence d’opposition antérieure de l’intéressé à un tel examen. De la nouvelle rédaction, il ressort donc une clarification de l’objectif voulu par le législateur.

Il ressort également de cette nouvelle rédaction une certaine clarification qu’avait appelée de ses vœux le Comité consultatif national d’éthique, rappelle l’étude d’impact. La règle de principe du code civil – l’obligation pour le médecin de recueillir le consentement préalable – n’est plus explicitement rappelée depuis la loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique mais seulement indirectement visée par renvoi au code civil.

Enfin, en vue d’une harmonisation avec le droit civil, la recherche du consentement est étendue à la personne chargée d’une mesure juridique de protection de la personne. On notera que la rédaction ne vise donc pas les seuls majeurs concernés par une mesure de protection avec représentation à la personne.

Selon les informations transmises au rapporteur, « le souci de protection des majeurs protégés a incité le Gouvernement à retenir ici une rédaction plus large, qui permet d’interroger la personne chargée d’une mission de représentation mais également d’assistance du majeur protégé, lorsque le majeur est devenu hors d’état d’exprimer sa volonté. Il s’agit ici de recueillir un témoignage, qui doit être recherché auprès de toutes personnes qui a pu recueillir la volonté du majeur (y compris la personne de confiance) ».

● Le III insère un article L. 1130-4 nouveau relatif à la mise en œuvre de l’information de la parentèle lorsqu’un examen des caractéristiques génétiques est diligenté sur une personne hors d’état d’exprimer sa volonté ou sur une personne décédée.

L’ensemble de la procédure est diligentée par un médecin dont l’étude d’impact précise qu’il « peut être celui qui prend en charge la personne hors d’exprimer [sa volonté] ou celui qui intervient dans le cadre de l’autopsie d’une personne décédée ou encore celui qui est sollicité par des membres de la famille potentiellement concernés (onco-généticien par exemple qui aura besoin d’accéder à des échantillons biologiques conservés de la personne décédée) » ([178]).

Le I de l’article L. 1130-4 énonce les conditions de la réalisation des examens : finalité médicale, suspicion d’une anomalie génétique pouvant conduire à une affection grave, examen dans l’intérêt de la parentèle. Comme pour l’article L. 1130-3, le consentement est présumé.

Par coordination avec l’ajout opéré à l’article L. 1110-4, le I dispose également que lorsque la personne est décédée, l’examen est réalisé à partir d’échantillons de cette personne déjà conservés ou prélevés dans le cadre d’une autopsie à des fins médicales (cf. a du 1° du présent III).

Le II vise à s’assurer qu’aucune opposition à la réalisation de cet examen n’a été formulée par l’intéressé. Il revient ainsi au médecin de s’en assurer dans les conditions prévues par l’article L. 1130-3 nouveau, c’est-à-dire auprès de la personne de confiance, de la famille, d’un procheou de la personne chargée d’une mesure juridique de protection de la personne.

Le II vise également à informer les membres de la parentèle susceptibles d’être concernés par l’anomalie génétique. Seuls sont concernés les membres de la famille dont le médecin possède les coordonnées. L’étude d’impact précise à cet effet que « les membres de la famille dont le médecin possède les coordonnées sont ceux qui sont mentionnés au dossier de soins (dossier médical prévu à l’article L. 1111-4 du code de la santé publique ou au dossier de soins infirmiers prévu à l’article R. 4311-3 du même code), ce qui correspond en général aux "personnes à joindre en cas de problème "» ([179]).

Le II oblige le médecin à préciser que l’examen peut être refusé mais qu’il peut être déclenché si un seul des membres de la famille l’accepte. Cette disposition s’inscrit dans le cadre général des droits du patient qui peut légitimement vouloir rester dans l’ignorance d’un diagnostic. Pour autant, comme indiqué dans l’étude d’impact, « le refus d’une personne à la réalisation de l’examen vaut pour elle-même mais ne fait pas obstacle à la mise en œuvre de l’examen » ([180]).

Le III fixe les conditions de transmission du résultat de l’examen diligenté.

En premier lieu, l’information sur la présence ou l’absence d’une anomalie génétique est accessible à tout membre de la famille qui en fait la demande dans le respect du droit de ne pas savoir. Rien ne fait obstacle à ce que les personnes ayant refusé que l’examen soit pratiqué accèdent également au résultat.

On notera que seul le sens du résultat est accessible. Les personnes concernées ne sont donc informées ni de l’anomalie génétique en cause ni des risques associés. Comme indiqué dans le rapport de la mission d’information sur la révision de la loi relative à la bioéthique, il s’agit d’éviter aux patients de se passer d’un avis médical et de fonder leur libre–arbitre sur des informations mal comprises, ce risque ayant été soulevé à de nombreuses reprises. C’est pourquoi, le deuxième alinéa du III mentionne qu’en cas d’anomalie identifiée, les personnes ayant demandé à recevoir l’information sont invitées à se rendre à une consultation chez un médecin qualifié en génétique.

Enfin, le III rappelle qu’un examen des caractéristiques génétiques peut être ensuite diligenté au bénéfice de chacun des membres de la famille qui le souhaiteraient dans les conditions prévues par l’article L. 1131-1 dans sa rédaction issue de l’article 9 du projet de loi qui reprend, tout en les adaptant, les dispositions actuellement prévues par l’article L. 1131-1-2. (cf. commentaire de l’article 9) ([181]).

● Le III insère un nouvel article L. 1130-6 situé en fin de chapitre préliminaire relatif aux modalités d’application du chapitre préliminaire.

Il prévoit tout d’abord, la publication d’un décret en Conseil d’État.

Selon les informations portées à la connaissance du rapporteur, ce décret « précisera notamment les catégories d’information délivrées à la personne avant le recueil de son consentement, les modalités d’information et de recueil du consentement pour les mineurs et les majeurs protégés ainsi que les conditions de recueil du consentement […] Il prévoira de fixer par arrêté ministériel un modèle de consentement adapté aux différentes situations et actera le principe de la remise d’une notice d’information ».

Il prévoit ensuite la publication d’un arrêté précisant les situations médicales justifiant, chez une personne hors d’état d’exprimer sa volonté ou décédée, la réalisation d’un examen des caractéristiques génétiques à des fins médicales dans l’intérêt des membres de sa famille potentiellement concernés. Cet arrêté sera pris sur proposition de l’Agence de la biomédecine.

Le IV modifie, par coordination, le dernier alinéa de l’article L. 1211-2 relatif à la réalisation d’autopsie afin de donner une base juridique à la réalisation d’examens des caractéristiques génétiques.

 


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Article 9
Transmission d’une information génétique au profit de la parentèle ou dans les situations de rupture du lien de filiation biologique dans le strict respect de l’anonymat des personnes concernées

Adopté par la commission avec modifications

    Résumé du dispositif initial

L’article 9 vise à rassembler, au sein d’une nouvelle section du code de la santé publique, l’ensemble des articles ayant trait à l’information de la parentèle par les patients faisant l’objet des examens des caractéristiques génétiques.

L’obligation d’information de la parentèle par le patient est maintenue. Le dispositif est toutefois complété afin d’assurer l’effectivité de la transmission d’information lorsque le patient est un majeur protégé ou hors d’état d’exprimer sa volonté d’une part, ou lorsque le patient qui avait consenti à un test génétique décède avant l’annonce de son résultat ou avant d’avoir pu informer sa parentèle.

Cet article instaure des procédures spécifiques permettant la transmission d’information portant sur une anomalie génétique grave dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur ou d’un accouchement sous X. Cette procédure demeure une faculté pour le patient et fait intervenir, au côté du médecin, soit le centre d’AMP, soit le CNAOP dont les missions sont étendues à cet effet, afin de préserver tant le principe de l’anonymat que celui du secret médical.

    Modifications apportées par la commission

Outre quelques amendements de nature rédactionnelle, la commission a procédé une modification substantielle en adoptant l’amendement n° 1252. Elle a étendu aux enfants issus du don et aux tiers donneurs l’obligation de transmission d’informations génétiques les concernant. Le médecin prescripteur est investi de l’obligation de saisir le centre d’assistance médicale à la procréation aux fins d’information soit du tiers donneur, soit des enfants issus du don.

I.   Le droit en vigueur

La présentation des dispositions relatives à la réalisation des tests génétiques et aux modalités d’information de la parentèle fait l’objet du commentaire de l’article 8.

II.   Les évolutions prévues par le projet de loi

L’article 9 vise à actualiser les dispositions relatives à l’obligation de l’information de la parentèle du patient faisant l’objet d’un examen des caractéristiques génétiques. Il prévoit notamment deux nouvelles procédures de transmission lorsque le patient est un majeur protégé ou hors d’état d’exprimer sa volonté ou lorsqu’il décède après avoir consenti à un examen.

L’obligation d’information à l’égard de la parentèle n’est pas étendue aux deux autres procédures particulières instaurées par cet article s’agissant de l’assistance médicale à la procréation et de l’accouchement sous X.

A.   uNE OBLIGATION D’INFORMATION DE LA PARENTÈLE PLUS EFFECTIVE

Le I vise à instituer, en lieu et place de l’actuel chapitre Ier du titre III du Livre Ier dénommé « Principes généraux », une section intitulée « Information de la parentèle et modalités de mise en œuvre des examens des caractéristiques génétiques ».

Les principes généraux relatifs aux examens et identification par empreinte génétique font désormais l’objet d’un chapitre préliminaire comprenant les articles L. 1130-1 à L. 1130-6 nouveaux aux termes des articles 8, 18 et 25 du projet de loi.

Le nouveau chapitre premier comprendra des articles L. 1131-1 à L. 1131-7, la rédaction de certains d’entre eux étant revue par le présent article (articles L. 1131-1, L. 1131-1-1, L. 1131-1-2), l’article 25 (article L. 1131-1-3), l’article 26 (article L. 1131-6), et l’article 28 (article L. 1131-2-2).

Le 1° du I vise ainsi à renommer l’intitulé du chapitre Ier.

1.   Le dispositif général d’information de la parentèle est étendu aux personnes hors d’état d’exprimer leur volonté ou décédées

Le 2° du I procède à la rédaction globale de l’article L. 1131-1 dont les dispositions actuelles sont reprises, tout en les modifiant, par le nouvel article L. 1130-3 créé par l’article 8 (cf. commentaire de l’article 8). La nouvelle rédaction de l’article L. 1131-1 reprend, quant à elle, les dispositions de l’article L. 1131-1-2 qui concerne la réalisation des examens de caractéristiques génétiques à des fins médicales et à l’information du patient et de sa parentèle.

Si le dispositif est globalement maintenu, quelques évolutions sont cependant opérées.

Pour clarifier l’économie de l’article, plusieurs subdivisions numérotées de I à V sont prévues :

– le I, qui constitue le cœur du dispositif, comporte les trois premiers alinéas de l’actuel article L. 1131-1-2 relatifs à la préparation des examens (réalisation du document écrit en vue de la transmission à la parentèle des informations, annonce du diagnostic et délivrance d’une information loyale, claire et appropriée, obligation d’information de la parentèle par le patient dès lors que des mesures de prévention et de soins peuvent lui être proposée). Sont cependant apportées quelques précisions ;

– le II reprend le quatrième alinéa de l’actuel article L. 1131-1-2 qui prévoit les modalités d’information de la parentèle lorsque le patient ne souhaite pas informer lui-même ses membres. La rédaction est quasi inchangée ;

– les III et IV insèrent deux nouveaux alinéas prévoyant les modalités d’information de la parentèle lorsque le patient est un majeur protégé ou hors d’état d’exprimer sa volonté d’une part, ou lorsque le patient qui avait consenti à un test génétique décède avant l’annonce de son résultat ou avant d’avoir pu informer sa parentèle d’autre part ;

– le V reprend, tout en tenant compte des ajouts opérés par les III et IV, la rédaction du cinquième alinéa régissant la transmission de l’information relative à l’anomalie génétique entre le médecin prescripteur de l’examen et celui qui est consulté par le membre de la parentèle ;

– le dernier alinéa de l’actuel article L. 1131-1-2, relatif à la détection d’une anomalie génétique chez une personne ayant fait un don de gamètes, est transféré dans un autre article par l’effet du 3° du I du présent article.

● Le I de l’article L. 1131-1 dans sa nouvelle rédaction comporte, en ses premier et troisième alinéas, une rédaction sensiblement différente des trois premiers alinéas de l’actuel L. 1131-1-2.

Il s’agit de modifier la formulation qui évoque l’« anomalie génétique grave dont les conséquences sont susceptibles de mesures de prévention, y compris de conseil génétique, ou de soins ». La gravité ne concernant pas tant l’anomalie que ses conséquences, il est proposé de s’aligner sur les termes employés dans la partie réglementaire, soient « anomalie génétique pouvant être responsable d'une affection grave justifiant de mesures de prévention, y compris de conseil génétique, ou de soins » ([182]).

● Le II tend à substituer aux termes de « consultation de génétique » ceux de « consultation chez un médecin qualifié en génétique ».

● Le III prévoit les modalités d’information de la parentèle lorsque le patient est un majeur protégé ou hors d’état d’exprimer sa volonté et que l’examen est réalisé dans les conditions prévues par l’article L. 1130-3.

S’agissant des majeurs protégés, le Gouvernement a indiqué au rapporteur que l’objectif de l’article étant d’informer la parentèle, « le choix a été fait de ne pas faire peser sur un majeur protégé par une mesure de représentation en matière personnelle le choix d’avertir ou pas sa parentèle. Il n’entre pas non plus dans la mission du représentant de faire le choix d’avertir, ou non, la famille du majeur. Dans ces hypothèses, qui se situent à la marge, le régime de la décision d’avertir la parentèle est aligné sur celui des majeurs hors d’état de manifester leur volonté et il incombe au médecin d’informer les personnes dont il a l’information ».

Rappelons que l’article 8 du projet de loi clarifie les conditions dans lesquelles un examen peut être pratiqué sur une personne hors d’état d’exprimer sa volonté et dans son propre intérêt. Dans ce cas de figure, le médecin se substitue au patient pour réaliser l’examen non sans avoir préalablement vérifié qu’il n’avait pas exprimé d’opposition auprès de la personne de confiance, de son entourage ou de la personne chargée de la représenter.

Le III dispose que l’initiative de l’information de la parentèle appartient au médecin qui a réalisé l’examen dans l’intérêt du patient et comble ainsi un vide juridique. Le droit actuel prévoit une habilitation du médecin par le biais d’un document écrit par le patient lorsque ce dernier ne souhaite pas informer directement sa parentèle. Un patient hors d’état d’exprimer sa volonté ne peut, par construction, faire part de sa volonté. Il est donc nécessaire d’adapter le cadre juridique afin que le médecin puisse agir à la place de ce patient et informer l’entourage familial.

Cette information ne concerne toutefois que les personnes dont le médecin possède les coordonnées. Comme pour l’article L. 1130-4, il s’agit des membres de la famille mentionnés dans le dossier médical prévu à l’article L. 1111-4 du code de la santé publique ou dans le dossier de soins infirmiers prévu à l’article R. 4311-3 du même code.

Il appartiendra ensuite aux membres de la famille d’effectuer une démarche en vue d’un examen, notamment dans les conditions prévues au I de l’article L. 1131-1. À cet effet, la rédaction du V est adaptée afin de prévoir la transmission de l’information sur l’anomalie génétique en cause par le médecin prescripteur de l’examen qui a porté sur le patient hors d’état d’exprimer sa volonté vers le médecin qualifié en génétique de la personne apparentée.

● Le IV prévoit les modalités d’information de la parentèle lorsque le patient qui a consenti à la réalisation d’un examen décède avant l’annonce du résultat ou avant d’avoir pu informer ses membres.

Comme pour le III, l’initiative de l’information de la parentèle appartient au médecin qui a réalisé l’examen dans l’intérêt du patient, le périmètre de l’information étant réservé aux seuls membres de la famille mentionnés dans les dossiers de soins.

Il appartiendra ensuite aux membres de la famille d’effectuer une démarche en vue d’un examen, notamment dans les conditions prévues au I de l’article L. 1131-1. À cet effet, la rédaction du V est adaptée afin de prévoir la transmission de l’information sur l’anomalie génétique en cause par le médecin prescripteur de l’examen qui a porté sur le patient décédé vers le médecin qualifié en génétique de la personne apparentée.

● Le V prévoit enfin la transmission de l’information portant sur l’anomalie génétique en cause par le médecin prescripteur de l’examen qui a porté sur un patient vers le médecin qualifié en génétique de la personne apparentée. La rédaction couvre désormais les trois cas de figure prévus par l’article : personne vivante habilitant son médecin à informer la parentèle, personne hors d’état d’exprimer sa volonté, décès de la personne avant d’avoir informé sa famille ou avant l’annonce des résultats. Cette disposition permettra ainsi aux membres de la famille de pouvoir engager, chacun pour ce qui le concerne, une démarche visant à identifier l’anomalie génétique par un test.

2.   L’information dans le cas de rupture du lien de filiation biologique ne revêt pas de caractère obligatoire

Les 3° et 4 du I visent à instaurer des procédures spécifiques permettant la transmission d’information portant sur une anomalie génétique grave dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur ou d’un accouchement sous X. Ces procédures, non obligatoires pour le patient, reposent plus particulièrement sur le médecin et visent tant à assurer le respect du droit à la vie privée que de l’anonymat.

a.   L’information dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur

Le 3° du I vise à rédiger intégralement l’article L. 1131-1-1 dont la rédaction actuelle prévoit la mise en œuvre d’examens des caractéristiques génétiques à des fins de recherche scientifique. Ces dispositions faisant l’objet d’un nouvel article L. 1130-5 situé dans le chapitre préliminaire relatif aux principes généraux (cf. commentaire de l’article 18), l’article L. 1131-1-1 prévoit en conséquence un dispositif particulier lorsque la découverte d’anomalie génétique implique l’information des parties prenantes à une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur.

Le nouvel article L. 1131-1-1 est constitué de deux subdivisions I et II prévoyant, d’une part l’information des personnes issues du don ou leurs représentants s’ils sont mineurs, d’autre part le donneur lorsqu’une anomalie génétique est diagnostiquée chez une personne conçue par l’entremise d’une assistance médicale à la procréation.

Pour chacune des deux subdivisions, le texte évoque la présence d’une « anomalie génétique pouvant être responsable d'une affection grave justifiant de mesures de prévention, y compris de conseil génétique, ou de soins ».

Dans les deux cas de figure, aucune obligation ne pèse sur les personnes pour lesquelles un diagnostic d’anomalie génétique est posé, à la différence du droit commun applicable aux patients à l’égard de la parentèle. De la même manière, le texte ne reprend pas non plus l’obligation d’information pesant sur le médecin prescripteur visant à informer les patients du risque que le silence peut faire courir lorsqu’est détectée cette anomalie. La rédaction retenue prévoit en effet que la personne « peut autoriser » la transmission de l’information. L’étude d’impact indique ainsi que « ce choix s’inscrit dans celui fait par le législateur en 2011 pour le don de gamètes » ([183]).

L’avis du Conseil d’État sur l’avant-projet de loi « admet que le motif d’intérêt général, tiré de la préservation des garanties que ces régimes particuliers apportent à ceux qui y recourent, puisse justifier le maintien de cette différence, qui existe déjà s’agissant de la possibilité offerte aux tiers donneurs chez lesquels serait diagnostiquée une anomalie génétique, dans le cadre de l’extension du dispositif aux enfants issus de dons de gamètes ou d’accueil d’embryon, aux enfants nés sous X et aux femmes ayant accouché sous X » et estime « que le principe d’égalité n’est pas méconnu par la disposition introduite par le projet de loi ».

Interrogé par le rapporteur, le Gouvernement a souhaité souligner que « les situations de don de gamètes, comme d’accouchement sous X, nécessitent une approche spécifique au regard de la rupture du lien de filiation biologique entre donneur/personne née de don et parent de naissance/personne née dans le secret ».

Dans les deux cas de figure, la transmission d’information déroge également au droit commun qui oblige le patient à informer lui-même sa parentèle. Ce dernier peut en effet voir cette responsabilité mise en jeu dans le cadre d’une action civile aboutissant, le cas échéant, au versement de dommages et intérêts en cas de défaut d’information ou de non-respect de l’obligation d’information (cf. commentaire de l’article 8). L’application du droit commun ne peut s’étendre à l’assistance médicale à la procréation avec tiers donneur pour au moins deux raisons. L’obligation d’information de la parentèle ne peut trouver de fondement juridique puisqu’il y a rupture du lien biologique et établissement d’un nouveau lien de filiation (cf. commentaire de l’article 3). Par ailleurs, le respect du principe d’anonymat du don, comme celui de la vie privée, exige une intermédiation protégeant les donneurs comme les receveurs ainsi que leurs familles respectives. Le texte fait donc peser l’obligation d’information sur le médecin prescripteur ainsi que sur le responsable du centre d’AMP. Selon les informations transmises par le Gouvernement, cette dernière formulation « vise bien un médecin du centre d’AMP, seul à même de recevoir l’information médicale et de la transmettre ». Ce dernier est ainsi tenu d’informer les personnes dans les conditions prévues au II de l’article L. 1131-1, c’est-à-dire de délivrer une information susceptible de les concerner sans dévoiler ni le nom de la personne ayant fait l’objet de l’examen, ni l’anomalie génétique, ni les risques encourus.

Enfin, les I et II de l’article L. 1131-1-1 prévoient :

–  que la transmission est effectuée au bénéfice des personnes issues du don ou des parents investis de l’autorité parentale ou encore du tuteur si la personne est mineure, dans le cas d’une anomalie diagnostiquée chez un tiers donneur ;

– que la transmission d’une information au bénéfice du tiers donneur peut être autorisée selon les situations par la personne issue du don ou les parents investis de l’autorité parentale ou encore le tuteur si la personne est mineure.

On notera que la rédaction proposée ne prévoit pas les cas pour lesquels :

– le tiers donneur serait une personne hors d’état d’exprimer sa volonté ou décédée avant le résultat de l’examen génétique (I de l’article L. 1131-1) ;

– la personne est hors d’état d’exprimer sa volonté ou décédée avant le résultat de l’examen génétique (II de l’article L. 1131-1).

Interrogé par le rapporteur, le Gouvernement a précisé qu’« en l’espèce des articles L. 1131-1-1 et L. 1131-1-2, qui sont dérogatoires du droit commun de l’information de la parentèle, l’obligation d’information n’existe pas (la personne « peut » souhaiter informer). Dès lors, il n’est pas prévu de dispositif subsidiaire […] ».

b.   L’information dans le cadre d’un accouchement sous X

Comme pour l’AMP avec tiers donneur, le 4° du I prévoit un dispositif d’information du parent de naissance vers l’enfant né dans le secret (et inversement). Le II en tire les conséquences dans le code de l’action sociale et des familles au regard de la mission du conseil national pour l’accès aux origines personnelles (CNAOP).

● Le 4° du I procède à la rédaction globale de l’article L. 1131-1-2, les dispositions actuelles, relatives aux modalités d’information de la parentèle en cas d’anomalie génétique grave, sont transférées dans l’article L. 1131-1 (cf. précédemment).

Au regard de la transmission d’information dans le cadre d’une AMP, la procédure présente des caractéristiques identiques :

– diagnostic d’une « anomalie génétique pouvant être responsable d'une affection grave justifiant de mesures de prévention, y compris de conseil génétique, ou de soins ».

– procédure non obligatoire nécessitant l’autorisation du parent de naissance ou inversement celle des parents investis de l’exercice de l’autorité parentale ou du tuteur si l’enfant est mineur ;

– procédure nécessitant la double intermédiation d’un médecin (respect du secret médical) et du CNAOP, lequel est le seul organisme autorisé à informer de l’accès aux origines.

Quelques différences peuvent néanmoins être soulignées :

– la rédaction autorise la saisine du CNAOP par le médecin prescripteur de l’examen des caractéristiques génétiques dans le respect du secret médical. Il est donc prévu que cette saisine ne mentionne « ni l’anomalie génétique en cause ni les risques qui lui sont associés » ;

– l’information est portée à la connaissance de la personne identifiée par le CNAOP qui l’invite à se rendre à une consultation médicale dans le respect de l’anonymat. Le texte prévoit ainsi que le nom de la personne ayant fait l’objet de l’examen n’est pas dévoilé à la personne identifiée par le CNAOP non plus qu’aucune autre information permettant de l’identifier.

Le CNAOP transmet enfin au médecin consulté par le patient les coordonnées du médecin prescripteur aux fins de transmission de l’information relative à l’anomalie génétique en cause. Afin de respecter l’anonymat des parents de naissance à l’égard de l’enfant né dans le secret (et inversement), aucune autre information ne peut être transmise entre les deux médecins.

● Le II vise à modifier par coordination le code de l’action sociale et des familles.

Le 1° du II insère un nouvel alinéa à l’article L. 147-1 étendant la mission du CNAOP à l’information des parents de naissance et de l’enfant né dans le secret de « l’existence d’une information médicale à caractère familial susceptible de les concerner ». L’article prévoit que la transmission est effectuée dans les conditions précédemment décrites qui relèvent de l’article L. 1131-1-2 et qui préservent tant l’anonymat que le secret médical.

Le du II complète l’article L. 147-2, qui mentionne les informations reçues par le CNAOP afin de lui permettre l’exercice de ses missions. Un 5° prévoit ainsi la réception de la saisine du médecin prescripteur qui, en tout état de cause, fait l’objet d’un écrit.

 


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Titre III

appuyer la diffusion des progrÈs scientifiques et technologiques dans le respect des principes Éthiques

Article 10
Consentement à l’examen des caractéristiques génétiques

Adopté par la commission avec modifications

    Résumé du dispositif initial

L’article 10 ajoute à la liste des informations qui doivent être fournies à une personne avant son consentement à l’examen de ses caractéristiques génétiques la possibilité de révélation de découvertes génétiques incidentes dès lors qu’elles présentent une utilité au plan médical pour la personne elle-même ou pour les membres de sa famille ainsi que le droit de refuser la révélation de ces informations.

    Modifications apportées par la commission

La commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur.

I.   Le cadre juridique des tests génétiques

Créé par la loi n° 94-653 du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain, l’article 16-10 du code civil fixe les principes du cadre juridique du recours aux examens des caractéristiques génétiques.

Il trouve ses prolongements dans les titres II et III du livre Ier de la première partie du code de la santé publique, qui encadrent les recherches impliquant la personne humaine et l’examen des caractéristiques génétiques.

A.   Un objet limitÉ À des fins mÉdicales ou de recherche scientifique

1.   Une finalité restreinte

En application de l’alinéa 1er de l’article 16-10 du code civil, l’examen des caractéristiques génétiques d’une personne ne peut être entrepris qu’à des fins médicales ou de recherche scientifique.

S’agissant des tests génétiques à visée médicale, l’article R. 1131-1 du code de la santé publique précise que « l’examen des caractéristiques génétiques d’une personne (…) à des fins médicales consiste à analyser ses caractéristiques génétiques héritées ou acquises à un stade précoce du développement prénatal ».

L’analyse a pour objet :

– soit de poser, de confirmer ou d’infirmer le diagnostic d’une maladie à caractère génétique chez cette personne ;

– soit de rechercher les caractéristiques d’un ou plusieurs gènes susceptibles d’être à l’origine du développement d’une maladie chez cette personne ou les membres de sa famille potentiellement concernés ;

– soit d’adapter la prise en charge médicale de cette personne selon ses caractéristiques génétiques.

Cette définition stricte de l’objet de l’examen des caractères génétiques à des fins médicales a notamment pour but d’éviter tout recours abusif, en particulier en matière de médecine prédictive.

Contrairement à l’examen des caractéristiques génétiques à des fins médicales, aucune définition n’est donnée, par le code de la santé publique, du test génétique à des fins de recherche scientifique ([184]).

Toutefois, lorsque l’examen des caractéristiques génétiques à des fins de recherche scientifique nécessite un acte de prélèvement ou une collecte non invasive d’échantillons ([185]) spécifiquement effectués pour la recherche, celle-ci est régie par les dispositions des articles L. 1121-1 et suivants du code de la santé publique relatifs à la recherche impliquant la personne humaine, qui distinguent trois types de recherches : les recherches interventionnelles qui comportent une intervention sur la personne non justifiée par sa prise en charge habituelle, les recherches interventionnelles qui ne comportent que des risques et des contraintes minimes et les recherches non interventionnelles qui ne comportent aucun risque ni contrainte et dans lesquelles tous les actes sont pratiqués et les produits utilisés de manière habituelle. L’examen se voit appliquer le régime du consentement aux recherches.

Lorsqu’il est réalisé à partir d’échantillons déjà prélevés et conservés à l’issue du soin ou de recherches impliquant la personne humaine achevées, il relève de l’article L. 1131-1-1 et de l’article L. 1243-3 du code de la santé publique régulant la préparation et la conservation d’éléments et produits du corps humain pour les besoins des programmes de recherche, sans que la nature des recherches sur ces échantillons soit précisée plus avant.

L’objectif poursuivi par le législateur depuis 1994 est de circonscrire le recours aux tests génétiques aux seuls champs médicaux et de recherche, afin d’éviter toute possibilité d’étude génétique à des fins industrielles, commerciales ou de convenance comme, par exemple, les tests génétiques dits « récréatifs » destinés à parfaire les connaissances généalogiques.

Le dévoiement de l’utilisation des tests génétiques est en particulier interdit. Toute discrimination en raison des caractéristiques génétiques est ainsi prohibée en vertu des articles 1613 du code civil et 2251 du code pénal. Cette interdiction trouve à s’appliquer, par exemple, dans le monde du travail où les caractéristiques génétiques sont inscrites sur la liste des facteurs de discrimination illicite dans le cadre des relations de travail (accès à l’emploi, rémunération, intéressement, formation, etc.) ([186]).

Les banques et assurances ne peuvent par ailleurs prendre en compte ces caractéristiques même si elles leur sont volontairement transmises par la personne concernée. Dans sa rédaction issue de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, l’article L. 1141-1 du code de la santé publique, repris par l’article L. 133-1 du code des assurances, prévoit ainsi que les entreprises et organismes qui proposent une garantie des risques d’invalidité ou de décès ne doivent pas tenir compte des résultats de l’examen des caractéristiques génétiques d’une personne demandant à bénéficier de cette garantie, même si ceux-ci leur sont transmis par la personne concernée ou avec son accord. Ils ne peuvent en outre poser aucune question relative aux tests génétiques et à leurs résultats, ni demander à une personne de se soumettre à des tests génétiques avant que ne soit conclu le contrat et pendant toute la durée de celui-ci.

2.   Des sanctions pénales

Le non-respect de finalités médicales ou de recherche scientifique fait l’objet de sanctions pénales.

Ainsi, le fait de procéder à l’examen des caractéristiques génétiques d’une personne à des fins autres que médicales ou de recherche scientifique est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ([187]), tout comme le fait de détourner de leurs finalités les informations recueillies sur une personne au moyen de l’examen de ses caractéristiques génétiques ([188]).

Dans la même logique, le fait pour un individu d’avoir recours aux tests génétiques en dehors du cadre médical, par exemple à ceux disponibles sur internet, est prohibé. L’article 226-28-1 du code pénal prévoit ainsi que le fait, pour une personne, de solliciter l’examen de ses caractéristiques génétiques ou de celles d’un tiers ou l’identification d’une personne par ses empreintes génétiques en dehors des conditions prévues par la loi est puni d’une amende de 3 750 euros. Par conséquent, les personnes qui ont recours, grâce à internet, à des tests génétiques dits « récréatifs » à visée généalogique encourent une telle amende.

B.   Un préalable : le consentement de la personne

1.   Un consentement exprès et écrit

Afin que la personne consente à un test génétique en toute connaissance de cause, il est exigé son consentement exprès et écrit quant à la finalité de l’examen.

L’article 16-10 du code civil pose ainsi, en son deuxième alinéa, que « le consentement exprès de la personne doit être recueilli par écrit préalablement à la réalisation de l’examen, après qu’elle a été dûment informée de sa nature et de sa finalité. Le consentement mentionne la finalité de l’examen ». Ce consentement est « révocable sans forme et à tout moment ».

Ces précisions ont été introduites dans le code civil par la loi relative à la bioéthique du 6 août 2004, afin d’adapter les dispositions en matière de consentement aux exigences de l’article 5 de la Convention européenne sur les droits de l’homme et la biomédecine du 4 avril 1997, dite convention d’Oviedo ([189]), aux termes duquel « Une intervention dans le domaine de la santé ne peut être effectuée qu’après que la personne concernée y a donné son consentement libre et éclairé. Cette personne reçoit préalablement une information adéquate quant au but et à la nature de l’intervention ainsi que quant à ses conséquences et ses risques. La personne concernée peut, à tout moment, librement retirer son consentement ». L’article 9 du Protocole additionnel à la Convention d’Oviedo précise que le consentement à un examen génétique doit être consigné par écrit, tandis que l’article 6 énonce que l’utilité clinique d’un test génétique doit être un critère essentiel dans la décision de proposer un tel test à une personne.

a.   L’examen des caractéristiques génétiques à finalité médicale

i.   Information préalable et consentement

L’article R. 1131-4 du code de la santé publique prévoit que la personne est informée, préalablement à l’expression écrite de son consentement, des caractéristiques de la maladie recherchée, des moyens de la détecter, du degré de fiabilité des analyses, des possibilités de prévention et de traitement ainsi que des modalités de transmission génétique de la maladie recherchée et de leurs possibles conséquences chez d’autres membres de sa famille. Ces informations sont portées à la connaissance de la personne de confiance, de la famille ou d’un proche lorsqu’il est impossible d’obtenir le consentement de la personne.

Lorsque la personne concernée est un mineur ou un majeur sous tutelle, le consentement est donné par les titulaires de l’autorité parentale ou le représentant légal. Le consentement du mineur ou du majeur sous tutelle est, en outre, systématiquement recherché s’il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision ([190]).

Le droit actuel n’envisage pas la réalisation de ces tests sans un accompagnement médical sous forme de mesures de prévention, de soins ou de conseils en génétique.

Ainsi, la prescription d’un examen des caractéristiques génétiques à un patient présentant un symptôme d’une maladie génétique ou à une personne asymptomatique mais présentant des antécédents familiaux ne peut avoir lieu que dans le cadre d’une consultation médicale individuelle.

L’intervention d’un conseiller en génétique est par ailleurs prévue. Aux termes de l’article L. 11321 du code de la santé publique, ce conseiller est chargé  sur prescription médicale et sous la responsabilité d’un médecin qualifié en génétique  de délivrer des informations aux personnes susceptibles de faire l’objet ou ayant fait l’objet d’un examen des caractéristiques génétiques, et d’assurer leur prise en charge médicosociale et psychologique.

ii.   Communication des résultats

Par exception au droit de tout patient à être informé par tout professionnel de santé ([191]), seul le médecin prescripteur est habilité à communiquer les résultats des tests génétiques ([192]). En outre, la personne qui se soumet à un test génétique a la possibilité de refuser, à tout moment, que les résultats de l’examen lui soient communiqués ([193]). Dans ce cas, le refus est consigné par écrit dans son dossier.

À cet égard, il convient de souligner qu’au sujet des informations découvertes de manière incidente, l’arrêté du 27 mai 2013 définissant les règles de bonnes pratiques applicables à l’examen des caractéristiques génétiques d’une personne à des fins médicales, après avoir introduit dans la liste des informations délivrées préalablement à cet examen la mention d’un « risque éventuel d’identification de caractéristiques génétiques sans relation directe avec la prescription », rappelle que « que le droit en vigueur, pour protéger le patient d’informations inutiles, angoissantes ou dont la révélation n’est pas désirée, n’est pas en faveur de la transmission d’informations autres que celle initialement recherchée et pour laquelle le patient a consenti à la réalisation de l’examen ».

Il charge le médecin de déterminer « au cas par cas et dans le cadre du colloque singulier avec son patient la conduite à tenir ». À cette fin, il lui conseille de prendre l’attache d’un médecin œuvrant au sein d’une équipe pluridisciplinaire rassemblant des compétences cliniques et génétiques, avant d’envisager plusieurs options : « Le médecin pourrait être amené à informer le patient des résultats ayant une conséquence clinique connue et en rapport avec l’indication de la prescription. Il pourrait également informer le patient des résultats ayant une conséquence clinique connue, sans rapport avec l’indication de la prescription, en cas d’identification d’une anomalie génétique dont les conséquences sont susceptibles de mesures de prévention, y compris de conseil génétique, ou de soins. En tout état de cause, la délivrance d’une telle information ne pourra se faire qu’avec le consentement exprès du patient ».

L’Agence de la biomédecine et la Haute autorité de santé ([194]) recommandent également d’interroger la personne au moment de son information et de son consentement, et de ne lui communiquer les résultats sans rapport avec l’indication de la prescription que si elle y a consenti. Comme le souligne le Conseil d’État dans son étude de 2018 consacrée à la révision de la loi de bioéthique, « ces précisions sont cohérentes au regard des dispositions de l’article 1610 du code civil, qui impose que la finalité de l’examen de ses caractéristiques génétiques soit connue ab initio du patient ».

Enfin, un système obligatoire d’information des membres de la famille est prévu à l’article L. 113112 du code de la santé publique lorsqu’une anomalie génétique grave et qui peut faire l’objet de mesures de prévention ou de soins est détectée. Cette information peut être apportée directement par le patient ou, s’il refuse, anonymement par la médiation du médecin. Cette procédure a été étendue aux enfants nés d’un don de gamètes ou d’un don d’embryons de la personne testée : cette dernière peut, dans cette hypothèse, autoriser le médecin prescripteur à saisir le responsable du centre d’assistance médicale à la procréation afin qu’il procède à l’information des enfants issus du don.

b.   L’examen des caractéristiques génétiques à finalité de recherche scientifique

L’examen des caractéristiques génétiques à finalité de recherche scientifique qui nécessite l’implication physique des personnes par un acte de prélèvement ou par une collecte non invasive d’échantillons est bien entendu soumis aux dispositions de l’article 16-10 du code civil mais aussi à celles du titre II du livre Ier de la première partie du code de la santé publique relatives aux recherches impliquant la personne humaine.

i.   Information préalable et consentement

 Ainsi, en application de l’article L. 1122-1 du code de la santé publique, une information est délivrée à la personne qui participe à une telle recherche, préalablement à sa réalisation, par l’investigateur ou par un médecin qui le représente. L’information porte notamment sur :

– l’objectif, la méthodologie et la durée de la recherche ;

– les bénéfices attendus et les contraintes et les risques prévisibles ;

– les éventuelles alternatives médicales ;

– les modalités de prise en charge médicale prévues en fin de recherche ;

– l’avis du comité de protection des personnes ([195]) et l’autorisation de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ;

– le cas échéant, l’interdiction de participer simultanément à une autre recherche et la nécessité d’un traitement des données à caractère personnel.

La personne dont la participation est sollicitée est informée de son droit d’avoir communication, au cours ou à l’issue de la recherche, des informations concernant sa santé, détenues par l’investigateur ou, le cas échéant, le médecin.

Cette personne ou les personnes, organes ou autorités chargés de l’assister, de la représenter ou d’autoriser la recherche sont informés de son droit de refuser de participer à la recherche ou de retirer son consentement ou son autorisation à tout moment, sans encourir aucune responsabilité ni aucun préjudice de ce fait.

À titre exceptionnel, lorsque dans l’intérêt d’une personne malade le diagnostic de sa maladie n’a pu lui être révélé, l’investigateur peut, dans le respect de sa confiance, réserver certaines informations liées à ce diagnostic. Dans ce cas, le protocole de la recherche doit mentionner cette éventualité.

Les informations communiquées sont résumées dans un document écrit remis à la personne dont le consentement est sollicité. À l’issue de la recherche, la personne qui s’y est prêtée a le droit d’être informée des résultats globaux de cette recherche, selon les modalités qui lui sont précisées dans le document d’information.

 L’article L. 1122-1-1 du code de la santé publique organise un dispositif de protection par consentement gradué selon le risque pour la personne associé à la recherche envisagée :

– lorsqu’il s’agit d’une recherche interventionnelle qui comporte une intervention sur la personne non justifiée par sa prise en charge habituelle, il exige que le consentement libre et éclairé soit recueilli par écrit, après que la personne a été informée ; lorsqu’il est impossible à celle-ci d’exprimer son consentement par écrit, celui-ci peut être attesté par une personne de confiance, un membre de sa famille ou l’un de ses proches, à condition que cette personne de confiance, ce membre ou ce proche soit indépendant de l’investigateur et du promoteur ;

– lorsqu’il s’agit d’une recherche interventionnelle qui ne comporte que des risques et des contraintes minimes, il exige normalement de recueillir un consentement libre, éclairé et exprès ; en revanche, l’article L. 1122-1-4 précise que lorsque les exigences méthodologiques ne sont pas compatibles avec le recueil du consentement, le protocole présenté à l’avis du comité de protection des personnes concerné peut prévoir que ce consentement n’est pas recherché et que l’information est collective ; la personne bénéficie alors d’un droit d’opposition à ce que la recherche soit mise en œuvre sur elle ;

– lorsqu’il s’agit d’une recherche non interventionnelle qui ne comporte aucun risque ni contrainte et dans laquelle tous les actes sont pratiqués et les produits utilisés de manière habituelle, la personne est protégée par un droit d’opposition.

L’article L. 1122-1-1 du code de la santé publique précise que, dans le cas où la personne se prêtant à une recherche a retiré son consentement, ce retrait n’a pas d’incidence sur les activités menées et sur l’utilisation des données obtenues sur la base du consentement éclairé exprimé avant que celui-ci n’ait été retiré.

Le promoteur peut par ailleurs demander à la personne se prêtant à une recherche, au moment où celle-ci donne son consentement éclairé, d’accepter que ses données soient utilisées lors de recherches ultérieures exclusivement à des fins scientifiques. La personne peut retirer son consentement à cette utilisation ultérieure ou exercer sa faculté d’opposition à tout moment ([196]).

Pour ce qui concerne les mineurs non émancipés, les majeurs protégés et les majeurs hors d’état d’exprimer leur consentement et qui ne font pas l’objet d’une mesure de protection juridique ([197]), ils reçoivent, lorsque leur participation à une recherche impliquant la personne humaine est envisagée, une information adaptée à leur capacité de compréhension, tant de la part de l’investigateur que des personnes, organes ou autorités chargés de les assister, de les représenter ou d’autoriser la recherche, eux-mêmes informés par l’investigateur.

Ils sont consultés dans la mesure où leur état le permet. Leur adhésion personnelle en vue de leur participation à la recherche impliquant la personne humaine est recherchée. En toute hypothèse, il ne peut être passé outre à leur refus ou à la révocation de leur acceptation.

Lorsqu’une recherche impliquant la personne humaine est effectuée sur un mineur non émancipé, le consentement, lorsqu’il est requis, est donné par les titulaires de l’autorité parentale.

ii.   Communication des résultats

D’une manière générale, les examens des caractéristiques génétiques des personnes à finalité de recherche scientifique sont réalisés aux seules fins de la recherche. Leurs résultats ne sont donc en principe pas communiqués aux personnes.

Il n’est toutefois pas exclu, dans le cadre de recherches cliniques qui relèvent du champ des recherches impliquant la personne humaine, qu’un tel examen serve également au diagnostic dans l’intérêt de la santé des personnes. Dans ce cas, la restitution du résultat de l’examen doit respecter les règles de communication des résultats conformes à la pratique médicale.

2.   Les exceptions posées

En matière médicale, le code de la santé publique prévoit deux exceptions au principe du consentement.

Le deuxième alinéa de l’article L. 1131-1 prévoit que lorsqu’il est impossible de recueillir le consentement ou de consulter la personne de confiance, la famille ou un proche, l’examen peut être réalisé dans l’intérêt de la personne.

Le deuxième alinéa de l’article L. 1211-2 ouvre une autre exception pour les autopsies médicales pratiquées « hors du cadre de mesures d’enquête ou d’instruction diligentées lors d’une procédure judiciaire » dans le but d’obtenir un diagnostic sur les causes du décès. L’examen ne peut être réalisé qu’« à titre exceptionnel », « en cas de nécessité impérieuse pour la santé publique et en l’absence d’autres procédés permettant d’obtenir une certitude diagnostique sur les causes de la mort ».

En matière de recherche scientifique, le code de la santé publique prévoit une dérogation à l’obligation d’information.

Introduit par la loi du 5 mars 2012 relative aux recherches impliquant la personne humaine, dite « loi Jardé », l’article L. 1131-1-1 du code de la santé publique prévoit en effet que l’examen des caractéristiques génétiques d’une personne à des fins de recherche scientifique peut être réalisé à partir d’éléments du corps de cette personne prélevés à d’autres fins lorsque cette personne, dûment informée de ce projet de recherche, n’a pas exprimé son opposition ([198]). L’article L. 1131-1-1 doit, pour ce faire, déroger expressément à l’article 16-10 du code civil et au premier alinéa de l’article L. 1131-1 du code de la santé publique.

L’obligation d’information peut être levée si « la personne concernée ne peut pas être retrouvée », par exemple en cas de changement de domicile ou de décès. Dans ce cas, le responsable de la recherche doit consulter, avant le début des travaux de recherche, un comité de protection des personnes qui s’assure que la personne ne s’était pas opposée à l’examen de ses caractéristiques génétiques et émet un avis sur l’intérêt scientifique de la recherche.

Lorsque la personne concernée a pu être retrouvée, il lui est demandé, au moment où elle est informée du projet de recherche, si elle souhaite être informée en cas de diagnostic d’une anomalie génétique grave.

Dans la pratique, les personnes reçoivent une information sur la conservation des échantillons issus des soins pour les besoins de la recherche scientifique et sur le fait qu’elles peuvent s’opposer à l’utilisation de ces échantillons à une autre fin que celle pour laquelle un prélèvement a été opéré, conformément à l’article L. 1211-2 du code de la santé publique. Si l’organisme (hôpital, centre de ressources biologiques ou « biobanque » labellisé) est susceptible de mener des recherches comportant l’examen des caractéristiques génétiques des personnes, une nouvelle information est délivrée pour tout nouveau projet de recherche portant sur les échantillons conservés et la personne peut s’y opposer conformément à l’article L. 1131-1-1 du même code.

3.   Les sanctions pénales

L’absence de recueil préalable de consentement dans les conditions prévues par l’article 16-10 du code civil est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ([199]).

II.   Les évolutions prévues par le projet de loi

L’article 10 a pour objet de réécrire l’article 16-10 du code civil, afin d’adapter le cadre du consentement aux examens des caractéristiques génétiques à l’évolution des technologies.

En effet, il est désormais possible d’étudier, rapidement et pour un coût raisonnable, l’ensemble du génome au lieu – comme c’était le cas auparavant – de ne cibler que des gènes préalablement identifiés. Ainsi, le séquençage de nouvelle génération permet de multiplier par 50 000 les capacités du séquençage classique.

Cette évolution, encouragée par les pouvoirs publics dans le cadre du plan France médecine génomique 2025 qui prévoit la création de douze plateformes de séquençage génomique à hautdébit, emporte des conséquences dont il convient de tenir compte.

Les nouvelles techniques de séquençage de l’ADN, en explorant beaucoup plus largement, voire complètement, le génome, augmentent en effet considérablement la probabilité de découverte incidente d’anomalies génétiques non recherchées. Par exemple, un test génétique réalisé pour identifier les causes d’un retard mental peut conduire à détecter la présence, sur un autre gène, d’un allèle exposant à un risque élevé de cancer.

Dans son avis n° 124 intitulé « Réflexion éthique sur l’évolution des tests génétiques liée au séquençage de l’ADN humain à très haut débit » du 21 janvier 2016, le Comité consultatif national d’éthique distinguait déjà plusieurs types d’informations produites par les nouvelles techniques en génétique : « Il y a les informations désirées, pour lesquelles l’examen a été prescrit et sollicité ; il y a les informations pertinentes, mais non sollicitées (incidentes et/ou secondaires) ; il y a les informations disponibles dont la pertinence et l’utilité cliniques ne sont pas encore établies mais qui le seront peut-être à terme. Or, le séquençage à haut-débit, qui lit l’ensemble du génome, générera nécessairement un nombre élevé d’informations non ciblées. Par ailleurs, parmi ces informations, il en est qui ne sont pas strictement individuelles mais familiales, et qui sont donc utiles à l’entourage familial du patient ».

La question de l’intérêt d’informer le patient de ces découvertes incidentes se pose de manière d’autant plus complexe que les variants décelés ne permettent pas nécessairement de déduire le développement d’une maladie. L’information obtenue dans ce cadre reste en effet souvent probabiliste, exprimée sous la forme d’un risque accru. Même si l’anomalie en cause conduit de façon inévitable à l’apparition d’une maladie, il n’est pas possible de déterminer avec certitude les conditions de son expression comme l’âge d’apparition et l’intensité des symptômes.

Dans ce contexte marqué par de profonds bouleversements, la notion de finalité de l’examen inscrite à l’article 16-10 du code civil apparaît trop restrictive pour permettre l’information de la personne sur une anomalie génétique découverte incidemment, comme l’ont mis en évidence le Conseil d’État ([200]) et l’Agence de la biomédecine ([201]). Il apparaît en effet que porter à la connaissance d’une personne les anomalies génétiques découvertes de manière incidente, alors que la finalité de l’examen auquel elle a consenti concerne une autre anomalie génétique, contrevient à la lettre de l’article 16-10 du code civil car la personne a consenti à une finalité précise et non aux conséquences collatérales éventuelles de l’examen.

Aussi, l’article 10 du projet de loi propose une nouvelle rédaction de l’article 16-10 du code civil afin de permettre, sous réserve d’un consentement libre et éclairé, d’informer la personne, à l’occasion d’un examen génétique réalisé pour une autre finalité, de découvertes génétiques incidentes utiles au plan médical, c’est-à-dire dont la connaissance lui permettrait – ou aux membres de sa famille – de bénéficier de mesures de prévention, y compris de conseil génétique, ou de soins.

Conforme à l’article 5 de la Convention d’Oviedo, ce nouvel article 16-10 comporte trois parties.

1.   La finalité de l’examen des caractéristiques génétiques d’une personne et les modalités de son consentement

Le I du nouvel article 16-10 réaffirme tout d’abord la restriction de l’objet de l’examen des caractéristiques génétiques d’une personne aux seules fins médicales ou de recherche scientifique, tout en ajoutant que ces caractéristiques génétiques sont constitutionnelles de la personne, c’est-à-dire qu’elles sont héritées ou acquises à un stade précoce du développement prénatal.

Est ainsi exclu de ce régime l’examen des caractéristiques génétiques dites somatiques, qui analyse les caractéristiques génétiques acquises ultérieurement par une personne, comme celles se situant par exemple dans les cellules tumorales.

Ce même I précise ensuite que, comme c’est déjà le cas actuellement, cet examen est subordonné au consentement exprès de la personne recueilli par écrit préalablement à sa réalisation.

2.   Les informations fournies avant le recueil du consentement et les modalités de communication des résultats de l’examen

Le II du nouvel article 16-10 ajoute tout d’abord à la liste des informations (nature et objet de l’examen, en précisant pour ce dernier, l’indication de l’examen s’il s’agit de finalités médicales ou son objectif s’il s’agit de recherche scientifique) qui doivent être obligatoirement fournies à la personne avant son consentement à l’examen de ses caractéristiques génétiques :

– la possibilité que l’examen révèle incidemment des caractéristiques génétiques sans relation avec son indication ou son objectif initial mais dont la connaissance permettrait à la personne ou aux membres de sa famille de bénéficier de mesures de prévention, y compris de conseil en génétique, ou de soins ;

– la possibilité de refuser la révélation de tout ou partie des caractéristiques génétiques sans relation avec l’indication ou l’objectif initial de l’examen et les risques qu’un refus ferait courir aux membres de sa famille potentiellement concernés dans le cas où une anomalie génétique pouvant être responsable d’une affection grave justifiant de mesures de prévention ou de soins serait diagnostiquée.

Le premier ajout a pour objet d’informer la personne de découvertes génétiques incidentes dès lors que ces informations présentent une utilité au plan médical pour elle-même ou pour les membres de sa famille. L’intérêt médical est placé au centre du dispositif puisque les découvertes incidentes doivent être susceptibles de mesures de prévention, y compris de conseil génétique, ou de soins. Par conséquent, les variations de signification inconnue – c’est-à-dire les données rendues disponibles par la technique mais dont la pertinence et l’utilité clinique ne sont pas encore établies –, les variants prédisposant à une maladie à révélation tardive pour laquelle aucune mesure de prévention ou de soins ne peut être proposée ainsi que les variations génétiques dans des gènes de vulnérabilité et comportant un pronostic aléatoire en sont exclus.

Le second ajout a pour objet de respecter l’autonomie de la volonté de la personne. Il convient en effet de respecter le droit de ne pas savoir, qui est inscrit à l’article L. 1111-2 du code de la santé publique ([202]). La personne peut ainsi refuser la révélation de tout ou partie des caractéristiques génétiques sans relation avec l’indication initiale de l’examen. Toutefois, elle doit être informée au préalable des risques qu’un refus ferait courir aux membres de sa famille potentiellement concernés dans le cas où une anomalie génétique pouvant être responsable d’une affection grave justifiant de mesures de prévention ou de soins était diagnostiquée de façon incidente.

Le II précise ensuite, comme c’est le cas aujourd’hui, que le consentement mentionne l’indication ou l’objectif de l’examen et qu’il est révocable en tout ou partie sans forme et à tout moment.

Le II aborde enfin les modalités de communication des résultats révélés incidemment. À cette fin, il renvoie aux conditions fixées par le titre II du livre Ier de la première partie du code de la santé publique quand les finalités de l’examen sont de recherche scientifique ou par le titre III du livre Ier de la première partie du code de la santé publique quand les finalités de l’examen sont médicales (cf. supra).

3.   L’exception au principe du consentement

Le III du nouvel article 16-10 prévoit que, par dérogation aux dispositions du I et du II, en cas d’examen des caractéristiques génétiques constitutionnelles entrepris à des fins de recherche scientifique et réalisé à partir d’éléments du corps d’une personne prélevés à d’autres fins, les dispositions de l’article L. 1130-5 du code de la santé publique créé par l’article 18 du présent projet de loi sont applicables.

S’inspirant des dispositions de l’actuel article L.1131-1-1, en vertu duquel l’examen des caractéristiques génétiques d’une personne à des fins de recherche scientifique peut être réalisé à partir d’éléments du corps de cette personne prélevés à d’autres fins lorsque cette personne, dûment informée de ce projet de recherche, n’a pas exprimé son opposition, ce nouvel article L. 1130-5 reprend l’exception au principe du consentement et en étend la portée afin d’assouplir le régime des recherches (cf. commentaire de l’article 18).

C’est donc dans un souci de clarté des règles relatives au consentement à un examen des caractéristiques génétiques d’une personne que les différentes formes de consentement – exprès ou tacite – et leurs modalités de recueil sont rassemblées au sein de l’article 16-10 du code civil :

– en cas de prélèvement d’un échantillon biologique spécifiquement pour l’examen – que les finalités soient médicales ou de recherche scientifique –, le consentement de la personne est recueilli expressément et par écrit ;

– en cas d’examen réalisé à des fins de recherche scientifique sur un échantillon biologique prélevé et conservé à d’autres fins, l’article renvoie désormais, de façon dérogatoire, aux modalités de consentement prévu à l’article L. 1130-5 nouveau du code de la santé publique.

 


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Article 11
Garanties entourant le recours à des traitements algorithmiques de données massives en santé

Adopté par la commission avec modifications

    Résumé du dispositif initial

L’article 11 prévoit qu’en cas de recours à un traitement algorithmique de données massives pour des actes à visée préventive, diagnostique ou thérapeutique, le professionnel de santé qui communique les résultats de ces actes informe le patient de l’utilisation et des modalités d’action de ce traitement.

Il ajoute que le paramétrage de ce traitement est réalisé avec l’intervention d’un professionnel de santé et qu’il peut être modifié par ce dernier.

Il assure enfin la traçabilité des actions et des données de ce traitement algorithmique et précise que les informations qui en résultent sont accessibles aux professionnels de santé concernés.

    Modifications apportées par la commission

À l’initiative du rapporteur, la commission a clarifié les conditions d’adaptation des paramètres d’un traitement algorithmique de données massives pour des actes à visée préventive, diagnostique ou thérapeutique en précisant que le paramétrage ne peut être réalisé sans l’intervention d’un professionnel de santé (amendement n° 2322).

I.   Le droit en vigueur

Apparue en 1956, à l’occasion de la conférence organisée à l’université américaine de Darmouth par des chercheurs en sciences cognitives, la notion d’intelligence artificielle, alors définie par le scientifique Marvin Minsky comme « la science qui consiste à faire faire aux machines ce que l’homme ferait moyennant une certaine intelligence » ([203]), connaît depuis les années 2010 une forte accélération de son usage sous l’effet conjugué du développement des techniques d’apprentissage machine, de l’accumulation de données et de la démultiplication de la puissance de calcul des processeurs.

De fait, les dispositifs d’intelligence artificielle se déploient aujourd’hui dans un nombre croissant de secteurs, comme les transports ou l’énergie, avec des finalités diverses : apparier une demande et une offre, anticiper des phénomènes, recommander des solutions adaptées aux profils des personnes, etc.

Dans le domaine de la santé, l’intelligence artificielle est notamment mise au service d’outils qui permettent d’améliorer l’efficacité et la précocité des diagnostics, de fournir une aide aux décisions thérapeutiques, d’améliorer le suivi de l’évolution de la maladie et la prévention des rechutes ou encore de réaliser des actes chirurgicaux. Elle est également utilisée à des fins de recherche, mais aussi de suivi et d’anticipation des risques sanitaires – par exemple dans l’analyse des signaux faibles en matière de pharmacovigilance ou de suivi épidémiologique –, ou encore de pilotage du système de santé, par exemple pour fluidifier les parcours de soins.

Les perspectives ouvertes par le recours à l’intelligence artificielle dans le domaine de la santé sont immenses. Dans son rapport Donner un sens à l’intelligence artificielle. Pour une stratégie nationale et européenne, remis au Premier ministre le 8 mars 2018, M. Cédric Villani souligne ainsi que l’intelligence artificielle permet « de mieux détecter les symptômes et de faire un suivi prédictif du déploiement d’une maladie, d’exploiter les résultats d’analyse (imagerie médicale…), de soumettre de nouvelles hypothèses de diagnostic et de formuler des propositions thérapeutiques plus personnalisées. [Elle peut] aussi améliorer la détection des effets secondaires d’un médicament lors des phases d’essais cliniques, et donc in fine avoir un impact positif sur l’innovation pharmacologique (meilleur ciblage thérapeutique, accélération et sécurisation de la mise des médicaments sur le marché, etc.). En matière de recherche médicale, les technologies d’IA facilitent l’exploration des publications scientifiques et l’analyse des résultats de recherches fondamentales grâce à la fouille automatique de données ».

Cependant, l’introduction de dispositifs d’intelligence artificielle dans le domaine de la santé soulève également des questions d’ordre éthique et juridique. Ces enjeux sont relatifs, d’une part, à la gestion et à l’utilisation des données de santé et, d’autre part, aux conséquences de ces nouvelles techniques sur la relation de soins entre le médecin et son patient.

L’essor des données relatives à la santé recueillies en dehors de toute relation de soin présente trois risques : l’utilisation des données à des fins non anticipées par les utilisateurs au moment où elles ont été collectées, une perception étendue du domaine de la maladie et une confiance aveugle dans les dispositifs mobilisés pour leur recueil et leur traitement. Le Conseil d’État considère que le cadre juridique actuel, qu’il s’agisse des objets connectés en santé qui sont soumis au régime applicable aux dispositifs médicaux ([204]) ou des données recueillies qui peuvent être qualifiées de « données de santé » et par conséquent se voir appliquer la règlementation sur la protection des données personnelles ([205]), ne doit pas être modifié si ce n’est pour mettre en place un mécanisme de certification propre aux applications et objets connectés en santé qui ne relèvent pas du régime des dispositifs médicaux ([206]).

Pour ce qui concerne les incidences des dispositifs d’intelligence artificielle sur la relation de soin entre le médecin et son patient, qui soulèvent des questions quant à la dépossession du savoir médical et à la déshumanisation du colloque singulier, certaines dispositions du code de la santé publique peuvent trouver à s’appliquer.

Il en va ainsi du code de déontologie médicale et des droits des personnes malades et des usagers du système de santé, qui tendent à lutter contre la dépossession des savoirs du médecin et contre le risque d’exclusion du patient du processus thérapeutique.

En matière de déontologie médicale, l’article R. 4127-5 du code de la santé publique pose le principe selon lequel que le médecin « ne peut aliéner son indépendance professionnelle sous quelque forme que ce soit », ce qui implique, comme l’indique le Conseil d’État dans son étude sur la révision de la loi de bioéthique, « que ce dernier soit en mesure de comprendre les dispositifs qu’il utilise afin d’en cerner les limites et, le cas échéant, d’être en mesure de s’écarter des recommandations faites par la machine ». L’article R. 4127-35 précise par ailleurs que « le médecin doit à la personne qu’il examine, qu’il soigne ou qu’il conseille une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu’il lui propose. Tout au long de la maladie, il tient compte de la personnalité du patient dans ses explications et veille à leur compréhension ».

Parmi les dispositions du titre Ier du livre Ier de la première partie du code de la santé publique relatives aux droits des personnes malades et des usagers du système de santé, outre l’article L. 1111-7 qui garantit l’accès de toute personne à l’ensemble des informations concernant sa santé et l’article L. 1111-8 qui encadre l’hébergement des données de santé recueillies à l’occasion d’activités de prévention, de diagnostic et de soins, les articles L. 1111-2 et L. 1111-4 trouvent particulièrement à s’appliquer.

En effet, le premier prévoit que « toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé » et qu’une information sur « les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés », notamment sur leur utilité et leurs conséquences, doit être transmise au patient par le professionnel de santé au cours d’un entretien individuel.

Le second met le patient au centre de la relation médicale en prévoyant que le patient « prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu’il lui fournit, les décisions concernant sa santé » tout en imposant au médecin de « respecter la volonté de la personne après l’avoir informée des conséquences de ses choix » avant d’ajouter qu’« aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne ».

Toutefois, il n’existe pas de cadre juridique spécifique à l’usage de traitements algorithmiques par les professionnels de santé qui garantirait que ces dispositifs demeurent un appui à la décision humaine sans s’y substituer.

II.   Les Évolutions prÉvues par le projet de loi

Premier article d’une loi de bioéthique à introduire la notion d’algorithme en lien avec l’intelligence artificielle dans le code de la santé publique, l’article 11 du projet de loi propose de compléter le chapitre Ier du titre préliminaire du livre préliminaire de la quatrième partie du code de la santé publique, relatif aux professionnels de santé, avec un nouvel article L. 4001-3 destiné à clarifier les places respectives du patient, du professionnel de santé et de l’algorithme dans la relation de soin.

Ce nouvel article s’inscrit dans la logique du principe posé par l’article 22 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (RGPD) qui exclut, sauf exceptions, la mise en œuvre d’une décision fondée exclusivement sur un traitement automatisé.

1.   L’information, par le professionnel de santé, du patient de l’utilisation d’un traitement algorithmique de données massives

Le I du nouvel article L. 4001-3 prévoit que lorsqu’un traitement algorithmique de données massives ([207]) est utilisé dans le cadre d’actes à visée préventive, diagnostique ou thérapeutique, le professionnel de santé ([208]) qui communique les résultats de ces actes informe la personne de cette utilisation et des modalités d’action de ce traitement.

a.   Le principe d’une garantie humaine

En consacrant, au niveau législatif, le principe d’une garantie humaine ([209]) dans l’utilisation de l’intelligence artificielle en santé, à l’instar de ce qu’ont proposé, pour le numérique en santé, le Comité consultatif national d’éthique ([210]) et la mission d’information relative à la révision de la loi de bioéthique ([211]), cette disposition vise à préserver le colloque singulier entre le patient et le professionnel de santé en garantissant que la relation de soin ne sera pas altérée par la technique.

L’objectif poursuivi est double.

● Il s’agit tout d’abord d’affirmer le rôle du professionnel de santé.

Alors que l’efficacité de certains dispositifs d’intelligence artificielle peut égaler, voire dépasser celle des opérateurs humains pour l’exécution de tâches spécifiques, comme la reconnaissance d’images ou de signaux ([212]) ou le développement et la mise en œuvre de règles de décision multicritères, il convient de ne pas entretenir « l’illusion que le recoupement de grandes masses de données permet, à lui seul, d’aboutir à des diagnostics et des propositions de thérapie plus pertinents que les prescriptions d’un médecin » ([213]).

Ce serait avoir une confiance démesurée dans le caractère infaillible des algorithmes dont les résultats, déterminés par des choix humains, sont en outre susceptibles de présenter des biais importants. La validité de leurs conclusions peut en effet être limitée par des biais liés à leur développement ou aux bases sur lesquelles s’est réalisé l’apprentissage, mais aussi par le caractère restreint des informations effectivement prises en compte au regard des particularités de chaque situation clinique. En outre, bien que les algorithmes fondés sur des données massives permettent une meilleure segmentation des conclusions, les résultats restent obtenus au niveau de groupes ou de sous-groupes au sein desquels une certaine hétérogénéité peut persister.

La mise en perspective des résultats issus des traitements algorithmiques, par le professionnel de santé, par rapport aux autres informations, en particulier cliniques, dont il dispose, est donc essentielle. Les orientations préventives, diagnostiques ou thérapeutiques, qu’elles soient fondées sur les compétences et l’expérience d’un professionnel ou sur des recommandations développées par des dispositifs d’expertise ou d’intelligence artificielle, doivent en effet être confrontées aux spécificités de la situation de chaque patient.

La médecine implique en outre une relation de soins entre deux personnes humaines. Elle fait intervenir des facteurs psychologiques qui comptent autant que la mobilisation de savoirs et d’outils techniques sophistiqués. Il faut en particulier qu’une relation de confiance s’instaure pour emporter l’adhésion du patient au diagnostic et à la thérapie proposés.

L’affirmation du rôle du professionnel de santé comme décideur, et non comme simple auxiliaire du traitement algorithmique, suppose qu’il soit en mesure de porter un regard critique sur les résultats fournis, ce qui implique qu’il puisse comprendre, dans la mesure du possible ([214]), les modalités d’action de l’algorithme utilisé afin de pouvoir les expliquer au patient.

À cet égard, il serait utile de poser, comme le proposent la CNIL ([215]) et le Conseil d’État ([216]), une exigence d’« explicabilité », qui vise à permettre aux utilisateurs de ces systèmes d’intelligence artificielle d’en comprendre la logique générale de fonctionnement. Cette exigence suppose que leurs concepteurs mettent à disposition des utilisateurs les informations nécessaires à cette compréhension et que les professionnels de santé puissent apporter leurs compétences dès l’élaboration des algorithmes et des stratégies de collecte de données de santé qui les alimentent. Elle implique également que les professionnels de santé bénéficient d’une formation leur permettant de comprendre le fonctionnement de ces dispositifs afin d’en cerner les limites et de pouvoir expliciter au patient les fondements sur lesquels reposent les décisions médicales les concernant.

● Il s’agit ensuite de confirmer la possibilité, pour le patient, de participer aux décisions et choix thérapeutiques le concernant.

À cet effet est prévue l’obligation d’informer le patient de l’utilisation d’un algorithme dans le cadre d’un acte à visée préventive, diagnostique ou thérapeutique au cours de son parcours médical, ainsi que de ses modalités d’action. Ce droit à l’information est au nombre des droits des personnes malades et des usagers du système de santé.

L’objectif est double :

– éviter un risque de « délégation du consentement du patient », mis en évidence par M. David Gruson ([217]), qui reposerait sur un consentement insuffisamment éclairé car l’intelligence artificielle est difficile à appréhender ;

– assurer que les résultats des traitements algorithmiques seront confrontés à la variabilité des attentes et des préférences du patient.

Cette obligation d’information n’est pas une obligation d’obtention du consentement du patient à l’utilisation d’un algorithme, mais elle contribue indéniablement à éclairer son consentement aux soins posé par l’article L. 1111-4 du code de la santé publique.

In fine, cette disposition vise à garantir que la décision finale à visée préventive, diagnostique ou thérapeutique, qui s’appuie sur la recommandation de l’algorithme comme simple outil d’aide à la décision, est prise par le professionnel de santé et le patient eux-mêmes.

b.   Des modalités de mise en œuvre à préciser

Au-delà de la précision selon laquelle il revient au professionnel de santé qui communique les résultats des actes médicaux de remplir l’obligation d’information du patient – qui permet de clarifier la situation dans laquelle plusieurs professionnels de santé interviendraient dans le parcours médical du patient –, plusieurs points méritent d’être explicités.

i.   Quels traitements algorithmiques sont concernés ?

Selon le ministère des solidarités et de la santé, le I du nouvel article L. 4001-3 vise à titre principal les traitements algorithmiques d’assistance au diagnostic ou aux investigations en amont d’un acte médical, alors que les II et III (cf. infra) porteraient davantage sur les dispositifs médicaux implantables, comme les pancréas artificiels, les prothèses de hanche ou les implants mammaires.

Il semblerait que d’autres formes de traitements algorithmiques puissent entrer dans le champ d’application du nouvel article L. 4001-3 sans que l’on sache s’ils seraient associés ou pas à des dispositifs médicaux.

ii.   À quel stade de la procédure le patient doit-il être informé ?

Aux termes du I du nouvel article L. 4001-3, le professionnel de santé devra informer le patient du recours à un traitement algorithmique de données massives à l’occasion de la communication des résultats.

Selon le ministère des solidarités et de la santé, « C’est [le] moment [où le professionnel de santé communique à la fois le résultat fourni par l’algorithme et l’appréciation qu’il en tire] qui est apparu le plus propice pour permettre au médecin d’expliquer au patient, sous une forme intelligible, la manière dont le traitement a été mis en œuvre à son égard et les règles principales de son fonctionnement ».

S’il est vrai que l’utilisation d’un traitement algorithmique de données massives n’entre pas à proprement parler dans le champ des informations médicales dont la loi prévoit qu’elles doivent être délivrées préalablement à un acte médical ([218]), il n’en demeure pas moins qu’il serait souhaitable que le recours à un tel traitement fasse l’objet d’une information préalable à son utilisation par un professionnel de santé, comme l’ont proposé le Comité consultatif national d’éthique ([219]), la mission d’information sur la révision de la loi relative à la bioéthique ([220]) et le Conseil national de l’ordre des médecins ([221]).

Il s’agit en effet de préserver la portée des principes posés par les articles L. 1111-2 et L. 1111-4 du code de la santé publique selon lesquels le patient a le droit d’être informé sur son état de santé et les traitements qui lui sont proposés et qu’il prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu’il lui fournit, les décisions concernant sa santé.

iii.   Quels résultats sont communiqués ?

Le I du nouvel article L. 4001-3 indique que c’est au professionnel de santé qui communique les résultats des actes à visée préventive, diagnostique ou thérapeutique qu’il revient d’informer la personne, sans préciser les résultats ainsi visés.

Aussi, il serait souhaitable, comme le recommande la CNIL dans son avis sur le projet de loi, que « la rédaction du projet de loi distingue clairement le résultat brut de l’algorithme de l’appréciation et de la décision du professionnel de santé dans le cadre de la prise en charge du patient » ([222]).

Cette distinction permettrait en effet d’assurer l’accès du patient à l’ensemble des informations qui le concernent et le respect des principes d’indépendance et de liberté de prescription du professionnel de santé. Elle contribuerait également à ce que la décision médicale ne se fonde pas exclusivement sur un traitement automatisé de données.

2.   L’intervention d’un professionnel de santé dans le paramétrage de l’algorithme

Le II du nouvel article L. 4001-3 précise que l’adaptation des paramètres de l’algorithme utilisé pour la prise de décision dans le cadre d’actions à visée préventive, diagnostique ou thérapeutique doit être réalisée avec l’intervention d’un professionnel de santé et que ce dernier peut également modifier le paramétrage.

L’adaptation des paramètres du traitement algorithmique consiste à ajuster ses variables aux caractéristiques d’un patient, pour qu’il réponde exactement à sa situation.

S’agissant d’un dispositif médical implanté, le professionnel de santé pourrait ainsi procéder aux réglages nécessaires à l’utilisation des règles induites dans ce dispositif, pour l’adapter aux caractéristiques individuelles du patient, en vue de son implantation. Par exemple, il adapterait un pancréas artificiel aux caractéristiques d’un patient diabétique (poids, taille, vitesse d’action de l’insuline…) pour qu’il lui administre le dosage d’insuline le plus juste.

S’agissant des applications visant à prévenir les récidives en cas de cancer (sous forme de questions posées aux patients de manière récurrente, dont les réponses sont examinées par un algorithme et transmises au médecin en cas d’alerte), le paramétrage pourrait consister à choisir, parmi plusieurs jeux de questions, celui qui correspond le mieux au profil du patient.

Confier ainsi l’introduction des données de référence de l’algorithme, qui conditionnent les résultats obtenus, au professionnel de santé et prévoir que celui-ci puisse par la suite modifier ce paramétrage contribue à garantir la supervision du professionnel de santé et à affirmer son rôle dans le cadre du recours à la médecine algorithmique.

Cette disposition participe donc du principe de garantie humaine tel que proposé par le Comité consultatif national d’éthique et la mission d’information sur la révision de la loi relative à la bioéthique.

Il conviendrait toutefois de préciser quel est le professionnel de santé concerné. S’agit-il du professionnel qui prend en charge le patient et lui communique les résultats ou bien d’un professionnel qui travaille pour le fabricant du traitement algorithmique ?

Il serait également utile d’apporter par décret les précisions relatives au contenu de l’intervention du professionnel de la santé (choix des données massives, options de traitement des données du patient, etc.) comme l’a suggéré la Haute autorité de santé dans son avis sur le projet de loi rendu le 12 juillet 2019. Les conséquences, en particulier, en termes de responsabilité du professionnel de santé, ne sont en en effet pas les mêmes selon qu’il s’agit pour lui de renseigner les données individuelles du patient ou de modifier le traitement algorithmique.

3.   La traçabilité des données et des actions de l’algorithme

Le III du nouvel article L. 4001-3 prévoit une obligation de traçabilité des actions de l’algorithme ([223]) ainsi que des données ayant été utilisées dans le cadre de ce traitement algorithmique. Il ajoute que les informations qui en résultent doivent être accessibles aux professionnels de santé concernés.

La traçabilité des actions d’un traitement algorithmique est assurée par le traitement lui-même, qui ne doit pas fonctionner comme une « boîte noire ». Aussi, cette traçabilité doit être prévue dès la conception de l’algorithme.

Il revient donc au concepteur, avec les professionnels de santé qui participent à la mise au point du traitement, d’assurer cette traçabilité.

À cet égard, la Haute autorité de santé a publié un guide relatif aux dispositifs médicaux connectés intégrant de l’intelligence artificielle qui précise les informations descriptives demandées aux industriels qui sollicitent le remboursement de leurs technologies par l’assurance maladie :

– type d’algorithme sur lequel repose la technologie ;

– méthode de constitution des bases de données d’apprentissage et de validation ;

– méthodologie mise en œuvre pour assurer le suivi de la pertinence de l’algorithme créé (vérification régulière, absence de biais, etc.).

Elle élabore actuellement des repères plus précis pour caractériser l’explicabilité et l’interprétabilité des algorithmes et garantir le service rendu du dispositif médical qui utilise un algorithme apprenant.

S’agissant du stockage des données de traçabilité, le ministère des solidarités et de la santé a indiqué qu’une réflexion était actuellement menée afin que les données de traçabilité de l’action d’un traitement algorithmique soient conservées dans le dossier médical partagé.

Pour ce qui concerne enfin le stockage des données relatives aux actions mêmes du traitement et les données personnelles de santé utilisées par le traitement (pour son action ou son apprentissage en vie réelle), celles-ci seront conservées, hébergées et détruites conformément aux dispositions de l’article L. 1111-8 du code de la santé publique.

 


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Article 12
Encadrement du recours aux techniques d’enregistrement
de l’activité cérébrale

Adopté par la commission sans modification

    Résumé du dispositif

L’article 12 précise les finalités de recours aux techniques d’enregistrement de l’activité cérébrale en donnant une définition plus large des techniques visées et en interdisant l’emploi de l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle dans le domaine de l’expertise judiciaire. Il renforce l’interdiction des discriminations fondées sur les données issues de l’enregistrement de l’activité cérébrale, en particulier en matière de prévention et de couverture des risques.

I.   le droit en vigueur

1.   Le recours aux techniques d’imagerie cérébrale

Issu du souhait de M. Jean Leonetti, rapporteur de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique à l’Assemblée nationale en 2011, d’encadrer l’usage des techniques d’imagerie cérébrale ([224]), le chapitre IV du titre Ier du livre premier du code civil, intitulé « De l’utilisation des techniques d’imagerie cérébrale », comporte un article unique, l’article 16-14.

● Cet article prévoit tout d’abord que « les techniques d’imagerie cérébrale ne peuvent être employées qu’à des fins médicales ou de recherche scientifique, ou dans le cadre d’expertises judiciaires ».

Il réserve donc l’usage des techniques d’imagerie cérébrale à des finalités médicales et scientifiques ainsi qu’aux expertises judiciaires afin de prévenir les utilisations commerciales qui pourraient en être faites.

Dès l’origine, la portée de l’article 16-14 a fait l’objet de débats.

Lors de l’examen du projet de loi en 2011, l’amendement à l’origine de cette disposition, qui avait été adopté, à l’initiative de M. Jean Leonetti, par la commission spéciale, prévoyait de cantonner l’usage de ces techniques dans le cadre d’une procédure judiciaire à l’évaluation d’un préjudice cérébral ainsi qu’à l’établissement d’un trouble psychique ou neuropsychique au sens de l’article 122-1 du code pénal ([225]). Le rapporteur avait ainsi précisé qu’« À titre dérogatoire, [cet article] autorise l’utilisation de l’imagerie cérébrale en justice, mais uniquement afin d’objectiver l’existence d’un préjudice ou d’un trouble psychique. Si donc on peut demander une imagerie cérébrale pour authentifier le trouble dont souffre un délinquant et atténuer sa faute, on ne peut en faire un test de détection du mensonge » ([226]).

Cependant, lors de la séance publique, l’Assemblée nationale avait retenu, sur la proposition du Gouvernement, une acception plus large, en prévoyant que « sans préjudice de leur utilisation dans le cadre d’expertises judiciaires, les techniques d’imagerie cérébrale ne peuvent être employées qu’à des fins médicales ou scientifiques ». À l’issue de la navette parlementaire, cette rédaction a été peu ou prou confirmée.

Depuis son adoption, cette disposition fait l’objet de critiques récurrentes quant à l’ambiguïté de sa rédaction, en particulier parce qu’elle autorise le recours à l’imagerie cérébrale dans le cadre de l’expertise judiciaire, sans préciser la finalité de l’examen ou le type d’imagerie utilisable.

Ainsi, dès 2012, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) a envisagé la suppression de cette disposition au motif qu’une valeur excessive pourrait être accordée aux conclusions d’une expertise fondée sur l’imagerie médicale alors même que des doutes importants existent sur la fiabilité de ces techniques ([227]). Plus récemment, en 2018, l’OPECST a demandé que le cadre et la finalité du recours à ces techniques soient mieux précisés car « en l’état actuel de la législation, il demeure un risque d’emploi abusif, quant à leur valeur prédictive réelle et étayée, des techniques d’imagerie cérébrale fonctionnelle dans le cadre des expertises judiciaires » ([228]).

De même, le Comité consultatif national d’éthique, dans sa contribution à la révision de la loi de bioéthique du 25 septembre 2018 ([229]), a mis en garde contre le détournement ou la surinterprétation des usages de l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle en dehors du cadre médical ou scientifique, en particulier en matière judiciaire.

Extrait de l’avis du Comité consultatif national d’éthique sur la révision de la loi de bioéthique

« L’IRM fonctionnelle (IRMf) permet de visualiser l’activation de certaines zones du cerveau lors de l’exécution de diverses tâches motrices, sensorielles, cognitives et émotionnelles. Elle permet ainsi une sorte d’intrusion dans l’intimité même du fonctionnement cérébral de la personne. Lors des tâches effectuées, des images sont obtenues dont le risque est d’exercer un pouvoir de fascination et de simplification qui tend à leur conférer une valeur probante bien supérieure à ce qu’elles offrent réellement. C’est le cas de l’utilisation de l’IRMf comme « détecteur de mensonge » pour statuer sur la culpabilité ou pour innocenter une personne. Or l’IRMf ne mesure pas directement l’activité des neurones, mais un signal moyen correspondant aux modifications métaboliques locales complexes (au niveau de l’unité neuro-vasculaire) associées à cette activité. L’image obtenue est donc un reflet indirect, une photographie moyenne de variations métaboliques, avec très peu d’informations sur les échanges rapides conduisant à une action ou à un raisonnement. L’information essentielle que l’on obtient est plutôt binaire, activité ou non d’une zone cérébrale d’intérêt. Il en résulte que ce n’est pas parce qu’un comportement est associé à une image que l’image indique un comportement ».

Reprenant ses conclusions exprimées dès 2012 ([230]), le Comité a rappelé être très défavorable à son utilisation dans le domaine judiciaire, en particulier comme détecteur de mensonge pour statuer sur la culpabilité d’une personne.

Pour sa part, le Conseil d’État adoptait une position moins tranchée, soulignant dans son rapport sur la révision de la loi bioéthique de 2018, que « ces dispositions n’apparaissent pas avoir donné lieu à des dérives depuis leur adoption en 2011 » ([231]) et qu’elles ont « fait preuve de leur utilité notamment dans le cadre de procédures pénales pour abus de faiblesse ou de vulnérabilité ».

● L’article 16-14 du code civil prévoit ensuite, dans une formulation empruntée au droit existant en matière de techniques d’identification génétique (cf. commentaire de l’article 10), que « le consentement exprès de la personne doit être recueilli par écrit préalablement à la réalisation de l’examen, après qu’elle a été dûment informée de sa nature et de sa finalité. Le consentement mentionne la finalité de l’examen. Il est révocable sans forme et à tout moment ».

● La loi du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique a par ailleurs introduit dans le livre Ier du code de la santé publique un titre III bis « Neurosciences et imagerie cérébrale », dont l’unique article L. 1134-1 prévoit qu’un arrêté définit les règles de bonnes pratiques applicables à la prescription et à la réalisation des examens d’imagerie cérébrale à des fins médicales, prenant en compte les recommandations de la Haute autorité de santé. Cependant, cet arrêté n’a pas été publié.

2.   L’interdiction des discriminations fondées sur les données issues de l’enregistrement de l’activité cérébrale

L’interdiction des discriminations fondées sur l’état de santé, prévue à l’article 225-1 du code pénal ([232]), couvre déjà les discriminations fondées sur les données issues de l’enregistrement de l’activité cérébrale.

Il en résulte qu’en application de l’article 225-2 du code pénal, ces discriminations sont punies de trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende lorsqu’elles ont pour effet de refuser ou de subordonner la fourniture d’un bien ou d’un service, d’entraver l’exercice normal d’une activité économique, de refuser d’embaucher, de sanctionner ou de licencier une personne, d’y subordonner une offre d’emploi, une demande de stage ou une période de formation en entreprise, de refuser d’accepter une personne à un stage.

Des exceptions ont toutefois été prévues, par le 1° de l’article 225-3 du code pénal, pour les discriminations fondées sur l’état de santé, lorsqu’elles consistent en des opérations ayant pour objet la prévention et la couverture du risque décès, des risques portant atteinte à l’intégrité physique de la personne ou des risques d’incapacité de travail ou d’invalidité. Toutefois, ces discriminations font encourir à leurs auteurs les peines mentionnées à l’article 225-2 du code pénal lorsqu’elles se fondent sur la prise en compte de tests génétiques prédictifs ayant pour objet une maladie qui n’est pas encore déclarée ou une prédisposition génétique à une maladie ou qu’elles se fondent sur la prise en compte des conséquences sur l’état de santé d’un prélèvement d’organe.

II.   Les Évolutions prÉvues par le projet de loi

L’article 12 précise les finalités de recours aux techniques d’enregistrement de l’activité cérébrale en donnant une définition plus large des techniques visées et en interdisant l’emploi de l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle dans le domaine de l’expertise judiciaire. Il renforce l’interdiction des discriminations fondées sur les données issues de l’enregistrement de l’activité cérébrale, en particulier en matière de prévention et de couverture des risques.

1.   L’élargissement du champ des techniques d’imagerie cérébrale

Conformément aux recommandations formulées par le Conseil d’État dans son rapport sur la révision de la loi bioéthique, le 1° du I et le III de l’article 12 substituent, d’une part au sein de l’intitulé du chapitre IV du titre Ier du livre Ier du code civil et, d’autre part, au sein de l’intitulé du titre III bis du livre Ier de la première partie du code de la santé publique, aux termes « techniques d’imagerie cérébrale », les termes plus généraux de « techniques d’enregistrement de l’activité cérébrale », afin de « mieux couvrir l’ensemble des évolutions technologiques intervenues depuis 2011 » ([233]).

Il s’agit ainsi de viser, au-delà du scanner cérébral, de l’imagerie par résonance magnétique, de la tomographie par émission de positons, de la tomoscintigraphie isotopique et de la magnétoencéphalographie, les nouvelles méthodes d’exploration du cerveau comme l’imagerie optique (optogénétique par exemple) et les outils fondés sur les ultrasons ou sur les infrarouges.

2.   L’interdiction de l’usage de l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle dans le cadre des expertises judiciaires

Le 2° du I de l’article 12 clarifie la rédaction de la première phrase de l’article 16-14 du code civil au regard de la portée de l’expression « techniques d’imagerie cérébrale […] dans le cadre d’une expertise judiciaire ».

En effet, les deux catégories d’imagerie cérébrale ont des finalités très différentes : l’imagerie anatomique permet de déceler des anomalies susceptibles de contribuer à expliquer un comportement particulier, tandis que l’imagerie fonctionnelle a pour objet de visualiser l’activation de certaines zones du cerveau lors de l’exécution de tâches motrices, sensorielles, cognitives et émotionnelles et, le cas échéant, d’en tirer des conclusions sur l’état psychique de la personne.

Aussi, afin de tenir compte des risques potentiels que présente le recours à l’imagerie cérébrale dans le cadre d’expertises judiciaires, par exemple en matière de détection de mensonges, et pour répondre aux mises en garde formulées par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques et le Comité consultatif national d’éthique, le 2° du I de l’article 12 prévoit que les techniques d’enregistrement de l’activité cérébrale peuvent être employées dans le cadre d’expertises judiciaires, à l’exclusion, toutefois, de l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle.

L’interdiction de l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle dans le domaine judiciaire a été préférée à l’option proposée par le Conseil d’État et l’OPECST, qui consistait à préciser que les finalités du recours à l’enregistrement des données cérébrales dans le champ judiciaire étaient l’évaluation d’un préjudice ou l’établissement de l’existence d’un trouble mental, psychique ou neuropsychique, à l’instar de ce qu’avait proposé M. Jean Léonetti en 2011, au motif que cette interdiction suffit à écarter les risques de dérives pointés par l’OPECST et le Comité consultatif national d’éthique.

En proposant cette nouvelle rédaction pour la première phrase de l’article 16-14 du code civil, le 2° du I de l’article 12 procède également au changement de terminologie qui vise à élargir le champ des techniques d’imagerie cérébrale.

3.   Le renforcement de la lutte contre les discriminations fondées sur les données issues de l’enregistrement de l’activité cérébrale

Le II de l’article 12 modifie l’article 225-3 du code pénal afin d’affermir la portée de l’interdiction des discriminations fondées sur les données cérébrales.

Il propose d’ajouter aux discriminations fondées sur l’état de santé punissables en vertu du 1° de l’article 225-3 du code pénal – à savoir les discriminations fondées sur la prise en compte de tests génétiques prédictifs ou sur les conséquences sur l’état de santé d’un don d’organes altruiste – les discriminations fondées sur la prise en compte des données issues de l’enregistrement de l’activité cérébrale.

Ces discriminations, fondées sur des données qui ont potentiellement une valeur prédictive, doivent en effet faire l’objet d’une interdiction stricte, en particulier en matière d’assurance.

 


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Article 13
Encadrement des dispositifs de neuro-modulation

Adopté par la commission avec modification

    Résumé du dispositif initial

L’article 13 confère au ministre chargé de la santé le pouvoir d’interdire un dispositif de neuro-modulation qui présenterait un danger grave ou une suspicion de danger grave pour la santé humaine.

    Modifications apportées par la commission

La commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur.

I.   le droit en vigueur

Techniques de modification du fonctionnement cérébral, les dispositifs de neuro-modulation sont de nature diverse.

Certains sont anciens, comme les médicaments pris par voie orale (psychostimulants, anxiolytiques, antidépresseurs, etc.). D’autres sont plus récents, comme les dispositifs médicaux destinés à la stimulation transcrânienne au moyen de courants électriques ou de flux magnétiques ou électromagnétiques, au neurofeedback ([234]) ou encore à la stimulation cérébrale profonde utilisée dans le traitement de la maladie de Parkinson et d’autres pathologies cérébrales motrices. On doit aussi y ranger les thérapies cellulaires, qui permettent notamment de lutter contre certaines maladies neurodégénératives.

● Dès lors que ces techniques de neuro-modulation ont une finalité médicale, leur régime juridique est celui prévu par la cinquième partie du code de la santé publique relative aux produits de santé.

Si elles prennent la forme de médicaments ([235]), elles relèvent des dispositions de droit commun prévues par le titre II du livre Ier du code de la santé publique, relatif aux médicaments, en particulier pour leur mise sur le marché.

Le cadre juridique des médicaments

Issu de dispositions nationales et de la réglementation européenne en matière de médicaments ([236]), le cadre juridique applicable aux médicaments est défini par les articles L. 5111-1 et suivants du code de la santé publique.

Tout médicament doit obtenir une autorisation de mise sur le marché pour pouvoir être commercialisé. Cette autorisation est délivrée sur la base d’une évaluation des critères scientifiques de qualité, sécurité et efficacité du médicament effectuée à partir des données des essais précliniques conduites sur l’animal et des études cliniques menées sur l’homme. Elle est octroyée si le rapport entre le bénéfice et le risque est estimé favorable.

L’autorisation peut être délivrée par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) ou par la Commission européenne après avis de l’Agence européenne des médicaments lorsque le médicament est très innovant ou qu’il est destiné à être mis sur le marché de plusieurs États membres. Certains types de médicaments, tels que les médicaments issus des biotechnologies doivent obligatoirement passer par une procédure d’autorisation de mise sur le marché dite « centralisée » à l’échelle européenne, qui donne accès aux marchés de l’ensemble des États membres.

Une fois l’autorisation de mise sur le marché obtenue, le médicament fait l’objet d’une surveillance pendant toute sa durée de commercialisation afin de vérifier que son rapport bénéfice/risque reste favorable. L’ANSM assure la surveillance des événements indésirables liés à l’utilisation des médicaments et exerce des activités de contrôle et d’inspection en laboratoire ainsi que sur les sites de fabrication et de recherche. Elle peut prendre des décisions de police sanitaire comme des restrictions ou des modifications d’indications, un retrait du marché ou encore une suspension ou un retrait d’autorisation.

La pharmacovigilance fait également intervenir les fabricants de médicaments ainsi que les professionnels de santé et les patients qui peuvent signaler les effets indésirables d’un médicament sur le portail des signalements du ministère chargé de la santé, pour analyse par les centres régionaux de pharmacovigilance. Des études épidémiologiques peuvent également être menées sur les données de l’assurance maladie afin d’obtenir plus de données en vie réelle.

Un suivi est également opéré dans les autres États membres et des échanges sont organisés par l’intermédiaire de l’Agence européenne du médicament.

Si elles prennent la forme de dispositifs médicaux ([237]), elles sont couvertes par les dispositions du titre Ier du livre II de la cinquième partie du code de la santé publique consacré aux dispositifs médicaux, notamment s’agissant des conditions de mise sur le marché et de mise en service, des exigences essentielles concernant la sécurité et la santé et des procédures de certification de conformité.

Le cadre juridique des dispositifs médicaux

Issu à la fois de la réglementation européenne ([238]) et de dispositions nationales, le cadre juridique applicable aux dispositifs médicaux est défini par les articles L. 5211-1 et suivants du code de la santé publique.

Deux critères essentiels servent à qualifier un dispositif médical : la finalité médicale à laquelle il est destiné et le moyen par lequel l’action principale voulue est obtenue, qui ne doit pas être de nature pharmacologique ou immunologiques ni obtenue par métabolisme. Les dispositifs médicaux sont classés en quatre classes en fonction de leur niveau de risque, lesquelles vont avoir une influence directe sur la réglementation qui leur est applicable.

La mise sur le marché des dispositifs médicaux est subordonnée à l’obtention d’un marquage CE (« conformité européenne »), apposé sous la responsabilité du fabricant et permettant la libre circulation du dispositif médical dans l’Union européenne pour une période maximale de cinq ans renouvelable. Il est délivré pour la plupart des catégories de dispositifs médicaux après une évaluation, par un organisme notifié, de leur conformité à certaines exigences essentielles de sécurité et de performance. Seules certaines catégories de dispositifs médicaux considérés comme ayant un faible degré de risque peuvent bénéficier d’une auto-certification par le fabricant.

Les fabricants de dispositifs médicaux choisissent l’organisme notifié qui va procéder à l’évaluation parmi une liste d’organismes notifiés agréés par les autorités de santé nationales. Les procédures d’évaluation pour l’obtention du marquage CE varient en fonction de la classe de risque et des spécificités propres à certains dispositifs.

Le système de matériovigilance ([239]) comporte deux échelons :

– un échelon central piloté par l’ANSM, qui est compétente pour contrôler les dispositifs mis sur le marché, s’assurer de leur conformité CE et prendre les mesures nécessaires en cas de non-conformité (demande de mise en conformité, restriction d’utilisation voire arrêt de mise sur le marché et rappel des dispositifs déjà mis sur le marché) ;

– un échelon local animé par le fabricant du dispositif médical, les correspondants locaux de matériovigilance désignés au sein d’établissements de santé publics ou privés et les professionnels de santé, qui sont tenus de signaler à l’ANSM tout dispositif ayant connu un incident ou un risque d’incident grave.

La réglementation européenne prévoit également une clause de sauvegarde en application de laquelle un État membre qui constate qu’un dispositif, correctement installé, entretenu et utilisé, présente un risque grave pour la santé ou la sécurité, peut prendre toute mesure pour le retirer du marché ou interdire ou restreindre sa mise sur le marché. Ces mesures sont alors notifiées à la Commission européenne.

Par ailleurs le code de la sécurité sociale conditionne la prise en charge des dispositifs médicaux par l’assurance maladie à leur évaluation par la Haute autorité de santé. L’avis rendu comporte notamment une appréciation médico-technique du dispositif ainsi que, le cas échéant, des recommandations sur ses modalités de prescription et d’utilisation.

● Ces techniques obéissent par ailleurs aux règles posées par le titre II du livre Ier de la première partie du code de la santé publique consacré aux recherches impliquant la personne humaine dès lors qu’elles entrent dans le champ de telles recherches ([240]).

Les règles relatives aux recherches impliquant la personne humaine

Pour être qualifiée de « recherche impliquant la personne humaine », la recherche doit être réalisée sur une personne et son objet doit porter sur le développement des connaissances biologiques ou médicales.

Il existe trois catégories de recherches impliquant la personne humaine :

– les recherches interventionnelles comportant une intervention sur la personne non justifiée par sa prise en charge habituelle, comme les recherches portant sur des médicaments ou sur d’autres produits de santé. Ces recherches ne peuvent être mises en œuvre qu’après un avis éthique favorable d’un comité de protection des personnes et une autorisation de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, qui se prononce sur la sécurité des dispositifs utilisés ;

– les recherches interventionnelles qui ne comportent que des risques et des contraintes minimes, dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé, après avis du directeur général de l’ANSM. Ce type de recherche peut comporter l’utilisation de produits de santé utilisés dans leurs conditions habituelles d’utilisation ainsi que des actes peu invasifs tels que des prélèvements sanguins ou une imagerie non invasive. Leur mise en œuvre est subordonnée à un avis favorable d’un comité de protection des personnes ;

– les recherches non interventionnelles, qui ne comportent aucun risque ni contrainte et dans lesquelles tous les actes sont pratiqués et les produits utilisés de manière habituelle. Il peut par exemple s’agir d’observations portant sur l’observance de traitements. Leur mise en œuvre est subordonnée à un avis favorable d’un comité de protection des personnes.

Les recherches sont dirigées et surveillés par des personnes physiques dénommées investigateurs. Le promoteur de la recherche est personne physique ou morale qui est responsable d’une recherche et en assure la gestion.

Les personnes qui se prêtent à ces recherches doivent avoir été informées et donné leur consentement ou, pour les recherches ne comportant aucun risque ni contrainte, ne pas s’y être opposées.

La recherche doit par ailleurs être réalisée dans des lieux disposant des moyens humains et matériels nécessaires, qui doivent, dans certains cas, avoir fait l’objet d’une autorisation par l’agence régionale de santé.

Des règles de vigilance très strictes sont enfin prévues. Des règles de vigilance propres aux recherches s’appliquent aux recherches les plus à risques tandis que les règles relatives à la vigilance du soin s’appliquent aux autres recherches.

● Certains dispositifs de neuro-modulation sans finalité médicale entrent dans le champ des directives 2014/35/UE ([241]) dite « basse tension » et 2006/66/CE ([242]) dite « pile », car ils ont un chargeur externe. Ils doivent donc respecter les objectifs de sécurité fixés par ces directives.

La majorité relève toutefois du champ de la directive 2014/53/UE ([243]) dite « RED », car ils fonctionnent, pour la plupart, avec des signaux optiques ou des ondes sonores comme le « bluetooth ».

Il s’agit, par exemple, de bandeaux dotés de capteurs d’électroencéphalographie qui analysent l’activité cérébrale, le rythme cardiaque et les mouvements de l’utilisateur pendant son sommeil et qui transmettent des sons par conduction osseuse du front à l’oreille interne, afin d’améliorer le sommeil, ou de casques qui, fondés sur une technologie de « neurofeedback », mesurent l’activité cérébrale et proposent à l’utilisateur de la contrôler, en diffusant des sons dont le volume s’adapte à son niveau de concentration à des fins de relaxation.

Tous ces dispositifs doivent respecter les objectifs de sécurité fixés par la directive.

Pour leur part, les dispositifs de stimulation cérébrale transcrânienne au moyen de champs magnétiques ou électromagnétiques ou de courants électriques, comme les casques qui mesurent et modifient sur commande les ondes électriques du cerveau pour produire un effet calmant ou énergisant ou ceux qui ont pour but d’améliorer les performances sportives par impulsions électriques dans le cortex moteur, entreront, à compter du 26 mai 2020, dans le champ du règlement européen 2017/745/UE relatif aux dispositifs médicaux, en application du point 6 de son annexe XVI. Ainsi, leur conformité devra être attestée par l’intervention d’un organisme notifié en fonction de la classe de risque du produit, au même titre qu’un dispositif médical.

Les dispositifs de neuro-modulation qui ne seraient pas couverts par l’une de ces réglementations devraient, en tout état de cause, respecter les règles relatives à la sécurité générale des produits qui figurent aux articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de la consommation ([244]), être l’objet de contrôles conduits par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes et entrer dans le champ d’intervention du réseau d’alerte européen RAPEX, qui permet de procéder au rappel ou au retrait de produits.

II.   Les Évolutions prÉvues par le projet de loi

 Aujourd’hui, un nombre croissant de dispositifs de neuro-modulation, le plus souvent présentés comme à finalité non médicale, sont disponibles en accès libre sur le marché ou sur internet. Il convient de mieux en encadrer l’usage.

Le recours aux techniques de neuro-modulation comporte en effet deux risques principaux :

– les risques pour la santé des consommateurs que peuvent présenter les équipements sans finalité médicale. Ces dispositifs, même s’ils ne sont pas toujours invasifs, peuvent en effet être « interventionnels ». En outre, leurs effets réels – efficaces et délétères – sont insuffisamment évalués voire très mal connus ;

– les dérives contraires aux principes de dignité et d’intégrité de la personne humaine, de protection de la vie privée et de non-discrimination, auxquelles les équipements de neuro-modulation, avec ou sans finalité médicale, peuvent donner lieu. Il en va ainsi, par exemple, s’ils sont utilisés pour influencer les décisions ou les comportements d’une personne à des fins commerciales.

Dans son avis n° 129 sur la révision de la loi de bioéthique, le Comité consultatif national d’éthique a mis en évidence les enjeux éthiques de l’usage de la neuro-amélioration, entendue comme « le recours par des sujets non malades à des techniques biomédicales (médicaments et dispositifs médicaux) détournées de leur utilisation en thérapeutique ou en recherche dans un but supposé d’amélioration psycho-cognitive » ([245]).

Ces enjeux « concernent au premier chef l’autonomie : la personne se croit libre de son choix, mais elle est en réalité sous l’effet d’une injonction à la performance. La justice sociale est également questionnée avec un risque (si la neuro-amélioration est efficace) d’accentuation des inégalités des chances et d’émergence d’une classe sociale “améliorée” contribuant à aggraver encore l’écart entre populations riches et pauvres. Le rapport bénéfice/risque et notamment le risque éventuel de dépendance ne sont pas connus et extrêmement difficiles à étudier de façon rigoureuse. Enfin, l’utilisation de techniques biomédicales chez des personnes non malades questionne la place même de la médecine et du médecin. Le risque du recours à la neuro-amélioration est de transformer l’image que l’on a de l’individu en “performeur”, avec tout ce que cela signifie en termes d’injonction, de normativité, de domination et d’inégalités sociales ».

 Aussi, afin d’éviter les risques pour la santé humaine que peut présenter l’usage des techniques de neuro-modulation, le 2° du I de l’article 13 du projet de loi propose d’introduire un nouvel article L. 1151-4 au sein du chapitre Ier du titre V du livre premier du code de la santé publique qui est consacré aux mesures de protection dans le cadre de la prévention des risques liés à certaines activités diagnostiques, thérapeutiques ou esthétiques.

Reprenant la rédaction de l’article L. 1151-3 relatif aux actes à visée esthétique qui présentent un danger pour la santé humaine, ce nouvel article prévoit que les actes, procédés, techniques, méthodes et équipements, qui ont pour objet de modifier l’activité cérébrale et présentent un danger grave ou une suspicion de danger grave pour la santé humaine, peuvent être interdits par décret après avis de la Haute autorité de santé. Toute décision de levée de l’interdiction est prise en la même forme.

En conséquence, le 1° du I de l’article 13 propose d’ajouter à l’intitulé du titre V du livre Ier de la première partie du code de la santé publique, relatif à la prévention des risques liés à certaines activités diagnostiques, thérapeutiques ou esthétiques, la mention des activités de neuro-modulation.

Enfin, le II de l’article 13 effectue une coordination au sein de l’article L. 161-37 du code de la sécurité sociale : il complète les compétences de la Haute autorité de santé en prévoyant qu’elle est chargée de rendre un avis sur les projets de décret visant à interdire les dispositifs destinés à modifier l’activité cérébrale et les actes à visée esthétique dangereux – la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 ayant omis de procéder à cette dernière coordination.

 Les objectifs de protection de la santé et de sauvegarde de la dignité de la personne humaine poursuivis par l’article 13 doivent être salués. Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d’État a d’ailleurs souligné que « les limitations à la liberté d’entreprendre qui peuvent en résulter peuvent être admises au regard du principe constitutionnel de protection de la santé (CC, 8 janvier 1991, n° 90283 DC et 16 janvier 1991, n° 90287 DC) comme du principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine (CC, 27 juillet 1994, n° 94343/344 DC) : elles sont en effet justifiées par l’existence d’un danger grave ou d’une suspicion de danger grave pour la santé humaine et proportionnées à ces risques ».

Cependant, le moyen proposé, inspiré de l’article L. 1151-3 du code de la santé publique, appelle les observations suivantes.

Depuis sa création il y a dix ans, l’article L. 1151-3 n’a fait l’objet que d’une seule mise en œuvre, avec le décret n° 2011-382 du 11 avril 2011 relatif à l’interdiction de la pratique d’actes de lyse adipocytaire à visée esthétique, qui a en outre été en partie annulé par le juge administratif.

Soulignant le décalage entre l’avis de la Haute autorité de santé, qui affirmait que la mise en œuvre de certaines techniques à visée lipolytique présentait une suspicion de danger grave, et le document sur lequel il s’appuyait, qui relevait que les éventuelles complications, prévisibles et légères, ne nécessitaient aucun traitement et que les effets indésirables disparaissaient rapidement, le Conseil d’État a considéré que « le Premier ministre ne pouvait, sans erreur manifeste d’appréciation, estimer que la mise en œuvre de ces techniques de lyse adipocytaire présentait une suspicion de danger grave pour la santé humaine » ([246]). Cette décision illustre ainsi l’imprécision des notions de « danger grave » et surtout de « suspicion de danger grave » qui peuvent, par conséquent, donner facilement lieu à des contentieux.

Par ailleurs, comme l’a souligné la Haute autorité de santé dans son avis sur le projet de loi, si les pratiques visant à modifier l’activité cérébrale, comme celles à visée esthétique, changent régulièrement de noms et si leurs mécanismes d’action sont mal décrits, un décret d’interdiction citant un nom et un mécanisme d’action précis risque d’être rapidement obsolète.

 


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TITRE IV

SOUTENIR UNE RECHERCHE LIBRE ET RESPONSABLE
AU SERVICE DE LA SANTÉ HUMAINE

Chapitre Ier
Aménager le régime actuel de recherches sur l’embryon
et les cellules souches embryonnaires

Article 14
Différenciation des régimes juridiques d’autorisation s’appliquant à l’embryon et aux cellules souches embryonnaires

Adopté par la commission avec modifications

    Résumé du dispositif initial

L’article 14 vise à clarifier le régime juridique des recherches portant sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires.

En premier lieu, il identifie au sein d’un nouvel article du code de la santé publique le régime juridique des recherches portant sur les gamètes destinés à constituer un embryon ou sur un embryon destiné à naître. Ces dernières relèvent en effet du régime des recherches impliquant la personne humaine nécessitant une autorisation de l’Agence nationale du médicament et des produits de santé (ANSM) et l’avis d’un comité de protection des personnes (CPP).

Il procède ensuite à la distinction des régimes juridiques relatifs aux recherches sur les embryons et les cellules souches embryonnaires. Aujourd’hui soumises à l’autorisation de l’Agence de la biomédecine (ABM), les recherches feront l’objet d’une autorisation pour les premières et d’une simple déclaration auprès de l’ABM pour les secondes.

S’agissant des recherches portant sur l’embryon, l’article 14 du texte prévoit une durée maximale de culture des embryons in vitro de 14 jours.

S’agissant des recherches portant sur les cellules souches embryonnaires, le texte assortit l’assouplissement de la procédure de plusieurs garanties :

– une faculté d’opposition est accordée au directeur général de l’ABM, le cas échéant éclairé par un avis de son conseil d’orientation pour les protocoles de recherche hautement sensibles ;

– les recherches doivent s’inscrire soit dans un protocole de recherche sur l’embryon dûment autorisé, soit dans l’autorisation accordée par l’Agence de la biomédecine pour l’importation de cellules souches embryonnaires ;

– l’interdiction et la suspension des recherches peuvent être décidées par le directeur général de l’ABM en cas non-respect des exigences, après avis du conseil d’orientation de l’ABM.

Les dispositions pénales prévues par le code de la santé publique et le code pénal en cas de non-respect des obligations légales et règlementaires sont adaptées à ce nouveau cadre juridique.

    Modifications apportées par la commission

Outre quelques amendements rédactionnels, la commission a procédé à plusieurs modifications :

– sur proposition du rapporteur, elle a précisé que les recherches sur l’embryon visent à porter notamment sur les causes de l’infertilité (amendement n° 2223) ;

– elle a adopté deux amendements identiques, dont un du rapporteur, visant à soumettre à la déclaration auprès de l’Agence de la biomédecine les protocoles de recherche portant sur les cellules souches embryonnaires ayant pour objet leur « insertion dans un embryon animal dans le but de son transfert chez la femelle » (amendements n° 2224 et n° 2027) ;

– elle a adopté deux amendements identiques, dont un du rapporteur, visant à soumettre la conservation des cellules souches embryonnaires à un régime de déclaration et non plus d’autorisation (amendements n° 2252 et n° 2028).

I.   Le droit en vigueur

La recherche portant sur l’embryon humain est encadrée par les articles L. 2151-1 à L. 2151-8 du code de la santé publique. Le même régime juridique s’applique aux cellules souches embryonnaires.

1.   Des recherches autorisées depuis 2013

Depuis la loi n° 2013-715 du 6 août 2013 ([247]), toute recherche fait l’objet d’une autorisation. D’abord interdites en 1994, les recherches ont par la suite été autorisées à titre temporaire et dans un cadre dérogatoire en 2004 avant d’être pérennisées.

a.   Une autorisation sous conditions

● Les recherches, autorisées par l’Agence de la biomédecine, doivent en outre remplir certaines conditions. Celles-ci ont trait aux protocoles de recherche, aux embryons utilisés et au consentement.

Des conditions scientifiques et éthiques sont posées par le I de l’article L. 2151-5 :

– la pertinence scientifique doit tout d’abord être établie ;

– la recherche doit par ailleurs s’inscrire dans une finalité médicale, cette condition étant posée depuis la loi du 6 août 2013 ([248]) ;

– l’absence de méthode alternative constitue enfin une troisième condition, même si ce terme n’est plus expressément utilisé depuis la loi du 6 août 2013. Il s’agit de démontrer qu’« en l’état des connaissances scientifiques, cette recherche ne peut être menée sans recourir à ces embryons ou ces cellules souches embryonnaires ». Sur ce fondement, sont donc privilégiées les recherches sur les animaux ou leurs embryons avant d’opérer des études sur l’être humain, même au stade "potentiel" attaché à l’embryon. Le critère de la méthode alternative fait notamment débat s’agissant des recherches sur les cellules souches. Des opposants à la manipulation des embryons humains arguent de cette condition pour privilégier le développement des recherches sur les cellules souches adultes. De nombreux chercheurs estiment au contraire que ces deux types de recherche sont complémentaires et ne peuvent pas être opposés ([249]).

Pour être autorisées, les recherches doivent aussi respecter les « principes éthiques relatifs à la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires ». Les principes éthiques visent non seulement les principes fondamentaux édictés par les articles 16 à 16-8 du code civil mais aussi les interdits mentionnés aux articles L. 2151-1 à L. 2151-4 du code de la santé publique. Non revêtus de la personnalité morale, les embryons n’en sont pas moins appréhendés comme des personnes humaines potentielles à qui le respect est dû. C’est pourquoi le législateur a édicté des finalités interdites aux recherches portant sur eux.

La portée des principes éthiques relatifs à la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires

– Interdiction du clonage reproductif ;

– Interdiction de la conception in vitro d’embryons et de la constitution par clonage d’embryons humains à des fins de recherche ;

– Interdiction de la création d’embryons transgéniques et chimériques  ;

– Interdiction de la conception et du clonage d’embryons et de leur utilisation à des fins commerciales ou industrielles ;

– Interdiction de constituer par clonage un embryon humain à des fins thérapeutiques ;

– Principes fondamentaux des articles 16 à 16-8 du code civil (droit à la dignité, droit à la vie, droit au respect du corps humain, inviolabilité du corps humain, non patrimonialité du corps humain, respect du corps humain au-delà de la mort, prohibition des pratiques eugéniques, principe d’anonymat du don).

Source : Étude d’impact.

● S’il est interdit de concevoir des embryons à des fins exclusives de recherche, il est cependant nécessaire de pouvoir disposer de ce « matériau » pour engager des protocoles. Le II de l’article L. 2151-5 dispose ainsi que les recherches ne peuvent être engagées « qu’à partir d’embryons conçus in vitro dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation et qui ne font plus l’objet d’un projet parental ».

Les embryons concernés sont donc les embryons surnuméraires qui sont aujourd’hui conservés et qui, aux termes de l’article L. 2141-4, ne font plus l’objet d’un projet parental (cf. commentaire de l’article 1er).

● S’agissant de recherches menées sur des embryons initialement conçus en vue d’une assistance médicale à la procréation, leur devenir doit faire l’objet du consentement des membres du couple ou du membre survivant dans les conditions prévues par les articles L. 2141-4 et L. 2141-5.

Aux fins d’une décision éclairée, l’article L. 2151-5 formule d’abord une obligation d’information sur le devenir des embryons lorsqu’ils ne font plus l’objet d’un projet parental. La recherche est l’une des trois nouvelles finalités au côté de l’accueil de l’embryon par un autre couple ou de leur destruction par simple arrêt de la conservation.

Le consentement fait l’objet d’un écrit et doit être confirmé après un délai de réflexion de trois mois. Il est par ailleurs révocable sans motif tant que les recherches n’ont pas débuté.

b.   L’encadrement de la mise en œuvre des recherches

Impliquée dans la validation du protocole de recherche pour lequel elle délivre une autorisation, l’Agence de la biomédecine l’est aussi dans les conditions de mise en œuvre.

L’article L. 2151-7 dispose qu’elle délivre une autorisation lorsqu’un organisme « assure, à des fins de recherche, la conservation d’embryons ou de cellules souches embryonnaires ».

S’agissant des cellules souches embryonnaires, la loi prévoit, depuis 2004, la possibilité d’importer ou d’exporter des cellules souches embryonnaires aux fins de recherche ([250]) sous réserve d’une autorisation délivrée par l’Agence de la biomédecine.

c.   Depuis 2013, la France tente de rattraper son retard

Selon l’étude d’impact, 19 protocoles de recherche portant sur l’embryon humain ont été autorisés depuis 2005, 11 d’entre eux ayant été autorisés entre 2006 et 2008, « dont la majorité visait à dériver de nouvelles lignées de cellules souches embryonnaires », « un seul entre 2009 et 2013 » et « 7 autorisations délivrées entre 2014 et 2017 à 6 équipes » ([251]).

Selon le même document, 79 protocoles de recherche sur les cellules souches embryonnaires ont été autorisés depuis 2005, « l’essentiel des demandes concerne des lignées importées ou dérivées en France à partir d’embryons issus de diagnostic préimplantatoire » ([252]).

Ces recherches, particulièrement celles portant sur les cellules souches embryonnaires, permettent d’espérer un bond en avant thérapeutique. Dans son rapport au Parlement et au Gouvernement, l’Agence de la biomédecine souligne que « treize essais cliniques sont en cours dans le monde dans des pathologies utilisant des précurseurs dérivés de [cellules souches embryonnaires]. Les essais cliniques en cours en 2015 concernent trois types de maladie : rétinienne, cardiaque post-ischémie et diabète » ([253]).

Les travaux de la mission d’information sur la révision de la loi relative à la bioéthique soulignent par ailleurs que l’étude des cellules souches embryonnaires « permet d’envisager des techniques de soins procédant de la médecine régénérative : on peut ainsi espérer régénérer des tissus et des organes des patients ». Le rapport cite en exemple le succès remporté par une équipe de chercheurs anglais, en mars 2017, ayant permis à deux patients atteints de cécité, à la suite d’une accélération brutale d’une dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), de retrouver la vue ([254]).

En la matière, la France, en autorisant timidement la recherche sur les cellules souches embryonnaires, a accumulé du retard au regard des développements constatés dans d’autres pays. Le hiatus, qui est en train de se réduire, se heurte également à quelques lourdeurs administratives et à un défaut de maîtrise du contexte législatif et réglementaire ([255]).

2.   La recherche sur les embryons destinés à être implantés

Deux régimes de recherches portant sur l’embryon coexistent aujourd’hui.

Lorsqu’elle porte sur un embryon ne faisant plus l’objet d’un projet parental, la recherche s’inscrit dans les conditions précédemment décrites formées par les I à IV de l’article L. 2151-5 : autorisation délivrée par l’Agence de la biomédecine, la destruction de l’embryon constituant le terme de l’étude.

Lorsqu’elle porte sur un embryon faisant l’objet d’un projet parental, elle s’inscrit dans le cadre du V de l’article L. 2151-5 en tant que « recherches biomédicales menées dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation ».

Ces recherches peuvent être conduites sur les gamètes destinés à constituer un embryon ou sur l’embryon in vitro avant ou après son transfert à des fins de gestation. Le régime applicable est celui des « recherches impliquant la personne humaine » qui requiert une autorisation délivrée par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et l’avis d’un comité de protection des personnes (CPP). Dans ce contexte, le consentement requis est exprimé par le couple.

3.   Des enjeux justifiant une évolution du droit actuel

Plusieurs enjeux méritent d’être soulignés, depuis l’instauration d’un cadre juridique distinct pour la recherche sur les cellules souches jusqu’à l’encadrement de la recherche sur les cellules souches pluripotentes induites en passant par la fixation d’une durée de culture des embryons et la modification du génome des embryons.

a.   L’assouplissement du régime des recherches sur les cellules souches embryonnaires

Le régime juridique de la recherche portant sur les cellules souches embryonnaires est aujourd’hui assimilé à celui des recherches portant sur l’embryon. Plusieurs acteurs plaident en faveur d’une distinction partant du constat que « les questions éthiques concernant leur utilisation ne sont pas celles de l’embryon » ([256]) :

– ces cellules ne se caractérisent pas par une totipotence puisque, après leur extraction de l’embryon, elles ne permettent pas de reconstituer un embryon humain ;

– les protocoles de recherche portent sur des lignées de cellules souches embryonnaires dérivées d’un embryon originel il y a quelques années. 

Suivant nombre de publications, le comité consultatif national d’éthique ([257]) plaide en faveur d’un allégement des contraintes pesant sur la recherche sur les cellules souches embryonnaires, comme d’ailleurs le rapport de la mission d’information sur la révision de la loi relative à la bioéthique.

La création d’un régime juridique propre aux cellules souches embryonnaires ne supprime l’obstacle éthique constitué par la destruction de l’embryon. On soulignera à cet égard que la création de cellules souches dérivées implique nécessairement la destruction de l’embryon au contraire des cellules pluripotentes induites. Un régime juridique spécifique permettant d’alléger les obligations opposées aux chercheurs tout en circonscrivant la question de la destruction de l’embryon à la recherche sur l’embryon.

Les cellules souches embryonnaires

« Les cellules souches embryonnaires sont prélevées sur des embryons (au niveau de la masse cellulaire interne ([258]) entre le 5eme et le 7eme jour de leur développement après une fécondation in vitro (stade blastocyste).

L’extraction de ces cellules les « gèle » dans leur état de pluripotence (qui est transitoire et fugace in vivo puisque ces cellules se différencient rapidement pour constituer, à terme, les différents tissus et organes). In vitro, dans des conditions de culture très précises, cette pluripotence peut se perpétuer à l’identique de façon indéfinie au cours des divisions cellulaires successives. Elle permet d’obtenir des lignées de cellules souches embryonnaires.

Toutefois, en changeant les conditions de culture et en sélectionnant des milieux spécifiques (combinaisons de molécules et de substrats), la différenciation de ces cellules peut être déclenchée et orientée dans une voie tissulaire donnée (cellules spécialisées de type neurones, cellules cardiaques, etc.).

Ces propriétés (auto-renouvèlement et pluripotence) font des cellules souches embryonnaires des candidats incontournables dans les traitements de thérapie cellulaire (en cas de défaillance d’organes ou de tissus). 

Depuis 1998, plusieurs centaines de lignées de cellules souches embryonnaires ont été dérivées et caractérisées dans le monde, et sont utilisées par de très nombreux laboratoires.

Ces cellules pluripotentes ne doivent pas être confondues avec les cellules totipotentes de l’embryon (jusqu’à ce que le développement de l’embryon atteigne huit cellules) qui pourraient, chacune prise isolément, constituer un embryon humain, mais qui ne peuvent techniquement pas être mise en culture. »

Source : Étude d’impact, p 297

b.   L’encadrement de la recherche sur les cellules souches pluripotentes induites

Souvent opposée à la recherche sur les cellules souches embryonnaires, celle portant sur les cellules souches pluripotentes induites ou cellules iPS se révèle en fait complémentaire et n’est pas exempte de questionnements éthiques.

Les cellules iPS sont obtenues en reprogrammant une cellule somatique ([259]) différenciée adulte vers un état de pluripotence. Les lignées cellulaires présentent des propriétés proches sans être identiques à celles des cellules souches embryonnaires et peuvent être différenciées à nouveau. Il semble toutefois qu’« en raison de caractéristiques encore incomplètement comprises, d’une efficacité potentiellement moindre en termes de différenciation et d’une incertitude sur leur innocuité » ([260]), la recherche sur les cellules iPS présente des enjeux non négligeables. L’étude d’impact souligne ainsi que « reprogrammer une cellule est un processus artificiel qui force la cellule à adopter un destin et un comportement qui ne sont initialement pas les siens » ([261]). C’est la raison pour laquelle « depuis 2008, de plus en plus de projets utilisent les cellules souches embryonnaires comme contrôle de pluripotence des cellules souches pluripotentes induites » ([262]). En l’espèce, la cellule souche embryonnaire constitue l’étalon de référence (« gold standard ») de tout projet de recherche.

L’étude d’impact évoque plusieurs pistes de recherche fondamentale justifiant un encadrement législatif tant les questionnements sont majeurs.

Citant un avis du conseil d’orientation de l’Agence de la biomédecine, l’étude d’impact liste ainsi quelques difficultés : le surgissement de la création d’embryons à des fins de recherche à l’occasion d’études menées sur la gamétogenèse et la fécondance des gamètes obtenus à partir de cellules souches adultes reprogrammées, les effets incertains du recours à des cellules germinales issues de cellules iPS à des fins thérapeutiques sur la santé de l’enfant à naître ou les questionnements posés par la possibilité d’un engendrement affranchi de la procréation sexuée avec la production de gamètes à partir de cellules iPS.

Une autre voie de recherche fondamentale consisterait à développer des structures baptisées « gastruloïdes » ([263]). Pseudo-embryons artificiels, ces entités possèdent différentes caractéristiques des stades précoces du développement embryonnaire. Testée sur des souris, cette voie de recherche constitue ainsi une méthode alternative à l’expérimentation animale en réduisant le nombre d’animaux utilisés ([264]).

On notera que ces préoccupations éthiques peuvent aussi concerner la recherche sur les cellules souches embryonnaires et justifier un encadrement particulier.

Comme relevé par l’étude d’impact, ces recherches ne font l’objet d’aucun encadrement spécifique et relèvent soit de l’article L. 1243-3 du code de la santé publique (déclaration au ministère chargé de la recherche des activités de préparation et conservation d’éléments ou produits du corps humain, y compris la constitution de collections d’échantillons biologiques humains) soit des articles L.  1121-1 et suivants du code de la santé publique qui encadrent les recherches impliquant la personne humaine lorsqu’un prélèvement est opéré sur une personne (autorisation de l’ANSM et avis d’un CPP).

c.   La fixation d’une durée maximale de culture des embryons

La question de l’allongement de la durée de culture des embryons faisant l’objet d’une recherche est liée à celle de la fixation d’une durée maximale.

Suivant les recommandations du comité consultatif national d’éthique, la recherche portant sur l’embryon est alignée sur la durée de culture des embryons issus d’une fécondation in vitro fixée à sept jours. Cette dernière n’est fixée par aucun texte et constitue aujourd’hui une barrière symbolique intégrée dans tous les protocoles de recherche.

Suivant les recommandations du Conseil d’État, il apparaît primordial de fixer une limite par loi, ce critère apportant une garantie dans la conduite des recherches sur l’embryon. Aujourd’hui, cette limite est laissée à l’appréciation de l’Agence de la biomédecine et peut faire l’objet d’un recours contentieux.

L’Agence de la biomédecine ([265]), comme d’ailleurs les professionnels auditionnés par la mission d’information sur la révision de la loi relative à la bioéthique, propose également d’étendre la durée de culture à 14 jours, cette limite étant reconnue comme acceptable car correspondant au début de la différenciation de l’embryon et l’apparition du système nerveux.

Cette extension est également motivée par l’apparition de nouvelles techniques de culture permettant de conserver un embryon in vitro jusqu’à cette limite.

Elle permettrait enfin de conduire de nouvelles recherches destinées à mieux connaître le développement de l’embryon et son implantation dans l’utérus. L’étude d’impact souligne à cet effet qu’elles permettraient « d’identifier les embryons ayant les meilleures chances d’implantation dans l’utérus » ([266]).

L’extension à quatorze jours présente aussi un intérêt dans le cadre de recherches portant sur l’édition du génome afin d’étudier les gènes intervenant dans le développement de l’embryon.

d.   L’édition du génome

L’édition du génome « consiste à ajouter, enlever, modifier une ou quelques bases dans une séquence d’ADN » ([267]) et constitue une des nouvelles voies des recherches portant sur l’embryon.

La modification du génome humain n’est pas interdite par la Convention d’Oviedo, qui constitue le texte de référence en matière d’éthique biomédicale. Son article 13 prévoit, d’une part, qu’elle ne peut être justifiée que par des raisons préventives, diagnostiques ou thérapeutiques, d’autre part, qu’elle ne doit pas avoir pour but d’introduire une modification dans le génome de la descendance. L’interdiction d’une modification dans le génome de la descendance est par ailleurs reprise à l’article 16-4 du code civil.

En revanche, rien ne s’oppose à l’édition du génome pourvu qu’elle reste cantonnée à la recherche comme cela a été souligné dans l’étude du Conseil d’État ([268]). Il suffirait pour cela de modifier l’article L. 2151-2 du code de la santé publique qui interdit la création d’embryons transgéniques. Le droit actuel autorise donc la suppression ou l’inactivation d’un gène mais ne permet pas de le remplacer par une autre séquence d’ADN, à l’instar de la technique du ciseau moléculaire dite Crispr-Cas9.

Or, l’édition du génome présente un intérêt scientifique majeur. Un consensus international semble se dessiner afin d’interdire, en l’état actuel des connaissances scientifiques, toute édition du génome d’un embryon suivie de son transfert dans l’utérus même si l’on peut regretter que des expérimentations malheureuses aient été tentées en Chine. Toutefois, l’édition du génome portant sur des embryons humains non implantables dans l’utérus et partant, destinés à être détruits, présente un intérêt certain. Cette évolution permettrait aux chercheurs français de prendre part au développement de nouvelles thérapies qui fait l’objet d’une forte concurrence mondiale. L’étude d’impact souligne ainsi qu’« il est indispensable de revitaliser le domaine de la recherche en France, pour lequel il existe une forte compétence insuffisamment mise à contribution » ([269]) .

e.   Le délai de conservation des embryons congelés à des fins de recherche

L’assistance médicale à la procréation (AMP) suppose le recours à différentes techniques parmi lesquelles la fécondation in vitro. Celle-ci implique la conception d’un embryon en dehors de l’utérus qui fera l’objet d’un transfert ultérieur dans celui-ci pour la gestation. Afin d’augmenter les chances d’un développement à terme et d’un événement heureux, il peut être proposé de concevoir plusieurs embryons et d’opérer un tri afin de sélectionner ceux dont le développement est susceptible d’arriver à terme. Dans l’attente du transfert, les embryons surnuméraires sont conservés et congelés (cf. commentaire de l’article 1er).

Lorsque le projet parental aboutit et dès lors que les membres du couple n’envisagent plus de transfert d’embryons en vue d’une nouvelle naissance par AMP, il peut être proposé d’autoriser des recherches sur le ou les embryons surnuméraires.

La loi prévoit la destruction des embryons proposés à l’accueil par d’autres couples mais qui n’ont pas été accueillis dans un délai de cinq ans ainsi que la destruction des embryons pour lesquels les couples ne répondent pas aux relances annuelles ou ne sont pas en accord quant à leur devenir. Aucune disposition n’est prévue pour les embryons donnés à la recherche mais qui ne sont pas inclus dans un protocole.

Selon l’étude d’impact, « il existe une asymétrie entre le nombre d’embryons proposés à la recherche et les besoins réels en la matière ». Près de 20 000 embryons sont ainsi conservés à ce jour, ce volume étant constant depuis plusieurs années, « traduisant le fait que le nombre d’embryons donnés chaque année à la recherche par les couples qui n’ont plus de projet parental est à peu près équivalent à celui des embryons effectivement inclus dans un protocole de recherche la même année » ([270]).

Dans son rapport précité, l’Agence de la biomédecine suggère, parmi ses pistes de travail de « réfléchir à un délai légal de conservation des embryons donnés pour la recherche » ([271]) tout comme le rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) ([272]) qui souligne que « moins de 10 % des 20 000 embryons proposés à la recherche et conservés dans les centres d’assistance médicale à la procréation sont effectivement utilisés ».

II.   Les Évolutions prÉvues par le projet de loi

L’article 14 vise à clarifier le régime juridique des recherches portant sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires.

En premier lieu, il identifie au sein d’un nouvel article du code de la santé publique le régime juridique des recherches portant sur les gamètes destinés à constituer un embryon ou sur un embryon destiné à naître (objet des I et II).

Il procède ensuite à la distinction des régimes juridiques relatifs aux recherches sur les embryons et les cellules souches embryonnaires. Il maintient ainsi le régime d’autorisation pour les premières, instaure un régime de déclaration pour les secondes (objet des et 3° du III et VI) et procède à diverses mesures de coordination (objet des , et du III).

L’assouplissement de la procédure administrative en faveur des recherches portant sur les cellules souches embryonnaires est assorti de garanties : une faculté d’opposition est accordée au directeur général de l’Agence de la biomédecine, le cas échéant éclairé par un avis de son conseil d’orientation pour les protocoles de recherche hautement sensibles, les recherches s’inscrivant par ailleurs soit dans un protocole de recherche sur l’embryon dûment autorisé, soit dans l’autorisation accordée par l’Agence de la biomédecine pour l’importation de cellules souches embryonnaires.

Il vise également à sécuriser la situation des organismes conservant des embryons et des cellules souches en vue d’une assistance médicale pour la procréation mais dont la finalité peut ensuite relever d’une recherche (objet du 4° du III).

Les dispositions pénales prévues par le code de la santé publique et le code pénal en cas de non-respect des obligations légales et règlementaires sont adaptées à ce nouveau cadre juridique (objet des IV et V).

1.   Les recherches sur l’embryon dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation

● Le I vise à individualiser au sein d’un nouvel article le régime des recherches biomédicales menées sur les embryons destinés à être implantés dans l’utérus à des fins de gestation.

Aujourd’hui identifié dans un alinéa de l’article L. 2151-5, ce régime juridique se distingue, par sa finalité, des recherches portant sur un embryon ne faisant plus l’objet d’un projet parental. L’enracinement de deux régimes juridiques pourtant distincts au sein d’un seul et même article prête à confusion.

Le I institue à cet effet un nouvel article L. 2141-3-1 au sein de la section relative aux dispositions générales régissant l’assistance médicale à la procréation.

Le régime juridique actuel est maintenu et a vocation à s’appliquer aux gamètes destinés à constituer un embryon ou à un embryon avant ou après son transfert à des fins de gestation.

Le dispositif est par ailleurs toiletté, le terme « recherches » se substituant à celui de « recherches biomédicales ». Ce dernier terme n’est plus usité depuis l’adoption de la loi Jardé qui lui préfère celui de « recherches impliquant la personne humaine ». La mission d’information sur la révision de la loi relative à la bioéthique avait cependant souligné le malaise provoqué par l’emploi de ces mots pour qualifier des études qui ne portent pas sur une personne humaine mais sur l’embryon, qui relève d’un statut ad hoc. Ces recherches n’en sont pas moins conduites dans les conditions fixées au titre II du Livre Ier de la première partie qui traite bien des recherches impliquant la personne humaine. Cette modification, d’ordre cosmétique, ne modifie donc pas fondamentalement le régime juridique (consentement, intervention d’un comité de protection des personnes, autorisation délivrée par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé).

La nouvelle rédaction ne mentionne plus le terme « in vitro », la recherche pouvant en effet concerner les embryons après qu’ils sont transférés dans l’utérus. Cette modification ne modifie en rien le droit applicable mais introduit une certaine imprécision. La mention « in vitro » ne visait pas tant à signifier l’objet de la recherche (en dehors ou au sein de l’utérus) que le sujet sur lequel est diligentée cette recherche ‑ l’embryon ayant fait l’objet d’une fécondation in vitro. Sans reprendre la rédaction actuelle, une précision pourrait ainsi être proposée pour préserver cette intention.

Enfin, en cohérence avec l’évolution opérée par l’article premier portant extension de l’assistance médicale à la procréation, il est désormais précisé que le consentement à cette recherche est requis par chacun des membres du couple (couple formé d’un homme et d’une femme, couple formé de deux femmes) ou par la femme seule.

● Le II modifie par coordination l’article L. 1125-3 dont le dernier alinéa dispose que les recherches portant sur les gamètes destinés à constituer un embryon ou sur un embryon avant ou après son transfert à des fins de gestation sont autorisées par l’ANSM. Cet alinéa renvoyant au V de l’article L. 2151-5, il est logiquement modifié pour viser le nouvel article L. 2141-3-1.

2.   Des régimes juridiques distincts pour les recherches portant sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires

Le III vise à prévoir des régimes juridiques distincts pour les recherches portant respectivement sur les embryons et les cellules souches embryonnaires.

a.   Le maintien du régime d’autorisation pour les recherches sur l’embryon

Le 1° du II procède ainsi à la rédaction globale de l’article L. 2151-5 qui concernera les recherches portant sur les embryons humains  : elles relèveront toujours d’un régime d’autorisation assorti de conditions scientifiques et éthiques.

● Le I de l’article L. 2151-5 proposé, qui fixe le principe de l’autorisation des recherches et les conditions scientifiques et éthiques requises, reprend l’actuelle rédaction moyennant quelques ajustements.

Sont supprimées toutes les mentions relatives aux cellules souches embryonnaires au premier alinéa ainsi qu’aux 3° et 4° du I (cf. I du présent commentaire d’article sur les enjeux liés à cette modification).

L’autorisation de la recherche s’appuie notamment sur un critère éthique prévu par le 4° du 1°. La rédaction actuelle évoque la notion de « principes éthiques », qui, rappelons-le, fait référence non seulement aux principes fondamentaux édictés par les articles 16 à 16-8 du code civil mais aussi aux interdits mentionnés aux articles L. 2151-1 à L. 2151-4.

L’étude d’impact précise que les articles L. 2151-5 à L. 2151-7 recourent à des formulations différentes alors que l’intention est bien de renvoyer aux mêmes principes éthiques auxquels la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires doivent se soumettre. Il est ainsi procédé à une harmonisation rédactionnelle.

La nouvelle formulation mentionne donc explicitement le renvoi aux principes fondamentaux édictés par les articles 16 à 16-8 du code civil sans préjudice du respect d’autres principes relatifs à la recherche sur l’embryon faisant l’objet d’interdits.

● Le II, qui précise que les recherches ne peuvent porter que sur un embryon surnuméraire, voit également sa rédaction modifiée. Les conditions relatives à l’absence de projet parental, à l’information portant sur les autres finalités assignées à l’embryon (accueil par un autre couple, destruction), au consentement et au délai de réflexion demeurent mais de manière plus implicite. La nouvelle rédaction privilégie un renvoi aux articles L. 2141-4, au dernier alinéa de l’article L. 2131-4 et au troisième alinéa de l’article L. 2141-3 :

‑ modifié par l’article 16 du projet de loi, l’article L. 2141-4 fixe les conditions dans lesquels un embryon conçu dans le cadre d’une AMP est maintenu en conservation ;

‑ le dernier alinéa de l’article L. 2131-4 prévoit la possibilité d’abandonner le projet parental au profit d’une recherche si un diagnostic préimplantatoire fait apparaître une anomalie susceptible de donner naissance à un enfant atteint d’une maladie d’une particulière gravité reconnue comme incurable ou une anomalie gravement invalidante à révélation tardive et mettant en jeu le pronostic vital ;

– le troisième alinéa de l’article L. 2141-3, modifié par l’article premier du projet de loi, prévoit la possibilité de confier à la recherche les embryons conçus dans le cadre d’une fécondation in vitro non susceptibles d’être transférés ou conservés.

Le II est également modifié pour tenir compte de l’extension de l’AMP opérée par l’article premier du projet de loi. La conception d’embryons in vitro à des fins de procréation étant étendue aux couples de femmes et aux femmes seules, l’abandon du projet parental peut également aboutir, dans ces situations parentales, à consentir à ce que des embryons surnuméraires fassent l’objet d’une recherche.

● Le III, qui concerne les conditions de vérification des protocoles de recherche par l’Agence de la biomédecine, est modifié sur plusieurs points.

La vérification opérée par l’Agence de la biomédecine, aujourd’hui circonscrite à la validité du protocole de recherche au regard des critères scientifiques et éthiques, est étendue, par renvoi au II, aux conditions dans lesquelles il est procédé au transfert de l’embryon à la recherche.

Selon les informations transmises au rapporteur, cette précision vise à clarifier les responsabilités respectives des centres d’AMP et de l’Agence de la biomédecine. La responsabilité de la vérification effective des consentements incombe en effet aux premiers. L’Agence doit par contre s’assurer, lors de l’autorisation de la recherche, des conditions dans lesquelles les consentements sont ou seront obtenus (notamment au travers de formulaires types).

Le Gouvernement a par ailleurs indiqué qu’« à l’occasion des recours introduits par des opposants à la recherche sur l’embryon en vue d’obtenir l’annulation de certaines autorisations de recherche délivrées par l’Agence de la biomédecine, la question de la vérification du consentement a été soulevée à de nombreuses reprises. La répartition des compétences dans ce domaine a été source d’interrogation du fait de la rédaction de l’actuel II [de l’article L. 2151‑5]. Même si récemment, le Conseil d’État s’est prononcé dans le sens du projet de loi, la clarification du texte par renvoi aux conditions dans lesquelles il est procédé au transfert de l’embryon à la recherche est apparue souhaitable ».

Sont par ailleurs modifiées les conditions dans lesquelles un nouvel examen du protocole de recherche est demandé à l’Agence de la biomédecine par les ministres chargés de la santé et de la recherche soit en cas de doute sur les exigences éthiques ou scientifiques (1° du III), soit dans l’intérêt de la santé publique ou de la recherche scientifique (2° du III).

Le 1° du III enjoint l’Agence à  réitérer l’examen d’un dossier en cas de doute sur le respect des principes éthiques ou la pertinence scientifique. En cas de confirmation de la décision d’autorisation, la validation du protocole est « réputée acquise ». Par cohérence avec la modification opérée au I de l’article, les termes de « principes éthiques » sont remplacés au profit d’un renvoi au 4° du I qui vise désormais les principes édictés par le code civil et les interdits relatifs à la recherche sur l’embryon. Par ailleurs, le même 1° dispose désormais que, durant le temps imparti au nouvel examen du dossier, dont la durée est toujours fixée à 30 jours, l’autorisation est suspendue.

Le 2° du III n’est pas modifié au regard du droit actuel. Il permet le réexamen du dossier refusé, dans l’intérêt de la santé publique ou de la recherche scientifique. En cas de confirmation de la décision, le refus du protocole est « réputé acquis ».

Le III est complété par un alinéa disposant qu’en cas de violation des prescriptions législatives et réglementaires ou de celles fixées par l’autorisation, cette dernière peut être suspendue ou retirée tandis qu’une inspection peut être diligentée par l’Agence de la biomédecine. Le même alinéa dispose que les experts diligentés par l’inspection ne présentent pas de lien avec l’équipe de recherche.

Le IV, qui interdit le transfert à des fins de gestation des embryons ayant fait l’objet d’une recherche, est complété par une disposition relative à la durée maximale de culture des embryons in vitro, fixée à 14 jours (cf. I du commentaire d’article sur les enjeux liés à cette modification).

b.   La création d’un régime de déclaration encadré pour les recherches sur les cellules souches embryonnaires

● Le 2° du II vise à transférer les dispositions de l’actuel article L. 2151-6 (modifié par le 3° du II) au sein de l’article L. 2151-8, dont les dispositions actuelles sont transférées dans un article L .2151-11 par l’effet du 6° du II.

Ainsi rédigé, l’article L. 2151-8 prévoit la possibilité d’autoriser l’importation ou l’exportation des cellules souches embryonnaires. Aujourd’hui,l’autorisation ne peut être accordée que si ces cellules souches ont été obtenues dans le respect des principes fondamentaux prévus par les articles 16 à 16-8 du code civil. La nouvelle rédaction allège la procédure d’autorisation en enjoignant le demandeur à produire une attestation de conformité aux principes éthiques.

● Le 3° du II fixe le régime juridique de la recherche portant sur les cellules souches embryonnaires au sein de l’article L. 2151-6.

Celui-ci serait désormais structuré en quatre subdivisions numérotées de I à IV.

Le I soumet les protocoles de recherche à une déclaration effectuée auprès de l’Agence de la biomédecine.

Le II circonscrit le périmètre des protocoles de recherche aux lignées de cellules souches dérivées dans le cadre d’un protocole de recherche sur l’embryon déjà autorisé ainsi qu’aux cellules souches ayant fait l’objet d’une autorisation d’importation.

Le 1° du II prévoit que les recherches ne pourront porter que sur les cellules souches dérivées d’embryons dans le cadre d’un protocole de recherche préalablement autorisé par l’Agence de la biomédecine. En d’autres termes, cette procédure de déclaration ne vise qu’à exploiter des cellules déjà dérivées, d’une part, en évitant d’avoir à solliciter une nouvelle autorisation alors que le protocole de recherche sur l’embryon a été dûment autorisé, d’autre part, en circonscrivant au régime d’autorisation de la recherche sur l’embryon la constitution d’éventuelles nouvelles lignées impliquant sa destruction.

Le 2° du II dispose que le régime déclaratif s’appliquera également aux recherches sur les cellules souches embryonnaires ayant fait l’objet d’une autorisation d’importation.

Interrogé sur la portée de cette disposition, le Gouvernement a indiqué que « les recherches autorisées sous le régime précédant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi de bioéthique le demeureront pour la durée accordée par l’autorisation » mais que « l’articulation [avec les nouvelles dispositions], en cas de reconduite d’un projet dont l’autorisation arrive à expiration, sera précisée par voie réglementaire ».

Le III prévoit les conditions dans lesquelles le directeur général de l’Agence de la biomédecine peut exercer une faculté d’opposition à la recherche déclarée dans un délai fixé par voie réglementaire. Selon les informations transmises au rapporteur, « il est vraisemblable qu’un délai de deux mois sera défini, sauf nécessité de consulter le conseil d’orientation (notamment pour les protocoles visant à différencier les CSEh en gamètes ou à constituer des gastruloïdes), auquel cas le délai pourrait être de 3 mois [cf. ci-après] ».

Cette faculté d’opposition s’exerce dans des conditions similaires à celles prévalant pour l’autorisation de la recherche. L’opposition peut être motivée par le non-respect d’exigences scientifiques, éthiques ou liées au protocole princeps :

‑ au titre des exigences scientifiques figurent la finalité médicale de la recherche fondamentale et appliquée ou la pertinence scientifique ;

‑ au titre des exigences éthiques figurent le respect des principes fondamentaux du code civil et des finalités interdites mentionnées par les articles L. 2151-1 à L. 2151-4 (cf. présentation du droit existant) ;

‑ l’absence d’une autorisation accordée soit dans le cadre soit d’une recherche sur l’embryon, soit d’une importation de lignées. Interrogé sur la portée de cette disposition, le Gouvernement a confirmé au rapporteur que la suspension de l’autorisation de recherche aura pour effet de suspendre les protocoles utilisant les lignées concernées « uniquement si le motif d’annulation porte sur les étapes de dérivation des lignées ». La suspension de l’autorisation d’importation, quant à elle, aura pour effet de suspendre tout protocole utilisant la lignée concernée.

On relèvera cependant que ce nouveau régime juridique ne reprend pas le troisième critère scientifique relatif à l’absence de méthodes alternatives qui conditionne encore la recherche sur l’embryon.

Dans le cas des recherches ayant pour objet la différenciation des cellules souches en gamètes ou « l’agrégation de ces cellules avec des cellules précurseurs de tissus extra-embryonnaires », la faculté d’opposition ne peut s’exercer qu’après avis préalable du conseil d’orientation de l’Agence rendu public. À l’évidence, ces dernières recherches se caractérisent par leur haute sensibilité : on se reportera au I du présent commentaire sur la présentation de ces enjeux.

Les termes employés visent la constitution de gastruloïdes, qui, selon les précisions apportées par le Gouvernement, « sont obtenus par agrégation de cellules pluripotentes avec des cellules du trophoblaste, qui sont les précurseurs des annexes embryonnaires ».

Le III comprend un dernier alinéa précisant qu’à défaut d'opposition, la réalisation du protocole de recherche peut débuter à l’expiration du délai mentionné au premier alinéa du III, soit le délai durant lequel le directeur général de l’ABM peut exercer sa faculté d’opposition.

Enfin, le IV dispose que le directeur général de l’Agence de la biomédecine peut à tout moment suspendre ou interdire les recherches qui ne répondent plus à ces exigences après avis rendu public du conseil d’orientation.

Interrogé par le rapporteur, le Gouvernement a précisé que la possibilité pour l’Agence de la biomédecine « d’effectuer des inspections pour s’assurer du respect des exigences légales et réglementaires est prévue à l’article L. 1418-2 dans sa rédaction issue du présent projet de loi ». (cf. commentaire de l’article 30).

3.   Les autres dispositions

● Le 4° du II vise à transférer les dispositions de l’actuel article L. 2151-7 au sein d’un article L. 2151-9 nouveau.

Ces dispositions prévoient que toute conservation d’embryons et de cellules souches embryonnaires à des fins de recherche fait l’objet d’une autorisation délivrée par l’Agence de la biomédecine.

Cette autorisation est subordonnée au respect des principes généraux relatifs aux dons des produits et éléments du corps humain (principes fondamentaux du code civil, principe de consentement, principe de gratuité du don et principe d’anonymat du don), des règles en vigueur en matière de sécurité des personnes exerçant une activité professionnelle sur le site, des dispositions applicables en matière de protection de l’environnement, ainsi que des règles de sécurité sanitaire. Cette autorisation peut être suspendue ou retirée à tout moment en cas de contravention à ces exigences.

L’article prévoit l’information de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) lorsque des activités de conservation d’embryons ou de cellules souches embryonnaires à des fins de recherches sont réalisées sur le même site que des activités autorisées par elle en application de l’article L. 1243­2, soit la conservation, la distribution et la cession, à des fins thérapeutiques autologues ou allogéniques, des tissus et de leurs dérivés et des préparations de thérapie cellulaire.

Le dernier alinéa dispose enfin que les organismes dûment autorisés à conserver les embryons ou les cellules souches ne peuvent les céder qu’à un organisme autorisé à pratiquer des recherches sur l’embryon ou les cellules souches ou à un autre organisme autorisé à les conserver à des fins de recherche.

Les dispositions actuelles sont modifiées sur trois points.

Une première modification vise tout d’abord à régulariser la situation des laboratoires de biologie médicale qui conservent des embryons proposés à la recherche mais qui ne sont pas encore inclus dans un protocole.

En vertu de l’article L. 2142-1, ces structures se voient délivrer une autorisation visant à conserver des embryons dans le cadre des activités d’assistance médicale à la procréation. Cette autorisation ne couvre donc pas l’hypothèse de la conservation à des fins de recherche. C’est la raison pour laquelle un nouvel alinéa est inséré, après le premier alinéa du texte proposé par l’article L. 2151-9, afin de tenir compte de la situation particulière de ces laboratoires. Cet alinéa dispose que les laboratoires de biologie médicale peuvent conserver les embryons donnés à la recherche sans devoir pour autant solliciter une autorisation de conservation au titre de la recherche.

Aux fins d’harmonisation des dispositions relatives au respect des principes éthiques, la rédaction de l’actuel deuxième alinéa (qui devient le troisième alinéa de l’article L. 2151-9) est revue afin de viser les « principes fondamentaux prévus par les articles 16 à 16-8 du code civil » (cf. supra).

Enfin, la rédaction du dernier alinéa, qui concerne la cession des embryons et des cellules souches embryonnaires à des fins de recherche, est revue pour tenir compte du nouveau régime juridique encadrant ces dernières. Désormais, leur cession pourra être effectuée auprès des organismes ayant effectué une déclaration en application de l’article L. 2151-6 nouveau.

● Les 5° et 6° du II visent à transférer les dispositions des articles L. 2151-7-1, relatif à la clause de conscience des personnels participant aux recherches, et L. 2151-8, relatif aux modalités d’application du titre V relatif aux recherches sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires, sont respectivement transférés au sein de nouveaux articles L. 2151-10 et L. 2151-11.

Aux termes des articles 14 et 15, le titre V ne contiendra que des dispositions relatives à la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires :

– les dispositions relatives à la recherche intervenant dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation (AMP) sont extraites du titre V pour être incluse dans une autre section portant principes généraux de l’AMP ;

– les articles L. 2151-1 à L. 2151-4 relatifs aux finalités interdites sont maintenus dans leur rédaction actuelle ;

– les articles L. 2151-5 et L. 2151-6 traitent respectivement des recherches sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires ;

– l’article L. 2151-7 vise à encadrer les recherches portant sur les cellules souches adultes au terme de l’article 15 du projet de loi (cf. commentaire de l’article 15) ;

– l’article L. 2151-8 fixe le régime de l’autorisation de l’importation et de l’exportation des cellules souches embryonnaires ;

– l’article L. 2151-9 nouveau fixe le régime de l’autorisation de la conservation des gamètes et des cellules souches à des fins de recherche ;

– l’article L. 2151-10 nouveau maintient l’objection de conscience des personnels participant aux recherches instaurées par la loi du 7 juillet 2011 ;

– l’article L. 2151-11 nouveau prévoit les modalités d’application du titre V relatif aux recherches sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires.

● Les IV et V actualisent respectivement la rédaction des articles 511-19-2 du code pénal et L. 2163-7 du code de la santé publique, qui prévoient des pénalités en cas de défaut d’autorisation de conservation des cellules souches embryonnaires (1°), en cas de méconnaissance des principes fondamentaux du code civil ou des règles de sécurité professionnelle, de sécurité sanitaire ou de protection de l’environnement (2°), en cas de cession des cellules souches à des organismes non titulaires d’une autorisation de recherche ou d’importation (3°) ou en cas de cession des mêmes cellules sans avoir informé l’Agence de la biomédecine (4°).

Les deux articles sont modifiés :

– afin d’étendre les sanctions à la conservation et à la cession des embryons ;

– afin de tenir compte du nouveau régime juridique applicable à la recherche sur les cellules souches embryonnaires.

● Le VI vise à prévoir des dispositions transitoires s’agissant des protocoles de recherche portant sur les cellules souches embryonnaires déposés en vue d’une autorisation et en cours d’instruction, avant l’entrée en vigueur de la loi, Cet alinéa prévoit que le dépôt d’un dossier complet d’autorisation satisfait à l’obligation de déclaration prévue par le projet de loi. Pour ces dossiers, un délai d’instruction spécifique est prévu : d’une durée de quatre mois, il court à compter de la réception du dossier complet.

 


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Article 15
Régulation, en recherche fondamentale, de certaines utilisations
des cellules souches pluripotentes induites

Adopté par la commission avec modifications

    Résumé du dispositif initial

L’article 15 vise à encadrer certaines recherches portant sur les cellules souches adultes dont la pluripotence est induite par une reprogrammation « forcée ».

Les recherches ayant pour objet la différenciation des cellules souches en gamètes ou « l’agrégation de ces cellules avec des cellules précurseurs de tissus extra-embryonnaires » feront ainsi l’objet d’une déclaration auprès de l’Agence de la biomédecine (ABM).

Une faculté d’opposition est accordée au directeur général de l’ABM éclairé par un avis de son conseil d’orientation.

L’interdiction et la suspension des recherches peuvent être décidées par le directeur général de l’ABM en cas non-respect des exigences après avis du conseil d’orientation de l’ABM.

Les dispositions pénales prévues par le code de la santé publique et le code pénal en cas de non-respect des obligations légales et règlementaires sont adaptées à ce nouveau cadre juridique.

    Modifications apportées par la commission

La commission a adopté deux amendements identiques, dont un du rapporteur, visant à soumettre à déclaration auprès de l’Agence de la biomédecine les protocoles de recherche portant sur les cellules souches pluripotentes induites ayant pour objet leur « insertion dans un embryon animal dans le but de son transfert chez la femelle » (amendements n° 2226 et n° 2029).

I.   Le droit en vigueur

La présentation des dispositions relatives aux recherches sur les cellules souches adultes et des enjeux afférents fait l’objet du commentaire de l’article 14.

II.   les Évolutions prÉvues par le projet de loi

1.   Le cadre juridique est précisé aux fins d’encadrement des seules recherches portant sur l’embryon humain

Le I vise à modifier l’intitulé du titre V du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique qui concerne aujourd’hui la « recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires » en accolant tout d’abord le qualificatif d’« humain » à celui d’embryon.

L’étude d’impact souligne que cette absence de qualification générale ajoutée au caractère non systématique de l’utilisation du même qualificatif par les articles relevant du titre V « pourrait créer des a contrario, a fortiori au regard du développement de voies de recherches qui concernent l’embryon animal » ([273]). Ainsi posée, l’évolution proposée par le projet de loi n’empêche donc pas la poursuite des recherches sur les embryons animaux qu’il s’agisse de modifications de leur génome, y compris celles susceptibles de modifier la descendance, comme de modification par adjonction de cellules provenant d’autres espèces, y compris humaine.

La modification vise également à inclure les « cellules souches pluripotentes induites » dont l’encadrement est prévu par le II du présent article.

2.   L’encadrement des recherches sur les cellules souches pluripotentes induites

Le II vise à encadrer les recherches portant sur les cellules souches adultes dont la pluripotence est induite par une reprogrammation « forcée ».

Les dispositions nécessaires forment la nouvelle substance de l’article L. 2151-7 au sein du code de la santé publique. Les dispositions actuelles de l’article L. 2151-7, relatives à l’autorisation accordée par l’Agence de la biomédecine aux organismes conservant des embryons et des cellules souches embryonnaires à des fins de recherche, sont transférées au sein d’un nouvel article L. 2151-9 (cf. commentaire de l’article 14).

Le contenu de l’article L. 2151-7, tel qu’institué par le II, est organisé autour de quatre subdivisions numérotées de I à IV.

Le I vise à définir la notion de « cellules souches pluripotentes induites ». Il s’agit de cellules qui ne proviennent pas d’un embryon et qui font l’objet d’une reprogrammation afin de constituer différents types de cellules sans toutefois posséder la capacité de constituer un embryon.

Le II circonscrit le périmètre de l’encadrement aux protocoles de recherche conduits sur cellules souches ayant pour objet la différenciation des cellules souches en gamètes ou « l’agrégation de ces cellules avec des cellules précurseurs de tissus extra-embryonnaires ». Seuls ces protocoles seraient soumis à déclaration auprès de l’Agence de la biomédecine (ABM). Comme pour l’article 14, les termes du projet de loi visent la constitution de gastruloïdes « qui sont obtenus par agrégation de cellules pluripotentes avec des cellules du trophoblaste, qui sont les précurseurs des annexes embryonnaires ».

Cette option, à mi-chemin entre la déclaration de tous les protocoles de recherche et l’absence d’encadrement, présente l’avantage de ne pas mobiliser l’ABM au-delà de ses possibilités tout en concentrant le contrôle sur les recherches les plus sensibles. On se reportera au commentaire de l’article 14 s’agissant des enjeux liés à ces recherches.

Totipotence, pluripotence et multipotence

La totipotence caractérise les cellules souches embryonnaires qui ont la propriété de se différencier en n’importe quel type de cellule et qui, prises isolément, permettent de constituer un embryon humain. Ces cellules souches se développent jusqu’à 5 jours après la fécondation.

La pluripotence caractérise, d’une part les cellules souches embryonnaires, d’autre part les cellules souches adultes, non issue de l’embryon et qui ont fait l’objet d’une reprogrammation. Elles possèdent la propriété de se différencier indéfiniment pour former tous les tissus de l’organisme sans toutefois se structurer de façon à construire un embryon.

Les cellules souches adultes ne sont en effet ni totipotentes ni pluripotentes mais multipotentes. Elles possèdent la capacité de s’autorenouveler et si, elles peuvent être à l’origine de plusieurs types de cellules mais qui relèvent en tout état de cause d’un même type. À la différence des cellules totipotentes ou pluripotentes, leur destinée est déterminée. Pour être pluripotentes, les cellules souches adultes doivent donc être reprogrammées.

Enfin, cette nouvelle obligation n’exonère pas les équipes de recherche de se conformer aux obligations d’effectuer les démarches prévues soit au titre de l’article L. 1243-3 du code la santé publique soit au titre de l’article L. 1121-1 du même code (cf. commentaire de l’article 14).

Le III prévoit les conditions dans lesquelles le directeur général de l’Agence de la biomédecine peut exercer une faculté d’opposition à la recherche déclarée dans un délai fixé par voie réglementaire. Interrogé par le rapporteur, le Gouvernement a précisé que ce « délai sera vraisemblablement fixé à trois mois compte tenu de la nécessité de consulter le Conseil d’orientation [de l’ABM] ».

Cette faculté d’opposition ne prend toutefois appui que sur des critères éthiques à savoir le respect des principes fondamentaux du code civil et des finalités interdites mentionnées par les articles L. 2151-1 à L. 2151-4 du code de la santé publique (cf. commentaire de l’article 14).

La faculté d’opposition ne peut s’exercer qu’après avis préalable du conseil d’orientation de l’Agence rendu public.

Le III comprend un dernier alinéa précisant qu’à défaut d'opposition la réalisation du protocole de recherche peut débuter à l’expiration du délai mentionné au premier alinéa du III, le délai durant lequel le directeur général de l’ABM peut exercer sa faculté d’opposition.

Enfin, aux termes du IV, le directeur général de l'Agence de la biomédecine peut à tout moment suspendre ou interdire les recherches qui ne répondent plus à ces exigences après avis rendu public du conseil d’orientation.

En définitive, l’option retenue, bien que ciblée sur certains protocoles est cohérente avec la faculté d’opposition renforcée aux recherches sur les cellules souches embryonnaires prévue par l’article 14 et qui fait intervenir le conseil d’orientation de l’ABM.

On notera également qu’à l’instar des recherches portant sur l’embryon, l’ABM pourra également effectuer des inspections pour s’assurer du respect des exigences légales et réglementaires. Cette possibilité est prévue à l’article L. 1418‑2 modifié par l’article 30 du projet de loi.

3.   Les dispositions de coordination

Les III et IV procèdent à diverses mesures de coordination relatives aux dispositions pénales prévues par le code de la santé publique et le code pénal en cas de non-respect des obligations légales.

● Le III vise à modifier le code de la santé publique à cet effet.

Le 1° du III tend à modifier l’intitulé du chapitre III du titre VI du livre Ier de la deuxième partie du code qui couvre les dispositions pénales applicables à la recherche sur l’embryon et aux cellules souches embryonnaires. L’intitulé permettra désormais d’inclure les cellules souches pluripotentes induites.

Le du même III modifie en conséquence l’article L. 2163-6 qui n’est que la transposition de l’article 511-19 du code pénal au sein du code de la santé publique. Il prévoit les sanctions pénales en cas de non-respect des obligations auxquelles sont soumises l’étude ou la recherche sur l’embryon (I de l’article) ou sur les cellules souches embryonnaires (II du même article).

Le II est modifié pour tenir compte du nouveau régime juridique applicable à la recherche sur les cellules souches embryonnaires (cf. commentaire de l’article 14). Est ainsi puni d’une peine de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende le fait de procéder à des recherches :

– sans avoir effectué de déclaration, malgré l’opposition, la suspension ou l’interdiction prononcée par l’Agence de la biomédecine

– sans se conformer aux normes en vigueur.

Un III est créé pour fixer les pénalités relatives au non-respect des prescriptions applicables à la recherche portant sur les cellules souches pluripotentes induites. Est ainsi puni des mêmes peines, le fait de procéder à des recherches sans avoir effectué de déclaration, malgré l’opposition, la suspension ou l’interdiction prononcée par l’Agence de la biomédecine ou sans se conformer aux normes en vigueur.

● Les mêmes modifications sont portées à l’article 511-19 du code pénal par le IV.

 


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Article 16
Limite de conservation des embryons proposés à la recherche et non inclus dans un protocole après cinq ans

Adopté par la commission avec modifications

    Résumé du dispositif initial

L’article 16 vise d’abord à modifier l’article L. 2141-4 du code de la santé publique qui régit les conditions de conservation des embryons surnuméraires conçus en vue d’une assistance médicale à la procréation.

Il tire les conséquences de l’extension de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules opérée par l’article 1er du projet de loi. Il sécurise également les conditions dans lesquelles le consentement est exigé ou peut être révoqué. Il tient compte de la réglementation européenne applicable aux médicaments de thérapie innovante afin de sécuriser les recherches menées sur les cellules dérivées d’embryon. Le maintien ou non du projet parental, qui peut aboutir à l’arrêt de la conservation des embryons, fera l’objet désormais d’une consultation annuelle, et ce, à au moins deux reprises. Surtout, l’arrêt de la conservation est étendu aux embryons destinés à la recherche mais qui n’auraient pas été inclus dans un protocole à l’issue d’un délai de cinq ans suivant le consentement donné à cette nouvelle finalité.

L’article 16 prévoit également la destruction du stock actuel d’embryons dédiés à la recherche qui n’ont pas été intégrés dans un protocole de coopération sauf s’ils présentent un intérêt particulier.

    Modifications apportées par la commission

La commission a procédé à plusieurs modifications de nature rédactionnelle.

I.   Le droit en vigueur

La présentation des dispositions relatives au devenir des embryons surnuméraires ne faisant plus l’objet d’un projet parental fait l’objet du commentaire de l’article 1er.

Après la conception des embryons en vue d’une assistance médicale à la procréation dans le cadre d’une fécondation in vitro, les membres du couple sont consultés chaque année pour savoir si leur projet parental est maintenu. Faute de projet parental ou en cas de décès d’un des deux membres, le consentement écrit est requis soit pour l’accueil des embryons par un autre couple, soit pour la recherche, soit pour l’arrêt de la conservation. Ce consentement fait l’objet d’une confirmation par écrit « après un délai de réflexion de trois mois ». Il est mis fin à la conservation des embryons dans un délai de cinq ans à compter du jour où le consentement a été exprimé par écrit. Tel est le dispositif de l’article L. 2141-4 du code de la santé publique.

II.   les évolutions prévues par le projet de loi

Le I vise d’abord à modifier l’article L. 2141-4 qui régit les conditions de conservation des embryons surnuméraires conçus en vue d’une assistance médicale à la procréation. Les II et III visent à autoriser la destruction du stock d’embryons destinés à la recherche qui n’ont pas été intégrés dans un protocole de coopération sauf s’ils présentent un intérêt particulier pour la recherche.

1.   Les modifications relatives au devenir des embryons conservés

Les conditions dans lesquelles peuvent être conservés les embryons dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation (AMP) sont précisées par l’article L. 2141-4 du code de la santé publique, qui fait l’objet de plusieurs modifications aux termes du I.

a.   Une mise en cohérence avec l’extension de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules

Plusieurs modifications sont réalisées par coordination avec l’extension de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules. La réalisation d’une fécondation in vitro, qui peut impliquer la conception et la conservation de plusieurs embryons, est une technique qui sera proposée aux femmes seules comme aux couples de femmes au même titre que l’insémination artificielle avec tiers donneur. La logique du projet de loi étant de pouvoir ouvrir l’ensemble des techniques aux bénéficiaires d’une AMP sans considération de leur situation conjugale ou personnelle, il est nécessaire de pouvoir tirer les conséquences d’une extension de l’AMP à l’égard non seulement des techniques proposées mais aussi de leurs implications, comme la conservation des embryons.

Ces modifications concernent :

– le I et le III relatifs à la consultation du couple ou de la femme pour déterminer si le projet parental est maintenu ;

– le premier alinéa du II relatif à la recherche du consentement du couple, de la femme ou du membre survivant du couple en cas de décès de l’un d’entre eux en vue d’une nouvelle destination des embryons lorsque le projet parental est abandonné (accueil d’un embryon ou recherche) ;

– le 1° du II relatif à l’accueil de l’embryon qui pourra concerner aussi une femme seule ;

– le premier alinéa du IV relatif à la destruction des embryons lorsqu’ils n’ont pas été accueillis dans un délai de cinq ans à compter du consentement donné par le couple ou la femme.

b.   Des précisions sur l’exigence du consentement qui conditionne le devenir des embryons

Le formalisme entourant l’expression du consentement des parents au maintien du projet parental et, au cas où celui-ci serait abandonné, à la détermination du devenir de l’embryon est renforcé.

Le I de l’article L. 2141-4 proposé prévoit ainsi que la confirmation par écrit du maintien du projet parental est une formalité substantielle de la conservation de l’embryon.

Le premier alinéa du II du même article prévoit aujourd’hui que les couples « peuvent consentir » à accorder une autre finalité aux embryons conservés. Ce consentement de première intention ne constitue qu’une simple faculté. Sa nouvelle rédaction est plus prescriptive. Le consentement à l’accueil par un autre couple, à une recherche ou à l’arrêt de la conservation constitue par ailleurs le point de départ de la computation de différents délais.

Il constitue d’abord le point de départ du délai de réflexion de trois mois au terme duquel est attendue la confirmation par écrit. La première phrase du dernier alinéa du II, dans rédaction actuelle, est ainsi complétée afin de préciser la computation du délai. Ce dernier courra « à compter du premier consentement écrit ».

Il fait indirectement courir le délai au terme duquel il est mis fin à la conservation des embryons soit dans le cadre de l’accueil par un autre couple ou une femme, soit dans le cadre de la recherche (cf. infra).

Formalité obligatoire s’agissant des nouvelles finalités dévolues à l’embryon conservé, le consentement est également révocable à tout moment lorsqu’il fait l’objet d’une recherche. Le texte actuel ne le précisant pas, un nouvel alinéa est inséré à cet effet à la fin du II. Toutefois, la révocation ne peut avoir lieu tant qu’il n’y a pas eu intervention sur l’embryon.

Données statistiques portant sur les embryons conservés

Au 31 décembre 2016 :

– 160 442 embryons font encore l’objet d’un projet parental ; cela représente presque trois-quarts des embryons conservés.

 – 29 620 embryons ne font plus l’objet d’un projet parental. Au cours de l’année 2016, 2 855 ont été proposés à la recherche et 2 030 à l’accueil et restent conservés dans l’attente de l’accueil et de la recherche.

– 33 774 embryons sont concernés par l’absence de réponse aux relances annuelles ou par des désaccords quant à leur devenir.

Source : Étude d’impact

c.   Le régime des recherches effectuées sur l’embryon et ses cellules dérivées adapté au cadre européen

Le I élargit également les possibilités de recherche qui pourront être effectuées sur ou à partir des embryons. Actuellement le champ des recherches est limité à celles prévues par l’article L. 2151-5 pour l’embryon et aux recherches impliquant la personne humaine pour les cellules dérivées de l’embryon lorsqu’elles entrent dans la préparation d’une thérapie cellulaire à des fins exclusivement thérapeutiques. Les recherches pourront maintenant concerner également les médicaments de thérapie innovante. Cette extension participe de la mise en conformité de notre droit avec la réglementation européenne relative aux médicaments de thérapie innovante (MTI). En l’espèce, lorsqu’elles subissent des manipulations dites « substantielles », les cellules souches dérivées des embryons ne doivent pas relever du régime des préparations de thérapie cellulaire mais bien de celui des médicaments de thérapie innovante.

Le 2° du II de l’article L. 2141-4 ne visant que les préparations de thérapie cellulaire, il est modifié en conséquence pour inclure les recherches portant sur un médicament de thérapie innovante (MTI) à partir de cellules dérivées des embryons.

L’étude d’impact cite l’exemple des cellules souches embryonnaires. Interrogé par le rapporteur, le Gouvernement a également confirmé que les produits thérapeutiques conçus à partir de dérivés de cellules pluripotentes induites relèvent des MTI.

Il a également confirmé que la notion de MTI fait l’objet d’une acception large, c’est-à-dire incluant les médicaments de thérapie innovante préparés ponctuellement (cf. commentaire de l’article 27).

Les médicaments de thérapie innovante (MTI), les médicaments de thérapie innovante préparés ponctuellement (MTI-PP) et les préparations de thérapie cellulaire (PTC).

Le droit français reconnaît aujourd’hui les médicaments de thérapie innovante (MTI), les médicaments de thérapie innovante préparés ponctuellement (MTI-PP) et les préparations de thérapie cellulaire (PTC).

La notion de MTI, incorporée dans notre droit national par la loi n° 2011-302 du 22 mars 2011 ([274]), fait l’objet d’une définition dans un règlement européen ([275]). Relevant de la réglementation applicable aux médicaments, les MTI regroupent les médicaments de thérapie génique, les médicaments de thérapie cellulaire somatique, les médicaments issus de l’ingénierie cellulaire ou tissulaire et les médicaments combinés de thérapie innovante. Les MTI-PP constituent une sous-catégorie de MTI et relèvent d’un régime dérogatoire prévu par le droit européen mais qui fait l’objet d’une réglementation nationale ([276]). Ces médicaments sont développés à une échelle non industrielle, leur usage ne pouvant être que ponctuel.

Aux termes de l’article L. 1243-1 du code de la santé publique, les PTC constitue l’une des deux catégories de produits cellulaires à finalité thérapeutique. Ces derniers désignent, à l’exception des produits sanguins labiles, des cellules humaines utilisées à des fins thérapeutiques autologues ou allogéniques. Lorsqu’ils font l’objet d’une fabrication industrielle, les produits cellulaires sont des médicaments et relèvent de la réglementation correspondante. Quand ils ne sont pas fabriqués de manière industrielle, à l’instar des MTI-PP, ils sont alors qualifiés de préparations de thérapie cellulaire, « y compris lorsque les cellules humaines servent à transférer du matériel génétique ».

Une distinction existe entre PTC et MTI qui « représentent, pour certains d’entre eux, des produits proches d’un point de vue biologique et médical » ([277]). Deux critères définis par le règlement européen précité, permettent de les distinguer : le recours à des « manipulations substantielles », c’est-à-dire des transformations importantes, ou « le fait que les cellules ou les tissus ne soient pas destinés à être utilisés pour la même fonction essentielle chez le receveur et chez le donneur » ([278]).

L’application de ces critères conduit donc à faire relever le produit de l’une ou l’autre de ces catégories. Au regard des évolutions scientifiques et technologiques, la classification d’un produit pourra relever de l’une ou l’autre catégorie.

Une autre difficulté résulte dans l’articulation entre le droit national et le droit européen. L’article 32 habilite à cet effet le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour mettre en conformité le code de la santé publique avec le droit européen. L’étude d’impact cite ainsi l’exemple des cellules servant à transférer du matériel génétique, qui sont assimilés à des préparations de thérapie cellulaire, mais qui, en réalité sont des MTI « dans la mesure où l’introduction de matériel génétique au niveau cellulaire constitue une modification substantielle » ([279]).

d.   L’extension des possibilités d’arrêt de la conservation des embryons

L’article L. 2141-4 impose aujourd’hui l’arrêt de la conservation des embryons, et donc leur destruction, dans trois hypothèses : absence de réponse de l’un des deux membres sur le maintien ou non du projet parental, désaccord au sein du couple sur le maintien du projet parental ou le devenir des embryons, absence d’accueil des embryons par un autre couple dans un délai de cinq ans à compter de l’expression du consentement. Aux termes des modifications opérées par le présent article, le délai pour l’arrêt de la conservation des embryons court à compter du jour où le consentement a été confirmé par écrit, soit le consentement exprimé à l’issue du délai de réflexion de trois mois.

● Par ailleurs, en vue de déterminer plus rapidement le sort des embryons, la rédaction du III est également revue. Cette division prévoit la destruction des embryons qui sont conservés depuis au moins cinq ans si aucune réponse n’est donnée sur le maintien ou non du projet parental par l’un des deux membres du couple ou s’il y a désaccord au sein du couple sur ce dernier sujet ou sur le devenir des embryons.

Le texte proposé impose une consultation qui sera annuelle et effectuée à au moins à deux reprises « dans des conditions précisées par décret en Conseil d’État ». Cette rédaction correspond à la réalité de ce qui est aujourd’hui effectué.

L’étude d’impact indique qu’ « en pratique, tous les couples pour lesquels des embryons sont conservés sont interrogés annuellement sur le maintien de leur projet parental et, le cas échéant, sur le devenir des embryons. En cas de non-réponse à un premier courrier, il est nécessaire de renouveler l’interrogation du couple, notamment au moyen d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception après avoir vérifié les adresses disponibles dans les différents dossiers du couple au sein de l’établissement. Après deux courriers sans réponse ou retournés au centre d’assistance médicale à la procréation avec la mention "n’habite pas à l’adresse indiquée", le praticien peut mettre fin à la conservation des embryons si ceux-ci sont conservés depuis plus de cinq ans » ([280]).

Le texte dispose également qu’il sera mis fin à la conservation des embryons en l’absence de la confirmation du consentement prévue à l’issue du délai de réflexion de trois mois.

● L’article L. 2141-4 est enfin complété par deux nouvelles subdivisions (V et VI) qui étendent les possibilités d’arrêt de la conservation des embryons.

Outre qu’il tient désormais compte de l’extension de l’accès aux techniques d’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules, le nouveau V prévoit aussi l’arrêt de la conservation des embryons donnés à la recherche dans un délai de cinq ans à compter du jour où le consentement a été confirmé par écrit. La destruction ne concernerait que les embryons n’ayant pas été inclus dans un protocole de recherche.

Le stock d’embryons donné à la recherche s’élève à environ 20 000. L’étude d’impact relève qu’il est « relativement constant depuis quelques années, traduisant le fait que le nombre d’embryons donnés chaque année à la recherche par les couples qui n’ont plus de projet parental est à peu près équivalent à celui des embryons effectivement inclus dans un protocole de recherche la même année » ([281]).

Le nouveau VI prévoit enfin l’arrêt immédiat de la conservation des embryons en cas de décès des deux membres du couple ou de la femme et en l’absence des deux consentements requis par le II (consentement initial et consentement supplémentaire à l’issue du délai de réflexion).

2.   L’arrêt de la conservation des embryons destinés à la recherche avant la promulgation de loi

Les II et III de l’article prévoient des dispositions transitoires relatives à la destruction des embryons destinés à la recherche actuellement conservés.

Suivant les recommandations du Conseil d’État, le premier alinéa du II prévoit l’arrêt de la conservation des embryons destinés à la recherche antérieurement à la promulgation de la loi et qui auront été conservés depuis plus de cinq ans à la même date sans avoir fait l’objet d’un protocole.

Ces embryons ne font plus l’objet d’un projet parental et sont conservés par les centres d’AMP dans l’attente d’une manipulation dans le cadre d’un protocole de recherche. Les couples ayant consenti à ce qu’ils soient donnés à la recherche ont implicitement consenti à leur destruction dans la mesure où toute recherche conduit à la destruction de l’embryon. Cette information leur est d’ailleurs transmise aux termes de l’article R. 2151-4.

Le deuxième alinéa du II tempère cette issue pour les embryons susceptibles de comporter un intérêt particulier pour la recherche en raison de leur conservation à un état précoce et qui pourront encore être conservés par les centres d’AMP.

Interrogé sur la portée de cette disposition, le Gouvernement a bien voulu préciser au rapporteur la notion d’intérêt particulier pour la recherche. Sont en fait visés les embryons qui ont été congelés à un stade précoce de leur développement.

« Lorsque l’activité d’AMP a démarré en France […], les centres d’AMP avaient tendance à congeler majoritairement les embryons à un stade très précoce (j2 à j5). Toutefois, l’expérience nationale et internationale a montré, au fil du temps, que les meilleurs taux de grossesse étaient obtenus à partir d’embryons congelés au stade blastocyste (j5 à j7). Aujourd’hui, les centres d’AMP congèlent donc majoritairement les embryons après 5 jours de culture. Or, certaines équipes de recherche étudient les stades de développement précoces de l’embryon. Il convient donc de ne pas détruire systématiquement les embryons congelés entre j2 et j5, qui ont été constitués il y a plus de 5 ans ».

Le Gouvernement a également précisé qu’ « afin de se prononcer sur la conservation des embryons congelés depuis plus de 5 ans, l’Agence envisage de créer un comité d’experts ad hoc qui impliquera notamment les chercheurs ».

Cette mesure vise aussi à sécuriser la conservation de ces embryons par les centres d’AMP. Ces derniers ne sont autorisés à les conserver qu’au titre de l’assistance médicale à la procréation et en vertu de l’article L. 2142-1 du code de la santé publique. Au regard de la loi, ils ne sont pas donc autorisés à mener une activité de conservation à des fins de recherche alors même que 20 000 embryons auxquels a été donnée cette finalité sont conservés par ces structures dans l’attente de leur inclusion dans un protocole de recherche. C’est la raison pour laquelle le texte prévoit qu’une déclaration sera transmise à l’Agence de la biomédecine afin qu’elle se prononce sur la poursuite de la conservation.

Le III prévoit enfin la publication d’un décret en Conseil d’État sur les conditions d’application du II.

 


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Chapitre II
Favoriser une recherche responsable en lien avec la médecine génomique

Article 17
Utilisation des outils de modification ciblée du génome
en recherche fondamentale

Adopté par la commission sans modification

    Résumé du dispositif

En supprimant l’interdiction de conception d’embryons transgéniques et en précisant celle qui est relative aux embryons chimériques, l’article 17 poursuit deux objectifs :

– il sécurise les recherches effectuées dans un cadre in vitro impliquant une modification ciblée du génome. Toutefois, demeurent interdites les recherches effectuées dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation et qui sont susceptibles de donner naissance à un enfant ;

– il explicite que la modification d’un embryon humain par adjonction de cellules provenant d’autres espèces reste interdite.

L’article 15 précisant par ailleurs que le code de la santé publique ne s’applique qu’à l’embryon humain, l’article 17 ouvre donc la possibilité d’effectuer des recherches sur l’embryon animal, y compris celles susceptibles de modifier la descendance ou d’adjoindre des cellules d’autres espèces incluant les cellules humaines.

Il met fin aux restrictions de finalités opposables aux recherches portant sur les maladies en alignant la rédaction du quatrième alinéa de l’article 16-4 du code civil sur celle de la convention d’Oviedo.

I.   Le droit en vigueur

En matière d’édition génique, des interdits sont formulés tant par le code civil que le code de la santé publique.

L’article 16-4 du code civil énonce des interdits visant à protéger l’intégrité de la personne humaine. Sont ainsi prohibés les pratiques eugéniques « tendant à l’organisation de la sélection des personnes » et le clonage reproductif. Le code de la santé publique prononce également des interdits dans le cadre des recherches portant sur les embryons et les cellules souches. Il reprend l’interdiction du clonage reproductif et en étend la portée au clonage à des fins thérapeutiques.

S’agissant de l’édition génique, on retrouve également des règles dans les deux codes.

Le quatrième alinéa de l’article 16-4 précité proscrit les transformations portant sur le caractère génétique « dans le but de modifier la descendance de la personne », en cohérence avec l’article 13 de la convention d’Oviedo ([282]).

1.   L’édition génique sur les cellules somatiques est autorisée mais soumise à des limites

Le recours à l’édition génique n’est ainsi prohibé que dans la mesure où elle pourrait affecter la descendance. Par contraste, sont ainsi permises les techniques ayant pour effet de modifier les gènes dans les cellules somatiques dans les limites formulées par la convention d’Oviedo et notre droit national.

La convention d’Oviedo n’autorise que les interventions dans un cadre préventif, diagnostique ou thérapeutique. Le rapport explicatif ([283]) joint à la convention ajoute à cet effet que se trouvent ainsi interdites les interventions « ne se rapportant pas à une maladie ou à une affection » ([284]). Le terme d’intervention doit être compris dans un sens large : « c’est-à-dire comme comprenant tout acte médical, en particulier les interventions effectuées dans un but de prévention, de diagnostic, de thérapie, de rééducation ou de recherche ([285]) ».

La thérapie génique n’en étant qu’au stade de la recherche, le droit national ne prévoit que ce cas de figure. La portée qu’il entend donner à ces recherches est également plus restrictive que la Convention.

D’une part, le quatrième alinéa de l’article 16-4 du code civil autorise une dérogation dans le cadre des recherches « tendant à la prévention et au traitement des maladies génétiques ». On notera donc deux différences au regard de la convention d’Oviedo. Le code civil ne vise pas les recherches à visée diagnostique et n’ouvre l’autorisation qu’aux recherches portant sur les maladies génétiques quand la Convention autorise les interventions, y compris celles ayant une raison diagnostique, ayant pour effet de modifier les caractères génétiques quelle que soit la nature de la maladie ou de l’affection.

D’autre part, l’article L. 2151-2 du code de la santé publique prohibe la création d’embryons transgéniques ou chimériques. La portée de cet interdit doit pouvoir être justement appréciée. Dans son étude, le Conseil d’État relève que « le recours à l’édition génique sur des cellules somatiques (soit l’ensemble des cellules de l’organisme, excepté les gamètes) n’apparaît pas soulever de difficultés particulières, du moins sur le plan éthique : elle est permise dans le cadre normatif existant » ([286]). Cela étant, l’édition génique n’est limitée qu’aux techniques ayant pour objet exclusif de supprimer ou d’inactiver un fragment du génome. Aucune intervention visant à remplacer ou insérer une nouvelle séquence d’ADN n’est permise. Si le terme d’embryon transgénique n’a jamais été défini par le législateur, il semble toutefois admis qu’il désigne l’embryon dont une partie du génome comporte une ou plusieurs séquences d’ADN exogène. L’étude du Conseil d’État comme le rapport de la mission d’information relative à la révision de la loi de bioéthique présentent des conclusions similaires.

Au regard de ces développements, aucune recherche sur des cellules souches somatiques recourant à la technique du ciseau moléculaire Crispr-Cas9 ne peut être conduite en France alors même que la convention d’Oviedo ne s’y oppose pas.

2.   La portée de l’interdiction de l’édition génique sur les cellules germinales peut être discutée

S’agissant des techniques d’édition du génome affectant les cellules germinales, qui entraînent la transmission de toute modification à la descendance, la portée de l’interdiction peut se discuter au moins pour deux raisons.

● Le rapport explicatif de la convention d’Oviedo donne quelques indications sur la portée de l’interdiction énoncée à l’article 13. S’il rappelle que des modifications génétiques ne peuvent être opérées sur des spermatozoïdes ou des ovules destinés à la fécondation, il admet que des recherches médicales peuvent être « admissible[s] » à la double condition qu’elles soient effectuée in vitro et « avec l’approbation d’un comité d’éthique ou de toute autre instance compétente » ([287]).

● Le quatrième alinéa de l’article 16-4 du code civil s’inscrit dans cette perspective puisqu’il autorise déjà un cadre dérogatoire circonscrit à la recherche. Par ailleurs, le code de la santé publique n’admet pas que des recherches soient conduites sur des embryons faisant l’objet d’un transfert à des fins de gestation (article L. 2151-5), à l’exception des recherches menées au bénéfice de l’embryon lui-même ou de l’assistance médicale à la procréation conduites dans le cadre des recherches impliquant la personne humaine.

Ce faisant, l’édition génique portant sur les cellules germinales se heurte au même obstacle que celui des cellules somatiques, l’article L. 2151-2 prohibant la création d’embryons transgéniques.

3.   Les notions d’embryons transgéniques et chimériques sont inadaptées au regard des progrès scientifiques

Le code de la santé publique interdit la création d’embryons transgéniques et chimériques sans apporter de définition précise. L’étude du Conseil d’État comme le rapport d’information relatif à la révision de la loi de bioéthique proposent néanmoins des définitions convergentes.

● L’embryon transgénique désigne un embryon humain comportant des séquences d’ADN exogène, c’est-à-dire ne lui appartenant pas. Le génome de l’embryon comporte donc un gène qui lui est étranger, qu’il ait une origine humaine ou animale. Comme on l’a vu, cet interdit ne permet pas aujourd’hui d’appliquer la technique Crispr-Cas9 sur les embryons.

● Selon l’étude du Conseil d’État, le terme d’embryon chimérique désigne un « embryon contenant des cellules d’origine différente, mais sans mélange des matériels génétiques » ([288]) et recouvre deux réalités distinctes : les embryons auxquels ont été rajoutés, à des stades très précoces, quelques cellules pluripotentes d’origine externe et les cybrides, qui sont des embryons créés en introduisant le noyau d’une cellule somatique humaine dans un ovocyte animal.

Cet interdit constitue aujourd’hui un frein au développement de la connaissance sur le début de la vie. Alors que la constitution des embryons à des fins de recherche est interdite, seuls les travaux menés sur les cellules souches embryonnaires permettent d’étudier les premiers stades de développement.

Sans poser de définition de la chimère, le droit actuel ne semble interdire que la constitution d’embryons humains chimériques. De l’étude du Conseil d’État ainsi que du rapport de la mission d’information sur la révision de la loi relative à la bioéthique, il ressort que le placement de l’interdit au sein du code de la santé publique ainsi que les travaux préparatoires n’ont pour effet que de viser l’embryon humain. Aucune disposition n’encadre donc les recherches portant sur les embryons chimériques animaux (adjonction de cellules humaines dans des embryons animaux). Dans son étude, le Conseil d’État indique à cet égard que plusieurs équipes étrangères ont procédé à l’adjonction de cellules humaines iPS dans des embryons animaux pour en vérifier le caractère pluripotent. Par ailleurs, de nombreuses recherches sont effectuées en vue de permettre des xénogreffes, surmontant l’obstacle de la pénurie d’organes, même si cette perspective demeure encore lointaine. Récemment le Japon a autorisé des recherches portant sur la création d’embryons animaux contenant des cellules humaines pour les transplanter ensuite dans des animaux afin de développer des organes qui pourraient ensuite être transplantés à l’homme ([289]).

II.   les évolutions prévues par le projet de loi

Aux termes du I, le second alinéa de l’article L. 2151-2 qui porte aujourd’hui l’interdiction des embryons chimériques et transgéniques fait l’objet d’une rédaction globale qui emporte une double conséquence.

● En premier lieu, le I supprime l’interdit relatif aux recherches sur la création d’embryons transgéniques. Par conséquent, il autorise la possibilité d’effectuer des modifications ciblées du génome, par exemple via la technique du ciseau moléculaire Crispr-Cas9 dans les limites suivantes.

Ces modifications ne doivent pas avoir pour effet de transformer les caractères génétiques dans le but de modifier la descendance conformément à l’interdit formulé par l’article 16-4 du code civil.

Ces recherches ne peuvent être effectuées que sur des embryons conçus in vitro dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation et qui ne font plus l’objet d’un projet parental, impliquant, par construction, une destruction de l’embryon au quatorzième jour après sa constitution (cf. commentaire de l’article 14). En d’autres termes, les recherches ne concerneront ni les gamètes en vue de la constitution d’un embryon ni un embryon qui pourraient faire l’objet d’un transfert à des fins de gestation. On rappellera que ces dernières recherches, effectuées dans le cadre exclusif de l’assistance médicale à la procréation et au bénéfice de l’embryon, relèvent du régime juridique des recherches impliquant la personne humaine (RIPH) qui couvre notamment les essais cliniques. Pour lever toute ambiguïté, on rappellera que les dispositions relatives à ce type de recherches ne figurent plus dans le titre V du livre Ier de la deuxième partie mais au sein d’un nouvel article dédié figurant dans le titre IV du livre Ier de la deuxième partie relatif aux RIPH.

On peut donc en déduire que la recherche impliquant l’édition génique pourra être réalisée sur les embryons humains ne faisant pas l’objet d’un transfert in utero. La destruction de l’embryon, à l’issue de la recherche, constitue l’ultime rempart contre toute modification susceptible d’affecter la descendance.

● En second lieu, le I précise la portée de l’interdiction relative à la constitution d’embryons chimériques sans en reprendre toutefois le terme.

Il interdit toute modification d’un embryon humain par adjonction de cellules provenant d’autres espèces.

Si le code civil interdit de porter atteinte à l’intégrité de l’espèce humaine (article 16-4), on notera qu’aucune définition de l’« espèce humaine » n’est prévue par le droit. Comme le souligne le Professeur Binet ([290]), l’emprunt de ce terme provient du monde des laboratoires et semble cantonné à la dimension biologique de l’être humain. La doctrine semble également partagée sur l’interprétation à donner : « certains voient l’espèce humaine comme une chose commune relevant de l’article 714 du code civil, d’autres l’analysent comme un sujet de droit en devenir ». Le Pr Binet y voit plutôt un « concept transcendant la somme des individus qui composent la famille humaine » et en déduit qu’il s’agit d’une « catégorie abritant les humains ».

Deux conséquences peuvent être tirées de cette formulation.

Un embryon peut être modifié par l’ajout de cellules humaines ne lui appartenant pas. L’étude d’impact souligne que ces recherches « présentent un intérêt dans le cadre de la recherche, particulièrement sur la qualification de nouveaux types de cellules pluripotentes, domaine de pointe en fort développement où certaines équipes françaises excellent, et doit être poursuivi » ([291]).

Interrogé par le rapporteur, le Gouvernement a indiqué que ces recherches pourraient « permettre d’étudier la mise en place de la pluripotence au sein des cellules souches ». L’adjonction de cellules pluripotentes induites ou de cellules souches embryonnaires humaines à un embryon « au stade j5 » permettrait de comparer ces cellules à celles déjà présentes dans l’embryon et d’étudier les facteurs conduisant à la pluripotence.

Par ailleurs, le flou encadrant les recherches portant sur l’adjonction de cellules humaines à des embryons animaux est levé. Comme souligné dans l’étude du Conseil d’État, aucun interdit n’est aujourd’hui expressément formulé à l’encontre de ces recherches. La nouvelle rédaction clarifie donc la portée d’une disposition sujette à interprétation et « sécurise » en quelque sorte les recherches portant sur l’embryon animal. À l’appui de cette intention, on rappellera que l’article 15 modifie l’intitulé du chapitre consacré aux recherches en y désignant expressément l’embryon « humain. ».

L’avis n° 129 du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) plaidait à cet effet en faveur d’un cadre minimal justifiant la création d’une « instance  ad hoc, multidisciplinaire et incluant des chercheurs connaissant les questions éthiques chez l’animal, a fortiori si ces embryons sont transférés dans l’utérus d’un animal et que la naissance d’animaux chimères est envisagée » ([292]).

Aux termes du II, le quatrième alinéa de l’article 16-4 fait l’objet d’une double modification.

Le 1° du II vise à étendre le champ des recherches consacrées à l’édition génique en y incluant la finalité diagnostique conformément à la convention d’Oviedo (cf. développement du I du présent commentaire d’article).

Le 2° du II vise aussi à étendre le champ des recherches aux maladies autres que génétiques, apportant ainsi une réponse au questionnement du CCNE dans son avis précité.

Aux précisions demandées par le rapporteur, le Gouvernement a bien voulu indiquer que « les recherches concernées peuvent porter sur ces maladies mais également sur d’éventuels facteurs génétiques de résistances à des pathologies non héréditaires », comme les « facteurs génétiques conférant une résistance aux maladies liées au métabolisme (diabète, pancréatite aiguë…) [ou] aux maladies du vieillissement (cancers non héréditaires, maladie d’Alzheimer…) ».

 


—  1  —

Article 18
Développement des « passerelles soin/recherches » par l’utilisation facilitée d’échantillons conservés à d’autres fins

Adopté par la commission avec modifications

    Résumé du dispositif initial

L’article 18 vise à assouplir la mise en œuvre des recherches portant sur l’utilisation secondaire des prélèvements biologiques et nécessitant le recours à des tests génétiques. Ces recherches sont dérogatoires au droit commun des recherches impliquant la personne humaine, qui repose sur le principe du consentement, car elles peuvent être mises en œuvre sauf opposition de l’intéressé et car le consentement n’est pas non plus requis lorsqu’un traitement des données est constitué.

Les assouplissements supplémentaires sont motivés par la mise en place de projets de recherche requérant des données en quantité massive.

Le consentement présumé est ainsi élargi aux programmes de recherche qui font désormais l’objet d’une définition au sein du code de la santé publique. Des garanties sont parallèlement apportées afin que l’intéressé exerce sa faculté d’opposition sur la base d’une information adéquate et que l’État s’acquitte de sa mission de contrôle.

Les modalités du consentement des majeurs protégés sont revues pour reconnaître davantage leur autonomie, comme le font d’autres articles du projet de loi.

Les circonstances permettant de conclure à l’impossibilité d’informer les intéressés, aujourd’hui circonscrites aux personnes non retrouvées, sont étendues aux personnes décédées ou hors d’état d’exprimer leur volonté. Les modalités de saisine du comité de protection des personnes prévues par le droit en vigueur font l’objet de précisions.

Sont enfin explicitées les modalités d’information de l’intéressé lorsque les recherches font apparaître des anomalies génétiques présentant un risque pour sa santé.

    Modifications apportées par la commission

Outre deux amendements de coordination et de nature rédactionnelle, la commission a  entendu préciser les modalités d’information lorsque les recherches font apparaître des anomalies génétiques présentant un risque pour la santé pour la personne. Le texte du projet de loi prévoit que celle-ci est informée par le médecin détenteur de son identité ou par le responsable de la recherche ; or, ce dernier ne dispose d’aucune information sur l’identité de l’intéressé. La commission a adopté deux amendements identiques, dont un du rapporteur, tendant à supprimer l’obligation faite au responsable de la recherche de contacter l’intéressé (amendements n° 517 et n° 2227).

I.   Le droit en vigueur

Le régime juridique des recherches sur les données génétiques combine plusieurs dispositions :

– il s’inscrit dans le cadre plus général des recherches impliquant la personne humaine (RIPH) qui nécessitent l’avis préalable d’un comité de protection des personnes ;

– il nécessite un consentement exprès selon les termes de l’article 16-10 du code civil sauf lorsque la recherche implique l’utilisation secondaire d’échantillons biologiques ;

– il s’inscrit enfin dans le cadre de la loi relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés qui définit notamment le régime de protection des données sensibles lorsqu’elles font l’objet d’un traitement.

● Aux termes de l’article 16-10 du code civil, un examen des caractéristiques génétiques d’une personne ne peut être entrepris qu’à deux fins : médicales ou de recherche scientifique. Ces deux finalités sont subordonnées au consentement exprès de la personne concernée.

Or, lorsqu’il est opéré des prélèvements d’éléments du corps à des fins de recherche, les chercheurs ne savent pas encore quel sera l’aboutissement de leurs travaux, lesquels sont susceptibles d’appeler une nouvelle utilisation des éléments prélevés, notamment par le biais d’un examen des caractéristiques génétiques. Cette nouvelle finalité appelle ainsi des dérogations au principe du consentement exprès car il est assez difficile de retrouver les personnes ayant consenti au prélèvement pour recueillir leur consentement en vue d’autres fins.

● Le code de la santé publique prévoit justement qu’il peut être dérogé au principe du consentement exprès à l’examen des caractéristiques génétiques dans le cadre de recherches scientifiques à partir d’éléments biologiques initialement prélevés pour une autre finalité.

Introduit non par la révision de 2011 ([293]) mais par la loi Jardé ([294]), ce régime, prévu par l’article L. 1131-1-1, s’inspire du dispositif de l’article L. 1211-2, issu de la loi du 6 août 2004 ([295]), qui permet de déroger à l’exigence d’un consentement exprès d’une personne pour pratiquer des recherches sur des éléments et produits de son corps initialement prélevés à une autre fin.

Le dispositif reprend une proposition formulée par le Conseil d’État ([296]) lequel soulignait les contraintes pesant sur la recherche qui nécessitaient alors de retrouver les personnes concernées ou leurs proches pour obtenir leur consentement, conformément à la loi du 6 août 2004, et espérer ainsi une poursuite des travaux.

Le premier alinéa de l’article L. 1131-1-1 subordonne ces recherches au respect d’une double condition :

– obligation d’information de la personne concernée par le prélèvement du nouveau projet de recherche ;

– non-exercice d’un droit d’opposition de la personne concernée (par les deux titulaires de l’autorité parentale ou du tuteur s’il s’agit d’un mineur ou d’un majeur en tutelle, ou par la personne de confiance ou son entourage, s’il s’agit d’une personne hors d’état d’exprimer son consentement ne faisant pas l’objet d’une tutelle).

L’obligation d’information peut être levée si « la personne concernée ne peut pas être retrouvée ». Les travaux parlementaires mentionnent ainsi le décès ‑ de même que le Conseil d’État ([297]) ‑ ou le changement de domicile ([298]). Cette dérogation suppose l’avis favorable du comité de protection des personnes qui s’assure que la personne concernée ne s’est pas opposée à l’examen de ses caractéristiques génétiques et qui émet un avis sur l’intérêt scientifique de la recherche.

Le troisième alinéa de l’article L. 1131-1-1 prévoit que, lorsque la personne a pu être retrouvée, elle doit être interrogée afin de savoir si elle souhaite « être informée en cas de diagnostic d’une anomalie génétique grave ». Le cas échéant, l’information de la parentèle est réalisée selon les modalités prévues par l’article L. 1131-1 (cf. commentaire de l’article 9).

Le dernier alinéa proscrit enfin l’application de l’article L. 1131-1-1 aux recherches dont les résultats « sont susceptibles de permettre la levée de l’anonymat des personnes concernées » et qui relèvent de l’article 75 de loi du 6 janvier 1978 pour la phase de traitement des données.

 Les données génétiques sont des données à caractère personnel particulièrement sensibles et font l’objet d’une interdiction de traitement. Y dérogent les traitements pour lesquels le consentement exprès et éclairé de l’individu est recueilli et dans la mesure où la finalité du traitement l’exige. Cette exigence de consentement n’est cependant pas opposable aux recherches effectuées sur le fondement de l’article L. 1131-1 du code de la santé publique.

Une divergence avait un temps opposé la Commission nationale de l’informatique et des libertés et le ministère chargé de la santé sur la portée des dispositions de l’article L. 1131-1-1. Depuis la loi du 20 juin 2018 ([299]), cette divergence a disparu. L’article 75 de la loi n° 78-17 ([300]) dispose en effet que s’agissant des recherches scientifiques réalisées à partir d’échantillons biologiques pour une autre fin que celle pour laquelle ils ont été prélevés, aucun consentement exprès n’est requis pour la mise en œuvre du traitement.

En définitive, la mise en œuvre d’un projet de recherche dans le cadre de l’article L. 1331-1 déroge au principe du consentement exprès sur la mise en œuvre non seulement de la recherche mais aussi du traitement de données s’il y est recouru.

II.   les évolutions prévues par le projet de loi

L’article 18 prévoit plusieurs modifications.

Le I reprend les dispositions de l’actuel article L. 1131-1-1 pour les insérer au sein d’un nouvel article L. 1130-5 situé dans le chapitre préliminaire portant « principes généraux » des examens des caractéristiques génétiques et identifications par empreinte génétique (cf. commentaire de l’article 8). Par ailleurs, il en modifie la portée sur plusieurs points afin d’assouplir le régime des recherches.

1.   Un dispositif assoupli destiné à promouvoir la recherche

Aux termes du I, le régime défini par l’article L. 1130-5, qui traite des examens des caractéristiques génétiques pratiqués à des fins de recherches scientifiques à partir d’éléments du corps prélevés pour d’autres finalités, diffère sur plusieurs points du régime actuel. Son dispositif comprend désormais cinq subdivisions numérotées de I à V.

a.   La finalité de recherche scientifique désormais attachée à la notion de programme de recherche

Le I de l’article L. 1130-5 reprend le premier alinéa de l’actuel article L. 1131-1-1. En application de la dérogation prévue par le III de l’article 16-10 du code civil (cf. commentaire de l’article 10), aucun consentement préalable n’est requis sur le recours à des tests génétiques dans le cadre de recherches scientifiques réalisées à partir d’éléments du corps d’une personne prélevés à d’autres fins. Comme dans le droit actuel, les recherches peuvent être menées tant que l’intéressé ne s’y oppose pas. Les dispositions relatives aux mineurs et aux majeurs protégés, incluses dans le premier alinéa de l’article L. 1131-1-1, font désormais l’objet du III du nouvel article L. 1130-5 (cf. infra).

Le premier alinéa du I étend le périmètre des recherches en substituant à la notion de « projet de recherche » celle de « programme » au sens de l’article L. 1243-3, lequel est modifié par le II du présent article. Le « programme de recherche » est ainsi défini comme un ensemble d’activités de recherche organisées en vue de faciliter et d’accélérer les découvertes dans un domaine scientifique déterminé.

Cette modification n’est pas simplement rédactionnelle. Elle emporte un effet sur la portée de l’opposition, le programme de recherche constituant en effet un ensemble de projets de recherche.

Cette évolution est rendue nécessaire notamment parce que nombre de projets de recherche ont besoin de réunir et traiter une grande quantité de données pour explorer des questions scientifiques et médicales. Un « ciselage » du consentement qui resterait assorti à une finalité limitée (une maladie) ne peut répondre à cette exigence, alors même que notre pays s’est engagé dans le plan « France Médecine génomique 2025 ».

Exemples de recherches concernées par l’article 18

« Les recherches sur les maladies génétiques sont particulièrement concernées par ce dispositif. Par ailleurs, toutes les thématiques de recherche en biologie et santé humaine pourraient nécessiter le recours à l’étude de caractéristiques génétiques pour explorer l’incidence potentielle d’un facteur génétique dans une pathologie donnée.

« Peuvent être cités des programmes de l’Inserm spécifiques ou non à la recherche en génétique :

«  le programme variabilité génomique 2018 dont l’objectif est de comprendre le rôle joué par les gènes et leurs variants sur le développement des pathologies en s’appuyant à la fois sur un suivi de cohortes d’individus et sur leur phénotypage en favorisant le développement de nouvelles méthodes d’analyse des données.

«  le programme vieillissement 2016 qui à travers des approches complémentaires de biochimie, génomique, biologie moléculaire, cellulaire, des études sur des modèles in vitro, in vivo, des échantillons humains couplées à la modélisation mathématique et le criblage à haut débit, vise à mettre en évidence les fondements moléculaires et cellulaires des dérèglements liés au vieillissement normal ».

Source : réponse du Gouvernement au questionnaire du rapporteur

En l’espèce, l’obligation d’information assortie du droit d’opposition ne s’appliquerait plus projet par projet mais à l’échelle d’un programme de recherche.

À cet égard, la rédaction retenue semble se rapprocher de l’une des trois hypothèses portant sur les recherches relatives aux données génétiques présentées par le Conseil d’État dans son étude sur la révision des lois de bioéthique ([301]). La Haute Assemblée y définit ainsi le principe du « consentement par délégation », consistant à conditionner la réutilisation des données de l’individu à l’avis « d’un “courtier honnête” […] et au respect par le protocole de recherche d’exigences renforcées ». Dans cette hypothèse, le patient choisit les finalités auxquelles il entend consentir sur le fondement d’informations claires et permanentes sur l’utilisation des données.

Le principe du « consentement par délégation » trouve également à s’appliquer au cas des personnes qui ne sont pas retrouvées, décédées ou hors d’état d’exprimer leur volonté pour lesquelles ni le droit d’opposition ni le consentement ne peuvent être mobilisés. Le « “courtier honnête” » est alors le comité de protection des personnes chargé de se prononcer sur la recherche.

Des garanties sont également apportées aux personnes concernées par ces recherches. Un deuxième alinéa complète le I afin de prévoir la possibilité de s’opposer à l’examen prévu « sans forme » et ce, « tant qu’il n’y a pas eu d’intervention sur l’élément concerné en raison de la recherche ».

La personne concernée peut faire valoir à tout moment son opposition à l’ensemble voire à l’une ou l’autre des recherches effectuées dans le cadre du programme tant qu’il n’y a pas eu d’intervention sur son/ses échantillon(s) dans le cadre de la recherche. Le Gouvernement a bien voulu indiquer au rapporteur que « l’information donnée à la personne portera sur un programme, permettant ainsi d’éviter des sollicitations successives sur chaque projet émanant de ce programme. La personne, le cas échéant, [pourra s’opposer], sur le fondement de l’information qui lui est donnée donc a priori sur l’ensemble du programme recherche. Ce principe n’exclut pas la possibilité de solliciter des personnes sur une aire plus restreinte que celle d’un programme ou de prévoir une opposition ciselée sur le fondement d’une information adéquate ».

On notera enfin, qu’aux termes du II du présent article, les modalités de contrôle des organismes déclarant les programmes de recherche ressortent renforcées (cf. 2° du présent II).

b.   Les anomalies génétiques découvertes à l’occasion des recherches : un régime juridique précisé

L’avant-dernier alinéa de l’actuel article L. 1131-1-1 dispose que « lorsque la personne concernée a pu être retrouvée, il lui est demandé, au moment où elle est informée du projet de recherche, si elle souhaite être informée en cas de diagnostic d’une anomalie génétique grave ». Cette disposition est sensiblement modifiée par cohérence avec les évolutions opérées par les articles 8 et 9 sur la prise en charge des personnes pour lesquelles une anomalie génétique grave a été découverte. Le II de l’article L. 1130-5 nouveau en précise la portée dans trois alinéas.

● Le premier alinéa du II prévoit l’obligation d’information en cas de découverte de « caractéristiques génétiques pouvant être responsables d’une affection grave ».

À l’instar des articles précités, la notion d’anomalie grave, peu éclairante, est écartée au profit de cette définition plus cohérente. La gravité ne ressortit pas à l’anomalie mais à ce qu’elle est susceptible de provoquer. À la différence toutefois des articles 8 et 9, le texte proposé retient l’expression « caractéristiques génétiques » au lieu d’anomalie. Interrogé sur ce choix rédactionnel, le Gouvernement a indiqué au rapporteur que « dans un contexte d’étude scientifique sans vocation diagnostique, le terme de "caractéristique génétique" a été préféré étant entendu qu’un diagnostic sera nécessaire pour confirmer ou infirmer que la caractéristique découverte fortuitement peut faire l’objet d’une prise en charge médicale ».

Deux limites toutefois doivent être soulignées.

D’autre part, cette obligation ne concerne que les affections graves « justifiant de mesures de prévention ou de soins ». Il s’agit, à cet égard, de préserver la personne d’annonces anxiogènes pour lesquelles aucune prise en charge ne peut lui être proposée.

D’autre part, l’information n’est délivrée que si la personne ne s’y est pas préalablement opposée. On se reportera à cet effet à l’article L. 1111-2 du code de la santé publique qui prévoit le respect de la volonté d’une personne d’être tenue dans l’ignorance d’un diagnostic ou d’un pronostic (cf. commentaire de l’article 8).

● La procédure d’information fait l’objet du deuxième alinéa du II au terme duquel la prise en charge s’effectue dans un cadre médical et spécifique.

Cet alinéa prévoit d’abord que les découvertes peuvent être confirmées par un laboratoire de biologie médicale dûment autorisé et accrédité. L’étude d’impact précise qu’il s’agit d’un laboratoire « autorisé en génétique moléculaire » ([302]).

À l’instar des articles 8 et 9, le même alinéa prévoit ensuite que le patient n’est informé de la nature des risques encourus qu’à l’occasion d’une consultation chez un médecin qualifié en génétique. La délivrance de l’information n’est donc pas du ressort du responsable de la recherche, ni du médecin détenteur de l’identité de la personne, dont le rôle se bornera à la contacter et l’inviter à se rendre à la dite consultation.

La dernière phrase du même alinéa dispose encore que la personne peut toujours s’opposer à être informée « de telles découvertes », « sans forme et à tout moment ».

● Aux termes du dernier alinéa du II, le responsable de la recherche doit informer le médecin consulté par la personne des caractéristiques génétiques en cause. Cette transmission d’information est en effet nécessaire dans l’optique de la continuité de la prise en charge du patient.

● On notera enfin que l’éventualité d’une anomalie pouvant être responsable d’une affectation grave peut conduire le patient concerné à devoir l’informer sa parentèle. Cette obligation pourra s’effectuer dans les conditions prévues par l’article L. 1131-1 tel que modifié par l’article 9 du présent projet de loi. Si la personne s’oppose à l’information sur ces découvertes, aucune suite ne sera alors donnée. En d’autres termes, le projet de loi maintient le droit existant puisqu’aucune information de la parentèle ne peut être entreprise si la personne a exprimé la volonté de ne pas être informée de ces découvertes pour elle-même.

Si la personne est concernée par une AMP ou un accouchement sous le régime du secret, l’information pourra s’effectuer dans les conditions prévues par les articles L. 1131‑1-1 et L. 1131-1-2 tels que modifiés par l’article 9 du projet de loi.

c.   Les modalités d’opposition des majeurs protégés assouplies

Selon les précisions apportées au rapporteur par le Gouvernement, le III de l’article L. 1130-5 précise les modalités d’opposition à l’égard tant de l’examen des caractéristiques génétiques (I de l’article L. 1130-5) que de l’information sur la découverte d’une anomalie grave (II de l’article L. 1130-5) lorsque les recherches concernent un mineur ou un majeur protégé.

Le premier alinéa du III maintient le régime actuellement applicable au mineur. L’opposition est exprimée par les titulaires de l’exercice de l’autorité parentale ou par le tuteur lorsque le mineur est placé sous tutelle. Par cohérence avec les modifications opérées dans d’autres articles du projet de loi, les termes de « titulaires de l’autorité parentale » sont remplacés par ceux de « parents investis de l’exercice de l’autorité parentale ».

Le deuxième alinéa du III concerne la situation des majeurs protégés. On notera qu’à l’instar des dispositions portées par l’article 7, le champ d’application du dispositif est réservé aux seuls majeurs faisant l’objet d’une mesure de protection juridique avec représentation de la personne. Il s’agit ici de réaliser une harmonisation en cohérence avec les évolutions du droit civil destinées à faire valoir l’autonomie de la personne. Lorsque les mesures de protection ne concernent que des biens, on peut en effet supposer que la personne est en état de comprendre et d’exprimer sa volonté (cf. commentaire de l’article 7).

On notera cependant que s’agissant de la recherche, il ne revient pas à la personne chargée de la mesure de protection de s’exprimer en lieu et place du majeur protégé. Il revient à celui-ci d’exprimer seul cette opposition, même s’il peut être assisté par cette personne.

d.   De nouvelles situations dérogeant à l’obligation d’information

Le dernier alinéa du III prévoit les situations dans lesquelles l’obligation d’information n’est pas applicable. Actuellement, ce n’est le cas que lorsque la personne ne peut pas être retrouvée, auquel cas s’impose la nécessité de consulter un comité de protection des personnes afin de rechercher si la personne ne s’est pas opposée à l’examen des caractéristiques génétiques et d’émettre un avis ([303]).

L’étude d’impact fait état de difficultés d’application du droit en vigueur s’agissant particulièrement des personnes décédées. En dépit de l’intention manifestée tant par le législateur que par le Conseil d’État, inspirateur du dispositif actuel, « certains considèrent que les personnes décédées relèvent de ce champ alors que pour d’autres la réalisation d’un examen de génétique après le décès d’une personne contrevient à l’article 16-10 du code civil et relève de l’article 226-25 du code pénal, ce qui crée une insécurité juridique pour les chercheurs » ([304]). C’est pourquoi le projet de loi prévoit explicitement le cas de la personne décédée, la personne non retrouvée pouvant être celle dont on n’aura pas pu retrouver l’adresse ou qui aurait disparu.

Ce régime dérogatoire est par ailleurs étendu aux personnes hors d’état d’exprimer leur volonté. Interrogé sur la portée de cette extension, le Gouvernement a indiqué qu’« il s’agit des personnes dans l’incapacité physique ou psychique d’exprimer leur volonté ce qui inclut par exemple : le coma, le coma artificiel, les maladies neuro-dégénératives ».

Enfin, le texte proposé prévoit les modalités selon lesquelles le comité de protection des personnes effectuera sa mission. Il est chargé d’évaluer « les éléments justifiant de l’impossibilité de procéder à l’information », de se prononcer sur l’opportunité de l’examen au regard de la dérogation ainsi que de la pertinence non plus seulement « scientifique » mais également « éthique » de la recherche.

On notera à cet effet une évolution au regard du droit en vigueur. Actuellement, le CPP doit s’assurer que la personne qui ne peut être retrouvée ne s’est pas auparavant opposée à l’examen de ses caractéristiques génétiques. Le texte envisagé ne charge plus le CPP d’effectuer cette recherche mais le charge d’appréhender le dossier en opportunité. Interrogé sur cette évolution rédactionnelle, le Gouvernement a bien voulu indiquer au rapporteur qu’aujourd’hui le CPP « n’est pas en capacité de vérifier l’opposition des personnes » et cela constitue donc une « charge […] inopérante ».

e.   L’exigence du consentement en cas de risque de levée d’anonymat limitée aux recherches faisant l’objet de publications

Le IV reprend le dernier alinéa de l’actuel article L. 1131-1-1 tout en modifiant sa portée. Celui-ci dispose que les recherches dont les résultats sont susceptibles de permettre la levée de l’anonymat s’inscrivent dans le droit commun, à savoir les dispositions prévues par la loi relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés lorsqu’un traitement est en jeu.

La modification proposée consiste à prévoir que le droit commun ne s’appliquera désormais qu’aux recherches dont la publication des résultats est susceptible de permettre la levée de l’anonymat.

Selon le Gouvernement, cette disposition vise à « [prévoir] les cas, peu fréquents, de publications relatives aux maladies rares qui n’affecteraient que quelques patients pouvant être identifiés par la simple publication des résultats d’une recherche. Dans ce cas, seul un consentement exprès tel que prévu à l’article 16-10 code civil permettrait d’engager une recherche ».

f.   Des modalités d’application fixées par la voie réglementaire

L’article est enfin complété d’un V prévoyant que sont fixées par décret les modalités d’information des personnes et celles permettant l’expression de leur opposition. Interrogé sur ses intentions, le Gouvernement a bien voulu apporter les précisions suivantes : « le décret permettra de guider les pratiques d’information des personnes concernant les recherches projetées, ce en quoi consiste l’examen des caractéristiques génétiques à des fins de recherche scientifique et sur la possibilité d’une découverte fortuite dans ce contexte. Il permettra également d’harmoniser l’information donnée aux personnes sur leur capacité à s’opposer et les modalités pratiques selon lesquelles elles peuvent exprimer cette opposition ».

2.   Le renforcement du contrôle de la conservation et la préparation à des fins scientifiques de certains éléments et produits du corps humain

Les activités de conservation et de préparation à des fins scientifiques de tissus et de cellules issus du corps humain ainsi que la préparation et la conservation des organes, du sang, de ses composants et de ses produits dérivés font l’objet d’une déclaration auprès du ministère chargé de la recherche en vertu de L. 1243‑3 du code de la santé publique. L’État peut s’opposer à la mise en œuvre de ces recherches si la finalité scientifique n’est pas établie, si les conditions d’approvisionnement, de conservation et d’utilisation ne respectent les principes généraux relatifs au don d’éléments et de produits du corps humain (gratuité, anonymat, consentement, absence de publicité, etc…) ou si elles entrent en contravention avec la protection de l’environnement.

Ces activités incluent la constitution et l’utilisation de collections d’échantillons biologiques humains qui désignent le regroupement de prélèvements biologiques effectués sur un groupe de personnes partageant les mêmes caractéristiques cliniques ou biologiques ainsi que leurs dérivés.

Le II vise à modifier cet article en procédant :

‑ en son , à la définition de la notion de « programme de recherche » (cf. développements présentés au a) du 1° du II du présent commentaire d’article) ;

‑ en son , à une évolution rédactionnelle ;

‑ en son , à une nouvelle rédaction de l’actuel quatrième alinéa de l’article L. 1243-3. Cet alinéa prévoit aujourd’hui que « le ministre chargé de la recherche et, le cas échéant, le directeur général de l’agence régionale de santé territorialement compétent peuvent à tout moment suspendre ou interdire les activités qui ne répondent plus » aux exigences de l’article L. 1243-3. La modification vise à permettre à ces deux autorités de demander toute information leur permettant de s’assurer que les activités sont bien poursuivies dans le respect des règles qui leur sont applicables. Est ensuite précisé que ce contrôle est effectué au regard, d’une part, des dispositions relatives aux recherches impliquant les personnes humaines (article L. 1211-2), d’autre part, du droit applicable aux recherches impliquant le recours à des tests génétiques dans le cadre de l’utilisation secondaire de prélèvements biologiques (article L. 1130-5). Cet ajout est la contrepartie de l’extension du champ des recherches aux programmes traduisant la notion de « consentement par délégation ». La possibilité de suspendre ou d’interdire les recherches est enfin maintenue.

3.   La modification de la loi relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

Le III procède à un ajustement de l’article 75 de la loi n° 78-17 précitée qui fixe le cadre juridique des examens des caractéristiques génétiques, en remplaçant la référence à l’article L. 1131-1-1 par la référence à l’article L. 1130-5 nouveau.


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Titre V

Poursuivre l’amélioration de la qualité et
de la sécurité des pratiques du domaine bioéthique

Chapitre Ier
Renforcer la qualité et la sécurité des pratiques

Article 19
Rénovation du régime du diagnostic prénatal permettant de reconnaître la médecine fœtale et de renforcer l’information de la femme enceinte et du couple et prévoyant des recommandations de bonnes pratiques

Adopté par la commission avec modifications

    Résumé du dispositif initial

L’article 19 vise à réformer le cadre juridique du diagnostic prénatal (DPN) pour le conformer à la réalité de la prise en charge des femmes enceintes.

Il modifie l’article L. 2131-1 du code de la santé publique sur trois points :

– l’objet du DPN est élargi à la prise en charge des parents, du fœtus et de l’embryon dans le cadre de la médecine fœtale. En outre, les pratiques médicales ne prenant plus seulement appui sur l’échographie, il est désormais fait référence à l’imagerie ;

– l’information du résultat des examens initiaux est étendue au couple ainsi que la prise en charge par les centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal (CPDPN) en cas de risque avéré alors qu’elle concerne aujourd’hui exclusivement la femme enceinte ;

– l’information de la femme enceinte et du couple est particulièrement renforcée dès lors qu’un examen a pu révéler des caractéristiques génétiques fœtales incidentes.

L’article 19 tend ensuite à insérer un nouvel article L. 2131-1-2 prévoyant la mise en place de différentes recommandations de bonnes pratiques destinées à guider la prise en charge des femmes enceintes, et plus globalement du couple, dans le cadre d’un DPN. Ces recommandations existant déjà pour la plupart des items mentionnés, elles feront l’objet d’une mise à jour.

    Modifications apportées par la commission

Outre quelques amendements rédactionnels, la commission a procédé à plusieurs modifications :

– elle a recentré l’information relative au résultat des examens initiaux sur la femme enceinte qui pourra, si elle le souhaite, informer son conjoint (amendement n° 950) ;

– sur proposition du rapporteur, elle a procédé à la même modification s’agissant de la prise en charge par les CPDPN en cas de risque avéré (amendement n° 2430) ;

– sur proposition du rapporteur, une modification similaire a été adoptée dès lors qu’un examen a pu révéler des caractéristiques génétiques fœtales incidentes. Le projet de loi prévoit l’information du couple et l’opposition conjointe de ses deux membres à la révélation d’une telle information ; l’amendement prévoit que l’opposition ne peut être formulée que par la femme enceinte (amendement n° 2429) ;

– à l’initiative du rapporteur, la commission a prévu un dispositif d’information du tiers donneur si les examens révèlent des caractéristiques génétiques fœtales sans relation avec l’indication de l’examen (amendement n° 2255).

I.   Le droit existant

Le diagnostic prénatal vise à détecter in utero une affectation d’une particulière gravité. L’article L. 2131-1 du code de la santé publique, qui en fixe le cadre, précise qu’il combine différentes pratiques médicales, parmi lesquelles l’échographie obstétricale et fœtale.

Il partage avec le diagnostic préimplantatoire (DPI) la caractéristique d’être effectué avant la naissance de l’enfant attendu. À la différence du DPI qui est effectué sur un embryon in vitro dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation, le DPN concerne les embryons et fœtus pendant la grossesse.

Au DPN sont associés l’accompagnement des femmes enceintes et la préparation de la venue de l’enfant ; il couvre ainsi plusieurs étapes. Le DPN peut aboutir à proposer un traitement médical ou chirurgical sur l’embryon, le fœtus in utero, voire le nouveau-né. Il peut aussi conduire à une interruption médicale de grossesse (IMG), qui constitue l’acte ultime et définitif en l’absence de traitement médical ou chirurgical fœtal curatif.

1.   Le DPN inclut l’accompagnement de la femme enceinte et du couple

Le II de l’article L. 2131-1 dispose ainsi qu’une « information loyale, claire et adaptée » est apportée à toute femme enceinte sur la possibilité de bénéficier d’examens permettant d’évaluer le risque que l’embryon ou le fœtus présente une affection susceptible de modifier le déroulement ou le suivi de sa grossesse.

Les suites apportées aux examens, prévues par le III du même article, s’inscrivent dans un cadre médical qu’il s’agisse de la communication des résultats comme de l’interprétation qu’il convient d’en donner. Ce n’est qu’en cas de risque avéré, que la femme enceinte, et si elle le souhaite, l’autre membre du couple, sont pris en charge par un médecin et orientés vers un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal (CPDPN) en vue d’une prise en charge adaptée.

Cette prise en charge consiste d’abord à leur proposer des informations sur les caractéristiques de l’affection suspectée, les moyens de la détecter et les possibilités de prévention, de soin ou de prise en charge ainsi qu’une liste des associations spécialisées et agréées dans l’accompagnement des patients et de leur famille.

Elle consiste ensuite à proposer de nouveaux examens au cours d’une consultation adaptée à l’affection recherchée (cet examen peut aussi être proposé par un médecin n’appartenant pas au CPDPN).

Les centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal (CPDPN)

Autorisés par l’Agence de la biomédecine, les CPDPN sont chargés de trois missions au titre du seul DPN :

- favoriser l’accès et la mise en œuvre du DPN dans le cadre d’un pôle de compétences au service tant des patients que des praticiens ;

- donner des avis et conseils, en matière de diagnostic, de thérapeutique et de pronostic, aux cliniciens et aux biologistes qui s’adressent à eux lorsqu’ils suspectent une affection de l’embryon ou du fœtus ;

- organiser des actions de formation à destination des praticiens concernés par le diagnostic prénatal.

Le caractère pluridisciplinaire est assuré par des exigences réglementaires minimales relatives à la composition de l’équipe constituant le centre : un praticien spécialisé en gynécologie-obstétrique, un praticien « justifiant d’une formation et d’une expérience en échographie du fœtus », un médecin spécialisé en pédiatrie et en néonatalogie et un médecin spécialisé en génétique médicale, ces quatre spécialistes exerçant obligatoirement sur le site abritant le CPDPN. L’équipe peut être facultativement complétée par « des personnes pouvant ne pas avoir d’activité dans l’organisme ou l’établissement de santé au sein duquel le centre est créé » comme des psychiatres, des psychologues ou un médecin spécialiste en foetopathologie, un biologiste médical ou un conseiller en génétique.

Source : partie réglementaire du code de la santé publique

Le consentement de la femme enceinte est recherché à chacune des étapes proposées par une information appropriée, particulièrement avant de recourir aux examens. C’est même l’information proposée sur la nature et la gravité de l’affectation qui doit faire l’objet d’un accord. Cette information consiste aussi à souligner « que l’absence d’anomalie détectée ne permet pas d’affirmer que le fœtus soit indemne de toute affection et qu’une suspicion d’anomalie peut ne pas être confirmée ultérieurement ».

L’une des ultimes étapes peut être l’interruption de grossesse pour motif médical (interruption médicale de grossesse ou IMG) dans les conditions prévues par l’article L. 2213-1 du code de la santé publique (mise en péril de la santé de la femme, forte probabilité que l'enfant à naître soit atteint d'une affection d'une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic). Deux médecins du CPDPN doivent attester que soit que la « poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme, soit qu’il existe une forte probabilité que l’enfant à naître soit atteint d’une affection d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic ». Près de 7 400 attestations de particulière gravité pour motif fœtal ont ainsi été délivrées en vue d’une IMG en 2016.

Selon les dernières données publiées par l’Agence de la biomédecine, environ 32 000 femmes ont été suivies en 2016 par un CDPDN représentant 45 000 dossiers ([305]), nombre à rapporter aux 772 000 naissances enregistrées cette année-là.

2.   Un cadre juridique appelé à évoluer

Le cadre juridique des CDPDN ne correspond pas à la réalité de leur activité, tant du point de vue des techniques utilisées que la pratique observée.

L’étude d’impact relève que « l’interruption de grossesse pour motif médical n’est pas l’objectif premier du diagnostic prénatal qui, par le diagnostic d’une pathologie fœtale ou obstétricale ainsi que sa surveillance, vise d’abord à réduire la mortalité et la morbidité périnatale, les handicaps d’origine périnatale et la mortalité maternelle » ([306]).

De fait, l’activité des CPDPN tend à montrer que la prise en charge de femmes consiste à les accompagner et à préparer la venue du nouveau-né, au besoin avec une équipe médicale adaptée.

On notera d’une part que le nombre d’indications d’IMG est plus élevé que celui des IMG effectivement pratiquées, d’autre part que « l’expertise des dossiers concernant des pathologies considérées comme curables, ou qui ne comportent pas une particulière gravité représentent l’activité la plus importante des CPDPN en termes de volume avec 17 039 fœtus concernés » ([307]). L’étude d’impact souligne ainsi que « la majorité des pathologies fœtales évolue lentement au cours de la grossesse sans mettre en jeu le pronostic vital du fœtus. Dans ces conditions, la prise en charge consiste, d’une part, à établir le diagnostic pour pouvoir informer les parents sur le pronostic prévisible pendant la grossesse et la période néonatale (voire à plus long terme) et, d’autre part, à surveiller l’évolution de la pathologie et à préparer la naissance et l’accueil du nouveau-né dans une structure adaptée » ([308]). On relèvera enfin que, la même année, 1 263 femmes ont choisi de poursuivre leur grossesse alors même qu’une pathologie fœtale grave a été détectée, pour laquelle une attestation de particulière gravité ouvrant la possibilité d’une IMG aurait pu être délivrée si la demande avait été faite.

De la même manière, les techniques utilisées permettent aujourd’hui, lorsqu’une pathologie d’une particulière gravité est avérée, de proposer une thérapie fœtale in utero. La médecine fœtale permet d’apporter des soins à l’embryon ou au fœtus sans recourir à une intervention à utérus ouvert. L’étude d’impact donne ainsi plusieurs exemples, à l’instar de la transfusion dans le cordon ombilical pour corriger une anémie fœtale sévère, des laser sur le placenta pour juguler le différentiel de circulation sanguine entre fœtus partageant le même placenta, ou le drainage de kystes.

évolution du nombre de gestes à visée thérapeuthique en médecine fœtale sur le site des centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal
de 2012 à 2016

 

2012

2013

2014

2015

2016

Exsanguino-transfusions et transfusions in utero

242

253

201

237

230

 pour allo-immunisation fœto-maternelle

159

195

150

191

163

 pour autre motif

83

58

51

46

67

Drainages amniotiques

608

612

576

603

593

Autres drainages (pleuraux, urinaires, péritonéaux, autres)

142

148

159

148

124

Laser

252

266

280

311

288

Amnio-infusions ou injections intra-amniotiques

239

162

176

188

153

Chirurgie fœtale par fœtoscopie

 

25

49

30

36

Chirurgie fœtale ouverte

 

0

1

4

3

Exit procédure

 

8

9

11

13

Autres

70

20

64

21

59

Informations recueillies depuis 2013

Source : Agence de la biomédecine

On relèvera également que l’essor des nouvelles techniques, telle que l’analyse chromosomique sur puce à ADN, tend à élargir le spectre de la détection des anomalies. Découvrir des caractéristiques génétiques sans lien direct avec l’indication initiale nécessite une information et une prise en charge dans le cadre des dispositions prévues par le projet de loi sur les découvertes incidentes (cf. commentaires des articles 8 et 9).

L’ensemble de ces situations appelle ainsi une adaptation du cadre juridique qui ne pose aujourd’hui que le principe de la détection d’une affectation d’une particulière gravité sans prise en compte des progrès réalisés par la médecine fœtale. Dans son avis n° 129, le Comité consultatif national d’éthique appelle à cet effet à revoir la définition juridique du DPN en accord avec les possibilités thérapeutiques existantes.

II.   les éVOLUTIONS PRéVUES PAR LE PROJET DE LOI

L’article 19 vise tout d’abord à modifier l’article L. 2131-1 du code de la santé publique sur trois points (). Il tend ensuite à insérer un nouvel article L. 2131-1-2 () prévoyant la mise en place de différentes recommandations de bonnes pratiques destinées à guider la prise en charge des femmes enceintes, et plus globalement du couple, dans le cadre d’un DPN.

1.   L’amélioration des étapes de prise en charge au titre du diagnostic prénatal

Le tend à modifier trois des sept sections que compte l’article L. 2131-1 afin de préciser l’objet du DPN ainsi que l’information du couple, notamment en cas de découverte de caractéristiques génétiques incidentes.

● Le I de l’article L. 2131-1 fixe les objectifs du DPN dont la définition recouvre aujourd’hui les pratiques médicales, « y compris l’échographie obstétricale et fœtale ».

Cette définition est toilettée par le a) du 1° pour davantage correspondre aux techniques et modes de prise en charge.

Le terme d’échographie obstétricale et fœtale est trop limitatif puisque d’autres techniques d’imagerie du fœtus peuvent être utilisées à l’occasion d’un DPN. L’étude d’impact mentionne ainsi « les examens d’imagerie fœtale par résonance magnétique (IRM) et tomodensitométrie (ou scanner), dont l’objectif est d’étudier certains organes ou certaines structures du fœtus ou de ses annexes (de façon différente et complémentaire à l’échographie) » ([309]). C’est la raison pour laquelle le nouveau texte vise l’« imagerie obstétricale et fœtale ».

La majeure partie des consultations assurées par les CPDPN consistant à accompagner les couples et leur proposer une prise en charge en lien avec la pathologie détectée, il est aussi prévu que le DPN s’entend également de la médecine fœtale dont une définition est proposée dans un nouvel alinéa complétant le I. Celle-ci consiste à prodiguer « des soins médicaux et chirurgicaux à l’embryon et au fœtus » (cf. développements du I du présent commentaire d’article).

Enfin, l’objet du DPN, dont la définition le restreint à la détection des affections d’une particulière gravité, est élargi à leur « prise en charge » par cohérence avec les pratiques de médecine fœtale qui sont aujourd’hui proposées par le CPDPN.

● Le III de l’article L. 2131-1 pose le cadre général de l’information apportée en cas d’examen révélant une anomalie d’une particulière gravité. Délivrée dans un cadre médical, l’information consiste à apporter tout élément de nature à comprendre le résultat des examens médicaux et à proposer une prise en charge par un CPDPN. Dans le droit actuel, l’interprétation des résultats des examens initiaux est exclusivement apportée à la femme enceinte, la prise en charge pouvant être étendue à l’autre membre du couple si celle-là le « souhaite ».

Le b) du 1° reprend la rédaction actuelle du III en la modifiant sur un aspect. Les informations et la prise en charge concerneront désormais les deux membres du couple lorsque la femme enceinte vit en couple. L’étude d’impact souligne ainsi que « si le diagnostic prénatal a la particularité de concerner une femme enceinte et son fœtus la plaçant au centre du dispositif (c’est elle qui prend toutes les décisions relatives à sa grossesse), il est toutefois recommandé d’impliquer le plus souvent possible le couple, en particulier lors du rendu des résultats » ([310]).

Le c) du 1° modifie enfin le VI de l’article L. 2131-1.

Le VI vise actuellement à apporter toute information utile à la femme enceinte sur « les objectifs, les modalités, les risques, les limites et le caractère non obligatoire [des] examens ». Le même VI mentionne également les limites rencontrées dans le cadre de l’échographie obstétricale et fœtale. Ces dispositions sont complétées par deux nouveaux alinéas précisant le cadre des découvertes incidentes sans lien avec l’indication initiale de l’examen effectué lorsqu’un premier examen conclut à un risque avéré.

En effet, les nouvelles techniques sont susceptibles de révéler des caractéristiques génétiques fœtales sans relation avec l’examen initialement prescrit. Il est donc nécessaire de pouvoir tenir compte de cette possibilité afin de proposer une prise en charge adaptée, la découverte étant susceptible de concerner les deux membres du couple.

Le premier alinéa introduit par le c) pose le principe de l’information de la femme enceinte sur les découvertes incidentes que peuvent révéler « certains examens de biologie médicale à visée diagnostique ». Est notamment visée l’analyse chromosomique sur puce à ADN. Le même alinéa dispose que l’information précise également que la découverte incidente peut conduire à des « investigations supplémentaires » dans le cadre de l’article L. 1131-1 qui encadre la découverte d’anomalie génétique et l’information de la parentèle (cf. commentaire de l’article 9).

Le second alinéa introduit par le c) dispose que le médecin prescripteur communique toute information utile à la femme enceinte et le cas échéant aux deux membres du couple, sous réserve de leur absence d’opposition. Il pourra également les adresser à un médecin spécialisé en génétique « si les résultats le justifient ». Les textes ne prévoyant pas que les CPDPN comprennent obligatoirement un tel spécialiste (cf. encadré présenté dans le I du présent commentaire d’article), ce dernier pourra relever ou non de l’équipe pluridisciplinaire.

Le d) du 1° complète enfin la rédaction de l’article L. 2131-1 par un nouvel alinéa IX prévoyant les modalités d’information de l’autre membre du couple par décret en Conseil d’État. Il fait référence au « second alinéa » du VI alors qu’il devrait viser le « dernier » alinéa.

2.   Des recommandations de bonnes pratiques destinées à homogénéiser les pratiques

Le tend à insérer un nouvel article L. 2131-1-2 prévoyant la mise en place de recommandations de bonnes pratiques par voie d’arrêté du ministre chargé de la santé.

L’objectif étant de pouvoir garantir un consentement éclairé de la femme enceinte et de l’autre membre du couple, trois volets sont ainsi prévus par les 1° à 3° du nouvel article.

Le 1° vise les recommandations relatives, d’une part, aux modalités d’accès, de prise en charge des femmes enceintes et des couples, d’organisation et de fonctionnement des CPDPN, d’autre part, relatives au diagnostic préimplantatoire sur proposition de l’Agence de la biomédecine et aux critères médicaux justifiant la communication à la femme enceinte des caractéristiques génétiques fœtales sans relation certaine avec l’indication initiale de l’examen. Ces deux séries de recommandations seront arrêtées sur proposition de l’Agence de la biomédecine.

Le 2° vise les recommandations concernant les modalités de prescription, de réalisation et de communication des résultats des examens de biologie médicale prescrits au titre de l’article L. 2131-1. Ces recommandations seront proposées par l’Agence de la biomédecine (ABM) après l’avis de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).

Le 3° concerne la mise en place de recommandations sur les modalités de réalisation des examens d’imagerie concourant au diagnostic prénatal après avis de l’ABM et de l’ANSM.

L’étude d’impact indique que les différentes recommandations de bonnes pratiques fixées par arrêté et prévues par le nouvel article L. 2131-1-2 ont déjà été publiées et seront révisées :

– un arrêté du 1er juin 2015 détermine les recommandations de bonnes pratiques relatives aux modalités d’accès, de prise en charge des femmes enceintes et des couples, d’organisation et de fonctionnement des centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal en matière de diagnostic prénatal et de diagnostic préimplantatoire.

– un arrêté du 25 janvier 2018 fixe les recommandations de bonnes pratiques relatives aux modalités de prescription, de réalisation et de communication des résultats des examens de biologie médicale concourant au diagnostic biologique prénatal.

– un arrêté du 20 avril 2018 fixe les recommandations de bonnes pratiques relatives aux modalités de réalisation des examens d’imagerie concourant au diagnostic prénatal et aux modalités de prise en charge des femmes enceintes et des couples lors de ces examens.

Les recommandations de bonnes pratiques relatives aux critères médicaux justifiant la communication à la femme enceinte des caractéristiques génétiques fœtales sans relation certaine avec l’indication initiale de l’examen pourront faire l’objet d’un arrêté distinct ou bien être intégrées dans l’arrêté du 25 janvier 2018 précité, ce dernier abordant déjà de façon globale la question des découvertes sans lien avec l’indication initiale de l’examen, selon les indications complémentaires apportées par le Gouvernement.

 


Article 19 bis
État des lieux du diagnostic prénatal et du diagnostic préimplantatoire

Introduit par la commission

    Résumé du dispositif

L’article 19 bis résulte de l’adoption de l’amendement n° 2260 du rapporteur. Il vise à prévoir qu’un état des lieux du diagnostic prénatal et du diagnostic préimplantatoire sera effectué par l’Agence de la biomédecine avant la prochaine révision de la loi de bioéthique.

 

L’article 19 bis résulte de l’adoption de l’amendement n° 2260 présenté par le rapporteur. Il vise à prévoir qu’un état des lieux du diagnostic prénatal (DPN) et du diagnostic préimplantatoire (DPI) sera effectué par l’Agence de la biomédecine (ABM) avant la prochaine révision de la loi de bioéthique.

L’ABM avait réalisé des travaux similaires sur le DPN en 2007. Ce rapport avait donné lieu à une amélioration des pratiques alors constatées.

 


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Article 20
Suppression de l’obligation de proposer un délai de réflexion prévue dans le cadre de l’interruption médicale de grossesse (IMG) et encadrement de la réduction embryonnaire

Adopté par la commission avec modifications

    Résumé du dispositif initial

L’article 20 a pour objet :

– de supprimer l’obligation de proposer un délai de réflexion d’une semaine prévue dans le cadre de l’interruption de grossesse pour motif médical lié à l’état de santé du fœtus ;

– de mettre en place un cadre juridique pour les interruptions volontaires partielles de grossesse multiple.

    Modifications apportées par la commission

En cohérence avec un amendement qui visait à traiter de manière distincte l’interruption partielle de grossesse multiple motivée par une pathologie fœtale de celle qui est motivée par les risques graves qu’une telle grossesse fait peser sur la santé de la femme – en raison d’une pathologie contre‑indiquant une telle grossesse ou indépendamment d’une telle pathologie –, la commission a adopté deux amendements identiques, dont un du rapporteur, qui tendent à supprimer, à l’alinéa 5, la mention de la mise en péril de la santé « des embryons ou des fœtus », qu’il y a lieu de traiter dans un alinéa distinct.

I.   La suppression de l’obligation de proposer un délai de réflexion prévue dans le cadre de l’IMG pour motif lié à une pathologie fœtale

A.   Le droit en vigueur

L’interruption de grossesse peut être volontaire ou motivée par une pathologie maternelle ou fœtale.

En effet, l’article L. 2212-3 du même code prévoit la consultation d’un médecin ou d’une sage-femme qui, lorsqu’ils sont sollicités par une femme en vue de l’interruption de sa grossesse, doivent, « dès la première visite, informer celleci des méthodes médicales et chirurgicales d’interruption de grossesse et des risques et des effets secondaires potentiels ».

L’article L. 2212-4 ajoute qu’« il est systématiquement proposé, avant et après l’interruption volontaire de grossesse, à la femme majeure une consultation avec une personne ayant satisfait à une formation qualifiante en conseil conjugal ou toute autre personne qualifiée dans un établissement d’information, de consultation ou de conseil familial, un centre de planification ou d’éducation familiale, un service social ou un autre organisme agréé ». Cette consultation est obligatoire pour la femme mineure non émancipée. 

Ce n’est qu’après ces consultations que la femme peut renouveler sa demande d’interruption de grossesse auprès d’un médecin ou d’une sage-femme, qui doivent alors lui demander une confirmation écrite. L’article L. 2212-5 du code précité prévoit que cette confirmation ne peut intervenir qu’après l’expiration d’un délai  qui :

 avant la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, était d’une semaine suivant la première demande de la femme (sauf dans le cas où le terme des douze semaines de grossesse risquait d’être dépassé) ;

 depuis la loi du 26 janvier 2016, est de deux jours suivant la consultation prévue à l’article L. 2212-4 précité.

Saisi de cette loi dans le cadre de son contrôle de constitutionnalité a priori, le Conseil constitutionnel a estimé, le 21 janvier 2016, que la suppression du délai de réflexion d’une semaine entre la demande d’IVG et sa confirmation écrite ne rompait pas l’équilibre entre, d’une part, la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme de dégradation, et, d’autre part, la liberté de la femme découlant de l’article 2 de la Déclaration de 1789. Il a ajouté qu’aucune exigence de valeur constitutionnelle n’imposait de façon générale le respect d’un délai de réflexion avant la réalisation d’un acte médical ou chirurgical ([311]).

L’article L. 2213-1 distingue donc l’IMG motivée par une pathologie maternelle de celle qui est motivée par une pathologie fœtale.

Dans l’hypothèse où l’IMG est motivée par les risques graves que la grossesse fait peser sur la santé de la femme, le deuxième alinéa de l’article L. 2213-1 prévoit que l’équipe pluridisciplinaire chargée d’examiner la demande de la femme comprend au moins quatre personnes, à savoir :

 un médecin qualifié en gynécologie-obstétrique, membre d’un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal et exerçant dans un établissement de santé ;

 un praticien spécialiste de l’affection dont la femme est atteinte, exerçant dans un établissement de santé ;

 un médecin choisi par la femme ;

 une personnalité qualifiée tenue au secret professionnel qui peut être un assistant social ou un psychologue.

Aucun délai de réflexion n’est prévu entre la date à laquelle cette équipe pluridisciplinaire rend son avis consultatif et celle à laquelle un médecin pratique l’IMG.

D’après l’étude d’impact jointe au présent projet de loi, 321 attestations de particulière gravité en vue d’une IMG pour motif maternel ont été délivrées par les centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal en 2016 ([312]).

Dans l’hypothèse où l’IMG est motivée par la pathologie incurable susceptible d’affecter l’enfant à naître – c’est-à-dire dans 7 045 cas en 2016 ([313]) –, le troisième alinéa de l’article L. 2213-1 du code de la santé publique prévoit que l’équipe pluridisciplinaire chargée d’examiner la demande d’interruption de grossesse est celle d’un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal à laquelle peut être associé un médecin choisi par la femme, si celle-ci le demande.

Lors des débats sur la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique, un amendement de M. Paul Jeanneteau et de plusieurs de ses collègues du groupe Union pour un mouvement populaire (UMP) a ajouté que, dans le cadre de ce type d’IMG, « hors urgence médicale, la femme se voit proposer un délai de réflexion d’au moins une semaine avant de décider d’interrompre ou de poursuivre sa grossesse », sur le modèle du délai de réflexion d’une semaine qui était alors prévu en cas d’IVG.

Tout d’abord, d’un point de vue juridique, la loi n’indique pas le point de départ du délai de réflexion d’une semaine introduit en cas d’IMG motivée par une pathologie fœtale… Or, comme le note l’étude d’impact, « la confirmation de la particulière gravité et de l’incurabilité de la pathologie fœtale ne survient jamais de façon brutale », de sorte qu’il est difficile de fixer ce point de départ pour la computation du délai de réflexion, car la décision de la femme « est toujours le point d’aboutissement de tout un processus préalable qui comporte :

 des actes techniques d’imagerie et de biologie médicale et des consultations successives permettant de l’informer, au fur et à mesure des résultats, de manière claire, loyale et adaptée, notamment en lui fournissant, chaque fois, des informations sur les différentes possibilités de prise en charge, dont l’interruption de la grossesse ou un accompagnement, le cas échéant, palliatif ;

 des temps privilégiés d’écoute et de dialogue ;

 un accompagnement pluridisciplinaire » ([314]).

D’un point de vue pratique et médical, l’étude d’impact relève que « la disposition introduite par la révision bioéthique de 2011 contraint les médecins des centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal, à l’issue de la démarche (ce qui peut prendre plusieurs semaines) ayant conduit à confirmer le diagnostic et le pronostic fœtal et ayant permis à la femme enceinte de se positionner, à l’informer de la possibilité d’un délai de réflexion qui apparaît alors comme supplémentaire [et] suggérant qu’elle n’a peut-être pas assez réfléchi aux conséquences de sa décision ». Autrement dit, ce délai « fait irruption dans le colloque singulier et la relation de confiance qui s’est nécessairement installée entre le médecin/l’équipe et la femme », et il « peut être à l’origine d’un sentiment de culpabilité chez la femme » ([315]).

Par ailleurs, les praticiens « indiquent que, dans les faits, la femme (/le couple), lorsqu’elle a pris sa décision, ne sollicite qu’exceptionnellement ce délai supplémentaire » ([316]).

B.   Les évolutions prévues par le projet de loi

L’article 20 propose en conséquence de supprimer l’obligation de proposer un délai de réflexion d’une semaine instaurée en 2011 dans le cadre de l’IMG motivée par une pathologie fœtale, délai qui constitue une contrainte inutile aussi bien pour la femme que pour l’équipe du centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal.

À cet effet, les trois premiers alinéas de l’actuel article L. 2213-1 du code de la santé publique sont regroupés dans un I et reproduits à l’identique, à l’exception de la dernière phrase du troisième alinéa (« hors urgence médicale, la femme se voit proposer un délai de réflexion d’au moins une semaine avant de décider d’interrompre ou de poursuivre sa grossesse ») qui n’est pas reprise dans la nouvelle rédaction proposée pour l’article L. 2213-1.

II.   La création d’un cadre juridique pour la réduction embryonnaire

A.   Le droit en vigueur

La réduction embryonnaire ou fœtale consiste, en cas de grossesse multiple – et en dehors de toute pathologie affectant la femme enceinte ou les enfants à naître –, à interrompre le développement d’un ou plusieurs embryons ou fœtus sans interrompre le processus de développement des autres embryons ou fœtus.

L’interruption volontaire partielle d’une grossesse multiple ne se confond donc :

 ni avec l’IVG ;

 ni avec l’IMG motivée par une pathologie affectant un ou plusieurs embryons ou fœtus d’une grossesse multiple – auquel cas on parle d’interruption sélective de grossesse ;

 ni avec l’IMG motivée par une pathologie maternelle, même s’il est vrai qu’une grossesse multiple n’est pas sans incidence sur la santé de la femme enceinte et sur celle des enfants à naître.

En effet, une grossesse multiple présente des risques :

  pour la femme enceinte : hypertension artérielle, prééclampsie ([317]), rupture utérine, hémorragie, complications cardiovasculaires, dépression du post‑partum ([318]) ;

 pour les enfants à naître : prématurité, décès in utero, retard de croissance intra-utérin, maladies pulmonaires chroniques, paralysie cérébrale, retard du langage et du développement, difficultés d’apprentissage, troubles du comportement.

La réduction du nombre d’embryons ou de fœtus peut contribuer à diminuer ces risques. Par exemple, il a été démontré en 2016 qu’une telle réduction divise par près de dix les risques de grande prématurité dont le taux avoisine 30 % pour les grossesses non réduites, tandis qu’il est de 3 % pour les grossesses réduites ([319]).

C’est la raison pour laquelle la pratique s’est développée, qui consiste à interrompre non pas toutes les grossesses (car il ne s’agit pas d’IVG), mais seulement certaines d’entre elles (pour des motifs autres qu’une pathologie maternelle ou une pathologie incurable du fœtus – car il ne s’agit pas non plus à proprement parler d’IMG).

Il est cependant difficile d’avoir une estimation précise du nombre de réductions embryonnaires pratiquées chaque année dans notre pays car :

 celles qui sont réalisées en dehors des centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal (CPDPN) ne sont pas recensées, dans la mesure où seuls les établissements autorisés par les agences régionales de santé (ARS) pour les activités d’assistance médicale à la procréation (AMP) ainsi que les CPDPN autorisés par l’Agence de la biomédecine sont tenus de transmettre un rapport annuel d’activité à l’ARS de leur ressort ou à l’ABM – de sorte que les données de ces seuls établissements sont colligées, à l’exclusion de celles des autres établissements réalisant éventuellement des réductions embryonnaires ;

 celles qui sont réalisées dans les CPDPN (dont ce n’est pas en principe l’une des missions) ne sont plus recensées par l’Agence de la biomédecine depuis 2013 – dans la mesure où les données étaient stables depuis plusieurs années et ne présentaient pas d’intérêt dans le cadre du rapport médical et scientifique de l’Agence –, sauf si elles sont opérées dans le cadre d’une AMP ; dans cette hypothèse, ces données gardent tout leur intérêt puisqu’elles sont en lien direct avec le taux de grossesses multiples et le devenir de ces grossesses.

Ainsi, en 2016, l’Agence de la biomédecine a dénombré 97 réductions embryonnaires pratiquées dans le cadre de fécondations in vitro ou de transferts d’embryons congelés ([320]).

Cette pratique de réduction embryonnaire s’est développée en dehors de tout cadre juridique, alors même qu’elle comporte des risques :

 à la fois pour les femmes et les enfants à naître – car la réduction embryonnaire peut provoquer une fausse couche ;

 et pour les praticiens amenés à la pratiquer – qui s’exposent à ce que leur responsabilité civile – voire pénale – soit recherchée.

B.   Les évolutions prévues par le projet de loi

C’est la raison pour laquelle, suivant une recommandation du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), l’article 20 propose d’établir le cadre juridique dans lequel est pratiquée la réduction embryonnaire.

Pour ce faire, il propose de s’inspirer des dispositions régissant l’IMG, et donc de compléter l’article L. 2213-1 du code de la santé publique en y introduisant un II consacré à l’interruption volontaire partielle de grossesse multiple.

Celle-ci serait possible à cinq conditions cumulatives :

 le caractère multiple de la grossesse doit « mettre en péril » la santé de la femme, des embryons ou des fœtus – ce qui, comme expliqué supra, est le plus souvent le cas ;

 la réduction embryonnaire doit être pratiquée avant la fin de la douzième semaine de grossesse – sur le modèle de ce qui est prévu par l’article L. 2212-1 du code de la santé publique pour l’IVG, car l’existence d’une grossesse multiple, ainsi que l’ensemble des paramètres permettant d’évaluer la situation, sont connus avant ce stade ;

 une équipe pluridisciplinaire dont la composition est quasiment identique à celle qui se prononce sur l’IMG motivée par une pathologie maternelle (médecin qualifié en gynécologie-obstétrique, membre d’un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal, médecin choisi par la femme, et médecin qualifié en psychiatrie ([321]) ou, à défaut, psychologue) doit rendre un avis consultatif ;

 deux médecins membres d’une équipe pluridisciplinaire doivent attester que les conditions médicales – en particulier obstétricales et psychologiques – sont réunies, sur le modèle de ce qui est prévu pour l’IMG ;

 aucun critère relatif aux caractéristiques des embryons ou fœtus, y compris leur sexe, ne peut être pris en compte pour sélectionner les embryons ou fœtus dont le développement sera interrompu.

Comme le relève le Conseil d’État dans son avis sur le projet de loi, l’absence de sélection des embryons et des fœtus qui seront détruits exclut toute pratique eugénique, de sorte que « les dispositions relatives à la réduction embryonnaire ou fœtale ne se heurtent à aucun principe d’ordre constitutionnel ou conventionnel ».

Cependant, ces dispositions se heurtent à des difficultés pratiques, comme l’a clairement expliqué lors de son audition Mme Alexandra Benachi, présidente de la Fédération française des CPDPN.

En effet, elles n’envisagent que l’interruption partielle d’une grossesse dont le caractère multiple met en péril la santé de la femme, soit que celle-ci présente une pathologie qui contre-indique une grossesse multiple, soit qu’en dehors de toute pathologie maternelle, la grossesse multiple (voire hyper-multiple) génère des risques importants pour la femme.

Or il convient d’opérer une distinction entre deux types d’interruptions partielles d’une grossesse multiple : celle qui sont motivées par les risques pour la santé de la femme et celle qui sont motivées par une malformation fœtale exposant fort probablement l’enfant à naître à une affection grave et reconnue comme incurable.

L’absence d’une telle distinction, combinée avec l’interdiction générale de prendre en compte tout critère relatif aux caractéristiques des embryons ou des fœtus dans le cadre d’une interruption sélective de grossesse, pourrait, à l’avenir, priver les CPDPN de la possibilité d’interrompre partiellement une grossesse multiple lorsqu’un fœtus présente une malformation génératrice d’une affection d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic.

 


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Article 21
Clarification des conditions d’interruption médicale de grossesse
pour les femmes mineures non émancipées

Adopté par la commission avec modifications

    Résumé du dispositif initial

L’article 21 a pour objet de rendre plus lisibles les conditions juridiques de l’interruption de grossesse pour motif médical pour la femme mineure non émancipée.

    Modifications apportées par la commission

À l’initiative du rapporteur, la commission a adopté deux amendements procédant à une renumérotation des dispositions que le Gouvernement proposait d’insérer dans le code de la santé publique, notamment pour établir clairement que les principes selon lesquels l’interruption de grossesse pour motif médical ne peut être pratiquée que par un médecin et n’avoir lieu que dans un établissement de santé (public ou privé), s’appliquent à toute interruption médicale de grossesse, peu important que la femme qui la demande soit majeure ou mineure, émancipée ou non.

I.   Le droit en vigueur

Les conditions de mise en œuvre de l’interruption médicale de grossesse (IMG) motivée par une pathologie affectant la femme enceinte ou, de façon incurable, le fœtus, sont fixées par l’article L. 2213-1 du code de la santé publique et sont rappelées dans le commentaire de l’article 20 du présent projet.

L’article L. 2213-2 du même code prévoit que l’IMG ne peut être pratiquée que par un médecin et lui applique un certain nombre de dispositions régissant l’interruption volontaire de grossesse (IVG), à savoir :

 l’article L. 2212-2 du code précité, qui prévoit que l’IVG « ne peut avoir lieu que dans un établissement de santé, public ou privé, ou dans le cadre d’une convention conclue entre le praticien […] ou un centre de planification ou d’éducation familiale ou un centre de santé et un tel établissement » ;

 l’article L. 2212-8, qui permet au médecin (et à la sage-femme, dans le cas de l’IVG) d’opposer une clause de conscience afin de refuser de pratiquer l’interruption de grossesse demandée à la condition d’informer sans délai l’intéressée de son refus et de lui communiquer immédiatement le nom de praticiens susceptibles de réaliser cette intervention ;

 l’article L. 2212-9, qui impose à tout établissement dans lequel est pratiquée une interruption de grossesse d’assurer, après l’intervention, l’information de la femme en matière de régulation des naissances.

Si le renvoi aux articles L. 2212-2 et L. 2212-8 du code de la santé publique se comprend pour l’IMG, le renvoi à l’article L. 2212-9 du même code se comprend moins. Comme le fait observer l’étude d’impact jointe au projet de loi, « la femme enceinte qui doit subir une interruption de grossesse pour raison médicale ne relève évidemment pas d’un conseil en matière de régulation des naissances » ([322]).

De la même façon, on peine à comprendre pourquoi le législateur a exclu l’application à l’IMG des conditions particulières d’interruption de grossesse pour les femmes mineures non émancipées, en omettant d’inscrire, à l’article L. 2213-2 du code de la santé publique, un renvoi à l’article L. 2212-7 du même code.

Cet article L. 2212-7 dispose en effet que « si la femme est mineure non émancipée, le consentement de l’un des titulaires de l’autorité parentale ou, le cas échéant, du représentant légal est recueilli », mais que, « si la femme mineure non émancipée désire garder le secret » et refuse, malgré les démarches en ce sens du médecin (ou de la sage-femme), de consulter le(s) titulaire(s) de l’autorité parentale ou son représentant légal, elle doit alors se faire « accompagner dans sa démarche par la personne majeure de son choix ».

En l’absence, à l’article L. 2213-2 du code de la santé publique, de renvoi exprès à l’article L. 2212-7 précité, c’est en principe le droit commun concernant la femme mineure et le secret à l’égard de ses parents – et en particulier l’article L. 1111-5 du même code ([323]) – qui devrait trouver à s’appliquer à l’IMG demandée par une femme mineure non émancipée.

Toutefois, cette interprétation est fragile d’un point de vue juridique et mériterait d’être consolidée par l’insertion, à l’article L. 2213-2 susmentionné, de dispositions clarifiant la possibilité pour une femme mineure non émancipée de recourir à l’IMG, le cas échéant en gardant le secret à l’égard du/des titulaire(s) de l’autorité parentale ou de son représentant légal.

II.   Les évolutions prévues par le projet de loi

C’est la raison pour laquelle l’article 21 propose une réécriture globale de l’article L. 2213-2 du code de la santé publique ainsi que l’insertion, à la suite de cet article, de deux nouveaux articles L. 2213-2-1 et L. 2213-2-2 reprenant quasi‑intégralement les dispositions des articles L. 2212-2 et L. 2212-8 auxquels renvoie l’article L. 2213-2 dans sa rédaction actuelle, à l’exception des dispositions de l’article L. 2212-2 qui autorisent une sage-femme à réaliser une IVG par voie médicamenteuse, dans la mesure où une IMG ne peut être pratiquée que par un médecin.

Le 1° de l’article 21 procède à une rédaction globale de l’article L. 2213-2 du code de la santé publique pour le consacrer totalement à l’édiction des règles applicables à l’IMG lorsqu’elle est demandée par une femme mineure non émancipée.

Dans cette nouvelle rédaction, le premier alinéa de l’article L. 2213-2 prévoit que, dans cette hypothèse, et à titre de principe, le consentement de l’une des personnes investies de l’exercice de l’autorité parentale ou, le cas échéant, du représentant légal devra être recueilli avant la réalisation de l’IMG dont il serait souhaitable de préciser qu’elle aura lieu exactement dans les mêmes conditions que pour n’importe quelle femme, qu’elle soit mineure émancipée ou majeure, c’est-à-dire dans les conditions prévues par l’article L. 2213-1 dont l’article 20 du projet de loi réécrit intégralement les dispositions.

Le deuxième alinéa énonce qu’à titre d’exception, si la femme mineure non émancipée désire garder le secret, le médecin – qui, seul, peut pratiquer une IMG – doit s’efforcer, dans l’intérêt de cette femme, d’obtenir son consentement pour que l’une des personnes investies de l’exercice de l’autorité parentale ou, le cas échéant, le représentant légal soient consultés, ou doit vérifier qu’une telle démarche a été entreprise.

Le troisième alinéa ajoute que, si la femme mineure non émancipée ne veut pas effectuer cette démarche ou si le consentement n’a pas été obtenu, l’IMG ainsi que les actes médicaux et soins qui lui sont liés peuvent être pratiqués à la demande de l’intéressée à la condition toutefois qu’elle se fasse accompagner dans sa démarche par la personne majeure de son choix.

Il s’agit, ni plus ni moins, de l’adaptation au cas précis de l’IMG des principes généraux inscrits à l’article L. 1111-5 du code de la santé publique.

Le 2° de l’article 21 introduit dans le code de la santé publique un nouvel article L. 2213-2-1 qui reprend :

 dans son premier alinéa, la disposition de l’actuel article L. 2213-2 qui prévoit que l’interruption de grossesse pour motif médical ne peut être pratiquée que par un médecin ;

 et dans son second alinéa, la disposition de l’article L. 2212-2 qui prévoit que l’interruption de grossesse ne peut avoir lieu que dans un établissement de santé, public ou privé ([324]).

Le 3° de l’article 21 introduit dans le code de la santé publique un nouvel article L. 2213-2-2 qui reproduit explicitement les dispositions de l’article L. 2212-8 relatives à la clause de conscience des médecins et sages‑femmes, en lieu et place du renvoi à l’article L. 2212-8 qu’opère l’actuel article L. 2213-2,.

Le premier alinéa du nouvel article L. 2213-2-2 prévoit ainsi qu’un médecin n’est jamais tenu de pratiquer une IMG mais qu’il doit informer, sans délai, l’intéressée de son refus et lui communiquer immédiatement le nom de praticiens susceptibles de réaliser une telle intervention.

Le second alinéa du même article L. 2213-2-2 ajoute qu’aucune sage‑femme, aucun infirmier, aucune infirmière, aucun auxiliaire médical quel qu’il soit, n’est tenu de concourir à une interruption de grossesse pour motif médical.

 


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Article 22
Autorisation de la greffe de tissu germinal
pour le rétablissement d’une fonction hormonale
et clarification du devenir des gamètes et tissus germinaux conservés

Adopté par la commission avec modifications

    Résumé du dispositif initial

L’article 22 a pour objet de :

 compléter les finalités du prélèvement et de la conservation des tissus germinaux pour y ajouter celle du rétablissement d’une fonction hormonale ;

 préciser les conditions de destruction des gamètes et tissus germinaux conservés aux fins de préservation ou de restauration de la fertilité ou aux fins de rétablissement d’une fonction hormonale.

    Modifications apportées par la commission

Outre huit amendements rédactionnels du rapporteur, la commission a adopté, avec l’avis favorable du rapporteur, mais contre celui du Gouvernement, deux amendements identiques qui visent à clarifier le fait que les professionnels de santé chargés du suivi d’une personne pour laquelle un risque d’altération prématurée de sa fertilité est identifié ou une prise en charge médicale susceptible d’altérer sa fertilité est envisagée, ont l’obligation, dès la consultation au cours de laquelle est annoncée la proposition médicale, d’informer cette personne des possibilités d’autoconservation de ses gamètes ou tissus germinaux ainsi que des conditions, risques, limites et conséquences de cette autoconservation.

I.   L’extension des finalités de la conservation de tissu germinal au rétablissement d’une fonction hormonale

A.   Le droit en vigueur

Figurant au sein du titre du code de la santé publique consacré à l’assistance médicale à la procréation, l’article L. 2141-11 dispose que « toute personne dont la prise en charge médicale est susceptible d’altérer la fertilité, ou dont la fertilité risque d’être prématurément altérée, peut bénéficier du recueil et de la conservation de ses gamètes ou de ses tissus germinaux [tissus testiculaires et tissus ovariens], en vue de la réalisation ultérieure, à son bénéfice, d’une assistance médicale à la procréation, ou en vue de la préservation et de la restauration de sa fertilité. Ce recueil et cette conservation sont subordonnés au consentement de l’intéressé et, le cas échéant, de celui de l’un des titulaires de l’autorité parentale, ou du tuteur, lorsque l’intéressé, mineur ou majeur, fait l’objet d’une mesure de tutelle ».

Le second alinéa de l’article L. 2141-11 précise que les procédés biologiques utilisés pour la conservation des gamètes et des tissus germinaux font partie des procédés biologiques qui sont utilisés en assistance médicale à la procréation et dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé, après avis de l’Agence de la biomédecine.

En d’autres termes, le recueil et la (cryo)conservation de gamètes et de tissus germinaux de personnes atteintes d’une pathologie menaçant leur fertilité ou exposées à des traitements potentiellement stérilisants ne se voient aujourd’hui assignés que des finalités procréatrices : préservation ou restauration de la fertilité ou réalisation d’une assistance médicale à la procréation.

D’après l’étude d’impact jointe au projet de loi, qui cite des chiffres issus d’un rapport médical et scientifique de l’Agence de la biomédecine, au 31 décembre 2016, plus de 60 000 patients disposaient de gamètes ou de tissus germinaux conservés en vue de la préservation ou de la restauration de leur fertilité, et dans près de 90 % des cas, il s’agissait de la conservation de spermatozoïdes. Parmi ces quelque 60 000 patients, 2 845 étaient des femmes concernées par la conservation de tissus ovariens ([325]).

Pourtant, les progrès de la médecine ont montré que la greffe de tissus ovariens présentait un intérêt non seulement pour la restauration de la fertilité, mais aussi pour le rétablissement de la fonction endocrine (sécrétion d’hormones) de l’ovaire.

Certes, il existe aujourd’hui des traitements hormonaux substitutifs qui permettent de rétablir une fonction hormonale ovarienne.

Mais, d’après l’étude d’impact, « l’imprégnation hormonale reste différente de celle résultant d’un cycle physiologique » et « les témoignages des patientes, colligées par le Groupe de recherche et d’étude sur la cryoconservation de l’ovaire et du testicule (GRECOT) sont explicites. Après une greffe d’ovaire, elles rapportent que la qualité de vie grâce aux hormones sécrétées par leur ovaire n’a rien de comparable à celle sous traitement hormonal substitutif »  ([326]).

Pour ce qui est de la greffe de tissus testiculaires, les études sont moins poussées mais, toujours d’après l’étude d’impact, « les résultats des recherches menées dans ce domaine sont prometteurs » ([327]).

Toujours est-il que les vertus avérées de la greffe de tissus ovariens sur le rétablissement d’une fonction hormonale chez la femme ont conduit certains de nos voisins européens, comme l’Allemagne et le Danemark, à autoriser le prélèvement et la conservation de ces tissus à cette fin.

B.   Les évolutions prévues par le projet de loi

C’est la raison pour laquelle le I de l’article 22 réécrit intégralement l’article L. 2141-11 du code de la santé publique, afin, notamment, d’étendre la finalité du recueil et de la conservation de gamètes et de tissus germinaux chez les personnes dont la fertilité risque d’être prématurément altérée ou dont la prise en charge médicale est susceptible d’altérer la fertilité, au rétablissement d’une fonction hormonale. C’est l’objet du premier alinéa du I de l’article L. 2141-11 dans sa nouvelle rédaction.

L’étude d’impact précise que « cette autogreffe ne pourra être réalisée que si la patiente le souhaite (et donne un consentement éclairé) et sur indication médicale. Elle sera discutée au sein de l’équipe pluridisciplinaire clinicobiologique d’assistance médicale à la procréation. […] Elle pourrait se faire par voie sous-cutanée, réduisant ainsi les risques opératoires » ([328]).

Le deuxième alinéa du I de l’article L. 2141-11 (dans sa nouvelle rédaction) reprend les dispositions qui figurent déjà dans cet article et qui prévoient que le recueil et la conservation de gamètes et tissus germinaux sont subordonnés au consentement de l’intéressé et, le cas échéant, de celui de l’un des parents investis de l’exercice de l’autorité parentale, ou du tuteur, lorsque l’intéressé est mineur.

Pour ce qui est des majeurs protégés, le troisième alinéa du I de l’article L. 2141-11 (dans sa nouvelle rédaction) adapte les dispositions actuelles aux évolutions du droit en la matière.

Il est ainsi fait mention de l’hypothèse où un mandat de protection future aurait été conclu ([329]) ou de celle où une habilitation familiale aurait été sollicitée ([330]). Dans ces deux hypothèses, et dans celle où une mesure de protection judiciaire aurait été ordonnée, le consentement du mandataire (dans le cadre du mandat de protection future) ou de la personne exerçant l’habilitation familiale ou de la personne chargée de représenter le majeur protégé sera nécessaire pour le recueil et la conservation des gamètes et des tissus germinaux de l’intéressé.

Le quatrième alinéa du I de l’article L. 2141-11 (dans sa nouvelle rédaction) reprend, à l’identique, les dispositions qui figurent actuellement dans son second alinéa.

II.   La clarification du devenir des gamètes et des tissus germinaux conservés

A.   Le droit en vigueur

En l’état du droit, l’article L. 2141-11 du code de la santé publique ne contient pas d’indications quant au devenir des gamètes et tissus germinaux qui appartiennent à une personne dont la prise en charge médicale est susceptible d’altérer la fertilité, ou dont la fertilité risque d’être prématurément altérée, et qui sont conservés en vue de la réalisation ultérieure, à son bénéfice, d’une assistance médicale à la procréation, ou en vue de la préservation ou de la restauration de sa fertilité. Rien n’est dit, en particulier, des conditions de leur destruction.

Ce sont des dispositions réglementaires inscrites à l’article R. 2141-18 du même code qui précisent que :

  les titulaires de l’autorité parentale d’une personne mineure dont les gamètes ont été recueillis ou prélevés et conservés en vue de la préservation ou de la restauration de sa fertilité sont contactés chaque année par écrit pour recueillir les informations utiles à la conservation (comme un éventuel changement de coordonnées) – ce dont ils sont avertis préalablement au recueil ou prélèvement, en application de l’article R. 2141-19 du même code ;

 la personne majeure dont les gamètes ont été recueillis ou prélevés et conservés en vue de la préservation ou de la restauration de sa fertilité est consultée chaque année par écrit sur le point de savoir si elle maintient cette modalité de conservation – ce dont elle est prévenue préalablement au recueil ou prélèvement, en application de l’article R. 2141-19 précité ;

 la personne qui ne souhaite pas maintenir la conservation peut consentir par écrit (et confirmer ce consentement par écrit sous trois mois) à ce que ses gamètes ou tissus germinaux fassent l’objet d’un don ou d’une recherche ou à ce qu’ils soient détruits ;

 en toute hypothèse, il est mis fin à la conservation des gamètes en cas de décès de la personne ou si celle-ci n’est plus en âge de procréer.

Cependant, il semblerait qu’en pratique, « les professionnels hésitent à détruire les gamètes et tissus germinaux de crainte que leur responsabilité ne puisse être engagée. Or la situation devient de plus en plus critique car l’activité de préservation de la fertilité est en plein développement avec une augmentation régulière du nombre de personnes concernées » ([331]).

Par ailleurs, le code ne dit rien de l’hypothèse où la personne majeure dont les gamètes et tissus germinaux sont conservés s’abstiendrait de répondre aux consultations annuelles sur ses intentions.

À titre de comparaison, on relèvera que, s’agissant des embryons conservés par les centres d’étude et de conservation des œufs et du sperme humains (CECOS), la loi – et plus précisément l’article L. 2141-4, III, du code de la santé publique – envisage le cas où l’un des deux membres du couple consulté à plusieurs reprises ne répond pas sur le point de savoir s’il maintient ou non son projet parental. Il est alors mis fin à la conservation des embryons si la durée de celle-ci est au moins égale à cinq ans.

B.   Les évolutions prévues par le projet de loi

Afin de clarifier les conditions de conservation et de destruction des gamètes et tissus germinaux conservés, le I de l’article 22 complète l’article L. 2141-11 du code de la santé publique en s’inspirant des dispositions des articles R. 2141-18 et L. 2141-4 du même code.

Le II de l’article L. 2141-11 (dans sa nouvelle rédaction) envisage l’hypothèse où ce sont les gamètes ou tissus germinaux d’une personne mineure qui sont conservés.

Dans cette hypothèse, ce sont les parents investis de l’exercice de l’autorité parentale qui seront contactés chaque année par écrit pour recueillir les informations utiles à la conservation, notamment un éventuel changement de coordonnées.

Il ne pourra être mis fin à la conservation des gamètes ou tissus germinaux d’une personne mineure, même émancipée, qu’en cas de décès.

La possibilité que les parents d’un mineur non émancipé, investis de l’autorité parentale, ou que le mineur émancipé lui-même consentent à ce qu’en cas de décès, les gamètes ou tissus germinaux conservés fassent l’objet d’une recherche n’a pas été envisagée, alors même que la recherche sur ces tissus pourrait permettre des avancées très bénéfiques, comme l’ont expliqué, lors de leur audition, les représentants du Groupe de recherche et d’étude sur la cryoconservation de l’ovaire et du testicule (GRECOT).

Dans leur contribution écrite, ils expliquent qu’« actuellement, la seule utilisation du tissu ovarien qui permet la naissance d’enfants est la greffe de cortex ovarien […qui] ne peut être pratiquée que s’il n’existe pas de risque de réintroduction de la pathologie cancéreuse. [Or] ce risque existe dans certains types de cancer ou d’hémopathies malignes comme les leucémies aigues, mais il est difficile à évaluer. En conséquence, il apparaît [de leur point de vue] indispensable :

 de développer des techniques de restauration de la fertilité ne comportant pas ce risque, tant à partir de tissu ovarien que de tissu testiculaire cryoconservé ;

– […] d’accroître nos connaissances sur l’intérêt et la signification de la détection par des techniques très sensibles de marqueurs de cellules tumorales dans les fragments de cortex ovariens cryoconservés ;

 de parvenir à définir la qualification fonctionnelle des tissus germinaux autoconservés (aptitude à la greffe).

[Or] ces recherches nécessitent de pouvoir accéder à des tissus germinaux [qui] sont difficilement disponibles. Actuellement, ils ne peuvent être obtenus que chez des patients vivants volontaires, ce qui n’est pas éthiquement possible à des seules fins de recherche. En effet, comme tout acte invasif, ces prélèvements gonadiques comportent des risques qui ne peuvent être imposés à des patients sains sans qu’ils en retirent un bénéfice direct. »

Le GRECOT revendique donc la possibilité de pouvoir faire de la recherche sur les tissus germinaux conservés de personnes décédées, y compris s’il s’agit de personnes mineures, à la condition (bien sûr) que ces personnes (ou les titulaires de l’autorité parentale, s’il s’agit de personnes mineures non émancipées) aient préalablement consenti, de leur vivant (et donc du vivant du mineur non émancipé), par écrit, à ce qu’en cas de décès, ces tissus puissent être utilisés aux fins de recherche.

Comme l’écrit le GRECOT dans sa contribution écrite, « pouvoir faire de la recherche sur les tissus germinaux des patient(e)s décédé(e)s nous permettrait de répondre à de nombreuses questions sur les utilisations des tissus germinaux et, in fine, de permettre à un plus grand nombre de patient(e)s, dont de nombreux enfants, de pouvoir utiliser les tissus germinaux conservés à leur intention à un moment de leur parcours de soins pour leur permettre de devenir père ou mère, alors qu’ils ont été rendus stériles par le traitement qui les a guéris ».

Le III de l’article L. 2141-11 (dans sa nouvelle rédaction) régit l’hypothèse où ce sont les gamètes ou tissus germinaux d’une personne majeure qui sont conservés.

Dans cette hypothèse, c’est bien sûr cette personne majeure qui est consultée chaque année et qui doit consentir par écrit à la poursuite de cette conservation.

Comme cela est aujourd’hui prévu par l’article R. 2141-18, si la personne ne souhaite plus maintenir la conservation de ses gamètes ou tissus germinaux, elle pourra consentir par écrit :

 soit à ce que ses gamètes fassent l’objet d’un don dans les conditions prévues par les articles L. 1244-1 et suivants du code de la santé publique ;

 soit à ce que ses gamètes ou tissus germinaux fassent l’objet d’une recherche dans les conditions prévues par les articles L. 1243-3 et L. 1243-4 du même code ;

 soit à ce qu’ils soient détruits.

Ce consentement initial devra être réitéré par écrit à l’expiration d’un délai de réflexion de trois mois. Et il pourra être révoqué jusqu’à l’utilisation des gamètes ou tissus germinaux à d’autres fins ou jusqu’à leur destruction.

Le IV de l’article L. 2141-11 (dans sa nouvelle rédaction) transpose, en l’adaptant, à la conservation des gamètes et tissus germinaux le principe de destruction en l’absence de réponse aux relances annuelles, qui prévaut pour la conservation des embryons par les CECOS.

Il est ainsi prévu que les gamètes et tissus germinaux seront détruits en l’absence de réponse aux consultations annuelles de la part d’une personne majeure durant dix années consécutives – contre cinq années s’agissant des embryons conservés par les CECOS. D’après l’étude d’impact, ce délai est « deux fois plus long que pour les embryons au regard des risques de perte définitive des chances de procréation avec ses propres gamètes ou tissus germinaux en cas de destruction » ([332]).

Il est précisé que ce délai décennal court à compter de la majorité de la personne dont les gamètes et tissus germinaux sont conservés – de sorte qu’il ne commence pas à courir pendant sa minorité, même si cette personne est émancipée.

Il est ajouté qu’il sera également procédé à la destruction des gamètes et tissus germinaux conservés en cas de décès de la personne majeure si elle n’a pas consenti, de son vivant, à ce qu’ils fassent l’objet d’un don ou d’une recherche.

Le II de l’article 22 comporte des dispositions transitoires destinées à clarifier l’incidence du décès sur le sort des gamètes et tissus germinaux qui sont déjà conservés à la date publication de la loi. Il est prévu que le décès entraîne la destruction de ces gamètes et tissus.

Cependant, l’hypothèse où la personne majeure aurait préalablement consenti à ce que ses gamètes fassent l’objet d’un don ou à ce que ses gamètes ou tissus germinaux fassent l’objet d’une recherche n’a pas été envisagée.


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Chapitre II
Optimiser l’organisation des soins

Article 23
Élargissement des missions des conseillers en génétique

Adopté par la commission avec modifications

    Résumé du dispositif initial

L’article 23 a pour objet d’étendre les missions des conseillers en génétique à la prescription de certains examens de biologie médicale dont les résultats resteront toutefois communiqués à la personne concernée par un médecin.

    Modifications apportées par la commission

La commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur.

I.   Le droit en vigueur

Alors que le code de la santé publique comporte une quatrième partie consacrée aux professions de santé, le législateur a fait le choix, il y a 15 ans, d’inscrire les dispositions relatives à la profession de conseiller en génétique dans la première partie de ce code, dédiée à la protection générale de la santé, et plus précisément au titre III du livre Ier de cette première partie, qui traite des examens des caractéristiques génétiques, de l’identification par empreintes génétiques et de la recherche génétique.

En effet, la profession de conseiller en génétique a été créée par la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique qui a réécrit les articles L. 1132-1 et suivants du code de la santé publique pour loger les règles encadrant l’exercice de cette profession.

L’article L. 1132-1 dispose ainsi que « le conseiller en génétique, sur prescription médicale et sous la responsabilité d’un médecin qualifié en génétique, participe au sein d’une équipe pluridisciplinaire :

 A la délivrance des informations et conseils aux personnes et à leurs familles susceptibles de faire l’objet ou ayant fait l’objet d’un examen des caractéristiques génétiques à des fins médicales […] ou d’une analyse aux fins du diagnostic prénatal […] ;

 A la prise en charge médico-sociale, psychologique et au suivi des personnes pour lesquelles cet examen ou cette analyse est préconisé ou réalisé ».

Il s’agissait à l’époque de délester les médecins ayant choisi la spécialité de génétique médicale (créée en 1995) d’une partie des missions d’information et d’accompagnement du nombre sans cesse croissant de personnes, couples et familles confrontés à un examen de génétique. Les généticiens ne pouvaient en effet plus y faire face seuls.

La profession de conseiller en génétique a donc été créée pour, entre autres :

 traduire les données complexes de la génétique en informations compréhensibles et utiles pour les patients ;

 évaluer et gérer les risques (notamment psychologiques) associés à la réalisation des examens génétiques ;

 réaliser des arbres généalogiques.

L’article L. 1132-2 du code de la santé publique indique que seules « peuvent exercer la profession de conseiller en génétique et en porter le titre les personnes titulaires d’un titre de formation figurant sur une liste fixée par arrêté du ministre chargé de la santé » ([333]).

En France, cette formation n’est délivrée que par une seule faculté de médecine, celle d’Aix-Marseille II qui propose un master « pathologie humaine », avec une spécialisation « conseil en génétique et médecine prédictive », ouvert aux personnes ayant suivi :

 un cursus médical (validation de la troisième année de médecine, de pharmacie ou d’odontologie ou obtention du diplôme de sage-femme) ;

 une formation paramédicale (infirmier, psychologue ou kinésithérapeute) ;

 une formation scientifique (en particulier dans le domaine de la génétique et de la biologie).

D’après l’étude d’impact jointe au projet de loi, on dénombrerait 155 conseillers en génétique en France – sur un total de 7 000 à travers le monde, dont 60 % sont établis en Amérique du Nord ([334]).

Or, toujours selon l’étude d’impact, « les besoins en matière de génétique (accueil, conseil spécialisé, prise en charge et suivi) augmentent régulièrement et ne peuvent que poursuivre cette progression dans les années à venir. […] Les médecins qualifiés en génétique ne pourront à eux seuls répondre à cette demande en augmentation. Si l’intervention des conseillers en génétique apporte un soutien apprécié et reconnu dans le domaine de l’information et de l’accompagnement des personnes, les médecins qualifiés en génétique souhaiteraient étendre, toujours sous leur autorité, le rôle du conseiller en génétique à d’autres tâches que celles prévues actuellement par la loi, notamment à la prescription de certains examens de génétique » ([335]).

Cette aspiration des médecins qualifiés en génétique rejoint les recommandations de plusieurs institutions.

En janvier 2018, l’Agence de la biomédecine, constatant qu’« actuellement, le conseiller en génétique peut procéder à l’information d’une personne en amont de la prescription, mais ne peut pas prescrire l’examen pour lequel il apporte cette information », a suggéré « de pouvoir déléguer, au cas par cas, la prescription d’examens de génétique prénatals ou postnatals » ([336]).

En juin 2018, dans son étude sur la révision de la loi de bioéthique, le Conseil d’État a préconisé « de réfléchir dès à présent à un élargissement du rôle de conseiller en génétique […] à de nouvelles tâches » ([337]).

En septembre 2018, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a jugé qu’« une modification de la loi [était] nécessaire afin de permettre aux conseillers en génétique de prescrire certains examens génétiques » ([338]).

En janvier 2019, estimant que « les effectifs de médecins spécialisés en génétique ne suffiront pas à satisfaire les besoins qui vont naître de l’extension du champ de la médecine génomique », la mission d’information sur la révision de la loi relative à la bioéthique a quant à elle proposé de « promouvoir la profession de conseiller en génétique » ([339]).

II.   Les évolutions prévues par le projet de loi

Dans le prolongement de ces recommandations concordantes, le présent article 23 permet aux conseillers en génétique de compléter l’aide qu’ils apportent déjà aux médecins généticiens en prescrivant, sous le contrôle de ces derniers, certains examens des caractéristiques génétiques pré- et postnataux, ce qui sera de nature à réduire les délais d’attente pour les personnes concernées.

L’octroi du droit de prescrire à des professionnels de santé qui ne sont pas médecins relevant du domaine de la loi, il est nécessaire de modifier l’article L. 1132-1 du code de la santé publique.

C’est l’objet du I de l’article 23. Son 1° supprime la précision qui figure aujourd’hui à l’alinéa 1er de l’article L. 1132-1 précité et selon laquelle le conseiller en génétique ne peut agir que « sur prescription médicale ».

En effet, dans la mesure où l’objet de l’article 23 est de reconnaître au conseiller en génétique un droit de prescription sous l’autorité d’un médecin généticien, il n’y a plus lieu de prévoir que ce conseiller ne peut exercer ses missions que sur prescription médicale.

En revanche, le principe selon lequel le conseiller en génétique exerce ses missions « sous la responsabilité d’un médecin qualifié en génétique » et « au sein d’une équipe pluridisciplinaire » n’est pas remis en cause.

Le 2° du I de l’article 23 insère un nouvel alinéa au sein de l’article L. 1132-1 qui, précisément, instaure un droit de prescription au bénéfice des conseillers en génétique.

Toutefois, ce droit de prescription est très encadré.

En premier lieu, le droit de prescription est circonscrit à certains examens de biologie médicale seulement, et plus précisément :

 ceux qui relèvent du titre III du livre Ier de la première partie du code de la santé publique, c’est-à-dire les examens des caractéristiques génétiques ;

 ceux qui relèvent du chapitre Ier du titre III du livre Ier de la deuxième partie du même code, c’est-à-dire les diagnostics prénataux (DPN) ([340]) et les diagnostics préimplantatoires (DPI) [341]).

En deuxième lieu, les résultats des examens prescrits par un conseiller en génétique resteront communiqués à la personne concernée par un médecin. En effet, le principe, posé par l’article L. 1131-1-3 du code précité, et selon lequel seul un médecin est habilité à communiquer les résultats d’un examen des caractéristiques génétiques à une personne ou à sa parentèle, n’est pas remis en cause.

En troisième et dernier lieu, un décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Académie nationale de médecine, précisera les conditions dans lesquelles les conseillers en génétique pourront prescrire des examens de biologie médicale.

Le II de l’article 23 modifie l’article L. 4161-1 du code de la santé publique afin d’opérer une coordination.

En effet, cet article L. 4161-1 énumère les cas d’exercice illégal de la médecine. Or, si cette disposition n’était pas modifiée, les conseillers en génétique prescrivant des examens de biologie médicale pourraient encourir les peines associées à cette incrimination.

Il convient donc de compléter la liste qui figure au dernier alinéa de l’article L. 4161-1 et qui soustrait au grief d’exercice illégal de la médecine certains professionnels de santé qui, bien que n’étant pas médecins, effectuent certains actes.

Ce dernier alinéa dispose en effet qu’échappent à l’incrimination précitée : les étudiants en médecine, les sages-femmes et les pharmaciens biologistes pour l’exercice des actes de biologie médicale, les pharmaciens qui effectuent des vaccinations, les physiciens médicaux, les infirmiers ou garde-malades qui agissent comme aides d’un médecin ou que celui-ci place auprès de ses patients, ou encore les auxiliaires médicaux qui exercent en pratique avancée.

Il s’agit d’ajouter à cette liste les conseillers en génétique qui prescrivent des examens de biologie médicale en application de l’article L. 1132-1 du code de la santé publique.

 


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Article 24
Garantie d’une transmission sécurisée des résultats d’examens génétiques entre laboratoires

Adopté par la commission sans modification

    Résumé du dispositif

L’article 24 a pour objet de sécuriser la transmission des résultats des examens des caractéristiques génétiques, par les laboratoires qui les réalisent aux personnes qui les prescrivent.

I.   Le droit en vigueur

L’article L. 6211-2 du code de la santé publique distingue trois phases au sein d’un examen de biologie médicale :

 la phase pré-analytique, « qui comprend le prélèvement d’un échantillon biologique sur un être humain, le recueil des éléments cliniques pertinents, la préparation, le transport et la conservation de l’échantillon biologique jusqu’à l’endroit où il est analysé » ;

 la phase analytique, « qui est le processus technique permettant l’obtention d’un résultat d’analyse biologique » ;

 la phase post-analytique, « qui comprend la validation, l’interprétation contextuelle du résultat ainsi que la communication appropriée du résultat au prescripteur et […] au patient, dans un délai compatible avec l’étude de l’art ».

Il se peut donc que deux voire plusieurs laboratoires interviennent successivement aux différentes phases d’un examen de biologie médicale : par exemple, l’un peut effectuer le prélèvement et l’autre l’analyse.

C’est même fréquent s’agissant des examens des caractéristiques génétiques à des fins médicales, qui ne peuvent être réalisés que dans des laboratoires de biologie médicale autorisés par les agences régionales de santé (ARS) ([342]) et par des praticiens agréés par l’Agence de la biomédecine ([343]) – étant en outre précisé que, conformément à l’article L. 1131-1-3 du code de la santé publique, « seul le médecin prescripteur de l’examen des caractéristiques génétiques est habilité à communiquer les résultats de cet examen à la personne concernée » ou à sa parentèle.

Or, en principe, en application de l’article L. 6211-19 du même code, « lorsqu’un laboratoire de biologie médicale n’est pas en mesure de réaliser un examen de biologie médicale, il transmet à un autre laboratoire de biologie médicale les échantillons biologiques à des fins d’analyse et d’interprétation. […Dans ce cas,] le laboratoire de biologie médicale qui transmet des échantillons biologiques à un autre laboratoire n’est pas déchargé de sa responsabilité vis-à-vis du patient. La communication appropriée du résultat d’un examen de biologie médicale dont l’analyse et l’interprétation ont été réalisées par un autre laboratoire de biologie médicale est, sauf urgence motivée, effectuée par le laboratoire qui a transmis l’échantillon. […] Celui-ci complète l’interprétation dans le contexte des autres examens qu’il a lui-même réalisés ».

Cependant, s’agissant des examens des caractéristiques génétiques, l’intermédiation du laboratoire qui a effectué le prélèvement entre celui qui a procédé à l’analyse et le médecin prescripteur seul habilité à communiquer les résultats n’est guère pertinente :

 d’abord parce qu’il ne dispose pas de l’expertise pour compléter l’interprétation du résultat ;

 ensuite parce que le médecin prescripteur peut avoir besoin d’échanger avec le laboratoire spécialisé qui a procédé à l’analyse, mieux à même de lui apporter des précisions que le laboratoire qui a effectué le prélèvement ;

 enfin parce que la multiplication d’intermédiaires favorisent les risques de diffusion indésirable, notamment de communication directe au patient (par erreur).

Par conséquent, comme le relève l’étude d’impact jointe au projet de loi, « dans cette matière, le circuit de transmission des résultats au prescripteur, dès lors que plusieurs laboratoires interviennent, ne peut relever du droit commun. […] Il faut permettre aux laboratoires spécialisés (autorisés par les agences régionales de santé pour réaliser des examens des caractéristiques génétiques) de transmettre directement les résultats de ces examens au prescripteur – ce qui nécessite une dérogation explicite aux dispositions législatives régissant le domaine de la biologie médicale » ([344]).

II.   Les évolutions prévues par le projet de loi

C’est tout l’objet de l’article 24 qui vise à permettre la transmission directe des résultats des examens des caractéristiques génétiques du laboratoire spécialisé qui a réalisé ces examens au médecin qui les a prescrits et qui, seul, est habilité à communiquer leurs résultats à la (voire aux) personne(s) concernée(s).

Le I de l’article 24 procède à une réécriture intégrale de l’article L. 1131-1-3 du code de la santé publique.

Dans sa rédaction actuelle, cet article dispose que, « par dérogation au deuxième alinéa de l’article L. 1111-2 [qui met une obligation d’information à la charge de tout professionnel de santé] et à l’article L. 1111-7 [qui garantit le droit de toute personne à avoir accès aux informations concernant sa santé détenues par des professionnels ou établissements de santé], seul le médecin prescripteur de l’examen des caractéristiques génétiques est habilité à communiquer les résultats de cet examen à la personne concernée » ou, le cas échéant, à sa personne de confiance, à sa famille ou à ses proches.

Dans la nouvelle rédaction qui est proposée de l’article L. 1131-1-3, ces dispositions sont reprises, quasiment à l’identique, à ceci près qu’il est précisé que, lorsque la personne concernée est un majeur faisant l’objet d’une mesure juridique avec représentation de la personne (curatelle, tutelle, etc.), c’est alors la personne chargée de la mesure de protection qui est créancière de l’obligation d’information mise à la charge du médecin prescripteur.

Toujours dans cette nouvelle rédaction, il est ajouté un II à l’article L. 1131-1-3 afin d’organiser la transmission directe des résultats du laboratoire spécialisé au médecin prescripteur.

Il est ainsi prévu que, par dérogation au II de l’article L. 6211-19 – qui prévoit que c’est le laboratoire qui effectue les prélèvements et transmet les échantillons qui est responsable à l’endroit du patient et qui lui communique les résultats – et par dérogation à l’article L. 6211-11 – qui prévoit la responsabilité du biologiste auquel le patient s’est adressé, même lorsque d’autres laboratoires que le sien sont intervenus dans l’examen de biologie médicale –, la communication du résultat de l’examen au prescripteur est faite par le laboratoire de biologie médicale autorisé à procéder aux examens des caractéristiques génétiques.

Il est précisé que, si un autre laboratoire de biologie médicale est intervenu pour transmettre l’échantillon, alors ce laboratoire est informé de la communication des résultats par le laboratoire autorisé.

Le II de l’article 24 étend ces principes à la transmission des résultats des examens de biologie médicale destinés à établir un diagnostic prénatal.

Le VII de l’article L. 2131-1 du code de la santé publique dispose que ces examens « sont pratiqués dans des laboratoires de biologie médicale faisant appel à des praticiens en mesure de prouver leur compétence, autorisés […] et accrédités ».

Il est proposé d’ajouter à ce VII un alinéa prévoyant que, par dérogation aux articles L. 6211-11 et L. 6211-19 précités, si un laboratoire de biologie médicale est intervenu pour transmettre l’échantillon, la communication du résultat de l’examen au prescripteur (médecin ou sage-femme) est faite par le laboratoire de biologie médicale autorisé (et spécialisé). Dans ce cas, l’autre laboratoire – qui a effectué le prélèvement – est informé par le laboratoire autorisé de ce que la communication des résultats a eu lieu.

 


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Article 25
Aménagement, pour les patients concernés, d’une passerelle
entre la génétique somatique et la génétique constitutionnelle

Adopté par la commission sans modification

    Résumé du dispositif

L’article 25 a pour objet d’entourer les examens génétiques somatiques susceptibles de révéler des caractéristiques génétiques constitutionnelles des mêmes garanties que celles prévues pour les examens de ces dernières caractéristiques.

I.   Le droit en vigueur

On distingue les caractéristiques génétiques constitutionnelles – qui sont héritées ou acquises à un stade précoce du développement prénatal, qui sont transmissibles à la descendance et qui peuvent concerner d’autres personnes au sein de la parentèle – des caractéristiques génétiques somatiques – qui ne sont pas héritées ni transmissibles à la descendance, mais acquises par certaines cellules de l’organisme au cours de la vie (par exemple en cas de cancérogénèse).

La réalisation des examens des premières caractéristiques est rigoureusement encadrée par le code civil.

L’article 16-10 de ce code dispose ainsi que « l’examen des caractéristiques génétiques d’une personne ne peut être entrepris qu’à des fins médicales ou de recherche scientifique. Le consentement exprès de la personne doit être recueilli par écrit préalablement à la réalisation de l’examen, après qu’elle a été dûment informée de sa nature et de sa finalité. Le consentement […] est révocable sans forme et à tout moment. »

L’article 16-11 et 16-12 du même code détaillent les conditions de l’identification d’une personne par ses empreintes génétiques – étant précisé que seules sont habilitées à y procéder les personnes ayant fait l’objet d’un agrément.

L’article 16-13 ajoute que « nul ne peut faire l’objet de discriminations en raison de ses caractéristiques génétiques ».

D’autres règles relatives à l’information de la personne dont les caractéristiques génétiques constitutionnelle sont examinées, ou à l’information de sa parentèle sont énoncées aux articles L. 1131-1 et suivants du code de la santé publique.

Cependant, ces dispositions ne s’appliquent pas à la réalisation des examens des caractéristiques génétiques somatiques, qui peuvent mettre en évidence des biomarqueurs moléculaires indispensables pour le diagnostic, la classification, le choix et la surveillance du traitement d’un nombre croissant de cancers ([345]) et qui relèvent aujourd’hui du droit commun des examens de biologie médicale.

Ainsi, comme le rapporteur l’a expliqué dans le rapport d’évaluation de la loi de bioéthique du 7 juillet 2011 qu’il a fait, au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), si « la formalisation écrite du consentement est requise pour une analyse génétique constitutionnelle portant sur les caractéristiques héréditaires d’une personne », « elle ne l’est pas pour une analyse génétique somatique, par exemple portant sur les gènes des cellules tumorales en vue du diagnostic et de l’adaptation des traitements aux caractéristiques de la tumeur. Or, de la même façon, une analyse génétique somatique peut conduire à révéler incidemment la présence d’anomalie(s) génétique(s) ou de gène(s) de prédisposition présent(s) dans toutes les cellules saines de l’organisme du patient (donc de nature constitutionnelle) sans lien direct avec la pathologie ayant motivé la prescription et la réalisation de l’analyse » ([346]).

En effet, ainsi que l’a noté l’Association nationale des praticiens de génétique moléculaire, dans sa contribution aux États généraux de la bioéthique, « l’utilisation [des nouvelles techniques de séquençage] en génétique somatique conduit de fait à l’établissement des caractéristiques génétiques constitutionnelles des personnes » ([347]).

Comme le rapporteur l’indiquait l’an dernier dans son rapport d’évaluation de la loi du 7 juillet 2011, « la question se pose donc d’une adaptation éventuelle du régime du consentement en cas d’examen génétique somatique, dès lors que l’analyse tumorale peut apporter incidemment des informations de nature constitutionnelle » ([348]).

II.   Les évolutions prévues par le projet de loi

C’est précisément l’objet de l’article 25 que d’entourer les « découvertes incidentes » faites en matière de génétique constitutionnelle à l’occasion d’examens de génétique somatique, notamment dans le cadre d’une prise en charge en oncologie, des mêmes garanties que celles qui sont prévues en amont et en aval des examens des caractéristiques génétiques constitutionnelles.

À cet effet, il insère deux nouveaux articles (L. 1130-1 et L. 1130-2) dans le chapitre préliminaire que l’article 8 du projet de loi introduit au titre III du livre Ier de la première partie du code de la santé publique qui est, rappelons-le, consacré aux règles présidant à l’examen des caractéristiques génétiques, à l’identification par empreintes génétiques et à la profession de conseiller en génétique.

Le 1° de l’article 25 énonce le contenu de ces deux nouveaux articles L. 1130-1 et L. 1130-2 du code de la santé publique.

Le nouvel article L. 1130-1 donne tout d’abord une définition de l’examen des caractéristiques génétiques constitutionnelles en indiquant qu’il consiste à analyser les caractéristiques génétiques qu’une personne a héritées ou acquises à un stade précoce de son développement prénatal.

Ce même article rappelle ensuite que cet examen – tout comme l’identification d’une personne par empreintes génétiques – est soumis :

– aux dispositions des articles 16-10 à 16-13 du code civil, en particulier aux règles de recueil du consentement à de tels examens ou identifications ;

– aux dispositions du titre III du livre Ier de la première partie du code de la santé publique, qui édictent les modalités d’information de la personne concernée et de sa parentèle, de réalisation de l’examen (par des praticiens agréés dans des laboratoires de biologie médicale autorisés et accrédités), de conservation ou de transformation des éléments et produits du corps humain prélevés, etc. ;

– aux dispositions du titre II du livre Ier précité, qui encadrent les recherches impliquant la personne humaine (articles L. 1121-1 et suivants).

Sans employer expressément la notion de « génétique somatique », le nouvel article L. 1130-2 en donne une définition « en creux » en faisant référence aux « examens des caractéristiques génétiques acquises ultérieurement ».

« Ultérieurement » à quoi ? On devine qu’il s’agirait des caractéristiques génétiques acquises « ultérieurement au stade du développement prénatal », à la différence des caractéristiques génétiques constitutionnelles, mais cette définition n’est pas parfaitement satisfaisante.

Les caractéristiques génétiques somatiques sont en effet celles qui ne concernent pas les cellules germinales de la personne.

Toujours est-il que le nouvel article L. 1130-2 prévoit que, lorsque les résultats de ces analyses génétiques somatiques sont susceptibles de révéler des caractéristiques génétiques constitutionnelles (mentionnées à l’article L. 1130‑1 précité) ou rendent nécessaire la réalisation d’examens de ces caractéristiques génétiques constitutionnelles, la personne concernée doit être invitée à se rendre chez un médecin qualifié en génétique afin d’être prise en charge dans les conditions fixées au chapitre Ier du titre III du livre Ier du code de la santé publique, c’est‑à‑dire conformément aux articles L. 1131-1 et suivants de ce code : recueil du consentement de la personne concernée, de sa personne de confiance, de sa famille ou de ses proches ; réalisation des analyses par un praticien agréé dans un laboratoire autorisé et accrédité ; communication des résultats exclusivement par le médecin prescripteur ; le cas échéant, information de la parentèle, etc.

Le nouvel article L. 1130-2 ajoute qu’avant même la réalisation de l’examen des caractéristiques génétiques somatiques qui est susceptible de révéler des caractéristiques génétiques constitutionnelles, la personne concernée doit être informée de la possibilité de cette orientation.

Le 2° de l’article 25 opère une coordination impliquée par l’introduction, dans le code de la santé publique, de la distinction entre génétique constitutionnelle et génétique somatique.

En effet, en l’état du droit, le 1° de l’article L. 1131-6 de ce code renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de déterminer « les conditions dans lesquelles peuvent être réalisées, dans l’intérêt des patients, la prescription et la réalisation de l’examen des caractéristiques génétiques d’une personne ou son identification par empreintes génétiques à des fins médicales ».

Il s’agit de compléter ce 1° de l’article L. 1131-6 afin de prévoir qu’un décret en Conseil d’État devra également fixer les conditions dans lesquelles pourront être prescrits les examens des caractéristiques génétiques « acquises ultérieurement » (autrement dit des caractéristiques génétiques somatiques) qui seront désormais mentionnés au nouvel article L. 1130-2.

Dans l’avis qu’il a émis au sujet du présent projet de loi, le Conseil d’État estime que « l’introduction et la définition de ces différents champs de la génétique dans le code de la santé publique […] contribuent opportunément à une clarification du droit au regard des dernières avancées scientifiques dans ces domaines ».

Si les mérites d’une telle clarification sont indéniables, le Rapporteur tient à attirer l’attention du Gouvernement sur l’étendue des questions à traiter dans les textes d’application de l’article 25. Le décret en Conseil d’État envisagé par l’exécutif devra en effet préciser non seulement les conditions dans lesquelles pourront être prescrits les examens des caractéristiques génétiques somatiques (comme le prévoit la modification apportée par le 2° de cet article 25), ainsi que les modalités d’interface entre les généticiens et les oncologues (comme le suggère l’étude d’impact jointe au projet de loi ([349])), mais aussi les éventuelles conséquences de l’encadrement des examens des caractéristiques génétiques somatiques sur les agréments, autorisations et accréditations mentionnés aux articles L. 1131-3 et L. 1131-2-1 du code de la santé publique.

Si les laboratoires de biologie médicale autorisés par les agences régionales de santé (ARS) et accrédités par l’instance nationale d’accréditation (Comité français d’accréditation – COFRAC) pour pratiquer des examens des caractéristiques génétiques constitutionnelles sont souvent les mêmes que ceux amenés à pratiquer des examens des caractéristiques génétiques somatiques, et si, au sein de ces laboratoires, les praticiens agréés par l’Agence de la biomédecine pour procéder à des examens des caractéristiques génétiques constitutionnelles sont souvent les mêmes que ceux amenés à pratiquer des examens des caractéristiques génétiques somatiques, qu’en sera-t-il si, d’aventure, ce n’est pas le cas ? Faudra-t-il que les laboratoires et praticiens procédant à des examens des caractéristiques génétiques somatiques satisfassent les mêmes conditions (d’autorisation, d’accréditation et d’agrément) que ceux procédant à des examens des caractéristiques génétiques constitutionnelles ? La question gagnerait à être clarifiée.

 


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Article 26
Sécurisation de l’utilisation du microbiote fécal

Adopté par la commission avec modifications

    Résumé du dispositif initial

La transplantation du microbiote fécal, ensemble de micro-organismes diversifiés et spécifiques contenus dans les selles de chaque individu, consiste en l’introduction des selles d’un donneur sain dans le tube digestif d’un patient receveur afin de rééquilibrer la flore intestinale altérée de l’hôte.

L’article 26 a pour objet de créer un cadre juridique spécifique au recueil des selles destinées à la préparation du microbiote fécal utilisé à des fins thérapeutiques, qui est un médicament, mais également d’encadrer les étapes de collecte, contrôle, de conservation, de transport ainsi que les modalités de traçabilité des selles collectées. Appréhendées comme la matière première de fabrication d’un médicament, les selles d’origine humaine utilisées à des fins thérapeutiques échappent au régime des dons et éléments des produits du corps humain. En l’espèce, une déclaration devra parvenir à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).

Il donne en outre compétence à l’ANSM pour suspendre ou interdire les activités susmentionnées en cas de méconnaissance des dispositions établies ou en cas de risque pour la santé publique.

Enfin, il élargit la liste des produits à finalité sanitaire entrant dans le champ de compétence de l’ANSM afin d’y inclure les selles collectées destinées à la fabrication d’un médicament.

    Modifications apportées par la commission

Outre deux amendements rédactionnels, la commission a adopté un amendement du rapporteur qui vise à renforcer le contrôle de la collecte par l’ANSM en instaurant un régime d’autorisation en lieu et place de la déclaration (amendement n° 2262).

I.   Le droit en vigueur

1.   La transplantation du microbiote fécal

La transplantation du microbiote fécal, ensemble de micro-organismes diversifié et spécifique contenu dans les selles de chaque individu, consiste en l’introduction des selles d’un donneur sain dans le tube digestif d’un patient receveur afin de rééquilibrer la flore intestinale altérée de l’hôte. Elle peut être rendue nécessaire dans certaines situations pathologiques qui entraînent un déséquilibre du microbiote intestinal, telles que des infections bactériennes, et, semble-t-il, d’après des travaux de la littérature, des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin ou des maladies métaboliques et auto-immunes. La transplantation peut être effectuée par une sonde nasogastrique, par coloscopie, par lavement ou encore par l’ingestion de gélules gastro-résistantes.

Une transplantation de microbiote fécal se déroule en plusieurs étapes, incluant notamment la présélection du donneur par un questionnaire, un examen clinique, un test de dépistage ou des analyses microbiologiques sur un prélèvement de sang et de selles, le don, la préparation du transplant et la transplantation qui sera suivie d’une surveillance.

Un rapport publié par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ([350]) précise que cette technique doit être réservée aux situations graves ou rares, en échec de traitement conventionnel et en l’absence d’alternative thérapeutique disponible et appropriée.

2.   Le microbiote fécal est aujourd’hui un médicament dont la collecte n’est pas encadrée

Le code de la santé publique ne prévoit actuellement ni statut particulier ni dispositions particulières pour le microbiote fécal. Lorsqu’il est utilisé à des fins thérapeutiques, par exemple en cas d’infections à Clostridium Difficile résistantes à l’antibiothérapie, le microbiote fécal peut toutefois être considéré comme un médicament conformément à la définition qui est donnée de celui-ci à l’article L. 5111-1 du code de la santé publique. Selon cet article, sont considérées comme des médicaments « toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines ou animales, ainsi que toute substance ou composition pouvant être utilisée chez l’homme ou chez l’animal ou pouvant leur être administrée, en vue d’établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions physiologiques en exerçant une activité pharmacologique, immunologique ou métabolique » ([351]).

Le fait de considérer le microbiote fécal comme un médicament n’est pas partagé par tous les pays. S’il est également qualifié de médicament aux États-Unis ([352]), ce n’est pas le cas dans certains États membres de l’Union Européenne, tels que le Royaume-Uni, le Danemark ou les Pays-Bas ([353]).

Comme l’indique un rapport de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM)  sur la transplantation du microbiote fécal ([354]), celui-ci peut être utilisé, en tant que médicament ne disposant pas d’autorisation de mise sur le marché (AMM) ou d’un autre type d’autorisation permettant son utilisation sur le territoire français, dans le cadre législatif et réglementaire applicable aux préparations magistrales et hospitalières, respectivement définies au 1° et au 2° de l’article L. 5121-1 du code de la santé publique. Dès lors, le microbiote fécal peut-être préparé et délivré à un ou plusieurs patients sur prescription médicale en se conformant à certaines conditions.

Ainsi, si la préparation et la délivrance du microbiote fécal à visée thérapeutique sont encadrées par les dispositions législatives et réglementaires applicables aux préparations magistrales et hospitalières, les étapes de collecte, contrôle, conservation, traçabilité et transport des selles destinées à la préparation de microbiote fécal utilisé à des fins thérapeutiques ne font pas l’objet d’un cadre législatif spécifique.

II.   Les évolutions prévues par le projet de loi

L’article 26 crée un cadre juridique spécifique au microbiote fécal au sein du code de la santé publique. Il tend d’abord à exclure la transplantation du microbiote fécal du champ des principes généraux applicables aux dons des éléments et produits du corps humain. Il vise ensuite à créer un cadre spécifique au recueil de selles d’origine humaine destinées à une utilisation thérapeutique. Il étend le champ des compétences de l’ANSM aux selles collectées aux fins de fabrication d’un médicament.

1.   La transplantation du microbiote fécal échappe aux principes généraux des dons des éléments et produits du corps humain

Le I complète l’article L. 1211-8 par un nouvel alinéa. Cet article, situé dans le chapitre unique du titre I du livre II de la première partie du code de la santé publique, établit les principes généraux relatifs au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain.

Le nouvel alinéa prévoit que les actions entreprises sur les selles collectées selon le nouveau cadre juridique spécifique établi par le II du présent article pour une utilisation à des fins thérapeutiques ne sont pas soumises aux principes généraux relatifs au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain.

Parmi ces principes généraux figurent notamment le principe d’anonymat, selon lequel le donneur ne peut connaître l’identité du receveur, ni le receveur celle du donneur ([355]) ou encore l’interdiction de la publicité en faveur du don d’éléments ou de produits du corps humain au profit d’une personne déterminée ou au profit d’un établissement ou organisme déterminé ([356]). On notera que l’article L. 1211-8 du code de la santé publique prévoit d’ores et déjà des exceptions à l’application de ces principes généraux, notamment pour les éléments et produits du corps humain prélevés et utilisés à des fins thérapeutiques autologues dans le cadre d’une seule et même intervention médicale, sans être conservés ou préparés à aucun moment au sein d’un établissement ou organisme autorisé ([357]).

Interrogé par le rapporteur, le Gouvernement a bien voulu préciser que « certains principes concernant le don des éléments et produits du corps humain seront applicables à la collecte de selles tels que le consentement du donneur de selles et les règles de sécurité sanitaire (sélection clinique et biologique des donneurs de selles […]. En revanche, concernant le principe de la gratuité, à l’heure actuelle, dans le cadre des essais cliniques menés en France portant sur du microbiote fécal nécessitant donc la collecte de selles, la rémunération des donneurs est prévue pour compenser les contraintes liées à la sélection et au don réitéré de selles tous les jours ».

2.   Un cadre spécifique relatif au recueil des selles d’origine humaine

Le II procède à l’insertion d’un chapitre XI nouveau intitulé « Recueil de selles d’origine humaine destinées à une utilisation thérapeutique » après le chapitre X du titre III, qui concerne les « autres produits et substances pharmaceutiques réglementés », du livre Ier de la cinquième partie du code de la santé publique. Ce chapitre nouveau est constitué de quatre articles numérotés L. 513-11-1 à L. 513-11-4.

● L’article L. 513-11-1 nouveau prévoit que les établissements ou organismes qui assurent une activité de collecte des selles destinées à la préparation du microbiote fécal utilisé à des fins thérapeutiques doivent adresser une déclaration à l’ANSM.

On notera que des régimes déclaratifs impliquant l’ANSM, moins contraignants que les régimes d’autorisation, existent déjà pour d’autres activités, comme la fabrication, l’importation et la distribution d’excipients, exercées par des établissements ([358]).

Suite aux demandes de précisions présentées par le rapporteur, le Gouvernement a indiqué que « la déclaration de l’activité de collecte de selles par les établissements ou organismes l’exerçant doit être un préalable à l’exercice de cette activité ».

Ses modalités « seront précisées dans le décret, à l’instar de ce qui existe pour d’autres produits relevant de la compétence de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé » et sont actuellement « à l’étude en lien avec l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ».

Le Gouvernement a également indiqué au rapporteur que seuls les centres réalisant une collecte seront soumis à l’obligation de déclaration, pour cette activité. Les autres activités (contrôle, conservation, traçabilité et transport) devront se conformer aux bonnes pratiques prévues par l’article L. 513-11-2 nouveau du code de la santé publique.

Le Gouvernement souligné qu’« a priori, tous les établissements ou organismes qui auront déclaré cette activité auprès de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et qui seront en capacité d’assurer la collecte de selles conformément aux dispositions réglementaires prévues par décret et aux futures bonnes pratiques applicables, pourront exercer l’activité de collecte ».

Aujourd’hui, entre 5 et 10 centres réalisent la collecte de selles dans le cadre d’essais cliniques. Il s’agit de structures relevant d’établissements hospitaliers (pharmacie à usage intérieur ou laboratoire de microbiologie, centre de recherche clinique).

L’article 26 prévoit une exception au régime déclaratif pour les collectes réalisées dans le cadre des recherches impliquant la personne humaine visées au 1° de l’article L. 1121-1 du code de la santé publique, à savoir les recherches interventionnelles qui comportent une intervention sur la personne non justifiée par sa prise en charge habituelle, aussi appelées « recherches interventionnelles de catégorie I » ([359]). Celles-ci incluent, parmi les recherches organisées et pratiquées sur l’être humain en vue du développement des connaissances biologiques ou médicales ([360]), les recherches impliquant la mise en œuvre de thérapies nouvelles, comme un médicament ou un dispositif médical.

Les recherches interventionnelles de catégorie I sont conditionnées à l’obtention d’un avis favorable de la part d’un comité de protection des personnes (CPP) ainsi qu’à une autorisation de l’ANSM. L’exception prévue par le nouvel article L. 513-11-1 au régime déclaratif est donc justifiée par le fait que l’ANSM a déjà été informée de la conduite d’une telle activité dans le cadre de la procédure d’autorisation.

● L’article L. 513-11-2 nouveau dispose que les activités de collecte, de contrôle, de conservation, de traçabilité et de transport des selles effectuées par les établissements et organismes mentionnés à l’article précédent (c’est-à-dire qui adressent une déclaration à l’ANSM) doivent être réalisées en conformité avec des règles de bonnes pratiques spécifiques.

Il précise en outre que ces règles de bonnes pratiques seront définies par décision du directeur général de l’ANSM et devront notamment comprendre des règles de « sélection clinique et biologique » applicables à la collecte des selles. Les règles de bonnes pratiques sont destinées à assurer la qualité et la sécurité des différentes étapes susmentionnées afin de limiter tout risque pour la santé afférent à la transplantation de microbiote fécal. En réponse aux questions du rapporteur, le Gouvernement a ainsi précisé que « le risque associé à la transplantation de microbiote fécal doit être encadré, notamment le risque de transmission d'agent infectieux pathogène au receveur » et qu’il est dès lors « nécessaire de créer un encadrement juridique pour la sélection clinique et biologique des donneurs et la collecte de la matière fécale », la sélection « se [faisant] au moyen d’un examen clinique, d’un entretien médical et d’un questionnaire préalable au don, ainsi que par des tests réalisés sur des prélèvements sanguins et fécaux chez le donneur avec dépistage d'agents pathogènes infectieux selon une liste évolutive ».

Des règles de bonnes pratiques, constituées de mesures prescriptives, ont d’ores et déjà été élaborées notamment en matière de pharmacovigilance, de matières premières à usage pharmaceutique, de préparation, de codification et traçabilité des médicaments. L’ANSM est compétente pour réaliser des inspections dans les établissements concernés afin de vérifier la conformité de leurs activités avec les règles de bonnes pratiques applicables. Elles permettront de vérifier la conformité des activités dans les établissements collecteurs et pourront être soit inopinées soit programmées, conformément à l’article R. 5313-4 du code de la santé publique.

● L’article L. 513-11-3 nouveau détermine les circonstances dans lesquelles l’ANSM peut suspendre ou interdire les activités de collecte, de contrôle, de conservation, de traçabilité et de transport des selles.

Aux termes du premier alinéa de cet article, une méconnaissance des règles de bonnes pratiques susmentionnées ou l’absence de déclaration à l’ANSM par un établissement ou organisme qui se livrerait à une activité de collecte de selles destinées à la préparation du microbiote fécal utilisé à des fins thérapeutiques pourra être sanctionnée par une suspension ou une interdiction des différentes activités préalablement mentionnées. En outre, de telles décisions peuvent être prononcées par l’ANSM en cas de risque pour la santé publique, pouvant être défini comme « tout événement indésirable sanitaire ou environnemental susceptible d’avoir un impact sur la santé de la population » ([361]). Aux demandes de précisions exprimées par le rapporteur, le Gouvernement indique que « les risques les plus importants pour la santé publique qui pourraient être identifiés pour les médicaments à base de microbiote fécal comprennent les aspects de sécurité microbiologique (notamment, la qualification des donneurs, recherche d’agents pathogène avec des méthodes non validées), de risque de transmission de pathologies chroniques et de défaut de traçabilité (notamment, site de collecte non déclaré, importation de microbiote fécal non maîtrisée, etc. ) ».

Le deuxième alinéa de l’article L. 513-11-3 instaure un principe de respect du contradictoire en précisant que l’établissement ou l’organisme concerné doit être mis à même de présenter ses observations avant qu’une décision de suspension ou d’interdiction ne puisse intervenir. Toutefois, une exception à ce principe est prévue « en cas de risque imminent ». Une disposition similaire est d’ores et déjà prévue dans le code de la santé publique en cas de demande de modification, ou de décision de suspension ou d’interdiction d’une recherche impliquant la personne humaine ([362]).

● Enfin, un article L. 513-11-4 nouveau est institué. Il prévoit que les modalités d’application de ce nouveau chapitre XI seront déterminées par décret.

Ce décret détaillera le contenu et les modalités de présentation de la déclaration de l’activité de collecte à l’ANSM ainsi que les modalités de déclaration des modifications de cette activité. Le texte est actuellement à l’étude, en lien avec l’ANSM, et devrait être publié dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi.

3.   L’élargissement des compétences de l’ANSM

Le III insère un nouvel alinéa après le 20° de l’article L. 5311-1 du code de la santé publique.

L’article L. 5311-1 fixe le champ de compétence de l’ANSM en détaillant ses différentes missions. Il liste notamment en vingt points les produits à finalité sanitaire destinés à l’homme et les produits à finalité cosmétique qui entrent dans son champ de compétence. Le III ajoute la mention des « selles collectées par les établissements ou organismes mentionnés à l’article L. 513-11-1 et destinées à la fabrication d’un médicament » à ces missions, afin de mettre en conformité les missions de l’Agence légalement définies avec les nouvelles prérogatives qui lui sont dévolues dans le cadre du chapitre XI nouveau créé par le II.

 


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Article 27
Réalisation de médicaments de thérapie innovante préparés ponctuellement dans le cadre d’une seule intervention médicale sous la responsabilité d’un établissement ou organisme autorisé au titre de l’article L. 4211-9-1 du code de la santé publique

Adopté par la commission avec modifications

    Résumé du dispositif initial

L’article 27 autorise la réalisation de l’ensemble des étapes de prélèvement des tissus ou cellules autologues, de préparation et d’administration d’un médicament de thérapie innovante préparé ponctuellement (MTI-PP) au cours d’une seule et même intervention médicale. Auparavant, ces étapes ne pouvaient être effectuées que dans le cadre d’interventions médicales distinctes.

L’article 27 vise ainsi à éviter des actes inutiles et potentiellement néfastes pour les patients, tels que la répétition d’anesthésies dans le cadre d’interventions médicales distinctes.

Il précise les modalités d’application et de contrôle ainsi que le régime de responsabilité d’une telle procédure.

    Modifications apportées par la commission

Outre un amendement rédactionnel, la commission a adopté un amendement du rapporteur qui vise à s’assurer des capacités de l’ANSM à effectuer ses opérations de contrôle sur les opérations de préparation et de distribution des MTI-PP lorsqu’elles sont réalisées par un établissement de santé placé sous la responsabilité d’un établissement ou organisme déjà autorisé par l’ANSM. L’amendement précise que, le cas échéant, les opérations de vérification sont opérées en coordination avec l’agence régionale de santé (amendement n°°2253).

I.   Le droit en vigueur

1.   Le médicament de thérapie innovante préparé ponctuellement, une catégorie spécifique au sein des médicaments de thérapie innovante

Les médicaments de thérapie innovante (MTI), introduits dans le code de la santé publique par la loi n° 2011-302 du 22 mars 2011 ([363]), comprennent les médicaments de thérapie génique, les médicaments de thérapie cellulaire somatique, les médicaments issus de l’ingénierie tissulaire et cellulaire ainsi que les médicaments combinés de thérapie innovante, qui associent un médicament de thérapie innovante avec un dispositif médical. Cette catégorie de médicaments est régie par la législation nationale pour l’étape des essais cliniques et par la règlementation européenne pour leur mise sur le marché et l’ensemble des procédures de suivi post-autorisation ([364]).

L’article L. 5121-1 du code de la santé publique définit les médicaments de thérapie innovante préparés ponctuellement (MTI-PP) comme des médicaments de thérapie innovante « fabriqués en France selon des normes de qualité spécifiques et utilisés dans un hôpital en France, sous la responsabilité d’un médecin, pour exécuter une prescription médicale déterminée pour un produit spécialement conçu à l’intention d’un malade déterminé » ([365]).

Les MTI-PP partagent les mêmes caractéristiques que les MTI dont ils constituent une sous-catégorie. Un MTI-PP ne peut être utilisé que dans l’État membre où il est fabriqué et ne peut être exporté, sauf dans le cas d’une recherche biomédicale ([366]).

2.   Les dispositions applicables aux médicaments de thérapie innovante préparés ponctuellement

L’article 28 du règlement (CE) n° 1394/2007 du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007 ([367]) concernant les médicaments de thérapie innovante dispose que les MTI-PP relèvent d’un régime dérogatoire tout en précisant qu’ils font l’objet d’une régulation au niveau national. A contrario, le régime juridique des MTI relève du niveau européen : ils doivent notamment obtenir une autorisation de mise sur le marché européenne par la voie de la procédure centralisée.

La fabrication des MTI-PP est autorisée par l’autorité compétente de chaque État membre, en l’occurrence l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) pour la France. Il revient en outre à chaque État membre de s’assurer du niveau adéquat des exigences de traçabilité, de pharmacovigilance et des normes de qualité de ces produits. Celles-ci doivent être au moins équivalentes à celles prévues au niveau communautaire pour les médicaments de thérapie innovante ([368]).

a.   Une autorisation délivrée au niveau national

Les médicaments de thérapie innovante préparés ponctuellement doivent avoir obtenu une autorisation de l’ANSM selon des modalités sont fixées par voie réglementaire ([369]). À titre d’exemple, le dossier accompagnant la demande d’autorisation doit notamment comprendre le nombre prévu de patients concernés par le médicament, des informations concernant les tissus ou cellules prélevés ainsi que les produits et matériels entrant en contact avec eux ou encore les établissements de santé publics ou privés dans lesquels le médicament peut être administré ([370]).

b.   Un périmètre plus large des établissements et organismes autorisés à exercer des activités relatives aux médicaments de thérapie innovante préparés ponctuellement

Si la fabrication, l’importation, l’exportation et la distribution en gros des médicaments ne peuvent traditionnellement être effectuées que dans des établissements pharmaceutiques ([371]), site physique où s’exerce une activité pharmaceutique pour laquelle il doit bénéficier d’une autorisation administrative ([372]), les médicaments de thérapie innovante préparés ponctuellement dérogent à cette règle : leur préparation, conservation, distribution et cession peuvent également être réalisées dans d’autres établissements ou organismes autorisés pour une durée de cinq ans renouvelable par l’ANSM après avis de l’Agence de la biomédecine ([373]). L’importation et l’exportation de ces médicaments dans le cadre d’une recherche biomédicale peuvent également être menées par ces établissements autorisés ([374]).

Parmi ces établissements et organismes figurent les établissements de santé, l’Établissement français du sang, le Centre de transfusion sanguine des armées ainsi que, lorsque ces établissements, fondations ou associations ont pour objet la santé ou la recherche biomédicale, les établissements publics à caractère scientifique et technologique, les fondations de coopération scientifiques, les fondations d’utilité publique et les associations ([375]).

Ces activités doivent être réalisées en conformité avec les règles de bonnes pratiques mentionnées à l’article L. 5121-5 du code de la santé publique, qui sont édictées par l’ANSM.

II.   Les évolutions prévues par le projet de loi

Le dispositif proposé vise à autoriser la préparation et l’administration de médicaments de thérapie innovante préparés ponctuellement en établissement de santé dans le cadre de la même intervention médicale que celle du prélèvement des tissus ou des cellules autologues entrant dans leur composition, sans passer par un organisme ou établissement dédié aux activités de préparation. Il précise le régime applicable à ce type d’activité.

Selon l’étude d’impact, cette pratique, qui n’est pas autorisée actuellement, présente un intérêt pour la santé du patient dans la mesure où elle permet notamment d’éviter que le patient subisse des actes inutiles et potentiellement néfastes, comme par exemple faire l’objet de deux anesthésies dans le cadre de deux interventions médicales distinctes ([376]).

● Le I modifie la rédaction aujourd’hui en vigueur du dernier alinéa de l’article L. 1242-1 du code de la santé publique. Celui-ci prévoit notamment le régime applicable aux établissements effectuant des prélèvements de tissus du corps humain en vue de don à des fins thérapeutiques ou des prélèvements de cellules à fins d’administration autologue ou allogénique. De telles activités ne peuvent être réalisées que dans des établissements autorisés à cet effet par l’autorité administrative après avis de l’Agence de la biomédecine ([377]).

Toutefois, le dernier alinéa du même article dispense d’autorisation les activités liées aux éléments et produits du corps humains mentionnés à l’article L. 1211-8 du code de la santé publique, à savoir notamment les éléments et produits du corps humain prélevés et utilisés à des fins thérapeutiques autologues dans le cadre d’une seule et même intervention médicale. Cette dérogation s’applique ainsi à la fabrication de médicaments de thérapie innovante préparés ponctuellement, lorsque la fabrication intervient au cours de la même intervention médicale que le prélèvement ([378]).

Par coordination avec le nouveau II de l’article L. 4211-9-1 tel qu’issu du II du présent article, ce régime dérogatoire est étendu aux MTI-PP préparés et administrés dans le cadre de la même intervention médicale que celle du prélèvement des tissus et cellules autologues entrant dans leur composition.

● Le II tend à modifier l’article L. 4211-9-1 du code de la santé publique. Celui-ci permet aux établissements ou organismes, dûment autorisés par l’ANSM après avis de l’Agence de la biomédecine, d’assurer la préparation, la conservation, la distribution, la cession ainsi que l’importation et l’exportation dans le cadre de recherches biomédicales de médicaments de thérapie innovante préparés ponctuellement. Cette disposition déroge au droit commun, qui investit les établissements pharmaceutiques de cette mission.

Le 1° du II vise à rassembler au sein d’une division numérotée « I »les quatre alinéas qui composent l’actuel article L. 4211-9-1.

Le 2° du II modifie le premier alinéa du I ainsi créé afin de remplacer l’ancienne appellation « Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé » par l’appellation actuelle « Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé » suite à la modification opérée par la loi relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé ([379]).

Le 3° du II crée une nouvelle division« II » composée de trois alinéas.

Le premier alinéa prévoit que lorsque la préparation, la distribution et l’administration de médicaments de thérapie innovante préparés ponctuellement sont faites, en établissement de santé ou dans un hôpital des armées, dans le cadre de la même intervention médicale que celle du prélèvement des tissus ou des cellules autologues entrant dans leur composition, la préparation et la distribution sont réalisées soit par un établissement pharmaceutique ou un établissement ou organisme autorisé par l’ANSM après avis de l’Agence de la biomédecine – ce qui correspond au régime actuel –, soit par l’établissement de santé ou l’hôpital des armées où est réalisée l’intervention médicale, mais sous la responsabilité des établissements autorisés précités – ce qui est l’innovation introduite par le présent article. L’administration de ces médicaments est réalisée par l’établissement de santé ou l’hôpital des armées concerné dans les conditions prévues par le droit commun applicable aux médicaments.

Selon les termes employés dans l’étude d’impact, les établissements ou organismes autorisés par l’ANSM peuvent ainsi confier, sous leur responsabilité, à un établissement de santé n’ayant pas obtenu d’autorisation de la part de l’ANSM, la préparation de ce type de médicament « ne faisant pas l’objet de manipulation substantielle, lorsque cette préparation peut être réalisée pour le patient au cours de la même intervention médicale que celle nécessaire au prélèvement des tissus ou cellules composant ledit médicament, et à l’administration de ce dernier au même patient » ([380]).

Aux demandes de précisions formulées par le rapporteur, le Gouvernement a bien voulu indiquer que la responsabilité de l’administration du médicament repose sur l’établissement de santé tandis que la responsabilité de la préparation repose sur l’établissement autorisé par l’ANSM au titre du I de l’article L. 4211-9-1 et qui constitue le donneur d’ordres. Un établissement de santé peut par ailleurs être autorisé par l’ANSM au titre de l’article L. 4211-9-1 et assurer en son sein la préparation de MTI-PP lors d’une même intervention médicale. Même dans ce cas, la répartition des responsabilités doit être clairement définie au sein de l’établissement.

Les responsabilités respectives des deux parties seront définies via un contrat ou une convention (cf. ci-après). À cet égard, le Gouvernement a indiqué au rapporteur que « l’établissement disposant de l’autorisation MTI-PP de l’ANSM pourra vérifier la bonne exécution des termes de la convention ou du contrat au travers des audits de l’établissement de santé préparant des MTI-PP lors d’une intervention médicale ».

Le même alinéa précise en outre que la préparation et l’administration de ces médicaments doivent être réalisées en conformité avec les règles de bonnes pratiques applicables, dont les principes sont définis par décision de l’ANSM, mentionnées à l’article L. 5121-5 du code de la santé publique. L’étude d’impact précise qu’il reviendra à l’ANSM de contrôler le respect des bonnes pratiques de fabrication par le biais d’une revue documentaire réalisée lors de l’inspection des structures de fabrication des médicaments de thérapie innovante préparés ponctuellement, tandis que les agences régionales de santé assureront ce contrôle sur les blocs opératoires des établissements de santé ([381]).

Enfin, le premier alinéa indique que ces activités doivent être réalisées dans le cadre d’un contrat écrit. En réponse aux interrogations du rapporteur, le Gouvernement a indiqué que le contrat définira « les responsabilités de chaque partie au regard de l’obtention de ce médicament utilisé lors d’une même intervention avec notamment le type de matériels utilisés, l’engagement à enregistrer les données produits (volume, nature, etc.), le prélèvement et la conservation d’échantillons, la formation aux produits et à leur préparation, la traçabilité des matières utilisées, la responsabilité quant à l’évaluation des fournisseurs, la responsabilité respective quant à la vigilance ». Par ailleurs, chacune des parties devra « avoir mis en place un système de management de la qualité établi avec une gestion des procédures et des réunions d’interfaces ».

Le deuxième alinéa de la division « II » nouvelle prévoit une vérification par l’ANSM de la pertinence de l’administration de ces médicaments dans le cadre de la même intervention médicale que celle du prélèvement des tissus ou des cellules autologues entrant dans leur composition. Cette vérification s’opère dans le cadre de la procédure d’autorisation du médicament concerné ou de la procédure d’autorisation de recherche impliquant la personne humaine concernant ce médicament.

Le troisième alinéa indique qu’un décret en Conseil d’État précisera les conditions applicables à la préparation ainsi que le type de médicaments concernés par le II de l’article L. 4211-9-1.

Selon le Gouvernement, les grandes lignes du décret devraient mentionner : les conditions applicables à la préparation telles que « l’organisation des rôles de chacun via un contrat écrit ou une convention entre l’établissement de santé réalisant la préparation, la distribution et l’administration et l’établissement autorisé donc celui qui prendra la responsabilité de la préparation et la distribution du médicament », « la réalisation d’audits de l’établissement de santé par l’établissement responsable pour s’assurer du respect des bonnes pratiques applicables » et « le type de médicaments qui pourra être préparé selon cette organisation » à savoir « les médicaments n’ayant pas subi de manipulation substantielle » au sens du droit communautaire .Le texte est en cours d’étude en lien avec l’ANSM et devrait être publié dans un délai de six mois à compter de la promulgation de cette loi.

● Le III opère enfin le remplacement des mots « Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé » par les mots « Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé » au 17° de l’article L.5121-1 afin de tenir compte du changement d’appellation de cette autorité administrative intervenu suite à l’adoption de la loi relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé en décembre 2011 ([382]).

 


—  1  —

Article 28
Diverses mises en cohérence au sein du code de la santé publique

Adopté par la commission avec modifications

    Résumé du dispositif initial

L’article 28 a pour objet d’opérer un « toilettage » de plusieurs dispositions du code de la santé publique en matière d’examens des caractéristiques génétiques à des fins médicales, de diagnostic prénatal, d’assistance médicale à la procréation, d’accueil d’embryons ainsi que d’importation et d’exportation des tissus et cellules d’origine humaine.

    Modifications apportées par la commission

La commission a adopté cinq amendements rédactionnels du rapporteur.

I.   Les ajustements rédactionnels en matière d’examens des caractéristiques génétiques

A.   Le droit en vigueur

En matière de diagnostic prénatal qui, rappelons-le, « s’entend des pratiques médicales, y compris l’échographie obstétricale et fœtale, ayant pour but de détecter in utero chez l’embryon ou le fœtus une affection d’une particulière gravité » ([383]),  et qui ne peut être pratiqué que dans des laboratoires de biologie médicale autorisés et accrédités et faisant appel à des praticiens en mesure de prouver leur compétence, l’article L. 2131-3 du code de la santé publique dispose que « toute violation constatée dans un établissement ou un laboratoire, et du fait de celui-ci, des prescriptions législatives et réglementaires applicables au diagnostic prénatal entraîne le retrait temporaire ou définitif des autorisations », que « le retrait de l’autorisation d’un établissement ou d’un laboratoire est également encouru en cas de violation des prescriptions fixées par l’autorisation ou si le volume d’activité ou la qualité des résultats est insuffisant » et que « le retrait ne peut intervenir qu’après un délai d’un mois suivant une mise en demeure adressée par l’autorité administrative à l’établissement ou au laboratoire concerné et précisant les griefs » – étant précisé qu’en cas de violation grave, l’autorisation peut être suspendue sans délai à titre conservatoire.

De la même manière, en matière d’assistance médicale à la procréation, l’article L. 2142-3 du code de la santé publique prévoit que « toute violation constatée dans un établissement, un organisme, un groupement de coopération sanitaire ou un laboratoire, et du fait de celui-ci, des prescriptions législatives et réglementaires applicables à l’assistance médicale à la procréation [AMP], entraîne le retrait temporaire ou définitif des autorisations [d’exercer les activités d’AMP], dans les conditions fixées à l’article L. 6122-13 » qui charge le directeur général de l’agence régionale de santé (ARS) :

– de notifier les griefs ;

– en cas de réponse inexistante ou insuffisante à cette notification, d’enjoindre de faire cesser définitivement les manquements constatés dans un délai déterminé ;

– en cas de réponse inexistante ou insuffisante à cette injonction, ou en cas d’urgence tenant à la sécurité des patients ou du personnel, de prononcer une suspension immédiate, totale ou partielle, de l’autorisation de l’activité concernée, accompagnée d’une mise en demeure de remédier aux manquements constatés dans un délai déterminé ;

– en cas de manquement persistant, et après avis de la commission spécialisée de la conférence régionale de la santé et de l’autonomie compétente pour le secteur sanitaire, de retirer l’autorisation ou d’en modifier le contenu.

L’article L. 2142-3 du code de la santé publique ajoute que « le retrait de l’autorisation est également encouru en cas de violation des prescriptions fixées par l’autorisation ou si le volume d’activité ou la qualité des résultats sont insuffisants ».

Selon l’étude d’impact jointe au projet de loi, « il n’existe pas d’équivalent dans le domaine des examens des caractéristiques génétiques » ([384]).

B.   Les évolutions prévues par le projet de loi

C’est la raison pour laquelle le I de l’article 28 propose d’insérer dans le code de la santé publique un nouvel article L. 1131-2-2 prévoyant que :

– toute violation constatée dans un établissement, un groupement de coopération sanitaire ou un laboratoire des prescriptions législatives et réglementaires applicables aux examens des caractéristiques génétiques à des fins médicales entraîne la suspension ou le retrait de l’autorisation de pratiquer ces examens prévue à l’article L. 1131-2-1, dans les conditions fixées à l’article L. 6122-13 (et décrites plus haut) ;

– le retrait de l’autorisation est également encouru en cas de violation des prescriptions fixées par l’autorisation ou si le volume d’activité ou la qualité des résultats sont insuffisants.

Toutefois, il conviendrait de clarifier l’articulation de ce nouvel article L. 1131-2-2 avec le dernier alinéa de l’article L. 1131-2-1 du code de la santé publique, qui dispose que « les autorisations et accréditations prévues aux trois premiers alinéas [pour les laboratoires de biologie médicale pratiquant l’examen des caractéristiques génétiques ou l’identification par empreintes génétiques à des fins médicales] peuvent être retirées ou suspendues, respectivement dans les conditions prévues aux articles L. 6122-13 et L. 6221-2 ou en cas de manquement aux prescriptions législatives et réglementaires applicables à l’examen des caractéristiques génétiques d’une personne ou à son identification par empreintes génétiques ».

II.   Les ajustements rédactionnels en matière de diagnostic prénatal

A.   Le droit en vigueur

En matière de diagnostic prénatal, l’article L. 2131-5 du code de la santé publique renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de déterminer plusieurs éléments, parmi lesquels :

– les missions, le rôle ainsi que les conditions de création et d’autorisation des centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal (c’est l’objet du 1° de l’article L. 2131-5) ;

– la nature des examens de biologie médicale destinés à établir un diagnostic prénatal et les conditions dans lesquelles ils peuvent être pratiqués dans les établissements publics de santé et les laboratoires de biologie médicale autorisés (c’est l’objet du 2° du même article L. 2131-5).

D’après l’étude d’impact jointe au projet de loi, « il apparaît préférable de scinder en deux le 2° de l’article L. 2131-5 du code de la santé publique qui renvoie à deux domaines différents : celui de la nature des examens de biologie médicale destinés à établir un diagnostic prénatal et celui des conditions que doivent remplir les établissements publics de santé et les laboratoires de biologie médicale pour être autorisés au diagnostic prénatal » ([385]).

B.   Les évolutions prévues par le projet de loi

C’est la raison pour laquelle le II de l’article 28 propose d’opérer cette scission :

– en maintenant au 2° de l’article L. 2131-5 précité le renvoi à un décret en Conseil d’État pour définir la nature des examens de biologie médicale destinés à établir un diagnostic prénatal ;

– en ajoutant un 4° à cet article L. 2131-5 pour y inscrire le renvoi à un décret en Conseil d’État pour la détermination des conditions d’implantation et de fonctionnement que doivent remplir les établissements publics de santé et les laboratoires de biologie médicale pour être autorisés à exercer des activités de diagnostic prénatal.

III.   Les ajustements rédactionnels en matière d’assistance médicale à la procréation

A.   Le droit en vigueur

L’article L. 2141-1 du code de la santé publique définit l’assistance médicale à la procréation (AMP) comme les « pratiques cliniques et biologiques permettant la conception in vitro, la conservation des gamètes, des tissus germinaux et des embryons, le transfert d’embryons et l’insémination artificielle ».

Son premier alinéa renvoie à :

– un arrêté du ministre chargé de la santé, après avis de l’Agence de la biomédecine, le soin d’établir la liste des procédés biologiques utilisés en AMP ;

– un décret en Conseil d’État le soin de déterminer les modalités et les critères d’inscription des procédés sur cette liste, étant précisé que ces critères portent notamment sur le respect des principes fondamentaux de la bioéthique, l’efficacité et la reproductibilité du procédé ainsi que la sécurité de son utilisation pour la femme et l’enfant à naître.

Lors de l’examen de la loi relative à la bioéthique du 7 juillet 2011, il a également été prévu, à la dernière phrase de ce premier alinéa, que l’Agence de la biomédecine remettrait au ministre chargé de la santé, dans les trois mois suivant la promulgation de cette loi, un rapport précisant la liste des procédés biologiques utilisés en AMP ainsi que les modalités et critères d’inscription des procédés sur cette liste.

Ce rapport a depuis été produit par l’Agence de la biomédecine et permis l’édiction :

– du décret n° 2012-360 du 14 mars 2012 relatif aux procédés biologiques utilisés en assistance médicale à la procréation ;

– de l’arrêté du 18 juin 2012 fixant la liste des procédés biologiques utilisés en assistance médicale à la procréation.

Alors que c’est en principe cet arrêté qui énumère les procédés biologiques autorisés aux fins d’AMP, c’est étrangement la loi – et plus précisément le quatrième alinéa de l’article L. 2141-1 précité – qui énonce que « la technique de congélation ultra-rapide des ovocytes est autorisée ».

Cette précision autorisant la vitrification ovocytaire apparaît inutile au niveau législatif dans la mesure où, en application du premier alinéa de l’article L. 2141‑1, elle devrait relever de l’arrêté du ministre chargé de la santé qui dresse la liste des procédés biologiques autorisés en AMP. Et cet arrêté autorise explicitement la congélation ultra-rapide (ou « vitrification ») des gamètes.

Enfin, le dernier alinéa du même article L. 2141-1 renvoie à un autre arrêté du ministre chargé de la santé, pris sur proposition de l’Agence de la biomédecine, le soin de définir les règles de bonnes pratiques applicables à l’AMP avec tiers donneur.

Or l’arrêté du 30 juin 2017 modifiant l’arrêté du 11 avril 2008 modifié concerne les règles de bonnes pratiques cliniques et biologiques d’assistance médicale à la procréation dans son ensemble, que celle-ci soit avec ou sans tiers donneur.

Il conviendrait donc d’ajuster la rédaction de ce dernier alinéa de l’article L. 2141-1 – comme celle des premier et quatrième alinéas du même article, du reste.

B.   Les évolutions prévues par le projet de loi

C’est précisément l’objet du III de l’article 28.

Le 1° du III supprime la dernière phrase du premier alinéa de l’article L. 2141-1 du code de la santé publique dans la mesure où l’Agence de la biomédecine s’est acquittée de l’obligation qui lui était faite par cette phrase de remettre au ministre chargé de la santé un rapport dans les trois mois suivant la promulgation de la loi du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique, et où cette obligation n’a donc plus lieu d’être inscrite dans la loi.

Le 2° du III supprime le quatrième alinéa du même article L. 2141‑1 dans la mesure où la technique de congélation ultra-rapide des ovocytes – et plus généralement des gamètes – est autorisée par l’arrêté du ministre chargé de la santé établissant la liste des procédés biologiques utilisés en AMP.

Le 3° du III supprime, au dernier alinéa du même article L. 2141‑1, les mots « avec tiers donneur », de façon à ce que la loi renvoie à un arrêté du ministre chargé de la santé, pris sur proposition de l’Agence de la biomédecine, le soin de définir les règles de bonnes pratiques applicables à l’AMP en général, y compris sans tiers donneur, et pas seulement à l’AMP avec tiers donneur.

Par ailleurs, le IV de l’article 28 ajuste la rédaction du 2° de l’article L. 2142-4 du code de la santé publique qui renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de déterminer « les conditions de fonctionnement que doivent remplir les établissements, les organismes, les groupements de coopération sanitaire et les laboratoires […] pour être autorisés à exercer des activités d’assistance médicale à la procréation ».

En effet, cette disposition ne fait mention que des conditions de fonctionnement de ces établissements, organismes, groupements et laboratoires… à l’exclusion de leurs conditions d’implantation. Or l’article L. 6123-1 du code de la santé publique impose que les conditions d’implantation des activités de soins soient fixées par décret en Conseil d’État.

En cohérence, le IV de l’article 28 propose donc de modifier le 2° de l’article L. 2142-4 précité afin qu’il renvoie à un décret en Conseil d’État non seulement pour la détermination des conditions de fonctionnement, mais aussi pour celle des conditions d’implantation des établissements, organismes, groupements et laboratoires autorisés à exercer des activités d’AMP.

IV.   Les ajustements rédactionnels en matière d’accueil d’embryons

A.   Le droit en vigueur

Dans sa rédaction actuelle, l’article L. 2141-2 du code de la santé publique dispose que « l’assistance médicale à la procréation a pour objet de remédier à l’infertilité [pathologique et médicalement diagnostiquée] d’un couple ou d’éviter la transmission à l’enfant ou à un membre du couple d’une maladie d’une particulière gravité ».

Cet article énonce les conditions qui, en l’état du droit, doivent être remplies par le couple en question, à savoir être composé d’un homme et d’une femme tous deux en vie, en âge de procréer et ayant préalablement consenti au transfert d’embryon ou à l’insémination.

L’article L. 2141-6 du même code prévoit qu’un couple répondant à ces conditions « peut accueillir un embryon lorsque les techniques d’assistance médicale à la procréation au sein du couple ne peuvent aboutir ou lorsque le couple, dûment informé, […] y renonce ».

Cette disposition ajoute que « le couple accueillant l’embryon et celui y ayant renoncé ne peuvent connaître leurs identités respectives », qu’« aucun paiement, quelle qu’en soit la forme, ne peut être alloué au couple ayant renoncé à l’embryon » et que « seuls les établissements publics ou privés à but non lucratif autorisés à cet effet peuvent conserver les embryons destinés à être accueillis et mettre en œuvre la procédure d’accueil ».

Avant l’entrée en vigueur de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, le deuxième alinéa de l’article L. 2141-6 précité subordonnait l’accueil de l’embryon à une décision de l’autorité judiciaire. Avant de prendre sa décision, le juge devait notamment recevoir le consentement écrit du couple à l’origine de la conception de l’embryon et faire procéder à toutes investigations permettant d’apprécier les conditions d’accueil que le couple demandeur était susceptible d’offrir à l’enfant à naître sur les plans familial, éducatif et psychologique. 

Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 23 mars 2019, le deuxième alinéa de l’article L. 2141-6 dispose que « le couple demandeur doit préalablement donner son consentement à un notaire » : l’accueil de l’embryon n’a plus à être autorisé par le juge et l’enquête sociale n’a plus à être diligentée.

Or, l’article 511-25 du code pénal, qui punit de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende le fait de divulguer une information nominative permettant d’identifier à la fois le couple qui a renoncé à l’embryon et le couple qui l’a accueilli ainsi que le fait d’exercer les activités nécessaires à l’accueil d’un embryon humain sans respecter les conditions précédemment décrites, continue de faire référence à une décision de justice, faute d’avoir été modifié lors de l’examen de la loi du 23 mars 2019.

Il en va de même de l’article L. 2162-6 du code de la santé publique, qui reproduit les incriminations et sanctions énoncées à l’article 511-25 précité.

En effet, ces deux articles incriminent le fait d’accueillir un embryon humain :

– «  sans s’être préalablement assuré qu’a été obtenue l’autorisation judiciaire prévue au deuxième alinéa dudit article [L. 2141-6] ;

–  «  ou sans avoir pris connaissance des résultats des tests de dépistage des maladies infectieuses [imposés] ;

– «  ou en dehors d’un établissement autorisé » à mettre en œuvre la procédure d’accueil d’embryons.

B.   Les évolutions prévues par le projet de loi

Afin de tirer toutes les conséquences de la récente substitution du recueil du consentement du couple demandeur devant notaire à l’autorisation judiciaire jadis requise, les V et VI de l’article 28 modifient respectivement les articles L. 2162-6 du code de la santé publique et 511-25 du code pénal.

La référence à l’autorisation judiciaire qui figure aujourd’hui au 1° du I desdits articles L. 2162-6 et 511-25 est supprimée par abrogation de ce 1°.

Les alinéas qui suivent ce 1° abrogé sont renumérotés en conséquence.

En d’autres termes, l’exercice des activités nécessaires à l’accueil d’un embryon humain sera puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende lorsqu’il aura été entrepris :

1° sans avoir pris connaissance des résultats des tests de dépistage des maladies infectieuses qui sont prescrits par la loi ;

2° ou en dehors d’un établissement autorisé.

V.   Les ajustements rédactionnels en matière d’importation et d’exportation des tissus et cellules d’origine humaine

A.   Le droit en vigueur

Seuls les établissements de santé autorisés à cet effet par l’autorité administrative peuvent pratiquer :

– les prélèvements d’organes en vue de don à des fins thérapeutiques (article L. 1233-1 du code de la santé publique) ;

– les greffes d’organes (article L. 1234-2 du même code) ;

– les prélèvements de tissus du corps humain en vue de don à des fins thérapeutiques (article L. 1242-1 du même code) ;

– la préparation, la conservation, la distribution et la cession, à des fins thérapeutiques autologues ou allogéniques, des tissus et de leurs dérivés, et des préparations de thérapie cellulaire (article L. 1243-2 du même code) ;

– la conservation et la préparation de tissus et cellules, d’organes, de sang, de ses composants et de ses produits dérivés, issus du corps humain, en vue de leur cession pour un usage scientifique (article L. 1243-4 du même code) ;

– les greffes de tissus et les administrations de préparation de thérapie cellulaire (article L. 1243-6 du même code).

L’article L. 1245-1 du code de la santé publique ajoute que « toute violation constatée dans un établissement ou un organisme, et du fait de celui-ci, des prescriptions législatives et réglementaires relatives aux prélèvements et aux greffes d’organes, aux prélèvements de tissus et de cellules, à la conservation et à la préparation des tissus ou des préparations de thérapie cellulaire, ainsi qu’à la greffe de ces tissus ou à l’administration de ces préparations, entraîne la suspension ou le retrait des autorisations » délivrées pour les pratiques susmentionées.

Ce même article L. 1245-1 précise que le retrait de l’autorisation ne peut intervenir qu’à l’expiration d’un délai d’un mois suivant la mise en demeure notifiant les griefs formulés à l’encontre de l’établissement de santé concerné, tout en ménageant la possibilité d’une suspension provisoire d’autorisation à titre conservatoire, en cas d’urgence motivée par la sécurité des personnes en cause.

Il est en outre prévu que le retrait temporaire ou définitif d’une autorisation pour les prélèvements d’organes ou de tissus du corps humain en vue de don à des fins thérapeutiques ou pour la conservation et la préparation de tissus et cellules, d’organes, de sang, de ses composants et de ses produits dérivés destinés à un usage scientifique, est de droit lorsqu’il est demandé par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).

Cependant, l’article L. 1245-1 précité ne mentionne pas, parmi les motifs de suspension ou de retrait d’autorisation(s), la violation de prescriptions législatives et réglementaires relatives à l’importation ou à l’exportation (hors Union européenne et États parties à l’accord sur l’Espace économique européen) des tissus du corps humain ou des préparations de thérapie cellulaire, « alors même que s’y attache un enjeu de sécurité sanitaire important », d’après l’étude d’impact ([386]).

Si l’ANSM ne dispose pas de données précises concernant les volumes d’import/export, il semble qu’au vu des autorisations d’activités délivrées par cette agence :

– pour ce qui concerne l’importation de tissus du corps humain : deux banques de tissus disposent d’une autorisation d’importation, les produits provenant des États-Unis et de la Suisse (en vue de réexportation vers ce même pays) ;

– pour ce qui concerne l’exportation de tissus du corps humain : neuf banques de tissus sont autorisées à exporter, les destinations étant multiples (de 1 à 40 destinations différentes par banque) : Asie, Proche, Moyen et Extrême-Orient, Afrique, Amérique du Sud, Canada, Ukraine, Suisse notamment ;

– pour ce qui concerne l’importation de cellules : elle concerne essentiellement les cellules souches hématopoïétiques ;

– pour ce qui concerne l’exportation de cellules : une banque est autorisée, essentiellement à des fins de fabrication de médicaments, étant précisé que plusieurs demandes d’autorisation d’exportation sont en cours d’instruction pour la fabrication de médicaments de thérapie innovante (CAR-T).

En effet, l’article L. 1245-5 du code de la santé publique autorise les établissements et organismes habilités à cet effet par l’ANSM à « se procurer [ou à fournir], à des fins thérapeutiques, des tissus, leurs dérivés et des cellules issus du corps humain, quel que soit leur niveau de préparation, ainsi que des préparations de thérapie cellulaire, préparés et conservés dans un État membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen ».

Par ailleurs, en application de l’article L. 1245-5-1 du même code, des établissements (notamment pharmaceutiques) peuvent être autorisés à se procurer ou à fournir des tissus, leurs dérivés ou des cellules issus du corps humain auprès d’un État membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen lorsque ces éléments ou produits sont destinés à la fabrication de spécialités pharmaceutiques, de médicaments fabriqués industriellement ou de médicaments de thérapie innovante.

Il est donc capital qu’en cas de violation des règles relatives à l’importation et à l’exportation de tissus et cellules du corps humain, les autorisations d’importation et d’exportation prévues aux articles L. 1245-5 et L. 1245-5-1 puissent être suspendues ou retirées.

B.   Les évolutions prévues par le projet de loi

C’est la raison pour laquelle le VII de l’article 28 modifie le premier alinéa de l’article L. 1245-1 du code de la santé publique pour étendre les sanctions de suspension ou de retrait d’autorisation aux autorisations d’importation et d’exportation de tissus et cellules en cas de violation des règles présidant à l’importation et à l’exportation de tels éléments et produits du corps humain.

Le 1° du VII inclut les règles relatives à l’importation et à l’exportation de tissus du corps humain dans le champ de celles dont la violation est susceptible d’entraîner la suspension ou le retrait d’une autorisation.

Le 2° du VII inclut les autorisations d’importation et d’exportation mentionnées aux articles L. 1245-5 et L. 1245-5-1 du code de la santé publique dans le champ de celles qui sont susceptibles d’être suspendues ou retirées en cas de manquement aux prescriptions législatives et réglementaires applicables.

Par ailleurs, le VIII de l’article 28 actualise la rédaction de l’article 38 du code des douanes pour tenir compte de deux évolutions législatives.

Cet article dispose que « sont considérées comme prohibées toutes marchandises dont l’importation ou l’exportation est interdite à quelque titre que ce soit, ou soumise à des restrictions, à des règles de qualité ou de conditionnement ou à des formalités particulières » et que, « lorsque l’importation ou l’exportation n’est permise que sur présentation d’une autorisation, licence ou certificat, la marchandise est prohibée si elle n’est pas accompagnée d’un titre régulier ou si elle est présentée sous le couvert d’un titre non applicable ».

Ces dispositions s’appliquent à un certain nombre de produits (biens culturels, trésors nationaux, produits chimiques ou explosifs destinés à des fins militaires, médicaments à usage humain ou vétérinaire, etc.).

Parmi ces produits figurent aujourd’hui :

– les organes, tissus et leurs dérivés, cellules, gamètes et tissus germinaux issus du corps humain ; préparations de thérapie cellulaire et échantillons biologiques (11° de l’article 38 précité) ;

– les tissus ou cellules embryonnaires ou fœtaux (12° dudit article 38).

Or les listes de ces produits n’ont pas été adaptées aux dernières évolutions législatives.

La liste du 11° de l’article 38 est incomplète, faute de mentionner les éléments et produits du corps humain indiqués à l’article L. 1245-5-1 du code de la santé publique créé par la loi n° 2017-220 du 23 février 2017 ratifiant l’ordonnance n° 2016-966 du 15 juillet 2016 portant simplification de procédures mises en œuvre par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et comportant diverses dispositions relatives aux produits de santé.

La liste du 12° de l’article 38 est quant à elle trop longue, puisqu’elle fait état des tissus ou cellules embryonnaires ou fœtaux mentionnés à l’article L. 2151‑6. Or ce dernier article ne concerne que les cellules souches embryonnaires importées ou exportées aux fins de recherche.

Le 1° du VIII de l’article 28 corrige donc le 11° de l’article 38 du code des douanes afin qu’il « embrasse plus large », tandis que le 2° du même VIII corrige le 12° du même article 38 afin qu’il « embrasse moins large ».

 


  1  

Titre VI

Assurer une gouvernance bioéthique adaptée
au rythme des avancées rapides des sciences
et des techniques

Article 29 A (nouveau)
Création d’une délégation parlementaire à la bioéthique

Introduit par la commission

    Résumé du dispositif

Cet article, issu de l’adoption des amendements identiques n° 2432 et n° 1116, tend à créer, dans chacune des deux assemblées, une délégation parlementaire à la bioéthique.

À l’initiative de la rapporteure Mme Laëtitia Romeiro Dias, et de M. Patrick Hetzel (LR), la commission a adopté un nouvel article 29 A, qui insère, au sein de l’ordonnance n°58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, un nouvel article 6 undecies, afin de créer une délégation parlementaire à la bioéthique au sein de chacune des deux assemblées, conformément à la proposition n° 60 de la mission d’information sur la révision de la loi relative à la bioéthique.

Alors que l’article 29 du projet de loi prévoit l’organisation, chaque année, de débats citoyens sur un ou plusieurs thèmes relevant de la bioéthique, il s’agit ainsi de disposer, au sein de chaque assemblée, d’une structure de veille permanente chargée de conduire une réflexion continue sur les sujets liés à la bioéthique, afin de réduire le risque d’emballement médiatique et de crispation au sein de la société qui peut apparaître lors du réexamen d’ensemble périodique de la loi relative à la bioéthique.

Il s’agit également de permettre aux parlementaires de s’approprier ces sujets complexes en dehors des révisions de la loi de bioéthique et d’inscrire leur réflexion dans la durée. La création d’une délégation au sein de chaque assemblée devrait accroître leur expertise et leur offrir tout le temps nécessaire pour évaluer les questions ayant trait à la bioéthique. Cette délégation pourra être saisie de projets ou de propositions de loi ayant un lien avec la bioéthique et assurera le suivi de l’application de la loi. Outre un rapport public annuel dressant le bilan de son activité, elle pourra établir, sur les questions dont elle est saisie, des rapports publics comportant des recommandations qui sont déposés sur le bureau de l’assemblée dont elle relève et qui sont transmis aux commissions parlementaires compétentes ainsi qu’aux commissions des affaires européennes.

Cette délégation, dont la création a été soutenue tant par le président, M. Xavier Breton, que par le rapporteur, M. Jean-Louis Touraine, de la mission d’information sur la révision de la loi relative à la bioéthique, présentera « le double avantage de favoriser la constitution d’une mémoire sur ces sujets sensibles, grâce à l’implication permanente de ses membres, et d’offrir une réactivité utile puisqu’elle serait toujours en capacité d’aborder des problèmes nouveaux » ([387]).

Sur le modèle de la délégation parlementaire aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, le nouvel article 29 A prévoit donc qu’est constituée, dans chacune des deux assemblées du Parlement, une délégation parlementaire à la bioéthique. Chacune de ces délégations compte trente-six membres.

Les membres des délégations sont désignés en leur sein par chacune des deux assemblées de manière à assurer une représentation proportionnelle des groupes parlementaires et équilibrée des hommes et des femmes ainsi que des commissions permanentes.

La délégation de l’Assemblée nationale est désignée au début de la législature pour la durée de celle-ci, tandis que celle du Sénat est désignée après chaque renouvellement partiel de cette assemblée.

Sans préjudice des compétences des commissions permanentes ou spéciales ni de celles des commissions des affaires européennes, les délégations parlementaires à la bioéthique ont pour mission d’informer les assemblées de la politique suivie par le Gouvernement au regard de ses conséquences sur la bioéthique. En ce domaine, elles assurent le suivi de l’application des lois.

En outre, les délégations parlementaires à la bioéthique peuvent être saisies sur les projets ou propositions de loi par le bureau de l’une ou l’autre assemblée, soit à son initiative, soit à la demande d’un président de groupe, ou par une commission permanente ou spéciale, à son initiative ou sur demande de la délégation. Elles peuvent également être saisies par la commission des affaires européennes sur les textes soumis aux assemblées en application de l’article 884 de la Constitution.

Elles demandent à entendre les ministres. Le Gouvernement leur communique les informations utiles et les documents nécessaires à l’accomplissement de leur mission.

Les délégations établissent, sur les questions dont elles sont saisies, des rapports comportant des recommandations qui sont déposés sur le bureau de l’assemblée dont elles relèvent et transmis aux commissions parlementaires compétentes, ainsi qu’aux commissions des affaires européennes. Ces rapports sont rendus publics. Elles établissent en outre, chaque année, un rapport public dressant le bilan de leur activité et comportant, le cas échéant, des propositions d’amélioration de la législation et de la réglementation dans leurs domaines de compétence.

Chaque délégation organise la publicité de ses travaux dans les conditions définies par le règlement de chaque assemblée.

La délégation de l’Assemblée nationale et celle du Sénat peuvent décider de tenir des réunions conjointes.

 


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Article 29
Élargissement des missions du Comité consultatif national d’éthique des sciences de la vie et de la santé

Adopté par la commission sans modification

    Résumé du dispositif

L’article 29 étend le champ des avis que peut rendre le Comité consultatif national d’éthique, lui confie l’organisation de débats publics réguliers sur la bioéthique en lien avec les espaces de réflexion éthique régionaux et simplifie son organisation.

I.   Le droit en vigueur

Le cadre juridique relatif à la bioéthique se caractérise par l’intervention de deux types d’organismes distincts : le Comité consultatif national d’éthique et les espaces régionaux d’éthique.

A.   Le Comité consultatif national d’éthique

Alors que de nombreux pays ont créé, dans les années 1980, des structures d’éthique ad hoc et ponctuelles – comme la commission Warnock ([388]) au Royaume-Uni en 1984 et la commission Benda ([389]) en Allemagne en 1985 –, la France a été le premier pays à se doter d’un comité national d’éthique à vocation permanente en 1983.

Après avoir été institué par décret ([390]), le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé a été consacré au niveau législatif par la loi du 29 juillet 1994 ([391]).

Institution indépendante, il s’agit d’un organisme consultatif et pluridisciplinaire, qui a vocation à alimenter les réflexions de la société sur les questionnements bioéthiques.

Il peut être saisi par le président de la République, le président de l’Assemblée nationale, le président du Sénat ou un membre du Gouvernement, ainsi que par un établissement d’enseignement supérieur, un établissement public ou une fondation reconnue d’utilité publique dès lors que ces établissements ou fondations ont pour activité principale la recherche, le développement technologique ou la promotion et la protection de la santé. Il peut également s’auto-saisir de toute question posée par un citoyen ou l’un de ses membres ([392]).

1.   Les missions du CCNE

a.   Une mission de consultation

Le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé a pour mission « de donner des avis sur les problèmes éthiques et les questions de société soulevés par les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé », en application de l’article L. 1412-1 du code de la santé publique ([393]).

Depuis sa création, il a ainsi rendu 130 avis sur des sujets aussi divers que la prise en charge des personnes autistes en France, le clonage reproductif, la santé des migrants ou les données massives et la santé.

b.   Une mission d’organisation des états généraux de la bioéthique

Depuis 2011, le Comité est également chargé d’organiser le débat public, sous forme d’états généraux, sur « tout projet de réforme sur les problèmes éthiques et les questions de société soulevés par les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé », en vertu de l’article L. 1412-1-1 du code de la santé publique ([394]).

Ces états généraux sont organisés à l’initiative du Comité, après consultation des commissions parlementaires permanentes compétentes et de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.

Ils réunissent des « conférences de citoyens » choisis de manière à représenter la société dans sa diversité. Après avoir reçu une formation préalable, ceux-ci débattent et rédigent un avis ainsi que des recommandations qui sont rendus publics. Les experts participant à la formation des citoyens et aux états généraux sont choisis en fonction de critères d’indépendance, de pluralisme et de pluridisciplinarité.

À la suite du débat public, le Comité établit un rapport qu’il présente devant l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, qui procède à son évaluation.

En l’absence de projet de réforme, le Comité est tenu d’organiser des états généraux de la bioéthique au moins une fois tous les cinq ans.

L’organisation du débat public dans le cadre des états généraux de la bioéthique de 2018

Le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé a piloté le débat en s’appuyant sur la mobilisation des espaces de réflexion éthiques régionaux (cf. infra I. B.), la création d’un site web dédié et la conduite de nombreuses auditions. Il a également souhaité qu’un comité citoyen apporte une analyse critique sur le déroulement du débat public et qu’un médiateur réponde aux critiques qui seraient portées sur son organisation.

Le site web participatif, créé afin de permettre à un large public de s’exprimer,  avait une double vocation : informative et consultative. La consultation en ligne s’est tenue du 12 février au 30 avril 2018. Ont été recensés 183 498 visiteurs uniques et 29 032 participants pour 64 985 contributions.

Le Comité a par ailleurs procédé directement à 154 auditions d’organisations : 88 associations d’usagers de santé et groupes d’intérêt d’envergure nationale, 36 sociétés savantes scientifiques ou médicales, 9 groupes de courants de pensée philosophique ou religieux, 18 grandes institutions et 3 entreprises privées ou syndicats d’entreprises. Il a également organisé des rencontres avec des experts scientifiques et médicaux, ainsi que des membres de comités d’éthique institutionnels, sur trois thèmes : les neurosciences, le développement des tests génétiques et de la médecine génomique et, enfin, la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires.

Constitué d’un échantillon de 22 citoyens français âgés de 18 ans et plus ayant vocation à refléter la diversité de la population française en termes de sexe, d’âge, de catégorie socioprofessionnelle et de lieu d’habitation, le comité citoyen a exercé tout au long du processus un rôle de surveillance en portant un regard critique sur celui-ci. À l’issue de la consultation, il a restitué une « opinion » sur celle-ci et a approfondi deux sujets : la fin de vie et la génomique en pré-conceptionnel.

2.   La composition du CCNE

Initialement placée dans le champ réglementaire, la composition du Comité a été élevée au niveau législatif par la loi relative à la bioéthique du 6 août 2004.

Outre son président, nommé par le Président de la République pour un mandat de deux ans renouvelable, le Comité comprend trente-neuf membres, nommés pour un mandat de quatre ans renouvelable une fois, en application de l’article L. 1412-2 du code de la santé publique.

L’article R. 1412-3 du code de la santé publique prévoit qu’il est renouvelé par moitié tous les deux ans.

Fixée par l’article L. 1412-2 du code de la santé publique, sa composition est la suivante :

– cinq personnalités désignées par le Président de la République et appartenant aux principales familles philosophiques et spirituelles ;

– dix-neuf personnalités qualifiées choisies en raison de leur compétence et de leur intérêt pour les problèmes d’éthique, soit :

 un député et un sénateur ;

 un membre du Conseil d’État désigné par le vice-président de ce conseil ;

 un conseiller à la Cour de cassation désigné par le premier président de cette cour ;

 une personnalité désignée par le Premier ministre ;

 une personnalité désignée par le ministre de la justice ;

 deux personnalités désignées par le ministre chargé de la recherche ;

 une personnalité désignée par le ministre chargé de l’industrie ;

 une personnalité désignée par le ministre chargé des affaires sociales ;

 une personnalité désignée par le ministre chargé de l’éducation ;

 une personnalité désignée par le ministre chargé du travail ;

 quatre personnalités désignées par le ministre chargé de la santé ;

 une personnalité désignée par le ministre chargé de la communication ;

 une personnalité désignée par le ministre chargé de la famille ;

 une personnalité désignée par le ministre chargé des droits de la femme ;

– quinze personnalités appartenant au secteur de la recherche, soit :

 un membre de l’Académie des sciences, désigné par son président ;

 un membre de l’Académie nationale de médecine, désigné par son président ;

 un représentant du Collège de France, désigné par son administrateur ;

 un représentant de l’Institut Pasteur, désigné par son directeur ;

 quatre chercheurs appartenant aux corps de chercheurs titulaires de l’institut national de la santé et de la recherche médicale ou du Centre national de la recherche scientifique et deux ingénieurs, techniciens ou administratifs dudit institut ou dudit centre relevant des statuts de personnels de ces établissements, désignés pour moitié par le directeur général de cet institut et pour moitié par le directeur général de ce centre ;

 deux enseignants-chercheurs ou membres du personnel enseignant et hospitalier des centres hospitaliers et universitaires figurant sur les listes électorales de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, désignés par le directeur général de cet institut ;

 deux enseignants-chercheurs ou membres du personnel enseignant et hospitalier des centres hospitaliers et universitaires, désignés par la Conférence des présidents d’université ;

 un chercheur appartenant aux corps des chercheurs titulaires de l’Institut national de la recherche agronomique, désigné par le président-directeur général de cet institut.

Enfin, des règles relatives à la parité entre les femmes et les hommes sont posées. En effet, le Comité n’étant pas une commission consultative ou délibérative placée directement auprès d’un ministre, il n’est pas soumis aux dispositions de l’article 74 de la loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes. Aussi, des règles de parité ont été introduites à l’article L. 1412-2 du code de la santé publique par l’ordonnance n° 2015-948 du 31 juillet 2015 relative à l’égal accès des femmes et des hommes au sein des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes.

Ainsi, parmi les membres du Comité autres que son président, l’écart entre le nombre de femmes et d’hommes ne peut être supérieur à un. À cette fin, à chacun de ses renouvellements :

– chaque autorité amenée à désigner un nombre pair de membres désigne autant de femmes que d’hommes ;

– chaque autorité amenée à désigner un seul membre désigne alternativement une femme et un homme ;

– chaque autorité amenée à désigner un nombre impair de membres supérieur à un désigne alternativement un nombre supérieur de femmes et un nombre supérieur d’hommes, l’écart entre le nombre de femmes et le nombre d’hommes désignés par chaque autorité ne pouvant être supérieur à un.

Par ailleurs, en cas de décès, de démission ou de cessation de fonctions pour toute autre cause, le membre désigné à la suite d’une vacance de poste pour la durée du mandat restant à courir est de même sexe que celui qu’il remplace.

B.   Les espaces de réflexion éthique régionaux

Sur le modèle de l’espace éthique de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris et de l’espace éthique méditerranéen, les espaces de réflexion éthique régionaux ont été créés par la loi du 6 août 2004, afin de contribuer au développement territorial de la réflexion éthique dans le champ sanitaire et médico-social.

Selon l’article L. 1412-6 du code de la santé publique, ils sont mis en place au niveau régional ou interrégional, afin de constituer, en lien avec les centres hospitalo-universitaires, des lieux de formation, de documentation, de rencontre et d’échanges interdisciplinaires sur les questions d’éthique dans le domaine de la santé.

Ils font également fonction d’observatoires régionaux ou interrégionaux des pratiques au regard de l’éthique.

Ces espaces participent enfin à l’organisation de débats publics afin de promouvoir l’information et la consultation des citoyens sur les questions de bioéthique.

Sans constituer des organismes décentralisés du Comité consultatif national d’éthique, ils communiquent chaque année un rapport d’activité au Comité, qui en fait la synthèse dans son rapport annuel et leurs règles de constitution, de composition et de fonctionnement sont définies par arrêté du ministre chargé de la santé pris après avis du Comité.

Ainsi, en application de l’arrêté du 4 janvier 2012, les espaces de réflexion éthique sont constitués au niveau régional ou interrégional par la réunion de structures (centres hospitaliers et universitaires, universités, établissements de santé, établissements d’enseignement supérieur et de recherche dont les activités entrent dans le champ de compétence de l’espace de réflexion éthique et établissements médico-sociaux) adhérant à une convention constitutive.

Cette convention détermine :

– les modalités d’organisation et de fonctionnement de l’espace de réflexion ;

– les conditions dans lesquelles les parties signataires de la convention participent, financièrement ou par la mise à disposition de moyens en matériels et en personnels, à son fonctionnement ;

– les actions permettant de répondre à ses missions ;

– les conditions dans lesquelles l’espace de réflexion organise des débats publics sur les questions d’éthique relatives à son champ de compétence, et notamment les modalités selon lesquelles il apporte son concours au Comité consultatif national d’éthique pour l’organisation de rencontres régionales.

Les espaces de réflexion sont par ailleurs éligibles à la dotation nationale de financement des missions d’intérêt général et des aides à la contractualisation, qui leur est accordée par l’agence régionale de santé.

La participation des espaces de réflexion éthique régionaux aux états généraux de la bioéthique de 2018

Les espaces de réflexion éthique régionaux ont été à l’initiative de très nombreuses rencontres en région.

Les méthodes d’organisation des rencontres et les thèmes abordés ont été définis librement par chaque espace de réflexion.

Le format classique du débat public, à savoir des échanges ouverts à tous, introduits par un ou plusieurs experts qui clarifient et explicitent les enjeux du débat, a été largement repris.

Toutefois plusieurs espaces ont choisi de consacrer tout ou partie de leur programmation à des événements avec des méthodes spécifiques d’animation destinées à susciter la discussion. Certaines rencontres ont ainsi été réservées à des publics spécifiques,  comme les lycéens et les étudiants. D’autres ont pu prendre la forme de projection de films afin de sensibiliser la population. Certains espaces ont également mis en place des dispositifs destinés à faire émerger les points de vue ou les propositions parmi des groupes sociaux bien circonscrits, par exemple en ayant recours à des groupes de discussion « focus groups ».

Par ailleurs, des auditions ont été menées dans certaines régions, sur sollicitations d’associations régionales, selon un format libre.

Au total, 271 événements ont été organisés, réunissant environ 21 000 participants.

II.   Les évolutions prévues par le projet de loi

L’article 29 élargit les missions du Comité consultatif national d’éthique des sciences de la vie et de la santé en étendant le champ de ses avis et en lui confiant l’organisation de débats publics réguliers sur les questions soulevées par la bioéthique en lien avec les espaces de réflexion éthique régionaux.

Il réforme par ailleurs son organisation en modifiant ses modalités de constitution et en harmonisant la durée du mandat de ses membres.

1.   L’élargissement du champ des avis du Comité

Conformément à une proposition formulée par le Comité dans sa contribution à la révision de la loi de bioéthique ([395]), le 1° du I de l’article 29 propose d’étendre, à l’article L. 1412-1 du code de la santé publique, le périmètre de compétence du Comité aux problèmes éthiques et questionnements de société soulevés par les conséquences sur la santé des progrès de la connaissance réalisés dans d’autres domaines.

Il s’agit ainsi de prendre en compte, au-delà des domaines de la biologie, de la médecine et de la santé, l’interconnexion croissante entre l’ensemble des technologies liées à la santé publique, en particulier les plus récentes. Comme l’a souligné la mission d’information sur la révision de la loi relative à la bioéthique, « Les questions éthiques liées aux sciences de la vie touchent en effet désormais à d’autres domaines comme la recherche sur le génome, les sciences de l’information, l’intelligence artificielle, les big data ou encore les relations entre santé humaine et environnement » ([396]).

À cet égard, la réforme proposée prend acte de l’élargissement de son champ de réflexion qu’a déjà engagé le Comité, que ce soit en matière de fin de vie, d’environnement, d’intelligence artificielle ou encore d’impact sur la santé du numérique, avec la constitution de groupes de travail sur ces thèmes.

2.   La mise en place de débats publics réguliers

Modifiant l’article L. 1412-1-1 du code de la santé publique, le 2° du I de l’article 29 du projet de loi tire les conséquences de l’élargissement du champ d’action du Comité sur le périmètre des états généraux et complète le dispositif des débats publics relatifs à la bioéthique.

En effet, aujourd’hui, l’organisation de débats publics repose sur la réunion d’états généraux en amont de l’examen d’un projet de loi relatif à la bioéthique, c’est-à-dire, en pratique, tous les dix ans.

Or, ni la fréquence, ni le format de ces débats ne permettent l’appropriation des sujets de bioéthique par les citoyens. Ils ne sont pas, non plus, adaptés aux réformes ponctuelles menées dans le cadre d’autres projets de loi.

Comme l’a souligné M. Jean-François Delfraissy, président du CCNE, devant la mission d’information sur la révision de la loi relative à la bioéthique, « la mobilisation du grand public sur des sujets aussi complexes et clivants montre que les questions qu’ils soulèvent ne peuvent trouver une réponse définitive en quelques mois, ce qui nécessite d’avoir une connaissance plus approfondie et continue. On a constaté, par exemple, que nos concitoyens exprimaient un considérable besoin d’information, et qu’il convenait donc de leur permettre de se renseigner davantage, et de manière continue » ([397]).

Les derniers états généraux ont ainsi montré que la compréhension par les citoyens des enjeux soulevés par les avancées scientifiques dans le domaine des sciences de la vie et de la santé, et leur participation à la réflexion éthique, nécessitent un débat public en continu et sur tout le territoire. Ils ont également mis en évidence la nécessité d’examiner les questions éthiques qui se posent entre deux révisions d’ensemble, sans renoncer à prévoir une périodicité pour ces dernières.

Aussi, le 2° du I de l’article 29 prévoit-il qu’entre deux révisions de la loi relative à la bioéthique, le Comité anime, chaque année, en lien avec les espaces de réflexion éthique régionaux, des débats publics sur les sujets relevant de son champ de compétence.

Ainsi, le débat citoyen sur les enjeux de bioéthique sera, sur le modèle des états généraux de la bioéthique de 2018, piloté par le Comité en association avec les espaces de réflexion éthique régionaux. Il sera organisé selon deux temporalités différentes : d’une part, les grands rendez-vous pluriannuels et structurés que sont les états généraux et, d’autre part, des échanges permanents et infra-annuels noués à l’occasion de débats plus souples mais plus réguliers.

Il s’agit ainsi de conforter l’organisation d’un débat démocratique pérenne et quasi permanent sur les questions éthiques résultant des progrès scientifiques et technologiques, en tenant compte de leur rapidité et de leur interconnexion, et d’encourager la participation du public à ce débat, en renforçant son information et sa formation, afin d’accompagner le développement d’une culture du débat bioéthique.

3.   La modification de l’organisation du Comité

Proposant une nouvelle rédaction de l’article L. 1412-2 du code de la santé publique, le 3° du I de l’article 29 modifie les modalités de constitution du Comité, « afin de pouvoir adapter plus facilement les travaux du comité à ce périmètre élargi » ([398]) et harmonise la durée des mandats de ses membres.

a.   La détermination des ministres et des organismes chargés de proposer les personnalités qui seront membres du CCNE est renvoyée au niveau réglementaire

Aux termes du 3° du I, le Comité demeure une institution indépendante comprenant, outre son président, nommé par le Président de la République, trente-neuf membres, parmi lesquels cinq personnalités désignées par le Président de la République et appartenant aux principales familles philosophiques et spirituelles, un député et un sénateur, un membre du Conseil d’État désigné par son vice-président et un membre de la Cour de cassation désigné par son premier président.

En revanche, les personnalités choisies en raison de leur compétence et de leur intérêt pour les problèmes d’éthique ne sont plus au nombre de dix-neuf mais de quinze, les parlementaires et les magistrats ayant été retirés de cette catégorie.

En outre, alors qu’aujourd’hui figure à l’article L. 1412-2 du code de la santé publique la liste des membres du gouvernement chargés de désigner ces personnalités qualifiées, il est proposé de renvoyer au niveau réglementaire la détermination de la liste des ministres compétents au sujet desquels il est précisé qu’ils doivent couvrir les domaines relevant du Comité ([399]).

Il en va de même pour les quinze personnalités appartenant au secteur de la recherche – qui est par ailleurs étendu à celui de la santé –, qui sont proposées – et non plus désignés – par des organismes dont la liste est fixée par décret de façon à couvrir l’ensemble du champ de compétences du Comité.

La détermination par décret, et non plus par la loi, des listes des autorités ou organismes chargés de faire des propositions pour la nomination des membres du Comité, doit permettre une plus grande souplesse : la composition du Comité pourra évoluer en fonction de l’actualité des questionnements éthiques, d’un renouvellement à l’autre.

Dans son avis du 18 juillet 2019, le Conseil d’État a toutefois souligné que « le Gouvernement devra veiller à ce que le renvoi au décret de l’identification des organismes pouvant désigner les membres du comité, notamment s’agissant des chercheurs, ne fragilise pas le crédit scientifique et l’indépendance de l’instance ».

Interrogé sur la composition de ces listes, le ministère de la santé a indiqué que les décrets correspondants étaient en cours d’élaboration, mais que la liste des ministres proposant des personnalités qualifiées pourrait utilement comprendre le ministre chargé de l’environnement et le ministre chargé du numérique.

Ces trente personnalités seront nommées par décret.

Sont par ailleurs reprises deux dispositions relatives au respect de la parité au sein du Comité. La première prévoit que, parmi les membres du Comité autres que son président, l’écart entre le nombre de femmes et le nombre d’hommes ne peut être supérieur à un, tandis que la seconde dispose qu’en cas de décès, de démission ou de cessation de fonctions pour toute autre cause, le membre désigné à la suite d’une vacance de poste pour la durée du mandat restant à courir est de même sexe que celui qu’il remplace. En revanche, les dispositions relatives aux modalités de mises en œuvre de la parité selon que l’autorité de désignation nomme un nombre pair ou impair de membres sont supprimées compte tenu du renvoi au niveau décrétal de la détermination des autorités de désignation.

Le 4° du I de l’article 29 modifie enfin l’article 1412-5 du code de la santé publique, qui renvoie à un décret en Conseil d’État la détermination des conditions de désignation des membres du Comité et de ses modalités de saisine, d’organisation et de fonctionnement, afin de préciser que parmi ces conditions de désignation figurent les modalités selon lesquelles l’écart entre le nombre de femmes et d’hommes est respecté et le renouvellement par moitié de l’instance est organisé. Ce décret devra en particulier indiquer les modalités du tirage au sort déterminant, parmi les autorités proposant un seul membre ou un nombre impair de membres, celles qui devront nommer des femmes et des hommes, pour les renouvellements à venir.

b.   La durée des mandats des membres du Comité est harmonisée

Alors que jusqu’à présent, le mandat des membres du Comité était de quatre ans, renouvelable une fois, et celui du président de deux ans, sans limite de renouvellement, les mandats du président et des membres seraient alignés sur une durée de trois ans, renouvelable une fois, dans un souci de simplification.

c.   L’entrée en vigueur de ces dispositions est différée

Le II de l’article 29 prévoit que les dispositions du 3° du I entreront en vigueur le 26 décembre 2021, ce qui correspond à la date d’expiration du mandat des membres constituant la deuxième moitié du Comité, qui ont été nommés par arrêté du 26 décembre 2017 pour un mandat de quatre ans. Le choix est ainsi fait de ne pas écourter leur mandat.

S’agissant des membres composant la première moitié du Comité, dont le mandat arrive à échéance le 27 septembre 2020, leur mandat sera renouvelé dans les conditions actuellement en vigueur. Toutefois, le III de l’article 29 prévoit que mandat des membres ainsi nommés expirera le 25 décembre 2021, soit en même temps que le mandat des membres de la deuxième moitié du Comité. Enfin, le IV du même article dispose que les mandats effectués dans ces conditions ne sont pas comptabilisés comme mandat au sens des dispositions relatives au nombre de renouvellements des membres du comité. Par conséquent, ces membres seront susceptibles de faire un premier mandat de quatre ans, suivi d’un mandat de quinze mois puis d’un mandat de trois ans.

 


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Article 30
Évolution des compétences et de la composition des organes
de l’Agence de la biomédecine

Adopté par la commission avec modifications

    Résumé du dispositif initial

L’article 30 prévoit une évolution des missions de l’Agence de la biomédecine ainsi que de la composition de ses conseils d’administration et d’orientation.

    Modifications apportées par la commission

La commission a adopté deux amendements identiques, dont un de la rapporteure, tendant à maintenir la compétence de l’Agence de la biomédecine en matière de nanobiotechnologies (amendements n° 2433 et n° 1622).

I.   L’agence de la biomédecine

Créée par la loi relative à la bioéthique du 6 août 2004, l’Agence de la biomédecine est un établissement public administratif. Placée sous la tutelle du ministère chargé de la santé, elle joue un rôle de premier plan dans quatre domaines :

– le prélèvement et la greffe d’organes et de tissus ;

– le prélèvement et la greffe de cellules souches hématopoïétiques ;

– l’assistance médicale à la procréation ;

– l’embryologie et la génétique humaines.

A.   Les compétences de l’Agence

En application de l’article L. 1418-1 du code de la santé publique, l’Agence de la biomédecine a pour mission, dans les quatre domaines relevant de sa compétence :

– de participer à l’élaboration et à l’application de la réglementation et de règles de bonnes pratiques et de formuler des recommandations ;

– d’assurer une information permanente du Parlement et du Gouvernement sur le développement des connaissances et des techniques ;

– de promouvoir la qualité et la sécurité sanitaires, ainsi que la recherche médicale et scientifique ;

– de suivre, d’évaluer et de contrôler les activités médicales et biologiques, notamment celles liées aux nanobiotechnologies, et de veiller à leur transparence. À ce titre, elle est chargée d’évaluer les conséquences éventuelles de l’assistance médicale à la procréation sur la santé des personnes qui y ont recours et sur celle des enfants qui en sont issus. Elle prévoit la publication régulière des résultats de chaque centre d’assistance médicale à la procréation et diligente des missions d’appui et de conseil dans certains centres ;

– d’assurer la mise en œuvre des dispositifs de biovigilance et d’assistance médicale à la procréation ;

– de promouvoir le don d’organes, de tissus et de cellules issus du corps humain ainsi que le don de gamètes ;

– de mettre en œuvre un suivi de l’état de santé des donneurs d’organes et d’ovocytes ;

– de gérer la liste nationale d’attente des greffes et le registre des paires associant donneurs vivants et receveurs potentiels ayant consenti à un don croisé d’organes ainsi que l’attribution des greffons et d’élaborer les règles de répartition et d’attribution des greffons ;

– de gérer le fichier des donneurs volontaires de cellules hématopoïétiques ou de cellules mononucléées périphériques pour les malades qui ne peuvent recevoir une greffe apparentée, d’assurer l’interrogation des registres internationaux et d’organiser la mise à disposition des greffons ;

– de mettre à la disposition du public une information sur l’utilisation des tests génétiques en accès libre et d’élaborer un référentiel permettant d’en évaluer la qualité ;

– de délivrer les autorisations prévues pour la recherche sur les cellules souches embryonnaires et l’embryon humain, les centres de diagnostic préimplantatoire et les centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal ;

– d’agréer les praticiens pour les activités de diagnostic préimplantatoire et pour les examens génétiques ;

– de délivrer des avis aux autorités administratives ;

– d’assurer une information permanente du Parlement et du Gouvernement sur le développement des connaissances et des techniques dans le domaine des neurosciences.

Elle peut être saisie par les académies ou les sociétés savantes médicales ou scientifiques, par les associations agréées par le ministère de la santé et par les commissions chargées des affaires sociales de l’Assemblée nationale et du Sénat.

B.   Les organes de gouvernance de l’Agence

L’Agence de la biomédecine est administrée par un conseil d’administration et dirigée par un directeur général. Elle est assistée par un conseil d’orientation.

1.   Le conseil d’administration

Le conseil d’administration de l’Agence est chargé de fixer les orientations stratégiques et budgétaires de l’établissement conformément à l’article L. 1418-3 du code de santé publique. Il délibère également sur le programme d’investissements, le rapport annuel d’activité, le budget, les subventions éventuellement attribuées par l’Agence ainsi que sur l’acceptation et le refus de dons et legs.

Définie par l’article L. 1418-3 du code la santé publique, sa composition est régie par un principe de parité en vertu duquel les membres de droit, qui représentent les institutions, et les autres représentants constituent deux groupes de même taille.

Par conséquent, le conseil d’administration comprend, outre son président, trente-six membres répartis entre :

– d’une part, les représentants de l’État, de la Caisse nationale de l’assurance maladie, des établissements publics administratifs nationaux à caractère sanitaire et des établissements publics de recherche concernés par les activités de l’Agence ;

– et, d’autre part, les personnalités qualifiées choisies en raison de leurs compétences dans les domaines relevant des missions de l’Agence, les représentants d’associations d’usagers du système de santé agréées et les représentants du personnel.

Composition du conseil d’administration de l’Agence de la biomédecine

Aux termes de l’article R. 1418-6 du code de la santé publique, le conseil d’administration de l’Agence comprend, outre son président :

1) Dix-huit représentant l’État et des organismes publics :

– quatre représentants des ministres chargés de la santé et de l’action sociale ;

– un représentant du ministre chargé de la sécurité sociale ;

– un représentant du ministre chargé des affaires étrangères ;

– un représentant du ministre chargé du budget ;

– un représentant du ministre chargé de la justice ;

– un représentant du ministre chargé de la recherche ;

– un représentant de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale ;

– un représentant du Centre national de la recherche scientifique ;

– un représentant de l’Établissement français du sang ;

– un représentant de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ;

– trois représentants des agences régionales de santé, dont un médecin ;

– deux représentants de la Caisse nationale de l’assurance maladie, désignés par le conseil de la caisse ;

2) Dix-huit représentants non institutionnels se répartissant en :

* quatorze personnalités qualifiées :

– un représentant désigné par le Conseil national de l’Ordre des médecins et un représentant désigné par le Conseil central de la section G de l’ordre des pharmaciens ;

– quatre personnalités qualifiées en matière de prélèvement et de greffe d’organes, de tissus et de cellules ;

– quatre personnalités qualifiées dans le domaine de la médecine de la reproduction, de la biologie de la reproduction, de la génétique et du diagnostic prénatal et préimplantatoire ;

– trois représentants d’établissements de santé proposés respectivement par la Fédération hospitalière de France, la Fédération de l’hospitalisation privée et la Fédération des établissements hospitaliers et d’assistance privés à but non lucratif ;

– un membre nommé par le ministre chargé de la santé en qualité de représentant des organisations syndicales et professionnelles de biologie médicale choisi sur des listes d’au moins trois noms présentées par ces organisations ;

* deux représentants d’associations d’usagers du système de santé agréées ;

* deux représentants du personnel de l’Agence.

Le président et les membres du conseil d’administration, à l’exclusion des membres de droit et des représentants du personnel de l’agence, sont nommés pour une durée de trois ans, renouvelable une fois.

Le président du conseil d’administration et le directeur général sont nommés par décret. Les autres membres du conseil d’administration sont nommés par arrêté du ministre chargé de la santé.

2.   Le conseil d’orientation

L’Agence de la biomédecine est assistée par un conseil d’orientation, qui est chargé de veiller à la qualité de son expertise médicale et scientifique en prenant en considération les questions éthiques. Il définit également les critères d’appréciation de la formation et de l’expérience nécessaires à l’agrément des praticiens pour les activités de diagnostic préimplantatoire et pour les examens génétiques.

Le conseil d’orientation peut être saisi par le directeur général de l’Agence – il l’est obligatoirement sur les questions intéressant la recherche médicale ou scientifique et sur certaines demandes d’autorisation – ou s’autosaisir.

En application de l’article L. 1418-4 du code de la santé publique, le conseil d’orientation comprend – outre son président, trois députés et trois sénateurs – à parts égales :

– des représentants du Parlement, du Conseil d’État, de la Cour de cassation, du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, de la Commission nationale consultative des droits de l’homme ;

– des experts scientifiques qualifiés dans les domaines d’activité de l’Agence ;

– des personnes qualifiées ayant une expérience dans les domaines d’activité de l’Agence et des personnes qualifiées dans le domaine des sciences humaines et sociales ;

– des représentants d’associations de personnes malades et d’usagers du système de santé, d’associations de personnes handicapées, d’associations familiales et d’associations oeuvrant dans le domaine de la protection des droits des personnes.

Le président et les membres du conseil d’orientation sont nommés par arrêté des ministres chargés de la santé et de la recherche.

Composition du conseil d’orientation de l’Agence

Aux termes de l’article R. 1418-19 du code de la santé publique, le conseil d’orientation de l’agence comprend, outre son président, trente membres :

– quatre députés et quatre sénateurs désignés par leur assemblée respective ;

– un membre ou un ancien membre du Conseil d’État désigné par le vice-président de ce conseil ;

– un membre ou un ancien membre de la Cour de cassation désigné par le premier président de cette cour ;

– un membre du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, désigné par le président de ce comité ;

– un membre de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, désigné par le président de cette commission ;

– six experts scientifiques, dont trois sont spécialisés dans le domaine de la médecine de la reproduction, de la biologie de la reproduction, de la génétique et du diagnostic prénatal et préimplantatoire et trois sont spécialisés en matière de prélèvement et de greffe d’organes, de tissus et de cellules ;

– six personnes qualifiées reconnues pour leur expérience dans les domaines d’activité de l’agence ou dans le domaine des sciences humaines, sociales, morales ou politiques ;

– six représentants d’associations, dont deux représentants d’associations de personnes malades et d’usagers du système de santé, un représentant d’associations de personnes handicapées, deux représentants d’associations familiales et un représentant des associations intervenant dans le domaine de la protection des droits des personnes.

Le président du conseil d’orientation peut, sur son initiative ou sur celle d’un des membres du conseil, inviter aux séances du conseil toute personne dont il estime la présence utile. Le directeur général de l’Agence de la biomédecine participe à ces séances et peut en outre se faire assister de toute personne de son choix.

Le président du comité médical et scientifique assiste également, en tant que de besoin, avec voix consultative, aux séances du conseil d’orientation de l’agence.

II.   Les évolutions prévues par le projet de loi

L’article 30 propose d’actualiser les missions de l’Agence ainsi que la composition de certains de ses organes.

A.   L’évolution des compétences de l’Agence

1.   L’ajout de nouvelles missions

Le 1° du I de l’article 30 confie de nouvelles compétences à l’Agence de la biomédecine, par voie de conséquence d’autres dispositions du texte.

Il complète ainsi l’article L. 1418-1 du code de la santé publique, afin de lui conférer la mission :

– de gérer les traitements de données relatifs aux tiers donneurs, à leurs dons et aux enfants nés de ces dons, à l’exclusion des données médicales recueillies ultérieurement au don, dans le cadre du nouveau droit des enfants, conçus dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation par recours à un tiers donneur, d’accéder à leurs origines prévu par l’article 3 du projet de loi ([400]) ;

– de mettre en œuvre un suivi de l’état de santé des donneurs de cellules souches hématopoïétiques, conformément à l’article 6 ([401]).

Il tire par ailleurs les conséquences, d’une part, du remplacement du régime d’autorisation des protocoles de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines par un régime de déclaration à l’Agence avec pouvoir d’opposition de son directeur général, tel que prévu à l’article 14 du projet de loi ([402]) et, d’autre part, de l’instauration, par l’article 15 ([403]), d’un régime similaire s’agissant de certaines recherches sur les cellules pluripotentes induites (iPS). À cet effet, il prévoit que l’Agence est destinataire des déclarations de protocoles de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines et sur les cellules souches pluripotentes induites.

Le 2° du I de l’article 30 procède à une coordination au sein de l’article 1418-2 du code de la santé publique, qui porte sur la désignation des inspecteurs chargés du contrôle et des investigations relatifs au suivi des activités médicales et biologiques, à la délivrance des autorisations et à l’agrément des praticiens, afin d’inclure dans leur champ de compétence les déclarations de protocoles de recherche sur les cellules souches embryonnaires et sur les cellules souches pluripotentes induites.

2.   La suppression de certaines missions

Le 1° du I de l’article 30 supprime également, à l’article L. 1418-1 du code de la santé publique, certaines missions qui paraissent trop éloignées du cœur de métier de l’Agence.

La première compétence qu’il est proposé de supprimer porte sur le suivi des activités liées aux nanobiotechnologies, qui figure pourtant parmi les compétences de l’Agence depuis sa création. Il apparaît en effet que l’Agence « n’est pas en mesure de s’entourer des compétences ou de l’expertise en biotechnologie ou en nanobiotechnologie, qui n’est pas en lien ni direct ni évident avec ses champs de compétence » ([404]).

La deuxième compétence supprimée est relative à l’élaboration d’un référentiel permettant d’évaluer la qualité des tests génétiques en accès libre, qui avait été confiée à l’Agence par la loi relative à la bioéthique de 2011. En effet, cette disposition apparaît contraire à l’interdiction de solliciter l’examen de ses caractéristiques génétiques ou de celles d’un tiers en dehors du cadre médical ou de recherche scientifique qui résulte de l’article 16-10 du code civil et qui fait l’objet de sanctions définies par l’article 226-28-1 du code pénal ([405]). Elle s’avère en outre très complexe à mettre en œuvre s’agissant des examens génétiques vendus sur Internet.

La troisième mission visée est celle, introduite par la loi relative à la bioéthique de 2011, d’information du Parlement et du Gouvernement sur le développement des neurosciences.

En effet, les neurosciences constituent un domaine vaste et multidisciplinaire mais qui n’a pas de relation avec le prélèvement, la greffe, la procréation médicalement assistée, l’embryologie et la génétique humaines et très peu de liens avec la recherche sur l’embryon – quelques autorisations seulement ont nécessité le recours à un évaluateur dans ces disciplines.

Il apparaît par ailleurs que si l’Agence a constitué, en 2012, un comité de pilotage composé d’experts français de haut niveau, elle n’a produit, jusqu’à présent, que trois rapports : « Imagerie cérébrale : information du patient » en 2013, « État des connaissances sur le développement des traitements pharmacologiques de l’autisme » en 2014 et « Les interfaces cerveau – machine dans la correction du handicap » en 2015.

B.   L’évolution de la composition des organes de gouvernance

Les 3° et 4° du I de l’article 30 visent à introduire plus de souplesse dans la composition des conseils d’administration et d’orientation de l’Agence et à permettre la représentation d’autres associations que celles d’usagers du système de santé comme les associations de promotion du don et de donneurs.

1.   Le conseil d’administration

Le 3° du I de l’article 30 modifie, à l’article L. 1418-3 du code de la santé publique, la composition du conseil d’administration de l’Agence sur deux aspects.

Il remplace tout d’abord l’actuelle parité entre les représentants institutionnels et non institutionnels, qui tend à rigidifier la composition du conseil d’administration, par l’instauration d’une majorité de membres de droit (représentants de l’État, de la Caisse nationale de l’assurance maladie, des établissements publics administratifs nationaux à caractère sanitaire et des établissements publics de recherche concernés par les activités de l’Agence).

Il ajoute ensuite, parmi les représentants non institutionnels, les associations autres que celles d’usagers du système de santé ([406]) agréées, avec comme objectif d’assurer une représentativité adaptée aux spécificités de l’Agence. Il s’agit donc d’y inclure :

– les associations de promotion du don et les associations de donneurs : il apparaît en effet légitime que ces dernières, qui figurent parmi les acteurs les plus importants intervenant dans les domaines de compétence de l’Agence, puissent être représentées au sein de son conseil d’administration, comme c’est le cas, par exemple, pour les associations de promotion du don de sang qui siègent au conseil d’administration de l’Établissement français du sang ;

– les associations de malades non agréées : il convient de tenir compte du fait que l’Agence de la biomédecine intervient dans des secteurs de pointe, qui se sont parfois structurés récemment et où les associations peuvent ne pas être encore agréées ;

– les associations œuvrant dans les champs de compétence de l’Agence mais à l’objet spécialisé, souvent d’entraide ou de partage d’expériences, et pour lesquelles la promotion des dons n’est pas nécessairement une activité principale comme, par exemple, certaines associations de personnes ayant eu recours à l’assistance médicale à la procréation.

Il procède enfin à une coordination afin de tenir compte des modifications prévues par l’article 14 du projet de loi sur le régime des recherches sur l’embryon humain. À cette fin, il supprime la possibilité, pour les ministres chargés de la santé et de la recherche, d’interdire ou de suspendre la réalisation d’un protocole de recherche autorisé.

2.   Le conseil d’orientation

Comme pour son conseil d’administration, le 4° du I de l’article 30 du projet de loi prévoit, à l’article L. 1418-4 du code de la santé publique, d’ajouter à la liste des associations représentées au conseil d’orientation de l’Agence les associations autres que celles d’usagers du système de santé agréées.

Il introduit par ailleurs davantage de souplesse dans la composition du conseil d’orientation en supprimant le principe d’une représentation « à parts égales » entre les représentants institutionnels, les experts scientifiques, les personnalités qualifiées et les représentants d’associations.

Il ramène enfin la présence des parlementaires – aujourd’hui quatre députés et quatre sénateurs – à trois députés et trois sénateurs, au motif de corriger une « coquille » ([407]).

En application du II de l’article 30, ces dispositions devraient entrer en vigueur le 22 juin 2021, qui correspond à la date d’expiration du mandat des membres du conseil d’orientation qui ont été nommés à compter du 22 juin 2018 par un arrêté du 14 juin 2018. Les mandats des membres du conseil arrivant à expiration avant cette date sont prorogés jusqu’à celle-ci.


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Titre VII

Dispositions finales

Article 31
Habilitations à légiférer par voie d’ordonnance

Adopté par la commission sans modification

    Résumé du dispositif

L’article 31 vise à permettre au Gouvernement, grâce à quatre habilitations distinctes, de prendre par ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi afin :

– d’adapter, pour Saint-Pierre-et-Miquelon, Mayotte, Wallis-et-Futuna, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, les dispositions de la présente loi relative à la bioéthique ainsi que celles des ordonnances destinées mettre en conformité le code de la santé publique avec plusieurs règlements européens ;

– de modifier le code de la santé publique en vue de l’entrée en application des règlements européens relatifs aux dispositifs médicaux et aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro ;

– de mettre en cohérence la législation en matière de médicaments avec le règlement européen sur les médicaments de thérapie innovante ;

– d’assurer la cohérence des textes issus de la présente loi.

I.   Le régime des ordonnances de l’article 38 de la Constitution

L’article 38 de la Constitution prévoit que le Gouvernement peut, pour l’exécution de son programme, demander au Parlement l’autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi.

Les ordonnances entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent caduques si le projet de loi de ratification n’est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d’habilitation. La réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 a précisé qu’elles ne peuvent être ratifiées que de manière expresse.

Le Conseil constitutionnel a développé une jurisprudence constante quant au contrôle de ces lois d’habilitation. Il juge que si l’article 38 fait « obligation au Gouvernement d’indiquer avec précision au Parlement, afin de justifier la demande qu’il présente, la finalité des mesures qu’il se propose de prendre par voie d’ordonnances ainsi que leur domaine d’intervention » ([408]), il n’impose pas pour autant au Gouvernement de « faire connaître au Parlement la teneur des ordonnances qu’il prendra en vertu de cette habilitation » ([409]).

Le Conseil exige toutefois que le Gouvernement indique au Parlement de façon précise la finalité des mesures qu’il se propose de prendre ainsi que leur domaine d’intervention. Il a par exemple estimé contraire à la Constitution l’article 39 de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté qui habilitait le Gouvernement à remplacer les régimes de déclaration d’ouverture préalable des établissements privés par un régime d’autorisation, sans préciser dans le texte d’habilitation les motifs pouvant justifier un refus d’ouverture ([410]).

II.   Les habilitations demandées

L’article 31 a pour objet d’habiliter le Gouvernement à prendre les mesures relevant du domaine de la loi afin d’adapter, pour Saint-Pierre-et-Miquelon, Mayotte, Wallis-et-Futuna, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, les dispositions de la présente loi ainsi que celles des ordonnances qui mettent en conformité le code de la santé publique avec plusieurs règlements européens, d’accorder le code de la santé publique aux dispositions des règlements européens relatifs aux dispositifs médicaux et aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro, d’adapter la législation en matière de médicaments avec le règlement européen sur les médicaments de thérapie innovante et, enfin, de corriger les erreurs matérielles et d’assurer la cohérence des textes issus de la loi relative à la bioéthique.

1.   L’adaptation de la loi au droit des outre-mer

Le I de l’article 31 a pour objet d’habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures relevant du domaine de la loi visant à :

– adapter les dispositions de la présente loi ainsi que celles des ordonnances destinées à apporter les modifications rendues nécessaires par, d’une part, les règlements européens relatifs aux dispositifs médicaux et dispositifs médicaux de diagnostic in vitro et, d’autre part, le règlement européen relatif aux  médicaments de thérapie innovante (cf. 2), aux caractéristiques et contraintes en matière de santé et de sécurité sociale particulières à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte : ces collectivités disposent en effet d’un régime spécifique de sécurité sociale ;

– étendre et adapter les mesures de la présente loi et, le cas échéant, celles des ordonnances susmentionnées ainsi que toutes les dispositions du code de la santé publique, du code pénal et du code civil nécessaires à son application et ayant pour objet d’assurer sa cohérence, à Wallis-et-Futuna et, en tant qu’elles relèvent des compétences de l’État, à la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française. En effet, ces collectivités sont régies par le principe de spécialité législative, qui nécessite une extension formelle de ces dispositions pour qu’elles puissent s’y appliquer, et leur statut institutionnel prévoit une répartition de compétence normative entre l’État et les institutions locales, qui rend nécessaire une application différenciée.

Il prévoit par ailleurs, en application de l’article 38 de la Constitution, que cette ordonnance doit être prise dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la loi qui sera issue du présent projet et qu’un projet de loi de ratification sera déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de cette ordonnance, à peine de caducité.

2.   L’adaptation du droit national au droit européen

Les règlements européens étant d’application directe, il n’est pas nécessaire de les transposer dans le droit national. Cependant, les principes d’effet direct du droit européen et de sécurité juridique imposent d’accorder le droit interne au droit européen.

À cet effet, comme c’est fréquemment le cas, les II et III de l’article 31 prévoient le recours aux ordonnances prévues par l’article 38 de la Constitution, pour adapter le droit interne aux règlements relatifs aux dispositifs médicaux et aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro et au règlement sur les médicaments de thérapie innovante.

Ils précisent que ces ordonnances doivent être prises dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la loi qui sera issue du présent projet et qu’un projet de loi de ratification sera déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de leur publication.

a.   L’adaptation du code de la santé publique aux règlements européens relatifs aux dispositifs médicaux et aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro

Le II de l’article 31 a pour objet d’adapter le code de la santé publique dans la perspective de l’entrée en application, le 26 mai 2020, du règlement (UE) n° 2017/745 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2017 relatif aux dispositifs médicaux ([411]) et de l’entrée en application, le 26 mai 2022, du règlement (UE) n° 2017/746 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2017 relatif aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro ([412]).

Les principales dispositions des règlements (UE) n° 2017/745
et n° 2017/746 du 5 avril 2017

Ces règlements harmonisent les dispositions relatives à la mise sur le marché et à la mise en service sur le marché de l’Union européenne des dispositifs médicaux et des dispositifs médicaux de diagnostic in vitro et de leurs accessoires et mettent en place une régulation à l’échelle européenne du secteur des dispositifs médicaux fondée sur de nouveaux mécanismes de coopération entre États membres pour une surveillance du marché coordonnée.

Ils ont pour objectif de définir un cadre réglementaire favorable à l’innovation et à la compétitivité.

Ils visent également à affermir les règles relatives à la sécurité et aux performances des dispositifs médicaux et des dispositifs médicaux de diagnostic in vitro :

– en mettant l’accent sur l’information du public et la traçabilité des dispositifs médicaux en créant une base de données européenne sur les dispositifs médicaux dénommée Eudamed, en renforçant la traçabilité des dispositifs médicaux grâce à la constitution d’une base de données reposant sur un système d’identification unique de ces dispositifs, comprenant un identifiant « dispositif » propre à un fabricant et un dispositif et un identifiant « production », spécifique à l’unité de production du dispositif, apposé sur l’étiquette du dispositif, et en fournissant aux patients chez lesquels un dispositif a été implanté une carte d’implant et une liste d’informations afférentes (identification du dispositif, mises en garde, etc.) ;

– en accroissant les exigences sur les fabricants de ces dispositifs. Outre qu’ils doivent compter au sein de leur organisation au moins une personne disposant des qualifications requises chargée de veiller au respect du règlement, ils doivent, pour chaque dispositif, mettre en place un système de surveillance après commercialisation en fonction de la classe de risque et du type de dispositif concerné, permettant d’enregistrer et d’analyser de façon systématique les données pertinentes sur la qualité, les performances et la sécurité du dispositif pendant toute sa durée de vie ;

– en renforçant le rôle des organismes notifiés ([413]) et leur supervision à deux niveaux. Au niveau national, une autorité d’évaluation des organismes notifiés doit être désignée dans chaque État membre. Elle est chargée de la mise en place et du suivi des procédures nécessaires à l’évaluation et à la désignation des organismes d’évaluation de la conformité et du contrôle des organismes notifiés établis sur son territoire ainsi que de leurs filiales et sous-traitants. Au niveau européen, une supervision de la désignation et du contrôle des organismes notifiés est mise en place.

Les deux règlements ont également pour objectif d’améliorer la fiabilité des données collectées dans le cadre des investigations cliniques réalisées pour les dispositifs médicaux les plus à risque tels que les dispositifs implantables, ou d’études de performance réalisées pour les dispositifs médicaux de diagnostic in vitro préalablement à leur mise sur le marché. À cette fin, ils renforcent les exigences relatives à la procédure d’évaluation des dispositifs médicaux et des dispositifs médicaux de diagnostic in vitro, conduisant à de nouvelles méthodes de travail pour les autorités compétentes et les comités d’éthique des États membres en matière de recherches impliquant la personne humaine. Une plus grande coopération et transparence entre les États membres est notamment prévue au stade des investigations cliniques et des études de performance par le biais du recueil d’informations sur la base européenne Eudamed et d’éventuelles évaluations scientifiques coordonnées entre États membres.

À cet effet, le II de l’article 31 habilite le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures relevant du domaine de la loi visant à apporter aux dispositions des livres II à IV de la cinquième partie du code de la santé publique applicables aux dispositifs médicaux et dispositifs médicaux de diagnostic in vitro les adaptations rendues nécessaires par les règlements européens du 5 avril 2017.

Il s’agit ainsi de :

– mettre en cohérence le système national de matériovigilance et de réactovigilance avec les exigences européennes ;

– renforcer le rôle de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé en tant qu’autorité compétente nationale ;

– préciser les modalités de traçabilité des dispositifs médicaux, notamment au sein des établissements de santé ;

– procéder à toutes les mesures de coordination, d’abrogation et de simplification nécessaires.

Le II de l’article 31 a également pour objet d’habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures relevant du domaine de la loi visant à apporter aux dispositions du titre II du livre Ier de la première partie du code de la santé publique, relatives aux recherches impliquant la personne humaine, les adaptations rendues nécessaires par ces mêmes règlements, afin de préciser les modalités de réalisation des investigations cliniques qui devront être réalisées en application de ces règlements et de procéder à toutes les mesures de coordination, d’abrogation et de simplification nécessaires.

b.   L’adaptation de la législation nationale en matière de médicaments avec le règlement européen sur les médicaments de thérapie innovante

Le III de l’article 31 habilite le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures relevant du domaine de la loi visant à mettre en cohérence la législation nationale en matière de médicaments avec le règlement (CE) n° 1394/2007 du Parlement européen et du Conseil sur les médicaments de thérapie innovante afin de :

– supprimer le régime juridique des préparations de thérapie génique et de thérapie cellulaire xénogénique ;

– exclure de la définition des produits cellulaires à finalité thérapeutique les préparations cellulaires ayant fait l’objet de modifications substantielles.

Il s’agit, pour le premier objectif, de supprimer les définitions et les régimes juridiques des préparations de thérapie génétique et de thérapie cellulaire xénogénique aux 12° et 13° de l’article L. 5121-1 du code de la santé publique car ces préparations sont en fait couvertes par la définition et le régime juridique des médicaments de thérapie innovante préparés ponctuellement, qui font l’objet du 17° du même article, introduit par la loi du 22 mars 2011 ([414]).

Il s’agit, pour le second objectif, d’exclure de la définition et du régime juridique des produits cellulaires à finalité thérapeutique posés à l’article L. 1243-1 du code de la santé publique les préparations de thérapie cellulaire dans lesquelles les cellules servent à transférer du matériel génétique. En effet, les cellules concernées sont soumises à une « manipulation substantielle » au sens de l’article 2, paragraphe 1, point c), premier tiret du règlement. Le régime juridique de ces produits doit donc être celui des médicaments de thérapie innovante défini par le 17° de l’article L. 5121-1.

Le recours à une ordonnance se justifie par l’obligation d’assortir ces mesures – simples par elles-mêmes – de nombreuses coordinations dans d’autres articles du code de la santé publique.

3.   La mise en cohérence des codes et des lois non codifiées

Le IV de l’article 31 habilite le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures relevant du domaine de la loi visant à modifier les codes et les lois non codifiées pour les mettre en cohérence avec les dispositions de la loi qui sera issue du présent projet et des ordonnances prises pour son application.

Il précise que l’ordonnance est prise à droit constant, sous réserve des modifications nécessaires pour assurer le respect de la hiérarchie des normes, améliorer la cohérence rédactionnelle des textes, harmoniser l’état du droit, remédier aux erreurs matérielles et aux insuffisances de codification et abroger les dispositions obsolètes ou devenues sans objet.

Il prévoit enfin que cette ordonnance doit être prise dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi et qu’un projet de loi de ratification sera déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de cette ordonnance, à peine de caducité.

Dans son avis du 18 juillet 2019 sur le présent projet de loi, le Conseil d’État s’est demandé « si la reconnaissance d’une double filiation maternelle ne devait pas conduire, dans un objectif de clarté et d’intelligibilité de la loi, à revoir la rédaction de certains articles du code civil rédigés sur le modèle de l’altérité sexuelle des parents alors qu’ils seront à l’avenir applicables à deux parents de sexe féminin, comme ceux relatifs à l’établissement de l’acte de naissance (article 57) ou l’exercice de l’autorité parentale (article 372) ». Il a toutefois considéré que le Gouvernement serait habilité par la présente disposition à opérer les mises en cohérence que rendra nécessaire l’ouverture de l’assistance médicale à la procréation aux couples de femmes.

Le Conseil d’État a par ailleurs considéré que l’ensemble des dispositions de l’article 31 définissait avec « une précision suffisante les finalités et le domaine d’intervention des mesures envisagées au stade de l’habilitation, sans les détailler de manière excessivement contraignante au regard des finalités poursuivies, comme le rappelle la jurisprudence dégagée par le Conseil constitutionnel à propos des exigences de l’article 38 de la Constitution ».

 


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Article 32
Réexamen de la loi

Adopté par la commission sans modification

    Résumé du dispositif

L’article 32 prévoit une clause de réexamen de la loi qui sera issue du présent projet dans un délai maximal de sept ans.

 Sur le modèle de ce qui avait été fait en 1975 pour la loi sur l’interruption volontaire de grossesse, chaque loi relative à la bioéthique a prévu que ses dispositions feraient l’objet, après évaluation de son application par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, d’un nouvel examen par le Parlement ([415]).

Si le délai de réexamen fixé par la loi a varié de cinq ([416]) à sept ([417]) ans, il n’a, dans les faits, jamais été respecté. Il s’est en effet écoulé dix puis sept années entre l’adoption des trois premières lois de bioéthique. Il en est de même avec le présent projet de loi, déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale huit ans après l’entrée en vigueur de la loi du 7 juillet 2011.

Le principe d’une révision périodique de la loi de bioéthique est propre à la France. En effet, dans les autres pays, sont adoptées des lois thématiques sur un sujet de bioéthique précis tel que, par exemple, l’assistance médicale à la procréation ([418]), sans qu’elles soient assorties de clauses de réexamen.

 Reprenant la rédaction de l’article 47 de la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique, l’article 30 prévoit un nouvel examen d’ensemble, par le Parlement, des dispositions adoptées dans un délai maximal de sept ans après l’entrée en vigueur de la loi.

Cet examen d’ensemble sera précédé d’une évaluation de l’application de la loi par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques six ans après son entrée en vigueur.

Si une telle « clause de rendez-vous » ne contraint pas juridiquement le législateur, elle vise à ce que la France bénéficie d’un cadre juridique actualisé et pertinent, répondant de façon adéquate aux enjeux éthiques posés par les évolutions scientifiques, technologiques et sociétales.

Elle permet en outre de mobiliser, à intervalles réguliers, tous les acteurs intéressés – décideurs, experts et citoyens – en vue d’une réflexion globale sur l’ensemble des sujets bioéthiques.

Favorisant une approche transversale des questions relatives à la bioéthique, elle permet enfin d’y apporter des réponses cohérentes en tenant compte des effets en cascade que certains choix peuvent entraîner.

Précédée d’une évaluation de l’application de la loi par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques et d’un débat public sous la forme d’états généraux, la révision périodique des lois de bioéthique constitue donc un « élément essentiel de notre démocratie sanitaire », comme l’a souligné le Comité consultatif national d’éthique dans sa contribution à la révision de la loi relative à la bioéthique ([419]). Complémentaire du débat permanent sur les questions bioéthiques prévu par l’article 29 du projet de loi, ce grand-rendez-vous périodique permettra une délibération collective, fondée sur une culture du débat, à même de mettre à profit le point de vue éclairé des citoyens.

Le Gouvernement n’a pas fait siennes les préconisations formulées par le Comité consultatif national d’éthique et la mission d’information sur la révision de la loi de bioéthique tendant à ramener à cinq ans le délai de réexamen, afin de « prendre en compte l’accélération des avancées scientifiques et des technologies biomédicales, dans un contexte de mondialisation des enjeux de santé et de recherche, ainsi que les nouvelles demandes de la société induites par ces innovations » ([420]). Il a souhaité le maintenir à sept ans au motif que le délai de cinq ans apparaissait « trop court pour permettre d’évaluer efficacement l’application de la loi par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, qui intervient une année en amont, ramenant ainsi à quatre ans la période d’application » ([421]).

 


—  1  —

   Liste des personnes auditionnées
dans le cadre des travaux de la commission spéciale

(par ordre chronologique)

 

I.   Auditions menées par la commission spéciale

       Audition commune d’associations et de collectifs :

 Association « Les Enfants d’Arc en Ciel » – Mme Céline Cester, présidente, Mme Eloïne Thevenet Fouilloux, vice-présidente, Mme Célia Cotinaud, administratrice

 Association des familles homoparentales (ADFH) – Me Fabien Joly, porte-parole

 Inter LGBT – Mme Laurène Chesnel, déléguée Familles

 Association MAIA – Mme Rebecca Nielbien, membre du conseil d'administration

 Collectif PMA – M. Dominique Boren, co-président de l’Association des parents et futurs parents gays et lesbiens (APGL), et Me Catherine Clavin, membre de la commission juridique ; Mme Véronique Séhier-Thurotte, co‑présidente du Planning familial, et Mme Danielle Gaudry, administratrice et membre du groupe de travail Bioéthique

 Association « Parents Sans Droit » – Mme Christel Freund, présidente, Me Aude Denarnaud, Mme Sandy Vianet, trésorière, et Mme Manon Campillo, co-trésorière

       Conseil national pour l’accès aux origines personnelles (CNAOP) – Mme Huguette Mauss, présidente, et M. Jean-Pierre Bourély, secrétaire général

       Audition commune, à huis clos, de personnes ayant été directement concernées par une assistance médicale à la procréation

       Espace de réflexion éthique Occitanie – Mme Catherine Dupré Goudable, directrice de l’ERE Occitanie, et Pr Jacques Lagarrigue, vice-président du conseil d’orientation

 

       Audition commune d’associations :

 Association familiale catholique – Mme Pascale Morinière, présidente de la Confédération nationale des AFC, et M. Bertrand Lionel-Marie, secrétaire général

 Alliance Vita – M. Tugdual Derville, délégué général, Mme Caroline Roux, déléguée générale adjointe et coordinatrice des services d’écoute, et Mme Blanche Streb, directrice de la formation et de la recherche

 La Manif Pour Tous – Mme Ludovine de La Rochère, présidente, et M. Albéric Dumont, vice-président

       Comité consultatif national d’éthique (CCNE) – Pr Jean-François Delfraissy, président, Mme Karine Lefeuvre, vice-présidente, professeur de droit à l’EHESP de Rennes, et Mme Marie-Christine Simon, directrice de l’information et de la communication

       Pr René Frydman, professeur émérite des universités, gynécologue-obstétricien

       Audition commune AMP prisme « Sociologie » :

 Mme Virginie Rozée, chercheure à l’Institut national d'études démographiques (INED) – Unités de recherche : « Santé et droits sexuels et reproductifs » (UR14) et « Fécondité, familles, conjugalités » (UR3)

– M. Laurent Toulemon, directeur de recherche à l’Institut national d’études démographiques (INED), Mme Élise de la Rochebrochard, responsable de l'unité de recherche « Santé et droits sexuels et reproductifs » et spécialiste du recours à l'AMP, et Mme Lidia Panico, spécialiste des analyses longitudinales sur les enfants et leurs familles

– Mme Claire Hugonnier, doctorante en sciences du langage, laboratoire Lidilem, Université Grenoble Alpes

       Agence nationale du médicament et des produits de santé (ANSM) – M. Dominique Martin, directeur général, et Mme Carole Le Saulnier, directrice des affaires juridiques et réglementaires

       Mme Geneviève Delaisi de Parseval, psychanalyste

       Conseil national de l’Ordre des Médecins (CNOM) – Pr Serge Uzan, vice-président, et Dr Anne-Marie Trarieux, présidente de la section Éthique et Déontologie

 

 

       Audition commune de représentants de cultes :

– Pasteur François Clavairoly, président de la Fédération protestante de France 

 M. Haïm Korsia, Grand Rabbin de France

 Mgr Pierre d’Ornellas, responsable du groupe de travail sur la bioéthique, Conférence des évêques de France

       Audition commune de représentants de courants philosophiques :

 Grand Orient de France  M. Bruno Tavernier, vice-président de la commission nationale « Santé publique et bioéthique »

 Fédération de la libre pensée – M. Dominique Goussot, responsable de la commission « Droit et Laïcité »

 Grande Loge Mixte de France  M. Édouard Habrant, Grand Maître, et Mme Élise Ovart-Baratte, conseillère

 Grande Loge de France  Dr Alain-Noël Dubart, chirurgien, ancien Grand Maître, et Pr Jean-Jacques Zambrowski, médecin hospitalier et enseignant universitaire, ancien Grand Chancelier

– Fédération française de l’Ordre Maçonnique Mixte International Le Droit Humain – Mme Viviane Girard-Villatte, 1re vice-présidente, et Mme Nadine Le Forestier, membre expert de la commission Bioéthique

       Centre de ressources biologiques de l’hôpital Necker (CRB-ADN) – Pr Corinne Antignac, professeure de médecine, responsable scientifique du CRB‑ADN Necker, Dr Marie-Alexandra Alyanakian, docteur en médecine, coordinatrice de la plateforme de ressources biologiques Necker, et M. Matthieu le Tourneur du Breuil, juriste et délégué à la protection des données de l’Institut Imagine

       Audition commune AMP – prisme « Questions juridiques générales » :

 M. Daniel Borrillo, maître de conférences en droit privé à l’université Paris X-Nanterre et chercheur associé au Centre national de la recherche scientifique (CNRS)

 Pr Stéphanie Hennette-Vauchez, professeure de droit public à l’université Paris X-Nanterre, directrice du Centre de recherches et études sur les droits fondamentaux (CREDOF)

 Mme Marie Mesnil, maîtresse de conférences en droit privé à l’université de Rennes 1, membre associée de l’Institut droit et santé (IDS), chercheure à Institut de l'Ouest Droit et Europe (IODE)

       Audition commune AMP – prisme « Accès aux origines » :

 Mme Laurence Brunet, chercheuse associée à l’Institut des sciences juridique et philosophique de la Sorbonne (université Paris I-Panthéon-Sorbonne)

 Mme Alexandra Leclère, docteure en droit privé, élève avocate à l’ERAGE (École régionale des avocats du Grand Est)

 M. Emmanuel Terrier, maître de conférences HDR, directeur du Master 1 Management stratégique des organisations sanitaires, (MOMA) et co-directeur du DU Droit & Santé, Faculté de droit à l’université de Montpellier

       Agence de la biomédecine – Mme Anne Courrèges, directrice générale, M. Samuel Arrabal, responsable du pôle recherche à la direction médicale et scientifique, M. Philippe Jonveaux, directeur de la direction de la procréation, de l’embryologie et de la génétique humaines, M. Olivier Bastien, directeur de la direction du prélèvement et des greffes d’organes et de tissus, et M. Thomas Van den Heuvel, adjoint à la directrice juridique

       Audition commune AMP – prisme « Pratique de l’AMP » :

 Fédération des CECOS (Centres d'études et de conservation des œufs et du sperme) – Pr Nathalie Rives, présidente, responsable du CECOS de Rouen Normandie, cheffe du service du laboratoire de biologie de la reproduction – CECOS, CHU Rouen-Normandie, Dr Florence Eustache, CECOS Jean Verdier, Paris, Dr Véronique Drouinaud, CECOS Paris Cochin, et Mme Valérie Benoit, psychologue, CECOS de Nice

– Pr Michaël Grynberg, chef du service Médecine de la reproduction et préservation de la fertilité, Hôpital Antoine-Béclère

 Pr Thomas Freour, chef du service Médecine et biologie du développement et de la reproduction, CHU de Nantes

 Biologistes des laboratoires d’étude de la fécondation et de la conservation de l’œuf (BLEFCO) – Pr Rachel Lévy, vice-présidente

       Cour de cassation – Mme Domitille Duval-Arnould, conseillère à la 1re chambre civile, M. Patrick Poirret, premier avocat général à la 1re chambre civile, et Mme Caroline Azar, conseillère référendaire à la 1re chambre civile

       Fédération française des centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal – Mme Alexandra Benachi, présidente

       Audition commune de gynécologues et obstétriciens :

 Collège national des gynécologues et obstétriciens français – Pr Israël Nisand, président

 Syndicat national des gynécologues et obstétriciens de France (SYNGOF)  Dr Bertrand de Rochambeau, gynécologue-obstétricien, président, Dr Mikael Agopiantz, MCU-PH de gynécologie médicale, et Dr Arnaud Grisey, gynécologue-obstétricien, administrateurs

 Société française de gynécologie – Dr Joëlle Belaisch Allart, présidente, et Pr Jean-Marie Antoine, vice-président

 Fédération nationale des collèges de gynécologie médicale (FNCGM) – Dr Pia de Reilhac, présidente, Dr Sandrine Brugere, secrétaire générale, et Dr Marie de Crecy, membre du conseil d’administration

– Société de médecine de la reproduction (SMR) – Pr Nathalie Massin, présidente, endocrinologue au CH intercommunal de Créteil, Pr François Vialard, secrétaire, généticien au CH intercommunal de Poissy-Saint Germain, et Dr Géraldine Porcu-Buisson, membre du conseil d'administration gynécologue-obstétricienne à l’Institut de médecine de la reproduction (Marseille)

       Audition commune sur les examens génétiques :

 Institut Imagine – Pr Stanislas Lyonnet, directeur, et M. Matthieu Le Tourneur, juriste

 Association des cytogénéticiens de langue française – Pr Martine Doco-Fenzy, présidente et professeure des universités-praticienne hospitalière en histologie en génétique au CHU de Reims, et Pr Marc Antoine Belaud-Rotureau, membre du bureau, professeur des universités-praticien hospitalier en histologie, embryologie, et cytogénétique au CHU de Rennes

 Association nationale des praticiens de génétique moléculaire –Dr Pascale Saugier-Veber, MCU-PH dans le service de génétique du CHU de Rouen, et Pr Benoit Arveiler, professeur des universités-praticien hospitalier en histologie dans le service de génétique du CHU de Bordeaux

 Association française des conseillers en génétique (AFCG) – Mme Marie-Antoinette Voelckel, présidente, Mme Emmanuelle Haquet, vice‑présidente, Mme Émilie Consolino, responsable de la communication, et M. Antoine De Pauw, webmaster

 Fédération française de génétique humaine (FFGH) – Pr Stéphane Bézieau, président, chef du service de génétique médicale au Laboratoire de génétique moléculaire (CHU Hôtel-Dieu de Nantes), Pr Massimilano Rossi et Pr Dominique Bonneau

       Audition commune sur la recherche sur l’embryon et les cellules souches :

 Société française de recherche sur les cellules souches – Mme Cécile Martinat, présidente, directrice de recherche, et M. Pierre Savatier, directeur de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM)

 Pr Jérôme Larghero, directeur du département de biothérapies cellulaires et tissulaires, Hôpital Saint-Louis

       Mme Irène Théry, directrice d'études à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS), et Mme Anne-Marie Leroyer, professeure de droit à l'université Paris 1

       Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) – Mme Marie-Laure Denis, présidente, Mme Hélène Guimiot-Breaud, cheffe du service santé, M. Erik Boucher de Crèvecoeur, ingénieur expert à la direction des technologies et de l’innovation, Mme Tiphaine Havel, conseillère pour les questions institutionnelles et parlementaires

       Audition commune sur la génomique humaine :

 Genopole – M. Jean-Marc Grognet, directeur général, Mme Anne Jouvenceau, directrice générale adjointe, et M Jean François Deleuze, directeur du Centre national de recherche en génomique humaine (CNRGH/CEA)

– Association française contre les myopathies (AFM-Téléthon) *  M. Christian Cottet, directeur fédéral, M. François Lamy, membre du conseil d’administration, et M. Christophe Duguet, directeur des affaires publiques

       Groupe de recherche et d’étude sur la cryoconservation de l’ovaire et du testicule (GRECOT) – Pr Catherine Poirot, présidente, Dr Pascal Piver, gynécologue-obstétricien, médecin de la reproduction à Limoges, Dr Nathalie Dhédin, hématologue à l’Hôpital Saint-Louis (Paris), et Pr Jean-Hugues Dalle, hématologue Pédiatre à l’Hôpital Robert-Debré

       Défenseur des droits – M. Jacques Toubon, Défenseur des droits, Mme Claudine Jacob, directrice de la Protection des droits et des affaires judiciaires, M. Vincent Lewandowski, chef du pôle Lutte contre les discriminations et accès aux services publics, et Mme Vanessa Pideri, chargée de mission au même pôle

       Audition commune sur l’intelligence artificielle :

 M. Claude Kirchner, membre du Comité consultatif national d’éthique, conseiller du président de l’Institut national de recherche en informatique et en automatisme (INRIA)

 Pr Serge Uzan, vice-président du Conseil national de l’Ordre des médecins

 Pr David Gruson, membre du comité de direction de la Chaire santé de Sciences Po, professeur associé à la faculté de médecine Paris-Descartes, fondateur de l’initiative « Ethik IA »

       Audition commune AMP – prisme « Filiation » :

 Me Régine Barthélémy, avocate

– M. Victor Deschamps, maître de conférences à l’université Panthéon-Assas Paris II, auteur de la thèse « Le fondement de la filiation : étude sur la cohérence du Titre VII du Livre premier du Code civil »

– Pr Aline Cheynet de Beaupré, professeure de droit privé et sciences criminelles à l’université d'Orléans

– Mme Marie-Xavière Catto, maîtresse de conférences en droit public à la Sorbonne et spécialiste du droit de la bioéthique

– Mme Lisa Carayon, présidente du Groupe d’information et d’action sur les questions procréatives et sexuelles (GIAPS)

– Pr Guillaume Drago, professeur à l’université Panthéon-Assas Paris II, président de l’Institut Famille & République, Me Geoffroy de Vries, avocat au Barreau de Paris, délégué général de l’Institut Famille & République, et Mme Clotilde Brunetti-Pons, maîtresse de conférences habilitée à diriger des recherches à l’Université de Reims Champagne-Ardennes, responsable du Centre sur le couple et l’enfant (CEJESCO)

       Audition commune AMP – Prisme « Pédopsychiatrie » :

 Dr Myriam Szejer, pédopsychiatre psychanalyste, attachée à la maternité et au centre de PMA de l’hôpital Foch (Suresnes), directeur pédagogique et enseignante à l’université Paris Descartes

 Pr Catherine Jousselme, professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à Paris Sud, chef de service et du pôle universitaire du Centre hospitalier pédopsychiatrique « Fondation Vallée », et Mme Mireille Cosquer, psychologue clinicienne et statisticienne

– Dr Pierre Lévy-Soussan, psychiatre, psychanalyste, médecin-directeur, enseignant à l’université Paris VII

II.   Auditions menées par Mme Coralie Dubost, rapporteure sur les articles 3 et 4

       Association Origines – Mme Audrey Kermavelzen, et M. Arthur Kermalvezen, co-fondateurs de l’association

       Association Mam’ensolo – Mme Isabelle Laurans, et Mme Sophie Duperray

       Collectif Bamp – Mme Stéphanie Krystlik, membre du conseil d’administration, membre du groupe de travail Bioéthique et don de gamètes

       Table ronde :

 Association Origines – Mme Audrey Kermalvezen, M. Arthur Kermalvezen, co-fondateurs, et M. Sylvain Ricard

 Collectif Bamp Mme Virginie Rio, co-fondatrice et présidente, Mme Stéphanie Krystlik, membre du conseil d’administration, membre du groupe de travail Bioéthique et don de gamètes

 PMAnonymes  M. Vincent Brès, président, Mme Maeva Escoulan, trésorière, Mme Béatrice Moutte, responsable des réseaux sociaux, et Mme Sylvie Jouanny, membre

 Mme Ariane Vidal-Naquet, professeur de droit à l’université d’Aix-en-Provence

 

 

 

 

 

* Ce représentant d’intérêts a procédé à son inscription sur le répertoire de la Haute Autorité de transparence pour la vie publique s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale

 


—  1  —

   liste des textes susceptibles d’être abrogés ou modifiés à l’occasion de l’examen du projet de loi

Projet de loi

Dispositions en vigueur modifiées

Article

Codes et lois

Numéro d'article

1er

Code de la santé publique

L2141-2

1er

Code de la santé publique

L2141-3

1er

Code de la santé publique

L2141-5

1er

Code de la santé publique

L2141-6

1er

Code de la santé publique

L2141-7 [abrogé]

1er

Code de la santé publique

L2141-9

1er

Code de la santé publique

L2141-10

1er

Code de la sécurité sociale

L160-14

2

Code de la santé publique

L1244-2

2

Code de la santé publique

L2141-13 [nouveau - ancien L2141-12]

2

Code de la santé publique

L2141-12 [nouveau - rétablissement]

2

Code de la sécurité sociale

L160-8

2

Code de la santé publique

L2141-11-1

3

Code de la santé publique

L1244-6

3

Code de la santé publique

L1273-3

3

Code de la santé publique

Chapitre III du titre IV du livre I de la deuxième partie [nouveau - art L2143-2 à L2143-9]

3

Code civil

16-8-1 [nouveau]

3

Code pénal

511-10

3

Code de la santé publique

L2143-2

4

Code civil

6-1

4

Code civil

6-2 [nouveau]

4

Code civil

310 [abrogé]

4

Code civil

358 [abrogé]

4

Code civil

Section 3 du chapitre Ier [abrogée]

4

Code civil

311-21

4

Code civil

311-23

4

Code civil

Chapitre V [nouveau - art 342-9 à 342-13]

4

Code civil

353-2

4

Code civil

357

4

Code civil

372

5

Code de la santé publique

L1231-1

5

Code de la santé publique

L1231-3

5

Code de la santé publique

L1231-4

5 bis

Code de la santé publique

L1211-3

6

Code de la santé publique

L1241-3

6

Code de la santé publique

L1241-4

6

Code de la santé publique

L1272-4

6

Code pénal

511-5

7

Code de la santé publique

L1231-2

7

Code de la santé publique

L1232-2

7

Code de la santé publique

L1235-2

7

Code de la santé publique

L1241-2

7

Code de la santé publique

L1272-2

7

Code pénal

511-3

8

Code de la santé publique

L1110-4

8

Code de la santé publique

L1111-7

8

Code de la santé publique

Chapitre préliminaire au titre III du livre Ier de la première partie [nouveau - art L1130-3 à L1130-6]

8

Code de la santé publique

L1211-2

9

Code de la santé publique

Intitulé du chapitre Ier du titre III du livre Ier

9

Code de la santé publique

L1131-1

9

Code de la santé publique

L1131-1-1

9

Code de la santé publique

L1131-1-2

9

Code de l'action sociale et des familles

L147-1

9

Code de l'action sociale et des familles

L147-2

10

Code civil

16-10

11

Code de la santé publique

L4001-3 [nouveau]

12

Code civil

Intitulé du chapitre IV du titre Ier du livre Ier

12

Code civil

16-14

12

Code pénal

225-3

12

Code de la santé publique

Intitulé du titre III bis du livre Ier de la première partie

13

Code de la santé publique

Intitulé du titre V du livre Ier de la première partie

13

Code de la santé publique

L1151-4 [nouveau]

13

Code de la sécurité sociale

L161-37

14

Code de la santé publique

L2141-3-1 [nouveau]

14

Code de la santé publique

L1125-3

14

Code de la santé publique

L2151-5

14

Code de la santé publique

L2151-8 [nouveau - ancien L2151-6]

14

Code de la santé publique

L2151-6 [nouveau - rétablissement]

14

Code de la santé publique

L2151-7 [abrogé]

14

Code de la santé publique

L2151-9 [nouveau - ancien L2151-7]

14

Code de la santé publique

L2151-10 [nouveau - ancien L2151-7-1]

14

Code de la santé publique

L2151-11 [nouveau - ancien L2151-8]

14

Code pénal

L511-19-2

14

Code de la santé publique

L2163-7

15

Code de la santé publique

Intitulé du titre V du livre Ier de la deuxième partie [nouveau]

15

Code de la santé publique

L2151-7 [nouveau]

15

Code de la santé publique

Intitulé du chapitre III du titre VI du livre Ier de la deuxième partie

15

Code de la santé publique

L2163-6

15

Code pénal

L511-19-2

16

Code de la santé publique

L2141-4

17

Code de la santé publique

L2151-2

17

Code civil

16-4

18

Code de la santé publique

L1130-5 [nouveau]

18

Code de la santé publique

L1243-3

18

Loi n° 78-17
du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers
et aux libertés

75

18

Code de la santé publique

L1123-7

19

Code de la santé publique

L2131-1

19

Code de la santé publique

L2131-1-1 [nouveau]

20

Code de la santé publique

L2213-1

21

Code de la santé publique

L2213-2

21

Code de la santé publique

L2213-3

21

Code de la santé publique

L2213-4 [nouveau]

21

Code de la santé publique

L2213-5 [nouveau]

22

Code de la santé publique

L2141-11

23

Code de la santé publique

L1132-1

23

Code de la santé publique

L4161-1

24

Code de la santé publique

L1131-1-3

24

Code de la santé publique

L2131-1

25

Code de la santé publique

Chapitre préliminaire au titre III du livre Ier de la première partie [nouveau – art L11301 et L1130-2]

25

Code de la santé publique

L1131-6

26

Code de la santé publique

L1211-8

26

Code de la santé publique

Chapitre XI du titre III du livre Ier de la cinquième partie [nouveau - art L513111 à L513-11-4]

26

Code de la santé publique

L5311-1

27

Code de la santé publique

L1242-1

27

Code de la santé publique

L4211-9-1

27

Code de la santé publique

L5121-1

28

Code de la santé publique

L1131-2-1

28

Code de la santé publique

L1131-2-2 [nouveau]

28

Code de la santé publique

L2131-5

28

Code de la santé publique

L2141-1

28

Code de la santé publique

L2142-4

28

Code de la santé publique

L2162-6

28

Code pénal

511-25

28

Code de la santé publique

L1245-1

28

Code des douanes

38

29 A

Ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires

6 undecies [nouveau]

29

Code de la santé publique

L1412-1

29

Code de la santé publique

L1412-1-1

29

Code de la santé publique

L1412-2

29

Code de la santé publique

L1412-5

30

Code de la santé publique

L1418-1

30

Code de la santé publique

L1418-2

30

Code de la santé publique

L1418-3

30

Code de la santé publique

L1418-4

 

 

 


([1])  La composition de cette commission spéciale figure au verso de la présente page.

([2]) Lien vers la vidéo : http://videos.assemblee-nationale.fr/video.8078985_5d7698512268d.commission-speciale-bioethique--mme-agnes-buzyn-mme-nicole-belloubet-et-mme-frederique-vidal-9-septembre-2019.

([3]) http://www.assemblee-nationale.fr/15/rap-info/i1572.asp.

([4]) https://www.agence-biomedecine.fr/IMG/pdf/rapport_complet_lbe_2017_vde_f_12-01-2018.pdf.

([5]) Décision n° 99-419 DC, 9 novembre 1999.

([6]) Agence de la biomédecine, Rapport sur l’application de la loi de bioéthique, janvier 2018, p. 38.

([7]) CE, 17 avril 2019, n° 420468 et CE, 17 avril 2019, n° 420469.

([8]) Étude d’impact, p. 85.

([9]) Agence de la biomédecine, Rapport sur l’application de la loi de bioéthique, janvier 2018, p. 31.

([10]) http://www.assemblee-nationale.fr/15/rap-info/i1572.asp.

([11]) CE, 17 avril 2019, n° 420468 et CE, 17 avril 2019, n° 420469.

([12]) Agence de la biomédecine, Rapport sur l’application de la loi de bioéthique, janvier 2018, p. 31.

([13]) Arrêté du 30 juin 2017 modifiant l’arrêté du 11 avril 2008 modifié relatif aux règles de bonnes pratiques cliniques et biologiques d’assistance médicale à la procréation.

([14]) Rapport de la mission d’information sur la révision de la loi relative à la bioéthique.

([15]) Arrêté du 30 juin 2017 précité.

([16]) Étude d’impact, p. 52.

([17]) Conseil d’État, Révision de la loi de bioéthique : quelles options pour demain ?, 28 juin 2018, p. 46.

([18]) Étude d’impact, p.53.

([19]) Étude d’impact p.53.

([20]) Étude d’impact, p.53.

([21]) Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle.

([22]) Étude d’impact, p. 60.

([23]) Étude d’impact, p.60.

([24]) Étude d’impact, p. 92.

([25]) Agence de la biomédecine, Rapport sur l’application de la loi de bioéthique, janvier 2018, p. 35.

([26]) Agence de la biomédecine, Rapport sur l’application de la loi de bioéthique, janvier 2018, p. 34.

([27]) Agence de la biomédecine, Le rapport médical et scientifique de l'assistance médicale à la procréation et de la génétique humaines en France, 2017.             
(https://www.agence-biomedecine.fr/annexes/bilan2017/donnees/procreation/01-amp/synthese.htm)

([28]) Arrêté du 30 juin 2017 modifiant l'arrêté du 11 avril 2008 modifié relatif aux règles de bonnes pratiques cliniques et biologiques d'assistance médicale à la procréation.

([29]) Agence de la biomédecine, Le rapport médical et scientifique de l'assistance médicale à la procréation et de la génétique humaines en France, 2017.

([30]) Étude d’impact, p. 95.

([31]) Article R. 1244-2 du code de la santé publique.

([32]) Décret n° 2015-1281 du 13 octobre 2015 relatif au don de gamètes.

([33]) Arrêté du 24 décembre 2015 pris en application de l'article L. 2141-1 du code de la santé publique et modifiant l'arrêté du 3 août 2010 modifiant l'arrêté du 11 avril 2008 relatif aux règles de bonnes pratiques cliniques et biologiques d'assistance médicale à la procréation.

([34]) Article R. 1244-2 précité.

([35]) Article R. 1244-2 précité.

([36]) Étude d’impact, p. 92.

([37]) Étude d’impact.

([38]) L’étude d’impact comme le rapport de la mission d’information sur la révision de la loi de bioéthique y consacrent de longs développements.

([39]) Étude d’impact, p. 113.

([40]) Étude d’impact, p. 114.

([41]) Étude d’impact, p 114.

([42]) Étude d’impact, p. 114.

([43]) Étude d’impact, p. 110.

([44]) Étude d’impact, p. 115.

([45]) Étude d’impact, p. 117.

([46]) Édouard Crépey, conclusions sur avis CE, 13 juin 2013, n° 362981,  « Anonymat du donneur de gamètes et respect de la vie privée », RFDA, 2013.

([47]) « Les conventions ayant pour effet de conférer une valeur patrimoniale au corps humain, à ses éléments ou à ses produits sont nulles ».

([48]) « Aucune rémunération ne peut être allouée à celui qui se prête à une expérimentation sur sa personne, au prélèvement déléments de son corps ou à la collecte de produits de celui-ci ».

([49]) Rapport n° 2871 fait au nom de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de la loi relatif à la bioéthique et présenté par M. Bernard Bouliac, rapporteur, Assemblée nationale, Xe législature, 30 juin 1992.

([50]) JO Débats AN 1992, p. 5927.

([51]) Rapport n° 3111 fait au nom de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de la loi relatif à la bioéthique et présenté par M. Jean Leonetti, rapporteur, Assemblée nationale, XIIIe législature, 26 janvier 2011.

([52]) Sa commission des affaires sociales avait en effet rétabli les dispositions en cause dans une version qui allait plus loin que celle proposée initialement par le gouvernement.

([53]) Rapport n° 388 fait au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la bioéthique et présenté par M. Alain Million, Sénat, session ordinaire 2010-2011, 30 mars 2011.

([54]) Taille, poids, groupe sanguin, couleur de peau, couleur des yeux et couleur des cheveux.

([55]) Audition du 3 octobre 2018.

([56]) Il s’agit des structures autorisées par les agences régionales de santé à mettre en œuvre les activités relatives au don de gamètes, introduites par la loi du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique.

([57]) Deuxième à quatrième alinéas de l’article L. 1244-6 du code de la santé publique.

([58]) Décision n° 74-54 DC du 15 janvier 1975 Loi relative à linterruption volontaire de grossesse, cons. 1, et décision n° 2001-446 DC du 27 juin 2001 Loi relative à linterruption volontaire de grossesse et à la contraception, cons. 4.

([59]) Décision n° 2010-2 QPC du 11 juin 2010 Mme Viviane L. (loi dite « anti-Perruche »), cons. 4.

([60]) Décision n° 94-343/344 DC du 27 juillet 1994 Loi relative au respect du corps humain et loi relative au don et à lutilisation des éléments et produits du corps humain, à lassistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal, cons. 11.

([61]) Décision n° 2012-248 QPC du 16 mai 2012 M. Mathieu E., cons. 8.

([62]) Décision n° 2019-778 DC du 21 mars 2019 Loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, cons. 60 et décision n° 2018-768 QPC du 21 mars 2019 Examens radiologiques osseux aux fins de détermination de lâge, cons. 5 et 6.

([63]) Cass. civ. 1ère, 7 avril 2006, n° 05-11285, Bull. civ., I, n° 195. La Cour garantit le droit de l’enfant à connaître son père en limitant les pouvoirs de la mère en cas d’accouchement dans le secret.

([64]) CEDH, 7 juillet 1989, Gaskin c/ Royaume-Uni, série A n° 160, à propos d’un adulte demandant à accéder au dossier tenu par les services sociaux sur le pupille de l’assistance publique qu’il avait été dans son enfance et affirmant souffrir de maux psychologiques trouvant leur source dans les maltraitances qu’il aurait subies à cette époque.

([65]) CEDH, 7 février 2002, Mikulić c/ Croatie, n° 53176/99.

([66]) Voir notamment, à propos de la problématique de l’accouchement dans le secret, les arrêts CEDH, Grande chambre, 13 février 2003, Odièvre c/ France, n° 42326/98 et CEDH, 25 septembre 2012, Godelli c/ Italie, n° 33783/09.

([67]) Arrêt Odièvre c/ France précité.

([68]) CEDH, 2 juin 2015, Canonne c/ France, n° 22037/13.

([69]) CEDH, 10 avril 2017, Evans c/ Royaume Uni, n° 6339/05 ; 2 février 2002, Fretté c/ France, n° 36515/97.

([70]) CE, 13 juin 2013, n° 362981 ; voir aussi CE, 12 novembre 2015, n° 372121 et CE, 28 décembre 2017, n° 396571.

([71]) Geneviève Delaisi de Parseval, « Le devenir psychique des enfants conçus par AMP ou les enfants des couples infertiles », Réalités pédiatriques, n° 226, décembre 2018.

([72]) Mmes Irène Théry et Anne-Marie Leroyer (dir.), Filiation, origines, parentalité - Le droit face aux nouvelles valeurs de responsabilité générationnelle, p. 221.

([73]) Conseil d’État, Révision de la loi de bioéthique : quelles options pour demain ?, 28 juin 2018.

([74]) Cf. commentaire de l’article 10 du projet de loi.

([75]) Aujourd’hui, plus de quinze millions de personnes figurent dans les quatre principales bases de données existantes – 23andme, AncestryDNA, MyHeritage et Family Tree DNA – et ce nombre ne cesse de croître.

([76]) Audition du 16 octobre 2018.

([77]) Comité consultatif national d’éthique, Contribution du Comité consultatif national d’éthique à la révision de la loi de bioéthique, avis n° 129, septembre 2018.

([78]) Rapport n° 1572 déposé par la mission d’information sur la révision de la loi relative à la bioéthique et présenté par M. Xavier Breton, président, et M. Jean-Louis Touraine, rapporteur, Assemblée nationale, XVe législature, 15 janvier 2019.

([79]) Le dispositif ainsi mis en place s’adresse aux personnes pupilles de l’État ou adoptées qui ne connaissent pas l’identité de leurs parents de naissance car ceux-ci ont demandé la préservation du secret de leur identité lors de l’accouchement (nés sous X) ou lorsqu’ils ont confié l’enfant à un service départemental de l’aide sociale à l’enfance ou à un organisme autorisé pour l’adoption. Il s’adresse également aux parents de naissance qui, ayant demandé le secret de leur identité, peuvent à tout moment s’adresser au CNAOP pour lever ce secret ou, n’ayant donné aucun renseignement, décident de déclarer leur identité. Cette mission est assurée en liaison avec les départements, les collectivités d’outre-mer et les organismes autorisés pour l’adoption. Le CNAOP reçoit les demandes d’accès à la connaissance de ses origines formulées par l’enfant, les déclarations de la mère autorisant le Conseil à lever le secret, les déclarations d’identité formulées par les ascendants, les descendants et les collatéraux privilégiés, ainsi que les demandes du père ou de la mère s’enquérant de leur recherche éventuelle par l’enfant (article L. 147-2 du code de l’action sociale et des familles). Le CNAOP peut communiquer les éléments dont il dispose afin de permettre à l’enfant de connaître l’identité de sa mère, si celle-ci en est d’accord, ou, au moins d’avoir accès aux renseignements réunis lors de la naissance ou ultérieurement, dans la mesure où ils ne portent pas atteinte à l’identité des père et mère de naissance (article L. 147-2 du même code). En toute hypothèse, « laccès dune personne à ses origines est sans effet sur létat civil et la filiation. Il ne fait naître ni droit ni obligation au profit ou à la charge de qui que ce soit » (article L. 147-7).

([80]) Dans sa rédaction issue de la loi du 22 janvier 2002, l’article L. 147-7 du code de l’action sociale et des familles dispose que « Laccès dune personne à ses origines est sans effet sur létat civil et la filiation. Il ne fait naître ni droit ni obligation au profit ou à la charge de qui que ce soit ».

([81]) Avis n° 126, Les demandes sociétales de recours à lassistance médicale à la procréation, 15 juin 2017.

([82]) Rapport n° 1351 fait au nom de l’Office parlementaire dévaluation des choix scientifiques et technologiques sur l’évaluation de l’application de la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique par M. Jean-François Éliaou, député, et Mme Annie Delmont-Koropoulis, sénatrice, Assemblée nationale, XVe législature, 25 octobre 2018.

([83]) Étude d’impact.

([84]) Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, Rapports et études, Don anonyme de sperme et dovocytes : trouver un équilibre entre les droits des parents, des donneurs et des enfants, Mme Petra de Sutter, 21 janvier 2019.

([85]) Commission nationale consultative des droits de l’homme, Avis relatif à l’assistance médicale à la procréation, 20 novembre 2018.

([86]) Défenseur des droits Avis n° 18-23, 10 octobre 2018.

([87]) Rapport n° 1572 déposé par la mission d’information sur la révision de la loi relative à la bioéthique et présenté par M. Xavier Breton, président, et M. Jean-Louis Touraine, rapporteur, Assemblée nationale, XVe législature, 15 janvier 2019.

([88]) Avis sur le projet de loi, 18 juillet 2019.

([89]) Cf. commentaire de l’article 30.

([90]) Il est composé d’un magistrat de l’ordre judiciaire, d’un membre de la juridiction administrative, de représentants des ministres concernés, d’un représentant des conseils départementaux, de trois représentants d’associations de défense des droits des femmes, d’un représentant d’associations de familles adoptives, d’un représentant d’associations de pupilles de l’État, d’un représentant d’associations de défense du droit à la connaissance de ses origines, et de deux personnalités que leurs expérience et compétence professionnelles médicales, paramédicales ou sociales qualifient particulièrement pour l’exercice de fonctions en son sein.

([91]) Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE.

([92]) Cf. commentaire des articles 1er et 2 du présent projet de loi qui modifient ces articles.

([93]) Agence de la biomédecine, Rapport sur l’application de la loi de bioéthique, janvier 2018.

([94]) INED, Populations et sociétés, n° 556, juin 2018.

([95]) Conseil d’État, Révision de la loi de bioéthique : quelles options pour demain ?, 28 juin 2018.

([96]) Deux règles permettent de rattacher l’enfant à sa mère ou à son père, de façon instantanée, par le seul effet de la loi. L’article 311-25 du code civil prévoit que la filiation est établie, à l’égard de la mère, par la désignation de celle-ci dans l’acte de naissance de l’enfant tandis que l’article 312 du même code énonce que l’enfant conçu ou né pendant le mariage a pour père le mari. mari, qui a consenti à accueillir lors du mariage tous les enfants à venir.

([97]) La filiation peut être « établie par une reconnaissance de paternité ou de maternité, faite avant ou après la naissance » en application de l’article 316 du code civil. La reconnaissance n’établit la filiation qu’à l’égard de son auteur. Elle est faite dans l’acte de naissance, par acte reçu par l’officier de l’état civil ou par tout autre acte authentique. L’acte comporte la mention que l’auteur de la reconnaissance a été informé du caractère divisible du lien de filiation ainsi établi. La loi n° 2018-7778 du 10 septembre 2018 a précisé que l’acte de reconnaissance est établi sur déclaration de son auteur, qui justifie de son identité et de son domicile.

([98]) La possession d’état consiste dans « une réunion suffisante de faits qui révèlent le lien de filiation et de parenté entre une personne et la famille à laquelle elle est dite appartenir » (article 311-1 du code civil). Aux termes de l’article 317 du code civil tel que modifié par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, qui a transféré du juge au notaire la compétence en matière d’acte de notoriété constatant la possession d’état aux fins d’établissement de la filiation, elle est constatée dans un acte de notoriété délivré par le notaire à la demande de l’un ou des deux parents ou de l’enfant. L’acte de notoriété est établi sur la foi des déclarations d’au moins trois témoins et de tout autre document qui attestent une réunion suffisante de faits. L’acte de notoriété est signé par le notaire et par les témoins. Sa délivrance ne peut être demandée que dans un délai de cinq ans à compter de la cessation de la possession d’état alléguée ou à compter du décès du parent prétendu, y compris lorsque celui-ci est décédé avant la déclaration de naissance. La filiation établie par la possession d’état constatée dans l’acte de notoriété est mentionnée en marge de l’acte de naissance de l’enfant.

([99]) « Tous les enfants dont la filiation est légalement établie ont les mêmes droits et les mêmes devoirs dans leurs rapports avec leur père et mère. Ils entrent dans la famille de chacun deux ».

([100]) « Ladopté a, dans la famille de ladoptant, les mêmes droits et les mêmes obligations quun enfant dont la filiation est établie en application du titre VII du présent livre ».

([101]) Filiation, origines, parentalité. Le droit face aux nouvelles valeurs de responsabilité générationnelle, rapport du groupe de travail dirigé par Irène Théry et Anne-Marie Leroyer, 2014.

([102]) L’article 6 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a supprimé la compétence concurrentielle du juge et du notaire, prévue par l’article 311-20 du code civil et reprise par l’article L. 2141-10 du code de la santé publique, en matière de recueil du consentement à l’assistance médicale à la procréation nécessitant l’intervention d’un tiers donneur, au profit de la compétence exclusive du notaire. Il l’a également étendue au recueil du consentement du couple qui a recours à une assistance médicale à la procréation avec accueil d’embryon, qui était subordonné, aux termes de l’article L. 2141-6 du code de la santé publique, à une décision de l’autorité judiciaire. Ce même article 6 a par ailleurs exonéré ces deux procédures de droits d’enregistrement.

([103]) L’article 22 de la loi n° 2019-222 remplace, à compter d’une date fixée par décret en Conseil d’État et au plus tard le 1er septembre 2020, le dépôt d’une requête en divorce ou en séparation de corps par l’introduction d’une demande en divorce ou en séparation de corps, conformément à la réforme d’ensemble de la procédure de divorce contentieux prévue par ce même article.

([104]) Cf. commentaire de l’article 3.

([105]) CCNE, avis n° 126 sur les demandes sociétales de recours à l’assistance médicale à la procréation (AMP), 15 juin 2017.

([106]) La Cour de cassation considère qu’une telle reconnaissance ne constitue pas un délit (Cass. crim. 8 mars 1988, n°87-92108).

([107]) « Tant quelle na pas été contestée en justice, la filiation légalement établie fait obstacle à létablissement dune autre filiation qui la contredirait ».

([108]) Alinéa 1°bis de l’article 345-1 du code civil.

([109]) Cass., avis n° 15010 et 15011, 22 septembre 2014.

([110]) Il ne serait pas possible d’ouvrir l’accès à l’AMP aux seuls couples de femmes mariés alors qu’une telle restriction n’existe pas pour les couples hétérosexuels.

([111]) Conseil d’État, étude précitée.

([112]) Audition du 18 octobre 2018.

([113]) Cass. civ. 1ère, avis n° 15003, 7 mars 2018.

([114]) Cass. civ. 1ère, n° 17-11.069, 28 février 2018.

([115]) « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit ».

([116]) « La loi doit être la même pour tous, soit quelle protège, soit quelle punisse ».

([117]) Décision n° 2019-778 DC du 21 mars 2019, Loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, cons. 60 et décision n° 2018-768 QPC du 21 mars 2019, Examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l’âge, cons. 5 et 6.

([118]) Décision n° 79-107 DC du 12 juillet 1979, Loi relative à certains ouvrages reliant les voies nationales ou départementales.

([119]) Cons. n° 50 et n° 51.

([120]) Cons. n° 51.

([121]) Dans son considérant n° 49, il a indiqué : « Considérant, en premier lieu que, dune part, en permettant ladoption par deux personnes de même sexe ou au sein dun couple de personnes de même sexe, le législateur, compétent pour fixer les règles relatives à létat et à la capacité des personnes en application de larticle 34 de la Constitution, a estimé que lidentité de sexe des adoptants ne constituait pas, en elle-même, un obstacle à létablissement dun lien de filiation adoptive ; quil nappartient pas au Conseil constitutionnel de substituer son appréciation à celle du législateur sur la prise en compte, pour létablissement dun lien de filiation adoptive, de la différence entre les couples de personnes de même sexe et les couples formés dun homme et dune femme ».

([122]) CEDH, Grande chambre, X. et autres c/ Autriche, 19 février 2013, n° 19010/07.

([123]) CEDH, Boeckel et Gessner-Boeckel c/ Allemagne, 7 mai 2013, n° 8017/11.

([124]) Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Finlande, Malte, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni et Suède.

([125]) En Belgique, l’épouse de la mère devient la « co-parente » par le jeu de la présomption de co-maternité si l’enfant est né pendant le mariage ou dans les trois cents jours qui suivent sa dissolution ou son annulation ; si le couple n’est pas marié, la femme qui a consenti avec la mère à l’assistance médicale à la procréation devient co-parente par la reconnaissance de l’enfant, avant ou après sa naissance, qui est subordonnée au consentement de la mère. En Autriche, la partenaire de la femme qui a accouché est parent par présomption si l’enfant est né au moins 300 jours après le début du partenariat, ou si elle l’a reconnu.

([126]) Étude d’impact du projet de loi.

([127]) Décision n° 2013-669 DC du 17 mai 2013, Loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe et CEDH, Boeckel et Gessner-Boeckel c/ Allemagne, 19 février 2013, n° 8017/11.

([128]) « Tous les enfants dont la filiation est légalement établie ont les mêmes droits et les mêmes devoirs dans leurs rapports avec leur père et mère. Ils entrent dans la famille de chacun d’eux ».

([129]) « L’adopté a, dans la famille de l’adoptant, les mêmes droits et les mêmes obligations qu’un enfant dont la filiation est établie en application du titre VII du présent livre ».

([130]) Étude d’impact du projet de loi.

([131]) Conseil d’État, étude précitée.

([132]) Étude d’impact du projet de loi.

([133]) La reconnaissance est mentionnée explicitement et la présomption se déduit de l’indication du mariage des parents (cf. I.A.3.).

([134]) Ces deux articles ont été modifiés par la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 afin de prévoir que si les parents ne parviennent pas à se mettre d’accord, l’enfant portera leurs deux noms dans la limite du premier nom de famille pour chacun d’eux accolés selon l’ordre alphabétique.

([135]) Décision n° 2013-669 DC du 17 mai 2013, Loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe. Dans son considérant n° 68, le Conseil a estimé « quen réservant lapplication de cette règle au cas de désaccord entre les parents signalé par lun deux à lofficier de létat civil au plus tard au jour de la déclaration de naissance, le législateur a instauré une différence de traitement rendue nécessaire par la différence entre des formalités relatives à la dévolution du nom de famille, dune part, en cas de filiation et, dautre part, en cas de filiation adoptive ; que cette différence de traitement ne méconnaît pas le principe dégalité ; que, par suite, le grief tiré de sa méconnaissance doit être écarté ».

([136]) Agence de la biomédecine, Rapport sur l’application de la loi de bioéthique, janvier 2018, p. 14.

([137]) Agence de la biomédecine, Rapport sur l’application de la loi de bioéthique, janvier 2018, p. 15.

([138]) Étude d’impact, pp. 205-206.

([139]) Étude d’impact, p. 208.

([140]) Étude d’impact, p 209.

([141]) Article R. 1231-1-1 du code de la santé publique.

([142]) Étude d’impact, p. 217.

([143]) Agence de la biomédecine, Le rapport médical et scientifique de l’Agence de la biomédecine, 2017 (https://www.agence-biomedecine.fr/annexes/bilan2017/donnees/cellules/01-centres/synthese.htm).

([144])  Hors sang placentaire.

([145]) https://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2019-01/zalmoxis_pic_ins_avis3_modifiele15012019_ct16901.pdf.

([146]) Ibid.

([147]) Agence de la biomédecine, Rapport sur l’application de la loi de bioéthique, janvier 2018, p. 20.

([148]) La faculté de consentir fait l’objet d’une estimation par le juge des tutelles.

([149]) Étude d’impact, p. 230.

([150])  Loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance.

([151]) Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

([152]) Article 440 du code civil.

([153]) Article 433 du code civil.

([154]) Article 437 du code civil.

([155]) Article 438 du code civil.

([156]) Cour des comptes, « La protection juridique des majeurs, Une réforme ambitieuse, une mise en œuvre défaillante », Communication à la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale, septembre 2016.

([157]) Mme Anne Caron Déglise, L’évolution de la protection juridique des personnes Reconnaître, soutenir  et protéger les personnes les plus vulnérables, rapport de mission interministérielle, septembre 2018.

([158]) Mme Caroline Dabadie, et M. Aurélien Pradié, Rapport d’information sur les droits fondamentaux des majeurs protégés, XVe législature, session ordinaire 2018-2019, 26 juin 2019, n° 2075.

([159]) Article 9 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

([160]) Mme Caroline Dabadie, et M. Aurélien Pradié, Rapport d’information sur les droits fondamentaux des majeurs protégés, XVè législature, session ordinaire 2018-2019, 26 juin 2019, n° 2075.

([161]) Étude d’impact, p. 237.

([162]) Étude d’impact, p. 237.

([163]) Loi n° 2004-800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique.

([164]) Conseil d’État, Les lois de bioéthique, cinq ans après, La Documentation française, 1999 (https://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/994001756.pdf).

([165]) Lorsque celle-ci ne consiste pas en une mesure d’assistance.

([166]) Agence de la biomédecine : https://genetique-medicale.fr/la-genetique-medicale-et-vous/les-differents-examens-genetiques/article/les-differents-examens-genetiques.

([167]) Agence de la biomédecine, Ibid.

([168]) L’examen des caractéristiques génétiques peut être mise en œuvre à des fins de recherches scientifiques. Cette recherche peut être effectuée concomitamment à une recherche impliquant la personne humaine (RIPH) ou dans le cadre d’une recherche dans le domaine de la santé. On se reportera au commentaire de l’article 18 à cet effet.

([169]) Article L. 2131-2, R. 2131-1 et R. 2131-2 du code de la santé publique.

([170]) Article R. 1131-5 du code de la santé publique.

([171]) Article R. 2131-2 du code de la santé publique.

([172]) Arrêté du 8 décembre 2014 définissant les règles de bonnes pratiques relatives à la mise en œuvre de l'information de la parentèle dans le cadre d'un examen des caractéristiques génétiques à finalité médicale.

([173]) Jean-René Binet, Droit de la bioéthique, LGDJ, Lextenso Editions, 2017, p. 274.

([174]) Article L. 1211-2 du code de la santé publique.

([175]) Article L. 1211-2 du code de la santé publique.

([176]) Proposition de loi relative à l'autorisation d'analyses génétiques sur personnes décédées n° 273 de M. Alain Milon et plusieurs de ses collègues, déposée au Sénat le 5 février 2018.

([177]) Étude d’impact, p. 243.

([178]) Étude d’impact, p. 247 (note de bas de page).

([179]) Étude d’impact, p. 253.

([180]) Étude d’impact, p. 247.

([181])  Ces dispositions sont aujourd’hui précisées par l’article L. 1131-1-2.

([182]) Article R. 1131-20-1 du code la santé publique.

([183]) Étude d’impact, p. 263.

([184]) L’article 25 du projet de loi propose toutefois d’introduire dans le code de la santé publique un article L. 1130-1 qui donne une définition de l’examen des caractéristiques génétiques applicable tant aux finalités médicales que de recherche scientifique : « Lexamen des caractéristiques génétiques constitutionnelles consiste à analyser les caractéristiques génétiques dune personne héritées ou acquises à un stade précoce du développement prénatal ».

([185]) Arrêté du 12 avril 2018 fixant la liste des recherches mentionnées au 3° de l’article L. 1121-1 du code de la santé publique, annexe 1.

([186]) Article L. 1132-1 du code du travail.

([187]) Article 226-25 du code pénal.

([188]) Article 226-26 du code pénal, repris à l’article L. 1133-2 du code de la santé publique.

([189]) La Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine du 4 avril 1997, dite Convention d’Oviedo, a été ratifiée par la France le 13 décembre 2011. Cette convention, de portée contraignante, consacre la dignité de l’être humain et la protection des droits fondamentaux de la personne. Elle reconnaît notamment la liberté de la recherche, la protection des informations relatives à la santé de la personne, la nondiscrimination en raison du patrimoine génétique, la protection des personnes se prêtant à une recherche, le consentement des personnes à une intervention dans le domaine de la santé. Elle interdit de constituer des embryons humains aux fins de recherche et de faire du corps humain une source de profit.

([190]) Article R. 1131-4 du code de la santé publique.

([191]) Articles L. 1111-2 et L. 1111-7 du code de la santé publique.

([192]) Article L. 1131-1-3 du code de la santé publique.

([193]) Article R. 1131-19 du code de la santé publique.

([194]) Haute autorité de santé, Règles de bonnes pratiques en génétique constitutionnelle à des fins médicales (hors diagnostic prénatal), février 2013.

([195]) Chacune de ces recherches fait intervenir un comité de protection des personnes dont l’avis conditionne sa mise en œuvre. La mission de ce comité consiste essentiellement à s’assurer que les protocoles de recherche sont en tout point conformes aux exigences éthiques requises. Le respect du consentement aux recherches, inhérent au respect de la dignité humaine, fait l’objet d’une attention particulière.

([196]) Article L. 1122-1-2 du code de la santé publique.

([197]) Article L. 1122-2 du code de la santé publique.

([198]) Lorsque la personne est un mineur ou un majeur en tutelle, l’opposition est exprimée par les titulaires de l’autorité parentale ou le tuteur. Lorsque la personne est un majeur hors d’état d’exprimer son consentement et ne faisant pas l’objet d’une tutelle, l’opposition est exprimée par la personne de confiance, à défaut de celle-ci, par la famille ou, à défaut, par une personne entretenant avec l’intéressé des liens étroits et stables.

([199]) Article 226-25 du code pénal.

([200]) Conseil d’État, Révision de la loi de bioéthique : quelles options pour demain ?, 2018 et La révision des Lois de bioéthique, 2009.

([201]) Agence de la biomédecine, Rapport sur lapplication de la loi de bioéthique, janvier 2018.

([202]) « La volonté d’une personne d’être tenue dans l’ignorance d’un diagnostic ou d’un pronostic doit être respectée, sauf lorsque des tiers sont exposés à un risque de transmission ».

([203]) Définition introduite par Martin Lee Minsky, cofondateur, en 1959, du Groupe d’intelligence artificielle du Massachusetts Institute of Technology (MIT), cité dans CNIL, Comment permettre à lHomme de garder la main ? Les enjeux éthiques des algorithmes et de lintelligence artificielle, décembre 2017.

([204]) Ce régime est défini par les articles L. 52111 et suivants du code de la santé publique, qui transposent les dispositions issues des directives 93/42/CEE et 90/385/CEE. Ce cadre, remanié par le règlement (UE) 2017/745 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2017 relatif aux dispositifs médicaux, dont la plupart des dispositions seront applicables à partir du 26 mai 2020, fera l’objet de modifications aux fins d’adaptation au nouveau règlement par voie d’ordonnance (cf. commentaire de l’article 31).

([205]) Article 9 du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (RGPD), auquel font écho les dispositions de l’article 8 de la loi du 6 janvier 1978.

([206]) Conseil d’État, Révision de la loi de bioéthique : quelles options pour demain ?, 28 juin 2018.

([207]) Référence directe à l’intelligence artificielle, la notion de « traitement algorithmique de données massives » peut être définie comme le traitement fondé sur la description d’une suite finie et non ambiguë d’étapes ou d’instructions permettant d’obtenir un résultat à partir d’un nombre important de données ou de données de taille importante.

([208]) La référence aux professionnels de santé couvre les professions médicales (médecins, sages-femmes et odontologistes) mais également les professions de la pharmacie et de la physique médicale (pharmacies, préparateurs en pharmacie, physiciens médicaux) ainsi que les professions d’auxiliaires médicaux (infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, etc.).

([209]) Ce principe de garantie humaine a été défini par le Comité consultatif national d’éthique dans son avis n° 129 comme « la garantie dune supervision humaine de toute utilisation du numérique en santé, et lobligation dinstaurer pour toute personne le souhaitant et à tout moment la possibilité dun contact humain en mesure de lui transmettre lensemble des informations la concernant dans le cadre de son parcours de soins ».

([210]) Comité consultatif national d’éthique, Contribution à la révision de la loi de bioéthique, avis n° 129, 18 septembre 2018, Numérique et santé : quels enjeux éthiques pour quelles régulations ?, rapport du groupe de travail commandé par le Comité consultatif national d’éthique, 19 novembre 2018, Données massives et santé : Une nouvelle approche des enjeux éthiques, avis n° 130, 29 mai 2019.

([211]) Rapport n° 1572 déposé par la mission d’information sur la révision de la loi relative à la bioéthique et présenté par M. Xavier Breton, président, et M. Jean-Louis Touraine, rapporteur, Assemblée nationale, XVe législature, 15 janvier 2019.

([212]) Interprétation des dispositifs d’imagerie ou d’électrocardiogrammes, par exemple.

([213]) Conseil d’État, Révision de la loi de bioéthique : quelles options pour demain ?, 28 juin 2018.

([214]) Les experts en intelligence artificielle rappellent à cet égard qu’en l’état actuel de la recherche, les résultats fournis par les systèmes d’apprentissage automatique ne sont pas toujours explicables. Le risque peut être majoré lorsque la règle de décision utilisée par l’algorithme est difficilement explicable, parce que le praticien maîtrise mal cette nouvelle technologie, voire qu’il devient impossible de l’expliquer, par construction, pour certains modes d’apprentissage de l’intelligence artificielle (« deep learning »), pour lesquels l’algorithme développé par le traitement reste opaque (« boîte noire »).

([215]) CNIL, Comment permettre à lhomme de garder la main ? Les enjeux éthiques des algorithmes et de lintelligence artificielle, décembre 2017.

([216]) Conseil d’État, Révision de la loi de bioéthique : quelles options pour demain ?, 28 juin 2018.

([217]) Audition par la mission d’information sur la révision de la loi relative à la bioéthique, 23 octobre 2018

([218]) En effet, l’exigence d’information sur laquelle se fonde le consentement libre et éclairé du patient à un acte ou à un traitement médical porte sur « leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles quils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus » (article L. 1111-2 du code de la santé publique). Cette information n’a pas à inclure l’utilisation d’un traitement algorithmique de données massives, dès lors que cette utilisation n’est pas, par elle-même, porteuse de risques pour la santé du patient.

([219]) Avis n° 129 précité.

([220]) Rapport n° 1572 précité.

([221]) Avis sur le projet de loi, 4 juillet 2019.

([222]) Délibération n° 2019-097 du 11 juillet 2019 portant avis sur un projet de loi relatif à la bioéthique.

([223]) Les actions de l’algorithme désignent les interventions d’un traitement algorithmique de données massives. Par exemple, dans le cas du pancréas artificiel destiné aux personnes diabétiques, on considère que chacune des doses d’insuline qu’il administre au patient à partir de l’analyse des informations reçues en continu sur sa glycémie, constitue une action, et non une décision.

([224]) L’imagerie cérébrale comprend les nombreuses techniques permettant de voir le cerveau : imagerie par résonance magnétique (IRM), tomographie ou encore électroencéphalographie.

([225]) L’article 122-1 du code pénal prévoit que « n’est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, dun trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes.

La personne qui était atteinte, au moment des faits, dun trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes demeure punissable. Toutefois, la juridiction tient compte de cette circonstance lorsquelle détermine la peine et en fixe le régime. Si est encourue une peine privative de liberté, celle-ci est réduite du tiers ou, en cas de crime puni de la réclusion criminelle ou de la détention criminelle à perpétuité, est ramenée à trente ans. La juridiction peut toutefois, par une décision spécialement motivée en matière correctionnelle, décider de ne pas appliquer cette diminution de peine. Lorsque, après avis médical, la juridiction considère que la nature du trouble le justifie, elle sassure que la peine prononcée permette que le condamné fasse lobjet de soins adaptés à son état ».

([226]) Rapport n° 3111 fait au nom de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de la loi relatif à la bioéthique et présenté par M. Jean Leonetti, rapporteur, Assemblée nationale, XIIIe législature, 26 janvier 2011.

([227]) Rapport n° 4469 fait au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et techniques sur l’impact et les enjeux des nouvelles technologies d’exploration et de thérapie du cerveau, par MM. Alain Claeys et Jean-Sébastien Vialatte, députés, Assemblée nationale, XIIIe législature, 13 mars 2012.

([228]) De la même manière, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, dans son rapport du 25 octobre 2018, constate qu’« en létat actuel de la législation, il demeure un risque demploi abusif, quant à leur valeur prédictive réelle et étayée, des techniques dimagerie cérébrale fonctionnelle dans le cadre des expertises judiciaires » et appelle, conformément aux conclusions de son rapport du 13 mars 2012, à ce que soient mieux précisés le cadre et la finalité du recours à ces techniques.

([229]) Avis n° 129 précité.

([230]) Comité consultatif national d’éthique, Enjeux éthiques de la neuroimagerie fonctionnelle, avis n° 116, 23 février 2012.

([231]) De nombreux garde-fous existent, en particulier le fait que les preuves judiciaires reposent sur un système inquisitoire et qu’une telle expertise ne peut être imposée à l’intéressé, qu’elle ne constitue qu’un élément parmi d’autres dans le cadre du procès, soumis au débat contradictoire y compris quant à la méthode employée, et qu’elle ne saurait, comme l’a rappelé la Cour de cassation (Cass. Crim., 29 janvier 2003, n° 02/86.774), se substituer à l’appréciation du juge sur les questions qui relèvent de son office.

([232]) L’article 225-1 du code pénal dispose que « Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de leur patronyme, de leur état de santé, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs mœurs, de leur orientation sexuelle, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. Constitue également une discrimination toute distinction opérée entre les personnes morales à raison de lorigine, du sexe, de la situation de famille, de lapparence physique, du patronyme, de létat de santé, du handicap, des caractéristiques génétiques, des mœurs, de lorientation sexuelle, de lâge, des opinions politiques, des activités syndicales, de lappartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée des membres ou de certains membres de ces personnes morales ».

([233]) Conseil d’État, Révision de la loi de bioéthique : quelles options pour demain ?, 28 juin 2018, p. 189.

([234]) Contrôle par la personne de sa propre activité cérébrale pour la modifier à son profit.

([235]) Comme les anxiolytiques – essentiellement les benzodiazépines comme le diazepam ou le valium –, les antidépresseurs, notamment ceux qui augmentent la sérotonine cérébrale telle que la fluoxetine, les inhibiteurs de la cholinestérase, indiqués dans le traitement de la maladie d’Alzheimer, ou les stimulants cognitifs comme la méthylphénidate indiquée dans le traitement du trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité de l’enfant et de l’adolescent.

([236]) Il s’agit en particulier de la directive 2001/83/CE, du règlement (CE) n° 726/2004 du 31 mars 2004 et du règlement (UE) n° 1235/2010 du 15 décembre 2010.

([237]) Il s’agit, par exemple, de :

– neuro-modulateurs implantables utilisés dans le traitement des troubles mictionnels et de l’incontinence fécale ;

– dispositifs médicaux de neurostimulation comme les appareils de neurostimulation électrique transcutanée pour le traitement des douleurs rebelles, les neuro-stimulateurs implantables utilisés dans le traitement de certaines douleurs chroniques d’origine neuropathique ou ischémique, les neurostimulateurs utilisés dans le traitement de l’épilepsie, ou encore               les systèmes de stimulation cérébrale utilisés dans le traitement de la maladie de Parkinson et dans le traitement des tremblements invalidants sévères, rebelles au traitement médical.

([238]) Les directives relatives aux dispositifs médicaux (93/42/CEE) et aux dispositifs médicaux implantables actifs (90/385/CEE) seront abrogées par le règlement (UE) 2017/745 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2017 relatif aux dispositifs médicaux qui entrera en application le 26 mai 2020.

([239]) La matériovigilance a pour objet la surveillance des incidents ou des risques d’incidents résultant de l’utilisation des dispositifs médicaux après leur mise sur le marché et vise à prendre des mesures préventives et/ou correctives appropriées pour éviter les incidents graves mettant en cause des dispositifs médicaux.

([240]) Il en va ainsi, par exemple, des techniques de neuro-modulation développées en recherche clinique qui reposent principalement sur les techniques de stimulation magnétiques transcrâniennes, comme la neuro-modulation par courants directs transcrâniens dans le contrôle du surpoids ou l’étude de l’influence de la neuro-modulation sur la consommation et le besoin d’alcool chez des personnes victimes de troubles liés à la consommation d’alcool.

([241]) Directive 2014/35/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 relative à l’harmonisation des législations des États membres concernant la mise à disposition sur le marché du matériel électrique destiné à être employé dans certaines limites de tension.

([242]) Directive 2006/66/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 septembre 2006 relative aux piles et accumulateurs ainsi qu’aux déchets de piles et d’accumulateurs et abrogeant la directive 91/157/CEE.

([243]) Directive 2014/53/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relative à l’harmonisation des législations des États membres concernant la mise à disposition sur le marché d’équipements radioélectriques et abrogeant la directive 1999/5/CE.

([244]) L’article L. 411-1 prévoit : « Dès la première mise sur le marché, les produits et les services doivent répondre aux prescriptions en vigueur relatives à la sécurité et à la santé des personnes, à la loyauté des transactions commerciales et à la protection des consommateurs. Le responsable de la première mise sur le marché dun produit ou dun service vérifie que celui-ci est conforme aux prescriptions en vigueur. À la demande des agents habilités, il justifie des vérifications et contrôles effectués » ; l’article L. 411-2 : « Tout opérateur ayant connaissance, après avoir acquis ou cédé des produits, dune non-conformité à la réglementation portant sur une qualité substantielle de tout ou partie de ces produits, en informe sans délai, par tous moyens dont il peut justifier, celui qui lui a fourni ces produits et ceux à qui il les a cédés ».

([245]) CCNE, Recours aux techniques biomédicales en vue de « neuro-amélioration » chez la personne non malade : enjeux éthiques, avis n° 122, 12 décembre 2013.

([246]) Conseil d’État, n° 349431, 17 février 2012.

([247]) Loi n° 2013-715 du 6 août 2013 tendant à modifier la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique en autorisant sous certaines conditions la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires.

([248]) Sur l’évolution du critère finaliste, se reporter au rapport de la mission d’information sur la révision de la loi relative à la bioéthique.

([249]) cf. Étude d’impact.

([250]) Article L. 2151-6 du code de la santé publique.

([251]) Étude d’impact, p. 305.

([252]) Étude d’impact, p. 306.

([253]) Agence la biomédecine, Rapport d’information au Parlement et au Gouvernement, décembre 2017, p 55.

([254]) Rapport de la mission d’information sur la révision de la loi relative à la bioéthique (http://www.assemblee-nationale.fr/15/rap-info/i1572.asp).

([255]) Étude d’impact, p. 301.

([256]) Étude d’impact, p. 308.

([257]) Comité consultatif national d’éthique, Contribution du Comité consultatif national d’éthique à la révision de la loi de bioéthique 2018-2019, Avis n° 129, septembre 2018.

([258]) « Le blastocyste, au cinquième jour suivant la fécondation, est constitué d’une couche cellulaire externe et d’une masse cellulaire interne. Le prélèvement des cellules de la masse interne (cellules souches pluripotentes) conduit à la destruction de l’embryon ».

([259]) Les cellules somatiques sont l’ensemble des cellules du corps humain à l’exception des cellules germinales.

([260]) Étude d’impact, p. 298.

([261]) Étude d’impact, p. 298.

([262]) Étude d’impact, p. 306.

([263]) Terme dérivé de la gastrulation qui constitue l’ensemble des mouvements qui mettent en place les trois feuillets embryonnaires.

([264]) https://www.unige.ch/communication/communiques/2018/des-cellules-souches-sorganisent-seules-en-pseudo-embryon/.

([265]) Agence de la biomédecine, Rapport sur l’application de la loi de bioéthique, janvier 2018, p. 58.

([266]) Étude d’impact, p.  325.

([267]) Inserm, Saisine concernant les questions liées au développement de la technologie CRISPR (clustered regularly interspac short palindromic repeat)-Cas 9, Note du comité d’éthique, février 2016.

([268]) Conseil d’État, Révision de la loi de bioéthique : quelles options pour demain ?, 28 juin 2018, p. 160.

([269]) Étude d’impact, p. 350.

([270]) Étude d’impact, p. 332.

([271]) Ibid.

([272]) Rapport au nom de l’Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), L’évaluation de l’application de la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique, 25 octobre 2018, p. 79

([273]) Étude d’impact, p. 315.

([274]) Loi n° 2011-302 du 22 mars 2011 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques.

([275]) Règlement (CE) n° 1394/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 13 novembre 2007, concernant les médicaments de thérapie innovante et modifiant la directive 2001/83/ CE ainsi que le règlement (CE) n° 726/2004.

([276]) 17° de l’article L. 5121-1 du code de la santé publique.

([277]) Chabannon, Christian ; Sabatier, Florence ; Rial-Sebbag, Emmanuelle ; Calmels Boris ; Veran, Julie ; Magalon, Guy ; Lemarie, Claude ; Mahalatchimy, Aurélie ; « Les unités de thérapie cellulaire à l’épreuve de la réglementation sur les médicaments de thérapie innovante », Med Sci (Paris), 2014, vol. 30, n° 5 ; p. 576-583 ; DOI : 10.1051/medsci/20143005022.

([278]) Étude d’impact, p. 485.

([279]) Étude d’impact, p. 485.

([280]) Étude d’impact, p. 330.

([281]) Étude d’impact, p. 332.

([282]) « Une intervention ayant pour objet de modifier le génome humain ne peut être entreprise que pour des raisons préventives, diagnostiques ou thérapeutiques et seulement si elle n'a pas pour but d'introduire une modification dans le génome de la descendance ».

([283]) Rapport explicatif de la Convention pour la protection des Droits de l'Homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine : Convention sur les Droits de l'Homme et la biomédecine, Oviedo, 4.IV.1997.

([284]) Ibid, p.15.

([285]) Ibid, p. 7.

([286]) Conseil d’État, Révision de la loi de bioéthique : quelles options pour demain ?, 28 juin 2018, p. 158.

([287]) Ibid, p. 16.

([288]) Conseil d’État, étude précitée, p. 186.

([289]) https://www.nature.com/articles/d41586-019-02275-3.

([290]) Jean-René Binet, Droit de la bioéthique, LGDJ, Lextenso Éditions, 2017,  pp. 138-139.s

([291]) Étude d’impact, p. 350.

([292]) Comité consultatif national d’éthique, Contribution du Comité consultatif national d’éthique à la révision de la loi de bioéthique 2018-2019, Avis n° 129, septembre 2018, p. 58.

([293]) Loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique.

([294]) Loi n° 2012-300 du 5 mars 2012 relative aux recherches impliquant la personne humaine.

([295]) Loi n° 2004-800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique.

([296]) Conseil d’État, La révision des lois de bioéthique, 9 avril 2009, La documentation française.

([297]) Conseil d’État, La révision des lois de bioéthique, 9 avril 2009; La Documentation française, p. 81.

([298]) Sénat, compte rendu intégral des débats, Séance du 16 novembre 2009 
(https://www.senat.fr/seances/s200911/s20091116/s20091116016.html#section2070)

([299]) Loi n° 2018-493 du 20 juin 2018 relative à la protection des données personnelles.

([300]) Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

([301]) Conseil d’État, Révision de la loi de bioéthique : quelles options pour demain ?, 28 juin 2018, p. 157.

([302]) Étude d’impact, p. 359.

([303]) Il s’agit du deuxième alinéa de l’article L. 1131-1-1 dans sa rédaction actuelle.

([304]) Étude d’impact, p. 357.

([305]) Selon l’Agence de la biomédecine, « on compte 1,4 dossier par femme en 2016 » (https://www.agence-biomedecine.fr/annexes/bilan2017/donnees/diag-prenat/02-centres/pdf/cpdpn.pdf)

([306]) Étude d’impact, p. 369.

([307]) https://www.agence-biomedecine.fr/annexes/bilan2017/donnees/diag-prenat/02-centres/pdf/cpdpn.pdf

([308]) Étude d’impact, p. 364.

([309]) Étude d’impact, p. 370.

([310]) Étude d’impact, p. 378.

([311]) Décision n° 2015-727 DC du 21 janvier 2016, considérants n° 43 et n° 44.

([312]) Étude d’impact, p. 395.

([313]) Étude d’impact, p. 395.

([314]) Étude d’impact, p. 398.

([315]) Étude d’impact, p. 399.

([316]) Idem.

([317]) La prééclampsie (également dénommée toxémie gravidique) est une hypertension artérielle gravidique associée à une protéinurie (présence de protéines dans les urines) qui peut évoluer vers l’éclampsie, qui se manifeste par l’apparition de convulsions et constitue une situation d’urgence vitale.

([318]) À ce mauvais pronostic obstétrical, il faut ajouter le mauvais pronostic familial que le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) associe aux grossesses multiples : augmentation du taux de divorce, précarisation économique, financière et sociale, etc. (avis n° 24 du 24 juin 1991).

([319]) Étude d’impact, p. 381.

([320]) Étude d’impact, p. 386.

([321]) En lieu et place de l’assistant social ou du psychologue mentionné en cas d’IMG pour motif lié à une pathologie maternelle.

([322]) Étude d’impact, p. 403.

([323]) L’article L. 1111-5 du code de la santé publique dispose que « le médecin ou la sage-femme peut se dispenser d’obtenir le consentement du ou des titulaires de l’autorité parentale sur les décisions médicales à prendre lorsque l’action de prévention, le dépistage, le diagnostic, le traitement ou l’intervention s’impose pour sauvegarder la santé d’une personne mineure, dans le cas où cette dernière s’oppose expressément à la consultation du ou des titulaires de l’autorité parentale afin de garder le secret sur son état de santé. Toutefois, le médecin ou la sage-femme doit dans un premier temps s’efforcer d’obtenir le consentement du mineur à cette consultation. Dans le cas où le mineur maintient son opposition, le médecin ou la sage-femme peut mettre en œuvre l’action de prévention, le dépistage, le diagnostic, le traitement ou l’intervention. Dans ce cas, le mineur se fait accompagner d’une personne majeure de son choix ».

([324]) Il n’y a en revanche pas lieu de reproduire, dans ce nouvel article L. 2213-2-1, les dispositions de l’article L. 2212-2 qui ouvrent la possibilité de pratiquer une IVG dans le cadre de conventions conclues entre, d’une part, un établissement de santé (public ou privé) et, d’autre part, un praticien ou une sage-femme ou un centre de santé ou un centre de planification ou d’éducation familiale, dans la mesure où de telles conventions ne s’appliquent pas aux IMG qui sont exclusivement réalisées par un médecin et, dans toute la mesure du possible dans un établissement doté d’un CPDPN.

([325]) Étude d’impact, p. 407.

([326]) Étude d’impact, p. 409.

([327]) Idem.

([328]) Étude d’impact, p. 411.

([329]) Le mandat de protection future est la convention par laquelle une personne majeure ou mineure émancipée (le mandant), qui ne fait l’objet ni d’une mesure de tutelle, ni d’une habilitation familiale, désigne à l’avance une ou plusieurs personnes (mandataire(s)) pour la représenter, c’est-à-dire pour agir à sa place, en son nom et dans son intérêt. Ce mandat ne fait perdre ni droits ni capacité juridique au mandant. Voir les articles 477 à 488 du code civil.

([330]) L’habilitation familiale permet à un proche (descendant, ascendant, frère ou sœur, époux ou épouse, concubin, partenaire pacsé) de solliciter l’autorisation du juge pour représenter une personne qui ne peut pas manifester sa volonté, dans tous les actes de sa vie ou dans certains seulement, selon son état. L’habilitation familiale n’est ordonnée que si les règles habituelles de la représentation ne permettent pas suffisamment d’assurer les intérêts de la personne. N’étant pas une mesure de protection judiciaire, contrairement aux mesures de sauvegarde de justice, de curatelle ou de tutelle, l’habilitation familiale n’implique pas d’intervention du juge une fois la personne désignée pour la recevoir. Voir les articles 494‑1 à 494-12 du code civil.

([331]) Étude d’impact, p. 410.

([332]) Étude d’impact, p. 411.

([333]) Les articles L. 1132-3 à L. 1132-6 du code de la santé publique fixent les conditions d’exercice ou de prestation de services occasionnelle ou temporaire sur notre territoire des ressortissants des Etats membres de l’Union européenne ou parties à l’accord sur l’Espace économique européen.

([334]) Étude d’impact, pp. 415-416.

([335]) Étude d’impact, p. 420.

([336]) Agence de la biomédecine, Rapport sur l’application de la loi de bioéthique, janvier 2018, pp. 45-46.

([337]) Conseil d’État, Révision de la loi de bioéthique : quelles options pour demain ?, 28 juin 2018, p. 152.

([338]) CCNE, avis n° 129, pp. 75-76.

([339]) Rapport d’information n° 1572 (XVe législature) fait par M. Jean-Louis Touraine, janvier 2019, pp. 198-199, proposition n° 27.

([340]) Aux termes de l’article L. 2131-1 du code de la santé publique, « le diagnostic prénatal s’entend des pratiques médicales, y compris l’échographie obstétricale et fœtale, ayant pour but de détecter in utero chez l’embryon ou le fœtus une affection d’une particulière gravité ». Ce diagnostic procède d’une visée préventive ou thérapeutique.

([341]) Aux termes de l’article L. 2131-4 du code de la santé publique, « on entend par diagnostic préimplantatoire le diagnostic biologique réalisé à partir de cellules prélevées sur l’embryon in vitro ». Ce diagnostic ne peut donc être pratiqué que dans le cadre d’une fécondation in vitro (FIV) et, partant, d’une assistance médicale à la procréation. Il vise à opérer une sélection parmi plusieurs d’un embryon dépourvu de l’affection génétique recherchée.

([342]) Article L. 1131-2-1 du code de la santé publique.

([343]) Article L. 1131-3 du code de la santé publique.

([344]) Étude d’impact, p. 429.

([345]) Comme l’indique l’étude d’impact jointe au projet de loi (p. 436), on distingue cinq types de biomarqueurs : ceux qui, prédictifs, déterminent l’accès à une thérapie ciblée ; ceux qui permettent d’orienter le processus diagnostique ; ceux qui contribuent au diagnostic, en complément de paramètres cliniques, morphologiques et biologiques ; ceux qui, pronostiques, participent à l’orientation du traitement des patients ; et enfin ceux qui permettent le suivi de la maladie résiduelle. Il existe aujourd’hui trente thérapies ciblées associées à un biomarqueur moléculaire.

([346]) Rapport n° 1351 (XVe législature) sur l’évaluation de l’application de la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique, fait, au nom de l’OPECST, par M. Jean-François Eliaou (député) et Mme Annie Delmont-Koropoulis (sénatrice), octobre 2018, p. 18.

([347]) Voir le lien suivant : https://etatsgenerauxdelabioethique.fr/pages/contributions-des-auditions

([348]) Rapport n° 1351 précité, p. 18.

([349]) Étude d’impact, p. 441.

([350]) ANSM, La transplantation de microbiote fécal et son encadrement dans les essais cliniques, juin 2015.

([351]) Article L. 5111-1 du code de la santé publique.

([352]) Verbeke, F., Janssens, Y., Wynendaele, E., & De Spiegeleer, B. « Faecal microbiota transplantation : a regulatory hurdle ?”, BMC Gastroenterology, 17(1), 128 (2017) ; doi:10.1186/s12876-017-0687-5.

([353]) Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, La transplantation de microbiote fécal et son encadrement dans les essais cliniques, mars 2014, p.5.

([354]) Ibid.

([355]) Article L.1211-5 du code de la santé publique.

([356]) Article L.1211-3 du code de la santé publique.

([357]) Article L.1211-8 du code de la santé publique.

([358]) Article L. 5138-1 du code de la santé publique.

([359]) M. Jean Sol, Rapport fait au nom de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée Nationale, relative à la désignation aléatoire des comités de protection des personnes, Sénat, n° 724 , session extraordinaire 2017-2018, 25 septembre 2018.

([360]) Ibid.

([361]) https://solidarites-sante.gouv.fr/systeme-de-sante-et-medico-social/securite-sanitaire/article/signaler-un-risque-pour-la-sante-publique.

([362]) Article L. 1123-11 du code de la santé publique.

([363]) Loi n° 2011-302 du 22 mars 2011 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques.

([364]) Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, Médicaments de thérapie innovante, Médicaments de thérapie innovante préparés ponctuellement et préparations : Synthèse du cadre réglementaire applicable pour la fabrication, le développement et la mise sur le marché de ces produits, 30 mars 2012.

([365]) 17° de l’article L. 5121-1 du code de la santé publique.

([366]) Ibid.

([367]) Règlement (CE) n° 1394/2007 du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007 concernant les médicaments de thérapie innovante et modifiant la directive 2001/83/CE ainsi que le règlement (CE) n° 726/2004

([368]) Article 28 du règlement (CE) n° 1394/2007 précité.

([369]) 17° de l’article L. 5121-1 du code de la santé publique.

([370]) Article R. 5121-210 du code de la santé publique.

([371]) Article L. 5124-1 du code de la santé publique.

([372]) Article L. 5124-3 du code de la santé publique.

([373]) Article L. 4211-9-1 du code de la santé publique.

([374]) Article L. 4211-9-1 du code de la santé publique.

([375]) Article R. 4211-32 du code de la santé publique.

([376]) Étude d’impact, p. 448.

([377]) Article L. 1242-1 du code de la santé publique.

([378]) Étude d’impact, p. 451.

([379]) Loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé.

([380]) Étude d’impact, pp. 450-451.

([381]) Étude d’impact, p. 452.

([382]) Loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé.

([383]) Article L. 2131-1 du code de la santé publique.

([384]) Étude d’impact, p. 456.

([385]) Étude d’impact, pp. 455-456.

([386]) Étude d’impact, p. 458

([387]) Rapport d’information n° 1572.

([388]) Commission d’enquête sur la fécondation et l’embryologie humaines, présidée par Mme Mary Warnock.

([389]) Groupe de travail constitué par les ministères de la recherche et de la justice sur la fécondation in vitro, l’analyse de génome et la thérapie génique, présidé par M. Ernst Benda.

([390]) Décret n° 83-132 du 23 février 1983 portant création d’un Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé.

([391]) Loi n° 94-654 du 29 juillet 1994 relative au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain, à l’assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal.

([392]) Article R. 1412-4 du code de la santé publique.

([393]) Créé par la loi n° 2004-800 du 6 août 2004.

([394]) Créé par la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011.

([395]) Le Comité souligne dans son avis n° 129 du 18 septembre 2018, qu’« en raison de l’émergence de nouvelles problématiques ayant une influence en santé, sa mission pourrait être élargie aux conséquences sur la santé des progrès de la connaissance dans tout autre domaine ».

([396]) Cf. rapport d’information n° 1572 déposé par la mission d’information sur la révision de la loi relative à la bioéthique et présenté par M. Xavier Breton, président, et M. Jean-Louis Touraine, rapporteur, intitulé « Renouveler les lois de bioéthique : quels progrès ? quelle dignité ? quel humanisme ? », Assemblée nationale, XVe législature, 15 janvier 2019.

([397]) Audition du 25 septembre 2018.

([398]) Étude d’impact du projet de loi.

([399]) À savoir les problèmes éthiques et questionnements de société soulevés par les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé et par les conséquences sur la santé des progrès de la connaissance réalisés dans d’autres domaines.

([400]) Cf. commentaire de l’article 3.

([401]) Cf. commentaire de l’article 6.

([402]) Cf. commentaire de l’article 14.

([403]) Cf. commentaire de l’article 15.

([404]) Étude d’impact du projet de loi.

([405]) Cf. commentaire de l’article 10.

([406]) Les associations des usagers du système de santé comprennent notamment les associations de personnes malades.

([407]) Étude d’impact du projet de loi.

([408]) Décisions n° 76-72 DC du 12 janvier 1977, Loi autorisant le Gouvernement à modifier par ordonnances les circonscriptions pour l’élection des membres de la chambre des députés du territoire français des Afars et des Issas, cons. 2.

([409]) Décisions n° 99-421 DC du 16 décembre 1999, Loi portant habilitation du Gouvernement à procéder, par ordonnances, à l’adoption de la partie législative de certains codes, cons. 12 et n° 2003-473 DC du 26 juin 2003, Loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit, cons.4.

([410]) Décision n° 2016-745 DC du 26 janvier 2017, Loi relative à l’égalité et à la citoyenneté, cons. 9 à 14.

([411]) Règlement (UE) n° 2017/745 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2017 relatif aux dispositifs médicaux, modifiant la directive 2001/83/CE, le règlement (CE) n° 178/2002 et le règlement (CE) n° 1223/2009 et abrogeant les directives du Conseil 90/385/CEE et 93/42/CEE.

([412]) Règlement (UE) 2017/746 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2017 relatif aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro et abrogeant la directive 98/79/CE et la décision 2010/227/UE de la Commission.

([413]) Ces organismes sont chargés de l’évaluation de conformité pour l’octroi de la certification CE des dispositifs.

([414]) Loi n° 2011-302 du 22 mars 2011 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques.

([415]) À l’exception de la loi n° 94-653 du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain.

([416]) Article 21 de la loi n° 94-654 du 29 juillet 1994 relative au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain, à l’assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal et article 40 de la loi n° 2004-800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique.

([417]) Article 47 de la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique.

([418]) Le Human Fertilisation and Embryology Act a ainsi été adopté au Royaume-Uni en 2008 et la Ley 14/2006, de 26 de mayo, sobre técnicas de reproducción humana asistida en Espagne en 2006.

([419]) Avis n° 129 du 18 septembre 2018.

([420]) Rapport n° 1572 précité.

([421]) Étude d’impact du projet de loi.