N° 2301

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 octobre 2019

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2020
(n° 2272),

 

TOME II

examen de la premiÈre partie
du projet de loi de finances

conditions gÉnÉrales de lÉquilibre financier

 

Par M. Joël GIRAUD

Rapporteur général,

Député

——


 

 


—  1  —

SOMMAIRE

___

 Pages

EXAMEN des articles

Article liminaire Prévisions de solde structurel et de solde effectif de lensemble des administrations publiques de lannée 2020, prévisions dexécution 2019 et exécution 2018

première partie : conditions générales de léquilibre financier

titre premier dispositions relatives aux ressources

I.  Impôts et ressources autorisés

A.  Autorisation de perception des impôts et produits

Article 1er Autorisation de percevoir les impôts et produits existants

B.  Mesures fiscales

Article 2 Baisse de limpôt sur le revenu (IR) à compter des revenus de lannée 2020, anticipation contemporaine de cette baisse dans le calcul des taux de prélèvement à la source (PAS) et indexation du barème applicable aux revenus de lannée 2019

Article additionnel après l’article 2 Domiciliation fiscale des agents territoriaux

Après l’article 2

Article 3 Domiciliation fiscale en France des dirigeants  des grandes entreprises françaises

Après l’article 3

Article additionnel après l’article 3 Exonération partielle d’impôt sur la fortune immobilière des monuments historiques situés en zone de revitalisation rurale

Après l’article 3

Article 4 Mise sous condition de ressources du crédit dimpôt pour la transition énergétique (CITE) avant sa suppression en 2021 (et remplacement par une prime pour les ménages modestes)

Après l’article 4

Article 5 Suppression de la taxe dhabitation sur les résidences principales et réforme du financement des collectivités territoriales

Après l’article 5

Article 6 Suppression des taxes à faible rendement

Article additionnel après l’article 6 Réforme de la taxation des titres de séjour

Après l’article 6

Article 7 Limitation dans le temps des dépenses fiscales afin den garantir lévaluation et suppression de dépenses fiscales inefficientes

Article additionnel après l’article 7 Suppression des dépenses fiscales non chiffrées, sans mention du nombre de leurs bénéficiaires et non bornées (« trous noirs fiscaux »)

Article 8 Baisse du taux réduit de la TVA sur certains logements locatifs sociaux dans le cadre du pacte dinvestissement pour le logement social

Après l’article 8

Article additionnel après l’article 8 Réduction du taux de TVA à 10 % pour l’investissement des caisses de retraite et de prévoyance dans le logement locatif intermédiaire institutionnel

Après l’article 8

Article 9 Clarification du régime de TVA des organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM)

Article 10 Transposition de la directive (UE) 2018/1910 du Conseil du 4 décembre 2018 en matière de TVA

Article 11 Aménagement de la trajectoire de baisse du taux normal  de limpôt sur les sociétés des grandes entreprises

Article 12 Mise en conformité avec le droit européen des retenues et prélèvements à la source applicables aux sociétés non résidentes

Article 13 Transposition de la directive (UE) 2017/952 du 29 mai 2017 relative à la lutte contre les dispositifs hybrides (ATAD 2) et suites de la transposition de directive (UE) 2016/1164 du 12 juillet 2016 (ATAD1)

Après l’article 13

Article additionnel après l’article 13 Ajustement du suramortissement pour les investissements réalisés dans les navires et les équipements répondant à des enjeux de transition écologique

Après l’article 13

Article additionnel après l’article 13 Précisions sur les modalités d’application de l’exclusion de la location de meublés de tourisme du champ du crédit d’impôt pour les investissements réalisés en Corse

Après l’article 13

Article 14 Régime fiscal des dotations versées par la société nationale SNCF à la société SNCF Réseau

Article 15 Baisse de la taxe pour frais de chambres de commerce et dindustrie

Article 16 Suppression progressive du tarif réduit de la taxe intérieure de consommation sur les carburants sous condition demploi

Après l’article 16

Article 17 Rationalisation du régime fiscal du gaz naturel

Article 18 Refonte des taxes sur les véhicules à moteur

Après l’article 18

Article 19 Diminution du remboursement de TICPE applicable au secteur du transport routier de marchandises

Après l’article 19

Article 20 Hausse de la taxe sur les billets davion au profit de lAgence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF)

Après l’article 20

II.  Ressources affectées

A.  Dispositions relatives aux collectivités territoriales

Article 21 Fixation pour 2020 de la dotation globale de fonctionnement (DGF) ainsi que des variables dajustement et substitution dune dotation budgétaire au prélèvement sur recettes en faveur de la Guyane

Après l’article 21

Article 22 Compensation des transferts de compétences aux régions et aux départements par attribution dune part du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

Article 23 Création dun prélèvement sur les recettes de lÉtat (PSR) à destination de la Polynésie française

Avant l’article 24

Article 24 Dispositif daccompagnement financier des régions au titre de la réforme de lapprentissage

Article 25 Recentralisation du revenu de solidarité active (RSA) et du revenu de solidarité (RSO) à La Réunion, et recentralisation du RSO en Guyane

Article 26 Évaluation des prélèvements opérés sur les recettes de lÉtat au profit des collectivités territoriales

Après l’article 26

B.  Impositions et autres ressources affectées à des tiers

Article 27 Mesures relatives à lajustement des ressources affectées à des organismes chargés de missions de service public

Article additionnel après l’article 27 Affectation à la Société nationale des sauveteurs en mer d’une fraction du droit de timbre sur le permis de conduire des bateaux de plaisance à moteur

Après l’article 27

Article 28 Affectation de recettes denchères de quotas démission au fonds pour linnovation institué par la directive établissant un système déchange de quotas démission de gaz à effet de serre dans lUnion européenne

Après l’article 28

C.  Dispositions relatives aux budgets annexes et aux comptes spéciaux

Article 29 Dispositions relatives aux affectations : reconduction des budgets annexes et comptes spéciaux existants

Article 30 Suppression du compte daffectation spéciale Financement national du développement et de la modernisation de lapprentissage

Article 31 Baisse du tarif de la contribution à laudiovisuel public (CAP), actualisation et reconduction du dispositif de garantie des ressources de laudiovisuel public (compte de concours financiers Avances à laudiovisuel public)

Après l’article 31 Suppression du compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers »

Article 32 Modification des recettes des comptes daffectation spéciale Transition énergétique et Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs

Article 33 Suppression du compte daffection spéciale Aides à lacquisition de véhicules propres en vue de la reprise de ses recettes et de ses dépenses sur le budget général de lÉtat

D.  Autres dispositions

Article 34 Clôture du fonds durgence en faveur du logement (FUL)

Article 35 Relations financières entre lÉtat et la sécurité sociale

Article 36 Évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de lÉtat au titre de la participation de la France au budget de lUnion européenne

titre II dispositions relatives à léquilibre des ressources et des charges

Article 37 Équilibre général du budget, trésorerie et plafond dautorisation des emplois


—  1  —

   EXAMEN des articles

Article liminaire
Prévisions de solde structurel et de solde effectif de lensemble
des administrations publiques de lannée 2020,
prévisions dexécution 2019 et exécution 2018

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article mentionne sous forme d’un tableau les prévisions de soldes de l’ensemble des administrations publiques pour 2020 et 2019 ainsi que les données d’exécution pour 2018.

Pour 2020, le déficit public est estimé à 2,2 % du produit intérieur brut (PIB), égal à sa composante structurelle. La France serait en léger excédent conjoncturel (+ 0,1 %) tandis que les mesures temporaires ou exceptionnelles dégraderaient le solde de 0,1 %.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

Le présent article porte sur les finances publiques toutes administrations publiques confondues, et non sur le seul budget de l’État.

Il offre ainsi une vision consolidée de l’ensemble des finances publiques : administrations publiques centrales, administrations publiques locales et administrations de sécurité sociale.

Aux termes de la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques ([1]), l’article liminaire du PLF présente « un tableau de synthèse retraçant, pour lannée sur laquelle elles portent, létat des prévisions de solde structurel et de solde effectif de lensemble des administrations publiques, avec lindication des calculs permettant détablir le passage de lun à lautre ».

Soldes DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES pour les annÉes 2017 À 2020

(en % du PIB)

Soldes

Exécution

2017

Exécution

2018

Prévision dexécution

2019

Prévision 2020

Solde structurel (1)

– 2,3

– 2,3

– 2,2

– 2,2

Solde conjoncturel (2)

– 0,3

0,0

0,0

0,1

Mesures exceptionnelles et temporaires (3)

– 0,1

– 0,2

– 0,9

– 0,1

Solde effectif (4 = 1 + 2 + 3)

 2,7

 2,5

 3,1

 2,2

Solde effectif hors mesures exceptionnelles

 2,6

 2,3

 2,2

 2,1

Source : commission des finances et article liminaire du présent PLF.

Le présent article fixe ainsi, pour 2020, un objectif de déficit public de 2,2 % du produit intérieur brut (PIB), ce qui n’avait pas été observé depuis 2001 (I).

Le déficit public est intégralement d’origine structurelle, ce qui pose une difficulté de cohérence avec la trajectoire pluriannuelle des finances publiques définie en 2018 (II).

I.   Un objectif de dÉficit public historiquement bas

Le déficit public poursuit, en 2020, sa baisse tendancielle engagée en 2009. Le déficit public serait toutefois supérieur de 0,2 point à celui prévu par le programme de stabilité transmis à la Commission européenne en avril 2019.

A.   Une baisse constante du dÉficit depuis 2009

Le point le plus bas de solde effectif a été atteint en 2009, année qui a suivi la crise financière de 2008, avec un déficit record de 7,2 % du PIB.

En 2017, il a été ramené à 2,8 % du PIB et n’a, depuis, plus franchi la basse des 3 % du PIB au sens des critères de Maastricht.

DÉficit public depuis 2008

Année

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

En

% du PIB

3,3

7,2

6,9

5,2

5,0

4,1

3,9

3,6

3,5

2,8

2,5

3,1*

2,2

En

milliards deuros

65,0

138,9

137,4

106,1

104,0

86,5

83,9

79,7

79,1

63,6

59,5

73,9

53,5

* Le déficit public est aggravé, en 2019, par la mesure exceptionnelle de bascule du CICE en baisse de cotisations sociales, à hauteur de 0,8 point de PIB.

Source : Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) jusqu’en 2018, présent PLF pour les années 2019 et 2020.

L’année 2019 est caractérisée par une importante mesure exceptionnelle relative à la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en baisse de cotisations sociales. Cette mesure dégrade temporairement le solde public de 0,8 point de PIB ; elle a été jugée par la Commission européenne comme une mesure ponctuelle (« one-off ») ne devant pas être prise en compte dans le calcul du déficit public effectif.

La transformation du CICE en baisse de cotisations sociales

Institué par l’article 66 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012, le CICE est entré en vigueur le 1er janvier 2013.

Il s’agit d’un crédit d’impôt qui porte sur la masse salariale des salariés dont les rémunérations brutes n’excèdent pas 2,5 fois le montant annuel du SMIC. Il bénéficie à toutes les entreprises relevant de l’IS ou de l’impôt sur le revenu (IR) d’après leur bénéfice réel. Son taux a varié au fil des années. Il était de 4 % pour les salaires versés en 2013. Il a été relevé à 6 % pour les salaires versés à compter de 2014, puis à 7 % pour les salaires versés en 2017, avant de revenir à 6 % pour les salaires versés en 2018.

Le président de la République s’était engagé à transformer le CICE en baisse de cotisations. Conformément à cet engagement, l’article 86 de la loi de finances pour 2018 a supprimé le CICE et l’article 9 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 a prévu de nouvelles exonérations de cotisations sociales pour les employeurs comprenant deux volets :

– une réduction forfaitaire de 6 points de la cotisation patronale maladie sur les salaires jusqu’à 2,5 SMIC, soit une sorte « d’équivalent-CICE » ;

– et un renforcement de l’allégement général, par une réduction de près de 10 points des charges au niveau du SMIC.

En 2019, année de mise en place de ces nouveaux allégements, les entreprises éligibles continueront de bénéficier du CICE acquis au titre des exercices antérieurs, notamment en 2018. Il en résulte un « double coût » assumé par l’État et traité en mesure exceptionnelle dans la décomposition du solde public pour 2019.

En 2020, le solde public ressortirait à 2,2 % du PIB, soit une baisse de 0,9 point de PIB par rapport au solde de 2019. Hors mesures exceptionnelles, la réduction est de 0,1 point, ce qui confirme donc la tendance baissière du déficit ces dernières années.

B.   Une prévision de dÉficit moins optimiste que prÉvu

Dans le programme de stabilité transmis par le Gouvernement à la Commission européenne en avril 2019, la trajectoire des finances publiques laissait apparaître une cible de déficit public à 2 points de PIB.

Trajectoire des finances publiques dU PROGRAMME DE STABILITÉ
pour les années 2019 à 2022 (avril 2019)

(en % du PIB)

Année

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Solde public effectif

– 2,8

– 2,5

– 3,1

– 2

– 1,6

– 1,2

Solde structurel

– 2,4

– 2,1

– 2,1

– 1,9

– 1,6

– 1,3

Dépense publique (hors crédits d’impôts)

55

54,4

54

53,5

53

52,3

Taux de prélèvements obligatoires

45,2

45

44

44,4

44,2

44

Dette publique

98,4

98,4

98,9

98,7

98,1

96,8

Source : programme de stabilité 2019-2022.

La hausse de 0,2 point de la prévision de déficit public se justifie par plusieurs raisons.

Tout d’abord, les perspectives macroéconomiques se sont assombries. Comme l’indique le tableau suivant, le programme de stabilité, alors en cohérence avec les estimations des conjoncturistes, tablait sur un niveau de croissance de 1,4 % en 2020.

Prévisions de croissance pour la France (PSTAB 2019)

(en pourcentage d’évolution annuelle)

Institution

2019

2020

Gouvernement, programme de stabilité 2019

1,4

1,4

Commission européenne, prévisions économiques dhiver 2019, février 2019

1,3

1,5

Banque de France, Prévisions économiques, mars 2019

1,4

1,5

OCDE, Perspectives économiques, mars 2019

1,3

1,3

FMI, Perspectives de léconomie mondiale, janvier 2019

1,5

1,6

Source : programme de stabilité 2019-2022.

En outre, la politique budgétaire a été orientée en direction du soutien au pouvoir d’achat des ménages. Le débat sur le programme de stabilité d’avril 2019 avait été l’occasion pour le Gouvernement de présenter une trajectoire de finances publiques tirant les conséquences des mesures en faveur du pouvoir d’achat des ménages décidées en décembre 2018.

Pour des raisons de calendrier, elle n’intégrait pas l’impact financier découlant des annonces faites par le Président de la République le 25 avril dernier ([2]), à l’issue du Grand Débat national.

II.   Un dÉficit d’origine structurelle

Depuis 2018, l’économie française est à son niveau potentiel, ce qui se traduit par un écart de production nul (2018 et 2019) ou légèrement positif (2020) ayant un effet négligeable sur le solde public. Ainsi, hormis les mesures exceptionnelles et temporaires, le déficit public de 2020 s’explique en intégralité par sa composante structurelle.

La déconnexion entre l’évolution du déficit structurel et la trajectoire prévue par la loi de programmation des finances publiques (LPFP) 2018-2022 ([3]) rend cette dernière obsolète.

A.   DÉFICIT PUBLIC ET DÉFICIT STRUCTUREL SONT ÉQUIVALENTS EN 2020

1.   Qu’est-ce que le solde structurel ?

a.   Une composante du solde public suivie au titre des engagements européens de la France

Le solde structurel est le solde corrigé des effets du cycle économique. Il s’agit du solde qui serait observé si le PIB était égal à son potentiel. Inversement, le solde conjoncturel est le solde lié à la conjoncture.

Autrement dit, le solde comprend deux composantes : l’une liée à la conjoncture et l’autre indépendante de la conjoncture. La réduction de la composante structurelle d’un déficit est prioritaire dès lors que la composante conjoncturelle est censée se résorber d’elle-même en période d’amélioration de la conjoncture.

C’est la raison pour laquelle l’objectif d’équilibre des comptes publics du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (TSCG) est défini en termes de solde structurel. L’article 3 du TSCG précise que cet objectif est atteint lorsque le solde structurel des administrations publiques est inférieur à 0,5 point de PIB pour les États membres dont la dette dépasse 60 % du PIB, et à un point de PIB pour les autres États membres.

Cette règle est mise en œuvre dans le cadre du volet préventif du pacte de stabilité et de croissance (PSC) ([4]). Ce volet préventif prévoit que les États membres doivent déterminer un objectif de moyen terme (OMT), défini en termes de solde structurel, compris entre – 0,5 point de PIB et l’excédent. Ils doivent également définir une trajectoire d’ajustement structurel minimal en vue d’atteindre l’OMT, étant précisé que le solde structurel doit converger vers l’OMT retenu d’au moins 0,5 point de PIB par an (et de plus de 0,5 point par an lorsque l’État membre possède une dette publique supérieure à 60 % du PIB).

b.   Des modalités complexes de calcul

Le calcul de la composante conjoncturelle et structurelle du déficit fait intervenir les notions de croissance potentielle, de PIB potentiel et d’écart de production.

L’écart de production est égal à la différence entre le PIB effectif – qui est mesuré en comptabilité nationale – et le PIB potentiel.

Le PIB potentiel est une notion non observable en finances publiques ni en comptabilité nationale. Il s’agit d’une construction économétrique sujette à diverses mesures et interprétations. Il peut être défini « comme le niveau maximum de production que peut atteindre une économie sans quapparaissent de tensions sur les facteurs de production qui se traduisent par des poussées inflationnistes » ([5]). Par suite, la croissance potentielle est définie comme le niveau de croissance au-delà duquel apparaissent des tensions inflationnistes.

Les hypothèses d’écart de production permettent d’estimer précisément la composante conjoncturelle et la composante structurelle du déficit, selon une méthodologie de calcul décrite précisément dans l’annexe 2 du rapport annexé à la LPFP pour les années 2018 à 2022.

Une approche plus simple, mais généralement vérifiée − appelée « règle du pouce » −, consiste à considérer qu’en pratique, le solde conjoncturel est légèrement supérieur à la moitié de l’écart de production. Ceci s’explique par le fait que les postes de dépenses sensibles à la conjoncture représentent, dans notre pays, près de la moitié du PIB et que l’élasticité des prélèvements obligatoires à la croissance du PIB est, en moyenne, de l’ordre de 1.

Le déficit structurel est ensuite calculé comme la différence entre le déficit effectif et le déficit conjoncturel corrigé des mesures ponctuelles et temporaires.

Concrètement, plus l’écart de production est creusé, plus la composante conjoncturelle du déficit est importante. Toute surestimation de l’écart de production, découlant par exemple de la surestimation du niveau de croissance potentielle, conduit à sous-estimer le niveau du déficit structurel, et donc à minorer l’effort à accomplir pour respecter la règle d’équilibre des comptes du TSCG.

c.   Les hypothèses de calcul du déficit structurel

Les hypothèses initiales de calcul du déficit structurel ont été fixées dans la LPFP pour les années 2018 à 2022.

HypothÈses initiales d’Écart de production, de croissance effective
et de croissance potentielle

(en % d’évolution annuelle, sauf précision contraire)

Année

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Croissance en volume du PIB

1,1

1,7

1,7

1,7

1,7

1,7

1,8

Croissance potentielle

1,2

1,25

1,25

1,25

1,25

1,30

1,35

Écart de production en % du PIB

– 1,5

– 1,1

– 0,7

– 0,2

+ 0,2

+ 0,6

+ 1,1

Source : rapport annexé à la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

Ces hypothèses ont été jugées « réalistes » par le Haut Conseil des finances publiques dans son avis portant sur le projet de LPFP pour les années 2018 à 2022 ([6]). Le Gouvernement n’a pas modifié ses hypothèses de croissance potentielle dans le cadre du présent PLF.

Toutefois, les hypothèses d’écart de production doivent être actualisées chaque année en fonction de la croissance effective constatée.

HypothÈses actualisées d’Écart de production, de croissance effective
et de croissance potentielle

(en % d’évolution annuelle, sauf précision contraire)

Année

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Croissance en volume du PIB

1,1

2,2

1,7

1,4

1,3

1,3

1,4

Croissance potentielle

1,2

1,25

1,25

1,25

1,25

1,30

1,35

PIB (en milliard d’euros)

2 234

2 295

2 353

2 417

2 479

2 546

2 620

PIB potentiel (en milliard d’euros)

2 268

2 307

2 354

2 416

2 476

2 542

2 615

Écart de production en % du PIB

– 1,5

– 0,5

-0,1

0,0

0,1

0,1

0,2

Source : réponse au questionnaire du Rapporteur général.

2.   Le déficit structurel de 2020 s’établit à 2,2 %, au même niveau que le déficit public effectif

Le déficit public en 2020 est estimé intégralement d’origine structurelle
(– 2,2 % du PIB potentiel). Le léger excédent conjoncturel prévu, à 0,1 % du PIB, est compensé par un poids des mesures exceptionnelles et temporaires de – 0,1 % du PIB.

L’écart de production serait légèrement positif en 2020, à hauteur de 0,1 point de PIB. Cela signifie que le PIB effectif serait légèrement supérieur au PIB potentiel de l’économie française, et que les facteurs de production sont en tension. Il en est déduit un solde conjoncturel positif de 0,1 point de PIB (soit environ la moitié de l’écart de production en application de la « règle du pouce » précitée, corrigée d’effets d’arrondis).

Cette situation d’écart de production faible ou nul s’observe depuis 2018 : l’économie française est en haut de cycle et les effets de la crise ont cessé de peser sur le déficit public.

B.   Un déficit structurel qui s’écarte sensiblement de la trajectoire pluriannuelle des finances publiques

Le Gouvernement avait proposé, dans la LPFP 2018-2022, une trajectoire des finances publiques conduisant à quasiment diviser par trois le solde structurel entre 2017 et 2022.

Trajectoire des finances publiques de la loi de programmation
des finances publiques pour les années 2018 à 2022 (janvier 2018)

(en % du PIB)

Année

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Solde public effectif

– 2,9

– 2,8

– 2,9

– 1,5

– 0,9

– 0,3

Solde structurel

– 2,2

– 2,1

– 1,9

– 1,6

– 1,2

– 0,8

Dépense publique (hors crédits d’impôts)

54,7

54

53,4

52,6

51,9

51,1

Taux de prélèvements obligatoires

44,7

44,3

43,4

43,7

43,7

43,7

Dette publique

96,7

96,9

97,1

96,1

94,2

91,4

Source : loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

Le solde structurel devait donc s’améliorer de plus d’un point de PIB pendant le quinquennat, alors même qu’une réduction significative des prélèvements obligatoires aurait été consentie. Cela supposait donc un effort structurel conséquent en dépense.

Toutefois, l’ajustement structurel prévu a été, depuis 2018, beaucoup moins marqué que prévu dans la LPFP, sans toutefois se traduire par un « désajustement » : la France ne s’éloigne pas de son objectif de moyen terme.

Dans son avis sur le projet de loi de finances ([7]), le Haut Conseil des finances publiques concentre ses critiques sur l’évolution du solde structurel prévu par le présent PLF, qu’il compare à la trajectoire pluriannuelle des finances publiques.

En 2020, le déficit structurel serait de 2,2 points de PIB, contre 1,6 point dans la LPFP (– 0,5 point avec les effets d’arrondis, réparti tout autant en dépenses qu’en recettes, cf tableau infra). Le Haut Conseil relève en conséquence que le Gouvernement présente un article liminaire du projet de loi de finances qui « sécarte fortement » de la trajectoire de la loi de programmation en vigueur : « un tel choix pose un problème de cohérence entre le PLF 2020 et la LPFP et affaiblit la portée de lexercice de programmation pluriannuelle en matière de finances publiques ».

Ajustement structurel et effort structurel présentés
par le Gouvernement

(en points de PIB potentiel)

En points de PIB potentiel

PLF pour 2020
(sept. 2019)

LPFP
(janvier 2018)

 

2018

2019

2020

Cumul

2018-20

2018

2019

2020

Cumul

2018-20

Ajustement structurel

0,1

0,1

0,0

0,2

0,1

0,3

0,3

0,7

Effort structurel

0,1

0,1

0,1

0,3

0,2

0,3

0,4

0,9

dont effort en dépense
(hors crédits d’impôt)

0,3

0,3*

0,4*

1,0

0,4

0,4

0,5

1,3

dont mesures nouvelles en recettes

-0,2

-0,3*

-0,6*

-1,1

-0,3

-0,1

-0,5

-0,9

dont clé en crédits d’impôt

0,0

0,1

0,3

0,4

0,0

0,0

0,4

0,4

Composante non discrétionnaire

0,0

0,0

-0,1

-0,1

-0,1

0,0

-0,1

-0,2

* Hors France Compétences

Note : les chiffres étant arrondis, il peut en résulter de légers écarts dans le résultat des opérations.

Source : Haut Conseil des finances publiques

Un tel différentiel de trajectoire en 2020 exposerait le Gouvernement à l’obligation de mettre en œuvre des mesures correctives, auxquelles il échappe de peu au titre de l’année 2019.

En effet, selon le HCFP, la réduction du déficit structurel en 2019 n’est que de 0,1 point de PIB. Par rapport à la trajectoire de la LPFP, l’écart de solde structurel prévu s’élèverait respectivement à – 0,1 point en 2018 et – 0,3 point en 2019. Le Haut Conseil signale qu’un tel écart est « très proche du seuil de déclenchement du mécanisme de correction » prévu à l’article 23 de la loi organique de 2012.

Le mécanisme de correction de la loi organique

L’article 23 de la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques prévoit un mécanisme de correction lorsqu’un écart important est constaté entre l’exécution de l’année écoulée et la trajectoire de solde structurel définie dans la loi de programmation des finances publiques. Le Haut Conseil des finances publiques a la mission d’identifier un tel écart, dans son avis rendu préalablement au dépôt du projet de loi de règlement.

Un écart est considéré comme important lorsqu’il représente au moins 0,5 % du PIB sur une année donnée ou au moins 0,25 % du PIB par an en moyenne sur deux années consécutives.

Le déclenchement du mécanisme de correction doit conduire le Gouvernement à exposer les raisons de l’écart important qui a été constaté et à présenter, à l’occasion du DOFP, des mesures de correction. Ces mesures doivent intervenir dans le prochain projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale de l’année. Un retour à la trajectoire de solde structurel doit intervenir dans un délai maximal de deux ans à la suite de l’année pendant laquelle l’écart important a été constaté.

Il est toutefois prévu que le déclenchement du mécanisme de correction n’intervienne pas en présence de circonstances exceptionnelles répondant aux conditions fixées par le TSCG.

En revanche, l’écart de trajectoire de solde structurel de 2019 (– 0,3 point) et de 2020 (– 0,6 point) conduirait, faute de trajectoire mise à jour, au déclenchement de ce mécanisme en 2020.

Le Rapporteur général rappelle au Gouvernement qu’il lui appartient de proposer au plus vite une nouvelle trajectoire pluriannuelle des finances publiques, afin de prendre en compte l’évolution du contexte économique et social impactant les finances publiques.

Le Gouvernement s’est engagé à présenter un projet de loi de programmation des finances publiques au printemps 2020. Cette échéance se justifie par la mesure de l’impact de deux événements à venir ayant le cas échéant un impact sur les finances publiques : la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne et les paramètres de la future réforme des retraites.

*

*     *

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques ICF55 de Mme Véronique Louwagie et I-CF885 de Mme Marie-Christine Dalloz, les amendements I-CF881 de Mme Marie-Christine Dalloz, ICF1073 de M. Éric Woerth et ICF1194 de Mme Valérie Rabault, ainsi que l’amendement I-CF396 de M. Charles de Courson.

Mme Véronique Louwagie. Cet article liminaire est peut-être le plus important du projet de loi de finances puisqu’il fixe certaines orientations du Gouvernement. Mon amendement tend à revenir à ce qu’avait retenu la loi de programmation des finances publiques 2018-2022, car c’est bel et bien un budget de renoncement à cette programmation qui nous est présenté. Les dépenses vont continuer à augmenter en 2020, à hauteur de près de 20 milliards d’euros, le déficit de l’État sera relativement important – il s’établira à 93 milliards d’euros, soit 25 milliards de plus qu’en 2018 – et la dette continuera à croître. Les besoins sont criants dans de nombreux domaines, comme la dépendance, notamment dans le cadre des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), l’hôpital – en particulier les urgences –, l’accompagnement de nos entreprises, avec la nécessaire diminution des impôts de production afin d’améliorer la compétitivité. Mais le Gouvernement se prive de toute possibilité d’intervenir dans ces domaines : en ne réformant pas, en ne diminuant pas les dépenses publiques, vous ne vous donnez aucune possibilité de répondre à de telles demandes.

J’ai été surprise d’entendre la semaine dernière le ministre de l’économie et des finances reconnaître et réaffirmer devant nous que la dette était un poison. Il y a une vraie contradiction, car ce budget va de nouveau recourir à la dette et transférer aux générations futures l’accroissement, l’excès des dépenses publiques.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je constate que la prévision du déficit public, qui s’élève à 2,2 % du PIB, est le double de la moyenne de la zone euro. C’est le plus faible redressement des finances publiques que nous ayons connu depuis longtemps. Cela traduit à mes yeux une dégradation de la situation. Le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) lui-même a souligné dans son rapport que la trajectoire suivie est en total désaccord avec la loi de programmation des finances publiques, ce qui revient à jeter le discrédit sur la « signature France ». Le CPO appelle non seulement à adopter un projet de loi de finances rectificative avant la fin de l’année, mais aussi à faire preuve de vigilance et de respect par rapport à l’engagement pris par la France dans le cadre de la loi de programmation. C’est dans cet esprit que mon amendement I-CF885 a été déposé.

Mon amendement I-CF881 vise à nous conformer à nos obligations. La France s’est engagée dans le cadre du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) au sein de l’Union économique et monétaire. Nous devrions avoir un déficit public de 1,7 % du PIB, et non de 2,2 % : il y a une dérive de 0,5 point de PIB. Si nous ne respectons pas nos engagements, il ne sert à rien de signer des traités au niveau européen.

M. le président Éric Woerth. Mon amendement I-CF1073 a pour objet de modifier l’article liminaire d’une manière différente, même s’il participe du même état d’esprit. Par rapport à la loi de programmation des finances publiques, 12,6 milliards d’économies seront réalisées sur la charge de la dette, ce qui représente un montant tout à fait considérable. Il serait assez raisonnable de conserver au moins la moitié de ces économies, ce qui conduirait à un solde structurel de – 1,9 % du PIB, à peu près conforme à ce que souhaitait le Gouvernement à l’origine. C’est un appel à mieux utiliser les économies liées aux externalités dites positives.

Tous ces amendements portant sur l’article liminaire ont naturellement vocation à s’inscrire dans un autre budget que celui qui est présenté par le Gouvernement : il faudrait systématiquement modifier les dépenses et les recettes. Ce sont des amendements d’appel qui soulignent l’écart tout à fait considérable entre ce qui est prévu par notre trajectoire et ce qui est inscrit dans le projet de loi de finances.

Mme Valérie Rabault. L’amendement I-CF1194, contrairement aux précédents, vise à modifier non pas le solde effectif inscrit dans le projet de loi de finances, mais le niveau du déficit structurel. C’est un sujet compliqué dont nous débattons souvent : le déficit structurel repose sur la croissance potentielle, qui n’est jamais observable, par définition – c’est celle que l’on obtiendrait si l’on arrivait à mobiliser 100 % des facteurs de production, ce qui n’est malheureusement pas le cas. Le déficit structurel donne une indication sur les efforts réalisés pour faire en sorte d’assainir les finances publiques en dehors des effets conjoncturels. Cela vise à montrer les efforts à réaliser : s’il survient une crise économique et financière, comme certains sont en train de l’annoncer, nous n’aurons aucune marge de manœuvre. J’observe que le déficit structurel a baissé continûment sous le précédent quinquennat et qu’il augmente continûment depuis 2017. Mon amendement permettra de rétablir la « vérité des prix » : le solde structurel de – 2,5 % que je propose de retenir correspond à celui qui a été calculé par la Commission européenne en suivant la même méthode, homogène, que pour les autres États membres – ce n’est pas celle du ministère des finances, même si je la respecte. Il peut y avoir plusieurs méthodes pour calculer le déficit structurel, mais si l’on veut éviter de comparer des choux et des carottes, il faut le faire en suivant la même méthodologie, en l’occurrence celle qu’utilise la Commission européenne pour faire des comparaisons entre les différents pays.

M. Charles de Courson. J’ai été très étonné que le Gouvernement ne dise rien, dans l’exposé des motifs de l’article liminaire, de la compatibilité entre les projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 et nos engagements européens. Comme l’a rappelé le Haut Conseil des finances publiques, nous devions réduire le déficit structurel de 0,5 point de PIB par an. Avec ce projet de loi de finances, nous aurons réalisé en trois ans une réduction de 0,2 point, alors même que nous devions passer à la vitesse supérieure. Quelle sera donc la position de la Commission européenne sur ce projet de budget ?

Je demande toujours que l’on distingue, s’agissant du solde structurel figurant à l’article liminaire, les efforts de réduction des dépenses structurelles et ceux réalisés en matière de recettes structurelles. Mon amendement I-CF396 a pour objet d’expliciter le solde structurel sur ce plan, en se fondant sur les chiffres du Gouvernement.

En 2018, on a réalisé 0,3 point d’effort structurel sur les dépenses, soit 6 ou 7 milliards d’euros, alors qu’on avait annoncé 20 milliards en juillet 2017 – on était donc très loin de l’objectif – et on a redonné 0,2 point : au total, la baisse a été de seulement 0,1 point. Cette année, la réduction du déficit structurel devrait être égale à zéro : les dépenses structurelles ont de nouveau été réduites de 0,3 point, mais on a redonné 0,3 point sur les recettes. Pour 2020, le Gouvernement nous dit que l’évolution des dépenses structurelles sera de – 0,4 point, mais que l’on redonnera 0,6 point : autrement dit, on redonnera davantage que ce qui a été économisé ! Il ne faut donc pas s’étonner qu’il n’y ait aucun redressement des finances publiques.

M. Joël Giraud, rapporteur général. En ce qui concerne l’évolution en volume de la dépense publique, je vous recommande de vous reporter au document distribué à l’entrée de la salle, et plus précisément au graphique qui figure à la page 7. Les chiffres ne mentent pas, si j’ose dire. Vous trouvez peut-être l’évolution inquiétante, mais elle est maîtrisée, ce qui est assez important.

J’ai demandé, ainsi que le président Woerth, qu’il y ait une loi de programmation des finances publiques rectificative (LPFPR). Elle interviendrait au printemps 2020, comme le Premier ministre l’a indiqué. Le Gouvernement n’est pas obligé de présenter un projet de LPFPR, mais nous lui avons dit que ce serait un bien. Nous aurions préféré que cela intervienne à l’automne, mais il a préféré que ce soit au printemps, afin de prendre en compte les effets du Brexit – on saura alors mieux où l’on en est – et les premiers éléments relatifs à la réforme des retraites. J’en prends acte. Ce que proposent mesdames Louwagie et Dalloz dans leurs amendements consiste à revenir à la trajectoire de 2018 ; or une crise sociale s’est produite entre-temps et des attentes des Français ont obtenu une réponse.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il y a eu aussi des recettes supplémentaires !

M. Joël Giraud, rapporteur général. Il est vrai que si nous avions adopté une LPFPR, nous ne serions pas dans cette situation de divergence. En tout état de cause, il faut prendre en compte la réalité des dispositifs que nous avons adoptés depuis un an.

Votre amendement, monsieur le président, propose quant à lui d’affecter à la réduction du déficit structurel la moitié de la différence entre la charge de la dette prévue par la loi de programmation des finances publiques (LPFP) et le montant que nous devrons effectivement payer. La démarche est intellectuellement intéressante, mais elle est orthogonale avec la position du Gouvernement… Par ailleurs, il serait un peu biaisé de se borner à comparer la charge liée aux intérêts de la dette figurant dans la LPFP et le montant prévu aujourd’hui : le contexte macroéconomique était très différent en 2017 lorsque nous avons adopté la LPFP – il était beaucoup plus porteur, et il faut en tenir compte. Nous avions prévu d’affecter 46,3 milliards d’euros au service de la dette en 2020, mais la croissance devait être de 1,7 % du PIB sur cet exercice, alors que l’on devrait obtenir 1,3 %, ce qui représente dix milliards d’euros de recettes en moins. À peu près, on arrive aux 12 milliards d’euros que vous avez évoqués.

Quant à votre amendement, madame Rabault, il repose sur une idée que vous rappelez chaque année, à savoir que le solde structurel augmente depuis 2017. C’est parce que nous avons adopté des hypothèses de croissance potentielle qui sont tout simplement plus réalistes, comme le confirme le Haut Conseil des finances publiques. Voici ce qu’il disait du solde structurel de 2016 : « Les estimations de solde structurel des organisations internationales sont nettement plus élevées [que celles du Gouvernement] : le déficit structurel serait en 2016 de l’ordre d’un point de PIB plus élevé pour la Commission européenne, et de ¾ de point pour l’OCDE. »

En ce qui concerne les années 2017 à 2020, l’hypothèse de croissance potentielle retenue – 1,25 % du PIB – est reconnue comme équilibrée. Il est vrai que le solde structurel ne baissera pas entre 2019 et 2020, mais c’est le reflet de l’évolution de nos finances publiques. Je propose de conserver cette hypothèse plutôt que de prendre celle que vous suggérez.

Enfin, monsieur de Courson est revenu sur un sujet déjà évoqué par un des amendements de madame Dalloz, c’est-à-dire l’effort structurel de 0,5 point de PIB par an prévu par nos engagements européens. Je voudrais rappeler qu’il n’en serait pas question si le déficit était resté au-delà de 3 % du PIB – on ne serait pas, alors, dans le cadre du volet préventif. Je me réjouis que l’on ne soit plus dans un cadre correctif : un bel effort a été réalisé. Je précise également que la règle évoquée n’est pas aussi contraignante que le volet correctif, même si cela ne veut pas dire qu’il faille s’en écarter d’une manière trop significative et pendant trop longtemps.

Vous aurez compris que j’émets un avis défavorable à l’ensemble de ces amendements.

M. Laurent Saint-Martin. Je ne sais pas si l’article liminaire est le plus important, comme l’a dit Mme Louwagie, mais il est vrai qu’il faut y consacrer un peu de temps car il raconte une bonne partie du budget.

Le rapporteur général a bien expliqué la situation : il faut assumer, du côté de la majorité, les choix qui ont été faits. Les chiffres reflètent des choix, notamment en ce qui concerne la baisse des prélèvements obligatoires – nous aurons largement l’occasion de revenir sur ce sujet. C’est cela qui modifie certaines des trajectoires qui avaient été prévues pour le déficit public ou encore la dette publique.

Cela dit, bien que les chiffres ne soient plus exactement les mêmes, il faut regarder d’un peu plus près pour voir si celles-ci restent cohérentes avec notre engagement pluriannuel. La trajectoire est-elle la bonne ? Est-ce seulement la pente qui est modifiée, et non la direction ? Je voudrais remettre les choses en perspective. On ne peut pas dire qu’il n’y a pas de maîtrise des dépenses publiques : il y aura certes une hausse, mais de seulement 0,7 % en 2019 et en 2020. Sur l’ensemble du quinquennat, si l’on fait un peu de prospective, la hausse de la dépense publique sera de 0,4 % en volume. Sans vouloir polémiquer, c’est deux fois mieux que pendant le quinquennat précédent et trois fois mieux que pendant celui d’avant.

Je ne le dis pas pour nous glorifier, mais pour montrer qu’il y a un effort de maîtrise de la dépense publique sans précédent, même s’il existe une hausse en volume. Il est extrêmement important de le rappeler à nos concitoyens : il ne faudrait pas laisser penser que, parce qu’il y a une modification des trajectoires, cela signifie un renoncement au sérieux budgétaire.

Par ailleurs, la dépense publique n’a pas de sens si on ne la rapporte pas au PIB, qui est lui-même en croissance : elle est passée de 55 % du PIB en 2017 à 53,8 % en 2019 et elle devrait être ramenée à 53,4 % en 2020. Le ratio diminue et c’est ce qui est important.

Je vous rejoins sur un point qui concerne la méthode, à savoir la décorrélation avec la loi de programmation des finances publiques. À partir du moment où le Gouvernement s’est engagé à en proposer la révision au printemps prochain, nous devons examiner le projet de loi de finances avec un décalage que nous sommes quelques-uns à regretter.

Mme Véronique Louwagie. Avec nos amendements, nous voulions simplement vous éviter, monsieur le rapporteur, d’avoir à faire une loi de programmation des finances publiques rectificative…

Vous avez indiqué qu’il y a eu des dépenses nouvelles à la suite du mouvement des gilets jaunes, mais il existe aussi d’autres éléments que vous n’avez pas cités : la baisse des taux d’intérêt, qui conduit à des économies importantes par rapport à la loi de programmation des finances publiques – près de 9 milliards d’euros – et la croissance du PIB.

Enfin, je voudrais corriger les propos de monsieur Saint-Martin, qui a parlé d’une augmentation de la dépense publique de 0,7 %. C’est une hausse en volume.

M. Laurent Saint-Martin. C’est bien ce que j’ai dit.

Mme Véronique Louwagie. En valeur, l’augmentation est de 1,7 % et elle représente près de 20 milliards d’euros.

M. Éric Coquerel. Je suis étonné que les débats économiques n’intègrent pas un événement majeur et inédit : la valeur de l’argent est devenue négative. La formule n’est pas de moi, mais de Nicolas Sarkozy. Dans sa foulée, avec un certain nombre d’économistes libéraux, beaucoup de gens s’étonnent à juste titre – cela fait longtemps en ce qui nous concerne, mais chacun peut trouver la lumière à un moment ou à un autre – que l’on s’en tienne toujours à la sacro-sainte règle des 3 % du PIB pour le déficit public, alors que les taux d’intérêt sont négatifs et quel que soit l’impact que cela peut avoir sur les politiques publiques, notamment en matière de transition écologique.

Pourquoi avons-nous dépassé le seuil de 3 % l’an dernier ? Parce que le Gouvernement a décidé de doubler le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), ce qui représentait un déficit supplémentaire de 0,8 point de PIB. Quand il s’agit de faire des cadeaux sans contrepartie, on peut dépasser les 3 % de PIB, mais sitôt que l’on décide de revenir à des règles relevant de l’orthodoxie libérale en 2020, il faut à toute force revenir à 2,2 % !

C’est une très mauvaise politique, qui n’a pas vraiment de sens économique : quand il est possible d’emprunter à des taux d’intérêt négatifs, on peut presque penser, en poussant le raisonnement jusqu’au bout, que cela peut même diminuer la dette. En tout cas, ce que vous faites n’est pas à la hauteur du traitement de la seule dette qu’il ne faut pas léguer aux générations à venir, c’est-à-dire la dette écologique. Il faudrait un grand plan d’investissement dans la transition écologique.

Ajoutons, comme je l’ai expliqué tout à l’heure à madame Borne, qui a fait semblant de ne pas comprendre, que lorsqu’on décide de supprimer des postes dans les ministères pour appliquer la fameuse règle des 3 %, on supprime parfois des postes d’inspecteurs pour les établissements à risque sur le plan industriel ou naturel. Nous n’aurons plus que nos yeux pour pleurer quand les incendies se multiplieront. Cela aussi participe de l’affaiblissement de l’État.

M. le président Éric Woerth. Je voudrais simplement rappeler que la loi de programmation des finances publiques date de janvier 2018, c’est-à-dire de l’année dernière… La comparaison entre les prévisions de 2018 et celles d’aujourd’hui pour 2020 est un élément très important lorsque l’on examine l’article liminaire. Le solde retenu dans la LPFP devait être meilleur alors que l’on prévoyait 12,6 milliards d’euros de plus pour la charge des intérêts de la dette. On voit bien qu’il y a eu un changement de paradigme. Ce sont les faits, et ils sont têtus.

La commission rejette les amendements I-CF55 et I-CF885.

Puis elle rejette successivement les amendements I-CF881, I-CF1073, I-CF1194 et ICF396.

Ensuite de quoi, elle examine l’amendement I-CF1313 de Mme Lise Magnier.

Mme Lise Magnier. L’avis du Haut Conseil des finances publiques est précieux lorsque nous examinons le projet de loi de finances. Or cet avis ne porte que sur les recettes. L’amendement I-CF1313 tend à élargir son champ aux dépenses.

M. Joël Giraud, rapporteur général. L’idée est intéressante en soi, mais nous avons créé un Printemps de l’évaluation qui a notamment permis de poser, pour un grand nombre de missions, la question des sous-budgétisations que votre amendement évoque. Le Parlement pourrait s’enorgueillir d’adopter une démarche transversale sur ce sujet dans le cadre du Printemps de l’évaluation, pour en faire un thème majeur. Je vous propose de retirer votre amendement : je crois préférable que ce ne soit pas le Haut Conseil des finances publiques qui fasse ce travail, mais les parlementaires que nous sommes. Il me semble que c’est aussi notre rôle. Les données sont connues en la matière et nous faisons déjà le travail pour presque chaque mission.

L’amendement I-CF1313 est retiré.

La commission adopte ensuite l’article liminaire sans modification.

M. le président Éric Woerth. Monsieur Pupponi, j’ai la réponse à la question que vous m’avez posée tout à l’heure. En réalité, il s’est passé exactement la même chose que l’année dernière : vos amendements avaient été refusés en première partie, car n’y ayant pas leur place, mais ils avaient été examinés en seconde partie. Je vous invite donc à faire de même cette année.

*

*     *

 


   première partie :
conditions générales de l’équilibre financier

titre premier
dispositions relatives aux ressources

I. ‑ Impôts et ressources autorisés

A. ‑ Autorisation de perception des impôts et produits

Article 1er
Autorisation de percevoir les impôts et produits existants

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article autorise la perception des ressources de l’État et des impositions de toute nature affectées à des personnes morales autres que l’État.

Il prévoit également que, sous réserve de dispositions contraires, les dispositions fiscales qu’il contient s’appliquent au 1er janvier 2020.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   L’AUTORISATION DE PERCEVOIR LES RESSOURCES PUBLIQUES

Aux termes de l’article XIV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, « tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs Représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement ». Découlant du principe ainsi posé en 1789, l’article 1er du projet de loi de finances de l’année renouvelle l’autorisation annuelle de percevoir les impôts, élément essentiel de la tradition démocratique en vertu de laquelle l’impôt n’est légitime que parce qu’il est librement consenti par la Nation. Il revient donc au Parlement d’exprimer ce consentement qui, par nature, doit être renouvelé régulièrement.

Compétence exclusive et obligatoire de la loi de finances de l’année, l’autorisation prévue par l’article 1er voit son champ précisé par le 1° du paragraphe I de l’article 34 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) ([8]), qui dispose que « la loi de finances de lannée autorise, pour lannée, la perception des ressources de lÉtat et des impositions de toute nature affectées à des personnes morales autres que lÉtat ».

L’autorisation n’est accordée que pour l’année, conformément au principe constitutionnel d’annualité repris à l’article 1er de la LOLF.

Elle vise non seulement les recettes fiscales mais également l’ensemble des autres ressources perçues en vue de financer le service public – revenus industriels et commerciaux, rémunération de services rendus, fonds de concours, remboursement de prêts et d’avances, produits de cessions…

Elle couvre les impositions de toutes natures affectées aux collectivités territoriales, aux établissements publics et aux organismes divers – publics ou privés – habilités à les percevoir. D’application générale, le principe d’annualité de l’impôt vise à protéger, par cette autorisation, l’ensemble des contribuables, quel que soit l’organisme bénéficiaire de l’imposition.

Pour que le consentement soit libre, encore faut-il qu’il soit éclairé. Les ressources perçues par l’État – recettes fiscales, recettes non fiscales et fonds de concours – ainsi que les dépenses fiscales relatives aux impositions dont le produit est perçu par l’État sont détaillées respectivement dans le premier et le second tome de l’annexe au PLF relative aux évaluations des voies et moyens.

La liste des impositions affectées aux autres organismes publics et la présentation des prélèvements obligatoires par sous-secteurs d’administration publique sont fournies respectivement par le premier tome de cette annexe et par le rapport sur les prélèvements obligatoires, intégré dans le Rapport économique, social et financier depuis la modification de l’article 50 de la LOLF opéré par l’article 25 de la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques ([9]).

II.   Le dispositif proposÉ

Le dispositif de l’article 1er du projet de loi de finances comporte immuablement deux parties. Depuis l’adoption de la loi de finances pour 2016 ([10]), seule la date de l’exercice concerné est mise à jour.

Le I du présent article autorise la perception des ressources de l’État et des impositions de toute nature affectées à des personnes morales autres que l’État pendant l’année 2020.

Le II précise les modalités d’entrée en vigueur des dispositions fiscales de la loi de finances. L’application par défaut de ces dispositions est fixée à compter du 1er janvier 2020.

Deux exceptions sont traditionnellement prévues :

– l’une pour l’impôt sur les sociétés prévoyant que celui-ci est dû sur les résultats des exercices clos à compter du 31 décembre 2019 – une mention particulière est nécessaire, en raison à la fois des différences de date de clôture de l’exercice d’une entreprise à l’autre et du mode de recouvrement par acomptes et soldes de cet impôt direct ;

– et l’autre pour l’impôt sur le revenu, la loi de finances s’appliquant à l’impôt dû au titre de 2019 et des années suivantes.

L’entrée en vigueur du prélèvement à la source pourrait conduire à l’extinction progressive de la deuxième exception. Toutefois, elle est encore nécessaire car certaines des dispositions de l’article 2 du présent projet de loi s’appliquent aux revenus imposés au titre de l’année 2019. En particulier, les tranches d’imposition applicables pour l’imposition des revenus de l’année 2019 sont revalorisées de 1 % afin de neutraliser les effets de l’inflation.

*

*     *

La commission examine, en discussion commune, les amendements ICF1314, ICF1315 et I-CF1316 de Mme Lise Magnier.

Mme Lise Magnier. Ces amendements visent à répondre à la demande du ministre de l’action et des comptes publics, qui a invité les parlementaires à proposer des recettes supplémentaires et des baisses de dépenses. Ma collègue madame Lemoine et moi-même vous soumettons donc trois amendements dont l’objet est de baisser le plafond de l’ensemble des niches fiscales, en excluant toutefois celles qui ont trait aux outre-mer et celles qui favorisent l’emploi. L’amendement I-CF1314 vise à diminuer le plafond de 5 %, l’amendement I‑CF1315 de 3 % et l’amendement I-CF1316 de 1 %.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Ces amendements partent d’une très bonne intention politique, mais j’y vois quand même un problème : une telle mesure risquerait d’être incantatoire, car un écrêtement des dépenses fiscales doit être effectué au cas par cas. Notre problème réside, en vérité, dans l’évaluation des dépenses fiscales. Après avoir procédé à une évaluation complète, nous pourrions avoir un débat serein sur la suppression ou le bornage de ces dépenses – le bornage est d’ailleurs une très bonne solution, dans la mesure où il impose à chaque fois une évaluation des dispositifs : voilà, selon moi, le bon système. C’est d’ailleurs le sens d’une proposition de résolution que l’Assemblée nationale a adoptée. Je vous le dis très sincèrement : je crois qu’il faut accomplir ce travail au cas par cas, même s’il est fastidieux. Or un simple coup de rabot ne le permettrait pas. Qui plus est, ce n’est pas vraiment dans l’article 1er qu’il faut le faire, car son seul objet est d’autoriser le Gouvernement à percevoir l’impôt. Je pense donc que ce travail doit être fait, mais de manière exhaustive, dépense fiscale par dépense fiscale, même si, je le reconnais, c’est très long. Je demande le retrait de ces amendements ; à défaut, avis défavorable.

Mme Lise Magnier. J’entends votre argument, monsieur le rapporteur général ; nous vous proposerons d’ailleurs la suppression de différentes niches fiscales lors de l’examen des articles suivants. Cela dit, et dans l’attente que le travail très fastidieux dont vous parliez puisse être accompli, je ne pense pas qu’un coup de rabot de 1 % aurait des conséquences majeures sur les chiens qui gardent ces niches… En revanche, cela permettrait de réduire un tant soit peu le déficit structurel de notre pays – à cet égard, nous avons tous des efforts à faire. Demander un effort de 1 % pour l’ensemble des niches fiscales – à l’exception de celles qui concernent les territoires d’outre-mer, dont la situation est très particulière, ou qui favorisent l’emploi –, est-ce trop ? Oui, vous avez raison, un travail minutieux nous attend, et nous commencerons d’ailleurs à le faire ensemble dans ce PLF ; mais s’il faut dix ans pour le mener à bien, je crains que la situation budgétaire de notre pays ne nous permette pas d’attendre aussi longtemps.

M. Charles de Courson. Au cours des vingt-six dernières années, j’ai déposé à plusieurs reprises des amendements similaires. Tous ceux qui ont dit qu’ils s’attaqueraient à certaines niches fiscales se sont cassé la figure. De fait, dès que vous vous attaquez à deux ou trois d’entre elles, comme on le verra un peu plus loin, les chiens bondissent de leur niche en demandant : « Pourquoi nous et pas les autres ? Expliquez-nous ! » Raboter tout le monde de 5 % ou 10 % – peu importe, à la limite, cela peut même être 1 %, cela représente tout de même un milliard d’euros environ – a un avantage : la seule façon de tenir les chiens dans les niches, c’est de les traiter tous de la même façon. Ensuite, le Gouvernement peut tout à fait calibrer les choses, niche par niche, de manière à ce que cela coûte globalement 5 % ou 10 % de moins.

Mme Olivia Grégoire. Avant de filer à mon tour la métaphore canine, je voudrais remercier madame Magnier car je trouve sa proposition intéressante ; je l’invite à ce que nous en parlions ensemble. En effet, avec plusieurs collègues de la majorité, nous avons commencé à faire ce travail niche par niche. Toutefois, et malgré les vingt-six ans d’expertise de monsieur de Courson, je précise que nous souhaitons faire exactement l’inverse de ce qu’il disait : nous ne voulons absolument pas, fût-ce à hauteur de 1 %, enclencher une dynamique de rabot. Nous pensons que, dans le cadre de la transformation publique, dont on sait combien il est difficile de la mener, il faut procéder secteur par secteur, niche par niche. C’est le travail que nous faisons, que j’ai fait personnellement – j’aurai plaisir à en reparler. J’ai croisé bon nombre de chiens, et certains n’ont pas fait que me mordre. Il est important que nous abordions de nouveau la question ; le rabot ne mène qu’à la meute… Je pense que nous pouvons faire le travail en l’abordant sous l’angle qualitatif, ensemble, et en nous appuyant sur l’expertise de certains membres, comme monsieur de Courson.

Mme Bénédicte Peyrol. Si l’on peut partager votre objectif, madame Magnier, il n’est pas possible de procéder comme vous le proposez – la preuve en est que vous-même êtes amenée, dans vos amendements, à exclure certains territoires et secteurs : il ne s’agit pas vraiment d’un dispositif global. Le choix de la majorité, dans le projet de loi de finances, est assez clair : cibler les petites niches fiscales. Comme l’a rappelé Olivia Grégoire, un important travail a été fait. Un autre objectif est de limiter dans le temps les dépenses fiscales ; là encore, nous aurons l’occasion d’en parler de nouveau au cours de l’examen du PLF. Nous voulons également sortir des dépenses fiscales défavorables à l’environnement, ce qui nécessite une méthode de travail particulière : il faut dessiner une trajectoire dans le temps, engager une discussion avec les secteurs concernés et prévoir des dispositifs d’accompagnement. Notre logique, comme le rappelait Laurent Saint-Martin, est d’assumer nos choix. S’agissant des dépenses fiscales, nous assumons aussi le choix de la méthode : suppression de certaines petites niches et des dépenses fiscales défavorables à l’environnement, mais aussi limitation des dispositifs dans le temps.

M. le président Éric Woerth. Assumer ses choix ne veut pas nécessairement dire qu’ils sont bons : ils peuvent aussi être mauvais…

M. Joël Giraud, rapporteur général. Sur le plan juridique, les choses ne peuvent pas fonctionner comme le propose madame Magnier. On ne peut pas donner un coup de rabot général. Il faudrait un amendement pour chaque dépense fiscale – pour information, on en compte 468.

M. Fabrice Brun. Cela n’a rien d’insurmontable !

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je vous signale aussi qu’entre 2019 et 2020, il y a déjà 9 milliards de dépenses fiscales en moins, ce qui représente un effort assez important. De surcroît, dans le cadre des amendements qui ont été déposés, notamment celui dont je suis l’auteur et qui vise les « trous noirs fiscaux » – c’est-à-dire les dispositifs sur lesquels je n’ai aucune donnée et dont je ne sais ni qui ils concernent ni combien ils coûtent –, vous aurez largement l’occasion d’avaliser des diminutions bien supérieures à 1 %, puisque je propose des suppressions pures et simples, même s’il est vrai que je ne sais pas quel montant cela représente : par définition, on ne sait rien sur un trou noir fiscal, si ce n’est qu’il absorbe… (Sourires.) Du reste, les astronautes en savent plus sur les vrais trous noirs que moi sur les trous noirs fiscaux. Vous avez déposé un certain nombre d’amendements ciblés – j’ai prévu de donner à certains d’entre eux un avis favorable, en totalité ou en partie, puisqu’il s’agit quelquefois de dépenses fiscales déjà supprimées par ailleurs. Quoi qu’il en soit, n’ayez crainte : la volonté de l’ensemble de la majorité, et la mienne en particulier, est très forte dans ce domaine ; nous nous battons depuis déjà un certain temps. Je suis donc, à ce stade, défavorable à vos amendements, y compris celui qui propose de diminuer toutes les niches de 1 % – que je ne saurais du reste accepter pour des raisons juridiques.

La commission rejette successivement les amendements I-CF1314, ICF1315 et ICF1316.

La commission adopte l’article 1er sans modification.

*

*     *

 


B.  Mesures fiscales

Article 2
Baisse de limpôt sur le revenu (IR) à compter des revenus de lannée 2020, anticipation contemporaine de cette baisse dans le calcul des taux
de prélèvement à la source (PAS) et indexation du barème applicable
aux revenus de lannée 2019

Résumé du dispositif et effets principaux

L’article porte deux catégories de mesures relatives à l’impôt sur le revenu, l’une procédant à des revalorisations traditionnelles en fonction de l’inflation, l’autre dont l’objet est d’alléger la fiscalité des ménages de 5 milliards d’euros.

I Les mesures de revalorisation

Les tranches d’imposition applicables pour l’impôt sur le revenu de l’année 2019 sont revalorisées de 1 % afin de neutraliser les effets de l’inflation. Elles s’établissent ainsi :

– jusqu’à 10 064 euros pour la tranche à 0 % ;

– de 10 064 euros à 27 794 euros pour la tranche à 14 % ;

– de 27 794 euros à 74 517 euros pour la tranche à 30 % ;

– de 74 517 euros à 157 806 euros pour la tranche à 41 % ;

– à partir de 157 806 euros pour la tranche à 45 %.

Dans le même esprit, l’article procède à la revalorisation de l’abattement pour rattachement d’un enfant majeur marié ou ayant des enfants à charge (de 5 888 euros à 5 947 euros par personne prise en charge), du plafonnement des effets d’une demi-part du quotient familial de droit commun (de 1 551 à 1 567 euros), du plafonnement des effets d’une part au titre du premier enfant à charge pour les personnes seules (de 3 660 à 3 697 euros), du plafonnement des effets de la demi-part des personnes seules ayant élevé des enfants qui ne sont plus à leur charge (de 927 à 936 euros), de la réduction d’impôt des invalides, pensionnés de guerre et anciens combattants (de 1 547 à 1 562 euros maximum par demi-part pour compenser le plafonnement de droit commun), de la réduction d’impôt des contribuables veufs ayant des enfants à charge (de 1 728 euros à 1 745 euros pour compenser le plafonnement de droit commun de la part supplémentaire qui leur est attribuée), ainsi que du montant à partir duquel est calculée la décote (de 1 196 à 1 208 euros pour une personne seule et de 1 970 à 1 990 euros pour un couple).

Toujours dans le même esprit, l’article revalorise l’ensemble des bases mensuelles pour l’application du taux par défaut du prélèvement à la source.

II Les mesures pour la baisse de limpôt sur le revenu

L’article porte également trois mesures dont l’effet combiné est de permettre une baisse d’impôt de 5 milliards d’euros en 2020 concentrée sur les contribuables dont le taux marginal relève des deux premières tranches d’imposition.

En premier lieu, l’article fixe de manière anticipée le barème applicable à l’imposition des revenus 2020. Ce barème demeure en partie provisoire car il pourra faire l’objet d’une revalorisation lors du prochain projet de loi de finances pour tenir compte de l’inflation. Le taux de la première tranche imposable est abaissé de 14 à 11 %. Les seuils d’entrée dans les deuxième et troisième tranches imposables sont abaissés respectivement à 25 669 euros (au lieu de 27 794 euros) et 73 369 euros (au lieu de 74 517 euros).

Les tranches du barème 2020 s’établissent donc ainsi :

– jusqu’à 10 064 euros pour la tranche à 0 % ;

– de 10 064 euros à 25 669 euros pour la tranche à 11 % ;

– de 25 669 euros à 73 369 euros pour la tranche à 30 % ;

– de 73 369 euros à 157 806 euros pour la tranche à 41 % ;

– à partir de 157 806 euros pour la tranche à 45 %.

En deuxième lieu, l’article supprime la réduction d’impôt au taux maximal de 20 %, devenue sans objet, en faveur des foyers fiscaux aux revenus modestes.

En troisième lieu, l’article modifie les effets de la décote en adaptant ses paramètres dans le contexte de baisse de la charge fiscale.

Dernières modifications législatives intervenues

Chaque loi de finances initiale comporte un article procédant à un ajustement du barème de l’IR, qui le revalorise dans des proportions plus ou moins importantes que l’évolution de l’indice des prix à la consommation hors tabac.

Le barème de l’impôt sur le revenu comporte, depuis la loi de finances pour 2015 (1) et la suppression de la tranche à 5,5 %, cinq tranches dont les taux n’ont, depuis, fait l’objet d’aucune modification.

La décote et la réduction d’impôt de 20 % sous conditions de ressources constituent deux mécanismes permettant de lisser l’entrée dans l’imposition ou d’alléger la charge fiscale en bas de barème. La décote a souvent évolué entre 1982 (2), année de sa création, et aujourd’hui. La réduction d’impôt n’a pas été modifiée depuis sa création en loi de finances pour 2017 (3) .

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article modifié par un amendement rédactionnel du Rapporteur général.

 

(1) Loi  2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015, article 2.

(2) Loi n° 81-1160 du 30 décembre 1981 de finances pour 1982, article 12 instaurant le mécanisme de la décote.

(3) Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, article 2.

 

I.   L’état du droit

A.   Le mode de calcul de l’impôt sur le revenu

L’impôt sur le revenu est un impôt progressif. Le taux d’imposition croît en fonction du niveau du revenu net imposable.

Pour calculer l’impôt, il faut diviser le revenu net imposable par le nombre de parts du foyer fiscal. La fraction imposable est ensuite soumise au barème suivant.

Barème 2018

Tranche

Taux

Jusqu’à 9 964 €

0 %

De 9 964 € à 27 519 €

14 %

De 27 519 € à 73 779 €

30 %

De 73 779 € à 156 244 €

41 %

À partir de 156 244 €

45 %

Source : article 197 du code général des impôts.

Le chiffre obtenu est multiplié par le nombre de parts. Autrement dit, à même niveau de revenus, la progressivité de l’impôt sur le revenu est atténuée pour un foyer disposant d’un plus grand nombre de parts fiscales.

Cependant, les effets du quotient familial sont plafonnés à 1 551 euros pour chaque demi-part additionnelle à la part d’une personne seule ou aux deux parts d’un couple. Par exception, ils sont plafonnés :

– à 4 830 euros pour la part supplémentaire correspondant au maintien du quotient conjugal des contribuables veufs et ayant au moins un enfant à charge ([11]) ;

– à 3 600 euros pour la première part accordée au titre du premier enfant à charge des célibataires, divorcés, séparés ou veufs vivant seuls ;

– à 3 098 euros par demi-part à raison d’une invalidité, de la qualité de pensionné de guerre ou d’anciens combattants ([12]) ;

– à 927 euros pour la demi-part des célibataires, divorcés, séparés ou veufs sans personne à charge, vivant seuls, mais ayant élevé seuls pendant au moins cinq années un ou plusieurs enfants.

Dans le même esprit d’atténuation de l’impôt au titre des charges familiales, il est prévu un abattement de 5 888 euros par personne prise en charge au titre du rattachement au foyer fiscal d’un enfant marié, pacsé ou chargé de famille.

L’impôt brut résultant de l’application du barème peut faire l’objet d’une décote s’il est inférieur à 1 595 euros pour une personne seule, ou 2 627 euros pour un couple. Cette décote est égale :

– pour une personne seule, à la différence entre 1 196 euros et le montant de l’impôt brut ;

– pour un couple, à la différence entre 1 970 euros et le montant de l’impôt brut.

Après application de cette décote, une réfaction d’impôt en faveur des ménages aux revenus modestes est appliquée. Pour 2018, cette réfaction intervient dès lors que le revenu fiscal de référence du foyer est inférieur à 21 037 euros pour la première part, 42 073 euros pour les deux premières parts, majoré de 3 797 euros par demi-part supplémentaire.

Elle est égale à 20 % jusqu’à un revenu fiscal de référence de 18 985 euros pour la première part, 37 969 euros pour les deux premières parts, majoré de 3 797 euros par demi-part supplémentaire. Au-delà de ces seuils, elle est dégressive et s’éteint lorsque le revenu fiscal de référence atteint le plafond d’application de cette réfaction.

L’impôt peut ensuite faire l’objet de divers crédits et réductions d’impôt qui ne sont pas l’objet du présent article.

B.   Des réformes successives visant à alléger la charge fiscale des ménages aux revenus modestes et moyens

1.   Les récentes évolutions du barème de l’IR

a.   Une tendance à l’allégement de l’imposition en bas de barème depuis 2014

De manière générale, depuis 2014, les différentes mesures contenues dans les lois de finances ont allégé l’imposition sur le revenu, en particulier en « bas » de barème.

Le calcul de l’IR se fait en appliquant, au revenu imposable d’un foyer fiscal, le barème défini à l’article 197 du CGI. Le barème s’applique par part de quotient familial ([13]) et le montant de l’impôt ainsi obtenu est ensuite multiplié par le nombre de parts du foyer. Les modalités d’attribution des parts de quotient familial sont précisées aux articles 194 et 195 du CGI.

Ce dernier a fait, depuis le début des années 1980, l’objet de plusieurs modifications concernant à la fois le nombre et les taux d’imposition des différentes tranches, comme l’illustre notamment le tableau ci-dessous.

Nombre de tranches et taux marginaux d’imposition du barème
de l’impôt sur le revenu

(en %)

 

1983

1988

1994

2006

2007

2014

2015

Tranche 1

0

0

0

0

0

0

0

Tranche 2

5

5

12

6,83

5,5

5,5

14

Tranche 3

10

9,6

25

19,14

14

14

30

Tranche 4

15

14,4

35

28,26

30

30

41

Tranche 5

20

19,2

45

37,38

40

40

45

Tranche 6

25

24

50

42,62

 

45

 

Tranche 7

30

28,8

56,8

48,09

 

 

 

Tranche 8

35

33,6

 

 

 

 

 

Tranche 9

40

38,4

 

 

 

 

 

Tranche 10

45

43,2

 

 

 

 

 

Tranche 11

50

49

 

 

 

 

 

Tranche 12

55

53,9

 

 

 

 

 

Tranche 13

60

56,8

 

 

 

 

 

Tranche 14

65

 

 

 

 

 

 

Source : IPP, avril 2014 et commission des finances.

Dernières modifications substantielles du barème, la loi de finances pour 2015 ([14]) a supprimé la tranche à 5,5 % applicable à la fraction du revenu imposable comprise entre 6 011 et 11 991 euros et a modifié le seuil d’entrée dans la tranche à 14 % – et donc le seuil d’entrée dans l’imposition – en l’abaissant de 11 991 à 9 690 euros. Cet ajustement a permis d’étendre le bénéfice de l’allégement d’impôts à « davantage de ménages des classes moyennes » ([15]), tout en « neutralis[ant] lallégement dimpôt procuré par la suppression de cette tranche pour les contribuables situés dans les tranches suivantes » ([16]).

b.   La revalorisation annuelle des seuils des tranches du barème, une pratique traditionnelle

Traditionnellement, chaque loi de finances revalorise les seuils en euros des différentes tranches du barème de l’IR à hauteur du taux d’inflation des prix hors tabac anticipé pour l’année au cours de laquelle est présentée la loi de finances. Ajustement courant, l’indexation du barème de l’IR sur l’évolution des prix s’est appliquée de façon quasi continue depuis 1969, de manière différenciée selon les tranches du barème dans un premier temps, puis de manière indifférenciée, c’est-à-dire en appliquant à l’ensemble des tranches du barème le même taux, depuis 1981.

Depuis cette date, le principe de l’indexation annuelle du barème de l’IR sur l’évolution de l’inflation constitue une mesure consensuelle de préservation du pouvoir d’achat eu égard à la pression fiscale –  mesure reconduite, sauf exceptions limitées, chaque année en loi de finances initiale.

Dans un contexte économique et budgétaire contraint, la dernière loi de finances rectificative pour 2011 ([17]) a procédé au gel des seuils du barème pour l’imposition des revenus de 2011 et des années suivantes, permettant ainsi des recettes supplémentaires de l’ordre de 1,6 milliard d’euros en 2012. La loi de finances pour 2013 ([18]) n’est pas revenue sur le gel et ce n’est qu’avec la loi de finances pour 2014 ([19]) que la pratique de l’indexation est réapparue.

Depuis 2013, chaque loi de finances initiale a ainsi procédé à une revalorisation des tranches du barème de l’IR, respectivement, de 0,8 % ([20]), 0,5 % ([21]), 0,1 % ([22]), 0,1 % ([23]), 1 % ([24]) et de 1,6 % ([25])

Évolution du taux d’inflation et de l’indexation du barème
de l’Impôt sur le revenu depuis 2011

Année N

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Indexation du barème réalisée en PLF de l’année N

1,5 %

0 %

(gel du barème)

0 %

(gel du barème)

0,8 %

0,5 %

0,1 %

0,1 %

1 %

1,6 %

Coût de la mesure en année N (pertes de recettes d’IR)

(en millions deuros)

1 100

0

0

700

485

100

100

1 100

1 176

Source : commission des finances.

L’inflation constatée peut s’avérer légèrement différente du taux d’indexation du barème car il est établi sur la base d’une prévision d’inflation associée au projet de loi de finances. Au cours des dernières années, l’écart entre l’inflation anticipée et l’inflation constatée n’a in fine jamais dépassé 0,1 point.

Après la revalorisation opérée par l’article 2 de la loi de finances pour 2019 ([26]), le barème applicable aux revenus réalisés ou perçus en 2018, avant application du crédit d’impôt de modernisation du recouvrement, est le suivant.

barème de l’impôt sur le revenu applicable aux revenus de 2018

Jusqu’à 9 964 euros

0 %

9 964 euros – 27 519 euros

14 %

27 519 euros – 73 779 euros

30 %

73 779 euros – 156 244 euros

41 %

Fraction supérieure à 156 244 euros

45 %

Source : Article 197 du CGI.

● L’indexation du barème de l’IR sur l’évolution du niveau des prix permet de maintenir constante la pression fiscale qui pèse sur les contribuables, c’est-à-dire le rapport entre l’impôt dû et le revenu. Elle « neutralise » les effets liés à l’inflation sur le pouvoir d’achat des ménages.

A contrario, si le barème n’évoluait pas dans les mêmes proportions que le niveau des prix, l’impôt dû par les ménages dont les revenus ont augmenté au même rythme que l’inflation s’accroîtrait. La progressivité du barème impliquerait qu’une part plus importante de leurs revenus soit soumise au taux marginal le plus élevé auquel ils sont assujettis et leur taux marginal pourrait, le cas échéant, lui-même augmenter. Le poids de l’impôt acquitté par rapport aux revenus du ménage augmenterait en conséquence d’une année sur l’autre. L’indexation est donc toujours une mesure favorable aux contribuables.

2.   La décote, un mécanisme permettant un allégement dégressif en bas de barème

● Introduite par la loi de finances pour 1982 ([27]) au bénéfice de certains contribuables isolés (disposant d’une part ou d’une part et demie de quotient familial), la décote est un mécanisme qui vise à annuler ou minorer le montant de l’impôt dû et contribue à lisser l’entrée dans l’imposition en allégeant la pression fiscale pour les personnes dont les revenus se situent dans les premières tranches du barème de l’IR. Elle concerne, depuis la loi de finances pour 1987 ([28]), tous les contribuables.

La décote a, depuis plus de trente-cinq ans, fait l’objet de plusieurs modifications de ses caractéristiques et paramètres. Bien implanté dans le paysage fiscal et dans le mode de calcul de l’IR, elle reste un élément de la mécanique de l’impôt sur le revenu indissociable des évolutions structurantes du barème de l’IR. Ainsi, à titre d’illustration, la dernière réforme significative du barème de l’impôt intervenue en loi de finances pour 2015 s’est-elle accompagnée d’une modification paramétrique de la décote.

● Codifié à l’article 197 du CGI (a du 4), le mécanisme de la décote consiste à réduire l’impôt issu de l’application du barème progressif figurant dans le même article de la différence entre un montant fixe et une fraction du montant de l’impôt précité, lesquels sont fixés à l’article 197 du CGI. Les montants associés à la décote sont fixés à l’article 197 et évoluent traditionnellement chaque année dans les mêmes proportions que la limite supérieure de la première tranche du barème de l’IR.

Plusieurs exceptions à cette pratique courante sont à relever : après avoir été gelés pour l’imposition des revenus de 2011, dans un contexte économique et budgétaire contraint, les montants relatifs à la décote ont fait l’objet de plusieurs revalorisations exceptionnelles. La loi de finances pour 2013 ([29]) a augmenté de 9 % le montant de la décote ([30]) et la loi de finances pour 2014 ([31]) a procédé à une revalorisation de 5,8 %, soit des hausses plus importantes que l’inflation, permettant à certains contribuables de « sortir » du barème et à d’autres d’alléger notablement le montant de leur imposition.

Pour l’imposition des revenus de 2013, le montant et la fraction utilisés pour l’application de la décote s’élevaient respectivement à 508 euros et ½. La loi de finances pour 2015 ([32]) et la loi de finances pour 2016 ([33]) ont profondément modifié le mécanisme en le « conjugalisant » ([34]), d’une part, et en en renforçant l’ampleur, d’autre part.

La décote permet-elle actuellement, après la revalorisation des montants résultant de l’article 2 de la loi de finances pour 2019 :

– pour les célibataires, divorcés ou veufs, de réduire le montant de l’impôt issu du barème progressif de la différence entre 1 196 euros et les ¾ de son montant ;

– pour les contribuables soumis à une imposition commune, de réduire le montant de l’impôt issu du barème progressif de la différence entre 1 970 euros et les ¾ de son montant.

Évolution de la décote depuis 2009

Année

2009

(revenus de 2008)

2010

(revenus de 2009)

2011

(revenus de 2010)

2012

(revenus de 2011)

2013

(revenus de 2012)

2014

(revenus de 2013)

Montant de référence de la décote (en euros)

431

433

439

439

480

508

Fraction du montant d’impôt à déduire

½

 

½

 

½

 

½

 

½

 

½

 

Source : loi de finances.

Évolution de la décote depuis 2015

Année

2015

(revenus de 2014)

2016

(revenus de 2015)

2017

(revenus de 2016)

2018

(revenus de 2017)

2019

(revenus de 2018)

Montant de la décote pour une personne seule (en euros)

1 135

1 165

1 165

1 177

1 196

Montant de la décote pour les contribuables soumis à une imposition commune (en euros)

1 870

1 920

1 920

1 939

1 970

Fraction du montant dimpôt

Montant total de l’impôt (*)

 

3/4

3/4

3/4

3/4

(*) « Le montant de limpôt résultant de lapplication des dispositions précédentes est diminué, dans la limite de son montant, de la différence entre 1 135 € et son montant pour les contribuables célibataires, divorcés ou veufs et de la différence entre 1 870 € et son montant pour les contribuables soumis à imposition commune. », article 197 CGI dans sa version résultant de l’article 2 de la loi de finances pour 2015.

Source : loi de finances.

Les différentes modifications apportées à la décote n’ont jamais remis en cause sa pertinence ni son principe : la décote permet un allégement de l’imposition de moins en moins important au fil de l’augmentation de l’impôt dû.

3.   Plusieurs dispositifs de réduction d’impôt sous conditions de ressources plus ou moins pérennes

a.   La réduction exceptionnelle d’impôt sur le revenu en faveur des ménages aux revenus modestes au titre de l’impôt dû en 2014

« Afin dalléger lIR dû en 2014 par les ménages titulaires de revenus modestes » et de « compenser les effets du gel du barème de lIR au titre des années 2011 et 2012, qui a eu pour conséquence une progression du nombre de foyers imposés » ([35]), la première loi de finances rectificative (LFR) pour 2014 ([36]) a créé une réduction d’impôt exceptionnelle au titre des revenus réalisés ou perçus au cours de l’année 2013.

Ainsi, sous réserve de remplir les conditions de ressources retenues ([37]), les contribuables concernés ont bénéficié d’un avantage fiscal dont le montant, fixe, s’élevait à 350 euros pour les personnes seules et au double de ce montant, soit 700 euros, pour les couples.

Cette mesure exceptionnelle a permis à 4,06 millions de foyers fiscaux de bénéficier d’un allégement effectif voire d’une annulation d’imposition.

b.   La réduction d’impôt de 20 % sous conditions de ressources

La loi de finances pour 2017 a introduit un mécanisme pérenne d’allégement de l’impôt destiné, lors de sa mise en œuvre, aux foyers fiscaux dont le revenu fiscal de référence (RFR) est inférieur à 20 500 euros pour les contribuables seuls et à 41 000 euros pour les couples ([38]) – ces plafonds étant majorés de 3 700 euros par demi-part supplémentaire de quotient familial à partir de la troisième et de la moitié de cette somme par quart de part supplémentaire.

L’avantage fiscal prend la forme d’une réduction d’impôt d’un taux de 20 % jusqu’à certains seuils de RFR, fixés au b du 4 de l’article 197 du CGI, et décroît ensuite progressivement dans le cadre d’un mécanisme de lissage permettant une sortie en sifflet du dispositif.

Les plafonds de revenus conditionnant le bénéfice de l’allégement de l’imposition (réduction d’impôt de 20 % et lissage) sont révisés chaque année dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu, conformément au dernier alinéa du b du 4 de l’article 197 du CGI. Les tableaux ci-après présentent l’état de ce dispositif pérenne s’agissant de l’imposition des revenus de 2018.

Évolution des seuils et montants associés à la réduction d’impôt de 20 % sous condition de ressources

Seuil

Revenus de 2016

(en euros)

Revenus de 2017

(en euros)

Revenus de 2018

(en euros)

Éligibilité à la réduction d’impôt de 20 %

Seuil de RFR pour la première part de quotient familial (contribuable célibataire, divorcé ou veuf)

20 500

20 705

21 036

Seuil de RFR pour les deux premières parts de quotient familial (couple soumis à imposition commune)

41 000

41 410

42 073

Seuil au-delà duquel l’avantage associé à la réduction d’impôt décroît linéairement

Seuil de RFR pour la première part de quotient familial (contribuable célibataire, divorcé ou veuf)

18 500

18 685

18 984

Seuil de RFR pour les deux premières parts de quotient familial (couple soumis à imposition commune)

37 000

37 370

37 968

Montants des majorations applicables à tous les bénéficiaires de la réduction d’impôt

Majoration pour les demi-parts suivantes

3 700

3 737

3 797

Majoration pour les quarts de parts suivants

1 850

1 869

1 898

Source : commission des finances.

C.   Des modalités de détermination de l’IR complexes et Des taux marginaux DEMEURANT paradoxalement élevés en bas de barème

1.   Un cumul de mécanismes d’allégement de l’imposition favorable aux contribuables mais peu lisible

Sous réserve des différents abattements et mécanismes qui visent à alléger la cotisation d’impôt due par un foyer fiscal, le montant de l’impôt est calculé en appliquant aux revenus déclarés le barème progressif figurant à l’article 197 du CGI, après déduction forfaitaire de 10 % au titre des frais professionnels.

Il résulte de ce barème que seule la partie des revenus imposables supérieure au seuil d’entrée dans le barème peut faire l’objet d’une imposition. Ce seuil est actuellement fixé à 9 964 euros.

La décote et la réduction d’impôt sous condition de ressources permettent de retarder ou de lisser l’entrée dans le barème. Ces deux mécanismes s’appliquent successivement et peuvent se cumuler jusqu’à un certain niveau de revenus. Il en résulte un allégement, parfois significatif, de la cotisation dimpôt due, au prix toutefois dune complexité et dune moindre lisibilité de limposition des foyers dont les revenus sont les plus modestes et qui se trouvent en « bas de barème ».

Synthèse des effets de la décote au titre des revenus de 2018

Niveau de RFR (en euros)

Application de la décote

Effets de la décote

Personne seule

Couple soumis à imposition commune

≤ 15 154

≤ 28 275

Oui

Cotisation d’impôt nulle

≤ 21 353

≤ 36 688

Oui

Cotisation d’impôt allégée

Source : commission des finances.

Synthèse des effets de la réduction d’impôt sous condition de ressources au titre des revenus de 2018

Niveau de RFR (en euros)

Application de la réduction dimpôt

Caractéristiques de la réduction dimpôt

Personne seule

Couple soumis à imposition commune

≤ 18 984 (1)

≤ 37 968 (1)

Oui

20 % du montant de la cotisation d’impôt

≤ 21 036

≤ 42 073

Oui

Modalités spécifiques de calcul (réduction linéaire de l’avantage)

(1) Les montants peuvent varier d’une ou deux unités en fonction des règles d’arrondis utilisées.

Source : commission des finances.

2.   La « dégradation de la structure du bas de barème » (Évaluations préalables)

Comme l’indique l’Évaluation préalable, l’instauration, par la loi de finances pour 2017 de la réduction d’impôt de 20 % sous conditions de ressources a permis de réduire d’un peu moins de 5 points le taux marginal d’imposition dans la zone d’application de la décote, le portant de 24,5 % à 19,6 %.

Seuls les contribuables dont les ressources leur permettent de bénéficier de la réduction d’impôt au taux de 20 % sont toutefois concernés. Ceux qui bénéficient, au titre de ce mécanisme, d’un allégement d’impôt mais qui relèvent du mécanisme de lissage présenté supra, se trouvent, en revanche, dans une situation moins favorable et connaissent des taux marginaux d’imposition plus élevés encore.

Au-delà de l’incohérence entre les objectifs d’allégement de l’imposition pour les contribuables appartenant aux classes moyennes, régulièrement réaffirmés depuis 2014 et l’existence de taux marginaux d’imposition élevés, cet effet « indésirable » observable pour certains contribuables peut avoir des conséquences économiques peu souhaitables. En effet, l’incitation, pour un contribuable, à maintenir ou accroître son activité professionnelle est d’autant plus faible que le taux marginal d’imposition applicable aux revenus supplémentaires réalisés est élevé.

D.   Un IR désormais prélevé à la source

● La réforme du mode de collecte de l’impôt par le prélèvement à la source, initiée par le précédent Gouvernement, a été adoptée à l’article 60 de la loi de finances pour 2017 ([39]). Elle devait initialement entrer en vigueur le 1er janvier 2018.

Afin d’en assurer la mise en œuvre dans des conditions parfaitement sécurisées, le Gouvernement, habilité par le Parlement dans la loi du 15 septembre 2017 ([40]) à procéder par voie d’ordonnance, a décalé d’une année l’entrée en vigueur de la réforme. L’ordonnance promulguée le 22 septembre 2017 ([41]) a ainsi reporté l’entrée en vigueur du prélèvement à la source à compter du 1er janvier 2019.

● La mise en œuvre du prélèvement à la source, dont Cendra Motin a présenté, le 17 juillet 2019, un premier bilan très positif, dans le cadre de l’examen du rapport sur l’application des mesures fiscales (RALF) ([42]) permet notamment « de supprimer lessentiel du décalage dune année qui existait auparavant entre la perception des revenus et le paiement de lIR correspondant, ce qui pouvait être source de difficultés financières pour un nombre important de contribuables » ([43]).

1.   Les modalités de détermination du taux du PAS

a.   Le taux synthétique propre à chaque foyer fiscal

● Le PAS est liquidé, conformément à l’article 204 E du CGI, en appliquant à l’assiette des revenus qui sont inclus dans le champ du PAS un taux synthétique correspondant à la situation individuelle de chaque foyer fiscal. Ce taux est calculé par l’administration fiscale dans les conditions notamment précisées à l’article 204 H du CGI.

De manière schématique, le taux du PAS est établi en faisant le rapport entre l’impôt correspondant aux revenus relevant du PAS et le montant de ces revenus.

http://www.assemblee-nationale.fr/14/rapports/r4125-tiii-v2-2.gif

Note de lecture. Les RI&CI désignent les réductions et crédits d’impôt ; les abréviations PVM et RCM désignent respectivement les plus-values mobilières et les revenus de capitaux mobiliers.

Compte tenu du calendrier de déclaration des revenus, les montants de l’impôt et des revenus pris en compte dans le calcul du taux du PAS (figurant respectivement au numérateur et au dénominateur de la formule) pour une année N sont ceux de l’année N–2 pour la période allant du 1er janvier au 31 août de l’année N et ceux de l’année N–1 pour la période allant du 1er septembre au 31 décembre de l’année N.

Concrètement, cela implique que l’administration fiscale effectue un nouveau calcul du taux propre à chaque foyer fiscal, une fois portés à sa connaissance, via la déclaration des revenus de l’année N-1 effectuée au cours du printemps de l’année N, les derniers éléments relatifs aux revenus réalisés et perçus par ledit foyer fiscal. Ces modalités de calcul s’appliquent tant aux versements des acomptes contemporains qu’aux retenues à la source. Pour mémoire, pour les revenus inclus dans le champ du PAS autres que les traitements et salaires et pensions notamment, l’impôt fait l’objet d’acomptes dits contemporains, calculés par l’administration fiscale et payés mensuellement ou trimestriellement par les contribuables concernés.

REVENUS INCLUS ET EXCLUS DU PRÉLÈVEMENT À LA SOURCE

Revenus dans le champ du prélèvement à la source

Revenu hors du champ du prélèvement à la source

Retenue à la source

Acompte contemporain

Traitements et salaires

Bénéfices industriels et commerciaux (BIC)

Plus-values mobilières (PVM)

Pensions de retraite

Bénéfices non commerciaux (BNC)

Plus-values immobilières (PVI)

Indemnités journalières de sécurité

sociale, allocations chômage

Bénéfices agricoles (BA)

Revenus de capitaux mobiliers (RCM)

Indemnités versées lors de la rupture du

contrat de travail (pour leur part

imposable)

Revenus fonciers

 

Stock-options, attribution dactions gratuites (AGA), carried interest, bons de souscription de parts de créateur dentreprise (BSPCE)

Participation, intéressement

Rentes viagères à titre onéreux (RVTO)

Indemnités pour préjudice moral supérieures à un million deuros

Rentes viagères à titre gratuit

Par exception, pensions alimentaires, salaires et pensions versés par des débiteurs établis à létranger

Revenus de non-résidents soumis à une retenue à la source et revenu de source étrangère ouvrant droit à un crédit dimpôt

Source : commission des finances, Valérie Rabault, Rapport fait au nom de la commission des finances, de léconomie générale et du contrôle budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2017, tome III, Assemblée nationale, XVe législature, n° 4125, 13 octobre 2016.

● Par ailleurs, plusieurs modifications intervenant dans la situation des contribuables sont susceptibles de modifier le calcul du taux du PAS, dès lors qu’ils sont notifiés à l’administration dans un délai de soixante jours à compter de la survenue d’une telle modification. Énumérés à l’article 204 I du CGI, les événements concernés sont notamment ceux qui ont un impact sur la composition du foyer fiscal : mariage ou conclusion d’un pacte civil de solidarité (PACS), décès d’un membre du foyer fiscal, divorce ou rupture d’un PACS, naissance, adoption ou recueil d’un enfant mineur.

Enfin, le montant du PAS peut faire l’objet, de la part du contribuable, de demandes de modulations, à la hausse et, dans certains cas également, à la baisse, dans les conditions prévues à l’article 204 J du CGI.

b.   Le taux par défaut

Le taux de la retenue à la source que doivent effectuer les collecteurs est calculé par l’administration fiscale selon les modalités définies à l’article 204 H du CGI (cf. supra). Toutefois, lorsque le débiteur ne dispose pas du taux individualisé ou lorsque l’administration n’est pas en mesure de transmettre un taux suffisamment « à jour » de la situation fiscale du contribuable ([44]) (entrée dans la vie active pour les étudiants, retour de l’étranger, par exemple), il est fait application des grilles de taux dit « par défaut », prévues aux a à c du III de l’article 204 H du CGI.

Trois grilles, respectivement applicables aux contribuables domiciliés en métropole (a du 1 du III), en Guadeloupe, à La Réunion et en Martinique (b du même 1), en Guyane et à Mayotte (c du même 1), précisent le taux applicable. Les grilles spécifiques aux territoires ultra-marins tiennent compte des effets de la réduction plafonnée de 30 % ou 40 %, selon les cas, opérée sur l’impôt des contribuables qui y sont domiciliés ([45]). Toutes les grilles ont fait l’objet d’ajustements de nature technique dans la loi de finances pour 2019 et ont vocation à être revalorisées chaque année.

II.   Le droit proposé

Le présent article procède à la traditionnelle indexation du barème sur l’inflation (barème 2019). Il procède également à une transformation du barème pour 2020 dans le but de réduire l’impôt sur le revenu et de concentrer cette réduction sur les contribuables dont le taux marginal d’imposition relève des deux premières tranches imposables.

BarÈme de l’IR

État du droit

 

Droit proposé

 

Droit proposé

2018

2019

2020

Tranche

Taux

Tranche

Taux

Tranche

Taux

Jusqu’à 9 964 €

0 %

Jusqu’à 10 064 €

0 %

Jusqu’à 10 064 €

0 %

De 9 964 € à 27 519 €

14 %

De 10 064 € à 27 794 €

14 %

De 10 064 € à 25 669 €

11 %

De 27 519 € à 73 779 €

30 %

De 27 794 € à 74 517 €

30 %

De 25 669 € à 73 369 €

30 %

De 73 779 € à 156 244 €

41 %

De 74 517 € à 157 806 €

41 %

De 73 369 € à 157 806 €

41 %

À partir de 156 244 €

45 %

À partir de 157 806 €

45 %

À partir de 157 806 €

45 %

Source : article 197 du code général des impôts, et présent article.

A.   une traditionnelle indexation du barème de l’IR sur l’inflation

1.   La revalorisation du barème de l’IR

Le présent article procède à l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu en revalorisant chacune des limites des tranches de 1 %. Ce taux correspond à l’évolution prévisionnelle de l’indice des prix hors tabac de 2019 par rapport à 2018, qui figure dans le Rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances.

barème de l’impôt sur le revenu applicable aux revenus de 2019

Jusqu’à 10 064 euros

0 %

10 064 euros – 27 794 euros

14 %

27 794 euros – 74 517 euros

30 %

74 517 euros – 157 806 euros

41 %

Fraction supérieure à 157 806 euros

45 %

Source : commission des finances.

2.   La revalorisation concomitante de certains seuils et montants conditionnant le bénéfice de certains dispositifs fiscaux

● L’indexation du barème est également une référence pour l’évolution d’autres types de montants conditionnant, selon les cas, une exonération ou une minoration d’imposition, ou encore le plafonnement d’un avantage fiscal. Ces montants sont ainsi réputés être indexés chaque année comme la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu.

Parmi les principaux dispositifs indexés concernant l’impôt sur le revenu, figurent notamment :

– l’abattement forfaitaire sur le revenu en faveur des personnes âgées de plus de soixante-cinq ans, applicable en fonction de seuils de revenus définis ([46]) ;

– le plafond de l’abattement de 10 % applicable aux pensions de retraite ([47]) ;

– le plafond de la déduction forfaitaire de 10 % au titre des frais professionnels ([48]) ;

– le seuil de RFR associé au bénéfice du taux nul en matière de prélèvement à la source ([49]).

En matière de fiscalité locale, les articles 1417 et 1414 A du CGI définissent actuellement, pour le premier, des plafonds de revenus et, pour le second, des montants d’abattement, utilisés pour différents régimes d’exonérations ou d’abattements en matière de taxe d’habitation (TH) et de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB). Ces montants sont eux aussi indexés comme la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu. Cette revalorisation emporte des conséquences sur l’assujettissement à la contribution à l’audiovisuel public (CAP), puisque les contribuables peuvent bénéficier d’un dégrèvement total ou partiel de la CAP selon des conditions symétriques à celles retenues pour les exonérations de TH.

● La revalorisation des tranches du barème à hauteur de l’inflation s’accompagne de celle des différents montants utilisés pour le calcul des avantages retirés du quotient familial et du montant de la décote.

a.   Les plafonds applicables au quotient familial

Visant à corriger la progressivité du barème de l’impôt en fonction de la situation de famille et des charges du foyer fiscal, le quotient familial a pour conséquence d’alléger, à revenu égal, la charge fiscale pesant sur les familles par rapport à celle des redevables taxés sur un nombre de parts inférieur, en permettant d’imposer les revenus ainsi fractionnés dans des tranches plus basses.

Depuis la loi de finances pour 1982 ([50]), l’avantage fiscal qui résulte de l’application du quotient familial est plafonné, de sorte que, pour les contribuables soumis au plafonnement, cet avantage tend à diminuer, en valeur relative par rapport à l’impôt dû, à mesure que le revenu augmente. Ainsi, le plafonnement bénéficie plus fortement aux contribuables dont les revenus sont les moins élevés.

Le 2° du B du I du présent article procède à l’indexation des plafonds de l’avantage retiré de l’application des différentes parts et demi-parts qui composent le quotient familial.

Indexation de plafonds associÉs au calcul de l’impôt sur le revenu

(en euros)

Objet de la limite ou du seuil

Pour limposition des revenus de 2018

Pour limposition des revenus de 2019

Plafond de l’avantage retiré de chaque demi-part de droit commun de quotient familial

1 551

1 567

Plafond de l’avantage retiré de la part entière de quotient familial accordée au titre du premier enfant à charge des personnes vivant seules en application du II de l’article 194 du CGI

3 660

3 697

Plafond de l’avantage retiré de la demi part accordée aux personnes célibataires, divorcées ou veuves sans personne à charge ayant élevé seules pendant au moins cinq ans un ou plusieurs enfants en application des a, b et e du 1 de l’article 195 du CGI

927

936

Plafond de la réduction d’impôt complémentaire au titre de la demi-part supplémentaire accordée à raison de la qualité d’ancien combattant ou de la situation d’invalidité d’un des membres du foyer fiscal en application des c, d, d bis et f du 1 et des 2 à 6 de l’article 195 du CGI

1 547

1 562

Plafond de la réduction d’impôt complémentaire au titre de la part supplémentaire accordée aux contribuables veufs ayant au moins un enfant à charge en application du I de l’article 194

1 728

1 745

Source : commission des finances.

Par ailleurs, le rattachement au foyer fiscal d’un enfant majeur marié, pacsé ou chargé de famille, de moins de vingt et un ans ou de moins de vingt-cinq ans s’il poursuit ses études, ouvre droit à un abattement sur le revenu imposable, en application de l’article 196 B du CGI. Le A du I du présent article fixe, selon les mêmes modalités de revalorisation, le montant de l’abattement à 5 947 euros pour l’imposition des revenus de 2019 ([51]).

b.   La revalorisation des grilles du taux par défaut du PAS

Conformément à l’article 2 de la loi de finances pour 2019 ([52]), les limites de chacune des tranches des grilles prévues aux a à c du 1 du III de l’article 204 H du CGI sont révisées chaque année dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l’IR.

Le D du I du présent article procède, par conséquent, à cette revalorisation de 1 % ainsi qu’à des aménagements des taux applicables, comme l’illustrent les tableaux ci-dessous.

Grille du taux « par défaut » pour les contribuables domiciliés
en métropole

Droit existant

Dispositif proposé

Base mensuelle de prélèvement

Taux proportionnel

Base mensuelle de prélèvement

Taux proportionnel

Inférieure à 1404 €

0 %

Inférieure à 1 418 €

0 %

Supérieure ou égale à 1 404 et inférieure à 1 457 €

0,5 %

Supérieure ou égale à 1 418 € et inférieure à 1 472 €

0,5 %

Supérieure ou égale à 1 457 € et inférieure à 1 551 €

1,5 %

Supérieure ou égale à 1 472 € et inférieure à 1 567 €

1,3 %

Supérieure ou égale à 1 551 € et inférieure à 1 656 €

2,5 %

Supérieure ou égale à 1 567 € et inférieure à 1 673 €

2,1 %

Supérieure ou égale à 1 656 € et inférieure à 1 769 €

3,5 %

Supérieure ou égale à 1 673 € et inférieure à 1 787 €

2,9 %

Supérieure ou égale à 1 769 € et inférieure à 1 864 €

4,5 %

Supérieure ou égale à 1 787 € et inférieure à 1 883 €

3,5 %

Supérieure ou égale à 1 864 € et inférieure à 1 988 €

6 %

Supérieure ou égale à 1 883 € et inférieure à 2 008 €

4,1 %

Supérieure ou égale à 1 988 € et inférieure à 2 578 €

7,5 %

Supérieure ou égale à 2 008 € et inférieure à 2 376 €

5,3 %

Supérieure ou égale à 2 578 € et inférieure à 2 797 €

9 %

Supérieure ou égale à 2 376 € et inférieure à 2 720 €

7,5 %

Supérieure ou égale à 2 797 € et inférieure à 3 067 €

10,5 %

Supérieure ou égale à 2 720 € et inférieure à 3 098 €

9,9 %

Supérieure ou égale à 3 067 € et inférieure à 3 452 €

12 %

Supérieure ou égale à 3 098 € et inférieure à 3 487 €

11,9 %

Supérieure ou égale à 3 452 € et inférieure à 4 029 €

14 %

Supérieure ou égale à 3 487 € et inférieure à 4 069 €

13,8 %

Supérieure ou égale à 4 029 € et inférieure à 4 830 €

16 %

Supérieure ou égale à 4 069 € et inférieure à 4 878 €

15,8 %

Supérieure ou égale à 4 830 € et inférieure à 6 043 €

18 %

Supérieure ou égale à 4 878 € et inférieure à 6 104 €

17,9 %

Supérieure ou égale à 6 043 € et inférieure à 7 780 €

20 %

Supérieure ou égale à 6 104 € et inférieure à 7 625 €

20 %

Supérieure ou égale à 6 037 et inférieure à 10 562 €

24 %

Supérieure ou égale à 7 625 € et inférieure à 10 583 €

24 %

Supérieure ou égale à 10 562 € et inférieure à 14 795 €

28 %

Supérieure ou égale à 10 583 € et inférieure à 14 333 €

28 %

Supérieure ou égale à 14 795 € et inférieure à 22 620 €

33 %

Supérieure ou égale à 14 333 € et inférieure à 22 500 €

33 %

Supérieure ou égale à 22 620 € et inférieure à 47 717 €

38 %

Supérieure ou égale à 22 500 € et inférieure à 48 196 €

38 %

Supérieure ou égale à 47 717 €

43 %

Supérieure ou égale à 48 196 €

43 %

Grille du taux « par défaut » pour les contribuables domiciliés
en Guadeloupe, à La Réunion et en Martinique

Droit existant

Dispositif proposé

Base mensuelle de prélèvement

Taux proportionnel

Base mensuelle de prélèvement

Taux proportionnel

Inférieure à 1 610 €

0 %

Inférieure à 1 626 €

0 %

Supérieure ou égale à 1 610 et inférieure à 1 707 €

0,5 %

Supérieure ou égale à 1 626 € et inférieure à 1 724 €

0,5 %

Supérieure ou égale à 1 707 € et inférieure à 1 837 €

1,5 %

Supérieure ou égale à 1 724 € et inférieure à 1 900 €

1,3 %

Supérieure ou égale à 1 837 € et inférieure à 1 948 €

2,5 %

Supérieure ou égale à 1 900 € et inférieure à 2 075 €

2,1 %

Supérieure ou égale à 1 948 € et inférieure à 2 117 €

3,5 %

Supérieure ou égale à 2 075 € et inférieure à 2 292 €

2,9 %

Supérieure ou égale à 2 117 € et inférieure à 2 377 €

4,5 %

Supérieure ou égale à 2 292 € et inférieure à 2 417 €

3,5 %

Supérieure ou égale à 2 377 € et inférieure à 2 784 €

6 %

Supérieure ou égale à 2 417 € et inférieure à 2 500 €

4,1 %

Supérieure ou égale à 2 784 € et inférieure à 3 176 €

7,5 %

Supérieure ou égale à 2 500 € et inférieure à 2 750 €

5,3 %

Supérieure ou égale à 3 176 € et inférieure à 3 696 €

9 %

Supérieure ou égale à 2 750 € et inférieure à 3 400 €

7,5 %

Supérieure ou égale à 3 696 € et inférieure à 4 421 €

10,5 %

Supérieure ou égale à 3 400 € et inférieure à 4 350 €

9,9 %

Supérieure ou égale à 4 421 € et inférieure à 5 733 €

12 %

Supérieure ou égale à 4 350 € et inférieure à 4 942 €

11,9 %

Supérieure ou égale à 5 733 € et inférieure à 7 286 €

14 %

Supérieure ou égale à 4 942 € et inférieure à 5 725 €

13,8 %

Supérieure ou égale à 7 286 € et inférieure à 8 018 €

16 %

Supérieure ou égale à 5 725 € et inférieure à 6 858 €

15,8 %

Supérieure ou égale à 8 018 € et inférieure à 8 914 €

18 %

Supérieure ou égale à 6 858 € et inférieure à 7 625 €

17,9 %

Supérieure ou égale à 8 914 € et inférieure à 10 646 €

20 %

Supérieure ou égale à 7 625 € et inférieure à 8 667 €

20 %

Supérieure ou égale à 10 646 et inférieure à 13 485 €

24 %

Supérieure ou égale à 8 667 € et inférieure à 11 917 €

24 %

Supérieure ou égale à 13 485 € et inférieure à 17 830 €

28 %

Supérieure ou égale à 11 917 € et inférieure à 15 833 €

28 %

Supérieure ou égale à 17 830 € et inférieure à 27 213 €

33 %

Supérieure ou égale à 15 833 € et inférieure à 24 167 €

33 %

Supérieure ou égale à 27 213 € et inférieure à 57 451 €

38 %

Supérieure ou égale à 24 167 € et inférieure à 52 825 €

38 %

Supérieure ou égale à 57 451 €

43 %

Supérieure ou égale à 52 825 €

43 %

Grille du taux « par défaut » Pour les contribuables domiciliés
en Guyane et à Mayotte

Droit existant

Dispositif proposé

Base mensuelle de prélèvement

Taux proportionnel

Base mensuelle de prélèvement

Taux proportionnel

Inférieure à 1 626 €

0 %

Inférieure à 1 741 €

0 %

Supérieure ou égale à 1 626 € et inférieure à 1 724 €

0,5 %

Supérieure ou égale à 1 741 € et inférieure à 1 883 €

0,5 %

Supérieure ou égale à 1 724 € et inférieure à 1 900 €

1,5 %

Supérieure ou égale à 1 883 € et inférieure à 2 100 €

1,3 %

Supérieure ou égale à 1 900 € et inférieure à 2 075 €

2,5 %

Supérieure ou égale à 2 100 € et inférieure à 2 367 €

2,1 %

Supérieure ou égale à 2 075 € et inférieure à 2 292 €

3,5 %

Supérieure ou égale à 2 367 € et inférieure à 2 458 €

2,9 %

Supérieure ou égale à 2 292 € et inférieure à 2 417 €

4,5 %

Supérieure ou égale à 2 458 € et inférieure à 2 542 €

3,5 %

Supérieure ou égale à 2 417 € et inférieure à 2 500 €

6 %

Supérieure ou égale à 2 542 € et inférieure à 2 625 €

4,1 %

Supérieure ou égale à 2 500 € et inférieure à 2 750 €

7,5 %

Supérieure ou égale à 2 625 € et inférieure à 2 917 €

5,3 %

Supérieure ou égale à 2 750 € et inférieure à 3 400 €

9 %

Supérieure ou égale à 2 917 € et inférieure à 4 025 €

7,5 %

Supérieure ou égale à 3 400 € et inférieure à 4 350 €

10,5 %

Supérieure ou égale à 4 025 € et inférieure à 5 208 €

9,9 %

Supérieure ou égale à 4 350 € et inférieure à 4 942 €

12 %

Supérieure ou égale à 5 208 € et inférieure à 5 875 €

11,9 %

Supérieure ou égale à 4 942 € et inférieure à 5 725 €

14 %

Supérieure ou égale à 5 875 € et inférieure à 6 817 €

13,8 %

Supérieure ou égale à 5 725 € et inférieure à 6 858 €

16 %

Supérieure ou égale à 6 817 € et inférieure à 7 500 €

15,8 %

Supérieure ou égale à 6 858 € et inférieure à 7 625 €

18 %

Supérieure ou égale à 7 500 € et inférieure à 8 308 €

17,9 %

Supérieure ou égale à 7 625 € et inférieure à 8 667 €

20 %

Supérieure ou égale à 8 308 € et inférieure à 9 642 €

20 %

Supérieure ou égale à 8 667 € et inférieure à 11 917 €

24 %

Supérieure ou égale à 9 642 € et inférieure à 12 971 €

24 %

Supérieure ou égale à 11 917 € et inférieure à 15 833 €

28 %

Supérieure ou égale à 12 971 € et inférieure à 16 500 €

28 %

Supérieure ou égale à 15 833 € et inférieure à 24 167 €

33 %

Supérieure ou égale à 16 500 € et inférieure à 26 443 €

33 %

Supérieure ou égale à 24 167 € et inférieure à 52 825 €

38 %

Supérieure ou égale à 26 443 € et inférieure à 55 815 €

38 %

Supérieure ou égale à 52 825 €

43 %

Supérieure ou égale à 55 815 €

43 %

B.   Une réforme visant à alléger l’imposition des classes moyennes

1.   Une modification du barème et de la décote

● Le présent article réforme de manière significative le barème de l’IR ainsi que les principaux mécanismes d’allégement de l’imposition dont bénéficient les contribuables dont les revenus sont modestes ou intermédiaires.

Alors qu’ils sont les principaux bénéficiaires des dispositifs visant à minorer leur imposition mis en place et/ou renforcés depuis 2014, les contribuables des classes moyennes connaissent des taux marginaux d’imposition très élevés, pouvant atteindre jusqu’à 39 %.

Traduisant les annonces du Président de la République le 25 avril 2019, à l’issue du Grand débat national au cours duquel la question du pouvoir d’achat, notamment au regard de la pression fiscale pesant sur les ménages, est apparue primordiale, le présent article tire – pour le bas du barème – les conséquences de modalités d’imposition demeurant très lourdes pour les ménages et peu lisibles, sinon paradoxales. Il met ainsi en œuvre une importante réforme d’allégement de l’IR, pour un montant total de 5 milliards d’euros environ.

Concrètement, le présent article procède à plusieurs modifications du barème de l’IR :

– il abaisse le taux de la première tranche du barème en le portant de 14 % à 11 % (a) du 1° du C du I ;

– il modifie les bornes de chacune des tranches du barème (b) et c) C du I) comme reproduit dans le tableau ci-dessous :

barème de l’impôt sur le revenu applicable aux revenus de 2020

Jusqu’à 10 064 euros

0 %

10 064 euros – 25 659 euros

11 %

25 659 euros – 73 369 euros

30 %

73 369 euros – 157 806 euros

41 %

Fraction supérieure à 157 806 euros

45 %

Les éléments figurant en gras indiquent les modifications apportées au barème tel qu’il résulte du 1° du B du I du présent article, c’est-à-dire après la revalorisation de 1 % de l’ensemble des seuils.

Source : présent article.

– il modifie, en l’atténuant, la « pente » de la décote en la portant de ¾ (0,75 %) à 45,25 % et diminue les montants qui lui sont associés (a du 2° du C du I) ;

 

 

Calcul à opérer

Application de la décote pour une personne seule (en euros)

Impôt – [(777 – 45,25 % x impôt)]

Application de la décote pour les contribuables soumis à une imposition commune (en euros)

Impôt – [(1 286 – 45,25 % x impôt)]

– il abroge la réduction d’impôt de 20 % sous conditions de ressources codifiée au b du 4 de l’article 197 du CGI (b du 2° du C du I) –  en effet, les modifications apportées concomitamment à la décote constituent une refonte des deux dispositifs décote et réduction d’impôt, ainsi qu’une simplification des modalités de calcul de l’IR.

● L’ensemble des modifications proposées par le présent article permet de concentrer l’allégement de l’imposition sur les ménages des classes moyennes et contribuera à rendre plus lisibles les modalités de calcul de l’IR pour ces contribuables.

Le paramétrage de la décote auquel procède le présent article permet d’assurer que la réforme ne fera aucun perdant, comme le souligne l’évaluation préalable du présent article.

2.   Des gains pour les contribuables perceptibles dès le mois de janvier 2020

Si la revalorisation du barème de l’IR (A et B du I) est applicable aux revenus réalisés ou perçus en 2019, les modifications apportées aux taux et aux tranches d’imposition (C du I) (i.e le « nouveau barème ») est applicable à compter de l’imposition des revenus de l’année 2020, conformément au IV du présent article.

Toutefois, afin que l’allégement d’impôt en résultant pour l’ensemble des personnes concernées soit perceptible dès le mois de janvier 2020, le III procède à des ajustements de nature technique qui concernent les modalités de calcul du taux du PAS.

Le A et le B du III précisent ainsi respectivement les modalités dans lesquelles le taux correspondant au PAS sera calculé pour les versements et retenues effectuées entre le 1er janvier et le 31 août 2020, d’une part, et entre le 1er septembre 2020 et le 31 août 2021, d’autre part.

En l’absence de mesures spécifiques, compte tenu des modalités de calcul du taux synthétique du PAS rappelées supra, les gains associés à la réforme ne seraient pas perçus de manière contemporaine par les contribuables.

Il convient de noter que ces dispositions dérogatoires permettent de tenir compte des modifications apportées à l’article 197 du CGI le plus rapidement possible mais qu’elles n’éviteront pas les éventuelles régularisations, à la hausse ou à la baisse, du solde de l’impôt dû en 2021 au titre des revenus de l’année 2020. De telles régularisations sont à prévoir en cas de variations dans les revenus déclarés ou perçus par les contribuables, lesquelles ne pourront, par définition, être connues qu’au printemps 2021, lors de la déclaration des revenus de 2020.

C.   L’impact budgétaire

Le présent article présente deux types d’impact budgétaire.

1.   La neutralisation des effets de l’inflation

En premier lieu, les traditionnelles revalorisations sur l’inflation permettent d’éviter un accroissement de l’imposition des contribuables de 1,1 milliard d’euros.

Il ne s’agit pas d’une baisse des prélèvements obligatoires mais d’une neutralisation des effets de l’inflation. En effet, ces revalorisations permettent que le taux moyen d’imposition d’un foyer ne soit pas modifié si ses revenus ont augmenté dans la même proportion que l’inflation.

Le principe des revalorisations permet d’éviter que la charge d’impôt des ménages augmente par le seul effet de l’érosion monétaire.

2.   Une baisse d’impôt de 5 milliards d’euros

Selon les évaluations préalables du Gouvernement, la réforme portée par cet article permet une baisse de l’impôt sur le revenu de 5 milliards d’euros, au bénéfice notamment des contribuables des classes moyennes, imposés dans le bas du barème.

Au total, environ 16,9 millions de foyers bénéficieront de cette baisse, pour un gain de l’ordre de 303 euros pour l’année 2020.

Dans ses évaluations préalables, le Gouvernement a présenté le gain moyen de l’allégement d’impôt dans un tableau par décile de bénéficiaires selon le niveau de revenu fiscal de référence.

répartition des bénéficiaires de la mesure par déciles selon le niveau de rfr par part

(en euros)

Correspondance graphique ci-dessous

RFR par part

Nombre de foyers fiscaux bénéficiaires (en milliers)

Gain moyen des foyers fiscaux

(1)

11 327 – 15 363

1 688

121

(2)

15 363 –16 567

1 688

164

(3)

16 567 – 17 741

1 688

232

(4)

17 741 – 19 087

1 688

299

(5)

19 087 – 20 819

1 688

440

(6)

20 819 – 22 825

1 688

573

(7)

 22 825 – 25 621

1 688

535

(8)

25 621 – 29 540

1 688

293

(9)

29 540 – 36 865

1 688

188

(10)

36 865

1 688

187

Total

16 877

303

Source : Évaluation préalable.

Un tableau par décile de l’ensemble des foyers fiscaux eut été plus pertinent pour apprécier les effets de la réforme.

Ce tableau a cependant le mérite de montrer que les gains les plus importants se situent entre 19 087 et 25 621 euros de revenu fiscal de référence par part (pour un montant de 440 à 573 euros de gain moyen selon le décile de bénéficiaires). Cela s’explique par le fait que le calibrage de la mesure a été conçu au bénéfice des classes moyennes.

Le graphique ci-dessous reprend les données de ce tableau. Il représente une courbe en forme de cloche. Cela illustre le fait que la réduction d’impôt est progressive avant un certain seuil de revenu, puis devient dégressive au-delà de ce seuil.

gain moyen selon le niveau de rfr des bénéficiaires de l’allégement d’ir

(en euros)

Source : commission des finances, à lire avec le tableau ci-dessous.

La courbe en forme de cloche démontre que la mesure a été bien calibrée pour toucher les classes moyennes.

La série de graphiques ci-dessous illustre ensuite le gain selon la composition des foyers fiscaux. Ils démontrent également que la réduction d’impôt est concentrée sur les ménages aux revenus moyens. La réduction d’impôt maximale varie de 549 à 930 euros selon les cas de figure. Elle n’excède pas 125 euros pour une personne seule et 250 euros pour un couple lorsque le taux marginal du foyer fiscal relève de la tranche à 30 %. Enfin, selon le Gouvernement, la réduction d’impôt est neutralisée pour les contribuables dont le taux marginal relève de la tranche à 41 %.

i.   Impact sur un foyer composé d’un célibataire

Évolution du montant d’ir dû pour un célibataire

Source : commission des finances, sur la base des éléments de l’évaluation préalable.

Pour un célibataire, le montant maximal de la réduction d’impôt est de 549 euros pour un revenu déclaré par mois de 2 000 euros.

Montant de la réduction d’impôt pour un célibataire

Source : commission des finances, sur la base des éléments de l’évaluation préalable.

ii.   Impact sur un foyer composé d’un couple

Évolution du montant d’ir dû pour un couple

Source : commission des finances, sur la base des éléments de l’évaluation préalable.

Pour un couple, le montant maximal de la réduction d’impôt est de 549 euros pour un revenu déclaré par mois de 4 000 euros.

Montant de la réduction d’impôt pour un couple

iii.   Impact sur un foyer composé d’un couple avec un enfant

Évolution du montant d’ir dû pour un couple avec un enfant

Source : commission des finances, sur la base des éléments de l’évaluation préalable.

Pour un couple avec un enfant, le montant maximal de la réduction d’impôt est de 898 euros pour un revenu déclaré par mois de 5 100 euros.

Les chiffres résultant des évaluations préalables font cependant apparaître une courbe en forme de « M ». Le Rapporteur général a interrogé le Gouvernement sur ce point mais n’a pas obtenu les explications techniques qui justifient cet effet.

Montant de la réduction d’impôt pour un couple avec un enfant

Source : commission des finances, sur la base des éléments de l’évaluation préalable.

iv.   Impact sur un foyer composé d’un couple avec deux enfants

Évolution du montant d’ir dû pour un couple avec deux enfants

Source : commission des finances, sur la base des éléments de l’évaluation préalable.

Pour un couple avec deux enfants, le montant maximal de la réduction d’impôt est de 908 euros pour un revenu déclaré par mois de 5 600 euros. Là encore, les chiffres des évaluations préalables du Gouvernement font apparaître une courbe en forme de « M ».

Montant de la réduction d’impôt pour un couple avec deux enfants

Source : commission des finances, sur la base des éléments de l’évaluation préalable.

v.   Impact sur un foyer composé d’un couple de retraités de plus de 65 ans

Évolution du montant d’ir dû pour un couple de retraités de plus de 65 ans

Source : commission des finances, sur la base des éléments de l’évaluation préalable.

Pour un couple de retraités de plus de soixante-cinq ans, le montant maximal de la réduction d’impôt est de 930 euros pour un revenu déclaré par mois de 4 600 euros.

Les chiffres des évaluations préalables font apparaître un effet de seuil assez important au-delà de 4 600 euros. Sur ce point aussi, le Gouvernement n’a pas fourni les explications techniques qui justifient cet effet de seuil.

 

Montant de la réduction d’impôt pour un couple de retRaités
de plus de 65 ans

Source : commission des finances, sur la base des éléments de l’évaluation préalable.

*

*     *

M. le président Éric Woerth. Comme convenu, nous allons avoir une petite discussion générale sur cet article qui concerne l’impôt sur le revenu.

Mme Émilie Cariou. L’article 2 est un des piliers de ce budget pour 2020. Il concrétise le début de l’acte II du quinquennat. Notre majorité va, bien entendu, soutenir avec exigence le texte proposé par le Gouvernement ; elle le fait d’autant plus aisément que cet article résulte d’une coconstruction entre le Parlement et le Gouvernement, puisqu’il est issu du travail parlementaire qui s’était déroulé au moment du grand débat national. Par ailleurs, la disposition est d’autant plus facile à soutenir politiquement que ces 5 milliards d’euros rendus aux contribuables trouvent leur origine dans ce qui fait le socle de notre majorité : le souhait de rendre l’impôt sur le revenu plus progressif, ce qui suppose d’adoucir l’entrée dans l’impôt. C’est une mesure de redistribution, et en tout cas de baisse des prélèvements obligatoires pour le bas du barème de l’impôt sur le revenu, c’est-à-dire les classes moyennes et les personnes aux revenus les plus modestes. Ces 5 milliards d’euros mis sur la table profiteront à 17 millions de Français. Ces derniers verront l’effet de la mesure directement sur leur fiche de paye, et ce dès le mois de janvier 2020, puisque les services de la direction générale des finances publiques vont faire en sorte de la répercuter immédiatement sur le prélèvement à la source.

Pour rebondir sur la discussion qui vient d’avoir lieu, je maintiens qu’avec cette mesure, notre majorité est cohérente : elle fait ce qu’elle a annoncé, tout en agissant évidemment, comme toujours, dans un esprit de sérieux budgétaire. Il vient d’être question des niches fiscales. À cet égard, j’appelle tout le monde à la raison : dans la masse d’amendements qui ont été déposés notamment par les députés siégeant en face de moi, on trouve des dispositions qui, si nous les adoptions toutes, auraient certainement un impact budgétaire de plusieurs dizaines de milliards d’euros – qu’il s’agisse de l’IR, de l’IS, de la TVA ou des droits de succession. Tout cela n’est pas raisonnable. Nous vous proposons quant à nous une mesure structurelle, travaillée en profondeur, de baisse de l’impôt sur le revenu ; c’est tout de même plus intéressant que la politique de petites niches ultra-sectorielles que vous nous proposez souvent.

Mme Véronique Louwagie. Je note qu’avec cet article, le Gouvernement reprend finalement à son compte une idée que les députés Les Républicains défendaient depuis 2017, qui figurait dans deux propositions de loi que nous avions défendues – et que vous avez rejetées. À l’époque, la majorité n’avait pas eu de mots assez durs pour refuser toute baisse de l’IR. Voilà qui est dit !

Je remarque également que la baisse de l’impôt sur le revenu est concentrée sur les deux premières tranches, de manière à ne profiter qu’aux classes moyennes, mais que l’entrée dans la deuxième tranche et dans la troisième est plus rapide pour les contribuables plus aisés. Par ailleurs, le coût annoncé pour l’État est de 5 milliards d’euros en 2020, mais il importe de corriger ce montant en intégrant notamment deux facteurs : le premier tient à la mise en place du prélèvement à la source. En 2020, l’impôt sur le revenu est fondé sur les revenus de 2020 ; il est donc plus élevé qu’il ne l’aurait été avec le système antérieur, lequel se fondait sur les revenus de l’année précédente, par définition inférieurs. Le second facteur tient à l’indexation du barème : au final, le Gouvernement annonce aux ménages un cadeau de 5 milliards, mais il en reprend la moitié… Je vous invite à observer les chiffres suivants : alors qu’en 2018 l’impôt sur le revenu représentait 73 milliards d’euros dans le budget de l’État, il sera de 75,5 milliards d’euros en 2020. Autrement dit, 2,5 milliards d’euros supplémentaires auront été prélevés aux Français entre 2018 et 2020.

Mme Sarah El Haïry. L’article 2 est essentiel en ce qu’il touche à un de nos fondamentaux, à savoir l’impôt sur le revenu, et la nécessité de rendre celui-ci plus juste. Le groupe MoDem a été particulièrement ambitieux : nous avons déposé un certain nombre d’amendements dont l’objectif est de rendre l’impôt sur le revenu plus progressif, donc plus juste, en instaurant dix tranches d’imposition, tout en respectant l’enveloppe de baisse de 5 milliards. Pour ce faire, nous avons usé – et abusé – de LexImpact : ce nouvel outil nous a été extrêmement utile. Quoi qu’il en soit, nous souhaitons une évolution de l’impôt sur le revenu qui prenne en considération un élément qui nous tient à cœur, à savoir la place de la famille : nous reviendrons donc sur la question du quotient familial. Nous ferons aussi des propositions de justice, notamment la non-indexation des deux derniers plafonds.

Mme Christine Pires Beaune. Pour commencer, je me félicite moi aussi de LexImpact, l’outil de simulation qui a été mis à notre disposition : même s’il doit être encore amélioré – notamment en ce qui concerne les crédits d’impôt –, cela va vraiment dans le bon sens.

L’article 2 me donne l’occasion de parler non pas spécialement de l’impôt sur le revenu, mais des impôts en général – des impôts dits progressifs et non progressifs. Un impôt progressif me paraît être un bon principe ; cela garantit un impôt juste. Il y a peu d’impôts progressifs en France : il s’agit de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur les successions – avant, il y avait aussi l’ISF. Depuis 2017, nos impôts progressifs sont en baisse. Ils représentent désormais 5,5 % des revenus primaires. Dans le même temps, la part des impôts non progressifs a augmenté, jusqu’à atteindre un tiers des revenus primaires. Or, par définition, ces impôts sont injustes. L’exemple typique en est la TVA : quand vous allez à la pompe, vous êtes taxé à la même hauteur, que vous soyez au SMIC ou que vous soyez un cadre gagnant 20 000 euros par mois. Il faudrait faire exactement l’inverse : si on voulait une fiscalité juste, il conviendrait de réfléchir à une hausse des impôts progressifs et à une baisse des impôts non progressifs.

Le groupe Socialistes et apparentés s’est limité à un seul amendement sur cet article ; il vise à instaurer une indexation plus faible pour les deux dernières tranches de l’impôt sur le revenu.

Mme Lise Magnier. Le groupe UDI et Indépendants soutient évidemment l’article 2 et la décision courageuse consistant à baisser de 5 milliards d’euros la pression fiscale sur l’ensemble des ménages français contributeurs à l’impôt sur le revenu, de même que le choix de rendre plus progressive l’entrée dans cet impôt. Oui, grâce à cet article, le travail paiera mieux.

Par ailleurs, l’étude d’impact met parfaitement en évidence l’illisibilité pour tout un chacun de la méthode de calcul de l’impôt sur le revenu. Je pense que l’atténuation de la pente de la décote est aussi une bonne mesure. Cela dit, je m’interroge sur les conséquences de la suppression de l’option pour l’étalement de certains revenus exceptionnels dans le temps, qui permet pourtant de limiter un bond potentiellement important de l’IR. L’étude d’impact ne me semble pas très claire à cet égard – mais nous en reparlerons lors de l’examen de l’article 7.

M. Charles de Courson. Monsieur le rapporteur général, quand on étudie les évaluations des voies et moyens, on observe que l’évaluation initiale pour 2019 concernant l’impôt sur le revenu était de 70,4 milliards, et l’évaluation révisée de 72,6 milliards. Or, même après la mesure de réduction de 5 milliards, on évalue les recettes à 75,5 milliards en 2020. On a donc, d’une loi de finances initiale à l’autre, une augmentation de 5,1 milliards, soit une hausse de 7,2 % ; même en prenant l’évaluation révisée, la hausse atteint presque 3 milliards, soit plus de 4 %. Autrement dit, en réalité, et une fois de plus, on ne baisse pas l’impôt sur le revenu. On ne fait que redonner une partie de la hausse spontanée puisque, même après la réduction de 5 milliards, il y a une augmentation de 4 %. Une nouvelle fois, les Français vont dire qu’on leur ment, puisque, comme d’habitude, on ne fait que freiner la hausse. Je voudrais donc que vous nous expliquiez, monsieur le rapporteur général, comment il est possible d’avoir une telle augmentation spontanée de l’impôt sur le revenu avant la mesure de baisse de 5 milliards.

M. Laurent Saint-Martin. Il y a davantage de gens qui entrent dans l’impôt. Le taux, lui, diminue.

M. Jean-Paul Dufrègne. L’article 2 propose effectivement une baisse de 5 milliards de l’impôt sur le revenu. Elle concernera presque 17 millions de foyers fiscaux, qui connaîtront une baisse moyenne de l’impôt sur le revenu de 300 euros. Il s’agit incontestablement d’une mesure qui diminuera d’une façon non négligeable l’impôt d’un certain nombre de foyers aux revenus modestes ou moyens. Ainsi, un célibataire déclarant un revenu mensuel imposable de 1 900 euros bénéficiera d’un gain de 366 euros après la réforme. Cela dit, plusieurs points soulèvent des interrogations.

Le premier concerne le financement de la mesure. Dès lors que le Gouvernement se refuse à faire de véritables économies sur les niches fiscales et autres dispositifs pro‑business – ISF, IS –, ce qui est donné d’une main est repris de l’autre : économies sur les APL et l’assurance chômage, services publics dégradés. Ce n’est donc rien d’autre qu’une nouvelle étape dans le jeu de bonneteau fiscal auquel s’adonne l’exécutif depuis 2017.

Le deuxième point concerne les bénéficiaires de la mesure. Selon le cadrage de l’article, un célibataire percevant 6 500 euros nets par mois bénéficierait d’une baisse d’impôt – modeste, certes, mais bel et bien une baisse. La mesure va donc bien au-delà des classes moyennes. Et puis, cela a été dit tout à l’heure, la disposition pose la question de l’avenir de l’impôt sur le revenu. L’exécutif se refuse à financer cette baisse d’impôts par la création de nouvelles tranches d’imposition et par le renforcement de la tranche marginale, aujourd’hui fixée à 45 %. Diminuer la première tranche sans renforcer les autres revient à affaiblir ce qui constitue l’un des outils les plus justes, parce que progressif, de notre système fiscal. Forts du travail mené dans le cadre de l’ordre du jour réservé du groupe GDR en février dernier, nous présenterons des propositions pour renforcer l’impôt sur le revenu et assurer un produit équivalent à celui qui est perçu actuellement.

Troisième et dernier point, ces 5 milliards d’impôts en moins ne vont pas bénéficier à la moitié des Français qui ne paient pas l’impôt sur le revenu. Autrement dit, les plus modestes n’en profiteront pas.

M. Éric Coquerel. La mesure contenue dans l’article 2 est mauvaise à double titre. D’abord, parce qu’il y aura moins d’impôts, donc moins de recettes, ce qui se répercutera inévitablement sur les dépenses publiques, notamment celles de ministères qui servent l’intérêt général et celles qui financent les services publics. Ensuite, parce que cela revient à s’attaquer encore une fois à la notion de redistribution. Le Gouvernement avait déjà fait très fort en abaissant l’impôt des plus fortunés, avec la suppression de l’ISF et l’instauration de la flat tax ; en y ajoutant la diminution de l’impôt sur les entreprises, on arrive au chiffre de 30 milliards de recettes en moins, au bénéfice des plus riches, en 2020. Et là, voici qu’il s’attaque à ce qui constitue l’un des seuls impôts redistributifs, alors même que, cela a été dit, ces derniers comptent de moins en moins dans la fiscalité globale – pourtant, ils sont absolument fondamentaux pour le pacte républicain. L’impôt sur le revenu rapporte 2,5 fois moins de recettes que la TVA, par exemple, qui est par nature injuste.

Par ailleurs, si la mesure touche effectivement les deux premières tranches, cela concerne les personnes célibataires gagnant jusqu’à 6 700 euros par mois et les couples avec trois enfants gagnant jusqu’à 27 000 euros par mois : on ne peut pas dire qu’il s’agit vraiment des plus défavorisés de nos concitoyens. Dès lors, dire que ce sont ces derniers qui bénéficieront de la diminution me semble pour le moins exagéré, et cela d’autant plus que, par définition, les 57 % de nos concitoyens qui ne paient pas l’impôt sur le revenu n’en profiteront pas. Pour ces raisons, nous continuons, pour notre part, à faire la promotion d’un impôt fondé sur quatorze tranches. Ce serait beaucoup plus juste, y compris pour les classes moyennes, et cela permettrait de rapporter 10 milliards de plus à l’État, au lieu d’en coûter 5 milliards.

M. le président Éric Woerth. Comme Véronique Louwagie, je n’ai pas d’opposition de principe, évidemment, à la baisse de l’impôt sur le revenu, mais je pense que cela n’est pas compatible avec le choix que vous avez fait de supprimer progressivement la taxe d’habitation : la conjonction de ces deux mesures est totalement impossible dans le cadre actuel de nos finances publiques. C’est d’ailleurs ce qui rend ce budget de plus en plus compliqué à comprendre et à adopter.

Par ailleurs, la proposition que vous nous faites consiste à augmenter la progressivité de l’impôt. Or celui-ci est déjà extrêmement progressif. Surtout, alors que vous dites que vous baissez l’impôt sur le revenu de 5 milliards, la collecte va augmenter de 3 milliards. À cet égard, plusieurs effets se conjuguent. Il me semble, notamment, qu’il faut mettre en parallèle cette évolution avec les conséquences du prélèvement à la source. En effet, ce sont les revenus contemporains qui sont imposés, lesquels sont, de manière purement mécanique, évidemment plus importants que ceux de l’année précédente. Dès lors, les gens paient plus d’impôts qu’ils n’en auraient payés sans le prélèvement à la source.

Toutes choses égales par ailleurs, avec le système antérieur, les gens auraient payé moins d’impôts qu’avec le système actuel, sans même parler du fait que vous sous-indexez le barème de l’impôt sur le revenu, ce qui a évidemment des conséquences très importantes. D’une certaine manière, vous donnez donc d’un côté, mais pour reprendre de l’autre. Monsieur le rapporteur général, je suppose que vous êtes d’accord avec tout cela ? (Sourires.)

M. Joël Giraud, rapporteur général. Monsieur le président, je vais répondre à vos interrogations et à celles de Charles de Courson. Nous sommes dans une situation où l’assiette augmente. Cela s’explique par le fait qu’il y a plus de contribuables, non seulement pour des raisons démographiques, mais aussi parce qu’il y a moins de chômeurs. Quant aux effets du prélèvement à la source (PAS) que vous décrivez, ils fonctionnent dans les deux sens : certes, dès lors qu’on impose les revenus contemporains, l’impôt augmente quand les revenus deviennent plus importants en cours d’année, mais il diminue quand ils décroissent : autrement dit, les effets se neutralisent.

Je note pour ma part que le taux de prélèvement n’est pas différent de ce qu’il était les années précédentes mais, effectivement, du fait de la mise en œuvre du PAS, le taux de recouvrement a été amélioré : avec le prélèvement à la source, on échappe moins facilement à l’impôt, c’est tout à fait vrai, et on ne peut que s’en féliciter. Je n’ai pas demandé quelle était l’augmentation du taux de recouvrement en fonction de la région ou du département, mais on pourrait regarder cela de plus près. En tout état de cause, et pour répondre aux questions que vous avez posées, j’ai envoyé un questionnaire destiné à nous fournir le détail précis de l’ensemble de cette augmentation, pour que nous sachions exactement quel élément explique telle ou telle évolution. Nous aurons des chiffres très précis d’ici à la séance. Vous serez donc complètement satisfaits sur ce point.

Par ailleurs, je voudrais rappeler certaines choses à propos de l’article 2. En effet, on se focalise sur un aspect au lieu de l’observer en totalité. Or il comporte deux dimensions. En premier lieu, il procède aux traditionnelles revalorisations des tranches de l’impôt sur le revenu et des divers montants relatifs, entre autres, au plafonnement des effets du quotient familial. Ces revalorisations sont appliquées au barème de 2019, qui comprend quatre tranches imposables à 14 %, 30 %, 41 % et 45 %, et elles ont lieu chaque année. Ainsi, le taux d’imposition d’un foyer ne changera pas si son revenu net global a progressé au même rythme que l’inflation. Je tiens à le rappeler, car cette règle me semble extrêmement juste. Je signale d’ailleurs aux personnes qui ont déposé des amendements visant à supprimer cet article qu’ils annuleraient aussi ces indexations, ce qui poserait un léger problème.

En second lieu, tout le monde l’a rappelé, l’article prévoit la baisse immédiate de l’impôt sur le revenu de 5 milliards d’euros. Compte tenu de son ciblage, on ne peut pas faire reproche à cette baisse de l’IR de profiter aux ménages les plus aisés : c’est là une contrevérité absolue. Je l’ai pourtant entendu dire ; cela me paraît vraiment curieux. Il s’agit d’une réforme qui permet à la fois de renforcer la progressivité de l’impôt, ce qui constitue, me semble-t-il, un objectif que nombre d’entre nous peuvent partager, et de concentrer les baisses d’impôt sur les classes moyennes qui travaillent, conformément à l’engagement du Président de la République. Vous comprendrez que, dans ces conditions, je sois défavorable non seulement, bien sûr, à tous les amendements qui visent à supprimer l’article, mais aussi à ceux qui proposent d’augmenter l’impôt de certaines catégories de contribuables.

Puisqu’il s’agit d’une sorte de discussion générale sur l’article 2, j’en profiterai pour faire d’autres remarques qui m’éviteront, par la suite, de reprendre trop longuement la parole sur chaque amendement. Je me félicite que plusieurs collègues se soient emparés des possibilités offertes par LexImpact : cela a permis à certains de déployer beaucoup de créativité dans la conception de leurs amendements… La créativité fiscale est une très bonne chose, je m’en réjouis, mais je vous alerte sur certaines erreurs méthodologiques : ainsi, j’ai constaté que plusieurs amendements ne tiennent pas compte de l’inflation, ce qui conduit leurs auteurs à en déduire, à tort, que des contribuables ayant des revenus élevés bénéficiaient d’une réduction d’impôt. LexImpact est certes un très bon outil, mais il faudra encore l’améliorer et l’apprivoiser.

Tels sont les propos liminaires que je voulais tenir pour vous expliquer les raisons des avis défavorables que je vais émettre à l’encontre d’un certain nombre d’amendements.

M. le président Éric Woerth. Le rapporteur général a raison : il faut de la transparence, notamment quant aux effets de la base de calcul, car l’augmentation n’est pas due uniquement au fait que certaines personnes entrent dans l’impôt : beaucoup de gens retrouvent un travail sans pour autant entrer dans l’impôt sur le revenu. Il est donc très important de comprendre en quoi le prélèvement à la source augmente l’impôt, à situation non identique – car les revenus progressent : les salaires ont augmenté de 2 % l’année dernière. Du fait notamment de la croissance, certaines entreprises ont distribué plus de salaires. Avec le prélèvement à la source, vous payez plus d’impôt sur le revenu que vous n’en auriez payé avec le système antérieur. Au delà du besoin de transparence, se pose la question de la progressivité. En l’occurrence, celle de l’impôt sur le revenu est déjà très forte. C’est même, selon moi, une des faiblesses de cet impôt que d’être aussi caricaturalement progressif.

Mme Valérie Rabault. Je voudrais adresser deux questions à notre rapporteur général. La première tient au fait que, cette année, le formulaire de déclaration des revenus était rédigé en partant du principe que, s’agissant de l’imposition des revenus du capital, tout le monde était soumis à la flat tax, c’est-à-dire au taux de 30 % ; si l’on voulait retourner au barème, c’est-à-dire se voir appliquer un taux inférieur, il fallait cocher la case 2OP – ce qui, d’ailleurs, était écrit en tous petits caractères. Si j’en juge d’après le nombre de personnes qui m’ont interrogée sur ce point – et Christine Pires Beaune, avec qui j’en discutais à l’instant, m’a dit qu’il lui était arrivé la même chose –, il y a sans doute beaucoup de contribuables qui auraient pu bénéficier d’un taux d’imposition inférieur, donc plus avantageux, s’ils avaient coché cette case. Il y a d’ailleurs un autre effet collatéral : du fait qu’ils n’ont pas coché la case 2OP, ces contribuables n’ont pas bénéficié non plus de la possibilité de déduire la CSG prélevée sur les revenus du capital.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Exactement.

Mme Valérie Rabault. Je souhaiterais donc, conformément au principe de transparence appelé de ses vœux par le président de la commission des finances, que, l’année prochaine, le formulaire retienne l’autre scénario : par défaut, les contribuables seraient au barème, et donc soumis à l’impôt progressif, et bénéficieraient en même temps de la déductibilité automatique de la CSG ; les personnes ayant intérêt à être soumises à la flat parce que les revenus qu’elles tirent du capital sont plus élevés devraient, quant à elles, cocher une case. Je souhaiterais d’ailleurs connaître, monsieur le rapporteur général, puisque nous parlions des 3 milliards supplémentaires collectés cette année, la part provenant du fait que certaines personnes n’ont pas coché la case 2OP comme elles auraient eu intérêt à le faire : non seulement elles se sont vues appliquer un taux d’imposition supérieur, mais elles n’ont pas bénéficié de la déductibilité de la CSG.

Mon autre question concerne plus spécifiquement l’article 2 et porte sur la revalorisation liée à l’inflation. C’est un mécanisme assez complexe, car la revalorisation intervient en année N + 1 : on ne la voit qu’après. Pour dire les choses clairement, pour les revenus 2020, ce n’est que lors du prochain PLF que nous saurons dans quelle mesure les seuils seront réévalués. Personnellement – mais je suis peut-être la seule à voir les choses ainsi –, je trouve cela un peu gênant. Y aurait-il une autre manière de faire, monsieur le rapporteur général ? Si oui, préconisez-vous de l’adopter ? Pourrait-on présenter un amendement allant dans ce sens ?

M. Joël Giraud, rapporteur général. En ce qui concerne votre première question, madame Rabault, le point que vous soulevez ne m’avait pas échappé. Il figurait d’ailleurs dans le questionnaire que j’avais envoyé en vue du rapport d’application de la loi fiscale. Bercy n’a pas répondu à cette question. Le couvert sera remis, si je puis dire, dans un souci de transparence, car la transparence m’apparaît comme absolument nécessaire en la matière.

S’agissant de la revalorisation destinée à tenir compte de l’inflation, c’est une pratique qui a toujours existé. Il est vrai que les chiffres retenus sont toujours ceux de l’année précédente. Je ne sais pas s’il existe une méthode plus juste ; à dire vrai, je n’y ai pas réfléchi. Mais, sur ce sujet comme sur tous les autres, j’analyserai bien sûr avec intérêt tout amendement proposant d’améliorer la méthode. Je vous invite à en déposer en vue de la séance.

M. Charles de Courson. Monsieur le rapporteur, puisque vous avez proposé de nous éclairer d’ici à la séance, pourriez-vous nous expliquer un point figurant à la page 16 des évaluations des voies et moyens, où il est fait mention de mesures antérieures, d’un montant de 5,5 milliards, dont le détail est donné après : pourriez-vous nous indiquer l’incidence du prélèvement à la source sur ce phénomène ?

M. Charles de Courson. Le taux de recouvrement a augmenté de 1,5 point, ce qui représente environ 1,2 milliard. Il y a aussi la non-indexation du barème sur deux ans, qui compte pour 2 milliards environ.

Pourriez-vous nous dire également si l’adoption de l’article 2 entraînera une baisse du nombre de contribuables soumis à l’impôt sur le revenu ? Je n’ai pas encore eu le temps de regarder tous les documents budgétaires, mais on ne trouve aucune information à cet égard dans l’étude d’impact. Pour ma part, je pense que cela entraînera effectivement une baisse. Comme on était à 38 % environ de ménages imposables, le taux pourrait tomber à 37 % ou 36 %. Pourriez-vous nous donner le chiffre ?

M. Jean-René Cazeneuve. J’ai écouté avec attention les propos de ma collègue Véronique Louwagie, mais je ne comprends pas la position des Républicains ; je serais très heureux que vous puissiez nous éclairer, chers collègues. Ainsi, je n’ai pas compris si vous étiez favorables à la baisse de 5 milliards de l’impôt sur le revenu et au prélèvement à la source. Vous nous dites que c’est une baisse de 3 milliards et non de 5 milliards ; mais si nous n’avions pas pris cette mesure, il y aurait eu une augmentation supérieure de 5 milliards, pour toutes les raisons qui ont déjà été avancées. Par ailleurs, vous avez fait allusion à la proposition de loi que vous avez défendue au printemps, mais la mesure que vous y défendiez n’était pas la même : elle consistait à diminuer l’IR pour l’ensemble des contribuables, tandis que nous ciblons la baisse sur la classe moyenne. Enfin, s’agissant du prélèvement à la source, on ne peut pas dire – même si vous l’avez non seulement dit mais répété, de même que le président Woerth – qu’il entraîne une augmentation de l’impôt : il s’agit d’une somme qui, de toute façon, était due. Il y va tout simplement d’un décalage dans le temps, et non d’une augmentation de l’impôt.

M. le président Éric Woerth. Mais c’est un décalage très important, et il a pour effet de vous faire payer plus d’impôts cette année que vous n’auriez dû auparavant !

Mme Véronique Louwagie. Monsieur Cazeneuve, nous sommes favorables à une baisse de l’impôt sur le revenu, comme nous l’avons dit un certain nombre de fois, mais la baisse affichée de 5 milliards d’euros n’en est pas une. Je vous invite à vous reporter à la page 16 du projet de loi de finances et à la page 16 des évaluations des voies et moyens : les chiffres parlent d’eux-mêmes. Les recettes de l’impôt sur le revenu en 2018 s’élevaient à 73 milliards, 72,6 milliards pour 2019 et 75,5 milliards pour 2020. Il y a donc bel et bien 2,9 milliards en plus pour l’impôt sur le revenu.

M. Philippe Vigier. Monsieur Cazeneuve, essayez de regarder les documents avec les yeux du profane en la matière : comment pourrait-il comprendre que, alors que vous expliquez partout que l’impôt sur le revenu baisse, le montant collecté va augmenter de 2,9 milliards – sur ce point, me semble-t-il, nous avons un point d’accord – par rapport à la loi de finances initiale et à la prévision révisée ? Nous sommes, tout comme vous, attachés à la baisse de l’impôt sur le revenu ; mais tout ce que l’on constate, c’est une pression fiscale plus forte. En outre, vous n’avez pas répondu à cette question : comment se fait-il que le montant augmente ?

M. Laurent Saint-Martin. Prenons les choses dans l’ordre. En aucun cas ce ne sont les taux qui expliquent l’augmentation du rendement de l’impôt.

Mme Émilie Cariou. Eh oui : ils baissent !

M. Philippe Vigier. Vous reconnaissez donc qu’il n’y a pas de diminution de l’impôt !

M. Laurent Saint-Martin. Les revenus augmentent, du fait notamment des mesures de revalorisation du travail dont nous sommes par ailleurs à l’initiative – car, vous le voyez, tout est lié : le travail paie mieux, ce qui a effectivement pour conséquence, force est de le reconnaître, d’augmenter le rendement de l’IR. Il n’empêche que nous diminuons ce même impôt de 5 milliards. Vous dites que ce n’est pas vrai. S’il vous plaît, ne brouillez pas le message : on peut être en désaccord, mais ne dites pas que nous ne baissons pas l’impôt sur le revenu de 5 milliards : si tel n’était pas le cas, l’augmentation du rendement en 2020 par rapport à 2019 serait de 8 milliards. Voilà bien la preuve que nous baissons l’impôt sur le revenu de 5 milliards.

Je suis toujours un peu surpris d’entendre qu’il y aura des amendements visant à supprimer cette mesure qui tend vers deux objectifs : la baisse de la pression fiscale en faveur du pouvoir d’achat – la partie la plus facile à comprendre – et l’amélioration de la progressivité, laquelle n’est pas un enjeu seulement technique, mais bien un enjeu de société. Quand des gens voient leurs revenus augmenter et se retrouvent tout à coup imposables, il est important de veiller à leur éviter une entrée brutale dans le barème : il y va du consentement même à l’impôt. Je demande à chacun de bien comprendre qu’il ne s’agit pas que d’une question de taux marginal et de chiffres, mais bien du rapport à l’impôt sur le revenu. Vous savez très bien que la crise de consentement à l’impôt que nous traversons depuis de nombreuses années est aussi liée à ce genre de phénomène, à des entrées dans l’impôt sur le revenu beaucoup trop brutales.

La commission examine l’amendement I-CF1402 de M. Éric Coquerel.

Mme Sabine Rubin. En plus de faire baisser les recettes de l’État de 5 milliards d’euros, votre mesure met à mal la fonction redistributive de l’impôt sur le revenu. En effet, votre baisse ciblée va bénéficier non seulement aux classes moyennes – dans lesquelles je nous inclus, puisqu’un célibataire gagnant jusqu’à 6 700 euros se trouve dans la deuxième tranche, tout comme un couple avec trois enfants touchant jusqu’à 27 000 euros –, mais aussi aux plus fortunés qui se situent au­-delà de la deuxième tranche et bénéficient déjà de nombreux cadeaux – flat tax, suppression de l’ISF et bientôt de la taxe d’habitation.

En revanche, les 57 % de ménages ne payant pas l’impôt ne bénéficieront en aucun cas de la mesure, mais en subiront les conséquences : moins de recettes, c’est moins de services publics, moins d’aides et de prestations.

M. Joël Giraud, rapporteur général. J’ai donné, par avance, les arguments pour lesquels je serai défavorable aux amendements de suppression. Madame Rubin, je n’ai pas très bien compris votre raisonnement : je n’ai pas l’impression que l’on soit très fortuné dès la deuxième tranche, à 30 %. J’ai déjà expliqué tout à l’heure pourquoi notre réforme était redistributive et qu’en supprimant l’article 2 vous supprimiez également la revalorisation des tranches de l’impôt et des montants relatifs au plafonnement des effets du quotient familial.

Monsieur de Courson, les questions que vous avez posées, nous nous les sommes également posées. Nous y répondrons dans le rapport.

M. le président Éric Woerth. Il est essentiel que nous ayons ces réponses : nous nous les posons depuis une dizaine de jours…

La commission rejette l’amendement I-CF1402.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements I-CF1391 de M. Éric Coquerel et I-CF804 de M. JeanPaul Dufrègne.

Mme Sabine Rubin. Nous avons une proposition pour rendre l’impôt sur le revenu plus juste : notre amendement vise à réintroduire quatorze tranches d’imposition. La réduction du nombre de tranches, en 1994, s’est traduite par un allégement de l’effort fiscal des foyers les plus aisés, au détriment du reste des contribuables. Ainsi, selon l’INSEE, lorsque les 1 % les plus riches cumulent revenus du travail, revenus du capital et revenus exceptionnels, seuls 51 % de ces revenus sont soumis à l’impôt sur le revenu, le reste étant soumis au prélèvement forfaitaire unique. Pour les 0,1 % les plus riches, la part descend à 43 %.

Réintroduire quatorze tranches d’imposition permettrait, par exemple, de faire économiser 723 euros d’impôt par an à un célibataire avec un enfant gagnant 2 500 euros par mois. À l’inverse, les impôts d’un célibataire gagnant 30 000 euros par mois augmenteraient drastiquement. Avec cette réforme, 91 % de la population serait gagnante et seulement 9 % y perdrait, et cela permettrait également d’augmenter les recettes fiscales de l’État. Autrement dit, plus de justice et plus de recettes.

M. Jean-Paul Dufrègne. Même si le rapporteur général a déjà indiqué le sort qu’il réserverait à nos amendements, nous les présenterons tout de même. Notre amendement vise à établir un barème progressif à onze tranches, offrant un rendement stable aux finances publiques, aux alentours de 73 milliards d’euros, tout en permettant une baisse d’impôt pour les foyers modestes et moyens, plus importante que dans la proposition gouvernementale. Comme je l’ai dit tout à l’heure, la réforme proposée par l’exécutif n’est satisfaisante ni en termes de ciblage – sans relancer le débat sur la définition des revenus moyens, faire baisser l’impôt d’un célibataire gagnant 6 500 euros nets par mois relève, pour nous, d’une erreur de ciblage –, ni en termes de financement : en l’absence d’un relèvement des tranches supérieures, la réforme coûtera 5 milliards d’euros, qui seront financés par la baisse des APL, la non indexation de certaines prestations sociales ou d’autres mesures. Sans développer toute la liste, qui serait bien longue, je dois mentionner la suppression de postes au ministère de la transition écologique et à Bercy, en totale contradiction avec les objectifs que vous annoncez.

Nous proposons une réforme à onze tranches, avec un taux d’entrée à 10 %, contre 11 % dans la proposition gouvernementale, et un taux marginal à 48 %, en conformité avec le cadre constitutionnel. Elle offrirait une baisse d’impôt plus importante aux ménages aux revenus modestes et moyens, par rapport à la proposition gouvernementale. Grâce à LexImpact, nous avons pu réaliser une simulation très intéressante et voir que notre proposition nous permet d’avoir un barème au rendement stable par rapport à 2019, sans qu’il ne soit besoin de la financer sur les plus précaires. L’impôt serait ainsi tout à la fois progressif et progressiste.

M. Joël Giraud, rapporteur général. S’agissant de l’amendement I‑CF1391, je rappelle qu’il y a une règle constitutionnelle aux termes de laquelle l’impôt devient confiscatoire au-delà de 75 %. À 90 %, vous comprendrez bien, madame Rubin, que votre amendement est parfaitement inconstitutionnel.

Concernant l’amendement I-CF804, monsieur Dufrègne a précisé qu’il n’était pas anticonstitutionnel, ce qui suppose qu’il avait repéré que le précédent l’était…Votre amendement ne baisse pas l’impôt de 5 milliards comme nous le voulons. Je rappelle que nous avons souhaité, dans la majorité, qu’il n’y ait aucune augmentation d’impôt sur le revenu, pour qui que ce soit. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements I-CF1391 et ICF804.

Elle est saisie de l’amendement I-CF466 de M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. L’amendement vise à instaurer un impôt universel, qui participerait à l’exercice de la citoyenneté et du lien qui unit chacune et chacun d’entre nous à la communauté nationale. Nous avons pu constater, au fil du temps, que celles et ceux qui paient l’impôt sur le revenu sont toujours moins nombreux : ils ne sont plus que 36 à 37 % de nos compatriotes, alors qu’ils étaient aux alentours de 47 ou 48 % il y a une dizaine d’années, ce qui pose le problème de l’effritement de la base fiscale. C’est parce que l’on consent à l’impôt – une notion qui figure dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen – que l’on peut attendre d’une société qu’elle nous apporte des services. On me rétorquera qu’il y a des impôts indirects, mais je veux, moi, parler de l’impôt direct. Une contribution, même à la marge, permettrait de faire comprendre à nos compatriotes qu’au sein d’une société on doit tous participer à l’effort.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je comprends l’aspect pédagogique de votre raisonnement. Cela étant, votre mesure conduirait, qu’on le veuille ou non, à augmenter les impôts, puisque des personnes qui n’en paient pas aujourd’hui devraient le faire, quand bien même leur contribution ne serait que symbolique. Qui plus est, je crois que votre amendement n’a pas été bien rédigé, dans la mesure où il augmente les impôts de tout le monde de 1 %. Votre amendement augmente l’imposition des classes moyennes. Je vous invite à le retirer et à le retravailler pour la séance, afin de proposer une formulation qui éviterait d’augmenter l’impôt de tout le monde.

M. le président Éric Woerth. Est-ce à dire que vous seriez favorable à cette nouvelle version, monsieur le rapporteur général ?

M. Joël Giraud, rapporteur général. Qui ne dit aucun mot ne consent pas ! (Sourires.)

M. Philippe Vigier. Je suis arrivé un peu à la même conclusion que vous, monsieur le président : monsieur le rapporteur général m’a demandé de réécrire mon amendement : je vais accéder à sa demande…

Mme Olivia Grégoire. Examen en séance ne signifie pas acceptation…

L’amendement I-CF466 est retiré.

La commission passe à l’examen, en discussion commune, des amendements ICF1041 de M. JeanNoël Barrot, I-CF1153 de Mme Christine Pires Beaune et I-CF948 de M. JeanPaul Dufrègne.

M. Jean-Noël Barrot. Je voudrais me féliciter de la réforme qu’avait annoncée le Président de la République et que nous mettons en œuvre aujourd’hui, ainsi que de l’outil que nous avons cette année à notre disposition pour mesurer l’effet de nos amendements. Je ne doute pas de sa fiabilité, puisqu’il a été développé en lien étroit avec les services de la commission des finances. Il permet de mesurer les effets de nos propositions ou de celles du Gouvernement non seulement sur les finances publiques, mais aussi sur la distribution des revenus par décile. Nous avons ainsi analysé les effets de l’indexation des seuils d’entrée dans les tranches sur la distribution des revenus pour nous apercevoir qu’elle coûte à peu près un milliard d’euros aux finances publiques, dont plus de la moitié est captée par les deux dernières tranches, c’est-à-dire les 10 % des ménages les plus aisés.

C’est pourquoi nous vous proposons l’amendement I-CF1041 visant à geler l’indexation pour les revenus au-delà de 74 000 euros, ce qui rapporterait 150 millions d’euros aux finances publiques. Il n’impose aucune hausse d’impôt aux 90 % des ménages les plus modestes et seulement une légère augmentation aux 10 % les plus aisés. Le gain de 150 millions d’euros permettrait de gager une proposition que le MoDem défend depuis plusieurs années : relever de 100 euros le plafond du quotient familial.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Ce sont effectivement les services de la commission des finances qui ont aidé les concepteurs de LexImpact, qui reste encore à améliorer et apprivoiser. Certains éléments sont neutralisés dans le logiciel, si bien que votre amendement ne fait pas tout à fait ce qu’il devrait faire. Cela étant, votre proposition conduirait à faire augmenter les impôts, en augmentant le taux d’imposition des redevables situés dans les deux dernières tranches. Elle a aussi un effet marginal non négligeable, puisqu’elle ferait basculer certains contribuables de la tranche à 30 % vers celle à 41 %. Avis défavorable à cet amendement en discussion commune.

Mme Christine Pires Beaune. Avant de présenter notre amendement, je voulais revenir sur les propos de M. Vigier. On ne peut pas dire que plus de 50 % de la population ne paie pas d’impôt. Tout le monde paie la TVA, qui est un impôt, et la CSG.

M. Philippe Vigier. Je parlais des impôts directs.

Mme Christine Pires Beaune. L’amendement I-CF1153 vise les mêmes objectifs que celui que vient de présenter M. Barrot. Dans la mesure où certains minima sociaux, comme l’allocation adulte handicapé (AAH) ou les pensions de retraite supérieures à 2 000 euros, ne seront pas indexés sur le taux de l’inflation, mais revalorisés à hauteur de 0,3 %, on pourrait également limiter l’indexation à 0,3 % pour les tranches à 41 et 45 %.

M. le président Éric Woerth. Je rappelle qu’il y a quand même une contribution sur les hauts revenus. Le taux marginal peut ainsi atteindre 49 %.

M. Jean-Paul Dufrègne. Comme Christine Pires Beaune, je refuse qu’on lâche, comme ça, que la moitié des gens ne paient pas d’impôt. Il est important de dire que tout le monde paie des impôts. De la même façon, je viens d’entendre que certains contribuables allaient changer de tranche et passer de 30 à 41 %. Mais cela vaut seulement pour la partie qui va dépasser ! On a toujours tendance à tronquer la communication sur cette question du changement de tranche.

L’amendement I-CF948 vise à ajouter une tranche supplémentaire, avec un taux marginal à 48 %. Vous avez fait remarquer tout à l’heure, monsieur le rapporteur général, qu’elle respectait le cadre constitutionnel. Je ne vois donc pas pourquoi vous donneriez un avis défavorable à notre proposition, qui permettrait, selon LexImpact, de gagner 300 millions d’euros, afin de financer une partie de la baisse de l’impôt pour les classes populaires ou moyennes.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je suis défavorable à l’amendement I-CF1153 pour les mêmes raisons que je l’étais à l’amendement I-CF1041 de M. Barrot. Quant à l’amendement I-CF948, je voudrais que nous tordions le cou à une idée un peu lunaire : à écouter certains ou certaines d’entre vous, on a l’impression que notre système d’imposition sur le revenu n’est pas redistributif. Or des études économiques ont reconnu qu’il était le plus redistributif. Je vous invite à lire l’excellent article, complet et précis, de The Economist du 13 avril dernier, sur l’effet redistributif de notre système social et fiscal, qui place notre pays dans le peloton de tête de la redistribution. Je ne voudrais pas que nous ayons toujours l’impression que notre système est tel qu’il faudrait que Robin des Bois vienne redistribuer, parce que le shérif de Nottingham est un méchant. Je répète une fois encore qu’aucune augmentation d’impôt ne sera acceptée.

La commission rejette successivement les amendements ICF1041, ICF1153 et ICF948.

Puis elle examine l’amendement I-CF1018 de M. JeanPaul Dufrègne.

M. Jean-Paul Dufrègne. Nous avons vraiment l’impression que tout arrive de là-haut et que nous ne pouvons rien y changer, ne serait-ce qu’une virgule. L’amendement vise à faire passer le taux de la tranche marginale d’imposition de 45 à 45,5 %, afin de renforcer la progressivité de l’impôt sur le revenu et son rendement. Est‑ce que même cela est impossible pour vous ?

M. Joël Giraud, rapporteur général. Avis défavorable. Mais je vous rassure : d’ici à la fin de la semaine, nous aurons adopté beaucoup d’amendements. Mais à ceux qui sont orthogonaux par rapport à la politique mise en œuvre, je dirai non…

La commission rejette l’amendement I-CF1018.

Elle passe ensuite à l’examen, en discussion commune, des amendements I-CF60 de Mme Véronique Louwagie, I-CF1038 et I-CF1039 de Mme Nathalie Elimas et I-CF1040 de M. JeanNoël Barrot.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement I-CF60 a trait au quotient familial. Je me réjouis d’ailleurs que le quotient fasse également l’objet d’autres amendements. En 2013, le plafonnement du quotient familial a été abaissé : cette mesure a touché près de 800 000 foyers. Or les députés Les Républicains sont très attachés à la politique familiale. Le dispositif du quotient familial visant à encourager la natalité, qui a besoin d’être soutenue actuellement, il n’est pas pertinent d’en baisser ou maintenir le plafond. C’est pourquoi l’amendement vise à le rehausser, afin de revenir aux conditions en vigueur avant l’application de la loi de finances pour 2013.

Mme Nathalie Elimas. Mes amendements I-CF1038 et I-CF1039 concernent également tous les deux le quotient familial.

Élément important du volet fiscal de la politique familiale, le quotient familial a pourtant été fortement plafonné en 2012, puis en 2013, en passant de 2 336 euros à 1 500 euros, pour une économie de 1 milliard d’euros par an. Les baisses ont lourdement touché plus d’un million de foyers, qui ont perdu près de 780 euros en moyenne. La politique familiale forte et ambitieuse, dont ont bénéficié les familles françaises pendant cinquante ans, a porté ses fruits. Notre groupe y est aussi très attaché. Elle a permis à notre pays de faire preuve de vitalité démographique, laquelle est une richesse et doit être encouragée. Or, ces dernières années, les chiffres sont alarmants, qu’il s’agisse du nombre de naissances ou du nombre d’enfants par femme. Nous avons besoin d’une vision globale pour la famille ; c’est d’ailleurs l’objet des travaux de la mission d’information sur la politique familiale dont j’ai l’honneur d’être rapporteure.

Emmanuel Macron avait déclaré le 9 avril 2017 que si l’audit des comptes publics montrait qu’il y a une marge de manœuvre, celle-ci serait consacrée à la politique familiale, en particulier au rétablissement du plafond du quotient familial à son niveau de 2012. Les deux amendements s’inscrivent donc dans la droite ligne des promesses du Président de la République, puisqu’ils visent à faire remonter le plafond de la demi-part du quotient familial de 100 euros. L’amendement I-CF1038 prévoit par ailleurs de gager la mesure sur une réduction du seuil d’entrée dans les deux tranches supérieures de l’impôt sur le revenu.

M. Jean-Noël Barrot. L’amendement I-CF1040 vise à instaurer une plus grande progressivité de l’impôt sur le revenu, dont le barème n’a jamais été aussi peu progressif, en définissant dix tranches et en relevant de 100 euros le plafond du quotient familial. Grâce à LexImpact, nous avons pu constater qu’une telle mesure ne ferait que des gagnants, à l’exception des 10 % des foyers les plus aisés, qui perdraient environ 1 %, soit environ 100 euros pour un revenu moyen de 13 000 euros.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Madame Louwagie, on a arrêté, sous cette législature, la politique de baisse du plafonnement des effets du quotient familial, mise en œuvre sous le quinquennat précédent. Votre amendement, qui vise à revenir sur les baisses intervenues en 2013, profiterait aux familles les plus aisées, alors que nous avons fait le choix d’une baisse qui profitera à tout le monde. Qui plus est, son coût s’élève à plusieurs milliards d’euros.

Le quotient familial est une correction de la progressivité de l’impôt sur le revenu. Il n’a donc d’effet que parce que l’impôt sur le revenu est progressif. Avec un taux proportionnel, le quotient familial n’entraînerait aucune réduction d’impôt – c’est mathématique. Le plafonnement élevé du quotient familial se justifiait à l’époque où l’impôt sur le revenu était très progressif. Depuis les années 2000, la progressivité se réduit. Je vous rappelle que, dans les années quatre-vingt, il y avait quatorze tranches ; il y en avait encore sept en 2007. Il y en a cinq désormais, avec des taux marginaux plus bas. Les effets du plafonnement ont été assez logiquement revus.

Madame Elimas, votre amendement I-CF1038 vise à augmenter le taux d’imposition des redevables qui sont dans les deux dernières tranches : il fera basculer des gens de la tranche à 30 % vers la tranche à 41 %. Quant à l’amendement I-CF1039, il profite également aux familles les plus aisées. Or nous voulons faire baisser les impôts de tout le monde.

Enfin, monsieur Barrot, votre amendement I-CF1040 se base une nouvelle fois sur l’usage de LexImpact. Je vous remercie d’ailleurs, puisque cela nous a permis de voir qu’il y avait de petits problèmes. Vous augmentez l’impôt de certaines catégories de contribuables, ce que nous ne souhaitons pas, pour qui que ce soit. Avis défavorable sur tous ces amendements.

La commission rejette successivement les amendements I-CF60, ICF1038, ICF1039 et I-CF1040.

Puis elle examine l’amendement I-CF1485 du rapporteur général.

M. Joël Giraud, rapporteur général. C’est un amendement rédactionnel.

La commission adopte l’amendement I-CF1485 (amendement I-2860).

Elle est saisie de l’amendement I-CF1429 de M. Éric Coquerel.

Mme Sabine Rubin. L’amendement vise à compenser en partie la baisse de l’impôt sur le revenu, en multipliant par trois la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, supérieurs à 250 000 euros par an, de gens qui peuvent tout à fait se permettre de financer un peu plus les services publics. Nous avons eu des difficultés pour chiffrer cette compensation : notre outil de chiffrage ne permet pas d’intégrer la contribution sur les hauts revenus et, partant, de chiffrer correctement le montant que rapporterait la mesure.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je vous ai déjà dit ce que je pensais des augmentations d’impôt… Mais là, ce n’est pas une augmentation, c’est une très forte augmentation ! Un célibataire qui a perçu 600 000 euros de revenus paie déjà une contribution supplémentaire de 11 500 euros. D’après vos dispositions, il paierait 35 000 euros en plus de son impôt sur le revenu au taux marginal de 45 %. Cela devient peu soutenable, au sens français du terme !

La commission rejette l’amendement I-CF1429.

Puis elle adopte l’article 2 modifié.

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Article additionnel après l’article 2
Domiciliation fiscale des agents territoriaux

La commission examine les amendements identiques I-CF1503 du rapporteur général, I-CF533 de Mme Émilie Bonnivard et I-CF995 de M. Benoit Simian.

M. Joël Giraud, rapporteur général. C’est Anne Genetet qui a appelé mon attention sur le sujet de l’amendement I-CF1503, après avoir constaté, parmi la représentation française à Bruxelles, une différence de traitement entre les agents de l’État qui travaillaient hors du territoire national et les agents des collectivités territoriales, les seconds ne bénéficiant pas du même régime fiscal que les premiers. Je rappelle que la question de la domiciliation a été réglée par les conventions internationales. Les agents territoriaux se plaignent légitimement de différences de traitement dans l’appréciation de leur situation, puisqu’ils sont considérés comme non-résidents en France, alors qu’ils seraient résidents s’ils étaient agents de l’État.

Très honnêtement, je ne comprends pas la raison fondamentale de cette différence de règle. C’est pourquoi je vous propose d’adopter ces amendements. S’il s’agit d’une erreur d’interprétation des textes, le ministre pourra régler le problème ; sinon, il convient d’adopter ces amendements dès la commission afin de lancer la discussion sur une discrimination qui n’a pas lieu d’être.

Mme Émilie Bonnivard. La présence, depuis quelques années, de bureaux de représentation des régions de France à Bruxelles a révélé cette iniquité entre les agents de l’État et ceux de la fonction publique territoriale. L’amendement I-CF533 vise à aligner le domicile fiscal des agents territoriaux travaillant hors du territoire national sur celui des agents de l’État.

M. Benoit Simian. Ce sujet avait été abordé lors de l’examen du projet de loi de transformation de la fonction publique : M. Dussopt s’était engagé à lui apporter des réponses dans le PLF. L’amendement I-CF995 est un amendement de bon sens, qui vise à défendre l’Europe des territoires à Bruxelles.

Mme Marie-Christine Dalloz. Dès que l’on parle de Bruxelles ou de Strasbourg, je pense automatiquement au statut fiscal des fonctionnaires des instances européennes. S’ils sont domiciliés en France, ils bénéficient d’une exonération fiscale totale. Je voudrais donc être sûre que nous ne sommes pas en train de reproduire ce système, auquel cas je voudrais bien en connaître le coût. Autant il y a une fiscalité qui me paraît normale, autant cela m’interpellerait que vos amendements se bornent à étendre aux agents de la fonction publique territoriale le statut dont bénéficient aujourd’hui les fonctionnaires européens.

M. Charles de Courson. Pourquoi ne pas ajouter les agents de la fonction publique hospitalière et régler la situation pour les trois fonctions publiques ?

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je me suis intéressé à la discrimination existant entre deux catégories de personnes rigoureusement placées dans la même situation. Aucune réponse n’a été apportée aux questions écrites adressées au Gouvernement. Si l’amendement doit être adopté en séance, nous pourrons aborder le sujet de la fonction publique hospitalière – je pense à l’hôpital de Puigcerda sur la frontière franco‑espagnole, par exemple. Il faut une égalité de traitement.

M. le président Éric Woerth. Dans ce cas, cela pourrait aussi valoir pour ceux qui ne sont pas fonctionnaires…

Mme Émilie Cariou. Précisément, jusqu’où aller ? J’aurais tendance à penser que l’équité doit prévaloir et à suivre le rapporteur général. Mais avons-nous une idée du coût de la mesure ? Ces agents deviendraient imposables en France et bénéficieraient donc des exonérations des fonctionnaires internationaux ? Nous pouvons adopter ces amendements pour engager la discussion avec le secrétaire d’État, qui avait pris des engagements en ce sens, me semble-t-il.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Ces amendements visent, en effet, à lancer la discussion sur un sujet où aucune lettre, aucune question écrite de parlementaire n’a fait l’objet d’une réponse. Quand il n’y a pas de réponse, l’adoption d’un amendement est la seule solution qui nous reste, d’autant que, comme vous le savez, nos amendements ne sont pas intégrés dans le texte. Cela nous permettra de faire pression pour obtenir une réponse à une situation anormale.

M. le président Éric Woerth. Pour que l’Assemblée soit éclairée, il serait intéressant de connaître plus en détail le régime fiscal des fonctionnaires travaillant à l’étranger.

M. Benoit Simian. En considérant qu’il y a un fonctionnaire territorial par région, l’impact de la mesure serait forcément limité.

M. Jean-Paul Mattei. Il faudrait s’inspirer de ce qui se pratique dans les grandes sociétés, qui appliquent une forme de neutralité fiscale pour leurs collaborateurs, afin d’éviter un butinage fiscal et des effets d’aubaine.

La commission adopte les amendements identiques I-CF1503, I-CF533 et I-CF995 (amendement I-2861).

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Après l’article 2

La commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements ICF1533 de la commission du développement durable et I-CF1215 de Mme Frédérique Tuffnell.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Je laisse à madame Tuffnell, qui connaît bien le sujet dont il est question, le soin de présenter l’amendement I-CF1533.

Mme Frédérique Tuffnell. Je vais donc défendre en même temps l’amendement I‑CF1215 et mon amendement I-CF1533, beaucoup plus complet.

La commission du développement durable est très attentive à l’impact du changement climatique et aux mesures qui peuvent être prises pour lutter contre ce phénomène. À cet égard, les bienfaits des zones humides – plaines humides, tourbières, abords des fleuves, mares et dunes – sont exceptionnels, que ce soit en matière de captation du carbone ou de protection contre les inondations et les submersions marines. Or les deux tiers de ces zones ont disparu en l’espace d’un siècle. Il convient donc de favoriser leur préservation et leur restauration. Toutefois, le coût de telles opérations peut être dissuasif pour les propriétaires. Aussi proposons-nous de rendre déductibles des revenus fonciers les dépenses résultant de travaux de restauration et de gros entretien afférents aux milieux humides.

Déjà applicable dans les zones humides appartenant à des parcs nationaux, des réserves naturelles nationales ou régionales, en Corse et dans les sites classés, notamment Natura 2000, cette déduction pourrait être étendue à toutes les zones humides sans que cette extension ait un impact majeur sur le budget de l’État. En effet, ne seraient éligibles que les travaux qui concourent à la remise en état de l’espace naturel concerné tel qu’il était avant sa dégradation – cette mesure serait donc bien distincte des mesures agro-environnementales (MAE) – ou les travaux d’importance qui concourent à l’entretien de l’espace naturel, à l’exclusion des travaux répétitifs que requiert l’entretien courant du site. De surcroît, cette déduction d’impôt serait plafonnée à 18 % des dépenses exposées en vue du maintien et de la protection du patrimoine naturel, dans la limite annuelle de 10 000 euros.

Cet amendement, qui a été élaboré avec le ministère de la transition écologique et solidaire, notamment au cours d’échanges avec le cabinet de madame Wargon, fait suite au rapport « Terres d’eau, terres d’avenir » que le Premier ministre m’a commandé.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je suis sensible à l’argumentation de madame Tuffnell, car c’est un sujet que je connais un peu. Qui plus est, une telle mesure ne coûterait, me semble-t-il, pas très cher. Néanmoins, l’adoption de l’un ou l’autre de ces amendements en première partie du projet de loi de finances créerait un effet d’aubaine pour les dépenses exposées en 2019. Je lui suggère donc de les retirer et de les redéposer lors de l’examen de la seconde partie. J’ignore quel est l’avis du Gouvernement sur une mesure de ce type mais, compte tenu de son coût, je m’en remettrais à la sagesse de l’Assemblée, pourvu, je le répète, que ces amendements soient examinés en seconde partie.

Mme Frédérique Tuffnell. Je vous remercie beaucoup pour votre réponse. Je vais retirer les amendements, que je redéposerai sur la seconde partie.

Les amendements ICF1533 et I-CF1215 sont retirés.

La commission examine, en discussion commune, les amendements ICF107 et ICF104 de Mme Lise Magnier et I-CF1292 de M. Yves Daniel.

Mme Lise Magnier. Les amendements I-CF107 et I-CF104 ont trait aux indemnités des élus locaux. L’article 10 de la loi de finances pour 2017 a supprimé le dispositif de retenue à la source auquel il a substitué l’imposition de ces indemnités selon les règles applicables aux traitements et salaires, tout en maintenant l’abattement forfaitaire. Cette réforme anticipait ainsi l’entrée en vigueur du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu, prévue initialement à compter du 1er janvier 2018.

Je rappelle, par ailleurs, que la loi de finances pour 2018 a augmenté de 40 % la rémunération des maires des villes de plus de 100 000 habitants, alors que plus de 50 % des maires de France perçoivent une indemnité de fonction inférieure au montant prévu pour les maires de communes de plus de 10 000 habitants.

Les indemnités des élus locaux constituent non pas une rémunération imposable mais une compensation visant à couvrir les frais inhérents à leurs fonctions engagés par les édiles. Or le nouveau régime fiscal appliqué à ces derniers pénalise doublement l’exercice d’une activité professionnelle en complément de leurs fonctions d’élu, en imposant selon les règles applicables aux traitements et salaires les indemnités supérieures à l’abattement et en accroissant la progressivité de l’impôt, puisque la détermination des taux d’imposition tient désormais compte des indemnités de fonction.

Ces amendements tendent donc à porter le plafond d’exonération des frais d’emplois des élus locaux à concurrence, pour le I-CF107, d’un montant égal à l’indemnité versée aux maires des communes de moins de 10 000 habitants en cas de mandat unique et, pour le I‑CF104, d’un montant égal à l’indemnité versée aux maires des communes de moins de 1 000 habitants. Ils relèvent du même esprit que le projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, présenté par monsieur Lecornu, qui vise à mieux accompagner et valoriser les fonctions d’élu local et l’engagement de tous dans la vie de la cité.

M. Yves Daniel. Je n’aurai pas de mal à vous convaincre que la fonction de maire d’une petite commune est, certes, belle mais exigeante, dans la mesure où, au-delà du montant de l’indemnité qu’il perçoit, cet élu travaille souvent de manière bénévole, faute de disposer de moyens d’ingénierie et de personnels équivalents à ceux des communes plus importantes. L’amendement I-CF1292 vise donc à exonérer d’impôt les indemnités perçues par les maires des communes inférieures à 3 500 habitants, comme c’était le cas avant 2018.

À l’heure où le Président de la République se propose de renouer le lien rompu avec les élus locaux, il convient de mettre fin à une iniquité et de redonner ainsi confiance à ces élus, en particulier aux maires des petites communes. Cet amendement s’inscrit dans la lignée du projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, qui vise à revaloriser l’engagement et la fonction des élus.

M. Joël Giraud, rapporteur général. C’est une question que nous avons déjà abordée l’an dernier puisque, à l’initiative du Sénat, nous avions rehaussé l’abattement dont bénéficient les maires des communes de moins de 3 500 habitants, étant précisé que les indemnités perçues par le maire d’une commune de 1 000 habitants sont, quant à elles, entièrement exonérées.

Les amendements I-CF107 et I-CF104 ne concernent, en définitive, que les élus des collectivités les plus importantes, c’est-à-dire celles qui comptent plus de 3 500 habitants. Or, dans ces communes, il est plus facile, me semble-t-il, d’obtenir un remboursement de ses frais. En outre, les maires vont bénéficier, au même titre que les autres citoyens, de la baisse d’impôt de 5 milliards prévue à l’article 2. Dès lors, il me semble que l’adoption d’une telle mesure, qui permettrait aux maires de communes de 40 000 habitants, voire à des conseillers départementaux et régionaux, de bénéficier d’un abattement, ne serait pas le meilleur signal. Avis défavorable sur ces trois amendements, quand bien même ils sont de nature différente.

Mme Christine Pires Beaune. J’abonde dans le sens du rapporteur général. De fait, au moment où le politique fait l’objet d’une défiance considérable, créer au profit d’élus un régime dérogatoire à l’impôt sur le revenu ne serait pas un bon signal. Il est vrai que les élus, notamment des petites communes, sont mal payés, mais mieux vaut alors revaloriser leurs indemnités, comme cela est du reste prévu dans le texte présenté par monsieur Lecornu. De grâce, ne créons surtout pas un régime dérogatoire ! Cela irait à l’encontre de ce que nous tentons de faire pour rétablir la confiance dans les élus. Au demeurant, je rappelle que les 200 ou 300 euros par mois qu’un smicard tirerait d’une location sont imposés. Si certains élus sont mal payés, et c’est le cas, revalorisons leurs indemnités. Quant à leurs frais de représentation, ils ne doivent pas, bien entendu, être fiscalisés. Nous avons remis de l’ordre dans le régime d’indemnisation des parlementaires ; nous devons agir de la même manière vis-à-vis des élus locaux.

Mme Véronique Louwagie. Je souscris à ce qui vient d’être dit, d’autant que le projet de loi en cours d’examen au Sénat traite de la question de l’indemnisation des élus. Le Gouvernement proposait ainsi d’aligner les indemnités des édiles de communes de moins de 3 500 habitants sur celles des maires des communes de 3 500 habitants. Le Sénat a légèrement modifié cette disposition en prévoyant une majoration de 50 % pour la première tranche, de 40 % pour la deuxième et de 20 % pour la troisième. En tout état de cause, il nous faut avoir une approche globale de cette question, qu’il conviendra donc d’examiner lors de la discussion de ce projet de loi.

La commission rejette successivement les amendements I-CF107, ICF104 et ICF1292.

Elle est ensuite saisie de l’amendement I-CF190 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Cet amendement a trait aux titres-restaurant. Ce dispositif intéressant, dont il faut faire la promotion, est un avantage en nature très apprécié des salariés, en particulier ceux des très petites entreprises et des PME, notamment dans les territoires ruraux, qui ne disposent pas de restaurants d’entreprise. Or, le plafond d’exonération de la contribution patronale a peu évolué au cours des dernières années alors que les prix à la consommation dans le secteur alimentaire et celui de la restauration ont augmenté de manière importante. Ce serait donc justice d’indexer ce plafond sur celui de la sécurité sociale.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je comprends l’esprit de votre amendement : dans la mesure où il s’agit d’un complément de salaire, il vous paraît plus logique d’indexer la limite de l’exonération dont bénéficie le salarié sur l’évolution du plafond de la sécurité sociale, qui est lui-même est indexé sur la masse salariale, plutôt que sur l’évolution de la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu, indexée sur l’inflation, comme c’est le cas actuellement. La masse salariale évoluant plus vite que l’inflation, votre amendement serait avantageux pour les salariés. Cependant, le coût des repas étant pris en compte dans le calcul de l’inflation, il me semble assez logique d’indexer la contribution de l’employeur sur celle-ci. J’émets donc un avis défavorable, tout en en comprenant le motif.

M. Charles de Courson. Seriez-vous favorable, monsieur le rapporteur général, à une indexation sur l’évolution du coût des produits alimentaires, puisqu’il existe un indice en la matière ?

M. Joël Giraud, rapporteur général. Déposez un amendement, et je l’étudierai, sachant, comme dit le vieil adage que j’ai cité tout à l’heure, qu’une non-approbation ne vaut pas consentement de fait…

Mme Sarah El Haïry. Je tiens à appuyer les propos de madame Louwagie et de monsieur de Courson : les titres-restaurant ne sont pas uniquement un complément de salaire. Le plafond d’exonération ayant peu évolué, il me semble que proposer une nouvelle règle d’indexation va plutôt dans le bon sens, puisque cela permettrait d’augmenter le pouvoir d’achat et, surtout, de favoriser la santé des salariés.

Mme Véronique Louwagie. Je retire mon amendement pour le retravailler en vue de la séance publique.

L’amendement I-CF190 est retiré.

La commission examine l’amendement I-CF1244 de M. Julien Aubert.

M. Damien Abad. S’il existe des dispositifs tels que des abattements spécifiques ou la possibilité de déduire des charges afférentes à l’activité d’aidant familial, il nous paraît important d’exonérer d’impôt sur le revenu les sommes perçues par les aidants familiaux, notamment au titre de la Prestation de compensation du handicap (PCH), qu’ils soient salariés ou simplement dédommagés par la personne à qui ils viennent en aide. Tel est l’objet de cet amendement.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je comprends votre préoccupation, mais cet amendement présente quelques inconvénients. Le Gouvernement a décidé de baisser l’impôt sur le revenu de 5 milliards d’euros. Dès lors, il me semble qu’à l’instar des niches fiscales, la situation que vous évoquez doit être examinée à l’aune de cette diminution. De fait, en tant qu’elle constitue un revenu, la PCH est soumise à la règle générale applicable en matière d’imposition des revenus. En outre, les foyers au sein desquels est présente une personne handicapée à charge peuvent voir leur impôt réduit grâce à la demi-part supplémentaire du quotient familial. Avis défavorable, donc.

La commission rejette l’amendement I-CF1244.

Puis elle examine en discussion commune les amendements I-CF56 et ICF57, tous deux de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Ces amendements ont pour objet de remédier aux problèmes de démographie médicale rencontrés dans les territoires ruraux, notamment dans les zones de revitalisation rurale. Le dispositif d’exonération d’impôt dont bénéficient actuellement les médecins libéraux installés dans ces zones fonctionne très bien, puisqu’il a été reconduit à plusieurs reprises depuis sa création. Par ces amendements, que je dépose depuis plusieurs années, je propose que cette exonération soit étendue aux praticiens hospitaliers, car les hôpitaux ruraux, qui sont souvent des hôpitaux de premier recours, en manquent cruellement. L’amendement I-CF56 prévoit ainsi que ces derniers bénéficieraient de l’exonération pendant huit ans et que celle-ci serait de 100 % les cinq premières années, de 75 % la sixième année, de 50 % la septième année et de 25 % la huitième année. Quant à l’amendement I-CF57, il est de repli et vise à créer une exonération de 100 % pendant trois ans.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Comme ces amendements ont déjà été examinés à plusieurs reprises, je ne répéterai pas les arguments que j’ai exposés lors de leur discussion. Néanmoins, j’appelle votre attention sur le fait que le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2020 va prévoir une aide équivalente à une exonération de cotisations sociales pendant deux ans et jusqu’à 80 000 euros de bénéfices pour les jeunes médecins s’installant dans des zones sous-denses. Cet élément important me semble devoir être pris en compte.

Je rappelle par ailleurs que, l’an dernier, nous avions adopté un amendement de Julien Dive et d’autres membres de votre groupe visant à étendre aux implantations des médecins en zone sous-dense l’exonération de cotisation foncière des entreprises (CFE) prévue par le code général des impôts. S’ajoutent à cela d’autres mesures comprises dans la stratégie « Ma santé 2022 ».

Les dispositions contenues dans le PLFSS pour 2020 répondent à une préoccupation de la profession et ont fait l’objet d’une concertation, à la différence de votre amendement que vous me pardonnerez de qualifier de marronnier – même si je vous sais attachée à cette question.

La commission rejette successivement les amendements I-CF56 et I-CF57.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements I-CF629 de M. Jérôme Nury, I-CF890 de Mme Marie-Christine Dalloz et I-CF1113 de M. Éric Pauget.

M. Damien Abad. La majorité a fait un pas en avant en « désocialisant » les heures supplémentaires. Par l’amendement I-CF629, nous lui proposons d’aller au bout du raisonnement en les défiscalisant, comme l’avait fait le Président Nicolas Sarkozy en son temps. C’est une mesure importante pour l’ensemble des salariés.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est bien une question sur laquelle les députés Les Républicains reviendront chaque année. En supprimant la défiscalisation des heures supplémentaires dès le projet de loi de finances pour 2013, la majorité précédente a commis une grave erreur. De fait, la crise des gilets jaunes est symptomatique du problème de pouvoir d’achat que rencontrent les salariés de notre pays. Si nous voulons remédier à ce problème, il faut rétablir l’exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires, qui est une mesure concrète, simple et facile à mettre en œuvre, plutôt que de permettre aux entreprises, comme le Gouvernement l’a fait en urgence à la fin de l’an dernier, de verser à leurs salariés une prime défiscalisée.

M. Éric Pauget. L’amendement I-CF1113 a le même objet que les précédents, mais il est davantage ciblé. Le ministère de l’intérieur étudie depuis quelques mois avec les syndicats de policiers le paiement du stock d’heures supplémentaires accumulées par les agents au cours des dernières années. Dans le contexte actuel, la défiscalisation de ces heures supplémentaires accomplies avant le 1er janvier 2019 serait un acte de reconnaissance important. Tel est l’objet de cet amendement.

M. le président Éric Woerth. Pour votre information, la Cour des comptes publiera dans quelques mois, à ma demande, un rapport sur le traitement des heures supplémentaires dans la fonction publique.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Les deux premiers amendements me paraissent largement satisfaits par les dispositions adoptées à la fin de l’année dernière, puisque le choix a été fait d’exonérer les heures supplémentaires dans la limite d’un quantum de 5 000 euros, afin précisément de concentrer l’aide sur les fameuses classes moyennes qui travaillent. Aussi les auteurs de ces amendements pourraient-ils témoigner de leur satisfaction en les retirant…

En ce qui concerne l’amendement I-CF1113, nous nous sommes inquiétés de savoir où en étaient les négociations au ministère de l’intérieur. Le Gouvernement a pris à bras-le-corps le problème du stock d’heures supplémentaires effectuées par les policiers – conséquence directe, je me permets de le rappeler sans vouloir polémiquer outre mesure, de la suppression de 13 000 postes dans la police entre 2007 et 2012… C’est bien parce qu’ils étaient en sous-effectifs que les policiers ont dû accomplir un nombre d’heures supplémentaires qui dépasse l’entendement.

En tout état de cause, cet amendement ne peut pas prospérer puisque, déposé sur la première partie du PLF, il créerait un effet d’aubaine. Par ailleurs, les agents ne souhaitent pas forcément tous que le problème soit traité par la fiscalité. Je connais, par exemple, des membres des forces de l’ordre qui veulent profiter de la négociation en cours pour partir à la retraite plus tôt. Attendons donc la fin de ces négociations : il sera toujours temps de légiférer si elles échouent. Je vous demande donc, monsieur Pauget, de retirer votre amendement.

Mme Marie-Christine Dalloz. Monsieur le rapporteur général, soyons sérieux ! Lorsque les heures supplémentaires étaient défiscalisées et exonérées de cotisations sociales, 9 millions de salariés en bénéficiaient. La prime défiscalisée que vous avez adoptée l’an dernier dans l’urgence ne correspond pas forcément à la notion d’heures supplémentaires. Il s’agit d’une rémunération supplémentaire, mais elle n’a pas les mêmes avantages. Quoi qu’il en soit, la défiscalisation des heures supplémentaires était plus modulable pour les entreprises, au bénéfice des salariés. Je suis intimement convaincue que si l’on avait maintenu cette mesure, nous aurions évité les difficultés que nous avons rencontrées du fait des mouvements sociaux qui ont marqué l’année 2018.

M. Joël Giraud, rapporteur général. J’ai le sentiment qu’il existe une confusion entre la prime de fin d’année et la défiscalisation des heures supplémentaires, que nous avons rétablie et limitée à un quantum de 5 000 euros ; mais il s’agit bel et bien d’heures supplémentaires.

Mme Véronique Louwagie. Monsieur le rapporteur général, il existe une différence très importante entre l’ancien dispositif applicable aux heures supplémentaires et le nouveau. Dans celui que vous avez créé, l’entreprise doit s’acquitter des charges sociales patronales alors que, dans le dispositif initial, elle en était exonérée : tout le monde s’y retrouvait et le coût du travail en était réduit. En outre, les salariés doivent actuellement s’acquitter de la contribution sociale généralisée (CSG) et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), ce qui n’était pas le cas dans le dispositif antérieur.

Mme Émilie Cariou. Le rapporteur général a raison : nous avons adopté la défiscalisation des heures supplémentaires, en fixant un quantum. Quant aux charges patronales, c’est un autre sujet.

M. Éric Pauget. J’ai entendu les arguments de monsieur le rapporteur général, dont je partage globalement l’idée. Mais, dans le contexte actuel – pensez à ce qui s’est passé la semaine dernière –, ce serait un acte politique fort en faveur des effectifs du ministère de l’intérieur que de défiscaliser les heures supplémentaires accumulées, quelle qu’en soit la raison, par les policiers et que le ministère de l’intérieur s’apprête à leur payer ou à compenser.

La commission rejette successivement les amendements I-CF629, I-CF890 et ICF1113.

Elle est ensuite saisie des amendements identiques I-CF63 de Mme Véronique Louwagie et I-CF237 de M. Nicolas Forissier.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement I-CF63 est défendu.

M. Nicolas Forissier. Cet amendement a trait au sujet essentiel de la transmission des entreprises : 700 000 d’entre elles, pour l’essentiel des PME, vont changer de main dans les dix années à venir. Or, les frais de diagnostic de la transmission sont souvent un frein à cette transmission. Par l’amendement I‑CF237, nous proposons donc que ces frais puissent être déduits de l’impôt sur le revenu. Le coût de cette mesure très incitative ne serait pas très élevé.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Les charges déductibles doivent avoir un lien avec les revenus imposés ; or tel n’est pas le cas, en l’espèce. En outre, aucun plafond ni encadrement n’étant prévu, nous ouvririons la boîte de Pandore, alors que les honoraires sont déjà actuellement assez élevés. Avis défavorable, donc.

M. Nicolas Forissier. Monsieur le rapporteur général, peut-être pourriez-vous proposer un sous-amendement, car il s’agit, vous êtes d’accord avec moi, d’un sujet majeur. Contrairement à ce que vous dites, ces frais ont un lien avec le revenu, car la plupart des entreprises dont il s’agit sont bien souvent des entreprises personnelles ; ou alors, elles « produisent » le revenu du chef d’entreprise, soit parce qu’il est en l’actionnaire majoritaire, soit, s’il est actionnaire minoritaire, parce qu’il en est le gérant. Il serait bon que nous ayons un débat sur le sujet.

La commission rejette les amendements identiques I-CF63 et I-CF237.

Puis elle examine l’amendement I-CF1183 de Mme Christine Pires Beaune.

M. Jean-Louis Bricout. Cet amendement vise à relever le taux forfaitaire d’impôt sur le revenu applicable à la flat tax, qui est actuellement de 12,8 % alors que celui qui s’applique à la première tranche d’imposition des revenus du travail est de 14 %. Comment l’ouvrier qui entend cela ne pourrait-il pas être stupéfait face à un avantage aussi ahurissant ? Nous proposons de revenir ainsi sur l’une des deux mesures emblématiques du début de ce quinquennat, dont nous savons qu’elles ont un coût non seulement pour l’État – 5 milliards d’euros – mais aussi pour le Gouvernement, puisqu’elles ont provoqué un déséquilibre fiscal qui est à l’origine du mouvement des gilets jaunes. Je rappelle en effet que la flat tax représente un cadeau de 1 000 euros en moyenne pour les 15 % les plus aisés. Quant à la suppression de l’ISF, elle représente un gain annuel moyen de 6 500 euros pour les contribuables qui y étaient assujettis.

Il s’agit ici, non pas de refaire l’histoire, mais d’anticiper l’avenir : vous prévoyez, au cours des trois années à venir, d’exonérer de la taxe d’habitation les 20 % les plus riches, pour un coût de 10 milliards d’euros, soit environ trois fois le produit de l’ISF. Ce faisant, vous risquez de créer de nouveaux déséquilibres qui provoqueront de nouveaux mouvements sociaux. En vous proposant cet amendement, nous vous rendons donc service.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Honnêtement, le prélèvement forfaitaire unique (PFU) a été un succès : en abaissant le taux de la taxe, nous en avons amélioré le rendement car son assiette s’est élargie. J’ajoute que nous venons de ramener de 14 % à 11 % le taux de la première tranche d’imposition sur le revenu, de sorte que, si nous suivions votre logique, nous devrions baisser le taux du PFU de 1,8 point. Je ne crois pas que ce soit votre souhait… Avis défavorable, donc.

La commission rejette l’amendement I-CF1183.

Elle est ensuite saisie de l’amendement I-CF256 de M. Nicolas Forissier.

M. Nicolas Forissier. Cet amendement a pour objet d’accompagner le choc d’investissement que le Gouvernement appelle de ses vœux, en recentrant le dispositif incitatif en matière de report d’imposition des plus-values de cession de valeurs mobilières sur les petites et moyennes entreprises de moins de 250 salariés et les ETI comptant moins de 5 000 salariés et dont le bilan est inférieur à 1,5 milliard. Le dispositif serait ainsi beaucoup plus efficace.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Votre amendement me semble satisfait puisque nous avons élargi l’année dernière le champ éligible au réinvestissement, notamment pour les fonds communs de placement (FCP) à risque et les sociétés de capital-risque. Je vous invite donc à retirer l’amendement afin de vous assurer de sa pertinence. Si, après examen, vous estimez qu’un problème juridique rend le dispositif actuel inopérant, je vous suggérerai de redéposer l’amendement pour l’examen du texte en séance publique.

L’amendement I-CF256 est retiré.

La commission examine ensuite l’amendement I-CF1124 de M. Éric Woerth.

M. le président Éric Woerth. Cet amendement, que j’ai déjà déposé l’an dernier, vise à éviter l’impôt sur l’impôt, en portant à 100 % la part de la CSG et celle de la CRDS déductibles de l’impôt sur le revenu. Je rappelle que ce régime s’applique déjà aux taux réduits de CSG et de CRDS ; il n’y a pas de raison particulière de ne pas l’étendre aux taux normaux, même si cette mesure a un coût. Je ne tiens pas ce raisonnement pour tous les impôts, mais il me paraît justifié pour celui-ci dans la mesure où une part de la CSG et de la CRDS est déductible.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je crains d’émettre le même avis défavorable que l’an dernier… Cet amendement est de nature quasi philosophique : je me doute que vous souhaitez en débattre avec le ministre en séance publique. Je vous invite donc à le retirer ; à défaut, avis défavorable.

M. le président Éric Woerth. Autant aller au bout : je le maintiens.

La commission rejette l’amendement I-CF1124.

La commission est saisie de l’amendement I-CF1430 de M. Éric Coquerel.

Mme Sabine Rubin. L’amendement I-CF1430 a pour objet de supprimer l’abattement de 40 % sur les dividendes. La France est le pays d’Europe où les entreprises cotées en bourse reversent la plus grande part de leurs bénéfices sous cette forme. La manne versée aux actionnaires s’y élève à 51 milliards de dollars, très loin devant l’Allemagne et le Royaume-Uni. Cette appropriation par le capital de la richesse créée par le travail contribue à accroître considérablement les inégalités, en France comme dans le monde.

Rien ne saurait justifier l’accroissement supplémentaire des inégalités par un abattement de 40 % sur les dividendes. C’est la raison pour laquelle nous proposons de supprimer celui-ci.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Avis défavorable, comme l’année dernière et la précédente, puisqu’il s’agit d’un marronnier que nous avons déjà étudié plusieurs fois. L’abattement de 40 % sur les dividendes se justifie par le fait que les bénéfices distribués ont déjà subi un impôt et qu’il a succédé à l’avoir fiscal de 50 %.

Mme Sabine Rubin. Avec nos marronniers, nous infusons petit à petit nos idées dans les esprits.

La commission rejette l’amendement I-CF430.

Elle examine ensuite l’amendement I-CF62 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement I-CF62 s’inscrit dans le cadre du financement de la dépendance. Il a pour objet de sortir de l’assiette de l’impôt sur le revenu les rentes viagères des personnes bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), qui ont besoin de l’aide constante d’une tierce personne pour rester à domicile ou qui sont hébergées dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) du fait de leur perte d’autonomie.

En envisageant une exonération uniquement au moment où survient la dépendance, le dispositif encourage les personnes à souscrire des rentes viagères. À l’heure actuelle, certaines personnes disposant de rentes viagères doivent payer l’impôt sur le revenu alors qu’elles ont des difficultés à financer les coûts mensuels de l’EHPAD. Le dispositif pourrait leur apporter des solutions pour surmonter les périodes où elles sont en difficulté.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Cet amendement est louable mais pose plusieurs problèmes.

D’abord, l’APA n’est pas attribuée sous condition de ressources. L’amendement ne posant pas de condition de ressources non plus, il en résulterait une exonération totale d’une rente qui peut bénéficier à des contribuables déjà assez aisés.

Ensuite, l’amendement n’est pas chiffré.

Enfin, si l’on ne peut qu’être sensible à votre intention, on peut se demander s’il revient vraiment à la fiscalité de traiter ce problème. Les solutions ne doivent-elles pas plutôt relever d’un débat global sur le financement de la dépendance ? Nous avons en France le travers de créer des dépenses fiscales supplémentaires pour traiter les problèmes.

Avis défavorable.

Mme Véronique Louwagie. Monsieur le rapporteur général, vous pouvez sous‑amender cet amendement pour le conditionner à des niveaux de ressources. Vous avez raison, il faut une vision globale du dispositif, mais elle n’existe pas aujourd’hui. C’est pourquoi j’ai déposé cet amendement.

La commission rejette l’amendement I-CF62.

Elle se penche sur l’amendement I-CF465 de M. Philippe Vigier.

Mme Philippe Vigier. Nous souhaitons revenir sur la suppression définitive de la demi-part fiscale accordée aux veufs et veuves, qui avait rendu imposables 2 millions de personnes sur les 3,6 millions de retraités bénéficiant de cette demi-part. Alors que des efforts ont été consentis pour certaines couches de notre société – je pense notamment aux mesures visant à satisfaire les gilets jaunes –, il importe de répondre aux retraités qui ont vu leurs revenus diminuer sensiblement.

Monsieur le président connaît bien cet amendement puisque nous l’avions déjà déposé lorsqu’il était en fonction, avec un système qui permettait une dégressivité.

M. Joël Giraud, rapporteur général. La forêt de marronniers a prospéré, puisqu’elle a été plantée dès 2009. Les arbres sont maintenant très hauts !

Nous avons suffisamment débattu de ce sujet. Mon avis est défavorable. Je rappelle que nous accordons une importante réduction d’impôts cette année, qui bénéficiera aussi aux contribuables visés par l’amendement.

Mme Philippe Vigier. Je partage votre avis sur l’ancienneté des marronniers. Pour ce qui est de la baisse d’impôts, nous ouvrirons à nouveau le débat en séance.

La commission rejette l’amendement I-CF465.

Elle en vient à l’amendement I-CF1116 du président Éric Woerth.

M. le président Éric Woerth. Cet amendement vise à relever le plafond du quotient familial à 1 800 euros dès le premier enfant à charge.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Comme tout à l’heure, pour des amendements de même nature, j’estime que cet amendement profite surtout aux familles les plus aisées. Nous avons choisi de mettre en place une baisse qui profitera à toutes les familles, aisées ou plus modestes. À mon grand regret, l’avis sera défavorable.

M. le président Éric Woerth. L’amendement ne touche pas uniquement les catégories aisées, qui paient déjà beaucoup d’impôts.

La commission rejette l’amendement I-CF1116.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements I-CF253 et I-CF387 de M. Nicolas Forissier.

M. Nicolas Forissier. Ces amendements poursuivent le même objectif, mais diffèrent techniquement par la hauteur des plafonds.

Je précise à monsieur le rapporteur général qu’il ne s’agit pas de marronniers mais de châtaigniers, d’Ardèche ou du Berry, ce qui me paraît bien plus noble. Ces châtaigniers apportent une réponse à la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), que j’ai votée, comme d’autres ici. Cette mesure a supprimé un dispositif qui permettait de drainer énormément d’argent vers les petites et moyennes entreprises (PME) et les très petites entreprises (TPE). L’ISF-PME, je le rappelle, représentait 1,2 milliard de recettes pour les entreprises.

Je ne suis pas persuadé que la recette asséchée par la suppression de l’ISF-PME ait été réellement compensée, d’autant que la création d’un impôt sur la fortune immobilière pour les PME (IFI-PME), qui aurait pu y pourvoir, a été refusée. Je propose donc à nouveau de renforcer le dispositif IR-PME, qui porte sur l’impôt sur le revenu, en augmentant les plafonds et en essayant d’être dans l’esprit de ce qui existe dans plusieurs autres pays, notamment l’Angleterre, avec les organismes de placement, les investment schemes, qui sont extrêmement efficaces.

Les entreprises en amorçage, les petites entreprises de territoire, les PME ont souvent un cap à franchir, lorsqu’elles se développent. Or elles rencontrent fréquemment des difficultés pour obtenir des financements auprès des banques. Le fait d’encourager les investisseurs providentiels, ou business angels, pourrait fournir une part de la réponse. Tel est l’objectif de ces deux amendements.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Dans le cadre des travaux de préparation du projet de loi de finances (PLF), j’ai demandé au Gouvernement où en était l’IR-PME. En effet, la réponse de Bruxelles semblait se faire attendre. Le Gouvernement m’a autorisé à rendre public qu’il déposera un amendement en seconde partie du PLF pour présenter un dispositif sur ce sujet. Je n’en connais pas la nature à l’instant où je vous parle.

Actuellement, pour renforcer le dispositif, il faudrait à nouveau le notifier à la Commission européenne. Le dispositif initial ne l’avait pas été, et Bruxelles s’en était aperçu lorsqu’il avait été modifié. Par pitié, ne le modifions pas pour ne pas repartir pour un round de négociations avec la Commission européenne !

D’ici à la seconde partie du PLF, le Gouvernement doit proposer un dispositif sur l’IR-PME. Je propose à toutes celles et ceux qui souhaitent que nous légiférions dès à présent de retirer ces amendements, en attendant cette proposition, quitte à l’amender par la suite.

M. Nicolas Forissier. Si je comprends bien, le Gouvernement propose un amendement, donc apporte une réponse à la demande de Bruxelles. On peut espérer que l’amendement gouvernemental renforce un peu le dispositif.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je ne peux pas vous répondre. Nous étudierons ensemble la proposition, et serons alors à même de la juger. Nous pourrons éventuellement sous-amender.

M. Nicolas Forissier. On attend donc la récolte des châtaignes, en espérant qu’elle soit bonne.

Faisant toute confiance à M. le rapporteur général, je retire ces amendements.

M. Jean-Paul Dufrègne. Nous pourrions rétablir l’ISF, cela réglerait la question !

Les amendements I-CF253 et I-CF387 sont retirés.

L’amendement I-CF1023 de M. Jean-Noël Barrot est retiré.

La commission examine l’amendement I-CF267 de M. Nicolas Forissier.

M. Nicolas Forissier. L’article 199 du code général des impôts permettait aux contribuables de bénéficier d’une réduction de leur impôt sur le revenu égale à 25 % du montant des intérêts des emprunts contractés pour acquérir, dans le cadre d’une opération de reprise, une fraction du capital d’une PME. Il est proposé que ces dispositions s’appliquent jusqu’au 31 décembre 2022 au lieu du 31 décembre 2011. La mesure existante étant très efficace, elle doit être prolongée.

M. Joël Giraud, rapporteur général. On exhume là un dispositif ancien, abandonné au profit d’autres dispositifs qui aident les souscripteurs à entrer au capital de PME, notamment le dispositif Madelin, dont il a été question à l’instant.

Votre proposition, en première partie du PLF, conduirait à un effet d’aubaine pour tous les emprunts contractés depuis 2012. J’y suis donc défavorable et je demande le retrait de l’amendement. De tels effets d’aubaine sur autant d’années, ce n’est pas raisonnable.

M. Nicolas Forissier. Cet amendement résulte d’un travail commun avec le Sénat. Je dirai aux sénateurs, de votre part, qu’ils proposent des effets d’aubaine.

M. Jean-Paul Mattei. On ne peut pas soutenir cet amendement, qui est accessoire au regard des taux d’intérêt actuels. Il existe d’autres moyens, notamment la création de sociétés holding. Cette voie ne semble donc pas opérante.

M. Nicolas Forissier. Devant de telles pressions, je retire l’amendement.

L’amendement I-CF267 est retiré.

L’amendement I-CF1028 de Mme Sarah El Haïry est retiré.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement ICF131 de M. Damien Abad.

Elle en vient à l’amendement I-CF1035 de M. Jimmy Pahun.

M. Jean-Paul Mattei. Cet amendement de mon collègue Jimmy Pahun vise à valoriser les modes de propulsion entièrement décarbonés. L’avantage fiscal qu’il propose enverrait un signal aux chantiers qui construisent des navires utilisant ce mode de propulsion.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Afin d’éviter un effet d’aubaine, je vous suggère de déposer cet amendement en seconde partie du texte. Il est difficile d’avoir un débat sur un amendement créant un tel effet d’aubaine.

L’amendement I-CF1035 est retiré.

La commission examine l’amendement I-CF1301 de M. Olivier Serva.

M. Jean-René Cazeneuve. L’amendement vise à rétablir le dispositif d’incitation fiscale à l’investissement que prévoit l’article 199 du code général des impôts dans les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution, c’est-à-dire dans les départements d’outre-mer, en le centrant uniquement sur les opérations de réhabilitation et de rénovation de logements, et en le réservant aux organismes de logement social (OLS) non bailleurs sociaux.

Pour éviter tout abus, la direction régionale des finances publiques et la direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement encadreraient le dispositif, afin de s’assurer de la bonne utilisation des fonds et d’en réserver le bénéfice aux entreprises ayant obtenu l’agrément entreprise solidaire d’utilité sociale (ESUS), à partir de 2020.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Même punition : on ne peut pas changer les règles du jeu en cours d’année. C’est un débat que nous pourrons mener lors de la discussion sur la seconde partie du PLF, mais en aucun cas en première partie. Si monsieur Serva le souhaite, il pourra déposer à nouveau son amendement en seconde partie.

L’amendement I-CF1301 est retiré.

La commission en vient à la discussion de l’amendement I-CF1209 de Mme Christine Pires Beaune.

Mme Christine Pires Beaune. L’amendement ne crée pas de nouvelle déduction fiscale ou de nouveau crédit d’impôt, mais vise à rétablir un peu de justice. Aujourd’hui, le reste à charge moyen d’un hébergement en EHPAD est bien supérieur à celui d’un hébergement à domicile – plus de 1 800 euros contre 60 euros, selon le rapport Libault. Dans le second cas, les personnes bénéficient d’un crédit d’impôt, alors qu’il s’agit d’une réduction d’impôt dans le premier. Cela signifie qu’en EHPAD, les personnes les plus modestes ne reçoivent aucune aide fiscale.

L’idée est donc de transformer la réduction d’impôt en EHPAD en crédit d’impôt pour tous. La mesure a un coût : 675 millions d’euros. En revanche, 603 000 personnes étant hébergées en EHPAD contre 1,8 million de personnes à domicile, il est possible de financer entièrement cette transformation en excluant du crédit d’impôt à domicile les personnes dont le revenu fiscal de référence est supérieur à 42 000 euros.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Madame Pires Beaune, je vous prie, tout d’abord, de m’excuser de n’avoir pas trouvé le temps de vous rappeler pour discuter de ce sujet très intéressant.

Le tome II de l’annexe Évaluations des voies et moyens indique que la réduction d’impôt, qui a bénéficié à près de 466 000 ménages, devrait coûter 315 millions d’euros en 2020. Vous chiffrez la transformation en crédit d’impôt à 700 millions d’euros. Je vous remercie, d’ailleurs, d’avoir pris la peine de chercher à gager votre proposition. Je suis cependant opposé, non pas à l’amendement sur le fond, mais à ce gage, car le crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile a une vocation plus large, celle de lutter contre le travail au noir.

Ce sujet a été récemment débattu, mais les propositions ont été retirées aussi vite qu’elles avaient été avancées. C’est la raison pour laquelle personne ne s’est jusqu’à présent aventuré à placer ce crédit d’impôt sous conditions de ressources.

L’avis n’est donc pas défavorable à l’amendement mais au gage, qui me semble particulièrement inapproprié.

Mme Christine Pires Beaune. Je comprends l’argument sur le travail au noir, et, précisément, je ne touche pas à l’exonération de cotisations sociales pour l’emploi à domicile, qui permet en effet de lutter contre celui-ci. Il me semble donc que le gage reste acceptable, car le reste à charge est estimé à 60 euros par mois pour l’emploi à domicile. Lorsque l’on perçoit plus de 42 000 euros de revenus pour une part, on peut s’acquitter d’une telle somme.

A contrario, si l’on vit en maison de retraite et que l’on n’est pas imposable, un reste à charge moyen de 1 800 euros est difficilement supportable.

Mme Véronique Louwagie. Avec cet amendement, nous abordons pour la seconde fois le financement de la dépendance. Je pense qu’il y aura bien d’autres amendements sur ce sujet. Nous tentons là de trouver des solutions à un vrai problème, que le Gouvernement ne s’est pas approprié jusqu’à présent.

Si je suis tout à fait favorable à la transformation de cette réduction d’impôt en crédit d’impôt, je serai plus mesurée sur la proposition de financement. Il faut que nous puissions travailler sur ce sujet, parce que nous avons un problème de financement de la dépendance. La voie fiscale peut être une réponse.

Mme Cendra Motin. Avant de commencer à financer quoi que soit, il faut savoir ce que l’on finance et définir une politique. La ministre Agnès Buzyn présentera un texte devant le Parlement au premier semestre, voire au premier trimestre 2020. De plus, pour répondre à vos attentes, le projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui sera présenté demain en conseil des ministres, contient certaines dispositions concernant l’aide aux aidants ou les EHPAD. Ne commençons donc pas à financer des mesures sans connaître la photo d’ensemble de la politique de la dépendance.

Mme Marie-Christine Dalloz. Cette photo d’ensemble, nous la connaissons ! Nous avons tous des exemples, autour de nous ou dans nos circonscriptions, de citoyens vivant dans les EHPAD, qui ont des difficultés terribles pour financer leur hébergement : soit leur conjoint ne vit plus, car il doit consacrer les deux retraites du couple à ce financement, soit ce sont les enfants qui ne vivent plus. Soyons sérieux, n’allons pas relancer une convention, un grand débat, un groupe de travail. Cela suffit !

Aujourd’hui, nous savons que la dépendance pose un problème, et le Gouvernement n’en a pas pris la mesure. Ce ne sont pas les mesures du PLFSS qui apporteront une quelconque solution. Il faut être sérieux lorsque l’on parle d’un sujet qui touche autant de familles et crée autant de difficultés.

Mme Christine Pires Beaune. Je comprends les remarques de Cendra Motin. J’ai pu me procurer les chiffres des crédits et réductions d’impôt dans le cadre des rapports budgétaires. J’espère qu’ils sont exacts, car ils m’ont été communiqués par la direction générale des finances publiques.

Je le répète, une toute petite somme serait retirée à ceux qui touchent plus de 42 000 euros. Le financement serait possible, car 1,8 million de personnes sont hébergées à domicile, contre 600 000 en EHPAD.

M. Jean-Paul Dufrègne. Je veux soutenir cet amendement. Il suffit de peu de chose : par un impôt un tout petit peu plus juste, on peut financer une mesure qui constitue une avancée pour les personnes âgées et leurs familles.

J’en conclus, sans doute sous les huées, que tout ce qui ne vient pas de La République en marche n’est pas acceptable, même les bonnes propositions. La réalité, c’est qu’on ne peut pas bouger une virgule du texte. Prenez donc vos responsabilités, coupez le cordon ombilical avec le Château !

Mme Olivia Grégoire. Monsieur Dufrègne, avec tout le respect que je vous dois, il n’y a jamais eu de cordon ombilical entre nous et le Château !

J’ai écouté avec attention les propos, toujours instructifs, de madame Pires Beaune. Sa proposition, bien que je ne la soutienne pas, est intéressante. Je soutiens, en revanche, ce qu’a dit madame Cendra Motin. Madame Dalloz, je vous ai aussi entendue. Ceux qui ont la chance d’avoir encore des parents ont et auront, comme nous tous, des préoccupations en matière de dépendance. C’est un problème lourd que, sur le plan politique, les majorités d’aujourd’hui comme celles de demain devront gérer.

Agnès Buzyn l’a dit – jusqu’à présent, elle a fait ce qu’elle a dit –, elle présentera un projet de loi de financement de la dépendance. Ce type de mesures, qui m’interpelle, a vocation à financer un tel projet de loi. Peut-être pouvons-nous nous rencontrer pour réfléchir à un autre véhicule, car celui-ci n’est pas le bon. Néanmoins, et je le dis sincèrement, au nom du groupe La République en marche, ce n’est pas parce que l’idée ne vient pas de nous que je ne la trouve pas intéressante.

Mme Christine Pires Beaune. Le projet de loi relatif à la dépendance trouvera toute sa justification. Il y aura, de toute façon, beaucoup plus à faire sur le reste à charge en EHPAD que ce que je propose. La transformation d’une réduction d’impôt en crédit d’impôt serait un premier pas, qui s’appliquerait dès l’année prochaine.

Je vous transmettrai les chiffres de la DGFIP ; ils vous permettront de réfléchir d’ici à la discussion en séance. Cet amendement ne remet pas en cause la nécessité d’une vraie loi sur la dépendance. J’aurais aimé avoir eu le temps d’interroger la ministre de la santé elle-même sur ce point, car la proposition ne peut qu’aller dans son sens.

Je maintiens cet amendement, que je compte déposer à nouveau en séance, s’il n’est pas adopté.

M. Nicolas Forissier. Combien représente cette « toute petite somme » qui permet de financer la transformation de la réduction d’impôt en crédit d’impôt ?

Mme Christine Pires Beaune. La moyenne du reste à charge pour une personne hébergée à domicile s’élève à 60 euros par mois, selon le rapport Libault qui présente les chiffres les plus récents. Elle concerne 1,8 million de foyers, un nombre élevé qui permettrait de financer les 300 000 personnes en EHPAD qui, aujourd’hui, n’ont rien, sachant que près de la moitié des 603 000 personnes hébergées en EHPAD est déjà concernée par une réduction d’impôt.

M. le président Éric Woerth. Vous prenez donc de l’argent à d’autres familles…

J’attends avec impatience un projet de loi sur la dépendance. Tous les Gouvernements en ont annoncé un, sans le présenter tant le sujet est complexe. On peut toujours faire des mesures d’aménagement et d’amélioration, mais est-on capable d’élaborer un vrai projet de loi ? Nous verrons.

La commission rejette l’amendement I-CF1209.

Elle examine l’amendement I-CF296 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Dans la ligne des questions soulevées par madame Pires Beaune, je rappelle qu’une large part des personnes âgées hébergées en EHPAD subit l’effet négatif de l’augmentation de la contribution sociale généralisée (CSG) sans bénéficier de la compensation au titre du dégrèvement de la taxe d’habitation. En effet, dans certains EHPAD intégrés à un hôpital, on ne paie pas de taxe d’habitation, contrairement aux EHPAD privés. Nous avons parlé de ce sujet bien des fois.

Pour les personnes hébergées en EHPAD dont le revenu fiscal de référence est supérieur à 27 000 euros, l’augmentation de la réduction fiscale existante, promise par le Gouvernement dans le cadre du PLF 2018, permettra de compenser tout ou partie de la hausse de la CSG. Or une part significative de la population hébergée en EHPAD est constituée de personnes dont le revenu fiscal de référence est compris entre 14 750 euros et 27 000 euros. Pour celles-ci, l’augmentation de la réduction fiscale ne compense pas la hausse de la CSG, puisque cette partie de la population soit n’est pas assujettie à l’impôt sur le revenu, soit est redevable de l’IR pour un montant inférieur au montant de la réduction fiscale.

L’amendement I-CF296 a donc pour objet, dans un premier temps, d’augmenter le plafond de dépenses ouvrant droit à l’avantage fiscal, en le portant de 10 000 à 12 000 euros, ce qui porterait le montant de l’avantage fiscal de 2 500 à 3 000 euros, soit 500 euros supplémentaires.

Dans un second temps, il s’agirait de transformer la réduction d’impôt en crédit d’impôt pour les personnes qui ne sont pas imposables. Nous l’avons fait, il y a bien longtemps, en adoptant un de mes amendements visant les aides aux familles.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Avis défavorable pour des raisons de coût. Toujours selon le tome II de l’annexe Évaluations des voies et moyens, la réduction d’impôt a bénéficié à 466 000 ménages et devrait coûter 315 millions d’euros en 2020. La transformation en crédit d’impôt et l’augmentation de l’assiette ne sont pas chiffrées dans votre amendement, mais leur ordre de grandeur est tout de même de quelques centaines de millions d’euros.

L’amendement de madame Pires Beaune chiffrait uniquement la transformation en crédit d’impôt. Vous allez plus loin en augmentant, en plus, le plafond.

M. Charles de Courson. Reconnaissez, monsieur le rapporteur général, qu’un problème se pose pour les personnes dont le revenu fiscal de référence est compris entre 14 750 euros et 27 000 euros, soit 1 200 à 2 300 euros mensuels. La mesure gouvernementale pénalise ces personnes qui, dans un EHPAD dépendant d’un hôpital, ne paient pas la taxe d’habitation, puisque la compensation ne joue pas. Que fait-on pour elles ?

M. Joël Giraud, rapporteur général. Ces personnes bénéficient de la baisse générale des impôts.

M. Charles de Courson. Non, puisqu’elles ne bénéficient pas de la suppression de la taxe d’habitation.

La commission rejette l’amendement I-CF296.

Elle examine, en discussion commune, les amendements I-CF894 de Mme MarieChristine Dalloz et I-CF1434 de M. Éric Coquerel.

Mme Marie-Christine Dalloz. J’essaierai d’être pragmatique, concrète et simple. Monsieur de Courson proposait d’augmenter un plafond de 10 000 à 12 000 euros ; je fais exactement l’inverse, en passant un autre plafond de 12 000 à 10 000 euros. Avec cette économie, je gage le coût induit par ma proposition.

Pendant longtemps, on a réservé le crédit d’impôt en faveur de l’emploi d’un salarié à domicile aux contribuables qui travaillaient, excluant les retraités du dispositif. Or ce sont bien ces derniers qui ont le plus besoin de salariés à domicile, pour assurer les soins de toilette ou la télésurveillance. Il s’agit de rétablir un équilibre entre l’avoir fiscal et le crédit d’impôt. Cet amendement constituerait donc une véritable avancée pour les personnes qui ne travaillent pas. Il serait financé par la baisse du plafond, de 12 000 à 10 000 euros, pour les personnes qui travaillent. C’est simple, ça roule !

Mme Sabine Rubin. L’amendement I-CF1434 vise à concentrer l’utilité du crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile, en évitant les effets d’aubaine pour les plus favorisés.

En 2015, la réduction moyenne d’impôt résultant de ce crédit d’impôt était de 625 euros. Nous suggérons d’abaisser à cette somme le plafond du montant pouvant être touché au titre de ce crédit d’impôt. Ainsi, les ménages pourront continuer de déclarer les revenus des personnes qu’elles emploient à leur domicile jusqu’à 1 250 euros, et de bénéficier d’un crédit d’impôt de 50 % de cette somme. Au-delà de cette limite, nous estimons qu’il revient aux ménages de supporter le coût des personnes qu’ils emploient à leur domicile.

Est toutefois conservé le plafond de 12 000 euros pour les services d’assistance aux personnes âgées, aux personnes en situation de handicap ou aux autres personnes ayant besoin d’une aide personnelle à domicile ou d’une aide à la mobilité, qui favorisent leur maintien à domicile.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Madame Dalloz, votre amendement est satisfait depuis près de trois ans, puisque la loi de finances de 2017 a universalisé le crédit d’impôt en faveur des services à la personne. L’extension à tous les contribuables du crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile est une réalité depuis cette date. Votre satisfaction étant absolue, nous proposons un retrait !

Quant à l’amendement I-CF1434, il peut déstabiliser tout un secteur pour lequel le crédit d’impôt joue un rôle majeur de régularisation du travail non déclaré. Parce qu’il favoriserait le travail au noir, j’y suis défavorable.

M. Arnaud Viala. À combien est fixé actuellement le plafond ? Le projet de loi de finances pour 2020 le modifiera-t-il ?

M. le président Éric Woerth. Le plafond s’élève à 12 000 euros, auquel s’ajoutent 1 500 euros par enfant à charge. Le projet de loi de finances ne le modifie pas.

L’amendement I-CF894 est retiré.

La commission rejette l’amendement I-CF1434.

Puis, suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette successivement les amendements I-CF1338 de M. Fabien Gouttefarde et I-CF1431 de M. Éric Coquerel.

Elle en vient à l’amendement I-CF1070 de M. Matthieu Orphelin.

M. Matthieu Orphelin. Il s’agit de tirer les leçons de la crise des gilets jaunes de l’année dernière, dirigée contre l’augmentation de la taxe carbone. Ce rejet d’une fiscalité écologique avait pour principale motivation le manque de redistribution des montants collectés grâce à cette augmentation de la taxe carbone. Il est donc proposé d’aménager un cadre fiscal pour les années à venir afin de redistribuer d’éventuelles augmentations de la fiscalité écologique, en créant un crédit d’impôt « Revenu climat », dont les montants seront définis plus tard.

L’amendement I-CF1070 résulte d’échanges avec le réseau Action climat, qui regroupe des organisations compétentes sur ces sujets, et fait écho à certains travaux de think tanks et d’associations qui ont essayé de penser une fiscalité écologique juste socialement. Cette fiscalité comprendrait une redistribution, afin que les quatre ou cinq premiers déciles, en dessous du revenu médian, voient leur pouvoir d’achat augmenter si la fiscalité écologique était appliquée.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Ce sera la même punition que pour tous ceux qui proposent des crédits d’impôt en première partie : étant donné que ces amendements créent un effet d’aubaine, je vous invite à les déposer en seconde partie.

Comme vous le savez, une convention citoyenne pour le climat se tient actuellement, qui devrait déboucher sur des propositions concrètes pour l’environnement et la transition écologique. Le processus ayant été clairement annoncé, il doit être respecté. Il faut donc attendre les conclusions de cette convention pour en tirer les conclusions.

M. Matthieu Orphelin. Je suis avec intérêt et de façon rapprochée cette convention citoyenne, qui a commencé ses travaux et à laquelle je souhaite un plein succès, notamment sur la question de la fiscalité. Cela ne nous empêche pas de continuer à réfléchir, à lire, à écouter ce que les acteurs de la société civile proposent.

J’ai planté cette petite graine aujourd’hui notamment pour nous orienter vers les divers travaux en cours des think tanks, des associations et des organisations, qui ont continué à réfléchir pour tirer les leçons de la crise des gilets jaunes. Je retire mon amendement, pour le redéposer plus tard.

M. le président Éric Woerth. Nous discuterons d’autres solutions possibles pour cette intéressante question du financement de la transition écologique.

L’amendement I-CF1070 est retiré.

La commission est saisie de l’amendement I-CF127 de M. Damien Abad.

M. Fabrice Brun. L’objet de cet amendement est de permettre aux personnes handicapées moteur ou aux personnes domiciliant une personne handicapée moteur de bénéficier d’un prêt à taux zéro pour le financement de travaux d’aménagement de leur résidence principale.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Il existe déjà un crédit d’impôt au titre des dépenses d’installation ou de remplacement d’équipements d’accessibilité ou d’adaptation des logements aux personnes en situation de handicap. Il a été prorogé jusqu’à la fin de 2020 par la loi de finances pour 2018.

Par ailleurs, d’autres dispositifs permettent de mettre en œuvre la solidarité nationale. Citons les allocations spécifiques comme l’allocation aux adultes handicapés (AAH), les aides de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) ou encore la taxe sur la valeur ajoutée au taux réduit de 5,5 % pour les équipements médicaux et paramédicaux

J’ajoute que, placé en première partie, ce prêt à taux à zéro créerait un effet d’aubaine. Il aurait davantage sa place en deuxième partie.

On ne peut que partager l’objectif que vous poursuivez, mais la réponse proposée ne me paraît pas idéale.

M. Fabrice Brun. Le dispositif très concret proposé par mon collègue Damien Abad me paraissait intéressant. Vous dites qu’il créerait un effet d’aubaine, mais si la commission des finances créait des effets d’aubaine en faveur des personnes en situation de handicap, cela ne me poserait pas de problème. La clef de leur autonomie, c’est de pouvoir vivre chez elles.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Quand je parle d’effet d’aubaine, j’évoque l’effet d’aubaine fiscal. En aucun cas, je ne me permettrai d’employer ce terme à propos des personnes en situation de handicap. Ce qui me gêne, c’est que le dispositif proposé s’appliquerait à des équipements déjà acquis. C’est la raison pour laquelle je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement pour le déposer en deuxième partie.

La commission rejette l’amendement I-CF127.

Elle examine ensuite l’amendement I-CF247 de M. Nicolas Forissier.

M. Nicolas Forissier. Je reviens sur la transmission des entreprises dont je veux souligner, encore une fois, qu’il est important de s’en préoccuper.

L’impôt sur les plus-values de cession en cas de crédit-vendeur est un frein à la bonne transmission des entreprises, car il constitue une charge considérable. L’objet du présent amendement est, dans la continuité des travaux sénatoriaux, de réduire les effets de seuil pour les petites et moyennes entreprises (PME) et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) en échelonnant l’impôt sur les plus-values de cession. Ce dispositif s’inscrit dans la suite logique de la loi pour la croissance et la transformation des entreprises.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Tel qu’il est rédigé, l’amendement est satisfait sur deux points : le seuil de chiffre d’affaires et de bilan ainsi que l’extension à la vente de droits sociaux. Je pense que vous n’avez pas tenu compte du dispositif adopté l’année dernière.

Par ailleurs, votre amendement se heurte à un autre problème de rédaction : il supprime des seuils qui n’existent pas. Je vous invite à le réécrire pour la séance.

J’ai pris soin de rappeler au ministre qu’il avait pris l’engagement en séance d’évaluer dans un an ce dispositif de paiement échelonné en cas de crédit-vendeur. Cela vous permettra d’avoir une réponse de sa part si vous redéposez cet amendement après l’avoir retravaillé.

M. Nicolas Forissier. L’objet de cet amendement était précisément d’avoir un débat sur ce point. Je vais le retirer puis le redéposerai sous une autre rédaction.

L’amendement I-CF247 est retiré.

La commission examine les amendements identiques I-CF807 de M. Fabien Roussel, I-CF1184 de M. Jean-Louis Bricout et I-CF1393 de M. Éric Coquerel.

M. Jean-Paul Dufrègne. L’amendement I-CF807 propose la suppression du prélèvement forfaitaire unique (PFU) à 30 %, dispositif profondément inégalitaire qui a mis fin à la progressivité de notre système fiscal sur les revenus du capital et engendré un coût non soutenable pour les finances publiques. Il convient donc d’y mettre un terme. Comptez sur nous pour vous soumettre des idées pour utiliser les gains fiscaux issus de cette suppression !

Le rapporteur général a, dans un mouvement d’euphorie, souligné que le PFU avait été une réussite. Il a simplement oublié de préciser qu’on avait observé un glissement entre revenus qui relevaient auparavant de l’impôt sur le revenu et dividendes auxquels s’applique le taux de 30 %.

M. Jean-Louis Bricout. Jean-Paul Dufrègne a parfaitement défendu l’amendement identique I-CF1184. Matthieu Orphelin a souligné à juste titre le déséquilibre fiscal et social engendré par la suppression de l’ISF et la mise en place du PFU. Ces deux mesures prises en début de mandat ont provoqué des pertes de recettes qui ont dû être compensées par une augmentation de la fiscalité écologique. Cela pose en toile de fond le problème de l’acceptabilité sociale de cette fiscalité.

Mme Sabine Rubin. J’ajoute à la défense de l’amendement I-CF1393 que nous avions alerté sur ce risque de hausse de la part des dividendes, citant l’économiste Gabriel Zucman. Il y avait tout lieu de penser, en effet, qu’avec le PFU, les chefs d’entreprise préféreraient se rémunérer sous forme de dividendes, moins taxés, plutôt que de revenus salariaux et que cela n’allait en rien favoriser l’investissement.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Plutôt que d’euphorie, monsieur Dufrègne, je parlerai de satisfaction, d’ailleurs partagée par le Comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital.

Avis défavorable à l’ensemble de ces amendements.

Mme Émilie Cariou. Monsieur Bricout, la création du PFU ne s’est nullement traduite par un effritement des recettes fiscales. S’il y avait eu un déport des salaires vers les dividendes aussi important que vous le dites, nous ne constaterions pas cette hausse massive du volume de l’impôt sur le revenu. Il y a eu non seulement une hausse des revenus, mais aussi des distributions et du réinvestissement, point sur lequel nous pourrions revenir.

M. Charles de Courson. Au moment de l’instauration du PFU, plusieurs collègues ont affirmé qu’il rapporterait au lieu de coûter puisque de nombreuses entreprises se refusaient à distribuer des dividendes à cause de l’extrême progressivité de l’imposition. Et c’est ce que nous avons constaté.

Monsieur le président, je m’étonne donc que vous ayez déclaré recevables ces amendements qui, contrairement à ce que prétendent leurs auteurs, entraîneraient des pertes de recettes.

M. le président Éric Woerth. Ce sont les mêmes amendements que ceux déclarés recevables l’an dernier.

La commission rejette les amendements identiques I-CF807, I-CF1184 et I-CF1393.

Elle est saisie de l’amendement I-CF46 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. Cet amendement vise à conforter la prime volontaire de 1 000 euros, exonérée d’impôt sur le revenu et de cotisations sociales, dont l’idée est venue du président de la région Hauts-de France. On peut toujours regretter que tout le monde ne la perçoive pas mais c’est apparemment un dispositif apprécié par les entreprises qui peuvent la verser et par les salariés qui en bénéficient. Nous proposons qu’elle soit reconduite d’une année sur l’autre et qu’elle soit exclue du calcul du revenu fiscal de référence.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Votre amendement est en grande partie satisfait par le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) qui prévoit de reconduire le dispositif de prime exceptionnelle pour 2020.

Par ailleurs, la rédaction de l’amendement pose problème puisqu’il ne précise pas qui décide de la reconduction et comment.

Je vous propose donc de le retirer et de le retravailler pour le déposer sur le PLFSS.

M. Fabrice Brun. Sur vos conseils avisés, monsieur le rapporteur général, je vais le retirer pour me reporter vers le PLFSS.

M. le président Éric Woerth. La prime sera reconduite cette année et sera exonérée de cotisations sociales mais aussi d’impôts, sous réserve d’un accord d’intéressement.

M. Fabrice Brun. Oui, mais elle entrera toujours dans le calcul du revenu fiscal de référence, si mes informations sont bonnes.

L’amendement I-CF46 est retiré.

La commission en vient à l’amendement I-CF740 de M. Joachim Son-Forget.

Mme Lise Magnier. L’amendement vise à abroger les dispositions de l’article 13 de la loi de finances de 2019 et à maintenir par conséquent la retenue à la source pour les revenus de source française de nos compatriotes expatriés. Les nouvelles règles censées s’appliquer le 1er janvier prochain créent des effets de bord qui n’avaient visiblement pas été prévus lors de la réforme de l’article 197 A du code général des impôts, faute d’étude d’impact.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Dans toute réforme, il y a des gagnants et des perdants, et il faut veiller à maintenir un équilibre global. L’an dernier, nous avons adopté plusieurs mesures favorables aux non-résidents et il convient d’en faire à présent le bilan.

Même si la réforme est juste dans son principe, le changement de règles du jeu peut avoir quelque chose de brutal. Je comprends le sens de votre amendement, même si je considère que l’abrogation que vous proposez serait une solution plus brutale encore. Je vous suggère donc de le retirer au profit d’une réflexion plus large sur ce sujet à laquelle vous seriez associés.

Mme Lise Magnier. Je ferai part de vos remarques à notre collègue Son-Forget. Pour l’heure, je retire l’amendement.

L’amendement I-CF740 est retiré.

La commission examine, en discussion commune, les amendements ICF65 et I-CF66 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Environ 3 millions de nos concitoyens peinent à trouver un médecin traitant, et c’est pour eux une préoccupation majeure.

Mon amendement I-CF65 propose d’encourager l’installation des médecins généralistes dans les zones de désertification médicale en leur permettant de bénéficier d’une exonération totale sur le bénéfice imposable pendant les cinq premières années, et partielle les trois années qui suivent – 75 % la sixième année, 50 % la septième et 25 % la huitième – comme c’est le cas dans les zones de revitalisation rurale (ZRR). L’amendement I-CF66, de repli, propose une exonération à 100 % pendant trois ans.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Comme je l’ai précisé tout à l’heure, madame Louwagie, le PLFSS comportera une exonération de cotisations sociales pendant deux ans pour les jeunes médecins qui s’installent en zone sous-dense. L’an dernier, nous avons adopté, à l’initiative de Julien Dive, une extension de l’exonération de cotisation foncière des entreprises (CFE) aux médecins implantés dans une zone sous-dense et le Gouvernement a réaffirmé son ambition de garantir à chacun un accès aux soins partout sur le territoire dans le cadre de la stratégie « Ma Santé 2022 ».

En outre, les zones de désertification médicale que vous mentionnez dans votre amendement n’ont pas d’existence juridique, ce qui fait courir un risque d’incompétence négative.

M. Jean-René Cazeneuve. Le dispositif en vigueur dans les ZRR ne fonctionne pas. Une mission a montré très clairement que l’incitation n’était pas suffisante et qu’elle n’avait pas su enrayer la désertification dans ces zones.

Par ailleurs, il ne faut pas faire jouer les territoires les uns contre les autres. Le déficit de médecins est un phénomène généralisé en France. Si vous incitez les médecins à venir s’installer à un endroit, il y en aura moins ailleurs.

Revenons aux objectifs du plan « Ma Santé 2022 », notamment ceux qui visent à redonner du temps médical aux médecins. On ne peut pas inventer des médecins supplémentaires, quel que soit le dispositif fiscal.

M. Fabrice Brun. Les zones de désertification n’ont peut-être pas d’existence juridique mais elles sont définies dans les classements établis par les agences régionales de santé (ARS). Certains départements comportent des zones d’intervention prioritaire (ZIP). Il est donc possible de sectoriser géographiquement ce dispositif d’exonération.

L’idée n’est bien sûr pas de monter les territoires les uns contre les autres. Force est toutefois de constater qu’il y a un déséquilibre dans la répartition des médecins. Comparons Saint-Laurent-du-Var avec ses sept médecins pour 3 500 habitants et certaines vallées de l’Ardèche.

Je trouve les amendements de madame Louwagie intéressants. Ils préfigurent les zones franches médicales, sur lesquelles nous pourrions réfléchir, et mettent en évidence le fait que l’égalité dans l’accès aux soins n’est plus assurée dans notre pays.

M. Jean-Louis Bricout. Monsieur Cazeneuve, il existe bel et bien des zones carencées. Ce n’est pas seulement le nombre de médecins qui pose problème mais aussi leur répartition. Ils sont surtout présents dans les grandes villes et le long du littoral. Une petite ville de ma circonscription a créé une maison de santé pluridisciplinaire (MSP). Elle est concurrencée par une ville dotée d’une zone franche et elle a beaucoup de mal à attirer les médecins. Il faudrait réfléchir aux moyens de parvenir à une meilleure répartition.

M. Bruno Duvergé. Certes, l’attractivité des territoires ne se réduit pas aux seuls avantages fiscaux pour les médecins, mais je ne peux pas laisser dire que les dispositifs des ZRR ne fonctionnent pas. Ils fonctionnent à condition qu’il y ait des médecins leaders qui lancent des projets, des maisons de santé soutenues par les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), des programmes destinés à encourager le travail collectif et la télémédecine.

M. Jean-Paul Dufrègne. Monsieur Cazeneuve, il ne faut pas généraliser : les ZRR ne fonctionnent pas toujours mais elles fonctionnent quand même. Je peux vous citer de nombreux exemples d’installations de professionnels de santé favorisées par ces dispositifs. Si on affirme aujourd’hui qu’ils ne fonctionnent pas, demain on dira qu’ils ne servent à rien et ils seront supprimés.

Mme Émilie Cariou. Je viens appuyer les propos de M. Cazeneuve. Les ZRR ne suffisent pas à attirer des praticiens. Une simple mesure fiscale ne peut créer du jour au lendemain une génération spontanée de médecins. Dans les zones actuelles, ce sont des professionnels venus de tous les pays du monde qui exercent, car la France n’a pas assez de médecins. Le plan « Ma Santé 2022 » vise à renforcer les effectifs. Instaurer un nouveau zonage et une nouvelle niche fiscale ne règlera pas notre problème.

Mme Véronique Louwagie. Madame Cariou, nous sommes tous d’accord pour dire qu’il nous faut plus de médecins. Il n’en demeure pas moins qu’il est nécessaire de trouver des solutions dans cette période transitoire et qu’il y a des territoires qui ont plus de difficultés que d’autres.

Monsieur le rapporteur général, les zones de désertification médicale ne sont peut-être pas définies dans le code général des impôts mais elles sont prises en compte par les ARS. C’est sur ces territoires qu’elles soutiennent la création de maisons de santé.

Je vais retirer mes amendements pour travailler à une meilleure définition juridique pour les redéposer en séance.

Les amendements I-CF65 et I-CF66 sont retirés.

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*     *

Article 3
Domiciliation fiscale en France des dirigeants
des grandes entreprises françaises

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article complète, pour les dirigeants des grandes entreprises françaises, le critère d’ordre professionnel posé à l’article 4 B du CGI pour définir la notion de domicile fiscal d’où découlerait, pour les contribuables résidant en France, une obligation fiscale dite illimitée et, par conséquent, un assujettissement à l’impôt au titre de l’ensemble de leurs revenus.

Il est ainsi précisé que les dirigeants, de toutes nationalités, des entreprises dont le siège social est situé en France et dont le chiffre d’affaires est supérieur à 1 milliard d’euros, sont, par principe, considérés comme exerçant leur activité professionnelle principale en France.

Dernières modifications législatives intervenues

Les principales dispositions relatives aux règles de territorialité et les conditions d’imposition des personnes n’ayant pas leur domicile fiscal en France résultent de la loi n° 76-1234 du 29 décembre 1976 et n’ont pas été modifiées depuis. Leur application à certaines situations et leur articulation avec les conventions fiscales internationales afin d’éviter des situations de double imposition ont été notamment précisées par la jurisprudence administrative.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   L’état du droit : un système fiscal organisé autour des notions de domicile fiscal et de source des revenus

A.   un droit interne stable dont l’application est susceptible d’être écartée par les stipulations des conventions fiscales

Non modifiés depuis 1976 ([53]), les principes sur lesquels repose le système fiscal français confèrent au lieu de résidence fiscale ainsi qu’à l’origine des revenus une place centrale.

1.   La territorialité, clé de voûte du système fiscal français

a.   Principe et portée

Organisé autour des notions de résidence fiscale et de source du revenu, le système fiscal français est fondé sur le principe de territorialité.

Ainsi, sous réserve de certaines dispositions particulières relativement limitées ([54]), les personnes qui ont leur domicile fiscal en France ([55]) ont une obligation fiscale dite illimitée et y sont redevables de l’IR sur l’ensemble de leurs revenus, de source française comme étrangère.

b.   Les critères relatifs à la notion de domicile fiscal

La notion de domicile fiscal s’apprécie au regard des critères posés à l’article 4 B du code général des impôts (CGI). Sont ainsi considérées comme ayant leur domicile fiscal en France, les personnes qui y :

– ont leur foyer ou leur lieu de séjour principal ;

– exercent une activité professionnelle, salariée ou non, sauf si elles démontrent que cette activité n’est exercée en France qu’à titre accessoire ;

– ont le centre de leurs intérêts économiques.

Le CGI définit ainsi plusieurs critères alternatifs, d’ordre personnel, professionnel ou économique. Il suffit que l’un de ces critères soit rempli pour que la personne soit considérée comme ayant son domicile fiscal en France.

● L’appréciation du critère professionnel diffère selon les cas. Pour les personnes salariées, le critère de domiciliation fiscale est réputé être rempli dès lors qu’elles exercent, en France, de manière effective et régulière, une activité professionnelle. Les mandataires sociaux d’une société dont le siège social ou le siège de direction effective se situe en France sont également réputés y exercer leur mandat.

Cet élément fait notamment écho à la jurisprudence administrative. Amené à se prononcer sur le cas d’une société dont le siège social se situait en France ayant versé à son président-directeur-général, domicilié au Luxembourg, des salaires sans acquitter la retenue à la source prévue à l’article 182 A du CGI, le Conseil d’État, ayant rappelé que la fonction de président-directeur-général (PDG) de la société USG France « impliqu[ait], en tout état de cause, qu[e ledit PDG] exerce en France un mandat social », a clairement confirmé que « les salaires versés à loccasion ou en contrepartie dune activité professionnelle exercée en France à un salarié qui ny est pas fiscalement domicilié sont soumis à la retenue à la source » (Conseil d’État, 10 août 2007, Société USG France,  292577).

S’agissant des personnes exerçant une profession non commerciale ou tirant leurs revenus d’exploitations industrielles, commerciales, artisanales ou agricoles, il convient de déterminer si elles ont, en France, un point d’attache fixe, une exploitation ou un établissement stable et si une majeure partie de leurs profits se rattache à cette activité professionnelle.

Par ailleurs, lorsqu’une personne exerce simultanément plusieurs professions ou la même profession dans plusieurs États, le caractère principal de l’activité professionnelle, déterminant pour caractériser le domicile fiscal s’apprécie en principe au regard du temps effectif consacré à l’activité, quand bien même celle-ci ne serait pas à l’origine de l’essentiel de ses revenus. Dans l’hypothèse où ce critère ne pourrait être appliqué, l’activité principale est alors celle qui procure, directement ou indirectement, la plus grande partie des revenus mondiaux de la personne concernée.

● Le critère relatif au centre des intérêts économiques recouvre notamment le lieu où ont été effectués les principaux investissements, celui où se trouve le centre des activités professionnelles des personnes concernées, celui d’où elles administrent leurs biens ou, enfin, celui d’où elles tirent, directement ou indirectement, la majeure partie de leurs revenus.

Pour les personnes qui sont titulaires de mandats sociaux au sein de plusieurs sociétés dont les sièges sociaux ou les sièges de direction effective respectifs sont situés dans plusieurs pays, le centre des intérêts économiques est recherché « selon les circonstances propres à chaque espèce, en tenant compte des liens entre les mandats sociaux exercés » ([56]).

Illustration de l’appréciation casuistique
du critère relatif au centre des intérêts économiques

La décision « Tedesco » du Conseil d’État (1) offre une illustration de cette appréciation au cas par cas. Se prononçant sur la remise en cause, par l’administration, de la domiciliation fiscale à l’étranger d’une personne assurant seule la direction effective de deux sociétés situées en France n’employant aucun salarié, le Conseil d’État a considéré qu’elle entretenait avec la France des « liens personnels plus étroits quavec la Belgique ». En l’espèce, le Conseil d’État a relevé que cette personne, qui exerçait en France son activité professionnelle principale de conseil aux entreprises et y avait également le siège effectif de ses affaires, disposait de revenus correspondant à cette activité exercée en France, « même sil nen percevait aucun salaire ou dividende ».

À l’appui de cette conclusion, le Conseil d’État a souligné que les deux sociétés étaient contrôlées, directement ou indirectement, par une holding de droit belge détenue à 99,9 % par la personne concernée et dont les revenus provenaient des deux sociétés sises en France.

(1) Conseil dÉtat, 26 septembre 2012, M. et Mme B., « Tedesco »,  346556, au Recueil.

Ainsi, la jurisprudence prend-elle en compte, pour déterminer la domiciliation fiscale, à la fois les liens entre les différentes entités et les conditions d’exercice de l’activité.

Sous réserve des stipulations des différentes conventions fiscales bilatérales, la domiciliation fiscale en France emporte, pour les personnes concernées, une obligation fiscale illimitée et l’assujettissement à l’IR en France, sur l’ensemble de leurs revenus, de source française ou étrangère. Pour autant, le fait d’être résident fiscal d’un autre État n’exonère pas les personnes concernées du paiement de tout impôt.

2.   L’origine des revenus, source d’une obligation fiscale restreinte pour les non-résidents

a.   Principe et champ des revenus concernés

Les personnes dont le domicile fiscal se situe à l’étranger ne sont imposables en France qu’à raison de leurs revenus de source française, c’est-à-dire les revenus qui trouvent leur origine dans une activité effectuée en France. Outre les traitements, salaires et pensions perçus en France, les revenus de source française sont limitativement énumérés dans la loi.

À titre d’illustration, l’article 164 B du CGI mentionne notamment :

– les revenus fonciers de source française (revenus d’immeubles sis en France ou de droits relatifs à ces immeubles) ;

– les revenus d’exploitations sises en France (bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices agricoles) et des autres activités professionnelles indépendantes et assimilées (bénéfices non commerciaux) exercées en France ;

– les revenus de valeurs mobilières françaises et de tous autres capitaux mobiliers placés en France ;

– certaines plus-values ([57]) ;

– ou encore les sommes correspondant à des prestations artistiques ou sportives fournies ou utilisées en France.

b.   Modalités d’imposition

Ainsi, lorsque les critères relatifs au domicile fiscal ne sont pas remplis, les personnes concernées sont considérées comme des non-résidents et ne sont imposées en France que sur leurs revenus de source française, selon les modalités définies aux articles 182 A et 197 A du CGI.

Si certains revenus donnent lieu à l’application d’une retenue à la source spécifique ([58]), l’impôt dû au titre des revenus de source française des non-résidents listés à l’article 164 B du CGI est calculé dans les conditions prévues aux 1 et 2 du I de l’article 197 du CGI et est, in fine, en application de l’article 197 A du CGI, calculé sur la base d’un taux minimum d’imposition de 20 % ou 30 % selon les cas ([59]).

principales Dispositions applicables pour l’imposition des revenus des non-résidents

Article 182 A du CGI

Article 164 B du CGI

Article 197 A du CGI

Modalités spécifiques de recouvrement de limpôt pour certains revenus

Base du calcul de lIR

Modalités de calcul de limpôt

Retenue à la source (RAS) pour les traitements, salaires, pensions et rentes viagères de source française des non-résidents.

Liste des revenus considérés comme étant de source française pour les non-résidents. Sont exclus de la base de l’IR, les revenus soumis à la RAS prévue à l’article 182 A du CGI ainsi que ceux qui sont expressément exonérés d’IR par une disposition particulière ou soumis à un prélèvement libératoire.

Application d’un taux minimum d’imposition pour les revenus de source française des non-résidents.

Source : commission des finances.

3.   L’incidence des conventions fiscales

● Conclues entre deux États pour prévoir notamment les règles de répartition de l’imposition des revenus ou des capitaux et éviter les phénomènes de double imposition pour les particuliers, comme pour les entreprises, les conventions fiscales bilatérales, qui ont, en droit interne, une autorité supérieure à celle des lois ([60]), peuvent avoir pour effet d’apporter un certain nombre de dérogations aux principes et règles définies au niveau national.

Ainsi, lorsque, pour l’application d’une convention fiscale, une personne est considérée comme « résident » de l’autre État, elle ne peut être regardée comme ayant son domicile fiscal en France. Cette condition écarte donc l’ensemble des règles de droit interne relatives à la domiciliation fiscale.

De façon miroir, les conventions fiscales attribuent parfois à la France l’imposition de certains revenus qui ne devraient pas l’être au regard des règles applicables en droit interne. Ce principe est codifié à l’article 165 bis du CGI, qui consacre la primauté du droit conventionnel sur le droit interne ([61]).

Dans de tels cas, les bénéfices ou revenus sont, en application de l’article 4 bis du CGI, passibles de l’IR, quels que soient la nationalité ou le lieu de résidence fiscale des personnes concernées.

Enfin, les conventions fiscales peuvent apporter des tempéraments au principe posé à l’article 4 A du CGI selon lequel une personne fiscalement domiciliée en France y est redevable de l’IR sur l’ensemble de ses revenus, de source française comme étrangère. À titre d’illustration, certaines conventions fiscales réservent le droit d’imposer les revenus fonciers à l’État dans lequel se situe l’immeuble générant les revenus, ce qui exclue l’imposition dans l’État du domicile fiscal du propriétaire.

● En cas de conflit entre deux États parties à une convention fiscale pour déterminer le lieu de résidence fiscale d’une personne, l’appréciation des critères d’ordre personnel, professionnel et économique se fait au cas par cas, en tenant compte de l’ensemble des éléments propres à chaque situation.

D’une manière générale, lorsqu’une personne est, du point de vue des règles de droit interne de chacun des États, à la fois domiciliée en France et dans un État partie à une convention fiscale bilatérale, elle doit être considérée comme résidente de l’État dans lequel elle a son foyer d’habitation permanent. Si elle dispose d’un foyer d’habitation dans chacun des deux États, il convient de déterminer avec lequel d’entre eux ses liens personnels et économiques sont les plus étroits. Si de tels liens ne peuvent être identifiés, il convient de privilégier l’État où elle séjourne de manière habituelle ou, à défaut de pouvoir constater que ce dernier critère est rempli, privilégier l’État dont elle possède la nationalité.

principales dispositions relatives à l’imposition des revenus en France

Article

Article 4 B du CGI

Article 4 A du CGI

Article 4 bis du CGI

Principe

Critères pour apprécier la notion de domicile fiscal

Obligation fiscale « illimitée » pour les personnes qui ont en France leur domicile fiscal

Obligation fiscale « restreinte » pour les personnes dont le domicile fiscal est situé à létranger

Imposition attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions

Portée

Imposition en France de lensemble des revenus, de source française et étrangère, des personnes concernées.

Imposition en France de lensemble de leurs revenus, de source française et étrangère.

Imposition en France de leurs seuls revenus de source française.

Imposition en France des revenus ou bénéfices visés dans la convention, quels que soient la nationalité ou le lieu du domicile fiscal du bénéficiaire.

Source : commission des finances.

B.   Adapter les critères de domiciliation aux réalités économiques

● Dans un contexte marqué par l’internationalisation de l’exercice des fonctions de dirigeants au sein des grandes entreprises et « où les outils modernes de travail réduisent limportance du lieu dexercice matériel de lactivité » ([62]), les critères traditionnels permettant d’apprécier le caractère principal ou accessoire d’une activité professionnelle peuvent s’avérer moins pertinents qu’auparavant.

● Il résulte de l’ensemble des règles rappelées supra qu’un dirigeant d’une société française, considéré comme résident fiscal d’un autre État demeure, « en application combinée des conventions fiscales et du droit interne français » ([63]), passible de l’impôt en France sur certains revenus de source française.

Cette obligation porte notamment sur les revenus suivants :

– rémunérations perçues au titre d’une éventuelle activité exercée en France ;

– dividendes de source française soumis à la retenue à la source prévue à l’article 119 bis du CGI ;

– jetons de présence et autres rémunérations perçues en qualité de membre d’un conseil d’administration ou de surveillance d’une société française, autres que ceux imposables selon les règles applicables aux salaires.

Il pourrait être bienvenu d’aller plus loin : il est proposé que les dirigeants des grandes sociétés françaises soient considérés comme ayant leur domicile fiscal en France et y être alors redevables de l’impôt sur le revenu au titre de l’ensemble de leurs revenus, de source française comme étrangère.

II.   Le droit proposé : une clarification du cadre juridique interne

A.   Une précision cohérente avec les principes dégagés par voie jurisprudentielle

« Nous renforcerons par la loi les règles de domiciliation fiscale dans les prochains mois de façon à nous assurer que les dirigeants des grandes entreprises dont le siège social est en France payent bien leurs impôts en France » ([64]).

1.   Une consécration législative annoncée dès le mois de janvier 2019

Traduisant les annonces du ministre de l’économie et des finances le 27 janvier 2019, le présent article précise, pour les dirigeants d’entreprises dont le siège social se trouve en France et dont le chiffre d’affaires est supérieur à 1 milliard d’euros, la portée du critère professionnel posé à l’article 4 B du CGI pour définir la notion de domicile fiscal, et ce, quelle que soit la nationalité du dirigeant.

Le 2e alinéa du présent article dispose ainsi que les dirigeants des grandes entreprises françaises (notions précisées ci-après) sont considérés comme exerçant en France leur activité professionnelle à titre principal.

Dans un contexte marqué par la fragilisation du consentement à l’impôt et le sentiment, parfois légitime, d’injustice fiscale, la consécration législative d’un critère par ailleurs dégagé par la jurisprudence administrative pour l’application de la retenue à la source sur les revenus des non-résidents ([65]), présente en tout état de cause une dimension symbolique forte. L’évaluation préalable évoque ainsi une transposition « au critère professionnel de domiciliation fiscale [des] principes dégagés par le Conseil dÉtat dans le cadre de larrêt USG France » ([66]).

Elle sécurise également le critère relatif à l’appréciation du caractère professionnel de l’activité professionnelle principale et établit « un lien (…) entre lexercice de fonctions de dirigeant des grandes entreprises françaises et la domiciliation fiscale en France » ([67]), élément de nature à renforcer le pacte civique et fiscal.

Comme le souligne l’évaluation préalable, l’évolution du contexte économique plaide pour une adaptation « aux réalités économiques » des « règles de la domiciliation fiscale en France des dirigeants des grandes entreprises françaises » ([68]). La solution retenue permet de ménager l’objectif de clarification du droit interne, d’une part, et la nécessité de ne pas entraver l’application des conventions fiscales, d’autre part.

2.   Une application sous réserve des conventions fiscales

a.   Un champ d’application précisément circonscrit

La précision apportée au critère professionnel a vocation à s’appliquer à certains cadres dirigeants exerçant une activité professionnelle dans une grande entreprise.

● La notion de dirigeant, précisée dans le dispositif (3e alinéa du présent article), correspond au président du conseil d’administration, au directeur général, aux directeurs généraux délégués, au président du conseil de surveillance, au président et aux membres du directoire, aux gérants et autres dirigeants ayant des fonctions analogues.

L’évaluation préalable du présent article fournit les précisions suivantes sur les personnes notamment susceptibles d’être concernées. Sont ainsi expressément cités :

– les gérants (minoritaires ou majoritaires) dans les sociétés en nom collectif, les sociétés en commandite par actions et les sociétés à responsabilité limitée ;

– le président du conseil d’administration, le directeur général et les directeurs généraux délégués dans les sociétés anonymes « monistes » ;

– le président du conseil de surveillance, le président et les membres du directoire, le directeur général unique (ou le cas échéant les directeurs généraux) dans les sociétés anonymes ayant opté pour le système dualiste d’administration ;

– le président, les directeurs généraux délégués auxquels les statuts ont conféré ce pouvoir dans les sociétés par actions simplifiées ;

– les autres dirigeants ayant des fonctions analogues soumis au régime fiscal des salariés dans les autres sociétés ou établissements à forme particulière.

Source : Évaluation préalable.

● Par ailleurs, ne sont concernés par la mesure que les dirigeants d’une entreprise dont le siège social se situe en France et dont le chiffre d’affaires est supérieur à 1 milliard d’euros (2e alinéa du présent article).

Il est également précisé, au même alinéa, que pour l’appréciation de ce critère dans le cadre d’un groupe – réunissant une société mère et les sociétés qu’elle contrôle au sens de l’article L. 233-16 du code de commerce –, le chiffre d’affaires à retenir correspond à la somme du chiffre d’affaires de chacun des membres du groupe.

Le contrôle au sens de l’article L. 233‑16 du code de commerce

L’article L. 233‑16 du code de commerce définit les notions de contrôle exclusif (à son II) et de contrôle conjoint (à son III).

Le contrôle exclusif exercé par une société sur une autre résulte :

– de la détention directe ou indirecte de la majorité des droits de vote ;

– de la désignation de la majorité des membres des organes d’administration, de direction ou de surveillance pendant deux exercices successifs (étant précisé que cette condition est présumée remplie si la société mère disposait au cours des deux exercices de plus de 40 % des droits de vote et qu’aucune autre personne ne détenait une part supérieure) ;

– du droit d’exercer une influence dominante.

Le contrôle conjoint correspond aux hypothèses dans lesquelles les décisions résultent de l’accord des associés, lorsqu’ils exploitent en commun et en nombre limité une entreprise.

Le seuil d’un milliard d’euros correspond à un critère objectif en droit fiscal français : celui de l’assujettissement à la tranche supérieure du « cinquième acompte » de l’impôt sur les sociétés (IS), en application du b du 1 de l’article 1668 du CGI. Pour mémoire, le seuil d’assujettissement au « cinquième acompte » est, en vertu du a du même 1, de 250 millions d’euros de chiffre d’affaires – qui est également le seuil d’assujettissement aux aménagements apportés à la trajectoire de baisse du taux de l’IS par l’article 11 du présent projet de loi.

b.   Une application aux revenus perçus à compter du 1er janvier 2019

Le présent article s’appliquera, sous réserve des stipulations des conventions fiscales, à compter de l’imposition des revenus de l’année 2019. Le critère professionnel tel que défini dans le présent article sera donc utilisé, de manière rétroactive, pour l’imposition des revenus perçus à compter du 1er janvier 2019, qui seront déclarés au cours de l’année 2020.

Deux éléments sont de nature à tempérer les inconvénients traditionnellement associés à la rétroactivité d’une mesure fiscale.

● En premier lieu, le présent article se borne à consacrer, dans le CGI, un critère d’origine jurisprudentielle dont les contours et la portée sont donc déjà connus et sont déjà appliqués pour la retenue à la source prévue à l’article 182 A du CGI.

● En deuxième lieu, le dispositif est la traduction des annonces du ministre de l’économie et des finances en début d’année 2019 dont le calendrier annoncé, bien qu’esquissé à gros traits, laissait penser qu’une traduction législative ne tarderait pas à intervenir au cours de l’exercice de référence.

B.   l’impact de la mesure

● Le nombre d’entreprises réalisant un chiffre d’affaires supérieur à un milliard d’euros, d’après les informations obtenues par le Rapporteur général lors de l’édition 2018 du rapport sur l’application des mesures fiscales et dans le cadre de l’article 11 du présent projet de loi, est inférieur à 500 :

– en 2016, 460 entreprises assujetties à l’IS réalisaient un chiffre d’affaires d’au moins un milliard d’euros ([69]) ;

– 223 entreprises concernées par l’article 11 aménageant la trajectoire de baisse du taux normal de l’IS réalisent un chiffre d’affaires d’au moins un milliard d’euros.

● Le présent article pourrait augmenter les recettes fiscales. Son incidence budgétaire est toutefois difficilement chiffrable. Aucun élément de nature à renseigner l’impact économique et budgétaire ne figure dans son évaluation préalable, mais cette absence résulte, d’une part, de la difficulté à apprécier l’incidence concrète de la mesure proposée, d’autre part, du secret fiscal.

S’il est difficile d’apprécier la portée de l’application concrète du présent article, les informations obtenues par le Rapporteur général indiquent que le dispositif couvrira des situations aujourd’hui marginales et aurait ainsi vocation à s’appliquer à un nombre limité de cas, l’essentiel des dirigeants des grandes entreprises françaises étant déjà domiciliés en France. Cependant, le dispositif a une vertu potentielle de rendre plus complexe d’imaginer pouvoir échapper à la domiciliation fiscale française pour les dirigeants concernés.

En outre, l’application du critère national se fera, sous réserve des stipulations des conventions fiscales. La France disposant, avec 121 conventions fiscales bilatérales, du réseau de conventions fiscales internationales le plus étendu du monde, il nest, à ce stade, et en labsence dinformations précises, pas possible de prévoir limpact juridique et budgétaire du présent article, qui sera en tout état de cause limité.

Enfin, le secret fiscal fait obstacle à la production de données relatives à limpact budgétaire du présent article et au nombre de personnes qui se trouveraient effectivement concernées, empêchant de fournir des exemples concrets.

*

*     *

La commission est saisie de l’amendement I-CF706 de M. Jean-Paul Mattei.

M. Jean-Paul Mattei. Les critères de domiciliation fiscale pour les dirigeants de grandes entreprises françaises définis à l’article 3 sont particulièrement attractifs. Cet amendement est le premier d’une série que nous avons déposée avec Éric Coquerel, co‑rapporteur de la mission d’information sur l’impôt universel, afin de traduire concrètement, dès ce PLF, les mesures préconisées dans notre rapport.

Nous proposons par l’amendement I-CF706 d’insérer le critère des 183 jours de résidence fiscale sur le territoire national à l’article 4 B du code général des impôts. Cette définition du domicile fiscal est inspirée de la jurisprudence du Conseil d’État et des critères retenus par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Il nous paraît opportun d’élargir les critères de résidence fiscale en ajoutant au niveau législatif un critère pris en compte par des textes de rang inférieur, à savoir la notion de présence effective sur le territoire national.

Cela permettrait de clarifier la doctrine fiscale et d’éviter des conflits d’interprétation nés de l’absence de l’inscription dans la législation de ce critère de nombre de jours de résidence.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Tout d’abord, monsieur Mattei, monsieur Coquerel, il me faut saluer le travail que vous avez effectué dans le cadre de votre mission d’information. Vous avez déposé plusieurs amendements mettant en œuvre les préconisations que vous aviez formulées. Je dois avouer que je suis moins sensible à l’architecture de cet amendement I-CF706 qu’à celle des suivants.

La domiciliation en France malgré une présence inférieure à six mois est établie à partir de la jurisprudence et dépend d’une approche au cas par cas : les décisions rendues en la matière prennent en compte la durée de séjour en France et les durées de séjour dans les autres pays, mais aussi la présence éventuelle en France de la famille et l’exercice en France d’une activité. Elle est appréciée selon un faisceau d’indices et votre rédaction risque de rigidifier les choses.

En outre, la durée en France doit être nettement supérieure à celle du séjour dans les autres pays. Or, avec votre amendement, une personne serait automatiquement considérée comme résidente française dès lors qu’elle résiderait en France un jour de plus que dans un autre pays, même si elle a toute sa famille et le siège de son travail dans l’autre pays et n’est en France qu’au titre de déplacements professionnels, comme c’est le cas de beaucoup de gens, notamment des frontaliers, qui font la navette entre deux pays.

En outre, en cas de départ précoce ou d’arrivée tardive, une personne pourrait ne pas être considérée comme résidente fiscale française, ce qui serait un manque à gagner pour l’État.

Je vous invite donc à retirer cet amendement. Nous aurons ce débat en séance avec le ministre. Votre rédaction risque de desservir des personnes qui ne poursuivent aucun objectif d’optimisation fiscale et qui ont simplement à faire la navette entre deux pays.

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, souvenez-vous de Johnny Hallyday. Il était censé résider en Suisse. Or un astucieux inspecteur des impôts français, en relevant les dates de tous les concerts qu’il donnait dans le monde, a établi qu’il passait plus de 183 jours à l’extérieur de la Suisse, et le fisc a considéré qu’il était résident français et a procédé à un redressement correspondant à une année de revenus.

Votre amendement n’introduit pas seulement le critère des 183 jours, qui est de nature jurisprudentielle. Il fixe aussi la condition d’une durée de résidence sur le territoire national supérieure à la durée de résidence dans chaque autre pays, ce qui pose un vrai problème. Prenez les artistes qui se produisent partout dans le monde : ils peuvent résider à l’étranger plus longtemps qu’en France et risquent de ne plus être considérés comme résidents français.

M. Jean-Paul Mattei. Éric Coquerel n’est pas là, mais je vais retirer cet amendement, car je pense qu’il est important que nous ayons un débat dans l’hémicycle sur la notion de résidence fiscale. Cela fixera la doctrine et dissipera les problèmes d’interprétation.

L’amendement I-CF706 est retiré.

La commission examine l’amendement I-CF467 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. J’ai déposé cet amendement pour poser une question double au rapporteur : l’article 3 est-il compatible avec le droit communautaire ? Par ailleurs, est-il compatible avec les 130 à 140 conventions fiscales bilatérales que nous avons signées ?

M. Joël Giraud, rapporteur général. Cet amendement est totalement satisfait par l’article 55 de la Constitution qui dispose, comme vous le savez, que les conventions priment sur la loi, sous réserve de leur ratification régulière et d’une application réciproque. Il n’est donc pas nécessaire d’inscrire dans la loi un principe qui est consacré directement dans la Constitution. Nous n’allons pas rappeler la hiérarchie des normes à chaque article du PLF, d’autant que cela pourrait créer une confusion et inciter certaines personnes à penser qu’en l’absence d’une telle précision dans la loi, cette dernière prime.

L’article 3 ajoute simplement une précision sur le lieu d’exercice de l’activité professionnelle. Cela ne pose pas de problème de compatibilité avec le droit communautaire.

M. Charles de Courson. Monsieur le rapporteur général, avez-vous passé en revue les 130 conventions fiscales bilatérales pour savoir comment y est traitée la domiciliation fiscale ?

Comme vous l’avez rappelé, les conventions priment sur la loi. Est-ce à dire que cet article ne s’applique qu’aux pays n’ayant pas conclu de telles conventions, soit une quantité négligeable ? Est-ce un espace vide ? Combien est-il susceptible de rapporter ?

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je ne pense pas que ce soit un espace vide, mais je dois vous rappeler qu’il s’agit d’un domaine qui relève du secret fiscal. Je ne suis pas en mesure d’apporter des précisions chiffrées.

M. Charles de Courson. Je vais retirer cet amendement, mais j’aimerais avoir des explications du ministre au sujet de la portée de cet article.

L’amendement I-CF467 est retiré.

La commission examine, en discussion commune, l’amendement I-CF1428 de Mme Sabine Rubin, les amendements identiques I-CF713 de M. Jean-Pierre Mattei et ICF806 de M. Fabien Roussel ainsi que l’amendement I-CF1154 de Mme Valérie Rabault.

Mme Sabine Rubin. L’amendement I-CF1428 tend à supprimer le plancher de chiffre d’affaires de un milliard d’euros instauré par le présent article, afin d’obliger les dirigeants d’entreprises françaises à payer leur impôt en France quelle que soit la taille de leur entreprise.

Dans une allocution, Emmanuel Macron a déclaré, en réponse aux gilets jaunes : « le dirigeant d’une entreprise française doit payer ses impôts en France et les grandes entreprises qui y font des profits doivent y payer l’impôt. C’est la simple justice ». Pourquoi se limiter aux patrons des très grandes entreprises, celles dont le chiffre d’affaires excède un milliard d’euros ?

M. Jean-Paul Mattei. Dans la continuité de notre rapport, l’amendement I-CF713 propose d’étendre le champ de la taxation de certains hauts revenus des dirigeants français en fixant le seuil, non plus à un milliard, mais à 500 millions d’euros. Nous considérons que ce serait une mesure de compromis.

Monsieur de Courson, vous vous interrogiez sur l’eurocompatibilité de l’article 3. Celui-ci redéfinit la notion de domiciliation fiscale et il me semble assez bien rédigé. Il n’y a donc pas de risques par rapport aux conventions internationales.

M. Jean-Paul Dufrègne. L’article porte sur le lien entre l’exercice de fonctions de dirigeant de grande entreprise française et la domiciliation fiscale en France. Comme monsieur Mattei, nous proposons, par l’amendement I-CF806, d’abaisser le seuil d’un milliard d’euros à 500 millions d’euros. Le but est de rattacher fiscalement à la France un plus grand nombre de dirigeants de grandes entreprises françaises et ainsi de donner plus de vigueur à cet article.

Nous nous posons des questions sur le nombre de personnes concernées par le seuil fixé à un milliard. Serait-il possible d’avoir des précisions à ce sujet ?

Mme Christine Pires Beaune. L’amendement I-CF1154 fixe, pour sa part, un seuil de 750 millions d’euros, à mi-chemin entre les 500 millions qui viennent d’être proposés et le seuil de un milliard inscrit dans le texte.

Rappelons qu’en janvier 2019, Bruno Lemaire avait déclaré : « Nous prévoyons d’alourdir les sanctions au cas où un chef d’entreprise ne respecterait pas ces règles de domiciliation fiscale ». Or je ne vois rien de nouveau en matière de sanctions, le droit commun semble continuer de s’appliquer. Par ailleurs, j’ai eu beau lire et relire, je ne trouve dans l’évaluation préalable ni le nombre de chefs d’entreprise potentiellement concernés ni même le montant du rendement attendu.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je suis sensible au fait, monsieur Mattei, que les préconisations de votre rapport d’information puissent trouver une traduction législative. Simplement, le seuil de 500 millions que vous proposez ne correspond à rien en droit fiscal. Le seuil de 750 millions proposé dans l’amendement I-CF1154 est, quant à lui, prévu pour la déclaration pays par pays, mais il s’agit d’un chiffre d’affaires mondial, non d’un chiffre d’affaires national.

Je vous propose de retirer tous les amendements pour les redéposer avec un seuil fixé à 250 millions, seuil plus objectif qui correspond à celui utilisé pour le cinquième acompte et la trajectoire de l’impôt sur les sociétés. À titre personnel, je leur donnerai un avis favorable. Pour être clair, entre 700 et 1 500 entreprises environ seraient concernées.

Les amendements I-CF1428, I-CF713, I-CF806 et I-CF1154 sont retirés.

La commission est saisie de l’amendement I-CF707 de M. Jean-Paul Mattei.

M. Jean-Paul Mattei. Cet amendement, parfaitement eurocompatible, a pour objectif de développer en France un mécanisme de fiscalité que l’on peut qualifier d’« impôt universel ciblé » – ciblé sur les paradis fiscaux, ce qui réjouira certains –, tel qu’il existe d’ores et déjà dans plusieurs pays européens comme l’Allemagne, la Finlande ou la Suède.

Le droit à taxer de la France ne s’éteindrait pas immédiatement après le changement de résidence fiscale mais continuerait de s’appliquer un certain temps aux contribuables partant à destination d’un pays dont le taux d’imposition est de 50 % inférieur à celui de la France, que ce soit en matière d’impôts sur le revenu, du travail, du capital ou du patrimoine.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Votre amendement revient à appliquer une sorte de droit du sang fiscal, qui va à l’inverse de la logique territoriale qui repose sur la notion de domiciliation et non de nationalité. Pour cette raison de principe, bien que la discussion soit intellectuellement passionnante, j’y suis défavorable.

Je m’interroge, par ailleurs, sur plusieurs autres points.

Aucun cadre temporel n’est fixé pour la nationalité française. Est-ce à dire qu’une personne ayant résidé en France sans en avoir la nationalité, puis qui l’obtient et part immédiatement à l’étranger, relèverait de votre dispositif ?

En outre, faute de précision sur son entrée en vigueur, votre dispositif pourrait s’appliquer à des personnes qui remplissent déjà les critères que vous prévoyez, ce qui conférerait à l’amendement une portée rétroactive.

Vous faites référence à des dispositifs similaires, notamment en Allemagne. Toutefois, ce pays a un régime plus encadré qui suppose un maintien du lien avec le pays d’origine et un seuil minimal de revenus de source allemande. Il prévoit, en outre, que les principaux centres d’intérêt économique du contribuable restent en Allemagne, conditions qui apparaissent logiques si l’on veut lutter contre l’évasion fiscale et pas simplement contre un déménagement.

Je vous demanderai donc de bien vouloir retirer votre amendement.

M. Jean-Paul Mattei. Je ne suis pas tout à fait d’accord avec vous, monsieur le rapporteur, car cet amendement ne remet pas en cause la notion de résidence fiscale inscrite dans notre droit. Il me semble que le mécanisme allemand n’est pas si éloigné de ce que nous proposons.

Comme je ne suis pas seul signataire de cet amendement, je me vois dans l’obligation de le maintenir.

La commission rejette l’amendement I-CF707.

Elle est saisie de l’amendement I-CF704 de M. Jean-Paul Mattei.

M. Jean-Paul Mattei. Nous revenons à un sujet qui avait déjà animé nos débats l’an passé : la fameuse exit tax. Je m’étais étonné alors qu’on modifie son régime. Sur le principe, je trouve choquant qu’une personne qui crée une entreprise sur le territoire français se voie exonérée d’imposition sur les plus-values si elle quitte la France alors que les entrepreneurs qui restent sont soumis à cette taxation. C’est un enjeu d’équité fiscale et d’attractivité du territoire, malgré ce que l’on peut entendre.

Précisons que toutes les mesures que nous avons proposées ne coûtent rien au budget de l’État, bien au contraire.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je serai bref, car c’est un débat que nous avons déjà eu l’an dernier. Quand nous avons modifié le régime de l’exit tax, je rappelle que j’ai légèrement aggravé les choses par rapport à ce qui était proposé et qu’il a fallu se battre pour cela. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF704.

Puis elle adopte l’article 3 sans modification.

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Après l’article 3

La commission est saisie de l’amendement I-CF767 de M. Jean-Pierre Mattei.

M. Jean-Paul Mattei. En matière de succession, au-delà du quatrième degré, il est plus difficile d’identifier les héritiers et les droits de mutation s’élèvent à 60 %. Nous proposons de supprimer la qualité d’héritier au-delà du troisième degré, sauf s’il y a un testament authentique ou olographe. Cela permettrait à l’État de récupérer 100 % des biens, ce qui constituerait une recette fiscale intéressante.

M. Joël Giraud, rapporteur général. J’ai un peu de mal à me figurer dans quels cas votre amendement s’appliquerait. Il ne serait plus possible d’hériter de ses arrière-arrière-grands-parents – pour ma part, c’est de cette manière que je suis devenu propriétaire d’un lopin de terre en Yougoslavie – mais, pour que le cas se produise, il faudrait que toutes les générations intermédiaires soient décédées ou aient refusé la succession.

En outre, je considère que les règles successorales ne relèvent pas des lois de finances. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Jean-Paul Mattei. L’article 777 du code général des impôts détermine les droits de mutation en fonction du degré de parenté. Si vous préférez, nous pourrions prévoir un taux de 100 % au-delà du quatrième degré, en prévoyant une exception si un testament existe.

La commission rejette l’amendement I-CF767.

Elle en vient à l’examen de l’amendement ICF1055 de M. Jean-Noël Barrot.

M. Jean-Noël Barrot. Cet amendement reprend une vieille idée, qui consiste à différencier la fiscalité s’appliquant aux unités de compte et aux fonds euros dans l’assurance‑vie.

L’assurance-vie est le placement préféré des Français, en raison de l’avantage fiscal considérable qu’elle présente, sur les plus-values et sur les successions. Les contrats d’assurance-vie peuvent se faire soit en unités de compte, soit en fonds euros. Les fonds euros, qui sont des fonds garantis, sont essentiellement placés dans des obligations souveraines. Les unités de compte, elles, financent les entreprises.

L’objectif général de la loi PACTE était d’orienter une partie de l’épargne vers les entreprises, mais en raison de la baisse des taux d’intérêt, qui deviennent même négatifs, il devient de plus en plus difficile et coûteux pour les assureurs de servir une rémunération sur les fonds euros. Actuellement, les plus grands assureurs de la place – Allianz, Axa, Generali ou Crédit agricole – envisagent, soit de fermer l’accès aux fonds euros, soit de relever les frais d’accès à ces fonds pour décourager les épargnants d’y placer leur épargne et les diriger vers les unités de compte.

Avec cet amendement, je propose que, dans les contrats d’assurance-vie qui seront souscrits à partir de l’année prochaine, les abattements sur le calcul des plus-values soient réservés aux unités de compte. Plutôt que de laisser les assureurs relever les frais pour décourager les épargnants et capter ainsi une partie de l’avantage fiscal, supprimons l’avantage fiscal, faisons une économie sur nos dépenses fiscales et aidons ainsi les assureurs à décourager les épargnants d’investir dans les fonds euros.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Nous allons examiner plusieurs amendements portant sur l’assurance-vie. Très honnêtement, je ne pense pas que la disparition des abattements changera quoi que ce soit dans les choix d’épargne. Pour moi, il s’agit juste d’une augmentation d’impôt. Si l’on supprimait cet abattement, il n’y aurait plus aucun avantage à détenir une assurance-vie de plus de huit ans pour la fraction qui excède 150 000 euros. Elle serait soumise au même PFU que les contrats dénoués avant huit ans, ce qui semble étrange.

Par ailleurs, il existe des dispositifs fiscaux incitatifs, s’agissant de la taxation de la transmission des capitaux de l’assurance-vie aux bénéficiaires lors du décès de l’assuré. Le prélèvement spécial s’applique après un abattement de 20 % pour les contrats dit « vie‑génération » qui sont investis en unités de compte. Pour toutes ces raisons, j’émettrai un avis défavorable sur votre amendement.

M. Jean-Noël Barrot. Pardonnez-moi, monsieur le rapporteur général, mais aucun de vos deux arguments n’est convaincant. Il ne s’agit pas d’une augmentation d’impôt, puisque cela ne concernerait que les contrats à venir. Par ailleurs, la fiscalité ne deviendrait pas neutre pour l’assurance-vie, puisqu’au sein d’un contrat d’assurance-vie, les unités de compte conservent tous les avantages fiscaux, tandis que les fonds euros conservent tous les avantages successoraux et perdent les abattements. L’assurance vie resterait donc très privilégiée sur le plan de la fiscalité.

Mme Marie-Christine Dalloz. Quand l’État français emprunte sur les marchés financiers, il a besoin de ces fonds euros pour garantir ses emprunts. Vous voulez réduire la souscription à des fonds dont l’État aura besoin pour emprunter. Quelque chose n’est pas clair !

M. Jean-Noël Barrot. Les assureurs augmenteront les frais, ce qui annulera l’avantage fiscal : c’est ce qui est déjà en train de se passer.

M. Charles de Courson. L’amendement de Jean-Noël Barrot met le doigt sur un vrai problème, qui résulte de la politique menée par la Banque centrale européenne. Celle-ci a essayé de relancer l’inflation, sans y réussir, avec des taux de plus en plus bas, et même négatifs, que l’on fait encore plonger. Cela met les banques européennes dans une situation extrêmement difficile : comme elles ne gagnent plus rien sur les prêts, elles essaient de se rattraper sur les services. Intellectuellement, on pourrait effectivement se dire que, pour l’intérêt national, mieux vaudrait que les gens qui souscrivent des contrats d’assurance-vie investissent dans des actions plutôt que dans des fonds en euros. Le problème, c’est que les contrats d’assurance-vie détiennent environ le tiers de la dette publique française. Le risque, c’est que votre amendement entraîne un désamorçage.

M. Jean-Noël Barrot. Cela ne s’appliquerait qu’aux nouveaux contrats.

M. Charles de Courson. Certes, mais certains risquent de demander le remboursement de leur ancien contrat, et les choses peuvent tourner assez vite. Le danger, c’est de déstabiliser le secteur. Vous l’avez expliqué vous-même, cher collègue : certaines sociétés d’assurances relèvent déjà les frais sur les fonds euros. Elles essaient de maintenir une rémunération un peu supérieure à l’inflation sur les contrats en unités de compte. Sur les contrats en fonds euros, la rentabilité est négative.

La commission rejette l’amendement I-CF1055.

Elle est saisie de l’amendement ICF48 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. Comme mon collègue Jean-Paul Mattei, je souhaite, à mon tour, défendre le retour de l’exit tax. Je rappelle qu’elle représentait une recette de 150 millions d’euros, au bas mot, qui reposait sur quelques centaines de contribuables. Nous avons été quelques-uns à être effarés du choix qui a été fait, dans la loi de finances de 2019, de ramener de quinze ans à deux le délai de détention des actions après l’installation de l’actionnaire hors de France qui exonère de l’exit tax. Cette décision a tout simplement consisté, monsieur le rapporteur général, à supprimer l’exit tax. Et, dans un souci de justice fiscale, nous proposons de rétablir cette imposition sur la plus-value résultant de la cession des actions, telle qu’elle existait depuis 2011, avant que vous ne la modifiiez.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Même avis que sur ce précédent amendement. Je note d’ailleurs qu’en toute cohérence, vous avez voté l’amendement de M. Jean-Paul Mattei.

M. Fabrice Brun. Il est tout de même dommage de s’asseoir sur 150 ou 200 millions d’euros. J’ajoute que cette mesure témoignait d’une certaine idée de la justice fiscale.

La commission rejette l’amendement I-CF48.

Elle examine ensuite l’amendement ICF1426 de Mme Sabine Rubin.

Mme Sabine Rubin. Une taxe avait été introduite dans le projet de loi de finances pour 2018, qui visait à taxer les propriétaires de grands navires de plaisance ou de sport. Par cet amendement, nous proposons de la réévaluer à la hausse compte tenu de son rendement tout à fait dérisoire par rapport à ce qui avait été évoqué. Si le chiffrage initial n’était pas bon, alors il convient de le réévaluer. Si vous ne voulez pas le faire, cela signifie que cette mesure n’a été qu’un « coup de com’ » pour faire oublier l’image de président des riches qui collait à la peau d’Emmanuel Macron.

M. Joël Giraud, rapporteur général. C’est une question que je connais particulièrement bien, puisque j’ai effectué un contrôle sur pièces et sur place à la direction générales des douanes pour voir comment ou si cette disposition était appliquée. Il s’agissait, d’ailleurs, non pas de la création d’une taxe, mais du changement de barème d’une taxe existante. Même si j’ai déjà fait fuiter quelques informations dans la presse, je n’ai pas encore publié les conclusions de ce contrôle, parce que j’attends encore des éléments complémentaires de la direction générale des douanes. En tout état de cause, prétendre que seuls dix Français sont aujourd’hui utilisateurs d’un yacht, c’est se moquer du monde.

Ces éléments complémentaires devraient me permettre de comprendre pourquoi il existe des trous noirs dans le dispositif de contrôle. Le département où l’on rencontre le plus de yachts dans ce pays n’a, par exemple, fait l’objet d’aucun contrôle, du fait, m’a-t-on dit, de l’incompétence de jure de la section de recherche qui est censée s’en occuper. Croyez bien que j’irai au bout de cette affaire, d’autant que ces fonds étaient destinés, pour partie, à la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM), dont, heureusement, plusieurs amendements d’origine parlementaire visent dans le cadre de nos travaux à sauvegarder le financement.

Je suis défavorable à votre amendement, parce qu’il ne servira à rien de multiplier par dix le montant de la taxe. Le problème, ce n’est pas le montant de la taxe, mais son assiette. Je répète que prétendre qu’il n’y a pas plus de dix utilisateurs de yacht dans ce pays, c’est se moquer du monde. J’émettrai donc un avis défavorable sur cet amendement, mais croyez bien que je ne les lâcherai pas.

M. Charles de Courson. C’est une petite affaire, mais elle est assez amusante. Pourquoi l’actuelle majorité a-t-elle créé cette taxe sur les yachts ? Pour faire croire, au moment de la suppression de l’ISF, qu’on allait faire payer les riches sur les valeurs mobilières – tout le monde sait que les grandes fortunes, ce sont des valeurs mobilières. Mais pour les petits riches, on a maintenu l’IFI. À l’époque, nous vous avions fait remarquer qu’on peut très facilement délocaliser un yacht pour l’immatriculer en Italie ou à Malte, par exemple. Mes chers collègues, voilà une bonne démonstration que trop d’impôt tue l’impôt : maintenant, il n’y a plus que dix yachts ! Il serait intéressant que notre rapporteur général, qui peut avoir accès à cette liste, nous dise qui sont les dix imbéciles qui immatriculent encore leur yacht en France !

Je pense que nous devrions tous voter l’amendement de Mme Sabine Rubin, car en multipliant le montant de la taxe par dix, nous ferons partir les dix derniers, et nous aurons ainsi un rendement nul.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je précise que l’amendement ne porte que sur le droit de francisation et de navigation (DAFN), qui s’applique aux pavillons français, alors que le dispositif que j’avais introduit concernait le droit de passeport, c’est-à-dire l’utilisation d’un navire par un Français, quel que soit son pavillon. C’est bien ce qui est problématique : une personne seulement a déclaré le DAFN en France. Il n’y a qu’un bateau à pavillon français en France ! L’assiette est encore plus réduite que ce qu’on imaginait ! L’important n’est pas le DAFN, mais le droit de passeport : c’est différent.

La commission rejette l’amendement I-CF1426.

Elle examine ensuite l’amendement ICF1053 de M. Jean-Noël Barrot.

M. Jean-Noël Barrot. Je reviens à l’assurance-vie, avec un amendement qui vise à faire circuler le capital et à encourager les donations du vivant. Lorsqu’on a un contrat d’assurance-vie, tous les versements que l’on y fait jusqu’à 70 ans peuvent être transmis en franchise de droits de succession jusqu’à 150 000 euros, sans que cela consomme les autres abattements disponibles pour la succession. Cet avantage successoral incite à continuer à verser sur le contrat d’assurance-vie jusqu’à 70 ans, plutôt que de transmettre du vivant. Après 70 ans, l’abattement se réduit à 30 000 euros.

Avec cet amendement, je propose, pour les futurs contrats d’assurance-vie, de ramener à 60 ans l’âge au-delà duquel l’abattement passe de 150 000 à 30 000 euros. Cela favorisera une transmission plus rapide du capital.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Il ne me semble pas très cohérent de faire passer le seuil de 70 ans à 60, alors que l’espérance de vie augmente. Sur le fond, vous voulez remettre en cause le régime de l’assurance-vie pour inciter à faire des donations et réorienter l’épargne vers des compartiments plus productifs. On est déjà allé dans ce sens avec le PFU et la loi PACTE, qui a créé des incitations en faveur des contrats en unités de compte. Le débat a eu lieu et un équilibre a été trouvé dans ce texte. Je ne voudrais pas que l’on déstabilise complètement l’assurance-vie. Avis défavorable.

M. Charles de Courson. Vous vous souvenez certainement de l’emprunt Pinay. Il a coûté très cher à la France, puisqu’on disait toujours : « On a mis la grand-mère en Pinay juste avant de la mettre en bière. » C’était une façon de bénéficier de l’exonération de la transmission. Cela ne rapportait pas beaucoup, mais ça a ruiné le Trésor public. Il ne faudrait pas accélérer le mouvement ! Je rappelle, par ailleurs, qu’il n’y a pas transmission, car le bénéficiaire n’est pas détenteur de l’assurance-vie. Il faut tout de même attendre la mort du de cujus.

La commission rejette l’amendement I-CF1053.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements I-CF1119 du président Éric Woerth, ICF1029 et ICF1031 de Mme Sarah El Haïry, I-CF1129 de M. Éric Pauget, ICF129 de M. Damien Abad et les amendements identiques ICF130 de M. Damien Abad et ICF990 de M. Gilles Carrez.

M. le président Éric Woerth. L’amendement I‑CF119 vise à favoriser les donations anticipées, en portant à 150 000 euros le montant de l’abattement personnel en ligne directe en cas de succession ou de donation, et en faisant passer le délai de rappel fiscal de quinze ans à dix ans. Cet amendement revient constamment et, si je l’ai redéposé, c’est parce que le ministre de l’action et des comptes publics a fait une proposition assez comparable. Comme je ne vois pas cette disposition dans le PLF, j’aide le ministre à préciser les choses. Cet amendement vise à faire davantage circuler l’argent.

Mme Sarah El Haïry. Nous croyons, nous aussi, à la famille et à la nécessité de favoriser les donations et la solidarité intergénérationnelle. Comme le ministre de l’action et des comptes publics, qui appelle à faire vivre la solidarité à l’intérieur de la famille, nous pensons que les gens doivent avoir de l’argent au moment où ils en ont besoin. Nous voulons que les parents et les grands-parents puissent donner de l’argent à leurs enfants ou à leurs petits-enfants au moment où ça leur est utile : il faut donc favoriser les flux. Notre amendement I-CF1031, qui est très optimiste, vise à réduire de quinze à six ans le délai de reprise des droits de donation. Notre amendement I‑CF1029, moins optimiste, propose de réduire ce délai de quinze à dix ans. Nous proposons, par ailleurs, de faire passer le montant de l’abattement de 100 000 à 153 000 euros, afin de favoriser la solidarité intrafamiliale.

M. Éric Pauget. Dans le même esprit, l’amendement I‑CF1129 vise à revenir à la loi TEPA de 2007. Nous proposons à notre ministre de l’action et des comptes publics de s’inspirer de ce qu’avait fait Nicolas Sarkozy. Il s’agissait d’un dispositif équilibré, qu’il soutenait totalement à l’époque.

M. Gilles Carrez. L’amendement I-CF990 est un peu différent. Je propose de ne pas revenir sur l’abaissement, qui a été décidé dans la loi de finances rectificative pour 2012, de l’abattement, de 150 000 à 100 000 euros, mais de revenir, en revanche, sur le délai de reprise, pour le ramener de quinze ans à dix ans.

L’abattement à 150 000 euros a été introduit dans la loi TEPA en 2007 ; il n’était que de 50 000 euros auparavant. Le délai de reprise n’était alors que de six ans, mais il a vite été porté à dix ans. En août 2012, on est revenu à 100 000 euros, avec un délai porté à quinze ans. J’ai consulté des notaires : ils sont favorables à un retour à dix ans. Je rappelle que, pour une famille avec deux enfants, avec un abattement de 150 000 euros, on pouvait donner en franchise d’impôt 600 000 euros en un peu plus de 10 ans. Si on le faisait en démembrement de propriété, on passait à plus d’un million d’euros, ce qui, à mes yeux, était excessivement généreux. Cet amendement, je le répète, ne porte que sur la réduction du délai de quinze à dix ans.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Ces amendements sont très coûteux et ils ne sont pas chiffrés : pour être très clair, ils représentent plusieurs milliards d’euros. Je vous rappelle que la fiscalité du patrimoine a été allégée au début de la législature, notamment avec la suppression de l’ISF, et que nous faisons cette année une importante baisse d’impôt sur le revenu. Ajouter quelques milliards par le biais de ces amendements me semble superfétatoire. Avis défavorable.

M. le président Éric Woerth. Espérons que M. Gérald Darmanin ira plus loin !

M. Jean-Paul Mattei. Je voterai l’amendement de Gilles Carrez, car il me semble équilibré. Je ne suis pas d’accord avec vous, monsieur le rapporteur général, quant au coût élevé de cette proposition. Cela va, au contraire, réinjecter de l’argent dans l’économie, créer de la consommation et des recettes de TVA. Il ne faut pas avoir un raisonnement à l’instant T : les recettes fiscales perdues, nous les retrouverons dans la consommation. Ces amendements vont tout à fait dans le sens des annonces du ministre de l’action et des comptes publics : il s’agit d’organiser la solidarité transgénérationnelle en permettant aux parents de mettre à leurs enfants le pied à l’étrier. Ramener le délai de quinze ans à dix fluidifiera le système. Cette mesure me paraît équilibrée et tout à fait pertinente.

M. le président Éric Woerth. Je suis tout à fait d’accord avec vous. D’une manière générale, et je m’adresse ici à la majorité, on ne peut pas considérer par principe que toutes les dépenses du Gouvernement – 5 milliards d’impôt sur le revenu, 20 milliards de taxe d’habitation – sont une bonne chose et que toutes les dépenses proposées par l’opposition sont mauvaises. Cessons de faire comme s’il y avait des dépensiers et des économes : pour notre part, nous n’aurions pas orchestré les choses de la même façon, nous n’aurions pas dépensé 20 milliards d’euros de taxe d’habitation. La mesure qui est proposée favorisera la circulation de l’argent, ce qui est une bonne chose.

Mme Christine Pires Beaune. Je veux soutenir le rapporteur général. Monsieur le président, l’impôt sur le revenu et la taxe d’habitation concernent des millions de personnes, ce qui n’est pas le cas des donations. Une succession moyenne, aujourd’hui, s’élève à 63 000 euros et la fiscalité sur les successions touche moins de 15 % des ménages. On ne peut pas comparer l’impôt sur le revenu et la taxe d’habitation, d’une part, et la fiscalité successorale, d’autre part.

M. le président Éric Woerth. C’est ce qui nous sépare : nous n’avons pas du tout la même vision des choses.

La commission rejette successivement les amendements I-CF1119, ICF1029, ICF1031, I-CF1129, ICF129, ICF130 et ICF990.

Elle examine ensuite l’amendement ICF1404 de M. Éric Coquerel.

Mme Sabine Rubin. Cet amendement ne va pas priver l’État de recettes, bien au contraire. Il vise à refonder totalement le barème de notre impôt sur l’héritage, en le rendant plus progressif et en ajoutant des tranches – c’est notre marque de fabrique –, afin d’assurer une progression plus douce jusqu’au taux de 100 % pour la part des héritages au-delà de 33 millions d’euros. Rassurez-vous, cela ne toucherait que 0,01 % seulement des plus riches. Il ne s’agit pas de les éliminer, mais bien de les faire contribuer. D’un point de vue plus philosophique, la part des patrimoines hérités dans le patrimoine total est passée de 45 % en 1970 à près de 70 % aujourd’hui. Il nous semble important de rompre avec cette dynamique inégalitaire, qui n’a rien à voir avec le mérite.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Personne ne s’étonnera que je donne un avis défavorable à cet amendement. Il pose un léger problème de constitutionnalité : le taux marginal de 100 % me paraît un peu confiscatoire…

La commission rejette l’amendement I-CF1404.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, elle rejette ensuite l’amendement ICF1052 de M. Jean-Noël Barrot.

Puis elle examine l’amendement ICF252 de Mme Lise Magnier.

Mme Lise Magnier. Afin de favoriser la croissance des entreprises familiales, cet amendement tend à exonérer de droits de mutation à titre gratuit la transmission d’entreprise au sein du cadre familial en cas de conservation des titres sur une durée de quinze ans.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je rappelle que la transmission d’une entreprise peut bénéficier du pacte Dutreil, avec exonération partielle de 75 %, de l’abattement en ligne directe de 100 000 euros par enfant et d’une réduction d’impôt spécifique et supplémentaire de 50 % pour les transmissions d’entreprise. Tous ces dispositifs étant cumulables, je propose que nous en restions là.

La commission rejette l’amendement ICF252.

Elle examine ensuite l’amendement ICF1030 de Mme Sarah El Haïry.

Mme Sarah El Haïry. L’amendement I‑CF1030 propose d’introduire une exonération des droits de mutation à titre gratuit sur la donation des parts de capital avec donation temporaire d’usufruit pendant au moins dix ans à une fondation ou à une association reconnue d’utilité publique. Il s’agit de créer un nouveau flux, au service de l’intérêt général, et de diffuser une culture philanthropique au sein même de la famille.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Tout cela me paraît un peu compliqué. Qui, par exemple, exercera le droit de vote sur les parts qui sont données temporairement ? Ce n’est pas précisé. Par défaut, ce serait l’association, et elle sera bien désemparée si elle doit se mêler de la gestion d’une société, alors que l’idée est plutôt de lui donner les dividendes. Par ailleurs, votre amendement ne prévoit pas d’exonération partielle, ni même d’abattement, et son assiette me paraît trop large. Je vous invite donc à le retirer.

Mme Sarah El Haïry. Je le retire pour le retravailler et le préciser, en vue de la séance.

L’amendement I-CF1030 est retiré.

La commission en vient à l’amendement ICF1032 de Mme Sarah El Haïry.

Mme Sarah El Haïry. Afin de faciliter les donations des grands-parents aux petits‑enfants, je propose de faire passer l’abattement de 31 865 à 100 000 euros, comme pour les parents.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je rappelle que lorsque deux grands-parents consentent à un de leurs petits-enfants une donation de biens communs, ce dernier bénéficie déjà du double abattement. Avec votre amendement, on pourrait donc atteindre des abattements de 200 000 euros pour chacun des petits-enfants. En outre, cet abattement peut se cumuler une fois avec l’abattement sur les dons de sommes d’argent consentis au profit des enfants, des petits-enfants ou des arrière-petits-enfants. Pour toutes ces raisons, je préfère qu’on en reste au droit actuel. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement ICF1032.

Puis, suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette l’amendement ICF905 de M. Jean-Noël Barrot.

Elle examine ensuite l’amendement ICF266 de M. Nicolas Forissier.

M. Nicolas Forissier. Cet amendement vise à corriger l’article 790 du code général des impôts, relatif aux abattements fiscaux en cas de donation d’une entreprise. Il prévoit actuellement une réduction de 50 % sur les droits liquidés lorsque le donateur est âgé de moins de 70 ans et je propose, avec cet amendement, de porter l’abattement à 60 %, de façon à encourager la transmission d’entreprise par anticipation.

M. Joël Giraud, rapporteur général. J’ai déjà rappelé que la transmission d’entreprise peut bénéficier du pacte Dutreil, avec exonération partielle de 75 %, de l’abattement en ligne directe de 100 000 euros par enfant et d’une réduction d’impôt supplémentaire de 50 % spécifique à la transmission d’entreprise, que vous voulez augmenter. Encore une fois, ces dispositifs sont cumulables ; restons-en là. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement ICF266.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements identiques ICF47 de M. Fabrice Brun, ICF96 de M. Pascal Lavergne, ICF133 de M. Damien Abad, ICF162 de Mme Josiane Corneloup, ICF195 de M. Charles de Courson, ICF523 de Mme Émilie Bonnivard, ICF837 de Mme Valérie Beauvais et ICF973 de Mme Marie-Christine Dalloz ainsi que les amendements ICF102 de Mme Lise Magnier et ICF310 de M. Charles de Courson.

M. Fabrice Brun. L’amendement I‑CF47 m’a été inspiré par la Confédération nationale des appellations d’origine contrôlée (CNAOC). Pour éviter que, demain, nos plus beaux terroirs agricoles et viticoles appartiennent aux Chinois ou à d’autres puissances étrangères, je propose, avec cet amendement, de favoriser les transmissions familiales en exonérant de l’IFI les propriétaires qui affectent durablement leurs terres à des exploitations agricoles par un bail à long terme d’au moins dix-huit ans.

M. Benoit Simian. Mon collègue député de la Gironde, Pascal Lavergne, et moi‑même souhaitons, avec l’amendement I‑CF96, appeler l’attention de la commission sur les transmissions d’exploitations familiales. Nous proposons de porter à dix-huit ans la durée d’impossibilité de transfert du bien, qui n’est que de quatre ans dans le régime actuel. Il s’agit ainsi de s’aligner sur ce qui existe dans d’autres pays européens, en Allemagne ou en Italie, par exemple. Il s’agit de protéger nos exploitations viticoles, qui sont convoitées par les Chinois et par les grands groupes qui investissent dans nos territoires.

Mme Josiane Corneloup. L’amendement I‑CF162 vise à protéger les exploitations agricoles et viticoles familiales en allégeant la fiscalité des donations et des successions lorsque les héritiers s’engagent à ne pas vendre les biens reçus et à les laisser affectés à l’exploitation familiale pendant une durée de dix-huit ans.

M. Charles de Courson. Nous faisons face à un vrai problème de transmission des exploitations agricoles, en particulier viticoles. C’est vrai dans le Bordelais, en Champagne, comme dans la région de Cognac. Ce que nous proposons, c’est que, lorsque la transmission a lieu au sein de la famille, on porte à dix-huit ans la durée de conservation, pour essayer de maintenir le caractère familial de ces exploitations. Sinon, que va-t-il se passer ? Si un exploitant qui a trois enfants partage sa terre entre ses enfants, ceux qui n’exploitent pas vont revendre leur terrain, et c’est la fin des exploitations familiales.

Nous vous faisons cette proposition, élaborée avec la CNAOC, mais ne croyez pas, monsieur le rapporteur général, que c’est un cadeau que nous faisons aux exploitants. Il n’est pas évident de recevoir, à 40 ou 45 ans, la responsabilité d’une terre pour dix-huit ans. Tel est l’objet de mon amendement I‑CF195 : il me paraît équilibré et je crois que c’est un bon moyen de préserver le capitalisme familial.

Mme Valérie Beauvais. Dans de nombreux vignobles, dont celui de Champagne, le prix du foncier pèse fortement sur la pérennité du modèle de l’exploitation familiale. On assiste ainsi, dans certains vignobles, à la disparition des exploitations de taille moyenne, au profit d’exploitations de très petite ou, au contraire, de très grande taille. On constate également le morcellement du vignoble et la diminution du nombre de vignerons. En 2018, les acquisitions de terres par les viticulteurs représentaient 43 % de surfaces, contre 63 % en 1993. Aujourd’hui, la fiscalité incite les propriétaires à repousser à plus tard la transmission. Et, lorsque la succession s’ouvre, les droits à payer par les héritiers sont tels, que ces derniers sont incités à vendre une partie ou la totalité des biens, ce qui menace la pérennité de l’exploitation familiale.

Afin de protéger le modèle de l’exploitation viticole familiale, l’amendement I‑CF837 vise à alléger la fiscalité des donations et successions, lorsque l’héritier s’engage à ne pas vendre les biens reçus et à les laisser affectés à l’exploitation familiale pendant une durée d’au moins dix-huit ans. Il prévoit donc un engagement de conservation du bien pendant cette durée minimale, ce qui garantit la pérennité du modèle familial, en contrepartie d’une exonération de 80 % des droits de mutation à titre gratuit, et ce dans la limite de 20 millions d’euros, comme cela se pratique en Allemagne, en Italie et en Suisse.

Mme Marie-Christine Dalloz. La bonne nouvelle, monsieur le président, c’est que l’amendement I‑CF973 est rigoureusement identique à ceux de mes collègues. Mais il n’y a pas que la Bourgogne, le Bordelais et la Champagne : il y a aussi le Jura et son vin jaune !

Plus sérieusement, la transmission des exploitations viticoles est un vrai problème, que notre collègue Charles de Courson a bien exposé : lorsqu’un exploitant a trois enfants, celui qui reprend l’exploitation est dans l’incapacité totale de payer les parts du reste de la fratrie. Et cela entraîne le morcellement de nos vignobles.

Cet amendement apporte de solides garanties : une durée de détention de dix-huit ans, une exonération de 80 % dans une limite de 20 millions d’euros. Les choses sont très claires !

Mme Lise Magnier. L’amendement I‑CF102 va dans le même sens. Les feux de détresse allumés par la profession agricole au cours des dernières semaines sur tous nos territoires et la manifestation nationale organisée aujourd’hui posent une seule question : quelle agriculture, quel modèle agricole voulons-nous pour demain ? Le modèle de l’exploitation familiale est celui que nous devons préserver. C’est pourquoi nous devons accompagner la transmission des exploitations agricoles et viticoles en France.

M. Charles de Courson. L’amendement I‑CF310 développe la même idée, mais il va plus loin.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Nous avons déjà eu ce débat l’année dernière et nous avons considérablement amélioré les choses dans la loi de finances initiale pour 2019. Nous avons renforcé les dispositifs incitatifs, puisque nous avons introduit une exonération de 75 % jusqu’à 300 000 euros transmis et de 50 % à partir de 300 000 euros transmis. Le pacte Dutreil peut également intervenir, et je rappelle les mesures sur la fiscalité agricole de l’an dernier. Je propose, une fois encore, que nous en restions là.

Nous parlons de biens d’une très grande valeur, et nous avons déjà fait énormément pour la filière viticole. Du point de vue d’autres personnes dans la même situation de patrimoine, ce que vous proposez va loin. Avis défavorable.

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas. Je m’exprime en tant que coprésidente du groupe d’études Vigne, vin et œnologie de l’Assemblée nationale. Nous sommes tous sensibles à la situation des vignobles et à la question de la transmission des exploitations viticoles, mais je trouve dommage que vous ayez repris tels quels les amendements que vous a envoyés la CNAOC.

On ne peut pas présenter de tels amendements sans les chiffrer, quand on sait ce que peut coûter un vignoble en Bourgogne, en Champagne ou en Aquitaine. De surcroît, je vous rappelle qu’une mission d’information relative au foncier agricole a été conduite par nos collègues Jean-Bernard Sempastous et Dominique Potier, et un projet de loi sur le foncier, la transmission et la reprise nous sera présenté, qui nous permettra de faire ensuite des propositions de financement de ces transmissions dans un projet de loi de finances. Autrement dit, prenons les choses dans l’ordre. Ne vous y trompez pas : je suis, tout autant que vous, attachée au vignoble français.

Mme Véronique Louwagie. Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2018, nous avions abordé le thème de la fiscalité agricole. D’un commun accord, nous avions retiré plusieurs amendements à la suite d’une proposition du Gouvernement de créer un groupe de travail sur la fiscalité agricole. Dans ce groupe de travail, dont font également partie Marie-Christine Verdier-Jouclas, Lise Magnier et Charles de Courson, il nous avait été dit que tout ce qui concernait la transmission ferait l’objet de propositions l’année suivante. L’année suivante, c’est maintenant !

M. Jean-Paul Mattei. Ces amendements m’étonnent. Aujourd’hui, en matière de transmission d’entreprises, il existe un abattement de 75 % dans le cadre du pacte Dutreil, avec l’obligation de conserver l’entreprise soit six ans, soit quatre ans lorsqu’il s’agit d’un pacte réputé acquis.

Les terres agricoles posent un vrai problème parce qu’elles sont souvent gérées dans des groupements fonciers agricoles, qui ne bénéficient pas d’exonérations. Certes, nous avons adopté l’année dernière un relèvement de l’abattement à 300 000 euros mais, compte tenu des intérêts en jeu, une vraie réflexion doit être menée.

Que se passe-t-il, en pratique ? Les gens apportent leurs terres à la société commerciale pour bénéficier du pacte Dutreil. Au bout de quatre, cinq ou six ans, les héritiers pourront vendre et il n’y aura plus de possibilité de contrôle. Il y a des problèmes avec les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural. C’est un vrai sujet de fond, qu’il ne faut pas balayer d’un revers de la main.

Les groupements fonciers agricoles sont souvent des prisons dorées, dans lesquelles les donataires ou les héritiers sont obligés de rester pendant dix-huit ans : loin de favoriser la spéculation, ils apportent de la stabilité en sécurisant le patrimoine foncier. Il faudrait appliquer un traitement équivalent aux entreprises et aux domaines agricoles, en leur imposant des obligations de conservation. Il serait intéressant de retravailler ces amendements, qui soulèvent le véritable enjeu du maintien de notre patrimoine agricole dans les mains des Français.

Mme Lise Magnier. Je rejoins mon collègue Mattei : la question est de savoir comment l’on considère le foncier agricole. Soit cela ne concerne que la propriété de terres, soit il s’agit d’un outil d’exploitation. Dans ce dernier cas, le pacte Dutreil s’applique au foncier agricole, ouvrant droit à l’exonération de 75 %. Aujourd’hui, le foncier agricole n’est pas considéré comme un outil de travail. La transmission d’une exploitation agricole ou viticole n’incluant pas le foncier, les héritiers ne bénéficient pas de l’exonération. C’est là tout le problème.

Nous avons tous dans nos gènes un attachement très fort aux terres agricoles. Aujourd’hui, nos agriculteurs sont des chefs d’entreprise, ils ont parfaitement conscience de cet enjeu. Il est nécessaire d’entamer une réflexion sur la manière d’intégrer le foncier agricole dans la transmission. Il s’agit d’un bien d’entreprise, d’un outil d’exploitation qui doit pouvoir bénéficier du pacte Dutreil.

M. Charles de Courson. Deux éléments complémentaires. Tout d’abord, en Allemagne, le Parlement exonère les biens fonciers dans la limite de 20 millions d’euros en cas de maintien du caractère familial. C’est assez proche de l’amendement que nous avons déposé.

Ensuite, je prends l’exemple, certes particulier, de la Champagne. Qui achète aujourd’hui ? Ce sont, à 20 %, les maisons de champagne, c’est-à-dire de grandes sociétés, qui font monter les prix. Contourner la réglementation sur les structures est très simple : les terres sont mises en société, et elles rachètent les actions, comme notre collègue Mattei vient de l’expliquer. Si l’on veut détruire le caractère familial de l’agriculture et de la viticulture, continuons comme cela !

Mme Émilie Cariou. Je vous appelle à la raison. Les amendements présentés ne sont absolument pas chiffrés ; on ne sait pas du tout combien cette mesure peut coûter au budget. Nous réglons les problèmes les uns après les autres. Une réforme du foncier agricole va être proposée et, en matière d’agriculture, je vous signale que, l’année dernière, nous avons créé une épargne de précaution, à la demande des agriculteurs, parce que la DPI – déduction pour investissement – et la DPA – déduction pour aléas – étaient de véritables usines à gaz qui ne fonctionnaient pas.

Le foncier agricole ne doit pas être traité du seul point de vue des exploitations viticoles, même s’il recèle bien des problèmes. Nous avons déjà proposé, l’année dernière, une mesure fiscale concernant la transmission ; d’autres sujets doivent encore être abordés, comme les transmissions extra-familiales. Les exploitations agricoles, et pas seulement viticoles, atteignent en effet de tels niveaux d’actifs qu’il sera très difficile de les transmettre. Laissons aussi la mission d’information aboutir, et abordons les thèmes dans le bon sens, comme vous l’a proposé madame Verdier-Jouclas.

M. Fabrice Brun. Les dispositifs existants ne sont pas suffisants, et le phénomène s’est accéléré ces dernières années ; il ne faut donc pas le sous-estimer. Notre proposition vise à conserver leur caractère familial à l’agriculture et à la viticulture françaises. Si nous voulons que tout le vignoble champenois appartienne demain à LVMH, il suffit de continuer comme cela !

On touche au patrimoine agricole et viticole de la France : notre histoire, notre ADN, notre culture ! Nous avons le devoir de dire que pèse une vraie menace sur ces grands terroirs de France, qui risquent demain d’appartenir en quasi-totalité à des fonds chinois, américains ou canadiens. Nous avions coutume de nous rassurer avec l’idée que l’agriculture et la viticulture étaient parmi les dernières activités non délocalisables : ce n’est plus le cas ! Le terroir français est en vente à la découpe !

M. le président Éric Woerth. Cette mesure est, de surcroît, autonome.

Mme Émilie Cariou. Oui mais elle coûte très cher !

M. le président Éric Woerth. Je n’en suis pas sûr. Mais c’est bien parce que ces terres sont probablement les terres agricoles les plus chères que la question se pose. L’objectif de les conserver dans une exploitation familiale doit pouvoir être partagé.

La commission rejette successivement les amendements identiques ICF47, ICF96, ICF133, ICF162, ICF195, ICF523, ICF837, ICF973 et les amendements ICF102 et ICF310.

Elle examine ensuite, en discussion commune, l’amendement I-CF1535 de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire ainsi que les amendements I-CF1216 et I-CF1217 de Mme Frédérique Tuffnell.

Mme Frédérique Tuffnell. Ces trois amendements visent à valoriser un dispositif foncier de protection de l’environnement en proposant l’exonération des droits de mutation à titre gratuit pour tous les biens immobiliers gérés au moyen d’une obligation réelle environnementale (ORE). Celle-ci a été créée par la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages du 8 août 2016. Seules cinq ont été signées à ce jour, mais plus de 200 ORE de compensation ont été signées.

L’article L. 132-3 du code de l’environnement définit ainsi l’obligation réelle environnementale : « Les propriétaires d’un bien immobilier peuvent conclure un contrat avec une collectivité publique, un établissement public ou une personne morale de droit privé agissant pour la protection de l’environnement en vue de faire naître à leur charge, ainsi qu’à la charge des propriétaires ultérieurs, des obligations réelles que bon leur semble, dès lors que de telles obligations ont pour finalité le maintien, la conservation, la gestion ou la restauration d’éléments de la biodiversité ou de fonctions écologiques. » Elle contribue ainsi à protéger certaines espèces de faune ou de flore sauvages, à conserver des haies, des arbres, des bosquets ou encore des zones tampon entre des zones urbanisées et des zones naturelles.

Pour garantir la valeur d’engagement en contrepartie de l’avantage fiscal, l’ORE contractée devra être d’une durée supérieure à trente ans, comme en matière forestière, être certifiée par une entité agréée au titre de la protection de l’environnement et signée en dehors de toute démarche de compensation des atteintes écologiques pour encourager la participation spontanée et volontaire des propriétaires dans la préservation de la biodiversité et des fonctions écologiques.

M. Joël Giraud, rapporteur général. De tels amendements ne peuvent pas figurer dans la première partie du projet de loi de finances dans la mesure où ils créeraient un effet d’aubaine sur les dispositifs existants. Je vous demande de bien vouloir les redéposer en deuxième partie, même si je suis réservé sur les chances qu’ils auraient d’y prospérer. Je comprends bien leur finalité écologique, mais j’ai toujours un problème quand une proposition n’est pas chiffrée. De plus, je ne suis pas totalement convaincu par le lien entre droits de mutation à titre gratuit et acceptation d’une ORE.

Mme Frédérique Tuffnell. Je préfère maintenir ces amendements en première partie. Certes, ils ne sont pas chiffrés – cela est impossible puisque seuls cinq contrats d’ORE ont été signés aujourd’hui. L’exonération des droits de mutation est difficile à estimer dans ces conditions. C’est justement pourquoi nous voulons inciter à la signature d’un plus grand nombre d’ORE. Compte tenu de l’enjeu écologique, je maintiens ces amendements.

La commission rejette successivement les amendements I-CF1535, ICF1216 et ICF1217.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements I-CF808 de M. JeanPaul Dufrègne et I-CF1185 de M. Jean-Louis Bricout.

M. Fabien Roussel. L’amendement I-CF808 propose de rétablir l’impôt de solidarité sur la fortune ! Comment faire autrement après que, des mois durant, cette année, nombre de nos concitoyens ont demandé le rétablissement de l’impôt de solidarité sur la fortune, que vous avez supprimé en 2017 ?

D’ailleurs, dans un rapport commandé par le Gouvernement à l’issue du grand débat national, qui a fait ressortir ce sujet en tête des revendications de nos concitoyens au nom de la justice fiscale, France Stratégie indique qu’il est impossible de dire si cette mesure a effectivement bénéficié à l’économie. En revanche, elle a bénéficié aux 5 % des ménages les plus riches, avec un gain de 6 500 euros par an et par ménage.

Ce cadeau, qui coûte cher au budget de l’État – 2,9 milliards d’euros –, a profité à 600 000 familles possédant un patrimoine total taxable de 1 028 milliards d’euros. Nous vous proposons de leur reprendre 2,9 milliards : il leur en restera bien assez !

M. Jean-Louis Bricout. L’amendement identique I-CF1185 a été parfaitement défendu par mon collègue. Quand je vois les propositions que vous faites pour exonérer encore et toujours les plus aisés, je doute fort que vous les acceptiez !

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je note que vous ne citez pas le comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital lorsqu’il dit beaucoup de bien du prélèvement forfaitaire unique (PFU) ! Le rapport de ce comité dit qu’il est extrêmement difficile de faire une évaluation à court terme. Ce choix a été fait en début de quinquennat et vos amendements sont totalement opposés à la position du Gouvernement : je ne vous surprendrai donc pas en émettant un avis défavorable.

La commission rejette les amendements I-CF808 et I-CF1185.

Elle en vient aux amendements identiques I-CF264 de M. Nicolas Forissier, I-CF420 de Mme Véronique Louwagie et I-CF1094 de M. Éric Pauget.

M. Nicolas Forissier. Nous proposons, pour notre part, la suppression de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI).

La majorité a pris une bonne décision en supprimant l’impôt de solidarité sur la fortune et en remettant cet argent dans le circuit économique. On peut discuter des modalités, mais c’était très important en termes d’attractivité et d’image de la France. Le problème, c’est que vous vous êtes arrêtés à mi-chemin en conservant un impôt sur la fortune immobilière, atténuant considérablement l’attractivité recherchée. De ce fait, la base de cet impôt peut à nouveau être élargie : l’incertitude demeure, ce qui est extrêmement préjudiciable au retour ou à l’investissement de ceux qui avaient quitté notre pays. Il est donc très important d’aller jusqu’au bout de la démarche. Ce serait une façon aussi de baisser la fiscalité et de recycler cet argent dans l’économie de tous les jours.

J’ajoute que l’impôt sur la fortune immobilière est injuste, car il pèse sur les petits patrimoines, les petites fortunes. Les très riches, ceux qui possèdent beaucoup de valeurs mobilières, sont avantagés ; mais ceux qui n’ont pour patrimoine que ce qu’ils ont accumulé au fil d’une vie de travail dans le but de le léguer à leurs enfants continuent de payer un impôt sur la fortune immobilière. Chers collègues de la majorité, soyez cohérents, supprimez cet impôt !

M. Éric Pauget. Je veux juste rappeler que l’IFI a contribué à stigmatiser la notion de propriété dans notre pays, notamment la propriété immobilière, qui fait partie de notre ADN. À ce titre, il faut le supprimer, et c’est l’objet de l’amendement identique I-CF1094.

Mme Émilie Cariou. Ceux qui ne possèdent pas de biens immobiliers n’ont donc pas le même ADN ?

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je ne vous surprendrai pas en donnant un avis défavorable à ces amendements de suppression d’un dispositif qui, en plus, a eu le bon goût de rapporter plus que prévu !

M. le président Éric Woerth. C’est justement ce qui est inquiétant !

M. Nicolas Forissier. L’argument final du rapporteur souligne que les estimations de recettes du Gouvernement étaient inférieures de moitié à ce que l’on percevra en 2020 ! Nous en sommes à près de 2 milliards anticipés : c’est bien la preuve qu’il y a anguille sous roche ! Cela reste un très mauvais impôt.

M. le président Éric Woerth. Il y a quelque chose de choquant à devoir payer l’IFI quand on investit dans l’immobilier pour le louer à des personnes qui ont besoin d’un logement, et de n’avoir rien à payer si l’on investit dans un patrimoine de valeurs mobilières ou de valeurs étrangères. Ce n’est pas d’un côté blanc et de l’autre noir, avec fiscalité ou sans fiscalité ; cela devrait former un ensemble. Mais je pense que nous ne serons jamais d’accord sur ce point !

La commission rejette les amendements I-CF264, I-CF420 et I-CF1094.

Elle est saisie de l’amendement I-CF888 de M. Éric Pauget.

M. Éric Pauget. Sortons au moins la résidence principale de l’immobilier assujetti à l’IFI ! Tel est l’objet de cet amendement.

M. le président Éric Woerth. Cet amendement de repli me paraît extrêmement raisonnable !

Mme Émilie Cariou. Il y a déjà un abattement !

M. Joël Giraud, rapporteur général. En effet, un abattement de 30 %. Ce débat a déjà eu lieu lors de la création de l’IFI. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF888.

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Article additionnel après l’article 3
Exonération partielle d’impôt sur la fortune immobilière des monuments historiques situés en zone de revitalisation rurale

Elle examine ensuite l’amendement I-CF770 de M. Gilles Carrez, qui fait l’objet du sous-amendement I-CF1574 du rapporteur général.

M. Gilles Carrez. L’amendement I-CF770 résulte du travail que je mène comme rapporteur spécial du patrimoine depuis deux ans. Il vise à étendre l’exonération de 75 % de l’IFI, qui existe d’ores et déjà pour les bois, les forêts ou les terres agricoles données à bail, aux immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques, à la condition qu’ils soient ouverts au public et situés en zone de revitalisation rurale. Ces conditions sont donc très restrictives.

Pour lutter contre la fracture territoriale, il faut davantage utiliser notre patrimoine historique, qui présente beaucoup d’atouts, tant du point de vue économique – cela est créateur d’emplois – que du point de vue touristique. Pour redonner la vie à des secteurs en grande difficulté, l’on pourrait miser sur les monuments historiques. Or il est extrêmement difficile aujourd’hui pour le propriétaire d’un tel lieu d’acquitter l’IFI en totalité, alors qu’il serait tout à fait disposé à ouvrir au public et à faire en sorte que le territoire local tire parti de ce monument.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je présente un sous-amendement pour encadrer l’exonération proposée, avec des obligations déclaratives annuelles du propriétaire au service en charge des monuments historiques. Ce sujet a été évoqué par plusieurs parlementaires de manière beaucoup plus large. Je souhaite donner un avis favorable à l’amendement à la condition expresse que soit voté le sous-amendement.

M. Gilles Carrez. Je suis tout à fait d’accord, d’autant qu’une mission conjointe de l’inspection des finances et du ministère de la culture travaille actuellement sur une meilleure définition des critères d’ouverture au public. Le coût de cette mesure est évalué entre un et 3 millions d’euros, car cela ne concerne que quelques centaines de sites. Il est donc très réduit.

Mme Émilie Cariou. Avec tout le respect que je dois à monsieur Carrez et à notre rapporteur général, nous ne souhaitons pas ouvrir une nouvelle niche sur l’IFI. Son champ est relativement large et remettrait en cause l’équilibre auquel nous sommes parvenus sur l’impôt sur la fortune immobilière.

M. Gilles Carrez. Cet abattement existe ; il figure dans le code des impôts pour les bois, forêts et terres agricoles.

M. le président Éric Woerth. Cela répond à une vraie raison. La question n’est pas de créer une niche fiscale ou pas, mais de savoir si elle a un sens.

Mme Émilie Cariou. Toutes les activités économiques que vous préconisez peuvent tout à fait être réalisées sans bénéficier d’une exonération d’IFI. Je ne comprends pas du tout le lien que vous faites entre une telle exonération et la valorisation du patrimoine, son ouverture au public ou l’activité économique.

M. Gilles Carrez. Si l’on prend l’exemple de Chenonceau ou de Vaux-le-Vicomte, vous avez raison. Mais il s’agit, en l’occurrence, de petits sites dont les recettes commerciales sont tout à fait insuffisantes pour faire vivre leur propriétaire. Celui-ci, obligé d’avoir une activité professionnelle par ailleurs, est donc assujetti à l’IFI. On en arrive à ce paradoxe que les propriétaires de très grands sites comme Chenonceau ou Vaux-le-Vicomte ne sont pas soumis à l’IFI alors que les propriétaires de sites moins remarquables sont entravées par l’IFI.

M. Jean-Paul Mattei. Nous ne pouvons que soutenir cet amendement, rendu encore plus opérationnel par le sous-amendement. Cela ne peut que rendre les territoires plus attractifs, créer des gains économiques et de l’activité, et donc générer des rentrées fiscales. Il ne peut pas y avoir de pertes, cela me semble évident.

La commission adopte le sous-amendement I-CF1574 puis l’amendement I-CF770 ainsi sous-amendé (amendement I-2862).

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Après l’article 3

La commission en vient à l’amendement I-CF1126 de M. Éric Pauget.

M. Éric Pauget. Il s’agit d’exclure de la base de l’IFI un bien immobilier ou un logement qui serait mis en location pour une résidence principale avec un loyer encadré. Cela permettrait de mettre des logements sur le marché.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Un bien loué avec un loyer encadré présente une valeur vénale inférieure à celle d’un bien libre. Il y a donc déjà un avantage à l’IFI à louer un bien avec un loyer encadré. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF1126.

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques ICF358 de M. Charles de Courson, I-CF524 de Mme Émilie Bonnivard et I-CF974 de Mme Marie-Christine Dalloz, l’amendement I-CF95 de M. Pascal Lavergne et les amendements identiques I-CF671 de Mme Véronique Louwagie et I-CF946 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Cet amendement a pour objet de faire sortir de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) les biens fonciers loués à long terme, c’est-à-dire pour plus de 18 ans.

La rentabilité brute du foncier est en effet de l’ordre de 1,2 %. Si vous soumettez ce rendement au taux de 17,2 % de CSG qui frappe les loyers et au taux marginal d’impôt sur le revenu, vous voyez bien que la rentabilité du foncier devient négative.

Ainsi, nous sommes en face d’une situation où une part croissante des propriétaires fonciers vendent car ils ne peuvent garder un bien dont la rentabilité est négative. Les fermiers sont alors pour ainsi dire obligés de leur acheter ce bien, s’ils veulent conserver la stabilité de leur exploitation. Les remboursements des prêts souscrits pour acheter ces terres entament alors une bonne partie de leurs capacités financières. On voit donc bien que le maintien de l’IFI sur le foncier agricole est un élément de destruction de l’entreprise familiale.

Je propose donc d’assurer aux propriétaires fonciers un minimum de rémunération, en exonérant de l’IFI tous les biens fonciers loués à long terme, c’est-à-dire pour au moins 18 ans.

Mme Émilie Bonnivard. L’objectif de mon amendement identique I‑CF524 est en effet d’exonérer d’IFI les propriétaires qui affectent durablement leurs terres à des exploitations agricoles, avec un bail à long terme d’au moins 18 ans.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je pose le même principe dans mon amendement identique I-CF974. Mais posons la question de fond : si on ne sait évaluer le coût d’une exonération d’IFI au bénéfice des terres agricoles, peut-être faut-il leur appliquer un autre taux de CSG que celui appliqué aujourd’hui ? Cela leur permettrait de retrouver un équilibre économique. Je pense qu’il ne faut pas être dogmatique sur le sujet.

En tout cas, il faut sortir de cette situation où les locations de longue durée de biens fonciers, à destination de l’agriculture ou de la viticulture, sont largement pénalisées.

M. Charles de Courson. Mon amendement I-CF946 n’a pas l’envergure de mon amendement précédent.

Vous vous souvenez que, actuellement, au titre de l’IFI, il existe un abattement de 75 % sur les biens fonciers loués à long terme, mais avec un plafond de 101 897 euros, la taxation s’établissant à 50 % au-delà de ce montant. Or vous vous souvenez aussi qu’en matière de succession, le plafond d’exonération des droits de mutation est passé brutalement de 100 000 à 300 000 euros ; c’était d’ailleurs très bien, puisque ce plafond n’avait jamais été revalorisé depuis des années.

De même, par cet amendement, je propose de relever le seuil d’exonération de l’IFI à 300 000 euros, comme on l’a fait en matière de succession.

M. Joël Giraud, rapporteur général. L’ensemble de ces amendements ont déjà fait l’objet d’une discussion l’an dernier. Avis défavorable à l’intégralité des amendements qui ont été déposés.

La commission rejette successivement les amendements I-CF358, ICF524, I-CF974, I-CF95, I-CF671 et I-CF946.

Puis elle examine les amendements I-CF776 et I-CF777 de M. Matthieu Orphelin.

M. Matthieu Orphelin. Mon amendement I-CF776 vise à alléger le taux d’IFI sur le foncier non bâti. La taxation du foncier non bâti vient s’ajouter à une faible rentabilité de ce dernier. Cette situation n’incite pas à l’acquisition ni à la détention de ce type de biens ; elle encourage leur artificialisation pour en augmenter la rentabilité. Cet amendement permet donc de lutter contre l’artificialisation des sols. Les agriculteurs retraités étant souvent propriétaires de terres agricoles, cette taxation réduit fortement leur revenu net après impôts, alors même que leurs retraites sont souvent très faibles. Cet amendement est donc un signal positif à leur égard.

Quant à mon amendement I-CF777, il vise à exonérer d’IFI tous les espaces naturels. En raison de la faible rentabilité de ces espaces, la taxation fait là encore peser un risque d’artificialisation. Une exonération d’IFI reviendrait donc à supprimer ce qui est aujourd’hui une incitation à l’artificialisation.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Ce sont des amendements que nous avons déjà vus deux fois dans le passé. Je donne un avis défavorable, comme les deux fois précédentes.

La commission rejette successivement les amendements I-CF776 et ICF777.

Puis elle examine l’amendement I-CF1125 de M. Éric Woerth.

M. le président Éric Woerth. Il s’agit de la simple revalorisation du barème de l’IFI. Il fait en effet partie des impôts dont les tranches ne sont pas revalorisées. Je propose qu’elles le soient, en fonction de l’inflation. D’ailleurs, on pourrait trouver un autre indice de référence, correspondant mieux à l’IFI. Par simplicité, je propose cependant une actualisation du barème en fonction de l’inflation.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Si l’indexation est une règle juste pour l’impôt sur le revenu, en revanche, je pense que cela est beaucoup moins évident pour la fiscalité du patrimoine. Avis défavorable.

M. le président Éric Woerth. Mon amendement inciterait les contribuables à déclarer des valeurs plus exactes. Car la sous-estimation des seuils des tranches du barème conduit à la sous-estimation des valeurs.

M. Charles de Courson. Monsieur le rapporteur général, lorsque le principe de l’indexation est oublié, on se réveille dix ou quinze ans plus tard pour procéder à une brusque réévaluation de 50 ou de 100 %, comme l’année dernière en matière de succession, lorsqu’on est passé d’un coup de 100 000 euros à 300 000 euros.

L’idée de notre président est pleine de sagesse. Monsieur le rapporteur général, on peut discuter du choix de l’indice de référence, indice des prix à la consommation ou autre. Mais il faut, sur le principe, qu’on indexe.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je ne suis pas très favorable à l’indexation des impôts qui relèvent de la fiscalité du patrimoine. Qu’on les relève de temps en temps en fonction d’une analyse ponctuelle, soit. Mais le patrimoine n’est pas la même chose que les revenus. Ce ne sont pas les mêmes indices ni les mêmes réalités qui s’appliquent et s’observent en termes d’évolution des valeurs. Je reste défavorable à une évolution de ce type.

M. Charles de Courson. Vous avez accepté l’année dernière une revalorisation de 300 %…

M. Joël Giraud, rapporteur général. Sur le sujet très particulier des baux ruraux ! Quand des valeurs locatives n’ont pas été revues depuis un certain temps, on peut analyser l’évolution du marché, pour opérer par exemple une révision au bénéfice de la province. Mais je parle ici de baux ruraux, c’est-à-dire de quelque chose de très particulier.

Mme Marie-Christine Dalloz. Quand on parle d’IFI, on parle bien d’immobilier. On ne peut pas ne pas tenir compte de l’évolution de la valorisation des patrimoines. Permettez-moi de prendre l’exemple du Jura, territoire frontalier de la Suisse. Certains secteurs y sont sous forte tension. Depuis trois ou quatre ans, le prix de l’immobilier y fluctue énormément. Je pense que c’est une erreur que de ne pas accepter cet amendement de bon sens sur le principe d’une revalorisation qui permettrait de mettre à jour, chaque année, la valeur patrimoniale des biens.

M. Laurent Saint-Martin. Je crois que le bon sens que vous invoquez est un faux bon sens. Car essayer d’indexer le barème de l’IFI sur l’inflation, c’est l’indexer sur une grandeur qui n’a, par définition, pas grand-chose à voir avec l’évolution de la valeur des biens immobiliers. L’inflation et l’évolution de la valeur des biens immobiliers ne sont pas corrélées.

Il vaudrait peut-être mieux réfléchir à indexer ce barème sur des valeurs qui reflètent l’évolution des prix immobiliers. Quoi qu’il en soit, si vous observez le marché de l’immobilier de Paris ou de la petite couronne parisienne, je ne pense pas que vous trouverez que son évolution est corrélée à l’inflation.

M. le président Éric Woerth. Dans mon exposé des motifs, j’ai relevé qu’on aurait plutôt pu prendre pour référence l’indice du coût de la construction ou un autre indice de ce type. En vérité, une indexation sur l’inflation est une sous-indexation par rapport à l’évolution réelle de la valeur patrimoniale.

Pour la séance publique, je déposerai un amendement, faisant référence à un autre index. Car je crois que ce débat vaut la peine d’être tenu. À partir du moment où existe un impôt sur le patrimoine dont le taux est fixe, l’assiette doit être indexée, car elle ne peut pas être totalement immuable dans un monde qui bouge énormément.

M. Charles de Courson. Puisque l’IFI frappe massivement l’immobilier, indexons-le sur l’évolution de la valeur immobilière. Pour ma part, je cosignerai volontiers avec le président un amendement qui répondra sur ce point aux objections du rapporteur général.

L’amendement I-CF1125 est retiré.

La commission examine l’amendement I-CF897 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il s’agit encore de l’IFI. Comme l’a très bien dit Charles de Courson, nous avions revalorisé l’an dernier de 100 000 euros à 300 000 euros le plafond applicable à certaines successions. Pour ma part, je vous propose de revaloriser la déduction au titre des dons consentis dans le cadre de l’IFI, en la portant de 50 000 à 100 000 euros. Soit une simple multiplication par deux.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je note l’effort que vous avez consenti sur le coefficient multiplicateur ! Mais je trouve élevé le seuil que vous proposez. Car je rappelle que ce montant est cumulable avec la réduction à l’impôt sur le revenu. Il faut encourager la générosité, certes, mais il y a aussi beaucoup de gens qui pratiquent la générosité sans jamais se prévaloir de réductions d’impôts. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF897.

Puis, conformément à l’avis défavorable du rapporteur général, elle rejette l’amendement I-CF386 de M. Nicolas Forissier.

Elle examine ensuite l’amendement I-CF648 de Mme Sarah El Haïry.

Mme Sarah El Haïry. Il s’agit d’un amendement technique. Il a vocation à sécuriser, pour les entreprises solidaires d’utilité sociale (ESUS), le dispositif d’incitation à l’investissement IR-PME. Mon amendement fait suite à la notification à la Commission européenne du nouveau régime, et au risque qu’il court de ce fait.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Vous avez présenté un amendement similaire quand nous en avons parlé sur l’impôt sur le revenu. J’ai rappelé quels avaient été les engagements du Gouvernement, pour que vous puissiez obtenir de lui une réponse en séance publique. Je vous avoue préférer examiner cette situation via votre amendement relatif à l’impôt sur le revenu, plutôt qu’à travers celui-ci, dans l’hypothèse où nous aurions un petit problème avec la Commission européenne.

L’amendement I-CF648 est retiré.

Puis la commission examine les amendements I-CF1058 et I-CF1059 de M. JeanPaul Mattei.

M. Jean-Paul Mattei. Ces amendements qui concernent l’assurance-vie apportent des recettes fiscales complémentaires à l’État.

Le régime de faveur dont jouit l’assurance-vie en matière de droits de succession a quelque chose de très choquant. C’est pourquoi je propose de le calquer désormais sur le barème de l’article 717 du code général des impôts en matière de droits de succession. Ce dernier prévoit, en ligne directe, une taxation à 45 % au-dessus de 1,8 million d’euros.

En matière d’assurance-vie, la même taxation ne s’établit qu’à 31,2 %. C’est excessivement choquant. Encore ne fais-je qu’évoquer la succession en ligne directe, sans parler du taux de 60 % qui frappe les autres successions… Ce n’est pas normal. Il y a vraiment un effet d’aubaine qui profite à ces contrats.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Votre groupe a déposé une série d’amendements qui font perdre beaucoup de son intérêt à l’assurance-vie, alors que je crois que des équilibres ont été trouvés. Pour cette raison, j’émets un avis défavorable à l’ensemble de ces amendements.

La commission rejette, successivement, les amendements I-CF1058 et ICF1059.

Puis elle examine l’amendement I-CF957 de M. François Pupponi.

M. Michel Castellani. Nous proposons que les acquisitions de logements par les organismes d’HLM, lorsqu’ils prennent l’engagement de les louer à des organismes bénéficiant de l’agrément relatif à l’intermédiation locative et à la gestion locative sociale, pour une durée d’au moins six ans, ne sont soumises qu’à un droit fixe de 125 euros. Il s’agit d’encourager la production de HLM dans le parc privé en France.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF957.

Puis elle examine l’amendement I-CF1536 de la commission du développement durable.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Cette disposition fiscale incitative en faveur de la restauration de la qualité des sols, qui participe à la préservation de la biodiversité et de la santé publique, s’inspire des régimes de faveur prévus entre autres aux articles 1594 F et suivants du code général des impôts. Inciter à l’acquisition de friches polluées contribuerait à limiter l’étalement urbain et l’artificialisation de terres agricoles.

M. Joël Giraud, rapporteur général. J’ai demandé une expertise sur l’ensemble des points soulevés par cet amendement.

D’une manière générale, je suis toujours vigilant sur la rédaction précise des amendements qui touchent aux dépenses fiscales. En l’espèce, l’assiette de l’exonération me semble un peu large. Je préférerais un taux réduit à une exonération totale. L’opération que vous proposez n’est pas du tout encadrée dans son quantum. Il n’y a aucun plafond qui soit prévu pour son montant et nous ne disposons pas de chiffrage.

Je vous invite donc à retirer l’amendement pour que, d’ici à la séance publique, les questions que nous nous posons puissent obtenir une réponse précise.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur pour avis. Je vous remercie par avance de l’aide que vous nous apporterez pour obtenir ces réponses.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Ces questions ont en effet été transmises au cabinet du ministre.

L’amendement I-CF1536 est retiré.

Puis la commission examine, en discussion commune, les amendements ICF1398 et I-CF1399 de M. Éric Coquerel.

M. Éric Coquerel. L’amendement I-CF1399 propose de rétablir l’impôt sur la fortune (ISF) et l’amendement I-CF1398 de rétablir la progressivité de la fiscalité du patrimoine.

Sept milliards d’euros de recettes en moins, voilà ce qu’a coûté à l’État la suppression de l’ISF, tandis que vous faites supporter à tout le monde la baisse de dépenses publiques à due concurrence. Cette suppression est d’autant plus injuste que c’était un impôt qui frappait les plus fortunés. Vous aurez beau nous expliquer que c’était pour éviter l’exil fiscal, je rappellerai que les exilés fiscaux représentent seulement 0,2 % de l’effectif des personnes assujetties à l’ISF… D’ailleurs, si l’exil fiscal coûte de l’argent, en adoptant l’excellent amendement proposé par mon collègue Jean-François Mattei et moi-même sur un impôt universel ciblé, on résoudra en partie ce problème, qui n’en serait plus un.

Si on propose de rétablir l’ISF, on propose de le faire avec une plus grande progressivité. Car il n’y a pas de raison que, pour les personnes privilégiées, il n’y ait pas aussi de la progressivité. Notre proposition s’appuie sur les travaux de la fondation Copernic et de Thomas Piketty, en prévoyant un taux marginal de 0,1 % pour les personnes fortunées et de 2 % pour les personnes détenant un patrimoine supérieur à cinq millions d’euros. Ainsi, nous gagnerons en justice fiscale.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Vous comprendrez que, ces amendements étant complètement orthogonaux à la politique du Gouvernement, je donnerai à leur endroit un avis défavorable.

M. le président Éric Woerth. « Orthogonal » veut dire, dans le vocabulaire de la commission des finances, « contraire ». Je le précise.

M. Charles de Courson. Cher collègue Éric Coquerel, si vous additionnez le taux actuel de 17,2 % de CSG sur les revenus du patrimoine au taux marginal d’impôt sur le revenu, vous arrivez à un taux de taxation d’un peu plus de 60 %. Un simple calcul montre qu’avec un barème qui culmine à 2 %, si le bien que vous détenez a une rentabilité inférieure à 3,6 %, sa rentabilité nette est nulle.

Cela veut donc dire que votre amendement tend à la suppression de la propriété privée au delà d’environ quatre à cinq millions d’euros de patrimoine. C’est mathématique. En cela, il est anticonstitutionnel. Si vous voulez détruire le système de la propriété privée, c’est tout à fait cohérent. Mais c’est indéfendable sur le fond.

La commission rejette, successivement, les amendements I-CF1398 et ICF1399.

Puis elle examine l’amendement I-CF1422 de Mme Sabine Rubin.

M. Éric Coquerel. Je pense que tous les collègues partageront notre souci vis-à-vis de l’habitat indigne, qui ne fait malheureusement que progresser. On en voit un peu partout des exemples, y compris lorsque des immeubles s’écroulent à Marseille. Dans ma circonscription, certaines situations rappellent aussi, malheureusement, plutôt Zola et Dickens qu’une situation propre à la sixième puissance économique du monde, tant les constats sont insupportables.

Nous proposons donc de créer une taxe sur l’acquisition de logements de luxe, en tout cas de logements chers, c’est-à-dire dont le prix dépasse un million d’euros. Le produit de cette taxe serait affecté pour moitié à l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) et à l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU). Sans alourdir les dépenses de l’État, cela permettrait ainsi de faire face à cette grande cause nationale qu’est l’habitat indigne.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je voudrais tout de même rappeler que les ventes immobilières sont soumises à des droits d’enregistrement, qui sont proportionnels à leur montant. On observe d’ailleurs que les ventes immobilières les plus importantes ont beaucoup contribué à la hausse de leur rendement.

Quant à la notion de biens immobiliers de luxe, n’étant pas Parisien, je peux en parler librement. Il me semble que le prix d’un appartement d’au moins 100 mètres carrés atteint, dans l’ensemble de Paris, justement un million d’euros. Vous définissez donc le luxe, monsieur Coquerel, par un barème qui, vu les prix malheureusement très élevés du marché, commence trop bas. Avis défavorable.

M. Julien Aubert. Je voudrais moi aussi m’élever contre cet amendement. Alors qu’on se retrouve avec des prix démesurés dans certaines communes, je crains que cette taxe provoque en réalité l’inverse de l’effet recherché, c’est-à-dire qu’elle alimente la spéculation immobilière et la hausse des prix. François Hollande a peut-être estimé qu’on était riche à partir de 4 000 euros de revenus mensuels, mais j’estime quant à moi que, lorsque vous habitez un appartement de 100 mètres carrés à Paris, vous ne vivez pas dans le luxe.

M. Éric Coquerel. C’est mal connaître Paris. Avoir un appartement d’un million d’euros à Paris permet tout de même de contribuer un peu plus que d’autres à lutter contre le fait que certains de nos concitoyens n’ont pas d’eau, d’électricité et vivent dans des logements insupportables.

Je vous rappelle que l’activité des agences spécialisées en immobilier de luxe a progressé de 17 % en Île-de-France. Cela montre bien qu’il y a de la marge. Pour ma part, je préfère lutter contre le logement insalubre que de plaindre les personnes qui ont un appartement d’un million d’euros à Paris.

La commission rejette l’amendement I-CF1422.

Article 4
Mise sous condition de ressources du crédit dimpôt
pour la transition énergétique (CITE) avant sa suppression en 2021
(et remplacement par une prime pour les ménages modestes)

Résumé du dispositif et effets principaux

Conformément aux engagements pris par le Président de la République en 2017, le présent article initie la transformation du CITE en un système de prime immédiatement perceptible lors de l’engagement des dépenses concourant aux objectifs de rénovation énergétique des bâtiments et d’économies d’énergie. Cet article constitue la première étape de cette transformation et :

– instaure, pour les ménages dont les revenus sont modestes et très modestes, une prime au titre des dépenses engagées à compter du 1er janvier 2020 au titre de la rénovation de leur logement, versée par l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) ;

– proroge, pour les ménages non éligibles à cette prime, le CITE pour une durée d’un an, soit jusqu’au 31 décembre 2020 – les ménages les plus aisés appartenant aux 9e et 10e déciles étant désormais exclus du bénéfice du crédit d’impôt. Le même article apporte quelques ajustements au champ des dépenses éligibles au CITE. En 2021, les ménages éligibles en 2020 au crédit d’impôt bénéficieront de la prime instaurée par le présent article ;

– instaure un montant forfaitaire de prime et de crédit d’impôt spécifique à chaque équipement, tenant compte de l’efficacité et de la contribution des équipements aux objectifs environnementaux d’économies d’énergie et de rénovation des bâtiments.

Le présent article créé également un régime de sanctions en cas de méconnaissance des dispositions relatives aux modalités et conditions de distribution de la prime par l’ANAH ou ses partenaires habilités, qui vise à lutter contre la fraude.

Une budgétisation de 450 millions d’euros est prévue dans le PLF pour 2020 pour financer d’une part, la mise en place de la nouvelle prime et, d’autre part, la revalorisation de l’aide Habiter mieux Sérénité de l’ANAH.

Le coût de la prorogation en 2020 du CITE pour les ménages non éligibles à la prime et n’appartenant pas aux 9e et 10e déciles est estimé à 350 millions d’euros.

Dernières modifications législatives intervenues

Depuis sa création en 2014, le CITE a fait l’objet de modifications dans chaque loi de finances initiale. Plusieurs fois prorogé, le dispositif a également vu son champ d’application (modification des dépenses éligibles au crédit d’impôt) et les modalités de calcul de l’avantage fiscal évoluer.

Dernière modification en date, la loi de finances pour 2019 (1) a prorogé le CITE jusqu’au 31 décembre 2019, et modifié son champ et ses modalités d’application. L’article 182 de la loi de finances pour 2019 a ainsi notamment réintroduit, au taux de 15 % et dans la limite d’un plafond de dépenses précisé par arrêté, les dépenses d’acquisition de matériaux d’isolation thermique des parois vitrées en cas de remplacement de parois en simple vitrage et étendu, sous condition de ressources, le crédit d’impôt au titre de la dépose d’une cuve à fioul, au taux de 50 % du coût de la pose d’équipements de production d’énergie utilisant une source d’énergie renouvelable.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté un amendement de la commission du développement durable prévoyant la remise, par le Gouvernement, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, d’un rapport sur l’opportunité d’élargir la prime de transition énergétique aux propriétaires bailleurs.

(1)  Loi n° 2018-1217 du 30 décembre 2018 de finances pour 2019, article 182.

I.   L’état du droit

A.   Le CITE, objet mouvant mais bien implanté dans le paysage fiscal

Ayant succédé, à compter du 1er septembre 2014, au crédit d’impôt en faveur du développement durable (CIDD) ([70]), le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) est codifié à l’article 200 quater du CGI.

Initialement bornée au 31 décembre 2015, la période d’application du CITE a été prorogée dans chaque loi de finances depuis celle de 2016 ([71]).

Les évolutions du CITE, annuelles depuis sa création, et l’économie générale de ce dispositif fiscal auquel trois objectifs sont associés ont fait l’objet de plusieurs développements et commentaires, tant dans les différents rapports établis dans le cadre de l’examen des projets de loi de finances pour 2018 ([72])et pour 2019 ([73]) que dans les deux derniers rapports sur l’application des lois fiscales (RALF 18 ([74]) et RALF 19 ([75])), auxquels le lecteur est invité à se reporter pour appréhender le CITE dans une perspective « historique ».

Le présent commentaire rappelle les caractéristiques et modalités de fonctionnement du CITE actuellement en vigueur, en se concentrant principalement sur celles dont le présent article propose des ajustements, corrections ou modifications pour l’année 2020.

1.   Le CITE, un dispositif bien implanté dans le paysage fiscal

Répondant à des objectifs environnementaux et économiques, le CITE vise notamment à accélérer et amplifier les travaux de rénovation énergétique des bâtiments pour économiser de l’énergie, faire baisser la facture énergétique et créer des emplois.

Souvent modifié, le crédit d’impôt introduit dans la loi de finances pour 2000 ([76]), le CIDD, a conservé, en devenant le CITE, son principe : il offre aux contribuables résidant en France un crédit d’impôt sur le revenu au titre des dépenses effectivement supportées pour l’amélioration de la qualité environnementale et pour la rénovation énergétique de leur logement, que ceux-ci soient propriétaires, locataires ou occupants à titre gratuit de leur habitation principale. Le logement accueillant les équipements doit être achevé depuis plus de deux ans à la date du début des travaux.

La liste des équipements éligibles à l’avantage fiscal figure à l’article 200 quater du CGI et les caractéristiques techniques et critères de performances minimales sont fixés par l’article 18 bis de l’annexe IV du CGI.

Le montant des dépenses ouvrant droit au crédit d’impôt ne peut excéder un plafond pluriannuel. Ce dernier s’établit, au titre d’une période de cinq années consécutives comprises entre le 1er janvier 2015 et le 31 décembre 2019, à 8 000 euros pour une personne célibataire, veuve ou divorcée et 16 000 euros pour un couple marié ou pacsé soumis à une imposition commune ([77]). Cette somme est majorée de 400 euros par personne à charge ([78]).

L’avantage fiscal accordé au titre du CITE compte pour la détermination du plafond global des avantages fiscaux prévu à l’article 200-0 A du CGI.

Tableau synthétisant les conditions d’éligibilité au CITE en fonction de la nature des dépenses et du calendrier de leur engagement

Économies d’énergie

Nature des dépenses

Dépenses payées en

2018

2019

Chaudières au fioul à haute performance énergétique

Dépenses exclues à compter du 1er janvier 2018 (sauf si acceptation d’un devis et versement d’un acompte avant le 1er janvier 2018 ; 30 %)

 

Chaudières au fioul à très haute performance énergétique

– Du 1er janvier 2018 au 30 juin 2018 : 15 %

– Dépenses exclues à compter du 1er juillet 2018 (sauf si acceptation d’un devis et versement d’un acompte avant le 1er juillet 2018 ; 15 %)

 

Dépose d’une cuve à fioul

 

50 %

Chaudières au gaz à très haute performance énergétique

30 %

30 % dans la limite d’un plafond de dépenses fixé par arrêté (sauf si acceptation d’un devis et versement d’un acompte avant le 31 décembre 2018)

Chaudières à microgénération gaz d’une puissance de production électrique inférieure ou égale à 3 kilovolt-ampères par logement

30 %

30 % dans la limite d’un plafond de dépenses fixé par arrêté (sauf si acceptation d’un devis et versement d’un acompte avant le 31 décembre 2018)

Équipements de chauffage au bois ou autres biomasses

Dépenses de pose incluses si les revenus du foyer fiscal sont inférieurs à un plafond fixé par décret

30 %

 

 

30 %

 

30 %

 

Appareils de régulation de chauffage ou matériaux de calorifugeage de tout ou partie d’une installation de production ou de distribution de chaleur ou d’eau chaude sanitaire

30 %

30 %

Appareils permettant le réglage manuel ou automatique et la programmation des équipements de chauffage ou de production d’eau chaude sanitaire (thermostat d’ambiance, horloge de programmation, systèmes de télégestion de chaufferie…)

30 %

30 %

Appareils permettant d’individualiser les frais de chauffage ou d’eau chaude sanitaire dans les copropriétés

30 %

30 %

 

Isolation thermique

Nature des dépenses

Dépenses payées en

2018

2019

Matériaux d’isolation thermique des parois vitrées

– Dépenses exclues à compter du 1er janvier 2018 (sauf si acceptation d’un devis et versement d’un acompte avant le 1er janvier 2018 : 30 %)

– Du 1er janvier 2018 au 30 juin 2018 uniquement si ces matériaux viennent en remplacement de parois en simple vitrage : 15 %

Uniquement si ces matériaux viennent en remplacement de parois en simple vitrage : 15 % dans la limite d’un plafond de dépenses fixé par arrêté

 

Volets isolants ou portes d’entrée donnant sur l’extérieur

Dépenses exclues à compter du 1er janvier 2018 (sauf si acceptation d’un devis et versement d’un acompte avant le 1er janvier 2018 : 30 %)

 

Isolation thermique des parois opaques dans la limite d’un plafond par mètre carré fixé par l’article 18 bis, 2-b-1° de l’annexe IV au CGI

30 %

30 %

 

Équipement de production d’énergie utilisant une source d’énergie renouvelable

Nature des dépenses

Dépenses payées en

2018

2019

Équipements de production d’énergie utilisant une source d’énergie renouvelable (à l’exception des panneaux photovoltaïques et, à compter du 1er janvier 2016, des éoliennes produisant de l’électricité)

Dépenses de pose incluses si les revenus du foyer fiscal sont inférieurs à un plafond fixé par décret

30 %

 

 

30 %

 

 

30 %

Pompes à chaleur autres que air/air dont la finalité essentielle est la production de chaleur et d’eau sanitaire

Dépenses de pose incluses si les revenus du foyer fiscal sont inférieurs à un plafond fixé par décret

30 %

 

 

30 %

 

 

30 %

Pose de l’échangeur de chaleur souterrain des pompes à chaleur géothermiques

30 %

30 %

Acquisition de systèmes de fourniture d’électricité à partir de l’énergie hydraulique ou à partir de la biomasse

Dépenses de pose incluses si les revenus du foyer fiscal sont inférieurs à un plafond fixé par décret

30 %

 

 

30 %

 

 

30 %

Équipements de raccordement à un réseau de chaleur, alimenté majoritairement par des énergies renouvelables ou par une installation de cogénération

30 %

30 %

Droits et frais de raccordement à un réseau de production de chaleur ou de froid, pour la seule part représentative des équipements éligibles au crédit d’impôt

30 %

30 %

 

Autres dépenses

Nature des dépenses

Dépenses payées en

2018

2019

Diagnostic de performance énergétique (un diagnostic par logement sur 5 ans) par un professionnel certifié, en dehors des cas où la réglementation le rend obligatoire

30 %

30 %

Audit énergétique comprenant des propositions de travaux dont au moins un permet d’atteindre un très haut niveau de performance énergétique défini par l’article 18 bis, II de l’annexe IV au CGI

30 %

30 %

Système de charge pour véhicule électrique

30 %

30 %

 

Équipements spécifiques aux départements et régions d’outre-mer

Nature des dépenses

Dépenses payées en

2018

2019

– Équipements de raccordement à un réseau de froid, alimenté majoritairement par du froid d’origine renouvelable ou de récupération.

– Équipement ou matériaux de protection des parois vitrées ou opaques contre les rayonnements solaires.

– Équipements ou matériaux visant à l’optimisation de la ventilation naturelle, et notamment les brasseurs d’air.

30 %

30 %

Source : commission des finances.

2.   Un crédit d’impôt qui coexiste et se cumule avec d’autres dispositifs concourant aux mêmes objectifs

a.   L’éco prêt à taux zéro

● Créé par la loi de finances pour 2009 ([79]), le dispositif de l’éco-PTZ constitue, avec le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE), un outil fiscal important pour inciter les ménages à rénover leur logement, en particulier lorsque leurs ressources sont limitées.

Devant, au moment de son introduction, prendre fin le 31 décembre 2013, le dispositif a fait l’objet de plusieurs prorogations successives. La dernière, intervenue dans la loi de finances pour 2019 ([80]), a porté l’extinction de l’éco-PTZ au 31 décembre 2021.

● L’éco-PTZ prend la forme d’avances remboursables ne portant pas intérêt, qui sont accordées par les établissements bancaires. Ces derniers bénéficient, en contrepartie, d’un crédit d’impôt sur les sociétés ou d’impôt sur le revenu (en fonction des modalités d’imposition de leurs bénéfices). L’article 244 quater U du CGI, précisant les règles applicables à ces prêts et leurs modalités de financement, dispose que les banques doivent, pour bénéficier du crédit d’impôt, avoir passé une convention, tant avec l’État qu’avec la Société de gestion du fonds de garantie de l’accession sociale à la propriété (SGFGAS), laquelle précise les modalités de déclaration des prêts, le contrôle de l’éligibilité des dossiers et le suivi des crédits d’impôt.

Le crédit d’impôt doit être, pour chaque prêt, d’un montant égal à l’écart entre la somme actualisée des mensualités dues par l’emprunteur à la banque au titre du prêt et celle qui auraient été dues si le prêt avait été « consenti à des conditions normales de taux », c’est-à-dire selon les conditions moyennes du marché lorsque le prêt a été émis : le crédit d’impôt est ainsi égal à l’effort financier accompli par la banque en prêtant à ces conditions spécialement avantageuses pour l’emprunteur. Il fait naître au profit de la banque une créance, inaliénable et incessible, qui est rattachée, à hauteur d’un cinquième par an, à l’exercice au cours duquel l’éco-PTZ a été versé au particulier et aux quatre exercices suivants : le « coût générationnel » des éco-PTZ émis au cours d’une seule année s’étale ainsi sur cinq ans.

L’article 244 quater U du CGI précise que le montant d’un éco-PTZ ne peut pas dépasser 30 000 euros par logement et que, pour pouvoir en bénéficier, le demandeur doit réunir deux conditions principales.

En premier lieu, son logement doit constituer sa résidence principale ou celle de son locataire, et avoir été achevé avant le 1er janvier 1990 (date repoussée au 1er mai 2010 dans les départements et régions d’outre-mer). La loi de finances pour 2019 a modifié cette condition pour les demandes formées à compter du 1er juillet 2019 : si la condition de résidence principale est maintenue, il suffira que le logement ait été achevé depuis plus de deux ans à la date du début dexécution des travaux.

En second lieu, le demandeur doit réaliser des travaux de rénovation énergétique, qui peuvent être de trois types (cf. infra). La condition relative à la réalisation d’un « bouquet de travaux », c’est-à-dire à la réalisation d’au moins deux des catégories de travaux, a été supprimée par la loi de finances pour 2019, à compter du 1er mars 2019.

nature et caractÉristiques des travaux de rÉnovation énergÉtique associÉs à l’Éco-ptz

Travaux permettant datteindre une performance énergétique minimale pour le logement pris dans sa globalité

Travaux de réhabilitation des systèmes dassainissement non collectifs par des systèmes qui ne consomment pas dénergie

Travaux qui correspondent à au moins une des catégories suivantes

 

 

– isolation thermique des toitures, des murs donnant sur l’extérieur, des parois vitrées et portes donnant sur l’extérieur

– installation, régulation ou remplacement de systèmes de chauffage, le cas échéant, travaux associés à des systèmes de ventilation économiques et performants, ou de production d’eau chaude sanitaire performants

– installation d’équipements de chauffage utilisant une source d’énergie renouvelable ou d’équipements de production d’eau chaude sanitaire utilisant une source d’énergie renouvelable.

Source : commission des finances.

Les travaux prévus par l’emprunteur doivent, dès la présentation de sa demande d’éco-PTZ, faire l’objet d’une description et de devis détaillés, permettant de s’assurer du sérieux du dossier ; à l’issue du délai laissé à l’emprunteur pour effectuer les travaux, celui-ci doit présenter les justificatifs attestant qu’ils ont réellement été conduits.

● Il est actuellement possible de cumuler éco-PTZ et CITE sans conditions de ressources pour les offres émises depuis le 1er mars 2016. La durée de remboursement d’un éco-PTZ ne peut pas dépasser dix ans – ce plafond étant toutefois porté à quinze ans pour les travaux de rénovation les plus lourds, c’est-à-dire ceux qui sont destinés à « atteindre une performance énergétique globale minimale du logement » ou qui combinent trois types d’isolation ou installations figurant sur la liste (reprise supra) du 1° du 2 du paragraphe I de l’article 244 quater U.

Enfin, les règles encadrant l’attribution d’un éco-PTZ à un syndicat de copropriétaires permettent le financement des travaux de rénovation énergétique en copropriété : le seuil des quotes-parts devant être compris dans les lots d’habitation a été supprimé, et les possibilités de cumul d’un éco-PTZ complémentaire après un premier éco-PTZ attribué à un syndicat de copropriétaires ont été étendues en loi de finances pour 2019.

b.   Le taux réduit de TVA à 5,5 % sur les travaux d’entretien-amélioration des logements

Instauré par la loi de finances pour 2014, l’article 278-0 bis A du CGI, dispose que la TVA est perçue au taux réduit de 5,5 % pour les travaux d’amélioration de la qualité énergétique des logements achevés depuis plus de deux ans, le champ de ces travaux étant défini par référence à celui du CITE. Sont ainsi éligibles au taux de 5,5 % les travaux portant sur la pose, l’installation et l’entretien des matériaux et équipements éligibles au CITE (tels que mentionnés au 1 de l’article 200 quater du CGI).

La dépense fiscale afférente à ce taux réduit de TVA est significative puisqu’elle s’établit plus de 1 milliard d’euros en moyenne.

Évolution de la dépense fiscale associéE au taux réduit de tva pour les certains travaux d’amélioration de la qualité énergétique des logements

Dépense fiscale n° 730223

Année

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020 (p)

Coût (en millions deuros)

730

1 080

1 180

1 070

1 150

1 200

1 250

Source : Évaluations des voies et moyens, tome II.

c.   Les aides de l’ANAH

● Établissement public administratif (EPA) placé sous la triple tutelle des ministres chargés du logement, du budget et de l’économie ([81]), l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), peut, dans le cadre des missions qui lui sont attribuées en application de l’article L. 321-1 du code de la construction et de l’habitation (CCH), accorder des aides financières visant la réalisation de travaux de rénovation énergétique des logements du parc privé dont elle assure la promotion du développement et de la qualité.

L’ANAH participe notamment à la lutte contre la précarité énergétique et à l’amélioration des structures d’hébergement. Dans cette perspective, elle est notamment chargée de la réalisation de 50 % de l’objectif visant à éradiquer la précarité énergétique et à rénover 150 000 logements par an (cf. infra). Pour ce faire, elle pilote le programme « Habiter mieux », créé en 2010 dans le cadre du programme d’investissements d’avenir (PIA), qui propose, à travers plusieurs offres financières, une aide à la réalisation de certains travaux de rénovation permettant de réaliser des économies d’énergie, en améliorant notamment les performances thermiques des logements.

Les offres de l’ANAH sont accordées, sous conditions de ressources, principalement aux ménages propriétaires dont les capacités financières sont les plus contraintes. Elles sont délivrées au titre des travaux qu’effectuent les bénéficiaires dans le logement dans lequel ils habitent. Plusieurs types de plafonds de ressources sont utilisés par l’Agence dans l’exercice de ses missions selon que les ménages bénéficiaires disposent de ressources « très modestes » ou, depuis 2013, « modestes ». Ces plafonds, définis par voie réglementaire ([82]), font l’objet d’une révision annuelle et s’établissent, pour l’année 2019 aux niveaux figurant dans les tableaux ci-après.

plafonds de ressources applicables à compter du 1er janvier 2019 pour les aides à destination des ménages dont les ressources sont très modestes

(en euros)

Nombre de personnes composant le foyer

Île-de-France

Autres régions

1

20 470

14 790

2

30 044

21 630

3

36 080

26 013

4

42 128

30 389

5

48 198

34 784

Majoration par personne supplémentaire

+ 6 059

+ 4 385

Source : Circulaire relative aux plafonds de ressources applicables en 2019 à certains bénéficiaires de subventions de l’ANAH (texte non paru au journal officiel).

plafonds de ressources applicables à compter du 1er janvier 2019 pour les aides à destination des ménages dont les ressources sont modestes

(en euros)

Nombre de personnes composant le foyer

Île-de-France

Autres régions

1

24 918

18 960

2

36 572

27 729

3

43 924

33 346

4

51 289

38 958

5

58 674

44 592

Majoration par personne supplémentaire

+ 7 377

+ 5 617

Source : Circulaire relative aux plafonds de ressources applicables en 2019 à certains bénéficiaires de subventions de l’ANAH (texte non paru au journal officiel).

● L’offre « Habiter mieux sérénité » fournit, outre un accompagnement et un conseil, une aide financière destinée à financer des travaux de rénovation globale à même de permettre aux bénéficiaires de réaliser un gain énergétique d’au moins 25 %.

L’aide s’établit à 50 % du montant total des travaux (hors taxes), dans la limite d’un plafond de 10 000 euros pour les ménages aux ressources très modestes et à 35 % du montant total des travaux (hors taxes), dans la limite d’un plafond de 7 000 euros pour les ménages aux ressources modestes. Elle peut être complétée d’une prime (Habiter mieux) dont le montant est égal à 10 % du prix des travaux, dans la limite d’un plafond de 2 000 euros pour les ménages dont les ressources sont très modestes ou de 1 600 euros pour les bénéficiaires répondant aux caractéristiques des revenus modestes.

exemple du soutien apporté par l’anah pour des travaux d’un montant total de 10 000 euros selon les ressources des bénéficiaires

 

Décomposition de laide

Total de laide

Part de laide dans le montant total des travaux

Aide aux travaux

Prime Habiter mieux

Ménages dont les ressources sont très modestes

5 000 €

1 000 €

6 000 €

60 %

Ménages dont les ressources sont modestes

3 500 €

1 000 €

4 500 €

45 %

Source : commission des finances.

exemple du soutien apporté par l’anah pour des travaux d’un montant total de 15 000 euros selon les ressources des bénéficiaires

 

Décomposition de laide

Total de laide

Part de laide dans le montant total des travaux

Aide aux travaux

Prime Habiter mieux

Ménages dont les ressources sont très modestes

7 500 €

1 500 €

9 000 €

60 %

Ménages dont les ressources sont modestes

5 250 €

1 600 €

6 750 €

45 %

Source : commission des finances.

exemple du soutien apporté par l’anah pour des travaux d’un montant total de 17 000 euros selon les ressources des bénéficiaires

 

Décomposition de laide

Total de laide

Part de laide dans le montant total des travaux

Aide aux travaux

Prime Habiter mieux

Ménages dont les ressources sont très modestes

8 500 €

1 700 €

10 200 €

60 %

Ménages dont les ressources sont modestes

5 950 €

1 600 € (*)

7 550 €

44 %

(*) Montant plafond

Source : commission des finances.

● L’offre « Habiter mieux agilité », mise en place en 2018, s’applique à l’un des travaux suivants, lorsqu’ils sont effectués dans une maison individuelle : changement de chaudière ou de mode de chauffage ; isolation des murs extérieurs et/ou intérieurs ; isolation de combles aménagés et aménageables. Le montant de l’aide est égal à 50 % du montant total des travaux (hors taxes), dans la limite d’un plafond de 10 000 euros, lorsque les bénéficiaires disposent de revenus très modestes et à 35 % du montant total des travaux dans la limite d’un plafond de 7 000 euros lorsque les bénéficiaires disposent de revenus modestes.

● L’offre « Habiter mieux copropriété » constitue, quant à elle, une aide collective pour financer les travaux de rénovation énergétique des copropriétés fragiles, pouvant notamment s’élever jusqu’à 5 250 euros par logement.

Ces aides sont exclusives les unes des autres, elles ne sont donc pas cumulables pour une même dépense.

B.   Des outils budgétaires et fiscaux dont la contribution aux objectifs environnementaux et de rénovation est encore insuffisante

Dans un contexte notamment marqué par la réaffirmation de la priorité environnementale et la nécessité d’accélérer la transition écologique, les outils et instruments budgétaires et fiscaux en direction des ménages qui effectuent des travaux de rénovation de leurs logements apparaissent globalement insuffisants pour parvenir aux objectifs ambitieux qui ont été fixés.

Pour mémoire, la loi de transformation énergétique pour la croissance verte de 2015 ([83]) prévoit une baisse de la consommation énergétique finale de 50 % d’ici 2050 par rapport à 2012 et une division par quatre des émissions de gaz à effet de serre en 2050 par rapport à 1990. La loi relative à l’énergie et au climat, adoptée définitivement à l’Assemblée nationale le 11 septembre 2019 et au Sénat le 26 septembre 2019, a renforcé cette ambition en fixant un objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050 grâce à la division des émissions de gaz à effet de serre par un facteur supérieur à six.

Le plan Climat présenté, le 6 juillet 2017, par le ministre de la transition écologique et solidaire comporte, parmi ses objectifs principaux celui d’éradiquer la précarité énergétique. Dans cette perspective, le Gouvernement a annoncé qu’il accompagnerait les « locataires et les propriétaires qui ont des difficultés à payer leurs factures dénergie afin de faire disparaître en dix ans les passoires thermiques ».

Faisant écho à ces objectifs ambitieux, le plan de rénovation énergétique des bâtiments vise à accélérer la transition écologique et fait de la rénovation énergétique une « priorité nationale » ([84]) dont la volonté d’accompagner les ménages dans les démarches de rénovation de leurs logements constitue une illustration. Ces plans sont assortis de l’objectif chiffré suivant : l’éradication de 1,5 million de passoires thermiques habitées par des ménages propriétaires aux faibles revenus, soit 150 000 par an dès 2018, dont 50 % au titre des objectifs propres de l’ANAH. La loi relative à l’énergie et au climat prévoit ainsi l’obligation pour les propriétaires de « passoires thermiques » de réaliser des travaux de rénovation à partir du 1er janvier 2028.

Or, à ce jour, les différents instruments mobilisés présentent des effets contrastés et leur contribution effective aux objectifs environnementaux, parfois peu aisée à constater ou à quantifier conduit au constat d’un rapport coût/efficacité perfectible.

1.   Les défauts du CITE

Les défauts du CITE ont été mis en lumière par la Cour des comptes notamment dans un rapport de mars 2019 ([85]) et présentés et commentés dans les rapports sur l’application des mesures fiscales de 2018 et 2019 précités. Il est en tout état de cause difficile d’apprécier, grâce à des analyses précisément documentées et indépendantes des acteurs du secteur, la réalité de la contribution du CITE aux objectifs publics environnementaux.

● Le coût moyen des travaux réalisés dans le cadre de la rénovation énergétique de leurs logements par les ménages est élevé, de l’ordre de 10 000 euros ([86]). L’étude effectuée sur les travaux réalisés entre 2014 et 2016 dans les maisons individuelles en résidence principale situées en France continentale (hors Corse), dont les résultats ont été publiés par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) en octobre 2018 ([87]) confirme ce constat : sur la période considérée, 5,1 millions de ménages ont réalisé des travaux de rénovation, pour une dépense moyenne évaluée à 11 750 euros par logement.

Par conséquent, le coût des travaux de rénovation justifie l’intervention publique pour alléger la charge pesant sur les contribuables, en particulier pour ceux dont les revenus sont les plus modestes. Or, l’analyse des bénéficiaires du CITE révèle une importante concentration du bénéfice de l’avantage fiscal dans les déciles des ménages les plus aisés.

Le tableau ci-dessous, établi à partir de la cinquième émission des déclarations de revenus de l’année 2017, illustre la concentration du bénéfice du CITE sur les contribuables dont les revenus sont les plus élevés. Les bénéficiaires du CITE appartenant aux 9e et 10e déciles représentent en effet près de 45 % des bénéficiaires totaux et près de 50 % du montant total de la réduction d’impôt (49,75 %).

Présentation des bénéficiaires et de la part de la réduction d’impôt
par décile de rfr

Déciles de RFR (calculés sur lensemble des déclarations en France)

Part des bénéficiaires totaux

Part du montant total de la réduction dimpôt

1er décile

0,8 %

0,8 %

2e décile

1,9 %

1,6 %

3e décile

3,3 %

2,8 %

4e décile

4,4 %

3,8 %

5e décile

6,8 %

5,8 %

6e décile

9,1 %

7,9 %

7e décile

12,4 %

11,4 %

8e décile

16,6 %

16,2 %

9e décile

21 %

21,6 %

10e décile

23,7 %

28,1 %

Source : commission des finances, sur la base des données des revenus 2017, 5e émission.

À la différence d’une réduction d’impôt qui ne peut, par définition, être imputée que sur une cotisation d’impôt, le crédit d’impôt bénéficie à tous les contribuables, que ceux-ci soient ou non imposables. Par conséquent, la concentration des bénéficiaires du CITE dans les déciles supérieurs ne peut être considérée comme le reflet de la situation des foyers fiscaux vis-à-vis de l’impôt.

● Par ailleurs, l’absence de prise en compte de l’efficacité des différents types d’équipements ou de gestes de rénovation susceptibles de bénéficier du crédit d’impôt peut apparaître problématique. Les échanges très nourris et souvent passionnés qui animent les débats parlementaires au sujet des fenêtres illustrent à la fois la difficulté à disposer d’éléments sur les économies d’énergie associées aux différents équipements ainsi que les limites d’un dispositif fiscal qui, jusqu’aux deux dernières lois de finances, ne comportait pas d’éléments de différenciation (taux et plafonds uniques).

À certains égards, le CITE semble donc injuste et insuffisamment efficace, en particulier au regard de l’importance de la dépense publique qu’il représente. Pour mémoire, entre 2012 et 2019, le CITE a représenté un coût de 7,5 milliards d’euros ([88]).

Évolution du nombre de bénéficiaires du CITE et de la dépense fiscale
entre 2009 et 2017

Source : commission des finances.

2.   Le bilan positif des aidées versées par l’ANAH dans le cadre du programme « Habiter mieux »

Les aides accordées par l’ANAH dans le cadre du programme « Habiter mieux » ont vu leur efficacité saluée par la Cour des comptes et leur contribution aux objectifs quantitatifs de logements rénovés a pu être mesurée.

● Dans une communication à la commission des finances du Sénat, le 4 avril 2018, la Cour des comptes a salué l’efficacité du programme « Habiter mieux » qui a notamment permis la réalisation de travaux de rénovation énergétique qui ne l’auraient peut-être pas été sans aides de l’ANAH. Par ailleurs, entre 2012 et 2016, 83 % des ménages ayant bénéficié d’une aide de l’ANAH pour la rénovation de 162 282 logements au total disposaient de ressources très modestes et 17 % de revenus modestes ([89]). Cela souligne l’utilité des aides pour permettre l’engagement de dépenses dont le coût moyen est élevé.

Évolution du nombre de logements rÉnovÉs et du montant des aides versÉes dans le cadre du Programme « Habiter mieux »

Source : ANAH, Rapport annuel 2018.

Le programme a également permis de réaliser des gains de consommation d’énergie plus importants que son objectif global de 30 % en 2015 (41,9 %) et en 2016 (43,2 %).

Selon le rapport d’activité de l’ANAH pour l’année 2018, les actions relatives à l’amélioration de l’habitat privé incluant des travaux de lutte contre la précarité énergétique ont représenté 75 % des aides aux travaux versées par l’agence en 2018, pour un montant total de 527,1 millions d’euros. Le programme « Habiter mieux » a permis d’améliorer la performance énergétique de 62 345 logements en 2018 et ce sont, au total, plus de 300 000 logements qui ont fait l’objet d’une rénovation depuis 2011.

La poursuite de la progression de l’activité du programme entre 2017 et 2018 illustre notamment l’appropriation de ces aides par l’ensemble des acteurs concernés. Le tableau ci-dessous présente les éléments chiffrés de l’année 2018 concernant les aides versées aux propriétaires occupants.

nombre de logements rÉnovÉs et montant des aides accordÉes en 2018 dans le cadre du Programme « Habiter mieux »

 

Nombre de logements rénovés

Montant des aides accordées

(en millions deuros)

Aide moyenne par logement

(en euros)

Habiter mieux sérénité

42 060

384,8

9 150

Habiter mieux agilité

9 047

29,2

3 223

Total

51 107

414

8 101

Source : ANAH, Rapport annuel 2018.

répartition rÉgionale du nombre de logements aidÉs par le programme « habiter mieux » en 2018

Région

Nombre de logements aidés

Part dans le total des logements aidés en 2018

Île-de-France

7 974

13 %

Centre-Val de Loire

2 983

5 %

Bourgogne - Franche-Comté

3 647

6 %

Normandie

2 957

6 %

Hauts-de-France

5 611

4 %

Grand Est

6 814

9 %

Pays de la Loire

4 589

11 %

Bretagne

4 277

7 %

Nouvelle Aquitaine

6 016

7 %

Occitanie

7 261

10 %

Auvergne-Rhône-Alpes

7 790

12 %

Provence-Alpes-Côte dAzur

2 715

12 %

Corse

231

DROM

20

Total

62 345

100 %

Source : ANAH, Rapport annuel 2018.

En 2019, l’ANAH a budgété 50 millions d’euros pour l’aide Habiter mieux agilité et 526 millions d’euros pour l’aide Habiter mieux sérénité.

répartition rÉgionale du nombre de logements aidÉs par le programme « habiter mieux » en 2018

Les données disponibles indiquent un nombre de logements rénovés de 20 en 2018 pour lensemble des départements et régions doutre-mer.

Source : ANAH, Rapport annuel 2018, à laide de loutil de cartographie en ligne de lObservatoire des territoires.

Les actions conduites par l’ANAH en faveur de la rénovation des logements et en faveur des ménages dont les ressources sont modestes et très modestes apparaissent comme un exemple d’instruments équilibrés, équitables et efficaces dont le développement semble devoir être encouragé et soutenu.

II.   Le droit proposé 

A.   La mise en place d’une prime pour les ménages modestes

1.   Le recours à une prime permet de remédier aux principaux inconvénients du crédit d’impôt

Le présent article prévoit, conformément aux engagements pris par le Gouvernement au début du quinquennat et régulièrement renouvelés depuis, de transformer le CITE en un système de prime qui serait à la fois « plus simple, plus performant et plus juste » ([90]).

L’instauration d’un système de prime en lieu et place du crédit d’impôt s’analyse comme une facilité de trésorerie pour les contribuables, lesquels ne seront plus contraints d’avancer, en année N, l’intégralité des frais correspondant aux travaux, dans l’attente de la restitution du montant de l’avantage fiscal en année N + 1. Les ménages très modestes pourront même bénéficier d’une avance de subvention avant même d’engager les dépenses, ce qui permet de réduire à néant la contrainte de trésorerie.

Une telle transformation semble d’autant plus souhaitable que le coût moyen des travaux de rénovation énergétique est élevé et que le CITE bénéficie principalement aux contribuables appartenant aux déciles supérieurs.

Une prime versée concomitamment à l’engagement des dépenses permettra un soutien plus direct et plus approprié pour les contribuables aux revenus modestes, pour lesquels un soutien financier a priori est déterminant, voire indispensable, pour la réalisation des travaux de rénovation énergétique.

2.   La mise en place d’une prime unifiée versée par l’ANAH

Le II du présent article prévoit la création d’une prime de transition énergétique destinée à financer, sous certaines conditions, des travaux et des dépenses en faveur de la rénovation énergétique des logements.

Les ménages doivent, pour bénéficier de la prime, respecter les plafonds de ressources applicables aux aides versées par l’ANAH (cf. supra).

Cette prime est fusionnée avec les aides versées par l’ANAH dans le cadre du programme Habiter mieux agilité, ce qui permet de simplifier les démarches des ménages les plus modestes, qui auront désormais un interlocuteur unique pour solliciter des aides à la rénovation énergétique.

Si les conditions et modalités précises d’attribution et de versement de cette prime seront précisées par voie réglementaire (dernière phrase du premier alinéa du II du présent article), le présent article confie la gestion et le versement de cette prime à l’ANAH et précise les principes qui président à son instauration.

Il est ainsi prévu que :

– « Les caractéristiques et conditions doctroi de la prime ne peuvent être moins favorables que celles qui régissent le crédit dimpôt prévu par larticle 200 quater du CGI » (deuxième phrase du premier alinéa du II du présent article). La traduction concrète de cette orientation n’est, par définition, pas perceptible à ce stade mais il convient de relever que l’Évaluation préalable évoque, pour les ménages modestes et très modestes, des montants de primes bonifiés pour l’essentiel des gestes, par rapport aux montants inscrits dans le barème du présent article pour les ménages dont les revenus sont intermédiaires, bénéficiaires du CITE en 2020([91]). Des barèmes forfaitaires, fixés par décret, viendront détailler cette bonification, étant entendu que chaque geste fait l’objet d’une évaluation spécifique qui prend en compte sa performance énergétique et l’impact inflationniste des aides sur le coût des travaux réalisés.

De plus, il est important de souligner que l’aide Habiter mieux sérénité, toujours versée par l’ANAH en 2020, sera revalorisée, afin qu’il soit aussi intéressant de mener des opérations globales de rénovation énergétique des logements que de réaliser une action de rénovation spécifique.

– La prime sera versée, pour le compte de l’État, par l’ANAH (2e alinéa du II). Cette dernière pourra toutefois, dans des conditions précisées par décret, habiliter des mandataires « proposant aux bénéficiaires de cette prime un accès simplifié à cette démarche » (3e alinéa du II) ;

– L’ANAH pourra prononcer des sanctions pécuniaires à l’encontre des bénéficiaires de la prime (ou de leurs mandataires) en cas de manquements aux règles ou conventions conclues, en application de l’article L. 321-2 du CCH, entre l’ANAH et ces bénéficiaires ou mandataires (4e alinéa du II). La deuxième phrase du dernier alinéa du II du présent article fixe le montant maximum des sanctions à dix fois le montant de la prime accordée par dossier pour les personnes morales et 50 % du montant de la prime pour des personnes physiques. Les personnes ou les organismes concernés seront, avant le prononcé de la sanction, mis en mesure de présenter leurs observations.

B.   La prorogation temporaire du CITE pour les ménages aux revenus intermédiaires

1.   Une prorogation temporaire dans l’attente du déploiement total de la prime

La prime de transition énergétique a vocation à bénéficier, en 2021, à l’ensemble des ménages qui remplissent les conditions qui seront retenues et précisées par décret.

Par rapport à la situation actuelle où les ménages doivent solliciter le cas échéant séparément les aides de l’ANAH et effectuer les obligations déclaratives nécessaires pour bénéficier du CITE, le nouveau dispositif de prime s’analyse comme un allégement et une simplification des démarches administratives.

Afin de permettre la transition entre le CITE et le nouveau système de prime dans des conditions satisfaisantes permettant, d’une part, d’assurer la continuité du soutien public à la rénovation énergétique des logements et, d’autre part, de tenir compte des « contraintes techniques et organisationnelles de lANAH », le présent article acte la mise en œuvre en deux temps du nouveau système. Par conséquent, il proroge, sous conditions de ressources (cf. infra), pour une année supplémentaire en 2020, le CITE (A du III du présent article) pour les ménages dont les ressources sont supérieures, au plafond sous lequel la prime de transition énergétique est créée.

La prorogation du crédit dimpôt ne se fait toutefois pas à champ constant, s’agissant tant de ses bénéficiaires que des équipements ou gestes qui y sont éligibles.

2.   Des modifications plus ou moins substantielles du champ du CITE pour en améliorer l’efficience

a.   Renforcer la pertinence de l’aide fiscale

Le recentrage du dispositif fiscal sur les gestes les plus efficaces du point de vue des objectifs environnementaux et sur les ménages dont les contraintes de trésorerie sont les plus importantes quant à l’engagement des dépenses de rénovation énergétique préfigure le déploiement complet du nouveau système de prime.

i.   S’agissant des équipements ou gestes éligibles au crédit d’impôt

Plusieurs modifications du champ des dépenses ouvrant droit à l’avantage fiscal sont prévues par le présent article.

● En premier lieu, il procède, quand ce n’était pas déjà le cas, à l’ajout dans son champ des dépenses liées à la pose des équipements listés à l’article 200 quater du CGI (par exemple iii du b), ii du c), ii, iii, f, n du d) du 1° du A du I). Il s’agit d’assurer une cohérence avec les aides actuellement versées par l’ANAH aux ménages modestes puisqu’elles incluent également les frais liés à la pose des équipements.

● En deuxième lieu, le présent article exclut du champ du crédit d’impôt certains gestes et équipements.

De manière générale, les éléments contenus dans les Évaluations préalables, indiquent que l’ensemble des modifications qui sont apportées au périmètre des dépenses et des gestes de rénovation aidés évolue, d’une part, « de manière différenciée selon les revenus » des ménages et, d’autre part, en excluant les gestes ou dépenses qui sont les « moins performants, moins coûteux ou déjà fortement couverts par dautres dispositifs daide ».

Sont ainsi exclus du champ du CITE :

– les chaudières à très haute performance énergétique (7e alinéa) ;

– les matériaux de calorifugeage d’une installation de production ou de distribution de chaleur ou d’eau chaude sanitaire (9e alinéa) ;

– l’acquisition d’appareils de régulation de chauffage (10e alinéa) ;

– les systèmes de fourniture d’électricité à partir de l’énergie hydraulique ou à partir de la biomasse (17ème alinéa) ;

– les diagnostics de performance énergétique, les chaudières à microcogénération gaz, les équipements d’individualisation des frais de chauffage, (24ème alinéa) ;

– les équipements ou matériaux visant à l’optimisation de la ventilation naturelle, notamment les brasseurs d’air, pour un immeuble situé à La Réunion, en Guyane, en Martinique, en Guadeloupe ou à Mayotte (26ème alinéa).

L’exclusion du bénéfice du CITE pour l’acquisition des chaudières au gaz, y compris celles de très haute performance énergétique, pour les ménages dont les revenus sont « intermédiaires » participe de la réduction souhaitée du recours aux énergies fossiles, en privilégiant les énergies renouvelables. Les ménages dont les ressources sont modestes ou très modestes continueront en revanche à bénéficier des aides de l’ANAH pour l’acquisition de ces chaudières, compte tenu de leurs contraintes de financement plus fortes.

● En troisième lieu, le présent article ajoute dans le champ du CITE les dépenses au titre de l’acquisition et de la pose d’un équipement de ventilation mécanique contrôlée à double flux.

ii.   S’agissant des bénéficiaires du crédit d’impôt

● Le présent article restreint le champ des bénéficiaires du CITE en introduisant des conditions de ressources (3° du A du I du présent article). Sont ainsi susceptibles de bénéficier du CITE au titre de dépenses engagées au cours de l’année 2020, les foyers fiscaux dont les ressources :

– excèdent les plafonds de ressources utilisés par l’ANAH pour le versement de ses aides (ces plafonds sont ceux qui figurent supra ; 4e alinéa du 3° du A du I).

Pour l’application de ces plafonds, les revenus retenus sont ceux qui correspondent à l’avant-dernière année précédant le paiement de la dépense (N ‑ 2) ou, lorsque ceux-ci sont inférieurs aux seuils de l’ANAH, ceux de l’année qui précèdent le paiement de la dépense (N ‑ 1), (6e alinéa du 3° du A du I).

Pour les contribuables domiciliés outre-mer, les seuils de revenus conditionnant l’éligibilité du CITE seront précisés par décret (8ème et 9e alinéas du 3° du A du I).

– et sont inférieurs à 27 706 euros pour la première part de quotient familial, majorée de 8 209 euros pour chacune des deux demi-parts suivantes et de 6 157 euros pour chaque demi-part supplémentaire à partir de la troisième (5e alinéa du 3° du A du I). Ces seuils seront également applicables pour les contribuables domiciliés outre-mer (10e alinéa du du A du I).

Ces seuils de revenus s’apprécient dans les conditions prévues au IV des articles 1391 B ter et de l’article 1417 ; étant entendu qu’est retenue la notion de foyer fiscal au sens de l’imposition de la taxe d’habitation et non de l’imposition sur le revenu. Ces plafonds sont les mêmes que ceux établis par le II bis de l’article 1417 tel que modifié par la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, pour identifier les 80 % de redevables éligibles au dégrèvement de la taxe d’habitation, ces montants étant légèrement revalorisés en tenant compte de l’inflation dans le présent article. Ces plafonds garantissent donc l’inclusion de 80 % des ménages dans le champ du dispositif (prime unifiée ou CITE) – les 20 % les plus aisés en étant exclus.

Pour l’application de ces plafonds, les revenus retenus sont ceux qui correspondent à l’avant-dernière année précédant le paiement de la dépense (N ‑ 2) ou, lorsque ceux-ci sont inférieurs aux seuils précisés au 5e alinéa, ceux de l’année qui précèdent le paiement de la dépense (N ‑ 1), 7e alinéa du 3° du A du I.

aides budgétaire et fiscale applicables au titre des dépenses engagées en 2020 selon le niveau de ressources des bénéficiaires, en métropole

(en euros)

 

Plafonds de ressources pour bénéficier de la prime dès 2020

Plafonds de ressources pour bénéficier du CITE au titre des dépenses engagées en 2020

Nombre de personnes composant le foyer

Île-de-France

Autres régions

1

24 918

18 960

27 706

2

36 572

27 729

44 124

3

43 924

33 346

50 281

4

51 289

38 958

56 438

5

58 674

44 592

62 595

Majoration par personne supplémentaire

+ 7 377

+ 5 617

+ 6 157

Source : présent article.

L’aide accordée par l’intermédiaire du crédit d’impôt est ainsi concentrée en faveur des ménages dont les revenus sont intermédiaires. Les seuils de ressources retenus excluent de facto les ménages appartenant aux deux derniers déciles de revenus.

Une exception est toutefois introduite pour les systèmes de charge pour véhicules électriques (12e alinéa du 3° du A du I) : ces équipements continueront à ouvrir droit en 2020 au CITE, indépendamment de toute condition de ressources.

● Par ailleurs, le présent article limite la perception de l’avantage fiscal aux seuls propriétaires des logements dans lesquels les travaux de rénovation énergétique sont effectués. Le a du 1° du A du I du présent article supprime ainsi les mentions qui étaient faites des locataires ou occupants à titre gratuit.

Cette restriction est cohérente avec le profil des bénéficiaires du CITE. Jusqu’à présent, en dépit de l’absence de ciblage du dispositif, les propriétaires occupants sont très largement représentés parmi les bénéficiaires du CITE (94 % ([92])).

b.   Accroître l’efficience du dispositif fiscal

Les plafonds liés à l’avantage maximal susceptible d’être accordé au titre du CITE au titre d’une période consécutive de cinq années comprise entre le 1er janvier 2016 et le 31 décembre 2020 pour l’ensemble des dépenses éligibles sont abaissés.

Ainsi, le 2e alinéa du 2° du A du I du présent article porte-t-il le plafond de 8 000 euros à 2 400 euros pour une personne célibataire, veuve ou divorcée et de 16 000 euros à 4 800 euros pour un couple soumis à une imposition commune. Le montant de la majoration par personne à charge supplémentaire est, pour sa part, porté de 400 euros à 120 euros. Ces modifications s’appliqueront pour les dépenses payées à compter du 1er janvier 2020.

3.   Une forfaitisation permettant de mieux prendre en compte l’efficacité de chaque équipement

Préfigurant le système unifié de prime, le présent article procède ( du A du I) à la forfaitisation de l’aide accordée au titre du CITE, c’est-à-dire à la fixation d’un montant forfaitaire unifié et spécifique à chaque équipement. Le « barème » retenu, après la concertation avec les principaux acteurs du secteur, est reproduit dans le tableau ci-après.

Barème applicable pour les dépenses engagées à compter du 1er janvier 2020

Nature de la dépense

Montant

Matériaux d’isolation thermique des parois vitrées à la condition que ces mêmes matériaux viennent en remplacement de parois en simple vitrage mentionnés au 2° du b du 1

40 € / équipement

Matériaux d’isolation thermique des parois opaques mentionnés au 3° du b du 1

15 € / m² pour l’isolation des murs en façade ou pignon par l’intérieur, des rampants de toiture et plafonds de combles aménagés ou aménageables

et 50 € / m² pour l’isolation des murs en façade ou pignon par l’extérieur, des toitures-terrasses

 

Équipements de chauffage ou de fourniture d’eau chaude sanitaire fonctionnant au bois ou autres biomasses ou à l’énergie solaire thermique mentionnés au 1° du c du 1

4 000 € pour les chaudières à alimentation automatique fonctionnant au bois ou autres biomasses

3 000 € pour les systèmes solaires combinés

3 000 € pour les chaudières à alimentation manuelle fonctionnant au bois ou autres biomasses

1 500 € pour les poêles à granulés et cuisinières à granulés

2 000 € pour les chauffe-eau solaires individuels

1 000 € pour les poêles à bûches et cuisinières à bûches

600 € pour les foyers fermés et inserts à bûches ou granulés

1 000 € pour les équipements de chauffage ou de production d’eau chaude fonctionnant avec des capteurs solaires hybrides thermiques et électriques à circulation de liquide

 

Pompes à chaleur, autres que air / air, dont la finalité essentielle est la production d’eau chaude sanitaire mentionnées au 3° du c du 1

4 000 € pour les pompes à chaleur géothermiques

2 000 € pour les pompes à chaleur air/eau

400 € pour les pompes à chaleur dédiées à la production d’eau chaude sanitaire

Équipements de raccordement à un réseau de chaleur et/ou de froid, et droits et frais de raccordement mentionnés au d du 1

400 €

Système de charge pour véhicule électrique mentionné au i du 1

300 €

Équipements ou matériaux de protection des parois vitrées ou opaques contre les rayonnements solaires mentionnés au j du 1

15 € / m²

Audit énergétique mentionné au l du 1

300 €

Dépose de cuve à fioul mentionnée au m du 1

400 €

Équipements de ventilation mécanique contrôlée à double flux mentionnés au n du 1

2 000 €

Source : présent article.

Des dispositions spécifiques sont prévues pour les dépenses engagées pour des parties communes d’un immeuble collectif (3e alinéa du 5° du A du I). Le crédit d’impôt est alors égal aux montants présentés dans le tableau ci-dessous, où q est la quote-part correspondant au logement dans lequel sont effectués les travaux.

Barème applicable pour les dépenses engagées à compter du 1er janvier 2020 pour les parties communes d’un immeuble collectif

Nature de la dépense

Montant

Matériaux d’isolation thermique des parois opaques mentionnés au 3° du b du 1

15*q € / m² pour l’isolation des murs en façade ou pignon par l’intérieur, des rampants de toiture et plafonds de combles aménagés ou aménageables

et 50*q € / m² pour l’isolation des murs en façade ou pignon par l’extérieur, des toitures-terrasses

Équipements de chauffage ou de fourniture d’eau chaude sanitaire fonctionnant au bois ou autres biomasses ou à l’énergie solaire thermique mentionnés au 1° du c du 1

1 000 € par logement pour les chaudières fonctionnant au bois ou autres biomasses

350 € par logement pour les équipements de fourniture d’eau chaude sanitaire seule fonctionnant à l’énergie solaire thermique

Pompes à chaleur, autres que air / air, dont la finalité essentielle est la production d’eau chaude sanitaire mentionnées au 3° du c du 1

1 000 € par logement pour les pompes à chaleur géothermiques et les pompes à chaleur air/eau

150 € par logement pour les pompes à chaleur dédiées à la production d’eau chaude sanitaire

Équipements de raccordement à un réseau de chaleur et/ou de froid, et droits et frais de raccordement mentionnés au d du 1

150 € par logement

Système de charge pour véhicule électrique mentionné au i du 1

300 €

Équipements ou matériaux de protection des parois vitrées ou opaques contre les rayonnements solaires mentionnés au j du 1

15*q € / m²

Audit énergétique mentionné au l du 1

150 € par logement

Dépose de cuve à fioul mentionnée au m du 1

150 € par logement

Équipements de ventilation mécanique contrôlée à double flux mentionnés au n du 1

1 000 € par logement

Source : présent article.

Que le crédit d’impôt soit accordé au titre des dépenses engagées pour un logement individuel ou collectif, le montant ne peut, en tout état de cause, dépasser 75 % de la dépense effectivement supportée par le contribuable (du A du I).

C.   Dispositions transitoires

Le présent article prévoit des dispositions transitoires et précise l’articulation entre les deux dispositifs d’aide (crédit d’impôt et prime) pour l’année 2020 ainsi que les sanctions applicables en cas de fraude.

● En premier lieu, (première phrase du B du III du présent article) les dispositions de l’article 200 quater du CGI dans sa rédaction applicable aux dépenses payées en 2019 peuvent, sur demande du contribuable, s’appliquer aux dépenses payées en 2020 pour lesquelles celui-ci justifie de l’acceptation d’un devis et du versement d’un acompte entre le 1er janvier et le 31 décembre 2019.

En revanche et, fort logiquement, dans pareils cas, le contribuable ne pourra, pour ces mêmes dépenses, bénéficier également de la prime de transition énergétique (deuxième phrase du B du III).

Le C du III précise que les nouveaux plafonds de gains fiscaux associés au CITE (cf. supra, 2e alinéa du 2° du A du I du présent article) sur plusieurs années ne s’appliquent pas aux dépenses engagées jusqu’au 31 décembre 2019. Par conséquent, « le contribuable ayant bénéficié au titre des dépenses réalisées entre le 1er janvier 2016 et le 31 décembre 2019, en application des dispositions de larticle 200 quater dans sa rédaction applicable aux dépenses payées jusquau 31 décembre 2019, dun montant de crédit dimpôt supérieur au plafond prévu au 4 de larticle 200 quater du code général des impôts dans sa rédaction issue de la présente loi, ne fait pas lobjet dune reprise au titre de ces années ».

● Le 5e alinéa du 8° du A du I du présent article précise au b du 6 ter de l’article 200 quater du CGI, les dispositifs budgétaires ou fiscaux qui ne peuvent pas, pour une même dépense, faire l’objet d’une application cumulée avec le CITE soient :

–  le crédit d’impôt accordé au titre des sommes versées pour l’emploi d’un salarié à domicile, à une association agréée ou à un organisme habilité ou conventionné ayant le même objet (article 199 sexdecies du CGI) ;

– la déduction de charge pour la détermination des revenus catégoriels du contribuable concerné ;

– la prime unifiée créée par le présent article, cette dernière étant le seul dispositif nouveau en 2020 qui n’est pas cumulable avec le CITE.

Le B du I du présent article introduit, dans le CGI, un nouvel article 1761 bis qui précise les sanctions applicables en cas de méconnaissance de ces dispositions relatives au non-cumul des aides pour une même dépense. Le contribuable qui les enfreint sera passible d’une amende égale à 50 % de l’avantage fiscal injustement obtenu et, en tout état de cause, d’un montant minimal de 1 500 euros.

D.   L’impact de la mesure

● Pour les ménages modestes et très modestes, la transformation du CITE en prime contemporaine unifiée représente un gain de trésorerie et de simplification des démarches, avec une aide unique en remplacement du CITE et de l’aide Habiter mieux agilité, dont le montant sera bonifié par rapport aux montants accordés au titre du CITE applicable aux ménages dont les revenus sont intermédiaires, tel qu’il résulte du présent article.

Cette transformation s’accompagne d’une revalorisation de laide Habiter mieux sérénité de lANAH en 2020, ce qui implique un gain pour les ménages bénéficiaires de cette aide en 2020 par rapport aux aides versées dans le cadre de ce même programme en 2019.

De plus, les ménages aux ressources très modestes peuvent bénéficier dune avance de frais dès le dépôt de leur dossier, ce qui permet de réduire fortement la contrainte de trésorerie. Ces différentes facilités permettent d’anticiper une baisse du poids des dépenses liées à la rénovation énergétique dans le budget des ménages modestes et très modestes et une augmentation du volume global de ces dépenses.

Pour les ménages dont les revenus sont intermédiaires – qui bénéficieront du CITE en 2020 – le coût des dépenses liées à la transition énergétique variera en fonction des gestes réalisés, selon le barème forfaitaire dont l’objectif est de récompenser les actions les plus performantes.

Pour les ménages les plus aisés qui ne bénéficieront plus, à partir de 2020, du CITE et qui ne sont pas éligibles à la prime unifiée instaurée par le présent article sous conditions de ressources, le coût des dépenses liées à la rénovation énergétique des logements sera accru.

D’après le tome 2 des Voies et Moyens, le coût anticipé du CITE pour les dépenses engagées en 2019 est de 1,1 milliard deuros, ce qui est supérieur aux estimations réalisées lors de la prorogation à champ analogue du CITE dans la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 qui prévoyaient un coût de 865 millions d’euros ([93]). L’évaluation préalable mentionne une hypothèse de 900 000 ménages bénéficiaires en 2019 ([94]).

● La mise en place d’une prime pour la transformation énergétique implique une modification des modalités de financement par l’État. La prime est une dépense budgétaire qui fait lobjet dune dotation nouvelle de 450 millions deuros dans le PLF 2020 :

– 390 millions d’euros inscrits dans le programme 174 « Énergie, climat et après-mines » ont vocation à financer 210 000 primes unifiées distribuées à 170 000 ménages modestes et très modestes en 2020 ([95]), les hypothèses actuelles de consommation du CITE, qui font état d’un nombre moyen de gestes par ménage d’environ 1,25, ayant été conservées. Cette subvention sera versée sur un compte tiers, géré par l’ANAH, pour isoler le financement de la prime unifiée des autres aides versées par l’ANAH.

L’utilisation de la notion de foyer fiscal au sens de la taxe d’habitation ne permet pas d’établir d’hypothèses précises sur la part du coût total du CITE représentée par les ménages modestes et très modestes futurs bénéficiaires de la prime fusionnée. Par convention, on peut estimer que ces ménages sont présents dans les cinq premiers déciles de revenu fiscal de référence. Si cette hypothèse était vérifiée, les ménages modestes et très modestes représenteraient environ 160 200 foyers parmi les bénéficiaires du CITE en 2019 (17,8 % de l’ensemble des bénéficiaires) pour un coût de 163 millions d’euros (14,8 % du coût total du dispositif). Les aides versées par l’ANAH dans le cadre du programme Habiter mieux agilité sont estimées à 50 millions d’euros en 2019. Le coût cumulé des deux dispositifs pour les ménages modestes et très modestes s’établirait donc à 213 millions d’euros en 2019.

La prévision de budgétisation pour 2020 – 390 millions deuros – serait ainsi supérieure de plus de 80 % au coût des deux dispositifs fusionnés avant la mise en place de la prime unifiée pour les ménages modestes et très modestes. Cette augmentation traduit la volonté du Gouvernement de concentrer l’effort sur les ménages modestes. Elle s’explique d’une part, par une hypothèse de hausse substantielle, prévue par le Gouvernement, du nombre de ménages modestes et très modestes bénéficiaires du nouveau dispositif, et, d’autre part, par la bonification des montants forfaitaires remboursés par rapport à ceux accordés au titre du CITE, tel qu’il résulte du présent article.

– 60 millions d’euros sont inscrits sur le programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat » afin de financer la bonification accordée dans le cadre du programme Habiter mieux sérénité de l’ANAH afin d’en conserver le caractère attractif.

Cette bonification du programme Habiter mieux sérénité serait également financée par le redéploiement des 50 millions d’euros budgétés par l’ANAH sur le programme Habiter mieux agilité, qui disparaît en 2020. Ainsi, l’ensemble de la dotation prévue pour la revalorisation du programme Habiter mieux sérénité atteindrait 110 millions d’euros.

● Comme indiqué précédemment, la prime et le CITE ne peuvent se cumuler pour une même dépense.

Pour lannée 2020, le coût de lensemble du dispositif (CITE et prime unifiée) serait de 1,55 milliard deuros dont 1,1 milliard d’euros pour le remboursement des dépenses engagées en 2019 au titre du CITE et 450 millions d’euros inscrits dans le budget de l’État pour financer la nouvelle prime à la transition énergétique.

Le coût de la prorogation du crédit dimpôt aux dépenses réalisées en 2020 pour les ménages intermédiaires est estimé à 350 millions deuros en 2021. En 2021, ce coût s’ajoutera à celui de la prime pour la rénovation énergétique, étendue aux ménages intermédiaires. À champ constant, le coût pour 2021 devrait donc être de 1,15 milliard deuros (450 millions d’euros pour la prime pour les ménages modestes et très modestes, 350 millions d’euros pour les dépenses des ménages intermédiaires remboursées au titre du CITE et 350 millions pour la transformation du CITE en prime pour les ménages intermédiaires d’après les hypothèses du Gouvernement qui estime que la bascule du crédit d’impôt au système de prime ne devrait pas avoir d’effet inflationniste sur le nombre de ménages bénéficiaires du dispositif).

En 2022, le coût du dispositif transformé dans son entièreté en prime unifiée, à champ constant, est estimé à 800 millions deuros, soit environ 300 millions d’euros de moins qu’en 2019 pour le CITE dans sa version actuellement en vigueur.

Impact de la mesure pour l’ANAH :
une mise en œuvre de la prime en plusieurs temporalités

En 2020, l’ANAH devra assumer une montée en charge substantielle de son dispositif d’aides à destination des ménages modestes et très modestes. Face à la complexité de la mise en place de la nouvelle prime pour l’ANAH, l’insertion des ménages dont les revenus sont intermédiaires dans le dispositif a été reportée à 2021. À terme, la prime unifiée devrait également être étendue aux copropriétés en tant qu’entités propres.

La mise en place technique de cette prime pour les ménages modestes et très modestes va se faire en deux temps sur l’année 2020 : le service des dépôts de dossiers en ligne sera ouvert dès le 1er janvier 2020 mais l’instruction des dossiers n’aura lieu qu’à partir du 1er avril 2020. Le mode d’instruction des dossiers ne se fera plus au niveau local mais sera centralisé avec la mise en place d’une plateforme nationale.

Le plafond d’emplois de l’ANAH est relevé dans le PLF 2020 : l’Agence disposera de 34 ETPT supplémentaires en 2020 pour mettre en place et assurer la gestion de la prime unifiée.

*

*     *

M. le président Éric Woerth. Comme je l’ai annoncé, je vous propose une brève discussion générale sur cet article, compte tenu du nombre d’amendements que j’ai été amené à déclarer irrecevables, au titre de l’article 40, en raison du lien établi entre la prime et le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE).

M. Joël Giraud, rapporteur général. Les amendements qui ont été déclarés irrecevables avaient presque tous pour objectif de maintenir dans le dispositif des dépenses qui en sont exclues, de modifier les barèmes du CITE ou de maintenir les 20 % des ménages les plus aisés dans le champ du crédit d’impôt. On retrouve d’ailleurs globalement ces sujets dans les amendements qui restent, après que le couperet de l’article 40 est tombé.

Pour rappel, le présent article 4 met en œuvre en deux temps une promesse du Président de la République, à savoir l’instauration d’une prime à la transition énergétique. D’abord instituée pour les ménages modestes en 2020, elle sera étendue en 2021 aux ménages aux revenus intermédiaires.

L’article 4 réalise trois types de modification : il instaure une prime pour les ménages modestes ; il proroge le CITE sous conditions de ressources ; il instaure un montant forfaitaire de primes et de crédit d’impôt. Je soutiens la modification du dispositif telle qu’elle est présentée dans cet article 4. C’est une réforme qui a pour horizon la réalisation des objectifs environnementaux que nous nous sommes fixés. Elle a également deux autres objectifs : recentrer le dispositif sur des gestes techniques dont l’efficacité énergétique est avérée et significative ; concentrer l’effort sur les ménages aux revenus les plus modestes.

Par conséquent, certains gestes performants ont été exclus du dispositif, par exemple l’installation de chaudières à gaz à très haute performance énergétique. Nous aurons l’occasion d’en discuter lors de l’examen des amendements. Je rappelle que le champ des dépenses éligibles au CITE et le barème forfaitaire arrêté ont fait l’objet d’une concertation pendant tout l’été.

Concernant l’exclusion des 20 % de ménages les plus aisés, je voudrais dire que la réforme proposée répond à un choix politique ; elle s’inscrit dans un objectif de justice sociale. La concentration de l’effort budgétaire sur les ménages modestes se traduit par une budgétisation de 450 millions d’euros, inscrite en deuxième partie, pour financer la nouvelle prime. Le choix de concentrer les coûts sur les ménages les plus modestes a nécessairement une contrepartie : celle d’exclure les ménages les plus aisés, ceux qui ont la capacité financière d’engager des dépenses de rénovation sans le soutien actif de la puissance publique.

Permettez-moi d’émettre un bémol cependant : j’attends toujours la remise d’un rapport sur la transformation du CITE en prime forfaitaire. Prévu par l’article 182 de la loi de finances initiale pour 2019, ce rapport devait nous être transmis le 1er septembre 2019. Il aurait dû nous éclairer un peu plus sur les caractéristiques de cette nouvelle prime. En séance publique, je rappellerai au Gouvernement ce retard dommageable et lui demanderai de fournir au plus vite ce rapport, qui me semble important pour éclairer notre assemblée.

Mme Bénédicte Peyrol. Je rappelle que la rénovation énergétique des bâtiments est une priorité du Gouvernement. Lors des précédentes lois de finances, nous avons déjà travaillé sur le CITE et sur son recentrage. Le projet de loi énergie-climat prévoit également des mesures importantes, concernant notamment les passoires thermiques.

J’aimerais seulement donner quelques chiffres. Le CITE bénéficie aujourd’hui à 900 000 ménages, pour un montant moyen de crédit d’impôt d’environ 1 000 euros par personne. Il permet de soutenir environ 3,6 milliards d’euros d’investissements en 2019. Le CITE a fait l’objet l’année dernière d’une mission d’évaluation et de contrôle, qui m’a été confiée. J’en ai présenté les résultats à notre commission, en soulignant qu’aujourd’hui, le CITE est concentré à 50 % sur les ménages qui disposent d’un revenu fiscal de référence de plus de 37 000 euros.

La réforme présentée dans le cadre de ce PLF 2020 a pour objectif de rendre d’abord plus efficace, d’un point de vue économique, le pilotage du dispositif, ensuite de le rendre plus juste d’un point de vue social et, enfin de le rendre plus peritnent d’un point de vue écologique. À cet égard, la réforme propose de substituer à des taux de réduction d’impôts des montants forfaitaires de prise en charge fixés en fonction de l’efficacité écologique.

Quant aux ménages des neuvième et dixième déciles, pour lesquels certains disent qu’on ne fait plus rien, j’aimerais seulement préciser qu’ils pourront bénéficier du CITE pour les bornes électriques de recharge des voitures. Ainsi, le Gouvernement tient ses engagements.

Certes, le reste à charge demeure une une problématique majeure pour qui veut faire en sorte que les ménages modestes puissent utiliser ce dispositif. Mais j’aimerais qu’on n’oublie pas, dans nos discussions, les dispositifs adoptés par les collectivités territoriales – je pense notamment aux sociétés de tiers investissement qui permettent à certaines collectivités d’accompagner les ménages pour le financement de ce reste à charge.

Mme Émilie Bonnivard. Par cet article, vous modifiez profondément le crédit d’impôt pour la transition écologique. Vous transformez ce crédit en prime forfaitaire pour les ménages les plus modestes, ce qui peut être plutôt positif. Vous maintenez ledit dispositif pour les ménages des classes moyennes, en excluant toutefois certaines dépenses éligibles, dont les chaudières à gaz à très haute performance – on commence ici à avoir du mal à comprendre. Enfin, vous supprimez, dès 2020, le dispositif de transition énergétique pour les ménages les plus aisés, sachant que, à partir de 27 000 euros annuels pour un célibataire, on est considéré comme tel.

Quel est l’objet de cet article ? Est-ce de stabiliser et de renforcer les mesures permettant d’accélérer la transition écologique, sachant que l’habitat est l’un des premiers secteurs émetteurs de gaz à effet de serre et de particules ? Ou s’agit-il de raboter une dépense fiscale et, encore une fois, d’opposer les Français entre eux, en les divisant entre les moins aisés et les plus aisés, alors que l’objectif de transition écologique doit, par essence, pour être atteint, être poursuivi par chacun dans un cadre collectif ? Or cet effort collectif ne dépend pas des ressources des uns et des autres. En excluant ces ménages du CITE en 2020, vous excluez les ménages qui ont réalisé ces dernières années plus de 50 % des travaux de réhabilitation énergétique des logements ; vous supprimez cette incitation comportementale à la rénovation.

Si la transformation en prime est une bonne chose pour les plus modestes, elle ne suffira absolument pas, à elle seule, à déclencher massivement ces travaux de leur part. En effet, un ménage modeste, qui voudrait réaliser par exemple 3 000 euros de travaux, devra continuer à prendre 2 000 euros à sa charge, au delà des 1 000 euros couverts par la prime. Vous vous privez donc, avec cette transformation, de l’effet levier qui doit rester massif et uniforme pour une dépense fiscale, s’il s’agit bien d’atteindre l’objectif de 500 000 logements rénovés.

En outre, vous complexifiez le dispositif, en définissant trois catégories de Français. Vous rendez certaines dépenses éligibles pour certains – comme l’acquisition de chaudières à gaz à très haute performance mais non pour d’autres, puisque les classes moyennes sont exclues. On peine à comprendre la lisibilité d’un dispositif qui reste très complexe et qui va freiner la rénovation énergétique, même si la transformation en prime est positive.

M. Bruno Duvergé. La rénovation énergétique doit s’adresser plus particulièrement à ceux qui en ont le plus besoin, c’est-à-dire à ceux qui ont le moins de ressources ; je pense particulièrement aux propriétaires pauvres. Les dispositifs étaient jusqu’aujourd’hui plutôt complexes et peu efficaces, même si certaines collectivités essayaient de rassembler tous les dispositifs pour permettre à chacun d’y accéder.

La complexité des systèmes faisait que peu de gens utilisaient ces dispositifs. Surtout, ce qui était difficile jusqu’à maintenant, c’était de faire l’avance de trésorerie, puisque le CITE était remboursé ultérieurement. Le fait de le transformer en prime résout ce problème. Le confier à l’ANAH résout aussi le problème de la complexité, puisque l’agence gérera à la fois cette prime unifiée et ses propres subventions.

J’espère qu’on pourra aider ces propriétaires pauvres à rénover leur logement, en leur rendant ainsi le meilleur des services, ainsi que le meilleur des services à la nature.

Mme Christine Pires Beaune. La transformation de ce crédit d’impôt en prime est une excellente nouvelle. Il est parfois compliqué de faire l’avance de quelques centaines, sinon de plusieurs milliers d’euros. L’avance permettra aux ménages d’avoir un meilleur accès au dispositif. L’exclusion du dernier quintile ne nous pose absolument pas de problème. Sous le précédent quinquennat et avec un autre rapporteur général – l’actuel doit s’en souvenir – nous avions déjà tenté de recentrer le crédit d’impôt sur les huit premiers déciles. Compte tenu de du coût croissant du CITE au cours des dernières années, cette réforme est bienvenue. Seul bémol, le gain budgétaire du dispositif proposé aurait dû être redistribué sur les deuxième à quatrième quintiles. Nous avons déposé des amendements en ce sens.

Mme Lise Magnier. Je partage le constat de Mme Bonnivard. La transformation en prime est une bonne chose. Mais, depuis 2017, tous les ans, on modifie le dispositif du CITE. Les propriétaires, les ménages en général et le monde du bâtiment n’arrivent plus à suivre ! Pourtant, tout le monde soutient l’objectif – la lutte contre la précarité énergétique par la rénovation énergétique de tous les logements français qui en ont besoin.

Quel est l’objectif de la majorité ? Il aurait probablement été plus judicieux de réformer le CITE en profondeur, plutôt que de procéder par petites touches, comme c’est le cas depuis 2017. Nous regrettons ce mode opératoire.

S’agissant de l’exclusion des deux derniers déciles, dispose-t-on de la répartition des propriétaires français en fonction des déciles ? On nous explique que les déciles 9 et 10 consomment 50 % du CITE. Mais peut-être est-ce tout simplement parce que les propriétaires de logements français appartiennent à ces déciles. Si c’est le cas, nous devons aussi les accompagner dans la rénovation énergétique de leur logement.

M. Charles de Courson. L’idée de cet article 4 est sympathique : il s’agit, par le biais d’une avance, d’améliorer la situation des familles les plus modestes. Mais nous sommes inquiets pour le « haut de gamme », qui concentrait le plus d’investissements. Ne court-on pas un risque ? Ne pourrait-on trouver une solution pour maintenir un avantage fiscal – peut-être réduit – pour les deux derniers déciles afin de continuer à les inciter à investir dans les économies d’énergie ?

Notre collègue l’a souligné, ces deux déciles concentrent presque la moitié des investissements – le rapporteur général pourra peut-être le confirmer. En termes d’efficacité énergétique, améliorer la situation des premiers déciles tout en dégradant celle des deux derniers ne risque-t-il pas de détériorer le solde d’économies d’énergie ?

M. Éric Coquerel. Nous avions fait cette proposition l’an dernier afin d’aider la majorité à tenir rapidement la promesse de campagne d’Emmanuel Macron. Nous allons donc soutenir le nouveau dispositif. C’est une transformation qui n’est pas seulement sympathique, comme le disait Charles de Courson, mais aussi utile écologiquement.

Pour autant, les relations avec l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) ne sont pas toujours simples. Il faudrait traiter ce sujet sérieusement.

En outre, nous regrettons que les chaudières au gaz soient exclues du périmètre pour les ménages à revenus intermédiaires et que l’on ait profité de l’exclusion des deux derniers déciles pour baisser les crédits – qui passent de 900 millions d’euros en 2019 à 800 millions d’euros en 2020. Il aurait été préférable de redistribuer le solde…

M. Fabien Roussel. Nous sommes très loin du compte et des objectifs que nous devrions nous fixer. La rénovation des passoires thermiques devrait concerner 500 000 logements par an, mais les moyens affectés ne permettent pas d’atteindre l’objectif.

Vous diminuez les crédits, à 800 millions d’euros en 2020, contre 900 millions en 2018 et 1,6 milliard d’euros en 2017.

Vous estimez qu’il s’agit d’une simplification du dispositif ; nous y voyons plutôt une complexification. Tous ceux qui ont été confrontés à l’ANAH savent que c’est une usine à gaz ! Dans nos permanences, nous recevons tous des citoyens aux prises avec leurs dossiers ANAH.

Vous prévoyez d’exclure du dispositif les ménages « les plus aisés » – ceux dont les revenus dépassent 27 000 euros. Nous n’avons pas la même conception des ménages aisés !

Nous avions déposé des amendements pour augmenter les crédits affectés au CITE, mais ils ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40. Ceux qui se battent pour le climat apprécieront… Nous le rappellerons en séance.

M. Julien Aubert. En tant que rapporteur spécial sur les crédits de l’énergie, je suis attentif à la transformation du CITE. C’est une bonne idée, mais il va falloir choisir entre la logique budgétaire – faire des économies –, la logique sociale – donner du pouvoir d’achat aux ménages les plus pauvres – et la logique écologique. À force de vouloir courir trop de lièvres à la fois, on n’en attrape aucun et l’on crée un produit hybride et chimérique.

La transition écologique est un processus qualitatif, qui coûte cher. Elle ne peut passer uniquement par les ménages les plus modestes, car les citoyens plus aisés sont aussi ceux qui ont les moyens d’investir dans ce processus qualitatif – à petits logements, petites dépenses et, à gros logements, grosses dépenses, donc gros impact.

En outre, mettre dans le même sac le début du neuvième décile et la fin du dixième n’a pas de sens. Cela revient à traiter de la même façon des concitoyens qui ont à peu près nos revenus et le propriétaire de Vuitton !

En ne choisissant pas entre logiques budgétaire, sociale et écologique, la prime devient incompréhensible et incroyablement complexe – il faut croiser les niveaux de revenus et les différents types de travaux. Si l’on voulait faire en sorte que personne ne la demande, on ne s’y prendrait pas autrement…

Enfin, l’insécurité juridique pénalise la politique de transition écologique : les règles changeant tous les ans, nos concitoyens n’ont pas le temps de s’y adapter. Il serait préférable de débattre des principes. Séparons politique sociale et politique de transition écologique, puis mettons-nous d’accord sur des règles lisibles et stables !

M. Jean-Louis Bricout. Nous avions proposé des amendements afin de moduler le CITE en fonction de la situation climatique des territoires. Ils ont été refusés. Pourtant, la réalité du climat n’est pas tout à fait la même au nord qu’au sud – d’où l’existence d’une carte avec coefficients climatiques.

Dans le même objectif, en deuxième partie du projet de loi de finances, je proposerai une modulation du chèque énergie en fonction des coefficients climatiques – on les retrouve dans les réglementations thermiques (RT) 2005 et 2012. Cela permettrait de réintroduire un peu de justice entre le nord et le sud, sans pénaliser le sud – le dispositif s’appliquerait uniquement sur les coefficients supérieurs à 1.

M. le président Éric Woerth. Ces amendements ont été refusés pour les raisons précédemment évoquées, le projet de loi faisant un lien entre prime et CITE.

M. Laurent Saint-Martin. C’est pour des raisons de justice fiscale, mais aussi d’efficacité dans la lutte contre les passoires thermiques, que nous recentrons le CITE sur les ménages modestes et le transformons en prime. Ce débat est symptomatique de notre difficulté à aborder une politique publique dans sa globalité : nous prenons pour seul angle le budget de l’État. Certes, on constate une baisse des crédits de l’État, mais c’est une politique publique qui engage d’autres acteurs – publics, parapublics et privés. Les fonds investis dans la rénovation énergétique des bâtiments sont globalement en hausse ; c’est ce qui compte.

Il s’agit donc d’une transformation de méthode et, globalement, les moyens sont aussi en hausse. La commission des finances devrait se pencher sur le meilleur moyen de résoudre cette difficulté à terme : nos débats lors des projets de loi de finances ne doivent pas se cantonner aux seuls crédits budgétaires, au risque de devenir binaires – en met-on plus ou moins dans une politique ? – et d’oublier les autres acteurs.

M. le président Éric Woerth. C’est tout le paradoxe de la fiscalité énergétique. Elle se veut incitative ; ce n’est donc pas une fiscalité de rendement. L’incitation intervient par le biais d’une multitude de dispositifs. Mais elle porte en elle ses propres contradictions : pourquoi réserver le CITE aux propriétaires et aux résidences principales, alors que les résidences secondaires sont aussi des passoires énergétiques – même si elles sont moins occupées ? Que se passe-t-il si un propriétaire n’a pas envie de faire les travaux et que le locataire décide de les faire ? C’est pour des raisons budgétaires qu’ils ne sont pas éligibles. La contradiction est donc totale… En outre, comment trancher entre effets d’aubaine et incitation ?

J’ai déposé un amendement, recevable au titre de l’article 40 car il supprime le lien entre la prime et le crédit d’impôt, qui réintègre les neuvième et dixième déciles dans le dispositif. On ne parle pas de super-riches ; arrêtons les caricatures ! On entre dans le neuvième décile à 28 000 euros de revenus annuels pour un célibataire et 55 000 pour un couple avec deux enfants. Certes, ce sont des revenus plus élevés que la moyenne, mais ils permettent tout juste à ces personnes de faire quelques travaux dans leur logement s’ils en sont propriétaires. Bien sûr, accompagner de tels travaux constitue une dépense fiscale. Mais quel est l’objectif ? Souhaitons-nous une baisse du nombre de passoires énergétiques ou une baisse de la dépense fiscale ? Le paradoxe n’est pas résolu et l’exclusion des neuvième et dixième déciles le rend encore plus criant…

La commission examine les amendements identiques I-CF907 de Mme MarieChristine Dalloz et I-CF922 de M. Vincent Rolland.

Mme Marie-Christine Dalloz. La transition écologique n’est pas que de la communication. Monsieur Saint-Martin, vous nous demandez d’arrêter de raisonner uniquement par rapport au budget de l’État. Mais les recettes fiscales liées à la transition énergétique ne sont-elles pas absorbées par ce même budget ? Le dispositif que vous proposez est opaque. Les deux derniers déciles compris, le dispositif coûtait 950 millions d’euros. Il y a 450 millions dans la nouvelle prime ; il manque donc 400 millions. C’est pourquoi l’amendement I-CF916 vise à supprimer l’article 4.

M. Vincent Rolland. L’amendement I-CF922 est identique. La transition énergétique n’est pas l’affaire des seuls ménages modestes. Tous sont concernés. Il est donc paradoxal de restreindre le dispositif. Cela signifie-t-il que le CO2 émis par certains est bon quand celui des autres est mauvais ?

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette les amendements ICF907 et ICF922.

Elle en vient à l’amendement I-CF910 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Prolongeons le dispositif actuel du CITE jusqu’en 2021. Cela permettra aux ménages des neuvième et dixième déciles de concrétiser et faire aboutir leurs projets.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement ICF910.

Elle passe à la discussion commune des amendements I-CF1505 de la commission du développement durable, I-CF1205 de Mme Christine Pires Beaune, des amendements identiques I-CF142 de M. Fabrice Brun, I-CF280 de Mme Véronique Louwagie, I-CF925 de Mme Marie-Christine Dalloz et I-CF933 de M. Éric Pauget, ainsi que des amendements ICF695 de Mme Frédérique Lardet, I-CF824 de Mme Marie-Noëlle Battistel et I-CF435 de M. Vincent Descoeur.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur pour avis. L’amendement I-CF1505 vise à maintenir un dispositif incitatif afin de permettre aux ménages appartenant aux neuvième et dixième déciles de changer de chaudière pour une chaudière gaz à très haute performance.

Mme Christine Pires Beaune. L’amendement I-CF1205 a le même objectif : maintenir le bénéfice du CITE pour ces chaudières car elles coûtent encore relativement cher. De plus, pour des raisons techniques et financières, certains ménages ne peuvent pas passer tout de suite à des équipements qui fonctionnent aux énergies renouvelables (ENR).

M. Fabrice Brun. L’amendement I-CF142 est un des rares amendements que nous avons déposés sur le CITE qui a échappé au couperet de l’article 40 ! Les chaudières à gaz à très haute performance énergétique n’échappent pas à votre coup de rabot pour les ménages intermédiaires – sont concernés les Français dont les revenus dépassent 28 000 euros pour une personne vivant seule ! L’amendement propose une phase transitoire pour ces publics exposés à la précarité énergétique.

Mme Véronique Louwagie. Je profite de la défense de l’amendement I‑CF280 pour rappeler la question posée par ma collègue Marie-Christine Dalloz sur la justification des 950 millions, qui représente le dispositif avec les deux derniers déciles. Monsieur le rapporteur général, vous avez expliqué comment seraient utilisés 450 millions d’euros, mais qu’en est-il du delta ?

Mme Marie-Christine Dalloz. L’amendement I-CF925 vise à maintenir les chaudières à gaz à très haute performance énergétique dans le champ du CITE pour éviter à certains ménages intermédiaires de se retrouver en situation de précarité énergétique.

M. Éric Pauget. L’amendement I-CF933 vise à revenir sur l’exclusion brutale de ces chaudières du périmètre du CITE. C’est un non-sens écologique, mais aussi économique : le pouvoir d’achat des ménages, tout comme les entreprises de cette filière, vont être pénalisés.

Mme Frédérique Lardet. L’amendement I-CF695 propose d’aménager une transition pour les ménages à revenus intermédiaires. Leur revenu fiscal de référence est compris entre 18 960 euros et 27 706 euros pour une personne seule, hors Île-de-France. Or le coût d’installation d’une chaudière ENR peut varier de 12 000 à 18 000 euros, soit presque un an de salaire…

M. Jean-Louis Bricout. Nous ne sommes pas prêts à exclure du bénéfice du CITE pour le remplacement de ces chaudières. L’amendement I-CF824 propose de les réintégrer – en excluant les chaudières au fioul.

M. Damien Abad. Comme ceux de mes collègues, l’amendement I‑CF435 concerne les chaudières à gaz. Il s’agit d’une disposition anti-classe moyenne et d’un non-sens économique et écologique.

M. Joël Giraud, rapporteur général. En préalable, je réponds à la question de Véronique Louwagie : il y a bien 350 millions d’euros pour la prorogation du CITE et 450 millions pour la prime. Le delta n’est pas celui que vous avancez.

J’émettrai un avis défavorable à tous les amendements car l’exclusion des chaudières au gaz à haute performance énergétique répond à une double logique d’efficience de la dépense publique et de réduction du recours aux énergies fossiles. L’objectif n’est pas de punir, mais d’encourager les ménages à revenus intermédiaires à recourir à la chaleur renouvelable, c’est-à-dire à utiliser des moyens plus verts et plus efficients en termes de rénovation énergétique.

Ces moyens étant plus coûteux, dans un objectif de justice sociale, les chaudières au gaz à très haute performance énergétique sont éligibles à la nouvelle prime pour les ménages modestes. Ce choix me semble équitable.

La commission rejette les amendements I-CF1505, I-CF1205, I-CF142, ICF280, ICF925, I-CF933, I-CF695, I-CF824 et I-CF435.

Elle passe à l’amendement I-CF1508 de la commission du développement durable.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur pour avis. J’ai bien compris les arguments du rapporteur général. Mais je vous propose de maintenir un dispositif incitatif au changement de chaudière pour les chaudières au gaz à très haute performance, pour les ménages appartenant aux déciles 5 à 8.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement ICF1508.

Elle examine ensuite l’amendement I-CF1507 de la commission du développement durable.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur pour avis. Pour les pompes à chaleur, il s’agit, par souci de clarification, de supprimer les mots « dont la finalité essentielle est la production d’eau chaude sanitaire ».

Joël Giraud, rapporteur général. Il semblerait qu’une coquille se soit glissée dans les intitulés des pompes à chaleur dans les deux tableaux des alinéas 47 et 51. Il est en effet indiqué que seules les pompes à chaleur dont la finalité essentielle est la production d’eau chaude sanitaire sont éligibles au CITE, alors que l’article 200 quater mentionne aussi les pompes à chaleur dont la finalité essentielle est la production de chaleur.

Malgré tout, votre amendement mérite d’être analysé pour s’assurer qu’il n’élargit pas le périmètre des dépenses éligibles. Je vous propose donc de le retirer le temps de l’expertiser, puis de le redéposer pour la séance.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur pour avis. Je vous fais confiance, mais le délai de dépôt des amendements pour la séance publique est fixé à demain. Espérons que nous arriverons à clarifier la situation.

L’amendement I-CF1507 est retiré.

L’amendement I-CF1509 est également retiré.

La commission passe à l’amendement I-CF1506 de la commission du développement durable.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur pour avis. Il s’agit d’inclure les appareils qui fonctionnent à la biomasse dans le dispositif de soutien. Les ménages pourront être orientés vers des appareils labellisés Flamme Verte 7*, dont le niveau de performances est meilleur que la moyenne, en termes tant d’efficacité énergétique que de qualité de l’air.

Joël Giraud, rapporteur général. Le dispositif prévu par l’article semble différer de ce qui a été présenté à la filière lors des négociations en amont de l’examen du projet de loi de finance. Il s’agit sans doute d’une erreur dans la rédaction de l’article. Nous devons vérifier ce point. Il serait donc pertinent d’attendre la séance pour nous assurer qu’il ne s’agit pas d’un élargissement non prévu des dépenses éligibles au CITE.

L’amendement I-CF1506 est retiré.

La commission en vient à l’amendement I-CF1096 de M. Éric Woerth.

M. Éric Woerth. Il s’agit de l’amendement que j’ai déjà défendu, visant à étendre le bénéfice du CITE aux neuvième et dixième déciles.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement ICF1096.

Elle passe à l’amendement I-CF1512 de la commission du développement durable qui fait l’objet des sous-amendements I-CF1576, I-CF1577, I-CF1578, ICF1579 et I-CF1580 de M. Matthieu Orphelin.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur pour avis. Il s’agit d’un amendement de bon sens, en cas de rénovation globale, qui retiendra, je l’espère, l’attention du rapporteur général.

M. Matthieu Orphelin. Mes sous-amendements constituent différentes variantes de la définition des rénovations performantes et des seuils afférents. Il faut conserver un signal fort pour les déciles 9 et 10. Je les ai déposés pour que la notion de rénovation performante reste au cœur de nos débats, malgré les difficultés liées à l’article 40 et aux autres raffinements de l’examen du projet de loi de finances, qui font que le sujet n’est pas abordé de façon très constructive. Mais nous en débattrons à nouveau en séance.

M. le président Éric Woerth. Même s’ils sont plus précis, l’amendement et les sous-amendements sont similaires au mien.

Joël Giraud, rapporteur général. Pour les raisons déjà évoquées, mon avis est défavorable, tant sur les sous-amendements que sur l’amendement.

La commission rejette successivement tous les sous-amendements, puis elle rejette l’amendement I-CF1512.

Elle examine ensuite l’amendement I-CF624 de M. Jérôme Nury.

M. Damien Abad. L’amendement vise l’alinéa 77 qui prévoit une amende de 50 % de l’avantage fiscal indûment obtenu pour les contribuables ayant bénéficié du crédit d’impôt et de la prime en raison d’une fraude. Nous souhaitons la porter à 100 %. En effet, une telle fraude devrait entraîner le remboursement total de l’avantage fiscal reçu. En outre, monsieur le rapporteur général, dans un autre article, vous allez mettre en place un « big brother ». Autant qu’il soit utile !

Joël Giraud, rapporteur général. J’ai analysé attentivement votre amendement car, tel qu’il est présenté, on ne peut qu’être choqué. J’ai vérifié : les sanctions prononcées viennent s’ajouter au reversement intégral des aides indûment perçues. Les contribuables qui auraient bénéficié indûment de la prime devront procéder au remboursement de celle-ci et se verront appliquer, en supplément, une sanction d’un montant maximum égal à la moitié de la prime perçue.

L’amendement I-CF624 est retiré.

La commission passe à la discussion commune de l’amendement ICF1510 de la commission du développement durable, qui fait l’objet du sous-amendement I-CF1581 de M. Matthieu Orphelin, et de l’amendement I-CF221 de Mme Véronique Louwagie.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur pour avis. En cohérence avec la volonté de réduire au maximum le reste à charge pour les ménages modestes bénéficiant des aides à la rénovation, l’amendement I-CF1510 vise à garantir que leur niveau de soutien ne diminuera pas avec la réforme du CITE.

M. Matthieu Orphelin. Par une voie détournée, le sous-amendement vise à étendre aux propriétaires bailleurs le crédit d’impôt pour les déciles 5 à 8, et la prime pour les déciles 1 à 4. La moitié des ménages qui vivent dans des passoires énergétiques sont des locataires. Il faut donc aider les propriétaires bailleurs, sous condition de ressources, à faire des travaux. En séance, il serait bon d’obtenir un engagement du Gouvernement pour que les dispositifs incitatifs soient ouverts aux propriétaires bailleurs en 2020 ou, a minima, en 2021.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement I-CF221 est similaire. Demain, en l’état actuel de sa rédaction, le dispositif pourrait être moins favorable aux ménages modestes qui, aujourd’hui, peuvent cumuler le CITE avec des aides de l’ANAH. Nous proposons de maintenir ce cumul.

Joël Giraud, rapporteur général. Concernant le sous-amendement, les propriétaires bailleurs sont exclus des bénéficiaires du CITE depuis le 1er janvier 2014. Il n’y a donc aucune raison d’élargir à nouveau le dispositif en 2020, d’autant qu’il s’agira de sa dernière année d’existence.

Je suis également défavorable aux amendements. Sur la forme, ils posent problème puisqu’ils proposent de tenir compte du cumul entre les aides de l’ANAH dans leur version de 2019 et le CITE dans sa version 2020 qui bénéficie uniquement aux ménages intermédiaires et non aux ménages bénéficiaires des aides de l’ANAH.

Sur le fond, je comprends votre inquiétude : la nouvelle prime sera-t-elle plus intéressante – ou ne sera-t-elle pas moins favorable – que le cumul du CITE et de l’aide fusionnée de l’ANAH ? Je n’ai pas d’éléments précis à vous communiquer à ce stade puisque les barèmes applicables pour la prime sont toujours en cours d’élaboration.

Cependant, le montant de la budgétisation prévue pour financer cette nouvelle prime plaide pour constater le fait que le nouveau dispositif sera en tout état de cause plus favorable, puisque je l’évalue à environ 80 % de plus que le coût des deux dispositifs fusionnés. Je vous invite à retirer vos amendements et à poser la question en séance au Gouvernement.

M. le président Éric Woerth. On renvoie effectivement à un décret en la matière.

M. Matthieu Orphelin. J’entends qu’il s’agit de la dernière année du crédit d’impôt, mais je veux ouvrir le débat sur la prime. Il faut changer de rythme en matière de rénovation énergétique et traiter la question des locataires qui vivent dans des passoires énergétiques. Nous ne pouvons continuer à fermer les yeux et devons inciter les propriétaires bailleurs, sous condition de ressources, à faire des travaux.

Les amendements I-CF1510 et I-CF221 sont retirés, ainsi que le sous-amendement ICF1581.

M. Charles de Courson. Nos collègues soulèvent une question : comment s’articule cette aide entre propriétaires occupants et propriétaires bailleurs ? Nous avions modifié la loi pour permettre au bailleur de répercuter le coût des travaux sur le loyer. Sinon un propriétaire bailleur n’a aucun intérêt à faire des efforts en matière de rénovation énergétique. Vous me répondrez qu’il en tient malgré tout compte dans les charges locatives.

Monsieur le rapporteur général, le Gouvernement envisage-t-il une mesure de coordination pour les propriétaires bailleurs ? 42 % du parc de logements leur appartient. Même en retirant les 15 % de logements à loyer modéré, il s’agit de près d’un tiers des logements…

La commission examine l’amendement I-CF580 de M. Matthieu Orphelin.

M. Matthieu Orphelin. Étant donné que l’on passe d’un crédit d’impôt à des primes, l’amendement vise à mettre en place des bilans trimestriels des attributions de primes afin d’éviter de se retrouver, comme dans mon département, avec une enveloppe 2019 d’aides de l’ANAH déjà consommée depuis quelques semaines.

Auparavant, le problème ne se posait pas car il s’agissait d’un crédit d’impôt. On pouvait donc constater une différence de plusieurs centaines de millions entre les montants votés en projet de loi de finances initial et ceux finalement consommés. Ainsi, le crédit d’impôt de l’an passé va dépasser les prévisions de 400 ou 500 millions d’euros…

Il faut mieux piloter le nombre de rénovations énergétiques par le biais de ces bilans trimestriels – nous avons eu un débat en commission du développement durable, certains d’entre nous souhaitant plutôt des bilans tous les quatre ou six mois. En outre, un tel pilotage nous permettrait, si besoin, d’augmenter les moyens de l’ANAH.

Joël Giraud, rapporteur général. Cet amendement entre dans des détails qui relèvent du décret d’application… Si vous voulez être rassuré, je vous invite à retirer votre amendement et à le redéposer en séance pour poser la question au ministre.

M. Matthieu Orphelin. Il me semble important que la politique de rénovation énergétique soit mieux pilotée en France.

La commission rejette l’amendement I-CF580.

La commission est saisie de l’amendement I-CF1511 de la commission du développement durable.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à ce que les décrets qui régissent la prime de transition énergétique soient pris avant la fin de l’année, afin que la mesure puisse être efficacement appliquée dès le début de 2021.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Pour permettre l’instauration de la nouvelle prime au 1er janvier 2020, les décrets nécessaires devront être pris avant le 31 décembre 2019. Votre amendement me paraît donc superfétatoire et je vous demande de le retirer.

L’amendement I-CF1511 est retiré.

La commission en vient à la discussion commune de l’amendement ICF1513 de la commission du développement durable et des amendements identiques I-CF217 de Mme Véronique Louwagie et I-CF222 de M. Vincent Descoeur.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur pour avis. L’amendement I-CF1513 vise à évaluer, opération par opération, le niveau des aides accordées et à le mettre en regard du coût des travaux aidés et de l’effet, en particulier environnemental, afin d’orienter les aides du CITE et de la prime à la transition énergétique vers les opérations les plus pertinentes.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement I-CF217 va dans le même sens que celui qui vient d’être présenté.

M. Damien Abad. La vérité, monsieur le rapporteur général, c’est qu’on est en train de bâtir une usine à gaz qui va affecter la transition écologique dans notre pays. C’est peut-être pour cela que les amendements demandant un rapport ne sont pas acceptés. Cela mérite une véritable évaluation. Autant l’instauration d’une prime pour les plus modestes est une bonne chose, comme l’a dit ma collègue Émilie Bonnivard, autant les mesures concernant les ménages que l’on dit aisés vont entraîner de grandes difficultés. On aura abaissé qualitativement les objectifs de la transition énergétique.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je crois que vous ne m’avez pas écouté attentivement. Je vous expliquais, au début de mon propos liminaire, que nous n’avons pas reçu le rapport qui devait nous être remis le 1er septembre 2019, en vertu de la loi de finances initiale pour 2018. Je demande instamment qu’il nous soit adressé. D’ici là, ce n’est pas la peine de demander à nouveau un rapport. Il faut exiger du Gouvernement, en séance, qu’il nous apporte les éléments qui nous ont été promis. Je serai plus que vigilant à ce sujet.

M. le président Éric Woerth. Ce n’est d’ailleurs pas le seul rapport qui manque.

La commission rejette successivement les amendements I-CF1513 et ICF217 ainsi que I-CF222.

Elle examine les amendements I-CF451, I-CF633 et ICF636 de M. Matthieu Orphelin.

M. Matthieu Orphelin. L’amendement I-CF451 demande un rapport relatif à l’instauration d’une prime bonifiée pour favoriser les travaux de rénovation complète et performante.

Les amendements I-CF633 et I-CF636 demandent un rapport sur un autre point important : le reste à charge zéro.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Comme je le disais précédemment, nous sommes dans l’attente d’un rapport du Gouvernement.

La commission rejette successivement les amendements I-CF451, I-CF633 et ICF636.

Elle se saisit de l’amendement I-CF1514 de la commission du développement durable.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur pour avis. Cet amendement demande un rapport sur l’opportunité d’élargir la prime de transition énergétique aux propriétaires bailleurs. Cela étant, j’ai entendu les arguments du rapporteur général.

M. Joël Giraud, rapporteur général. C’est un sujet un peu particulier, qui renvoie à ce que disait tout à l’heure Charles de Courson. Compte tenu des amendements qui ont été déposés, j’ai demandé qu’une réflexion particulière soit engagée sur la thématique des propriétaires bailleurs. Le Gouvernement devra nous répondre dans l’hémicycle à ce sujet. Pour permettre ce débat, je vous invite à retirer votre amendement et à le redéposer en vue de la séance publique, afin que le Gouvernement nous entende : je sais qu’il réfléchit à ce sujet que vous avez, les uns et les autres, opportunément soulevé.

M. Matthieu Orphelin. J’étais à l’initiative de cet amendement, qui a été adopté en commission du développement durable. Si la commission des finances le votait, elle enverrait un signal sur ce sujet important. Dans le cas contraire, on serait porté à penser que tout le travail qu’on fait ne sert pas à grand-chose. S’il ne faut venir qu’en séance, on peut s’économiser un certain nombre de travaux.

M. Jean-Louis Bricout. Il a raison !

M. Matthieu Orphelin. Nous examinons là un sujet essentiel – les propriétaires bailleurs – qui est de nature à nous rassembler.

M. Charles de Courson. Je rappelais tout à l’heure que les propriétaires bailleurs représentent 42 % du parc de logements, dont il faut déduire les 15 % relevant du secteur HLM, lequel fait l’objet d’une véritable politique ad hoc. Puisque vous avez semblé manifester votre accord, monsieur le rapporteur général, ne vaudrait-il pas mieux adopter l’amendement de la commission du développement durable, ce qui permettrait au Gouvernement de s’exprimer ?

M. le président Éric Woerth. Si on privilégie l’incitation ou la dépense fiscale, il faut toujours considérer que la dimension fiscale et budgétaire passe au second plan par rapport à l’objectif visé. On voit bien qu’il faut accorder aux propriétaires bailleurs le bénéfice du dispositif. Soit on veut lutter contre les passoires énergétiques, et il faut s’engager sans réserve, soit on ne le souhaite pas, ou on choisit l’entre-deux, ce qui revient à dépenser peu et à obtenir très peu de résultats. Mieux vaudrait, dans ce dernier cas, ne pas utiliser cet outil.

M. François Jolivet. Les propriétaires bailleurs peuvent employer une technique qui leur procure un avantage direct : le déficit foncier. À l’avenir, ils pourront donc soit recourir à cet outil, soit bénéficier de la prime. L’Agence nationale de l’habitat ne finance plus, depuis 2015, les propriétaires bailleurs. En effet, il était observé que, dans le cadre des opérations programmées d’amélioration de l’habitat (OPAH) successives, tous les quinze ans, les mêmes propriétaires obtenaient des subventions pour réhabiliter leur logement. Par ailleurs, l’Agence nationale de l’habitat, dont on parle beaucoup et que certains de nos collègues jugent très mauvaise, a pu démontrer dans des rapports antérieurs que des propriétaires bailleurs qu’elle a aidés étaient devenus des marchands de sommeil. Je comprends que l’on souhaite élargir le champ des bénéficiaires de la prime de transition énergétique mais – vous le savez mieux que quiconque, monsieur le président – cela a toujours un prix, et, si on doit accorder la prime aux propriétaires bailleurs, il faudra aussi leur retirer la possibilité de recourir aux déficits fonciers. Tout va ensemble. Quand on calcule l’équilibre de son opération, on doit constituer une provision pour grosses réparations, que l’on utilise pour entretenir son logement. Si on extrapole, cela signifierait que tout propriétaire, du décile 1 au décile 10, aurait besoin d’une aide de l’État pour entretenir son logement, puisqu’on considère qu’il n’a pas à mettre d’argent de côté pour ce faire.

M. le président Éric Woerth. On ne parle pas d’entretien de logement mais de rénovation énergétique.

M. François Jolivet. Lorsque les organismes HLM louent un logement, ils doivent vérifier le taux d’effort, lequel ne doit pas excéder 30 %, charges comprises, du revenu fiscal de référence du foyer. Les propriétaires privés devraient sans doute se voir appliquer la même règle, actuellement fixée par un décret pour les propriétaires bailleurs HLM, et vérifier le taux d’effort de leurs locataires. Or, je vous rappelle que le juge peut, dans ce seul cas, adresser une injonction en modification des loyers et des charges à un bailleur HLM qui aurait loué à quelqu’un dont le taux d’effort excède 30 %. Le marché, dont certains font l’apologie, pourrait résoudre cette difficulté, parce que les logements qui ne seraient pas économiquement performants ne pourraient être loués tant que le propriétaire n’a pas effectué les travaux.

M. le président Éric Woerth. On ne peut pas exclure une grande partie de la population au seul motif que des gens font un usage excessif ou abusif du dispositif.

M. Charles de Courson. Je voudrais rappeler à notre collègue que le déficit foncier n’est imputable sur les autres revenus que dans la limite de 10 700 euros ; on ne peut donc pas dire qu’il pallie l’absence de politique en la matière. Notre rapporteur général, à l’instar de plusieurs collègues, constate, avec beaucoup de sagesse, un manque de coordination entre la politique menée envers les propriétaires occupants et celle à destination des propriétaires bailleurs. Une exception doit être faite pour le parc HLM, qui fait l’objet d’une politique d’ampleur – dans ma circonscription, par exemple, de gros efforts ont été entrepris, aidés par l’État. On a besoin des bailleurs privés pour la transition écologique. Ce n’est pas le déficit foncier qui peut motiver la réalisation d’investissements énergétiques.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Le débat a un intérêt : faire évoluer les opinions. J’ai écouté vos arguments ; vous souhaitez faire pression pour qu’on obtienne une véritable réponse. Je change mon avis pour m’en remettre à la sagesse de la commission.

La commission adopte l’amendement I-CF1514 (amendement I-2863).

La commission en vient à la discussion commune des amendements ICF912 de Mme Marie-Christine Dalloz et I-CF429 de Mme Patricia Lemoine.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’amendement est inspiré par la même philosophie que le précédent, à une nuance près. Je propose que, six mois après la publication des décrets instaurant la prime de transition énergétique, le Gouvernement remette un rapport sur l’effet de cette mesure sur les finances publiques. Monsieur le rapporteur général, vous ne pouvez pas vous abriter derrière le même argument, à savoir le fait que vous attendez un rapport, puisqu’il s’agit d’une mesure à venir. Six mois après la promulgation des décrets, il conviendrait d’avoir des précisions sur le calcul de la prime et le détail des tranches d’imposition concernées. Cela pourrait être un outil intéressant pour piloter le dispositif issu du CITE.

Mme Patricia Lemoine. Mon amendement vise à demander, dans le même esprit que ce qui vient d’être dit, la remise d’un rapport, au plus tard le 1er septembre 2022, évaluant le coût du crédit dans sa version actuelle et celui de la prime qui sera mise en place, et établissant des éléments de comparaison.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je le disais tout à l’heure, je voudrais vraiment que le Gouvernement se concentre sur le rapport qui nous a été promis pour le 1er septembre 2019. Je comprends votre volonté de disposer d’un bilan mais, pour l’heure, concentrons-nous sur l’obtention de ce rapport et les raisons du retard de sa remise, pour lequel je n’ai obtenu aucune explication. Je demande le retrait de tous les amendements demandant des rapports complémentaires ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable. Si on accumule les demandes de rapports alors qu’ils ne sont pas remis, on se fera plaisir mais ce ne sera pas efficace.

Mme Marie-Christine Dalloz. Mon amendement n’a pas le même objet !

La commission rejette successivement les amendements I-CF912 et ICF429.

Puis elle adopte l’article 4 modifié.

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Après l’article 4

La commission examine l’amendement I-CF1300 de M. Olivier Serva.

M. Saïd Ahamada. L’année dernière, nous avons créé pour certains territoires d’outre-mer les zones franches d’activité nouvelle génération, qui devaient bénéficier au secteur du tourisme, y compris aux activités de loisir et de nautisme. Il se trouve que l’administration fiscale, dans une interprétation stricte, a exclu du champ de la mesure la réparation et le carénage des bateaux. Cet amendement vise à corriger cette anomalie.

M. Joël Giraud, rapporteur général. La réparation de navires ne relève pas, à strictement parler, du nautisme, entendu comme activité de tourisme, et ne paraît donc pas éligible aux abattements majorés appliqués dans les zones franches d’activité nouvelle génération. En tout état de cause, elle ne relève pas du champ d’application touristique arrêté l’an dernier. Votre amendement est habilement rédigé puisqu’il fait sortir le nautisme du champ touristique. Cependant, il risque, ce faisant, de couvrir un domaine un peu trop large. Je rappelle que les zones franches d’activité nouvelle génération ont moins d’un an d’existence et que les activités éligibles sont très larges. Le nautisme a été expressément inclus dans le champ des abattements majorés. Y inclure de nouvelles activités, après moins d’un an d’application, ne me paraît pas opportun. Il faut laisser un peu vivre un dispositif avant de l’évaluer et d’envisager des ajustements. Le Gouvernement doit évaluer ces zones franches d’ici à octobre 2020 ; nous disposerons de tous les éléments à cette date. Je vous invite à retirer votre amendement pour que nous puissions éventuellement avoir cette discussion en séance avec le ministre.

La commission rejette l’amendement I-CF1300.

Elle passe à l’amendement I-CF1403 de M. Éric Coquerel.

M. Éric Coquerel. Va-t-on enfin en finir avec le dispositif Pinel ? C’est un peu la question que je me pose, à l’instar, semble-t-il, du rapporteur général, qui dénonce « les dérives d’une dépense fiscale coûteuse, mal – pour ne pas dire pas – pilotée, dont les contreparties associées à l’avantage fiscal ne font l’objet d’aucun contrôle. » J’entends lui donner satisfaction en lui permettant de voter cet amendement, auquel souscrirait sans doute la Cour des comptes, qui souligne également le « caractère inégalitaire » et « l’absence d’évaluation » du dispositif. Entre 2019 et 2035, la mesure a coûté 6,9 milliards à l’État, sans qu’on ait quelque assurance quant à ses répercussions sur le logement. En revanche, on a des certitudes quant aux cadeaux faits, une fois encore, aux plus aisés de nos contribuables, puisqu’en 2013, 45 % des ménages bénéficiaires se situaient dans la tranche d’imposition comprise entre 27 000 et 71 000 euros, et près du quart d’entre eux dans celle comprise entre 71 000 et 151 000 euros. Pour des raisons d’efficacité, d’économies budgétaires et de justice fiscale, je vous demande de supprimer le dispositif Pinel.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je voudrais d’abord remercier Éric Coquerel de la qualité de ses citations. (Sourires.) C’est une niche qui soulève en effet des interrogations – je ne peux pas dire le contraire puisque je l’ai écrit – eu égard aux contribuables concernés. Cela étant, je ne suis pas favorable à la disparition pure et simple de la réduction d’impôt Pinel, mais à un aménagement assez large de ce dispositif. C’est la raison pour laquelle je donnerai un avis favorable à certains amendements en deuxième partie – l’adoption de mesures en première partie pouvant avoir des effets négatifs sur les projets en cours. Je serai favorable à des amendements visant à recentrer la réduction d’impôt – je pense en particulier à l’amendement de la commission du développement durable sur le recentrage sur l’habitat collectif, qui me semble de bon aloi. Cela ne pourra se faire, j’y insiste, qu’en deuxième partie, pour ne pas déstabiliser le marché. Je suis donc défavorable à votre amendement, monsieur Coquerel.

Mme Christine Pires Beaune. Je ne voterai pas cet amendement, qui me semble un peu radical, bien que j’en approuve l’objectif. Cela fait des années que le logement est sous perfusion, pour quels résultats ? Il serait en effet souhaitable que des amendements, en seconde partie, visent à encadrer un peu mieux le dispositif Pinel, qui, je le rappelle, crée des inégalités territoriales. Je suis favorable à ce qu’on examine cette mesure de près. Si on devait le supprimer, qu’on le fasse de manière progressive, mais la question ne doit pas être taboue.

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, au cours des vingt-cinq dernières années, on n’a fait que créer des dispositifs incitant les épargnants à investir dans le logement privé, afin d’augmenter le parc. On a en effet besoin d’un parc locatif privé. Ce ne sont pas les 15 % de HLM – en moyenne nationale – qui peuvent répondre aux besoins de nos concitoyens. Je suis un peu étonné de certains arguments contre la réduction d’impôt Pinel. Vous ne pouvez pas déplorer, mes chers collègues, que ce soient plutôt des gens aisés qui en bénéficient : cela va de soi, puisque ce sont eux qui ont de l’épargne. Je suis étonné que vous vous étonniez. Il faut savoir ce qu’on veut. Je pense, pour ma part, qu’il ne faut surtout pas voter cet amendement, mais qu’il faut s’assurer de l’efficacité de tous ces dispositifs. Des théoriciens vous expliquent que tout ce qu’on a voté depuis vingt-cinq ans n’a fait qu’accentuer la crise du logement, en augmentant le prix de l’immobilier. C’est un peu plus compliqué que cela, parce que les zones concernées entrent en ligne de compte, mais il convient d’étudier cela avant de proposer des amendements aussi brutaux.

M. Fabien Di Filippo. Je rejoins ce qui vient d’être dit. On peut remettre en cause tous les dispositifs dérogatoires, mais leur raison d’être est le poids de la fiscalité dans son ensemble. On peut remettre en question toutes ces niches, à condition de réviser complètement le système pour que la fiscalité soit moins lourde. Tant que ce n’est pas le cas, on ne peut pas aller dans ce sens.

Mme Émilie Cariou. Vous le savez, nous avons engagé une démarche d’évaluation, non seulement des politiques que l’on mène, mais aussi de toutes les dépenses fiscales existantes. Il faut conduire ce travail en profondeur, pas uniquement sur le dispositif Pinel, mais sur toutes les niches, toutes les dépenses fiscales. Il ne faut pas toucher aux dispositifs immobiliers avant d’avoir une évaluation approfondie. Lorsqu’on disposera des informations permettant de se faire une opinion, on pourra changer certains critères. Le rapport de Joël Giraud nous offre beaucoup d’informations, mais elles demeurent insuffisantes pour qu’on en tire immédiatement les conséquences dans les textes. Nous demandons aussi un retrait de ces amendements et appelons à entamer une démarche d’évaluation beaucoup plus approfondie.

M. Jean-Louis Bricout. Pour faire écho aux propos d’Émilie Cariou, la démarche d’évaluation est en effet nécessaire. Il faudra se pencher sur le volet territorial, parce que le dispositif Pinel est une catastrophe pour les zones non tendues, dans lesquelles plus personne n’investit. On a pourtant besoin d’investisseurs, ne serait-ce que pour l’économie de proximité. Des modifications à la marge sont sans doute nécessaires, dans certains domaines, mais il faut surtout avoir une vision territoriale.

M. Michel Castellani. Je suis d’accord avec tout ce que viennent de dire mes collègues. Le dispositif Pinel est sûrement source d’effets d’aubaine, qu’il convient sans doute de corriger, mais il est difficile d’envisager de faire cela « à la tronçonneuse » et de tout supprimer, s’agissant d’un domaine aussi important. Une évaluation est nécessaire, mais certainement pas la suppression brutale du dispositif.

La commission rejette l’amendement I-CF1403.

Elle se saisit, en discussion commune, des amendements I-CF1534 de la commission du développement durable et I-CF693 de Mme Frédérique Lardet.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur pour avis. L’artificialisation des sols est un véritable fléau, qui touche nos campagnes, en particulier notre biodiversité. Par cohérence avec l’objectif de lutte contre ce phénomène, cet amendement vise à modifier les dispositifs d’aide à l’investissement locatif.

Mme Frédérique Lardet. On a en effet besoin de cohérence. On n’arrête pas de ressasser les mots de « zéro artificialisation nette », de « densification ». Cet amendement propose de mettre en œuvre ces principes.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, ce sont des amendements qui, pour éviter tout effet rétroactif, doivent être placés en seconde partie. Je donnerai, à ce stade de la discussion, un avis favorable à l’amendement I-CF1534.

Les amendements I-CF1534 et I-CF693 sont retirés.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, elle rejette l’amendement ICF1090 de M. Joachim Son-Forget.

Elle examine ensuite l’amendement I-CF638 de M. Matthieu Orphelin.

M. Matthieu Orphelin. Dans la continuité des échanges que nous venons d’avoir, cet amendement vise à exclure de l’éligibilité au dispositif Pinel les constructions sur des zones non-urbanisées, afin de lutter contre l’artificialisation des sols. Je le retire et le redéposerai en seconde partie.

L’amendement I-CF638 est retiré.

La commission en vient à l’amendement I-CF335 de M. Vincent Thiébaut.

M. Vincent Thiébaut. Cet amendement vise à créer une expérimentation portant sur un nouveau modèle économique, par l’aménagement de l’éco-prêt à taux zéro – PTZ – pour les rénovations énergétiques atteignant un niveau de performance « bâtiment basse consommation » ou assimilé. Il s’agit, en premier lieu, de répondre aux objectifs de la loi de transition énergétique du 17 août 2015 relatifs à la rénovation du parc bâti selon les normes « bâtiment basse consommation » ou assimilées. En second lieu, le plan national pour la rénovation énergétique, présenté en avril 2018, affirme la nécessité de soutenir le développement de rénovations dites « complètes et performantes ». Aussi cet amendement propose-t-il une expérimentation de deux ans pour favoriser les rénovations globales – sous la forme de bouquets de travaux –, tant pour les maisons individuelles que pour les logements collectifs.

M. le président Éric Woerth. Il me paraît intéressant que vous indiquiez dans l’exposé des motifs de l’amendement que vous avez travaillé avec une association.

M. Vincent Thiébaut. En effet, cet amendement a été élaboré avec l’association négaWatt.

M. le président Éric Woerth. Nous travaillons tous, j’imagine, avec des associations, des groupements. C’est une bonne chose de le dire : c’est une marque de transparence.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Vous entendez réintroduire, par cet amendement, la condition des « bouquets de travaux », qui a été supprimée par la précédente loi de finances. Vous comprendrez donc que je donne un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF335.

Elle se saisit de l’amendement I-CF269 de M. Michel Castellani.

M. Michel Castellani. Il s’agit d’étendre d’une année l’application du dispositif des zones de développement prioritaire (ZDP), dont la Corse bénéficie depuis le 1er janvier 2019. Je n’insiste pas sur l’intérêt de ce dispositif pour la Corse, ni sur l’attente qu’il suscite. Son efficacité est avérée. L’objectif est de faire bénéficier les entreprises créées au cours de l’année 2018 des mêmes conditions que celles qui sont nées en 2019.

M. Joël Giraud, rapporteur général. J’entends votre volonté de soutenir l’économie corse à la suite de toutes les dispositions qui ont été votées concernant l’ « île montagne », pour reprendre une expression qui m’est chère. Toutefois, je vous l’ai dit – puisque nous avons eu l’occasion d’évoquer ce sujet tous les deux – cela conduirait à un effet d’aubaine extrêmement important, dans la mesure où des entreprises déjà implantées bénéficieraient d’exonérations créées pour attirer de l’activité. C’est une limite qui me paraît difficile à franchir. Je vous demanderais donc de le retirer ; à défaut, mon avis serait défavorable.

M. Michel Castellani. Nous en avons en effet discuté. On va encore prétendre que les Corses réclament des avantages indus, mais ce n’est pas le cas ! Il faut tenir compte des réalités concrètes, monsieur le rapporteur général. Vous savez très bien que les entreprises corses sont confrontées à des conditions moins favorables que les sociétés équivalentes du continent. Il y a des surcoûts liés à l’insularité : les intrants sont plus chers, les stocks sont nécessairement plus élevés –, ce qui conduit à une inégalité objective des conditions de concurrence. Nous ne sommes pas quémandeurs, monsieur le rapporteur général, mais nous nous inscrivons dans une logique de développement gagnant-gagnant.

La commission rejette l’amendement I-CF269.

Elle passe à l’amendement I-CF49 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. Cet amendement vise à conforter les bassins d’emploi ruraux en difficulté. Il s’inspire d’une expérimentation instaurée par la dernière loi de finances, dans le cadre des zones franches urbaines, en faveur des quartiers en difficulté. Je voudrais que le même dispositif s’applique à des zones franches rurales et que des expérimentations similaires soient conduites dans des bassins d’emploi ruraux en difficulté. L’objet du présent amendement est d’instituer une expérimentation pour déterminer dans quelle mesure ce dispositif pourrait s’appliquer de manière complémentaire aux zones de revitalisation rurale (ZRR). Il s’agirait d’accorder des exonérations fiscales en cas de création d’emplois dans des bassins d’emploi ruraux en difficulté.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Cet amendement a été présenté – et rejeté – l’année dernière. Je n’y suis pas favorable, pour les mêmes raisons que celles que j’ai exprimées alors, même si je suis aussi sensible que vous à la problématique des territoires ruraux, qu’ils soient alpins ou ardéchois. Il existe déjà un nombre de dispositifs considérable permettant de soutenir les zones rurales : les ZRR, les zones d’aides à finalité régionale (ZAFR), les bassins d’emploi à redynamiser (BER), les nouvelles ZDP pour la Corse. À cela s’ajoute une sérieuse difficulté. En effet, comme l’an dernier, vous renvoyez tout à un décret : les entreprises et les activités éligibles, les impôts concernés par les exonérations, les critères de qualification des nouvelles zones franches. Le dispositif s’expose ainsi à un risque d’incompétence négative, ces éléments devant figurer dans la loi, non pas dans un décret. Avis défavorable.

M. Fabrice Brun. J’entends vos arguments, monsieur le rapporteur général, mais nous avons tous nos marronniers – ou nos châtaigniers ; c’est un amendement qui reviendra. L’argument selon lequel d’autres dispositifs existent ne tient pas : les quartiers urbains sensibles bénéficient de dispositions très fortes, dans le cadre de la politique de la ville, par l’entremise, en particulier, de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), ce qui n’a pas empêché votre majorité d’expérimenter de nouvelles zones franches urbaines dans quatorze quartiers, si ma mémoire est bonne. Pourquoi ne pas les expérimenter aussi dans les zones rurales, dans des bassins d’emploi ruraux en difficulté ? L’expérimentation aurait aussi pour objet de définir la coordination avec les dispositifs existants.

Mme Émilie Cariou. Comme vous le savez, le Premier ministre a présenté un plan dédié à la ruralité, qui comporte un certain nombre de mesures, sur lesquelles Daniel Labaronne a travaillé. Ce dernier a estimé qu’il fallait revoir notamment le zonage en zone rurale. Une réflexion va s’ouvrir. Madame Louwagie avait aussi travaillé sur les ZRR et avait signalé plusieurs dysfonctionnements. Aujourd’hui, les zonages se superposent ; on a zoné presque toute la France. Il va falloir absolument retravailler sur la question du zonage, notamment en zone rurale – je suis d’accord avec vous, monsieur Brun. Des dispositifs d’exonération existent déjà : les ZRR. Il faut tout remettre à plat, voir ce qui est efficace et ce qui ne l’est pas. Entamons donc ce travail. La deuxième partie du projet de loi de finances comporte des dispositifs intéressants concernant la revitalisation des bourgs – nous en reparlerons.

M. Fabien Di Filippo. Monsieur le rapporteur général, j’ai du mal à comprendre votre point de vue. Je ferai trois brèves remarques. Premièrement, mon collègue Fabrice Brun est très sage en proposant simplement une expérimentation : mettons-la en œuvre au moins en un lieu donné. Deuxièmement, on sait aujourd’hui que la fracture territoriale s’aggrave. L’inégalité des chances, aujourd’hui, ne sépare plus seulement les villes et les banlieues, mais les villes et la périphérie : un enfant qui naît dans nos campagnes a 25 % de chances en moins qu’un enfant des quartiers de connaître une ascension sociale. Troisièmement, la première variable de développement dans tous les territoires, c’est l’emploi. Il faut donc, sans attendre, favoriser la création d’emplois, par tous les moyens, dans notre ruralité.

La commission rejette l’amendement I-CF49.

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Article 5
Suppression de la taxe dhabitation sur les résidences principales
et réforme du financement des collectivités territoriales

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article prévoit la suppression intégrale de la taxe d’habitation (TH) pour la résidence principale de tous les contribuables à l’horizon 2023, et la mise en place d’un nouveau schéma de financement pour les collectivités territoriales dès 2021.

En premier lieu, le présent article supprime totalement et définitivement la TH sur les résidences principales :

– en 2020, le dégrèvement, sous conditions de ressources, de TH sur les résidences principales dont bénéficient 80 % des foyers est adapté afin que les contribuables concernés ne paient plus aucune cotisation de TH sur leur résidence principale, même si les collectivités territoriales ont augmenté leur taux d’imposition entre 2017 et 2019 ;

– en 2021 et 2022, pour les 20 % des contribuables qui demeurent assujettis à la TH sur leur résidence principale, le présent article met en place une exonération progressive de 30 % en 2021 et de 65 % en 2022 ;

– en 2023, plus aucun foyer ne paiera de TH sur sa résidence principale.

En second lieu, le présent article transfère à l’État, à compter de 2021, le produit de la TH sur les résidences principales. Corrélativement, il met en place à compter de cette même année un nouveau schéma de financement des collectivités territoriales afin de compenser, pour ces dernières, le coût de la suppression définitive de la TH sur les résidences principales.

Cette réforme comporte plusieurs volets :

– le transfert de la part départementale de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) aux communes. Ce transfert permet de compenser en grande partie pour les communes la suppression de la TH sur les résidences principales et de renforcer la spécialisation de la TFPB en supprimant un échelon de collectivité bénéficiaire. Toutes les communes devant être compensées à l’euro près et dès lors que le montant de TFPB départementale redescendu ne couvre pas la totalité du montant de TH supprimé, un abondement d’une part des frais de gestion perçus par l’État est prévu ;

– l’instauration d’un mécanisme de coefficient correcteur destiné à neutraliser les écarts de compensation pour les communes du fait du transfert de la part départementale de la TFPB. La différence entre la perte du produit de la TH sur les résidences principales et le produit supplémentaire résultant du transfert de la part départementale de TFPB est, pour chaque commune, calculée sur la base de la situation constatée en 2020. Toutefois, les taux de TH pris en compte sont ceux appliqués en 2017 ;

– la mise en œuvre de mesures de compensation pour les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre et les départements. Il est procédé à l’affectation d’une fraction de TVA aux EPCI à fiscalité propre, aux départements et à la Ville de Paris. Cette fraction de TVA compense, d’une part, la suppression de la TH sur les résidences principales pour les EPCI et la Ville de Paris et, d’autre part, le transfert de la TFPB pour les départements ;

– par le biais d’une dotation budgétaire de l’État, d’une part, la compensation aux régions de la perte des frais de gestion liés à la TH perçus par ces collectivités depuis 2014 et, d’autre part, la compensation aux établissements publics fonciers (EPF) de la perte du produit de la taxe spéciale d’équipement (TSE) réparti, en 2020, entre les personnes assujetties à TH sur les résidences principales ;

– l’adaptation des règles de lien et de plafonnement des taux des impositions directes locales en remplaçant la TH par la TFPB comme imposition pivot ;

– l’adaptation des dispositifs de compensation des exonérations de fiscalité locale ;

– la mise à la charge des communes et des EPCI du produit supplémentaire de TH issu de la hausse des taux entre 2017 et 2019 et qu’ils ont exceptionnellement perçu en 2020 par le biais du dégrèvement de TH sur les résidences principales (ce dernier étant transformé en exonération à compter de 2021).

Enfin, le présent article prévoit le gel, à compter de 2020, des taux et des abattements de TH. De la même manière, les valeurs locatives retenues pour l’établissement de la TH sur les résidences principales ne sont pas revalorisées.

Dernières modifications législatives intervenues

La loi de finances pour 2016 a instauré un dispositif de sortie en sifflet des exonérations de TH, avec le maintien de l’exonération pendant deux années, le paiement du tiers de l’imposition en année n + 3 et des deux tiers en année n + 4. Il a également instauré une clause de maintien des droits acquis pour les personnes qui auraient perdu le bénéfice d’exonérations de fiscalité locale du fait de mesures fiscales ayant rehaussé leur revenu fiscal de référence à compter de 2014.

La loi de finances pour 2018 a institué un dégrèvement progressif de 2018 à 2020 qui s’applique à la cotisation de TH afférente à l’habitation principale pour 80 % des foyers contribuables (dégrèvement de 30 % en 2018, 65 % en 2019 et 100 % en 2020). Le coût du dégrèvement est supporté par l’État sur la base des taux appliqués en 2017 par les collectivités territoriales.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté plusieurs amendements :

– elle procède au dégel des valeurs locatives retenues pour l’établissement de la TH sur les résidences principales en 2020, en indexant les valeurs locatives sur l’indice des prix à la consommation, soit 0,9 % en septembre 2019 ;

– elle aligne la fiscalité applicable en zone tendue entre les logements vacants et les résidences secondaires, en créant un taux additionnel à la taxe sur les logements vacants dont le produit est affecté aux communes ;

– enfin, elle précise le contenu et la date de remise du rapport gouvernemental d’évaluation du dispositif de correction des écarts de compensation.

Le dégrèvement de taxe d’habitation (TH) pour 80 % des contribuables constitue un engagement pris par le Président de la République lors de la campagne présidentielle afin de favoriser le pouvoir d’achat des classes moyennes et de mettre fin à des inégalités qui s’étaient cristallisées et amplifiées, en raison du défaut d’actualisation depuis les années 1970 des valeurs locatives cadastrales des locaux d’habitation sur lesquelles est assise cette taxe. Cette réforme est mise en œuvre depuis le 1er janvier 2018, sous la forme d’un dégrèvement graduel qui sera achevé en 2020.

L’annonce de la suppression intégrale de la TH par le Président de la République, au congrès des maires du 23 novembre 2017 ([96]), constitue un défi politique, financier et technique d’envergure. Elle permet également de prendre en compte la décision du 28 décembre 2017 par laquelle le Conseil constitutionnel s’est réservé la possibilité d’examiner de nouveau la constitutionnalité du dégrèvement voté en loi de finances pour 2018 « en fonction notamment de la façon dont sera traitée la situation des contribuables restant assujettis à la taxe dhabitation dans le cadre dune réforme annoncée de la fiscalité locale » ([97]).

Dans ce cadre, le présent article propose la suppression progressive et intégrale de la TH sur les résidences principales pour l’ensemble des contribuables en 2023 (l’année 2022 étant la dernière année d’acquittement d’une fraction de la TH pour 20 % des contribuables). La suppression de cette imposition directe locale, affectée au financement du bloc communal, impose également une refonte du schéma de financement des collectivités territoriales et la mise en place d’une compensation à l’euro près. Elle rend aussi nécessaires plusieurs mesures complémentaires, notamment concernant l’avenir des taxes additionnelles à la TH ainsi que des règles de lien et de plafonnement des taux.

Le présent commentaire s’attache, dans un premier temps, à décrire les modalités de mise en œuvre de la suppression définitive de la TH pour l’ensemble des contribuables, puis dans un second temps, à dépeindre les mécanismes de compensation financière de la suppression de la TH sur les résidences principales, ainsi que les mesures complémentaires de fiscalité locale rendues nécessaires par cette suppression.


LA SUPPRESSION DE LA TAXE DHABITATION SUR LES RÉSIDENCES PRINCIPALES

I.   L’État du droit

L’état du droit s’agissant de la taxe d’habitation (TH), notamment détaillé dans le rapport établi dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018 ([98]) et dans le rapport sur l’application des mesures fiscales de 2018 ([99]), ne sera ici que brièvement rappelé.

A.   La taxe d’habitation et les taxes additionnelles À la taxe d’habitation

La TH est l’une des principales impositions locales affectées au bloc communal. C’est d’ailleurs le conseil municipal et le conseil communautaire qui votent chaque année le taux de TH applicable sur son territoire. La TH est due par toute personne qui a, au 1er janvier de l’année d’imposition et à quelque titre que ce soit, la disposition ou la jouissance d’un local meublé. Elle est calculée sur la valeur locative du local, non révisée depuis les années 1970.

Par ailleurs, plusieurs impositions additionnelles sont adossées à la TH, par application de taux additionnels, en particulier les taxes spéciales d’équipement (TSE) et la taxe pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (GEMAPI). Enfin, les avis d’imposition de TH sont utilisés comme moyen de recouvrement de la contribution à l’audiovisuel public (CAP). La suppression de la TH sur les résidences principales pose la question de l’avenir de ces impositions annexes.

1.   Une imposition assortie de plusieurs exonérations et mécanismes de dégrèvement

a.   Le champ des redevables

● Due au 1er janvier de l’année d’imposition par l’occupant d’un immeuble affecté à l’habitation, comme résidence principale ou secondaire, quelle que soit sa qualité (propriétaire ou locataire) ([100]), la TH est associée à plusieurs régimes d’exonérations et fait l’objet de plusieurs dispositifs d’abattements et de plafonnements.

L’assujettissement à la TH dépend au préalable des locaux concernés, certains bénéficiant d’exonérations, en application de l’article 1408 du code général des impôts (CGI).

les locaux soumis À la taxe d’habitation

 

Locaux soumis à la TH
(article 1407 du CGI)

Locaux exonérés de TH
(article 1408 du CGI)

– immeubles affectés à l’usage d’habitation, à titre principal ou secondaire

– locaux meublés conformément à leur destination et occupés à titre privatif par les sociétés, associations et organismes privés qui ne sont pas retenus pour l’établissement de la cotisation foncière des entreprises

– locaux meublés sans caractère industriel ou commercial occupés par les organismes de l’État, des départements et des communes, ainsi que par des établissements publics

– établissements publics scientifiques, d’enseignement et d’assistance

– Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et centres de gestion de la fonction publique territoriale

– résidence officielle des ambassadeurs et agents diplomatiques de nationalité étrangère, dans la mesure où les pays qu’ils représentent concèdent des avantages analogues aux ambassadeurs et agents diplomatiques français

– locaux classés meublés de tourisme et chambres d’hôtes, sur décision des communes dans les zones de revitalisation rurale (ZRR) (facultatif)

● Par ailleurs, certains contribuables sont, par principe, exonérés du paiement de la TH. De manière générale, les dispositifs d’exonération de TH sont orientés vers les ménages aux revenus modestes et vers les personnes âgées. Le tableau ci-dessous rappelle les principales exonérations de droit commun ainsi que le nombre de personnes concernées et le montant total des exonérations en 2018.

ExonÉrations de droit commun
de taxe d’habitation

 

Exonérations de droit commun
pour certains contribuables

Nombre de personnes concernées en 2018

Montant total exonéré en 2018

(en millions deuros)

 titulaires de lallocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) dont les revenus nexcèdent pas 803 euros par mois pour une personne seule et 1 247 euros par mois pour un couple

 titulaires de lallocation supplémentaire dinvalidité (ASI) dont les revenus nexcèdent pas 704,80 euros par mois pour une personne seule et 1 234,50 euros par mois pour un couple

(1° du I de larticle 1414 CGI)

26 040

13,9

 contribuables âgés de plus de soixante ans et veuves ou veufs, quel que soit leur âge, sous conditions de ressources (I de larticle 1417) et sils ne sont pas passibles de l’impôt sur la fortune immobilière au titre de l’année précédant celle de l’imposition à la taxe d’habitation (Article 1413 bis du CGI.) ; exonération applicable également s’ils occupent leur habitation avec leurs enfants majeurs et que ceux-ci sont inscrits comme demandeurs d’emploi et disposent de ressources inférieures ou égales aux montants fixés au IV de l’article 1414 du CGI

(2° du I et IV de larticle 1414 CGI)

2 405 699

1 495,5

 contribuables atteints dune infirmité ou dune invalidité les empêchant de subvenir par leur travail aux nécessités de lexistence, sous conditions de ressources (I de larticle 1417).

(3° du I de larticle 1414 CGI)

93 135

56,4

 titulaires de lallocation aux adultes handicapés (AAH), sous conditions de ressources (I de larticle 1417).

(1 bis du I de larticle 1414 CGI)

567 959

305,3

Total

3 092 833

1 871,1

Source : direction générale des finances publiques (DGFiP).

En outre, certains contribuables bénéficient de mesures spécifiques introduites en loi de finances pour 2016 ([101]) afin de limiter les effets défavorables de la fiscalisation des majorations de retraites ou de pensions pour charges de famille ainsi que de la suppression de la demi-part dite « vieux parents », mesures toutes deux effectives en 2014 ([102]). Ainsi, deux dispositifs visant à limiter l’entrée dans l’imposition de certains ménages coexistent :

– la clause dite de « grand-père » ou de maintien des droits acquis qui pérennise les exonérations d’imposition locale et de contribution à l’audiovisuel public (CAP) dont ont bénéficié, en 2014, les personnes concernées par l’article 28 de la première loi de finances rectificative pour 2014 ([103]). Il s’agit de redevables de plus de soixante ans, ou veufs ou veuves ;

– le mécanisme de sortie « en sifflet » qui permet notamment aux contribuables ayant perdu le bénéfice de l’exonération de TH prévue à l’article 1414 du CGI, et qui ne peuvent pas prétendre à la clause de « grand-père », de conserver, pendant deux ans, le bénéfice de cette exonération – associée au dégrèvement de CAP – et de s’acquitter ensuite progressivement d’une partie croissante de leur TH. À l’issue de la deuxième année, ils bénéficient, pour le calcul de leur TH, d’un abattement des deux tiers de leur valeur locative puis d’un abattement d’un tiers la quatrième année.

b.   Les mécanismes d’allégement

Plusieurs dispositifs minorent la charge incombant aux redevables au titre de la TH. Ceux-ci peuvent ainsi bénéficier d’abattements obligatoires ou facultatifs ainsi que du mécanisme de plafonnement qui allège, voire annule, le montant de la TH.

● Le tableau ci-dessous indique, de manière simplifiée, les principaux abattements existants en matière de TH.

Abattements obligatoires et facultatifs
de la taxe d’habitation

Abattements obligatoires

Abattements facultatifs décidés par les collectivités locales

– abattement pour charge de famille fixé à 10 % de la valeur locative moyenne des habitations de la commune pour chacune des deux premières personnes à charge (à titre exclusif ou principal) et à 15 % pour chacune des suivantes

– abattement général à la base (en % dans le respect d’un plafond de 15 %)

– abattement en faveur des personnes aux revenus modestes (en % dans le respect d’un plafond de 15 %)

– abattement en faveur des personnes handicapées ou invalides (entre 10 et 20 points de la valeur locative moyenne)

● Codifié à l’article 1414 A du CGI, le mécanisme du plafonnement, dont les caractéristiques ont été modifiées en 2007 à l’occasion de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat ([104]), bénéficie, sous conditions de ressources, à certains contribuables dont la cotisation de TH est alors minorée, voire portée à zéro.

Le mécanisme consiste, pour les contribuables qui y sont éligibles, en un dégrèvement d’office de la TH afférente à leur habitation principale pour la fraction de leur cotisation de TH qui excède 3,44 % de leur revenu ([105]), diminué d’un abattement dont le montant est précisé dans le tableau ci-dessous.

Ce dispositif s’applique aux contribuables qui ne bénéficient pas des exonérations ou dégrèvements de l’article 1414 du CGI et, à la différence de certaines exonérations, ne repose que sur des critères de revenus. Aucune condition d’âge, par exemple, n’est retenue.

Concrètement, le plafonnement prend la forme d’un dégrèvement dont le montant est égal à la cotisation de TH diminuée de la valeur du plafond.

Les contribuables concernés par le dispositif sont ceux dont le RFR n’excède pas les limites prévues au II de l’article 1417 du CGI. Le plafonnement dépend du revenu du contribuable et ne peut excéder les limites figurant dans le tableau suivant.

PLAFOND DE REVENUS POUR bÉNÉficier du PLAFONNEMENT
DE TAXE D’HABITATION EN 2019 et EN MÉTROPOLE

(en euros)

Nombre de parts

1

1,5

2

2,5

3

½ part supplémentaire

RFR plafond

25 839

31 876

36 628

41 380

46 132

+ 4 752

Abattement à imputer sur le RFR

5 604

7 226

8 848

10 470

12 092

+ 2 866

Plafond de cotisation = (RFR-abattement) × 3,44 %

696

848

956

1 063

1 171

Note de lecture : pour un RFR de 25 839 euros pour une part, la cotisation est au maximum de 696 euros.
À titre d’exemple, un montant de 25 839 euros de RFR pour une part correspond à 2 392,5 euros de salaire mensuel.

À titre d’illustration, en 2017, 1,2 million de foyers voyaient leur cotisation de TH annulée par le plafonnement et 7,5 millions de foyers bénéficiaient, au titre du plafonnement, d’une minoration du montant de leur cotisation. Ainsi, 30 % des foyers TH étaient-ils concernés par le mécanisme de plafonnement.

2.   Les principales impositions associées à la taxe d’habitation

a.   Les taxes spéciales d’équipement (TSE) et la taxe pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (GEMAPI)

Les taxes spéciales d’équipement (TSE) et la taxe pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (GEMAPI) sont, le cas échéant, dues par le redevable. Leurs montants sont déterminés notamment par application de taux additionnels à la TH. Les règles relatives aux modalités de calcul et à la répartition de chacune de ces deux taxes additionnelles font l’objet infra de développements particuliers dans la partie relative à la réforme du financement des collectivités territoriales du présent commentaire (aux i et ii du a du 2 du B du I de la partie La réforme du financement des collectivités territoriales).

● Prévues aux articles 1607 bis à 1609 G du CGI, les TSE sont perçues au profit d’établissements publics fonciers (EPF), locaux ou d’État, d’établissements publics particuliers et de l’établissement public Société du Grand Paris. Elles sont dues par les personnes assujetties à la TH dans les communes situées dans le ressort géographique de l’établissement affectataire.

● En matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (GEMAPI), la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM) ([106]) a substitué à la redevance pour service rendu qui préexistait une taxe facultative additionnelle aux impositions locales, instituée sur délibération des communes ou EPCI exerçant la compétence GEMAPI.

La suppression intégrale de la TH en 2023 pose plusieurs questions quant à l’avenir de ces deux taxes additionnelles, en particulier, s’agissant de la répartition de la charge fiscale de ces taxes additionnelles entre les différentes impositions supports constituées de la TH, de la CFE et des taxes foncières. Ce sujet est évoqué dans la seconde partie du présent commentaire dédiée à la réforme du financement des collectivités territoriales.

b.   La contribution à l’audiovisuel public (CAP)

Fixé à l’article 1605 du CGI, le régime de la CAP applicable aux particuliers se distingue de celui applicable aux personnes physiques à titre professionnel et aux personnes morales. Pour les particuliers, la CAP est due au titre de la détention, au 1er janvier, d’un appareil récepteur de télévision ou un dispositif assimilé permettant la réception de la télévision pour l’usage privatif du foyer au sein de l’habitation pour laquelle la TH est due.

Le tarif associé à cette contribution évolue chaque année selon les dispositions prévues par la loi de finances, qui peut ainsi remettre en cause son indexation sur l’indice des prix à la consommation hors tabac inscrite à l’article 1605 du CGI. Le montant de la CAP s’établit pour les particuliers, pour 2019, à 139 euros en métropole et 89 euros dans les départements et régions d’outre-mer.

Créé par la loi de finances pour 2005 ([107]), l’article 1605 bis du CGI précise les cas dans lesquels les particuliers qui sont redevables de la CAP bénéficient d’un dégrèvement. Procédant par renvoi aux dispositions relatives aux exonérations et dégrèvements de la TH, le CGI aligne ainsi les allégements de la CAP sur ceux de la TH.

À l’instar des TSE et de la GEMAPI, la CAP est liée à la TH puisque son recouvrement se fait concomitamment à celui de la TH.

B.   La taxe d’habitation est une imposition injuste appelÉe À disparaÎtre À l’horizon 2023

1.   Une imposition obsolète à l’origine d’importantes inégalités territoriales entre contribuables

L’assiette de la TH est définie par l’article 1409 du CGI. Il s’agit de la valeur locative des habitations et de leurs dépendances, c’est-à-dire la valeur locative cadastrale (c’est-à-dire le niveau de loyer annuel potentiel que la propriété concernée produirait si elle était louée), calculée à partir des conditions du marché locatif au 1er janvier 1970.

Cette valeur locative ne fait plus l’objet de révision depuis 1970, mais seulement d’une revalorisation forfaitaire annuelle, votée en loi de finances. Indexée sur l’inflation, prévisionnelle ou constatée, cette revalorisation est inférieure à l’évolution des loyers – situation particulièrement favorable aux logements anciens de centre-ville.

La valeur locative et la TH qui lui est associée ont donc un lien distendu, sinon inexistant, avec le loyer réel, qu’il soit libre ou réglementé, et avec le revenu de l’occupant. Elles varient très fortement selon les régions, pour des raisons qui peuvent tenir au caractère désuet des valeurs cadastrales, comme aux caractéristiques des logements, leur taille par exemple.

Ainsi, la TH est-elle un impôt injuste, qui ne tient pas compte de façon effective et actualisée de la réalité des logements au titre desquels elle est due. La prise en compte des capacités contributives des redevables relève de dispositifs complexes, dont l’ampleur est la preuve que le régime de la TH est en lui-même inéquitable.

2.   Une suppression progressive pour l’ensemble des ménages à l’horizon 2023

Mesure annoncée dans le cadre de la campagne électorale de 2017, la suppression de la TH pour 80 % des foyers s’analyse notamment comme une mesure favorable au pouvoir d’achat qui concernera, à horizon 2023, l’ensemble des redevables.

● Instauré par l’article 5 de la loi de finances pour 2018 ([108]), le dégrèvement intégral de la TH au titre de l’habitation principale vise à exonérer progressivement de 2018 à 2020 du paiement de la TH près de 80 % des foyers. Applicable sous conditions de ressources et déclinée en trois étapes, la mise en place de cette mesure prévoit ainsi un dégrèvement de 30 % en 2018, de 65 % en 2019 et de 100 % en 2020. Ce dégrèvement, dit « Macron », s’ajoute aux différents mécanismes d’exonération et d’abattement existants et a vocation à dispenser, en 2020 environ 80 % des contribuables du paiement de la TH.

● La constitutionnalité d’un dispositif aboutissant à maintenir une imposition ne reposant plus que sur 20 % des foyers, notamment soulevée par certains députés et certains sénateurs dans leur saisine respective du Conseil constitutionnel au titre de la loi de finances pour 2018, a donné lieu à une décision ayant fait l’objet de nombreux commentaires.

Si le Conseil constitutionnel a, en l’espèce, écarté le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant les charges publiques, il a toutefois pris soin « de préciser que cette appréciation ne préjudiciait pas à la possibilité, quà lavenir, il puisse porter une autre appréciation sur ce point, compte tenu de la façon dont sera traitée la situation des contribuables restant assujettis à la taxe dhabitation dans le cadre dune réforme annoncée de la fiscalité locale » ([109]).

Compte tenu de cette incertitude juridique pesant sur l’avenir et, en tout état de cause, dans la perspective d’une réforme globale de la fiscalité locale, le Gouvernement a annoncé, au mois d’avril 2019 ([110]), la suppression définitive et intégrale de la TH sur les résidences principales d’ici 2023. Cette suppression avait été préalablement annoncée par le Président de la République lors du congrès des maires du 23 novembre 2017.

II.   Le dispositif proposÉ

Le présent article propose de supprimer totalement et définitivement la TH sur les résidences principales. Il comporte également de nombreuses mesures de coordination dont, le caractère purement formel n’appelle, compte tenu de leur absence d’impact sur le droit en vigueur ou à venir, pas de commentaire particulier.

A.   La suppression dÉfinitive et intÉgrale de la taxe d’habitation affÉrente à l’habitation principale

1.   La nécessité de garantir une cotisation nulle de taxe d’habitation en 2020 pour les 80 % des foyers concernés par le dégrèvement de 2018

Le présent article propose, pour 2020, d’adapter le dégrèvement de TH sur les résidences principales dont bénéficient 80 % des foyers afin que les contribuables concernés ne paient plus aucune cotisation de TH sur leur résidence principale, même si les collectivités ont augmenté leur taux d’imposition entre 2017 et 2019.

a.   La modification des modalités de détermination du montant du dégrèvement pour 2020 et le gel des taux au niveau de 2019

● Le 1.1.2.1.1 du présent article modifie le 2 du I de l’article 1414 C du CGI relatif au dégrèvement dit « Macron », mis en place par l’article 5 de la loi de finances pour 2018. Il prévoit ainsi que le dégrèvement dont bénéficieront, en 2020, les contribuables respectant les conditions de ressources définies au 1 du II bis de l’article 1417 du CGI sera égal « à la somme de la cotisation de taxe dhabitation de lannée dimposition ainsi que des cotisations de taxes spéciales déquipement et de taxe pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations additionnelles à cette taxe dhabitation ».

Ces modifications ont vocation à garantir qu’aucun des contribuables se trouvant dans le champ d’application du dégrèvement ne soit conduit à s’acquitter d’une cotisation de TH non nulle, sous les effets éventuellement combinés d’une hausse des taux votés depuis 2017 par la collectivité territoriale dans laquelle se trouve leur résidence principale ou parce que les taux additionnels associés à la TH (TSE, GEMAPI) ne seraient pas nuls.

● À cet égard, il convient de souligner que la loi de finances pour 2018 a défini les conditions de calcul du dégrèvement appliqué depuis 2018. L’article 1414 C dispose que le dégrèvement est déterminé sur la base des taux et des abattements de 2017. Ces dispositions avaient vocation, selon l’évaluation préalable du présent article, à « responsabiliser les collectivités sur leurs choix […] les hausses dimpôts résultant des politiques de taux ou dabattement des collectivités postérieurement à 2017 [étant] mises à la charge des foyers ». Les hausses des taux éventuellement constatées entre 2017 et 2019 n’ont donc pas vocation à être compensées par l’État par le biais du dégrèvement.

Dans ce cadre, le 1.1.2.1.2 du présent article supprime l’année de référence pour le calcul du dégrèvement (pour rappel 2017). Ainsi, en 2020, le montant du dégrèvement sera égal à la somme des cotisations de TH, de TSE et de taxe pour la GEMAPI, calculées à partir des bases 2020 ainsi que des taux de TH et des taux additionnels appliqués en 2020.

Par ailleurs, le 1.6.1 du présent article dispose que, pour les impositions établies au titre de l’année 2020 et de manière dérogatoire, « les taux et les montants dabattements de TH sont égaux à ceux appliqués en 2019 » et que les valeurs locatives retenues pour l’établissement de la TH sur les résidences principales ne sont pas revalorisées en 2020.

Pour les contribuables, ces deux mesures (modification de la date de référence de calcul du dégrèvement et gel des taux et des valeurs locatives appliqués) permettent, d’une part, un dégrèvement intégral et donc une cotisation nulle pour les 80 % des foyers dégrevés sur leur résidence principale et, d’autre part, d’éviter une hausse de la fiscalité sur les 20 % des foyers encore soumis à la TH sur leur résidence principale. Pour les collectivités territoriales, les conséquences financières de ces deux mesures font l’objet de développements particuliers dans la partie relative à la réforme du financement des collectivités territoriales du présent commentaire.

b.   La réalisation de plusieurs mesures de coordination et de conséquence

● Tirant notamment les conséquences de la mise en œuvre complète, en 2020, de la dernière étape du dégrèvement instauré par l’article 5 de la loi de finances pour 2018, le 1.1.1 du présent article procède à la revalorisation des seuils de revenus, actuellement fixés à l’article 1414 A du CGI relatif au dispositif de plafonnement du montant de la cotisation de TH.

La suppression de la TH pour 80 % des foyers en 2020 rend, par construction, inutiles les dispositions relatives au plafonnement, sous conditions de ressources, du montant de la cotisation de TH prévu à l’article 1414 A du CGI. Afin de tenir compte de la suppression, à compter du 1er janvier 2020, de l’article 1414 A du CGI, la loi de finances pour 2018 ([111]) a prévu d’intégrer les plafonds de revenus directement au IV de l’article 1414, mettant ainsi fin au renvoi par ce dernier à l’article 1414 A du CGI. En effet, le IV de l’article 1414, relatif à l’exonération de TH pour les personnes âgées ayant à leur charge un ou plusieurs enfants majeurs, est toujours applicable en 2020 pour certains foyers du fait d’un décalage d’un an dans la prise en compte des ressources des personnes à charge. Il est donc nécessaire de maintenir les plafonds anciennement codifiés à l’article 1414 A pour ce dispositif spécifique.

Ces plafonds sont revalorisés chaque année comme la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu. Le 1.1.1 du présent article procède, par conséquent, à cette revalorisation et augmente l’ensemble des seuils de + 3,6 % (soit la revalorisation 2019 et 2020).

● Il convient de souligner que les plafonds de revenu fiscal de référence (RFR) spécifiques pour les personnes résidant à Mayotte sont maintenus et ont, par ailleurs, vocation à l’être jusqu’en 2023. Pour mémoire, la loi de finances rectificative pour 2016 ([112]) a majoré les plafonds de RFR applicables à Mayotte pour apprécier l’éligibilité des contribuables aux différents mécanismes d’allégement existant en matière de fiscalité locale. Ces dispositions plus favorables pour le territoire avaient vocation à s’appliquer au titre des impositions dues au titre des années 2017 à 2019. Le 1.10 du présent article proroge l’application de ces dispositions en portant leur terme aux impositions dues au titre de 2022.

● Enfin, le rapport sur la mise en œuvre progressive du dégrèvement de TH devant être, conformément au IV de l’article 5 de la loi de finances pour 2018, remis chaque année au Parlement avant le 1er octobre, est supprimé par le 1.5.7 du présent article, sa pertinence n’étant, compte tenu de la poursuite de la suppression de la TH, plus avérée.

2.   La mise en œuvre de la suppression intégrale de la taxe d’habitation à l’horizon 2023

Le présent article met en place, entre 2021 et 2022, pour les 20 % des contribuables qui demeurent assujettis à la TH, une exonération progressive de la TH sur les résidences principales de 30 % en 2021 et de 65 % en 2022. En 2023, plus aucun foyer ne paiera de TH sur sa résidence principale. Cette suppression intégrale de la TH afférente à l’habitation principale emporte par ailleurs des conséquences importantes pour le financement des collectivités territoriales qui en perçoivent le produit et doivent être compensées. Ces conséquences font l’objet de développements particuliers dans la partie relative à la réforme du financement des collectivités territoriales du présent commentaire.

a.   L’exonération progressive de taxe d’habitation pour 100 % des foyers

● En premier lieu, le présent article met en œuvre, de manière progressive, une exonération de la TH pour l’ensemble des redevables, en reproduisant, pour les 20 % des foyers aujourd’hui non concernés, la démarche retenue pour le dégrèvement instauré, en loi de finances pour 2018, au bénéfice de 80 % des foyers les plus modestes pour la période de 2018 à 2020.

Par ailleurs, le présent article transforme ce dégrèvement de 2018 en une exonération. Comme le souligne l’évaluation préalable du présent article, le maintien (pour les 80 % des foyers) et la généralisation (pour les 20 % des foyers) du dégrèvement risqueraient de nuire « tant à la rationalité de la mesure quà sa lisibilité » ([113]). Cela conduirait à maintenir virtuellement une imposition entièrement prise en charge par l’État et, par exemple, à adresser aux contribuables qui ne sont plus redevables de la TH un avis d’imposition indiquant le montant du dégrèvement intégral dont ils bénéficient.

Conformément au 1.2.1.4 du présent article, le dégrèvement codifié à l’article 1414 C du CGI devient ainsi, à compter de 2021, une exonération. Le présent article conserve en outre le principe comme les caractéristiques du mécanisme de lissage mis en place en 2018, pour les contribuables dont le RFR se situe entre 27 432 et 28 448 euros par part (montants figurant à l’article 1417 du CGI dans sa version applicable jusqu’au 1er janvier 2020).

Seuils de RFR conditionnant l’ÉLIGIBILITÉ aux dispositifs spÉcifiques
visant à supprimer progressiVement la th (article 1414 C du cgi)
pour 80 % des mÉnages

Type de seuils

Seuils applicables pour le dégrèvement de 2018

Seuils applicables pour lexonération du présent article

Personne seule

(1 part)

Couple

(2 parts)

Personne seule

(1 part)

Couple

(2 parts)

Plafond de RFR conditionnant le bénéfice de l’allégement de TH

27 000 euros

43 000 euros

27 432 euros

43 688 euros

Allégement de TH portant sur la cotisation de TH

30 % en 2018
65 % en 2019
100 % en 2021

30 % en 2021
65 % en 2022
100 % en 2023

Plafond de RFR pour bénéficier du mécanisme de lissage

28 000 euros

45 000 euros

28 448 euros

45 720 euros

Allégement de TH portant sur la cotisation de TH, après application du dispositif de lissage

Pour calculer le dégrèvement, on applique à la cotisation de TH la formule suivante :

(plafond du seuil de lissage – RFR) / (plafond du seuil de lissage – plafond du seuil de RFR) * % du dégrèvement

Pour calculer l’exonération, on applique à la cotisation de TH la formule suivante :

(plafond du seuil de lissage – RFR) / (plafond du seuil de lissage – plafond du seuil de RFR) * % du dégrèvement

Source : commission des finances.

Le 1.2.2 du présent article complète également l’article 1414 C d’un III qui met en place l’exonération progressive de TH pour les 20 % de foyers exclus du dégrèvement de l’article 5 de la loi de finances pour 2018. Le présent article prévoit que les contribuables concernés bénéficient, le cas échéant, après application du mécanisme de lissage :

– en 2021, d’une exonération de TH de 30 % (au 1.2.2.1) ;

– en 2022, d’une exonération de TH de 65 %. (au 1.2.2.2).

mise en œuvre de l’exonÉration introduite par le prÉsent article
en fonction du niveau de rfr des contribuables

Dispositions applicables en 2020

Exonération totale (100 %)

Mécanisme de lissage

Exonération progressive

Niveau de RFR pour 1 part

(en euros)

RFR ≤ 27 432

27 432 < RFR ≤ 28 484 

28 484 < RFR

Niveau de RFR pour 2 parts

(en euros)

RFR ≤ 43 688

43 688 < RFR ≤ 45 720 

45 720 < RFR

Cotisation de TH en 2021

0 euro

Exonération de 30 % (1)

Exonération de 30 %

Cotisation de TH en 2022

Exonération de 65 % (1)

Exonération de 65 % 

Cotisation de TH en 2023

0 euro

0 euro

(1) L’exonération porte sur le montant de la cotisation de TH calculé après application du mécanisme de lissage.

Source : commission des finances.

● En second lieu, le 1.8.1 de présent article prévoit d’affecter à l’État le produit de la TH acquitté au titre de leur résidence principale par les contribuables. Cette nationalisation exceptionnelle du produit d’une imposition locale est mise en place pour les impositions établies au titre des années 2021 et 2022. Les 1.8.3 et 1.8.4 du présent article prévoient, en outre, la poursuite du gel des taux de TH pour les années 2021 et 2022. Les conséquences financières de ces gels pour les collectivités territoriales font l’objet de développements particuliers dans la partie dédiée à la réforme du financement des collectivités territoriales du présent commentaire.

b.   La réalisation de plusieurs mesures de coordination et de conséquence

Parmi les différentes dispositions dont l’application est prévue à compter de 2021, plusieurs éléments peuvent être relevés.

● En premier lieu, le 1.2.1.2 du présent article supprime l’ensemble des exonérations catégorielles de TH, celles-ci devenant, par définition, caduques puisque les redevables qui en bénéficiaient seront, depuis 2020, dispensés du paiement de leur cotisation de TH sur leur résidence principale. À titre d’illustration, les exonérations prévues aux articles I et I bis de l’article 1414 du CGI sont abrogées (1.2.1.2.1 du présent article) et les références qui y sont faites dans d’autres articles du code sont supprimées (par exemple 1.2.1.1, 1.2.1.4.1.1.1 et 1.2.1.5). Le mécanisme de « sortie en sifflet » est ainsi supprimé, et par conséquent, l’ensemble des redevables de TH dont les revenus les placent dans la situation des 20 % de foyers demeurant assujettis à la TH en 2020 bénéficieront tous, dans les mêmes conditions, du dégrèvement introduit par le présent article.

Les références aux abattements dont étaient susceptibles de bénéficier, avant 2020, certains contribuables sont également supprimées par le 1.2.1.3. Une exception est toutefois à mentionner s’agissant du dégrèvement en faveur des personnes âgées ou veuves, de condition modeste, qui cohabitent avec leurs enfants majeurs demandeurs d’emploi également de condition modeste (1.2.1.2.3). Le maintien de ce dégrèvement répond à des considérations pratiques liées au décalage temporel qui existe pour la prise en compte des revenus de l’enfant majeur.

● En second lieu, les dégrèvements de CAP dont bénéficient certains contribuables sont maintenus par le 1.2.3.2.3 du présent article. Ce dernier procède, à droit quasi constant (à l’exception notamment du mécanisme de « sortie en sifflet » précité), à une réécriture de l’article 1605 bis pour tenir compte de la suppression des articles relatifs aux dispositifs d’exonération et de dégrèvement de TH auxquels il renvoyait pour préciser les cas de dégrèvements de CAP qui s’appliqueront désormais.

3.   Les dispositions tirant les conséquences de la suppression intégrale et définitive de la TH en 2023

Outre de nombreuses mesures rédactionnelles de coordination avec les différents codes auxquelles procède le présent article en supprimant les références à la TH sur les résidences principales dans tous les articles où cela est nécessaire, certains dispositifs fiscaux sont aménagés, notamment s’agissant des cas particuliers de résidents et pensionnaires d’établissements de soin de longue durée ou de maisons de retraite.

a.   Les aménagements de certains dispositifs fiscaux particuliers

Les pensionnaires des établissements d’hébergement de soin de longue durée ou de maisons de retraite sont actuellement susceptibles de bénéficier de dégrèvements ou d’exonérations de TH. La suppression intégrale de la TH en 2023 commande, par conséquent, plusieurs aménagements des dispositions existantes.

● L’article 1414 B du CGI dispose que les personnes dont la condition nécessite un hébergement dans un établissement de soin de longue durée et qui conservent par ailleurs la jouissance exclusive de l’habitation qui constituait leur résidence principale, bénéficient d’une exonération ou d’un abattement de la TH afférente à cette habitation, sous réserve qu’ils remplissent les conditions posées à l’article 1414 du CGI.

La loi de finances pour 2018 a complété cet article pour préciser que ces contribuables bénéficient, dans les mêmes conditions et dès lors que leur niveau de revenus les y rend éligibles, du dégrèvement de TH sur les résidences principales (dégrèvement dit « Macron »).

● Par ailleurs, l’article 1414 D du CGI, créé par l’article 6 de la loi de finances pour 2018 ([114]), permet à certains établissements à but non lucratif de demander l’application des différents mécanismes de dégrèvement et d’exonération de TH au titre des dispositifs dont auraient bénéficié leurs résidents s’ils avaient été redevables de la TH au titre du logement qu’ils occupent dans leur établissement.

Les pensionnaires sont redevables de la TH dès lors qu’ils ont la disposition privative de leur logement. Ils peuvent bénéficier d’exonérations ou d’allégements de TH dans les conditions de droit commun. En revanche, lorsqu’ils ne disposent pas de la jouissance privative de leur logement d’hébergement, la TH ne s’applique pas : l’administration considère alors que c’est le gestionnaire qui a la libre disposition du local d’habitation et qui doit s’acquitter de la TH.

La doctrine fiscale a admis qu’un dégrèvement total ou partiel de TH, au titre des articles 1414 ou 1414 A du CGI, puisse être accordé, au profit du gestionnaire, pour les locaux d’hébergement occupés par ceux de leurs pensionnaires qui bénéficieraient d’un dégrèvement ou d’une exonération s’ils étaient personnellement imposés à la TH. L’article 1414 D du CGI a ainsi consacré cette règle et étendu son application au dégrèvement prévu à l’article 1414 C du CGI (dégrèvement de TH sur les résidences principales).

L’article 6 de la loi de finances pour 2018 a, en outre, prévu que les gestionnaires des établissements sont tenus de restituer le montant du dégrèvement ou de l’exonération à leurs résidents, soit sous la forme d’une réduction opérée sur le montant du tarif journalier mis à leur charge en contrepartie des prestations minimales d’hébergement, soit sous forme d’une restitution intégrale.

Le présent article maintient ces deux dispositifs en 2023, prévoyant, compte tenu de la suppression de la TH sur les résidences principales à cette date, que l’exonération portera désormais sur « la TH sur les résidences secondaires et autres locaux meublés non affectés à lhabitation principale pour les logements occupés à titre dhabitation principale par leurs résidents au 1er janvier de lannée dimposition » (aux 1.3.8.1 et 1.3.6 du présent article).

En effet, dans la mesure où la TH sur les résidences principales est supprimée en 2023 ainsi que le dégrèvement associé, les gestionnaires ne bénéficieront plus du dispositif prévu à l’article 1414 D dans la mesure où leurs pensionnaires ne bénéficieront légalement plus d’un dégrèvement de TH sur leur résidence principale (ces dispositions étant supprimées en 2023). Les gestionnaires devront dès lors de nouveau s’acquitter de la nouvelle TH qui s’appliquera aux logements dont les pensionnaires ne disposent pas de la jouissance privative (il ne s’agit pas à proprement parler d’une résidence principale). Pour éviter que les gestionnaires ne refacturent de nouveau une TH à leurs résidents, il est prévu de les exonérer de la nouvelle TH pour les logements occupés à titre d’habitation principale par leurs résidents.

Le 1.3.8.3 du présent article aménage également le régime des obligations déclaratives de l’article 1414 D du CGI puisqu’il appartient désormais au propriétaire d’adresser la demande au service des impôts avant le 1er janvier de l’année d’imposition. Jusqu’à présent, le dégrèvement était accordé à « létablissement sur réclamation présentée dans le délai et dans les formes prévus au livre des procédures fiscales sagissant des impôts directs locaux » (article 1414 D du CGI).

b.   La mise en place de nouvelles obligations déclaratives pour la taxe d’habitation sur les résidences secondaires

Le 1.4 du présent article insère une nouvelle section IV bis dans le chapitre premier du titre premier de la deuxième partie du livre premier du CGI consacrée aux « Dispositions communes à la taxe dhabitation sur les résidences secondaires et autres locaux meublés non affectés à lhabitation principale et à la taxe annuelle sur les locaux vacants ».

Il est créé un nouvel article 1418 au CGI qui met en place une nouvelle obligation déclarative pour les propriétaires de résidences secondaires. Cette obligation, dont les contours seront précisés par décret, porte sur la possession de locaux affectés à l’habitation et devra être effectuée chaque année, avant le 1er juillet. Les déclarations effectuées par les propriétaires devront préciser si les biens concernés sont occupés par eux-mêmes ou par des tiers et préciser l’identité du ou des occupants des lieux.

Une dispense de déclaration est prévue lorsqu’« aucun changement dans les informations transmises nest intervenu depuis la dernière déclaration ». Cette disposition, qui constitue, un allégement des démarches administratives des contribuables est à mettre en regard de l’article 58 du présent projet de loi de finances relatif à la simplification des obligations déclaratives et des modalités d’établissement des impositions en matière d’impôt sur le revenu.

La déclaration devra être effectuée par voie électronique, lorsque la résidence principale des propriétaires est équipée d’un accès à Internet (II du nouvel article 1418 du CGI).

Les obligations déclaratives sont par ailleurs assorties d’un régime de sanctions, dont la méconnaissance est susceptible d’entraîner, en application d’un nouvel article 1770 terdecies du CGI, une amende de 150 euros par local.

Enfin, les dispositions générales relatives au recouvrement et au contentieux fiscaux qui figurent à l’article 1754 du CGI s’appliqueront également au régime de sanction précité.

B.   L’impact budgÉtaire et Économique

La suppression totale et définitive de la TH sur les résidences principales constitue un allégement massif de la fiscalité pour l’ensemble des foyers et une mesure favorable au pouvoir d’achat des contribuables. L’impact du présent article, qui s’inscrit dans la continuité du dégrèvement mis en œuvre par l’article 5 de la loi de finances pour 2018 pour 80 % des foyers est présenté sur la base des éléments transmis par l’évaluation préalable.

En 2023, la TH afférente à l’habitation principale aura totalement disparu : au total, les foyers qui s’acquittaient d’une TH sur leur habitation principale (29,4 millions de résidences principales ont été recensées en 2018) bénéficieront d’un gain moyen de l’ordre de 730 euros sur la base des valeurs locatives revalorisées au titre de 2019. Le coût associé à l’exonération des 20 % des contribuables, proposée par le présent article, est estimé à 2,3 milliards d’euros en 2021, 5,1 milliards d’euros en 2022 et 7,8 milliards d’euros à compter de 2023.


LA RÉFORME DU FINANCEMENT
DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

I.   L’État du droit

En 2018, les recettes de la fiscalité directe et indirecte de l’ensemble des collectivités territoriales se sont élevées à 147,6 milliards d’euros, en hausse de près de + 5,1 % par rapport à 2017. Sur ce total, environ 22,8 milliards d’euros proviennent de la taxe d’habitation (TH) et sont directement affectés au financement du bloc communal. Si la mise en place du dégrèvement pour 80 % des redevables ne pose pas à court terme de difficultés de financement – ce dernier étant intégralement pris en charge par l’État –, la suppression intégrale de la TH sur les résidences principales impose de revoir le schéma de financement des collectivités territoriales et d’adapter en conséquence plusieurs dispositions fiscales.

A.   La suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des contribuables est intÉgralement compensÉe au bloc communal

Depuis la réforme de la taxe professionnelle (TP) intervenue en 2010, et le transfert de la part départementale de la TH vers le bloc communal, la TH constitue la première recette de ce dernier. Afin de ne pas porter atteinte à leur autonomie financière, la suppression progressive de la TH afférente à la résidence principale sous la forme d’un dégrèvement de l’État permet une compensation intégrale des communes et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre. Ainsi, dans la situation actuelle, les collectivités territoriales ne subissent aucune conséquence financière et continuent de percevoir l’intégralité de leurs ressources de TH.

1.   La taxe d’habitation représente plus d’un tiers des impôts locaux du bloc communal

L’article 1379 du code général des impôts (CGI) dispose que les communes perçoivent la TH, ainsi que la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB), la cotisation foncière des entreprises (CFE) et une fraction égale à 26,5 % du produit de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). De même, l’article 1379‑0 bis du même code précise que leurs EPCI à fiscalité propre peuvent percevoir une partie de la TH en fixant un taux intercommunal en plus du taux communal. Il revient ainsi à la commune et à l’EPCI à fiscalité propre de fixer chaque année le taux et les abattements de TH applicables sur leur territoire.

La TH représente plus du tiers des recettes des impôts locaux du bloc communal : en 2018, le montant de TH affecté au bloc communal s’élevait à 22 767 millions d’euros, soit près de 36 % des impôts locaux affectés au bloc communal. Il s’agit de la principale imposition dite « ménage » affectée au bloc communal, avec les taxes foncières qui s’élèvent en 2018 pour le bloc communal à 19 134 millions d’euros pour la TFPB et 1 067 millions d’euros pour la TFPNB.

RÉpartition des impÔts locaux pour le bloc communal
et les dÉpartements en 2018

(en millions d’euros)

Bloc communal

Départements

Source : Rapport de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL), Les finances des collectivités locales en 2019, état des lieux, juillet 2019.

En 2018, l’accroissement du produit de la TH pour le bloc communal est principalement dû à l’augmentation des bases nettes (effet base de + 1,8 % en 2018 après + 1,3 % en 2017) plutôt qu’à une augmentation des taux (effet taux de + 0,3 % en 2018 après + 0,4 % en 2017). Pour rappel, l’effet base est la variation de produit générée par l’évolution des bases d’imposition ; l’effet taux est la variation de produit générée par l’évolution du taux. Ainsi, le produit de la TH a augmenté en 2018 de + 2,2 % par rapport à 2017 et de + 10,4 % par rapport à 2014.

La dynamique de la TH dépend ainsi principalement de l’effet base : or, les valeurs locatives cadastrales des locaux d’habitation sont obsolètes, car elles n’ont jamais été révisées depuis 1970. Il en résulte des inégalités importantes entre les territoires : le dynamisme de l’assiette dépend essentiellement des constructions neuves ou des rénovations extérieures, ce qui avantage les collectivités qui possèdent un parc immobilier récent ou rénové. Les finances des collectivités deviennent en outre sensibles à la conjoncture, puisqu’elles dépendent du rythme de la construction neuve, qui s’est révélé irrégulier ces dernières années.

RÉPARTITION DE LA TAXE D’HABITATION entre
les collectivitÉs territoriales

(en millions d’euros)

Taxe dhabitation

2014

2015

2016

2017

2018

Ensemble des collectivités

20 615

21 778

21 862

22 282

22 767

 dont part EPCI

6 589

6 961

6 648

6 961

7 137

 dont part commune

13 922

14 714

15 113

15 222

15 540

Source : Rapport de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL), Les finances des collectivités locales en 2019, état des lieux, juillet 2019.

À l’inverse, l’article 1586 du CGI dispose que les départements ne perçoivent pas de TH, mais perçoivent la TFPB, plusieurs composantes de l’IFER ainsi qu’une fraction égale à 23,5 % de la CVAE. La TFPB est ainsi la seule imposition directe locale sur laquelle le département détient directement un pouvoir de taux : elle représente plus des trois quarts des recettes d’impôts locaux du bloc. Il convient toutefois d’ajouter à ce constat l’existence d’autres ressources fiscales comme les droits de mutation de propriété à titre onéreux (DMTO) qui sont considérés comme un droit d’enregistrement et non un impôt local, pour un montant total de 11 525 millions d’euros en 2018. En prenant en compte l’ensemble des ressources fiscales du département, la TFPB et les DMTO représentent respectivement 32 % et 25 % des ressources fiscales perçues par le bloc départemental en 2018.

RÉpartition des ressources fiscales pour le bloc communal
et les dÉpartements en 2018

(en millions d’euros)

Bloc communal

Départements

TSCA : taxe spéciale sur les conventions d’assurances.

Source : Rapport de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL), Les finances des collectivités locales en 2019, état des lieux, juillet 2019.

En 2018, l’accroissement du produit de la TFPB pour le bloc communal est principalement dû à l’augmentation des bases nettes (effet base de + 2,2 % en 2018 après + 1,7 % en 2017) plutôt qu’à une augmentation des taux (effet taux de + 0,9 % en 2018 après + 0,7 % en 2017). Ainsi, le produit de la TFPB pour le bloc communal a augmenté en 2018 de + 3,1 % par rapport à 2017 et de + 9,3 % par rapport à 2014. La TFPB des départements a enregistré une progression légèrement inférieure en 2018 de + 2,3 % par rapport à 2017, mais de + 12,2 % par rapport à 2014. Cette croissance pour le bloc départemental est uniquement le résultat en 2018 d’un effet base, car l’effet taux est nul pour cette année.

RÉPARTITION DE LA TAXE fonciÈre sur les propriÉtÉs bÂties entre
les collectivitÉs territoriales

(en millions d’euros)

TFPB

2014

2015

2016

2017

2018

Ensemble des collectivités

29 312

30 429

31 940

32 723

33 628

 dont part EPCI

1 025

1 138

1 272

1 363

1 512

 dont part commune

15 684

16 263

16 734

17 092

17 527

 dont part départementale

12 492

12 922

13 829

14 165

14 494

Source : Rapport de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL), Les finances des collectivités locales en 2019, état des lieux, juillet 2019.

Au sein du bloc communal, le montant de la TH affecté aux communes s’élève à 15 540 millions d’euros en 2018 alors que celui affecté aux groupements et syndicats intercommunaux à 7 227 millions d’euros. Ils représentent respectivement près de 44 % et 25 % du montant des impôts locaux affectés aux communes et aux groupements et syndicats intercommunaux.

RÉpartition des impÔts locaux Pour
le bloc communal en 2018

(en millions d’euros)

Communes

Groupements à fiscalité propre
et syndicats

Source : Rapport de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL), Les finances des collectivités locales en 2019, état des lieux, juillet 2019.

Aussi, dans l’hypothèse d’une substitution de la TH communale par de la TFPB départementale, près de 95 % des recettes d’impôts locaux des communes proviendraient uniquement de la TFPB. Toutefois, le montant total de TH communale (15 540 millions d’euros) est légèrement supérieur à celui de la TFPB départementale (14 494 millions d’euros) : la compensation de la suppression du premier par l’affectation du second ne serait complète qu’à la condition d’un abondement complémentaire d’environ un milliard d’euros (calcul réalisé sur la base des montants 2018 sans tenir compte de la part des résidences secondaires dans le produit de la TH).

2.   La compensation du dégrèvement de taxe d’habitation due au titre de la résidence principale est intégralement assurée par l’État

Afin de ne pas porter atteinte aux ressources fiscales des communes et de leurs EPCI à fiscalité propre, la suppression de la TH afférente à la résidence principale pour 80 % des contribuables a pris la forme d’un dégrèvement de l’État permettant une compensation intégrale de la mesure – au contraire des exonérations de fiscalité locale qui font souvent l’objet de minoration. Ainsi, les collectivités territoriales ne subissent aucune conséquence financière et continuent de percevoir l’intégralité de leurs ressources de TH.

Pour rappel, les recettes totales de TH pour les collectivités se sont élevées en 2018 à 22,8 milliards d’euros. Ce total comprend des compensations d’exonérations, à hauteur de 1,7 milliard d’euros, versées par l’État aux collectivités. Il comprend également des dégrèvements, pour près de 6,7 milliards d’euros, en nette hausse par rapport à 2017 du fait de l’entrée en vigueur progressive (30 %) du dégrèvement permettant à 80 % des redevables d’être dispensés partiellement du paiement de la TH au titre de leur résidence principale. Ce montant correspond à la part du produit de TH pour laquelle l’État se substitue au contribuable local. Au total, la part totale prise en charge par l’État dans les recettes de TH était donc de l’ordre de 24 % en 2017 (avant l’entrée en vigueur de la suppression partielle de la TH afférente à la résidence principale).

MONTANT DES DÉGRÈVEMENTS ET des allocations
compensatrices de la taxe d’habitation

(en millions d’euros)

Taxe dhabitation

2015

2016

2017

2018

Produit de taxe d’habitation

21 778

21 862

22 282

22 767

Dégrèvements

3 780

3 938

3 652

6 708

dont dégrèvement de TH sur les résidences principales

2 927

Allocations compensatrices

1 454

1 174

1 650

1 733

Source : Observatoire des finances et de la gestion publique locales, Les allégements de fiscalité directe locale et leurs compensations, collection « Cap sur… », n° 2, avril 2018.

a.   Les exonérations de taxe d’habitation font l’objet d’une allocation compensatrice aux collectivités territoriales

Les allocations compensatrices sont des allocations annuelles prenant la forme d’un prélèvement sur recettes (PSR), intitulé Compensation dexonérations relatives à la fiscalité locale, qui est versé par l’État aux collectivités territoriales pour compenser les pertes de recettes fiscales résultant des exonérations et allégements de bases ou de taux décidés par voie législative. Le mécanisme de compensation est défini par la loi selon des modalités propres à chaque dispositif : aucune exigence constitutionnelle n’impose une compensation intégrale ou partielle de ces exonérations.

Les compensations d’exonérations varient d’une année à l’autre en fonction des évolutions de la base imposable. En effet, le calcul de la compensation – dont les modalités sont fixées au cas par cas dans la loi – prend en compte l’évolution des bases fiscales en excluant toutefois la dynamique de taux, dont l’évolution demeure à la main de la collectivité territoriale. Le plus souvent, la compensation est versée en année n + 1, en prenant en compte les bases de l’année précédente, et en appliquant le taux d’imposition d’une année de référence fixée par la loi (par exemple 1991 pour la compensation de l’exonération de TH pour les personnes de condition modeste). En 2019, les allocations compensatrices d’exonérations de personnes de condition modeste liées à la TH représentaient 1 762 millions d’euros, soit 81 % du total des allocations compensatrices versées aux collectivités territoriales.

RÉPARTITION des allocations compensatrices
de taxe d’habitation

(en millions d’euros)

Taxe dhabitation

2014

2015

2016

2017

2018

2019 (1)

Exonération des personnes de condition modeste

1 273

1 451

1 170

1 646

1 729

1 762

Suppression de la THLV (2)

3,4

3,4

3,4

3,4

3,4

3,4

Total des allocations compensatrices

1 276

1 454

1 174

1 650

1 733

1 765

(1) Prévision du projet de loi de finances pour 2019.

(2) Lors de la réforme de la taxe sur les logements vacants (TLV) en 2012, il a été décidé que les collectivités territoriales qui percevaient la taxe d’habitation sur les logements vacants (THLV) et qui ont par la suite été intégrées en zone tendue perçoivent désormais une compensation spécifique sous forme d’allocation compensatrice.

Source : Observatoire des finances et de la gestion publique locales, Les allégements de fiscalité directe locale et leurs compensations, collection « Cap sur… », n° 2, avril 2018.

La principale allocation compensatrice de TH versée par l’État vise à compenser l’ensemble des exonérations des personnes de condition modeste (définies au I de l’article 1414 du CGI). L’allocation compense également l’exonération de TH des personnes bénéficiant du mécanisme de sortie « en sifflet » (défini au I bis de l’article 1414 du même code), qui permet aux contribuables ayant perdu le bénéfice de l’une des exonérations précédentes de le conserver totalement pendant deux ans puis partiellement pendant deux années supplémentaires. Enfin, elle compense également l’exonération exceptionnelle qui vise à faire bénéficier les contribuables qui ont perdu le bénéfice de leur exonération de TH et sont entrés dans le dispositif de « sortie en sifflet » d’un maintien de leur exonération jusqu’à l’application du nouveau dégrèvement au taux de 100 % en 2020 ([115]).

Les modalités de calcul de l’allocation compensatrice sont déterminées par l’article 21 de la loi de finances pour 1992 ([116]) qui dispose qu’il « est instauré un prélèvement sur les recettes de lÉtat destiné à compenser la perte de recettes résultant des exonérations visées […] aux I et I bis de larticle 1414 du code général des impôts pour les collectivités locales ». Il est ensuite précisé que la « compensation est égale, chaque année et pour chacune des taxes, au montant des bases dimposition exonérées au titre de lannée précédente […] multiplié par le taux voté par chaque collectivité ou groupement pour lannée 1991 ». Toutefois, afin de prendre en compte le transfert de la part départementale de la TH au bloc communal intervenu en 2010, l’article 77 de la loi de finances pour 2010 ([117]) précise que « les taux à retenir pour calculer les allocations compensatrices de taxe dhabitation à verser à compter de 2011 […] sont majorés des taux départementaux retenus pour déterminer les compensations versées en 2010 aux départements ».

Ainsi, dans la mesure où le taux retenu pour le calcul de l’allocation compensatrice ne prend pas en compte les variations de taux décidées par les exécutifs communaux après 1991, la compensation versée est nécessairement inférieure au manque à gagner réel des collectivités territoriales. Le montant de la compensation représentait ainsi 64 % du montant exonéré en 2018.

Taux de compensation des exonÉrations par les allocations compensatrices de taxe d’habitation

(en millions d’euros)

Taxe dhabitation

2014

2015

2016

2017

2018

Montant exonéré calculé sur bases nettes

2 076

1 691

2 396

2 535

2 702

Allocation compensatrice pour l’exonération des personnes de condition modeste versée aux collectivités territoriales

1 273

1 451

1 170

1 646

1 729

Taux de compensation des montants exonérés calculés sur bases nettes

61 %

86 %

49 %

65 %

64 %

Note : la base nette est déterminée à partir de la valeur locative brute et après déduction des abattements appliqués en matière de TH. Ceux-ci peuvent être obligatoires ou facultatifs pour les collectivités territoriales.

Source : commission des finances.

b.   Les dégrèvements de taxe d’habitation sont intégralement compensés aux collectivités territoriales

Les dégrèvements sont des prises en charge par l’État de tout ou partie de la contribution due par les contribuables aux collectivités territoriales sur les crédits budgétaires du programme Remboursements et dégrèvements dimpôts locaux. Ils résultent d’une disposition législative qui diminue totalement ou partiellement le montant de l’impôt dû par le contribuable. En principe, l’État se substitue au contribuable et le montant versé reflète le pouvoir de taux et les bases de la collectivité territoriale. Dans la pratique, certains dégrèvements sont calculés à taux et à abattements figés afin d’éviter de faire supporter à l’État d’éventuelles hausses de taux décidées par les exécutifs locaux. Dans ce cas, le contribuable doit généralement supporter la différence entre l’augmentation du taux ou la baisse des abattements de la collectivité territoriale et le dégrèvement figé dont il bénéficie.

RÉPARTITION des dÉGRÈvements de taxe d’habitation

(en millions d’euros)

Taxe dhabitation

2014

2015

2016

2017

2018

Plafonnement en fonction du revenu

2 906

3 152

2 996

3 002

3 062

Suppression progressive de la TH

2 927

Gestionnaires de foyers

47

53

60

67

71

Personnes de condition modeste relogées

34

36

38

38

38

Taxe d’habitation sur les logements vacants

29

27

27

26

25

Cotisations inférieures à 12 euros

2,4

2,4

2,2

2,2

2

Autres dégrèvements (contentieux et gracieux)

469

510

815

517

583

Total des dégrèvements

3 487

3 780

3 938

3 652

6 708

Source : Observatoire des finances et de la gestion publique locales, Les allégements de fiscalité directe locale et leurs compensations, collection « Cap sur… », n° 2, avril 2018.

Le montant des dégrèvements pour la TH s’élève à 6 708 millions d’euros en 2018, en nette hausse du fait de l’entrée en vigueur progressive de la suppression de la TH pour 80 % des contribuables sous un plafond de ressources (2 927 millions d’euros en 2018). Ainsi, les principaux dégrèvements applicables à la TH sont :

– le plafonnement de la TH en fonction du revenu (article 1414 A du CGI) : les contribuables autres que ceux exonérés ou dégrevés totalement (article 1414 du CGI) bénéficient d’un plafonnement de leur cotisation de TH pour la fraction de leur cotisation qui excède 3,44 % de leur revenu fiscal de référence diminué d’un abattement dont le montant varie selon le nombre de parts de quotient familial ;

– le dégrèvement d’office de TH en faveur des gestionnaires de foyers et des organismes sans but lucratif agréés pour les logements loués à des personnes défavorisées et le dégrèvement en faveur des personnes de condition modeste relogées dans le cadre d’un projet conventionné au titre du programme de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) ;

– le dégrèvement lié à la réforme de la taxe sur les logements vacants, celui relatif aux cotisations inférieures à 12 euros et celui relatif aux remboursements prononcés à la suite de démarches contentieuses et gracieuses ;

– depuis le 1er janvier 2018, le nouveau dégrèvement permettant à 80 % des foyers d’être dispensés progressivement du paiement de la TH au titre de leur résidence principale (article 1414 C du CGI) : ce dégrèvement est mis en œuvre de manière progressive (30 % en 2018, 65 % en 2019 et 100 % en 2020).

En effet, afin de maintenir les ressources fiscales du bloc communal, l’État prend en charge intégralement le coût de la suppression progressive de la TH due au titre de la résidence principale pour 80 % des foyers fiscaux par le biais d’un dégrèvement. Ce dégrèvement est évalué à 2 927 millions d’euros en 2018, 6 534 millions d’euros en 2019 et 13 612 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2020, reflétant ainsi l’entrée en vigueur progressive de la mesure.

Le montant du dégrèvement de la TH est calculé sur la base des taux et des abattements en vigueur en 2017. Toutefois, le dégrèvement est déterminé en retenant le taux global de l’année lorsqu’il est inférieur à celui appliqué pour 2017 et les abattements de l’année lorsqu’ils sont supérieurs à ceux appliqués pour 2017. Le taux global de TH comprend, le cas échéant, les taux additionnels des taxes spéciales d’équipement (TSE) et de la taxe pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (GEMAPI). Par ailleurs, ce taux de référence de 2017 est majoré des augmentations ultérieures pour la part qui résulte des procédures de lissage, d’harmonisation et de convergence prévues en cas de création de communes nouvelles, de fusions d’EPCI à fiscalité propre ou de rattachement d’une commune à un tel établissement.

De surcroît, les communes et les EPCI demeurent libres de fixer leurs taux d’imposition ainsi que leurs quotités d’abattement futures dans les limites déterminées par la loi. Toute augmentation du taux de TH ou des taux additionnels et toute baisse des abattements décidés par les collectivités territoriales sont néanmoins supportées par le contribuable. Ainsi, dans tous les cas, les collectivités territoriales ne subissent aucune conséquence financière et continuent de percevoir l’intégralité de leurs ressources de TH.

Toutefois, la suppression de la TH pour l’ensemble des contribuables ne pourra prendre la forme d’un dégrèvement : la généralisation du dégrèvement conduirait à maintenir une imposition, tout en la dégrevant entièrement, ce qui nuirait tant à la rationalité de la mesure qu’à sa lisibilité pour les contribuables qui continueraient à recevoir un avis d’imposition précisant le montant du dégrèvement intégral de TH sur leur habitation principale. En outre, et sauf à remettre à la charge des contribuables une fraction d’imposition, les communes seraient privées du pouvoir de taux sur un impôt représentant une fraction importante de leurs ressources et la TFPB resterait partagée entre plusieurs niveaux de collectivités, ce qui ne permettrait pas de spécialiser davantage les impôts locaux par échelon de collectivité. Enfin, la généralisation du dégrèvement de TH impliquerait le maintien de charges administratives importantes pour une imposition sans contribuables.

B.   La suppression dÉfinitive de la taxe d’habitation impose une refonte du schÉma de financement et une adaptation de certaines rÈgles fiscales

Si le choix de recourir à un dégrèvement permet jusqu’en 2020 de compenser intégralement aux communes et à leurs établissements la suppression progressive de la TH pour 80 % des contribuables sous un plafond de ressources, la suppression définitive et intégrale de la TH sur les résidences principales conduit nécessairement à s’interroger sur la pérennité de ce dégrèvement ainsi que sur la mise en place d’un nouveau schéma de compensation et de financement pour les collectivités territoriales concernées. De surcroît, la suppression de cette imposition centrale dans la fiscalité locale conduit nécessairement à s’interroger sur l’avenir de plusieurs dispositifs fiscaux, tels que les taxes additionnelles à la TH, les frais de gestion, les règles de lien et de plafonnement des taux dont la TH est actuellement le taux pivot, ou encore la fiscalité applicable aux logements sous-occupés (résidences secondaires et logements vacants).

1.   La suppression définitive de la taxe d’habitation doit faire l’objet d’une compensation intégrale pour les collectivités territoriales

La perspective d’une suppression intégrale de la TH sur les résidences principales pose, en premier lieu, la question des ressources de remplacement qui permettront d’assurer le financement des collectivités du bloc communal dans la mesure où la TH représente plus d’un tiers de leurs ressources fiscales. La suppression de la TH sur les résidences principales emporte donc l’obligation de la remplacer par :

– une ressource d’un montant équivalent, afin de garantir à chaque collectivité une compensation intégrale à la suppression de la TH sur les résidences principales ;

– une ressource qui devra être en grande partie de nature fiscale afin de proposer aux collectivités et intercommunalités touchées une recette dynamique et de respecter les ratios d’autonomie financière définis dans la loi organique de 2004.

En effet, la suppression intégrale et définitive de la TH afférente à l’habitation principale induit la perte définitive d’un produit fiscal important pour les communes et les EPCI à fiscalité propre qui, si celle-ci n’était pas compensée, pourrait porter atteinte au principe d’autonomie financière des collectivités territoriales. Ce principe, instauré par la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République à l’article 72-2 de la Constitution, dispose que « les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement » et que « les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de lensemble de leurs ressources ». Il est enfin précisé que les collectivités territoriales « peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de toutes natures » ([118]).

L’article 3 de la loi organique du 29 juillet 2004 ([119]), codifié à l’article LO 1114-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT), précise que les ressources propres « sont constituées du produit des impositions de toutes natures dont la loi les autorise à fixer lassiette, le taux ou le tarif, ou dont elle détermine, par collectivité, le taux ou une part locale dassiette, des redevances pour services rendus, des produits du domaine, des participations durbanisme, des produits financiers et des dons et legs ». Il s’agit ainsi d’une définition large des ressources propres incluant les fractions de produit d’impôt national transférées aux collectivités territoriales ainsi que les dégrèvements de l’État au profit des collectivités territoriales. En revanche, une dotation budgétaire versée par l’État ne constitue pas une ressource propre, à l’inverse de l’attribution d’une part de fiscalité nationale.

L’article 4 de la loi organique précitée précise également les ratios planchers qui constituent, pour chaque catégorie de collectivités, la part minimale de leurs ressources propres. L’article LO 1114-3 du CGCT précise que « pour chaque catégorie, la part des ressources propres ne peut être inférieure au niveau constaté au titre de lannée 2003 », soit 60,8 % pour le bloc communal et 58,6 % pour le bloc départemental. En 2017, le ratio d’autonomie financière du bloc communal est de 71,4 %, tandis que celui du bloc départemental est de 73,9 % ([120]).

Ratios d’autonomie financiÈre des collectivitÉs
territoriales

(en pourcentage)

Années

Bloc communal

Départements

Régions

2003

60,8 %

58,6 %

41,7 %

2016

70,0 %

72,9 %

64,3 %

2017

71,4 %

73,9 %

64,7 %

Source : Rapport de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL), Les finances des collectivités locales en 2019, état des lieux, juillet 2019.

Ratios d’autonomie financiÈre des collectivitÉs
territoriales en 2017

(en milliards d’euros et en pourcentage)

Année 2017

Bloc communal

Départements

Régions

Ressources propres

91,8

50,8

20,6

Autres ressources

36,8

17,9

11,2

Ressources totales

128,6

68,7

31,8

Ratios constatés

71,4 %

73,9 %

64,7 %

Source : Rapport de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL), Les finances des collectivités locales en 2019, état des lieux, juillet 2019.

Si la TH affectée au bloc communal (22,3 milliards d’euros en 2017) était remplacée par une dotation budgétaire, le ratio d’autonomie du bloc communal passerait de 71,4 % à 54,0 %, soit un niveau inférieur au niveau plancher constaté au titre de l’année 2003 (pour rappel 60,8 %). La mesure ne serait conforme ni à la loi organique ni à la Constitution : la compensation de la suppression de la TH doit donner lieu à l’affectation d’une ressource fiscale. Un constat similaire peut être effectué au niveau départemental : si la TFPB affectée aux départements (14,2 milliards d’euros en 2017) était remplacée par une dotation budgétaire, le ratio d’autonomie des départements passerait de 73,9 % à 53,3 %, soit un niveau inférieur au niveau plancher constaté au titre de l’année 2003 (pour rappel 58,6 %).

Il est toutefois rappelé que la suppression définitive de la TH ne s’applique pas à l’ensemble des locaux meublés non affectés à l’habitation principale. Les résidences secondaires continueront à être soumises à la TH qui peut, en zone tendue, faire l’objet d’une majoration, sur délibération de la collectivité territoriale. Les locaux vacants resteront imposables, dans les zones tendues, à la TLV, et sur le reste du territoire, sur délibération de la collectivité territoriale, à la taxe d’habitation sur les logements vacants (THLV). Ces impôts resteront affectés à leurs bénéficiaires actuels et la base d’imposition restera la valeur locative déterminée dans les mêmes conditions qu’aujourd’hui.

Le montant de la TH sur les résidences principales qui doit faire l’objet d’une compensation pour les communes et leurs EPCI à fiscalité propre s’élève à 20,3 milliards d’euros. À ce montant s’ajoutent les compensations d’exonérations de TH sur les résidences principales versées par l’État par le biais des allocations compensatrices, pour un montant de 1,8 milliard d’euros en 2018 ([121]). En effet, la suppression de la TH afférente à l’habitation principale entraîne la suppression des allocations compensatrices associées. Celles-ci sont aujourd’hui versées par l’État au titre des compensations d’exonérations obligatoires décidées au niveau national et doivent donc être incluses dans le champ des ressources à compenser.

LEs montants À compenser du fait de la suppression
de la taxe d’habitation AU bloc communal en 2018

(en milliards d’euros)

Impositions en 2018

Produit communes

Produits EPCI

Produit bloc communal

Taxe d’habitation sur les résidences principales

13,9

6,4

20,3

Compensation d’exonérations de taxe d’habitation sur les résidences principales

1,3

0,5

1,8

Total à compenser au bloc communal

15,2

6,9

22,1

Source : montants calculés en 2018 et présentés au comité des finances locales du 23 juillet 2019.

Ainsi, la suppression de la TH afférente à l’habitation principale perçue par les communes et les EPCI à fiscalité propre engendre une perte de ressources qui s’élèverait pour le bloc communal à près de 22,1 milliards d’euros. Ce montant se répartit entre 15,2 milliards d’euros pour les communes et 6,9 milliards d’euros pour leurs établissements. Il convient d’ajouter à ce montant les 300 millions de frais de gestion perçus par l’État et affectés aux régions pour le financement de la formation professionnelle et de l’apprentissage, ainsi que 200 millions de taxes spéciales d’équipement (TSE) assises sur la TH des résidences principales et affectées aux établissements publics fonciers (EPF) ([122]) .

Le choix définitif du montant de TH à compenser dépendra en réalité de plusieurs facteurs, notamment des années de référence retenues pour la base, les taux et les abattements applicables : actuellement, le dégrèvement de TH sur les résidences principales pour 80 % des contribuables est compensé sur la base des valeurs locatives de l’année en cours et des taux et abattements applicables en 2017. Or, depuis deux ans, les taux et les abattements de TH ont été modifiés par certaines collectivités territoriales. Le choix de l’année de référence aura donc un impact sur le montant que l’État devra compenser aux collectivités territoriales.

2.   Les taxes additionnelles adossées à la taxe d’habitation et les règles de lien et de plafonnement des taux doivent être adaptées

La suppression de la TH sur les résidences principales interroge nécessairement l’avenir de plusieurs dispositions fiscales adossées à la TH, en particulier les taxes additionnelles (TSE et GEMAPI) et les frais de gestion, ainsi que les règles de plafonnement et de lien des taux utilisant le taux de TH comme taux pivot.

a.   Les taxes additionnelles et les frais de gestion adossés à la taxe d’habitation

La TH est utilisée pour le recouvrement de deux taxes additionnelles, à savoir la taxe spéciale d’équipement (200 millions d’euros de recettes recouvrées sur le support TH en 2018) et la taxe de gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations, pleinement opérationnelle depuis le 1er janvier 2018. La TH est également soumise aux frais d’assiette et de recouvrement (FAR), dénommés frais de gestion. La suppression intégrale de la TH sur les résidences principales conduit à s’interroger sur l’avenir de ces trois dispositions fiscales.

i.   Les taxes spéciales d’équipement (TSE)

Les taxes spéciales d’équipement (TSE) constituent des taxes additionnelles aux deux taxes foncières (sur les propriétés bâties et non bâties), à la TH et à la CFE. Elles sont perçues au profit des établissements publics fonciers locaux (EPFL) et de l’office foncier de Corse (article 1607 bis du CGI), des établissements publics fonciers d’État (EPF – article 1607 ter du même code), d’établissements publics fonciers particuliers et de l’établissement public Société du Grand Paris (SGP – article 1609 G du CGI).

Les EPFL et l’office foncier de Corse, mentionnés à l’article L. 324-1 du code de l’urbanisme, sont des établissements publics locaux à caractère industriel et commercial, compétents pour réaliser, pour leur compte ou pour le compte de leurs membres ou de toute personne publique, toute acquisition foncière ou immobilière, en vue de la constitution de réserves foncières ou de la réalisation d’actions ou d’opérations d’aménagement. Dans ce cadre, ils bénéficient de droits de préemption et de priorité, et interviennent sur le territoire des communes ou des EPCI qui en sont membres. Aux termes de l’article 1607 bis du CGI, une TSE est instituée au profit des EPFL et destinée au financement des acquisitions foncières et immobilières correspondant à leur vocation.

Les EPF, mentionnés à l’article L. 321-1 du code de l’urbanisme, poursuivent une mission similaire, mais sont créés par l’État dans les territoires où les enjeux d’intérêt général en matière d’aménagement et de développement durables le justifient. Dans le cadre de leurs compétences, ils peuvent contribuer au développement des activités économiques, à la politique de protection contre les risques technologiques et naturels ainsi qu’à titre subsidiaire, à la préservation des espaces naturels et agricoles. Leur superposition, totale ou partielle, avec des EPFL est soumise à l’accord des EPCI et des communes dont le territoire est concerné par la superposition. Aux termes de l’article 1607 ter du CGI, une TSE est instituée et destinée au financement de leurs interventions foncières et immobilières ainsi qu’au financement de leurs interventions dans le cadre des opérations de requalification de copropriétés dégradées d’intérêt national qui leur sont confiées.

Il existe d’autres établissements publics fonciers particuliers, notamment dans les territoires ultra-marins :

– les établissements publics d’aménagement de Guyane et de Mayotte, mentionnés à l’article L. 321-36-1 du code de l’urbanisme, ont pour mission de constituer des réserves foncières en prévision d’actions ou d’opérations d’aménagement destinées à mettre en œuvre une politique locale de l’habitat et à lutter contre l’habitat insalubre. Aux termes de l’article 1609 B du CGI, une TSE est instituée et destinée au financement des missions de ces établissements ;

– les agences pour la mise en valeur des espaces urbains des zones dites des cinquante pas géométriques en Guadeloupe et en Martinique, mentionnées par la loi du 30 décembre 1996 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur de la zone dite des cinquante pas géométriques dans les départements d’outre-mer ([123]), constituent jusqu’en 2021 un instrument de coopération entre l’État et les communes. Elles bénéficient pour la réalisation de leurs missions, aux termes des articles 1609 C et 1609 D du CGI, d’une TSE.

Enfin, l’établissement public SGP, mentionné par la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris ([124]), a pour mission principale de concevoir et d’élaborer le schéma d’ensemble et les projets d’infrastructures composant le réseau de transport public du Grand Paris et d’en assurer la réalisation (construction des lignes, construction et aménagement des gares, acquisition des matériels roulants conçus pour parcourir ces infrastructures, etc.). Aux termes de l’article 1609 G du CGI, une TSE est instituée et destinée au financement de ses interventions.

Les établissements qui perçoivent la TSE ne sont pas habilités à en voter le taux. Ils arrêtent uniquement le produit attendu global, qui est réparti entre les quatre taxes auxquelles il se rattache. Le taux d’imposition est ensuite déterminé par l’administration. Pour les EPFL, le produit de la TSE est arrêté chaque année par les conseils d’administration de ces établissements avant le 31 mars de l’année d’imposition ; pour les EPF, il doit être arrêté avant le 31 décembre. Pour les EPFL et les EPF de l’État, le produit de la TSE est arrêté chaque année dans la limite d’un plafond fixé à 20 euros par habitant résidant dans leur périmètre selon le dernier recensement publié. Pour les autres établissements publics et pour la SGP, le montant de la taxe est arrêté annuellement dans les limites d’un plafond fixé annuellement en loi de finances. Le plafond en vigueur est par exemple fixé en 2019 à 1,42 million d’euros par établissement pour les agences foncières de Guadeloupe et de Martinique, à 3,5 millions d’euros pour l’établissement de Guyane, à 0,8 million d’euros pour celui de Mayotte et à 117 millions d’euros pour la SGP ([125]).

Les produits des TSE perçus au profit des établissements, à l’exception de celui perçu au profit de la SGP, sont ensuite répartis sur le produit des quatre taxes (taxes foncières, TH et CFE) dans les conditions définies à l’article 1636 B octies du CGI. La répartition est effectuée proportionnellement aux recettes que chacune de ces taxes a procurées l’année précédente à l’ensemble des communes et de leurs EPCI situés dans le ressort de l’établissement. Cette répartition est obtenue en multipliant le produit total attendu de la TSE par le rapport entre, d’une part, le produit net que chaque taxe principale a procuré l’année précédente à l’ensemble des communes et des EPCI situés dans le ressort géographique de l’établissement public foncier et, d’autre part, le produit total que l’ensemble des quatre taxes principales a procuré aux communes et aux EPCI la même année.

Enfin, une fois la répartition du produit de la TSE entre les quatre taxes effectuées, les taux d’imposition sont obtenus en divisant la part du produit global de la TSE qui doit être perçue sur les redevables de chacune des quatre taxes principales par le total des bases nettes communales (ou intercommunales) correspondantes imposables au profit de l’établissement public foncier. La base de la taxe est déterminée dans les mêmes conditions que pour la part communale ou, à défaut de part communale, dans les mêmes conditions que pour la part intercommunale de la taxe principale à laquelle la taxe s’ajoute. Le taux additionnel est donc le même, pour les redevables d’une même taxe, sur l’ensemble de la zone de compétence de l’établissement public foncier. En revanche, le taux additionnel à chacune des taxes principales est distinct.

Le produit national cumulé des 31 TSE s’est élevé à 684 millions d’euros en 2018. En cas de suppression de la TH sur les résidences principales, une part de la TSE ne sera plus répartie ou devra faire l’objet d’une nouvelle répartition entre les taxes toujours présentes, à savoir la TH sur les résidences secondaires, les taxes foncières et la CFE. Le risque d’une telle solution est celui d’un report de la fiscalité vers certains contribuables, en particulier les propriétaires et les entreprises.

ii.   La taxe pour la gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (GEMAPI)

La loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM) ([126]) a substitué, à la redevance pour service rendu qui préexistait, une taxe facultative, instituée sur délibération des communes ou EPCI exerçant la compétence de GEMAPI. En effet, l’article L. 211-7 du code de l’environnement dispose depuis la loi MAPTAM que « les communes sont compétentes en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations ». Toutefois, les EPCI à fiscalité propre peuvent se substituer à leurs communes membres pour l’exercice de la compétence de GEMAPI et instituer la taxe en lieu et place de celles-ci.

Aux termes de l’article 1530 bis du CGI, le produit de cette taxe est arrêté avant le 1er octobre de chaque année pour application l’année suivante par l’organe délibérant de la commune ou, le cas échéant, de l’établissement public de coopération intercommunale, dans la limite d’un plafond fixé à 40 euros par habitant, la population prise en compte étant la même que pour la répartition de la dotation globale de fonctionnement (DGF). Sous réserve du respect de ce plafond, le produit voté de la taxe est au plus égal au montant annuel prévisionnel des charges de fonctionnement et d’investissement résultant de l’exercice de la compétence de GEMAPI.

Comme en matière de TSE, les collectivités territoriales qui perçoivent la taxe pour la GEMAPI ne sont pas habilitées à en voter le taux. Elles arrêtent uniquement le produit attendu global, qui est réparti entre les quatre taxes auxquelles il se rattache. Le taux d’imposition est ensuite déterminé par l’administration.

Le produit de la taxe est réparti comme en matière de TSE entre toutes les personnes assujetties aux taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties, à la TH et à la CFE, proportionnellement aux recettes que chacune de ces taxes a procurées l’année précédente. Comme pour la TSE, les taux d’imposition sont obtenus en divisant la part du produit global de la taxe pour la GEMAPI qui doit être perçue sur les redevables de chacune des quatre taxes principales par le total des bases nettes communales (ou intercommunales) correspondantes imposables au profit de l’établissement public foncier.

En 2018, 425 EPCI représentant environ 19 millions d’habitants avaient institué la taxe dont le rendement total s’établissait, au titre de cette même année, à environ 150 millions d’euros.

iii.   Les frais de gestion applicable à la taxe d’habitation

Aux termes de l’article 1641 du CGI, l’État perçoit plusieurs prélèvements additionnels à la TH pour financer les frais de gestion. Il ne s’agit pas de taux additionnels classiques dans la mesure où ces derniers sont généralement appliqués au montant des taxes dues (à l’exception du prélèvement au titre des dégrèvements pour plafonnement de la TH en fonction du revenu). Pour la TH, il s’agit de quatre prélèvements :

– un prélèvement, au titre des frais de dégrèvement et non-valeurs, fixé à 2 % en sus du montant de la TH due pour les locaux meublés non affectés à l’habitation principale ;

– un prélèvement, au titre des dégrèvements pour plafonnement de la TH en fonction du revenu, assis sur les valeurs locatives servant de base à la TH diminuées des abattements votés par la commune. Les redevables exonérés de TH, ceux dont la cotisation est plafonnée en fonction de leur revenu et ceux bénéficiant du dégrèvement de TH sur les résidences principales en sont toutefois exonérés pour leur habitation principale. Le taux de ce prélèvement dépend de la valeur locative. Pour les locaux d’habitation non affectés à l’habitation principale dont la valeur locative est supérieure à 7 622 euros, le taux est de 1,7 %. Pour ceux dont la valeur locative est inférieure ou égale à 7 622 euros et supérieure à 4 573 euros, le taux est de 1,2 %. Pour les autres locaux non destinés à l’habitation principale et dont la valeur locative est supérieure à 4 573 euros, le taux est de 0,2 % ;

– un prélèvement, au titre des dégrèvements de la TH pour plafonnement en fonction du revenu, fixé à 1,5 % en sus du montant de la TH due pour les résidences secondaires ;

– un prélèvement, au titre des frais d’assiette et de recouvrement, fixé à 1 % du montant de la TH due pour les résidences principales et secondaires

À compter de 2020, l’État ne percevra plus de prélèvement au titre des dégrèvements résultant du plafonnement de la TH qui sera abrogé, mais un prélèvement au titre du dégrèvement de TH sur les résidences principales pour 80 % des contribuables ([127]).

La loi de finances pour 2014 ([128]) a affecté aux régions, pour l’exercice de leurs compétences en matière de formation professionnelle continue et d’apprentissage, une fraction des frais de gestion relatifs à la CFE, à la CVAE et à TH. Du fait de la suppression de la TH sur les résidences principales, l’État doit trouver une ressource de compensation pour les régions, car les frais de gestion issus du recouvrement de cette taxe disparaîtront avec elle. Le montant des frais de gestion effectifs de TH affectés aux régions était de 272 millions d’euros en 2017.

b.   Les règles de lien et de plafonnement des taux

La loi du 10 janvier 1980 portant aménagement de la fiscalité directe locale fixe le principe de liberté de vote des taux des quatre taxes directes locales (TH, TFPB, TFPNB et CFE) par les communes, les EPCI et les départements. Cependant, cette liberté s’exerce dans le respect de certaines règles destinées à maintenir les parts respectives de la fiscalité professionnelle et de la fiscalité applicable aux ménages dans la fiscalité directe locale. Ces dispositions visent à encadrer le pouvoir de taux des communes et des EPCI à fiscalité propre sur les impôts dont ils sont affectataires afin de protéger les contribuables non électeurs, notamment les entreprises, d’une concentration progressive de la charge fiscale à leur détriment.

Toutefois, la suppression de la TH afférente à l’habitation principale nécessite une refonte globale des règles de lien dans la mesure où celles-ci utilisent cet impôt comme référence. Sans aménagement, les communes et les EPCI ne pourraient recourir, pour la fixation de leurs taux d’imposition, ni à la variation proportionnelle ni à la variation différenciée. En parallèle, les mécanismes dérogatoires qui utilisent la TH comme variable seraient inopérants. Une redéfinition des règles de lien est donc nécessaire.

i.   Les règles de lien entre les taux

En application de l’article 1636 B sexies du CGI, les règles de lien sont conçues autour d’un double mécanisme de variation des taux. Les communes doivent ainsi respecter :

– soit la règle de la variation proportionnelle, qui consiste à faire varier les taux des impôts directs locaux dans une même proportion. Cette méthode consiste à appliquer au taux d’imposition de l’année n – 1 un coefficient de variation proportionnelle et à maintenir inchangée la répartition de la charge fiscale entre les quatre taxes, abstraction faite de l’effet base ;

– soit la règle de la variation différenciée, qui implique que le taux de CFE ne peut pas, par rapport à l’année précédente :

● augmenter dans une proportion supérieure à l’augmentation du taux de la TH ou, si elle est moins élevée, à celle du taux moyen pondéré (TMP) de la TH et des taxes foncières ;

● diminuer dans une proportion inférieure, soit à la diminution du taux de TH ou à celle du TMP de la TH et des taxes foncières, soit à la plus importante de ces diminutions lorsque ces deux taux sont en baisse.

En outre, la règle de la variation différenciée précise que le taux de la TFPNB ne peut augmenter plus ou diminuer moins que le taux de la TH.

Les EPCI à fiscalité additionnelle (FA) peuvent, comme les communes, faire varier le taux des impôts directs locaux qu’ils perçoivent de manière proportionnelle ou différenciée. En revanche, les EPCI à fiscalité professionnelle unique (FPU), qui perçoivent la totalité du produit de CFE, ne peuvent pas mettre en œuvre la variation proportionnelle. Dans leur cas, l’application de cette règle conduirait à faire varier dans la même proportion des taux qui ne sont pas comparables, les EPCI à FPU percevant la totalité de la CFE, mais seulement une fraction de la TH et des taxes foncières. Par ailleurs, ils ne sont pas obligés de diminuer le taux de CFE en cas de baisse du taux de TH ou du TMP et peuvent faire application du mécanisme de capitalisation. Ce dernier permet aux EPCI à FPU qui n’augmentent pas leur taux de CFE autant que l’évolution de la TH ou du TMP des autres taxes, de reporter sur les trois années suivantes les droits non utilisés (article 1636 B decies du CGI).

La règle de la variation différenciée assure une certaine liberté de fixation des taux des impositions locales tout en assurant, de manière symétrique à la hausse comme à la baisse, que le taux de la CFE suit celui des autres taxes. La variation du taux de TFPB est dès lors libre, mais toute diminution ou augmentation du taux de cet impôt a une incidence sur le TMP de TH et des taxes foncières. La variation de la TFPB à la baisse et à la hausse est donc de nature à remettre en cause le taux de CFE envisagé.

Par ailleurs, les règles de lien entre les taux connaissent de nombreuses dérogations destinées à couvrir l’ensemble des situations particulières, notamment :

– celles des collectivités qui présentent des taux d’imposition sensiblement inférieurs ou supérieurs à la moyenne nationale de la taxe concernée, afin de leur permettre de faire converger leurs taux vers cette moyenne. Ainsi, les mécanismes de majoration de CFE permettent aux communes percevant de la CFE ainsi qu’aux EPCI à FPU de majorer, en franchise des règles de lien et sous certaines limites, leur taux de CFE lorsque celui-ci est inférieur à la moyenne nationale. Par ailleurs, les mécanismes de déliaison à la baisse permettent aux communes et aux EPCI à FA de baisser leurs taux de TFPB, de TFPNB ou de TH lorsqu’ils sont supérieurs à la moyenne nationale et au taux de CFE de la collectivité, sans être obligés de baisser leur taux de CFE ;

– celles des collectivités nouvelles ou issues d’une restructuration territoriale, dont les taux d’imposition étaient nuls l’année précédente, afin de leur permettre d’établir des taux d’imposition en franchise des règles de lien la première année.

ii.   Les règles de plafonnement des taux

Outre ces règles de lien, les taux des impositions locales perçues par les communes et les EPCI à fiscalité propre sont encadrés par un mécanisme de plafonnement. En application de l’article 1636 B septies du CGI, les taux de chaque taxe ne doivent pas dépasser les taux plafonds fixés par la loi pour chaque imposition.

Ainsi, les taux de la TH et des deux taxes foncières adoptés par les communes ne peuvent dépasser :

– deux fois et demie le taux moyen de la taxe constaté l’année précédente dans l’ensemble des communes du département ;

– ou, s’il est plus élevé, deux fois et demie le taux moyen de la taxe constaté l’année précédente dans l’ensemble des communes au niveau national.

Le taux de CFE ne peut excéder quant à lui deux fois le taux moyen de cette imposition constaté l’année précédente au niveau national pour l’ensemble des communes.

Les taux de CFE votés par les EPCI à FPU sont plafonnés dans les mêmes conditions que ceux des communes. En revanche, les taux additionnels votés par les EPCI à fiscalité additionnelle (FA) ne sont pas plafonnés, mais sont pris en compte pour l’appréciation des plafonds applicables aux taux communaux.

Par ailleurs, le taux de TFPB voté par les départements ne peut excéder deux fois et demie le taux moyen constaté l’année précédente au niveau national pour l’ensemble des départements.

Enfin, les règles de plafonnement des taux connaissent de nombreuses dérogations destinées à couvrir l’ensemble des situations particulières, notamment la métropole de Lyon, la métropole du Grand Paris – qui doit pour rappel percevoir la CFE à compter des impositions établies en 2020 –, ainsi que la Ville de Paris.

3.   L’avenir de la fiscalité locale applicable aux logements sous-occupés

La TH sert d’imposition pivot à plusieurs dispositifs fiscaux concernant les logements sous-occupés, à savoir la TH sur les résidences secondaires (majorée ou non) ainsi que la TH sur les logements vacants. Cette dernière est complémentaire de la TLV, instituée dans les zones tendues et affectée à l’État. Ces dispositifs visent à décourager la sous-occupation de logements en zone tendue et à dégager des recettes pour les collectivités territoriales dont la population est fluctuante du fait de ces occupations intermittentes.

La taxe sur les logements vacants (TLV), instituée par l’article 232 du CGI, est applicable dans les communes appartenant à une zone d’urbanisation continue de plus de cinquante mille habitants où existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements, entraînant des difficultés sérieuses d’accès au logement sur l’ensemble du parc résidentiel existant, qui se caractérisent notamment par le niveau élevé des loyers, le niveau élevé des prix d’acquisition des logements anciens ou le nombre élevé de demandes de logement par rapport au nombre d’emménagements annuels dans le parc locatif social. Elle est acquittée par le propriétaire et est due pour chaque logement vacant depuis au moins une année. Un logement vacant est un logement dont la durée d’occupation est inférieure à quatre-vingt-dix jours consécutifs, sauf vacance indépendante de la volonté du contribuable. L’assiette de la taxe est constituée par la valeur locative du logement et son taux est fixé à 12,5 % la première année d’imposition et à 25 % à compter de la deuxième. Le produit de la taxe est versé à l’Agence nationale de l’habitat (ANAH).

Sous réserve que la TLV ne soit pas applicable sur leur territoire, l’article 1407 bis du CGI dispose que les communes ou, à titre subsidiaire, les EPCI à fiscalité propre peuvent assujettir à la TH, pour la part communale et celle revenant aux intercommunalités, les logements vacants depuis plus de deux années. Ainsi, au titre d’une année d’imposition, un même logement vacant ne peut être soumis à la fois à la TH sur les logements vacants et à la TLV. L’assiette de la taxe est constituée par la valeur locative de l’habitation. Le taux applicable est, selon le cas, le taux de TH de la commune, majoré le cas échéant du taux des EPCI sans fiscalité propre dont elle est membre, ou celui de l’EPCI à fiscalité propre ayant délibéré afin d’assujettir à la TH les logements vacants.

De surcroît, la TH s’applique aux résidences secondaires dans les mêmes conditions qu’aux résidences principales (à l’exception des exonérations et dégrèvements limités à la résidence principale). En outre, la loi de finances rectificative pour 2014 ([129]) a ouvert la possibilité aux communes situées en zone tendue, où la TLV s’applique également de plein droit, d’instaurer des majorations sur la cotisation de TH pour les logements meublés non affectés à l’habitation principale. L’article 1407 ter du CGI, qui codifie la disposition, dispose que ces communes peuvent « majorer dun pourcentage compris entre 5 % et 60 % la part lui revenant de la cotisation de taxe dhabitation due au titre des logements meublés non affectés à lhabitation principale ». Toutefois, la somme du taux de TH de la commune et du taux de TH de la commune multiplié par le taux de la majoration ne peut excéder le taux plafond de TH. La majoration est calculée sur le montant de cotisation de TH revenant à la commune. Il en résulte qu’elle ne trouve pas à s’appliquer en cas d’exonération totale de la cotisation de TH. Enfin, certains contribuables peuvent, sur réclamation, bénéficier d’un dégrèvement de la majoration, financé par la commune : les personnes contraintes de résider dans un lieu distinct de celui de leur habitation principale du fait de leur activité professionnelle ; les personnes hébergées durablement dans un établissement de soins ou enfin, les personnes qui ne peuvent affecter le logement à un usage d’habitation principale pour une cause étrangère à leur volonté (logements mis en location ou en vente, logements insalubres, etc.).

La suppression complète de la TH ne doit pas entraîner mécaniquement la disparition de ces dispositifs fiscaux : d’une part, la disparition de dispositifs fiscaux incitatifs qui visent à limiter le nombre de logements vacants ou de résidences secondaires en zone tendue n’est pas souhaitable, car elle reviendrait à priver la politique du logement d’un instrument utile ; d’autre part, la suppression de la TH sur les résidences principales pour l’ensemble des contribuables n’est pas incompatible avec le maintien d’une taxation sur les résidences secondaires.

II.   Le dispositif proposÉ

Le présent article prévoit la suppression définitive et intégrale de la TH sur les résidences principales à partir de 2023. Les modalités de mise en œuvre progressive de cette suppression sont décrites dans la première partie du présent commentaire (dégrèvement intégral pour 80 % des redevables en 2020, exonération progressive pour les 20 % restant en 2021 et 2022, suppression de la TH sur les résidences principales en 2023). En ce qui concerne la réforme du financement des collectivités territoriales, l’année charnière est l’année 2021 à partir de laquelle les recettes de la TH sur les résidences principales sont transférées à l’État et le nouveau schéma de financement des collectivités territoriales est mis en place.

A.   La compensation de la suppression de la taxe d’habitation pour les collectivitÉs territoriales et ses consÉquences sur la fiscalitÉ locale

La réforme proposée par le présent article se traduit par l’attribution d’une nouvelle ressource aux communes, en remplacement de la TH, sur laquelle elles disposeront d’un pouvoir de taux : la fraction départementale de la TFPB. Ainsi, la TFPB est intégralement affectée au bloc communal, ce qui rend la fiscalité locale plus lisible pour les citoyens et renforce le lien entre l’échelon local et le contribuable. Un coefficient correcteur s’applique aux communes lorsque la TFPB départementale ne correspond pas exactement à la recette de TH supprimée. Pour les intercommunalités et les départements, les pertes de recettes liées à cette réforme sont intégralement compensées par l’affectation d’une recette dynamique, sous la forme d’une fraction de TVA comme il en existe actuellement pour les régions. Concernant ces dernières, les frais de gestion de TH sont remplacés par une dotation budgétaire. Enfin, le présent article tire les conséquences de la suppression de la TH sur les taxes additionnelles (TSE et GEMAPI), les règles de lien et de plafonnement des taux (pivot autour de la TFPB) et sur les compensations d’exonérations de TFPB et de TH.

1.   La compensation du dégrèvement de TH en 2020 et le transfert de la taxe d’habitation afférente à la résidence principale à l’État en 2021

● Pour rappel, pour l’année 2020, le dégrèvement sous conditions de ressources de TH sur les résidences principales dont bénéficient 80 % des contribuables est adapté afin que les contribuables concernés ne paient plus aucune cotisation de TH sur leur résidence principale, même si les collectivités ont augmenté leur taux d’imposition en 2018 ou en 2019. En effet, le 1.1.2.1.1 dispose que le montant du dégrèvement est égal « à la somme de la cotisation de taxe dhabitation de lannée dimposition », et non plus en retenant les taux et les abattements appliqués en 2017. Par ce biais, les collectivités territoriales bénéficient d’un dégrèvement de la perte de TH calculé sur la base des taux et des montants d’abattements appliqués en 2020 (c’est-à-dire des taux et des montants d’abattements appliqués en 2019 du fait du gel présenté ci-après).

Toutefois, afin de ne pas faire bénéficier les communes et les EPCI ayant augmenté leurs taux appliqués en 2018 ou en 2019 d’un effet d’aubaine, le 6.10 du présent article met en place pour 2020 uniquement un mécanisme de reprise au profit de l’État sur les avances de fiscalité (impositions locales perçues par l’État pour le compte des collectivités territoriales et reversées par douzième mensuel par le biais du compte de concours financier Avances aux collectivités territoriales).

Pour chaque commune et EPCI, le II du 6.10 dispose que la reprise correspond à la différence entre, d’une part, le montant du dégrèvement de TH sur les résidences principales au titre de 2020 qui aurait résulté de l’application des taux votés en 2017 et, d’autre part, le montant du dégrèvement de TH sur les résidences principales au titre de 2020 qui a résulté de l’application des taux appliqués en 2019 (c’est-à-dire des taux appliqués en 2020 du fait du gel présenté ci-après). Le mécanisme vise ainsi à reprendre aux communes et aux EPCI ayant augmenté leurs taux pour 2018 et 2019 le montant supplémentaire de dégrèvement versé en 2020 du fait du changement de l’année de référence des taux. Il ne concerne pas les baisses d’abattement facultatif décidées par les communes durant la même période.

● Corrélativement, afin de limiter, d’une part, les hausses de cotisation de TH pour les contribuables dont le niveau de ressources les conduit à continuer à acquitter cette taxe (20 % des contribuables restant) et, d’autre part, le coût pour l’État des dégrèvements puis des exonérations, le 1.6 du présent article procède en 2020 au gel des taux d’imposition et des montants d’abattements de TH au niveau de ceux appliqués en 2019 ainsi qu’au gel des taux de TSE et de taxe pour la GEMAPI additionnels à la TH. De la même manière, les valeurs locatives retenues pour l’établissement de la TH pour les locaux affectés à l’habitation principale ne sont pas revalorisées.

Le 1.6.1 dispose ainsi que, pour les impositions établies au titre de 2020, « les taux et les montants dabattements de taxe dhabitation sont égaux à ceux appliqués en 2019 ». De même, les valeurs locatives des locaux meublés affectés à l’habitation principale – utilisées pour le calcul de la TH, de l’abattement obligatoire pour charges de famille et des abattements facultatifs de base – ne sont pas revalorisées en 2020 en application de l’article 1518 bis du CGI (qui prévoit la revalorisation annuelle du fait de l’évolution de l’indice des prix à la consommation harmonisé).

La commission des finances a toutefois estimé que le gel des valeurs locatives en 2020 pour la TH sur les résidences principales n’apparaît pas justifié au regard des engagements du Président de la République de compenser à l’euro près les collectivités territoriales. Elle considère que la compensation doit inclure les variations courantes de la base imposable, en particulier la revalorisation forfaitaire et annuelle des valeurs locatives à l’inflation. Elle a toutefois estimé que l’utilisation de l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH), utilisé comme référence par le CGI, était déconnecté de l’inflation réelle observée en France. Pour rappel, l’article 1518 bis du CGI dispose, depuis 2018, que les valeurs locatives foncières sont majorées de l’IPCH du mois de novembre de l’année précédente.

En conséquence, la commission a adopté deux amendements de Mme Stella DUPONT (LaREM) et de M. Charles de COURSON (LT), sous-amendés par le Rapporteur général ([130]), revalorisant en 2020 les valeurs locatives à l’indice des prix à la consommation (IPC), soit 0,9 % sur un an en septembre 2019 (au lieu de 1,1 % pour l’IPCH sur un an en septembre 2019).

Le 1.6.2 précise que « le taux de la taxe dhabitation appliqué sur le territoire de la commune ou de lEPCI à fiscalité propre est égal au taux appliqué sur leur territoire en 2019 » et que l’ensemble des procédures d’intégration fiscale progressive sont suspendues (procédures permettant un rapprochement progressif des taux entre des communes venant de rejoindre un nouvel EPCI). Le 1.6.3 propose également de suspendre jusqu’en 2023 l’effet des délibérations prises pour appliquer la TH sur les logements vacants à compter de 2020. En revanche, la majoration de TH sur les résidences secondaires situées en zone tendue pourra toujours être instituée, dans la mesure où il s’agit d’une majoration de la cotisation et non du taux d’imposition.

Enfin, le 1.6.4 met en place, pour les impositions établies au titre de 2020, un gel des taux issus de la répartition des différentes TSE et de la taxe pour la GEMAPI sur la TH qui « ne peuvent dépasser les taux appliqués en 2019 au titre de chacune de ces taxes ». Il est également précisé que la fraction du produit voté de la taxe pour la GEMAPI ou de la TSE qui ne peut être répartie, du fait de ce gel, entre les redevables de la TH est répartie en 2020 entre les redevables de la TFPB, de la TFPNB et de la CFE selon les règles habituelles.

● En outre, à compter de 2021 et jusqu’à sa suppression définitive en 2023, le produit de la TH sur les résidences principales acquitté par les 20 % de foyers restants est affecté au budget de l’État. Le 1.8.1 dispose ainsi que, pour les impositions établies au titre des années 2021 et 2022, « lÉtat perçoit le produit de la taxe dhabitation afférente à lhabitation principale » à la place des communes et de leurs EPCI.

Par cohérence, le 1.8.3 dispose, une nouvelle fois, mais pour les impositions établies au titre des années 2021 et 2022, que « les taux et les montants dabattements de taxe dhabitation sont égaux à ceux appliqués en 2019 ». De même, les valeurs locatives des locaux meublés affectés à l’habitation principale ne sont pas revalorisées. Le 1.8.4 précise enfin, pour les impositions établies au titre des années 2021 et 2022, que « le taux de la taxe dhabitation appliqué sur le territoire de la commune ou de lEPCI à fiscalité propre est égal au taux appliqué sur leur territoire en 2019 » et que l’ensemble des procédures d’intégration fiscale progressive sont suspendues. Le 1.9 ajoute que les procédures de rapprochement des taux à la suite d’une fusion de communes ou d’EPCI intervenue au titre des années 2020 à 2022 sont reprises à compter de 2023 (initialisation différée des procédures d’intégration fiscale).

En conséquence, les taux et les montants d’abattements de la TH sur les locaux meublés non affectés à la résidence principale, comme les montants de TH sur les résidences principales, sont gelés entre 2020 et 2022 : l’architecture actuelle du système d’information de l’administration fiscale ne permettrait en effet pas le dédoublement de la chaîne de taxation entre d’une part la TH sur les résidences principales et d’autre part la TH sur les résidences secondaires, sans engager des évolutions lourdes qui ne pourraient pas être finalisées avant la fin de la période transitoire. En revanche, le gel des taux issus de la répartition des différentes TSE et de la taxe pour la GEMAPI sur la TH n’est pas reproduit en 2021 et en 2022 : la part TSE répartie sur la TH afférente aux résidences principales est budgétisée tandis que la part GEMAPI répartie sur cette TH est reportée sur les autres taxes (TH sur les résidences secondaires, taxes foncières et CFE).

● Enfin, à compter de 2023, le 1.3 du présent article procède à la suppression définitive de la TH sur les résidences principales et la TH, renommée « TH sur les résidences secondaires et autres locaux meublés non affectés à lhabitation principale », ne concerne plus que les résidences secondaires et autres locaux meublés non affectés à l’habitation principale, notamment les locaux meublés occupés par des personnes morales. Il procède ensuite à l’ensemble des coordinations nécessaires pour rendre effective la suppression de la TH sur les résidences principales. En outre, la TLV et la majoration de TH pour les résidences non affectées à l’habitation principale, en zone tendue, ainsi que la TH sur les locaux vacants (THLV), hors zone tendue, sont maintenues.

Ainsi, à compter de 2023, la TH sur les résidences principales aura complètement disparu et les collectivités territoriales retrouveront une liberté de taux et de montants d’abattements sur l’imposition des locaux meublés non affectés à l’habitation principale, en plus de la dynamique induite par la revalorisation annuelle des bases.

2.   Le transfert de la part départementale de taxe foncière sur les propriétés bâties aux communes et l’instauration d’un mécanisme de coefficient correcteur

Du fait du basculement de produit de la TH sur les résidences principales des communes et des EPCI à l’État et de la transformation du dégrèvement de TH sur les résidences principales en une exonération, l’année 2021 constitue l’année de définition et d’entrée en vigueur du nouveau schéma de financement des collectivités territoriales. Dès lors, la modification à compter de 2021 de l’affectataire de la TH afférente à l’habitation principale conduit à la perte définitive d’un produit fiscal important pour les communes et les EPCI à fiscalité propre. Par ailleurs, la répartition actuelle de la TFPB en une part communale, une part intercommunale et une part départementale va à l’encontre d’une logique de spécialisation des impôts par niveau de collectivités territoriales, cette dernière permettant pourtant de rendre l’impôt plus lisible pour les contribuables.

Afin de compenser les pertes de recettes qui en résultent, tout en assurant le respect du principe d’autonomie financière et en renforçant la spécialisation des impôts locaux, il est proposé que les communes soient compensées en premier lieu par le transfert, à compter de 2021, de la part de la TFPB qui revient aux départements et à la métropole de Lyon. Par ailleurs, la redescente de la part départementale de la TFPB vers les communes doit s’accompagner d’ajustements des taux, des exonérations et des abattements afin d’éviter tout ressaut d’imposition pour les contribuables, tout en garantissant la compensation à l’euro près pour les communes par le biais d’un coefficient correcteur.

a.   Le transfert de la part départementale de la taxe foncière sur les propriétés bâties aux communes et la neutralisation de ses effets pour les contribuables

À compter de 2021, la part de TFPB affectée jusqu’alors aux départements est affectée aux communes (le département ne percevra plus de taxe foncière). Ce transfert permet de compenser en grande partie, pour les communes, la suppression de la TH sur les résidences principales et de renforcer la spécialisation de la TFPB en supprimant un échelon de collectivité bénéficiaire.

La redescente en 2021 de la part départementale de la TFPB vers les communes s’articule autour de deux axes :

– le taux de TFPB de référence de la commune correspond à la somme du taux départemental en 2020 et du taux de la commune en 2020 afin de garantir la neutralité du transfert dans toutes les situations où les bases communales et départementales sont identiques ;

– une base communale de référence au titre de l’année 2020 est calculée : les quotités d’abattement et d’exonérations communales sont ajustées à la hausse ou à la baisse en fonction de la politique d’abattement et d’exonération mise en œuvre par le département.

Sur la base de cette situation de référence reconstituée au titre de l’année 2020, les communes pourraient exercer, à compter de 2021, leur pouvoir de taux en matière de TFPB et, à compter de 2022, leur pouvoir d’exonération et d’abattement dans les conditions de droit commun.

i.   Le transfert de la part départementale de la taxe foncière sur les propriétés bâties aux communes

● Dans un premier temps, le 2.1 du présent article supprime l’attribution au département de la TFPB (article 1586 du CGI). En conséquence, le 2.2 procède à des adaptations de plusieurs dispositifs d’exonération :

– actuellement, l’article 1382 du CGI exonère de TFPB les « immeubles nationaux, les immeubles régionaux, les immeubles départementaux pour les taxes perçues par les communes et par le département auquel ils appartiennent et les immeubles communaux pour les taxes perçues par les départements et par la commune à laquelle ils appartiennent, lorsquils sont affectés à un service public ou dutilité générale et non productifs de revenus ». Ainsi, un immeuble appartenant à une collectivité territoriale est totalement exonéré s’il est situé sur le territoire de la collectivité qui en est le propriétaire. Dans le cas contraire, il est imposé à la TFPB uniquement pour la part qui revient à la collectivité qui a la même nature que la collectivité propriétaire. Le 2.2.1 modifie l’article 1382 du CGI pour tenir compte de la suppression de la part départementale de TFPB. Il maintient, d’une part, l’imposition à la TFPB, à hauteur de l’ancienne part départementale appliquée en 2020, des bâtiments départementaux situés hors de leur territoire et, d’autre part, l’exonération de TFPB, à hauteur de l’ancienne part départementale appliquée en 2020, des bâtiments communaux ;

– l’article 1383 du CGI exonère de TFPB les constructions nouvelles durant les deux années qui suivent celle de leur achèvement. Cette exonération ne s’applique pas, pour la part communale et intercommunale de TFPB, aux immeubles autres que ceux à usage d’habitation. De plus, les communes et EPCI peuvent supprimer, pour la part de TFPB qui leur revient, l’exonération pour les immeubles à usage d’habitation, sauf pour les logements sociaux. Il importe de souligner que ces dispositions ne s’appliquent pas à la part départementale de la TFPB. En ce qui concerne cette imposition, l’exonération de deux ans en faveur des constructions nouvelles est maintenue, quelle que soit l’affectation des immeubles (à usage d’habitation ou professionnel).

Le 2.2.2 du présent article propose une réécriture de l’article 1383 du CGI et modifie les conditions d’application de cette exonération : désormais, les communes et EPCI peuvent délibérer afin de limiter l’exonération applicable aux locaux d’habitation neufs, pour la part qui leur revient, à un pourcentage situé entre 50 % et 90 % de la base imposable (50, 60, 70, 80 ou 90 %). La délibération pourrait toutefois décider de maintenir une exonération complète sur les logements sociaux. À l’inverse, les locaux professionnels neufs sont désormais exonérés de la TFPB à hauteur de 50 % de la base imposable durant les deux années qui suivent celle de leur achèvement (soit approximativement la part de l’ancienne TFPB départementale dans la nouvelle par de TFPB communale). Enfin, afin de ne pas porter atteinte aux droits acquis par certains locaux, le 2.6.2 prévoit que pour les constructions nouvelles achevées avant la redescente de la part départementale de la TFPB, l’exonération continue de produire ses effets pendant la durée restant à courir. Il est aussi précisé que les produits de TFPB départementale issus de rôles supplémentaires émis pour les impositions établies avant 2021 restent perçus par les départements ;

– les 2.2.3 à 2.2.10 procèdent à des coordinations avec les autres exonérations de TFPB prises sur délibérations du département (remplacement des termes « collectivités » ou « département » par « commune »).

ii.   La création d’une situation fiscale de référence pour l’établissement de la nouvelle TFPB communale

● Dans un deuxième temps, le 2.3 effectue le transfert de la part départementale de la TFPB aux communes. Le 2.3.1 procède à la descente du taux départemental de TFPB en créant un article 1640 G du CGI nouveau qui définit un taux de référence communal pour l’année 2021 égal « à la somme des taux communal et départemental appliqués en 2020 sur le territoire de la commune ». Il est précisé que les communes de la métropole de Lyon sont compensées par la descente du taux de TFPB de la métropole de Lyon appliqué en 2014 au profit du département du Rhône (avant la création de la métropole fusionnant département et échelon intercommunal). Cette situation communale de référence (addition des taux départementaux et communaux applicables en 2020, c’est-à-dire le dernier taux départemental connu) sert de point de départ pour l’établissement de la nouvelle TFPB communale.

Le 2.3.2 procède ensuite à la neutralisation des effets induits par le transfert aux communes de la part départementale de la TFPB sur les cotisations des contribuables.

Afin que la redescente de la part départementale de la TFPB aux communes ne conduise ni à un ressaut d’imposition pour les contribuables ni à une perte de ressources pour les communes, des ajustements sont mis en œuvre pour intégrer les exonérations et abattements applicables au niveau départemental. En effet, les modalités de détermination du taux de référence ne permettent de garantir la neutralité pour les contribuables et les collectivités de la redescente de la TFPB que dans les situations où les bases communale et départementale sont identiques.

Inversement, les contribuables bénéficiant d’abattement ou d’exonération différents aux niveaux communal et départemental subiraient, en cas de simple redescente des taux, une perte ou un gain de ressources par rapport au produit de TFPB départemental transféré. Il est donc nécessaire de calculer une base communale de référence au titre de l’année 2020 en ajustant les quotités d’abattement et d’exonération communales en fonction de la politique d’abattement et d’exonération mise en œuvre par le département.

En effet, s’agissant de la TFPB, les communes, les EPCI et les départements disposent d’un pouvoir de taux et peuvent instituer des abattements et exonérations qui s’ajoutent aux exonérations et abattements de plein droit. Compte tenu de la diversité sur le territoire des politiques d’abattement et d’exonération mises en œuvre par les différents niveaux de collectivités, les bases d’imposition à la TFPB départementale et communale diffèrent, avec des écarts de base qui peuvent être localement très marqués, même si elles sont toutes deux déterminées à partir de la valeur locative cadastrale des locaux présents sur le territoire. À l’échelle nationale, la somme des bases nettes imposables de foncier bâti en 2017 s’établissait ainsi à 88,4 milliards d’euros pour les communes et à 87,2 milliards d’euros pour les départements, soit une différence de plus d’un milliard d’euros. Ce montant, agrégé au niveau national, masque en outre des réalités très diverses, avec des écarts de base qui peuvent être localement bien plus marqués.

Dans ce contexte, et afin d’assurer la neutralité de la redescente de la part départementale de TFPB aux communes pour les contribuables tout en préservant, pour celles-ci, le produit redescendu :

– le 2.3.2.3 définit un mécanisme de correction appliquée aux abattements de valeur locative de la TFPB lors du transfert de la part départementale de la TFPB aux communes (nouvel article 1518 quater du CGI). Chaque abattement communal utilisé pour l’établissement de la valeur locative de la TFPB est recalculé en fonction de l’abattement départemental applicable avant l’affectation de la part départementale de TFPB à la commune. Ce dispositif permet d’ajuster les quotités d’abattement des communes à proportion des taux respectifs de TFPB départementale et communale et des abattements en vigueur en 2020 avant le transfert, et de maintenir ainsi un abattement identique pour le contribuable à l’issue de la descente de la TFPB départementale ([131]). Cette mesure s’applique en particulier à l’abattement facultatif de valeur locative de 100 % pour les installations destinées à la lutte contre la pollution des eaux et de l’atmosphère (article 1518 A du CGI) et à celui de 50 % pour les installations affectées à la réalisation d’opérations de recherche scientifique et technique (article 1518 A quater du CGI). Des modalités particulières de recalcul des abattements de valeurs locatives sont prévues pour les locaux professionnels existants avant 2021 afin de prendre en compte les recalculs des coefficients de neutralisation et de planchonnement effectués par le 2.3.2.1 évoqué ci-dessous ([132]). Le taux d’abattement issu de ces mesures de rapprochement cesse de s’appliquer dès que la commune délibère pour le modifier ;

– dans la même logique, le 2.3.2.4 définit un mécanisme de correction appliquée aux exonérations lors du transfert de la part départementale de la TFPB aux communes (nouvel article 1382-0 du CGI). Ce dernier s’appliquera à près d’une trentaine d’exonérations de TFPB pouvant faire l’objet d’une délibération par le département et la commune (locaux affectés à l’activité de déshydratation de fourrages, locaux assurant le service public hospitalier, locaux occupés par une maison de santé, locaux des établissements publics d’enseignement supérieur, etc.). Chaque taux d’exonération communale de TFPB est recalculé en fonction du taux d’exonération départementale applicable avant l’affectation de la part départementale de TFPB à la commune. Ce dispositif permet d’ajuster les taux d’exonération des communes à proportion des taux respectifs de TFPB départemental et communal et des taux d’exonération départemental et communal en vigueur en 2020 avant le transfert, et de maintenir ainsi un taux d’exonération identique pour le contribuable à l’issue de la descente de la TFPB départementale ([133]). De manière symétrique au mécanisme pour les abattements, des modalités particulières de recalcul des taux d’exonération sont prévues pour les locaux professionnels existants avant 2021 afin de prendre en compte des recalculs des coefficients de neutralisation et de planchonnement effectués par le 2.3.2.1 précédemment évoqué ([134]). Le taux d’exonération issu de ces mesures de rapprochement cesse de s’appliquer dès que la commune délibère pour le modifier ;

– dans la même logique, le 2.3.2.5 définit un autre mécanisme de correction appliquée aux abattements de base d’imposition à la TFPB lors du transfert de la part départementale de TFPB aux communes (nouvel article 1388-0 du CGI). Chaque abattement communal utilisé pour l’établissement de la base d’imposition de la TFPB est recalculé en fonction de l’abattement départemental applicable en 2020 avant l’affectation de la part départementale de TFPB à la commune selon des modalités similaires à celles évoquées précédemment pour les abattements de valeur locative de TFPB ([135]). Cette mesure s’applique à une dizaine d’abattements de base d’imposition (abattement de 50 % de la base d’imposition pour les locaux des entreprises nouvellement créées en outre-mer, de 25 % pour les locaux de résidence temporaire, de 15 % pour les locaux de vente dont la surface principale est inférieure à 400 mètres carrés, etc.). Le taux d’abattement issu de ces mesures de rapprochement cesse de s’appliquer dès que la commune délibère pour le modifier.

Ces trois mécanismes de correction, à savoir le mécanisme de correction des abattements de valeur locative (2.3.2.3), de taux d’exonération (2.3.2.4) et des abattements de base d’imposition (2.3.2.5), prévoient chacun un dispositif de maintien des droits acquis antérieurement. Ainsi, si les trois mécanismes de correction cessent de s’appliquer dès que la commune délibère pour fixer un nouvel abattement ou une nouvelle exonération, les abattements et les exonérations tels que recalculés par le présent dispositif sont maintenus pour leur durée et quotité initialement prévue.

Exemple d’application du mécanisme de correction des abattements de base d’imposition

Au titre de l’année n – 1, un abattement facultatif de 10 % s’applique à ce local sur la seule part départementale et les taux de TFPB appliqués par la commune et le département s’établissent à 10 % et 15 %, soit un taux de 25 % après redescente.

Formule de la correction du taux dabattement = (taux dabattement communal * taux dimposition communal + taux dabattement départemental * taux dimposition départemental)/(taux dimposition communal + taux dimposition départemental)

Correction du taux d’abattement = (0 % * 10 % + 10 % * 15 %)/(10 % + 15 %) = 6

Le nouveau taux d’abattement communal est de 6 %.

Par ailleurs, certains dispositifs d’atténuation de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels (RVLLP), à savoir le coefficient de neutralisation et le planchonnement, qui sont différents en fonction des collectivités territoriales, doivent être corrigés pour éviter toute variation d’imposition pour les contribuables :

– le 2.3.2.1.1 procède à un recalcul du coefficient de neutralisation, issue de la RVLLP, pour assurer la neutralité de la redescente de la TFPB pour les locaux professionnels. Pour rappel, dans l’attente d’une révision des valeurs locatives des locaux d’habitation (RVLLH), un coefficient de neutralisation est appliqué à la valeur locative révisée afin d’éviter notamment une surimposition des locaux professionnels dont les valeurs locatives ont été révisées (article 1518 A quinquies du CGI, I). Ce coefficient est égal, pour chaque taxe et chaque collectivité territoriale, au rapport entre, d’une part, la somme des valeurs locatives non révisées et, d’autre part, la somme des valeurs locatives révisées de ces mêmes propriétés. Il est proposé de modifier les modalités de calcul du coefficient de neutralisation communale applicable à la TFPB pour prendre en compte la redescente de la TFPB départementale au niveau communal ([136]) ;

– dans la même logique, le 2.3.2.1.2 procède à un recalcul du planchonnement afin d’assurer la neutralité de la redescente de la TFPB départementale pour les locaux professionnels réévalués. Pour rappel, jusqu’en 2025, le mécanisme de planchonnement atténue de moitié la variation à la hausse ou à la baisse de valeur locative d’un local constatée après application du coefficient de neutralisation (article 1518 A quinquies, III). Ainsi, pour chaque local et pour les impositions dues jusqu’en 2025, lorsque la différence entre la valeur locative non révisée et la valeur locative révisée puis neutralisée est positive, la valeur locative du local est majorée d’un montant égal à la moitié de cette différence ; inversement, lorsque la différence entre la valeur locative non révisée et la valeur locative révisée puis neutralisée est négative, la valeur locative du local est minorée d’un montant égal à la moitié de cette différence. Il est proposé de modifier les modalités de calcul de cette majoration ou minoration applicable aux valeurs locatives communales servant à l’établissement de la base d’imposition pour prendre en compte la redescente de la TFPB départementale au niveau communal ([137]) ;

– par ailleurs, le dispositif de lissage sur 10 ans des variations de cotisation de TFPB dans le cadre de la RVLLP, calculé pour chaque niveau de collectivités territoriales en 2017, est préservé sans modification législative dans la mesure où ce dernier n’évolue pas en fonction de la valeur locative.

Enfin, par coordination, le 2.3.2.2 du présent article précise les modalités de calcul de la valeur locative dans le cadre du dispositif de lissage de la valeur locative en cas de changement de méthode de détermination de la valeur locative d’un bâtiment ou terrain industriel (1518 A sexies du CGI). Pour rappel, lorsque la variation de valeur locative excède 30 %, celle-ci fait l’objet d’une réduction égale à 85 % du montant de la variation de valeur locative la première année où le changement est pris en compte, à 70 % la deuxième année, à 55 % la troisième année, à 40 % la quatrième année, à 25 % la cinquième année et à 10 % la sixième année. Il est proposé de préciser que pour les locaux qui bénéficient de ce dispositif de lissage en 2021, la réduction est recalculée, pour les années restant à courir, en tenant compte des modifications des coefficients de neutralisation et du planchonnement précédemment ajustés.

● Ensuite, sur la base de cette situation initiale de référence reconstituée au titre de l’année 2020 (taux de référence puis correction des abattements et exonérations), les communes pourront exercer, à compter de l’année 2021, leur pouvoir de taux et, à compter de l’année 2022, leur pouvoir d’exonération et d’abattement dans les conditions de droit commun. Pour rappel, les collectivités territoriales doivent délibérer, pour instaurer, supprimer ou modifier leurs abattements et exonérations applicables au titre de l’année n, avant le 1er octobre de l’année n – 1 (article 1639 A bis du CGI). Elles peuvent en revanche voter leurs taux jusqu’au 15 avril de l’année n (article 1639 A du CGI).

Le 2.6.1 procède à la suspension, uniquement pour l’année 2021, du pouvoir de délibération des communes en matière d’abattement et d’exonération (c’est-à-dire des délibérations prises en application de l’article 1639 A bis du CGI). Cette suspension est justifiée par l’évaluation préalable du présent article pour « des raisons techniques de gestion » : en effet, l’administration fiscale ne serait pas en mesure de prendre en compte, dans un même temps, à la fois les mécanismes de correction évoqués précédemment, ainsi que les nouvelles délibérations entrées en vigueur au 1er janvier 2021 et votées au plus tard au 1er octobre 2020. La mesure permet à l’administration fiscale de calculer une base et un taux communal de référence en retenant à cette fin, d’une part, les taux et, d’autre part, les abattements et exonérations appliqués au titre de l’année 2020 et votés, respectivement avant le 15 avril 2020 et le 1er octobre 2019.

● De surcroît, du fait de la redescente du produit départemental de la TFPB au niveau communal, le 2.3.3 effectue des corrections concernant le calcul de la répartition des taux communaux de taxe pour la GEMAPI et de TSE entre les différentes taxes directes locales.

Ainsi, le 2.3.3.1 modifie l’article 1530 bis du CGI relatif à la taxe pour la GEMAPI en disposant qu’à compter des impositions établies au titre de 2022, les recettes de TFPB des communes à prendre en compte pour réaliser la répartition du produit (cf. I.B.2.A.ii du présent commentaire) sont minorées du produit que cette taxe a procuré au département, sur le territoire de chaque commune, au titre de l’année 2020. En effet, en l’absence d’une telle correction, le montant de TFPB communal utilisé pour la répartition de l’effort fiscal de la taxe pour la GEMAPI augmenterait mécaniquement, conduisant à une hausse du taux de la taxe pour la GEMAPI distribué sur la TFPB, et donc à une hausse de l’imposition pour les contribuables concernés (et inversement à une baisse de l’imposition afférente sur la TFPNB, la TH et la CFE).

Dans la même logique, les 2.3.3.3 et 2.3.3.4 effectuent des corrections similaires pour la répartition des TSE (cf. I.B.2.A.i du présent commentaire) perçues au profit des EPF (articles 1636 B octies et 1609 G du CGI). Le 2.3.3.2 effectue une correction similaire pour la taxe additionnelle spéciale annuelle instituée au profit de la région d’Île-de-France. Pour rappel, cette taxe fonctionne de manière similaire à la TSE affectée à la SGP, à la différence que le plafond du produit est fixé à 80 millions d’euros, qu’elle est affectée à la région d’Île-de-France et qu’elle est répartie entre les personnes assujetties à la TFPB et à la CFE uniquement, proportionnellement aux recettes que chacune de ces taxes a procurées l’année précédente à l’ensemble de ces communes et de leurs EPCI situés dans le ressort de la région.

● Enfin, le 2.4.1 effectue les coordinations et les adaptations nécessaires des dispositifs précédemment évoqués pour la métropole de Lyon (en particulier, la référence au taux départemental appliqué en 2020 est remplacée par la référence au taux appliqué en 2014 au profit du département du Rhône). Le 2.4.2 effectue les coordinations et les adaptations nécessaires pour la Ville de Paris afin de ne pas appliquer les mécanismes précédemment évoqués. En effet, les ajustements nécessaires ont déjà été réalisés lors de la création de cette collectivité territoriale à statut particulier ([138]).

Le 2.5 effectue plusieurs coordinations techniques :

– le 2.5.1 supprime l’affectation de la TFPB aux recettes fiscales de la section de fonctionnement des départements (article L. 3332-1 du CGCT) ;

– le 2.5.4 retire le bénéfice de la TFPB à la collectivité de Corse (article L. 4421-2 du CGCT).

b.   L’instauration d’un mécanisme de coefficient correcteur destiné à neutraliser les écarts de compensation pour les communes du fait du transfert de la part départementale

Afin de garantir aux communes une compensation à l’euro près de la suppression de la TH afférente à l’habitation principale, deux difficultés sont à surmonter :

– d’une part, à l’échelle de chaque commune, la part de la TFPB départementale transférée, correspondant au territoire de la commune, ne peut correspondre exactement au montant de la TH sur les résidences principales supprimé pour la commune. Ainsi, sur la base des données 2018, pour 24 656 communes surcompensées, le produit de TFPB départementale transféré est supérieur au produit de TH communale supprimé. À l’inverse, pour 10 722 communes (hors Paris) sous-compensées, le produit transféré est inférieur au produit supprimé ;

– d’autre part, à l’échelle nationale, la perte de TH, évaluée à 15,4 milliards d’euros hors Paris en 2020, est supérieure à la ressource de TFPB départementale transférée évaluée à 15 milliards d’euros en 2020.

● Dans ce contexte, le 4.1 met en place, à compter de 2021, un nouveau mécanisme prenant la forme d’un coefficient correcteur neutralisant les sur- ou sous-compensations communales résultant de la suppression de la TH et du transfert de la TFPB départementale, par le biais du compte d’avances des collectivités territoriales. Il consiste à utiliser les surcompensations pour résorber les sous-compensations et garantir, avec une intervention de l’État, le même niveau de ressources aux communes avant et après la réforme. Il permet de plus de tenir compte de la dynamique de la base d’imposition à la TFPB et de l’intégralité de la politique de taux des communes.

Le coefficient correcteur est appliqué en trois étapes : le calcul de la perte ou du gain initial (i), le calcul du coefficient correcteur (ii), les modalités d’application de ce coefficient correcteur (iii).

i.   Le calcul de la sous-compensation ou surcompensation initiale

Il convient de déterminer les ressources communales avant et après réforme de façon à identifier les communes sur ou sous-compensées et les montants associés, sur la base des données 2020 et des taux 2017. Le I du 4.1 dispose qu’il s’agit de la différence entre :

– d’une part, les ressources supprimées : il s’agit de la ressource de TH afférente à l’habitation principale supprimée, constituée de la somme du produit communal de TH afférente à l’habitation principale calculé en retenant les bases d’imposition de 2020 et les taux de 2017, des compensations d’exonérations de TH versées en 2020 à la commune et de la moyenne annuelle des rôles supplémentaires de TH afférente à l’habitation principale émis en 2018, 2019 et 2020 au profit de la commune. Sur ce dernier point, il est proposé de retenir la moyenne des rôles supplémentaires émis en 2018, 2019 et 2020, au titre de l’année en cours ou d’une année antérieure, et non de prendre les rôles supplémentaires émis au titre de 2020 (et donc potentiellement versé en 2021, 2022 ou 2023) afin de figer dès 2020 le coefficient correcteur et ne pas le recalculer chaque année jusqu’en 2023 ;

– d’autre part, les ressources transférées : il s’agit des ressources de TFPB départementale transférées à la commune, correspondant au produit de la TFPB émis au profit du département sur le territoire de la commune, calculé en retenant le produit de TFPB effectivement versé au département au titre de 2020 (en retenant donc les bases d’imposition et les taux de 2020), des compensations d’exonérations de TFPB versées en 2020 au département et de la moyenne annuelle des rôles supplémentaires de TFPB émis en 2018, 2019 et 2020 au profit du département.

La différence entre la perte du produit de la TH sur les résidences principales et le produit supplémentaire résultant du transfert de la part départementale de TFPB est ainsi calculée sur la base de la situation constatée en 2020. Toutefois, les taux de TH pris en compte sont ceux appliqués en 2017 afin de ne pas faire bénéficier certaines communes de l’effet des hausses de taux réalisées en 2018 ou 2019.

Formule de calcul de la sous ou surcompensation
initiale des communes

 

THRP : taxe d’habitation sur les résidences principales ; RS : rôles supplémentaires.

Il est noté, de manière contre-intuitive, que si la différence est positive, la commune est sous-compensée et, inversement, si la différence est négative, la commune est surcompensée.

ii.   Calcul du coefficient correcteur

Ensuite, le II du 4.1 dispose que le coefficient correcteur est égal au rapport entre la somme du produit communal et départemental de TFPB en 2020, à laquelle est ajoutée la sur ou sous-compensation précédemment calculée sous forme de différence, à ces mêmes produits communal et départemental de TFPB. En d’autres termes, le produit communal de TFPB après transfert de la part départementale, corrigé de la différence des ressources de référence calculées au I du 4.1 (sur ou sous-compensation), est rapporté à ce même produit communal de TFPB après transfert de la part départementale.

FORMULE DE CALCUL du coefficient correcteur
DES COMMUNES

 

Note : com : commune ; dpmt : département.

Le coefficient correcteur est fixe : il est calculé de manière définitive et s’appliquera chaque année à compter de 2021. Il est noté que si le coefficient correcteur est plus grand que 1 (coefficient correcteur majorant), la commune est sous-compensée et, inversement, si le coefficient correcteur est compris entre 0 et 1 (coefficient correcteur minorant), la commune est surcompensée.

iii.   Modalités d’application du coefficient correcteur

Le III du 4.1 définit ensuite les modalités selon lesquelles le coefficient correcteur est appliqué sur le produit net de TFPB afin d’assurer un produit équivalent au produit de référence que percevait la commune au titre de la TH sur les résidences principales et de la TFPB sans réforme.

● Pour des raisons de simplification du dispositif, les communes dont la surcompensation est inférieure à 10 000 euros ne sont pas concernées par le dispositif de correction et bénéficient du produit supplémentaire. Inversement, pour chaque commune surcompensée de plus de 10 000 euros, le dispositif de correction s’applique et le produit de TFPB versé à la commune au titre d’une année sera égal à la somme :

1. du produit de la TFPB émis au profit de la commune au titre de l’année multiplié par :

– le rapport entre, d’une part, la somme des taux de TFPB communal et départemental appliqués sur le territoire de la commune en 2020 et, d’autre part, le taux de TFPB de la commune appliqué au titre de l’année ;

– le coefficient correcteur.

2. du produit de la TFPB émis au profit de la commune multiplié par le rapport entre :

– la différence entre le taux de TFPB de la commune appliqué au titre de l’année et la somme des taux de TFPB communal et départemental appliqués sur le territoire de la commune en 2020. Il s’agit de calculer le différentiel de taux entre l’année de versement et l’année 2020 ;

– le taux de TFPB de la commune appliqué au titre de l’année.

Formule de calcul des recettes de TFPB versÉes aux communes dont le montant de la surcompensation est SUPÉRIEUR À 10 000 euros

 

N : année de versement ; com : communal ; dpmt : départemental ; CoCo : coefficient correcteur.

Il est précisé que lorsque le montant du produit de TFPB versé à la commune devient négatif (prélèvement au titre du coefficient correcteur supérieur aux recettes de TFPB du fait d’une baisse importante des taux de TFPB de la commune postérieure à la réforme), ce dernier s’impute sur les attributions versées au titre des avances de fiscalité locale.

Pour les communes sous-compensées, le produit de TFPB versé à la commune sera majoré d’un complément. Ce complément sera égal au produit net issu des rôles généraux de la TFPB émis au profit de la commune au titre de l’année multiplié par :

– le rapport entre, d’une part, la somme des taux de TFPB communal et départemental appliqués sur le territoire de la commune en 2020 et, d’autre part, le taux de TFPB de la commune appliqué au titre de l’année ;

– le coefficient correcteur diminué de 1.

FORMULE DE CALCUL DES RECETTES DE TFPB VERSÉES aux communes sous‑compensées

 

N : année de versement ; com : communal ; dpmt : départemental ; CoCo : coefficient correcteur.

Enfin, le IV du 4.1 procède à des adaptations du mode de calcul pour les communes de la Métropole de Lyon qui bénéficient de la redescente d’une partie du taux de la TFPB. Ainsi, la référence au produit de la TFPB émis en 2020 au profit du département sur le territoire de la commune est remplacée par la référence au produit de la TFPB émis en 2020 au profit de la métropole de Lyon sur le territoire de la commune, multiplié par le rapport entre le taux de TFPB appliqué sur le territoire de la commune en 2014 (et non en 2017) au profit du département du Rhône et le taux de TFPB appliqué sur le territoire de la commune en 2020 au profit de la métropole.

● De manière synthétique, le coefficient correcteur s’applique chaque année aux recettes de TFPB de la commune et le complément ou la minoration en résultant évolue dans le temps comme la base d’imposition à la TFPB. Le dispositif du coefficient correcteur permet ainsi, d’une part, de faire varier le montant retenu ou versé en fonction de l’évolution des bases de TFPB et, d’autre part, de faire bénéficier aux communes de la totalité de l’effet de leur politique de taux sur leur base fiscale de TFPB.

S’agissant des communes sous-compensées, elles sont compensées de la perte à l’euro près en 2021. Cette compensation évolue par la suite de la même manière que leur base d’imposition à la TFPB. En revanche, l’évolution de leurs taux, à la hausse ou à la baisse, est sans incidence sur leur compensation : ainsi, même si elles diminuent leurs taux, elles bénéficient du même niveau de compensation égal à leur perte initiale et à l’évolution de leurs bases. Elles bénéficient enfin de la totalité de leur hausse de taux sur leur base fiscale de TFPB (ce qui n’inclut pas la compensation versée). S’agissant des communes surcompensées de plus de 10 000 euros, la surcompensation est neutralisée et évolue en fonction de la dynamique de la base de TFPB. L’évolution de leur taux, à la hausse ou à la baisse, est sans incidence sur le montant du prélèvement réalisé, les communes surcompensées bénéficiant de la totalité de la hausse de produit en cas de hausse de leur taux de TFPB.

Ce mécanisme contraste avec celui appliqué lors de la suppression de la taxe professionnelle en 2010 ([139]). Les communes pour lesquelles le produit de TFPB départemental transféré est inférieur au produit de TH supprimé bénéficient d’une compensation dynamique, selon l’évolution de leurs bases de TFPB. En effet, le fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR) et la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP), tous les deux mis en place lors de la réforme de 2010, ne prennent pas en compte les effets base. Les montants à reverser et à prélever sont déterminés à l’initialisation et n’évoluent pas par la suite. Ils sont donc connus à l’avance par les communes sur et sous-compensées, mais leur évolution dans le temps ne prend pas en compte l’évolution ultérieure des bases d’imposition. Or, malgré la stabilité et la prévisibilité du FNGIR, ce dispositif est aujourd’hui critiqué par la plupart des collectivités territoriales du fait du caractère figé des prélèvements et de la déconnexion tendancielle constatée avec l’évolution de l’assiette des impôts économiques des collectivités.

● Le 3 du III du 4.1 du présent article précise que les minorations de TFPB prélevées sur les communes surcompensées sont utilisées pour le financement des majorations de TFPB pour les communes sous-compensées. Toutefois, pour rappel, le montant de TH communale sur les résidences principales de 15,4 milliards d’euros hors Paris en 2020 est supérieur à la ressource de TFPB départementale transférée évaluée à 15 milliards d’euros en 2020. Dès lors, afin de garantir l’équilibre financier du dispositif et d’assurer aux communes sous-compensées le versement des ressources financières qui ne seraient pas couvertes par les montants versés par les communes surcompensées, le 4.2 complète le financement par un abondement de l’État constitué d’une fraction des frais de gestion prélevés sur les impositions locales. Cette fraction est reversée à partir du compte d’avances des collectivités territoriales. L’abondement de l’État visant à équilibrer le dispositif prévu au 4.1 est constitué des frais de gestion applicables aux impositions locales, à savoir aux taxes additionnelles à la TFPB (principalement la taxe d’enlèvement des ordures ménagères – TEOM), à la CFE et à la CVAE.

● Enfin, le 4.3 dispose qu’une évaluation du dispositif est prévue en vue de son réexamen au cours de la troisième année suivant son entrée en vigueur (2024 pour une entrée en vigueur du coefficient en 2021) dont les résultats seront présentés dans un rapport remis au Parlement. Ce rapport présentera les effets du dispositif de compensation, notamment les conséquences sur les ressources financières des communes, l’impact sur l’évolution de la fiscalité directe locale et le cas échéant, les conséquences de la révision des valeurs locatives des locaux d’habitation ainsi que l’impact sur le budget de l’État.

La commission a adopté deux amendements identiques de Mme Stella DUPONT (LaREM) et de M. Charles de COURSON (LT) ([140]), afin d’avancer de trois mois la date de remise par le Gouvernement du rapport, et de préciser que ce dernier devra détailler les conséquences financières pour les communes sur et sous compensées, ainsi que les conséquences sur leurs capacités d’investissement.

3.   La mise en œuvre de mesures de compensation pour les EPCI à fiscalité propre, les départements, les collectivités à statut particulier et les régions

La suppression de la TH sur les résidences principales induit une perte de recettes non seulement pour les communes, mais également pour l’échelon intercommunal. De même, le transfert de la TFPB des départements aux communes induit une perte de recettes pour les départements qu’il convient également de compenser. Enfin, les régions perdent la fraction des frais de gestion sur la TH qui leur était affectée au titre de la compensation du transfert des compétences formation professionnelle et apprentissage. Le 5 du présent article propose de gager ces pertes de recettes, soit par l’affectation d’une fraction de TVA, soit par une dotation budgétaire spécifique.

● Dans ce contexte, le 5.1.1 affecte, à compter de 2021, une fraction du produit net de la TVA (à savoir le produit budgétaire de la TVA déduction faite des remboursements et restitutions) non seulement aux EPCI à fiscalité propre et aux départements, mais également à la Ville de Paris, au Département de Mayotte, à la métropole de Lyon, à la collectivité territoriale de Guyane, à la collectivité territoriale de Martinique et à la collectivité de Corse. Cette affectation vise à compenser la perte de ressources résultant :

– pour les EPCI à fiscalité propre et la Ville de Paris, de la suppression de la TH sur les résidences principales, sur la base du taux appliqué en 2017 ;

– pour les départements et les autres collectivités à statut particulier, de l’affectation aux communes de leur part de TFPB dans le cadre de la suppression de la TH sur les résidences principales, sur la base du taux appliqué en 2019.

Les modalités de mise en œuvre de cette affectation sont calquées sur celles retenues en 2018 pour les régions. Il est ainsi appliqué aux recettes nationales de TVA de l’année le rapport entre, d’une part, les recettes de TH perçues par l’EPCI à fiscalité propre et, d’autre part, les recettes nationales de TVA perçues en 2020. Environ 1 265 fractions de TVA doivent être calculées à ce titre.

● Ainsi, la suppression de la TH afférente à l’habitation principale perçue par les EPCI à fiscalité propre et la métropole de Lyon engendre une perte de ressources qu’il convient de compenser. Le I du 5.1.2 précise les modalités de calcul des fractions de TVA affectées aux EPCI à fiscalité propre et à la métropole de Lyon. Pour chaque EPCI à fiscalité propre et la métropole de Lyon, cette fraction est établie en appliquant au produit net de TVA un taux égal au rapport entre :

1. la somme :

– de la TH sur les résidences principales résultant du produit de la base d’imposition 2020 par le taux appliqué sur le territoire intercommunal en 2017 ;

– de la moyenne du produit intercommunal des rôles supplémentaires de TH sur les résidences principales et émis en 2018, 2019 et 2020 au profit de l’EPCI ou de la métropole de Lyon ;

– des compensations d’exonérations de TH sur les résidences principales versées à l’EPCI à fiscalité propre ou à la métropole de Lyon en 2020 ;

2. et le produit net de la TVA encaissé en 2020.

Formule de calcul de la fraction de TVA affectÉe
À chaque EPCI et À la mÉtropole de Lyon

N : année de versement ; THRP : taxe d’habitation sur la résidence principale ; RS : rôles supplémentaires.

Exemple de calcul de la fraction de TVA affectée aux EPCI

Soit un EPCI qui perçoit 40 de TH sur les résidences principales en année de référence n (produit de la TH sur les résidences principales à partir du taux 2017 et compensations d’exonérations) tandis que la recette nationale de TVA s’est élevée à 1 000. L’indice de référence de cet EPCI s’établit donc à 0,04 (40/1 000). En année n + 1, la recette nationale de TVA évolue de + 3 % et s’établit à 1 030. L’EPCI percevra donc 0,04 * 1 030 = 41,2 – soit une progression de + 3 % de ses ressources.

Les II à V du 5.1.2 précisent les modalités de recalcul des fractions de TVA en cas de fusion d’EPCI à fiscalité propre (somme des fractions de TVA des EPCI préexistants), en cas de dissolution d’un EPCI à fiscalité propre (division de la fraction entre les communes membres de l’EPCI), en cas de retrait d’une commune membre d’un EPCI à fiscalité propre (diminution de la part de l’EPCI à concurrence de la part de la commune) et en cas d’adhésion d’une commune à un EPCI à fiscalité propre (augmentation de la part de l’EPCI à concurrence de la part de la commune).

Enfin, le VI du 5.1.2 prévoit un mécanisme de garantie de non-baisse de cette fraction par rapport à son niveau 2020 : si le produit de la TVA attribué pour une année donnée représente, à périmètre constant, un montant inférieur au montant de la compensation versée en 2020, la différence fait l’objet d’une attribution à due concurrence d’une part du produit de la TVA revenant à l’État.

● De surcroît, l’affectation aux communes de la TFPB départementale, dans le cadre de la suppression de la TH afférente à l’habitation principale, engendre pour les départements une perte de ressources qu’il convient de compenser. Le I du 5.1.3 précise les modalités de calcul des fractions de TVA affectées aux départements, à la métropole de Lyon, à la collectivité de Corse, au Département de Mayotte, à la collectivité territoriale de Guyane et à la collectivité territoriale de Martinique. Pour chacune de ces collectivités, cette fraction est établie en appliquant au produit net de TVA un taux égal au rapport entre :

1. la somme :

– de la TFPB résultant du produit de la base d’imposition 2020 par le taux appliqué sur le territoire départemental en 2019 (taux de TFPB adopté en 2014 par le département du Rhône pour la métropole de Lyon) ;

– de la moyenne du produit des rôles supplémentaires de TFPB émis en 2018, 2019 et 2020 au profit du département ou de la collectivité à statut particulier ;

– des compensations d’exonérations de TFPB versées au département ou à la collectivité à statut particulier en 2020 ;

2. et le produit net de la TVA encaissé en 2020.

Formule de calcul de la fraction de TVA affectÉe aux dÉpartements
et aux collectivitÉs À statut particulier

N : année de versement ; RS : rôles supplémentaires.

Le II du 5.1.3 précise les modalités de recalcul des fractions de TVA en cas de fusion de département (somme des fractions de TVA des départements préexistants). Enfin, le III du 5.1.3 prévoit un mécanisme de garantie de non‑baisse de cette fraction par rapport à son niveau 2020 : si le produit de la TVA attribué pour une année donnée représente un montant inférieur au montant de la compensation versée en 2020, la différence fait l’objet d’une attribution à due concurrence d’une part du produit de la TVA revenant à l’État.

● Enfin, dans la même logique, le I du 5.1.4 précise les modalités de calcul de la fraction de TVA affectée à la Ville de Paris. Cette fraction est établie en appliquant au produit net de TVA un taux égal au rapport entre :

1. la somme :

– de la TH sur les résidences principales résultant du produit de la base d’imposition 2020 par le taux appliqué sur le territoire de la Ville de Paris en 2017 ;

– de la moyenne du produit des rôles supplémentaires de TH sur les résidences principales émis en 2018, 2019 et 2020 au profit de la Ville de Paris ;

– des compensations d’exonérations de TH sur les résidences principales versées à la Ville de Paris en 2020 ;

2. et le produit net de la TVA encaissé en 2020.

Formule de calcul de la fraction de TVA affectÉe
À la Ville de Paris

N : année de versement ; THRP : taxe d’habitation sur la résidence principale ; RS : rôles supplémentaires.

Le II du 5.1.4 prévoit un mécanisme de garantie de non-baisse de cette fraction par rapport à son niveau 2020.

● Le 5.2 du présent article prévoit le versement des fractions de TVA aux collectivités susmentionnées par le biais du compte d’avances aux collectivités territoriales. Il prévoit également que les prélèvements et les compléments de TFPB aux communes, versés du fait de l’application du coefficient correcteur, sont effectués par le biais du compte d’avances. Les modalités de versement de la fraction de TVA et des compléments de TFPB sont ainsi calquées sur celles du versement des impôts locaux (versement par douzième à partir du compte d’avances aux collectivités territoriales).

● Par ailleurs, la suppression de la TH afférente à l’habitation principale entraîne la suppression des frais de gestion afférents perçus par les régions pour le financement des compétences régionales en matière de formation professionnelle continue et d’apprentissage ([141]). Ainsi, le 1.3.20 supprime les frais de gestion perçus sur la TH due pour les locaux meublés affectés à l’habitation principale. En conséquence, le 5.3 du présent article prévoit une compensation aux régions de la perte des frais de gestion, à compter de 2021, par le biais d’une dotation budgétaire de l’État dont le montant est égal au produit des frais de gestion versé aux régions en 2020.

● Ensuite, la suppression de la TH afférente à l’habitation principale entraîne la disparition de la part de la TSE assise sur cette taxe. Sur ce point, le 1.2.3.1 du présent article dispose qu’à « compter des impositions établies au titre de 2021, le produit réparti, en 2020, entre les personnes assujetties à la TH afférente à lhabitation principale est pris en charge par lÉtat » (article 1607 bis du CGI). À compter de 2021, il est précisé que le reste de la répartition s’effectue entre les redevables assujettis aux taxes foncières, à la CFE ainsi qu’à la TH sur les locaux autres que ceux affectés à l’habitation principale (article 1607 bis du CGI). Les 1.2.3.2, 1.2.3.3 et 1.2.3.4 effectuent les coordinations nécessaires respectivement pour les EPF d’État (article 1607 ter du CGI), les agences pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques en Guadeloupe et en Martinique (articles 1609 C et 1609 D du CGI), les EPF de Guyane et de Mayotte (article 1609 B du CGI), ainsi que l’établissement public Société du Grand Paris (article 1609 G du CGI).

Le 1.2.3.5 effectue une coordination pour le calcul de la répartition de la TSE entre les différentes taxes locales. En effet, le produit de TH pris en compte pour la répartition des TSE est minoré du produit départemental de TH redescendu, en 2012, à l’occasion de la réforme de la taxe professionnelle. Le montant de la minoration, calculé sur une base historique, doit être en conséquence corrigé pour prendre en compte les effets de la suppression progressive de la TH (article 1636 B octies du CGI). Le 1.3.11 inscrit à partir de 2023 le principe de répartition de la TSE proportionnellement aux recettes de TH sur les résidences secondaires, de taxes foncières et de CFE (article 1636 B octies du CGI).

En conséquence, le 5.4 du présent article crée, à compter de 2021, une dotation budgétaire de l’État au profit des EPF dont le montant est égal au produit versé à ces établissements au titre du produit de la TSE réparti, en 2020, entre les personnes assujetties à la TH sur les résidences principales.

De surcroît, la suppression de la TH afférente à l’habitation principale entraîne la disparition de la part de la taxe pour la GEMAPI assise sur cette taxe. Toutefois, aucune compensation budgétaire similaire à celle de la TSE n’est prévue pour la taxe pour la GEMAPI : le montant réparti, en 2021, entre les personnes assujetties à la TH sur les résidences principales est reporté entre les personnes assujetties à la TH sur les résidences secondaires, à la TFPB et à la CFE.

● Enfin, le 2.5 effectue plusieurs coordinations techniques :

– le 2.5.1 ajoute l’affectation d’une fraction de TVA aux recettes fiscales de la section de fonctionnement des départements (article L. 3332-1 du CGCT) ;

– le 2.5.3 ajoute l’affectation d’une fraction de TVA aux recettes fiscales de la section de fonctionnement des régions (article L. 4332-1 du CGCT) ;

– les 2.5.5, 2.5.6 et 2.5.7 ajoutent respectivement l’affectation d’une fraction de TVA aux recettes fiscales de la section de fonctionnement des communautés de communes (article L. 5214-23 du CGCT), des communautés urbaines (article L. 5215-32 du même code) et des communautés d’agglomération (article L. 5216-8 du même code).

4.   L’adaptation des règles de lien et de plafonnement des taux des impositions directes locales

La suppression de la TH afférente à l’habitation principale nécessite une refonte globale des règles de lien dans la mesure où celles-ci utilisent cet impôt comme référence. En effet, l’absence de règles de lien risque à moyen terme de déséquilibrer de manière importante la répartition de la charge fiscale, notamment au détriment des contribuables non-électeurs et plus particulièrement des entreprises. Par ailleurs, dans la mesure où, pour chaque taxe, les taux plafonds communaux sont calculés en fonction des taux moyens communaux constatés l’année précédente au niveau départemental ou national, la majoration des taux de TFPB communaux à hauteur des taux appliqués en 2020 par les départements risque de faire basculer de nombreuses communes au-dessus du taux plafond.

i.   Les règles de lien entre les taux

Le 3.1 du présent article adapte les règles de lien entre les taux des impositions locales en remplaçant la TH par la TFPB comme imposition pivot. Ainsi, la CFE et la TH sur les résidences secondaires ne pourront augmenter dans une proportion supérieure à l’augmentation du taux de TFPB ou, si elle est moins élevée, à celle du TMP des deux taxes foncières. Corrélativement, le taux de CFE ou de TH sur les résidences secondaires devra être diminué dans une proportion au moins égale, soit à la diminution du taux de TFPB, soit à celle du TMP des deux taxes foncières, soit à la plus importante de ces deux diminutions lorsque les deux taux sont en baisse.

● Dans un premier temps, le 3.1 met en place un nouveau régime de règles de lien entre les taux des impositions locales dès 2020. En effet, dans la mesure où le taux de TH sera gelé à compter des impositions établies au titre de 2020 au taux en vigueur en 2019, il convient de mettre en place les nouvelles règles de lien applicables pour la CFE et la TFPNB dès 2020 afin de permettre aux communes de modifier, si elles le souhaitent, le taux de ces impositions.

Dans ce contexte, le 3.1.3 modifie les règles de lien applicables aux communes et aux EPCI à fiscalité propre (article 1636 B sexies du CGI) en substituant à la TH la TFPB dans le mécanisme de liaison. Ces derniers doivent ainsi respecter à compter de 2020 :

– soit la règle de la variation proportionnelle, qui consiste à faire varier les taux de désormais trois impôts directs locaux dans une même proportion (TFPB, TFPNB et CFE) ;

– soit la règle de la variation différenciée, qui implique que le taux de CFE ne peut pas, par rapport à l’année précédente :

● augmenter dans une proportion supérieure à l’augmentation du taux de la TFPB ou, si elle est moins élevée, à celle du TMP des taxes foncières ;

● diminuer dans une proportion inférieure, soit à la diminution du taux de TFPB ou à celle du TMP des taxes foncières, soit à la plus importante de ces diminutions lorsque ces deux taux sont en baisse.

En outre, la nouvelle règle de la variation différenciée précise que le taux de la TFPNB ne peut augmenter plus ou diminuer moins que le taux de TFPB.

Par ailleurs, l’ensemble des dérogations applicables sont adaptées en conséquence et sur un modèle similaire de substitution à la TH de la TFPB :

– maintien du dispositif de déliaison à la baisse pour les taux de TFPB ou de TFPNB ;

– maintien du mécanisme de majoration spéciale du taux de CFE (le TMP à prendre en compte pour pouvoir mettre en œuvre cette majoration devient le TMP des deux taxes foncières) ;

– abrogation du dispositif de majoration spéciale du taux de CFE lorsque les trois quarts de la TH d’une communauté urbaine proviennent d’une commune ;

– abrogation du dispositif de majoration de CFE pour les communes qui adhèrent à un EPCI à fiscalité additionnelle ;

– maintien du dispositif de déliaison à la hausse du taux de CFE des EPCI à fiscalité propre à la demande de l’administration ;

– maintien du mécanisme spécifique de fixation du taux de CFE pour les communes n’ayant pas perçu la taxe l’année précédente (le TMP à prendre en compte devient celui des deux taxes foncières) ;

– maintien du mécanisme spécifique de fixation du taux de CFE pour les EPCI à fiscalité additionnelle en cas de taux nul l’année précédente (le TMP à prendre en compte devient celui des deux taxes foncières) ;

– maintien du mécanisme spécifique de fixation du taux de TFPNB pour les communes n’ayant pas perçu la taxe l’année précédente (la référence à la TH est substituée par une référence à la TFPB) ;

– maintien du mécanisme spécifique de fixation du taux de TFPNB des EPCI à fiscalité additionnelle en cas de taux nul l’année précédente (la référence à la TH est substituée par une référence à la TFPB) ;

– maintien des dispositifs spécifiques de fixation des taux au titre de la première année ou l’année suivant celle au cours de laquelle l’EPCI a voté un taux nul pour les quatre taxes.

De surcroît, le 3.1.1 précise qu’à partir de 2020, le conseil des EPCI à fiscalité propre fixe désormais uniquement les taux des deux taxes foncières. Il est précisé que l’année qui suit celle au titre de laquelle un EPCI a voté un taux égal à zéro pour ces deux taxes, les rapports entre les taux de taxes foncières votés par l’EPCI sont égaux aux rapports constatés l’année précédente entre les taux moyens pondérés de chaque taxe dans l’ensemble des communes membres (article 1609 nonies C du CGI).

De même, le 3.1.5 adapte en conséquence, à partir de 2020, les règles de lien applicables aux EPCI à fiscalité propre et à leurs communes membres (article 1636 B decies du CGI) :

– abrogation du dispositif de déliaison des taux de TFPNB et de TH des communes qui deviennent membres d’un EPCI à fiscalité propre ;

– substitution de la TH par la TFPB dans la règle de droit commun applicable aux EPCI à fiscalité propre ;

– maintien du dispositif de capitalisation des augmentations du taux de CFE pour les EPCI à fiscalité propre.

Le 3.1.6 supprime en dernier lieu le régime spécifique applicable à la métropole de Lyon qui se voit désormais appliquer les règles de droit commun : le régime dérogatoire ne se justifie plus du fait de la suppression de la TH.

● Ensuite, à compter de l’année 2023, le 3.1 fixe les règles de lien définitives entre les taux des impositions locales. En particulier, le 3.1.4 modifie les règles de lien applicables aux communes et aux EPCI à fiscalité propre (article 1636 B sexies du CGI) en intégrant la TH sur les résidences secondaires dans le mécanisme de liaison. En effet, afin de protéger les redevables de la TH sur les résidences secondaires, l’évolution du taux de cette taxe est encadrée de la même manière que pour le taux de CFE. Dès lors, les communes et leurs EPCI à fiscalité propre doivent respecter à compter de 2023 :

– soit la règle de la variation proportionnelle, qui consiste à faire varier les taux de désormais quatre impôts directs locaux dans une même proportion (TFPB, TFPNB, CFE et TH sur les résidences secondaires) ;

– soit la règle de la variation différenciée, qui implique que le taux de CFE et le taux de la TH sur les résidences secondaires ne peuvent pas, par rapport à l’année précédente :

● augmenter dans une proportion supérieure à l’augmentation du taux de la TFPB ou, si elle est moins élevée, à celle du TMP des taxes foncières ;

● diminuer dans une proportion inférieure, soit à la diminution du taux de TFPB ou à celle du TMP des taxes foncières, soit à la plus importante de ces diminutions lorsque ces deux taux sont en baisse.

Enfin, il est précisé de nouveau que le taux de la TFPNB ne peut augmenter plus ou diminuer moins que le taux de la TFPB.

Par ailleurs, les 3.1.4.4 et 3.1.4.5 instituent de nouvelles dérogations avec la création d’un mécanisme spécifique de fixation du taux de TH sur les résidences secondaires dans les communes et les EPCI à fiscalité propre où le taux ou les bases de la TH sur les résidences secondaires étaient nuls l’année précédente.

De surcroît, le 3.1.2 précise qu’à partir de 2023, le conseil des EPCI à fiscalité propre fixe désormais les taux de taxes foncières et de TH sur les résidences secondaires. Il est précisé que l’année qui suit celle au titre de laquelle un EPCI a voté un taux égal à zéro pour ces trois taxes, les rapports entre les taux de TH sur les résidences secondaires et de taxes foncières votés par l’EPCI sont égaux aux rapports constatés l’année précédente entre les taux moyens pondérés de chaque taxe dans l’ensemble des communes membres (article 1609 nonies C du CGI).

De même, le 3.1.7 effectue une coordination de conséquence, à partir de 2023, concernant les règles de lien applicables aux EPCI à fiscalité propre et à leurs communes membres (article 1636 B decies du CGI) : désormais, les communes membres d’EPCI votent le taux de la TH sur les résidences secondaires et des taxes foncières conformément aux dispositions applicables aux communes.

ii.   Les règles de plafonnement des taux

Le 3.2 adapte le mécanisme de plafonnement des taux des impositions locales. Le 3.2.1 modifie les dispositions dérogatoires applicables aux communes de la métropole de Lyon tandis que le 3.2.2 supprime la disposition relative au plafonnement du taux départemental de TFPB, devenue sans objet. Le 3.2.3 modifie les dispositions dérogatoires applicables à la Ville de Paris

En outre, le transfert de la part départementale de la TFPB aux communes et l’absence de prise en compte du taux du département dans la détermination du plafonnement pourraient contraindre certaines communes à devoir réduire leur taux d’imposition. En conséquence, le 3.3 rehausse temporairement les taux plafonds de TFPB applicables aux communes au titre de l’année 2021 afin de permettre la prise en compte de la redescente de la part départementale de la taxe sans altérer la liberté dont disposent les communes pour la fixation de leur taux d’imposition et sans entraîner une baisse forcée du taux d’imposition.

Ainsi, pour les impositions établies au titre de 2021 uniquement, le taux de TFPB voté par une commune ne peut excéder deux fois et demie la somme du taux moyen constaté l’année précédente dans l’ensemble des communes du département et du taux du département ou, si elle est plus élevée, deux fois et demie la somme du taux moyen constaté l’année précédente au niveau national dans l’ensemble des communes et du taux du département.

5.   L’adaptation des dispositifs de compensation des exonérations de fiscalité locale de taxe d’habitation et de taxe foncière sur les propriétés bâties

L’affectation aux communes de la TFPB départementale, dans le cadre de la suppression de la TH afférente à l’habitation principale, a des effets sur les collectivités affectataires des compensations d’exonérations de TFPB. Par ailleurs, la suppression de la TH afférente à l’habitation principale entraîne la suppression de l’allocation compensatrice associée. Pour rappel, les compensations d’exonérations de TFPB des départements représentent 13,5 millions d’euros en 2017 et celles des communes 98,5 millions d’euros en 2017. Les compensations d’exonérations de TH des communes représentent 1 219 millions d’euros en 2017 et celles des EPCI 427 millions d’euros en 2017.

Le 6.1 modifie le PSR de compensation de TH et de TFPB pour les exonérations des personnes de conditions modestes (exonérations catégorielles réservées à la résidence principale) ([142]) en supprimant la compensation versée au titre des exonérations catégorielles de TH sur les résidences principales (article 1414 du CGI), ces dernières étant supprimées en 2021 par le 1.2.1.2.1 (du fait du dégrèvement de 100 % pour 80 % des contribuables) et de sa prise en compte dans le calcul de la compensation à verser aux communes (transfert de TFPB) et aux EPCI (fraction de TVA). Dans la même logique, à compter de 2021, le 6.2.1 dispose que « le prélèvement sur les recettes de lÉtat destiné à compenser la perte de recettes sapplique uniquement aux communes et [aux EPCI] », dans la mesure où le département ne bénéficie plus à cette date de TFPB, tandis que le 6.2.2 précise que le taux à prendre en compte pour le calcul des compensations de TFPB des communes est majoré de celui retenu pour calculer les allocations compensatrices des départements.

Ensuite, les compensations d’exonérations de TFPB des départements sont réorientées vers les communes en affectant le PSR uniquement aux communes et aux EPCI, et en majorant à due concurrence le taux à prendre en compte pour le calcul des compensations de TFPB des communes :

– les 6.3 et 6.4 réorientent le PSR de compensation de l’abattement de 30 % sur les bases de TFPB de certains logements faisant l’objet de travaux dans les départements d’outre-mer (article 1388 ter du CGI) ([143]) ;

– le 6.5 réoriente le PSR de compensation de l’exonération de TFPB des immeubles professionnels situés dans les zones franches urbaines (articles 1383 B à 1383 C bis du CGI) ([144]) ;

– le 6.6 réoriente le PSR de compensation de l’abattement dégressif des bases de TFPB des immeubles situés dans les zones franches globales d’activités des départements d’outre-mer (article 1388 quinquies du CGI) ([145]) ;

– le 6.7 réoriente le PSR de compensation de l’exonération de TFPB des immeubles situés dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville pour les créations et extensions d’établissements ([146]) ;

– le 6.8 réoriente le PSR de compensation de l’exonération de TFPB des immeubles situés dans les bassins urbains à dynamiser (article 1383 F du CGI) ([147]) ;

– le 6.9 réoriente le PSR de compensation de l’exonération de TFPB des immeubles situés dans les zones de développement prioritaire (article 1383 J du CGI) ([148]) ;

– le 6.11 réoriente le PSR de compensation des exonérations de 15 ans, voire 20 ans dans certains cas, de constructions neuves de logements sociaux (articles 1384 A, 1384 C et 1384 D du CGI) ([149]).

B.   L’impact BudgÉtaire et Économique

Le présent article concrétise l’un des principaux engagements du Gouvernement : la suppression de la TH sur les résidences principales sera compensée à l’euro près pour toutes les collectivités territoriales. De plus, la mise en place d’un mécanisme innovant de coefficient correcteur permet aux communes de bénéficier de leurs politiques d’aménagement du territoire (valorisation des bases imposables) et de taux (hausse ou baisse des taux de TFPB). Toutefois, plusieurs incertitudes demeurent, notamment en ce qui concerne l’impact de la réforme sur les indicateurs financiers et ses conséquences sur les dotations de péréquation versées aux collectivités territoriales. La réforme doit également être accompagnée à plus long terme d’une révision générale des valeurs locatives des locaux d’habitation.

1.   La suppression de la taxe d’habitation est compensée à l’euro près par l’État pour toutes les collectivités territoriales

Au total, le montant à compenser au bloc communal au titre de la TH sur les résidences principales est évalué à 23,2 milliards d’euros (montant estimé en 2020). Pour assurer cette compensation, le Gouvernement s’est engagé au respect de trois principes : une compensation à l’euro près pour toutes les collectivités territoriales par l’affectation de ressources dynamiques ; une diminution nette d’impôt pour les contribuables sans augmentation ou création d’un impôt nouveau ; et une simplification de la fiscalité locale pour la rendre plus lisible et plus juste. Le nouveau schéma de financement doit également entrer en vigueur en 2021, afin de donner de la visibilité aux nouveaux exécutifs locaux qui seront issus des élections de 2020.

● Le présent article propose de compenser le bloc communal par l’affectation de la part départementale de TFPB aux communes (15 milliards d’euros), d’une fraction de TVA aux EPCI (7,2 milliards d’euros) ainsi qu’à la Ville de Paris (600 millions d’euros), des compensations d’exonérations de TFPB aux communes (15 millions d’euros) ainsi que par l’affectation d’une fraction des frais de gestion prélevés sur les taxes additionnelles à la TFPB, sur la CFE et sur la CVAE (400 millions d’euros). Ainsi, la TFPB est intégralement affectée au bloc communal, ce qui rend la fiscalité locale plus lisible pour les citoyens et pérennise le lien entre l’échelon local et le contribuable propriétaire.

Les montants définitifs à compenser au bloc communal ne seront pas connus avant 2020, dans la mesure où le montant de la compensation sera calculé à partir de la base d’imposition de 2020 et des taux appliqués en 2017. Le Gouvernement justifie le choix de recourir aux taux de 2017 plutôt qu’à ceux de 2020 par le fait que le dégrèvement initial de TH sur les résidences principales était calculé sur cette même base. Il s’agit ainsi de ne pas faire bénéficier les collectivités territoriales ayant augmenté leurs taux entre le début et la fin de la suppression progressive de la TH, d’un effet d’aubaine fiscal.

Le Rapporteur général est toutefois sensible aux conséquences financières de ce choix pour certaines communes en difficultés financières, qui ont parfois fait le choix de reculer le plus tard possible des hausses de fiscalité applicables à leurs contribuables. Il souligne qu’en 2019, environ 6 100 communes et 280 EPCI ont un taux de TH supérieur à celui de 2017. Le changement de la base de référence des taux de 2017 à 2020 pour le calcul de la compensation aurait un coût pour l’État de l’ordre de 72 millions d’euros. Il serait de 68 millions d’euros entre 2017 et 2018 (30 millions d’euros du fait des hausses de taux des communes ; 38 millions d’euros du fait des EPCI) et de 4 millions d’euros entre 2018 et 2019 (– 3 millions d’euros du fait des communes ; 7 millions d’euros du fait des EPCI).

À ce titre, il est également sensible à la mise en place, par le présent article, d’une reprise spécifique en 2020 sur les avances mensuelles de fiscalité locale perçues par les communes et les EPCI ayant procédé à une hausse du taux de TH depuis 2017 (afin de compenser la modification de la date de référence de 2017 à 2020 pour le calcul du dégrèvement versé en 2020). Le coût de cette reprise pour le bloc communal est évalué à 100 millions d’euros (dont 50 millions d’euros pour les communes et 50 millions d’euros pour les EPCI). Ce coût est différent de celui sur l’année de référence pour le calcul de la compensation, car le prélèvement prévu pour 2020 ne porte que sur les hausses de taux, et non sur les baisses.

LEs montants À compenser du fait de la suppression
de la taxe d’habitation AU bloc communal en 2020

(en milliards d’euros)

Impositions

Produit communes

Produits EPCI

Produit bloc communal

Total à compenser au bloc communal

16

7,2

23,2

Affectation de la part départementale de TFPB aux communes

15

15

Affectation des compensations d’exonérations de TFPB

0,015

0,015

Affectation d’une fraction de TVA à la Ville de Paris

0,6

0,6

Affectation d’une fraction des frais de gestion aux communes

0,4

0,4

Affectation d’une fraction de TVA aux EPCI

7,2

7,2

Total de la compensation au bloc communal

16

7,2

23,2

Les montants présentés sont les montants estimés pour 2020. Pour la TH, il s’agit de la base 2020 non revalorisée et des taux appliqués en 2017.

Source : évaluation préalable du présent article.

L’affectation de la fraction départementale de TFPB aux communes permet de maintenir le pouvoir de taux des communes, mais au détriment d’une concentration importante de l’imposition qui reposera avant tout sur la propriété des biens indépendamment des occupants des logements.

La différence entre le montant de la TFPB départementale descendue aux communes et le montant de la TH sur les résidences principales supprimé (1 milliard d’euros) est ainsi financée par deux recettes fiscales (et non budgétaires), à savoir une fraction du produit de la TVA pour la Ville de Paris de 600 millions d’euros et une fraction des frais de gestion aux communes de 400 millions d’euros (frais de gestion applicables aux taxes additionnelles à la TFPB, à la CFE et à la CVAE).

L’affectation d’une fraction de TVA permet aux EPCI de disposer d’une ressource prévisible, équitablement répartie entre les différents ensembles, et bénéficiant d’un dynamisme supérieur à celui des bases intercommunales de TH. En effet, entre 2014 et 2018, le taux d’évolution annuelle moyen du produit budgétaire de la TVA était de 2,88 % tandis que le taux d’évolution annuelle moyen des bases intercommunales de TH était de 0,80 %.

Évolution comparÉe de la TVA et des bases
intercommunales de TH

(en pourcentage)

Impositions

2014

2015

2016

2017

2018

Taux dévolution annuelle moyen

Produit budgétaire de la TVA

1,54 %

2,48 %

1,87 %

5,52 %

3,01 %

2,88 %

Bases intercommunales de TH

4,38 %

4,39 %

– 7,12 %

1,44 %

0,91 %

0,80 %

Source : direction de la législation fiscale.

● Du fait de la descente du taux départemental de TFPB aux communes, il est nécessaire de compenser aux départements près de 15 milliards d’euros au titre de la TFPB ainsi que 15 millions d’euros au titre des compensations d’exonérations de TFPB (montants estimés en 2020). Cette compensation est intégralement assurée par l’affectation d’une fraction du produit net de la TVA, calculée sur la base 2020 et les taux 2019.

LEs montants À compenser aux dÉpartements
du fait du transfert de la TFPB en 2020

(en milliards d’euros)

Impositions en 2018

Produit départemental

Taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB)

15

Compensations d’exonérations de TFPB

0,015

Total à compenser aux départements

15

Affectation d’une fraction de TVA

15

Total de la compensation aux départements

15

Montant 2020 estimé de la TFPB départementale.

Source : direction de la législation fiscale.

Du fait du transfert de la TFPB départementale aux communes, les départements perdent une part importante de leur autonomie fiscale (et non financière) en perdant non seulement la localisation de leurs bases d’imposition, mais aussi le pouvoir de taux d’imposition. Toutefois, les départements bénéficient, à la place de l’effet base de la TFPB, de l’effet base national de la TVA. Une étude réalisée à la demande de l’Association des départements de France (ADF) ([150]) soutient néanmoins que la dynamique à long terme de la TFPB est supérieure à celle de la TVA : entre 2005 et 2017, l’étude estime que le produit de TVA aurait connu une hausse de + 2,07 % par an sur la période pour une croissance totale de + 27,9 % ; les bases nettes départementales de TFPB auraient progressé de + 3,13 % par an sur la période pour une hausse globale sur la période de + 44,7 %.

Toutefois, l’étude oublie de prendre en compte les effets économiques sur les recettes de TVA de deux événements peu récurrents : l’impact économique de la crise financière globale de 2007-2008 et la baisse exceptionnelle du taux de TVA dans la restauration de 19,6 % à 5,5 % en 2009. Ainsi, sur une période plus calme économiquement et à périmètre comparable – entre 2014 et 2018 –, le produit de TVA a connu une hausse moyenne de + 2,88 % par an sur la période tandis que les bases nettes départementales de TFPB ont progressé en moyenne de + 2,18 % par an. Les départements – comme les régions qui bénéficient déjà d’une fraction de TVA – bénéficieront ainsi d’une dynamique de ressources supérieure en base à celle de la TFPB.

Évolution comparÉe de la TVA et des bases
dÉpartementaleS de TFPB

(en pourcentage)

Impositions

2014

2015

2016

2017

2018

Taux dévolution annuelle moyen

Produit budgétaire de la TVA

1,54 %

2,48 %

1,87 %

5,52 %

3,01 %

2,88 %

Bases départementales de TFPB

2,33 %

2,68 %

1,81 %

1,75 %

2,31 %

2,18 %

Source : direction de la législation fiscale.

Au-delà de la question de la dynamique de la fiscalité affectée aux départements, le Rapporteur général estime que le véritable enjeu est celui de la capacité de réaction fiscale des départements à des chocs budgétaires significatifs et inattendus. Il est favorable à ce que soient étudiés plusieurs scénarios afin de donner davantage de marges financières aux départements, parmi lesquels une augmentation de la fraction de TVA affectée aux départements, au-delà de la compensation de la descente de la TFPB, et un renforcement de la péréquation entre les départements. Il estime toutefois que si la proposition départementale de hausse du taux maximal des DMTO devait être mise en œuvre, elle ne pourrait avoir lieu qu’en contrepartie d’une hausse significative des mécanismes de péréquation entre les départements. En effet, certains départements ruraux ne disposent plus aujourd’hui d’un marché immobilier suffisamment dynamique pour mettre en place une telle hausse des taux.

● Il convient d’ajouter à ce total, d’une part, la compensation à verser aux EPF du fait de la disparition d’une partie de l’assiette de la TSE pour 200 millions d’euros (2018) et, d’autre part, la compensation à verser aux régions du fait de la disparition des frais de gestion perçus sur la TH des résidences principales pour 300 millions d’euros (2018).

Autres montants À compenser du fait
de la suppression de la TH en 2020

(en millions d’euros)

Impositions en 2018

Produit 2018

Frais de gestion de TH perçus par la région

300

TSE répartie sur la TH des résidences principales

200

Total à compenser

500

Dotation budgétaire

300

Dotation budgétaire

200

Total de la compensation

500

Montants estimés en 2020 des frais de gestion TH versés aux régions et de la TSE assise sur la TH.

Source : direction de la législation fiscale.

Il est rappelé que la suppression de la taxe pour la GEMAPI adossée à la TH sur les résidences principales n’a pas besoin d’être compensée, puisqu’elle est répartie à compter de 2021 sur les redevables des autres impôts, à savoir entre la TH sur les résidences secondaires, les taxes foncières et la CFE. De même, la contribution à l’audiovisuel public (CAP) est maintenue en l’état en vue d’une réforme ultérieure.

2.   Le coefficient correcteur permet aux communes de bénéficier de la dynamique de leurs bases et de leur politique de taux

Le coefficient correcteur permet de garantir aux communes le même niveau de ressources avant et après réforme, et d’inclure dans le dispositif de correction une part de la dynamique des bases. Les modalités d’application du coefficient correcteur permettent également à chaque commune de percevoir l’intégralité de l’évolution du produit liée à une variation du taux de TFPB.

S’agissant des communes sous-compensées, elles sont compensées de la perte à l’euro près en 2021. Cette compensation évolue par la suite de la même manière que leur base d’imposition à la TFPB. En revanche, l’évolution de leurs taux, à la hausse ou à la baisse, est sans incidence sur leur compensation : ainsi même si elles diminuent leurs taux, elles bénéficient du même niveau de compensation égale à leur perte initiale et à l’évolution de leurs bases.

S’agissant des communes surcompensées, pour des raisons de simplicité, celles dont la surcompensation est inférieure à 10 000 euros ne sont pas concernées par le dispositif et conservent leur gain. Pour les autres, la surcompensation est neutralisée et évolue en fonction de la dynamique des bases de TFPB. L’évolution de leurs taux, à la hausse ou à la baisse, est sans incidence sur le montant de leur prélèvement, les communes surcompensées bénéficiant ainsi de la totalité de la hausse de produit en cas de hausse de leur taux de TFPB.

L’analyse des données transmises au Rapporteur général fait apparaître que près de 62 % des communes ont un coefficient correcteur qui se situe entre 0,6 et 1,4 (21 989 communes) et 75 % des communes ont un coefficient correcteur qui se situe entre 0,4 et 1,6 (26 680 communes).

Répartition des coefficients correcteurs des communes

(nombre de communes)

Note de lecture : 5 337 communes ont un coefficient correcteur situé entre 0,8 et 1 inclus.

Source : commission des finances ; REI 2018.

 

Répartition territoriale des coefficients correcteurs
des communes

(coefficient correcteur)

Source : commission des finances ; REI 2018 ; logiciel Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) 2019.

 

Exemple de variations du fait des coefficients correcteurs (CoCo)

Les deux exemples présentés ci-dessous ont recours à des évolutions de bases et de taux extrêmes afin de permettre une meilleure compréhension des effets du coefficient correcteur (CoCo) sur les montants de TFPB affectés aux communes sur et sous-compensées.

Cas dune commune surcompensée :

En 2020, une commune a une TFPB communale de 80 000. En 2021, du fait de la descente de la part départementale de TFPB (112 000), la commune devrait théoriquement recevoir plus de TFPB que nécessaire pour compenser la perte de TH (12 000) à taux et bases identiques de TFPB par rapport à 2020. Un coefficient correcteur de 0,48 [(12 000 + 80 000 / 112 000 + 80 000)] est appliqué au montant de TFPB reçu en 2021 afin d’assurer un montant de ressources identiques avant et après la suppression de la TH sur les résidences principales. Le montant du prélèvement est ainsi de 100 000 et le montant de TFPB perçu de 92 000.

En 2022, la commune augmente ses taux de 50 % et ses bases restent identiques à celles de 2021. En conséquence, le montant global de TFPB (192 000) augmente de 50 % et s’établit à 288 000. Le montant du prélèvement au titre du coefficient correcteur est fixe et s’établit toujours à 100 000. Au total, la commune perçoit 188 000, soit l’intégralité de son pouvoir de taux sur la nouvelle base fiscale de TFPB.

En 2023, les bases fiscales de la commune s’effondrent de moitié et son taux est inchangé par rapport à 2022. En conséquence, le montant global de TFPB s’effondre de moitié (de 288 000 à 144 000). Toutefois, le prélèvement diminue de moitié, proportionnellement à la base fiscale, pour s’établir à 50 000. La commune touche ainsi 94 000, alors que dans la situation d’un prélèvement fixe comme le FNGIR, elle aurait touché uniquement 44 000.

Cas dune commune sous-compensée :

En 2020, une commune a une TFPB communale de 80 000. En 2021, du fait de la descente de la part départementale de TFPB (112 000), la commune devrait théoriquement recevoir moins de TFPB que nécessaire pour compenser la perte de TH (212 000) à taux et bases de TFPB identiques par rapport à 2020. Un coefficient correcteur de 1,52 est appliqué au montant de TFPB reçu en 2021 afin d’assurer un montant de ressources identiques avant et après la suppression de la TH sur les résidences principales. Le montant du complément est ainsi de 100 000 et le montant de TFPB perçu de 192 000.

En 2022, la commune augmente ses taux de 50 % et ses bases restent identiques par rapport à 2021. En conséquence, le montant global de TFPB (192 000) augmente de 50 % et s’établit à 288 000. Le montant du complément au titre du coefficient correcteur est fixe et s’établit toujours à 100 000. Au total, la commune perçoit 388 000, soit l’intégralité de son pouvoir de taux sur la nouvelle base fiscale de TFPB. En revanche, le pouvoir de taux ne s’applique pas sur la compensation reçue au titre du coefficient correcteur (ce qui serait également le cas dans une solution de type FNGIR). Si tel n’était pas le cas, cela impliquerait de faire financer les hausses de taux de la commune non seulement par le contribuable local, mais également par le contribuable national (cela aurait ainsi entraîné un effet de levier fiscal pour les sous-compensés).

En 2023, les bases fiscales de la commune doublent et le taux de TFPB est inchangé. En conséquence, le montant global de TFPB double également (de 288 000 à 576 000). Toutefois, la compensation augmente du double, proportionnellement à la base fiscale, pour s’établir à 200 000. La commune touche ainsi 776 000, alors que dans la situation d’un prélèvement fixe comme le FNGIR, elle aurait touché 676 000.

Source : commission des finances.

Selon les informations transmises au Comité des finances locales du 23 juillet 2019 :

– 17 381 communes sont surcompensées au-delà de 10 000 euros ;

– 7 275 communes sont surcompensées en deçà de 10 000 euros ;

– 10 721 communes sont sous-compensées.

Communes surcompensÉes et sous-compensées

(nombre de communes)

Caractéristiques

Communes surcompensées de moins de 10 000 euros

Communes surcompensées de plus de 10 000 euros

Communes sous-compensées

Moins de 1 000 habitants

6 999

12 004

6 306

Entre 1 000 et 9 999 habitants

272

4 994

3 776

Entre 10 000 et 99 999 habitants

4

376

605

Plus de 100 000 habitants

7

34

Ensemble des communes

7 275

17 381

10 721

Note : les montants sont calculés sur la base du périmètre 2018 des communes. Le seuil de 10 000 euros permettrait à 7 150 communes de ne pas être prélevées sur la base du périmètre 2019.

Source : comité des finances locales du 23 juillet 2019.

Au total, les communes de plus de 10 000 habitants sont fortement sous-compensées, tandis que les communes de moins de 1 000 habitants sont nettement surcompensées. Le coût du seuil d’exclusion à 10 000 euros est estimé à environ 35 millions d’euros ([151]).

Répartition territoriale des communes sur et sous-compensées

(en nombre de communes)

Note : les différences de chiffrage constatées dans la carte sont dues à des difficultés de géocodage pour 33 communes.

Source : commission des finances ; REI 2018 ; logiciel Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) 2019.

Le choix de rehausser à 15 000 euros le seuil d’exclusion de la minoration pour les communes surcompensées conduirait à presque doubler le coût de la mesure (67 millions d’euros) avec une efficacité moindre : seulement 2 643 communes supplémentaires bénéficieraient du dispositif (calculs réalisés sur la base du périmètre communal 2018). Le rehaussement du seuil aurait également pour conséquence de concentrer encore davantage la mesure sur les petites communes de moins de 1 000 habitants.

Enfin, le principe du coefficient correcteur est avant tout que les communes surcompensées financent les communes sous-compensées : il n’est pas envisageable, pour la viabilité financière du dispositif de compensation, d’exonérer de manière non maîtrisée les communes devant contribuer financièrement au dispositif. Au-delà d’un certain seuil, c’est la viabilité de la compensation aux communes sous-compensées qui sera mise à mal.

Communes bénéficiant du seuil d’exclusion de 10 000 EUROS et impacts du passage à un seuil de 15 000 euros

(en nombre de communes)

Note : les différences de chiffrage constatées dans la carte sont dues à des difficultés de géocodage pour 8 communes.

Source : commission des finances ; REI 2018 ; logiciel Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) 2019.

Enfin, le Rapporteur général estime qu’il sera nécessaire, à l’occasion de la remise du rapport d’évaluation du dispositif au cours de l’année 2023, de réaliser un point d’étape sur la soutenabilité à long terme du dispositif de compensation. En effet, dans la mesure où les communes sous-compensées sont majoritairement des grandes villes, dont les bases sont dynamiques, et que les communes surcompensées sont majoritairement des communes rurales, dont les bases sont relativement plus stables, il est possible à long terme que la compensation des uns puisse s’accroître plus vite que le prélèvement des autres.

3.   L’intégralité des conséquences financières de la réforme doit être évaluée avant le prochain projet de loi de finances

Les conséquences du présent article en matière de finances locales sont nombreuses, et nécessitent d’engager plusieurs chantiers complémentaires au cours des prochaines années, en particulier la question de la révision des valeurs locatives des locaux d’habitation (RVLLH) ainsi que celle des indicateurs financiers des collectivités territoriales.

● En premier lieu, la disparition de la TH sur les résidences principales accentue la nécessité de moderniser les bases sur lesquelles est assise la TFPB et la TH sur les résidences secondaires : les valeurs locatives des locaux d’habitation. Pour rappel, la RVLLP est entrée en vigueur le 1er janvier 2017 tandis que la loi de finances rectificative pour 2013 a fait réaliser en 2015 et dans cinq départements représentatifs une expérimentation de la RVLLH. Le rapport d’expérimentation de la DGFiP portant sur cinq départements (Charente-Maritime, Nord, Orne, Paris et Val-de-Marne) a été remis en février 2017, sans donner lieu jusqu’à ce jour à aucune révision d’ensemble.

Dans ce contexte, l’article 52 du présent projet de loi de finances fixe les modalités de la RVLLH à venir, achevant ainsi la révision générale des valeurs locatives différée depuis près de 50 ans. La préparation de cette réforme nécessite plusieurs années (collecte des loyers, réalisation des simulations et restitution au Parlement, définition des paramètres dans la loi) et son entrée en vigueur est progressive dans le temps, comme pour les locaux professionnels. Le lancement de cette révision se déroulera en plusieurs étapes :

– au premier semestre de l’année 2023, les propriétaires bailleurs de locaux d’habitation déclareront à l’administration les loyers pratiqués ;

– avant le 1er septembre 2024, le Gouvernement présentera au Parlement, sur la base des données collectées, un rapport qui exposera les impacts de cette révision pour les contribuables, les collectivités territoriales et l’État ;

– en 2025, les commissions locales se réuniront pour arrêter les nouveaux secteurs et tarifs qui serviront de base aux nouvelles valeurs locatives qui s’appliqueront à partir des impositions établies à compter du 1er janvier 2026.

● En deuxième lieu, le chantier de la refonte des dotations semble devoir s’ouvrir dans la foulée de celui consacré à la fiscalité locale. En effet, la réforme fiscale mise en œuvre par le présent article modifie le panier de ressources des collectivités territoriales et nécessite de redéfinir les indicateurs financiers utilisés dans le calcul de la dotation globale de fonctionnement (DGF) et des fonds de péréquation, en particulier le potentiel fiscal et financier, le coefficient d’intégration fiscal ou encore l’effort fiscal. Ainsi, la modification du panier de fiscalité des collectivités territoriales, à l’exception des régions, aura des conséquences indirectes sur près d’une vingtaine de dotations locales ou mécanismes de péréquation locale.

Utilisation des critÈres financiers dans les dotations locales
et les mÉcanismes de pÉRÉquation locale

 

Critères

Dotations/mécanismes

Nombre

Potentiel financier par habitant

Fonds de mobilisation départemental pour l’insertion (FMDI) ;

DGF forfaitaire départementale ;

Dotation de fonctionnement minimal (DFM) ;

Dotation de péréquation urbaine (DPU) ;

Fonds national de péréquation des DMTO ;

Fonds national de péréquation de la CVAE départementale ;

Fonds de solidarité pour les départements de la région Île-de-France ;

Dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) ;

Dotation de solidarité rurale (DSR) ;

Dotation nationale de péréquation (DNP) ;

Fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales ;

Dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) ;

Fonds de solidarité des communes de la région Île-de-France (FSRIF) ;

Dotation de solidarité communautaire (DSC) ;

Dotation particulière élu local (DPEL) ;

Dotation politique de la ville (DPV).

16

Potentiel fiscal par habitant

Dotation de soutien à l’investissement des départements (DSID) ;

Fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales ;

Dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) ;

Dotation de solidarité communautaire (DSC) ;

Dotation d’intercommunalité (DI) ;

Fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle.

6

Effort fiscal

Dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) ;

Dotation de solidarité rurale (DSR) ;

Dotation nationale de péréquation (DNP) ;

Fonds départemental de péréquation de la taxe additionnelle aux droits d’enregistrement.

4

Coefficient dintégration fiscale

Fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales ;

Dotation d’intercommunalité (DI).

2

Source : Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL), Les indicateurs utilisés dans la répartition des ressources, Recensement 2019, Cap sur…, n° 7, avril 2019.

Toutefois, dans la mesure où le nouveau panier de recettes entrera en vigueur en 2021, les conséquences sur les dotations se produiront sur les dotations et les mécanismes de péréquation en 2022. Aussi les modifications nécessaires peuvent-elles faire l’objet d’une concertation avec les élus locaux lors du premier semestre 2020 afin d’être inscrites dans le projet de loi de finances pour 2021.

● La suppression de la TH au niveau local pose également la question des incitations pour les communes à soutenir les opérations de construction de logements locatifs sociaux. Ces dernières bénéficient d’une exonération totale de TFPB pendant 25 ans à compter de l’année qui suit celle de leur achèvement, à condition notamment d’être financées, à hauteur d’au moins 50 %, au moyen de prêts locatifs aidés ou réglementés ou de subventions de collectivités territoriales (article 1384 A du CGI). Cette exonération s’applique également aux logements locatifs sociaux résultant d’opérations d’acquisition-amélioration (article 1384 C du CGI). Elle a été portée à 30 ans lorsque l’immeuble répond à certains critères de qualité environnementale. Ces exonérations de longue durée bénéficient en 2017 à environ 20 % du parc de logements sociaux, et elles constituent une aide fiscale contribuant à la production de logements à bas loyers.

Si ces exonérations constituent un soutien à la construction de logements sociaux, elles sont pour autant très défavorables pour les finances des collectivités territoriales au sein desquelles elles s’appliquent, car elles les privent d’une ressource fiscale qui se trouve très mal compensée. D’après le rapport produit en 2018 par le Gouvernement au titre de la loi de finances pour 2017 ([152]), le montant de cotisation de TFPB communale exonéré au titre de cette disposition est estimé à 426 millions d’euros pour l’année 2017. L’allocation compensatrice théorique de cette exonération s’élevait à 186 millions d’euros. Cependant, cette allocation est minorée d’un coefficient du fait de son intégration dans les variables d’ajustement des concours financiers de l’État. Il en résulte une allocation après minoration de 13 millions d’euros, soit 7 % de l’allocation de compensation théorique initiale.

La perte de recettes pour les collectivités territoriales est dès lors importante et crée un déséquilibre financier en défaveur du logement social et au profit du logement privé. Elle est particulièrement problématique pour certaines communes et leurs EPCI au sein des métropoles dans lesquelles est constaté un taux élevé de logements sociaux construits il y a moins de 25 ans.

Dans ce contexte, la suppression définitive de la TH sur les résidences principales vient supprimer l’une des dernières incitations fiscales pour ces communes et leurs EPCI : si les personnes résidantes au sein des logements sociaux sont généralement exonérées de TH, cette exonération est compensée sans variable d’ajustement aux communes concernées par le biais du PSR de compensation des exonérations de fiscalité locale.

Dès lors, le Rapporteur général estime qu’il sera nécessaire, à moyen terme et en lien avec les communes et leurs EPCI, de trouver un moyen de lever ce frein fiscal à la production neuve de logements sociaux. Il rappelle que la mission « finances locales » ([153]) recommandait « dexaminer la possibilité détaler dans le temps lavantage fiscal accordé aux bailleurs sociaux : au lieu de pratiquer une exonération de TFPB de 100 % sur 25 ans, celle-ci pourrait être limitée à 50 % sur une durée de 50 ans ».

● Enfin, la TH sur les résidences secondaires, la majoration de TH sur les logements vacants et la taxe sur les logements vacants (TLV) sont maintenues en l’état, pour des montants strictement équivalents, sans perte pour les collectivités affectataires ni hausse d’impôt pour les contribuables. L’ensemble des locaux meublés non affectés à l’habitation principale restent assujettis à la TH :

– les locaux d’habitation, incluant leurs dépendances, non affectés à l’habitation principale ;

– les locaux meublés occupés par des personnes morales, comme les locaux meublés occupés à titre privatif par les sociétés, associations et organismes privés et non retenus pour l’établissement de la CFE, ainsi que les locaux meublés sans caractère industriel ou commercial occupés par les organismes de l’État ou des collectivités territoriales.

Par ailleurs, les locaux d’habitation non affectés à l’habitation principale assujettis à la TH peuvent continuer à faire l’objet d’une majoration sur délibération des collectivités territoriales en zone tendue. Les locaux vacants demeurent imposables, dans les zones dites tendues, à la TLV ou, sur le reste du territoire et sur délibération, à la TH sur les logements vacants.

Le produit de la TH sur les locaux d’habitation non affectés à l’habitation principale reste affecté aux communes et aux EPCI à fiscalité propre. La base d’imposition reste la valeur locative déterminée dans les mêmes conditions et le taux reste fixé par les communes et EPCI, dans le respect des nouvelles règles de liens et de plafonnement. Cette situation interroge sur la forte hétérogénéité territoriale de la localisation des bases de TH qui resteront soumises à l’impôt (résidences secondaires, locaux professionnels ou associatifs non soumis à la CFE). La TH sur les résidences secondaires sera ainsi fortement concentrée dans les zones touristiques, c’est-à-dire principalement dans les zones de montagne et le long du littoral. Il conviendra de s’assurer que ces collectivités territoriales ne feront pas peser trop fortement le poids de la fiscalité locale sur ces contribuables, souvent non-électeurs au sein de la commune.

Il pourrait être envisagé, à plus long terme, la création d’une taxation unique sur l’ensemble des logements non affectés à la résidence principale, par une fusion de l’ensemble des taxes existantes. Cette fusion devra tenir compte de la répartition hétérogène de ces bases sur le territoire national.

Poids relatif des bases de TH sur les rÉsidences secondaires par rapport auX bases de TH pour tous les locaux

(en pourcentage)

Source : commission des finances ; REI 2018 ; logiciel Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) 2019.

Par ailleurs, la commission des finances a procédé à un alignement des taux applicables en zones tendues entre les logements vacants et les résidences secondaires. En effet, pour rappel, dans les zones tendues :

– les logements vacants sont assujettis à la TLV (affectée à l’État) dont le taux est fixé à 12,5 % la première année d’imposition et à 25 % à compter de la deuxième ;

– les résidences secondaires sont assujetties à la TH et, en cas de délibération de la commune, à une majoration pouvant aller jusqu’à 60 % du montant de la cotisation de la part communale.

Or, ces deux régimes de taxation incitent les propriétaires de résidences secondaires à déclarer leur résidence comme logement vacant dans les zones tendues où la majoration de TH est élevée, entraînant des pertes de recettes pour les communes (diminution de la base imposable).

La commission des finances a donc adopté un amendement de Mme Christine Pires Beaune (SOC) ([154]) afin que les logements vacants en zones tendues soient taxés au même niveau que les résidences secondaires. Les recettes supplémentaires résultant de cette mesure de correction sont affectées aux communes.

*

*     *

M. le président Éric Woerth. Puisque cela s’est révélé satisfaisant pour l’article 4, je vous propose de procéder à une petite discussion générale sur la réforme fiscale introduite par l’article 5, qui est long et très complexe. Je vous demanderai, encore une fois, de réduire la durée de vos interventions sur les amendements. Pour votre information – même si cela peut paraître un peu comptable – nous avons doublé notre vitesse d’examen ; nos discussions devraient encore durer vingt à vingt-cinq heures, ce qui nous ferait terminer dans la nuit de jeudi à vendredi.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je voudrais présenter les dispositions de l’article, pour que les choses soient très claires. En premier lieu, l’article 5 supprime la taxe d’habitation (TH) sur la résidence principale pour tous les contribuables. Pour 80 % des foyers, le dégrèvement sera de 100 % dès 2020 et, pour les 20 % restants, l’exonération sera progressive, pour atteindre 30 % en 2021 et 65 % en 2022. Je préfère clarifier les choses car la presse s’est parfois un peu trompée dans les dates. Donc, en 2023, plus aucun foyer ne paiera de TH sur la résidence principale. Je serai défavorable à l’ensemble des amendements qui visent à remettre en cause cette suppression. En effet, les valeurs locatives n’ayant pas été révisées depuis 1970, cet impôt a été jugé injuste pour 80 % des Français ; il ne peut pas être juste pour les 20 % restant. C’est une réforme qui entraîne la plus forte baisse d’impôts de ces dernières décennies, parce qu’elle va bénéficier à 24,4 millions de foyers qui gagneront, en moyenne, 723 euros. Par souci de justice fiscale, la taxe d’habitation sur les résidences secondaires et les logements vacants, qu’il s’agisse de la taxe sur les logements vacants (TLV) obligatoire ou de la taxe d’habitation sur les logements vacants (THLV) facultative, seront maintenues.

En deuxième lieu, l’article transfère à l’État, à partir de 2021, le produit de la TH sur les résidences principales et adopte un nouveau schéma de financement des collectivités territoriales, reposant sur plusieurs volets : le transfert de la part départementale de la taxe foncière sur les propriétés bâties aux communes ; l’instauration d’un mécanisme de coefficient correcteur destiné à neutraliser les écarts de compensation pour chaque commune ; l’affectation d’une fraction de TVA aux établissements publics de coopération intercommunale et aux départements ; enfin, l’adaptation des règles de lien et de plafonnement des taux pour remplacer la TH comme imposition pivot par la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB).

Je précise aussi que je donnerai un avis défavorable aux amendements qui ont pour objet de mettre un terme aux règles de lien entre les taux, ce qui risquerait de déséquilibrer la répartition de la charge fiscale, notamment au détriment des entreprises et des résidences secondaires. Il me paraît nécessaire que des garanties soient offertes à l’ensemble des contribuables, en particulier aux entreprises. C’est la raison pour laquelle je pense qu’il ne faut pas évoluer sur ce point.

Je serai également défavorable aux amendements qui visent à remettre en cause le schéma de compensation aux collectivités territoriales de la suppression de la TH. La nouvelle architecture est le fruit de plus d’un an de travaux et de préparation avec les associations d’élus. Elle va permettre, j’y insiste, une compensation intégrale pour les collectivités territoriales, par l’État, à l’euro près. Le taux de référence pour le calcul de la compensation doit être celui appliqué en 2017. Depuis la loi de finances pour 2018, il a toujours été annoncé aux collectivités territoriales que la compensation serait effectuée sur la base des taux appliqué en 2017. Les collectivités territoriales savaient qu’elles ne bénéficieraient pas d’une compensation au titre des hausses de taux ultérieures, qui sont actuellement supportées par les contribuables.

J’exprimerai toutefois un bémol, vous le savez, puisque je me suis exprimé à ce propos dans la presse. Le présent article prévoit le gel pour 2020 de la revalorisation forfaitaire des valeurs locatives pour l’établissement de la TH sur les résidences principales. Je suis favorable aux amendements qui reviennent partiellement sur ce gel en indexant de nouveau les valeurs locatives – je dis les choses très clairement –, non pas sur l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH), mais sur l’indice des prix à la consommation (IPC) – actuellement de 0,9 % –, conformément à la philosophie d’origine de la mesure. Je tiens à ce qu’on conserve cette règle, et je proposerai donc un sous-amendement à un amendement de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, de façon à ce qu’on revienne à l’indice des prix à la consommation (IPC).

M. le président Éric Woerth. En ayant supprimé la taxe d’habitation – même si cela satisfait le contribuable, qui a toujours envie de payer moins d’impôts – vous avez épuisé l’ensemble des marges dont nous disposions pour réduire la fiscalité. C’est un choix que vous avez fait. On aurait pu utiliser ces marges à d’autres fins – c’est un débat que nous avons déjà eu et que je ne rouvrirai pas – et, surtout, on a plongé les collectivités territoriales dans un climat de confusion considérable. L’article 5 traduit cette complexité, qui est assez inouïe. Au fond, par l’affectation de 22 milliards de TVA aux EPCI et aux départements, on transfère au contribuable national le soin de financer les dépenses locales, comme cela se fait au travers des dotations. Honnêtement, je ne suis pas sûr qu’on y gagne en simplicité.

Il faut évidemment maintenir les règles de lien entre les taux, au risque d’aboutir à une très forte augmentation de la fiscalité locale sur les entreprises. Enfin, il conviendrait de ne pas geler les bases en 2020.

M. Jean-René Cazeneuve. Je remercie monsieur le rapporteur général pour son excellente présentation de l’article 5.

Comme il l’a indiqué, la suppression de la taxe d’habitation représentera un gain moyen de 723 euros par foyer. Quant à ceux qui s’opposent à cette mesure, j’aurais plaisir à savoir quel sera leur programme dans les prochaines années : rétabliront-ils la taxe d’habitation ?

Cet impôt présente plusieurs inconvénients : il est injuste géographiquement, il n’est pas lié au revenu et, dans les communes les plus pauvres, il est généralement à un taux des plus élevés avec un niveau de service qui n’est pas proportionnel.

Le principe retenu, décrit par le rapporteur général, permet à la fois de compenser les départements et les EPCI à l’euro près, avec une fiscalité nationale dynamique qu’est la TVA, dont le taux d’augmentation est plus ou moins similaire à ce que rapportait à ces collectivités territoriales la taxe foncière sur les propriétés bâties.

Après la réforme, les maires conserveront la liberté de fixer les taux et les bases. Autrement dit, leur autonomie fiscale et financière sera identique.

Le Président de la République et la majorité ont pris l’engagement de compenser à l’euro près la suppression de la taxe d’habitation, engagement qui figure dans la réforme. La manière dont la dynamique se fera en 2020, qui est une année charnière, déterminera le niveau de compensation. Nous sommes attachés, ainsi que l’a précisé le rapporteur général, à une revalorisation des bases en 2020, comme c’est le cas chaque année, même si cela correspond à une augmentation de l’impôt pour certains contribuables. Mais il convient de prendre garde au niveau de la revalorisation. On peut être assez critique sur le taux de revalorisation des valeurs locatives tel qu’il a été appliqué, ne serait-ce que cette année puisqu’il est de 2,2 % tandis que la prévision d’inflation pour 2019 s’élève à 1,2 %. C’est donc un impôt supplémentaire sur les Français.

L’article 5 prévoit de modifier les règles de revalorisation des bases pour l’établissement de la taxe d’habitation sur les résidences principales. Mais cette mesure sera décalée d’une année pour éviter qu’elle ne se superpose à la suppression de la taxe d’habitation. Enfin, quand elles sont surcompensées de moins de 10 000 euros, 7 300 communes bénéficieront d’une ressource fiscale supplémentaire.

Mme Marie-Christine Dalloz. Alors que nous en sommes à la deuxième année d’application du pacte de Cahors, le Gouvernement décide seul, dans son coin, de ne pas revaloriser les bases d’imposition de 2020. C’est donc un vrai coup de couteau qui est donné au contrat puisque la revalorisation forfaitaire des bases est de droit depuis la loi de finances pour 2017.

Mme Véronique Louwagie. Tout à fait !

Mme Marie-Christine Dalloz. En 2020, cela représentera une perte de 250 millions d’euros pour l’ensemble du bloc des collectivités territoriales.

Le gel du taux de taxe d’habitation en 2020 à son niveau de 2019 et la poursuite du gel sur les résidences secondaires jusqu’en 2022 correspondent à une perte de 80 millions d’euros chaque année, soit 160 millions pour les deux prochaines années.

Vous oubliez de dire que ce gel aura un impact sur les taux additionnels de taxe spéciale d’équipement (TSE) et de gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations (GEMAPI). Vous occultez ces conséquences directes et préférez parler de compensation à l’euro près.

L’ensemble de ce dispositif représente une perte de 400 millions dès 2020 pour les collectivités territoriales. Il est donc faux de dire que la suppression de la taxe d’habitation est neutre pour elles.

La compensation due aux communes et aux EPCI est calculée sur les taux de taxe d’habitation de 2017, et les abattements au titre de 2019 avec les bases sur les résidences principales de 2019 non revalorisées en 2020. Où est la logique ? C’est complètement incohérent.

À compter de 2021, les communes percevront la part départementale de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), soit 14,2 milliards d’euros, en lieu et place des 15 milliards perçus en 2019, soit une différence de 800 millions. Vous avez inventé un mécanisme de compensation avec des surcompensations et des sous-compensations : c’est une usine à gaz. À compter de 2021, en contrepartie de la perte de leur part de taxe foncière sur les propriétés bâties, les départements se verront affecter une part de TVA en lieu et place du seul impôt sur lequel ils avaient la main. Ce n’est plus de la simplification, mais une trahison vis-à-vis des collectivités territoriales. Celles-ci ne s’y sont pas trompées puisqu’elles n’ont pas approuvé l’engagement que vous leur demandiez.

Enfin, c’est une tuyauterie très complexe au moment où le Gouvernement veut renouer avec les territoires. Bon courage !

M. Jean-Paul Mattei. Le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés considère que la suppression de la taxe d’habitation est une mesure d’équité, qui va dans le bon sens. L’outil utilisé qu’est le transfert du taux départemental de taxe foncière sur les propriétés bâties aux communes montre bien qu’on laisse une certaine liberté aux maires quant à la fixation des taux, ce qui est très important.

Je n’ai pas du tout la même vision que notre collègue Marie-Christine Dalloz en ce qui concerne la perte pour les collectivités territoriales, les chiffres qu’elle cite, qui paraissent assez théoriques et anxiogènes, ne correspondant pas nécessairement à la réalité.

Nous appelons de nos vœux une vraie réforme des bases, tout en comprenant que cela nécessite un peu de temps au vu des problèmes apparus lors de la dernière réforme des valeurs locatives des locaux professionnels et commerciaux. Il serait même souhaitable que soit engagée une vraie réforme de la fiscalité immobilière qui est le marqueur de l’aménagement du territoire.

Quant à la compensation pour les départements, comme la TVA est une ressource dynamique, elle va générer des ressources complémentaires. Je suis donc assez confiant sur cette réforme qui doit être accompagnée d’ajustements à la marge, notamment sur l’indexation des valeurs locatives. Je crois que les amendements qui seront proposés iront partiellement dans ce sens.

Je le répète, il faut redonner aux maires la liberté de fixer leur taux, ce qui leur permettra ainsi d’assumer leurs responsabilités.

Mme Christine Pires Beaune. Le groupe Socialistes et apparentés a toujours été opposé à la suppression de la taxe d’habitation. C’était une promesse du candidat Macron populiste et populaire.

Dix ans après, la suppression de la taxe professionnelle laisse encore des traces, puisque l’on parle toujours de sa compensation. Je fais le pari que ceux qui siégeront ici dans dix ans parleront de la compensation de la suppression de la taxe d’habitation.

M. le président Éric Woerth. Bien sûr !

Mme Christine Pires Beaune. Je rappellerai que le Premier ministre s’était engagé à ce que cette réforme fasse l’objet d’un texte spécifique. Mais cet engagement n’a pas été tenu puisque l’on se retrouve avec un article du projet de loi de finances de vingt-cinq pages et de plus de 500 alinéas.

L’engagement avait été pris également de nous fournir des simulations. Or, nous les attendons toujours. Les aurons-nous avant l’examen du projet de loi en séance publique ?

Il avait été prévu que la compensation se fasse à l’euro près. En 2018, la commune dont je suis conseillère municipale a augmenté ses taux. Mais croyez bien qu’on ne l’a pas fait par plaisir. On sait qu’on a pris un risque électoral, mais on avait besoin de ce produit supplémentaire. Bénéficierons-nous d’une compensation sur le produit supplémentaire lié à l’augmentation des taux ? Tel qu’il est rédigé, l’article 5 ne prévoit pas de compensation à l’euro près. Voilà encore une promesse non tenue.

Quant à la question de la revalorisation des bases, les taxes foncières sont, elles aussi, assises sur des bases qui sont obsolètes. Comptez-vous supprimer la taxe foncière l’année prochaine ? Non, vous poursuivrez la réforme des valeurs locatives qui a été lancée et qui sera achevée dans quelques années. Oui, les valeurs locatives sont obsolètes, oui il aurait fallu les corriger plutôt que de jeter le bébé avec l’eau du bain. Nous sommes favorables à un impôt citoyen qui lie les citoyens à la politique locale, car dans les communes où l’impôt local reposera sur 10 % ou 15 % seulement de la population, la situation deviendra insupportable. Certes, ce n’est pas le cas de ma commune qui compte 90 % de propriétaires, mais je rappelle que certaines communes ont jusqu’à 70 % de locataires.

Enfin, vous communiquez sur le montant moyen de taxe d’habitation rendu. Je rappelle juste ce que veulent dire les moyennes : vous ne rendrez rien à ces 5 millions de Français qui ne paient déjà pas de taxe d’habitation.

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !

Mme Patricia Lemoine. Le groupe UDI-Agir souscrit majoritairement au principe de suppression de la taxe d’habitation pour tous les ménages à l’horizon 2023 puisqu’il a pour objectif de redonner du pouvoir d’achat aux Français.

Néanmoins, la complexité de la rédaction de l’article 5 montre que cette mesure aura de nombreuses conséquences. Elle a une portée historique car elle a vocation à réformer l’architecture globale de la fiscalité locale. Comme Mme Pires Beaune, je crois qu’il faudra aller plus loin dans le dispositif avec la révision des valeurs locatives.

Nos inquiétudes portent sur l’architecture de la fiscalité locale. Monsieur le rapporteur général, vous avez déposé un amendement relatif au gel des bases fiscales non réévaluées en 2020 – nous avons aussi déposé un amendement en ce sens – et je me réjouis que vous ayez trouvé une solution à ce problème très pénalisant pour les collectivités territoriales.

L’autre sujet qui mérite qu’on s’y attarde est celui des lissages et des intégrations fiscales progressives via les harmonisations de taux, qui seront suspendues en 2020, notamment pour les EPCI qui ont vu leur périmètre évoluer en 2018, 2019, voire en 2020. Nous avons besoin d’avoir des éclaircissements sur ce point, car nous ne savons pas si la suspension est ponctuelle, c’est-à-dire si elle ne concerne que l’année 2020 ou si elle s’appliquera jusqu’en 2023.

Enfin, nous avons besoin d’être rassurés quant aux conséquences de la réforme sur le calcul de la dotation globale de fonctionnement (DGF) et des variables d’ajustement, puisque le potentiel fiscal et financier des communes est calculé à partir des recettes fiscales – taxe d’habitation et taxes foncières.

M. François Pupponi. Nous sommes quelques-uns ici à avoir du recul et une certaine expérience par rapport à des amendements ou des articles de lois de finances votés un peu rapidement en commission des finances. J’en veux pour preuve la suppression de la taxe professionnelle pour laquelle quatre-vingt-dix pages ont été votées en dix minutes, avec les conséquences que l’on sait.

Quand on analyse cet article qui est arrivé la semaine dernière, on voit bien qu’il y a des zones grises qu’on ne pourra pas évaluer tout de suite. En l’absence de simulations, on nous demande de voter un texte les yeux bandés sans savoir ce qu’il va se passer ; je refuse de faire cela. On doit savoir en effet quelles en seront les conséquences.

Je ne reviens pas sur le fait qu’on empêche l’évolution des bases même s’il y a un dégel, et que l’on prive de fait les collectivités territoriales de leur droit de prélever l’impôt en 2018 et 2019 puisque la compensation portera sur ce qui a été voté en 2017.

Ce qui me préoccupe, c’est le passage, au hasard d’une phrase, du dégrèvement à l’exonération. Chacun sait ici que le dégrèvement implique la compensation à 100 %, tandis que ce n’est pas le cas pour l’abattement ou l’exonération puisque les variables d’ajustement bougent tout le temps.

M. Jean-Paul Mattei. Non !

M. François Pupponi. Mais si ! Vous pensez que vous savez tout et que vous avez tout inventé. Mais vous devriez plutôt écouter ceux qui ont un peu d’expérience et qui savent comment ça se passe.

C’est pour cela que je pose la question suivante à la majorité : puisque vous considérez que c’est la même chose, pourquoi n’en restez-vous pas au dégrèvement ? Vous devez bien avoir une raison objective à nous donner pour changer la règle du jeu en cours de route. Dès le début, les ministres avaient dit que ce serait un dégrèvement

M. Laurent Saint-Martin. Pendant trois ans !

M. François Pupponi. Non.

On avait insisté pour que ce soit un dégrèvement parce que c’était la seule façon d’avoir la certitude que la compensation se ferait à l’euro près. Avec l’abattement, on sait que dans le temps la compensation ne se fera pas à l’euro près. Le tour de passe-passe, il est là.

Il serait donc plus raisonnable d’attendre d’avoir les simulations, de connaître les vraies raisons du choix de l’exonération, et de prendre le temps de traiter un sujet aussi complexe dans le cadre d’une loi spécifique.

M. Éric Coquerel. Vous vous préparez à commettre une faute lourde de conséquences pour la justice fiscale, pour les recettes de l’État et pour les collectivités territoriales. Permettez-moi de citer à nouveau le rapporteur général – mais de manière moins agréable cette fois – : « Si un impôt est injuste pour 80 % des Français, il ne peut pas être juste pour les 20 % qui restent ». Cette phrase étonnante est contraire à la promesse de campagne de M. Macron qui était de supprimer la taxe d’habitation seulement pour les 80 % les plus modestes. C’est absurde puisque je vous ferai remarquer que vous avez supprimé l’ISF mais pas l’IFI. Si on pense qu’un impôt est juste dès lors qu’il touche seulement 5 % de la population, il sera difficile de m’expliquer pourquoi un autre tout d’un coup serait injuste parce toucherait les 20 % les plus aisés. De la même manière, l’impôt sur le revenu n’est payé que par 43 % de la population. Finalement, le principe de la progressivité de l’impôt semble vous être étranger.

Si la taxe d’habitation est un impôt injuste, c’est parce que les valeurs locatives n’ont pas été révisées depuis 1970, ce qui fait que la taxe d’habitation d’un logement social à Paris est plus élevée que celle d’un pavillon dans le seizième arrondissement. Pour corriger cela, il suffisait de réviser les taxes locatives plutôt que de supprimer un impôt qui sera compensé, en partie, par l’augmentation de la TVA. Or, tout le monde sait bien que la TVA est l’impôt le plus injuste.

20 % des foyers les plus riches vont avoir un gain moyen de 1 158 euros grâce à la suppression de la taxe d’habitation, ce qui fait que 44,6 % des 17,6 milliards des baisses d’impôt profiteront aux 20 % les plus aisés. À l’inverse, les 16 % de personnes les moins favorisées en France qui ne payent pas de taxe d’habitation n’auront aucun gain. On augmente donc encore l’injustice fiscale.

Pour les collectivités, j’observe que c’est un coup supplémentaire porté à leur autonomie financière, coup qui pourrait même être fatal aux départements en raison de la disparition de toute forme d’indépendance fiscale. Je me demande si on ne s’attaque pas au triptyque issu de la Révolution : communes, départements, État.

Enfin, la compensation de cette réforme comporte de nombreuses incertitudes. Les projections du Sénat montrent que le maintien de la taxe d’habitation aurait permis une augmentation des recettes de cet impôt de 4 milliards d’euros d’ici à 2020. Le manque à gagner pour les communes en 2023 risque d’être bien plus important que les 17 milliards d’euros que vous promettez de compenser.

Il convenait donc d’éviter absolument de faire cette réforme. C’est la raison pour laquelle nous voterons contre cet article dont nous demandons la suppression.

M. Jean-Paul Dufrègne. Au regard de la complexité et des enjeux d’un article de vingt-huit pages, du jeu de vases communicants entre collectivités territoriales et des impacts potentiels sur le calcul des dotations, la réforme proposée aurait dû faire l’objet d’un projet de loi spécifique avec des simulations fiables. Or, elle se traduira par un véritable big bang fiscal. Bien évidemment, nous étions favorables à une réforme de la fiscalité locale, mais dans l’optique de renforcer le lien entre le peuple et le pouvoir local, de donner aux élus la capacité d’agir en toute autonomie, notamment en matière financière et fiscale, en garantissant le financement pérenne des services publics. La réforme proposée va à rebours de cette aspiration populaire.

Cette réforme conduira les collectivités territoriales à se retrouver toujours plus sous pression de l’État, pression à la réduction de la dépense publique, nous l’avons vu avec le pernicieux mécanisme de contractualisation. Le Gouvernement met ici en avant le fait que le bloc communal disposera du levier de la taxe foncière sur les propriétés bâties dans son intégralité, gage de son autonomie et, plus généralement, de la lisibilité du système fiscal. Mais cette autonomie serait toute relative dans la mesure où les marges de manœuvre sur la taxe foncière sont très faibles, on l’a vu avec la polémique estivale sur la revue des valeurs locatives. Pour rhabiller Pierre – les communes –, le Gouvernement fait le choix de déshabiller Paul – les départements. En perdant le levier de la taxe foncière, les départements se verraient désarmés d’un outil fiscal majeur sur lequel ils ont encore la main et qui est au cœur de leur autonomie d’action. La compensation pour les départements, par une fraction de TVA, conduirait à accélérer l’institutionnalisation de cet outil fiscal injuste au sein du financement des collectivités territoriales. D’ailleurs, l’Assemblée des départements de France (ADF) a indiqué que les départements seront perdants.

La suppression de la taxe d’habitation pour les 20 % les plus aisés bénéficiera, c’est incontestable, aux très aisés. Ses effets seront certes plus larges car une personne seule qui touche 25 000 euros par an serait également concernée. La mesure est chiffrée à environ 7 milliards d’euros. Les compensations de l’État peuvent être fragilisées, on l’a vu par le passé avec la suppression de la taxe professionnelle – la parole de l’État est elle aussi fragile.

Monsieur le rapporteur général, vous dites qu’on ne touchera pas à une architecture qu’on a mis un an à élaborer, ce qui montre bien que cette réforme est l’effet d’une annonce du Président de la République qu’il a ensuite fallu habiller.

En conclusion, nous nous opposons à cette réforme qui dénature nos collectivités territoriales et leur autonomie à agir.

M. Laurent Saint-Martin. Je veux revenir sur quelques propos qui me paraissent pour le moins contradictoires, voire faux.

Cela me révolte d’entendre ici que la suppression de la taxe d’habitation est une mesure populiste et populaire, alors qu’il s’agit seulement de baisser la pression fiscale des ménages, qui a augmenté de façon irresponsable et particulièrement drastique pendant le quinquennat précédent.

La question de la revalorisation des bases fera l’objet d’un débat au travers des amendements. Il ne faut pas s’y tromper : la revalorisation des bases conduira à une augmentation des impôts.

Monsieur Pupponi, je m’inscris en faux contre ce que vous avez dit en matière de dégrèvement. L’engagement portait sur trois ans, le temps de trouver un mécanisme permettant de mettre fin à la taxe d’habitation pour 80 % de la population. Le dégrèvement, c’est la décharge d’un impôt. Si vous dégrevez ad vitam aeternam, vous ne supprimez jamais l’impôt. Il n’a jamais été question d’un dégrèvement ad vitam aeternam, mais de repenser un mécanisme de fiscalité locale. On pourrait dire, à la rigueur que la question pourrait se poser pour les années suivantes, le temps de supprimer totalement la taxe d’habitation pour les 20 % restants, mais on n’a jamais pris l’engagement d’un dégrèvement jusqu’au bout.

M. Christophe Jerretie. Il faut assumer le choix de baisser les impôts et de supprimer une part importante d’un impôt local.

Cette année est le début d’une réforme. Nous avons un an pour ajuster tout ce qui posera problème. Tous les éléments qui ont été évoqués ont déjà été à peu près ciblés par la majorité des députés et par les administrations.

Je fais partie de ceux qui souhaitaient un projet de loi de financement des collectivités territoriales spécifique. Cela dit, on nous propose pour une fois quelque chose d’assez simple et d’assez juste qui permet de consolider la taxe foncière au niveau du bloc communal et de faire en sorte que les départements puissent avoir une fiscalité dynamique, ce qui n’est pas anodin quand on connaît les difficultés qu’ils rencontrent. Il faut aboutir à un système cohérent.

Nous avons là un article qui permettra d’aboutir, dans trois ou quatre ans, à une vraie refonte de la fiscalité, à la fois des ménages et des entreprises, et probablement dans un troisième temps à un impôt environnemental pour les collectivités territoriales. Il ouvre cette première page de façon correcte avec une mécanique plutôt simple et claire pour la population et les collectivités territoriales.

Toutefois, cette réforme comporte trois éléments pour lesquels j’émets un bémol. Premièrement, j’ai toujours été contre les règles de lien des taux, je l’avais dit au ministre à l’époque. Le deuxième bémol porte sur la revalorisation forfaitaire des valeurs locatives. On avait annoncé qu’on ne toucherait pas à ce point et que l’on en resterait à une fixation du taux appliqué en 2017. C’est le rôle de l’homme politique et du Parlement de tenir parole à l’égard de tous les gens qui ont travaillé sur ce sujet. Troisièmement, les collectivités doivent continuer à vivre correctement. Pour ce faire, il faut absolument conserver une logique d’intervention à la fois financière et fiscale parce qu’on sait que le paquet des finances et des fiscalités est très évolutif dans le temps.

M. Charles de Courson. L’article 5 constitue une atteinte fondamentale au principe de la démocratie locale en ce qu’il affaiblit considérablement le lien entre le citoyen contribuable électeur et les élus locaux.

Certes, comme l’a dit madame Pires Beaune, quand dans votre commune la quasi-totalité des habitants sont propriétaires de leur logement, le lien sera maintenu par le foncier bâti. Mais ce lien est complètement cassé dans une petite ville de ma circonscription qui compte 65 % de logements sociaux, les 35 % d’habitants restants étant pour moitié locataires dans le privé et pour l’autre moitié des propriétaires occupants.

Croyez-en ma petite expérience : cette réforme improvisée donnera lieu à d’innombrables ajustements. On nous avait promis un texte spécifique, de façon à prendre le temps de l’étudier. Mais ce n’est pas le cas puisque cette réforme est présentée dans le présent projet de loi de finances. On nous avait aussi promis des simulations. Or nous sommes en train de légiférer sans avoir obtenu la moindre simulation. Cette façon de procéder est incroyable. Certes, ce n’est pas la première fois que cela se passe de cette manière, mais à chaque fois, cela a entraîné de nombreux problèmes.

Cette réforme n’est pas neutre financièrement puisque, dès 2020, le gel de l’assiette représentera 250 millions d’euros même si le rapporteur général présentera un sous‑amendement qui, semble-t-il, réglera le problème. Plus fondamentalement, le gel des taux et la compensation sur les taux de 2017 représentera 60 millions. J’appelle votre attention, mes chers collègues, sur le fait qu’on a laissé la liberté de fixer les taux en 2019 et en 2020, ce qui fait que la compensation ne devrait pas porter sur les taux de 2017, mais devrait porter sur les taux en vigueur lors de la réforme. Sinon, un recours sera fait devant le Conseil constitutionnel au motif que vous ne respectez pas l’article 72-2 de la Constitution.

Enfin, cette réforme est économiquement très dangereuse pour la compétitivité des entreprises, car en modifiant complètement la part des assiettes sur laquelle les départements mais surtout les communes et les intercommunalités ont une autonomie en ce qui concerne les taux, vous allez bouleverser l’équilibre fiscal entre entreprises et ménages.

Mme Stella Dupont. C’est la première fois que la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation s’est saisie pour avis d’un article du projet de loi de finances. C’est un article complexe relatif à un sujet structurant pour les collectivités.

Je considère que les conditions de travail des députés que nous sommes sont de manière générale et pas uniquement sur ce texte, particulièrement difficiles…

M. Charles de Courson. Inacceptables !

Mme Stella Dupont. …pour pouvoir réaliser un travail de fond.

Mme Véronique Louwagie. C’est joliment dit !

Mme Stella Dupont. C’est peut-être joliment dit, mais c’est sincère. Faire un travail de qualité est extrêmement complexe. Moi qui suis élue locale de longue date, je peux vous assurer que si nous devions travailler de cette façon localement, nous prendrions certaines décisions de façon erronée.

Sur l’article 5, nous avons obtenu des éléments que nous devons analyser très rapidement, ce qui est compliqué.

Je ne reviendrai pas sur l’intérêt ou non de cette réforme, mais je veux vous alerter sur la complexité de cet article, et de ce fait sur la nécessité de bien l’analyser pour ne pas dire des contrevérités ou tout simplement pour ne pas se tromper.

Madame Dalloz, vous avez indiqué que les taux de GEMAPI étaient figés. Non, pour cette une taxe additionnelle, les collectivités ne votent pas un taux mais une masse de recettes. Du coup, c’est la répartition en addition aux différentes taxes – taxe d’habitation, taxes foncières et cotisation foncière des entreprises – qui évolue, ce qui est sans conséquence sur la dynamique et sur les recettes de la taxe. Il faut donc étudier très attentivement le dispositif afin d’éviter d’ajouter de la confusion sur un sujet effectivement très complexe.

M. Jean-Louis Bricout. On nous dit que la suppression d’un impôt permettra davantage d’équité. Or, il ne s’agit pas de la suppression d’un impôt mais de la transformation d’un impôt local en impôt national puisqu’il faudra bien rembourser la taxe d’habitation aux communes. Cette dépense supplémentaire conduira à trouver des recettes supplémentaires ou peut-être à réduire la dépense publique.

On nous parle d’équité. Or, celui qui ne paie déjà pas de taxe d’habitation ne bénéficiera pas d’un cadeau fiscal. De surcroît, il devra participer de toute façon au remboursement des communes, peut-être pas au travers de l’impôt sur le revenu mais de la TVA. Voilà une iniquité tout simplement flagrante.

Monsieur Saint-Martin, vous dites que les élus sont irresponsables. Ces propos n’engagent que vous.

La commission examine les amendements identiques I-CF117 de M. Damien Abad, ICF555 de Mme Émilie Bonnivard, I-CF597 de M. François Pupponi, I-CF710 de M. Fabrice Brun, I-CF830 de M. Jean-Paul Dufrègne, ICF930 de Mme Marie-Christine Dalloz, I-CF1016 de Mme Véronique Louwagie et I-CF1407 de M. Éric Coquerel, qui visent tous à supprimer l’article.

M. Damien Abad. L’amendement I-CF117 est un amendement d’appel sur un article de décentralisation. C’est aussi un article anticonstitutionnel en ce qui concerne l’autonomie financière et fiscale des départements.

Supprimer la taxe d’habitation peut effectivement être considéré comme une mesure populaire, mais en réalité il n’y a plus de marge de manœuvre pour l’État. J’aimerais savoir quel sera l’impact réel sur le pouvoir d’achat des Français, au vu des transferts de taxes qu’entraînera par ailleurs cette réforme.

Tous les départements qui auront augmenté la taxe foncière sur les propriétés bâties entre 2015 et 2017, autrement dit tous ceux qui auront eu une mauvaise gestion, seront récompensés par une compensation, tandis que ceux qui, comme l’Ain, n’ont pas augmenté les impôts, ne bénéficieront pas de cette compensation.

Par ailleurs, les départements n’ont plus d’autonomie fiscale puisque le seul impôt qui demeurera sera celui sur les droits de mutation à titre onéreux sur lequel nous n’avons quasiment aucune marge de manœuvre et qui dépend fortement du marché de l’immobilier. Soyons clairs, il s’agit là d’une atteinte forte à l’autonomie des territoires, notamment des départements.

Je partage les propos de mon collègue François Pupponi quant à la différence entre les exonérations et les dégrèvements. On sait bien que, dans cette affaire, les communes seront encore malheureusement les victimes.

Enfin, toutes les associations d’élus, qu’il s’agisse des départements, des régions ou des communes, sont opposées à cet article, à ce mécanisme que vous avez monté et qui porte atteinte aux collectivités territoriales.

Mme Émilie Bonnivard. La suppression de la taxe d’habitation devait être compensée à l’euro près pour les collectivités, comme s’y était engagé le Président de la République. Or les arbitrages réalisés par le Gouvernement entraînent, dans le présent projet de loi de finances, une perte de 400 millions pour les collectivités territoriales. Ce n’est pas acceptable ! Le Gouvernement supprime une ressource aux collectivités sans donner de la lisibilité, de la clarté et des certitudes aux élus locaux à moyen et long termes.

Enfin, chaque année on baisse les dotations de compensation de la taxe professionnelle. Essayons de ne pas reproduire cette injustice avec la réforme de la taxe d’habitation.

M. François Pupponi. Je prendrai un exemple pour bien montrer à nos collègues de la majorité les problèmes que cette réforme posera aux communes.

Dans des communes dites défavorisées qui sont toutes éligibles à la politique de la ville, soit les bailleurs sociaux sont exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties s’ils ont construit des logements sociaux, soit ils bénéficient d’un abattement de 30 % qui n’est pas compensé aux communes, ou très peu. La compensation de la suppression de la taxe d’habitation se fera-t-elle sur les logements sociaux imposés ou sur ceux qui ne le sont pas ? Ils ne sont pas imposés aujourd’hui, et ils le seront dans deux, trois, quatre ou cinq ans. Si la compensation ne porte pas sur la valeur que les bailleurs devraient payer, les communes concernées, dites de banlieue, perdront de l’argent sur la durée, puisqu’elles ne seront pas compensées pour des impôts qui seront payés dans cinq, dix ou quinze ans.

J’attends la réponse du rapporteur général et éventuellement de la majorité ou du ministre pour savoir comment procéder dans ces cas-là.

M. Fabrice Brun. La suppression de la taxe d’habitation constitue l’erreur fondamentale de ce quinquennat. Cette mesure est faussement populaire : dès que l’on gratte la surface, elle révèle l’incapacité de l’État à réduire ses dépenses, sur fond de déficit, et à engager de nouveaux chantiers comme la dépendance ou la transition écologique, très présents dans nos débats. Cette mesure fragilise aussi l’autonomie des collectivités territoriales, comme l’a brillamment démontré Damien Abad. Et par effet domino, elle aura forcément des conséquences sur le pouvoir d’achat des Français, par le jeu du transfert d’autres taxes.

M. Jean-Paul Dufrègne. Deux ans et demi après l’arrivée de cette nouvelle majorité, certains bénéficient de la suppression de l’impôt sur la fortune, du prélèvement forfaitaire unique sur les revenus financiers, de la baisse de l’impôt sur le revenu et de la suppression de la taxe d’habitation.

Les plus aisés des aisés bénéficient de ces quatre mesures, les plus précaires d’aucune, alors qu’ils participent à leur financement, par exemple suite à la réduction des APL. Cherchez l’erreur !

M. Éric Coquerel. J’entends les réactions de nos collègues de la République en marche, mais je ne les ai pas entendus réfuter rationnellement un seul argument. Nous étudions un article dont le dispositif juridique atteint vingt-cinq pages et comporte cinq cents alinéas, et nous n’avons qu’une semaine pour l’analyser et l’amender, sans aucune simulation des compensations qui seront attribuées aux collectivités territoriales. Vous pourriez faire preuve d’un peu plus d’humilité, car cette attitude n’est pas à la hauteur du débat parlementaire concernant une mesure qui sera très lourde de conséquences. La majorité prend une grave responsabilité.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Après mon propos liminaire, je n’insisterai pas pour expliquer mon avis défavorable à ces amendements de suppression.

Nous reviendrons après cette séance à la question posée par monsieur Pupponi, afin de vous apporter une réponse précise.

M. Jean-René Cazeneuve. S’agissant du département, nous avons entendu une chose et son contraire en cinq minutes : il ne serait pas juste de retenir le taux de 2019 pour les départements, ni de prendre celui de 2017 pour les communes. Il faut être cohérent !

Les départements n’ont jamais eu d’autonomie fiscale. Cette expression n’existe pas dans la Constitution, et ils ne disposent aujourd’hui de manière autonome que de 8 % de leur budget. Ce n’est pas un problème majeur pour les départements, à la place de la taxe foncière, ils vont toucher une part de TVA, dont les recettes sont plus dynamiques.

Les régions avaient beaucoup protesté il y a deux ou trois ans lorsque la dotation globale de fonctionnement a été remplacée par une fraction de TVA. Elles ne se font plus entendre aujourd’hui, car elles sont très contentes de cette modification.

M. Damien Abad. Monsieur Cazeneuve, vous n’avez pas le monopole de la vérité, je vous invite à plus d’humilité. Je respecte votre position, vous devriez respecter celle des autres.

Vous ne pouvez pas dire qu’il est équivalent pour une collectivité locale de lever un impôt ou de bénéficier d’un impôt local et de recevoir une dotation ou une part d’un impôt national. Vous ne pouvez pas non plus vous asseoir sur l’article 72-2 de la Constitution.

La perte de la taxe foncière affaiblit les départements. Au moment même où les besoins de financement de la dépendance sont de plus en plus importants, les départements sont les seules collectivités à subir l’effet ciseaux d’une hausse des dépenses sociales et d’une baisse des dotations. Et les services départementaux d’incendie et de secours connaissent également une montée en charge extrêmement forte.

Par ailleurs, la dynamique de la TVA nationale n’est pas exactement identique à celle de la taxe foncière. Assumez vos choix : les départements sont les laissés-pour-compte de cette réforme.

M. Laurent Saint-Martin. Nous ne prétendons pas détenir la vérité absolue, nous défendons nos convictions, c’est le principe du débat.

Le transfert de la TVA, ressource dynamique, n’aggrave pas l’effet ciseaux. Au contraire, il a plutôt tendance à le résorber. Nous pourrons y revenir en détail, chiffres à l’appui.

Monsieur Coquerel nous reproche de ne pas être factuels, et cite deux problématiques. Il compare notamment la réforme de la taxe d’habitation avec l’impôt sur la fortune immobilière. La grande différence tient aux valeurs locatives, qui sont évaluées sur des cadastres de 1970. En conséquence, la taxe d’habitation est bien supérieure à Aubervilliers que dans le seizième arrondissement de Paris. C’est pour cette raison que les deux mesures ne sont pas comparables et qu’il est urgent de supprimer la taxe d’habitation. Nous compensons cette suppression et nous créons un mécanisme permettant aux collectivités territoriales de bénéficier d’une ressource stable et pérenne.

Monsieur Coquerel, vous avez laissé penser que la TVA augmenterait à l’issue de ce changement de mécanisme. Ne dites pas n’importe quoi : il s’agit du transfert d’une part de TVA nationale, il n’y a aucun rapport avec une hausse de son taux.

M. Jean-Paul Dufrègne. L’Association des départements de France (ADF) a calculé que si les départements avaient perçu une part de la TVA en 2005, comme le propose le Gouvernement, ils auraient perçu environ 370 millions d’euros de moins par an en moyenne par rapport au produit du foncier, soit 4 milliards d’euros depuis 2005. Ces chiffres ne sont pas des simulations, mais le calcul de l’application aux dernières années des mesures que vous comptez prendre.

M. Éric Coquerel. Monsieur Saint-Martin, vous m’avez mal entendu. J’ai expliqué que les bases locatives devaient être révisées : nous aurions pu le faire pour rendre l’impôt plus juste.

Je comparais l’IFI à l’ISF en réponse aux propos du rapporteur général selon lesquels vous étendiez aux 20 % les plus aisés la mesure initialement appliquée aux autres ménages. Il n’est pas nécessairement normal et juste d’étendre aux plus favorisés ce qui est fait pour le reste de la population, ma comparaison avec l’ISF et l’IFI était correcte dans ce contexte.

S’agissant des valeurs locatives, il faudra de toute façon les revoir, à moins de supprimer la taxe foncière.

M. Julien Aubert. Monsieur Saint-Martin, la TVA est dynamique, sauf en cas de retournement de cycle. En 2008 et 2009, lors du dernier retournement de cycle, les recettes de TVA se sont massivement réduites.

Les départements dépensent essentiellement dans le domaine social, et ce sont les dépenses qui explosent en cas de retournement de cycle, tandis que les ressources des départements s’amenuiseront du fait de la réduction des recettes de TVA. Dans ce contexte, je leur souhaite bonne chance pour équilibrer leurs budgets !

De plus, par principe, les collectivités territoriales devraient être responsables des ressources qu’elles lèvent. En rigidifiant les dépenses et les recettes, on retire aux élus la capacité de faire des choix différents et d’expliquer aux électeurs comment ils ont géré le budget qui leur a été confié.

La commission rejette les amendements I-CF117, I-CF555, I-CF597, ICF710, ICF830, I-CF930, I-CF1016 et I-CF1407.

Elle en vient, en discussion commune, aux amendements identiques I-CF565 de M. François Pupponi, I-CF673 de Mme Véronique Louwagie et I-CF705 de Mme Émilie Bonnivard, ainsi qu’à l’amendement I-CF1197 de Mme Christine Pires Beaune.

M. Charles de Courson. Nous souhaitons supprimer les alinéas 19 à 63. Lors de la première tranche de suppression de la taxe d’habitation, qui concernait 80 % de nos concitoyens, le Gouvernement avait promis qu’il s’agirait d’un dégrèvement.

Les alinéas 19 à 63 transforment ce dégrèvement en compensation, créant du même coup des surcompensés – grâce au transfert du foncier bâti – et des sous-compensés. L’exposé des motifs du projet explique que les sous-compensés seront moins bien traités que les surcompensés, qui bénéficieront d’une hausse éventuelle du taux de leur foncier bâti dont ne profiteront pas les sous-compensés. Ce n’est pas acceptable.

Mme Véronique Louwagie. Une difficulté va apparaître dans les communes surcompensées : une retenue y sera effectuée sur les recettes de taxe foncière, mais ces sommes n’iront pas aux départements, elles iront aux communes sous-compensées.

Ce prélèvement sera donc effectué sur les habitants d’un département et ira au budget de l’État pour servir de compensation. L’information sera alors biaisée : les habitants penseront payer la part départementale de taxe foncière, mais les sommes prélevées n’iront pas au département. Les bordereaux de taxe foncière indiqueront-ils le montant qui sera prélevé aux habitants du département mais qui sera versé au budget de l’État ?

Mme Émilie Bonnivard. La transformation du dégrèvement en exonération ne permet pas au Gouvernement d’atteindre ses objectifs : la suppression totale de la taxe d’habitation sur les résidences principales et la compensation intégrale des pertes de recettes pour les collectivités.

Pour atteindre ces objectifs, le dégrèvement de la taxe d’habitation pour 80 % des contribuables doit être maintenu, et le produit de taxe d’habitation au titre de 2020 relatif aux augmentations de taux en 2018, 2019 et 2020 doit être pris en charge par le budget de l’État.

Mme Christine Pires Beaune. Nous souhaitons également pérenniser le dégrèvement, au moins jusqu’à 2023. Substituer une compensation au dégrèvement, soit, mais pourquoi le faire avant la mise en œuvre complète de la réforme, en 2023 ?

Par ailleurs, l’argument de monsieur Aubert est très juste : qu’adviendra-t-il de la compensation par la TVA en cas de retournement économique ? Pouvez-vous confirmer que l’alinéa 452 a bien pour objet de pallier un éventuel retournement de cycle en créant un cliquet interdisant la baisse de la compensation ?

M. Joël Giraud, rapporteur général. Les argumentaires en défense de ces amendements identiques sont légèrement divergents.

Les deux premiers orateurs ont plutôt évoqué la question du coefficient correcteur, dont nous débattrons ultérieurement.

Les deux dernières oratrices ont évoqué plus précisément l’objet des amendements dont nous débattons maintenant : revenir sur la transformation en exonération du dégrèvement de la taxe d’habitation sur les résidences principales en faveur des contribuables en 2021.

Je crois que personne n’est de mauvaise foi, mais il y a une incompréhension. Cette mesure entrera en vigueur en 2021, concomitamment au transfert du produit de la taxe d’habitation sur les résidences principales à l’État et à l’entrée en vigueur du nouveau schéma de financement pour les collectivités territoriales.

Dès lors, la transformation du dégrèvement en exonération en 2021 n’aura aucune conséquence financière pour les collectivités territoriales et aucune conséquence sur le montant de la compensation à verser cette même année.

En effet, en 2021, le dégrèvement – devenu une exonération – de la taxe d’habitation sur les résidences principales sera compensé par un nouveau schéma de financement, à savoir le transfert de la taxe foncière sur les propriétés bâties départementale aux communes, et l’affectation d’une fraction de TVA aux EPCI et aux départements.

L’État assume seul la compensation intégrale des collectivités territoriales. Je suis persuadé qu’il y a une incompréhension et que nous ne sommes pas dans la situation que vous décrivez.

S’agissant de la question spécifique de madame Pirès-Beaune, son interprétation est correcte, et le montant de référence pour la garantie sera celui arrêté en 2021.

Avis défavorable.

M. François Pupponi. Il n’y a pas d’incompréhension, monsieur le rapporteur général, mais le fruit de l’expérience. Combien de fois les rapporteurs généraux et les ministres ont-ils tenu un tel discours devant la commission des finances ? Et combien de fois, au fil des ans, les compensations ont disparu ? Seul le dégrèvement nous offrait des certitudes, car personne n’a jamais osé y toucher. Les abattements et exonérations ne fonctionnent pas.

M. Jean-René Cazeneuve. L’article est effectivement complexe, il doit faire l’objet d’explications. Les surcompensés et les sous-compensés sont traités exactement de la même manière quand ils décident d’augmenter leurs taux, et ils touchent l’intégralité de l’augmentation de la taxe foncière liée à l’augmentation de ce taux.

Le dégrèvement n’est pas maintenu jusqu’en 2023 car il faut bien figer les taux à un moment. À défaut, il sera impossible de continuer à augmenter les taux, car nous devrions les compenser, ce qui induirait des effets pervers extrêmement importants.

Enfin, nous ne créons pas un nouveau fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR). Je sais que beaucoup d’entre vous ont une mauvaise expérience de cet outil créé pour compenser la suppression de la taxe professionnelle, mais le principe n’est pas du tout le même : au lieu d’une somme fixe qui peut être réduite au fil du temps, nous prévoyons une part des recettes d’un impôt, il n’y a rien de plus solide.

Mme Christine Pires Beaune. À partir de 2021, le dégrèvement deviendrait une exonération, donc il entrerait dans l’enveloppe normée. Dès lors, quelles seraient les conséquences sur les autres dotations ?

M. Joël Giraud, rapporteur général. Non, ces sommes n’entreront pas dans l’enveloppe normée.

Mme Christine Pires Beaune. Elles ne figureront pas dans le tableau des transferts financiers de l’État vers les collectivités territoriales ?

M. Joël Giraud, rapporteur général. Non.

M. le président Éric Woerth. Il faudra poser la question au ministre, beaucoup d’éclaircissements doivent être apportés.

La commission rejette les amendements identiques I-CF565, I-CF673 et I-CF705. Puis elle rejette l’amendement I-CF1197.

Elle est saisie de l’amendement I-CF1072 de M. Matthieu Orphelin.

M. Matthieu Orphelin. La suppression de la taxe d’habitation pour les 20 % les plus aisés est le point le plus problématique de ce projet de loi de finances.

J’entends les arguments dénonçant l’injustice de cet impôt, mais il aurait fallu accompagner sa suppression par l’instauration d’une contribution des plus aisés, qu’il s’agisse des 5 % ou 10 % des plus riches, et que l’on passe par la création d’un nouvel impôt de solidarité pour la transition écologique ou un renforcement des tranches les plus élevées de l’impôt sur le revenu.

Selon les chiffres, il manque entre 7 et 9 milliards d’euros d’investissements publics dans la transition écologique en France, et la suppression de la taxe d’habitation pour les 20 % des ménages les plus aisés représente exactement 7 milliards d’euros en année pleine.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF1072.

Elle examine l’amendement I-CF182 de M. Xavier Roseren.

M. Xavier Roseren. La taxe d’habitation pour les résidences secondaires sera maintenue, sous le nom de taxe pour les résidences non-principales. J’avais proposé l’année dernière d’étendre la faculté de majoration de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires.

Cet outil fiscal permet de pallier la pénurie de logements pour les populations résidentes, mais il n’est utilisable que dans les zones urbanisées continues de plus de 50 000 habitants.

Mon amendement propose d’ouvrir cette possibilité aux zones touristiques tendues. Dans la plupart des zones touristiques, 65 % des résidences sont des résidences secondaires.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Il ne faut pas laisser penser aux Français que la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales se traduira par une hausse de la fiscalité locale sur d’autres impositions. Or votre amendement permet une hausse potentielle de près de 60 % de la cotisation de taxe d’habitation sur les résidences secondaires pour ces communes.

De plus, la fiscalité ne règle pas tout : certaines résidences secondaires sont de vraies maisons de famille, d’autres sont des locations abusives par le biais de plateformes en ligne. Il existe des manières de régler différemment ce problème, je suis très défavorable à cet amendement.

M. le président Éric Woerth. Je rappelle que les résidences secondaires consomment très peu de services publics, ces contribuables sont plutôt contributeurs très nets au budget des communes.

La commission rejette l’amendement I-CF182.

Elle en vient à l’amendement I-CF181 de M. Xavier Roseren.

M. Xavier Roseren. L’article 5 consacre la réforme de la fiscalité locale annoncée par le Gouvernement en conséquence de la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales pour la totalité des ménages.

Une déclaration automatique est prévue afin que les propriétaires fassent connaître l’affectation des locaux à l’habitation principale ou non. Dans un souci de bonne gestion, cet amendement prévoit de donner cette information aux mairies, afin qu’elles sachent quelles habitations sont des résidences principales.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Cette idée est intéressante, mais je suis réservé sur la rédaction de l’amendement. Certaines informations sont couvertes par le secret fiscal, on ne peut pas jeter ainsi dans la nature un certain nombre de fichiers.

J’ai interrogé la DGFiP afin de connaître les voies et moyens d’obtenir certaines informations. Les délais de transmission prévus dans l’amendement semblent d’ailleurs trop serrés.

Je suggère le retrait de cet amendement, il faut creuser l’idée pour trouver les bons moyens de fournir cette information aux collectivités territoriales.

L’amendement I-CF181 est retiré.

La commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements identiques I-CF876 de M. Charles de Courson et I-CF1452 de Mme Stella Dupont, qui font l’objet d’un sous-amendement I-CF1575 du rapporteur général ; les amendements identiques I-CF273 de Mme Patricia Lemoine, I-CF585 de M. François Pupponi, I-CF676 de Mme Véronique Louwagie, I-CF733 de Mme Émilie Bonnivard, I-CF1086 de M. Christophe Jerretie, I-CF1181 de Mme Christine Pires Beaune et I-CF1438 de M. Éric Coquerel ; ainsi que l’amendement I-CF828 de M. Jean-Paul Dufrègne.

M. Charles de Courson. L’un des problèmes posé par cet article est la suppression de la revalorisation des valeurs locatives en application de l’article 1518 bis du CGI, qui définit le coefficient de majoration des valeurs locatives.

Par cet amendement, je vous propose de rétablir cette indexation en appliquant un coefficient de 1,1 %, qui correspond au taux d’inflation prévisionnel pour 2019 tel qu’il ressort de l’indice des prix à la consommation hors tabac.

Mme Stella Dupont. La délégation aux collectivités territoriales a soulevé le problème de cette non-revalorisation des valeurs locatives sur les résidences principales. Il semble légitime de prévoir une revalorisation forfaitaire, basée non sur l’indice des prix harmonisés retenu depuis le PLF 2017, mais sur l’indice des prix à la consommation hors tabac. Cette revalorisation est légèrement moindre que celle pratiquée pour l’ensemble des autres bases, mais permet une dynamique pour 2020 sur la taxe d’habitation sur les résidences principales.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je suis favorable à ces amendements, sous réserve de l’adoption du sous-amendement que je présente.

Lors des dernières années, les bases ont été revalorisées sur l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH), calculé au niveau européen, qui est structurellement supérieur à l’indice des prix à la consommation en France (IPC).

Soyons raisonnables sur un tel sujet : des compensations importantes ont été accordées aux collectivités locales, je propose de revenir à l’indexation sur l’indice des prix à la consommation (IPC) qui s’élève à 0,9 %. Mon sous-amendement prévoit donc une revalorisation de 0,9 %, plutôt que celle de 1,1 % que vous proposez.

Mme Patricia Lemoine. Mon amendement est satisfait par l’amendement de madame Dupont, sous-amendé par le rapporteur général.

L’amendement I-CF273 est retiré.

M. Christophe Jerretie. Nous avions travaillé sur le sujet l’année dernière ; la revalorisation forfaitaire n’avait alors jamais été évoquée, elle devait être glissante. L’amendement proposé, sous-amendé par le rapporteur général, modifie ce qui a été prévu pour les collectivités et que nous avions travaillé ensemble.

Je considère pour ma part que l’alinéa 159 doit être supprimé purement et simplement, et que le Gouvernement doit justifier la modification de ce que nous avions décidé au mois de juillet. Je maintiens donc mon amendement, et je le présenterai à nouveau dans l’hémicycle, même si je comprends la volonté du rapporteur général de trouver une solution de compromis.

Nous ne devons pas changer la règle aujourd’hui, c’est une modification importante de la fiscalité : la base et le taux étaient définis, la revalorisation devait être effective. Nous allons remettre en cause un des éléments fondamentaux de la réforme de la fiscalité locale.

Mme Christine Pires Beaune. Je propose également la suppression de l’alinéa 159, qui constitue une marque de défiance à l’égard des élus au regard des engagements qui avaient été pris.

Vous prenez prétexte du taux de majoration de 2,2 % qui a été appliqué en 2019, mais il ne sort pas de nulle part. Il correspond aux dispositions votées dans la loi de finances initiale pour 2017 afin d’éviter de nous diviser, comme nous le faisions tous les ans, entre ceux qui voulaient que la revalorisation soit plus importante, ou moindre, et ceux qui ne voulaient pas revaloriser du tout. Un consensus avait été trouvé, vous revenez dessus en vous appuyant peut-être sur les constats de la Cour des comptes.

Le panier des maires est supérieur à l’inflation, nous le savons depuis longtemps, donc la référence à l’IPCH avait sa raison d’être. Le plus grave dans cette affaire est que vous reveniez sur un engagement : il n’y aura pas de compensation à l’euro près, et vous exprimez une défiance à l’égard des élus au moment où Sébastien Lecornu essaie de restaurer la confiance.

M. Éric Coquerel. Par cet alinéa, le Gouvernement tente de se faire de l’argent sur le dos des collectivités territoriales, ni vu ni connu. Heureusement, les associations du bloc communal ont publié un communiqué de presse à ce sujet.

Je note la proposition de notre collègue Stella Dupont de revaloriser la base des valeurs locatives de 1,1 %, revalorisation que notre rapporteur général propose dans sa grande bonté de ramener à 0,9 %.

Ce sera mieux que rien, mais, comparé au droit en vigueur, le compte n’y est pas. Nous proposons plutôt de supprimer le gel de la revalorisation forfaitaire des bases locatives, dont le coût est évalué à 250 millions d’euros par an pour les collectivités.

M. Jean-Paul Dufrègne. Nous proposons également la revalorisation forfaitaire des valeurs locatives pour l’établissement de la taxe d’habitation des locaux affectés à l’habitation principale en 2020. Sa suppression pénaliserait les budgets locaux d’environ 250 millions d’euros selon les associations d’élus. La suppression de la compensation ne doit pas se faire sur le dos des collectivités.

M. le président Éric Woerth. Je m’interroge : est-ce que les 250 millions d’euros sont compensés en cas d’adoption du sous-amendement du rapporteur général, ou n’est-ce qu’une partie du chemin ?

M. Joël Giraud, rapporteur général. C’est une grande partie du chemin.

M. Jean-René Cazeneuve. Ce n’est pas un problème de compensation à l’euro près : dans tous les cas, cette compensation aura lieu pour 2021 par rapport à 2020. La question est de savoir quel niveau nous retenons pour 2020, donc pour 2021.

Il ne s’agit pas seulement d’une ressource pour les collectivités territoriales, mais aussi d’un impôt sur les Français. La règle a changé dans la loi de finances intitiales pour 2017, il est intéressant de faire un bilan après deux années d’application de cet indice significativement supérieur à l’inflation. Cette année, l’augmentation retenue est de 2,2 % pour la taxe foncière, au regard du taux d’inflation qui est de 1,1 %.

Nous pouvons chercher quel indice est le plus juste, en tenant compte de cet historique sur deux ans, afin de trouver le bon taux pour l’année prochaine.

M. Christophe Jerretie. L’an dernier, la revalorisation forfaitaire a été un argument positif pour les collectivités territoriales, et nous avons tous admis que ce serait une augmentation de leurs financements. Cette année, nous faisons l’inverse.

Nous devons être cohérents dans nos propos, on ne peut pas dire une année que la revalorisation est favorable aux collectivités territoriales et faire l’inverse l’année suivante. Nous avons fait des choix compliqués en supprimant la taxe d’habitation, respectons ce que nous avons dit.

M. Charles de Courson. Quelle est la différence entre les amendements identiques que Stella Dupont et moi proposons et la version sous-amendée par le rapporteur général ? Le sous-amendement retient un taux de 0,9 %, soit 200 millions d’euros, tandis que notre amendement retient la somme de 250 millions. L’écart est de 50 millions d’euros.

Les années précédentes, nous n’appliquions pas l’indice de septembre, mais le taux prévisionnel. Les amendements présentés sont donc plus cohérents. L’écart est de 50 millions, respectons le système précédent, sinon nous serons accusés de commencer à rogner sur la revalorisation. Votons nos amendements, et passons à la suite !

Mme Christine Pires Beaune. Le dispositif de l’article 1518 bis du CGI retient l’inflation sur les douze derniers mois glissants, de novembre à novembre. En application de cet article, l’indice serait aujourd’hui de 1,6 %.

Mme Véronique Louwagie. Nous prônons tous la stabilité fiscale, un engagement a été pris il y a deux ans, ce n’est pas très vieux, et les collectivités territoriales, les ménages et les entreprises ont besoin de pouvoir se projeter dans l’avenir. Il ne faut pas changer les règles tous les deux ans lorsque cela s’arrange.

Selon monsieur Cazeneuve, cette mesure constitue un impôt prélevé sur les contribuables, mais il est important de laisser la libre administration aux collectivités. Si ces dernières jugent que la revalorisation est trop importante, elles ont la possibilité d’agir sur les taux.

M. Jean-Paul Mattei. C’est hypocrite !

Mme Véronique Louwagie. Pas du tout, ma collectivité a baissé les taux !

M. Jean-Paul Mattei. S’il y a une revalorisation, il y aura un impact pour le contribuable. Laisser aux élus le choix de fixer le taux est une hypocrisie terrible. Au final, c’est le contribuable qui va payer.

La commission adopte le sous-amendement I-CF1575.

Puis elle adopte les amendements identiques I-CF876 et I-CF1452 (amendement I-2864), ainsi sousamendés.

En conséquence, les amendements I-CF585, I-CF676, I-CF733, ICF1086, ICF1181, I-CF1438 et I-CF828 sont sans objet.

La commission est saisie de quatre amendements pouvant faire l’objet d’une discussion commune : les amendements identiques I-CF274 de Mme Patricia Lemoine et ICF402 de M. François Pupponi et les amendements identiques I-CF1013 de Mme Marie-Christine Dalloz et I-CF1182 de Mme Christine Pires Beaune.

Mme Patricia Lemoine. Le projet de loi de finances pour 2020 prévoit que les lissages, intégrations fiscales progressives et harmonisation de taux d’imposition de la taxe d’habitation en cours au 1er janvier 2020 sont suspendus, et que ceux qui auraient pu prendre effet au cours de cette même année ne sont pas mis en œuvre.

Liés aux nombreuses évolutions des périmètres intercommunaux au cours des dernières années, ces dispositifs permettent d’opérer une convergence progressive des taux et ont fait l’objet de délibérations des exécutifs locaux. Ils ne sont pas contraires à la mise en œuvre de la réforme fiscale.

Cet amendement vise donc à revenir sur cette suspension, en supprimant les alinéas 164 et 179.

M. Charles de Courson. Quand deux intercommunalités fusionnent, il est possible de choisir de lisser les taux, de manière à éviter les changements brutaux. Ce lissage peut s’étaler sur douze ans.

Supprimer cette faculté risque de déstabiliser des accords passés.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Avis défavorable à l’ensemble des amendements.

M. Charles de Courson. Tous ces amendements posent une vraie question. Si vous y êtes défavorable, les accords passés, parfois avec difficulté, seront suspendus ad vitam aeternam. Comment l’expliquer aux élus locaux ?

Par ailleurs, s’agissant des résidences secondaires, pour lesquelles la taxe d’habitation sera maintenue, les taux seront gelés à des niveaux différents au sein de la même intercommunalité. Ce n’est pas possible à gérer, et c’est contraire au principe d’égalité des citoyens devant l’impôt. Il faut absolument trouver une solution, celle que nous proposons n’est peut-être pas la bonne, mais vous ne pouvez pas vous contenter de la rejeter sans faire de contre-proposition.

M. le président Éric Woerth. Ce sont les taux de l’intercommunalité qui sont lissés, pas les taux des communes…

M. Charles de Courson. Mais au sein d’une même intercommunalité, tout le monde doit converger vers un taux unique. L’article 5 interrompt ce lissage, l’inégalité va donc être maintenue alors qu’on ne peut l’accepter que temporairement.

M. Joël Giraud, rapporteur général. La suspension des lissages n’est pas prévue ad vitam aeternam, comme vous l’indiquez, mais seulement jusqu’en 2023.

Mme Patricia Lemoine. Je partage les préoccupations de monsieur de Courson, et de nombreux présidents d’intercommunalités se sont émus de cette disposition. Le lissage des taux sera suspendu jusqu’en 2023, cela signifie-t-il qu’en 2020, 2021 et 2022, les taux appliqués seront ceux de 2019, ou ceux de 2017 ?

M. Joël Giraud, rapporteur général. Ce seront les taux de 2019.

Mme Patricia Lemoine. Cela revient à balayer d’un revers de main la période de lissage et de convergence décidée dans le cadre d’un pacte territorial avec les élus, et formalisée dans une délibération. Ce n’est pas un bon signal.

Mme Stella Dupont. Ce sujet a également préoccupé la délégation aux collectivités territoriales. Cette suspension vient remettre en cause les pactes financiers et fiscaux qui ont été négociés à l’occasion des regroupements de communautés de communes et de la recomposition territoriale.

Il faut interroger précisément le Gouvernement, pour obtenir une réponse claire et précise. Il n’est pas possible de suspendre cette harmonisation pour une durée indéterminée, la suspension doit être la plus courte possible, dans l’intérêt des EPCI concernés.

Mme Christine Pires Beaune. Le texte ne prévoit pas de date butoir à la suspension. C’est la raison de l’amendement qui propose de fixer le terme de cette suspension à 2023, afin que le lissage et l’harmonisation des taux reprennent ensuite.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Le terme de cette mesure de suspension en 2023 figure dans le texte, dans les chapeaux.

La commission rejette successivement les amendements I-CF274 et ICF402 ainsi que I-CF1013 et I-CF1182.

La commission examine les amendements identiques I-CF878 de M. Charles de Courson et I-CF1453 de Mme Stella Dupont.

M. Charles de Courson. L’amendement I-CF878 vise à conserver la capacité qu’ont les organes délibérants des communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de s’opposer à l’exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties durant les deux années qui succèdent l’achèvement des constructions nouvelles, reconstructions et additions de construction à usage d’habitation. Cette disposition résultait d’une inversion du système de l’exonération, qui s’applique sauf si la commune délibère pour la refuser. La supprimer conduirait à une perte de recettes importante pour ces collectivités territoriales.

Je précise que cet amendement émane des travaux de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, qui a pourtant disposé de très peu de temps pour étudier le projet de loi.

Mme Stella Dupont. La délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation a en effet appelé notre attention sur ce sujet. L’article 5 prévoit que l’exonération s’impose aux collectivités territoriales. Or il semble intéressant de laisser le choix à ces dernières, en vertu des principes d’autonomie et de libre administration.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Cette disposition de l’article 5 soulève une incompréhension voire une ambiguïté. Actuellement prévaut une exonération de taxe sur le foncier bâti pour les constructions nouvelles, pendant les deux années qui suivent leur achèvement. Pour la part de foncier bâti qui leur revient, les communes et les EPCI peuvent supprimer cette exonération pour les immeubles à usage d’habitation. Cette possibilité de supprimer l’exonération ne s’applique toutefois pas à la part départementale de foncier bâti.

Si rien n’est fait, les contribuables seront conduits à s’acquitter de la part départementale, devenue communale, lors de la descente des taux départementaux aux communes en 2021. Dans les cas où le taux départemental est identique au taux communal, certains contribuables verront leur taxe foncière sur le bâti doubler.

L’article 5 propose une réécriture de l’article 1383 du code général des impôts (CGI) et modifie les conditions d’application de l’exonération : « La commune ou l’établissement public de coopération intercommunale peut, par une délibération […] et pour la part qui lui revient, limiter l’exonération prévue […] à 50, 60, 70, 80 ou 90 % de la base imposable ».

Inversement, permettre aux communes et aux EPCI de s’opposer intégralement à l’exonération sur l’ensemble de la nouvelle taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), départementale et communale, à compter de 2021, conduirait parfois au doublement de la taxe applicable pour les contribuables concernés. Ces derniers sont actuellement exonérés de plein droit pour la part départementale de foncier bâti.

Les conséquences de ces amendements semblent donc poser problème. Nous comptons toutefois contacter le ministère, comme nous l’avons déjà fait, afin de s’assurer que la rédaction actuelle de l’article est effectuée à droit constant.

Je vous suggère de retirer vos amendements, afin d’obtenir une explication de la part du Gouvernement en séance, pour voir si la rédaction actuelle pose des difficultés.

M. Gilles Carrez. Plus généralement, cette exonération de deux ans constitue une anomalie dans le dispositif d’exonération. Habituellement, la loi ouvre aux collectivités territoriales la possibilité d’exonérer ou non. Par exemple, une commune peut décider d’exonérer des terrains qui supportent des chênes truffiers.

En 1992, alors que je venais d’être élu maire, Michel Charasse a mis en place ce système d’exonération de droit, non compensée, que la collectivité doit refuser, le cas échéant. Vous imaginez les problèmes que cela a posé dans une commune comme Le Perreux, où la pression immobilière est forte. Durant plusieurs années, nous avons tenté de traiter cette exonération comme toutes les autres.

Le fait que le système d’inversion de la responsabilité soit maintenu me choque.

M. François Pupponi. Je le répète, en matière d’abattements et d’exonérations, il faut bien tout regarder. Pour aller dans le sens de Gilles Carrez, en l’occurrence, il y a une anomalie, dès le départ.

Les amendements I-CF878  et I.-CF1453 sont retirés.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF470 de M. François Pupponi.

La commission examine ensuite les amendements identiques I-CF588 de M. François Pupponi, I-CF677 de Mme Véronique Louwagie, I-CF736 de Mme Émilie Bonnivard et ICF1310 de M. Christophe Jerretie.

Mme Véronique Louwagie. Le projet de loi de finances prévoit d’adapter les règles de lien et de plafonnement des taux des taxes locales, s’agissant de la cotisation foncière des entreprises et de la taxe foncière sur les propriétés bâties. Or, les territoires ont des situations différentes basées sur des philosophies différentes.

L’amendement I-CF677 vise à laisser aux organes délibérants des collectivités le soin de déterminer la répartition des impôts locaux entre les ménages et les entreprises. Il est très important de laisser aux collectivités territoriales la liberté d’administrer leur territoire comme elles le souhaitent.

Mme Émilie Bonnivard. L’amendement identique I-CF736 vise à promouvoir le débat sur la nécessité ou non de mettre en place de nouvelles règles de liens et de plafonnement des taux de taxes locales.

M. Christophe Jerretie. En l’occurrence, je serai assez orthogonal avec le rapporteur général et le président. (Sourires.) Cette règle, bâtie à la hâte, lie les taxes foncières et la taxe d’habitation sur les résidences secondaires (THRS), très spécifique, sans lien avec une taxe d’habitation classique. Il n’y a pas lieu de conserver cette liaison des taux car elle ne se fonde sur aucun principe.

Pour ce qui me concerne, je redéposerai l’amendement I-CF1310 en séance car cette règle de liaison n’a pas plus de valeur technique, que politique. Toutes les taxes restantes relèvent du même foncier, qu’elles touchent aux entreprises ou à l’habitat.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je me suis déjà exprimé sur ce point. C’est la raison pour laquelle Christophe Jerretie précise que nous ne sommes pas d’accord.

À l’heure actuelle, la règle des liens entre les taux garantit un équilibre de la charge fiscale. Disons le franchement, sans cette règle, dès lors que la taxe d’habitation pour la résidence principale disparaît, on court le risque d’un rééquilibrage vers les non-électeurs. La tentation est toujours grande en effet de taxer non seulement les entreprises mais aussi les résidents secondaires, qui ne sont pas électeurs dans la commune. Je connais bien le sujet car dans nos régions, les résidents secondaires se multiplient dans les conseils municipaux, afin d’éviter le vote de mesures qui leur feraient payer davantage d’impôts.

Il faut donc conserver cet équilibre. Les entreprises verraient d’ailleurs l’abandon de cette règle comme un très mauvais signal, que nous ne devons pas donner. C’est pourquoi je réitère mon avis défavorable.

M. Charles de Courson. L’idée du Gouvernement est de transférer le pivot des liaisons de taux de la taxe d’habitation à la taxe sur le foncier bâti. Nous devons tenir bon là-dessus, pour ne pas déstabiliser la répartition de la taxe entre entreprises et ménages.

Actuellement, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et la cotisation foncière des entreprises (CFE) sont plafonnées à 3 % de la valeur ajoutée de l’entreprise. Ne pourrions-nous pas, comme je l’avais proposé, intégrer la taxe sur le foncier bâti, calculé entreprise par entreprise, à ce plafonnement, quitte à le rehausser ? Cela permettrait de protéger les entreprises.

Cette piste, qui n’a encore donné lieu à aucune simulation, vous semble-t-elle intéressante, monsieur le rapporteur général ? Dans l’amendement que j’avais déposé, j’évaluais ce plafond à 4 %, au doigt mouillé, pour éviter que les charges ne s’accroissent sur les entreprises.

M. Joël Giraud, rapporteur général. En l’absence de données, je ne peux pas répondre à cette interrogation. Pour le sujet qui nous préoccupe, ce serait une faute de délier les règles de lien entre les taux.

La commission rejette les amendements I-CF588, I-CF677, I-CF736 et ICF1310.

Elle est saisie de l’amendement I-CF1180 de Mme Christine Pires Beaune.

Mme Christine Pires Beaune. Si je ne m’oppose pas à l’idée de conserver une liaison entre les taux des ménages et ceux des entreprises, ni à ce que la taxe foncière remplace la taxe d’habitation comme impôt pivot, je ne vois pas l’utilité de conserver dans le dispositif la taxe d’habitation sur les résidences secondaires. L’amendement I-CF1180 vise donc à sortir cette dernière du dispositif de liaison des taux.

M. Joël Giraud, rapporteur général. L’amendement I-CF1180 diffère des précédents. La taxe d’habitation sur les résidences secondaires (THRS), à la différence de la majoration de taxe d’habitation sur les résidences secondaires dans les zones tendues, n’est pas un impôt comportemental, mais plutôt un impôt de rendement.

Une hausse sans contrainte de la THRS dans les zones détendues, visant des contribuables non électeurs, me pose problème. Pourtant, je sais ce que cela représenterait dans une région comme la mienne.

La commission rejette l’amendement I-CF1180.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements identiques I-CF481 de M. François Pupponi, I-CF674 de Mme Véronique Louwagie et I-CF720 de Mme Émilie Bonnivard, l’amendement I-CF1157 de Mme Christine Pires Beaune, les amendements identiques I-CF572 de M. François Pupponi, I-CF675 de Mme Véronique Louwagie et ICF730 de Mme Émilie Bonnivard, ainsi que l’amendement I-CF1247 de M. Christophe Jerretie.

M. François Pupponi. En proposant l’année 2017 comme année de référence pour le calcul de la compensation, le texte prive les collectivités territoriales des augmentations d’impôt qu’elles ont décidées. L’amendement I-CF481 vise à substituer à l’année 2017 l’année 2019, et à inscrire que toute perte de recettes de l’État doit être compensée.

Mme Émilie Bonnivard. L’amendement I-CF720 a pour objectif de prendre 2019, non 2017, comme année de référence pour les taux de TH utilisés pour le calcul de la compensation aux communes et aux ECPI.

Mme Christine Pires Beaune. L’amendement I-CF1157 vise à respecter l’engagement pris. Certaines communes ont augmenté leur taux d’imposition en 2018 ou 2019, voire ces deux années, non par plaisir, mais par nécessité. L’électeur en est seul juge. Je ne vois pas au nom de quoi ces communes seraient privées a posteriori de leurs recettes fiscales, ce qui semble en outre poser problème en termes constitutionnels.

L’amendement I-CF1157 remplace donc l’année 2017 par l’année 2019.

M. François Pupponi. L’amendement de repli I-CF572 remplace 2017 par 2018, au lieu de 2019.

M. Christophe Jerretie. L’amendement I-CF1247 suit la même logique, bien qu’il soit légèrement différent. Comme cela se fait souvent, je propose de calculer le taux applicable à partir d’une moyenne sur les trois années.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Avec une telle proposition, notre collègue, Christophe Jerretie, finira vraiment au groupe Union centriste (UC) du Sénat, à moins qu’il ne s’agisse de l’Union corrézienne. (Sourires.)

Depuis la loi de programmation des finances publiques et la loi de finances pour 2018, il a été dit aux collectivités territoriales que la compensation s’effectuerait sur la base des taux de 2017. Je l’ai moi-même répété dans ma circonscription.

L’objectif n’est pas de pénaliser les collectivités territoriales qui ont augmenté leur taux. Il s’agit simplement de ne pas récompenser les collectivités qui ont relevé leurs taux à l’annonce de la réforme. Au total, 6 100 communes sur 35 000 ont procédé ainsi.

Je reste donc défavorable à cette mesure et souhaite conserver 2017 comme année de référence, pour récompenser les communes qui n’ont pas modifié leur taux.

M. le président Éric Woerth. C’est l’histoire de « balance ton maire » ! Des communes avaient pu prévoir d’augmenter leur taux non pas du jour au lendemain, mais longtemps à l’avance, avec des trajectoires de taxe d’habitation, au moins dans les esprits. Certaines communes prélevaient des taxes d’habitation très faibles, depuis très longtemps. Les conseils municipaux ont donc pu décider d’augmenter le taux, non pas pour profiter de l’aubaine, mais pour tenir compte des circonstances locales.

Je n’ai pas le souvenir que 2017 ait été présentée comme année de référence, ce qui empêche une compensation au taux de 2018 pour les communes qui auraient augmenté leur taux cette année-là.

M. Charles de Courson. Lorsque, fin 2017, nous avons voté la suppression de 80 % de la taxe d’habitation dans le projet de loi de finances pour 2018 – à l’époque, vous vouliez maintenir la taxe sur les 20 % restants –, il avait été dit que la compensation serait effectuée au taux de 2017. Cependant, monsieur le rapporteur général, vous ne connaissiez pas encore la position du Conseil constitutionnel, qui vous a contraint à supprimer la totalité de la taxe. Ce que vous dites est donc vrai, mais seulement pour 80 % de la taxe.

Deuxième observation : avez-vous étudié la constitutionnalité du dispositif ? En 2018, pour faire passer la pilule, si j’ose dire, vous avez indiqué aux communes qu’elles gardaient la liberté de fixer leurs taux. Dès lors, 6 100 communes sur 35 000 ont augmenté ceux-ci. Cela n’est pas rien : l’impact serait de 170 millions d’euros pour une taxe qui, ne l’oublions pas, représentait 23 milliards.

Pourriez-vous nous éclairer sur ces deux points ?

Mme Christine Pires Beaune. Je veux bien tout entendre, mais sûrement pas que les communes ont augmenté les taux pour profiter d’un effet d’aubaine ! Dans notre commune, nous l’avons fait car la dotation globale de fonctionnement (DGF) – je dis bien la DGF, non la dotation forfaitaire – a diminué de 10 %, pour la troisième année consécutive. Dans de telles circonstances, la solution est alors en effet d’augmenter les impôts.

Quant au coût, il est estimé non pas à 170 millions mais à 100 millions, selon les associations d’élus.

M. Jean-René Cazeneuve. Nos collègues se gardent de dire ce qui se passe pour les communes qui ont baissé les taux depuis 2017. Prendra-t-on 2017 comme année de référence pour ces communes ?

Même si 80 % seulement de la taxe étaient concernés, la loi était extrêmement claire sur le fait que l’année 2017 serait prise comme référence. La modifier reviendrait à céder. La compensation, je le rappelle, est ponctuelle : elle ne concerne que l’année 2020 et ne se répercute ni sur l’année d’avant ni sur celle d’après. Si les collectivités territoriales veulent remonter le taux des taxes foncières, elles peuvent parfaitement le faire.

M. Gilles Carrez. Je n’ai aucune inquiétude sur la constitutionnalité de ce dispositif. Comme je le rappelais à la fin de l’année 2017, l’exonération des taxes d’habitation est liée à des taux gelés. Ce fut le cas en 1992, mais l’exonération la plus importante, qui a atteint 4,4 % du revenu fiscal de référence, date, de mémoire, de 2000 ou 2001. Lors du débat sur le projet de loi de finances pour 2018, je me souviens avoir mis en garde contre le fait que la compensation serait effectuée sur les taux de 2017. Ce point était clair.

Il est vrai, comme le dit le président, que certaines communes partaient d’un taux très bas et que d’autres pouvaient avoir établi des stratégies d’évolution des taux. Mais, ne soyons pas naïfs : dans le Val-de-Marne, quelques communes ont délibérément augmenté leur taux, pensant que cela ne se verrait pas, compte tenu de la baisse de la taxe d’habitation.

M. Laurent Saint-Martin. Gilles Carrez a parfaitement exprimé ce que je voulais dire. La loi de finances initiale pour 2018 avait clairement indiqué que le dégrèvement s’opérerait sur 2017. Sur ce point, rien n’a été caché.

On ne peut pas non plus laisser dire que certains maires ont augmenté les taux de TH pour compenser une baisse de la DGF. Si ce lien était mathématiquement prouvé, nous aurions constaté des hausses très fortes de taxe d’habitation lors du quinquennat précédent, où la DGF a fortement diminué. Celle-ci est maintenue depuis le début de cette législature. Elle ne diminue dans certaines communes que pour des raisons démographiques ou du fait de la péréquation. Mais sur le plan national, la DGF ne baisse pas.

M. Charles de Courson. Gilles Carrez a rappelé des cas d’exonération, à taux stabilisés. J’ai moi-même déposé avec lui des amendements en ce sens, mais ils ne prévoyaient jamais des taux antérieurs à la date où nous votions la mesure. Aucun des exemples donnés n’est rétroactif s’agissant des taux. Or c’est le problème que pose la disposition dont nous discutons. Nous verrons bien ce qu’en dira le Conseil constitutionnel, mais sachez qu’il sera saisi.

M. Jean-Paul Mattei. On ne peut pas nier que, lorsque nous avons voté l’exonération partielle de la taxe, nous avons effectivement fixé le taux de référence à celui de l’année 2017. Nous ne savions pas alors que le Conseil constitutionnel émettrait des doutes, ce qui a un peu changé la donne.

Dans ma commune, nous avons augmenté légèrement les taux, car cela était nécessaire. En conséquence, les contribuables qui étaient exonérés de taxe d’habitation ont payé la différence liée à l’augmentation, quand ceux qui étaient intégralement assujettis ont vu leur taxe d’habitation augmenter. Le transfert du foncier bâti que prévoit l’article 5 n’entraînera pas de perte pour les communes. Les maires assumeront leur choix d’augmenter un peu les taux sur les taxes foncières et de retrouver la ressource fiscale nécessaire.

Nous verrons bien si le choix de 2017 comme année de référence posera des problèmes d’inconstitutionnalité, mais cela ne devrait pas être le cas.

L’outil donné par l’article 5 fournit des effets de levier pour retrouver la recette nécessaire. Les maires qui ont assumé d’augmenter l’impôt en 2019 l’assumeront à nouveau. Quant aux contribuables qui avaient subi une augmentation, ils bénéficieront de toute façon d’une exonération totale de taxe d’habitation.

M. le président Éric Woerth. Ce ne sont cependant pas tout à fait les mêmes contribuables que ceux qui supportent la taxe sur le foncier bâti.

M. Jean-Louis Bricout. Je soutiens ma collègue, Christine Pires Beaune. Un problème de visibilité se pose aux maires des communes, qui doivent concevoir des programmes d’investissement et s’assurer de disposer des ressources nécessaires, alors que les règles peuvent changer brutalement.

En choisissant 2017 comme année de référence, nous ne tenons pas compte des augmentations qui ont pu avoir lieu. Cela change complètement la donne, et induit un manque de visibilité pour les communes, d’où une difficulté à établir leurs taux et satisfaire leurs engagements d’investissement.

La commission rejette successivement les amendements I-CF481, I-CF674, I-CF720, I-CF1157, I-CF572, I-CF675, I-CF730 et I-CF1247.

Elle est saisie de l’amendement I-CF1158 de Mme Christine Pires Beaune.

Mme Christine Pires Beaune. L’amendement vise à remplacer le seuil de 10 000 euros par 15 000 euros, comme l’avait annoncé le ministre, pour le calcul du seuil de maintien de la surcompensation à la commune concernée.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je m’étais également posé cette question. Cependant, un seuil à 15 000 euros double le coût de la mesure pour 2 600 communes supplémentaires, alors que celles-ci ne bénéficieront que de manière très marginale du dispositif. Ce dispositif étant relativement onéreux, je donne un avis défavorable.

Mme Christine Pires Beaune. J’ai bien conscience que le nombre de communes concernées est limité, mais, pour la plupart, celles-ci comptent moins de 1 000 habitants et ont été plutôt bien traitées dans le projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique. Il était donc cohérent de les aider.

La commission rejette l’amendement I-CF1158.

Puis elle examine l’amendement I-CF749 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Dans la réforme que le Gouvernement et la majorité nous proposent, je vois une occasion manquée : aujourd’hui, on le sait, il existe des dotations et des impôts injustes et inégalitaires. L’amendement vise à introduire une péréquation, dès lors que l’on va transférer des impôts, sous forme de dotations parfois. Il faut en finir avec les réformes des dotations et des impôts qui enrichissent les riches et appauvrissent les pauvres.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Avec une telle péréquation, les communes ne pourront plus s’assurer que les recettes liées au transfert du foncier bâti sont équivalentes à celles perçues auparavant avec la taxe d’habitation. Cela reviendrait à remettre en cause le principe de compensation à l’euro près, et poserait un énorme problème de lisibilité, qui n’est pas souhaitable. Avis défavorable.

M. Gilles Carrez. François Pupponi le sait, les exercices de compensation sont distincts des exercices de péréquation. Il ne faut surtout pas les mélanger.

M. le président Éric Woerth. Cela simplifierait pourtant l’ensemble.

La commission rejette l’amendement I-CF749.

La commission examine les amendements identiques I-CF880 de M. Charles de Courson et I-CF1454 de Mme Stella Dupont.

M. Charles de Courson. L’amendement I-CF880 avance la date de remise du rapport du 1er avril au 1er février. Il vise aussi à bien distinguer les communes surcompensées et sous-compensées ainsi que leurs capacités d’investissement pour clarifier les incidences de la réforme, avant de réfléchir au prochain projet de loi de finances rectificative ou au projet de loi de finances initiale pour 2021.

Mme Stella Dupont. Si nous souhaitons contrôler comme il se doit l’application de cet article 5, nous devons disposer des éléments en temps et en heure. C’est pourquoi l’amendement I-CF1454 vise à avancer la remise de ce rapport au 1er février.

Suivant l’avis favorable du rapporteur général, la commission adopte les amendements I-CF880 et I-CF1454 (amendement I2865).

La commission est saisie de l’amendement I-CF1455 de Mme Stella Dupont.

Mme Stella Dupont. Cet amendement est dans la continuité du précédent. Les conséquences de cette réforme influencent le calcul des futures dotations pour chacune des collectivités territoriales concernées. Nous devons donc étudier ce point au cours du premier semestre 2020, de façon à être prêts pour le projet de loi de finances pour 2021. C’est un enjeu majeur pour éviter des déséquilibres dans le calcul des dotations futures. La commission des finances, le comité des finances locales et la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation doivent être associés à ce travail, afin d’assurer la neutralité du calcul des dotations.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Le sujet soulevé est important mais nous ne pouvons pas, par amendement, donner une telle injonction au comité des finances locales (CFL). Le CFL, qui s’est engagé à réaliser ce travail, est maître de son agenda. Dans le cadre de relations normales entre lui et l’Assemblée nationale, je propose de favoriser un dialogue entre le président, voire une délégation de la délégation aux collectivités territoriales et le cas échéant certains de ses membres d’une part, et le président du CFL d’autre part, pour s’assurer que vos préoccupations seront bien prises en compte.

M. Charles de Courson. Cet amendement est intéressant car l’article 5 rénove entièrement le calcul du coefficient d’intégration fiscale (CIF) ce qui peut avoir une incidence considérable. Nul ne sait vers quoi nous allons et si nous allons dans le bon sens. L’enveloppe globale étant plafonnée, il faut considérer les montants qui augmentent et ceux qui diminuent. Cela nécessite de disposer très rapidement de travaux précis sur les 1 300 intercommunalités, ce qui ira assurément plus vite que pour les 35 000 communes.

Personne n’a soulevé la question du nouveau calcul du CIF. Pourtant, parce que la dotation d’intercommunalité est proportionnelle à trois critères, dont le CIF, cette réforme peut avoir des incidences considérables.

Mme Stella Dupont. Pas plus la délégation aux collectivités territoriales que moi-même, en tant que représentante de l’Assemblée nationale au CFL, n’avons l’intention d’imposer quoi que ce soit au comité des finances locales, qui partage la nécessité de mener un tel travail.

L’amendement ne fait qu’insister sur la nécessité de réaliser une telle étude. Monsieur le secrétaire d’État Olivier Dussopt l’a d’ailleurs entendue, au cours d’une séance du comité des finances locales. Il s’agit d’assurer la neutralité du calcul des dotations futures, étant donné l’impact du coefficient d’intégration fiscale, qui peut tout déséquilibrer.

M. Jean-René Cazeneuve. L’idée est d’obtenir un engagement du Gouvernement à neutraliser l’effet de la réforme pour les dotations aux collectivités territoriales. J’entends que cela est très difficile.

Mme Véronique Louwagie. Nous en revenons aux échanges préalables que nous avons eus sur l’article 5. Nous manquons de simulations et d’éléments afin de mesurer toutes les conséquences de la réforme et prendre certaines décisions. Je rejoins ainsi Stella Dupont, lorsqu’elle dit que nous ne travaillons pas bien, ce que je regrette.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Si l’objectif est d’obtenir un engagement du Gouvernement, l’amendement ne doit pas demander au CFL de mener un tel travail. Une nouvelle rédaction, qui ne comprendrait pas l’injonction au CFL, pourrait permettre d’ouvrir le débat en séance et d’obtenir une réponse du Gouvernement.

L’amendement I-CF1455 est retiré.

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques ICF456 de Mme Sylvia Pinel et I-CF535 de Mme Émilie Bonnivard, ainsi que l’amendement I-CF1196 de Mme Valérie Rabault.

M. François Pupponi. Des frais de gestion affectés aux régions disparaissant du fait de la suppression de la taxe d’habitation, l’article 5 prévoit une compensation par le versement d’une dotation budgétaire. L’amendement I-CF456 vise à substituer à celle-ci une fraction complémentaire de taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

Mme Émilie Bonnivard. Comme l’a dit François Pupponi, pour les régions, la suppression de la taxe d’habitation entraînera la disparition du produit correspondant aux frais de gestion des taxes locales, dont le montant à compenser est estimé à 272,1 millions d’euros en valeur 2017.

L’article 5 prévoit que cette perte de recettes sera compensée par le versement d’une dotation budgétaire. Parce que nous craignons pour le devenir de ces dotations, nous avons déposé l’amendement I-CF535, qui vise à remplacer le vecteur de la compensation financière par une fraction complémentaire de TVA, plus avantageuse et moins risquée pour les régions.

M. Jean-Louis Bricout. L’amendement I-CF1196 a pour objectif de compenser la perte des frais de gestion liés la taxe d’habitation, qui étaient perçus depuis 2014 par les régions. Cette compensation s’effectuerait, non pas comme le prévoit le texte par l’instauration d’une dotation budgétaire de l’État, mais par une fraction complémentaire de TVA. Cette substitution permettra aux régions de bénéficier d’une compensation plus pérenne et plus dynamique. L’impact s’élève à environ 270 millions d’euros.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Ces amendements visent à remplacer la dotation budgétaire prévue pour compenser la disparition des frais de gestion par une fraction de TVA afin de faire bénéficier les régions d’une compensation dynamique. Je donne un avis défavorable à l’ensemble de ces amendements.

La commission rejette successivement les amendements I-CF456, I-CF535 et ICF1196.

La commission examine l’amendement ICF696 de M. Jean-Felix Acquaviva.

M. Jean-Félix Acquaviva. Ce très long article 5 est l’occasion d’opérer un toilettage d’une des sources importantes de financement de la collectivité de Corse (CdC). Celle-ci perçoit l’intégralité du produit des droits de consommation sur les tabacs vendus en Corse, à la suite du transfert des routes nationales à la collectivité territoriale de Corse intervenu en 1993. En 2017, leur montant avoisinait 90 millions d’euros.

Comme l’indique le rapport de la mission de l’inspection générale des finances Pour une économie corse du XXIe siècle d’octobre 2018, cette affectation du produit des droits de tabacs « ne répond à aucune logique économique » et « soumet l’équilibre du budget de la collectivité de Corse à l’évolution de la politique gouvernementale en matière de santé publique ainsi qu’à l’évolution des comportements au sein de la population corse ».

C’est pourquoi, la même mission a recommandé de transférer les droits de consommation sur les tabacs vendus en Corse aux organismes de sécurité sociale, comme c’est le cas dans l’Hexagone, en remplaçant la recette – et c’est une condition sine qua non – par une fraction de produit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), mécanisme déjà employé pour la compensation au titre de la dotation globale de décentralisation (DGD).

Cette disposition s’inscrit dans le cadre de la convergence des prix du tabac en Corse avec ceux pratiqués sur le continent, qui figure à l’article 63 du présent projet de loi de finances.

Si nous ne procédons pas à une telle modification, la baisse des volumes des ventes pourrait entraîner une baisse des recettes de la CdC, qui porterait préjudice à ses finances.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Comme l’année dernière, vous proposez de remplacer par une fraction de TVA les droits sur les tabacs perçus par la collectivité de Corse, ce qui me pose toujours les mêmes difficultés. Les droits sur les tabacs représentent 70 millions d’euros et il ne me paraît pas souhaitable de donner à une collectivité un bonus dynamique sur une recette de cette nature.

Par ailleurs, l’amendement ne supprime pas l’affectation des droits à tabac transformés en TVA pour autant. Autrement dit, vous auriez à la fois le beurre et l’argent du beurre.

Avis défavorable.

M. Jean-Félix Acquaviva. Cela ne correspond pas du tout à ce que j’ai exposé.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je me fonde aussi sur ce que vous avez écrit !

M. Jean-Félix Acquaviva. Il ne s’agit pas d’avoir le beurre et l’argent du beurre. Rappelons que nous n’avons pas demandé à bénéficier du produit des droits de consommation sur les tabacs. Cette mesure est venue compenser le transfert des charges liées aux routes territoriales. Nous souhaitons qu’une fraction de TVA soit substituée à ces droits dont le produit serait reversé aux organismes de sécurité sociale. Si ce n’est qu’un problème de rédaction, je vais redéposer un autre amendement pour la séance. C’est un peu court, en revanche, si ce n’est qu’un prétexte pour ne pas traiter le sujet au fond.

La commission rejette l’amendement I-CF696.

Elle en vient à l’amendement ICF1210 de Mme Christine Pires Beaune.

Mme Christine Pires Beaune. Cet amendement n’est pas lié à la réforme de la taxe d’habitation mais il vise à mettre un terme au paradoxe suivant : comme les logements vacants et les résidences secondaires sont traitées différemment au plan de la fiscalité locale, il est parfois plus rentable de laisser son logement vacant plutôt que de l’occuper, même à titre provisoire. Dans certaines grandes villes, on a ainsi constaté une augmentation importante des logements vacants en même temps qu’une diminution des résidences secondaires.

Cet amendement vise à aligner la fiscalité applicable aux logements vacants sur celle des résidences secondaires.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Merci, madame Pires Beaune, d’avoir soulevé ce lièvre passé inaperçu. Avis favorable.

M. Charles de Courson. Monsieur le rapporteur, il y a quelques années, nous avions adopté la possibilité de majorer la taxe d’habitation pour les résidences secondaires en se fondant sur l’assiette et non sur les taux.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Il s’agissait d’une majoration de cotisation.

M. Charles de Courson. Est-ce que cela rentre dans le calcul de l’imposition des logements vacants ?

M. Joël Giraud, rapporteur général. À mon sens, non.

M. le président Éric Woerth. La ligne générale n’est pas d’augmenter la taxe d’habitation sur les résidences secondaires.

Mme Christine Pires Beaune. Mon amendement ne concerne pas la majoration appliquée aux résidences secondaires mais la taxe sur les logements vacants.

M. Charles de Courson. Votre proposition est de les traiter de la même manière, n’est-ce pas ?

Mme Christine Pires Beaune. Majoration comprise !

La commission adopte l’amendement I-CF1210 (amendement I2866).

Elle est saisie de l’amendement ICF277 de Mme Patricia Lemoine.

Mme Patricia Lemoine. Comme nous venons de le voir, nous n’avons pas mesuré toutes les conséquences de la mise en œuvre de l’article 5. Après avoir expérimenté ses différents dispositifs au cours de l’année qui vient, il serait bon de prévoir une clause de revoyure dans le projet de loi de finances pour 2021.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Les dispositions d’un PLF doivent être normatives. Or rien n’est moins normatif que de préciser que « l’année 2020 est consacrée à simuler les effets » de la réforme.

La délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation peut très bien se saisir du sujet d’elle-même. Nous n’avons pas besoin d’inscrire une telle phrase dans la loi.

Mme Patricia Lemoine. Je fais partie de la délégation et je sais l’énorme travail qu’elle fournit. C’est lors d’auditions d’associations d’élus que cette demande a été formulée.

La commission rejette l’amendement ICF277.

Elle examine ensuite les amendements ICF1439 et ICF1440 de M. Éric Coquerel.

M. Éric Coquerel. Jusqu’à présent, l’augmentation de la population dans une commune se traduisait presque mécaniquement par la création de nouveaux logements et donc une hausse des recettes fiscales. Ce ne sera plus le cas désormais et l’amendement I‑CF1439 demande qu’un rapport évalue les pertes entraînées par la suppression de la taxe d’habitation pour les communes construisant de nouveaux logements, notamment des logements sociaux.

L’amendement I‑CF1440 demande un rapport sur les mécanismes de compensation. Ce seront les taux de 2017 pour les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et pour Paris, et ceux de 2019 pour les départements, qui seront retenus – ce qui signifie que l’État ne compensera pas à l’euro près. Il conviendrait de connaître quel sera le gain pour lui. Les associations d’élus, rappelons-le, demandent un dégrèvement total.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Nous avons déjà quatre demandes de rapports en plus du rapport que le Gouvernement s’est engagé à remettre. Je vous rappelle que les rapporteurs spéciaux peuvent rédiger des rapports. Je vous invite aussi à consulter le rapport Richard-Bur sur la fiscalité locale qui soulevait déjà ce problème.

En outre, je ne sais pas si les rapports que vous demandez seront utiles s’ils sont remis dans un an, juste avant la suppression de la taxe d’habitation.

Avis défavorable.

M. Christophe Jerretie. Le rapporteur général charge un peu les rapporteurs spéciaux mais nous avons commencé à travailler sur tous les sujets qui posent problème avec le ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et le ministère des finances. Il faut coordonner l’ensemble des simulations pour savoir si les évolutions se font dans le bon ou le mauvais sens et apporter des correctifs éventuels dans le PLF pour 2021. Avec la délégation aux collectivités territoriales, nous travaillerons pendant les six premiers mois sur les problématiques liées à fiscalité et, dans un deuxième temps, sur les dotations.

Mme Christine Pires Beaune. L’année dernière, pour la première fois, le Gouvernement nous a remis un rapport très précis, que monsieur Pupponi et moi-même réclamions depuis des années, sur les compensations d’exonérations impôt par impôt, collectivité par collectivité. Comme il est annuel, me semble-t-il, il n’y a pas de raison pour que nous n’en disposions pas cette année encore.

Les amendements de monsieur Coquerel posent la question de l’acceptabilité du logement social après la suppression de la taxe d’habitation. Nous savons que les logements sociaux donnent lieu à des exonérations de taxe foncière de droit pendant vingt-cinq ans. Celles-ci étaient, d’une certaine manière, contrebalancées par le fait que leurs occupants s’acquittaient d’une taxe d’habitation. Si les compensations ne sont pas inscrites dans la durée, cela posera problème. Certaines d’entre elles jouent dans les variables d’ajustement et seront orientées à la baisse.

M. Éric Coquerel. Nos échanges montrent bien que nous sommes prêts à voter un article sans savoir les effets qu’il aura. Cela renforce l’impression d’improvisation.

La commission rejette successivement les amendements ICF1439 et ICF1440.

Elle en vient aux amendements ICF118 et ICF119 de M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Ces amendements ont aussi pour but de demander des rapports.

Le premier vise à mesurer l’impact de la suppression de la taxe d’habitation sur l’évolution des autres taux d’impôts locaux afin de déterminer s’il y a un gain net de pouvoir d’achat pour les Français ou s’il y a, au contraire, un transfert de fiscalité.

Le deuxième concerne davantage les conséquences pour les départements de la perte de la taxe sur le foncier bâti.

Vous nous demandez, monsieur le rapporteur, de ne pas déposer de demandes de rapport parce que le Gouvernement va remettre le sien. Mais cela n’inciterait-il pas le Gouvernement à différer ce moment puisque cela lui permettrait de freiner nos propres évaluations ? Il me paraît important que nous puissions nous-mêmes mesurer ces diverses conséquences.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Dans l’amendement I‑CF119, vous demandez un rapport dans un an, ce qui me paraît là encore un peu tard puisque ce sera au moment où le transfert de la taxe sur le foncier bâti interviendra.

Par ailleurs, le Gouvernement publie tous les ans l’ensemble des taux votés par les collectivités territoriales. Il n’est donc peut-être pas nécessaire de solliciter un rapport.

Demande de retrait, sinon avis défavorable.

L’amendement I–CF118 est retiré.

La commission rejette l’amendement ICF119.

Puis elle adopte l’article 5 modifié.

*

*     *

Après l’article 5

La commission est saisie des amendements identiques ICF1097 de M. Fabien Roussel et ICF1401 de M. Éric Coquerel.

M. Fabien Roussel. Par l’amendement I-CF1097, nous proposons de taxer un peu plus fortement les logements vacants qui, dans les zones tendues, sont une véritable plaie.

Nous disposons d’un outil fiscal, la taxe sur les logements vacants, que nous pourrions davantage mobiliser. En l’état, ses taux sont trop faibles. Nous vous proposons de les faire passer à 50 % la première année et 100 % à partir de la deuxième.

M. Éric Coquerel. Je me souviens qu’un candidat à la présidentielle disait vouloir atteindre l’objectif de zéro SDF. Nous en sommes loin. Leur nombre ne fait qu’augmenter. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 140 000 personnes sans domicile fixe pour plus de 2,8 millions de logements vacants. De plus en plus de personnes peinent à se loger du fait de la cherté du logement et des mécanismes financiers comme la spéculation.

Nous proposons de faire passer le taux de la TLV de 12,5 % à 25 % la première année d’imposition et de 25 % à 100 % à compter de la deuxième année de manière à pousser les propriétaires à ne plus laisser leurs logements vacants.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Tout le monde partage votre constat sur les logements vacants et nous estimons qu’il faut repenser les conséquences globales de la suppression définitive de la taxe d’habitation en matière de logements vacants. Vous visez la taxe sur les logements vacants dans les zones tendues mais beaucoup de communes ont eu recours à la taxe d’habitation sur les logements vacants en vue de relancer le marché dans des zones rurales et de juguler l’étalement urbain.

Avis défavorable.

M. Éric Coquerel. Charles de Courson a insisté sur le fait que le problème du logement était global. Quand nous avons proposé de taxer les logements à plus d’un million d’euros pour améliorer la salubrité, vous nous avez répondu que cette mesure n’avait pas lieu d’être. À un moment donné, il va bien falloir s’emparer du problème de l’augmentation des prix des logements et de la spéculation qui se nourrit en partie de la rareté des biens. La solution passe par la construction de logements sociaux, certes, mais aussi par la fiscalité appliquée aux logements vacants.

M. François Jolivet. Combien de propriétaires, auxquels la taxe sur les logements vacants a été appliquée, ont remis leur logement sur le marché ? Presque aucun. L’idée est séduisante mais il faut bien voir qu’il y a deux types de propriétaire : celui qui ne veut pas vendre et celui qui n’a pas assez d’argent pour faire des travaux.

M. le président Éric Woerth. De toute façon, il est très compliqué d’identifier les logements vacants. Cela prend parfois plusieurs années.

La commission rejette les amendements ICF1097 et ICF1401.

Sur l’avis défavorable du rapporteur général, elle rejette successivement l’amendement ICF206 de M. Vincent Descoeur ainsi que les amendements identiques ICF208 de M. Vincent Descoeur et ICF209 de Mme Véronique Louwagie.

Elle est saisie de l’amendement ICF471 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. L’abattement de 30 % de la TFPB, c’est l’État qui le décide, le Parlement qui le confirme et les bailleurs qui en profitent, sur le dos des collectivités territoriales qui reçoivent une compensation limitée à 40 %. Autrement dit, l’État fait payer aux collectivités territoriales les plus pauvres sa politique du logement puisque c’est sur leur propre patrimoine que l’on donne aux bailleurs des moyens de faire des travaux et des investissements. Cet amendement propose que l’abattement soit compensé à hauteur de 100 %.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je ne suis pas favorable à votre amendement car la suppression de cette minoration sera financée par un accroissement de la minoration sur d’autres variables d’ajustement. Dans le cas présent, ce serait en premier lieu la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) qui serait touchée. La prudence s’impose car les effets peuvent être très dangereux. J’ai pu les mesurer dans certaines communes, comme celle dont j’ai été maire ou encore celle dont vous avez été maire pendant longtemps.

Ensuite, je crains l’effet boule de neige de votre amendement même si sur le fond, je peux vous rejoindre sur le caractère inégalitaire de ces minorations qui ne sont pas, il faut le rappeler, le fait de cette majorité puisque les allocations compensatrices sont figées au taux de compensation de 2017. Pour la TFPB dans son ensemble, ce sont 500 millions d’euros au total qui sont potentiellement en jeu.

M. François Pupponi. Autrement dit, monsieur le rapporteur général, vous nous confirmez qu’il n’y a plus de variables d’ajustement et plus de compensations. Nous sommes donc obligés de prendre chez les autres pour payer ce qu’on ne peut plus payer. Cela a au moins le mérite d’être clair.

La commission rejette l’amendement ICF471.

La commission examine ensuite, en discussion commune, l’amendement ICF1358 de M. Benoit Potterie, les amendements identiques ICF1012 de Mme Véronique Louwagie, ICF1051 de M. Jean-Noël Barrot, ICF1060 de Mme Lise Magnier et ICF1307 de M. Frédéric Potterie, les amendements identiques ICF976 de M. Matthieu Orphelin et ICF1532 de la commission du développement durable, l’amendement ICF1201 de Mme Christine Pires Beaune, l’amendement ICF1531 de la commission du développement durable et l’amendement I-CF778 de M. Matthieu Orphelin.

M. Benoit Potterie. Mes deux amendements visent à corriger l’iniquité fiscale entre les différentes formes de commerce.

C’est désormais le commerce physique dans son entier qui est en en difficulté et plus seulement le petit commerce – nous avons tous en tête les difficultés rencontrées par Carrefour, Conforama ou Orchestra – à tel point que l’on peut se poser la question du maintien de la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM) car elle menace l’emploi dans les commerces. Pour autant, il ne s’agit pas avec l’amendement I‑CF1358 de la supprimer mais de la réduire et de compenser cette baisse par une taxe sur les entrepôts de stockage des biens vendus à distance.

L’amendement I‑CF1307 prévoit d’intégrer dans l’assiette de la TASCOM les entrepôts de stockage des pure players. On peut estimer qu’une surface commerciale et l’entreprise d’un pure player ont la même utilité : ils sont le dernier maillon avant le consommateur final. Afin de ne pas pénaliser les acteurs du commerce déjà redevables de la TASCOM, nous prévoyons une déduction pour ceux qui possèdent à la fois des magasins physiques et des entrepôts. Ainsi, les commerces omnicanaux ne s’acquitteront pas d’une taxe supplémentaire.

Mme Véronique Louwagie. Tous les ans, nous cherchons les solutions pour établir une justice fiscale et territoriale entre tous les acteurs du commerce alors que le commerce est en pleine mutation. Seules certaines sociétés s’acquittent des taxes locales. Ce faisant, elles contribuent à financer des structures d’aménagement du territoire dont profitent aussi les pure players.

Dans notre amendement I‑CF1012, nous prévoyons d’intégrer dans l’assiette de la TASCOM les entrepôts de stockage des pure players et d’instaurer une déduction pour les acteurs possédant à la fois des magasins physiques et des entrepôts.

M. Jean-Noël Barrot. Mon amendement I‑CF1051 comme ceux qui sont soumis à cette discussion commune ont trois vertus : mettre le commerce en ligne sur un pied d’égalité avec le commerce physique ; générer des recettes supplémentaires pour les collectivités locales ; freiner l’artificialisation des sols.

M. Matthieu Orphelin. Par notre amendement I­‑CF976, nous voulons soumettre les acteurs du e-commerce, notamment les géants du numérique, aux mêmes règles que les autres commerces. En outre, comme l’a dit mon collègue Jean-Noël Barrot, cette mesure permet de lutter contre l’artificialisation des sols alors que nous voyons pousser partout en France d’immenses entrepôts sur des terrains qui étaient souvent auparavant à vocation agricole.

M. Jean-Louis Bricout. Notre amendement I‑CF1201 vise de la même manière à lutter contre l’artificialisation des sols et à rétablir certains équilibres en matière de fiscalité pour l’ensemble des acteurs du commerce.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. L’amendement I-CF1531 a pour objectif de moduler le taux de la taxe en fonction de la localisation des commerces en la majorant de 50 % pour les établissements situés en périphérie et en la minorant de 50 % pour ceux qui se situent en centre-ville.

M. Matthieu Orphelin. L’amendement I-CF778 propose de moduler les tarifs de TASCOM en fonction de la localisation des établissements.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Nous partageons tous l’objectif d’établir une équité fiscale entre le e-commerce et les magasins physiques traditionnels. Cela dit, ces différents amendements se heurtent à plusieurs écueils.

Tout d’abord, l’impact sur les recettes pour les collectivités territoriales me paraît incertain dans la mesure où nous ne connaissons pas véritablement la répartition actuelle entre centres commerciaux classiques et entrepôts de stockage. Il faut bien voir que ces modulations vont faire perdre des recettes à certains EPCI et en faire gagner à d’autres.

Vous exonérez de cette nouvelle TASCOM les acteurs possédant à la fois des magasins physiques et des entrepôts logistiques de vente à distance. Cela ne me semble pas tout à fait compatible avec le principe d’égalité : si les surfaces de stockage de vente à distance sont soumises à la TASCOM, la nouvelle TASCOM doit s’appliquer à tous les acteurs.

Par ailleurs, l’inspection générale des finances (IGF) a effectué un état des lieux de la fiscalité pesant sur le commerce afin de rendre plus équitable le cadre fiscal entre les différentes formes de commerce. La mission a particulièrement étudié les « effets d’une fiscalité spécifique des entrepôts, sans nuire à la compétitivité des secteurs de la logistique et de la distribution en France ». Un nouveau rapport devrait être prochainement remis aux ministres : je vous invite donc à interroger le ministre en séance sur ce point après avoir retiré vos amendements.

M. le président Éric Woerth. Je soutiens les amendements identiques qui prévoient une extension de la TASCOM. C’est une bonne idée. D’abord, cela contribue à mettre à égalité le commerce physique et le commerce numérique, tous deux en position de dernier maillon de la chaîne. Ensuite, cela permet aux entreprises de ne pas s’acquitter de la taxe si elles ont à la fois des magasins physiques et des entrepôts. Enfin, son produit bénéficie aux collectivités territoriales, à condition toutefois que les taux restent inchangés.

M. Christophe Jerretie. Cette fois-ci, je ne serai pas orthogonal avec le rapporteur général. L’année dernière, nous avions eu de grandes discussions sur la TASCOM qui devaient aboutir à des réponses plus concrètes. Comme je l’ai indiqué en préambule, nous pourrions traiter d’un ensemble relatif à la fiscalité économique et urbaine après avoir traité de la fiscalité des ménages. Cela nous permettrait de prendre en compte la cotisation foncière des entreprises (CFE) et le versement pour sous-densité (VSD) dans les territoires urbanisés. Nous avions pensé intégrer ces questionnements dans le projet de loi de financement des collectivités territoriales mais finalement cette idée a été abandonnée. Il nous faudra donc repousser cette tâche à la deuxième tranche, au début de l’année prochaine.

M. le président Éric Woerth. Les années passant, quels que soient les gouvernements, on s’aperçoit qu’il y a assez peu de réponses globales car elles sont de plus en plus difficiles à appliquer. Il est bon qu’il y ait des mesures ponctuelles d’origine gouvernementale, comme il y en a beaucoup dans les PLF…

M. Christophe Jerretie. Trop !

M. le président Éric Woerth.  mais ayons, nous, suffisamment de force pour établir un peu de justice économique.

Mme Véronique Louwagie. Je regrette que l’on reporte encore ce débat que nous avons depuis la fin de l’année 2017. L’année dernière, j’avais déposé un amendement qui avait fait bondir certains : il proposait de diminuer les taxes foncières auxquelles sont assujettis les commerces de centre-ville et de compenser la perte de recettes pour les collectivités locales par une taxation d’un euro sur les livraisons. Tout le monde est d’accord pour constater qu’il y a un problème. Face à l’iniquité fiscale, notre devoir de parlementaires est de trouver des solutions et de légiférer. S’il n’y a pas de propositions idéales, il y a des corrections à apporter.

M. Matthieu Orphelin. Chacun a en tête nos débats de l’année dernière et l’engagement que le Gouvernement avait pris en séance de se pencher sur ces questions au premier trimestre. Certes, il s’agit d’un sujet complexe qui implique de prendre en compte de nombreux effets de bords mais je trouverais dommage que l’on perde à nouveau un an.

M. le président Éric Woerth. L’un des principaux effets de bord tient au fait que les entreprises du commerce électronique paient beaucoup moins d’impôt que les autres.

M. Benoit Potterie. Le commerce physique représente 3,5 millions d’emplois, devant l’industrie. En un an, des plans sociaux ont été annoncés chez Carrefour, Auchan, Conforama et Orchestra. Si nous continuons à laisser perdurer une telle iniquité fiscale, ces emplois seront menacés.

La commission rejette successivement les amendements ICF1358, ICF1012, ICF1051, ICF1060, ICF1307, ICF976, ICF1532, ICF1201, ICF1531 et I-CF778.

*

*     *


Article 6
Suppression des taxes à faible rendement

Résumé du dispositif et effets principaux

Cet article s’inscrit dans le cadre d’un processus de rationalisation des taxes dites « à faible rendement » engagé sous cette législature. Il fait notamment suite aux recommandations de la Cour des comptes et de l’Inspection générale des finances ainsi qu’à la résolution « pour une révision générale des taxes à faible rendement », adoptée le 20 juin 2018 par l’Assemblée nationale dans le cadre du « printemps de lévaluation ».

L’article supprime ainsi dix-huit taxes ou catégories de taxes.

Il supprime cinq taxes sur les véhicules à moteur (trois des quatre « malus » automobiles, la taxe fixe sur les certificats d’immatriculation, et la taxe additionnelle sur les certificats d’immatriculation perçue au profit des communes de Saint-Martin et Saint-Barthélemy). Ces suppressions sont compensées à rendement constant – environ 125 millions d’euros en 2018 – par la refonte des taxes sur les véhicules à moteur prévue par l’article 18 du présent projet de loi.

Treize autres taxes et catégories de taxes – dont le rendement annuel global, selon les dernières données disponibles, s’élève à 114,4 millions d’euros – sont supprimées :

– la taxe sur les activités commerciales non salariées à durée saisonnière (TCDS) ;

– le droit sur les produits bénéficiant d’une appellation d’origine, d’une indication géographique ou d’un label rouge ;

– la taxe sur les premières ventes de dispositifs médicaux ;

– la contribution due en raison de l’absence d’information à caractère sanitaire dans les messages publicitaires ;

– la taxe sur les déclarations et notifications des produits de vapotage ;

– les deux redevances – communale et régionale – sur la production d’électricité au moyen de la géothermie ;

– le droit de sécurité dû par les entreprises ferroviaires ;

– le droit dû par les entreprises ferroviaires pour l’autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAFER) ;

– la taxe sur certaines dépenses publicitaires ;

– la taxe sur les permis de conduire ;

– la cotisation de solidarité sur les céréales ;

– la taxe sur les voyageurs de commerce ;

– et certains droits et formalités d’enregistrement.

La suppression de ces taxes doit intervenir dès 2020, sauf pour les taxes sur les véhicules à moteur, la taxe sur les premières ventes de dispositifs médicaux, et le droit dû par les entreprises ferroviaires pour l’ARAFER, dont les suppressions sont prévues pour 2021.

Par ailleurs, l’article procède à un changement des règles d’affectation des recettes annuelles de la taxe pour frais de contrôle due par les concessionnaires d’autoroutes. À compter de 2020, ces recettes seront affectées en totalité au budget général de l’État alors qu’elles sont actuellement affectées à l’ARAFER (devenue l’Autorité de régulation des transports – ART – au 1er octobre 2019) dans la limite de 2,6 millions d’euros. Le 15° du A du I de l’article 27 du présent projet de loi prend également acte de ce changement d’affectation en retirant cette imposition de la liste des taxes affectées prévue à l’article 46 de la loi de finances pour 2012.

Dernières modifications législatives intervenues

L’article 26 de la loi de finances pour 2019 a supprimé 22 taxes, ou catégories de taxes, pour un coût d’environ 311 millions d’euros.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

Outre les amendements rédactionnels du Rapporteur général, la commission a adopté des amendements tendant à :

– maintenir la taxe sur les déclarations et notifications des produits du vapotage, avec un plafond à 500 euros au lieu de 7 600 euros en l’état du droit ;

– maintenir la taxe sur certaines dépenses publicitaires ;

– supprimer la taxe sur les actes des huissiers de justice ;

– supprimer le droit fixe de 125 euros sur les actes constatant la cession de certains fonds agricoles, d’une part, et la cession d’un navire de pêche artisanale et du matériel servant à son exploitation, d’autre part ;

– supprimer le droit fixe de 125 euros sur les contrats de mariage ;

– supprimer la taxe annuelle sur les produits cosmétiques ;

– ramener le taux du droit de partage à 1,1 %, au lieu de 2,5 % en l’état du droit, pour les partages des intérêts patrimoniaux consécutifs à un changement de régime matrimonial, une séparation de corps, un divorce ou une rupture d’un pacte civil de solidarité ;

– et à élargir les cas de dispense à l’obligation de reboisement et à l’indemnité de défrichement.

Le présent article est à mettre en lien :

– avec la refonte des taxes sur les véhicules à moteur prévue à larticle 18 ;

– et, s’agissant de l’affectation du produit de la taxe pour frais de contrôle due par les concessionnaires d’autoroutes, avec le 15° du A du I de larticle 27.

I.   les taxes à faible rendement

La notion de taxes à faible rendement peut faire l’objet de plusieurs définitions qui vont de celle de la Commission européenne – qui qualifie de « taxes mineures » les impositions dont le rendement est inférieur à 0,1 point de produit intérieur brut (PIB), soit environ 2,3 milliards d’euros dans le cas de la France – à celle de l’Inspection générale des finances (IGF) qui avait retenu un seuil de 150 millions d’euros dans son rapport de mars 2014 ([155]) et qui en dénombrait 192.

Dans son dernier rapport d’application de la loi fiscale (RALF), le Rapporteur général a estimé que la France se caractérisait « par un nombre anormalement élevé de taxes à faible rendement » et qu’elles formaient « un précipité qui témoigne de sa riche histoire fiscale » ([156]).

Il est généralement fait grief aux taxes à faible rendement de contribuer à la complexité du système fiscal, de présenter des coûts de collecte trop important en proportion de leurs recettes et de permettre des débudgétisations qui heurtent le principe d’universalité de l’impôt. Au demeurant, l’information relative aux nombreuses taxes à faible rendement est parfois difficile d’accès, ce qui nuit au principe de consentement à l’impôt.

Les taxes à faible rendement ont ainsi été mises en cause par divers rapports et par les parlementaires. C’est la raison pour laquelle, la loi de finances pour 2019 a engagé un premier effort de rationalisation.

A.   La mise en cause des taxes à faible rendement

1.   Le rapport du CPO de juillet 2013

Le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) a consacré son rapport de 2013 à la question de la fiscalité affectée ([157]). Le CPO a, à cette occasion, recensé un nombre important de « micro taxes » : 81 taxes ayant un rendement budgétaire inférieur à 5,5 millions d’euros dont 29 taxes avec un rendement inférieur à 500 000 euros. Le rapport a surtout critiqué les débudgétisations facilitées par ce type de taxe. Il recommandait par conséquent, pour 33 d’entre elles, leur remplacement par une dotation budgétaire.

2.   Le rapport de l’IGF de mars 2014

L’inspection générale des finances (IGF) a procédé, dans un rapport de février 2014 ([158]), a une évaluation approfondie des taxes dites « à faible rendement ». Elle s’est concentrée sur 192 taxes dont le rendement était inférieur, pour chacune, à 150 millions d’euros et dont le rendement cumulé se limitait à 5,3 milliards d’euros.

Parmi ses principaux constats, l’IGF a relevé que « le nombre de taxes à faible rendement en France est de deux à quatre fois supérieur au nombre qui peut être observé chez nos principaux partenaires européens » et que la tendance à la création de telles taxes s’était « accélérée au cours des dernières années ».

Les causes de ce phénomène ont été identifiées :

– la mise en œuvre des obligations européennes, essentiellement en matière sanitaire, que la France a choisi d’appliquer sous forme d’imposition et non de redevance ;

– la volonté de recourir à la fiscalité pour modifier certains comportements, dans le domaine sanitaire ou environnemental ;

– ou encore la création de taxes optionnelles au profit des collectivités territoriales, pour leur permettre de bénéficier de nouvelles ressources.

L’IGF a proposé plusieurs scénarii conduisant à la suppression de 67 à 159 taxes, le cas échéant par transformation en redevances.

3.   La résolution de l’assemblée nationale du 20 juin 2018

Dans le cadre du premier « printemps de lévaluation » mis en place sous cette législature, l’Assemblée nationale a adopté une résolution portant spécifiquement sur le sujet de la rationalisation des taxes à faible rendement (lien).

Le « printemps de lévaluation »

L’Assemblée nationale a mis en place une procédure renforcée d’examen du projet de loi de règlement sous la forme d’un « printemps de lévaluation », marqué par :

– l’examen en séance publique de projets de résolution portant sur l’évaluation de politiques publiques ;

– et l’organisation de commissions d’évaluation des politiques publiques (CEPP) au cours desquelles les ministres compétents sont auditionnés et rendent compte de leur gestion.

La première édition du « printemps de lévaluation » a porté sur l’exercice 2017.

Partant du constat que l’accumulation des taxes à faible rendement « porte préjudice à lefficacité de notre économie, affaiblit la lisibilité de notre système fiscal, soppose à sa stabilité, et freine la modernisation du recouvrement », la résolution adoptée le 20 juin 2018 « encourage le Gouvernement à conduire une révision générale des taxes à faible rendement, et à fixer un objectif ambitieux de réduction du nombre de ces taxes ».

4.   Le référé de la Cour des comptes du 3 décembre 2018

La Cour des comptes a souligné, dans son référé du 3 décembre 2018 ([159]), qu’« aucun inventaire exhaustif des impôts et taxes à faible rendement nest établi ni mis à jour par ladministration française. Cela démontre une défaillance de son système dinformation et témoigne dun manque de lisibilité et de transparence ».

Elle ajoute que « la France est le seul État membre à ne pas fournir à la Commission européenne un inventaire de ses taxes mineures ».

La Cour des comptes a dès lors mené son propre travail d’identification des taxes à faible rendement et a recensé « 125 impôts et taxes collectés par la DGFiP ou la douane, pour un produit annuel de lordre de 3,5 Md€ ».

Elle a recommandé d’« abroger les impôts ou taxes inadaptés au contexte du marché intérieur européen » et de « remplacer les taxes dont les objectifs pourraient être atteints par dautres moyens ».

B.   Le processus de rationalisation entamé sous l’ACTUELLE législature

Le bilan du toilettage des dispositifs fiscaux qui entrent dans la catégorie des taxes à faible rendement est resté modeste jusqu’à une période récente : entre 2011 et 2017, seuls 11 dispositifs fiscaux de cette nature ont été supprimés.

À rebours de l’inertie qui prévalait en la matière jusqu’à récemment, l’objectif de rationalisation des taxes à faible rendement a été fixé par le Gouvernement dès la première année de cette législature. Par une circulaire du Premier ministre du 29 mars 2018, reprise par une circulaire commune de la directrice du budget et du directeur de la législation fiscale, le Gouvernement a fixé un objectif de réduction du nombre de taxes à faible rendement, dont l’inventaire a été réalisé dans le cadre du programme Action publique 2022.

Le programme pluriannuel de suppression et de simplification de taxes à faible rendement a débuté l’année dernière. L’article 26 de la loi de finances pour 2019 a ainsi supprimé 22 petites taxes ou ensemble de petites taxes, représentant un coût pour les finances publiques de près de 311 millions d’euros.

taxes supprimées par l’article 26 de la LFI pour 2019

(en millions d’euros)

Intitulé de la taxe

Disposition législative

Coût de la suppression

Dispositions supprimées par le projet de loi initial

Contribution aux poinçonnages et essai de métaux précieux

Article 527 du CGI

– 1,57

Taxe sur les contrats d’échange sur défaut d’un État de l’Union européenne

Article 235 ter ZD ter du CGI

– 0,58

Taxe sur l’ajout de sucre à la vendange

Article 422 du CGI

– 1,13

Droit fixe dû par les opérateurs de jeux ou de paris en ligne

Article 1012 du CGI

0

Contribution additionnelle à l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) applicable aux stations radioélectriques – Fraction État

Article 1609 decies du CGI

– 3,55

Taxe annuelle sur les résidences mobiles terrestres

Article 1013 du CGI

0

Taxe sur les farines

Article 1618 septies du CGI

– 64

Prélèvement sur les numéros surtaxés pour les jeux et concours radiodiffusés et télévisés

Article L. 137-19 du code de la sécurité sociale

– 3

Contribution additionnelle à l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) applicable aux stations radioélectriques

Article 1609 decies du CGI

– 4,85

Taxe sur l’édition des ouvrages de librairie

Article 1609 undecies du CGI

– 4

Taxe sur les appareils de reproduction

Article 1609 undecies du CGI

– 25

Redevance pour la certification des bois et plants de vigne

Article 1606 du CGI

– 0,6

Taxe sur les céréales

Article 1619 du CGI

– 17,5

Taxe sur les produits de la pêche maritime

Article 75 de la loi de finances rectificative pour 2013

– 4

Droit d’immatriculation des opérateurs et agences de voyages

Article L. 141-23 du code de tourisme

– 0,2

Taxe affectée à la chambre nationale de la batellerie artisanale

Article L. 4432-3 du code des transports

– 1,2

Dispositions supprimées à la suite de la discussion parlementaire

Taxe sur les huiles végétales

Article 1609 vicies du CGI

– 130

Certains droits fixes d’enregistrement dus par les sociétés

Articles 810 bis, 810 ter, 811, 812, 814 C et 816 du CGI

NC

Taxe sur la recherche de gîtes géothermiques

Article 1591 du CGI

– 0,04

Suppression du montant de la taxe due par la filière animale à l’ITERG

Article 4° du II du G de l’article 71 de la loi de finances rectificatives pour 2003 du 30 décembre 2003

– 0,01

Exclusion des véhicules utilisés par les cirques et les centres équestres de l’assiette de la taxe spéciale sur certains véhicules routiers

Article 284 bis du code des douanes

NC

Taxe sur plus-values de cessions réalisées par les HLM

Article 130 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018

NC

Suppression des taxes sur les messages publicitaires (en 2020)

Articles 302 bis KA, 302 bis KD et 302 bis KG du CGI

– 50

TOTAL

 

 310,97

Source : commission des finances.

II.   la suppression de 18 taxes, ou catégories de taxes, à faible rendement

Le présent article prévoit 18 nouvelles suppressions de taxes, ou catégories de taxes, à faible rendement, ce qui porterait le total de ce type de taxes supprimées depuis le début de la législature à 40.

Il prévoit également la réaffectation au budget général de l’intégralité des recettes de la taxe pour frais de contrôle due par les concessionnaires d’autoroute alors qu’actuellement son produit est affecté à hauteur de 2,6 millions d’euros à l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER), devenue au 1er octobre 2019 l’Autorité de régulation des transports (ART) ([160]). Sur ce point, les 23° et 24° du I du présent article sont à mettre en lien avec le 15° du A du I de larticle 27.

Laffectation des recettes de la taxe pour frais de contrôle due par les concessionnaires dautoroute

La loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances a assujetti les concessionnaires d’autoroutes « à une contribution pour frais de contrôle, assise sur le chiffre daffaires de lannée précédente ». L’assiette et le taux de la taxe ont été précisés par l’article 70 de la loi de finances pour 2016. Ces dispositions ont été codifiées à l’article 1609 septtricies du code général des impôts.

La taxe est assise sur le chiffre d’affaires de l’activité concédée, après application d’un abattement de 200 millions d’euros. Son taux, compris entre 0,15 ‰ et 0,4 ‰, est fixé par arrêté conjoint des ministres chargés des transports et du budget. Il est actuellement de 0,363 ‰ (1).

Elle doit être déclarée et payée par les redevables dans les six mois de la clôture de l’exercice. Les règles relatives au recouvrement, au contrôle et aux réclamations sont celles applicables en matière de TVA.

Les recettes sont, en l’état du droit, affectées à l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER), dans la limite du plafond prévu au I de l’article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012. Ce plafond a été fixé à 2,6 millions d’euros pour 2019. Cela correspond à la prévision de rendement pour 2019 si bien qu’aucun écrêtement au profit du budget général ne devrait intervenir.

Le présent article supprime l’affectation à l’ARAFER (devenue Autorité de régulation des transports – ART – au 1er octobre 2019) de la taxe pour frais de contrôle. Les recettes de la taxe seront dès lors affectées en totalité au budget général de l’État.

Selon l’annexe Évaluations préalables du Gouvernement, l’ART sera compensée par une dotation budgétaire équivalente. La réaffectation de la taxe pour frais de contrôle devrait donc être neutre budgétairement tant pour l’État que pour l’ART.

(1)    Arrêté du 24 juin 2016 fixant le taux des taxes pour frais de contrôle perçues au profit de lAutorité de régulation des activités ferroviaires et routières et modifiant larrêté du 7 octobre 2010 fixant le taux du droit fixe perçu par lAutorité de régulation des activités ferroviaires.

A.   Panorama général des taxes dont la suppression est proposée

1.   Des taxes qui relèvent de sept codes différents

Les taxes visées relèvent de sept codes différents :

– le code général des impôts (I du présent article) ;

– le code général des collectivités territoriales (II du présent article) ;

– le code de la santé publique (III du présent article) ;

– le code de la sécurité sociale (IV du présent article) ;

– le code des transports (V du présent article) ;

– le code rural et de la pêche maritime (VI du présent article),

– et le code des douanes (VII du présent article).

Taxes à faible rendement dont la suppression est proposée

Codes

Articles

Impositions

Code général des impôts

302 bis MA

Taxe sur certaines dépenses publicitaires

564 quinquies

Cotisation de solidarité sur les céréales

635, 636, 638 A, 662, 733, 847, 848, 867

Droits d’enregistrement de certains actes et opérations

1010 bis, 1010 ter, 1011 ter, et 1585 I

Taxes sur les véhicules à moteur

1519 J

et 1599 quinquies C

Redevances sur la production d’électricité au moyen de la géothermie

1599 terdecies

Taxe sur les permis de conduire

Code général des collectivités territoriales

L. 2333-88 à

L. 2333-91

Taxe sur les activités commerciales non salariées à durée saisonnière

Code de la santé publique

L. 2133-1

Contribution due en raison de l’absence d’information à caractère sanitaire dans les messages publicitaires

L. 3513-12

Taxe sur les déclarations et notifications des produits du vapotage

Code de la sécurité sociale

L. 245-5-5-1

Taxe sur les premières ventes de dispositifs médicaux

Code des transports

L. 1261-20

Droit de sécurité

L. 2221-6

Droit dû par les entreprises ferroviaires pour l’autorité de régulation des activités ferroviaires

Code rural

et de la pêche maritime

L. 642-13

et L. 642-14

Droit sur les produits bénéficiant d’une appellation d’origine, d’une indication géographique ou d’un label rouge articles

Code des douanes

284

Taxe sur les voyageurs de commerce

Source : présent article.

2.   Un allégement de fiscalité d’environ 114 millions d’euros

Hors taxes sur les véhicules à moteur – lesquelles sont refondues à rendement constant par l’article 18 du présent projet de loi – les suppressions prévues par le présent article conduiront à un allégement de la fiscalité d’environ 114 millions d’euros (51 millions d’euros dès 2020 et 63 millions d’euros supplémentaires en 2021).

Rendement des taxes supprimées (hors taxes sur les véhicules à moteur)

(en millions d’euros)

Impositions

Dernier rendement connu

(année)

Taxe sur certaines dépenses publicitaires

24,0 (2017)

Cotisation de solidarité sur les céréales

0 (2018)

Droits d’enregistrement de certains actes et opérations

1,0 (2018)

Redevances sur la production d’électricité au moyen de la géothermie

0 (2018)

Taxe sur les permis de conduire

2,0 (2017)

Taxe sur les activités commerciales non salariées à durée saisonnière

NC

Contribution due en raison de l’absence d’information à caractère sanitaire dans les messages publicitaires

0 (2017)

Taxe sur les déclarations et notifications des produits du vapotage

7,4 (prévision 2019)

Taxe sur les premières ventes de dispositifs médicaux

45 (2018)

Droit de sécurité

18,4 (2018)

Droit dû par les entreprises ferroviaires pour l’autorité de régulation des activités ferroviaires

9,6 (2018)

Droit sur les produits bénéficiant d’une appellation d’origine, d’une indication géographique ou d’un label rouge articles

7,0 (2018)

Taxe sur les voyageurs de commerce

0 (2018)

Total

114,4

Source : évaluations préalables du présent article.

Les deux taxes qui présentent le rendement le plus important sont la taxe sur les premières ventes de dispositifs médicaux (45 millions d’euros) et la taxe sur certaines dépenses publicitaires (24 millions d’euros). À elles deux, elles représentaient 60 % de l’allégement de fiscalité résultant du présent article.

Quatre taxes ont un rendement nul : la cotisation de solidarité sur les céréales, les redevances sur la production d’électricité au moyen de la géothermie, la contribution due en raison de l’information à caractère sanitaire dans les messages publicitaires, et la taxe sur les voyageurs de commerce. Pour des raisons variées, elles ne sont pas appliquées ou n’ont pas de redevables. De ce point de vue, le présent article procède aussi à un toilettage de la législation.

Le rendement de la taxe sur les activités commerciales non salariées à durée saisonnière n’est pas connu des services de l’État faute d’une nomenclature suffisamment précise dans la comptabilité des communes. Il s’agit d’une imposition locale facultative et le nombre de communes l’ayant instituée n’est pas plus connu. Le Rapporteur général compte sur la publicité des débats parlementaires pour que les éventuelles communes concernées se manifestent. Il sera vigilant le cas échéant sur les modalités de compensation par l’État.

3.   Des affectataires variés, pour l’essentiel concentrés sur l’État, ses opérateurs et la CNAM

La plupart des taxes supprimées – dix sur dix-huit – sont des taxes affectées, en tout ou partie, à des personnes morales autres que l’État. Certaines d’entre elles sont des impositions locales facultatives. Il en est ainsi de la taxe sur les activités commerciales non salariées à durée saisonnière (TACDS) et de la taxe sur les permis de conduire.

affectation des taxes supprimées (hors taxes sur les véhicules à moteur)

(en millions d’euros)

Impositions

Dernier rendement connu

 

 

État

Collectivités territoriales

Sécurité sociale

 

Opérateurs

 

Taxe sur certaines dépenses publicitaires

24,0

24,0

Cotisation de solidarité sur les céréales

0

0

Droits d’enregistrement de certains actes et opérations

1,0

0,3

0,7

Redevances sur la production d’électricité au moyen de la géothermie

0

0

Taxe sur les permis de conduire

2,0

2,0

Taxe sur les activités commerciales non salariées à durée saisonnière

NC

NC

Contribution due en raison de l’absence d’information à caractère sanitaire dans les messages publicitaires

0

0

Taxe sur les déclarations et notifications des produits du vapotage

7,4

7,4

Taxe sur les premières ventes de dispositifs médicaux

45

45,0

Droit de sécurité

18,4

8,2

10,2

Droit dû par les entreprises ferroviaires pour l’autorité de régulation des activités ferroviaires

9,6

1,3

8,3

Droit sur les produits bénéficiant d’une appellation d’origine, d’une indication géographique ou d’un label rouge articles

7,0

7,0

Taxe sur les voyageurs de commerce

0

0

Total

114,4

33,8

2,7

45,0

32,9

Source : évaluations préalables du présent article.

La principale catégorie d’administrations publiques concernée est la catégorie des administrations de sécurité sociale (ASSO). La suppression de la taxe sur les premières ventes de dispositifs médicaux devrait priver la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) de 45 millions d’euros par an.

C’est ensuite l’État qui subit la plus importante perte de recettes (33,8 millions d’euros) principalement au titre de la taxe sur certaines dépenses publicitaires (24 millions d’euros) et de la fraction de droits payés par les entreprises ferroviaires reversée au budget général (9,5 millions d’euros) en application des plafonds d’affectation prévue par l’article 46 de la loi de finances pour 2012. Plus marginalement, une perte de recettes de 0,3 million d’euros est prévue au titre de la suppression de droits et formalités d’enregistrement.

Trois opérateurs subiront également des pertes de recettes pour un montant total de 32,9 millions d’euros. Il s’agit principalement de l’ART au titre de droits payés par les entreprises ferroviaires qui lui sont affectés sous un plafond global de 18,5 millions d’euros. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) – au titre de la taxe sur les déclarations et notifications des produits du vapotage – et l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO) – au titre du droit sur les produits bénéficiant d’une appellation d’origine, d’une indication géographique ou d’un label rouge – seront privés de recettes à hauteur, respectivement, de 7,4 et 7 millions d’euros.

Enfin, les collectivités territoriales ne sont touchées par le présent article qu’à hauteur de 2,7 millions d’euros. Toutefois, le Gouvernement précise dans l’annexe Évaluations préalables que la suppression de la taxe régionale sur les permis de conduire (2 millions d’euros) sera « compensée par une majoration de la taxe mentionnée à larticle 1599 quindecies du code général des impôts », c’est-à-dire par le « malus » automobile qui résultera de la refonte opérée par l’article 18 du présent projet de loi. Le solde du coût pour les collectivités territoriales provient de la suppression de droits et formalités d’enregistrement (0,7 million d’euros).

4.   Des suppressions effectives dès 2020 pour la plupart d’entre elles

Il ressort du X du présent article que la suppression de la plupart des taxes doit intervenir dès 2020.

Par exception, le F du X prévoit que la suppression des trois « malus » automobiles, de la taxe fixe sur les certificats d’immatriculation, de la taxe sur les premières ventes de dispositifs médicaux, et du droit de sécurité dû par les entreprises ferroviaires n’interviendra qu’en 2021.

entrée en vigueur de la suppression

Impositions

Année de la suppression

Taxe additionnelle sur les certificats d’immatriculation

perçue au profit des communes de St Martin et St Barthélémy

2020

Taxe sur certaines dépenses publicitaires

Cotisation de solidarité sur les céréales

Droits d’enregistrement de certains actes et opérations

Redevances sur la production d’électricité au moyen de la géothermie

Taxe sur les permis de conduire

Taxe sur les activités commerciales non salariées à durée saisonnière

Contribution due en raison de l’absence d’information à caractère sanitaire dans les messages publicitaires

Taxe sur les déclarations et notifications des produits du vapotage

Droit dû par les entreprises ferroviaires pour l’autorité de régulation des activités ferroviaires

Droit sur les produits bénéficiant d’une appellation d’origine, d’une indication géographique ou d’un label rouge articles

Taxe sur les voyageurs de commerce

Taxe sur les premières ventes de dispositifs médicaux

2021

Droit de sécurité

Trois « malus » automobiles

Taxe fixe sur les certificats d’immatriculation

Source : présent article.

B.   examen individuel des taxes dont la suppression est PROPOSÉe

S’agissant des taxes sur les véhicules à moteur, le présent article n’est que la conséquence de la refonte générale prévue par l’article 18. Leur suppression contribue pleinement à simplifier la fiscalité et se rattache ainsi légitimement à la problématique de rationalisation des taxes à faible rendement.

La suppression des treize autres taxes ou catégories de taxes poursuit également d’autres objectifs : l’allégement de la fiscalité et/ou le toilettage de la législation. Pour chacune, le Rapporteur général rappelle dans les développements qui suivent l’état du droit, leur rendement budgétaire, les éventuelles règles d’affectation des recettes et leurs origines. Il est également fait mention des raisons spécifiques à l’imposition concernée qui motivent la proposition de suppression, étant précisé que pour chacune de ces taxes, l’objectif de simplification et d’allégement de la fiscalité peut justifier à lui seul leur suppression.

1.   Les taxes sur les véhicules à moteur

a.   État du droit

Les développements qui suivent sont un résumé de l’état du droit relatif aux taxes sur les véhicules à moteur supprimées par le présent article. Des développements plus complets figurent au commentaire de l’article 18.

i.   La taxe fixe sur les certificats d’immatriculation

L’article 1599 quindecies institue au profit des régions une taxe sur les certificats d’immatriculation des véhicules. Les règles d’assiette et de taux sont fixées par les articles 1599 septdecies et 1599 octodecies du même code.

La taxe frappe la délivrance des certificats d’immatriculation. Son taux est fixé par délibération du conseil régional ou de l’assemblée de Corse : il est obligatoirement assis sur la puissance administrative du véhicule exprimée en chevaux-vapeur.

Le Gouvernement a indiqué dans l’annexe Évaluations préalables que le rendement de cette taxe est évalué à 71 millions d’euros sur la base des données fournies par l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS).

ii.   Les « malus » automobiles

Il existe quatre types de « malus » automobiles.

Trois d’entre eux sont juridiquement des taxes additionnelles à la taxe fixe sur les certificats d’immatriculation. Ils ne sont donc dus qu’une seule fois, lors de la délivrance du certificat d’immatriculation. Il s’agit :

– du « malus CO2 » de l’article 1011 bis du code général des impôts ; il s’applique aux véhicules neufs selon un barème de 66 tranches progressives d’un gramme chacune allant de l’exonération, pour les véhicules émettant 120 grammes de CO2 ou moins, à 10 500 euros pour les véhicules émettant 185 grammes de CO2 ou plus ; cette taxe additionnelle est affectée au compte d’affectation spéciale Aide à lacquisition des véhicules propres ; son rendement a été de 597 millions d’euros en 2018, net de la déduction des frais d’assiette ;

– du « malus sur les véhicules doccasion » de l’article 1010 bis du code général des impôts ; il s’applique aux véhicules d’occasion qui n’ont pas fait l’objet d’une première immatriculation en France ; son barème est assis sur la puissance du véhicule et s’échelonne de 100 euros, à partir de 9 chevaux‑vapeur, à 1 000 euros au-delà de 15 chevaux-vapeur ; selon le Gouvernement, le rendement de cette taxe additionnelle s’est élevé à 39 millions d’euros en 2018 ;

– du « malus sur les véhicules puissants » de l’article 1010 ter du code général des impôts ; il s’applique aux véhicules les plus puissants, dont la puissance fiscale est égale ou supérieure à 36 chevaux-vapeur ; selon le Gouvernement, le rendement de cette taxe additionnelle s’est élevé à 12 millions d’euros en 2018.

Le quatrième « malus » est une taxe annuelle sur les véhicules particulièrement polluants. Il est codifié à l’article 1011 ter du code général des impôts. Il s’agit d’une taxe de 160 euros due chaque année lorsque le véhicule émet au-delà d’un seuil de CO2 fixé selon son année de première immatriculation. Selon le Gouvernement, le rendement de cette taxe annuelle s’est élevé à 3 millions d’euros en 2018.

véhicules redevables de la taxe annuelle
sur les véhicules les plus polluants

(taux d’émissions en grammes de CO2/km)

Année de la première immatriculation

Taux démission

2009

250

2010

245

2011

245

2012 et au-delà

190

Source : article 1011 ter du CGI.

iii.   La taxe additionnelle perçue au profit des communes de Saint-Martin et Saint-Barthélemy

L’article 1585 I du code général des impôts institue une taxe additionnelle sur les certificats d’immatriculation au profit des communes de Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Elle est due à raison des certificats d’immatriculation délivrés à leurs résidents et son taux devait être fixé chaque année par délibération du conseil municipal.

Toutefois, le Gouvernement précise dans l’annexe Évaluations préalables que « depuis la reconnaissance en 2012 de lautonomie fiscale des collectivités de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, la taxe nest plus mise en œuvre. Son rendement est donc nul. »

b.   Dispositif proposé

La réforme portée par l’article 18 consiste à refondre l’ensemble des taxes sur les véhicules à moteur dans le « malus CO2 » prévu par l’article 1011 bis du code général des impôts. Cela implique la suppression des cinq autres taxes présentés.

i.   La suppression de la taxe fixe sur les certifications d’immatriculation

Le 20° et 21° du I suppriment les modalités actuelles de détermination de la taxe fixe sur les certificats d’immatriculation. Ils entrent en vigueur à compter du 1er janvier 2021 par application du F du X.

Cette suppression représente un manque à gagner à compter de 2021 de 71 millions d’euros pour les régions qui doit être compensé, selon le Gouvernement, par la refonte générale des taxes sur les véhicules à moteur prévue à l’article 18.

ii.   La suppression de trois des quatre « malus » automobiles

Le 13° du I du présent article supprime le « malus sur les véhicules doccasion » (article 1010 bis du code général des impôts).

Le 14° du I supprime le « malus sur les véhicules les plus puissants » (article 1010 ter du code général des impôts).

Le 15° du I supprime le « malus annuel sur les véhicules les plus polluants » (article 1011 ter du code général des impôts).

Ces différentes dispositions entrent en vigueur à compter du 1er janvier 2021 par application du F du X.

Ces suppressions représentent un manque à gagner à compter de 2021 de 64 millions d’euros pour l’État qui doit être compensé, selon le Gouvernement, par la refonte générale des taxes sur les véhicules à moteur prévue à l’article 18.

Les trois « malus » supprimés doivent en effet être intégrés aux tranches supérieures du « malus CO2 » (article 1011 bis du code général des impôts).

iii.   La suppression de la taxe additionnelle perçue au profit des communes de Saint-Martin et Saint-Barthélemy

Le 17° du I supprime la taxe additionnelle perçue au profit des communes de Saint-Martin et Saint-Barthélemy (article 1585 I du code général des impôts).

Cette disposition entre en vigueur dès 2020 par application du C du X. Elle n’entraîne aucun manque à gagner pour les communes concernées, la taxe n’étant pas appliquée. C’est sans doute la raison pour laquelle le Gouvernement propose dans cet article sa suppression dès 2020, avant même l’entrée en vigueur de la refonte de l’ensemble des taxes sur les véhicules à moteur.

2.   La taxe sur les activités commerciales non salariées à durée saisonnière (TACDS)

Le 1° du II du présent article supprime la taxe sur les activités commerciales non salariées à durée saisonnière (TACDS).

a.   État du droit

La TACDS est codifiée aux articles L. 2333-88 à L. 2333-91 du code général des collectivités territoriales. Ses aspects réglementaires sont codifiés aux articles R. 2333-133 à 2333-138 du même code.

Toute commune peut instituer une telle taxe sur son territoire à la suite d’une délibération du conseil municipal.

Les redevables de cette taxe sont les exploitants d’emplacement ou de véhicule utilisé pour des activités commerciales non salariées à durée saisonnière lorsque ces derniers ne sont pas redevables de la cotisation foncière des entreprises (CFE). La taxe concerne, par exemple, les commerçants ambulants, les marchands saisonniers, les exploitants de « food truck » (camion à pizza, baraque à frites mobile, etc.).

Elle a pour assiette le nombre de jours d’activité et la surface du local ou de l’emplacement, étant précisé que cette surface est doublée lorsque l’activité est exercée exclusivement dans un véhicule. Son taux est fixé par la commune dans une fourchette comprise entre 0,76 et 9,15 euros par mètre carré et par jour d’activité.

Elle est recouvrée par la commune sur déclaration du redevable.

La taxe doit être versée le jour de la déclaration et pour la durée du séjour auprès du receveur municipal ou du régisseur de recettes. Au-delà d’un mois d’activité, le déclarant peut demander un paiement mensuel en l’indiquant dans sa déclaration.

Le manquement aux obligations de déclaration ou de paiement peut être sanctionné d’une amende prévue pour les contraventions de deuxième classe, soit 150 euros.

b.   Rendement et affectation

La taxe est perçue par les communes qui l’ont instituée.

Selon le Gouvernement, « les recettes procurées par la taxe ne peuvent être déterminées dans la mesure où il nexiste pas de compte dédié dans la nomenclature comptable des communes. En outre, aucun recensement na permis à ce jour de déterminer le nombre de communes ayant institué la taxe ».

c.   Origine

La TACDS a pour origine un amendement parlementaire, devenu l’article 71 de la loi de finances pour 2001. La création de la taxe visait à pallier l’absence d’assujettissement des activités saisonnières à la taxe professionnelle. En effet, la taxe professionnelle n’était due, pour l’année entière, que par les contribuables exerçant leur activité au 1er janvier.

L’objectif poursuivi était d’établir des conditions de concurrence normales entre les établissements pérennes sur le territoire des communes et les exploitants saisonniers exerçant la même activité. Le Gouvernement avait exprimé un avis de sagesse lors des débats parlementaires ([161]).

À noter qu’il s’agissait de la quatrième fois que le Parlement votait en faveur de la création d’une telle taxe. Les trois précédentes tentatives avaient été censurées par le Conseil constitutionnel pour des raisons de procédure dans les deux premiers cas et pour ne pas avoir pris en compte la durée d’exercice de l’activité dans le troisième cas ([162]).

d.   Raisons de la suppression proposée

La taxe n’a pas été instituée dans une logique de rendement budgétaire mais dans un souci d’équité entre les commerçants. Elle frappe essentiellement les saisonniers du secteur du tourisme et les commerces éphémères.

Le Gouvernement ne mentionne pas de raison spécifique pour motiver la suppression de cette taxe. Son rendement n’est pas connu, ni même le nombre de communes qui l’ont instituée.

Pour autant, plusieurs raisons peuvent être avancées pour la suppression de cette taxe.

Tout d’abord, s’agissant des activités de vente exercées à l’intérieur d’un véhicule, la TACDS peut faire double emploi avec la redevance de stationnement qu’il est loisible aux communes d’instituer.

Ensuite, cette taxe n’est pas nécessairement le bon outil pour atteindre l’objectif fixé lors de sa création. Son tarif n’est en effet pas fixé en fonction du montant des cotisations foncières acquittées par les entreprises du secteur géographique concerné mais selon une fourchette nationale, plutôt large.

Le Rapporteur général regrette cependant que les représentants des communes n’aient pas été consultés sur cette suppression.

3.   Le droit sur les produits bénéficiant d’une appellation d’origine, d’une indication géographique ou d’un label rouge

Le 2° du VI du présent article supprime le droit sur les produits bénéficiant d’une appellation d’origine, d’une indication géographique ou d’un label rouge. Le 1° du VI procède à une coordination légistique consécutive à cette suppression.

a.   État du droit

Les signes officiels de la qualité et de l’origine (SIQO) offrent une garantie officielle pour le consommateur de l’origine, de la qualité, de la recette et du mode de production d’un produit agricole ou agroalimentaire. Un certain nombre d’entre eux sont gérés par l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO), un établissement public administratif placé sous la tutelle du ministère de l’agriculture et de l’alimentation. Il s’agit des signes suivants : appellation d’origine contrôlée (AOC), appellation d’origine protégée (AOP), indication géographique protégée (IGP), spécialité traditionnelle garantie (STG), Label rouge (LR) et agriculture biologique (AB).

L’INAO est en charge de l’instruction des demandes de reconnaissance du bénéfice du signe officiel, de leur protection et de la supervision des contrôles. Il a également pour mission de proposer la reconnaissance des produits susceptibles de bénéficier des signes d’identification, de contribuer à leur défense et à leur promotion tant en France qu’à l’étranger.

Il perçoit, pour son financement, un droit sur les produits bénéficiant d’une appellation d’origine, d’une indication géographique ou d’un label rouge – ci-après le « droit SIQO ». Il s’agit d’un impôt régi par les articles L. 642-13 et L. 642-14 du code rural et de la pêche maritime.

Le droit SIQO a pour assiette les quantités produites en vue d’une commercialisation en appellation d’origine, en indication géographique ou en label rouge au cours de l’année précédente. Il est acquitté annuellement par les opérateurs habilités à utiliser le signe concerné.

Le tarif est fixé par le conseil permanent de l’INAO, dans les limites définies par l’article L. 642-13 du code rural et de la pêche maritime.

Tarif maximal du droit sur les produits bénéficiant dune appellation dorigine, dune indication géographique ou dun label rouge

Le tarif maximal du droit sur les produits bénéficiant d’une appellation d’origine, d’une indication géographique ou d’un label rouge est de :

– 0,15 € par hectolitre pour les vins d’appellation d’origine ;

– 0,12 € par hectolitre ou 1,2 € par hectolitre d’alcool pur pour les boissons alcoolisées d’appellation d’origine autres que les vins ;

– 0,03 € par hectolitre pour les produits vitivinicoles bénéficiant d’une indication géographique protégée ;

– 0,075 € par hectolitre ou 0,75 € par hectolitre d’alcool pur pour les boissons alcoolisées bénéficiant d’une indication géographique autres que les produits vitivinicoles bénéficiant d’une indication géographique protégée.

– 10 € par tonne pour les produits agroalimentaires ou forestiers d’appellation d’origine autres que les vins et les boissons alcoolisées ;

– 7,5 € par tonne pour les produits bénéficiant d’une indication géographique protégée, autres que les produits vitivinicoles et boissons alcoolisées.

– 0,075 € par hectolitre ou 0,75 € par hectolitre d’alcool pur pour les boissons alcoolisées bénéficiant d’un label rouge autres que les produits vitivinicoles bénéficiant d’une indication géographique ;

– 7,5 € par tonne pour les produits bénéficiant d’un label rouge autres que les produits vitivinicoles et boissons alcoolisées.

Source : article L. 642-13 du code rural et de la pêche maritime.

b.   Rendement et affectation

Selon le Gouvernement, le rendement du droit SIQO a été de 7 millions d’euros en 2018.

Les recettes sont affectées à l’INAO.

Dans l’annexe Évaluations préalables, le Gouvernement indique que selon l’INAO « le financement des professionnels via les droits sur les produits protégés constitue environ 25 à 30 % de ses ressources (29 % pour 2019) ». La dotation budgétaire de l’État représente a contrario de l’ordre de 70 à 75 % des ressources de l’INAO.

c.   Origine

L’origine de cet impôt est ancienne puisqu’elle remonte à un décret-loi de 1935.

Selon le Gouvernement, « ce droit a initialement été conçu pour responsabiliser les professionnels sur les demandes quils déposent et dont ils bénéficient et impliquer les producteurs dans la gouvernance des appellations dorigine, et indications géographiques et labels rouges ». L’idée est que les professionnels contribuent au budget de l’INAO en contrepartie des services rendus par l’établissement (accompagnement des producteurs qui s’engagent dans des démarches de qualité, défense des signes de qualité).

d.   Raisons de la suppression

Le Gouvernement ne mentionne pas de raison spécifique pour motiver la suppression du droit SIQO.

Au soutien de sa suppression, on peut avancer que cet impôt ne représente qu’une part minoritaire du financement de l’INAO qui peut être opportunément remplacée par une dotation budgétaire.

Le Rapporteur général a interrogé le Gouvernement pour connaître les modalités de compensation à l’INAO et notamment le montant de la dotation pour 2020. Selon la réponse obtenue, les crédits alloués à l’INAO en loi de finances pour 2019 s’élevaient à 16,93 millions d’euros tandis que ceux prévus dans le cadre du présent projet de loi seraient de 24,38 millions. Il s’ensuit que la dotation allouée à l’INAO augmenterait de 7,46 millions d’euros ce qui compense la suppression de la taxe.

4.   La taxe sur les premières ventes de dispositifs médicaux

Le 2° du IV du présent article supprime la taxe sur les premières ventes de dispositifs médicaux. Le 1° du IV et le 4° du III procèdent à des coordinations légistiques consécutives à cette suppression.

L’entrée en vigueur de la suppression est fixée à 2021 par le F du X.

a.   État du droit

L’article L. 245-5-5-1 du code de la sécurité sociale institue une contribution de 0,29 % due par les personnes assujetties à la TVA sur la première vente de certains dispositifs médicaux.

Autrement dit, les redevables de la taxe sont la plupart du temps les fabricants ou les importateurs de tels dispositifs. Les distributeurs ou tout autre intervenant dans la chaîne de valeur ne sont généralement pas concernés par cette imposition. De même, les dispositifs exportés à l’étranger sont exclus de l’assiette de la taxe.

Pour rappel, une entreprise qui réalise des opérations situées dans le champ d’application de la TVA (livraisons de biens et prestations de services effectués à titre onéreux) mais exonérées de la TVA par une disposition expresse de la loi, est considérée comme assujettie à la TVA. Il s’ensuit que la taxe précitée peut être due même si le redevable n’effectue que des opérations exonérées de TVA.

L’assiette annuelle est constituée par le montant total des ventes desdits dispositifs médicaux réalisées en France. Les exportations ne sont donc pas visées.

Par exception, la contribution n’est pas exigible lorsque le montant total des ventes n’a pas atteint, au cours de l’année civile au titre de laquelle elle est due, un montant hors taxes de 500 000 euros.

L’article 15 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 a transféré aux URSSAF le recouvrement de la contribution.

La contribution au titre de l’année N est déclarée selon les mêmes modalités que celles prévues pour la contribution assise sur les dépenses de promotion des dispositifs médicaux (prévue à l’article L. 245-5-5 du code de la sécurité sociale). Le redevable s’acquitte de la contribution en deux temps, respectivement au 1er mars et au 1er juin au plus tard. Au 1er juin, il verse un acompte provisionnel pour l’année en cours correspondant à 75 % de la contribution due au titre de l’année précédente. Au 1er mars, il verse, le cas échéant, le solde de la contribution due au titre de l’année précédente.

À défaut, l’entreprise encourt une majoration de retard fixée à 5 % du montant restant dû. Une majoration de retard complémentaire fixée à 0,2 % par mois ou fraction de mois écoulé, soit 2,4 % par an, est calculée à compter de la date d’exigibilité de la contribution. De même, des amendes de 750 euros sont prévues en cas de défaut de déclaration ou d’inexactitude.

b.   Rendement et affectation

Selon les évaluations préalables du Gouvernement, le rendement prévisionnel de la contribution pour l’année 2020 est de 45 millions d’euros. La contribution est affectée à la Caisse nationale de l’assurance maladie (CNAM).

Le Rapporteur général a demandé au Gouvernement de lui fournir le rendement de la taxe sur les années les plus récentes ainsi que les prévisions actualisées pour 2019 et 2020.

Rendement de la taxe sur la première vente de dispositifs médicaux

(en millions d’euros)

Année

2015

2016

2017

2018

2019

prévision

2020

prévision

Rendement

35

54

30

43

44

45

Source : réponse du Gouvernement au questionnaire du Rapporteur général

Selon les informations recueillies par le Rapporteur général, la taxe est payée par environ 1 000 redevables.  

c.   Origine

Cette taxe a été instituée par l’article 26 de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 de financement de la sécurité sociale pour 2012. Son taux était initialement de 0,25 % et le seuil de chiffre d’affaires à partir duquel elle s’appliquait était de 103 450 euros.

L’article 15 de la loi n° 2014-1554 de financement de la sécurité sociale pour l’année 2015 a porté son taux de 0,25 % à 0,29 %, et de 103 450 euros à 500 000 euros le seuil de chiffre d’affaires jusqu’auquel la contribution n’est pas exigible.

d.   Raisons de la suppression

Le Gouvernement ne mentionne pas de raison spécifique pour motiver la suppression de la taxe sur les premières ventes de dispositifs médicaux.

La suppression envisagée constitue un allégement de fiscalité non négligeable pour les vendeurs, d’autant que la taxe peut se cumuler, pour certains d’entre eux, avec la contribution prévue à l’article L. 245-5-1 sur les dépenses de promotion.

Le Gouvernement a indiqué au Rapporteur général que la compensation à la sécurité sociale serait appliquée dans le prochain projet de loi de finances dans la mesure où la taxe n’est supprimée qu’à compter de 2021.

5.   La contribution due en raison de l’absence d’information à caractère sanitaire dans les messages publicitaires

Le du III du présent article supprime la contribution due en raison de l’absence d’information à caractère sanitaire dans les messages publicitaires. Cette suppression s’accompagne :

– de la suppression de la faculté de déroger à l’obligation de diffusion d’une information à caractère sanitaire ;

– et de la création de sanctions pénales en cas de manquement à l’obligation de diffusion d’une information sanitaire.

Le 2° du III et le 22° du I procèdent à une coordination légistique consécutive à cette suppression.

a.   État du droit

Les publicités pour des produits alimentaires manufacturés et les boissons qui comprennent divers additifs (sucre, sel, édulcorants de synthèse) – ci-après « produits transformés » – doivent contenir une « information à caractère sanitaire » par application du premier alinéa de l’article L. 2133-1 du code de la santé publique.

Toutefois, il est possible de déroger à cette obligation en cas de versement d’une contribution régie par les deuxième à cinquième alinéas du même article.

Le montant de la contribution est fixé à 5 % d’une assiette qui correspond au coût des dispositifs de promotion des produits transformés. Pour les messages publicitaires, l’assiette est égale au « montant annuel des sommes destinées à lémission et à la diffusion de ces messages, hors remise, rabais, ristourne et taxe sur la valeur ajoutée ». La contribution est exigible au moment du paiement par l’annonceur aux régies publicitaires.

Pour les autres types de promotion tels que des imprimés ou des publications périodiques édités par les producteurs ou distributeurs, l’assiette correspond au coût de revient ou encore, dans l’hypothèse où le redevable aurait externalisé la conception et la distribution des documents publicitaires, à l’ensemble des dépenses hors TVA « de réalisation et de distribution qui ont été engagées au titre de lannée civile précédente, diminué[e] des réductions de prix obtenues des fournisseurs qui se rapportent expressément à ces dépenses ». La contribution est exigible au moment de la première mise à disposition des documents visés.

La contribution est établie et recouvrée selon les règles applicables à la TVA.

b.   Rendement et affectation

Cette contribution est affectée à l’Agence nationale de santé publique (ANSP). L’État prélève 1,5 % du rendement au titre des frais d’assiette et de recouvrement.

Toutefois, selon les évaluations préalables du Gouvernement, le rendement de la contribution est nul.

Le Rapporteur général a interrogé le Gouvernement pour savoir s’il fallait en conclure que les annonceurs s’acquittaient systématiquement de l’obligation de diffuser des messages à caractère sanitaire pour la promotion des produits transformés, ou bien si cela résultait d’une absence de contrôle du respect de cette obligation.

Le Gouvernement a répondu qu’en réalité le rendement de la taxe n’était pas nul mais proche de 0, certains annonceurs ne diffusant pas l’information sanitaire.

c.   Origine

L’obligation de diffuser une information à caractère sanitaire et la contribution permettant d’y déroger ont été instituées dans le but de prévenir l’obésité.

Aux termes de l’article L. 2133-1 du code de la santé publique, la contribution « est destinée à financer la réalisation et la diffusion dactions dinformation et déducation nutritionnelles, notamment dans les médias concernés ainsi quau travers dactions locales ».

d.   Raisons de la suppression

Le Gouvernement ne mentionne pas de raison spécifique pour motiver la suppression de la contribution pour absence d’information à caractère sanitaire dans les messages publicitaires.

Deux motifs peuvent être avancés, outre les motifs généraux de rationalisation des taxes à faible rendement.

Tout d’abord, la suppression proposée s’accompagne de la suppression de la faculté de déroger à l’obligation de diffusion d’une information à caractère sanitaire dans les publicités en faveur des produits transformés. Elle renforce donc l’obligation d’informer le consommateur puisqu’il ne sera plus possible d’y déroger.

En contrepartie de la suppression de cette dérogation, le présent article prévoit d’assortir l’obligation de diffusion d’une information sanitaire de sanctions pénales, à savoir une amende de 37 500 euros qui peut être portée à 30 % des dépenses consacrées à la promotion des produits transformés. La solution proposée par le Gouvernement garantit l’atteinte des objectifs de santé publique.

Ensuite, le rendement de la contribution est quasi-nul ce qui laisse supposer qu’elle a atteint son objectif d’inciter à la diffusion d’informations sanitaires et que la faculté d’y déroger n’est pas usitée par les annonceurs et promoteurs des produits transformés.

6.   La taxe sur les déclarations et notifications des produits du vapotage

Le 3° du III du présent article supprime la taxe sur les déclarations et notifications du vapotage.

a.   État du droit

L’article L. 3513-12 du code de la santé publique institue « un droit pour la réception, le stockage, le traitement, et lanalyse des informations » relatives à la notification de la mise sur le marché de produits du vapotage contenant de la nicotine.

Les fabricants et importateurs de produits du vapotage contenant de la nicotine doivent en effet procéder, six mois avant la mise sur le marché, à une notification mentionnant « les responsables de cette mise sur le marché, […] la composition, les émissions, les données toxicologiques des ingrédients, [les] émissions, les composants et le processus de fabrication du produit ».

Le montant de ces droits est fixé par décret, dans la limite de 7 600 euros. Celui-ci est codifié à l’article R. 3512-16-1 du code la santé publique. Le montant dû s’échelonne de 120 à 550 euros selon la nature et le contenu de la notification.

b.   Rendement et affectation

Le rendement prévisionnel de cette taxation est estimé par le Gouvernement à 7,4 millions d’euros pour 2019.

La taxe est affectée à l’ANSES.

c.   Origine

L’article 20 de la directive 2014/40/UE du 3 avril 2014 sur la fabrication, la présentation et la vente de produits du tabac a mis à la charge des États membres l’instauration d’une procédure de notification des cigarettes électroniques et des flacons de recharge. Ce même article prévoit que « les États membres peuvent percevoir des redevances proportionnelles auprès des fabricants et des importateurs pour la réception, le stockage, le traitement et lanalyse des informations qui leur sont soumises ».

Le 1° du I de l’article 216 de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a autorisé le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi qui ont pour objet de transposer la directive 2014/40/UE du 3 avril 2014.

C’est ainsi que la taxe sur les déclarations et notifications des produits du vapotage a été créée par l’ordonnance n° 2016-623 du 19 mai 2016.

Toutefois, par une série de décisions du 10 mai 2017 ([163]), le Conseil d’État a annulé partiellement l’ordonnance. Il a fait grief au Gouvernement d’avoir renvoyé à un décret le barème de la taxe et d’avoir fixé son plafond à un niveau déraisonnable.

Selon le Conseil d’État, dès lors « que le droit institué par larticle L. 3513-12 du code de la santé publique a le caractère dun prélèvement fiscal, le Gouvernement ne pouvait, sans méconnaître lexigence, résultant de larticle 20 de la directive, de proportionnalité des redevances à percevoir auprès des fabricants et importateurs pour la réception, le stockage, le traitement et lanalyse des informations, se borner à renvoyer à un décret le soin den fixer le montant sans déterminer le plafond du barème de ce droit à un niveau qui ne soit pas manifestement déraisonnable au regard de cette exigence ».

L’article 83 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 a cependant entériné le renvoi au décret sans modifier le plafond maximal de 7 600 euros.

d.   Raisons de la suppression

Le Gouvernement fait valoir que la directive du 3 avril 2014 n’oblige pas les États membres à instituer une redevance ou une imposition pour financer les contrôles sur les produits du vapotage.

Le Rapporteur général a interrogé le Gouvernement pour savoir si des contentieux étaient toujours en cours sur cette taxe. Le Gouvernement a répondu qu’il n’y avait actuellement plus aucun contentieux sur cette taxe. Il semble donc que la légalisation du plafond de 7 600 euros par la loi de finances pour 2019 n’est pas remise en cause par les professionnels du secteur, alors même que la directive prévoyait une redevance proportionnelle et que le Conseil d’État avait estimé déraisonnable ce niveau de taxation.

Le Rapporteur général observe qu’un abaissement du plafond permettrait de maintenir la taxe et de la sécuriser. Toutefois, cela reviendrait à instituer une taxe à très faible rendement, ce qui est contraire à la philosophie de cet article et à la résolution adoptée par l’Assemblée nationale. Pour un plafond à 500 euros, le rendement serait inférieur à 0,5 million d’euros. 

7.   Les redevances sur la production d’électricité au moyen de la géothermie

Les 16° et 18° du I du présent article suppriment des redevances sur la production d’électricité au moyen de la géothermie.

a.   État du droit

Les articles 1519 J et 1599 quinquies C du code général des impôts instituent deux redevances sur la production d’électricité au moyen de la géothermie :

– une redevance communale de 2 euros par mégawatt-heure de production (article 1519 J) ;

– et une redevance régionale de 3,5 euros par mégawatt-heure de production (article 1599 quinquies C).

Le décret de mise en œuvre de ces dispositions n’a toutefois jamais été pris.

b.   Rendement et affectation

Le Gouvernement indique que, rapporté à la production de la centrale de Bouillante pour l’année 2014 (83 gigawatt-heure), le rendement théorique de ces taxes est chiffré à 160 000 euros pour la commune et 290 000 euros pour la région. Toutefois, ces dispositions ne sont jamais entrées en vigueur et leur rendement réel est donc nul.

c.   Origine

Ces redevances ont été créées par l’article 138 de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, dite loi « EROM ».

Elles ont été créées sur le modèle des redevances départementale et communale des mines pour offrir aux collectivités une compensation financière aux inconvénients environnementaux et sanitaires causés par ce type d’installations.

Selon le Gouvernement, ces redevances ne visent en pratique que la centrale de Bouillante, en Guadeloupe, dont la puissance atteint quinze mégawatts. Il s’agissait d’ailleurs de l’intention des auteurs de l’amendement sénatorial duquel sont issues ces redevances ([164]).

d.   Raisons de la suppression

Le Gouvernement n’a jamais mis en œuvre les dispositions instituant les deux redevances. Il estime que le renvoi à un décret est fragile juridiquement, tout comme la conformité de ces redevances au droit européen, en particulier au mécanisme européen de l’accise sur l’électricité issu des directives 2008/118/CE et 2003/96/CE. Le Gouvernement fait valoir que le fait générateur et l’exigibilité doit correspondre à la fourniture d’électricité à un utilisateur final, et non à sa production.

8.   Le droit de sécurité

Le 2° du V du présent article supprime le droit de sécurité dû par les entreprises ferroviaires. Le 1° du V procède à une coordination légistique consécutive à cette suppression.

Le 15° du A du I de larticle 27 du présent projet de loi supprime, en conséquence, la ligne du tableau de l’article 46 de la loi de finances pour 2012 qui affecte cette taxe à l’ARAFER.

a.   État du droit

L’article L. 1261-20 du code des transports institue un droit fixe dû par les entreprises ferroviaires qui utilisent le réseau ferroviaire.

Son montant est fixé par le ministre chargé des transports et par le ministre chargé du budget, sur proposition de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières.

Son assiette est fixée, selon le réseau parcouru :

– sur le montant des redevances d’utilisation du réseau versées au gestionnaire du réseau ferré national (SNCF Réseau) dans la limite de cinq millièmes de ce montant ;

– ou sur le nombre de kilomètres parcourus sur les réseaux similaires (voir encadré ci-après), dans la limite de 0,10 euro par kilomètre parcouru.

Les réseaux ferroviaires autres que le réseau ferré national géré par SNCF Réseau

De nouveaux gestionnaires d’infrastructure ferroviaire sont apparus récemment sur le marché national :

– les titulaires d’une concession de travaux, d’un contrat de partenariat public-privé ou d’une convention de délégation de service public signée avec l’État ou SNCF Réseau : Eiffage Rail Express (ERE) pour la ligne à grande vitesse Bretagne – Pays-de-la-Loire, LISEA pour la ligne à grande vitesse Tours – Bordeaux, OC’VIA pour la ligne du contournement de Nîmes et Montpellier, LPF pour la section internationale de la ligne Perpignan – Figueras ;

– les titulaires d’une convention signée avec SNCF Réseau pour des lignes à faible trafic ou des installations de service (Colas Rail, CFTA, SFERIS, SOCORAIL) ;
– sur les réseaux ferrés portuaires, c’est l’autorité portuaire qui assure les missions de gestionnaire d’infrastructure.

Source : site internet de l’Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF) (lien).

Il est déclaré et acquitté auprès du comptable public de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER). Il est recouvré dans les mêmes délais et sous les mêmes garanties et sanctions que ceux applicables en matière de taxes sur le chiffre d’affaires.

b.   Rendement et affectation

Le droit de sécurité est perçu au profit de l’ARAFER, dans la limite du plafond prévu au I de l’article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012.

Selon le Gouvernement, le rendement annuel du droit de sécurité atteint 18,4 millions d’euros pour 2018, dont 8,2 millions d’euros écrêtés au profit de l’État en application du plafonnement. Pour 2019, le plafond d’affectation de la taxe a été fixé à 8,8 millions d’euros, le surplus devant être reversé au budget général.

c.   Origine

Le droit de sécurité a été institué par l’article 3 de la loi n° 2006-10 du 5 janvier 2006 relative à la sécurité et au développement des transports. Il avait pour but de financer l’Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF) créé par cette même loi.

Par la suite, l’ARAFER, autorité publique indépendante, a été créée en 2009 pour accompagner l’ouverture à la concurrence du marché du transport ferroviaire. C’est elle qui est en charge de la perception du droit de sécurité dû à l’établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF).

d.   Raisons de sa suppression

La Gouvernement n’avance pas de raison spécifique pour la suppression de cette imposition. Il s’agit d’une imposition affectée qui peut être remplacée par une dotation budgétaire.

9.   Le droit dû par les entreprises ferroviaires pour l’autorité de régulation des activités ferroviaires

Le 3° du V du présent article supprime le droit dû par les entreprises ferroviaires pour l’autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAFER).

Cette suppression intervient à compter de 2021 par application du F du X.

À noter que pour l’année 2020, le plafond d’affectation de cette taxe est relevé de 3 millions d’euros par le 30° du A du I de larticle 27 du présent projet de loi – le plafond est ainsi relevé de 10,2 à 13,2 millions d’euros.

a.   État du droit

L’article L. 2221-6 du code des transports prévoit un droit de sécurité dû par les entreprises ferroviaires qui utilisent les éléments constitutifs du réseau du système ferroviaire national.

Le montant de ce droit est fixé par les ministres chargés des transports et du budget sur proposition du conseil d’administration de l’Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF). Ce droit comprend, selon le cas :

– un pourcentage du montant des redevances d’utilisation du réseau ferré national versées au gestionnaire du réseau ferré national dans la limite du centième de ce montant et de 0,20 € par kilomètre parcouru ;

– une somme proportionnelle au nombre de kilomètres parcourus sur les éléments constitutifs du réseau du système ferroviaire sur lesquels s’exerce la mission d’autorité nationale de sécurité, autre que le réseau ferré national géré par SNCF Réseau, dans la limite de 0,10 € par kilomètre parcouru.

Les entreprises doivent déclarer chaque trimestre le montant des redevances versées au gestionnaire du réseau ferré national et le nombre de kilomètres parcourus par leurs matériels. Cette déclaration doit être accompagnée du paiement du droit qui est constaté et recouvré dans les délais et sous les garanties et sanctions applicables en matière de taxes sur le chiffre d’affaires.

b.   Rendement et affectation

Contrairement à ce que son intitulé laisse supposer, cet impôt n’est pas perçu au profit de l’ARAFER mais au profit de l’Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF), dans la limite du plafond prévu au I de l’article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012.

Selon le Gouvernement, le rendement annuel de cet impôt atteint 9,6 millions d’euros pour 2018, dont 1,3 million d’euros écrêtés au profit de l’État en application du plafonnement. Pour 2019, le plafond d’affectation de la taxe a été fixé à 10,2 millions d’euros, le surplus devant être reversé au budget général.

c.   Origine

Le droit de sécurité a été institué par l’article 3 de la loi n° 2006-10 du 5 janvier 2006 relative à la sécurité et au développement des transports. Il avait pour but de financer l’Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF) créé par cette même loi.

Par la suite, l’ARAFER, autorité publique indépendante, a été créée en 2009 pour accompagner l’ouverture à la concurrence du marché de transport ferroviaire. C’est elle qui est en charge de la perception du droit de sécurité dû à l’établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF).

d.   Raisons de sa suppression

La Gouvernement n’avance pas de raison spécifique pour la suppression de cette imposition. Il s’agit d’une imposition affectée qui peut être remplacée par une dotation budgétaire.

Le droit dû par les entreprises ferroviaires n’est supprimé qu’à compter de 2021, d’une part, et son plafond d’affection est relevé de 3 millions d’euros pour 2020, d’autre part.

10.   La taxe sur certaines dépenses publicitaires

Le 1° du I du présent article supprime la taxe sur certaines dépenses publicitaires.

a.   État du droit

L’article 302 bis MA du code général des impôts institue une taxe sur certaines dépenses de publicité.

Elle est due par les personnes assujetties à la TVA dont le chiffre d’affaires de l’année civile précédente est supérieur à 763 000 euros hors taxe.

Elle s’élève à 1 % d’une assiette qui comprend les dépenses engagées au cours de l’année civile précédente ayant pour objet :

– la réalisation ou la distribution d’imprimés publicitaires ;

– et les annonces et insertions dans les journaux mis gratuitement à la disposition du public.

Par exception, sont exclues de l’assiette les dépenses :

– de réalisation et distribution de catalogues dont l’objet est la vente à distance ;

– et relatives à la promotion d’activités non soumises à la TVA, ou de diverses opérations d’organismes sans but lucratif.

La taxe est déclarée et payée en mars. Elle est recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties et privilèges que la TVA.

b.   Rendement et affectation

Selon le Gouvernement, le dernier rendement connu de cette taxe s’élève à 24 millions d’euros et porte sur l’année 2017.

c.   Origine

Cette taxe vise à limiter le recours aux imprimés publicitaires au regard de leur impact environnemental. Elle s’applique notamment aux prospectus, brochures, catalogues et lettres publicitaires.

Elle poursuit un objectif similaire à celui de l’éco-contribution prévue à l’article L. 541-10-1 du code de l’environnement.

d.   Raisons de sa suppression

La Gouvernement n’avance pas de raison spécifique pour la suppression de cette imposition.

Le 1° du I s’applique pour les dépenses engagées depuis le 1er janvier 2019 en vertu du B du X du présent article. Autrement dit, la taxe serait supprimée dès 2020.

Le Rapporteur général s’interroge sur l’opportunité de supprimer cette taxe au regard de sa finalité environnementale. Selon les informations qu’il a recueillies auprès du Gouvernement, il y aurait environ 14 000 redevables pour un montant moyen de 1 642 euros. Dans le dernier décile des redevables, dont le chiffre d’affaires excède 63,5 millions d’euros, le montant moyen dû au titre de cette taxe est de 11 727 euros.

Le Rapporteur général propose le maintien de cette taxe et entend examiner pour la seconde partie de l’examen du projet de loi l’opportunité de l’augmenter pour les redevables ayant les chiffres d’affaires les plus importants.

11.   La taxe sur les permis de conduire

Le 19° du I du présent article supprime la taxe sur les permis de conduire.

Le 2° du II procède à une coordination légistique dans le code général des collectivités territoriales (suppression de la mention de la taxe sur les permis de conduire dans les recettes de fonctionnement des régions).

a.   État du droit

L’article 1599 terdecies du code général des impôts institue une taxe, au bénéfice des régions qui le décident, sur la délivrance des permis de conduire pour les véhicules automobiles, les motocyclettes d’une cylindrée supérieure à 125 cm3 et tous autres véhicules à moteur.

La taxe est exigible sur les permis et les duplicatas délivrés. Par exception, elle n’est pas due lorsque la délivrance du permis de conduire est consécutive à un changement d’état matrimonial.

Le taux de la taxe est fixé par le conseil régional.

L’article 1599 quaterdecies du code général des impôts précise qu’il ne peut être institué qu’un seul taux.

b.   Rendement et affectation

Selon le Gouvernement, elle n’est actuellement mise en œuvre que par cinq régions : la Corse, la Réunion, la Guyane, la Martinique et Mayotte.

Son rendement prévisionnel pour 2019 s’élève à 2 millions d’euros selon les évaluations préalables du Gouvernement.

c.   Raisons de la suppression

Le Gouvernement n’avance pas de raison spécifique pour sa suppression.

La taxe sur les permis de conduire est une variété d’impôt sur la délivrance de documents administratifs. Sa suppression simplifie le système fiscal et allège la fiscalité perçue sur les usagers.

12.   La cotisation de solidarité sur les céréales

Le 3° du I supprime la cotisation de solidarité sur les céréales.

a.   État du droit

L’article 564 quinquies du code général des impôts institue « une cotisation de solidarité à la charge des producteurs de blé et dorge, portant sur toutes les quantités livrées aux collecteurs agréés ».

Sont exclues de l’assiette les quantités acquises par les producteurs-éleveurs pour la nourriture animale.

Le taux de cette cotisation est fixé par décret, dans la limite d’un montant de 0,1 euro par quintal.

La cotisation est perçue auprès des collecteurs agréés par les services de l’État. Les règles de recouvrement sont celles applicables en matière de contributions indirectes.

La direction générale des douanes et droits indirects est compétente pour percevoir la cotisation de solidarité sur les céréales ([165]). Le paiement doit être effectué par virement lorsqu’il excède 50 000 euros ([166]).

b.   Rendement et affectation

Cette taxe, qui devait être affectée à l’État, n’est dans les faits plus appliquée depuis les années 80. En effet, le dernier décret à avoir été pris pour fixer son taux s’appliquait à la compagne de récolte 1987-1988 ([167]).

Dans l’annexe Évaluations préalables, le Gouvernement indique que « le bulletin officiel des douanes (BOD)  6517 du 29 juin 2001 précise que les perceptions relatives aux cotisations de solidarité prévues par les articles 564 quinquies (céréales) et 564 sexies (oléagineux) sont suspendues ».

c.   Origine

Cette taxe a été créée par l’article 30 de la loi de finances pour 1969 afin de financer un fonds d’action rurale.

d.   Raisons de la suppression

Cette taxe n’étant plus appliquée dans les faits, faute de décret en fixant le taux, sa suppression se justifie par un souci de toilettage de la législation.

13.   La taxe sur les voyageurs de commerce

Le VII du présent article supprime la taxe sur les voyageurs de commerce.

a.   État du droit

Le 1 de l’article 284 du code des douanes dispose que :

« Toute personne, négociant, industriel ou commis voyageur, voyageant en France en vue dy recueillir des commandes pour le compte des maisons établies en pays étranger, est soumise, selon les principes de la réciprocité, à des droits et taxes équivalant à ceux que supportent, dans ces pays, les négociants, industriels ou commis voyageurs sy livrant aux mêmes opérations pour le compte des maisons établies en France ».

Cette taxe s’applique donc selon le principe de réciprocité lorsqu’une taxe similaire existe dans le pays dans lequel est établi le commettant du voyageur de commerce.

Son origine est très ancienne puisqu’on en trouvait déjà trace dans le décret n° 48-1985 du 8 décembre 1948 portant réforme du code des douanes.

Cette taxe serait susceptible de s’appliquer aussi bien aux salariés qu’aux indépendants qui prospectent des clients en se déplaçant sur le territoire français pour le compte d’une société étrangère.

Toutefois, elle n’a semble-t-il jamais été appliquée. Le Gouvernement indique d’ailleurs dans l’annexe Évaluations préalables qu’on ne trouve d’aucune mesure réglementaire la mettant en œuvre.

b.   Rendement et affectation

Le rendement budgétaire de la taxe sur les voyageurs de commerce, sans aucun doute nul, n’est pas mentionné dans le tome 1 de l’annexe Évaluations des voies et moyens.

c.   Raisons de la suppression

À bien des égards, la taxe sur les voyageurs de commerce apparaît anachronique. Les conventions fiscales internationales, les transformations de l’économie marchande et la filialisation des activités l’ont probablement rendue, dans les faits, inopérante. Le maintien de ce type de taxe est en outre incompatible avec l’essor du commerce en ligne.

On peut s’interroger sur le point de savoir comment une taxe qui n’a pas été appliquée depuis sept décennies a pu demeurer dans notre législation.

14.   La suppression dans divers cas de la formalité d’enregistrement et du droit d’enregistrement

Les 2° et 4° à 12° du I du présent article portent sur les formalités et droits d’enregistrement.

a.   État du droit

Les droits d’enregistrement sont des impôts perçus sur certains actes ou mutations verbales qui sont soumis, obligatoirement ou volontairement, à la formalité d’enregistrement.

Plus rarement, la formalité d’enregistrement peut être gratuite, c’est-à-dire exemptée de droits d’enregistrement. Tel est le cas, par exemple, des apports purs et simples à une société ([168]). De même, l’article 26 de la loi de finances pour 2019 a exonéré de droits d’enregistrement la prorogation de la durée de vie d’une société ou encore sa dissolution lorsqu’elle n’entraîne aucune transmission de biens aux associés.

Généralement, l’obligation d’accomplir la formalité de l’enregistrement s’accompagne du paiement de droits d’enregistrement.

Les actes et mutations soumis à la formalité de l’enregistrement sont définis aux articles 635 à 645 du code général des impôts. Il s’agit essentiellement de mutations à titre onéreux (fonds de commerce, immeubles, etc.), de mutations à titre gratuit (donation, succession), d’opérations intéressant la vie des sociétés (apports, augmentation de capital, etc.), ou encore d’un certain nombre d’actes établis par des officiers ministériels (notaires, huissiers, etc.).

Les tarifs sont fixés par les articles 677 à 848 bis du même code. Le montant des droits d’enregistrement peut être fixe, proportionnel ou progressif. Les actes dits « innomés » – c’est-à-dire les actes qui ne sont pas exonérés ou dont le tarif n’est pas fixé par le code général des impôts – sont soumis à un droit fixe de 125 euros.

Article 680 du code général des impôts

Tous les actes qui ne se trouvent ni exonérés, ni tarifés par aucun autre article du présent code et qui ne peuvent donner lieu à une imposition proportionnelle ou progressive sont soumis à une imposition fixe de 125 euros.

b.   Les formalités et droits d’enregistrement supprimés

Le Gouvernement justifie la suppression dans certains cas des formalités et droits d’enregistrement par le souci de moderniser l’administration fiscale et d’alléger les obligations des contribuables.

L’enregistrement des actes est en effet une charge de gestion à laquelle l’administration fiscale consacre, selon les évaluations préalables du Gouvernement, 1 200 ETPT. Or, le rendement financier serait, pour certains types d’actes, négligeable. Au surplus, l’enregistrement n’apporterait que peu d’informations utiles au contrôle fiscal pour l’administration.

Le tableau qui suit récapitule les tarifs en vigueur pour l’ensemble des droits d’enregistrement applicables aux actes et opérations visés par le présent article.

droits d’enregistrement sur les actes et opérations visés par le présent article

Libellé des actes ou mutations

Fondement juridique de lobligation denregistrement

Articles du CGI -Tarif

Montant du droit actuel en euros

Montant en cas denregistrement volontaire à droit constant

Concession perpétuelle dans un cimetière

CGI, 635,1,4°

Art. 744, 1594 D (taxe dép.), 1584 et 1595 bis (taxe comm.), le a du V. du 1647 (frais d’assiette et de recouv. pour l’État)

3,80 % (1594 D)    1,20 % (1584 et 1595 bis)

2,37 % sur la base des 3,80 % (le a du V. de l’art. 1647)

3,80% (1594 D)    1,20 % (1584 et 1595 bis)

2,37 % sur la base des 3,80 % (le a du V. de l’art. 1647)

Société : dissolution

CGI, 635,1,5°

Art. 811 2°

Gratis (*)

Gratis (*)

Société : prorogation

CGI, 635,1,5°

Art. 811 1°

Gratis (*)

Gratis (*)

Acceptation pure et simple de communauté

CGI, 635, 2.2°

Art. 848

125 (art. 848)

125 (art. 680)

Acceptation pure et simple de legs

CGI, 635, 2.2°

Art. 848

125 (art. 848)

125 (art. 680)

Acceptation pure et simple de succession

CGI, 635, 2.2°

Art. 848

125 (art. 848)

125 (art. 680)

Déclaration doption après décès (acceptation, refus)

CGI, 635, 2.2°

Art. 680

125

125

Délivrance de legs

CGI, 635, 2.2°

Art. 680

125

125

Renonciation pure et simple à communauté

CGI, 635, 2.2°

Art. 680

125

125

Renonciation pure et simple à legs

CGI, 635, 2.2°

Art. 680

125

125

Renonciation pure et simple  à succession

CGI, 635, 2.2°

Art. 680

125

125

Certificat de propriété

CGI, 635, 2.3°

Art. 848

125 (art. 848)

125 (art. 680)

Inventaire

CGI, 635, 2.4°

Art. 848

125 (art. 848)

125 (art. 680)

Prisée de meubles

CGI 635-2,4°

Art.848

125 (art. 848)

125 (art. 680)

Clôture dinventaire

CGI, 635, 2.4°

Art. 848

125 (art. 848)

125 (art. 680)

Vente publique de biens

CGI, 635,2,6°

Art. 733

1,20 %

1,20 %

Testament

CGI, 636

Art. 848

125 (art. 848)

125 (art. 680)

(*)  depuis le 1er janvier 2019

Source : réponse du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général.

Trois cas de figure doivent être distingués dans le présent article :

– les cas où seul le caractère obligatoire de la formalité d’enregistrement est supprimé, mais où est maintenu le droit d’enregistrement éventuellement applicable ;

– les cas où tant le caractère obligatoire de la formalité d’enregistrement que le droit d’enregistrement lui-même sont supprimés ;

– les cas où seul le droit d’enregistrement est supprimé.

L’ensemble des suppressions envisagées représente un coût budgétaire d’environ 1 million d’euros, dont 0,3 à la charge de l’État, et 0,7 à la charge des départements selon l’annexe Évaluations préalables.

i.   Suppression du seul caractère obligatoire de la formalité d’enregistrement

Le a) du 4° du I et le 7° du I du présent article suppriment la formalité obligatoire d’enregistrement pour les actes ou opérations relatifs à la prorogation ou la dissolution – sans transmission de biens aux associés – d’une société. Ils suppriment pour ce faire ces actes et opérations du champ de l’obligation de procéder à une formalité d’enregistrement défini par les articles 635 et 638 A du code général des impôts.

Il s’agit d’une simplification bienvenue dans la mesure où ces actes et opérations étaient déjà dispensés du paiement de droits d’enregistrement depuis le 1er janvier 2019 ([169]).

Le 2° du I procède à une coordination légistique relative à la taxe forfaitaire sur les actes des huissiers de justice. Il précise que les actes visés à l’article 635 du code général des impôts en sont exonérés « dans sa rédaction » issue du présent article.

Le 12° du I procède également à une coordination légistique relative à la tenue du répertoire des notaires, huissiers, greffiers, secrétaires, commissaires-priseurs, courtiers de commerce, courtiers d’assurances et autres intermédiaires.

En l’état du droit, les concessions dans les cimetières sont assimilées à des baux d’immeubles à durée illimitée. Elles sont donc soumises aux droits d’enregistrement par application de l’article 744 du code général des impôts.

Le 6° du I dispense de formalité d’enregistrement les actes de concessions perpétuelles dans les cimetières. Il insère pour ce faire un article 637 bis au sein du code général des impôts. Il sera toujours loisible aux parties concernées de les enregistrer volontairement. Ils seront alors soumis aux mêmes droits que ceux applicables aux ventes d’immeuble.

ii.   Suppression tant du caractère obligatoire de la formalité d’enregistrement que du droit d’enregistrement

Le b) du 4°, le 5° et le 8° du I suppriment le caractère obligatoire de la formalité d’enregistrement d’un certain nombre d’actes réalisés par des officiers ministériels. Ils modifient en conséquence les articles 635, 636 et 662 du code général des impôts.

Les 10° et 11° du I suppriment le droit fixe de 125 euros applicable à ces actes. Ils abrogent pour ce faire le 2° de l’article 847 et l’article 848 du code général des impôts. Le Gouvernement justifie cette suppression par le faible rendement financier de l’enregistrement de ces actes.

En l’état du droit, le premier alinéa de l’article 636 du code général des impôts dispose que « les testaments déposés chez les notaires ou reçus par eux doivent être enregistrés, à la diligence des héritiers, donataires, légataires ou exécuteurs testamentaires, dans un délai de trois mois à compter du décès du testateur ». Par défaut, le droit fixe de 125 euros s’applique.

Le 5° du I du présent article supprime le caractère obligatoire de l’enregistrement du testament déposé chez un notaire ou reçu par eux. Il supprime pour ce faire le premier alinéa de l’article 636 du code général des impôts.

Dans le même temps, le 11° du I abroge l’article 848 du code général des impôts et supprime en conséquence le droit de fixe de 125 euros applicable à l’enregistrement des testaments et tous autres actes de libéralité qui ne contiennent que des dispositions soumises à l’événement du décès, et des dispositions de même nature qui sont faites par contrat de mariage entre les futurs époux ou par d’autres personnes.

Par voie de conséquence, le droit fixe de 125 euros ne s’appliquera qu’en cas d’enregistrement volontaire.

Le b) du 4° du I supprime la formalité d’enregistrement pour les actes portant acceptation ou répudiation de successions, legs ou communautés en les retirant de la liste prévue à l’article 635 du code général des impôts.

Les 10° et 11° du I suppriment le droit fixe de 125 euros pour ces actes en abrogeant respectivement le 2° de l’article 847 et l’article 848 du code général des impôts.

Le b) du 4° du I supprime la formalité d’enregistrement pour les certificats de propriété en les retirant de la liste prévue à l’article 635 du code général des impôts.

Le 11° du I supprime le droit fixe de 125 euros du fait de l’abrogation de l’article 848 du code général des impôts.

Le b) du 4° du I supprime la formalité d’enregistrement pour les inventaires de meubles, titres et papiers et les prisées de meubles, en les retirant de la liste prévue à l’article 635 du code général des impôts.

Le 11° du I supprime le droit fixe de 125 euros du fait de l’abrogation de l’article 848 du code général des impôts.

Le b) du 4° du I supprime la formalité d’enregistrement pour les procès-verbaux constatant une adjudication aux enchères publiques de biens meubles corporels ou incorporels ou toute autre vente de mêmes biens faite avec publicité et concurrence, lorsqu’ils sont soumis à un droit proportionnel ou progressif, en les retirant de la liste prévue à l’article 635 du code général des impôts.

Le 9° du I maintient cependant un droit d’enregistrement de 1,2 % pour les biens meubles incorporels lorsque font l’objet d’un enregistrement volontaire les procès-verbaux constatant une adjudication aux enchères publiques.

iii.   Suppression des droits d’enregistrement

Le 11° du I suppriment, du fait de l’abrogation de l’article 848 du code général des impôts, le droit fixe de 125 euros applicable aux clôtures d’inventaire.

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*     *

Sur l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette les amendements identiques ICF678 de Mme Véronique Louwagie et ICF762 de Mme Émilie Bonnivard.

Elle examine ensuite l’amendement I–CF1317 de Mme Lise Magnier.

Mme Lise Magnier. Nous proposons de supprimer les véhicules de collection compris dans la taxe sur les métaux précieux, les bijoux, les objets d’art, de collection et d’antiquité.

Sur l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement ICF1317.

Elle est saisie des amendements identiques ICF70 de Mme Véronique Louwagie et ICF1379 de M. Xavier Paluszkiewicz.

Mme Véronique Louwagie. Cet amendement vise à simplifier le droit fiscal français.

La contribution annuelle sur les revenus locatifs (CRL) ne concerne plus que les personnes morales maintenant que les personnes physiques en ont été exclues. Nous proposons sa suppression, conformément aux préconisations du rapport de l’inspection générale des finances qui souligne qu’elle ne répond à aucun objectif de politique publique identifié et qu’elle a un très faible rendement.

M. Xavier Paluszkiewicz. La contribution sur les revenus locatifs s’impose à la majorité des entreprises mais elle ne concerne pas les personnes physiques ou les organismes HLM. Elle est assise sur les revenus liés à la location des locaux anciens dont le montant est supérieur à 1 830 euros. L’inspection générale des finances relève que cette taxe ne rapporte que 180 000 euros de recettes annuelles et que le nombre des assujettis s’est progressivement réduit. Son objectif ne semble pas lisible, son rendement insignifiant : je propose sa suppression.

Sur l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette les amendements ICF70 et ICF1379.

Elle examine ensuite l’amendement ICF1378 de M. Xavier Paluszkiewicz

M. Xavier Paluszkiewicz. Cet amendement vise à supprimer la taxe sur les opérations à haute fréquence comme le préconise le rapport de l’inspection générale des finances. Cette taxe est aujourd’hui imposée aux sociétés françaises et étrangères lorsqu’elles se livrent à des transactions à haute fréquence, autrement dit des transactions durant moins d’une demi-seconde. Il s’agit de l’une des trois composantes de la taxe sur les transactions financières (TTF). L’IGF relève que son efficacité est limitée et que les entreprisses assujetties à cette taxe la contournent largement dans un contexte d’internationalisation des activités financières. Son rendement n’est que de 100 000 euros par an.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Avis défavorable.

M. Fabien Roussel. Cet amendement est orthogonal à ce que nous devrions faire pour lutter contre la spéculation financière. (Sourires.)

M. Charles de Courson. Notre collègue a raison de vouloir supprimer cette taxe. Quand elle a été créée, je m’étais permis de souligner qu’il n’y avait pas plus mobile que ce genre de transactions et que son assiette allait disparaître. C’est bien ce qui s’est passé. Après la chute du mur de Berlin, mon cher Fabien Roussel, il est temps d’ouvrir les fenêtres.

La commission rejette l’amendement ICF1378.

Elle examine les amendements identiques ICF1118 de M. Laurent Saint-Martin et ICF1366 de M. Xavier Paluszkiewicz.

M. Laurent Saint-Martin. L’amendement I-CF1118 lance une réflexion sur l’efficacité de la taxe dite « Apparu ».

La loi de finances pour 2012 a institué cette taxe sur les loyers élevés des logements de petite surface au profit de l’État. Si l’on peut saluer la philosophie qui a présidé à sa création, il faut s’interroger sur son rendement, qui est inconnu, et sur sa finalité puisqu’elle n’a pas atteint son but qui était de réguler les loyers. En outre, elle se heurte à un problème de recouvrement.

Le dispositif expérimental d’encadrement des loyers en zone tendue prévu à l’article 140 de la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi ELAN ; semble être un outil plus efficace.

M. Xavier Paluszkiewicz. Je n’ai rien à ajouter aux propos de Laurent Saint-Martin.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Certaines des suppressions de taxes que vous proposerez dans les amendements à venir me paraissent tout à fait utiles, monsieur Saint‑Martin, mais je crains que celle-ci ne donne un mauvais signal. Appelons un chat un chat : vos amendements concernent la fameuse taxe sur les chambres de bonnes. Compte tenu des problèmes de logement qui se posent dans certaines grandes villes, notamment à Paris, il me semble préférable, dans un premier temps, d’analyser les raisons pour lesquelles le recouvrement pose des difficultés. Au terme de cette analyse, nous pourrons supprimer cette disposition au profit du dispositif d’encadrement des loyers introduit dans la loi ELAN, s’il s’avère plus efficace.

M. Charles de Courson. Monsieur le rapporteur général, Laurent Saint-Martin propose un amendement de bon sens : lorsqu’un impôt ne rapporte rien, il faut se demander pourquoi. Celui-ci ne rapporte rien, parce qu’il est inapplicable. Je vous rappelle qu’un arrêt du tribunal administratif de Paris a annulé les arrêtés préfectoraux visant à encadrer les loyers. Il est clair que ce n’est pas la bonne approche. Enfin, cet impôt est gagé, mais est-il besoin de gager un impôt qui ne rapporte rien ? Pas forcément.

M. le président Éric Woerth. Le gage s’impose pour toute suppression d’impôt, même si son rendement est très faible.

M. Laurent Saint-Martin. Je vais tenir compte de l’avis du rapporteur général et retirer mon amendement, mais j’aimerais faire une remarque. Dans la plupart des cas, la finalité des petites taxes ne fait pas débat : la plupart d’entre elles ont une finalité tout à fait pertinente, à l’origine. Le vrai problème, c’est celui de leur recouvrement : il est problématique de maintenir des taxes qu’on ne sait pas recouvrer, même si leur finalité est tout à fait louable. Je retire mon amendement, en attendant une évaluation du dispositif introduit par la loi ELAN.

L’amendement ICF1118 est retiré.

La commission rejette l’amendement ICF1366.

Elle examine ensuite l’amendement ICF1500 du rapporteur général.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Cet amendement vise à faire sortir de la liste des taxes à supprimer la taxe sur les dépenses publicitaires, qui vise à limiter l’usage des imprimés publicitaires qui remplissent nos boîtes aux lettres et finissent sans délai à la poubelle. Si cette taxe a un faible rendement, c’est parce que son barème est très bas, et non parce qu’elle compte peu d’assujettis – ils sont 14 000 à ce jour. Je propose, non seulement de maintenir cette taxe, mais d’augmenter son taux, afin de mettre un terme à ce qui constitue un gâchis environnemental absolu.

M. le président Éric Woerth. Cette taxe est effectivement utile, dans la mesure où elle dissuade de produire ce genre d’imprimés. Réduire la pression n’est pas forcément une bonne idée. Il s’agit, en tout cas, d’un sujet délicat.

Mme Bénédicte Peyrol. Cet amendement porte spécifiquement sur les publicités, mais nous en examinerons un autre qui porte sur les journaux. J’appelle votre attention sur le fait qu’il existe déjà un mécanisme d’éco-contribution, qui n’est pas considéré comme relevant de la fiscalité, mais qui constitue tout de même une charge. Or je crois avoir lu dans l’étude d’impact, au sujet des journaux, que l’objectif est d’augmenter ces éco-contributions, en contrepartie de la suppression de la taxe.

La commission adopte l’amendement ICF1500 (amendement I2867).

Elle examine ensuite l’amendement ICF1082 de M. Laurent Saint-Martin.

M. Laurent Saint-Martin. Cet amendement concerne la taxe sur les actes des huissiers de justice. Si les huissiers sont les redevables légaux de cette taxe, ils la doivent pour le compte du débiteur, c’est-à-dire de la personne à qui l’huissier réclame le règlement de l’acte. Cette taxe avait pour affectataire le Conseil national des barreaux jusqu’en 2016, mais elle va désormais au budget général de l’État. Ce n’est pas à proprement parler une petite taxe, puisqu’elle rapporte tout de même 65 millions d’euros.

La suppression de cette taxe reviendrait à réduire réellement un prélèvement obligatoire pour nos concitoyens. Ceux qui ont besoin de s’adresser à un huissier subissent une double peine puisqu’ils doivent, en plus des honoraires payés à l’huissier, supporter le poids de cette taxe.

Suivant l’avis favorable du rapporteur général, la commission adopte l’amendement ICF1082 (amendement I2868).

Elle adopte ensuite les amendements rédactionnels ICF1486 (amendement I2869) et ICF1487 (amendement I2870) du rapporteur général.

Puis elle examine les amendements identiques ICF1117 de M. Laurent Saint-Martin et ICF1371 de M. Xavier Paluszkiewicz, qui font l’objet d’un sous-amendement ICF1584 du rapporteur général.

M. Laurent Saint-Martin. L’amendement I‑CF1117 concerne les droits d’enregistrement sur les mutations à titre onéreux de meubles corporels. Il s’agit vraiment d’une toute petite taxe, puisque son rendement prévisionnel pour 2020 est de un million d’euros, affectés au budget général de l’État. Sa suppression entraînerait une baisse de prélèvements obligatoires pour un certain nombre de contribuables, essentiellement des agriculteurs, sans avoir de conséquences importantes sur le budget de l’État. L’inspection générale des finances préconisait déjà sa suppression en 2013.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Mon sous-amendement I‑CF1584 est rédactionnel et vise à exclure l’article 733 de l’amendement principal qui est déjà traité par l’article 6.

La commission adopte le sous-amendement I-CF1584.

Puis elle adopte les amendements identiques ICF1117 et ICF1371 ainsi sous-amendés (amendement I2871).

La commission examine ensuite l’amendement ICF1502 du rapporteur général.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Cet amendement, que j’ai déjà eu l’occasion de vous présenter par le passé, porte sur le droit de partage, qui s’applique en cas de séparation d’un couple marié ou pacsé. Son taux, qui était de 1,1 %, a été porté à 2,5 %, ce qui en fait un véritable impôt sur le divorce. Rassurez-vous : comme je suis respectueux des équilibres, je proposerai juste après de supprimer un droit sur le mariage.

Le taux actuel, qui est confiscatoire, crée de vrais problèmes au moment des divorces, puisque tout le monde essaie de faire des partages en douce pour ne pas avoir à payer ce droit. Revenons à un taux qui ne soit pas une punition, soit un taux normal pour un droit d’enregistrement.

M. le président Éric Woerth. Le rendement de cette taxe est important, mais votre préoccupation paraît assez légitime.

Mme Véronique Louwagie. Pourquoi, monsieur le rapporteur général, ne pas supprimer ce droit, purement et simplement ? Ce serait, me semble-t-il, la conclusion logique de votre argumentation.

M. Joël Giraud, rapporteur général. La proposition que je fais de rétablir le taux qui a précédemment existé me paraît raisonnable et mesurée.

M. le président Éric Woerth. Madame Louwagie, je vous invite, en vue de la séance, à déposer un amendement proposant la suppression totale de ce droit.

M. Jean-Noël Barrot. Sur le plan des principes, on ne peut qu’être d’accord avec les arguments que vous développez, mais le coût de cet amendement étant supérieur à 100 millions d’euros, je me demande s’il s’agit bien d’une petite taxe, et pas plutôt d’une moyenne, voire d’une grosse taxe.

M. le président Éric Woerth. Oui, je l’ai dit, le rendement est important mais le principe de cette taxe, d’un point de vue sociétal, est assez choquant.

Mme Émilie Cariou. Le montant de cette taxe est effectivement important, mais cette suppression s’inscrit parmi les mesures d’aide aux ménages que nous avons voulu intégrer à ce projet de loi de finances. Ce taux est problématique et crée beaucoup de tensions inutiles au moment des divorces. Nous voterons donc l’amendement du rapporteur.

M. le président Éric Woerth. Il faudrait aller jusqu’au bout et supprimer ce droit.

M. Laurent Saint-Martin. J’aimerais faire un point de méthode : cet article n’est pas facile, parce qu’il propose des suppressions de taxes qui ne sont pas toutes de même nature. Dans certains cas, la suppression est justifiée par des problèmes de collecte et de recouvrement, dans d’autres, par un problème d’affectataire et, dans d’autres cas encore, elle vise tout simplement à baisser les prélèvements obligatoires de certains contribuables. Il importe donc de réfléchir au cas par cas. Le montant n’est pas toujours la question essentielle : en l’occurrence, demandons-nous si la taxe a, ou non, un sens.

M. Fabien Roussel. Franchement, déposer un amendement pour ramener une taxe de 2,5 à 1,1 % n’a pas grand sens. Je pense moi aussi qu’il serait préférable de la supprimer. De cette manière, nous ferons aussi des économies sur le prélèvement de cette taxe.

La commission adopte l’amendement ICF1502 (amendement I2872).

Elle examine ensuite l’amendement ICF1501 du rapporteur général.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Il existe un droit fixe sur l’enregistrement des contrats de mariage, qui s’élève à 125 euros. Au nom du parallélisme des formes, je propose de le supprimer. Le coût de cette suppression est très faible, puisqu’il n’excède pas 5 millions d’euros.

M. le président Éric Woerth. En réalité, il y a une asymétrie : vous supprimez l’intégralité de la taxe pour le mariage et ne proposez qu’une suppression partielle pour le divorce.

M. Joël Giraud, rapporteur général. C’est pour préserver la morale chrétienne de notre pays…

La commission adopte l’amendement ICF1501 (amendement I2873).

Elle adopte ensuite les amendements rédactionnels ICF1488 (amendement I2874), ICF1489 (amendement I2875), ICF1490 (amendement I2876) et ICF1491 (amendement I2877) du rapporteur général.

Puis elle examine l’amendement ICF1375 de M. Xavier Paluszkiewicz.

M. Xavier Paluszkiewicz. Cet amendement vise à supprimer la taxe sur les friches commerciales, qui a été créée par le législateur comme une imposition de toute nature que les collectivités locales – en l’espèce, une commune ou un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre – peuvent décider, ou non, d’appliquer. Lorsque les friches à usage commercial ne sont pas affectées à une autre activité entrant dans le champ de la cotisation foncière des entreprises (CFE) depuis cinq ans, une taxe est alors prélevée, assise sur les revenus servant de base à la taxe foncière sur les propriétés bâties. Seules soixante-et-une communes ont institué cette taxe, pour un rendement de 39 000 euros par an, ce qui est tout à fait dérisoire. Cette petite taxe nuit à mon sens à l’uniformité fiscale sur le territoire, à l’anticipation des charges fiscales pour les entreprises et à l’égalité devant les charges publiques. En outre, si l’objectif de cette taxe est de réduire l’étendue des friches commerciales, son utilité n’a jamais été démontrée.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Monsieur Laurent Saint-Martin avait fait la même proposition l’année dernière, mais il avait finalement retiré son amendement, parce que les chiffres qui nous avaient été fournis, les mêmes que ceux que vous rapportez aujourd’hui, étaient erronés. En réalité, on constate une progression considérable de cette taxe dans les collectivités locales, ce qui pose le problème de sa compensation. Je pense que personne n’a envie d’adopter un amendement qui priverait les collectivités territoriales d’une recette, sans compensation. Enfin, je dois dire qu’un certain nombre de maires sont très attachés à cette taxe, car elle permet de limiter la prolifération des friches qui dégradent l’entrée de nos agglomérations. Avis défavorable.

M. le président Éric Woerth. Monsieur le rapporteur général, connaissez-vous le niveau de collecte de cette taxe ?

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je ne l’ai pas mais je vous le donnerai en séance.

L’amendement ICF1375 est retiré.

La commission adopte l’amendement rédactionnel ICF1492 du rapporteur général (amendement I2878).

Elle examine ensuite l’amendement ICF1319 de Mme Lise Magnier.

Mme Lise Magnier. Je propose, avec cet amendement, de supprimer la fameuse petite taxe sur l’exploration d’hydrocarbures.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Au risque de vous faire un peu de peine, je dois vous dire que je suis un peu gêné par cet amendement, car cette taxe a une finalité écologique. Je n’ai rien trouvé sur son rendement, je ne sais absolument pas combien elle rapporte, mais je pense que sa suppression ne serait pas un très bon signal. Je vous invite donc à retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Mme Lise Magnier. Je maintiens mon amendement. Cette petite taxe a été créée dans le PLF pour 2018. Elle visait à compenser la fermeture des sites d’exploitation d’hydrocarbures et son rendement est estimé à 50 000 euros. Je croyais que nous voulions faire la chasse aux microtaxes : celle-ci en est une.

M. Laurent Saint-Martin. Je pense qu’il serait utile, en séance, que nous disposions de quelques chiffres, car l’amendement de notre collègue me paraît pertinent.

M. Charles de Courson. Je voterai l’amendement de ma collègue Lise Magnier. J’avais dit, au moment où l’on a créé cette taxe, qu’elle ne servirait à rien. Supprimons-la tranquillement.

M. Julien Aubert. Il serait intéressant de connaître le coût de collecte de cette taxe : je pense qu’il est supérieur à son rendement.

M. Joël Giraud, rapporteur général. C’était effectivement le cas de certaines des taxes écologiques que j’ai fait supprimer.

La commission rejette l’amendement ICF1319.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel ICF1493 du rapporteur général (amendement I2879).

Puis elle examine l’amendement ICF1318 de Mme Lise Magnier, qui fait l’objet d’un sous-amendement ICF1585 du rapporteur général.

Mme Lise Magnier. Cet amendement vise à supprimer un certain nombre de microtaxes, dont le produit prévisionnel pour 2019 s’établit à zéro euro.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Votre amendement concerne plusieurs taxes, dont le droit de passeport applicable aux grands navires de plaisance. Dans la mesure où j’ai demandé un contrôle sur les raisons qui font que cette disposition ne s’applique que peu, je ne souhaite pas qu’elle soit supprimée. S’agissant de la contribution perçue au profit de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES), votre amendement est satisfait par l’alinéa 34 de l’article 6. Je vous propose donc de ne conserver, dans la liste que vous proposez, que la taxe sur les produits cosmétiques.

Mme Lise Magnier. Je regrette que vous ne reteniez qu’une taxe, mais c’est mieux que rien.

La commission adopte le sous-amendement I-CF1585.

Puis elle adopte l’amendement ICF1318 ainsi sous-amendé (amendement I2880).

La commission adopte l’amendement rédactionnel ICF1494 du rapporteur général (amendement I2881).

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements ICF1132 de M. Laurent Saint-Martin et ICF1376 de M. Xavier Paluszkiewicz.

M. Laurent Saint-Martin. Le présent amendement vise à supprimer la taxe dans le domaine funéraire. Cette taxe est payée par les entreprises de pompes funèbres, qui la répercutent sur le prix des services qu’elles vendent aux familles endeuillées, et son produit va aux communes.

Il s’agit bien d’une petite taxe, puisque sa collecte représente 6 millions d’euros. Son caractère facultatif crée en outre des disparités entre les communes. Je propose de supprimer cette taxe pour diminuer le coût des services funéraires. Il convient de verser une compensation aux communes qui bénéficient de cette ressource, même si l’IGF a montré que cette taxe n’est pas toujours affectée à l’entretien des cimetières, qui est pourtant son objectif initial.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je n’ai rien contre la suppression de cette taxe, mais je veux m’assurer qu’elle sera bien compensée pour les collectivités locales. Je vous propose donc de déposer à nouveau votre amendement en séance, afin de vous assurer, auprès du ministre, de la réalité de cette compensation.

M. le président Éric Woerth. Il faut que ce soit un dégrèvement.

M. Charles de Courson. N’y a-t-il pas une affectation ?

M. Joël Giraud, rapporteur général.  La règle a été modifiée, une partie de cette taxe est affectée aux centres communaux d’action sociale (CCAS), ce qui pose la question de la compensation.

M. Xavier Paluszkiewicz. L’amendement I‑CF1376 vise également à supprimer la taxe dans le domaine funéraire. Suivant l’avis du rapporteur général, je retire mon amendement.

M. Laurent Saint-Martin. Je retire également le mien, même s’il prévoit déjà un dégrèvement. La difficulté, c’est que toutes les communes ne perçoivent pas cette taxe : il faudra donc voir si l’on trouve un critère dans la DGF qui permet de ne verser une compensation qu’aux communes concernées ou s’il faut un ciblage précis. Nous évoquerons ces possibilités avec le ministre en séance.

Les amendements ICF1132 et ICF1376 sont retirés.

La commission examine ensuite l’amendement ICF1063 de M. Benoit Potterie.

M. Benoit Potterie. Afin de réduire l’iniquité fiscale qui réduit la compétitivité du commerce physique face à internet, je propose de supprimer la taxe locale sur la publicité extérieure (TLPE), l’une des quatre-vingt-cinq taxes qui pèsent sur le commerce.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Il ne s’agit pas d’une taxe à faible rendement, puisqu’elle représente près de 200 millions d’euros. Elle ne figure d’ailleurs pas dans la liste des taxes à faible rendement du rapport de l’IGF. Compte tenu du coût de cette taxe, et de ses affectataires, à savoir les collectivités locales, je suis défavorable à cet amendement.

La commission rejette l’amendement ICF1063.

Elle examine ensuite les amendements identiques ICF594 de M. François Pupponi et ICF1345 de M. Christophe Jerretie.

M. Charles de Courson. L’article 6 prévoit la suppression, sans compensation, de la taxe sur les activités commerciales non salariées (TACNS) à durée saisonnière au 1er janvier 2020. En l’absence de recensement, le nombre de communes ayant institué la taxe et le produit qui en est issu ne sont pas connus. Cette suppression est problématique, dans la mesure où cette taxe abonde le budget des collectivités locales et qu’aucune compensation n’est prévue. Par ailleurs, cette taxe, dont le taux au mètre carré est fixé par le conseil municipal, est un bon outil pour maîtriser le commerce ambulant. Pour toutes ces raisons, je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée de la supprimer.

M. Christophe Jerretie. Les suppressions de taxes affectées aux collectivités locales sont compensées, soit par une autre taxe ou une augmentation de taxe, soit par une dotation. Ce n’est pas le cas de celle-ci. Je souhaite que le Gouvernement confirme que la suppression de cette taxe n’aura pas d’impact sur les finances des collectivités locales et, si elle en a un, qu’il prévoie une compensation.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Honnêtement, je manque d’informations sur cette taxe. Ce que je vous propose, c’est de déposer vos amendements en séance, pour que nous demandions des informations précises au Gouvernement. S’il s’avère que cette taxe est souvent appliquée, ce que j’ignore, je pourrai donner un avis favorable à vos amendements ou, au moins, m’en remettre à la sagesse de l’Assemblée. Pour l’heure, je vous invite à les retirer.

M. Charles de Courson. Je vais donc retirer mon amendement. Je compte sur votre immense sagesse, monsieur le rapporteur général, et j’espère que vous appuierez mon amendement en séance.

Les amendements ICF594 et ICF1345 sont retirés.

La commission examine les amendements ICF283 et ICF282 de Mme Cendra Motin.

Mme Cendra Motin. Une taxe affectée finançait l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES) : c’était la taxe dite « Manger bouger ». Le financement de l’INPES change, puisque le PLFSS pour 2020 confie désormais au budget de la sécurité sociale le financement de Santé Publique France : cette taxe affectée n’a donc plus d’objet. Cet article propose par ailleurs d’introduire une amende, qui sera infligée aux industries agroalimentaires qui ne diffuseront pas, dans leurs messages publicitaires, d’informations à caractère sanitaire pour lutter contre l’obésité.

Or, pour l’heure, il n’est pas prévu que cette amende soit contrôlée et affectée. Mon amendement I‑CF283 vise à s’assurer du contrôle et du recouvrement effectif de cette amende. L’amendement I‑CF282 vise, quant à lui, à affecter le produit de cette amende à l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Votre amendement I‑CF283 me semble satisfait, puisque les règles de recouvrement de l’amende sont celles applicables à toutes les amendes pénales. L’amendement I‑CF282, quant à lui, me paraît très problématique, car il n’est pas d’usage d’affecter le produit des amendes pénales : elles tombent dans le budget général, au nom du principe d’universalité. Je vous invite donc à retirer vos amendements.

Mme Cendra Motin. Dans la mesure où le financement de l’INPES prévu dans le PLFSS est inférieur à ce que l’agence percevait autrefois, il était convenu, me semble-t-il, que le produit de l’amende servirait à combler cet écart. Je retire mes amendements pour l’instant, mais je pense que je les déposerai de nouveau en séance pour entendre le ministre sur cette question.

Les amendements ICF283 et ICF282 sont retirés.

La commission examine ensuite l’amendement ICF318 de Mme Cendra Motin.

Mme Cendra Motin. L’amendement I‑CF318 vise à maintenir la taxe sur les déclarations et notifications des produits du vapotage. Par paresse, le législateur a préféré supprimer cette taxe, plutôt que d’en modifier le montant, après que le Conseil d’État l’a jugé excessif. Je propose de fixer un plafond, afin de taxer ces produits, qui ne sont pas tout à fait sûrs pour la santé.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je ne conteste pas votre objectif, mais votre amendement aurait pour résultat de créer une taxe à très faible rendement, ce qui n’est guère souhaitable. Pour rappel, le rendement prévisionnel de cette taxation est estimé par le Gouvernement à 7 millions d’euros pour 2019. Et vous proposez de la diviser par quinze… Cela étant, il est vrai que le niveau de la taxe pose un problème juridique. Elle a été instituée en application d’une directive qui prévoyait plutôt une redevance. J’ai interrogé le Gouvernement pour savoir si des contentieux étaient en cours, notamment sur la constitutionnalité du dispositif. Celui-ci vient de me répondre qu’il n’y a plus de contentieux à ce jour. L’idée de créer une taxe au rendement aussi faible me gêne un peu, mais il est vrai aussi que sa suppression n’est pas forcément un bon signal. Je donnerai donc un avis de sagesse.

La commission adopte l’amendement ICF318 (amendement I2882).

La commission adopte l’amendement rédactionnel ICF1495 du rapporteur général (amendement I2883).

Elle examine ensuite l’amendement ICF1372 de M. Xavier Paluszkiewicz.

M. Xavier Paluszkiewicz. Cet amendement vise à supprimer la taxe annuelle sur les médicaments pharmaceutiques vétérinaires. Elle est due par tout bénéficiaire d’autorisation de mise sur le marché et s’impose également aux ouvertures d’établissements pharmaceutiques, aux enregistrements et aux autorisations d’importation de médicaments vétérinaires. Cette taxe génère, si les chiffres dont je dispose sont les bons, 1,4 million d’euros de recettes pour 430 redevables. Les vétérinaires incitent leurs clients à acheter ces médicaments sur internet, car ils y sont moins chers. Je propose donc de supprimer cette taxe.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Le chiffre que vous avez donné est celui de 2012 et le rendement de cette taxe est aujourd’hui de 4 millions d’euros. Je suis réservé, car nous devons garantir la compensation de cette suppression à l’affectataire, à savoir l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES). Je vous invite donc à retirer votre amendement et à le déposer de nouveau en séance : nous verrons alors si nous pouvons résoudre ce problème de garantie.

L’amendement ICF1372 est retiré.

La commission examine l’amendement ICF1374 de M. Xavier Paluszkiewicz.

M. Xavier Paluszkiewicz. Cet amendement vise à supprimer le droit sur les inspections menées en vue de la délivrance d’un certificat de conformité. Il est dû par tout établissement produisant des matières premières à usage pharmaceutique. Il est assis sur un fait générateur : les procédures d’analyse d’échantillon et d’inspection pour obtenir un certificat de fabrication. Cette taxe, qui rapportait au minimum 2 millions d’euros, constitue une redevance, plutôt qu’une taxe. Elle concourt, selon l’IGF, au renchérissement des productions françaises. Au vu de sa faible rentabilité et de son effet négatif sur l’attractivité française, je propose de supprimer cette taxe.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Il s’agit à nouveau d’une taxe due par l’industrie pharmaceutique et qui correspond de surcroît à une prestation de l’ANSES, à savoir la délivrance d’un certificat de conformité.

D’autres taxes de nature similaire existent en matière de produits de santé. Elles sont perçues au profit de la Caisse nationale de l’assurance maladie (CNAM) et le rendement global de ces microtaxes n’est pas négligeable, puisqu’il s’élève à 76 millions d’euros. Je ne voudrais pas ouvrir la boîte de Pandore, car il nous faudrait trouver une compensation au bénéfice de l’affectataire. Pour l’heure, je vous invite à retirer votre amendement et à le déposer de nouveau en séance.

L’amendement ICF1374 est retiré.

La commission examine l’amendement ICF1377 de M. Xavier Paluszkiewicz.

M. Xavier Paluszkiewicz. Cet amendement vise à supprimer la contribution salariale sur les distributions et gains nets afférents à des parts de fonds communs de placement à risque, des actions de sociétés de capital-risque ou des droits représentatifs d’un placement financier dans une entité mentionnée au dernier alinéa du 8 du II de l’article 150‑0 A du code général des impôts. Vous en conviendrez : le simple énoncé de cette contribution nous amène à penser que l’objectif de politique publique n’est que partiellement, voire pas du tout, atteint, du fait principalement de l’existence d’un double régime fiscal des parts et actions à rendement subordonné (PARS).

M. Joël Giraud, rapporteur général. Nous sommes un peu loin de la question des taxes à faible rendement, puisque votre amendement concerne l’imposition des gains de levée d’option des actions gratuites qui sont distribuées à des salariés. Ces deux questions ne sont pas du tout de même nature. Il n’y a à mon sens aucune raison de supprimer ce prélèvement social, qui s’applique d’ailleurs pour les distributions d’action gratuite des autres sociétés. Avis défavorable.

M. Xavier Paluszkiewicz. J’entends votre argument et je retire mon amendement, monsieur le rapporteur général, mais il est difficile de faire des propositions, lorsque les chiffres à notre disposition ne sont pas les bons.

L’amendement ICF1377 est retiré.

La commission examine les amendements identiques ICF112 de Mme Lise Magnier, ICF185 de M. Charles de Courson, ICF432 de Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, ICF548 de M. Fabrice Brun et ICF932 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Lise Magnier. L’amendement I‑CF112 vise à maintenir la taxe affectée en faveur de l’Institut national de la qualité et de l’origine (INAO). Aucun des contribuables qui paient cette taxe affectée n’a demandé sa suppression. Le modèle de l’INAO est reconnu à travers le monde et concourt à soutenir nos signes d’origine et de qualité – appellations d’origine contrôlée (AOC), indications géographiques protégées (IGP), Label Rouge – face à la concurrence internationale. Il importe donc de maintenir les ressources de l’INAO.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Vous voulez maintenir la taxe affectée à l’INAO. J’ai interrogé le Gouvernement et je peux vous assurer qu’il a prévu des mesures de compensation. Si ce que vous craignez, c’est qu’il n’y ait pas de compensation, ou qu’elle ne soit pas à la hauteur, je vous invite à retirer votre amendement et à le déposer en séance, de façon à vous le faire confirmer par le ministre.

M. Charles de Courson. Ce système a été créé à la demande de la profession qui a beaucoup bataillé, en vue d’assurer l’autonomie de l’INAO. Cette taxe finance tous les travaux internes à l’INAO, en liaison avec les diverses professions, pour créer les cahiers des charges des différentes appellations. Il est tout à fait normal que les professionnels concernés paient pour cela : ce n’est pas aux impôts nationaux de le faire. Je suis favorable au maintien de cette taxe : tel est l’objet de l’amendement I‑CF185.

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas. Je rejoins mes collègues sur ce point. Ce système a effectivement été demandé par la profession et la profession souhaite son maintien : cette taxe n’est pas contestée par ceux qui la paient. Il est vrai que le ministère de l’agriculture a prévu de compenser la suppression de cette taxe par une dotation budgétaire, mais qui dit dotation dit coupe possible. L’INAO, qui fait beaucoup pour protéger la qualité du vin français, a une gouvernance originale, qu’il faut préserver. Dans la mesure où il n’y a pas d’enjeu budgétaire, je ne vois aucune raison de supprimer cette taxe : les vignerons et la profession viticole demandent son maintien. C’est également l’objet de mon amendement I‑CF432.

M. Fabrice Brun. Je souhaite, avec mon amendement I‑CF548, appeler l’attention sur le conflit qui oppose la logique administrative, pour ne pas dire technocratique, qui tend à supprimer ce droit en faveur de l’INAO, d’une part, et la logique politique, défendue par les professionnels, qui s’oppose très fortement à cette suppression. Elle serait un très mauvais signal pour la pérennisation de cet outil original que le monde entier nous envie. Ne scions pas la branche sur laquelle repose notre politique d’AOC, d’appellations d’origine protégée (AOP) et d’identification des produits sous signe de qualité ! Ce système fonctionne et il a fait ses preuves, la profession ne le remet nullement en cause. Le choix du Gouvernement est incompréhensible.

M. le président Éric Woerth. Il est rare que des contribuables demandent le maintien d’une taxe !

Mme Marie-Christine Dalloz. Notre collègue a parlé du vin, mais l’INAO concerne aussi la production fromagère et tous les produits sous appellation. Vous nous dites, monsieur le rapporteur général, que des compensations sont prévues : pouvez-vous nous dire sous quelle forme ? Quel avenir prévoit-on pour l’INAO ? Cet organisme sera-t-il placé sous la tutelle d’un ministère ? Nous attendons des précisions sur les compensations prévues.

M. Joël Giraud, rapporteur général. J’ai sous les yeux les montants de la compensation. Le débat sur l’avenir de l’INAO n’est pas ma spécialité mais les chiffres sont très clairs : la dotation de l’INAO pour 2020 est prévue à 24,38 millions d’euros, ce qui fait une hausse de 7,46 millions par rapport à 2019. Le processus me semble sain car la suppression des taxes affectées est un engagement pris collectivement via l’adoption d’une résolution de l’Assemblée nationale ; de plus, il s’agit vraiment d’une taxe à faible rendement.

Mme Lise Magnier. Monsieur le rapporteur général, pouvez-vous répéter les chiffres de compensation que vous venez d’indiquer ?

M. Joël Giraud, rapporteur général. En loi de finances initiale pour 2019, la dotation budgétaire en faveur de l’INAO s’élevait à 16,93 millions d’euros. Le projet de loi de finances pour 2020 prévoit une dotation de 24,38 millions d’euros, soit une augmentation de 7,46 millions d’euros.

M. le président Éric Woerth. Il s’agit de compenser la suppression de la taxe au moyen d’un crédit budgétaire supplémentaire.

La commission rejette les amendements  ICF112, I185, ICF432, ICF548 et ICF932.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements ICF1130 de M. Laurent Saint-Martin et ICF1587 du rapporteur général.

M. Laurent Saint-Martin. L’amendement I‑CF1130 vise à supprimer l’indemnité de défrichement, qui est une modalité alternative à l’obligation de boisement prévue pour la délivrance d’une autorisation de défrichement et dont le produit prévisionnel pour 2020 s’élève à 4 millions d’euros pour un plafond d’affectation de 2 millions d’euros. Son produit est affecté à l’Agence de services et de paiement, et alimente le Fonds stratégique de la forêt et du bois. Je crois, monsieur le rapporteur général, que votre propre amendement vient nuancer le mien.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Les dispositions que propose mon amendement et que nous avons adoptées l’an dernier pour certains secteurs, ont été déclarées non constitutionnelles l’an dernier, comme étant des cavaliers budgétaires. Je vous propose de résoudre ce problème.

Par ailleurs, ce n’est pas une taxe classique. Elle constitue, en effet, une alternative à l’obligation de reboisement : soit vous reboisez, soit vous payez l’indemnité. Votre amendement supprime l’indemnité mais l’obligation est toujours là, ce qui obligerait à reboiser une surface équivalente sans possibilité de payer l’indemnité. Ce n’est pas ce que vous recherchez ; je vous propose donc une réécriture conservant l’alternative mais prévoyant des dispenses ciblées pour les exploitants agricoles.

M. Laurent Saint-Martin. L’amendement du rapporteur général me convient parfaitement et je m’y rallie. L’aspect constitutionnel est effectivement surprenant : l’abrogation des dispositions de l’article du code forestier en question a un impact sur le budget général de l’État, ce qui établit sa recevabilité en loi de finances.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Pour éviter toute nouvelle qualification de cavalier, mon amendement modifie à la marge le plafond d’affectation de l’indemnité.

M. Charles de Courson. Dans votre amendement, monsieur le rapporteur général, je n’ai pas compris le point suivant : vous affirmez qu’il s’agit d’une recette non fiscale. Dans ce cas, l’assiette et le taux sont fixés par décret : ce n’est donc pas de la compétence du législateur. Qu’en est-il alors ?

M. Joël Giraud, rapporteur général. La recette ayant été créée par la loi, nous ne pouvons la supprimer que par la loi.

M. Charles de Courson. Cela s’appelle une taxe de défrichement : ce n’est pas une indemnité.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Juridiquement, ce n’est pas une taxe. On emploie ce terme par abus de langage : il s’agit d’une indemnité compensatoire.

M. Jean-Paul Mattei. Cette taxe incitait au reboisement : en la supprimant, on perd le caractère incitatif en faveur du reboisement. Cela m’inquiète car cela ne va pas dans le sens du développement durable.

M. Joël Giraud, rapporteur général. L’obligation n’est pas supprimée : si demain un immeuble est construit à la place d’une zone boisée, elle s’appliquera. Il s’agit d’une dispense en faveur des agriculteurs souhaitant reprendre des terres et des exploitations agricoles très ciblées.

M. Philippe Chassaing. Je suis pleinement d’accord avec la suppression de cette taxe. Néanmoins, si elle devait à nouveau être déclarée irrecevable sur le plan constitutionnel, serait-il possible d’envisager une modularité ? Certaines zones connaissent une extension de la forêt, tandis que d’autres subissent une perte forestière. Pourrait-on envisager de repenser cette taxe pour accorder des exonérations en fonction du département ou de la zone concernée ?

M. Olivier Damaisin. Cela va dans le même sens que l’amendement déposé l’année dernière en faveur des agriculteurs exploitant des arbres fruitiers, qui enlèvent des ronciers et des arbustes forestiers pour les remplacer par des noisetiers, des pruniers ou des arbres truffiers. Nous sommes fortement concurrencés par l’Espagne et l’Italie : il faut aider nos trufficulteurs !

M. Joël Giraud, rapporteur général. Monsieur Chassaing, il existe déjà des exonérations ciblées, la loi Montagne de 2016 ayant introduit la première modification de cette indemnité compensatoire.

L’amendement ICF1130 est retiré.

La commission adopte l’amendement ICF1587 (amendement I2884).

Elle se saisit ensuite de l’amendement ICF1381 de M. Xavier Paluszkiewicz.

M. Xavier Paluszkiewicz. Cet amendement vise à supprimer la redevance sur les gisements d’hydrocarbures qui s’impose à tout titulaire de concession d’exploitation de gisements en mer d’hydrocarbures, qu’ils soient liquides ou gazeux. L’inspection générale des finances (IGF) recommande de supprimer cette taxe et de refondre la fiscalité applicable aux activités d’extraction. Ces dernières pourraient être soumises à la cotisation foncière des entreprises, dont elles sont aujourd’hui exonérées. Je propose donc de supprimer cette redevance et préconise une simplification de la matière minière dans l’attente de la prochaine réforme du code minier, qui devrait intervenir en 2020.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Le rapport de l’IGF envisage plusieurs scénarios : vous retenez le scénario maximal. Au delà du montant de la collecte, je ne pense pas que le moment soit venu de supprimer des taxes à finalité écologique.

M. Charles de Courson. Cette recette n’est-elle pas affectée aux conseils départementaux et aux communes d’implantation des gisements d’hydrocarbures ? Cette redevance est mal intitulée : il s’agit en fait d’un impôt, puisque cela relève du législatif. Je crois qu’elle abonde les communes et les conseils départementaux ; elle s’applique à la tonne extraite.

M. Xavier Paluszkiewicz. Elle est affectée pour moitié à l’État et pour moitié à la région, et non au département.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Cela pose donc en plus le problème de la compensation, qu’il faudra examiner en séance.

L’amendement ICF1381 est retiré.

La commission en vient à l’examen de l’amendement ICF1363 de Mme Ericka Bareigts.

M. Jean-Louis Bricout. Alors que l’article 6 a pour objet de supprimer des taxes à faible rendement, ses alinéas 68 à 72 accordent à la région de La Réunion, à la collectivité de Corse, à la collectivité territoriale de Guyane, à la collectivité territoriale de Martinique ou au département de Mayotte le droit de majorer le montant de la taxe sur les certificats d’immatriculation des véhicules. Nous nous interrogeons sur le bien-fondé de ces alinéas, d’autant que la vie est relativement chère dans ces territoires : le niveau général des prix à la consommation y est ainsi entre 7 % et 12 % plus élevé qu’en France métropolitaine, et même 28 % à 38 % pour les produits alimentaires. Le présent amendement vise donc à supprimer la majoration d’une taxe locale.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je pense qu’il y a une erreur car votre amendement propose en fait l’inverse, à savoir le maintien des taxes régionales sur le permis de conduire, que le texte supprime. Avis défavorable.

L’amendement ICF1363 est retiré.

La commission en vient à l’examen de l’amendement ICF1364 de Mme Ericka Bareigts.

M. Jean-Louis Bricout. Je le retire également.

L’amendement ICF1364 est retiré.

La commission adopte ensuite l’article 6 modifié.

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Article additionnel après l’article 6
Réforme de la taxation des titres de séjour

La commission examine, en discussion commune, l’amendement ICF1400 de M. Éric Coquerel, les amendements ICF1470, ICF1471, ICF1474, ICF1476, ICF1475, ICF1478, ICF1479 et ICF1472 de Mme Stella Dupont, les amendements ICF1343 et ICF1344 de Mme Christine Pires Beaune, ainsi que les amendements ICF1473 et ICF1477 de Mme Stella Dupont.

Mme Sabine Rubin. L’amendement I‑CF1400 vise à supprimer les taxes et droits de timbre sur les titres de séjour. Une mission d’information de la commission des finances a en effet confirmé le caractère excessif de la taxation appliquée aux titres de séjour.

Mme Stella Dupont. Je vous présenterai globalement le travail que nous avons conduit avec Jean-François Parigi, à la demande de la commission des finances, sur la pertinence du niveau des taxes sur les titres de séjour. Nous sommes en effet nombreux à avoir été interpellés par les acteurs sociaux et associatifs sur le niveau élevé de ces taxes, très souvent incompatible avec les capacités financières des personnes qui en sont redevables. Je rappelle que ces taxes s’adressent aux personnes en situation régulière et qui, étant autorisées à demeurer sur notre territoire, doivent payer pour obtenir leur titre de séjour.

Les amendements que je défends proposent de simplifier ce maquis de treize tarifs, que nous proposons de réduire à cinq. Nous vous proposons également de diminuer le tarif principal, qui est extrêmement important. Pour cela, il convient de diminuer le tarif de la délivrance du premier titre – 200 euros au lieu de 250 euros – ainsi que le tarif des renouvellements annuels, qui passerait à 100 euros. Enfin, le droit de régularisation dû par les personnes qui étaient en situation irrégulière au moment où elles ont sollicité le titre s’élève à 340 euros : nous vous proposons de le fixer à 100 euros. Ainsi, le niveau de ces taxes serait davantage compatible avec la capacité financière réelle de ces personnes.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je salue le travail effectué par la mission d’information transpartisane présidée par Jean-François Parigi et dont Stella Dupont était la rapporteure. Vous en reprenez les recommandations dans plusieurs amendements, l’amendement I‑CF1470 proposant la version maximaliste. Celle-ci est chiffrée à 70 millions d’euros par le Gouvernement, qui travaille à une contre-proposition.

Je vous propose d’adopter l’amendement I‑CF1472, évalué à 20 millions d’euros : il permet de revenir largement sur les effets du décret du 28 octobre 2016, qui a porté de 87 à 250 euros le montant de la taxe acquittée par les étrangers pour le renouvellement de titres de séjour temporaires. Il supprime aussi le principe de la fourchette de tarifs applicables en matière de renouvellement, en abaissant le montant de la taxe dû de 250 à 100 euros. Je propose d’adopter cet amendement afin d’amorcer un dialogue avec le Gouvernement sur ce sujet qui transcende les opinions politiques.

Mme Christine Pires Beaune. Je souscris aux propositions de Stella Dupont. L’amendement I‑CF1343 vise à supprimer le droit d’entrée de 50 euros exigé lors du dépôt de la demande de régularisation, qui n’est pas remboursé si la demande est rejetée.

M. le président Éric Woerth. Je fais partie de ceux qui ont souhaité ce rapport, qui fait le tour d’un sujet plus complexe qu’il n’y paraît, avec de nombreux tarifs.

Ce sujet est extrêmement sensible mais il ne faut pas tout confondre : nous ne sommes pas en train de parler de politique migratoire. La question porte sur le coût des titres de séjour accordés par l’État. Il faut simplifier un dispositif dont rien ne justifie la complexité. De plus, les tarifs ne doivent pas constituer une peine : les tarifs en vigueur sont extrêmement élevés pour des personnes dont on peut considérer que la situation économique est fragile. Souvent, du reste, les associations qui aident ces personnes payent, parce que la personne ne peut pas le faire, et parce qu’elles sont subventionnées par le département dans le cadre d’une politique sociale, voire par une commune par le biais de son CCAS – centre communal d’action sociale. C’est donc in fine le contribuable qui paye en partie un titre de séjour extrêmement onéreux. Il faut s’en tenir à ce type de raisonnement et éviter toute polémique.

J’ai moi aussi repéré l’amendement I‑CF1472 de madame Dupont, même si je ne m’en contenterai pas, à l’inverse du rapporteur général. Cet amendement abaisse à 100 euros le coût de renouvellement d’un titre de séjour, sans toutefois baisser le coût de la première délivrance ; or il est très important d’intervenir sur les deux, et d’adopter également l’amendement I-CF1474.

Mme Émilie Cariou. Je salue moi aussi le travail effectué par Jean-François Parigi et Stella Dupont. Aujourd’hui, le système ne fonctionne pas car les taxes sont acquittées par d’autres personnes que les redevables et pèsent de ce fait sur des mécanismes de subvention. Nous nous rallions donc à l’amendement qui a reçu l’avis favorable du rapporteur général.

M. Joël Giraud, rapporteur général. L’important est qu’un amendement soit adopté aujourd’hui. Au besoin, nous le sous-amenderons. Nous serons ainsi force de proposition, tout en restant raisonnables sur le coût global : 20 millions d’euros, cela ne me semble pas scandaleux au regard des amendements parfois plus onéreux que nous avons adoptés précédemment. Je vous propose donc de nous en tenir à un calibrage de 20 millions d’euros : nous verrons ensuite en séance quelle proposition est la plus pertinente.

M. le président Éric Woerth. L’idéal serait d’adopter les deux amendements I‑CF1474 et I‑CF1472.

Mme Stella Dupont. Les quatre amendements principaux sont les I‑CF1471, I‑CF1472, I‑CF1473 et I‑CF1474. Ils proposent une baisse de 50 euros pour la délivrance du premier titre et une baisse plus importante pour les renouvellements, ainsi qu’une baisse du visa de régularisation, qui passerait de 340 euros à 100 euros. Le montant total serait ainsi plus raisonnable.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Les amendements I‑CF1472 et I‑CF1474 sont intéressants : nous pouvons donc les voter tous les deux, sous réserve d’une confirmation de leur compatibilité, ce qui permettra de mettre la pression pour aboutir à une solution.

Mme Christine Pires Beaune. Madame Dupont pourrait-elle nous préciser si seul l’amendement I‑CF1473 supprime les 50 euros qui constituent le frein au dépôt de la demande de régularisation ?

Mme Stella Dupont. Cela figure dans l’amendement I‑CF1470 et également dans l’amendement I‑CF1473.

Mme Christine Pires Beaune. Cela ne figure donc pas dans les deux amendements que l’on se propose d’adopter.

Mme Stella Dupont. J’ai fait l’effort de proposer des amendements séquencés mais il est vrai que cela est très complexe.

M. le président Éric Woerth. Je pense que notre commission devrait adopter ces deux amendements et arriver ainsi en séance avec un amendement résultant de la combinaison de ces deux amendements et portant sur l’essentiel, c’est-à-dire la taxe sur la délivrance du premier titre et la taxe sur le renouvellement.

Mme Stella Dupont. Il faudrait aussi agir sur le droit acquitté sur le visa de régularisation, qui est le plus pénalisant. Même si je ne propose pas de le supprimer parce que le fait qu’une irrégularité engendre un surcoût final a aussi du sens.

M. le président Éric Woerth. Le contenu politique est un peu plus fort.

Mme Stella Dupont. C’est la raison pour laquelle nous ne proposons pas de le supprimer. Mais si nous ne le baissons pas de façon sensible, nous n’aurons pas résolu le problème de base.

M. Charles de Courson. Je pense qu’il faut restructurer tout cela en produisant un amendement unique. Ici, nous sommes des gens raisonnables mais nous ne savons pas ce qui peut se passer en séance.

M. Jean-Louis Bricout. Je partage ce point de vue. Notre amendement I-CF1344 a pour objet de fixer la taxe sur le visa de régularisation à 220 euros. Il faudrait en effet proposer un amendement global.

M. le président Éric Woerth. Je partage l’opinion du rapporteur général : adoptons les amendements I‑CF1472 et I‑CF1474.

La commission rejette successivement les amendements ICF1400, ICF1470 et ICF1471.

Puis elle adopte l’amendement ICF1474 (amendement I2885).

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Après l’article 6

La commission rejette ensuite successivement les amendements ICF1476, ICF1475, ICF1478 et ICF1479.

Puis elle adopte l’amendement ICF1472.

Enfin, elle rejette successivement les amendements ICF1343, ICF1344, ICF1473 et ICF1477.

La commission en vient à l’examen, en discussion commune, des amendements ICF797, ICF795 et ICF796.

M. Bruno Fuchs. J’avais déjà présenté ce raisonnement il y a deux ans mais, dans le contexte de la réforme de l’ISF, il n’avait pas été débattu en toute objectivité.

Les Français possèdent 3 000 tonnes d’or, qui dorment dans des bas de laine ou dans des tiroirs, le marché de l’or des particuliers en France étant quant à lui très faible, avec 9 tonnes. Ce sont donc 130 milliards d’euros qui sont thésaurisés. 80 % de cet or ont été transmis par héritage ou de la main à la main : ils ne peuvent donc être vendus puisqu’il n’y a pas de preuve d’achat. Avec une fiscalité qui ne cesse d’augmenter – elle est aujourd’hui de 11,5 % –, les transactions sont très faibles. Cet or est composé pour deux tiers de pièces et est détenu par une large proportion de la population – 13 % des ouvriers, 13 % des familles modestes, 17 % des employés possèdent en effet de l’or.

Je propose donc, sur le modèle appliqué en l’Allemagne, de créer un choc fiscal pour inciter les Français à vendre de l’or dans le but d’investir dans l’économie réelle, soit dans des entreprises, soit dans un Fonds national pour le développement de l’agriculture ; la défiscalisation serait alors de 100 %. Il serait sinon possible de revenir à une fiscalité de 6 %, qui est la fiscalité normale de la vente d’or pour des bijoux. Selon certaines études, 8 % des Français estimeraient pouvoir vendre de l’or dans ces conditions. Si l’on retient le chiffre de 4 %, cela représenterait 120 tonnes d’or, soit 5 milliards d’euros.

Les Allemands ont, il y a quelques années, supprimé complètement la fiscalité : en 2016, ils ont vendu 160 tonnes d’or, générant 7 milliards d’euros d’échange. Dans les zones frontalières, 90 % des transactions sont faites par des Français, qui se rendent en Belgique ou en Allemagne pour vendre, et ils achètent sur place, générant du commerce dans ces pays et non en France.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Les deux premiers amendements ne précisent pas à quels impôts ils s’appliquent, donc l’avis est défavorable. Quant au troisième, je le trouve franchement généreux : la taxe sur les métaux précieux a présenté un rendement de 78 millions d’euros et la prévision pour 2020 est de 105 millions d’euros. Je ne suis pas favorable à une baisse de cinq points de cette taxe, ce qui reviendrait à la diviser par deux.

M. Bruno Fuchs. Certes, cette taxe baisserait mécaniquement mais si 4 % de cet or était vendu, cela générerait 600 millions d’euros de TVA et 100 millions d’euros de taxe forfaitaire sur les métaux précieux, sans compter le pouvoir d’achat additionnel que cela procurerait aux Français. Le calcul est donc très positif.

M. Charles de Courson. Tous les spécialistes du marché de l’or disent que le marché français a été totalement délocalisé en Allemagne et en Belgique, expliquant l’extrême faiblesse des transactions au regard du stock d’or détenu. Il serait donc intéressant d’expérimenter pendant un an ou deux une baisse du taux à 6 %, qui était l’ancien taux. Si cela provoque une grande remontée des ventes et que cela augmente beaucoup les recettes, alors on pourrait pérenniser le dispositif ; sinon, on reviendrait au taux de 11 %.

La commission rejette successivement les amendements ICF797, ICF795 et ICF796.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements ICF1395 de M. Éric Coquerel et ICF80 de M. Fabrice Brun, les amendements identiques ICF82 de M. Fabrice Brun, ICF849 de M. Fabien Roussel et ICF1396 de M. Éric Coquerel, ainsi que les amendements identiques ICF81 de M. Fabrice Brun, ICF850 de M. Jean-Paul Dufrègne et ICF1394 de M. Éric Coquerel.

Mme Sabine Rubin. L’amendement I-CF1395 vise à élargir la taxe sur les transactions financières aux entreprises dont la capitalisation boursière dépasse 100 millions d’euros, contre un milliard d’euros aujourd’hui. Un seuil de 100 millions d’euros éviterait de faire peser cette taxe sur les entreprises les plus fragiles. Une entreprise dont la capitalisation boursière serait par exemple de 600 millions d’euros ne serait en effet pas particulièrement fragilisée par cette taxe.

Rappelons que cette taxe a été créée à la suite de la crise de 2008 pour que le secteur bancaire, qui avait été sauvé par la puissance publique, participe à la lutte contre l’extrême pauvreté et les changements climatiques. Il est maintenant temps de passer à l’étape supérieure en la renforçant, ce qui passe notamment par l’élargissement de son assiette.

M. Fabrice Brun. Nous l’avons bien compris, la majorité et le Gouvernement préfèrent taxer les biens immobiliers et exonérer la spéculation financière. L’instauration de l’IFI en témoigne : entre la pierre et le trader, vous avez choisi !

Afin de rechercher de nouvelles ressources au service de la justice fiscale et environnementale, nous vous proposons de renforcer la taxe sur les transactions financières en réintégrant les transactions infrajournalières dans le champ de la taxe sur les transactions financières et en augmentant le taux de cette taxe à 0,5 %. J’ai ainsi défendu les amendements I‑CF80, I‑CF81 et I‑CF82.

M. Fabien Roussel. L’amendement I‑CF849 vise à élargir l’assiette de la taxe sur les transactions financières aux transactions infrajournalières pour lutter contre cette forme de spéculation boursière qu’est le trading à haute fréquence.

Cela permettrait aussi à la France de tenir ses engagements en matière de solidarité internationale, le produit de cette taxe servant à financer le programme d’aide aux pays en développement. Le Président de la République s’est engagé à porter cette aide à 0,55 % du revenu national brut d’ici à la fin de son mandat : nous sommes aujourd’hui en retard sur cet objectif. Il faudrait multiplier par huit les financements pour tenir cet engagement.

M. Éric Coquerel. L’amendement I‑CF1396 vise à élargir l’assiette de la taxe sur les transactions financières aux transactions intra-journalières. Alors que l’on parle avec insistance d’une possible nouvelle crise financière, la formation récurrente de bulles spéculatives et l’étiolement du lien entre la sphère financière et l’activité économique réelle doivent être pourchassées avec des taxes de ce type.

La loi de finances pour 2017 avait prévu une telle disposition pour 2018 ; malheureusement, tout cela a été détricoté par l’actuelle majorité. Il n’est pas trop tard pour se rendre compte qu’elle a eu tort ! Cette taxe aurait pourtant pour mérite de rapporter entre 2 et 4 milliards d’euros, que l’État pourrait consacrer à la baisse des dépenses publiques.

M. Jean-Paul Dufrègne. L’amendement I‑CF850 vise à augmenter le taux de la taxe sur les transactions financières à 0,5 %. Une telle augmentation répondrait aux demandes fortes de justice sociale dans notre pays. Cette augmentation permettrait, selon les estimations, d’améliorer le rendement de cette taxe de 1,2 milliard d’euros. Ces moyens supplémentaires pourraient financer des politiques publiques ambitieuses, tant sur le territoire national – revalorisation des retraites agricoles – qu’en termes de solidarité internationale, notamment en matière d’aide publique au développement, sur laquelle l’exécutif est attendu.

Mme Sabine Rubin. L’amendement I‑CF1394 a également pour objet de faire passer le taux de la taxe sur les transactions financières de 0,3 % à 0,5 %. Cela permettrait de dégager un milliard d’euros de recettes supplémentaires.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Il y a parfois de fausses bonnes idées. J’ai fait partie de ceux qui ont voulu taxer les transactions infrajournalières, avant de me rendre compte que nous étions face à une impossibilité technique absolue. De plus, il ne me semble pas opportun de créer une instabilité à la veille d’un événement tel que le Brexit : il y a un temps pour tout et la période actuelle ne s’y prête pas. Avis défavorable.

M. Fabrice Brun. Il m’arrive de partager les mêmes objectifs que mes collègues communistes ; cela ne me pose aucun problème !

On oppose souvent à l’augmentation de la taxe sur les transactions financières l’argument selon lequel celle-ci doit s’appliquer à un niveau international et que la France ne peut agir seule. C’est aussi l’argument que l’on m’avait opposé lorsque j’avais déposé une proposition de loi sur la taxation des GAFA – Google, Apple, Facebook, Amazon. Or nous avons constaté depuis que la France avait une capacité d’entraînement concernant cette taxe : je pense qu’elle peut avoir la même pour la taxation des transactions financières.

M. Laurent Saint-Martin. Dans le premier amendement défendu par madame Rubin, il était question de la taille des entreprises : une entreprise d’une capitalisation boursière de 600 millions était jugée suffisamment robuste pour payer la taxe. Le problème, c’est que cette taxe n’est pas payée par les entreprises cotées mais par ceux qui effectuent les échanges financiers : cela n’a donc pas grand sens.

En revanche, il est certain que si l’on met en difficulté l’attractivité d’une place financière comme celle de Paris, ce sont toutes les entreprises cotées, quelle que soit leur taille, qui en pâtiront ou qui, plus simplement, iront se coter ailleurs. C’est donc tout un écosystème financier qui est en jeu.

En outre, l’affectation de cette taxe à l’aide publique au développement est selon moi une erreur. Il faut rappeler la hausse continue des crédits budgétaires en termes d’aide publique au développement mise en place par l’actuel Gouvernement : c’est cela qui compte, et non l’affectation d’une taxe qui mettrait en difficulté toute une industrie importante pour notre pays.

M. Marc Le Fur. Une taxe affectée a du sens lorsque l’on doute de la volonté gouvernementale de s’engager dans une politique, or, il n’y a aucune raison de penser qu’il en est ainsi s’agissant de la politique de l’aide publique au développement et, plus précisément, de la volonté d’atteindre le fameux 0,55 % du PIB : en tant que rapporteur de cette mission, j’y veille.

Dès lors qu’une politique est accompagnée en termes budgétaires classiques, il n’y a pas de raison d’avoir des doutes ni de prévoir des taxes affectées, lesquelles ne se justifient donc qu’en cas d’incertitudes gouvernementales.

La commission rejette successivement les amendements ICF1395 et ICF80, de même que les amendements identiques ICF82, ICF849 et ICF1396, ainsi que les amendements identiques ICF81, I-CF850 et ICF1394.

Elle examine ensuite l’amendement ICF50 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. Je suis prêt à retirer cet amendement d’appel en fonction de nos débats. Je l’avais défendu avec beaucoup plus de force lors du PLF 2018 en m’inspirant d’un dispositif, le FACE, le Fonds d’amortissement des charges d’électrification, qui avait permis de financer l’électrification rurale.

Il s’agit, en l’occurrence, de financer le développement des infrastructures numériques. Quelques avancées sont notables dans certains territoires, dont l’Ardèche, où l’État a débloqué 147 millions pour déployer la fibre optique dans le cadre du réseau ADN, Ardèche Drôme Numérique - je remercie à nouveau publiquement le Premier ministre pour l’arbitrage qu’il a rendu.

En outre, dans le cadre du New Deal Mobile, 39 nouveaux sites de relais de téléphonie mobile sont programmés mais – j’imagine qu’il en est un peu de même sur tous les territoires – il règne tout de même un grand flou sur sa mise en œuvre car si chaque département bénéficie d’une dotation globale, nous avons un peu de mal à comprendre comment tout cela se déploie aujourd’hui, entre France Numérique, les préfets…

La fracture numérique est toujours prégnante : pendant que nous ramons parfois pour développer la 3G et la 4G, d’autres territoires s’apprêtent à développer la 5G ! Avec la démographie médicale, c’est l’une des préoccupations majeures de nos concitoyens dans les zones rurales.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je comprends qu’il soit nécessaire de faire plus et plus vite pour les territoires ruraux mais l’heure n’est pas à la création de nouveaux impôts et, encore moins, au développement de cette fiscalité affectée que nous cherchons précisément à contenir. À ce titre, avis défavorable.

M. Marc Le Fur. J’abonde dans le sens de notre collègue Brun.

Dans une région que je connais bien, des aides de l’État et des aides européennes favorisaient le fibrage du territoire mais, compte tenu de ce que nous venons d’apprendre, rien n’est prévu pour la suite. Monsieur Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires, fait part très régulièrement d’objectifs très ambitieux mais son budget est vide. Dès lors, comme le suggère notre collègue Brun, il faut imaginer des dispositifs fiscaux.

M. Fabrice Brun. Compte tenu de nos échanges et de l’avis du rapporteur général, je retire mon amendement.

L’amendement ICF50 est retiré.

La commission est ensuite saisie de l’amendement ICF1033 de Mme Sarah El Haïry.

Mme Sarah El Haïry. L’amendement vise principalement les foncières solidaires qui, aujourd’hui, permettent de répondre au mal-logement. Il s’agit assez simplement de baisser le droit d’enregistrement ad hoc en portant le taux de 5 % à 0,1 %, comme pour les établissements mutualistes et coopératifs. Il y a là une injustice alors que nous connaissons l’importance du travail que mènent les foncières solidaires.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je suis défavorable à cet amendement car les entreprises solidaires à prépondérance immobilière ne sont pas dans la même situation que les établissements de crédit mutualistes ou coopératifs. En effet, les parts étant représentatives de droits immobiliers, il est cohérent que le taux de droit commun de 5 % leur soit appliqué.

Mme Sarah El Haïry. Outre que leur but n’est absolument pas le même, les foncières solidaires ont créé, me semble-t-il, plus de 3 300 logements l’année dernière et non à des fins spéculatives : l’activité des foncières solidaires est vraiment solidaire.

La commission rejette l’amendement ICF1033.

Elle examine ensuite l’amendement ICF809 de Mme Lise Magnier.

Mme Lise Magnier. Mon amendement vise à prolonger jusqu’en 2025 le dispositif de cession pour un euro symbolique des terrains devenus inutiles au ministère de la défense dans le cadre des contrats de redynamisation des sites de défense.

Anticipant la réponse de notre rapporteur général, je vous prie d’excuser l’erreur technique qui a présidé au dépôt d’une mauvaise version de cet amendement. Je poursuis donc mon travail de rédaction pour la séance.

L’amendement ICF809 est retiré.

*

*     *

 

 


Article 7
Limitation dans le temps des dépenses fiscales afin den garantir lévaluation et suppression de dépenses fiscales inefficientes

Résumé du dispositif proposé

Le présent article propose la suppression de sept dépenses fiscales jugées inefficientes :

– une exonération d’impôt sur le revenu (IR) pour les revenus tirés de certaines cultures agréées réalisées sur des terrains auparavant non cultivés situés dans les départements d’outre-mer ;

– deux mécanismes d’étalement de l’imposition à l’IR de certains revenus ;

– une exonération d’impôt sur les sociétés (IS) de certaines opérations d’aménagements réalisées dans des zones dédiées ;

– une réduction d’impôt de 40 % au titre des sommes consacrées par les entreprises à l’achat d’un trésor national ;

– une exonération de TVA sur la mise en valeur de terres dans les DOM ;

– une exonération de droits d’enregistrement de certains actes intéressant les sociétés de bains-douches, les organismes de jardins familiaux, les sociétés coopératives artisanales ainsi que les groupements de ces mêmes coopératives, les mutuelles et les sociétés de secours des ouvriers et employés des mines.

En second lieu, poursuivant un objectif d’évaluation, le présent article, à travers un bornage, limite l’application dans le temps de quatre dispositifs :

– le volet du crédit d’impôt recherche applicable au secteur « textile-habillement-cuir », le crédit d’impôt innovation et le crédit d’impôt pour la formation des dirigeants d’entreprise, qui s’appliqueraient aux dépenses engagées jusqu’au 31 décembre 2022 ;

– le crédit d’impôt famille, qui s’appliquerait aux dépenses engagées jusqu’au 31 décembre 2021.

L’impact budgétaire des suppressions proposées est difficilement chiffrable mais sera effectif dès 2020.

Dernières modifications intervenues

Depuis le début de la législature, le Gouvernement et le Parlement se sont engagés dans un travail de rationalisation des dépenses fiscales afin de mieux encadrer ces dispositifs dérogatoires et de supprimer ceux apparaissant inefficients.

En 2019, l’Assemblée nationale a réaffirmé l’exigence impérieuse d’une évaluation complète et précise des dépenses fiscales, de trop nombreux dispositifs faisant l’objet de lacunes en termes d’informations.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

En plus de trois amendements rédactionnels ou de précision du Rapporteur général, la commission :

– a supprimé deux dépenses fiscales supplémentaires en adoptant des amendements de Mmes Olivia Gregoire et Lise Magnier ;

 

– a décidé, à l’initiative de Mme Gregoire, de borner dans le temps quatre dépenses fiscales supplémentaires ;

– en adoptant deux amendements du Rapporteur général, a prévu d’introduire un bornage temporel pour la réduction d’impôt « Malraux » et le crédit d’impôt « jeux vidéos ».

En outre, se ralliant à une initiative du Rapporteur général, la commission a repoussé de deux ans – jusqu’en 2023 – le bornage temporel proposé pour le crédit d’impôt famille, tout en actant le principe d’une évaluation dont les conclusions devront être présentées au Parlement au plus tard en septembre 2021.

Enfin, et toujours à l’initiative du Rapporteur général, la commission a adopté deux amendements prévoyant, à travers des rapports exhaustifs, une évaluation des crédits d’impôt dont la gestion est assurée par le Centre national du cinéma et de l’image animée et une évaluation du régime des impatriés.

I.   la nécessité d’évaluer les dépenses fiscales

Les dépenses fiscales sont des dispositions dérogeant à la norme fiscale de référence et dont la mise en œuvre entraîne pour l’État une perte de recettes et donc, pour les contribuables, un allégement de leur charge fiscale.

Dans la mesure où elles constituent des exceptions aux principes généraux du droit fiscal français et qu’elles ont un impact budgétaire effectif, les dépenses fiscales doivent se justifier par des objectifs rationnels et atteindre ceux‑ci de manière efficiente, ce qui suppose de les évaluer régulièrement.

A.   Les modalités d’encadrement et d’évaluation des dépenses fiscales prévues par la loi de programmation des finances publiques

Les lois de programmation des finances publiques (LPFP) ont été instituées par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. Elles ont pour objet de fixer les « orientations pluriannuelles des finances publiques » (article 34 de la Constitution).

Depuis 2008, cinq LPFP ont été adoptées respectivement :

– en 2009 pour la période 2009-2012 ([170]) ;

– en 2010 pour la période 2011-2014 ([171]) ;

– en 2012 pour la période 2012-2017 ([172]) ;

– en 2014 pour la période 2014-2019 ([173]) ;

– et en 2018 pour la période 2018-2022 ([174]).

Chaque LPFP a prévu des instruments de pilotage des dépenses fiscales. Ceux-ci se sont révélés inefficients, les dépenses fiscales n’ayant fait que progresser au cours de la dernière décennie.

Coût des dépenses fiscales depuis 2009

(en milliards d’euros)

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

72,9

72,7

72,0

72,2

72,1

78,3

85,1

87,6

93,4

99,0

Source : annexes aux PLF.

Le constat est le même hors CICE. Elles sont sur ce périmètre en hausse de plus de 7 milliards d’euros en dix ans.

Coût des dépenses fiscales hors CICE depuis 2009

(en milliards d’euros)

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

72,9

72,7

72,0

72,2

72,1

71,9

72,7

74,7

77,1

79,6

Source : d’après les annexes aux PLF.

La LPFP 2018-2022, adoptée en début de législature, a fixé un objectif pluriannuel d’évolution des dépenses fiscales. À la différence des précédentes LPFP, le plafond est fixé en pourcentage d’un agrégat et non plus en valeur. L’agrégat est composé des recettes fiscales nettes du budget général et des dépenses fiscales. L’avantage est que le plafond peut ainsi évoluer proportionnellement à l’évolution des recettes ce qui permet de tenir compte de l’inflation et de la croissance économique.

La LPFP prévoit une trajectoire de baisse du plafond des dépenses fiscales sur la durée de la programmation : 28 % pour les années 2018 et 2019, 27 % pour l’année 2020, 26 % pour l’année 2021 et 25 % pour l’année 2022.

Méthode de calcul du ratio de dépenses fiscales

Le ratio de dépenses fiscales se calcule de la manière suivante.

Au numérateur figure le coût des dépenses fiscales présenté en détail dans le tome II de l’annexe Évaluations des voies et moyens du projet de loi de finances.

Au dénominateur figurent les recettes fiscales nettes du budget général telles qu’elles figurent à l’article d’équilibre du projet de loi de finances ainsi que les dépenses fiscales.

Selon la Cour des comptes, cet instrument de plafonnement est inefficient. En effet, « ce nouveau plafond a été fixé à un niveau qui dépasse largement le coût estimé des dépenses fiscales en 2018 (de 14,7 Md€) et en 2017 (de 21,5 Md€). Il est donc actuellement inopérant » ([175]).

Ratio de dépenses fiscales au sens de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022

(en milliards d’euros)

Année

2017

2018

2019

2020

Coût des dépenses fiscales

(numérateur)

93,4

99,0

99,4

90,0

Recettes fiscales nettes + coût des dépenses fiscales (dénominateur)

93,4 + 295,6

= 389,0

99 + 295,4

= 394,4

99,4 + 278,1 = 377,5

90 + 291,8

= 381,8

Ratio numérateur/dénominateur

24 %

25,1 %

26,3 %

23,6 %

Ratio maximum LPFP

28 %

28 %

27 %

Source : commission des finances.

Pour autant, la trajectoire définie par la LPFP 2018-2022 est une trajectoire de baisse du coût des dépenses fiscales. Elle marque la volonté exprimée sous cette législature de procéder à une profonde rationalisation des dépenses fiscales dont le présent article constitue une étape.

B.   L’émergence d’une volonté renouvelée et renforcée de disposer d’une meilleure information sur les dépenses fiscales

Le Parlement, et singulièrement l’Assemblée nationale, est attaché à l’efficience des dépenses fiscales. Dans la mesure où elles dérogent à la norme de l’impôt auquel elles se rattachent, il est naturel que le législateur, avant de se prononcer sur l’opportunité d’une telle dérogation, de sa prorogation ou de son évolution, dispose de l’ensemble des éléments utiles pour apprécier la pertinence de chaque dépense.

1.   Une information disponible qui n’embrasse pas l’ensemble des dépenses fiscales en vigueur

Actuellement, les principales sources d’information sur ces outils sont :

– le tome II des Évaluations des voies et moyens annexées à chaque projet de loi de finances, qui dresse la liste des dépenses fiscales, fournit pour la plupart d’entre elles des données utiles et mentionne les dernières évolutions apportées ; indispensables, les données figurant dans ce document sont cependant lacunaires (cf. infra) ;

– le rapport du comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, dit « rapport Guillaume » ([176]), présentant une évaluation approfondie d’un très grand nombre de dispositifs mais qui, datant de 2011, présente l’inconvénient d’être déjà relativement ancien et de ne pas intégrer les évolutions apportées depuis ni les nouvelles niches créées ;

– les rapports thématiques de la Cour des comptes et des corps de contrôle, tels que l’Inspection générale des finances (IGF), dont beaucoup sont récents et à jour mais qui ne portent que sur un dispositif ou une série de dépenses fiscales concourant à une politique publique donnée.

Aussi, malgré ces documents dont l’intérêt ne saurait être sous-estimé, l’évaluation des dépenses fiscales reste malheureusement trop lacunaire et imparfaite.

2.   La manifestation renouvelée de l’exigence d’une meilleure information du Parlement

L’exigence du Parlement de disposer d’une bonne information sur les dépenses fiscales, si elle n’est pas inédite, s’est manifestée de façon plus vigoureuse au cours des douze derniers mois.

● D’une part, l’examen du projet de loi de finances pour 2019 a été l’occasion d’attirer l’attention du Gouvernement sur l’impérieux besoin d’évaluation des dépenses fiscales.

Parallèlement à la suppression de certains dispositifs à l’initiative du Gouvernement ou de députés, un amendement d’appel de Mme Amélie de Montchalin et du Rapporteur général, faisant suite à plusieurs saisines des ministres sur le sujet, proposait la suppression d’une quinzaine de dépenses fiscales aux données lacunaires ([177]).

Ces débats ont été l’occasion pour le Gouvernement d’accueillir l’appel des députés et de s’engager à la réalisation d’une analyse précise de l’utilité des dépenses fiscales ([178]). L’IGF a ainsi été missionnée en ce sens le 11 avril 2019, afin d’élaborer une méthode d’évaluation et d’identifier parmi les dépenses fiscales en vigueur celles devant faire l’objet d’un examen prioritaire. Un rapport a été rendu en juin 2019, préconisant la mise en œuvre d’un programme pluriannuel d’évaluation portant sur les mesures dont le coût est d’au moins 100 millions d’euros ([179]).

● D’autre part, cette exigence de meilleure information parlementaire a été récemment consacrée par l’Assemblée nationale à travers l’adoption unanime, le 19 juin dernier, d’une proposition de résolution présentée par M. François Jolivet ([180]).

Cette résolution manifeste le souhait parlementaire d’une documentation de chaque dépense fiscale destinée à en établir l’utilité, notamment s’agissant de celles qui présentent des lacunes de chiffrage, et la volonté de mieux établir l’atteinte par ces dispositifs de leur objectif de politique publique.

● Enfin, l’édition 2019 du rapport sur l’application des mesures fiscales a permis au Rapporteur général de dresser un panorama complet de l’ensemble des dispositifs dérogatoires ([181]).

Ces travaux ont porté non seulement sur la notion même de dépense fiscale, perfectible car trop floue, mais surtout sur les données disponibles sur chacun de ces outils à partir du tome II des Évaluations des voies et moyens annexées au projet de loi de finances pour 2019 : coût – renvoyant à la problématique du chiffrage –, nombre de bénéficiaires et effets temporels, incluant le bornage dans le temps.

Il est renvoyé à ce rapport pour une présentation exhaustive de ces éléments ; seuls les traits saillants seront évoqués dans les développements suivants.

3.   Les illustrations de la nécessité d’une information exhaustive : les lacunes mises en évidence par le rapport sur l’application des mesures fiscales

L’analyse du Rapporteur général a mis en évidence les lacunes des informations contenues dans le tome II des Évaluations des voies et moyens.

Ainsi, nombreuses sont les dépenses fiscales non chiffrées ou ne faisant pas état du nombre de leurs bénéficiaires – bien que, dans ce second cas, certaines dépenses se prêtent mal à une évaluation de leurs bénéficiaires.

L’étude sous l’angle du bornage dans le temps dresse un constat encore plus critique, près de trois quarts des dépenses fiscales n’étant pas bornées, y compris pour des dispositifs pourtant créés sous l’empire de lois de programmation des finances publiques qui prévoyaient une échéance pour les mesures nouvelles ou élargies.

En outre, près d’une dépense fiscale sur dix référencées dans le tome II des Évaluations des voies et moyens cumule une triple lacune en matière de données : absence de chiffrage, nombre de bénéficiaires inconnu et aucun bornage temporel. Ce sont les « trous noirs fiscaux », sur lesquels aucune information n’est disponible.

Par ailleurs, alors que l’information du Parlement repose essentiellement sur ce tome II, le fait que ce dernier inclut de façon indifférenciée dans le total des dépenses fiscales et dans le coût global de ces dernières les dispositifs éteints est source de confusion – pour mémoire, les dispositifs éteints sont ceux dont le fait générateur est échu :

– les « niches froides », qui produisent encore des effets, représentent plus d’un cinquième du coût total des dépenses fiscales ; s’il est utile de disposer de cette information, l’inclusion de ce montant dans le coût global peut se révéler trompeuse dans la mesure où il n’est pas pilotable et que le législateur n’a généralement pas de prise sur lui ;

– les « niches mortes », dont les effets sont définitivement éteints d’après les documents budgétaires, gonflent de façon artificielle le nombre total des dépenses fiscales.

D’une manière générale, ce rapport sur l’application des mesures fiscales a souligné l’insuffisance des données exploitables pour que le Parlement puisse correctement remplir sa mission constitutionnelle d’évaluation des politiques publiques pour, le cas échéant, en tirer les conséquences dans la loi. Le tableau suivant dresse la synthèse des conclusions chiffrées du rapport, en faisant état de la part des dépenses fiscales concernées par une imperfection informative quelconque par rapport aux 472 dépenses fiscales recensées dans le tome II des Évaluations des voies et moyens annexées au projet de loi de finances pour 2019 ([182]).

nombre et proportion des dépenses fiscales
présentant une imperfection informative

Imperfection informative

Nombre de dépenses

Part dans le total

Dépenses éteintes

75

15,9 %

Lacune de chiffrage

122

27,4 %

Dont absence de chiffrage 2017-2018-2019

64

14,4 %

Dont chiffrage « epsilon »

58

13,0 %

Lacune du nombre de bénéficiaires en 2017

254

54,0 %

Lacune de bornage temporel

342

72,0 %

« Trous noirs fiscaux »

46

9,7 %

Source : Joël Giraud, Rapport dinformation sur lapplication des mesures fiscales, Assemblée nationale, XVe législature,  2169, 17 juillet 2019, pages 71‑110.

Pour améliorer l’information du Parlement, le bornage temporel constitue la première réponse susceptible d’être apportée : en ce qu’il donne une échéance à une dépense fiscale, il subordonne toute prorogation à une évaluation destinée à démontrer l’efficience de l’outil – ou, à tout le moins, est censé permettre une telle démarche.

La suppression des dépenses fiscales inefficientes est la seconde étape. Il n’est en effet guère rationnel de laisser subsister des dispositifs inutiles ou dont les objectifs sont plus efficacement atteints par d’autres mesures, fiscales ou non.

Enfin, il serait opportun que le Parlement et le Gouvernement s’attellent à mieux circonscrire le périmètre des dépenses fiscales. Le classement d’un dispositif en dépense fiscale est parfois incohérent et revêt une forme d’arbitraire. L’édition 2019 du rapport sur l’application des mesures fiscales fournit un certain nombre d’exemples de classements contestables ou, au contraire, de mesures qui auraient vocation à être classées parmi les dépenses fiscales ([183]).

Le Rapporteur général constate avec une satisfaction marquée les efforts déployés par l’administration pour améliorer l’exploitation des données figurant dans le tome II des Évaluations des voies et moyens : la version en annexe du projet de loi de finances pour 2020 est assortie d’un tableur recensant l’ensemble des dispositifs, permettant d’identifier plus rapidement les données souhaitées et, surtout, de procéder à diverses opérations. La production d’un tel document répond aux vœux formulés dans le rapport sur l’application des mesures fiscales.

*

*     *

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, le Rapporteur général ne peut donc que se réjouir du principe et de l’esprit du présent article et, plus encore, du programme pluriannuel d’évaluation prioritaire que son évaluation préalable propose. Cette démarche figurait d’ailleurs parmi les recommandations faites dans le rapport de juillet dernier ([184]).

II.   Les dépenses fiscales dont la suppression est proposée

Le présent article propose de supprimer sept dépenses fiscales jugées inefficientes synthétisées dans le tableau suivant.

Synthèse des dépenses fiscales
dont la suppression est proposée par le présent article

Numéro

Libellé

Fondement
(CGI)

Chiffrage 2020
(en millions deuros)

Partie du présent I du commentaire

170308

Exclusion temporaire du revenu imposable des bénéfices provenant de l’exploitation de terrains auparavant non cultivés affectés à des cultures agréés pour la détermination du revenu imposable afférent aux exploitations agricoles situées dans les DOM

Art. 76 bis

nc

A

120507

Étalement sur quatre ans de l’imposition du montant des droits transférés d’un compte épargne-temps vers un plan d’épargne pour la retraite collectif (PERCO) ou d’un plan d’épargne entreprise investi en titres de l’entreprise ou assimilés et de la fraction imposable des indemnités de départ volontaire en retraite ou de mise à la retraite

Art. 163 A

nc

B

Étalement de l’imposition de l’indemnité compensatrice de préavis

Art. 163 quinquies

nc

B

300205

Exonération d’impôt sur les sociétés des établissements publics et des sociétés d’économie mixte chargés de l’aménagement par une convention contractée, en application du deuxième alinéa de l’article L. 300‑4 du code de l’urbanisme ainsi que des sociétés d’habitations à loyer modéré régies par l’article L. 411‑2 du code de la construction et de l’habitation, pour les résultats provenant des opérations réalisées dans le cadre d’une zone d’aménagement concerté

Art. 207, 1, 6° bis

nc

C

210306

Réduction de l’impôt au titre des sommes consacrées par les entreprises à l’achat d’un trésor national

Art. 238 bis-0 AB

nc

D

710106

Exonérations de TVA relatives à la mise en valeur agricole de terres dans les DOM

Art. 291, 1, 3° et 4°

nc

E

570204

Enregistrement gratis des constitutions et dissolutions : - de sociétés de bains-douches et organismes de jardins familiaux ; - de sociétés coopératives artisanales ; - de sociétés mutualistes

1052-II-1° et 2°, 1087 1er alinéa

ε

F

N.B. : la mention « nc » signifie que la dépense fiscale est non chiffrée, la mention « ε » que son coût est inférieur à 500 000 euros.

Source : commission des finances.

Chacune de ces dépenses fiscales fera l’objet, dans les développements suivants, d’une présentation de son dispositif, des éléments justifiant l’opportunité de sa suppression et des modalités prévues par le présent article pour cette suppression.

A.   Le régime spécial des cultures agréées dans les départements d’outre-mer

1.   Une exonération provisoire de certaines exploitations agricoles non évaluée et inappliquée

a.   Présentation de la dépense fiscale

Créé en 1960 ([185]) et codifié à l’article 76 bis du CGI, le régime spécial des cultures agréées dans les départements d’outre-mer consiste en une exclusion pendant dix ans du revenu imposable des bénéfices tirés de l’exploitation de terrains auparavant non cultivés et qui sont affectés à certaines cultures agréées par arrêté préfectoral après avis de la commission d’aménagement foncier.

Ce dispositif revient donc à exonérer l’exploitant agricole d’impôt sur le revenu (IR) pour la période considérée. La période d’exonération de dix ans porte sur les dix années qui suivent celle de l’affectation des terrains aux cultures entrant dans le champ du dispositif, appréciée au regard du début des travaux permettant une telle affectation, ainsi qu’en dispose le I de l’article 38 sexdecies T de l’annexe III du CGI.

La notion de terrain non cultivé est définie au I de l’article 38 sexdecies S de cette annexe III ; elle recouvre les terrains en friche depuis au moins quinze ans. Le second alinéa de ce I précise qu’en Guyane, sont réputés en friche les terrains faisant l’objet d’une exploitation forestière et ceux exploités temporairement sur abattis.

Les cultures éligibles à l’agrément sont celles susceptibles de réduire les importations, d’ouvrir de nouveaux marchés ou d’assurer le développement économique et social de la collectivité d’outre-mer concernée, « dans le cadre des objectifs du Plan », ainsi qu’en dispose le II de l’article 38 sexdecies S.

Aux termes du III du même article, l’arrêté préfectoral dressant la liste des cultures agréées au sens de l’article 76 bis doit également faire état de l’aire géographique de chaque culture agréée et, le cas échéant, indiquer les caractéristiques que les cultures doivent présenter du point de vue de la densité des plantations, des variétés de plantes recommandées ou tolérées et des conditions d’entretien.

Le non-respect des conditions fixées dans l’agrément – telles que celles portant sur la densité des plantations – ou la cessation de l’affectation des terrains aux cultures emporte de plein droit la suppression de l’exonération, en vertu du II de l’article 38 sexdecies T précité.

b.   Un dispositif ancien, mal renseigné et inappliqué

Le régime spécial des cultures agréées dans les départements d’outre-mer remonte à 1960 et n’a, depuis, que très peu été modifié.

L’article 76 bis du CGI, version codifiée du dispositif, reprend quasiment littéralement le 2 de l’article 15 de la loi du 21 décembre 1960 précitée. La seule modification substantielle apportée depuis est l’extension du dispositif à Mayotte ([186]).

Si l’ancienneté ne disqualifie naturellement pas une dépense fiscale, la référence expresse au Plan dans les mesures réglementaires prises pour l’application de l’article 76 bis du CGI peut être vue comme traduisant une certaine obsolescence de l’outil.

Aucune donnée utile sur ce dernier n’est au demeurant disponible : le régime spécial relève en effet de la catégorie des « trous noirs fiscaux » précédemment mentionnée, dans la mesure où son coût n’est pas chiffré, le nombre de ses bénéficiaires n’est pas déterminé et il n’est pas borné dans le temps.

Cette absence de données n’est cependant pas surprenante. D’après les éléments fournis par le Gouvernement, aucun arrêté prévu au III de l’article 38 sexdecies S de l’annexe III du CGI n’a été pris, ce qui a pour effet de priver le dispositif de toute application concrète. Cette inapplicabilité n’a manifestement pas eu de conséquence dommageable, constat qui milite pour la suppression de l’outil.

Enfin, il ne paraît pas inutile de rappeler qu’il existe d’autres dispositifs fiscaux avantageux pour les exploitations situées en outre-mer, comme en témoigne la récente refonte des zones franches d’activité (ZFA) situées en outre-mer en zones franches d’activité nouvelle génération, ou « ZFANG », auxquelles les entreprises agricoles sont éligibles et qui prévoient des abattements pérennes et à des taux majorés par rapport au dispositif des ZFA.

Supprimer la dépense fiscale ne traduit donc en aucun cas une volonté d’atténuer le soutien aux collectivités d’outre-mer, loin de là, mais relève d’une rationalisation logique des dispositifs dérogatoires.

2.   La suppression proposée de la dépense fiscale

● La suppression du régime spécial des cultures agréées dans les départements d’outre-mer est prévue au  du II du présent article, qui abroge larticle 76 bis du CGI.

● Aux termes du A du III du présent article, cette abrogation sera applicable aux revenus tirés de terrains dont la première affectation aux cultures agréées n’est pas intervenue à la date du 30 juin 2020.

Ce décalage temporel vise à tenir compte d’éventuelles opérations de défrichement en cours, préalables à l’affectation des terrains. Il s’agit donc d’une mesure destinée à éviter toute pénalisation des exploitants qui auraient engagé des travaux de défrichement de terrains pour affecter ceux-ci à des cultures agréées, espérant ainsi bénéficier de l’exonération prévue.

Une telle mesure, bienvenue dans son principe et devant être conservée à ce titre, semble néanmoins superflue en l’état eu égard à l’inapplicabilité de l’exonération en raison du défaut d’adoption des arrêtés préfectoraux requis.

● L’impact budgétaire de la suppression proposée n’est pas connu, la dépense n’étant pas chiffrée.

Néanmoins, si l’absence d’arrêté préfectoral a pour effet de rendre inapplicable le dispositif, le coût de ce dernier doit être nul et sa disparition devrait ainsi se révéler neutre pour les finances publiques.

B.   Les mécanismes d’étalement de l’imposition de certains revenus

1.   Des mécanismes d’étalement destinés à lisser l’imposition de certains revenus

Certaines dépenses fiscales offrent la possibilité aux contribuables d’étaler sur plusieurs années l’imposition de certains revenus, conduisant à lisser les montants dus et donc à atténuer la charge fiscale au titre d’une année donnée. Ils constituent une dérogation au principe prévu à l’article 12 du CGI en vertu duquel l’IR dû au titre d’une année donnée porte sur les revenus dont le contribuable a disposé durant cette année.

Ces dispositifs ne doivent pas être confondus avec le système du quotient prévu à l’article 163‑0 A du CGI relatif aux revenus exceptionnels.

Le système du quotient

Pour éviter que la progressivité de l’impôt n’aboutisse à soumettre à une imposition excessive les revenus exceptionnels, l’article 163-0 A du CGI prévoit un système particulier d’imposition, dit système du quotient, consistant en quatre étapes :

– le calcul de l’impôt sur le revenu ordinaire ;

– le calcul de l’impôt sur le revenu ordinaire majoré du quotient, ce dernier étant obtenu en divisant le revenu exceptionnel par un coefficient de quatre ;

– la multiplication, par ce même coefficient de quatre, de la différence entre le montant d’impôt assis sur le revenu ordinaire majoré du quotient et le montant d’impôt sur le seul revenu ordinaire ; ce produit aboutit à la « cotisation supplémentaire » ;

– addition du montant de l’impôt sur le revenu ordinaire et de la cotisation supplémentaire.

Le système du quotient s’applique également à certains revenus différés – le coefficient étant alors égal au nombre d’années civiles correspondant aux arriérés, majoré de un.

 

a.   L’étalement de l’imposition des droits transférés d’un compte épargne‑temps vers certains plans d’épargne et des indemnités de départ volontaire à la retraite ou de mise en retraite

Un mécanisme d’étalement de l’imposition sur quatre ans est prévu au I de l’article 163 A du CGI s’agissant :

– du montant des droits transférés d’un compte épargne-temps (CET) à un plan d’épargne pour la retraite collective (PERCO) ;

– du montant des droits transférés d’un CET à un plan d’épargne entreprise (PEE) en vue de l’acquisition de titres de l’entreprise dans laquelle est employé le salarié, d’une entreprise liée à celle-ci ou de certains fonds d’épargne salariale, ainsi qu’il résulte du renvoi au troisième alinéa de l’article L. 3332‑10 du code du travail ;

– des indemnités de départ volontaire en retraite ou de mise en retraite.

Le CET

Le CET, régis par les articles L. 3151‑1 et suivants du code du travail, permet à un salarié, aux termes de l’article L. 3151‑2 du même code, d’accumuler des droits à congés ou de bénéficier d’une rémunération en contrepartie des périodes de congés non prises ou des sommes qu’il y affecte.

Un salarié peut librement affecter sur son CET :

– les jours non posés de la cinquième semaine de congés ou au-delà du vingt‑quatrième jour ouvrable de congé ;

– certains jours de congés supplémentaires ;

– les périodes de repos non prises, telles que les journées de réduction du temps de travail (RTT) ;

– certains éléments de rémunération (primes, augmentations, etc.).

● Les sommes affectées à un CET sont soumises à l’IR et doivent être déclarées, sous réserve de certaines exonérations :

– les sommes versées par l’employeur ne sont pas imposables, en application du a du 18° de l’article 81 du CGI ;

– les droits inscrits sur un CET utilisés pour alimenter un PERCO et qui ne viennent pas d’un abondement de l’employeur sont également exonérés d’IR dans la limite de dix jours par an, ainsi qu’il résulte du b du même 18°. Le principe du versement de sommes inscrites au CET à un PERCO est prévu à l’article L. 3331‑8 du code du travail.

● Les indemnités de départ ou de mise à la retraite, quant à elles, font l’objet d’une fiscalité différente selon les conditions et la nature du départ.

S’agissant d’un départ volontaire, les indemnités sont totalement exonérées si le départ a lieu dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi, et imposables dans leur intégralité en l’absence d’un tel plan.

S’agissant d’une mise à la retraite du salarié par son employeur, l’indemnité est exonérée si son montant n’excède pas le plafond prévu par la loi, la convention collective ou l’accord professionnel ou interprofessionnel. Si elle excède ce plafond, seule une fraction de son montant est imposable, l’indemnité faisant l’objet d’une exonération partielle limitée au plus élevé des deux montants :

– 50 % de l’indemnité perçue ;

– le double de la rémunération annuelle brute perçue au cours de l’année civile précédent celle de la rupture du contrat de travail.

L’exonération partielle ne peut toutefois dépasser cinq fois le plafond annuel de la sécurité sociale, soit 202 620 euros pour 2019 (sur la base d’un plafond annuel de 40 524 euros ([187])).

● Le contribuable ayant procédé aux transferts de droits ou ayant perçu une des indemnités précédemment mentionnées peut, sur option irrévocable, solliciter l’étalement de l’imposition de ces sommes sur quatre ans, par fraction égale au titre de l’année du transfert de droits ou de la perception de l’indemnité et des trois années suivantes.

Une telle option est alors exclusive du système du quotient prévu à l’article 163‑0 A du CGI, à l’image de ce qui est prévu dans le cadre du régime d’étalement de l’imposition des primes olympiques.

Enfin, en cas de transfert du domicile du contribuable hors de France ou de décès du contribuable, la base d’imposition retenue au titre de l’année du transfert ou du décès inclut les revenus dont l’imposition a été différée en vertu du mécanisme d’étalement prévu au I de l’article 163 A du CGI, ainsi qu’il résulte des dispositions combinées du II de cet article et des articles 167 et 204 du même code.

● Le nombre de ménages ayant bénéficié de cette dépense fiscale en 2018 n’est pas déterminé, pas plus que son coût : cette dépense fiscale relève de la catégorie des « trous noirs fiscaux ».

b.   L’étalement de l’imposition de l’indemnité compensatrice de préavis

● Un salarié licencié ou démissionnaire est, en principe, tenu d’effectuer une période de préavis, ou « délai-congé », dont la durée varie en fonction de son ancienneté. À titre d’exemple, aux termes des 2° et 3° de l’article L. 1234‑1 du code du travail, le préavis est d’un mois pour une ancienneté supérieure à six mois et inférieure à deux ans, et de deux mois pour une ancienneté d’au moins deux ans. Ces dispositions sont applicables sauf si la convention ou l’accord collectif, le contrat de travail ou les usages professionnels prévoient des conditions plus favorables.

● En cas d’inexécution de ce préavis, notamment lorsqu’elle résulte d’une dispense accordée par l’employeur, le salarié peut prétendre à une indemnité compensatrice en vertu de l’article L. 1234‑5 du code du travail.

Le montant de cette indemnité correspond à la rémunération brute, assujettie aux cotisations sociales patronales, que le salarié aurait touchée s’il avait exécuté le préavis ([188]).

● Dans l’hypothèse où le préavis non exécuté se répartit sur plus d’une année civile, le contribuable peut, sur le fondement de l’article 163 quinquies du CGI, demander à ce que le montant de l’indemnité compensatrice qui lui a été versée soit réparti sur les années concernées, par fractions correspondant à la part de l’indemnité afférente à chacune de ces années.

Illustration de la mise en œuvre de l’étalement
de l’indemnité compensatrice de préavis

Un salarié est licencié le 1er novembre N. Il est dispensé par son employeur d’effectuer un préavis, d’une durée de cinq mois, et perçoit ainsi l’indemnité compensatrice prévue à l’article L. 1234‑5 du code du travail.

L’option pour l’étalement du montant de cette indemnité conduit à rattacher :

– 40 % de l’indemnité aux revenus de l’année N (indemnité correspondant aux deux mois de novembre et décembre sur les cinq mois du préavis) ;

– 60 % de l’indemnité aux revenus de l’année N + 1 (indemnité correspondant aux trois mois de janvier, février et mars du préavis).

L’indemnité compensatrice de préavis ne peut faire l’objet du système du quotient prévu à l’article 163‑0 A du CGI dans la mesure où elle ne constitue pas un revenu exceptionnel au sens du III de cet article ([189]).

Il y a lieu de relever l’absence de référence du mécanisme prévu à l’article 163 quinquies du CGI dans le tome II des Évaluations des voies et moyens annexées aux projets de loi de finances.

2.   Des dispositifs à l’intérêt limité et qui s’articulent mal avec le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu

Plusieurs raisons justifient la suppression des dispositifs d’étalement qui viennent d’être présentés ; certaines leur sont communes, d’autres sont propres à un dispositif en particulier.

a.   Des dispositifs susceptibles de conduire à d’importantes variations d’impôt dans le cadre du prélèvement à la source

Les dispositifs d’étalement de l’imposition des droits transférés depuis un CET sur un PERCO ou un PEE, des indemnités de départs volontaire ou de mise à la retraite et de l’indemnité compensatrice de préavis risquent de se révéler délicats à mettre en œuvre dans le cadre du prélèvement à la source de l’IR, et pourraient pénaliser les contribuables décidant d’y avoir recours, à rebours de leur objectif initial de lissage de la charge fiscale.

En effet, les montants concernés par les différentes modalités d’étalement seront, sauf exonération expresse, intégralement imposés au moment de leur versement, l’option pour l’étalement n’intervenant qu’au moment de la déclaration des revenus de l’année durant laquelle les sommes ont été versées, c’est à dire en N + 1 pour des versements effectués en N.

En conséquence, un contribuable sollicitant le bénéfice du dispositif d’étalement au titre d’une somme versée lors d’une année N devrait acquitter, durant cette année N, l’IR au titre de l’intégralité de cette somme. Cela aboutirait à un sur-prélèvement par rapport à ce qui aurait résulté de la mise en œuvre de l’étalement. L’excédent serait ensuite remboursé lors du solde définitif, en N + 1, et le prélèvement à la source acquitté au titre des années suivantes ferait l’objet d’un sous-prélèvement (années N + 1 à N + 3 s’agissant du mécanisme prévu à l’article 163 A du CGI, année N + 1 s’agissant du mécanisme prévu à l’article 163 quinquies du même code).

En outre, il appartiendrait au contribuable concerné de réintégrer aux revenus de chacune des années suivant celle du versement des revenus considérés une fraction du montant initialement perçu, cette fraction n’ayant pas fait l’objet du prélèvement à la source dans la mesure où ce dernier aurait été appliqué à l’intégralité des droits ou indemnités l’année de leur versement.

Les éléments relatifs au prélèvement à la source constituent à eux seuls des justifications suffisantes pour supprimer les dispositifs présentés, mais d’autres raisons renforcent la pertinence d’une telle suppression.

b.   L’existence de mécanismes satisfaisant les dispositifs visés ou les privant d’effets

● Ainsi qu’il a été vu, les droits transférés depuis un CET et les indemnités de départ volontaire et de mise en retraite sont éligibles au système du quotient.

Les contribuables disposeront donc toujours de la possibilité d’opter pour un dispositif de lissage de l’IR. Il ressort d’ailleurs de l’évaluation préalable du présent article que, s’agissant de l’étalement de l’imposition des droits transférés depuis un CET vers un PERCO, le recours au mécanisme d’étalement n’est pas toujours fait à bon escient : d’après les dernières données à la disposition de l’administration fiscale, près de 40 % des foyers qui ont opté pour ce mécanisme auraient plutôt dû choisir le système du quotient. Il est possible que ce taux élevé de désagrément pour les contribuables résulte d’une mauvaise connaissance du mécanisme ou d’un défaut d’information sur le système du quotient. En tout état de cause, il est permis de s’interroger sur la pertinence d’un outil qui conduit deux de ses utilisateurs sur cinq à payer plus d’impôt par rapport à un autre outil existant.

● Au-delà de l’existence d’un autre mécanisme d’étalement, il est nécessaire de rappeler que les sommes versées pour alimenter un PERCO font l’objet d’une exonération en application du b du 18° de l’article 81 du CGI.

*

*     *

Pour l’ensemble de ces raisons, le maintien des deux dispositifs d’étalement présentés ne se justifie pas, appelant à leur suppression.

3.   La suppression proposée des deux dispositifs d’étalement

● La suppression des deux dépenses fiscales étudiées est réalisée par les  et 3° du II du présent article :

– le  abroge larticle 163 A du CGI, concernant le dispositif applicable aux droits transférés du CET et aux indemnités de retraite ;

– le  abroge larticle 163 quinquies du même code dédié aux indemnités compensatrices de préavis.

La suppression de ces dispositifs s’appliquera à l’imposition des revenus de l’année 2020, aux termes du B du III du présent article. Toutefois, ce même B prévoit que les options exercées au titre d’une année antérieure à 2020 ne sont pas remises en cause. En conséquence, un contribuable pourra toujours exercer une option en 2020 au titre d’un revenu perçu jusqu’au 31 décembre 2019.

● Conséquence de l’abrogation de l’article 163 A, le  du II du présent article abroge le 5 de l’article 170 relatif aux obligations déclaratives des contribuables ayant opté pour le mécanisme supprimé.

● L’impact de cette suppression sur les recettes fiscales de l’État n’est pas chiffré, les dépenses concernées ne l’étant pas elles-mêmes.

C.   L’exonération d’impôt sur les sociétés des résultats tirés d’opérations réalisées dans certaines zones d’aménagement

1.   Une exonération ciblée mais dont l’utilité n’est pas établie

Les établissements publics et, plus généralement, les personnes morales publiques, sont en principe passibles de l’impôt sur les sociétés (IS) lorsqu’ils se livrent à une exploitation ou à des opérations à caractère lucratif, aux termes du 1 de l’article 206 du CGI. Cet assujettissement fait écho au principe général prévu à l’article 1654 du CGI selon lequel les établissements publics, les organismes concessionnaires ou subventionnés, les entreprises disposant d’avantages publics et celles dans lesquelles l’État ou les collectivités territoriales détiennent une participation sont censés acquitter dans les conditions de droit commun les impôts et taxes auxquels les entreprises privées se livrant aux mêmes opérations seraient assujetties.

Certaines exonérations sont cependant prévues par la loi, telles que celle figurant au 6° bis du 1 de l’article 207 du CGI. Cette exonération d’IS concerne certaines opérations d’aménagement en faveur de la construction ou de la rénovation de logements.

a.   Une exonération portant sur les bénéfices tirés de certaines opérations d’aménagement

Les organismes éligibles au dispositif d’exonération sont limitativement énumérés au 6° bis du 1 de l’article 207 du CGI et doivent, pour certains, répondre à des conditions liées à leurs modalités de fonctionnement.

● En premier lieu, peuvent prétendre à l’exonération les établissements publics et les sociétés d’économie mixte (SEM) chargés de l’aménagement au titre d’une convention conclue sur le fondement de l’article L. 300‑4 du code de l’urbanisme, c’est-à-dire d’une convention de concession d’aménagement foncier attribuée après mise en concurrence dans le cadre d’une procédure d’appel d’offres.

Des conditions liées aux modalités de fonctionnement des établissements publics et des SEM sont également prévues à l’article 46 ter de l’annexe III du CGI :

– les établissements publics doivent être des établissements publics fonciers de l’État créés et fonctionnant conformément aux articles L. 321‑2 à L. 321‑8 du code de l’urbanisme – supposant notamment l’adoption d’un programme pluriannuel d’intervention – ou des établissements publics locaux d’aménagement régis par les articles L. 326‑1 à L. 326‑7 du même code ;

– les SEM doivent fonctionner conformément à l’article R. 321‑21 du même code relatif au contrôle financier et de gestion des établissements publics.

● En deuxième lieu, sont éligibles les organismes d’habitations à loyer modéré (OHLM) régis par l’article L. 411‑2 du code de la construction et de l’habitation.

Sont concernés les offices publics de l’habitat, les sociétés anonymes d’HLM, les sociétés anonymes coopératives de production, les sociétés anonymes coopératives d’intérêt collectif d’HLM, les fondations d’HLM, les sociétés de coordination mentionnées à l’article L. 423‑1‑2 du même code et les sociétés de vente d’HLM mentionnées à son article L. 422‑4.

● En troisième et dernier lieu, l’exonération est ouverte aux sociétés anonymes de coordination d’OHLM régies par l’article L. 423‑1‑1 du même code et constituées pour améliorer l’efficacité de l’activité de ses membres.

Il y a lieu de noter l’apparente obsolescence de l’article 46 bis de l’annexe III du CGI, relatif au champ de l’exonération, dans la mesure où il ne fait mention que des établissements publics et des SEM. Sa dernière modification remonte en effet à 2000, soit avant l’extension du champ de l’exonération aux OHLM et à leurs sociétés anonymes de coordination réalisée en 2004 et 2006 ([190]).

Les opérations dont les résultats sont exonérés en vertu du 6° bis du 1 de l’article 207 du CGI doivent être réalisées dans le cadre de certaines procédures d’aménagement limitativement énumérées au même 6° bis :

– zone d’aménagement concerté (ZAC) ;

– lotissements ;

– zone de restauration immobilière (ZRI) ;

– zone de résorption de l’habitat insalubre (ZRHI) ;

– opérations de rénovation urbaine (ORU).

Aux termes de l’article 46 bis de l’annexe III du CGI, l’exonération est limitée à la fraction des bénéfices tirés :

– de l’exécution des travaux d’aménagement, d’équipement général ou des ouvrages réalisés sur des terrains dont les organismes éligibles ne sont pas propriétaires ;

– ou des cessions ou locations portant sur des terrains ou immeubles que ces organismes ont préalablement pourvus des aménagements, équipements généraux ou ouvrages nécessaires à leur utilisation.

2.   Une dépense fiscale dont l’utilité n’est pas établie

● La dépense fiscale n° 300205 consacrée au 6° bis du 1 de l’article 207 du CGI et qui vient d’être présentée est l’un des « trous noirs fiscaux » : son coût n’est pas chiffré, le nombre des organismes en bénéficiant est inconnu et elle n’est pas bornée dans le temps.

Les données disponibles sur ce dispositif sont donc pour le moins lacunaires, sinon inexistantes. Il est dès lors impossible d’apprécier l’efficience de la mesure et, par conséquent, de démontrer l’intérêt de celle-ci et la justification de son maintien.

● Au demeurant, une grande partie des organismes éligibles à ce dispositif peuvent, en l’état du droit, prétendre au bénéfice d’une autre exonération.

En effet, les OHLM sont exonérés d’IS en vertu du 4° du 1 de l’article 207 du CGI pour les opérations réalisées au titre du service d’intérêt général qu’ils assurent – ainsi que pour les revenus tirés de la cession de certificats d’économie d’énergie, ceux générés par les locaux annexes et accessoires des HLM et pour les produits résultant du placement de leur trésorerie.

Enfin, d’autres dispositifs d’exonération existent en faveur des opérations d’aménagement et de construction, parmi lesquels :

– l’exonération des établissements publics au titre de leurs opérations de lotissement et de vente de terrains qui leur appartiennent, en vertu du 6° de l’article 208 du CGI ;

– l’exonération de certains organismes procédant, dans un but non lucratif, au lotissement et à la vente de terrains leur appartenant, tels que les sociétés coopératives de construction et certaines sociétés immobilières d’économie mixte, en application du 7° de l’article 207 du CGI.

L’opportunité de conserver un dispositif non évalué et à la pertinence très incertaine paraît donc d’autant plus avérée que d’autres outils poursuivant le même objectif ou un objectif voisin existent.

3.   La suppression proposée de la dépense fiscale

● La suppression de cette exonération est réalisée par le  du II du présent article, qui abroge le 6° bis du 1 de l’article 207 du CGI.

Par coordination, le  du même II supprime au 1 de l’article 206 du CGI la référence faite au 6° bis.

● Le C du III du présent article porte sur les modalités d’entrée en vigueur de l’abrogation proposée, et prévoit à cet effet qu’elle ne s’appliquera qu’aux opérations pour lesquelles l’appel d’offres prévu à l’article L. 300‑4 du code de l’urbanisme n’a pas été lancé à la date du 1er janvier 2020.

En conséquence, les opérations qui n’ont pas encore été réalisées mais dont l’appel d’offres a déjà été lancé ou sera lancé avant le 1er janvier 2020 ouvriront toujours droit à l’exonération d’IS.

Ces modalités d’entrée en vigueur sont opportunes en ce qu’elles évitent de grever excessivement des projets déjà engagés et dont les conditions financières ont pu intégrer le principe de l’exonération.

D.   réduction d’impôt de 40 % au titre des sommes consacrées par les entreprises à l’achat d’un trésor national

1.   Présentation de la dépense fiscale

La loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992([191]) a introduit un dispositif visant à empêcher l’exportation des biens culturels qualifiés de trésors nationaux.

Par la suite, la loi n° 2002-5 du 4 janvier 2002 sur les musées de France a introduit des dispositifs fiscaux incitatifs dans le même objectif de conservation des trésors nationaux. C’est ainsi qu’a été créée la réduction d’impôt de 40 % des sommes engagées par une entreprise pour l’acquisition d’un trésor national, à charge pour elle de le laisser exposé dans un musée de France pendant dix ans avant d’en récupérer la jouissance.

Cette même loi a créé un dispositif fiscal encore plus incitatif consistant en une réduction de l’impôt sur les sociétés égale à 90 % des versements effectués pour permettre l’acquisition par l’État d’un bien trésor national, dans la limite de 50 % de l’impôt dû. Cette réduction d’impôt est codifiée à l’article à l’article 238 bis-0 A du code général des impôts.

Le présent article porte uniquement sur la réduction d’impôt de 40 % pour l’achat d’un trésor national, codifiée à l’article 238 bis-0 AB du code général des impôts.

Cette réduction d’impôt bénéficie aux entreprises, quel que soit leur régime d’imposition, leur objet ou leur forme, et s’impute sur l’impôt dû au titre de leur résultat, c’est-à-dire soit l’impôt sur le revenu, soit l’impôt sur les sociétés.

Elle est égale à 40 % des sommes consacrées à l’achat de biens culturels faisant l’objet à la date d’acquisition d’un refus de certificat d’exportation, étant précisé que seuls les biens culturels présentant le caractère de trésor national peuvent se voir refuser la délivrance d’un tel certificat.

Quatre conditions doivent être remplies :

– le bien ne doit pas avoir fait l’objet d’une offre d’achat de l’État ;

– l’entreprise s’engage à consentir au classement du bien comme monument historique ou comme archives historiques ;

– le bien ne doit pas être cédé avant l’expiration d’un délai de dix ans à compter de l’acquisition ;

– durant ce délai de dix ans, le bien doit être placé en dépôt auprès d’un musée de France, d’un service public d’archives ou d’une bibliothèque relevant de l’État ou placée sous son contrôle technique.

La réduction d’impôt est, en outre, subordonnée à l’agrément du ministre de l’économie et des finances, qui se prononce après avis de la commission consultative des trésors nationaux.

Selon les informations contenues dans le tome 2 de l’annexe Évaluations des voies et moyens, aucune entreprise n’a bénéficié de cette réduction d’impôt en 2017.

Selon la Cour des comptes, la réduction d’impôt de 40 % pour achat d’un trésor national « a toujours représenté une dépense fiscale inférieure à 1 M€, sauf en 2016 (2 M€) en raison de lacquisition par la Banque de France de deux tableaux dun coût important » ([192]).

2.   Raisons de la suppression

La réduction d’impôt de 40 % pour l’acquisition d’un trésor national semble peu ou pas usitée. Il convient dès lors d’en déduire qu’elle n’est pas efficiente. Sa suppression ne se justifie donc pas par un souci de rendement budgétaire mais plutôt par une volonté de toilettage des dépenses fiscales.

Par ailleurs, elle poursuit le même objectif que la réduction d’impôt de 90 % pour permettre à l’État d’acquérir un trésor national. Cette réduction d’impôt est davantage utilisée. Son coût connaît cependant, compte tenu de la rareté et du coût des œuvres concernées, d’importantes variations annuelles. Il est chiffré pour 2018 à 7 millions d’euros, contre 4 millions d’euros en 2017 et 86 millions d’euros en 2016 ([193]), du fait de l’acquisition d’une œuvre de Rembrandt d’un coût de 80 millions d’euros ([194]).

E.   L’exonération de TVA sur la mise en valeur de terres dans les DOM

1.   Présentation de la dépense fiscale

Les opérations immobilières sont assujetties à la TVA dans les conditions de droit commun. Il s’agit en effet d’une livraison de bien susceptible en conséquence d’entrer dans le champ d’application de la TVA dès lors qu’elle est réalisée à titre onéreux par un professionnel indépendant.

Champ dapplication de la TVA

Le champ dapplication de la TVA est défini par les articles 256 et 256 A du code général des impôts.

L’article 256 dispose que « sont soumises à la TVA les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ».

L’article 256 A précise que « sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante » des activités économiques « de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées ».

Toutefois, les opérations immobilières connaissent beaucoup de spécificité en matière de TVA. En particulier, la mise en valeur de terres dans les DOM (départements d’outre-mer) bénéficie d’une exonération de TVA.

Les 3° et 4° du 1 de l’article 295 du code général des impôts dispose en effet que sont exonérés de TVA :

– les ventes relatives « à la mise en valeur agricole des terres incultes, des terres laissées à labandon et des terres insuffisamment exploitées de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Réunion et de la Guyane » ;

– et dans les départements « de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Réunion et de la Guyane, les opérations immobilières effectuées, en vue de laccession à la propriété rurale, par les sociétés daménagement foncier et détablissement rural » (SAFER) ainsi que « par les sociétés dintérêt collectif agricole, qui ont bénéficié dun agrément préalable avant le 28 décembre 1969 » ; le bénéfice de l’exonération est subordonné, pour les acquisitions, à l’engagement par ces sociétés « de procéder dans un délai de cinq ans au morcellement des terres en vue de leur cession à de petits exploitants agricoles ».

Cette exonération de TVA a été introduite par l’article 3 de la loi n° 61-843 du 2 août 1961 tendant à l’amélioration dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Réunion et de la Guyane de la situation des populations agricoles.

Le Gouvernement a indiqué ne disposer d’aucune information sur le nombre de bénéficiaires et le coût de cette dépense fiscale.

2.   Raisons de la suppression

Cette exonération de TVA semble peu ou pas usitée. Elle n’est pas bornée dans le temps et ne sont connus ni le nombre de bénéficiaires, ni son coût budgétaire. Elle relève donc de la catégorie des « trous noirs » fiscaux définis par le Rapporteur général dans son dernier RALF.

F.   L’exonération de droits d’enregistrement de certains actes

1.   Présentation de la dépense fiscale

Le II de l’article 1052 du code général des impôts exonère de droits d’enregistrement les actes nécessaires à la constitution et à la dissolution :

– des « sociétés de bains-douches » ;

– des « organismes de jardins familiaux » ;

– et des « sociétés coopératives artisanales ainsi [que des] groupements de ces mêmes coopératives ».

Les articles 1080 et 1087 du même code exonèrent de droits d’enregistrement tous les actes « intéressant les mutuelles » et les « sociétés de secours des ouvriers et employés des mines ».

Ces différentes exonérations ont des origines anciennes. La plus récente remonte à 1952. Le tableau qui suit mentionne le texte d’origine de ces différentes exonérations.

Exonération des droits d’enregistrement

Sociétés de bains-douches

articles 69 et 70 de la loi du 5 décembre 1922 portant codification des lois sur les habitations à bon marché et la petite propriété

Organismes de jardins familiaux

Loi n° 52-395 du 26 juillet 1952 portant codification de la législation des jardins familiaux

sociétés mutualistes

articles 72 et 79 de l’ordonnance n° 45-2456 du 19 octobre 1945

sociétés de secours des ouvriers et des employés de mines

Source : commission des finances.

Selon les évaluations préalables du Gouvernement, le recours à ce dispositif est très limité. En effet, son « coût est évalué à epsilon depuis 2009, sauf pour 2013 (1 million deuros) ». Le Gouvernement rappelle en outre que « les travaux dévaluation réalisés dans le cadre du rapport dévaluation des dépenses fiscales et des niches sociales de 2011 ont constaté seulement 28 cas de recours à ce dispositif sur lannée 2009 ».

2.   Raisons de la suppression

Le Gouvernement avance plusieurs raisons pour justifier la suppression de cette dépense fiscale.

En premier lieu, la dépense fiscale n’aurait pas de finalité économique.

En deuxième lieu, les sociétés de bains-douches et les organismes de jardins familiaux bénéficient déjà d’avantages fiscaux comme l’exonération de cotisation foncière des entreprises (3° et 4° de l’article 1461 du CGI). Les sociétés coopératives artisanales sont, elles, exonérées de l’impôt sur les sociétés (article 207.1.-3°bis du CGI).

Enfin et surtout, en troisième lieu, depuis le 1er janvier 2019, certains actes relatifs à la vie des sociétés ne donnent plus lieu au paiement de droits d’enregistrement. En effet, l’article 26 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 a prévu que certains actes qui donnaient précédemment lieu à la perception d’un droit fixe de 375 euros ou de 500 euros soient désormais enregistrés gratuitement.

III.   Les dépenses fiscales dont le bornage temporel est proposé

Parallèlement aux suppressions proposées, le présent article prévoit également de borner dans le temps trois dépenses fiscales et un élément d’assiette d’une quatrième :

– le crédit d’impôt innovation (CII), prévu au k du II de l’article 244 quater B du CGI ;

– le crédit d’impôt famille (CIF) prévu à l’article 244 quater F du CGI ;

– le crédit d’impôt pour formation des dirigeants d’entreprise (CIFDE) prévu à l’article 244 quater M du CGI ;

– et, s’agissant du crédit d’impôt recherche (CIR) prévu à l’article 244 quater B précité, l’éligibilité des dépenses liées à l’élaboration de nouvelles collections dans le secteur textile-habillement-cuir (« CIR-THC », également appelé « crédit d’impôt collection »), prévue aux h et i du II de cet article.

Ces dispositifs sont résumés dans le tableau suivant.

synthèse des dépenses fiscales dont le bornage temporel
est proposé par le présent article

Numéro

Libellé

Fondement
(CGI)

Chiffrage 2018
(en millions deuros)

Estimation 2020
(en millions deuros)

200302

Crédit d’impôt en faveur de la recherche (CIR) – volet « THC »

Art. 244 quater B, II, h et i

nd (1)

nd (1)

200310

Crédit d’impôt en faveur de l’innovation (CII)

Art. 244 quater B, II, k

190

200

210308

Crédit d’impôt famille (CIF)

Art. 244 quater F

110

nc

210315

Crédit d’impôt au titre des dépenses engagées pour la formation du chef d’entreprise (CIFDE)

Art. 244 quater M

52

52

(1) : le coût du volet « THC » du CIR n’est pas indiqué isolément et est inclus dans le coût du CIR.

Source : commission des finances, à partir du tome II des Évaluations des voies et moyens annexées au projet de loi de finances pour 2020.

1.   Présentation des dépenses fiscales

a.   Le crédit d’impôt recherche « textile-habillement-cuir » (CIR‑THC) et le crédit d’impôt innovation (CII)

Prévus à l’article 244 quater B du CGI, le CIR et le CII permettent aux entreprises assujetties à l’IS ou à l’IR imposées d’après leur bénéfice réel de disposer d’un avantage fiscal assis sur les dépenses de recherche (pour le CIR) ou d’innovation (pour le CII) qu’elles exposent.

Le CIR et le CII s’imputent, en vertu des articles 199 ter B et 220 B du CGI, sur l’impôt dû au titre de l’année durant laquelle les dépenses ont été engagées. L’excédent constitue une créance imputable sur l’impôt dû au titre des trois années suivantes, l’éventuelle fraction non utilisée étant ensuite remboursée. Pour les entreprises dont l’exercice ne coïncide pas avec l’année civile, l’imputation se fait sur l’impôt dû au titre de l’exercice clos l’année suivant celle durant laquelle les dépenses ont été engagées.

● Dans la mesure où seul un volet du CIR est concerné par le présent article, et qu’un article en seconde partie du présent projet de loi de finances est dédié à cette dépense fiscale ([195]), seules les principales caractéristiques de celle-ci seront présentées dans les développements suivants, avant d’aborder le volet THC. Pour une présentation plus complète du CIR, il est renvoyé à l’édition 2018 du rapport sur l’application des mesures fiscales ([196]).

Le CIR est égal à 30 % des dépenses éligibles exposées, pour leur fraction n’excédant pas 100 millions d’euros, et de 5 % au-delà. Le taux de 30 % est majoré à 50 % pour les exploitations situées en outre-mer (et, pour les exercices clos à compter du 31 décembre 2019, en Corse ([197])).

Les dépenses ouvrant droit au crédit d’impôt sont mentionnées aux a à j du II de l’article 244 quater B du CGI. Elles incluent notamment les dotations aux amortissements des immobilisations affectées à des opérations de recherche, les rémunérations du personnel affecté à de telles opérations, les dépenses liées à des opérations confiées à des sous-traitants, certaines dépenses de propriété intellectuelle ainsi que des frais de fonctionnement calculés forfaitairement – ce sont ces derniers dont il est prévu que le régime soit modifié par l’article 49 du présent projet de loi.

● Les dépenses liées à l’élaboration de nouvelles collections qu’engagent les entreprises industrielles du secteur « textile-habillement-cuir » (THC) ouvrent également droit au CIR au titre de son volet CIR-THC mentionné aux h et i du II de l’article 244 quater B du CGI. Introduit par la loi de finances rectificative pour 1991 ([198]), le CIR-THC a été étendu aux opérations sous-traitées par la loi de finances pour 1999 ([199]).

Les entreprises éligibles doivent remplir les trois conditions suivantes pour prétendre au bénéfice de l’outil :

– leurs activités relèvent du secteur THC au sens de la Nomenclature d’activités françaises (NAF) et prévues dans cette dernière aux divisions 13 (fabrication de textiles), 14 (industrie de l’habillement) et 15 (industrie du cuir et de la chaussure) de la section C « Industrie manufacturière » ;

– ces activités ont une nature industrielle, définie comme une activité concourant directement à la fabrication ou à la transformation de biens corporels mobiliers pour laquelle le rôle des installations techniques, matériels et outillages est prépondérant ;

– elles procèdent à l’élaboration de nouvelles collections, c’est-à-dire à des travaux portant sur la mise au point d’une gamme de produits devant être renouvelée à intervalles réguliers et connus à l’avance.

Les dépenses ouvrant droit au CIR-THC sont définies aux h et i précités :

– dépenses de personnel afférentes, d’une part, aux stylistes et techniciens des bureaux de styles exclusivement chargés de la conception de nouveaux produits, d’autre part, aux ingénieurs et techniciens chargés de la réalisation de prototypes ou d’échantillons – sont retenus les salaires, indemnités, primes et cotisations sociales obligatoires (1° du h) ;

– dotations aux amortissements des immobilisations affectées à la conception des nouvelles collections ou à la réalisation de prototypes ou d’échantillons non vendus (2° du h) ;

– dépenses de fonctionnement, calculées forfaitairement et égales à 75 % des dépenses de personnel retenues dans l’assiette du CIR-THC (3° du h) ;

– dépenses de propriété intellectuelle : frais de dépôt des dessins et modèles afférents aux produits appartenant aux nouvelles collections (4° du h) et, dans la limite de 60 000 euros par an, leurs frais de défense (5° du h) ;

– dépenses liées à l’élaboration de nouvelles collections qui sont confiées à des stylistes ou des bureaux de styles agréés selon des modalités précisées à l’article 49 septies I ter de l’annexe III du CGI (i).

Le bénéfice du CIR-THC est subordonné au respect du règlement européen du 18 décembre 2013 relatif aux aides de minimis ([200]) en vertu du 1 du II bis de l’article 244 quater B du CGI.

Le règlement général d’exemption par catégorie
et le règlement sur les aides de minimis

Aux termes des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), les aides accordées par les États membres qui favorisent certains secteurs ou entreprises et peuvent fausser la concurrence sont en principe incompatibles avec le marché intérieur et doivent être notifiées à la Commission pour examen.

Certaines aides, toutefois, sont considérées comme compatibles et dispensées de notification.

● En premier lieu, des catégories d’aides à certains secteurs sont réputées compatibles avec le marché intérieur au titre du règlement général d’exemption par catégorie (RGEC) du 17 juin 2014 (1) révisé en 2017 (2).

Le RGEC dresse la liste de treize catégories d’aides éligibles et fixe les seuils d’exemption de notification, variables en fonction des catégories. Aux termes de son article 59, il est applicable jusqu’au 31 décembre 2020, mais a été prolongé pour deux ans par la Commission européenne en janvier 2019 (3).

● En second lieu, certaines aides sont jugées compatibles dans la mesure où leur faible montant est considéré comme insusceptible de fausser la concurrence : ce sont les aides de minimis, régies par le règlement n° 1407/2013 du 18 décembre 2013 précité.

Le plafond des aides de minimis, fixé à l’article 3 du règlement, est de 200 000 euros sur trois exercices – ce montant est ramené à 100 000 euros pour le transport de marchandises par route.

Ce règlement était censé être applicable jusqu’au 31 décembre 2020 en vertu de son article 8 ; il a également été prolongé par la Commission européenne jusqu’au 31 décembre 2022.

(1) Règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories daides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité.

(2) Règlement (UE) 2017/1084 de la Commission du 14 juin 2017 modifiant le règlement (UE) n° 651/2014 en ce qui concerne les aides aux infrastructures portuaires et aéroportuaires, les seuils de notification applicables aux aides en faveur de la culture et de la conservation du patrimoine et aux aides en faveur des infrastructures sportives et des infrastructures récréatives multifonctionnelles, ainsi que les régimes daides au fonctionnement à finalité régionale en faveur des régions ultrapériphériques, et modifiant le règlement (UE) n° 702/2014 en ce qui concerne le calcul des coûts admissibles.

(3) Commission européenne, 7 janvier 2019, Communiqué de presse, Aides dÉtat : la Commission va prolonger les règles de lUE en matière daides dÉtat et lancer une évaluation.

Prévu au k du II de l’article 244 quater B du CGI et créé par la loi de finances pour 2013 ([201]), le CII est un avantage fiscal réservé aux petites et moyennes entreprises (PME) au sens du règlement européen général d’exemption par catégorie (RGEC) du 17 juin 2014 ([202]), c’est-à-dire aux entreprises qui emploient moins de 250 salariés et dont le chiffre d’affaires ou le total de bilan n’excède pas, respectivement, 50 millions d’euros ou 43 millions d’euros.

Le CII est égal à 20 % des dépenses mentionnées au k du II dans la limite de 400 000 euros par an, ce taux étant porté à 40 % pour les exploitations situées en outre-mer (et, pour les exercices clos à compter du 31 décembre 2019, en Corse).

Ouvrent droit au CII certaines dépenses d’innovation, entendues comme se rapportant à de nouveaux produits. Cette notion, qui correspond à la catégorie de l’innovation de produit, est définie par le Manuel d’Oslo de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) comme recouvrant les biens qui, n’étant pas encore disponibles sur le marché, se distinguent des produits existants par de meilleures performances sur les plans technique, des fonctionnalités, de l’ergonomie ou de l’écoconception ([203]). L’innovation ne doit pas être confondue avec la recherche et développement (R&D) qui ouvre droit au CIR, et dont l’un des éléments de distinction réside dans le fait que la R&D permet de dissiper des incertitudes scientifiques ou techniques.

Les dépenses éligibles sont :

– les dotations aux amortissements des immobilisations affectées à la conception de prototypes ou d’installations pilotes de nouveaux produits (1° du k) ;

– les dépenses afférentes aux personnels affectés à la conception de ces prototypes et installations pilotes (2° du k) ;

– les dépenses de fonctionnement, calculées forfaitairement et égales à 75 % des dotations aux amortissements et 50 % des dépenses de personnel éligibles (3° du k) ;

– les dotations aux amortissements des brevets et certificats d’obtention végétales et les dépenses administratives et juridiques liées aux brevets, aux certificats d’obtention végétale ainsi qu’aux dessins et modèles (4° et 5° du k) ;

– des dépenses exposées dans le cadre d’opérations de conception de prototypes et d’installations pilotes confiées à certains organismes.

L’octroi du CII est subordonné au respect du RGEC précité.

b.   Le crédit d’impôt famille (CIF)

Créé par la loi de finances pour 2004 ([204]), le crédit d’impôt famille (CIF) est prévu à l’article 244 quater F du CGI. Ouvert aux entreprises imposées d’après leur bénéfice réel à l’IR ou à l’IS et exerçant une activité industrielle, commerciale, libérale ou agricole, il consiste en un avantage fiscal assis sur certaines dépenses engagées par l’entreprise pour faciliter la garde des enfants de ses salariés afin que ces derniers puissent mieux concilier leurs vies familiale et professionnelle.

Le taux du crédit d’impôt varie en fonction de la nature des dépenses considérées, étant entendu que les subventions publiques reçues à raison des dépenses ouvrant droit au dispositif sont déduites de l’assiette de ce dernier.

En premier lieu, les dépenses engagées pour financer la création et le fonctionnement d’établissements accueillant des enfants mentionnés aux deux premiers alinéas de l’article L. 2324‑1 du code de la santé publique, tels que les crèches ou les haltes-garderies, s’ils assurent l’accueil des enfants de moins de trois ans des salariés de l’entreprise, ouvrent droit à un avantage égal à 50 % de leur montant en vertu du 1 du I de l’article 244 quater F du CGI.

Ces dépenses peuvent porter sur des établissements directement exploités par l’entreprise ou ayant un caractère interentreprises, ou consister en des versements effectués en contrepartie des prestations d’accueils que des établissements tiers réalisent (telles que la réservation de places au bénéfice des enfants des salariés).

Lorsque l’établissement accueille à la fois des enfants de moins de trois ans et des enfants de plus de trois ans des salariés, la part des dépenses retenues dans l’assiette du CIF est calculée au prorata des enfants de moins de trois ans par rapport au nombre total d’enfants accueillis. Il en va de même lorsque l’établissement exploité par l’entreprise accueille des enfants de personnes qui ne sont pas ses salariés.

En deuxième lieu, aux termes du 2 du I de l’article 244 quater F du CGI, l’entreprise peut prétendre à un CIF égal à 25 % des aides financières du comité d’entreprise et de l’entreprise destinées :

– à faciliter l’accès des services aux salariés ;

– à financer des activités relevant des services à la personne ;

– à financer des activités d’accueil d’enfants par les établissements mentionnés à l’article L. 2324‑1 du code de la santé publique ou par des assistants maternels agréés ;

– à financer des prestations liées à la gestion et au fonctionnement du chèque emploi-service.

Jusqu’en 2009, des dépenses liées au financement de certains congés (congé maternité, congé paternité, congé d’adoption, etc.) et de formations liées à l’enfant et certains frais exceptionnels de garde ouvraient droit au CIR, le taux applicable étant de 10 % ([205]).

Le montant total du CIF pour chaque entreprise est plafonné à 500 000 euros par an, en vertu du III de l’article 244 quater F du CGI.

Ses modalités d’imputation sont prévues aux articles 199 ter E et 220 G du CGI. Le CIF s’impute sur l’impôt dû au titre de l’année durant laquelle les dépenses ont été engagées. Pour les entreprises dont l’exercice ne coïncide pas avec l’année civile, l’imputation se fait sur l’impôt dû au titre de l’exercice clos l’année suivant celle durant laquelle les dépenses ont été engagées.

c.   Le crédit d’impôt pour la formation des dirigeants d’entreprise (CIFDE)

En vertu de l’article 244 quater M du CGI, les entreprises imposées d’après leur bénéfice réel sont éligibles à un crédit d’impôt au titre de la formation de leurs dirigeants, le CIFDE.

Les personnes éligibles sont, en application de l’article 40 septies ZC de l’annexe III du CGI, les exploitants individuels, les gérants, les présidents, les administrateurs, les directeurs généraux et les membres du directoire.

Les actions de formation ouvrant droit au CIFDE sont celles relevant de la formation professionnelle continue mentionnées à l’article L. 6313‑1 du code du travail qui sont réalisées dans le cadre d’une convention conclue entre l’entreprise et l’organisme formateur, ainsi qu’en dispose l’article 40 septies ZD de l’annexe III du CGI.

L’avantage fiscal n’est pas calculé en appliquant à certaines dépenses un taux donné, mais en multipliant les heures de formation suivies par le dirigeant – dans la limite de quarante heures par an – par le taux horaire brut du salaire minimum de croissance en vigueur au 31 décembre de l’année au titre de laquelle le CIFDE est calculé.

Illustration du calcul du CIFDE

Le gérant d’une entreprise a effectué au cours de l’année 2019 un total de soixante heures de formation ouvrant droit au CIFDE.

Compte tenu du plafonnement prévu au II de l’article 244 quater F, seules quarante heures peuvent être retenues. Le taux horaire brut du SMIC pour 2019 est de 10,03 euros.

Le CIFDE est donc égal à 40 × 10,03 = 401,2 euros.

L’imputation du CIFDE porte sur l’impôt dû au titre de l’année durant laquelle les heures de formation ont été suivies, en application des articles 199 ter L et 220 N du CGI.

Les entreprises dont l’exercice ne coïncide pas avec l’année civile imputent leur CIFDE sur l’impôt dû au titre de l’exercice clos durant l’année suivant celle au cours de laquelle les formations ont été suivies.

2.   Un bornage temporel conduisant à d’évaluer des dépenses fiscales dynamiques et d’identifier les éventuelles pistes d’évolution

a.   Des dépenses fiscales dont le coût s’est substantiellement accru

Trois des quatre mesures dont le bornage temporel est proposé ont vu leur coût s’accroître très substantiellement en quelques années, ainsi que l’illustrent les tableaux et graphiques suivants dédiés au CII, au CIF et au CIFDE.

Le CIR-THC, lui, n’est pas distingué du CIR dans les annexes budgétaires. Néanmoins, certains documents permettent d’en appréhender le montant : d’après France Stratégie, la créance 2015 de CIR correspondant au CIR-THC était égale à 45 millions d’euros, soit 0,7 % de la créance totale de ce millésime ([206]).

● Le coût du CII, de 68 millions d’euros lors de sa première année d’incidence budgétaire en 2014, a crû de 60 % chacune des deux années suivantes, atteignant dès 2016 un montant de 173 millions d’euros.

Après une diminution en 2017, le coût de la dépense fiscale s’est de nouveau substantiellement accru, s’établissant à 190 millions d’euros en 2018 et à 200 millions d’euros pour 2020.

Évolution du coût et du nombre de bénéficiaires du cii (2014-2020)

 

2014

2015

2016

2017

2018

2019 (p.)

2020 (p.)

Coût (M€)

68

108

173

157

190

195

200

Bénéficiaires

3 125

nd

nd

nd

nd

Montant moyen (€)

21 760

nd

nd

nd

nd

Source : Évaluations des voies et moyens annexées aux projets de loi de finances pour 2016 à 2020, tome II : Dépenses fiscales.

Il est pour le moins regrettable que le nombre de bénéficiaires du CII ne soit pas connu au titre des exercices budgétaires 2015 et suivants, dans la mesure où le coût du dispositif a triplé par rapport à 2014.

● S’agissant du CIF, un constat similaire peut être tiré, ainsi qu’il ressort du tableau ci-après illustré par un graphique.

Évolution du coût et du nombre de bénéficiaires du ciF (2012-2020)

 

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019 (p.)

2020 (p.)

Coût (M€)

45

59

74

83

94

103

110

115

nc

Bénéficiaires

4 850

6 190

6 806

7 436

8 594

9 705

10 874

Montant moyen (€)

9 278

9 532

10 873

11 162

10 938

10 613

10 116

Source : Évaluations des voies et moyens annexées aux projets de loi de finances pour 2016 à 2020, tome II : Dépenses fiscales.

Entre 2012 et 2018, le coût a été multiplié par plus de deux, passant de 45 millions d’euros à 110 millions d’euros – les prévisions pour 2019 confirmant la progression avec un montant à 115 millions d’euros.

La progression du nombre de bénéficiaires a elle aussi été soutenue, conduisant à ce que le montant moyen par bénéficiaire reste relativement stable.

● Les montants du CIFDE sont moins élevés, mais eux aussi sont marqués par une forte hausse, le coût du dispositif étant passé de 32 millions d’euros en 2012 à 52 millions d’euros en 2018, ce que montrent le tableau et le graphique suivants.

Évolution du coût et du nombre de bénéficiaires du ciFDE (2012-2020)

 

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019 (p.)

2020 (p.)

Coût (M€)

32

36

39

45

51

50

52

52

52

Bénéficiaires

142 700

146 550

171 140

191 327

206 362

208 123

215 050

Montant moyen (€)

224

246

228

235

247

240

242

Source : Évaluations des voies et moyens annexées aux projets de loi de finances pour 2016 à 2020, tome II : Dépenses fiscales.

Comme pour le CIF, la progression du nombre de bénéficiaires du CIFDE a accompagné celle du coût de l’outil, dont le montant moyen par bénéficiaire, bien qu’ayant varié, est resté relativement stable.

● Le graphique suivant dresse la synthèse de l’évolution du coût du CII, du CIF et du CIFDE, illustrant l’accroissement de la charge pour les finances publiques.

Cette progression du coût des trois dépenses fiscales et l’ampleur de celui supposé du CIR-THC au regard du montant de créance en 2015 (45 millions d’euros) militent pour un encadrement efficace des dispositifs.

b.   Un bornage temporel au principe opportun

L’enjeu budgétaire représenté par les quatre dispositifs dont le bornage est proposé est un argument au soutien de ce dernier. Il ne suffit cependant pas, à lui seul, à l’imposer : certaines dépenses plus coûteuses n’ont pas nécessairement vocation à être bornées dans le temps.

En revanche, d’autres arguments justifient ce bornage, surtout s’ils sont conjugués à l’aspect budgétaire des outils.

Le principe d’un crédit d’impôt pour encourager l’innovation suscite, depuis la création du CII, certaines interrogations que la Cour des comptes synthétisait dès juillet 2013 ([207]) :

– les externalités positives attachées aux dépenses d’innovation sont moins importantes que celles liées aux dépenses de R&D en raison de risques moindres pour l’entreprise et d’une meilleure capacité d’appropriation par cette dernière des résultats des travaux ;

– la Cour soulignait la relative difficulté à cerner la notion de nouveauté, pourtant cruciale dans la définition de l’innovation.

Si ce dernier point a reçu une réponse relativement conséquente à travers la publication d’instructions fiscales détaillées ([208]), l’opportunité de maintenir le CII n’est pas pour autant évidente.

Le CII faisait partie des 83 outils fiscaux incitatifs émanant de 31 pays – États membres de l’Union européenne mais aussi États‑Unis d’Amérique, Canada ou encore Japon – qu’a étudiés la Commission européenne en 2014. Alors que la première place revint à un dispositif français, les « Jeunes entreprises innovantes », le CII n’occupa qu’une modeste 74e position : sans être la lanterne rouge, il se situe donc dans le peloton de queue ([209]) .

À l’aune de ces éléments, l’introduction d’un bornage temporel du CII paraît inévitable, afin d’assurer la réalisation d’une évaluation effective de l’outil. Le Rapporteur général ne peut que soutenir une telle démarche, qui correspond aux souhaits qu’il avait formulés dans l’édition 2019 du rapport sur l’application des mesures fiscales ([210]).

Le CIR-THC, étant subordonné au respect du règlement européen sur les aides de minimis, ne devrait pas présenter de difficulté sous l’angle de sa compatibilité avec le droit de l’Union européenne en matière d’aides d’État.

En revanche, le fait qu’il ne profite qu’à un seul secteur économique pourrait être critiqué, certains pouvant y voir une mesure de faveur pour quelques opérateurs économiques tandis que d’autres secteurs en difficulté ne bénéficient pas d’un tel avantage.

En outre, les opérations ouvrant droit au CIR-THC ne relèvent pas de la R&D au sens de l’article 49 septies F de l’annexe III du CGI qui définit la notion d’opérations de recherche au sens du CIR. Ainsi qu’il a été vu pour le CII, les externalités positives d’activités consistant à créer de nouveaux produits sont beaucoup moins prononcées que celles résultant de R&D, et sont donc moins naturellement propices à faire l’objet d’un avantage fiscal.

L’inclusion dans un outil de soutien à la R&D du volet THC peut donc laisser perplexe – ainsi que le relevait la Cour des comptes, cet outil est « plus un dispositif d’incitation industrielle que de R&D » ([211]). Il est rappelé à toutes fins utiles que les entreprises industrielles du secteur THC qui réalisent des opérations de R&D au sens du CIR peuvent, naturellement, prétendre à ce dernier dans les conditions de droit commun.

Ces considérations justifient donc l’opportunité d’un bornage dans le temps du CIR‑THC, lequel permettra une évaluation exhaustive de l’outil.

L’utilité du CIF a été reconnue par le Comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales en 2011, particulièrement depuis son recentrage, à compter de 2010, sur le financement d’établissements d’accueil d’enfants de moins de trois ans à travers la majoration du taux du crédit d’impôt pour ces dépenses et l’exclusion de l’assiette des dépenses de formation ou des rémunérations de congés ([212]).

Néanmoins, cette étude montrait également l’existence de nombreux autres dispositifs concourant au même objectif que le CIF, parmi lesquels les prestations et allocations familiales, ainsi que le crédit d’impôt pour garde d’enfants prévu à l’article 200 quater B du CGI. Ce dispositif, qui a bénéficié à plus de 1,7 million de ménages en 2018 pour un montant de près de 1,2 milliard d’euros, voit son coût pour 2020 évalué à 1,2 milliard d’euros.

Les divers mécanismes d’aides relevant de la politique d’accueil du jeune enfant, dont le CIF, ont d’ailleurs fait l’objet d’une revue de dépenses en juin 2017. Dans leur rapport conjoint, l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l’IGF soulignaient la progression importante du coût du CIF et suggéraient de faire évoluer le CIF à travers un plafonnement par place en établissement d’accueil ([213]).

L’IGAS et l’IGF y voyaient une rationalisation nécessaire, et de nature à limiter d’éventuels comportements d’optimisation consistant à structurer un groupe en filiales pour maximiser l’avantage en contournant le plafond global de 500 000 euros, apprécié au niveau de chaque société.

Ces réflexions et les évolutions possibles du CIF rendent nécessaire une évaluation du dispositif, qu’un bornage temporel favoriserait.

L’octroi d’un avantage fiscal au titre des heures de formation du dirigeant d’une entreprise permet d’inciter les chefs d’entreprise à enrichir leurs compétences.

Néanmoins, l’efficience du dispositif existant ne paraît pas manifeste.

D’une part, les dépenses de formation du dirigeant d’entreprise sont déductibles de l’assiette de l’impôt. Si tel est également le cas dans le cadre d’autres dispositifs, il est permis de s’interroger sur l’opportunité, en matière de formation des dirigeants, du cumul de la déduction des dépenses et d’un crédit d’impôt, la déduction visant déjà à favoriser la formation du dirigeant.

D’autre part, le montant moyen du crédit d’impôt est modeste – 242 euros en 2018 –, ce qui résulte des modalités de calcul de l’outil.

Il s’agit donc d’un dispositif massivement utilisé mais dont le gain individuel est faible, surtout s’il est rapporté au chiffre d’affaires de l’entreprise.

Enfin, les données sur l’efficience de la dépense sont lacunaires, commandant une évaluation.

3.   Les modalités de bornage temporel proposées

Le présent article prévoit de borner dans le temps les dispositifs qui viennent d’être présentés, en fixant un terme à l’éligibilité des dépenses – et, dans le cadre du CIFDE, des heures de formation – à ces outils.

Dans le détail, ce bornage résulte des  à 11° du II du présent article :

– les a et b du 9° rendent éligibles au CIR-THC les dépenses, directement engagées (a) ou confiées à des organismes sous-traitants (b), exposées jusquau 31 décembre 2022, en modifiant en conséquence les h et i du II de l’article 244 quater B du CGI ;

– le c du même 9° porte sur le CII et y rend éligible les dépenses engagées par les PME jusquau 31 décembre 2022 en fixant ce terme au début du k du II du même article 244 quater B ;

– le 10° du II du présent article, relatif au CIF, complète l’article 244 quater F du CGI d’un nouveau V précisant que n’ouvrent droit au CIF que les dépenses engagées jusquau 31 décembre 2021 ;

– enfin, le 11° du II du présent article complète d’un nouveau IV l’article 244 quater M du CGI pour ne rendre éligibles au CIFDE que les heures de formation réalisées jusquau 31 décembre 2022.

IV.   L’impact budgétaire et économique

Si le présent article aura un impact budgétaire difficile à apprécier, les dépenses fiscales dont il propose la suppression étant souvent elles-mêmes mal chiffrées, son incidence économique au sens large devrait être très positive en conduisant à ce que les dépenses fiscales soient plus efficientes.

A.   Un impact budgétaire dès 2020 difficilement chiffrable

L’impact budgétaire des suppressions de dépenses fiscales prévues par le présent article sera effectif dès 2020, mais son ampleur demeure incertaine en raison de difficultés de chiffrage.

1.   Une incidence budgétaire dès 2020

L’abrogation des dispositifs d’étalement de l’imposition de certains revenus n’aura pas d’impact sur les recettes en 2020, indépendamment de l’existence d’exonérations privant d’effet certains de ces dispositifs ou de l’inapplicabilité d’autres. Cette absence d’impact résulte des modalités d’application de ces dispositifs : ils doivent faire l’objet d’une demande du contribuable lors de sa déclaration de revenus, et comme l’abrogation est prévue à compter de l’imposition des revenus de 2020 sans remise en cause des options formulées, l’effet de la disparition de ces outils ne se fera sentir qu’en 2021.

La suppression de la réduction d’impôt au titre de l’acquisition d’un trésor national n’aura, elle aussi, pas d’impact avant 2021, le prélèvement à la source ne modifiant pas les modalités d’imputation de cet outil.

En revanche, la suppression des exonérations d’IR, d’IS, de TVA et de droits d’enregistrement auront bien un effet budgétaire dès 2020.

2.   Un impact sur les recettes fiscales non chiffrable

L’impact des suppressions proposées par le présent article n’est pas chiffrable, les dépenses fiscales sur lesquelles il porte étant elles-mêmes non chiffrées ou présentant un coût compris entre 1 et 500 000 euros.

Le bornage temporel, quant à lui, n’a pas d’incidence pour 2020 et ne peut que difficilement être pris en compte pour estimer d’éventuels gains une fois ce bornage échu : il est en effet possible que les dispositifs soient reconduits, ou qu’ils soient modifiés d’ici là.

B.   Une rationalisation des dépenses fiscales dans un souci d’efficience accrue

1.   Des suppressions de dépenses fiscales qui ne devraient pas pénaliser les contribuables

Ainsi qu’il a été vu dans le cadre de la présentation de chacune des dépenses fiscales dont la suppression est proposée (cf. supra, II), les raisons motivant ces suppressions sont robustes et s’appuient sur différents éléments, tels que l’inapplicabilité de la mesure, l’existence d’autres outils plus efficaces poursuivant le même objectif, les difficultés d’articulation avec d’autres dispositifs ainsi que, de manière générale, l’absence de démonstration de la pertinence de chaque dépense fiscale.

2.   Un bornage temporel permettant la nécessaire évaluation des dépenses concernées

● Le bornage temporel des crédits d’impôts précédemment étudiés répond à des considérations objectives et rationnelles, ainsi qu’il a été vu.

Le fait de fixer un terme à ces avantages fiscaux ne signifie naturellement pas leur inévitable disparition prochaine. Cela va permettre, à travers un travail d’évaluation, d’étudier en détail ces outils pour s’assurer de leur utilité, mais aussi de leur efficience, afin d’établir s’il est nécessaire de les conserver et, dans l’affirmative, d’identifier d’éventuelles pistes d’évolution qui se révéleraient opportunes pour renforcer la pertinence de ces outils.

● Le bornage prévu pour le CIR-THC, le CII et le CIFDE, à horizon de trois ans, s’inscrit dans le cadre de la prolongation du RGEC et du règlement relatif aux aides de minimis.

Le fait que le CIF, quant à lui, soit borné à deux ans, résulte du programme pluriannuel d’évaluation proposé par le Gouvernement. Il est en effet apparu préférable au Gouvernement de lisser la charge d’évaluation sur plusieurs exercices, afin d’éviter qu’un trop grand nombre de dépenses fiscales soient évaluées la même année.

Cependant, le bornage prévu pour le CIF apparaît trop restreint et risque de compromettre la conclusion de conventions de mise à disposition de places de crèche. Un bornage sur trois ans, jusqu’au 31 décembre 2022, semble préférable.

Cela pourrait ne pas entraîner de surcharge administrative au titre de l’évaluation si cette dernière intervenait en amont, dès 2021.

C.   Aller plus loin dans l’information du Parlement : l’indispensable évaluation des « trous noirs fiscaux »

Le Rapporteur général ne peut que se réjouir de voir que, parmi les dépenses fiscales jugées inefficientes dont la suppression est proposée, figurent des dispositifs relevant de la catégorie des « trous noirs fiscaux », sur lesquels l’information fait absolument défaut.

La suppression de ces « trous noirs fiscaux » s’inscrit en effet en plein accord avec les préconisations faites dans l’édition 2019 du rapport sur l’application des mesures fiscales précité, lequel proposait de mettre un terme à ces mesures, immédiatement ou de façon différée à travers un bornage temporel, dans le but d’une rationalisation des dépenses fiscales et, surtout, pour améliorer l’information du Parlement.

La liste de ces « trous noirs » identifiés dans ce rapport est présentée dans le tableau suivant, chaque dépense fiscale mentionnée pouvant être consultée dans le tome II des Évaluations des voies et moyens annexées au projet de loi de finances pour 2019. Les dépenses soulignées et en caractère gras sont celles dont la suppression est proposée par le présent article. La dépense en italique a été supprimée par la loi de finances pour 2019 précitée.

liste des dépenses fiscales qualifiées de « trous noirs fiscaux »

Numéro
de la dépense

Impôt de rattachement

Catégorie de bénéficiaires

Numéro
de la dépense

Impôt de rattachement

Catégorie de bénéficiaires

110307

IR

M

300204

IS

E

120128

IR

M

300205

IS

E

120203

IR

M

320108

IS

E

120507

IR

M

320116

IS

E

140107

IR

M

520104

DET

E

140121

IR

EM

520107

DET

EM

150121

IR

M

520108

DET

M

150704

IR

M

520123

DET

M

150705

IR

M

520127

DET

M

150707

IR

M

520401

DET

M

160201

IR

M

520402

DET

M

160303

IR

M

520403

DET

M

170307

IR

E

530102

DET

E

170308

IR

ND

570101

DET

E

180102

IR

M

710105

TVA

E

200307

IR-IS

E

710106

TVA

E

210307

IR-IS

E

710107

TVA

E

230101

IR-IS

E

730215

TVA

E

230504

IR-IS

E

730225

TVA

EM

230601

IR-IS

E

800118

TICPE

E

300104

IS

E

800215

TICPE

E

300106

IS

E

920101

TCA Audiov

E

300201

IS

E

990101

TGAP

E

N.B. : « M » : Ménages ; « E » : Entreprises ; « EM » : Entreprises et ménages, ND : non déterminé.

Source : commission des finances, d’après le tome II des Évaluations des voies et moyens annexées au projet de loi de finances pour 2019.

Il convient, à cet instant, de clarifier l’intention et l’objectif poursuivi. La proposition de suppression des « trous noirs fiscaux » dès 2020 ne signifie nullement que l’ensemble des dispositifs relevant de cette catégorie sont inutiles et doivent disparaître : il s’agit avant tout d’une démarche méthodologique pour que le Parlement soit mieux informé. Cet objectif est d’ailleurs attesté par l’amendement de bornage temporel présenté par le Rapporteur général en même temps que l’amendement de suppression.

1.   Les « trous noirs » dont la pertinence paraît manifeste et dont la suppression n’est pas souhaitée

Certaines des dépenses qualifiées de « trous noirs » présentent une utilité évidente et n’ont pas vocation à être remise en cause dans leur principe. Tel est notamment le cas :

– de l’exonération des droits de mutation pour les successions des victimes d’opérations militaires ou d’actes de terrorisme prévue aux 1° à 7° de l’article 796 du CGI (dépense n° 520108), dont l’objectif d’aider les familles des victimes est atteint par le dispositif et, au demeurant, revêt un caractère parfaitement légitime que le Rapporteur général ne peut que soutenir ;

– de l’imposition à l’IR ou à l’IS au taux réduit des répartitions d’actifs effectuées par des fonds communs de placement à risques (FCPR) dont le portefeuille est composé de manière prépondérante de titres de sociétés non cotées, prévue au 2° du 5 de l’article 38 du CGI (dépense n° 200307) et qui contribue au financement des PME en orientant vers elles l’épargne des investisseurs ; le Comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales avait d’ailleurs, en 2011, jugé le dispositif « aisément lisible », doté d’un ciblage « cohérent » et « clairement incitatif » ([214]). ;

– de l’exonération d’IR des revenus tirés de la location ou de la sous‑location d’une ou plusieurs pièces de l’habitation principale du contribuable, prévue à l’article 35 bis du CGI (dépense n° 180102), dont l’opportunité n’est pas remise en cause et qui constitue un dispositif permettant non seulement de faciliter le logement d’étudiants ou encore de travailleurs saisonniers, mais aussi de garantir à certaines personnes, notamment âgées, un revenu d’appoint ;

– ou encore de la franchise d’IS pour les activités lucratives accessoires d’organismes à but non lucratif prévue au 1 bis de l’article 206 du CGI (dépense n° 320116), dont le principe paraît normal et l’opportunité attestée.

Ainsi, le fait que ces dispositifs figurent dans l’amendement de suppression ne traduit en aucun cas l’intention du Rapporteur général de le faire effectivement disparaître : il s’agit simplement d’un souci de cohérence de l’amendement et de garantie que l’information future porte bien sur toutes les mesures retenues.

2.   Les « trous noirs fiscaux » dont l’existence laisse perplexe

Certains des « trous noirs » ne supposent pas l’intervention du législateur pour que leur suppression soit actée, dans la mesure où ils ont pour fondement juridique une instruction fiscale :

– l’exonération d’IR des gains retirés d’opérations de bourse effectuées par les clubs d’investissement durant leur existence (dépense fiscale n° 150704) ;

– l’exonération d’IS des chambres de commerce maritimes (CCM) (dépense fiscale n° 300104).

Cette sous-catégorie de « trous noirs fiscaux » mérite une attention particulière à plus d’un titre.

● D’une part, les dépenses fiscales fondées sur des instructions ministérielles et le BOFiP ne sont pas admissibles dans leur principe.

Il est en effet difficilement acceptable qu’une décision administrative unilatérale puisse déroger à la loi fiscale votée par le Parlement.

● D’autre part, elle traduit l’absence d’évaluation régulière des dépenses fiscales, les dispositifs qu’elle recouvre étant obsolètes ou inefficients, pour ne pas dire plus.

Ainsi, l’exonération des gains retirés d’opérations de bourse effectuées par des clubs d’investissement a été créée en 1978 pour familiariser les particuliers avec les valeurs mobilières et les mécanismes boursiers. Depuis cette date, l’information et les services fournis aux particuliers se sont considérablement développés.

Au demeurant, le Comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales relevait que 75 % des bénéficiaires de cet outil sont déjà familiers du fonctionnement des marchés financiers, laissant supposer un certain effet d’aubaine. En outre, le Comité soulignait le succès relativement faible de la mesure et les effets économiques et sociaux marginaux de cette dernière ([215]).

Que dire, surtout, de l’exonération d’IS au profit des CCM, introduite en 1942 pour faciliter la reconstruction des installations portuaires endommagées par faits de guerre ? Cette mesure, si elle pouvait se justifier durant la Seconde guerre mondiale et les années qui l’ont suivie, n’est manifestement plus d’actualité.

Au demeurant, cette dépense fiscale figurait dans le tome II des Évaluations des voies et moyens annexées au projet de loi de finances pour 2019, assortie de la mention « non bornée » et d’une absence de chiffrage pour les années 2018 et 2019 – signifiant un potentiel impact budgétaire.

Or, la mesure n’était plus applicable depuis le 1er janvier 2018 en vertu d’une actualisation du BOFIP ([216]) faisant suite à une mise en demeure de la Commission européenne de faire cesser l’exonération, constitutive d’une aide d’État irrégulière ([217]).

3.   Les « trous noirs » dont une évaluation permettrait d’apprécier l’opportunité

Enfin, d’autres de ces mesures obscures semblent présenter une utilité discutable ou ne font l’objet d’aucune donnée : leur suppression pourrait ainsi être l’occasion de faire réagir leurs éventuels bénéficiaires afin qu’ils puissent attester de l’intérêt des mesures concernées.

Une telle méthode avait permis de montrer l’utilité de la dépense fiscale n° 230409 à destination des sociétés coopératives de production (Scop), dont la suppression avait initialement été proposée en raison d’un chiffrage nul depuis 2014 dans le tome II des Évaluations des voies et moyens annexées à chaque projet de loi de finances. La mobilisation des Scop entre l’adoption du texte par l’Assemblée et sa discussion au Sénat a témoigné de l’opportunité de conserver la mesure.

Parmi les « trous noirs fiscaux » susceptibles d’être supprimés, sauf démonstration évidente de leur utilité, peuvent être mentionnés :

– l’imposition des salaires ou des bénéfices des écrivains, des artistes et des sportifs selon une moyenne triennale ou quinquennale prévue aux articles 84 A et 100 bis du CGI (dépense n° 110307) qui, d’après le Comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, profite essentiellement aux personnes percevant des revenus élevés et qui conduit à un « pur effet daubaine » et « favorise les comportements de pure optimisation » ([218]) ;

– l’exonération d’IS des sociétés immobilières pour le commerce et l’industrie et des sociétés agréées pour le financement des télécommunications prévues aux 3° quater et 3° quinquies de l’article 208 du CGI (dépense n° 300106), dispositif applicable à l’égard de contrats conclus, selon le type de sociétés, jusqu’au 31 décembre 1995 ou le 31 décembre 1992 et, ainsi, « devenu sans objet » ; ([219])

– l’exonération de droits de mutations des dons et legs en faveur de certaines collectivités locales, de certains organismes, établissements publics ou d’utilité publique ou de certains organismes européens, prévue à l’article 794 et aux 2°, 4°, 5°, 11° et 14° de l’article 795 du CGI (dépense n° 520104), sur laquelle le Comité précité avait eu une analyse sévère, dans la mesure où ce dispositif ne bénéficie pas au donateur et ne revêt aucun caractère incitatif, tandis que de nombreux autres outils concourent à l’atteinte de l’objectif poursuivi ([220]).

*

*     *

D’une manière générale, répétons-le, l’objectif de l’amendement prévoyant la suppression des « trous noirs fiscaux » n’est pas d’aboutir à tout prix à leur suppression effective, mais d’inciter le Gouvernement et l’administration à améliorer l’information disponible sur ces mesures et d’aiguillonner ceux qui bénéficient de ces dispositifs pour qu’ils se manifestent. L’enjeu relève plus de la méthode que du fond et vise à renforcer la capacité du Parlement à évaluer les politiques publiques, pas à faire disparaître des outils qui peuvent se révéler opportuns.

La commission a adopté cet amendement du Rapporteur général. Il serait souhaitable que, d’ici la séance ou, à défaut, lors de l’examen par le Sénat du texte ou à l’occasion de la discussion en nouvelle lecture devant l’Assemblée nationale, une réaction puisse avoir lieu pour justifier la conservation de tout ou partie de ces outils.

Si une telle réaction ne devait pas avoir lieu, il appartiendra au Parlement de s’interroger sur ceux des « trous noirs » dont le maintien est manifestement justifié afin d’éviter de pénaliser les contribuables qui bénéficient de ceux de ces outils dont l’intérêt n’est que difficilement contestable.

Une autre solution consisterait en l’adoption en séance de l’amendement déjà présenté en commission par le Rapporteur général et proposant de borner dans le temps les « trous noirs ». Moins radical, cet amendement, qui s’inscrit dans la même démarche d’une meilleure évaluation des « trous noirs », éviterait de faire naître auprès de certains contribuables une incompréhension quant à l’objectif poursuivi par la commission des finances, qui n’est en aucun cas de faire sèchement disparaître tous les « trous noirs ». L’adoption de l’amendement de suppression envoie un message ferme traduisant la volonté réaffirmée de la commission quant à l’exigence d’une meilleure information. L’amendement de bornage temporel, en séance, permettrait d’atteindre cet objectif de façon plus souple.

*

*     *

Le tableau suivant propose une synthèse du présent article, faisant état des dépenses dont la suppression est proposée et celles pour lesquelles est prévue l’introduction d’un bornage temporel.

synthèse des dépenses fiscales concernées par le présent article

Numéro

Impôt

Catégorie de bénéficiaires (1)

Objet

Coût 2020
(M€)

Nombre de bénéficiaires 2018

Modification proposée

170308

IR

Non déterminée

Régime spécial des cultures agréées dans les DOM

nc

nd

Suppression

120507

IR

M

Étalement sur quatre ans de l’imposition du montant des droits transférés d’un CET à un PERCO ou PEE et d’indemnités de retraite

nc

nd

Suppression

IR

M

Étalement de l’imposition de l’indemnité compensatrice de préavis

nc

nd

Suppression

300205

IS

E

Exonération des résultats tirés d’opérations réalisées dans certaines zones d’aménagement

nc

nd

Suppression

210306

IR-IS

E

Réduction de l’impôt au titre des sommes consacrées par les entreprises à l’achat d’un trésor national

nc

nd

Suppression

710106

TVA

E

Exonérations de TVA relatives à la mise en valeur agricole de terres dans les DOM

nc

nd

Suppression

570204

DET

E

Enregistrement gratis des constitutions et dissolutions : - de sociétés de bains-douches et organismes de jardins familiaux ; - de sociétés coopératives artisanales ; - de sociétés mutualistes

ε

nd

Suppression

200302 (2)

IR-IS

E

CIR‑THC

nd

nd

Bornage 2022

200310

IR-IS

E

CII

200

nd

Bornage 2022

210308

IR-IS

E

CIF

nc

10 874

Bornage 2021

210315

IR-S

E

CIFDE

52

215 050

Bornage 2022

(1) « M » : Ménages ; « E » : Entreprises.

(2) Numéro de dépense fiscale du CIR, dont fait partie le CIR‑THC.

Source : Évaluations des voies et moyens annexées au projet de loi de finances pour 2020, tome II : Dépenses fiscales.

*

*     *

La commission est saisie de l’amendement ICF1333 du rapporteur général.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Suivant la bonne logique qui prévaut et les prescriptions de la loi de programmation des finances publiques (LPFP), j’avais l’intention de plafonner dans un amendement à venir l’intégralité des taxes relatives au Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC).

Je vous l’ai dit, nous sommes en discussion permanente avec le Gouvernement afin d’éviter que ne se reproduise ce qui s’est passé nuitamment l’année dernière lors de la discussion de ces sujets – je songe à des arrivées massives en séance à quatre heures du matin ! Après une longue discussion avec le cabinet du ministre, donc, et compte tenu du fait qu’il était un peu difficile de se présenter frontalement devant la nouvelle gouvernance qui s’installe et qui a de nouvelles priorités, je vous propose de demander au CNC un rapport annuel d’évaluation sur l’ensemble des crédits d’impôt dont il assure la gestion et relatif à des recommandations pour en limiter le coût. Celui-ci doit clairement nous aider. Le compromis me semble acceptable.

Mme Christine Pires Beaune. Je partage les préoccupations du rapporteur général et je me souviens également de ce qui s’est passé l’année dernière : s’il est possible de l’éviter, c’est très bien. Néanmoins, je trouve un peu curieux que l’on demande un rapport d’évaluation au CNC lui-même. Ne peut-on le demander au Gouvernement ?

M. Joël Giraud, rapporteur général. Le Gouvernement ne dispose pas des données, à la différence du CNC. C’est d’ailleurs pourquoi j’ai effectué des contrôles sur pièces et sur place. J’invite mon successeur à en faire de même avec un certain nombre d’institutions tant je crois que c’est là une bonne méthode.

J’ajoute que nous procédons également ainsi en accord avec la nouvelle gouvernance, afin que ce type de rapport ne reste pas lettre morte et que l’on soit très honnête. Pour être encore plus clair, le ministère de la culture a proposé un type de rapport que nous avons considérablement renforcé de notre côté afin qu’il ne se réduise pas à une simple feuille de papier mais qu’il soit bien fidèle à l’objectif poursuivi.

M. le président Éric Woerth. Madame Pirès Beaune a raison, monsieur le rapporteur général : les choses sont peut-être un peu plus compliquées lorsque l’évalué est l’évaluateur, sans doute en serez-vous d’accord. Peut-être faudra-t-il trouver une autre solution, plus pragmatique.

La commission adopte l’amendement ICF1333 (amendement I2886).

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement ICF1160 de Mme Pires Beaune.

Elle est ensuite saisie de l’amendement ICF1549 du rapporteur général.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Il s’agit d’une précision légistique.

La commission adopte l’amendement ICF1549 (amendement I2887).

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements ICF1278 et ICF1335 de Mme Olivia Grégoire.

Mme Olivia Grégoire. Dans le cadre des travaux de simplification et de modernisation du budget que nous essayons de mener et dans la droite ligne de notre action concernant les petites taxes, nous abordons les premiers amendements que je propose afin de supprimer des petites niches.

Le premier amendement vise à supprimer la dépense fiscale relative à l’exonération d’impôt sur le revenu, sous certaines conditions, des gains réalisés lors de cessions à titre onéreux de titres de sociétés de capital-risque.

Comme vous le savez, ce mécanisme a été imaginé pour encourager l’orientation de l’épargne vers les entreprises. Je propose de le supprimer compte tenu de toutes les transformations que nous avons engagées depuis 2017 pour réformer la fiscalité de l’épargne retraite mais aussi des créations de produits spécifiques destinés au financement des PME. J’ajoute que ce dispositif, non-évalué, n’a pas été modifié depuis 2009.

Après avoir rencontré un certain nombre de professionnels du secteur, il s’avère que l’exonération est loin d’être déterminante dans les décisions de placements, voire totalement méconnue d’eux. Ses conditions de mise en œuvre sont lourdes et le mécanisme peut paraître superfétatoire compte tenu de ce que nous avons réalisé en matière de réforme de la fiscalité du capital.

Si ce premier amendement ne devait pas être adopté, le second propose un bornage dans le temps pour encourager une évaluation et, éventuellement, une suppression à moyen terme.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je remercie Olivia Grégoire de s’être saisie de ce sujet et du travail extrêmement intéressant qu’elle a accompli.

La pratique concernée par la présente niche n’est pas essentielle dans le secteur économique. Elle est utile le cas échéant dans certaines situations. Compte tenu de l’absence d’évaluation, je propose d’en rester au bornage, puis, une fois l’évaluation réalisée, le dispositif s’éteindra de lui-même s’il n’est pas explicitement reconduit. C’est là me semble-t-il la bonne méthode.

Mme Olivia Grégoire. J’en conclus que le rapporteur général est défavorable à l’amendement I‑CF1278, favorable au I‑CF1335, et qu’il me suggère le retrait du premier. Comme je ne peux rien lui refuser, je le retire donc. Je maintiens le second et j’aurai plaisir à ce que nous en reparlions en séance publique.

L’amendement ICF1278 est retiré.

Mme Émilie Cariou. Nous sommes quant à nous favorables à ce bornage mais nous espérons avoir un certain nombre d’informations d’ici la séance publique, sinon, il faudra tout de même aller vers la suppression de cette niche.

M. Laurent Saint-Martin. Il faut être cohérent. Le bornage a un objectif : l’évaluation. Tout son intérêt, c’est d’obliger à évaluer. Compte tenu de la logique qui a présidé à une réforme profonde de la fiscalité des revenus du capital, il me paraît un peu prématuré de supprimer cette niche et il me semble beaucoup plus intelligent d’obtenir d’abord une évaluation grâce au bornage.

Je suis donc tout à fait d’accord avec la proposition du rapporteur général. Après une suppression, un rétablissement serait compliqué.

Mme Véronique Louwagie. Je souhaite réagir aux propos de monsieur Saint-Martin : il est possible d’évaluer sans borner.

M. Laurent Saint-Martin. La preuve que non : nous n’avons jamais l’information recherchée !

Mme Véronique Louwagie. Bien sûr que si ! C’est à nous de nous saisir des questions ! Le bornage n’est pas impérativement nécessaire pour évaluer.

M. Laurent Saint-Martin. Il peut être un moyen.

Mme Véronique Louwagie. Certes, mais il n’est pas indispensable.

Je comprends que vous soyez attaché à cet effet d’annonce mais je ne pense pas que ce soit la meilleure des solutions, sinon, pourquoi borner pour quelques dépenses fiscales et pas pour d’autres ? Une évaluation de toutes les dépenses fiscales mérite d’être conduite ! Finalement, ce bornage est une restriction puisque vous considérez que d’autres dépenses fiscales n’ont pas à en faire l’objet. C’est une manière de procéder qui me choque un peu.

M. Laurent Saint-Martin. Quelques considérations sur la méthode puisque nous avons eu le même discours à propos des taxes affectées.

Ce sont des choix qui sont faits. Olivia Grégoire a identifié des dépenses fiscales sur lesquelles nous n’avons pas d’informations – les fameux « trous noirs fiscaux » que le rapporteur a mentionnés dans son rapport d’application –, d’autres sur lesquelles les informations ne nous semblent pas cohérentes ou d’autres qui ne sont pas efficaces.

Nombre de dépenses fiscales nous paraissent justifiées, cohérentes et nous voulons les maintenir. Les niches pointées par notre groupe sont celles que nous voulons supprimer ou évaluer. Le bornage permet précisément d’avoir une date butoir pour disposer d’une évaluation avant la prise de décision.

Mme Olivia Grégoire. Cela fait à peu près six mois, madame Louwagie, que des requêtes ont été envoyées pour que ces dispositifs soient évalués – j’avais d’ailleurs proposé l’année dernière que certains d’entre eux le soient.

En cas de non-évaluation ou de non-réponse, je propose leur suppression. Je comprends ce qui nous est dit sur la fiscalité du capital et sur une réforme, récente, qui nécessite un peu plus de temps pour l’appréhender dans ses effets. Mais ne disposant en l’état d’aucun autre moyen pour avoir une estimation financière de la niche, un bornage n’est pas injustifié pour contraindre à l’évaluation. Telle est la dynamique que je propose.

Mme Véronique Louwagie. Vous pouvez considérer cette intervention comme une défense des deux amendements qui seront appelés un peu plus tard.

Je ne conteste pas la nécessité de l’évaluation : c’est même à notre honneur de nous saisir de ce problème. En revanche, je persiste à ne pas comprendre cette obligation de bornage pour évaluer : nous devrions, nous pourrions, nous avons le devoir d’évaluer sans nécessairement borner.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je précise simplement à madame Louwagie que le bornage est le principe de droit commun de la loi de programmation des finances publiques. Nous savons en effet fort bien qu’il n’y a jamais d’évaluation sans bornage : la réalité, c’est aussi cela !

Autant je fais une petite entorse à ce principe pour le CNC en raison de la nouvelle gouvernance, autant, lorsqu’une telle situation dure depuis trop longtemps, le bornage est la bonne solution. Bornage ? Non-évaluation ? Suppression.

M. le président Éric Woerth. Il s’agit d’une date de péremption.

Mme Olivia Grégoire. Madame Louwagie travaillant toujours précisément, j’aime écouter ses arguments et y répondre.

Je demande des évaluations depuis deux ans sur un certain nombre de petites niches ; depuis deux ans, pas de réponse, ou si peu. Comme vous avez un peu plus d’expérience, dites-moi comment procéder pour disposer de ces chiffres. Je n’y parviens pas. Je ne vois donc pas d’autres solutions. Il ne s’agit pas d’être brutal mais d’obtenir des données, et je n’en ai pas.

La commission adopte l’amendement ICF1335 (amendement I2888).

Elle examine ensuite l’amendement ICF1320 de Mme Lise Magnier, qui fait l’objet du sous-amendement ICF1586 du rapporteur général.

Mme Lise Magnier. Nous proposons la suppression de trois petites niches fiscales qui n’ont aucun bénéficiaire.

M. Joël Giraud, rapporteur général. L’article 7 supprimant la première niche dont madame Magnier propose la suppression, son amendement est déjà satisfait.

S’agissant de la deuxième, qui concerne le régime des impatriés, j’ai déposé un amendement proposant un rapport. Charles de Courson en parlait encore hier, la situation sera enfin parfaitement claire pour tout le monde.

Mon sous-amendement maintient, en revanche, la suppression de la troisième dépense que vous proposez, qui vise la plus-value de cession des bateaux affectés au transport fluvial de marchandises.

La commission adopte le sous-amendement I-CF1586.

Puis, elle adopte l’amendement ICF1320 ainsi sous-amendé (amendement I2889).

Elle en vient à l’amendement ICF169 de Mme Lise Magnier.

Mme Lise Magnier. Cet amendement propose de maintenir l’option permettant l’étalement de certains revenus exceptionnels dans le temps pour les contribuables assujettis à l’impôt sur le revenu.

En effet, si ce dispositif demeure perfectible, il constitue un moyen essentiel afin d’éviter une imposition importante l’année de perception de certains revenus tels qu’une indemnité de départ à la retraite, une prime de licenciement.

Il permet ainsi de limiter la progressivité de l’impôt sur le revenu et d’éviter certains effets de seuil préjudiciable aux contribuables.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je rappelle l’existence d’un autre dispositif de lissage de l’imposition de revenus exceptionnels, qui n’est pas remis en cause : le système du quotient.

De plus, le prélèvement à la source s’articule relativement mal avec ce mécanisme d’étalement, le contribuable faisant d’abord l’objet d’un sur-prélèvement, puis d’un sous‑prélèvement, ce qui n’est pas très satisfaisant.

Dans ces conditions, les suppressions proposées par le Gouvernement ne me semblent pas absurdes. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement ICF169.

Elle examine ensuite l’amendement ICF1293 de Mme Olivia Grégoire.

Mme Olivia Grégoire. Nous proposons la suppression de cette petite niche qu’est l’exonération des dividendes perçus par l’associé unique d’une société unipersonnelle d’investissement à risque (SUIR). Elle s’éteint sur le flux en 2019. Dans le contexte actuel, notamment avec la mise en œuvre du prélèvement forfaitaire unique, le PFU, censé s’appliquer à tous les revenus du capital, ce dispositif paraît assez dérogatoire – pour ne pas dire plus – et on peut se poser la question de son maintien.

Mon amendement s’interroge surtout sur une sorte d’inégalité pouvant exister entre anciennes et nouvelles SUIR. Jusqu’à présent, l’absence de versement de dividendes par ces SUIR plaiderait plutôt pour un avantage ciblé non déterminant dans les décisions des investisseurs. Je suggère donc la suppression de cette niche.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Olivia Grégoire a raison : cette dépense fiscale n’est ni évaluée, ni bornée, nous ne connaissons pas son coût ni le nombre de ses bénéficiaires.

Sur le fond, je suis plus que favorable à cet amendement mais je m’interroge sur un point. Les distributions de sociétés à capital-risque (SCR) peuvent également être exonérées d’impôt sur le revenu, de même que les FCPR, les Fonds communs de placement à risque. Dans ces conditions, un problème d’équité se pose.

Deux attitudes sont possibles : soit un avis de sagesse pour forcer le Gouvernement à répondre – il répond donc « au banc » face à un risque d’amendement de suppression ; soit une demande d’un nouveau dépôt pour avoir ce dialogue, puis nous décidons de cette suppression ou non. Je suis plutôt tenté d’émettre un avis de sagesse afin de faire un peu pression pour avoir une réponse puisqu’à ce jour ni vous ni moi ne l’avons.

Mme Olivia Grégoire. Je remercie notre sage rapporteur de sa décision. Et je maintiens mon amendement en vue d’une discussion en séance.

La commission adopte l’amendement ICF1293 (amendement I2890).

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements ICF1056 et ICF1047 de M. Jean-Noël Barrot.

M. Jean-Noël Barrot. Le premier amendement, qui avait déjà été discuté l’année dernière, propose d’abroger et, le second, de borner la réduction d’impôt sur le revenu à raison des intérêts perçus au titre du différé de paiement accordé à des exploitations agricoles.

Le coût pour les finances publiques est de 500 millions pour vingt bénéficiaires.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Il s’agit de ce que l’on appelle des « niches froides ». Si cette dépense produira des effets jusqu’en 2023, son fait générateur a pris fin en 2010. Ces dispositifs ne produisent plus d’effets, si ce n’est ceux liés aux engagements pris antérieurement à cette date. Votre préoccupation est donc satisfaite puisque la niche n’existe plus. Je vous invite à retirer vos amendements.

M. Jean-Noël Barrot. Nous pensions nous inspirer d’un amendement du rapporteur général déposé l’année dernière mais nous avons dû faire erreur.

Les amendements ICF1056 et ICF1047 sont retirés.

La commission examine ensuite l’amendement ICF1497 du rapporteur général.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Nous proposons le bornage du Malraux, dispositif assez ancien sur lequel nous ne disposons d’aucune évaluation.

Plus encore, la plupart des services de directions régionales des finances publiques (DRFIP) spécialisés dans la délivrance des agréments ne statuent pas car…ils attendent ! Il ne s’agit pas de dire que ce dispositif est mauvais et qu’il doit être supprimé mais il faut le borner afin de l’évaluer. Il doit pouvoir vivre mais à condition que nous sachions exactement où nous mettons les pieds – et dans quels monuments !

M. Marc Le Fur. Votre propos m’inquiète un peu, monsieur le rapporteur général. Si j’ai bien compris, le bornage est un préalable à une éventuelle suppression, or, le dispositif Malraux est un sujet extrêmement sensible. Il s’agit d’un dispositif historique concernant la protection du patrimoine de notre pays qui, comme tel, est fondamental.

Entrer dans un processus de suppression constitue un signal particulièrement négatif pour la préservation du patrimoine urbain mais, aussi, rural. Je vous invite donc à la prudence la plus extrême. Notre assemblée est regardée, observée, et une telle disposition est très dangereuse.

Mme Véronique Louwagie. Je partage ce qui vient d’être dit.

Je me concentrerai sur la date que vous retenez pour le bornage d’opérations de cette nature. S’agissant du dispositif Malraux, plusieurs années sont nécessaires ; un an, comme vous le proposez, ne suffit pas. Les personnes qui auraient constitué aujourd’hui des dossiers pour une telle procédure ne verraient son aboutissement que dans deux ou trois ans. Je ne suis pas favorable au bornage mais il convient à tout le moins d’en modifier la date et de l’adapter aux différentes situations. Je ne sais pas ce qu’il en est précisément mais, en l’occurrence, la date du 31 décembre 2020, à mon avis, n’est pas pertinente.

M. le président Éric Woerth. Je partage votre avis.

Mme Émilie Cariou. Je comprends la volonté du rapporteur général d’évaluer ce dispositif mais je rejoins les propos de mes collègues : les dépenses engagées sont très importantes, le dispositif est très large et, surtout, il faut du temps pour le lancer. Il ne faudrait pas que nous instaurions une insécurité juridique, en particulier si c’est au final pour ne rien faire.

La date, à tout le moins, est trop précoce. Il me paraît opportun de rediscuter de tout cela dans l’hémicycle.

M. Jean-Paul Mattei. J’irai dans le même sens. Outre que la date de 2020 est trop précoce, nous envoyons un très mauvais signal. Je pense que les dates de 2023 ou 2024 seraient plus pertinentes, la mise en place des opérations concernées étant très longue.

M. Marc Le Fur. N’inquiétons pas d’éventuels opérateurs !

M. Charles de Courson. Il me semble que 2022 ou 2023 seraient des dates raisonnables mais pas 2020, c’est impossible.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je vous remercie : de la discussion jaillit la lumière !

La LPFP prévoit de borner l’ensemble des dispositifs d’ici à 2023. Je vous propose donc de rectifier l’amendement en retenant la date du 31 décembre 2023.

Je précise également que bornage ne signifie pas suppression. En l’occurrence, le Malraux est le type même de dispositif sur le long terme qui n’est jamais évalué, à tel point que, comme je le disais, certaines DRFIP ont des difficultés à l’appliquer. Ce sera donc l’occasion d’examiner les problèmes qui se posent.

Je suis le premier à faire utiliser le Malraux et à me rendre compte de la difficulté de l’instruction des dossiers. Certains d’entre eux ont dû être débloqués auprès de la direction générale des finances publiques (DGFiP), en lui demandant que le droit soit appliqué – je ne demande jamais de passe-droit mais l’application du droit, ce qui est complètement différent, et j’ai rencontré d’immenses difficultés.

Les opérations concernées sont effectivement très longues. Nous devons donc borner différemment dans le temps et je vous propose de rectifier la date en retenant celle du 31 décembre 2023.

M. Marc Le Fur. J’ai entendu notre collègue Olivia Grégoire, qui s’est beaucoup investie sur cette question des niches : le bornage est tout de même un préalable à la suppression et il sera perçu comme tel.

Nous parlons de niches et d’étapes depuis un certain temps, l’inquiétude est présente sur toutes les questions concernant le patrimoine et si, en plus, on s’en prend au Malraux… Ce n’est pas rien ! C’est un nom ! C’est un dispositif qui a contribué à protéger notre patrimoine ! Je souhaite que nous rassurions ceux qui, demain, peuvent en être des opérateurs conséquents.

Mme Olivia Grégoire. Ayant attentivement écouté Marc Le Fur, je dis que le bornage est le préalable… à l’évaluation.

M. le président Éric Woerth. C’est une mise sous pression.

Mme Olivia Grégoire. En effet. Pour le reste, je parle de petites niches et celle-ci me semble assez importante.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Nous avons voté tous ensemble, unanimement – y compris, donc, le groupe LR– une proposition de résolution en juin 2019 prévoyant un bornage et une évaluation sur ce type de dépenses. Il faut parfois respecter les propositions de résolution que nous votons et qui, de surcroît, sont conformes à la LPFP.

M. le président Éric Woerth. Nous avons un stock de niches et la question est de savoir par où commencer. La création d’une niche, quant à elle, devrait être accompagnée d’une date de péremption et d’une disposition précisant qu’au bout de trois, quatre ou cinq ans, une évaluation permettra de savoir si elle doit être ou non modifiée.

Comme nous travaillons sur le stock, les choses sont compliquées et nous devons chaque fois prendre garde à l’incidence que nos décisions peuvent avoir, notamment pour les acteurs économiques.

Mme Émilie Cariou. Compte tenu de l’ampleur du dispositif Malraux dans notre pays, j’aurais préféré que nous débattions de cette question dans l’hémicycle et que nous n’instaurions pas un bornage à ce stade.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Nous en débattrons dans l’hémicycle avec un amendement de bornage puisque, de toute façon, c’est le texte du Gouvernement que nous examinerons, pas celui de la commission.

La commission adopte l’amendement ICF1497 rectifié (amendement I2891).

Elle est ensuite saisie de l’amendement ICF475 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je vous propose de supprimer les alinéas 7 et 27, qui renvoient à deux questions différentes mais que j’ai regroupées pour être plus simple.

Le premier concerne la suppression de l’exonération des résultats provenant d’opérations dans une zone d’aménagement concerté (ZAC), laquelle me semble assez étonnante. Une zone d’aménagement concerté présente tout de même un intérêt public. Chaque ZAC a un compte et la taxation de chaque bonus ne me paraît pas très logique dès lors que des collectivités publiques sont engagées.

L’alinéa 27 concerne, quant à lui, la suppression de l’option pour l’étalement de certains revenus tels que les indemnités de départ à la retraite. Il est excessif de considérer cela comme une dépense fiscale puisque, en fonction des conventions collectives voire des accords individuels, les sommes en jeu peuvent représenter plusieurs mois d’indemnités et que les tranches d’IR auxquelles la personne concernée serait assujettie seraient bien plus élevées par rapport à sa situation antérieure. Un étalement me paraît tout à fait normal.

Je n’ai pas compris pourquoi le Gouvernement a retenu ces deux suppressions.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Sur la forme, la rédaction de votre amendement n’est pas tout à fait adéquate à votre souhait car elle supprime une coordination liée à l’abrogation de la dépense fiscale relative aux trésors nationaux, ainsi que les modalités d’application de la suppression des mécanismes d’étalement. Je me permets de vous suggérer de réécrire cette partie-là de sorte que votre amendement soit conforme à votre objectif.

Sur le fond, l’exonération d’impôt sur les sociétés pour certaines opérations d’aménagement n’a pas spécialement démontré son efficacité et je me permets de signaler qu’il s’agit de l’un des fameux trous noirs fiscaux identifiés en juillet.

Comme je l’ai dit à madame Magnier à propos d’une question un peu similaire, la suppression du mécanisme d’étalement des indemnités ne privera pas les contribuables de la possibilité d’opter pour le système du quotient.

Enfin, ce mécanisme d’étalement s’articule mal avec le prélèvement à la source dans la mesure où il y aurait une imposition intégrale la première année, conduisant à un sur‑prélèvement puis à trois sous-prélèvements.

Je suis donc défavorable à cet amendement sur le fond, lequel présente également un petit problème de forme.

M. Charles de Courson. Il me paraît vraiment très injuste que l’alinéa 27 ne rende pas possible l’étalement d’une somme aussi exceptionnelle qu’une indemnité de départ à la retraite qui, en principe, n’est proposée qu’une fois.

S’agissant des ZAC, l’exonération de bénéfices aurait-elle entraîné des dévoiements alors que cette mesure visait simplement à avoir un prix de revient plus faible au mètre carré ?

Mme Marie-Christine Dalloz. L’indemnité de départ à la retraite récompense toute une vie professionnelle, une carrière entière. Supprimer la possibilité d’un étalement revient à faire un mauvais procès à ceux qui partiront à la retraite. Avec le prélèvement à la source, la perception serait catastrophique. Les personnes changeront obligatoirement de tranche d’imposition et éprouveront un terrible sentiment de frustration. Je ne comprends pas une disposition aussi profondément injuste pour ceux qui partiront prochainement à la retraite.

La commission rejette l’amendement ICF475.

Elle est ensuite saisie de l’amendement ICF1550 du rapporteur général.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Amendement de coordination.

La commission adopte l’amendement ICF1550 (amendement I2892).

Elle examine ensuite l’amendement ICF1498 du rapporteur général.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je l’ai dit précédemment : j’avais déposé initialement un amendement concernant le bornage des crédits d’impôt en faveur du cinéma et nous avons voté un amendement proposant un rapport. Je retire donc tous les amendements relatifs à ce bornage.

L’amendement ICF1498 est retiré.

M. Marc Le Fur. Pourquoi ne borne-t-on pas en l’espèce ?

La commission est saisie de l’amendement ICF1046 de M. Jean-Noël Barrot.

M. Jean-Noël Barrot. Je le retire.

L’amendement ICF1046 est retiré.

La commission examine l’amendement ICF1499 du rapporteur général.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Il s’agit de borner le crédit d’impôt pour les entreprises de création de jeux vidéo.

Mme Olivia Grégoire. Je souhaiterais que le rapporteur général apporte quelques précisions. J’ai rencontré à de nombreuses reprises les acteurs de ce secteur. Il s’agit d’une industrie spécifique dans laquelle la France conserve encore quelques atouts sur la place européenne, comme le rapporteur général le sait, et un bornage constituerait un signal extrêmement négatif pour les acteurs.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Le régime fiscal particulier qui s’applique au crédit d’impôt « jeux vidéo » est dérogatoire et approuvé par la Commission européenne jusqu’au 31 décembre 2022. Au delà, il convient de réaliser une évaluation préalable en proposant un bornage à la même date, ce qui n’implique pas plus que tout à l’heure une suppression. Une telle évaluation doit être contrainte, sinon nous arriverons à la date butoir, nous serons confrontés à un grand problème face à la Commission européenne.

Mme Olivia Grégoire. Comme vous l’avez rappelé, monsieur le président, en matière de niches, l’idée n’est pas de mener une action répétitive et quantitative mais qualitative.

Je comprends le propos du rapporteur général en faveur d’une évaluation avant l’évaluation européenne qui ne vaut pas suppression. J’ajoute que si ce dispositif était mauvais, nos voisins allemands ne l’auraient pas copié.

M. Marc Le Fur. Peut-être certains points m’échappent-ils… Borner, c’est envisager de ne pas pérenniser certaines niches, en particulier celles concernant le patrimoine, nous en avons parlé.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Nous évaluons.

M. Marc Le Fur. Pourquoi le secteur du cinéma n’est-il pas soumis au même traitement ? Serait-il meilleur que les autres ?

M. le président Éric Woerth. Les rapports d’évaluation sont demandés. Nous avons déjà discuté de cette question, monsieur Le Fur.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je l’ai dit, une nouvelle gouvernance doit être installée au CNC. J’ai effectué plusieurs contrôles sur pièces et sur place et je ne suis pas benoîtement favorable à un certain nombre de dispositifs.

Au cours de l’examen de la seconde partie du PLF, des amendements tireront les leçons de ces contrôles afin de modifier un certain nombre de critères. Ils sont actuellement finalisés avec le ministère de la culture.

Il convient d’éviter ce que nous avons connu l’année dernière, où aucun dispositif proposé n’a pu être adopté en raison d’un conflit important. Dans un premier temps, il s’agissait de faire en sorte que le CNC produise un rapport annuel très circonstancié sur l’utilisation de ces crédits.

L’accord avec le ministère de la culture consiste à rétablir ces rapports afin que la nouvelle gouvernance s’investisse, réfléchisse et soit force de propositions. Ensuite, en fonction de leur enseignement, on pourra procéder  à un bornage. Cela me semble logique dans le cadre d’une nouvelle gouvernance, comme je l’ai expliqué tout à l’heure, monsieur Le Fur.

La commission adopte l’amendement ICF1499 (amendement I2893).

Puis la commission examine, en discussion commune, les amendements I-CF1285 et I-CF1337 de Mme Olivia Grégoire.

Mme Olivia Grégoire. J’ai déposé deux amendements concernant la possibilité de déduire du résultat d’une entreprise, pendant 5 ans, le prix d’acquisition d’œuvres originales d’artistes vivants, sous réserve de leur exposition aux salariés ou au public. Ce dispositif constitue un soutien indirect aux artistes vivants mais n’est pas nécessairement le meilleur instrument public de rayonnement culturel ou de soutien : cela bénéficie plus aux entreprises qu’aux artistes eux-mêmes. Le ministre de la culture, Franck Riester, a engagé un vrai travail en la matière.

Par ailleurs, cette déduction a été placée sous le même plafond que le dispositif de mécénat mais ne répond pas à la même logique : il s’agit en l’occurrence d’un achat et donc, in fine, d’une appropriation d’une œuvre par une entreprise, plutôt que d’un financement philanthropique d’une structure ou d’une association d’intérêt public.

Enfin, la baisse de l’impôt sur les sociétés devrait s’accompagner d’une suppression des dispositifs dérogatoires qui ont pour effet de miter cet impôt sans faire la preuve de leur efficacité pour l’économie globale ou pour un secteur en particulier.

Dans ces conditions, l’amendement I-CF1285 tend à supprimer ce dispositif, tandis que l’amendement I-CF1337 aura pour effet d’instaurer un bornage dans le temps.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Comme précédemment, il me semble préférable de retenir l’amendement qui assure un bornage – je vous propose donc de retirer le premier amendement.

L’amendement I-CF1285 est retiré.

Puis la commission adopte l’amendement I-CF1337 (amendement I2894).

L’amendement I-CF1480 du président Éric Woerth est ensuite retiré.

La commission est alors saisie des amendements identiques I-CF251 de Mme Véronique Louwagie, I-CF532 de M. Fabrice Brun et I-CF942 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Véronique Louwagie. Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, nous pourrions réaliser une évaluation sans procéder à un bornage. C’est ce que permettra l’amendement I‑CF251, relatif au crédit d’impôt collection.

M. Fabrice Brun. Le rapporteur nous a dit qu’il n’y a pas d’évaluation possible sans bornage – je veux bien le croire, mais il faut faire attention à ce qu’évaluation ne rime pas systématiquement avec suppression. À cet égard, je partage les réserves exprimées par Marc Le Fur à propos du dispositif Malraux.

L’amendement I-CF532 vise à supprimer le bornage prévu pour le crédit d’impôt collection et à rappeler qu’il faut soutenir les entreprises françaises du secteur du cuir, du textile et de l’habillement, afin de leur permettre de poursuivre sereinement leurs investissements dans l’innovation. C’est important pour des TPE et des PME qui représentent l’excellence française dans le monde.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est la deuxième ou troisième année que nous abordons la question du crédit d’impôt collection. Cette mesure relative aux entreprises du secteur du cuir, du textile et de l’habillement a du sens : elle permet de financer l’innovation. Il faut donc être prudent. Que l’on fasse une évaluation relève pour moi de l’évidence, on ne doit pas instaurer un bornage, car ce serait un signe assez négatif pour un secteur qui n’a pas besoin de cela. Tel est l’objet de l’amendement I-CF942.

M. Joël Giraud, rapporteur général. C’est la même situation que celle du crédit d’impôt jeu vidéo : un problème se posera à l’expiration du règlement européen relatif aux aides de minimis, au 31 décembre 2022. Il convient de faire un bornage à cette date, comme le prévoit le texte du Gouvernement, et de réaliser une évaluation préalable sur ce crédit d’impôt recherche. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable à vos amendements.

La commission rejette les amendements I-CF25, I-CF532 et I-CF942.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements identiques I-CF1481 du président Éric Woerth, I-CF67 de Mme Véronique Louwagie, I-CF549 de M. Fabrice Brun, I-CF619 de M. Charles de Courson, I-CF748 de M. Michel Vialay, I-CF752 de M. Gilles Lurton et I-CF938 de Mme Marie-Christine Dalloz, ainsi que les amendements ICF794 de Mme Valérie Petit, I-CF1050 de M. Jean-Noël Barrot, I-CF1551 du rapporteur général et I-CF637 de Mme Cendra Motin.

M. le président Éric Woerth. Mon amendement I-CF1481 vise à supprimer la limitation du crédit d’impôt famille au 31 décembre 2021, pour ne garder qu’une évaluation.

Les entreprises peuvent financer des crèches, ce qui est très important car la puissance publique ne peut pas tout faire – pas plus que les caisses d’allocations familiales. Les entreprises qui retiennent des berceaux dans des crèches bénéficient à ce titre d’un crédit d’impôt. Comme on l’a vu pour d’autres sujets, le bornage est très compliqué quand il s’agit de mesures pluriannuelles. La vision d’un entrepreneur qui achète des berceaux dans une crèche est de cette nature : un enfant reste en moyenne trois ans, et il faut être sûr de pouvoir bénéficier du crédit d’impôt jusqu’à la fin. Les enfants qui vont entrer dans des crèches en 2020 en sortiront vers 2023.

On voit bien quelle est la réaction des milieux bancaires : la mesure prévue par le Gouvernement aura pour effet de ralentir le rythme de construction de places de crèches. Je rappelle que les places réservées pour des employeurs représentent 18 % du total. C’est autant d’impôts locaux en moins, car la puissance publique n’intervient pas. Je voudrais vraiment attirer l’attention sur le risque de fragiliser un secteur. Il n’y aura pas de crédits bancaires et de réservations de places si les perspectives ne sont pas claires pour les trois ou quatre prochaines années.

Je ne suis pas du tout opposé à ce que l’on fasse une évaluation – j’y suis même très favorable –, mais il faut soit prévoir un bornage au delà des trois ans à venir, ce qui signifie qu’on laissera la possibilité d’investir en 2020 dans des places de crèches, tout en mettant la pression pour qu’une évaluation ait lieu, soit supprimer le bornage et imposer la réalisation d’une évaluation le plus rapidement possible, afin de voir si ce crédit d’impôt en vaut toujours la peine, ce que je crois.

M. Charles de Courson. Mon amendement I-CF619 est identique au vôtre, monsieur le président. Au lieu de prévoir un bornage au 31 décembre 2021, pourquoi ne se mettrait-on pas d’accord pour laisser deux ou trois ans de plus, de manière à réaliser une bonne évaluation avant de modifier ou de supprimer ce dispositif ? On pourrait fixer comme échéance 2023 ou 2024. Cela permettrait de réaliser une évaluation sérieuse sans perturber les investissements.

M. Michel Vialay. Je vais défendre l’amendement I-CF748 pour les mêmes raisons. Peut-on se permettre de courir un tel risque quand il manque 230 000 places dans les crèches en France ?

M. Gilles Lurton. Je sors d’auditions sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, et notamment sur la politique familiale. La création de places dans des crèches est dramatiquement faible en France. La réservation de berceaux par des entreprises permet de trouver des solutions, soit avec des entreprises privées soit directement avec les collectivités locales. Je pense qu’il faut maintenir ce dispositif. Tel est l’objet de l’amendement I-CF752.

Mme Marie-Christine Dalloz. Sans vouloir allonger les débats, j’aimerais préciser un élément. Vous avez parlé de réservations de berceaux : on oublie souvent qu’il y a aussi des investissements en ce qui concerne les bâtiments car il faut adapter des espaces. Le crédit d’impôt famille a pour vocation de pallier les carences actuelles en matière de places de crèches. D’où l’amendement I-CF938.

M. le président Éric Woerth. Dans le modèle actuel, ce sont souvent des entreprises spécialisées qui empruntent et construisent pour permettre des réservations de berceaux.

Mme Valérie Petit. Je pense qu’il faut être prudent. Il y a un grave déficit de places en crèches. Par ailleurs, contrairement aux idées reçues, ce dispositif ne profite pas aux enfants des riches : 20 % des enfants dans les crèches privées sont dits pauvres. Je pense que 2021 est une date beaucoup trop proche. C’est pourquoi j’ai déposé l’amendement I-CF794.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Le principe du bornage temporel ne signifie pas, je le répète, la disparition programmée d’une mesure. Personne ne veut supprimer le crédit d’impôt famille, pas plus que le Malraux  – c’est une évidence.

Pourquoi introduire un bornage ? Le crédit a fait l’objet d’une évaluation de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l’Inspection générale des finances, qui ont souligné qu’il fallait non pas supprimer cette mesure – loin de là – mais la faire évoluer. Le bornage permettra une évaluation, ce qui me paraît absolument indispensable, comme pour le Malraux – je n’ai pas du tout envie de voir disparaître ce dispositif, car je connais trop son utilité dans l’ensemble des territoires. Il y a un principe général de bornage, en vue de réaliser des évaluations – vous savez qu’elles n’ont jamais lieu sinon.

Le premier à m’avoir parlé de ce sujet est notre président, dès le dépôt du projet de loi. À l’évidence, il y a une question, dont j’ai également eu l’occasion de parler avec des organisations patronales dans le cadre d’une audition plus générale.

Le 31 décembre 2023 est la date butoir au sens de la LPFP. Nous aurons largement le temps de procéder à une évaluation du crédit d’impôt famille. Par ailleurs, nous ne nous inscrivons pas du tout dans le cadre d’une disparation programmée mais d’une évaluation, et peut-être d’une évolution. Pour être parfaitement clair, toutes les recommandations qui ont été faites ne vont pas dans le sens d’une économie budgétaire. Le dispositif étant ancien, il faut l’adapter au monde actuel.

M. Marc Le Fur. Ce dispositif ne date que de 2005 ou 2006.

M. Joël Giraud, rapporteur général. En tant qu’ancien président d’une intercommunalité, je sais ce qui se passe : je signais en général des conventions avec des entreprises pour une durée de 3 ans – parfois 2.

Mon amendement I-CF1551 tend à instaurer un bornage au 31 décembre 2023. C’est un compromis auquel je vous invite à vous rallier – et ceux qui le souhaitent pourront même cosigner l’amendement. Cela nous permettra de ne pas renoncer à notre ambition de faire une évaluation des dispenses fiscales : on ne peut pas réaliser l’évaluation pour 2020.

M. le président Éric Woerth. Nous sommes tous d’accord : il faut évaluer, puis supprimer ce qui ne marche pas et évidemment conserver le reste, tout en donnant de la visibilité quand il y a des investisseurs derrière. La situation est un peu différente quand il n’y a pas d’engagements pluriannuels.

On doit bien réfléchir à l’articulation entre l’évaluation et la fin du crédit d’impôt. L’évaluation doit avoir lieu 2 ou 3 ans avant la date d’expiration : si l’évaluation est négative, le dispositif continuera à fonctionner jusqu’en 2023 pour les places décidées, puis il s’arrêtera ; si l’évaluation est positive ou si elle conduit à des modifications, on pourra les faire un peu en amont, afin que les acteurs économiques et les ménages n’aient pas à prendre des décisions en ayant le couteau sous la gorge.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Vous avez tout à fait raison. J’avais prévu le 31 décembre 2023 car c’est le maximum permis par la LPFP, mais mon amendement demande que le rapport soit remis au Parlement avant le 30 septembre 2022.

M. le président Éric Woerth. Je pense même qu’il faudrait prévoir une date antérieure pour la remise du rapport.

M.  Joël Giraud, rapporteur général. Je vais rectifier mon amendement pour faire référence au 30 septembre 2021 en ce qui concerne la remise du rapport d’évaluation : cela nous donnera davantage de temps pour le cas échéant modifier ce qui doit l’être.

Je crois que nous pouvons tous nous retrouver autour de mon amendement ainsi rectifié : il respectera ce que nous avons prévu lorsque nous avons adopté la proposition de résolution que vous connaissez au printemps 2019, tout en permettant d’évaluer le dispositif dans les meilleures conditions.

M. le président Éric Woerth. Cela me paraît une bonne proposition.

Mme Valérie Petit. Je vais retirer mon amendement. Je veux bien faire confiance et considérer que le bornage va susciter une évaluation, mais il serait beaucoup plus propre d’adopter des dispositifs tels que les sunset clauses ou les clauses de revoyure dans certains cas. Le bornage est une espèce de succédané : ce n’est pas complètement satisfaisant pour qui aime l’évaluation.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Excusez-moi, mais une sunset clause est un bornage. Ce n’est qu’une traduction de ce mot.

M. Jean-Louis Bricout. J’ai peur que le principe du bornage ne fasse que créer des inquiétudes. Comme l’a dit madame Dalloz tout à l’heure, c’est complètement en décalage avec les temps d’investissement.

Vous avez évoqué, monsieur le président, une durée de trois ans entre l’entrée des enfants dans les crèches et leur sortie, mais il y a un renouvellement tous les ans : le même problème se pose toutes les années.

L’essentiel est d’avoir une évaluation bien programmée dans le temps, avec une date fixe, et de prendre une décision après la remise du rapport.

M. Jean-Paul Mattei. Je crois que le débat est surtout lié à l’intitulé de l’article 7 : « limitation dans le temps de dépenses fiscales afin d’en garantir l’évaluation et suppression de dépenses fiscales inefficientes ». Je crois que cela sème le trouble. Le fait de mélanger la suppression de certaines dépenses et le système de bornage crée une sorte de fragilité. Tout rassembler ainsi, à l’article 7, est une maladresse de rédaction.

M. Marc Le Fur. Il y a dans notre pays une grande demande, à laquelle nous souscrivons tous, je pense, de stabilité fiscale à moyen terme. Or on est en train de créer un gigantesque système d’incertitude sur le plan fiscal.

Mme Olivia Grégoire. Ne changeons rien, alors !

M. Marc Le Fur. Ce n’est pas la question. On va cumuler deux difficultés : non seulement on crée une incertitude, mais on renvoie aussi l’éventualité de la suppression à un mandat qui n’est pas le nôtre – quel courage !

Mme Olivia Grégoire. Que proposez-vous ?

M. Marc Le Fur. Il y a des niches auxquelles il faut s’en prendre, effectivement, mais on n’a pas besoin d’attendre pour le faire. Quel est l’argument justifiant le bornage ? Si je comprends bien, cela veut dire qu’un dispositif est supprimé au delà de telle date.

Mme Olivia Grégoire. Mais non ! Cela fait trois fois qu’on le dit…

M. Marc Le Fur. Il faut prévoir une évaluation sans faire de bornage.

M. Charles de Courson. Je suis d’accord avec l’amendement du rapporteur, sous une petite réserve : il est question du 30 septembre 2022 pour la remise du rapport, alors que le terme prévu est 2023 pour le dispositif.

M. le président Éric Woerth. L’amendement a été rectifié : le rapport devra être remis avant le 30 septembre 2021.

M. Charles de Courson. Alors c’est bien : à chaque fois, on est pris par le temps.

M. le président Éric Woerth. Ce que l’on peut dire à ce stade est que la commission des finances ne souhaite pas la suppression du crédit d’impôt famille, mais la réalisation d’une évaluation – il faut exercer une pression en bornant les choses dans le temps et en permettant aussi à des investisseurs un peu frileux, qui s’interrogent sur ce qui se passera en 2023, d’investir quand même. La date prévue est celle de la levée du doute.

Les amendements identiques I-CF1481, I-CF67, I-CF549, I-CF619, ICF748, ICF752, et I-CF938 sont retirés, ainsi que les amendements I-CF794, ICF1050 et ICF637.

La commission adopte ensuite l’amendement I-CF1551 rectifié (amendement I2895).

M. le président Éric Woerth. Nous devrons indiquer très clairement en séance publique ce que veut dire le bornage dans le temps pour des mesures qui existent déjà. Par ailleurs, lorsque l’on créera de nouveaux crédits d’impôt, ce qui arrivera sans doute, il faudra les assortir, par principe, d’un dispositif d’évaluation et de bornage.

Puis elle est saisie de l’amendement I-CF1283 de Mme Olivia Grégoire.

Mme Olivia Grégoire. L’amendement I-CF1283 concerne le crédit d’impôt pour les dépenses de conception de nouveaux produits en faveur des entreprises exerçant des métiers d’art, qui a souvent fait l’objet de débats. Il a notamment été critiqué par des rapports de l’inspection générale des finances : ce dispositif est relativement dérogatoire, car il concerne des dépenses déjà déductibles. Dans un contexte marqué par la baisse générale de l’impôt sur les sociétés et le maintien à des niveaux élevés d’autres dispositifs vertueux, comme le crédit d’impôt recherche, il y a une sorte de doublon. Comme cette mesure ne devait s’appliquer que jusqu’à la fin de l’année 2019, les acteurs concernés ont pu anticiper sa disparition depuis longtemps – leurs décisions ne seront donc pas modifiées. Je vous propose de supprimer définitivement ce crédit d’impôt.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Sans me prononcer sur le fond, je crois qu’il y a un problème : ce crédit d’impôt n’est applicable qu’aux dépenses exposées jusqu’au 31 décembre 2019. Il n’existera plus ensuite. Nous pourrons débattre, dans la seconde partie du projet de loi de finances, de la prorogation ou non de ce dispositif. Par ailleurs, votre amendement, tel qu’il est rédigé, aurait pour conséquence de remettre en cause le bénéfice du crédit d’impôt pour les dépenses exposées cette année, ce que vous ne souhaitez probablement pas. Je vous propose donc de retirer cet amendement.

L’amendement I-CF1283 est retiré.

La commission examine ensuite l’amendement I-CF1043 de M. Jean-Noël Barrot.

Mme Sarah El Haïry. Il est défendu.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Cet amendement tend à limiter dans le temps l’application du taux réduit à 5,5 % de la TVA aux travaux d’amélioration de la qualité énergétique des locaux à usage d’habitation. J’y suis plutôt favorable, en vue d’une évaluation. Néanmoins, comme le premier signataire de l’amendement n’est pas là, je vous propose de revoir la question en séance publique.

Mme Sarah El Haïry. Je vais retirer l’amendement et il sera ensuite redéposé.

L’amendement I-CF1043 est retiré.

Mme Véronique Louwagie. On prévoit un bornage pour certaines dépenses, mais pas pour d’autres, ce qui a un effet de stigmatisation. Il faudrait éviter de créer des doutes ou des inquiétudes pour les dépenses faisant l’objet d’un bornage. Nos échanges et certains amendements, comme celui qui vient d’être retiré – il concernait le bâtiment, qui est un secteur important –, montrent bien qu’il y a un vrai risque. À moins de tout borner, on s’expose à un problème.

M. le président Éric Woerth. Dans cette perspective, il faudrait tout borner, en effet.

La commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements I-CF1145 et I-CF1312 de Mme Olivia Grégoire.

Mme Olivia Grégoire. Je propose de supprimer l’exonération des droits d’enregistrement pour les acquisitions de droits sociaux effectuées par une société créée spécifiquement en vue d’en racheter une autre. Ce dispositif a été imaginé, à l’origine, pour faciliter et encourager la transmission d’entreprises – qui demeure une question très prégnante dans notre pays – mais il n’a pas fait ses preuves. Le nombre de bénéficiaires est extrêmement faible et les montants concernés également. Une telle exonération ne paraît pas déterminante pour la transmission des entreprises, contrairement à d’autres mesures.

La suppression de ce dispositif permettra de clarifier le paysage des mécanismes d’accompagnement de la transmission des entreprises – cela correspond à une demande forte des entrepreneurs, à laquelle un certain nombre de collègues de l’opposition seront probablement sensibles. Il faut plus de lisibilité et de simplicité : il y a beaucoup de dispositifs qui se chevauchent dans ce domaine, et la problématique de la transmission demeure. Il serait bien d’avoir des dispositifs moins nombreux mais plus solides et accessibles.

L’amendement I-CF1312 prévoit, à titre de repli, un bornage au 31 décembre 2022.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je comprends parfaitement votre argumentaire. Toutefois, cette dépense fiscale a été créée afin d’éviter un frottement fiscal et nous avons, par ailleurs, allégé les droits d’enregistrement pour les actes de la vie des sociétés. Il faudrait peut-être regarder la question d’un peu plus près, ce qu’un bornage permettrait de faire. Je vous propose donc le retrait du premier amendement au profit du second.

Mme Olivia Grégoire. Je vais quand même maintenir l’amendement I-CF1145, car j’aimerais avoir des éclaircissements sur cette niche fiscale.

M. Jean-Paul Mattei. Je crois qu’il faut se laisser un peu de temps pour réfléchir. Tout dépend du type de la société rachetée : s’il s’agit d’une société par actions, les droits de mutation sont très bas ; si c’est une société à responsabilité limitée (SARL), avec des parts sociales, la situation est différente. Le risque est de pousser à transformer des entreprises en sociétés par actions simplifiées (SAS) ou en sociétés anonymes (SA) pour payer des droits réduits, ce qui peut être un élément de complexité pour les rachats.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Vous préférez donc un bornage.

M. Jean-Paul Mattei. Tout à fait.

Mme Véronique Louwagie. Je voudrais seulement préciser que ce dispositif s’applique au rachat des entreprises par leurs salariés ou par des membres de la famille – je crois que nous y sommes tous attachés. Cela mérite une évaluation, en effet.

La commission rejette l’amendement I-CF1145.

Puis elle adopte l’amendement I-CF1312 (amendement I2896).

La commission examine ensuite l’amendement I-CF1054 de M. Jean-Noël Barrot.

M. Jean-Paul Mattei. Nous continuons à souhaiter qu’un bornage soit mis en place au sujet des avantages fiscaux liés à l’assurance-vie, afin de regarder s’ils sont toujours pertinents et légitimes au regard des dispositions prévues par l’article 777 du code général des impôts. Tel est l’objet de l’amendement I‑CF1054 – on persiste et signe.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Ce n’est pas un bornage, mais vous avez bien tenté le coup. (Sourires.) J’émets un avis défavorable à cet amendement, comme aux précédents en matière d’assurance-vie, car cela risquerait de déstabiliser le secteur.

La commission rejette l’amendement I-CF1054.

Puis elle aborde l’amendement ICF1305 de Mme Olivia Grégoire.

Mme Olivia Grégoire. Je vous propose de borner trois dispositifs dont une évaluation rigoureuse serait vraiment nécessaire. Il s’agit des taux réduits de contribution au service public de l’électricité dont bénéficient des entreprises dites électro ou hyper-électro intensives. Ces mécanismes, créés en 2015 pour soutenir des secteurs qui sont notamment confrontés à une problématique de fuite de carbone, constituent une aide indispensable pour les entreprises concernées mais une analyse de leur impact en matière de bilan énergétique et carbone serait intéressante compte tenu de l’urgence écologique. L’amendement I‑CF1305 conduira à une évaluation de ce dispositif.

Suivant l’avis favorable du rapporteur général, la commission adopte l’amendement ICF1305 (amendement I2897).

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel ICF1552 du rapporteur général (amendement I2898).

Puis elle est saisie de l’amendement ICF810 de M. Jean-Paul Dufrègne.

M. Jean-Paul Dufrègne. Nous souhaitons que le Gouvernement transmette chaque année au Parlement, avant le dépôt du projet de loi de finances, la liste des dépenses fiscales supérieures à 500 millions d’euros parmi celles qui sont relatives à l’impôt sur le revenu et ne sont pas communes avec celles concernant l’impôt sur les sociétés. L’amendement I‑CF810 renforcera les obligations de transparence au sujet des bénéficiaires des dépenses fiscales les plus importantes, ce qui facilitera le suivi de ces dernières par la représentation nationale et les citoyens. J’ajoute que l’article 34 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018-2022, adopté à notre initiative, n’a pas été respecté l’année dernière, ni apparemment cette année, malgré le courrier que j’ai adressé au ministre de l’action et des comptes publics.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Il y a une multiplication des documents demandés. Il faudrait commencer par se concentrer sur ceux qui sont déjà à notre disposition.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il y en a un que nous attendons encore…

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je vous demande de retirer votre amendement.

L’amendement ICF810 est retiré.

La commission examine ensuite l’amendement ICF1553 du rapporteur général.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Nous arrivons à l’amendement que j’ai annoncé tout à l’heure à propos du régime des impatriés, qui a été créé pour attirer des cadres de haut niveau dans notre pays : il permet des exonérations d’impôt sur le revenu pour les primes d’impatriation et d’autres revenus ainsi que, s’agissant de l’employeur, une exonération de taxe sur les salaires pour les primes d’impatriation versées. C’est un outil efficace, et il y a le contexte particulier du Brexit. Néanmoins, ces dispositions représentent dans l’ensemble 200 millions d’euros…

Je propose, notamment à la suite des préoccupations exprimées par Charles de Courson, Lise Magnier et d’autres collègues, qu’une évaluation soit réalisée d’ici à l’automne 2022. Nous aurons alors un certain recul sur l’impact du Brexit, et nous pourrons procéder plus facilement à d’éventuels ajustements.

Je crois que nous pourrions tous nous accorder sur mon amendement I‑CF1553, qui vise simplement à faire le point : nous regarderons si les mesures prévues sont toujours pertinentes – elles peuvent l’être à l’occasion du Brexit mais pas nécessairement sur le long terme. Le rapport que je demande correspond à une demande formulée par un certain nombre d’entre nous.

M. Jean-Paul Dufrègne. Encore un rapport ? (Sourires.)

Mme Marie-Christine Dalloz. Quand c’est le rapporteur général qui le demande, tous les rapports sont possibles, mais pas quand nous le faisons. Par ailleurs, je constate qu’il n’y a pas de bornage prévu dans ce cas : cela m’étonne et me déçoit.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je ne répondrai pas à cette provocation. (Sourires.)

La commission adopte l’amendement ICF1553 (amendement I2899).

Elle adopte ensuite l’article 7 modifié.

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*     *

Article additionnel après l’article 7
Suppression des dépenses fiscales non chiffrées, sans mention du nombre de leurs bénéficiaires et non bornées (« trous noirs fiscaux »)

La commission examine, en discussion commune, l’amendement ICF1554 du rapporteur général, faisant l’objet du sous-amendement ICF1588 de Mme Lise Magnier, et l’amendement ICF1555 du rapporteur général.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Nous abordons des amendements relatifs aux fameux trous noirs que j’ai évoqués dans mon rapport sur l’application des mesures fiscales.

L’amendement I‑CF1554 – qui est celui que je vous propose d’adopter à ce stade – tend à forcer le Gouvernement à sortir du bois en ce qui concerne un certain nombre de données dont nous ne disposons pas : cet amendement supprimerait tous les trous noirs.

L’amendement I‑CF1555, qui est celui dont je souhaiterais l’adoption en séance, fait en revanche un tri. Je n’ai pas du tout l’intention de remettre en cause une partie des dispositifs dont nous parlons, même si je veux avoir des chiffres – je pense, par exemple, à l’exonération des droits de mutation pour les successions des victimes d’actes de terrorisme ou d’opérations militaires et à l’exonération d’impôt sur le revenu pour la location d’une pièce de l’habitation principale.

C’est une question de méthode : nous avons constaté cet été que nous n’avions aucune information sur certaines dépenses fiscales. Le Gouvernement, qui nous a entendus, a lancé un programme d’évaluation pluriannuelle, et l’administration va réaliser un travail qui sera, je n’en doute pas, d’une grande qualité.

Les trous noirs fiscaux sont une parfaite illustration du manque d’information dont nous souffrons. L’amendement de suppression générale que je vous propose d’adopter en commission permettra d’envoyer un message fort au niveau politique : le Parlement exige d’être informé. Puis nous ferons le tri en séance publique, certaines mesures n’ayant pas vocation à être supprimées – outre ce que j’ai déjà indiqué, il y a notamment des dispositifs concernant les personnes handicapées. Nous adopterons un bornage pour un certain nombre de dispositions, afin de disposer d’évaluations : le Gouvernement doit s’engager d’une manière très claire sur ce point.

Je souhaite, je le répète, que nous adoptions aujourd’hui l’amendement I‑CF1554 de manière à faire pression, étant entendu que mon objectif est de faire adopter en séance publique l’amendement I‑CF1555, qui sépare le bon grain de l’ivraie.

Mme Lise Magnier. Merci d’avoir apporté ces précisions, monsieur le rapporteur général.

Mon sous-amendement I‑CF1588 vise à sortir de la liste le trou noir fiscal lié au biocarburant B100, qui bénéficie, depuis la loi de finances pour 2018, d’un taux réduit de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques – le Gouvernement s’était engagé à ce que ce soit le cas pendant 5 ans.

L’accompagnement du développement des biocarburants répond à un objectif de transition écologique qui est partagé par tous au sein de notre assemblée. Par ailleurs, le B100 est issu de tourteaux de colza produits en France : cette mesure répond aussi à la volonté du Président de la République d’assurer l’autonomie en protéines de la France grâce à notre agriculture. Il ne faut pas supprimer l’accompagnement fiscal prévu pour le B100, mais au contraire respecter l’engagement du Gouvernement sur la durée d’application du dispositif. Nous aviserons ensuite.

J’ai vu que l’amendement I‑CF1555 prévoit un bornage en 2021 : je pense qu’il faudrait plutôt que ce soit 2023, compte tenu de l’engagement pris par le Gouvernement, mais je n’ai pas eu le temps de déposer un sous-amendement en ce sens.

Mme Émilie Cariou. Pourriez-vous nous donner la liste des dispositions concernées ?

M. le président Éric Woerth. Qu’est-ce que l’exonération de droits de mutation pour les dons et legs faits au profit de certains organismes publics ? De quoi s’agit-il exactement ?

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je voudrais vous rassurer, madame Magnier. L’amendement I‑CF1554 répond à une question de méthode, je l’ai dit : on va atterrir autrement. Je comprends votre préoccupation au sujet du B100 : je rectifierai mon amendement ou bien vous pourrez déposer un sous-amendement en séance – nous ferons comme vous le souhaitez.

Pour répondre à notre président, une exonération de droits de mutation s’applique aux dons et legs en faveur de certaines collectivités locales, de certains organismes ou établissements publics, ou d’utilité publique, et de certains organismes européens conformément à l’article 794 du code général des impôts et à plusieurs dispositions de l’article 795 du même code. Ce dispositif a fait l’objet d’une analyse extrêmement sévère : il ne bénéficie en aucun cas aux donateurs et ne revêt aucun caractère incitatif, alors que d’autres outils concourent à atteindre l’objectif poursuivi. J’espère que cela vous éclaire davantage, monsieur le président.

Une liste intégrale figure dans mon rapport sur l’application des mesures fiscales, et elle sera reproduite dans mon rapport.

Par ailleurs, l’amendement I‑CF1555 précise les mesures qu’il est souhaitable de supprimer et celles qu’il faudrait borner pour avoir enfin des explications à leur sujet.

Mme Émilie Cariou. J’entends qu’il s’agit de faire pression sur le Gouvernement avec cet amendement, mais je constate que figure dans la liste des mesures supprimées l’article 35 bis du code général des impôts, qui prévoit une exonération pour les locations meublées, lorsque le loyer est inférieur à 760 euros par an. Avec le développement des plateformes de location, cela concerne des millions de personnes, et je ne pense pas qu’il soit raisonnable de laisser l’article 35 bis dans cette liste.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je viens de donner comme exemple de ce qui ne sera jamais supprimé l’exonération en cas de location d’une pièce d’habitation principale ou l’exonération des droits de mutation pour les successions de victimes d’actes de terrorisme. Je le répète, cet amendement est une réponse au fait qu’on nous refuse l’accès à toute donnée, et je n’ai nullement l’intention de supprimer des dépenses fiscales qui ont démontré leur utilité.

Mme Lise Magnier. Monsieur le rapporteur général, accepterez-vous de borner le dispositif B100 à 2023 ou faut-il que je prévoie un sous-amendement pour la séance ? À ce stade, en tout cas, je retire le sous-amendement I-CF1588.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je suis tout à fait favorable à cette rectification que j’effectuerai pour la séance.

Le sous-amendement I-CF1588 est retiré.

La commission adopte l’amendement I-CF1554 (amendement I2900).

En conséquence, l’amendement I-CF1555 tombe.

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Article 8
Baisse du taux réduit de la TVA sur certains logements locatifs sociaux dans le cadre du pacte dinvestissement pour le logement social

Résumé du dispositif et effets principaux

Faisant suite au pacte d’investissement pour le logement social 2020-2022, cet article renforce de façon ciblée l’application des taux réduits de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) afférents au secteur du logement social, afin d’améliorer les incitations à la construction et à la rénovation urbaine.

À cette fin, les taux de TVA portant sur les livraisons et livraisons à soi-même de logements locatifs sociaux (LLS) financés par un prêt locatif aidé d’intégration (PLAI) sont abaissés de 10 % à 5,5 %. Ces logements sont destinés à héberger les ménages dont les revenus sont les moins élevés.

De même, le taux de TVA est abaissé de 10 % à 5,5 % pour les livraisons et livraisons à soi-même des autres logements locatifs sociaux éligibles à un prêt locatif à usage social (PLUS), ainsi que pour les logements situés dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) faisant l’objet d’une convention de rénovation.

Certains travaux attachés à ces logements pourront également bénéficier de cette baisse de TVA.

Par ailleurs, le présent article enrichit la liste du champ d’application de la TVA au taux de 5,5 % applicable aux livraisons de structures d’hébergement temporaire ou d’urgence.

Le coût du dispositif est estimé à 375 millions d’euros sur la période 2020-2022.

Dernière modification législative intervenue

L’article 12 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 a créé l’article 278 sexies-0 A du code général des impôts (CGI) afin de préciser les périmètres respectifs des deux taux réduits (10 % et 5,5 %) de TVA portant sur le logement social.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté, à l’initiative de Mme Lise Magnier (UDI-Agir et indépendants), un amendement visant à élargir le taux de TVA réduit à 5,5 % aux livraisons de foyers de jeunes travailleurs.

I.   L’État du droit

A.   Les livraisons d’immeubles relèvent du taux normal de TVA, à l’exception de certaines livraisons intervenant dans le secteur du logement social

1.   Les différentes catégories de logements sociaux

À titre liminaire, il importe de préciser que les différentes catégories de logements sociaux sont déterminées en fonction de la catégorie de prêt ou de subvention accordé par l’État aux organismes HLM lors de leur construction.

Le prêt locatif aidé d’intégration (PLAI) finance des logements locatifs destinés à des ménages modestes et très modestes.

Le prêt locatif à usage social (PLUS) est actuellement le dispositif le plus fréquemment mobilisé pour le financement de la construction de logements sociaux. Ses caractéristiques prennent en compte un objectif de mixité sociale.

Les PLAI et les PLUS

Le PLAI et le PLUS peuvent financer l’acquisition ou la construction de logements à usage locatif ainsi que les travaux d’amélioration correspondants.

Ces prêts sont uniquement destinés aux organismes HLM – office public de l’habitat (OPH), société anonyme de HLM, société d’économie mixte (SEM) de construction de logements –, et aux collectivités territoriales ou établissement public de coopération intercommunale (EPCI) n’ayant pas d’organisme HLM sur leur territoire.

Ces prêts sont soumis à la passation d’une convention APL (aide personnalisée au logement) signée avec l’État, dont la durée est au moins égale à la durée du prêt sans pouvoir être inférieure à 9 ans.

Le taux d’intérêt est de 1,35 % pour le PLUS et 0,55 % pour le PLAI.

Les opérations financées en PLUS et en PLAI permettent de bénéficier d’une taxe sur la valeur ajoutée (TVA), au 1er janvier 2019, de 10 % sur les constructions, et d’une exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) de 25 ans, portée à 30 ans en cas de respect de certains critères de qualité environnementale.

Les logements dont la construction a relevé d’un prêt locatif social (PLS) ou prêt locatif intermédiaire (PLI) sont attribués aux familles dont les revenus sont trop élevés pour pouvoir accéder aux logements relevant d’un PLAI ou d’un PLUS, mais trop bas pour pouvoir se loger dans le secteur privé.

2.   Les taux de TVA portant sur les livraisons à autrui de logements sociaux

Le régime du taux réduit de TVA pour les opérations d’investissement locatif social est entré en vigueur en 1996 ([221]) et s’est substitué aux anciens dispositifs de prêts locatifs aidés d’intégration.

Les taux de TVA portant sur les logements sociaux sont déterminés par le public auxquels ils s’adressent.

a.   Un taux réduit à 5,5 %

En application de l’article 278 sexies-0 A, 1° du code général des impôts (CGI), le taux de réduit de 5,5 % s’applique aux livraisons d’immeubles intervenant dans les secteurs de l’accession sociale à la propriété, de l’hébergement temporaire ou d’urgence et de l’accueil des personnes âgées ou handicapées, énumérées aux 4, 5, 8, 11, 11 bis, 12 et 13 de l’article 278 sexies, I du CGI. Il s’agit :

– des livraisons de logements destinés à être occupés par des titulaires de contrats de location-accession conclus dans les conditions prévues par la loi du 12 juillet 1984 ([222]), qui font lobjet, dans des conditions fixées par décret, dune convention et dune décision dagrément prise par le représentant de lÉtat dans le département ;

 des livraisons de logements aux structures dhébergement temporaire ou durgence faisant lobjet dune convention entre le propriétaire (ou le gestionnaire) des locaux et le préfet, et destinées aux personnes défavorisées visées à larticle L. 301-1 du code de la construction et de lhabitation (CCH) ;

 des livraisons de locaux destinés à lhébergement aux établissements mentionnés à larticle L. 312-1, I-2° du code de laction sociale et des familles (CASF) et des livraisons de locaux aux établissements mentionnés à larticle
L. 312-1, I-6° et 7° du CASF, agissant sans but lucratif et dont la gestion est désintéressée, lorsquils hébergent des personnes handicapées ou âgées remplissant les critères déligibilité au prêt prévu à larticle R. 331-1 du CCH, et que ces locaux font lobjet dune convention entre le propriétaire (ou le gestionnaire) et le préfet ;

 des livraisons de logements neufs à usage de résidence principale destinés à des personnes dont les ressources nexcèdent pas les plafonds prévus à la première phrase du 10e alinéa de larticle L. 411-2 du CCH et situés dans, ou à proximité, des quartiers en rénovation urbaine faisant lobjet dune convention pluriannuelle avec lAgence nationale de la rénovation urbaine (ANRU) ;

 des livraisons de logements neufs à usage de résidence principale destinés à des personnes dont les ressources nexcèdent pas les plafonds visés
à larticle L. 411-2 du CCH et situés dans, ou à proximité, des quartiers prioritaires de la politique de la ville qui font lobjet dun contrat de ville. Le prix de vente ou de construction desdits logements ne doit pas excéder les plafonds prévus pour les livraisons de logements destinés à une opération de location-accession agréée ;

 des apports dimmeubles sociaux neufs faits par les organismes dhabitations à loyers modérés (HLM) aux sociétés civiles immobilières (SCI) daccession progressive à la propriété ;

 des livraisons de terrains à bâtir à un organisme de foncier solidaire en vue de la conclusion dun bail réel solidaire, des livraisons de logements neufs à un tel organisme en vue de la conclusion dun bail réel solidaire conclu dans les conditions prévues à larticle L. 255-2 du CCH et des cessionsprévues à larticle L. 255-3 du même codedes droits réels immobiliers attachés aux logements construits ou réhabilités dans le cadre dun tel bail et destinés à la résidence principale des acquéreurs.

b.   Un taux intermédiaire à 10 %

En application de l’article 278 sexies-0 A, 2° du CGI, le taux intermédiaire de 10 % s’applique à certaines livraisons d’immeubles réalisées dans le secteur du logement locatif social – dit « LLS » – dont le fait générateur est intervenu depuis le 1er janvier 2018, énumérées aux 1, 2, 3, 6, 7, 7 bis et 10 de l’article 278 sexies I du CGI. Il s’agit :

– des livraisons de terrain à bâtir réalisées au profit dun organisme HLM ou opérateur – essentiellement une société déconomie mixte – bénéficiaire dun prêt relevant de larticle R. 331-1 du CCH pour la construction de logements sociaux à usage locatif et logements-foyers ;

 des livraisons de logements sociaux neufs à usage locatif et de logements-foyers faisant lobjet dune décision favorable dagrément lorsque lacquisition est financée au moyen dun prêt relevant de larticle R. 331-1 du CCH ou dune subvention de lANRU et quune convention ouvrant droit au bénéfice de laide personnalisée au logement (APL) a été conclue avec lÉtat en application de larticle L. 351-2, 3° ou 5° du CCH ;

 du premier apport à un organisme HLM, dans les cinq ans de leur achèvement, de logements sociaux à usage locatif ayant fait lobjet dune livraison à soi-même au taux réduit ou au taux intermédiaire ;

 des livraisons de logements sociaux à usage locatif à lAssociation foncière logement (AFL) lorsquelle a conclu avec lÉtat une convention en application de larticle L. 351-2, 4° du CCH ;

 des livraisons de logements à usage locatif à lAFL ou à des SCI dont elle détient la majorité des parts lorsque ces logements sont situés dans, ou à proximité, des quartiers en rénovation urbaine et des quartiers prioritaires de la politique de la ville et destinés à être occupés par des ménages dont les ressources nexcèdent pas le montant mentionné à larticle R. 391-8 du CCH ;

 des livraisons de logements à usage locatif destinés à être occupés par des ménages dont les ressources nexcèdent pas le montant mentionné à larticle R. 391-8 du CCH aux organismes réalisant des opérations prévues par une convention pluriannuelle conclue avec lANRU mentionnée à larticle 10 de la loi du 1er août 2003 ([223]), situées sur des terrains octroyés au titre des contreparties mentionnées à larticle L. 313-3 du CCH et dont la réalisation était initialement prévue par lAFL ;

 des ventes de droits immobiliers démembrés de logements sociaux neufs à usage locatif sous réserve que lusufruitier bénéficie dun prêt relevant de larticle R. 331-1 du CCH et ait conclu une convention ouvrant droit au bénéfice de lAPL avec lÉtat en application de larticle L. 351-2, 3° ou 5° du CCH.

Le taux de TVA de 10 % sapplique également aux travaux :

 de rénovation, damélioration, de transformation ou daménagement lorsque lacquéreur bénéficie pour cette opération dun prêt accordé pour la construction, lacquisition ou lamélioration de logements locatifs aidés ou dune subvention de lANRU ;

 de rénovation portant sur certains types de logements sociaux, ayant pour objet de concourir directement à la réalisation déconomies dénergie et de fluides, à laccessibilité de limmeuble et du logement et à ladaptation du logement aux personnes en situation de handicap et aux personnes âgées, à la mise en conformité des locaux avec les normes relatives à un logement décent, à la protection de la population contre les risques sanitaires liés à une exposition à lamiante ou au plomb, ou encore à la protection des locataires en matière de prévention et de lutte contre les incendies, de sécurité des ascenseurs, de sécurité des installations de gaz ou délectricité, de prévention des risques naturels, miniers et technologiques ou dinstallation de dispositifs de retenue des personnes.

3.   Les taux de TVA portant sur les livraisons à soi-même de logements sociaux

Lachèvement dun immeuble peut, dans certains cas, constituer un chef dimposition à la TVA. Il sagit ici de lapplication aux opérations immobilières de la pratique de la livraison à soi-même qui, dans certaines situations, consiste à considérer, en labsence de toute cession ou opération équivalente, que le redevable est néanmoins censé, par une sorte de fiction purement fiscale, « se livrer à lui-même » certains biens ou services.

Cette livraison à soi-même permet de déduire la TVA damont supportée sur les dépenses de construction.

Les livraisons à soi-même imposables donnent lieu, en principe, à lapplication du taux normal de 20 % prévu par larticle 278 du CGI. Par dérogation, certaines opérations immobilières en lien avec le logement social sont susceptibles de relever de taux réduits.

a.   Un taux réduit de 5,5 %

Sont redevables d’un taux de TVA à 5,5 % les livraisons à soi-même :

 dimmeubles neufs relevant du logement social dont lacquisition aurait bénéficié de ce taux, selon les dispositions du II de larticle 278 sexies du CGI ;

– de travaux dextension ou rendant à létat neuf les logements locatifs sociaux qui font lobjet dune convention entre le bailleur et lÉtat et mentionnés à larticle 278 sexies, I-5 et 8, cest-à-dire les livraisons de logements aux structures dhébergement temporaire ou durgence, les livraisons de locaux destinés à lhébergement aux établissements mentionnés à l’article L. 312-1, I-2° du CASF, et les livraisons de locaux aux établissements mentionnés aux 6° et 7° du même article, agissant sans but lucratif et qui hébergent des personnes handicapées ou âgées.

b.   Un taux intermédiaire de 10 %

Sont redevables d’un taux de TVA à 10 % les livraisons à soi-même :

– dimmeubles neufs relevant du logement social dont lacquisition aurait bénéficié de ce taux, selon les dispositions de larticle 278 sexies du CGI ;

– dimmeubles neufs dans le secteur locatif intermédiaire dont lacquisition aurait bénéficié de ce taux, en vertu dune interprétation de ladministration fiscale ([224]) ;

– de travaux dextension ou rendant à létat neuf les logements locatifs sociaux qui font lobjet dune convention entre le bailleur et lÉtat et mentionnés à larticle 278 sexies, I-2 et 6, cest-à-dire les livraisons de logements sociaux neufs à usage locatif et de logements-foyers dont lacquisition est financée au moyen dun prêt de lÉtat ou dune subvention de lANRU, ainsi que les livraisons de logements sociaux à usage locatif à lAssociation foncière logement.

B.   l’économie générale du secteur du logement social est en transition : la tva est une composante de son équation financiÈre

1.   Des modifications récentes, assorties d’une clause de revoyure

Le secteur du logement social fait l’objet, depuis 2017, d’une réforme d’ampleur. Cette réforme s’est notamment manifestée par l’instauration de la réduction de loyer de solidarité (RLS – cf. infra), des mesures d’accompagnement associées – comme le gel puis la révision du taux du livret A – mais également de dispositions résultant de la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique – dite « ELAN » – du 23 novembre 2018 ([225]).

 

La réduction de loyer de solidarité

L’article 126 de la loi du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 a mis en place un mécanisme complexe intitulé « réduction de loyer de solidarité » (RLS), défini à l’article L. 442-2-1 du code de la construction et de l’habitation.

La RLS consiste en une remise sur loyer obligatoire pour les locataires du parc social dont les revenus sont inférieurs à certains plafonds, accompagnée d’une baisse de l’APL versée à ces mêmes locataires.

La RLS est instituée pour les logements, autres que les logements-foyers, qui ouvrent droit à laide personnalisée au logement (APL) et qui sont gérés par les organismes HLM visés à l’article L. 411-2 du code de la construction et de l’habitation.

Les montants de RLS, modulés en fonction de la composition du ménage et de la zone géographique, sont fixés chaque année à un niveau qui doit être inférieur aux montants maximaux établis par l’article L. 442-2-1 précité du CCH. Ces montants maximaux sont indexés chaque année, au 1er janvier, sur l’indice de référence des loyers (IRL) et les montants effectifs de la RLS sont eux-mêmes revalorisés de manière à suivre au moins l’évolution du même IRL.

Le bénéfice de la RLS est soumis au respect par les locataires de plafonds de ressources qui, comme les montants de RLS, sont définis par l’arrêté n° 2018-136 du
27 février 2018 en fonction de la composition du ménage et de la zone géographique.

Ces plafonds sont également soumis à une contrainte d’évolution. Les plafonds maximaux inscrits à l’article L. 442-4-1 du CCH, ainsi que le plafond effectif indiqué dans l’arrêté, sont revalorisés chaque année, au 1er janvier, en fonction de l’évolution de l’indice des prix à la consommation hors tabac, constatée pour l’avant-dernière année précédant la revalorisation.

Ces plafonds s’appliquent aux ressources prises en compte pour le calcul de l’attribution de l’APL : lorsque le ménage bénéficie de la RLS, le montant de l’APL est diminué à hauteur de 98 % de son montant.

La RLS permet une diminution des dépenses d’APL pour l’État, mais se traduit par une perte de recettes locatives pour les bailleurs.

L’article 12 de la loi de finances pour 2018 a porté le taux de TVA applicable à certaines livraisons de logements sociaux (v. supra) à 10 % à compter du 1er janvier 2018 ([226]), aboutissant à un coût pour le secteur du logement social alors évalué à 350 millions d’euros.

Cette réforme prévoyait une « clause de rendez-vous ». De fait, les concertations menées depuis se sont traduites par la signature, entre le Gouvernement et les acteurs du logement social, du pacte d’investissement pour le logement social, le 25 avril 2019.

2.   La mise en œuvre de l’équilibre financier résultant du Pacte d’investissement pour le logement social 2020-2022 touche les taux de TVA

Le cadre financier du pacte d’investissement pour le logement social est destiné à donner de la « visibilité aux acteurs et favoriser les efforts de construction et de rénovation du logement social » ([227]).

Ce cadre comprend ainsi :

– une fixation de la RSL à 1,3 milliard d’euros par an jusqu’en 2022 ;

– la baisse de la cotisation des bailleurs sociaux au Fonds national des aides à la pierre de 300 millions d’euros par an, intégralement compensée par Action logement ;

– des remises commerciales de la Caisse des dépôts et consignations, à hauteur de 50 millions d’euros par an, afin de diminuer le coût de la dette des bailleurs sociaux ;

– la mise en place, par la Caisse des dépôts et consignations, d’une enveloppe de 800 millions d’euros de titres participatifs sur 3 ans pour aider les bailleurs sociaux à se restructurer ;

 la baisse de la TVA de 10 % à 5,5 % sur certains types de logements sociaux.

En contrepartie de quoi, les bailleurs sociaux se sont engagés, chaque année, à produire 110 000 logements sociaux et réaliser la rénovation thermique de 125 000 logements sociaux.

Le présent article traduit ces engagements de lÉtat sagissant de la TVA.

 

II.   une baisse des taux de tva sur certaines opérations touchant au logement social qui entÉrine les engagements financiers de l’État à l’égard de ce secteur

A.   une baisse de la Tva portant sur certaines opérations immobilières CONCERNANT la politique en faveur du logement social

En vertu du présent article, les taux de TVA s’appliquant au secteur du logement social sont largement remaniés pour les opérations lancées à compter du 1er décembre 2019.

1.   Un renforcement du ciblage des taux réduits de TVA portant sur le secteur du logement social

Conformément à ce qui a été prévu dans le pacte d’investissement pour le logement social 2020-2022 (v. supra), la baisse de TVA de 10 % à 5,5 % portant sur la livraison de certains types de logement sociaux concerne :

– les logements aux plus bas loyers (PLAI et PLUS) ;

– les logements construits dans le cadre de l’ANRU, pour soutenir l’accélération de ce programme dont l’enveloppe globale est passée de 5 à 10 milliards d’euros sur la période 2017-2022 ;

– certains logements sociaux acquis dans le parc privé et rénovés, en cohérence avec le plan d’action « Cœur de ville ».

Il s’agit ainsi d’un rétablissement du taux à 5,5 %.

a.   La TVA portant sur la production des PLAI et des PLUS, ainsi que sur les opérations d’acquisitions-démolitions et de travaux des logements financés par ces deux dispositifs, est abaissée 5,5 %

Selon larticle 278 sexies du CGI tel que modifié par le 3° du présent article, un taux de TVA à 5,5 % est rétabli sagissant des logements aux plus bas loyers.

Ainsi, l’article 278 sexies-0 A est modifié de sorte que puissent bénéficier d’un taux de TVA à 5,5 % :

– les logements locatifs sociaux financés par un prêt locatif d’aide à l’intégration (PLAI) ;

– les logements locatifs sociaux financés par un prêt locatif à usage social (PLUS) et relevant de la politique de renouvellement urbain.

De même, les opérations dacquisition-amélioration financées par un PLAI ou un PLUS pourront également bénéficier d’un taux de TVA à 5,5 %.

En matière de travaux, l’article 278 sexies A est modifié par le 5° du présent dispositif, de sorte que puissent bénéficier d’un taux de TVA à 5,5 % :

– les travaux dans le cadre de l’acquisition-amélioration financée par un PLAI ou un PLS ;

– les travaux d’amélioration, de transformation, d’aménagement et d’entretien, autres que l’entretien des espaces verts ou de nettoyage, portant sur les logements locatifs sociaux faisant l’objet d’une convention conditionnant l’application de l’APL.

b.   Un abaissement analogue du taux de TVA portant sur certaines opérations menées dans le cadre du renouvellement urbain

Le présent article diminue le taux de TVA applicable, de 10 % à 5,5 %, s’agissant des opérations portant sur des livraisons de logements sociaux dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) qui font l’objet d’une convention de rénovation avec l’ANRU.

Il est de même s’agissant des travaux de démolition des logements, réalisés dans le cadre de l’acquisition-amélioration financée par un PLAI ou un PLUS, et destiné à reconstruire lesdits logements en vertu d’une telle convention de renouvellement urbain.

2.   Une actualisation des taux de TVA sur les autres segments de la politique sociale du logement

Le présent article met à jour le champ d’application du taux de la TVA applicable à certains segments de la politique sociale concernant les structures d’hébergement d’urgence ou temporaire sous réserve qu’ils aient conclu une convention avec le représentant de l’État dans le département venant formaliser l’engagement d’héberger certains publics.

Ainsi, dans le secteur social et médico-social, en application du 3° du présent article, relèveraient désormais d’un taux de TVA à 5,5 % les livraisons et les livraisons à soi-même de locaux dont les acquéreurs sont les structures sont indiquées dans le tableau suivant.

Taux de TVA portant sur la livraison de certaines structures d’hébergement d’urgence ou temporaire, selon le présent article

Structure

Taux de TVA

Structures dhébergement temporaire ou durgence suivantes :

Centres d’hébergement et de réinsertion sociale du 8° de l’article L. 312-1 du CASF.

5,5 %

Structures « lits halte soins santé », « lits d’accueil médicalisés » et les appartements de coordination thérapeutique du 9° de l’article
L. 312-1 du CASF.

Centres d’hébergement d’urgence déclarés selon les modalités de l’article L. 322-1 du CASF, lorsqu’ils sont destinés aux personnes sans domicile.

Les établissements suivants, lorsquils agissent sans but lucratif, que leur gestion est désintéressée et quils assurent un accueil temporaire ou permanent :

Les établissements qui hébergent des mineurs ou de jeunes adultes handicapés, mentionnés au 2° du I de l’article
L. 312-1 du CASF.

5,5 %

Les établissements qui hébergent des personnes âgées et qui remplissent les critères d’éligibilité d’un prêt réglementé, mentionnés au 6° du I de l’article
L. 312-1 du CASF.

Les établissements qui hébergent des personnes handicapées, mentionnés au
7° du I de l’article L. 312-1 du CASF.

Source : commission des finances à partir du présent article.

B.   un ciblage plus fin qui permet de contribuer à l’équilibre financier du secteur du logement social tout en facilitant une construction pertinente de logements

1.   Un ciblage plus fin des taux réduits de TVA en matière de logement social favorable aux publics les plus modestes

Si la fiscalité possède un effet économique incitatif, faire évoluer de manière uniforme l’ensemble des taux de TVA touchant au secteur locatif social n’est pas socialement pertinent. En revanche, concentrer les incitations fiscales sur les logements destinés aux plus modestes – PLAI, PLUS situés dans les QPV – permet de favoriser la construction de ce type de logements, au détriment le cas échéant de logements de type PLS ou intermédiaires, dont la rentabilité peut toutefois être supérieure.

En 2017, les avantages fiscaux aux producteurs de service de logement se sont établis à 13,5 milliards d’euros, dont 39 % – soit 5,2 milliards d’euros – en direction du secteur social. À cette date, l’avantage fiscal lié aux taux réduits de TVA pour l’investissement locatif social a été évalué à 2,2 milliards d’euros ([228]).

Or, l’impact budgétaire des taux de TVA réduits a diminué de 4 % entre 2016 et 2017, « en lien avec la diminution de linvestissement » ([229]) pour les logements PLAI et PLUS

Montant de l’avantage fiscal lié au taux réduit de tva pour l’investissement locatif social

Type de logement

Évolutions (en %)

Montant 2017 (en millions deuros)

Structure 2017 (en %)

2014/2013

2015/2014

2016/2015

2017/2016

PLUS

22,7

0,8

– 7,0

– 13,2

746,7

33,9

PLAI

20,3

3,5

– 1,5

– 7,0

382,4

17,4

PLS

11,5

– 3,9

– 3,7

11,4

411,8

18,7

PLUS/PLAI ANRU

– 21,2

– 65,9

– 45,8

– 7,5

24,0

1,1

Ensemble neuf

14,9

 4,6

 6,1

 6,1

1 564,9

71,1

PLUS

17,4

1,4

3,2

– 11,9

35,0

1,6

PLAI

– 3,6

7,0

6,6

– 11,5

14,3

0,6

PLS

– 2,2

– 5,2

10,0

3,6

32,8

1,5

PLUS/PLAI ANRU

– 21,2

– 65,9

– 45,8

– 7,5

0,6

0,0

Prêts à l’amélioration

20,6

8,7

18,1

5,0

297,9

13,5

TVA réduite sur fonds propres

24,5

4,6

– 1,8

– 1,8

256,3

11,6

Ensemble travaux

19,4

5,1

7,3

0,6

636,9

28,9

Total des mesures taux réduits de TVA

 1

16

 3

 4

2 202

100,0

Source : commissions des finances à partir des comptes du logement 2017.

En 2017, la Cour des comptes relevait que les logements PLAI, « même sils ont fortement augmenté depuis 15 ans, ne représentent que 25 % des constructions neuves » ([230]).

De fait, en diminuant les taux TVA sur les logements PLAI et PLUS ainsi que dans les QPV conventionnés, le présent article propose une mesure ciblée de nature à inciter la construction et la rénovation de logements à destination des publics les plus modestes.

2.   Le coût budgétaire, qui traduit les engagements de l’État en faveur du logement social, permet de contribuer à l’équilibre financier du secteur issu du pacte d’investissement 2020-2022

La réduction du loyer de solidarité (RLS) – liée à la baisse concomitante des aides personnalisées au logement (APL) – et l’augmentation de la TVA sur la construction sociale, adoptée en loi de finances pour 2018, ont abouti à une baisse de chiffre d’affaires du secteur de 4 %, soit 800 millions d’euros, et une hausse de la TVA acquittée sur les travaux de 700 millions d’euros.

La Cour des comptes a pu relever que ce nouveau cadre modifiait « substantiellement le modèle financier de la construction sociale » ([231]).

Le ciblage plus fin des taux de TVA, associé aux autres mesures comprises dans le Pacte d’investissement pour le logement social (v. supra), est destiné à conforter l’équilibre du secteur, afin que l’objectif de production de 110 000 logements sociaux et de 125 000 rénovations thermiques par an, soit atteint.

Le coût budgétaire du présent dispositif, pour l’État, est évalué à 120 millions d’euros pour 2020, 125 millions d’euros pour 2021 et 130 millions d’euros pour 2022, soir 375 millions d’euros sur la période. Pour autant, cette somme n’est, selon les termes mêmes de l’évaluation préalable, qu’un ordre de grandeur, eu égard à la méthode d’évaluation utilisée : le format des données déclaratives exploitables ne permet pas d’opérer des calculs moins approximatifs.

 

*

*     *

La commission examine l’amendement I-CF419 de M. François Pupponi.

M. Michel Castellani. Afin de favoriser les restructurations du monde du logement social, le présent amendement apporte une précision qui sécurise la fusion des sociétés HLM. En effet, en cas de fusion, les déficits fiscaux de la structure absorbée sont transférés à la structure absorbante, à la condition de l’obtention d’un agrément tel que prévu par l’article 209 du CGI. Or, cet article exclut le bénéfice de l’agrément pour les déficits provenant de la gestion d’un patrimoine immobilier. Il paraît donc nécessaire d’étendre la portée de l’article 209.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF419.

Puis, toujours suivant l’avis défavorable du rapporteur général, elle rejette successivement les amendements I-CF940, I-CF934, I-CF952, I-CF951, I-CF923, I-CF928, ICF944 et I-CF950 de M. François Pupponi.

Elle en vient ensuite à l’amendement I-CF239 de M. Michel Castellani.

M. Michel Castellani. La Corse fait face à des phénomènes inflationnistes et spéculatifs dans le domaine du foncier et de l’immobilier. Entre 2006 et 2019, le coût du logement a augmenté en moyenne deux fois plus vite en Corse que sur le continent, et le coût du foncier quatre fois plus vite.

Cet amendement vise à appliquer la baisse du taux de TVA de 10 % à 5,5 % aux logements locatifs sociaux construits dans la collectivité de Corse, aux termes du règlement des aides en faveur du logement et de l’habitat adopté par l’Assemblée de Corse le 27 septembre dernier.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Vous souhaitez élargir le taux de TVA à 5,5 % sur les constructions de logements sociaux à l’ensemble de ceux construits en Corse. C’est une mesure dont nous ne connaissons pas le coût, et j’y suis donc par principe défavorable.

Peut-être le ministre éclairera-t-il utilement cette proposition en séance mais, en l’état, elle me semble excessive. Avis défavorable.

M. Michel Castellani. J’attire votre attention sur le fait que le déchaînement de la spéculation a pris des proportions graves dans l’île. Cet amendement n’est qu’un vecteur parmi d’autres pour lutter contre ce fléau qui bouleverse la société corse.

La commission rejette l’amendement I-CF239.

Puis elle est saisie de l’amendement I-CF1165 de Mme Christine Pires Beaune.

M. Jean-Louis Bricout. Cet amendement entend encourager la mixité sociale et éviter les phénomènes de ghettoïsation en élargissant le bénéfice du taux réduit de TVA à 5,5 % aux logements sociaux neufs, réalisés à l’aide d’un prêt locatif à usage social, dans les ensembles immobiliers dont les taux de logements locatifs sociaux, au sens de la loi SRU, sont inférieurs à 20 %.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Avis défavorable. C’est le type même de mesures pour lesquelles une étude d’impact est nécessaire.

La commission rejette l’amendement I-CF1165.

Puis, suivant l’avis défavorable du rapporteur général, elle rejette successivement les amendements I-CF919 et I-CF916 de M. François Pupponi.

Elle en vient ensuite à l’amendement I-CF240 de M. Michel Castellani.

M. Michel Castellani. Il s’agit de baisser le taux de TVA de 10 % à 5,5 % pour les logements locatifs sociaux qui sont construits dans la collectivité de Corse, aux termes du règlement des aides en faveur du logement et de l’habitat adopté par l’Assemblée de Corse. J’appelle, une fois encore votre attention sur le grave problème de la spéculation immobilière en Corse.

M. Joël Giraud, rapporteur général. J’ai le même problème de coût qu’avec votre proposition précédente. Peut-être le ministre pourra-t-il nous éclairer en séance mais, en l’état, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF240.

Elle rejette ensuite successivement, suivant l’avis défavorable du rapporteur général, les amendements I-CF913 et I-CF911 de M. François Pupponi.

Puis elle examine l’amendement I-CF417 de M. François Pupponi.

M. Michel Castellani. Cet amendement entend empêcher la baisse du taux de TVA de 10 % à 5,5 % applicable aux structures d’hébergement temporaire ou d’urgence dans les quartiers de la politique de la ville. Cette mesure aurait pour effet de favoriser la concentration de ces centres dans des quartiers déjà pénalisés socialement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF417.

Elle examine ensuite l’amendement I-CF1460 de Mme Lise Magnier.

Mme Lise Magnier. Cet amendement propose d’élargir le taux de TVA réduit aux foyers de jeunes travailleurs, puisque ce sont des établissements et services sociaux au sens du code de l’action sociale et des familles. Il semble donc logique qu’ils bénéficient aussi du taux réduit, au même titre que les autres établissements de cette catégorie.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement I-CF1460 (amendement I2901).

Puis elle est saisie de l’amendement I-CF422 de M. François Pupponi.

M. Michel Castellani. Cet amendement vise à contribuer à la simplification du régime de TVA applicable dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Aujourd’hui, les constructions de logement sont soumises à un taux de 5,5 % pour les logements sociaux et les bailleurs qui construisent du logement privé, et à un taux de 10 % pour les bailleurs qui construisent du logement intermédiaire.

L’objet de cet amendement est donc d’appliquer un taux uniforme de TVA à 5,5 %.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF422.

Puis, toujours suivant l’avis défavorable du rapporteur général, elle rejette l’amendement ICF908 de M. François Pupponi.

Elle en vient ensuite à l’amendement I-CF424 de M. François Pupponi.

M. Michel Castellani. Cet amendement crée une nouvelle catégorie de logements intermédiaires bonifiés dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville situés en zones tendues. Les plafonds de loyers de logements intermédiaires qui sont fixés par décret sont trop élevés pour attirer les classes moyennes dans ces quartiers, et il s’agit d’y renforcer la mixité sociale

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF424.

Puis, suivant l’avis défavorable du rapporteur général, elle rejette l’amendement ICF902 de M. François Pupponi.

Elle examine ensuite l’amendement I-CF425 de M. François Pupponi.

M. Michel Castellani. Cet amendement propose de calculer la sanction, en cas de non-respect des obligations liées au régime du bail réel solidaire au prorata de la surface du logement concerné, lorsque celui-ci, après avoir été affecté dans un premier temps à une opération BRS, change d’affectation.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF425.

Puis, suivant l’avis défavorable du rapporteur général, elle rejette l’amendement ICF896 de M. François Pupponi.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements I-CF413 et I-CF414 de M. François Pupponi.

M. Michel Castellani. Ces amendements entendent supprimer la taxe sur les ventes de logements HLM, car l’existence de cette taxe n’est pas justifiée au regard du nombre de ventes, à ce stade très limité, et de la complexité des circuits et formalités déclaratives – tant pour les bailleurs que pour l’administration – qu’elle induit.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements I-CF413 et I-CF414.

Toujours suivant l’avis défavorable du rapporteur général, elle rejette ensuite l’amendement I-CF981 de M. François Pupponi.

Puis elle adopte l’article 8 modifié.

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Après l’article 8

La commission est saisie de l’amendement I-CF1397 de M. Éric Coquerel.

Mme Sabine Rubin. Il existe de grandes inégalités en matière de droit à l’eau, ce qui s’explique par le fait que, dans certaines municipalités, l’eau est fournie par de grandes multinationales. Ainsi, selon les territoires, l’eau est plus ou moins chère : à Paris, elle coûte 1,08 euro le mètre cube, tandis qu’elle coûte 1,37 euros en Seine-Saint-Denis. D’où le fait que nous défendions une gestion publique de l’eau ainsi que l’inscription dans les normes constitutionnelles du droit à un accès gratuit au volume d’eau nécessaire à la vie et à la dignité.

En attendant cette réforme globale, notre amendement vise à exonérer de TVA l’usage domestique des 14,6 premiers mètres cubes d’eau, ce qui correspond à la quantité annuelle d’eau nécessaire pour toute personne physique ; cela représente quarante litres par jour, conformément aux normes de l’OMS.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Le droit européen permet de taxer à taux réduit la distribution d’eau mais pas de l’exonérer. Avis défavorable.

Mme Sabine Rubin. Mais nous sommes dans le droit français !

La commission rejette l’amendement I-CF1397.

M. le président Éric Woerth. Ces amendements concernant la TVA, que l’on a l’habitude d’examiner après l’article 8, sont surtout voués à être discutés en séance. Je propose donc que nous les examinions assez rapidement.

La commission examine l’amendement I-CF1036 de Mme Sarah El Haïry.

Mme Sarah El Haïry. Après expérimentation, les pharmaciens sont désormais dotés de la compétence vaccinale. Nous proposons d’exonérer de TVA cette prestation.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF1036.

Puis, suivant également l’avis défavorable du rapporteur général, elle rejette l’amendement I-CF722 de M. Gilles Lurton.

Elle examine ensuite l’amendement I-CF1265 de Mme Graziella Melchior.

M. Gaël Le Bohec. Afin de stimuler les acteurs qui bravent l’interdiction de jeter et ne consentent pas à la lutte contre le gaspillage alimentaire, il est proposé la dispense de régularisation de TVA pour les denrées alimentaires invendues et détruites volontairement. C’est un principe écologique de base, simple, efficace et vertueux.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF1265.

Elle est ensuite saisie de l’amendement ICF1084 de Mme Laurence Trastour-Isnart.

Mme Laurence Trastour-Isnart. Nous proposons l’exonération d’une partie de la TVA sur tout ce qui a trait à l’aide sociale à l’enfance et aux associations pour personnes en situation de handicap.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF1084.

Puis, toujours suivant l’avis défavorable du rapporteur général, elle rejette successivement les amendements ICF170 de Mme Lise Magnier et ICF1024 de M. Jean-Luc Lagleize.

Elle est ensuite saisie, en discussion commune, des amendements ICF1419 de Mme Sabine Rubin et ICF1361 de M. Jean-Paul Dufrègne.

Mme Sabine Rubin. Par cet amendement, nous proposons une baisse à 5 % du taux de TVA sur les produits de première nécessité, ainsi que sur une gamme de produits que nous jugeons bénéfiques pour notre société.

Je précise que cette mesure s’équilibrera financièrement grâce à l’augmentation du taux de TVA sur les produits de luxe, que nous proposons dans un autre amendement.

M. Jean-Paul Dufrègne. Nous proposons également de baisser le taux de TVA réduit de 5,5 % à 5 % sur les produits de première nécessité, avant une diminution plus importante à moyen terme. Il conviendra également de s’assurer que cette baisse de TVA se répercutera sur les prix et bénéficiera à nos concitoyens. De nombreux exemples passés ont en effet montré qu’en l’absence d’une véritable volonté politique, une baisse de TVA pouvait avoir un impact limité sur les prix. Dès lors, il y a lieu d’engager au plus vite une réflexion sur l’évolution possible des missions et pouvoirs de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, pour qu’il puisse vérifier l’effectivité de la baisse de TVA sur les prix pratiqués.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Avis défavorable. Cela est contraire au droit européen.

La commission rejette successivement les amendements I-CF1419 et I-CF1361.

Puis elle en vient à l’amendement ICF450 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Il s’agit de la différence de taux de TVA applicable au beurre, taxé à 5,5 %, et à la margarine, taxée, elle, à 20 %. Cela s’explique historiquement par le fait que le lobby du lait a fait pression pour favoriser le beurre au détriment de la margarine alors que, jusqu’en 1961, le taux de TVA applicable aux margarines et aux graisses végétales était le même que celui auquel étaient assujettis les autres corps gras alimentaires.

Or la margarine est aujourd’hui consommée essentiellement dans des foyers à revenus modestes aux habitudes alimentaires bien ancrées. Le présent amendement vise donc à abaisser de 20 % à 5,5 % le taux applicable à la margarine. C’est un amendement social !

M. Joël Giraud, rapporteur général. Avis défavorable, comme les années précédentes.

La commission rejette l’amendement I-CF450.

Puis elle en vient à l’examen des amendements identiques ICF831 de M. Fabien Roussel et ICF1370 de M. Xavier Paluszkiewicz.

M. Fabien Roussel. Cet amendement propose l’abaissement de la TVA sur les protections contre l’incontinence.

Cette proposition est portée par de nombreuses associations que nous souhaitons relayer, puisque l’incontinence peut représenter pour les personnes âgées jusqu’à 150 euros de budget mensuel pour les couches, ce qui est une dépense conséquente quand on sait le niveau de pensions de nos retraités qui, pour 80 % d’entre eux, perçoivent moins de 1 000 euros par mois.

Je précise que je suis prêt à retirer cet amendement si la commission et la majorité s’engagent à présenter un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour que ces protections soient enfin remboursées.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Avis défavorable. C’est une mesure contraire au droit de l’Union européenne.

M. le président Éric Woerth. Il reste que c’est un vrai sujet.

La commission rejette ces amendements I-CF831 et I-CF1370.

Puis elle est saisie, en discussion commune, des amendements ICF1034 de Mme Sarah El Haïry et ICF1466 de M. Philippe Huppé.

Mme Sarah El Haïry. Il s’agit d’ouvrir le débat sur la TVA des produits recyclés ayant une nouvelle vie, dans la perspective de protéger à la fois notre planète et le pouvoir d’achat des Français. D’une pierre deux coups.

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas. L’amendement I‑CF1466 est défendu.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Ces amendements sont contraires au droit de l’Union européenne, et ce depuis dix ans qu’ils sont présentés chaque année. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements I-CF1034 et I-CF1466.

Puis elle examine l’amendement ICF987 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Avec cet amendement, nous proposons d’appliquer un taux de TVA réduit de 5,5 % au bois énergie de qualité, labellisé, présentant un taux d’humidité inférieure à 23 %.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF987.

Elle est ensuite saisie des amendements identiques ICF578 de Mme Lise Magnier et ICF994 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Lise Magnier. Il s’agit d’aligner le taux de TVA applicable aux réseaux de froid renouvelable sur celui en vigueur pour les réseaux de chaleur renouvelable.

Mme Véronique Louwagie. Pourquoi en effet distinguer les réseaux de froid renouvelable des réseaux de chaleur renouvelable ? Dès lors qu’un réseau froid est efficace, il doit bénéficier du même taux de TVA.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette les amendements I-CF578 et I-CF994.

Puis elle est saisie, en discussion commune, des amendements ICF322 de M. Michel Castellani, ICF603 de Mme Sabine Rubin et ICF1099 de M. Jean-Paul Dufrègne.

M. Michel Castellani. Notre amendement vise à réduire le taux de TVA applicable aux services publics de transport terrestre régulier de voyageurs, ce qui se traduirait par une augmentation du pouvoir d’achat et un recul de recours à la voiture individuelle. Cela permettrait également à notre pays de renouer avec ses engagements climatiques. La perte éventuelle de recettes serait compensée par une augmentation du nombre de voyageurs et par la hausse de la fiscalité sur le gazole, proposition compatible avec le droit européen.

Mme Sabine Rubin. Nous demandons que soit mis en place un taux réduit de TVA pour les transports publics réguliers de voyageurs. La perte de recettes sera compensée par une augmentation de la taxe due par les sociétés concessionnaires d’autoroutes.

Cet amendement fait écho aux recommandations d’un rapport sénatorial sur la gratuité des transports collectifs.

M. Fabien Roussel. J’ajoute que réduire la TVA sur les transports publics de voyageurs serait un signe fort en faveur de la gratuité des transports collectifs dans les zones urbaines, afin d’apporter une contribution efficace en faveur de la sauvegarde du climat.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements I-CF322, I-CF603 et I-CF1099.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements ICF605 de Mme Sabine Rubin et ICF606 de M. Éric Coquerel.

Mme Sabine Rubin. Nous proposons d’appliquer un taux de TVA réduit à toutes les activités de réparation de produits qui ont pour but de rallonger la durée de vie de ces produits. Je rappelle qu’il existe depuis 2005 un délit d’obsolescence, passible de deux ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende. Dans les faits, les industriels s’acquittent assez peu de ces amendes ou sont assez peu poursuivis pour ce délit d’obsolescence, et ce sont les gestionnaires de déchets, et donc les citoyens, qui sont taxés.

L’amendement I‑CF606 est un amendement de repli qui propose que ce taux de TVA réduit soit appliqué aux activités de réparation ayant pour but de rallonger la durée de vie des cycles, chaussures et articles en cuir, vêtements et linge de maison. Cela est conforme à une directive européenne, qui précise les produits et services pouvant bénéficier d’une TVA réduite, et le rapporteur ne pourra donc pas nous opposer le droit européen.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je redis pourtant que ces dispositions sont contraires au droit de l’Union européenne, car interdites par l’article 106 de la directive TVA.

La commission rejette successivement les amendements I-CF605 et I-CF606.

Elle examine ensuite l’amendement ICF1098 de M. Jean-Paul Dufrègne.

M. Jean-Paul Dufrègne. Cet amendement propose de réduire à 5,5 % le taux de TVA applicable au transport de voyageurs, aux prestations de collecte, de tri et de traitement des déchets et aux services de distribution d’eau et d’assainissement.

J’indique par ailleurs au rapporteur général que nous allons regarder de très près ce fameux article 106 de la directive européenne que vous invoquez systématiquement.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Avis défavorable, mais je tiens à vous signaler que vous devriez être satisfait car, pour ce qui concerne les prestations de collecte et de tri, les dispositions que vous demandez ont été adoptées dans la dernière loi de finances.

La commission rejette l’amendement I-CF1098.

Elle est ensuite saisie, en discussion commune, des amendements ICF855 de M. Fabien Roussel et ICF1410 de Mme Sabine Rubin. 

M. Fabien Roussel. Nous vous proposons de faire rentrer de l’argent dans les caisses de l’État en taxant les produits de luxe : prestations hôtelières de luxe, argenterie et vaisselle de luxe, jets privés et automobiles de luxe, cosmétiques et parfums de luxe, et j’en passe… Au lieu d’aller chercher de l’argent dans les poches de nos retraités, allez le chercher là où il est : faites passer la TVA à 33 % ! Nous aurions enfin une politique qui ne soit pas orthogonale aux recommandations de l’Union européenne !

Mme Sabine Rubin. Mon amendement est identique à celui que vient de défendre brillamment mon collègue.

Cela étant, je constate que nous faisons défiler les amendements les uns derrière les autres sans prendre le temps d’avoir un débat de fond sur cet impôt injuste qu’est la TVA. À quel moment serons-nous entendus sur la question de la baisse du taux de TVA appliqué aux produits de première nécessité, qu’il suffirait de compenser par une hausse de la TVA sur les produits de luxe ? J’ai le sentiment qu’on se débarrasse de ces sujets de fond.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Avis défavorable. Ces dispositions sont contraires à la directive TVA.

M. le président Éric Woerth. La TVA est un impôt soumis à des règles européennes et pour lequel, donc, les États membres sont fortement liés, même s’il existe des possibilités d’adaptation au niveau national.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je tenais à préciser, pour ceux qui n’ont pas confiance et veulent aller vérifier par eux-mêmes, qu’ils doivent consulter la directive 2006/112 de l’Union européenne.

La commission rejette successivement les amendements I-CF855 et ICF1410.

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Article additionnel après l’article 8
Réduction du taux de TVA à 10 % pour l’investissement des caisses de retraite et de prévoyance dans le logement locatif intermédiaire institutionnel

La commission en vient à l’amendement ICF1281 de Mme Émilie Cariou.

Mme Émilie Cariou. Il s’agit d’étendre le taux réduit de 10 % de TVA applicable aux investissements dans le logement locatif intermédiaire institutionnel aux caisses de retraite et de prévoyance.

M. Joël Giraud, rapporteur général. C’est logique et pertinent. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement I-CF1281 (amendement I2902).

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Après l’article 8

La commission examine l’amendement ICF1323 de Mme Lise Magnier.

Mme Lise Magnier. Si les taxes sur l’essence et le diesel ont été partiellement alignées, ce n’est pas encore le cas pour la récupération de TVA applicable aux véhicules utilitaires des professionnels. Une trajectoire de rapprochement est engagée, mais les chefs d’entreprise peinent à comprendre pourquoi la récupération de TVA diffère selon qu’on achète un véhicule utilitaire essence ou diesel. Nous proposons donc de procéder à cet alignement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF1323.

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Article 9
Clarification du régime de TVA des organismes de placement collectif
en valeurs mobilières (OPCVM)

Résumé du dispositif et effets principaux

En l’état du droit, les organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) et certains autres organismes de placement collectif (OPC) – limitativement énumérés par le f du 1° de l’article 261 C du code général des impôts – bénéficient d’une exonération de TVA au titre de leurs prestations de gestion. L’article modifie la disposition précitée pour étendre le bénéfice de l’exonération à tous les OPC « présentant des caractéristiques similaires » aux OPCVM. La liste de ces organismes sera fixée par un décret.

Dernières modifications législatives intervenues

L’actuel régime d’exonération de TVA des fonds communs de placement résulte de la transposition de la directive du 17 mai 1977 (dite sixième directive TVA) par l’article 33 de la loi du 29 décembre 1978 de finances rectificative pour 1978. Il a été modifié par l’article 42 de l’ordonnance n° 2013-676 du 25 juillet 2013 modifiant le cadre juridique de la gestion d’actifs.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté un amendement du Rapporteur général prévoyant que le décret fixant la liste des organismes bénéficiant de l’exonération de TVA devra comprendre notamment l’ensemble des organismes qui en bénéficient actuellement.

I.   L’État du droit

A.   L’exonération de tva des organismes de placement collectif : des cas limitativement énumérés par le droit interne

1.   Panorama des organismes de placement collectif (OPC)

Un épargnant peut gérer lui-même son épargne via la détention directe d’instruments financiers (actions, obligations, etc.) ou bien confier cette gestion à un tiers. Il peut s’agir, dans ce dernier cas, d’une gestion individualisée sous mandat ou encore d’une gestion collective.

Les placements collectifs font l’objet d’une réglementation rigoureuse, dont l’objet principal est la protection de l’épargnant. Ils sont placés sous le contrôle de l’Autorité des marchés financiers (AMF) qui en autorise la création et la commercialisation.

Le code monétaire et financier distingue deux catégories d’organismes de placement collectif (OPC) :

– les organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM), régis par les articles L. 214-2 à L. 214-23-2 du code monétaire et financier, ainsi que par la directive 2009/65/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 (dite « Directive OPCVM IV ») ; ils peuvent être commercialisés dans l’ensemble de l’Union européenne et les autres États parties à l’accord sur l’Espace économique européen après notification au régulateur du pays d’accueil ;

– et les fonds d’investissement alternatifs (FIA), régis par les articles L. 214-24 à L. 214-190-3 du même code, ainsi que par la directive 2011/61/UE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2011 (dite « Directive AIFM ») ; la commercialisation auprès de clients non professionnels est soumise à un régime plus strict que pour les OPCVM car elle nécessite une autorisation de l’AMF.

Les OPC font partie, avec les banques et les compagnies d’assurances, des investisseurs institutionnels (parfois dénommés les « zinzins » dans la littérature économique et financière). Ils jouent un rôle majeur sur les marchés financiers. Au 30 juin 2019, l’encours des OPC en France s’élevait à plus de 1 900 milliards d’euros dont 823 milliards pour les OPCVM et 1 078 milliards d’euros pour les FIA. On dénombre parmi eux environ 11 000 fonds résidents de droit français, lesquels représentent l’essentiel de l’encours avec 1 594 milliards d’euros ([232]).

a.   Les OPCVM

Les OPCVM peuvent prendre la forme soit de sociétés d’investissement à capital variable dites « SICAV », soit de fonds communs de placement (FCP). Dans le premier cas, les fonds investis donnent lieu à la détention de parts de la SICAV tandis que dans le second le souscripteur est copropriétaire des actifs détenus. en bourse ne sécarte pas sensiblement de leur valeur dinventaire nette. »

Selon la directive OPCVM IV, « on entend par OPCVM les organismes :

a) dont lobjet exclusif est le placement collectif en valeurs mobilières ou dans dautres actifs financiers liquides […] des capitaux recueillis auprès du public et dont le fonctionnement est soumis au principe de la répartition des risques ; et

b) dont les parts sont, à la demande des porteurs, rachetées ou remboursées, directement ou indirectement, à charge des actifs de ces organismes. Est assimilé à de tels rachats ou remboursements le fait pour un OPCVM dagir afin que la valeur de ses parts. »

b.   Les FIA

Les FIA connaissent une variété de statuts et de réglementations encore plus importante. Ils comprennent notamment :

– les fonds d’épargne salariale ;

– divers fonds ouverts à des investisseurs non professionnels (par exemple les organismes de placement collectif en immobilier) ;

– divers fonds ouverts aux seuls investisseurs professionnels (tels que les fonds professionnels à vocation générale ou les fonds professionnels spécialisés) ;

– ou encore les fonds communs de créance (FCC) qui ont pour objet exclusif d’acquérir des créances et d’émettre des parts représentatives de ces créances (titrisation des créances).

Selon la directive AIFM, les OPC qui remplissent les conditions cumulatives suivantes sont qualifiés de FIA :

– ils lèvent des capitaux auprès d’un certain nombre d’investisseurs en vue de les investir, conformément à une politique d’investissement définie, dans l’intérêt de ces investisseurs ;

– ils ne sont pas des OPCVM relevant de la directive OPCVM IV ;

– et ils peuvent regrouper potentiellement au moins 2 investisseurs ; autrement dit, si le fond ne contient qu’un seul investisseur, il doit être susceptible d’en accueillir au moins un second pour être qualifié de FIA.

2.   Régime de TVA des prestations des organismes de placement collectif (OPC)

a.   Le périmètre des OPC bénéficiant d’une exonération

Les OPC perçoivent des frais et commissions versés par les investisseurs en rémunération de la gestion de l’épargne collectée. Ces frais et commissions entrent dans le champ d’application de la TVA. Il s’agit en effet de la contrepartie de prestations de services.

Champ dapplication de la TVA

Le champ dapplication de la TVA est défini par les articles 256 et 256 A du code général des impôts.

L’article 256 dispose que « sont soumises à la TVA les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ».

L’article 256 A précise que « sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante » des activités économiques « de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées ».

Ces frais et commissions sont toutefois exonérés de TVA si l’OPC répond aux caractéristiques définis par le f du 1° de l’article 261 C.

Cet article exonère en effet les prestations de gestion :

– des organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) ;

– et de certains FIA limitativement énumérés.

Fondement de lexonération

La plupart des opérations bancaires, et d’une manière générale les opérations relatives à l’épargne, sont exonérées de TVA depuis l’origine de cet impôt. Trois raisons sont avancées habituellement pour le justifier.

En premier lieu, la TVA a été conçue comme un impôt sur la consommation par opposition à l’épargne. Ensuite, la notion de valeur ajoutée serait plus difficile à appréhender pour les prestations de service consistant à manipuler l’argent (1) . Enfin, il était craint des risques d’inflation des taux d’intérêt en cas d’assujettissement à la TVA des opérations de crédit bancaire.

En tout état de cause, le principe de la TVA reposant sur la déduction en amont de la chaîne de valeur, il n’était pas envisageable de ne pas prévoir une exonération de la collecte de l’épargne dès lors que le prix d’un prêt (l’intérêt) était lui-même exonéré.

Cela n’est pas forcément un avantage pour le secteur bancaire puisque celui-ci est assujetti à la taxe sur les salaires acquittée par les employeurs établis en France qui ne sont pas soumis à la TVA sur la totalité de leur chiffre d’affaires. C’est la raison pour laquelle, certaines opérations bancaires et financières peuvent faire l’objet d’une option volontaire pour l’application de la TVA (articles 260 B et 260 C du code général des impôts).

(1)    Dans son ouvrage La Politique, Aristote considère quil est contraire à la nature que la monnaie produise de la monnaie ; il sopposait donc à lidée dintérêt. Le concile de Nicée en 325 avait également condamné le prêt à intérêt. Lidée était donc bien ancrée que lintérêt ne créait pas de richesse, synonyme en langage moderne de « valeur ajoutée ». La valeur ajoutée bancaire suscite dailleurs toujours dintenses débats chez les économistes.

Les FIA bénéficiant de l’exonération sont :

– les fonds communs de créance (FCC) ;

– et d’autres organismes limitativement énumérés par renvoi à des dispositions du code monétaire et financier ([233]).

Il ressort de cette liste que les FIA pouvant bénéficier de l’exonération de TVA sont :

– parmi les fonds ouverts à des investisseurs non professionnels, les fonds d’investissement à vocation générale, les fonds communs de placement à risque (FCPR), les fonds communs de placement dans l’innovation (FCPI), les fonds d’investissement de proximité et les fonds de fonds alternatifs ;

– parmi les fonds ouverts à des investisseurs professionnels, les fonds professionnels à vocation générale, les fonds professionnels spécialisés, les fonds professionnels de capital-investissement ;

– et les fonds d’épargne salariale dont les fonds communs de placement d’entreprise (FCPE) et les sociétés d’investissement à capital variable d’actionnariat salarié (SICAVAS).

La rédaction actuelle de l’article 261 C du code général des impôts exclut donc un grand nombre de FIA du bénéfice de l’exonération de TVA. En voici la liste communiquée par le Gouvernement sur demande du Rapporteur général :

– organismes de financement spécialisés (OFS) (article L. 214-166-1 à L. 214-168 du code monétaire et financier), comprenant les fonds de financement spécialisé (FFS) et les sociétés de financement spécialisé (SFS) ;

– sociétés de capital-risque (SCR) (article 1-1 de la loi n° 85-695 du 11 juillet 1985) ;

– organismes de placement collectif immobilier comprenant les sociétés professionnelles de placement à prépondérance immobilière à capital variable (SPPPICAV), les fonds de placement immobilier (FCI), les sociétés d’épargne forestière et groupement forestier d’investissement, les sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) (articles L. 214-33 à L. 214-118 du code monétaire et financier),

– organismes professionnels de placement collectif immobilier (article L. 214-148 du code monétaire et financier),

– et sociétés d’investissement à capital fixe (SCCF) (article L. 214-127 à L. 214-138 du code monétaire et financier).

b.   Le périmètre des prestations des OPC bénéficiant d’une exonération

Les prestations des OPC bénéficiant d’une exonération de TVA sont, en droit français, limitées aux prestations de « gestion ». L’article 261 C du code général des impôts ne définit pas davantage le périmètre des prestations exonérées.

La doctrine administrative réserve l’exonération aux « opérations de gestion indissociables de lactivité » des OPC. Elle précise que sont exonérés « les frais et commissions perçus :

– lors de lémission ou du placement de parts de fonds communs de placement ou de créances ;

– lors de la gestion des fonds communs de placement ou du fonds commun de créances. » (BOI-TVA-SECT-50-10-10-20120912, § 330 et 340 ; lien).

Ces opérations demeurent toutefois imposables sur option par application de l’article 260 B du code général des impôts. L’option – dont le principal intérêt est d’échapper à la taxe sur les salaires – n’est pas nécessairement avantageuse pour les OPC ayant peu de personnel.

La Cour de justice de l’Union européenne a considéré que les prestations suivantes devaient bénéficier de l’exonération ([234]) :

– les services juridiques et de gestion comptable du fonds ;

– les demandes de renseignements des clients ;

– l’évaluation du portefeuille et la détermination de la valeur liquidative de la part ;

– le contrôle du respect des dispositions réglementaires ;

– la tenue du registre des porteurs de parts ;

– la répartition des revenus ;

– l’émission et le rachat des parts ;

– le dénouement des contrats ;

– et l’enregistrement et la conservation des opérations.

B.   l’interprétation du juge européen : une exonération qui doit couvrir plus largement les organismes de placement collectif

Le juge européen a eu se prononcer sur le périmètre de l’exonération de TVA des prestations de gestion des OPC. En effet, la TVA est un impôt dont l’assiette est harmonisée en droit européen.

Des marges de manœuvre sont certes laissées aux États membres sur un certain nombre d’éléments de l’assiette. À propos de l’assujettissement des placements collectifs, la directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977 (dite sixième directive TVA) prévoyait que « la gestion de fonds communs de placement, tels quils sont définis par les États membres » était exonérée de TVA. Cette formulation semblait accorder la faculté à l’État membre de définir les fonds communs de placement exonérés. Elle a été reprise à l’identique par la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, qui est actuellement applicable.

Cependant, par plusieurs décisions rendues au cours des années 2000 et 2010 ([235]), la Cour de justice de l’Union européenne a jugé, au nom du principe de neutralité de la TVA, que les États membres ne pouvaient limiter le bénéfice de l’exonération à certains fonds et en exclure d’autres. Il ressort de sa jurisprudence que doit bénéficier de l’exonération l’ensemble des OPC répondant à cinq conditions :

– être un placement collectif ;

– fonctionner selon le principe de répartition des risques ;

– être soumis à un contrôle étatique ;

– se placer en situation de concurrence avec un OPCVM en attirant le même cercle d’investisseurs ;

– et avoir un retour sur investissement subordonné à la performance des investissements, les détenteurs devant supporter le risque lié au fonds.

Au final, ces critères peuvent être résumés en un seul : la similarité avec le modèle économique et le régime juridique des OPCVM.

L’objet de cette jurisprudence est de garantir la neutralité de la TVA dans les choix de placement collectif offerts aux épargnants.

Le Gouvernement rappelle dans l’annexe Évaluations préalables que « cette interprétation a été reprise dans les lignes directrices du comité de la TVA (institué par larticle 398 de la directive TVA) issues de sa 109e réunion, qui rappellent les conditions cumulatives nécessaires pour quun organisme soit assimilé à un OPCVM aux fins de bénéficier dune gestion exonérée de la TVA ».

Pour autant, il indique aussi qu’à ce jour, la Commission européenne n’a engagé « aucune procédure pré-contentieuse qui découlerait de la constatation que le dispositif français dexonération de TVA » n’est pas conforme aux dispositions de la directive TVA qui prévoient les exonérations à la taxe.

II.   Le dispositif proposÉ

Le dispositif proposé consiste à étendre l’exonération des prestations de gestion d’un OPC à l’ensemble des FIA « présentant des caractéristiques similaires » avec les OPCVM. La liste précise des FIA bénéficiant de l’exonération est toutefois renvoyée à un décret.

catégories d’organismes de placement collectif (OPC) bénéficiant d’une Exonération de TVA au titre de leurs prestations de gestion

 

État du droit

Droit proposé

Organismes de placement en valeurs mobilières

(OPCVM)

Exonération

Exonération

Fonds dinvestissement alternatifs

(FIA)

Exonération :

 

– des Fonds commun de créance (FCC) ;

 

– et des organismes « relevant des paragraphes 1, 2 et 6 de la sous-section 2, du paragraphe 2 ou du sous-paragraphe 1 du paragraphe 1 de la sous-section 3, ou de la sous-section 4 de la section 2 du chapitre IV du titre Ier du livre II du code monétaire et financier ».

Exonération des organismes de placement collectif (OPC) « présentant des caractéristiques similaires » avec les OPCVM.

 

La liste de ces organismes est fixée par décret.

Source : article 261 C du code général des impôts ; présent article.

Le dispositif proposé ne modifie pas en revanche le périmètre des prestations bénéficiant de l’exonération de TVA.

A.   L’extension du périmètre de l’exonération de tva des opc

Le présent article modifie le périmètre de l’exonération de TVA dont bénéficient les prestations de gestion des OPC.

Selon l’exposé des motifs, son objet est d’« aligner la législation nationale sur les principes déterminés par le droit européen en précisant les caractéristiques auxquelles doivent répondre les fonds pour que les prestations de gestion de ces fonds soient exonérées de la TVA ».

Le présent article modifie ainsi le f du 1° de l’article 261 C du code général des impôts, en exonérant de TVA :

« La gestion des organismes de placement collectif en valeurs mobilières mentionnés au paragraphe 2 de larticle 1er de la directive 2009/65/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certains organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) ainsi que des autres organismes de placement collectif présentant des caractéristiques similaires. La liste de ces organismes est fixée par décret ».

Cette formulation constitue une extension du périmètre des OPC bénéficiant de l’exonération. Le Gouvernement a confirmé au Rapporteur général qu’« aucun organisme dont la gestion est actuellement exonérée de TVA en application de lactuel f du 1° de larticle 261 C ne verra sa gestion soumise à la TVA ».

Différence entre FCP et OPC

L’annexe Évaluations préalables du Gouvernement fait référence à la notion de fonds communs de placement (FCP) plutôt qu’à celle d’organismes de placement collectif (OPC) pour expliquer la portée du présent article.

Interrogé sur ce point par le Rapporteur général, le Gouvernement a confirmé que l’article visait bien les OPC. Le Gouvernement a préféré reprendre dans ses évaluations préalables la terminologie de la directive TVA plutôt que celle issue des directives OPCVM et AIFM, reprises désormais dans le code monétaire et financier.

« Si lexpression de la directive fait référence à des « fonds communs de placement », le juge communautaire a été amené à préciser que les fonds dont la gestion est exonérée de TVA sont constitués dorganismes de placement collectifs constitués sous la forme dOPCVM par la directive 2009/65/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009. »

« Par ailleurs, la Cour a précisé à plusieurs reprises quaux fins de lapplication de la disposition dexonération de la TVA, doivent également être considérés comme des fonds communs de placement des fonds qui, sans constituer des organismes de placement collectif au sens de la directive OPCVM, présentent des caractéristiques identiques à ces derniers et effectuent donc les mêmes opérations ou, à tout le moins, présentent des traits comparables au point de se situer dans un rapport de concurrence avec eux. »

« Compte tenu du périmètre ainsi assigné à lexonération par le juge, les fonds dinvestissement alternatifs, dits « FIA » sont bien inclus dans la définition des organismes couverts par lexonération issue de la future rédaction du f du 1° du 261 C. En effet, pour lapplication de lexonération mentionnés au 135.1.g de la directive TVA, ils constituent des « fonds communs de placement » car ils présentent des caractéristiques similaires à celles des OPCVM. »

Source : réponse du Gouvernement au questionnaire du Rapporteur général.

La formulation retenue écarte par ailleurs tout risque contentieux en ce qu’elle renvoie à la directive TVA pour définir les OPCVM, et en ce qu’elle reprend le cœur de la jurisprudence précitée de la CJUE pour définir les OPC devant également bénéficier de l’exonération.

Elle renvoie à un décret le soin d’énumérer les FIA qui entreront dans le champ d’application de l’exonération. Celui-ci a vocation à être codifié au sein de l’annexe III du code général des impôts.

Ce choix présente certes l’avantage de ne pas contraindre à une mise à jour législative à chaque apparition d’une nouvelle catégorie de FIA présentant des caractéristiques similaires aux OPCVM.

Le Rapporteur général observe cependant que, dans lattente de la parution du décret, le dispositif proposé entraîne un recul de la sécurité juridique. En effet, la liste des FIA bénéficiaires de lexonération, bien que potentiellement plus large quen létat du droit, ne sera pas connue immédiatement des professionnels de lépargne collective.

Liste des OPC susceptibles de bénéficier de lexonération

À titre indicatif et non exhaustif, outre les OPCVM, les organismes suivants devraient bénéficier de l’exonération de TVA pour leurs prestations de gestion (les articles cités sont ceux du code monétaire et financier).

fonds ouverts à des investisseurs non professionnels

– les fonds d’investissement à vocation générale (article L. 214-24-24) ;

– les fonds de capital investissements (articles L. 214-27 à. L. 214-32-1) : fonds communs de placement à risques (FCPR), les fonds communs de placement dans l’innovation FCPI), fonds d’investissement de proximité (FIP) ;

– les fonds de fonds alternatifs (article L. 214-139) ;

fonds ouverts à des investisseurs professionnels (articles L. 214-143 à L. 214-162-12)

– les fonds professionnels à vocation générale ;

– les fonds professionnels spécialisés ;

– les fonds professionnels de capital investissement ;

– les sociétés de libre partenariat.

autres fonds

– les fonds d’épargne salariale (articles L. 214-163 à L. 214-166) : fonds communs de placement d’entreprise (FCPE), sociétés d’investissement à capital variable d’actionnariat salarié (SICAVAS) ;

– les organismes de financement spécialisés (OFS) (articles L.214-166-1 à L. 214-168) : fonds de financement spécialisé (FFS), sociétés de financement spécialisé (SFS), organismes de titrisation (OT, incluant les fonds communs de titrisation (FCT) et les sociétés de titrisation (ST)) ;

– les sociétés de capital-risque (SCR) ;

– les organismes de placement collectif immobilier (OPCI) : sociétés professionnelles de placement à prépondérance immobilière à capital variable (SPPPICAV), les fonds de placement immobilier, (FCI) les sociétés d’épargne forestière et groupement forestier d’investissement, les sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) (articles L. 214-33 à L. 214-118) ;

– les organismes professionnels de placement collectif immobilier (articles L. 214-148) ;

– les sociétés d’investissement à capital fixe (SCCF) (articles L. 214-127 à L. 214- 138).

B.   un impact budgétaire et économique non chiffré

Le dispositif proposé renforce l’attractivité de la place française pour la collecte de l’épargne collective. Le secteur est très concurrentiel dans le contexte du marché commun. Le Brexit en renouvelle d’ailleurs les enjeux.

Le Gouvernement ne produit aucun chiffrage de l’impact budgétaire au motif que le système d’information de la DGFIP ne permettrait pas de connaître les OPC qui pourront se prévaloir de l’exonération.

On peut également regretter que les évaluations préalables ne mentionnent aucune indication chiffrée, ou ne serait-ce que des estimations, concernant le poids économique des FIA qui entreront dans le nouveau périmètre de l’exonération (encours de l’épargne, personnel employé, nombre de fonds, etc.).

Interrogé sur ce point par le Rapporteur général, le Gouvernement a communiqué des chiffres de l’Autorité des marchés financiers (AMF) faisant apparaître que le chiffre d’affaires des sociétés de gestion de portefeuille établies en France s’est élevé à 13,9 milliards d’euros en 2015. Ce chiffre d’affaires est constitué à hauteur de 80 % par des commissions de gestion, et à 20 % par d’autres types de produits.

Sur la base de ces chiffres, il est possible d’en déduire que l’exonération de TVA des prestations de gestion des OPC représenterait au global un coût d’au moins 2 milliards d’euros (13,9 x 0,8 x 0,2 = 2,22). Toutefois, il n’est pas possible, faute de ventilation entre l’ancien et le nouveau périmètre de l’exonération, de déterminer au sein de ce coût global la part résultant de l’extension du périmètre de l’exonération prévue par le présent article.

*

*     *

La commission est saisie de l’amendement ICF1504 du rapporteur général.

M. Joël Giraud, rapporteur général. L’article 261 C du code général des impôts exonère de TVA les prestations de gestion d’un certain nombre d’organismes de placement collectif.

L’article 9 substitue à cette liste des critères définis par la jurisprudence européenne, et prévoit que la liste soit fixée par décret. Bien que les bénéficiaires actuellement mentionnés à l’article 261 C répondent aux critères de la jurisprudence européenne, ils s’inquiètent de disparaître du texte de loi. Je propose donc de réintroduire cette liste, précédée de l’adverbe « notamment » afin qu’elle reste ouverte, ce qui permettra de sécuriser juridiquement ces bénéficiaires.

La commission adopte l’amendement ICF1504 (amendement I-2903).

Puis elle adopte l’article 9, modifié.

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*     *

Article 10
Transposition de la directive (UE) 2018/1910 du Conseil du 4 décembre 2018 en matière de TVA

Résumé du dispositif et effets principaux

Cet article vise à transposer la directive 2018/1910 du Conseil du
4 décembre 2018 relative à l’harmonisation et la simplification de certaines règles dans le système de taxe sur la valeur ajoutée pour la taxation des échanges entre les États membres de l’Union européenne, soit les échanges transfrontières de biens entre assujettis.

En premier lieu, est créé un régime harmonisé de TVA applicable aux stocks sous contrat de dépôt.

En deuxième lieu, est clarifiée, en cas de livraisons successives de biens, la question de l’imputation de l’exonération prévue pour les livraisons intracommunautaires.

En troisième lieu, la communication au fournisseur, par l’acquéreur, de son numéro d’identification à la TVA, devient une condition de fond (c’est-à-dire une condition nécessaire) aux fins de bénéficier de l’exonération associée aux livraisons intracommunautaires. Le dépôt d’un état récapitulatif par le fournisseur devient également une condition de fond de ce régime.

Dernières modifications législatives intervenues

La TVA est régie, en droit européen, par la directive 2006/112/CE du Conseil du
28 novembre 2006.

L’article 256 du code général des impôts (CGI), qui détermine la nature des opérations imposables à la TVA, a été modifié par l’article 62 de la loi n° 2012-1510 du
29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012, afin d’assimiler à une livraison de biens le transfert par un assujetti d’un bien de son entreprise à destination d’une entreprise située dans un autre État membre.

L’article 256 bis du CGI, qui fixe les principes généraux applicables à la taxation des acquisitions intracommunautaires, a été modifié par l’article 70 de la loi
n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010.

L’article 289 B du CGI relatif aux états récapitulatifs a été modifié par l’article
102 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

 

I.   les conditions d’assujettissement à la tva des acquisitions et livraisons intracommunautaires de biens doivent évoluer

A.   la question de l’assujettissement à la tva des livraisons intracommunautaires de biens est source de complexité

En 1967, lorsque le Conseil a adopté le système communautaire de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) au moyen de la première directive en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires ([236]), il a été décidé d’aller vers un régime unique de TVA. Ce système de TVA « définitif » devait fonctionner, et aurait dû fonctionner, au sein de l’Union européenne – alors Communauté – comme le système propre à chaque État membre.

Pour autant, les conditions politiques et techniques n’étaient alors pas propices à l’édification d’un tel système. Lors de l’abolition des frontières fiscales entre les États membres, à la fin de l’année 1992, un régime de TVA transitoire a été adopté : c’est ce régime qui est actuellement en vigueur ([237]).

Le présent article ne portant que sur quatre mesures transitoires relatives aux acquisitions et livraisons intracommunautaires, ce commentaire ne reviendra pas sur l’ensemble du régime existant et se focalisera sur les changements qui interviendront, au 1er janvier 2020, en droit français.

Les livraisons intracommunautaires

Une livraison intracommunautaire est une vente réalisée par une société assujettie à destination d’une autre société assujettie située dans un État membre différent du vendeur. Dès lors qu’elles sont réputées faites en France – c’est-à-dire de France à destination d’un autre État membre de l’Union européenne – les livraisons intracommunautaires de biens entrent en principe dans le champ de la TVA française.

En revanche, et selon l’article 262 ter du CGI, les livraisons intracommunautaires bénéficient d’une exonération de TVA si elles remplissent les 4 conditions suivantes :

– la livraison est effectuée à titre onéreux ;

– le vendeur est un assujetti agissant en tant que tel ;

– le bien est expédié ou transporté hors d’un État membre par le vendeur, par l’acquéreur ou pour leur compte, à destination d’un autre État membre ;

– l’acquéreur est un assujetti. Si l’une de ces conditions n’est pas remplie, l’exonération ne peut être appliquée. Le vendeur doit, en conséquence, soumettre sa livraison à la TVA française.

Exemple : une société industrielle française assujettie à la TVA vend des courroies de transmission à une société italienne également assujettie à la TVA. La marchandise est expédiée par la société française depuis son entrepôt, situé en France, à destination du lieu de stock de son client, en Italie. Cette opération remplit les 4 conditions pour être exonérée de TVA : la société française peut facturer son client « hors taxe » (HT).

Remarque : même lorsqu’elles sont exonérées, les livraisons intracommunautaires de biens ouvrent droit à déduction. Les assujettis qui les réalisent peuvent donc déduire la TVA qui a grevé les éléments du prix des biens expédiés à l’étranger. Ils sont en droit, lorsqu’ils ne peuvent récupérer la taxe par imputation, d’en obtenir le remboursement.

Rappel : une vente de biens par un assujetti redevable implanté en France à un assujetti non redevable ou à un particulier implantés dans un autre État membre de l’Union européenne n’est pas une livraison intra-communautaire mais une vente à distance soumise à la TVA.

1.   Les ventes en dépôt

Un stock sous contrat de dépôt est un stock pour lequel, au moment du transport des biens vers un autre État membre, le fournisseur connaît l’identité de l’acquéreur auquel ces biens seront livrés ultérieurement, après leur arrivée dans l’État membre de destination. En d’autres termes, il s’agit du cas dans lequel un fournisseur transfère des biens à un acquéreur connu, sans toutefois encore lui en transférer la propriété, c’est-à-dire le pouvoir de disposer de la chose.

En l’état du droit, l’entreprise qui transfère ses biens – le fournisseur – vers un autre État membre afin de constituer un stock destiné à un acquéreur est réputée avoir effectué un transfert assimilé à une livraison de biens exonérée de TVA dans l’État membre de départ. L’arrivée des biens donne lieu, en revanche, à une affectation assimilée à une acquisition intracommunautaire, réalisée par l’entreprise qui a transféré les biens, laquelle est soumise à la TVA dans l’État membre de départ, puis à une vente domestique subséquente.

Un tel traitement implique, en tout état de cause, que le fournisseur s’immatricule à la TVA dans l’État membre de destination, de sorte qu’il puisse constater l’acquisition intracommunautaire dans cet État, pour les besoins de la déclaration d’échange de biens (DEB).

Venant encore complexifier cette architecture, le fournisseur peut, dans certains cas, collecter la TVA au titre de vente domestique. Certains États membres – comme la France ([238]) – ont mis en place la faculté laissée par l’article 194 de la directive TVA ([239]), permettant pour une société non établie dans l’État membre de destination de réaliser la vente en autoliquidation, c’est-à-dire que la collecte et la déduction de la TVA s’effectue par le client identifié à la TVA dans cet État. Pour rappel, l’autoliquidation de la TVA consiste à inverser le redevable de la taxe : c’est donc le client qui reverse la TVA au trésor public.

En revanche, certains États, comme l’Allemagne, exigent qu’une vente de biens en Allemagne soit soumise à la TVA allemande, que le fournisseur soit ou non établi dans cet État. Ainsi, dans ce dernier cas, deux immatriculations sont nécessaires dans le pays de destination : une immatriculation afin de constater l’acquisition intracommunautaire ; une immatriculation à la TVA afin d’y collecter la TVA.

Afin de pallier ces contraintes administratives, il existe un régime de simplification, dont les conditions sont prévues par les États membres, qui permet d’éviter une immatriculation à la TVA du fournisseur dans l’État de destination. Selon ce régime, le premier transfert ne constitue pas une livraison intracommunautaire et l’opération interne subséquente ne constitue pas une vente domestique : l’opération est considérée comme une livraison intracommunautaire exonérée de TVA pour le fournisseur, dans l’État de départ, et comme une acquisition intracommunautaire taxable à la TVA dans l’État membre d’arrivée, par le mécanisme d’autoliquidation à la TVA activé par l’acquéreur.

Pour autant, ce régime de simplification impose, en pratique, que le fournisseur réalise une analyse fiscale pour chaque pays, afin de comprendre les modalités de sa mise en œuvre.

2.   Les transactions en chaîne

Les opérations en chaîne sont des livraisons successives des mêmes biens entre différents opérateurs, établis dans au moins deux États membres, ces liaisons successives ne donnant lieu qu’à une seule expédition, ou un seul transport intracommunautaire. Le traitement de la TVA qui touche à une telle opération a été déterminé par la jurisprudence européenne.

Conformément à la jurisprudence européenne, dans le cas d’une transaction en chaîne, le transport doit être imputé à une seule livraison au sein de la chaîne, cette imputation permettant de déterminer quelle opération peut bénéficier de l’exonération attachée aux livraisons intracommunautaires. En effet, selon les juges de Luxembourg, relever deux livraisons intracommunautaires dans une telle opération serait « à la fois illogique et contraire à léconomie du régime transitoire de taxation des échanges entre les États membres » ([240]).

En principe, il convient de se pencher sur le moment à partir duquel le pouvoir de disposer de la chose est intervenu. En effet, en cas d’opérations faisant intervenir trois opérateurs établis dans deux États membres différents, lorsque : « le premier acquéreur, ayant obtenu le droit de disposer du bien comme un propriétaire sur le territoire de lÉtat membre de la première livraison, manifeste son intention de transporter ce bien vers un autre État membre et se présente avec son numéro didentification à la TVA attribué par ce dernier État, le transport intracommunautaire devrait être imputé à la première livraison, à condition que le droit de disposer du bien comme un propriétaire ait été transféré au second acquéreur dans lÉtat membre de destination du transport intracommunautaire » ([241]).

Il ressort de ce régime une certaine incertitude juridique touchant à la détermination du moment où le transfert du pouvoir de disposer de la chose est intervenu.

3.   Les règles d’exonération de la TVA sur le transport intracommunautaire de biens

Selon l’article 138 de la directive TVA, une livraison intracommunautaire est exonérée de TVA si les conditions de fond suivantes sont réunies :

– le droit de disposer de ce bien comme un propriétaire a été transmis à l’acquéreur ;

– le vendeur établit que le bien a été expédié ou transporté dans un autre État membre ;

– à la suite de cette expédition ou de ce transport, le même bien a physiquement quitté le territoire de l’État membre de livraison.

Il résulte de ces dispositions que le fait de disposer d’un numéro d’identification à la TVA pour la réalisation d’opérations intracommunautaires et d’être inscrit sur le système VIES ([242]) de la Commission européenne, n’est pas prévu par la directive TVA ; longtemps pourtant, certains États membres ont souhaité faire de ces exigences formelles une condition de fond : sans justification d’un numéro d’identification de TVA, la France, notamment, remettait en cause l’exonération de TVA appliquée par les fournisseurs.

La jurisprudence européenne, désormais établie, postule que l’absence de justification par le fournisseur d’un numéro de TVA n’est qu’une condition de forme et ne peut être considérée comme dirimante vis-à-vis du bénéfice de l’exonération ([243]).

4.   Les preuves du transport intracommunautaire de biens

La preuve de sortie du territoire est une condition de fond afin de bénéficier d’une exonération de TVA associée aux livraisons intracommunautaires (v. supra) : l’enjeu est donc, pour les fournisseurs, de taille.

Pourtant, la preuve de l’expédition ou du transport de biens en vue de l’exonération d’une livraison intracommunautaire est, actuellement, une source de difficultés dont témoigne une abondante jurisprudence.

La preuve des livraisons intracommunautaires dans la jurisprudence

Il ressort des dispositions du I de l’article 262 ter du code général des impôts (CGI) que la preuve de la réalité des livraisons intracommunautaires incombe aux assujettis qui se placent spontanément sous le régime d’exonération prévu par cet article.

Les modes de preuves sont appréciés par l’administration au cas par cas.

Ainsi, il appartient au juge de limpôt dapprécier si la condition de lexonération de TVA tenant à ce que les biens ont été effectivement expédiés ou transportés hors de France par le vendeur, par lacquéreur ou par un tiers pour leur compte, à destination dun autre État membre est remplie.

Le juge de limpôt se prononce au vu de linstruction et compte tenu du fait que seul le redevable de la TVA est en mesure de produire les documents relatifs au transport des biens lorsquil la lui-même assuré, ou tout document de nature à justifier leur livraison effective lorsque le transport a été assuré par lacquéreur ou par un tiers pour leur compte. Ainsi et par exemple, la jurisprudence considère que labsence de justification du transport physique des marchandises est un élément déterminant de nature à empêcher le bénéfice de lexonération (1).

(1)    V. CE, 6 mars 2014, Société Pacoclean, n° 362827.

Lorsque le vendeur à la charge du transport, c’est à lui de prouver par tout moyen que les biens ont été expédiés hors de France. Eu égard à ces justifications, l’administration et, le cas échéant, le juge utilisent la méthode du faisceau d’indices.

Mais, dans les relations commerciales, l’acquéreur effectue parfois l’expédition ou le transport des biens hors de France par ses propres moyens. Afin de ne pas entraver les relations commerciales il est considéré que le vendeur puisse, sous sa propre responsabilité, appliquer l’exonération de TVA. Si le vendeur a des relations commerciales régulières avec l’acquéreur, il lui appartiendra de demander les pièces justificatives lui permettant d’établir la réalité de l’expédition ou du transport des biens hors de France.

B.   un système à la sécurité juridique inégale, dont la complexité est source de fraude, et dont l’évolution est devenue incontournable

1.   Un système complexe et à la sécurité juridique perfectible

Certains éléments présentés supra relatifs aux livraisons de biens intracommunautaires sont la source d’une insécurité juridique pour les opérateurs économiques.

Ainsi, en matière d’exonération de TVA d’une livraison intracommunautaire, la France possède une position plus stricte que la Cour de justice de l’Union européenne. L’administration fiscale française considère que le numéro de TVA de l’acquéreur possède seul la valeur probatoire permettant de justifier que l’acquéreur a bien rempli la condition d’assujettissement. Ainsi, la doctrine fiscale considère que : « le vendeur doit sassurer de lexistence et de la validité du numéro didentification à la TVA qui lui est communiqué par lacquéreur. Lexonération de larticle 262 ter, I du CGI sapplique lorsque lacquéreur, assujetti ou personne morale non assujettie, est identifié à la TVA dans lÉtat membre de lUnion et a communiqué son numéro didentification à la TVA au vendeur français. Dans le cas où lacquéreur ne fournit pas de numéro didentification à la TVA dans un autre État membre ou fournit un numéro invalide à la date de lopération, la livraison doit être soumise à la TVA » ([244]).

Cette position de l’administration fiscale entraîne un risque de remise en cause de l’exonération de TVA.

De même, s’agissant de la preuve du transport intracommunautaire de biens, liberté probatoire est accordée au vendeur : l’administration fiscale peut, en cas de contrôle, considérer que les éléments fournis sont insuffisants pour prouver le transport intracommunautaire et remettre en cause l’exonération accordée.

Enfin, la complexité des règles qui touchent aux transactions en chaîne et au traitement de la TVA sur les stocks résultant d’une livraison intracommunautaire font peser des coûts administratifs sur les entreprises.

2.   Un système propice à la fraude

Du fait de la fraude, les pays de l’Union européenne ont pu enregistrer, en 2017, une perte de recettes de TVA s’élevant à 137 milliards d’euros ([245]).

S’agissant plus spécifiquement de la France, la perte en TVA est estimée, pour l’année 2017, à 12 milliards d’euros.

L’écart de TVA – c’est-à-dire la différence entre les recettes de TVA escomptées et le montant effectivement perçu – s’est resserré par rapport aux années précédentes, mais reste, selon les termes mêmes de la Commission européenne, « très important ». Cet écart de TVA « met une fois encore en lumière la nécessité dune réforme globale des règles de lUE en matière de TVA ».

Or, la complexité des règles et la décomposition artificielle des opérations de livraisons intracommunautaires sont propices à la fraude.

De même, la déclaration sous la forme de liste VIES, essentielle pour informer l’État membre d’arrivée de la présence de biens sur son territoire, n’est actuellement pas obligatoire au niveau européen ; elle constitue pourtant un atout important dans la lutte contre la fraude.

3.   Une obligation de transposition

Il résulte des engagements internationaux de la France – au sens de l’article 55 de la Constitution – et précisément de l’article 288 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), que ne pas transposer la directive 2018/1910 du 4 décembre 2018, avant le 1er janvier 2020, expose la France à un recours en manquement.

II.   une transposition destinée à clarifier la fiscalité portant sur les livraisons intracommunautaireS de biens

La directive 2006/112 du 28 novembre 2006 ([246]) a prévu le remplacement du régime transitoire de TVA actuellement en vigueur par un régime définitif.

Conformément à sa communication du 7 avril 2016 concernant un plan d’action sur la TVA, la Commission européenne a présenté une proposition déterminant les éléments d’un système de TVA définitif pour les échanges transfrontières entre les entreprises des États membres.

Ce système repose sur le principe de taxation dans l’État membre de destination.

Pour autant, face à la longueur et à la difficulté de la tâche, des mesures spécifiques et transitoires ont été prises : Il en est ainsi, entre autres, de la directive 2018/1910 du Conseil du 4 décembre 2018 ([247]) (ci-après « la directive 2018/1910 »).

A.   une simplification et une harmonisation du traitement de la tva portant sur les échanges transfrontaliers de biens

1.   Une simplification du régime de TVA applicable aux stocks en dépôt

L’article 1er de la directive 2018/1910 insère un nouvel article 17 bis dans la directive 2006/112 afin d’harmoniser entre États membres les pratiques portant sur les stocks.

Ainsi, le présent article modifie l’article 256 du CGI pour créer un régime de stocks sous contrat de dépôt des biens à destination d’un autre État membre de l’Union européenne.

Selon ce régime, et conformément à la directive 2018/1910, lorsque le transfert de propriété à l’acquéreur des biens intervient dans les 12 mois suivants leur arrivée dans le pays de stockage, le fournisseur n’aura plus à s’immatriculer à la TVA dans le pays d’arrivée afin de constater un transfert.

Les opérateurs ont l’obligation d’avoir conclu entre eux un contrat régissant les conditions de stockage des biens ; une gestion des stocks précise devra être mise en place par les entreprises afin d’assurer le suivi de l’entrée et de la sortie des biens du stock.

Le fournisseur et l’acquéreur ont l’obligation de tenir un registre des biens placés sous contrat de dépôt, conformément aux dispositions de l’article 286 quater du CGI ainsi modifiées.

Conséquence de ce qui précède, le présent article adjoint un nouveau
3° bis à l’article 256 bis du CGI, qui dispose que n’est pas assimilée à une acquisition intracommunautaire de biens rendant la TVA exigible l’affectation en France, par un assujetti, d’un bien de son entreprise en provenance d’un autre État membre de l’Union européenne, sous le régime des stocks sous contrat de dépôt.

2.   Une uniformisation du traitement des transactions en chaîne

L’article 1er de la directive 2018/1910 prévoit que « lorsque les biens font lobjet de livraisons successives et quils sont expédiés ou transportés dun État membre vers un autre État membre, directement du premier fournisseur au dernier client dans la chaîne, lexpédition ou le transport nest imputé quà la livraison effectuée à lopérateur intermédiaire ».

Est opérateur intermédiaire : « un fournisseur dans la chaîne autre que le premier fournisseur, qui expédie ou transporte les biens, soit lui-même, soit par lintermédiaire dun tiers agissant pour son compte ».

Le présent article reprend strictement cette disposition et modifie en conséquence l’article 262 ter du CGI.

Ainsi :

– par principe, la taxation s’effectuera au niveau de la première livraison entre le fournisseur et l’opérateur intermédiaire ;

– par dérogation, la taxation s’effectuera au niveau de la livraison entre l’opérateur intermédiaire et le client, lorsque l’opérateur intermédiaire a communiqué à son fournisseur le numéro d’identification à la TVA qui lui a été attribué par l’État membre à partir duquel les biens sont expédiés ou transportés. Cette disposition mérite une attention particulière de la part des opérateurs, car la première vente peut ainsi être qualifiée de vente domestique et seule la seconde vente – entre l’intermédiaire et son client – pourrait être qualifiée de livraison intracommunautaire exonérée de TVA.

3.   La communication, par le fournisseur, de son numéro d’identification à la TVA : une condition de fond pour l’application de l’exonération des livraisons intracommunautaires

L’état du droit, qui résulte de l’interprétation de la CJUE, fait de l’indication du numéro d’identification à la TVA une condition formelle de l’exonération des livraisons intracommunautaires, qui n’est pas susceptible de fonder, à elle seule, le refus d’octroyer le bénéfice de l’exonération (v. supra).

Le présent article, qui résulte sur ce point de la modification, par l’article 1er de la directive 2018/1910, de l’article 138 de la directive 2006/112, modifie l’article 262 ter du CGI de sorte que la transmission, par l’acquéreur, de son numéro d’identification à la TVA au fournisseur devienne une condition impérative aux fins de bénéficier de l’exonération de la taxe portant sur une livraison intracommunautaire.

Ainsi, selon cette disposition, il reviendra au fournisseur de vérifier, systématiquement et préalablement à chaque opération, que son client est identifié aux fins de TVA dans l’État membre de destination de ses biens.

Cette condition nécessitera un suivi régulier de la validité des numéros de TVA des clients, ainsi que le report correct dudit numéro sur les factures.

De même, devient obligatoire, pour bénéficier de l’exonération, le dépôt par le fournisseur d’un état récapitulatif, soit la déclaration d’échange de biens (DEB) de l’article 289 B du CGI.

Ainsi, le non-respect de ces conditions fera désormais courir le risque d’une remise en cause de l’exonération par les services fiscaux. Outre la taxation à la TVA de la livraison, les droits pourront être assortis d’intérêts de retard ainsi que, le cas échéant, d’une pénalité de 40 % pour manquement délibéré.

B.   L’impact BudgÉtaire et Économique

1.   Une harmonisation favorable au commerce intracommunautaire qui nécessite une mise en conformité de la part des entreprises de l’Union

Le 25 mai 2018, le commissaire européen aux affaires économiques, Pierre Moscovici, déclarait : « il est temps que nos États membres se fassent mutuellement confiance lorsquil sagit de percevoir la TVA sur les opérations intra-européennes » ([248]).

Les nouvelles règles applicables en matière de livraisons successives de biens qui font l’objet d’un transport intracommunautaire unique permettent d’harmoniser l’application des conditions d’exonération, qui pouvaient auparavant donner lieu à des applications divergentes entre États membres.

Le régime des stocks également créé permet de faire directement constater l’acquisition intracommunautaire par l’acquéreur final, et aboutit à une nette simplification de ce type d’échanges.

2.   Un objectif de réduction de la fraude à la TVA dans le commerce intracommunautaire des biens

Le système de TVA en vigueur – qui devait être un système transitoire – est fragmenté et complexe pour le nombre croissant d’entreprises exerçant des activités transfrontières. Il laisse en outre la porte ouverte à la fraude : les opérations nationales et transfrontières sont traitées de manière différente et des biens ou services peuvent être achetés en exonération de TVA au sein du marché unique.

Par les règles posées par le présent article, les opérations transfrontières continuent à être imposées aux taux appliqués par l’État de destination, mais la façon dont la taxe est perçue évolue progressivement vers un système plus intégré et étanche à la fraude.

*

*     *

La commission adopte l’article 10, sans modification.

*

*     *

Article 11
Aménagement de la trajectoire de baisse du taux normal
de limpôt sur les sociétés des grandes entreprises

Résumé du dispositif proposé

Le présent article, tout en confirmant la baisse du taux normal de l’impôt sur les sociétés (IS) pour la totalité des entreprises qui y sont assujetties, aménage de façon ponctuelle et ciblée la trajectoire de baisse de ce taux pour les exercices ouverts en 2020 et 2021 par les plus grandes entreprises, définies comme celles réalisant un chiffre d’affaires d’au moins 250 millions d’euros.

L’article prévoit ainsi que, pour ces grandes entreprises, le taux normal sera :

– au titre des exercices ouverts en 2020, de 31 % au lieu de 28 %, ce dernier taux demeurant néanmoins applicable à la fraction de bénéfice n’excédant pas 500 000 euros ;

– au titre des exercices ouverts en 2021, de 27,5 % au lieu de 26,5 %.

Cette modification de l’intensité de la baisse du taux normal de l’IS pour les plus grandes entreprises devrait procurer à l’État un surcroît de recettes fiscales supérieur à 3 milliards d’euros, dont 2,2 milliards d’euros en 2020 et 0,9 milliard d’euros en 2021.

Ces recettes supplémentaires contribueront, dans un contexte budgétaire contraint, à l’effort constant de rétablissement des comptes publics et pourront participer au financement des investissements et des mesures prévues en faveur du pouvoir d’achat.

Dernières modifications intervenues

L’article 84 de la loi de finances pour 2018 a prévu la diminution progressive du taux normal de l’IS, qui doit atteindre 25 % au titre des exercices ouverts à compter de 2022.

L’article 4 de la loi du 24 juillet 2019 portant création d’une taxe sur les services numériques et modification de la trajectoire de baisse de l’impôt sur les sociétés a maintenu, pour les seules entreprises réalisant un chiffre d’affaires d’au moins 250 millions d’euros et uniquement au titre de leurs exercices ouverts en 2019, un taux normal d’IS de 33 1/3 %.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

À l’initiative du Rapporteur général, la commission a inséré au présent article les précisions et coordinations relatives aux taux des prélèvements et retenues à la source tirant les conséquences de l’aménagement de la trajectoire de baisse du taux de l’IS.

I.   L’état du droit

Dû par les sociétés de capitaux et, sur option, par certaines sociétés de personnes, l’impôt sur les sociétés (IS) est assis sur le bénéfice des entreprises.

A.   Le taux de l’IS et sa trajectoire de baisse jusqu’en 2022

Le taux normal de l’IS, à côté duquel existent différents taux réduits et qui peut être majoré par certaines contributions, connaît depuis 2017 une trajectoire à la baisse et s’établira à 25 % du bénéfice imposable à compter de 2022.

1.   Le taux normal, les taux réduits et le taux facial de l’IS

L’IS ne repose pas sur un unique taux : s’il existe un taux dit « normal », des taux réduits s’appliquent à certaines entreprises ou à certains revenus, tandis que le taux facial de l’IS, utilisé dans le cadre de comparaisons internationales, intègre les contributions additionnelles à l’IS.

a.   Le taux normal de l’IS

Le taux normal de l’IS est prévu au deuxième alinéa du I de l’article 219 du code général des impôts (CGI).

Jusqu’en 2018, il était de 33 1/3 %. Au titre des exercices ouverts en 2019, il a été ramené à 31 % pour les entreprises réalisant un chiffre d’affaires inférieur à 250 millions d’euros et demeure à 33 1/3 % pour celles dont le chiffre d’affaires est égal ou supérieur à ce montant (cf. infra, 2, b).

b.   Les taux réduits d’IS

Les taux réduits d’IS s’appliquent soit à une fraction du bénéfice imposable, soit à certains types de revenus. Peuvent être mentionnées les situations suivantes :

– les premiers 500 000 euros de bénéfice sont soumis à un taux réduit de 28 % en vertu du 2° du c du I de l’article 219 du CGI ; cette mesure, qui s’inscrit dans le cadre de la trajectoire actuelle de baisse du taux normal de l’IS (cf. infra, 2), s’applique à toutes les entreprises ;

– les petites et moyennes entreprises (PME) dont le chiffre d’affaires est inférieur à 7,63 millions d’euros sont imposées au taux réduit de 15 % sur leurs premiers 38 120 euros de bénéfice, sous réserve qu’elles soient détenues à hauteur d’au moins 75 % par des personnes physiques ou par des sociétés qui satisfont elles-mêmes cette condition de détention ; ce « taux réduit PME » est prévu au b du I de l’article 219 du CGI ;

– le montant net des plus-values à long terme fait l’objet d’une imposition séparée au taux réduit de 15 %, ainsi qu’en dispose le premier alinéa du a du I de l’article 219 du CGI :

– le montant net des plus-values à long terme tirées de la cession de titres de sociétés à prépondérance immobilière cotées est, quant à lui, imposé au taux de 19 %, en application du troisième alinéa du a du I et du IV de l’article 219 du CGI ;

– les produits tirés de la cession ou de la concession de certains actifs incorporels, dont les brevets, font l’objet d’une imposition séparée au taux réduit de 10 %, en vertu du deuxième alinéa du même a (« taux réduit brevet ») ;

– les plus-values tirées de la cession de locaux professionnels destinés à être transformés en locaux d’habitation sont imposées au taux réduit de 19 %, en application de l’article 210 F du CGI et du IV de l’article 219 du même code ;

– les revenus patrimoniaux des organismes sans but lucratif sont imposés au taux réduit de 24 % ou, pour certains types de revenus, aux taux réduits de 10 % (par exemple pour certains intérêts perçus par les caisses de retraite et de prévoyance) ou de 15 % (dividendes), ainsi qu’en disposent les articles 219 bis et 219 quater du CGI.

c.   Le taux facial de l’IS : les contributions additionnelles

En plus de l’IS proprement dit, existe ou ont existé des contributions additionnelles à cet impôt, dues par certaines entreprises. Dans la mesure où elles sont assises sur l’IS, elles ont pour effet d’augmenter le taux effectif de ce dernier : il s’agit du taux facial de l’IS, utilisé essentiellement dans le cadre de comparaisons internationales, notamment par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

● Il n’existe actuellement qu’une contribution additionnelle à l’IS, la contribution sociale sur l’IS prévue à l’article 235 ter ZC du CGI, due par les entreprises dont le chiffre d’affaires est égal ou supérieur à 7,63 millions d’euros de chiffre d’affaires.

Égale à 3,3 % de l’IS dû, elle aboutit à ce que le taux facial de l’IS soit :

– de 32,02 % pour un taux normal de 31 % ;

– de 34,43 % pour un taux normal de 33 1/3 %.

● Jusqu’à récemment encore, d’autres contributions s’appliquaient aux plus grandes entreprises.

D’une part, et au titre de leurs exercices clos entre le 31 décembre 2011 et le 30 décembre 2016, les entreprises dont le chiffre d’affaires était supérieur à 250 millions d’euros acquittaient une contribution exceptionnelle plus connue sous l’appellation de « surtaxe Fillon », prévue à l’article 235 ter ZAA du CGI.

Le taux de cette contribution, initialement fixé à 5 %, fut augmenté à 10,7 % pour les exercices clos à compter du 31 décembre 2013, ayant pour effet de porter le taux facial de l’IS :

– à 36,10 % en 2011 et 2012, pour un taux normal de 33 1/3 % et une surtaxe de 5 % ;

– à 38 % entre 2013 et 2015, pour un taux normal de 33 1/3 % et une surtaxe de 10,7 %.

D’autre part, deux contributions, chacune égale à 15 % de l’IS dû, ont été mises en place par la première loi de finances rectificative pour 2017 au titre des exercices clos entre le 31 décembre 2017 et le 30 décembre 2018 ([249]).

La première de ces contributions était due par les entreprises dont le chiffre d’affaires dépassait un milliard d’euros, la seconde par celles dont le chiffre d’affaires dépassait 3 milliards d’euros.

Ces deux contributions ont porté le taux facial de l’IS à 44,43 % en 2017.

● Le tableau suivant fait état de l’évolution du taux facial entre 2012 et 2019. Il indique, outre le taux normal applicable chaque année, l’ampleur de la majoration de celui-ci résultant des différentes surtaxes.

Évolution du taux facial de l’IS (2012-2019)

(en %)

 

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Taux normal

33,33

33,33

33,33

33,33

33,33

33,33

33,33

33,33

Contribution sociale

1,10

1,10

1,10

1,10

1,10

1,10

1,10

1,10

« Surtaxe Fillon »

1,67

3,57

3,57

3,57

Contributions LFR 2017

10,00

Taux facial

36,10

38,00

38,00

38,00

34,43

44,43

34,43

34,43

N.B. : pour chaque surtaxe, le taux mentionné au titre d’une année est celui applicable aux exercices ouvrant le 1er janvier de l’année concernée et clôturant au 31 décembre de cette année. Pour l’année 2019, le taux normal retenu est le plus élevé applicable, soit 33 1/3 %, applicable aux entreprises dont le chiffre d’affaires est d’au moins 250 millions d’euros – le taux normal pour les autres entreprises étant de 31 %.

Source : commission des finances.

2.   La trajectoire de baisse du taux normal de l’IS

La loi de finances pour 2017 ([250]) a prévu une baisse progressive du taux normal de l’IS entre 2017 et 2020. Cette trajectoire a été renforcée et prolongée par la loi de finances pour 2018 ([251]), aux termes de laquelle le taux normal unique sera de 25 % pour les exercices ouverts à compter de 2022.

a.   Le renforcement par la loi de finances pour 2018 de la trajectoire de baisse du taux normal de l’IS initiée par la loi de finances pour 2017

● L’article 11 de la loi de finances pour 2017 précitée prévoyait de ramener le taux normal de l’IS à 28 % à compter de 2020, selon une logique d’extension de l’application du taux de 28 % – sous réserve de l’application de taux réduits, dont le « taux réduit PME » de 15 % :

– pour les exercices ouverts en 2017, le taux de 28 % s’appliquait à la fraction du bénéfice des PME n’excédant pas 75 000 euros, le taux de 33 1/3 % s’appliquant au reste du bénéfice des PME et à l’intégralité du bénéfice des autres entreprises ;

– pour les exercices ouverts en 2018, le taux de 28 % s’appliquait à la fraction du bénéfice de toutes les entreprises n’excédant pas 500 000 euros, le reste du bénéfice étant imposé au taux de 33 1/3 % ;

– pour les exercices ouverts en 2019, une distinction était prévue en fonction du chiffre d’affaires : les entreprises dont le chiffre d’affaires n’excédait pas un milliard d’euros étaient censées voir leur bénéfice intégralement imposé au taux de 28 %, celles réalisant un chiffre d’affaires dépassant ce seuil restant imposées selon les modalités prévues pour 2018 ;

– enfin, à compter de 2020, toutes les entreprises devaient être imposées à 28 % sur l’intégralité de leur bénéfice.

● L’article 84 de la loi de finances pour 2018 précitée a renforcé la baisse du taux normal de l’IS en prolongeant la trajectoire prévue par la loi de finances pour 2017 et en modifiant l’étape 2019 de celle-ci :

– l’étape 2018 n’était pas modifiée, par souci de stabilité normative ;

– pour les exercices ouverts en 2019, la distinction initialement prévue en fonction du chiffre d’affaires a été remplacée par un taux commun à toutes les entreprises de 31 % applicable à la fraction du bénéfice supérieure à 500 000 euros ;

– pour les exercices ouverts en 2020, le taux normal doit être ramené à 28 %, là non plus sans modification par rapport à la loi de finances pour 2017 ;

– pour les exercices ouverts en 2021, le taux normal doit être ramené à 26,5 % ;

– enfin, pour les exercices ouverts à compter de 2022, le taux normal de l’IS s’établira à 25 %.

● Le tableau suivant dresse la synthèse de la trajectoire de baisse du taux normal de l’IS en comparant les dispositions des lois de finances pour 2017 et 2018.

comparaison des trajectoires de baisse du taux normal de l’IS
prévues par les lois de finances pour 2017 et 2018

Année douverture de lexercice

Loi de finances pour 2017

Loi de finances pour 2018

2017

28 % pour les premiers 75 000 euros de bénéfice des PME
33 1/3 % dans les autres cas

Année non concernée par la LFI 2018

2018

28 % pour les premiers 500 000 euros de bénéfice de toutes les entreprises
33 1/3 % au-delà

(Sans modification)

2019

Pour les entreprises dont le CA  1 Md€ :

28 % sur l’intégralité du bénéfice
 

Pour les entreprises dont le CA > 1 Md€ :

28 % pour les premiers 500 000 euros de bénéfice

33 1/3 % au-delà

28 % pour les premiers 500 000 euros de bénéfice
31 % au-delà

2020

28 % sur l’intégralité du bénéfice pour toutes les entreprises

(Sans modification)

2021

28 % sur l’intégralité du bénéfice pour toutes les entreprises

26,5 % sur l’intégralité du bénéfice pour toutes les entreprises

À compter de 2022

28 % sur l’intégralité du bénéfice pour toutes les entreprises

25 % sur l’intégralité du bénéfice pour toutes les entreprises

N.B. : l’application du ou des taux indiqués est sans préjudice de celle du « taux réduit PME » de 15 % sur les premiers 38 120 euros de bénéfice de certaines PME.

Source : commission des finances.

Le graphique ci-après illustre la comparaison des trajectoires de baisse du taux normal de l’IS prévues par les lois de finances pour 2017 et 2018. Le taux normal indiqué pour chaque année correspond au taux applicable le plus élevé, et ne tient donc pas compte d’un éventuel taux inférieur applicable à une fraction du bénéfice ou à seulement certaines entreprises sous condition de chiffre d’affaires.

b.   La modification du taux normal de l’IS des grandes entreprises en 2019 pour financer les mesures en faveur du pouvoir d’achat

La trajectoire prévue par la loi de finances pour 2018 a fait l’objet d’une modification ponctuelle et ciblée à travers la loi du 24 juillet 2019 portant création d’une taxe sur les services numériques et modification de la trajectoire de baisse de l’impôt sur les sociétés (« loi TSN-IS ») ([252]), qui a substitué au taux normal initialement prévu de 31 % un taux de 33 1/3 % :

– pour les entreprises réalisant un chiffre d’affaires égal ou supérieur à 250 millions d’euros ;

– seulement sur la fraction de bénéfice de ces entreprises qui dépasse 500 000 euros ;

– et uniquement au titre des exercices ouverts du 1er janvier au 31 décembre 2019.

Le taux de 31 % s’applique donc, au titre des exercices ouverts en 2019, aux entreprises qui réalisent un chiffre d’affaires inférieur à 250 millions d’euros. Par ailleurs, le taux de 28 % sur les premiers 500 000 euros de bénéfice demeure applicable à toutes les entreprises.

● Le tableau suivant illustre l’impact de la modification apportée en 2019 sur les taux d’IS applicables aux exercices ouverts cette année-là.

comparaison des taux d’is applicables en 2019
prévus par la loi de finances pour 2018 et la loi n° 2019‑759 du 24 juillet 2019

Chiffre daffaires (CA)

Bénéfice (B)
(en €)

LFI 2018

Loi n° 2019-759

Différence
(en points)

CA < 250 M €

B ≤ 500 000

28 %

28 %

0

B > 500 000

31 %

31 %

0

CA ≥ 250 M €

B ≤ 500 000

28 %

28 %

0

B > 500 000

31 %

33 1/3 %

+ 2 1/3

N.B. : l’application du ou des taux indiqués est sans préjudice de celle du « taux réduit PME » de 15 % sur les premiers 38 120 euros de bénéfice de certaines PME.

Source : commission des finances.

Cette mesure était motivée par le souci de dégager de nouvelles recettes d’IS afin de contribuer au financement des mesures en faveur du pouvoir d’achat des ménages prévues par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 ([253]), la loi de finances pour 2019 ([254]) et la loi du 24 décembre 2018 portant mesures d’urgence économiques et sociales ([255]). Il est renvoyé au rapport fait sur le projet de loi TSN-IS pour une présentation de ces mesures et de leurs modalités de financement ([256]).

La modification ainsi apportée à la trajectoire de baisse du taux normal de l’IS concernait 765 entreprises. Le gain budgétaire réalisé était estimé, lors de la présentation du projet de loi en mars 2019, à 1,76 milliard d’euros, dont 1,67 milliard d’euros en 2019 et 90 millions d’euros en 2020.

c.   Synthèse de la trajectoire en vigueur de baisse du taux normal de l’IS

Le tableau suivant dresse la synthèse de la trajectoire en vigueur de baisse du taux normal de l’IS, c’est-à-dire de la trajectoire prévue par la loi de finances pour 2018 modifiée par la loi TSN-IS précitée.

Comparaison de la trajectoire de baisse du taux normal de l’IS
prévue par la loi de finances pour 2018 et de la trajectoire en vigueur

Année douverture de lexercice

Loi de finances pour 2018

Trajectoire actuellement en vigueur

2018

28 % pour les premiers 500 000 euros de bénéfice de toutes les entreprises
33 1/3 % au-delà
 

(Sans modification)

2019

28 % pour les premiers 500 000 euros de bénéfice
31 % au-delà pour toutes les entreprises


 

28 % pour les premiers 500 000 euros de bénéfice
31 % au-delà pour les entreprises dont le CA est inférieur à 250 M€

33 1/3 % au-delà pour les entreprises dont le CA est égal ou supérieur à 250 M€

2020

28 % sur l’intégralité du bénéfice pour toutes les entreprises
 

(Sans modification)

2021

26,5 % sur l’intégralité du bénéfice pour toutes les entreprises
 

(Sans modification)

À compter de 2022

25 % sur l’intégralité du bénéfice pour toutes les entreprises
 

(Sans modification)

N.B. : l’application du ou des taux indiqués est sans préjudice de celle du « taux réduit PME » de 15 % sur les premiers 38 120 euros de bénéfice de certaines PME.

Source : commission des finances.

B.   La nécessité de nouvelles recettes dans un contexte budgétaire contraint sans compromettre la compétitivité des PME

Depuis le début de la législature, le Gouvernement et sa majorité ont entrepris de rétablir les comptes publics et ont pu réduire de façon significative le déficit public. Ces efforts doivent être poursuivis dans un contexte budgétaire qui demeure contraint, commandant de dégager des recettes fiscales supplémentaires qui permettent également de financer des mesures en faveur du pouvoir d’achat.

1.   Le nécessaire maintien du rétablissement des comptes publics

Malgré les incertitudes pesant sur l’économie mondiale, résultant notamment du conflit commercial opposant les États‑Unis et la Chine, l’économie française se montre résiliente et affiche une croissance relativement robuste, située un peu au-dessus de la moyenne de la zone euro – après plusieurs années sous cette moyenne. Les prévisions de croissance pour les années 2019 et 2020 s’établissent ainsi, respectivement, à 1,4 % et 1,3 % du produit intérieur brut (PIB), soit à un niveau supérieur à celui constaté pour la zone euro, fixé à 1,2 % sur la même période ([257]).

Malgré ces bons chiffres, résultant notamment de la mise en œuvre des réformes structurelles adoptées depuis le début de la présente législature, le contexte budgétaire demeure contraint et invite à faire preuve de prudence pour ne pas compromettre l’objectif de la majorité, de rétablir les comptes publics de la nation.

Le déficit, qui s’établissait au-delà de 3 % du PIB en 2016 et que les prévisions de la Cour des comptes fixaient à 3,4 % pour 2017, s’est finalement établi à 2,8 % du PIB cette année-là, puis à 2,5 % en 2018. En 2019, le niveau du déficit est remonté à 3,1 % du PIB, mais 0,8 point présentait un caractère exceptionnel et ponctuel dû à la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en allégements de cotisations sociales patronales : le niveau « réel » du déficit pour 2019 était donc de 2,3 %.

Pour 2020, le déficit public devrait s’établir à 2,2 % du PIB, soit le plus bas niveau depuis 2001, confirmant la bonne trajectoire des comptes publics. Les efforts entrepris depuis 2017 doivent être poursuivis.

2.   De nouvelles mesures en faveur du pouvoir d’achat des ménages supposant des recettes fiscales supplémentaires

Dans ces conditions, et malgré un niveau de déficit public en diminution régulière, il apparaît judicieux de limiter le financement de nouvelles dépenses ou de moindres recettes par le recours au déficit.

● À cet égard, les différentes mesures prises en faveur du pouvoir d’achat des ménages en décembre 2018 ont conduit à modifier, en 2019, la trajectoire de la baisse de l’IS selon les modalités précédemment exposées.

Les nouvelles mesures visant à alléger la charge fiscale des ménages et à accroître le pouvoir d’achat de ces derniers supposent de nouvelles sources de financement pour assurer un meilleur équilibre budgétaire, notamment dans le cadre de la réduction d’impôt sur le revenu pour 17 millions de foyers, prévue à l’article 2 du présent projet de loi et qui devrait réduire les recettes fiscales de 5 milliards d’euros dès 2020.

Solliciter un effort ponctuel et mesuré de la part des plus grandes entreprises, c’est-à-dire de celles disposant des capacités contributives les plus importantes, permettra d’atteindre l’objectif de solde budgétaire fixé sans compromettre la compétitivité de la très grande majorité des entreprises françaises, notamment des PME. Tel est l’objet du présent article.

II.   Le dispositif proposé

Afin de garantir le rétablissement des comptes publics, notamment pour financer les mesures en faveur des ménages et en particulier la réduction prévue de l’IR, le présent article ajuste la trajectoire de baisse du taux normal de l’IS pour les deux années à venir, permettant de dégager en 2020 plus de 2 milliards d’euros de recettes supplémentaires.

Seules les plus grandes entreprises, c’est-à-dire celles les plus à même de faire face à un surcroît fiscal ponctuel, seront concernées.

A.   L’ajustement de la trajectoire de baisse du taux normal de l’IS pour les plus grandes entreprises en 2020 et 2021

Le présent article procède à un ajustement mesuré, ciblé et ponctuel de la trajectoire de baisse du taux normal de l’IS, en modifiant à cet effet le I de l’article 219 du CGI.

1.   L’application d’un taux de 31 % en 2020 et de 27,5 % en 2021 pour les entreprises réalisant un chiffre d’affaires d’au moins 250 millions d’euros

Le cœur du dispositif figure au second alinéa du I du présent article, qui complète le deuxième alinéa du I de l’article 219, dans sa rédaction résultant de l’article 4 de la loi TSN-IS, par trois nouvelles phrases mettant en œuvre l’ajustement de la trajectoire de baisse du taux normal de l’IS.

De façon simplifiée, il résulte de ces modifications que les entreprises qui réalisent un chiffre daffaires dau moins 250 millions deuros seront imposées :

– au taux de 31 % au titre des exercices ouverts en 2020 et pour la fraction de bénéfice excédant 500 000 euros ;

– au taux de 27,5 % au titre des exercices ouverts en 2021.

● Dans le détail, la première de ces nouvelles phrases précise que, pour les exercices ouverts du 1er janvier au 31 décembre 2020 par les entreprises qui réalisent un chiffre d’affaires égal ou supérieur à 250 millions d’euros, le taux normal de l’IS applicable est de 31 %, par dérogation à la première phrase du deuxième alinéa du I de l’article 219 qui prévoit un taux normal de 28 % pour les exercices ouverts en 2020.

Le taux de 31 % ne s’appliquera que sur la fraction de bénéfice supérieure à 500 000 euros : en deçà, le taux applicable sera celui prévu pour 2020 par la trajectoire de la loi de finances pour 2018, soit 28 %.

La précision sur la fraction de bénéfice concernée par le nouveau taux de 31 % est nécessaire dans la mesure où, à partir des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2020, les dispositions prévoyant que le taux d’IS applicable aux premiers 500 000 euros de bénéfice est de 28 % seront abrogées.

Cette abrogation résulte de l’application combinée du 5° du F du I et du C du III de l’article 84 de la loi de finances pour 2018 précitée. Au demeurant, le taux de 28 % sur les premiers 500 000 euros de bénéfice ne s’appliquait, logiquement, qu’aux exercices ouverts en 2018 et 2019 dans la mesure où le taux normal censé s’appliquer sur l’intégralité du bénéfice à compter de 2020 était justement de 28 %.

En conséquence, en précisant que le taux de 31 % ne concernera que la fraction de bénéfice supérieure à 500 000 euros, le dispositif proposé a automatiquement pour effet de rendre applicable à la fraction inférieure ou égale à ce seuil le taux de 28 %, en vertu de la première phrase du deuxième alinéa du I de l’article 219.

● L’imposition des exercices ouverts en 2021 est modifiée par la deuxième des trois phrases introduites par le second alinéa du I du présent article.

Celle-ci prévoit que les entreprises dont le chiffre d’affaires est de 250 millions d’euros ou plus seront imposées sur l’ensemble du bénéfice, au titre des exercices ouvert à compter du 1er janvier 2021, au taux de 27,5 %, par dérogation au taux normal de 26,5 % prévu pour ces exercices par la première phrase du deuxième alinéa du I de l’article 219.

L’absence de mention de la date de clôture des exercices ouverts en 2021 est sans incidence sur la suite de la trajectoire de la baisse du taux normal de l’IS : pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2022, le taux normal de l’IS sera de 25 %, ainsi qu’il résulte des dispositions combinées du 2° du F du I et du D du III de l’article 84 de la loi de finances pour 2018 précitée.

● Aux termes du III du présent article, ce dernier s’appliquera aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2020.

● Les tableau et graphique suivants synthétisent l’ajustement de la trajectoire de la baisse du taux normal de l’IS en 2020 et 2021 par rapport à l’état du droit. Les cellules colorées soulignent la différence entre le dispositif proposé et le droit actuel.

comparaison du taux normal d’IS prévu
par le droit actuel et le dispositif proposé

Chiffre daffaires (CA)

Bénéfice (B)
(en euros)

2020

2021

2022
(non concerné)

Droit actuel

Dispositif proposé

Écart
(pts)

Droit actuel

Dispositif proposé

Écart
(pts)

Droit actuel

Dispositif proposé

Écart
(pts)

CA < 250 M€

28 %

28 %

0

26,5 %

26,5 %

 

25 %

25 %

0

CA  250 M€

B ≤ 500 000

28 %

28 %

0

26,5 %

27,5 %

+ 1

25 %

25 %

0

B > 500 000

28 %

31 %

+ 3

N.B. : l’application du ou des taux indiqués est sans préjudice de celle du « taux réduit PME » de 15 % sur les premiers 38 120 euros de bénéfice de certaines PME.

Source : commission des finances.

Précision liminaire, le taux résultant du dispositif proposé pour les exercices ouverts en 2020 qui figure dans le graphique ci-dessus et dans le suivant est celui applicable à la fraction de bénéfice supérieure à 500 000 euros, le taux applicable à la fraction inférieure ou égale à ce montant demeurant 28 %.

L’écart entre le dispositif proposé et le droit actuel est de 3 points pour les exercices ouverts en 2020, il est ramené à un seul point pour ceux ouverts en 2021 et devient nul à partir des exercices ouverts à compter de 2022, le taux alors applicable n’étant pas modifié par le dispositif proposé.

La réduction de l’écart de taux applicable est encore plus saillante sur le graphique ci-dessous, qui compare les trajectoires de baisse du taux existante et proposée. Il en résulte une convergence progressive des taux, qui se rejoignent en 2022.

2.   La définition du chiffre d’affaires retenu pour l’assujettissement au dispositif proposé

Le critère d’assujettissement aux taux prévus par le présent article pour les exercices ouverts en 2020 et 2021 est la réalisation d’un chiffre d’affaires égal ou supérieur à 250 millions d’euros.

a.   Le chiffre d’affaires devrait être le chiffre d’affaires français

À titre liminaire, et bien que cela ne figure expressément pas dans le dispositif proposé, le chiffre d’affaires à retenir devrait être celui rattaché aux bénéfices soumis à l’IS en application des règles de territorialité de cet impôt prévues au premier alinéa du I de l’article 209 du CGI, c’est-à-dire, schématiquement le chiffre d’affaires français.

Tel est en effet le cas pour la contribution sociale sur l’IS prévue à l’article 235 ter ZC ([258]) et pour les deux contributions créées par la première loi de finances rectificative pour 2017 précitée ([259]).

Retenir le chiffre d’affaires français, plutôt que mondial, correspondait également à l’intention du législateur lors de l’examen de la loi TSN-IS précitée qui a maintenu un taux normal de 33 1/3 % pour les exercices ouverts en 2019 par les grandes entreprises.

Cette approche fait enfin écho aux obligations déclaratives prévues par les articles 38 terdecies A et 38 quaterdecies de l’annexe III du CGI qui, pour les entreprises exerçant partiellement à l’étranger ou dont le siège n’est pas en France, n’exigent que la production des renseignements afférents aux opérations participant à la réalisation du résultat imposable en France.

b.   Le chiffre d’affaires est celui réalisé au cours de l’exercice considéré, le cas échéant ajusté et, pour les groupes fiscalement intégrés, consolidé

Ce chiffre d’affaires est déterminé selon les modalités prévues au II de l’article 4 de la loi TSN-IS, auquel renvoie la troisième phrase du second alinéa du I du présent article. Ce renvoi explique la coordination requise au même II de cet article 4, à laquelle procède le II du présent article.

Il s’agit du chiffre d’affaires réalisé au cours de l’exercice, le cas échéant avec ajustement prorata temporis sur douze mois, et consolidation des chiffres d’affaires des sociétés membres d’un groupe fiscalement intégré.

Ces modalités sont classiques en matière d’IS. Elles se retrouvent ainsi dans le dispositif de la contribution sociale à l’IS, dans l’ancienne « surtaxe Fillon », dans les deux contributions créées par la première loi de finances rectificative pour 2017 précitée ou encore, plus récemment, à l’article 4 de la loi TSN-IS précitée qui avait maintenu, pour les plus grandes entreprises et au titre de leurs exercices ouverts en 2019, le taux normal de l’IS à 33 1/3 %.

● Concrètement, le chiffre d’affaires au sens du deuxième alinéa du I de l’article 219 du CGI, dans sa rédaction résultant du 2° du I du présent article, serait celui réalisé par l’entreprise au cours de l’exercice ou de la période d’imposition ouvert en 2020, pour le taux de 31 %, et en 2021, pour le taux de 27,5 %.

Un mécanisme d’ajustement prorata temporis est prévu si l’exercice ne porte pas sur une période de douze mois – ce qui peut être le cas lors du premier ou du dernier exercice ou si la date de clôture de l’exercice a été modifiée. Dans une telle hypothèse, le chiffre d’affaires est ramené à douze mois, ce qui permet :

– de ne pas appliquer le nouveau taux prévu à une entreprise qui atteindrait ou dépasserait le seuil de chiffre d’affaires au titre d’un exercice d’une durée supérieure à douze mois ;

– inversement, d’inclure dans le champ du dispositif proposé les entreprises dont le chiffre d’affaires n’atteindrait pas le seuil en raison d’un exercice d’une durée inférieure à douze mois.

Illustration de l’ajustement prorata temporis du chiffre d’affaires

● Exercice inférieur à douze mois :

Deux entreprises A et B ouvrent leur exercice respectif le 1er janvier 2020 et le clôturent le 15 juillet de la même année. Elles réalisent durant cet exercice le chiffre d’affaires suivant :

– A : 180 millions d’euros ;

– B : 130 millions d’euros.

Chacun des exercices ayant duré six mois et demi, le chiffre d’affaires doit être ajusté prorata temporis :

– pour A, le chiffre d’affaires ajusté est de [180 × (12/6,5)] = 332 millions d’euros, au-delà du seuil : l’entreprise A est concernée par le dispositif proposé pour cet exercice ;

– pour B, le chiffre d’affaires ajusté est de [130 × (12/6,5)] = 240 millions d’euros, en deçà du seuil : l’entreprise B ne sera pas concernée par le dispositif proposé pour cet exercice.

● Exercice supérieur à douze mois :

Au cours d’un exercice ouvert le 1er janvier 2021 et clos le 30 juin 2022, une entreprise Z réalise un chiffre d’affaires de 350 millions d’euros. L’exercice portant sur une durée supérieure à douze mois – dix-huit mois –, le chiffre d’affaires doit faire l’objet d’un ajustement prorata temporis.

Le chiffre d’affaires ajusté sera égal à [350 × (12/18)] = 233 millions d’euros, soit moins que le seuil : l’entreprise Z ne sera pas concernée par le dispositif prévu pour cet exercice.

● La seconde phrase du II du présent article précise les modalités de détermination du chiffre d’affaires pour les groupes fiscalement intégrés au sens des articles 223 A ou 223 A bis du CGI. Pour mémoire, et de façon schématique, un groupe fiscalement intégré réunit une société tête de groupe et des sociétés assujetties à l’IS qu’elle détient, directement ou non, à hauteur d’au moins 95 %. La société tête de groupe s’érige seule redevable de l’IS dû par le groupe, assis sur un résultat d’ensemble correspondant à la somme des résultats individuels des sociétés membres – permettant de compenser les pertes et les profits – auquel sont appliqués différents retraitements.

Dans le cas d’un groupe fiscalement intégré, le chiffre d’affaires à retenir correspond à la somme des chiffres d’affaires de chaque société membre du groupe, et non au seul chiffre d’affaires de la société tête de groupe. Ce mécanisme de consolidation, qui reflète la réalité économique de ces groupes, prémunit également le dispositif de toute tentative d’évitement reposant sur une structuration artificielle d’un groupe (dont le chiffre d’affaires dépasse le seuil) en entités dont les chiffres d’affaires individuels restent chacun en deçà de celui-ci.

Illustration de la consolidation des chiffres d’affaires
pour les groupes fiscalement intégrés

La société M et les sociétés F1, F2,  F3 et F4, qui constituent un groupe fiscalement intégré dont M est tête de groupe, réalisent chacune, au titre de leur exercice respectif ouvert le 1er janvier 2020 et clos le 31 décembre 2020, le chiffre d’affaires suivant :

– pour M, 120 millions d’euros ;

– pour F1, 20 millions d’euros ;

– pour F2, 50 millions d’euros ;

– pour F3, 70 millions d’euros ;

– pour F4, 100 millions d’euros.

Aucune des sociétés n’atteint le seuil de 250 millions d’euros individuellement. En revanche, la somme des chiffres d’affaires aboutit à un total de 360 millions d’euros, soit au-delà du seuil : le groupe sera donc concerné par le taux de 31 % applicable aux exercices ouverts en 2020.

3.   Un aménagement de la trajectoire de baisse du taux normal de l’IS qui suppose de préciser le taux de certains prélèvements et retenues à la source

L’article 84 de la loi de finances pour 2018 précitée, en plus d’introduire une nouvelle trajectoire de baisse du taux normal de l’IS, avait procédé à de nombreuses coordinations pour substituer au taux de 33 1/3 %, dans différents mécanismes, la référence au taux normal prévu au deuxième alinéa du I de l’article 219 du CGI.

Si la plupart de ces coordinations n’ont pas besoin d’être actualisées en conséquence du dispositif proposé, le taux applicable à certains prélèvements et retenues à la source doit être précisé pour éviter toute confusion résultant de l’ajustement de la trajectoire du taux normal de l’IS prévu. Sont concernés les dispositifs prévus aux articles 182 B, 187, 244 bis, 244 bis A et 244 bis B du CGI.

Ces coordinations sont réalisées à l’article 12 du présent projet de loi de finances, qui procède à la mise en conformité au droit de l’Union européenne de retenues et prélèvements à la source. Il est renvoyé au commentaire de cet article 12 pour la présentation des dispositifs mentionnés et la nature des précisions apportées.

S’il est fait ici mention de ces précisions, c’est qu’il paraît plus cohérent que ces dernières figurent au présent article. Le fait qu’elles portent sur des prélèvements et retenues à la source concernés par l’article 12 du présent projet de loi peut sembler expliquer, en apparence, leur placement à cet article. Néanmoins, ces précisions sont la conséquence des ajustements apportés à la trajectoire de baisse du taux normal de l’IS et au fait que, pour certaines années, plusieurs taux seront applicables en fonction du chiffre d’affaires des entreprises. Il est donc préférable, dans un souci de lisibilité du projet de loi, qu’elles apparaissent dans le présent article afin que ce dernier soit exhaustif sur l’ajustement qu’il prévoit.

Au demeurant, et ainsi qu’il est précisé dans le commentaire de l’article 12 du présent projet de loi, les précisions sur le taux applicable des prélèvements et retenues à la source ne font pas l’objet d’un terme pour leur application, alors que celle-ci devra prendre fin à compter de 2022, lorsque le taux normal d’IS sera, pour toutes les entreprises, de 25 %.

B.   L’impact budgétaire et économique

L’ajustement de la trajectoire de baisse du taux normal de l’IS en 2020 et 2021 devrait procurer à l’État un gain budgétaire de plus de 3 milliards d’euros, dont 2,2 milliards d’euros en 2020. Le ciblage du dispositif proposé, qui ne porte que sur les plus grandes entreprises, c’est-à-dire celles à même de faire face à la mesure, permet de garantir la compétitivité des entreprises françaises, cette dernière se trouvant au demeurant renforcée par la baisse du taux de l’IS profitant à la totalité des entreprises.

1.   Un gain de 3 milliards d’euros sur deux ans, dont 2,2 milliards d’euros dès 2020

L’application, aux entreprises qui réalisent au cours de leurs exercices ouverts en 2020 et 2021 un chiffre d’affaires d’au moins 250 millions d’euros, d’un taux normal d’IS dérogatoire plus élevé que le taux de droit commun, devrait permettre une hausse significative des recettes fiscales de l’État pour les deux années concernées : 2,2 milliards en 2020 et 900 millions d’euros en 2021.

La chronique budgétaire de la mesure figure dans le tableau suivant.

impact budgétaire de l’ajustement de la trajectoire de baisse
du taux normal de l’is pour les exercices ouverts en 2020 et 2021
par les plus grandes entreprises

(en milliards d’euros)

Année

2020

2021

2022

2023

Total

Impact budgétaire

+ 2,2

+ 0,9

+ 0,04

0

+ 3,14

Source : évaluation préalable du présent article.

Le fait que l’essentiel du gain (2,2 milliards d’euros, soit 70 % du total) soit réalisé en 2020 est logique dans la mesure où l’écart entre le taux dérogatoire au titre des exercices ouverts cette année-là par rapport au taux de droit commun est le plus élevé de la mesure proposée – trois points.

Le gain tiré en 2021, de l’ordre de 900 millions d’euros, correspond à environ 29 % du gain total ; il est logiquement plus faible en raison d’un écart d’un seul point avec le droit commun.

Enfin, l’impact de 40 millions d’euros constaté au titre de 2022 est la conséquence de clôtures d’exercices décalées pour certaines entreprises concernées par la mesure. À titre d’exemple, une entreprise dont l’exercice serait ouvert le 1er juillet 2021 et clos le 30 juin 2022 paierait ses deux premiers acomptes au plus tard les 15 septembre et 15 décembre 2021 – les recettes afférentes étant rattachées à l’exercice budgétaire 2021 –, tandis que les deux derniers acomptes seraient dus au plus tard les 15 mars et 15 juin 2022 – et donc rattachés à l’exercice budgétaire 2022.

Le chiffrage de l’impact budgétaire de la mesure fait par le Gouvernement repose sur des hypothèses de croissance des bénéfices fiscaux fondées sur les données macroéconomiques disponibles. Eu égard à la sensibilité de l’IS à la conjoncture, ce chiffrage constitue un ordre de grandeur.

2.   Un meilleur lissage de l’impact budgétaire de la baisse du taux de l’IS par rapport à la trajectoire actuelle

Le dispositif proposé par le présent article, à l’instar de la modification apportée au taux de l’IS par la loi TSN-IS précitée du 24 juillet 2019, a pour effet de reporter le coût de certaines étapes de la baisse du taux sur les étapes ultérieures.

Ainsi, le maintien du taux normal de 33 1/3 % pour les exercices ouverts en 2019 par les grandes entreprises, résultant de la loi TSN-IS, avait allégé le coût de l’étape 2019, accroissant mécaniquement le coût de l’étape 2020.

● Le présent article obéit à la même logique, mais l’ampleur des variations enregistrées par le coût de chaque étape de la trajectoire est substantiellement différente et, d’une manière générale, plus équilibrée que ce qui résultait de la mesure spécifique aux exercices 2019. Ces éléments sont attestés par le tableau suivant, illustré par deux graphiques.

comparaison de l’impact consolidé de la trajectoire initiale
de baisse du taux de l’is et des modifications apportées et prévues

(en milliards d’euros)

Trajectoire

Objet

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Total

LFI 2017
et LFI 2018

Impact consolidé

 0,3

 1,5

 3,9

 6,9

 9,2

 11,2

 11,2

Écart N/N-1
(coût de létape N)

– 0,3

– 1,2

– 2,4

– 3,0

– 2,3

– 2,0

 11,2

Loi TSN-IS

Impact

0,0

0,0

+ 1,7

0,0

0,0

0,0

Écart N/N-1
(coût de létape N)

– 0,3

– 1,2

– 0,7

– 4,7

– 2,3

– 2,0

 11,2

Impact consolidé

 0,3

 1,2

 2,2

 6,9

 9,2

 11,2

 11,2

PLF 2020

Impact

0,0

0,0

0,0

+ 2,2

+ 0,9

0,0

Écart N/N-1
(coût de létape N)

– 0,3

– 1,2

– 0,7

– 2,5

– 3,6

– 2,9

 11,2

Impact consolidé

 0,3

 1,2

 2,2

 4,7

 8,3

 11,2

 11,2

N.B. : la colonne « Total » fait état du coût total de la baisse du taux normal de l’IS, expliquant l’identité de ses données avec celles relatives à l’impact consolidé de chaque trajectoire en 2022.

Source : commission des finances.

● Le premier des deux graphiques ci-après porte sur l’écart annuel constaté dans chacune des trois trajectoires de baisse du taux normal de l’IS – c’est-à-dire de la trajectoire prévue par les lois de finances pour 2017 et 2018, de celle résultant des modifications apportées l’été dernier (loi TSN-IS) et de celle prévue par le présent article.

Il ressort de ces données que la trajectoire « initiale », résultant des lois de finances pour 2017 et 2018, connaissait une montée en puissance relativement régulière dans sa première partie – jusqu’en 2020, étape la plus coûteuse avec 3 milliards d’euros –, puis voyait son intensité décroître, d’abord à 2,3 milliards d’euros pour 2021, puis à 2 milliards d’euros pour 2022.

À l’inverse, la trajectoire résultant de la loi TSN-IS du 24 juillet dernier présente, en termes de coût de chaque étape, un profil très irrégulier : la relative faiblesse du coût de l’étape 2019 – 0,7 milliard d’euros – est contrebalancée par le ressaut saillant constaté au titre de l’étape 2020, dont le coût est de 4,7 milliards d’euros, soit 42 % du coût total. La suite de la trajectoire est inchangée par rapport à celle initialement prévue.

La trajectoire proposée par le présent article s’inscrit entre les deux précédentes : plus irrégulière que la trajectoire initiale, ses variations sont plus mesurées que celle de la loi TSN-IS, le coût des étapes ne connaissant pas d’évolutions de l’amplitude de celle-ci.

● Une projection, non en fonction de l’impact budgétaire annuel de chaque trajectoire, mais à partir de leur impact consolidé, renforce le constat d’un meilleur équilibre présenté par la trajectoire proposée par le présent article par rapport à celle actuellement en vigueur, ce que montre le graphique ci-après.

La trajectoire initiale est la plus régulière, sa pente croissant de façon relativement constante à partir de 2018. La courbe de la trajectoire en vigueur, au contraire, est plutôt plate durant les deux premières années avant de connaître une hausse brutale, puis d’épouser à nouveau la courbe de la trajectoire initiale.

La trajectoire résultant des mesures prévues par le présent article connaît la même entame que celle en vigueur, mais sa suite est beaucoup plus régulière, les écarts y étant moins prononcés d’une année sur l’autre.

L’ensemble des considérations qui précèdent montrent que le dispositif proposé par le Gouvernement lisse et équilibre l’impact budgétaire sur la durée du quinquennat de la baisse du taux normal de l’IS, ce dont le Rapporteur général ne peut que se réjouir.

3.   Une mesure qui ne revient pas sur le principe d’une baisse du taux de l’IS pour toutes les entreprises dès 2020

Si le taux normal de l’IS pour les plus grandes entreprises sera, pour les années 2020 et 2021, plus élevé que ce que la trajectoire initiale prévoyait, ce taux baissera néanmoins.

Ainsi, toutes les entreprises, y compris celles réalisant un chiffre d’affaires d’au moins 250 millions d’euros, profiteront les deux prochaines années d’une réduction de leur charge fiscale au titre de l’IS par rapport à l’année précédente – 2019 incluse. Cette baisse traduit la cohérence de la politique du Gouvernement et de sa majorité consistant à diminuer les prélèvements obligatoires sur les entreprises pour améliorer leur compétitivité, de renforcer l’attractivité du pays, de soutenir l’investissement et la création d’emplois.

Le tableau et le graphique suivants montrent cette baisse générale du taux normal de l’IS pour la totalité des entreprises assujetties à cet impôt.

Évolution du taux normal de l’IS intégrant le dispositif proposé
(2018-2023)

Entreprises

2018

2019

2020

2021

2022

2023

CA < 250 M€

Taux

33 1/3 %

31 %

28 %

26,5 %

25 %

25 %

Écart N/N-1 (en points)

– 2 1/3

– 3

– 1,5

– 1,5

0

CA  250 M€

Taux

33 1/3 %

33 1/3 %

31 %

27,5 %

25 %

25 %

Écart N/N-1

(en points)

0

– 2 1/3

– 3,5

– 2,5

0

N.B. : pour les exercices ouverts en 2019 et, s’agissant des entreprises dont le chiffre d’affaires est égal ou supérieur à 250 millions d’euros, pour les exercices ouverts en 2020, la fraction de bénéfice inférieure ou égale à 500 000 euros est imposée au taux de 28 %.

Source : commission des finances.

Il ressort de ces données que, bien que temporairement atténuée, la baisse du taux normal reste saillante pour les plus grandes entreprises.

En outre, l’écart entre la trajectoire résultant du dispositif proposé et celle en vigueur se résorbe progressivement dans la mesure où il passera de trois points à un point entre 2020 et 2021. La charge fiscale supplémentaire pesant sur les plus grandes entreprises diminuera donc substantiellement, facteur de nature à atténuer les éventuels effets négatifs de la mesure, qui se dissiperont en tout état de cause à partir des exercices ouverts en 2022.

4.   Un ajustement de la trajectoire annoncé dès avril dernier qui ne remet pas en cause le taux de 25 % à compter de 2022

● La modification proposée ne remet en aucun cas en cause l’objectif de stabilité et de prévisibilité de la norme fiscale auquel le Rapporteur général est particulièrement attaché, tout comme le Gouvernement et sa majorité.

D’une part, et ainsi qu’il a été vu, la quasi-totalité des entreprises continueront à être imposées selon les modalités prévues dans la loi de finances pour 2018.

D’autre part, la perspective de taux d’IS plus élevés que ceux initialement prévus pour les grandes entreprises au titre des exercices ouverts en 2020 et 2021 n’est pas apparue avec le présent projet de loi de finances, mais trouve son origine dans les débats sur le projet de loi TSN-IS tenus en avril dernier :

– devant la commission des finances de notre Assemblée, le ministre de l’économie et des finances avait ainsi évoqué la perspective, pour les années postérieures à 2019, d’une « pente plus progressive » de la trajectoire ([260]) ;

– en séance publique, le ministre avait renouvelé cette perspective, indiquant que la trajectoire résultant de la loi de finances pour 2018 pourrait faire l’objet de modifications pour les seules plus grandes entreprises dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020 ([261]).

Enfin, à l’occasion du débat d’orientation des finances publiques 2020 tenu le 11 juillet dernier, Bruno Le Maire avait précisé certaines modalités de l’ajustement ici proposé, indiquant que le taux d’IS pour les plus grandes entreprises serait de 31 % en 2020 ([262]).

Le principe d’un ajustement ciblé et ponctuel de la trajectoire était donc connu des entreprises bien avant le dépôt du présent projet de loi de finances.

● En tout état de cause, et ce point est essentiel, le taux cible de la trajectoire de baisse figurant dans la loi de finances pour 2018 n’est pas remis en cause par le dispositif proposé.

Ce dernier ne porte en effet que sur les exercices ouverts en 2020 et 2021. Ainsi, le présent article ne fait en aucun cas obstacle à ce que, à compter de 2022, la totalité des entreprises françaises assujetties à l’IS soient imposées au taux normal de 25 % (sans préjudice d’éventuels taux réduits), conformément à la loi de finances pour 2018.

5.   Un ajustement mesuré de la trajectoire de baisse du taux de l’IS concernant moins de 800 entreprises

Ainsi qu’il a été vu, la modification prévue par le présent article n’a pas pour effet d’annuler la baisse de la charge fiscale de la totalité des entreprises en 2020 et en 2021 par rapport à l’année précédente, même si cette baisse sera d’une ampleur moindre que celle prévue par la trajectoire prévue par la loi de finances pour 2018 précitée. Le principe de cette baisse du taux d’IS, conjugué au calibrage et aux modalités de l’ajustement de trajectoire proposé, font que cet ajustement n’est pas de nature à compromettre la compétitivité des entreprises françaises, particulièrement des PME.

a.   Une modification concentrée sur les 765 plus grandes entreprises françaises

En effet, seules sont concernées les entreprises réalisant un chiffre d’affaires d’au moins 250 millions d’euros et dont les résultats, par définition, sont bénéficiaires. Dès lors, seules les plus grandes entreprises de taille intermédiaires (ETI) et les grandes entreprises ([263]) seront dans le champ de la mesure proposée.

● Le tableau suivant dresse la répartition, par catégorie d’entreprises – ETI et grandes entreprises – du nombre de redevables concernés et du rendement associé. À défaut d’éléments sur les effectifs, la ventilation par catégorie d’entreprises figurant dans ce tableau repose exclusivement sur le chiffre d’affaires.

Démographie des entreprises concernées par l’ajustement
de la trajectoire de baisse du taux normal de l’IS
(catégories d’entreprises)

Catégorie

Nombre

Part

Rendement estimé
(en milliards deuros)

Part du total

2020

2021

2022

Total

Entreprises de taille intermédiaire

621

81,2 %

680

315

29

1 024

32,7 %

Grandes entreprises

144

18,8 %

1 546

551

12

2 109

67,3 %

Total

765

100,0 %

2 226

866

41

3 133

100,0 %

Source : DGFiP, en réponse au questionnaire du Rapporteur général.

Il ressort de ces données que si les ETI sont les plus nombreuses entreprises dans le champ du présent article – 621 entreprises, soit 81,2 % du total –, la majorité du rendement du dispositif proposé repose sur les grandes entreprises – 2,1 milliards d’euros, soit 67,3 % du total.

● Une répartition plus fine assise sur des tranches de chiffre d’affaires précise ce constat. Les entreprises situées dans la dernière tranche (chiffres d’affaires supérieurs à 3 milliards d’euros), bien que constituant le nombre d’entreprises le plus réduit, produisent plus de la moitié du rendement budgétaire de la mesure, ainsi que l’illustrent le tableau ci-après et les deux graphiques suivants – le premier présente la répartition par chiffre d’affaires du nombre des entreprises concernées, le second porte sur le rendement estimé du présent article (rendement cumulé 2020-2022).

Démographie des entreprises concernées par l’ajustement
de la trajectoire de baisse du taux normal de l’IS
(chiffre d’affaires)

Chiffre daffaires (CA)
(en millions deuros)

Nombre

Part

Rendement estimé
(en millions deuros)

2020

2021

2022

Total

Part du total

250 ≤ CA < 500

359

46,9 %

241

115

11

367

11,7 %

500 ≤ CA < 1 000

183

23,9 %

203

97

10

310

9,9 %

1 000 ≤ CA < 1 500

79

10,3 %

236

103

8

347

11,1 %

1 500 ≤ CA < 3 000

74

9,7 %

278

113

7

398

12,7 %

3 000 ≤ CA

70

9,2 %

1 268

438

5

1 711

54,6 %

Total

765

100,0 %

2 226

866

41

3 133

100,0 %

Source : DGFiP, en réponse au questionnaire du Rapporteur général.

● Enfin, il est apparu utile au Rapporteur général de disposer des données relatives à la ventilation des entreprises concernées par le présent article et du rendement de ce dernier par décile. Ces éléments figurent dans le tableau et le graphique ci-après.

Démographie des entreprises concernées par l’ajustement
de la trajectoire de baisse du taux normal de l’IS
(répartition par décile)

Décile

Nombre dentreprises

Tranche de chiffre daffaires (CA) associée
(en millions deuros)

Rendement estimé

Montant
(en milliard deuros)

Part du total

2020

2021

2022

Total

1er

76

250 ≤ CA < 271

52

21

1

74

2,4 %

2e

77

271 ≤ CA < 314

49

25

3

77

2,5 %

3e

76

314 ≤ CA < 364

57

31

4

92

2,9 %

4e

77

364 ≤ CA < 432

48

23

2

73

2,3 %

5e

76

432 ≤ CA < 539

49

23

2

74

2,4 %

6e

77

539 ≤ CA < 701

95

46

5

146

4,7 %

7e

76

701 ≤ CA < 968

85

39

4

128

4,1 %

8e

77

968 ≤ CA < 1 413

206

92

8

306

9,8 %

9e

76

1 413 ≤ CA < 2 697

295

119

7

421

13,4 %

10e

77

2 697 ≤ CA

1 291

446

5

1 742

55,6 %

Total

765

2 226

866

41

3 133

100,0 %

N.B. : la somme des arrondis peut différer de larrondi de la somme

Source : DGFiP, en réponse au questionnaire du Rapporteur général.

La ventilation par décile atteste nettement du poids des plus grandes entreprises dans le produit du présent article, confirmant les précédentes conclusions.

b.   Un effort supplémentaire dans un contexte financier favorable aux grandes entreprises

L’effort supplémentaire demandé aux plus grandes entreprises, dans le contexte budgétaire contraint que connaît le pays, n’est pas injustifié : ces entreprises disposent de ressources et de capacités importantes et seront à même de supporter cet effort.

Par ailleurs, les allégements de cotisations sociales patronales qui se sont substitués au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) à compter de 2019 ont fourni un important avantage financier à toutes les entreprises et, singulièrement, aux plus grandes – celles concernées par le présent article :

– en 2019, tout d’abord, à travers le cumul du CICE et des allégements de charges, pour un montant global de l’ordre de 40 milliards d’euros ;

– d’une manière générale et à titre pérenne, ensuite, les allégements de charges présentant l’avantage d’être intégralement et immédiatement perçus, là où l’avantage procuré par le CICE était dilué dans le temps en raison des modalités particulières d’imputation de l’outil ([264]) ;

– enfin, et ainsi que le Rapporteur général a eu l’occasion de le souligner à plusieurs reprises, les ETI et les grandes entreprises ont représenté à elles seules plus de la moitié du montant global des créances de CICE ([265]), configuration qui devrait se maintenir dans le cadre des allégements de charges.

Dans ces conditions, le contexte financier dans lequel s’inscrit la mesure proposée demeure nettement favorable aux grandes entreprises, les allégements de charges améliorant significativement leur trésorerie et leurs capacités financières – au demeurant la cible d’un taux d’IS à 25 % à compter de 2022 demeure inchangée.

Au demeurant, il n’est pas inutile de rappeler que les plus grandes entreprises, concernées par le présent article, bénéficieront de près de la moitié du gain total de plus de 11 milliards d’euros tiré de la baisse du taux de l’IS à 25 %. Ce constat n’a rien d’anormal : il s’agit d’entreprises qui acquittent un montant d’IS élevé. En effet, d’après les données relatives aux exercices 2016, la part dans le produit de l’IS des entreprises dont le chiffre d’affaires est d’au moins 250 millions d’euros est d’environ 47 % ([266]).

c.   Une différenciation des taux en fonction de la taille des entreprises qui favorise le développement des PME et de nombreuses ETI

Toutes les autres entreprises seront imposées selon les modalités prévues par la trajectoire initiale, c’est-à-dire :

– 28 % au titre des exercices ouverts en 2020 ;

– 26,5 % au titre des exercices ouverts en 2021.

D’après les données transmises au Rapporteur général dans le cadre de l’élaboration de l’édition 2018 du rapport sur l’application des mesures fiscales ([267]), 1 421 594 entreprises assujetties à l’IS en 2016 réalisaient un chiffre d’affaires les excluant du dispositif proposé par le présent article.

À l’aune du nombre total d’entreprises assujetties à cet impôt – 1 423 126 d’après les données 2016 disponibles – et de celui des entreprises concernées par la mesure proposée – 765 –, 99,9 % des entreprises françaises à l’IS bénéficieront bien de l’intégralité de la baisse d’IS prévue par la loi de finances pour 2018 précitée.

Si les données sur lesquelles sont assises ces projections peuvent sembler relativement anciennes, leur ordre de grandeur reste tout à fait pertinent et permet de correctement appréhender la proportion des entreprises concernées par le présent article sur l’ensemble des sociétés assujetties à l’IS, qu’illustre le tableau suivant.

Répartition des entreprises assujetties à l’IS en fonction de leur chiffre d’affaires (données 2016)

Catégorie

Chiffre daffaires (CA)
(en millions deuros)

Nombre

Part

PME

CA ≤ 50

1 416 720

99,55 %

ETI

50 < CA < 250

4 874

0,34 %

ETI

250 ≤ CA ≤ 1 500

1 212

0,09 %

GE

1 500 < CA

320

0,02 %

N.B. : la catégorie de rattachement mentionné repose ici sur le seul chiffre d’affaires. La qualification des entreprises prévoit également un critère relatif aux effectifs.

Source : Rapport dinformation sur lapplication des mesures fiscales, Assemblée nationale, XVe législature, n° 1172, 18 juillet 2018

Il résulte de ces éléments que la totalité des TPE et des PME et une grande majorité des ETI se verront appliquer, au titre de leurs exercices ouverts en 2020 et 2021 les taux de 28 % et 26,5 % prévus par la loi de finances pour 2018. Il s’agit d’un élément essentiel pour assurer leur croissance et leur développement.

*

*     *

D’une manière générale, le présent article confirme la diminution de la charge fiscale pesant sur l’ensemble des entreprises françaises au titre de l’IS. Si cette diminution est plus mesurée pour les plus grandes entreprises que ce que prévoyait la loi de finances pour 2018, il n’en reste pas moins certain que son principe est acquis, témoignant ainsi de la volonté du Gouvernement et de la majorité de soutenir les entreprises françaises et de faciliter leur développement, leurs investissements et leurs embauches.

*

*     *

La commission est saisie des amendements identiques ICF1078 de M. Éric Woerth, ICF120 de M. Damien Abad, ICF395 de Mme Véronique Louwagie et ICF945 de Mme Marie-Christine Dalloz.

M. le président Éric Woerth. Mon amendement I‑CF1078 rétablit une trajectoire identique pour la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés, quelle que soit la taille de l’entreprise. Une réduction de l’IS à deux vitesses ne me paraît pas souhaitable.

On entend souvent dire que les entreprises dont le chiffre d’affaires atteint 250 millions d’euros sont très grosses, comme si on avait affaire à Amazon ou Google. Or il n’en est strictement rien, même s’il peut s’agir de groupes en pointe dans leur domaine. Ainsi le groupe Poma, leader mondial des remontées mécaniques – cet exemple sera cher au cœur de notre rapporteur général – réalise un chiffre d’affaires de 350 millions d’euros dans quatre-vingts pays. Ce sont ces groupes familiaux dont nous souhaitons développer le nombre en France, à l’image de l’Allemagne ou de l’Italie du nord. Rappelons que 47 % de la collecte de l’impôt sur les sociétés provient des entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 250 millions d’euros.

Les taux d’IS sont déjà beaucoup plus faibles dans beaucoup d’autres pays, le taux de 25 % que nous souhaitons atteindre reste élevé par rapport au Royaume-Uni, aux États-Unis ou à la Norvège. Ce taux va passer à 21,7 % en 2021 aux Pays-Bas, à 20 % en 2022 en Italie, et il est de 19 % aux États-Unis. Ramenons-le à 25 % et faisons-le décroître au même rythme pour toutes les entreprises.

M. Fabrice Brun. L’amendement I‑CF120 est défendu.

Mme Véronique Louwagie. Notre pays a besoin de stabilité fiscale. Le Gouvernement a proposé une trajectoire sur plusieurs années, jusqu’en 2022, afin que nos entreprises puissent se projeter et disposer de tous les éléments. Il n’y a rien de pire que de revenir en arrière et de changer ainsi les règles du jeu. C’est un très mauvais signal, je vous propose par mon amendement I‑CF395 de revenir à la trajectoire fixée en 2017.

Mme Marie-Christine Dalloz. Mon amendement I‑CF945 a le même objet. La crédibilité se mesure au respect des engagements pris. On pourrait comprendre que le Gouvernement revienne sur l’engagement de réduire fortement l’impôt sur les sociétés inscrit dans la loi de finances pour 2018 si la conjoncture ou les taux d’intérêt étaient défavorables. Or nous savons que les recettes fiscales ont été supérieures aux prévisions, bien que les déficits continuent à se creuser : les taux d’intérêt bas ou négatifs agissent comme un anesthésiant général pour le budget.

La trajectoire définie fixait un taux de 26,5 % en 2021, elle ne sera pas tenue : vous annoncez maintenant le chiffre de 27,5 %. Mais qui nous dit que cet engagement sera tenu ? Il y a vraiment un problème de crédibilité de la parole gouvernementale et de la parole de la France.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Il est faux de dire que le taux de l’impôt sur les sociétés ne baisse pas. Toutes les entreprises vont voir cet impôt baisser de plus de 6 milliards d’euros au cours des deux prochaines années, il est important de le préciser.

J’observe également, sans aucune malice, que de 1993 à 1997 ou de 2002 à 2012, la baisse de l’impôt sur les sociétés n’était pas à l’ordre du jour. Ou alors, quelque chose m’a échappé…

Mme Marie-Christine Dalloz. Le contexte économique était différent !

M. Joël Giraud, rapporteur général. Le contexte économique était peut-être différent, mais il est possible de créer les conditions pour que ce contexte soit meilleur et permette de baisser l’impôt sur les sociétés : c’est ce que nous sommes en train de faire.

La baisse du taux de l’impôt sur les sociétés sera certes moindre pour les grandes entreprises l’année prochaine, mais il y aura bel et bien une baisse pour celles-là aussi en 2020. Avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.

M. Laurent Saint-Martin. Ce débat aurait du sens si nous ne venions pas de débattre de la baisse de l’impôt sur le revenu. Avez-vous constaté le montant d’impôt sur les sociétés collecté, et sa dynamique en forte hausse ?

Nous avons eu le même débat s’agissant de l’impôt sur le revenu, en miroir ; la crédibilité de vos arguments est assez limitée. L’impôt sur les sociétés diminue, il n’y a pas eu de telle politique en faveur de la compétitivité au cours des deux derniers quinquennats, d’ailleurs les entreprises le reconnaissent volontiers.

Pourquoi cette hausse massive des recettes de l’impôt sur les sociétés ? Parce que l’investissement repart, parce que les marges se reconstituent : c’est le fruit d’une politique en faveur de la compétitivité des entreprises, qui peuvent aller conquérir des marchés intérieurs et internationaux. À vous de voir ce qui est le plus important : le taux marginal de l’impôt sur les sociétés ou la reprise de l’économie française.

Mme Olivia Grégoire. Madame Dalloz, j’ai l’impression que nous ne portons pas la même appréciation sur la conjoncture de cette année. Nous avons connu une crise sociale, économique, voire politique, et la conjoncture était loin d’être tranquille. Certes, la croissance est présente, soutenue, et notre produit intérieur brut augmente grâce à une politique extrêmement proactive de soutien aux entreprises. Mais la conjoncture de l’année était loin d’être favorable.

Par ailleurs, pour en avoir beaucoup parlé avec les entrepreneurs de tous types d’entreprises – car j’estime comme monsieur Woerth qu’il faut faire attention aux critères de définition des grandes entreprises – ce sont la trajectoire et la stabilité qui comptent aux yeux des entrepreneurs. Les engagements ont été tenus, la trajectoire évolue, certes, mais le résultat sera atteint.

M. le président Éric Woerth. Nous pourrons en débattre dans l’hémicycle ; quoi qu’il en soit, Laurent Saint-Martin a raison, on constate une très forte augmentation de la collecte de l’impôt sur les sociétés. Elle tient sans doute aux marges des entreprises en cette période de croissance, ce dont chacun peut se réjouir, mais aussi à l’effet purement mécanique de la transformation du CICE, qui les augmente de quelques milliards d’euros…

Mme Émilie Cariou. Je souhaite rassurer tout le monde : les taux baissent bel et bien, la courbe est là. Pour l’immense majorité des entreprises, nous respectons la trajectoire annoncée : leur taux d’impôt sur les sociétés sera de 28 % l’année prochaine. Il est vrai qu’en début d’année, nous avons demandé un effort aux grandes entreprises, et nous amorçons la baisse du taux à 31 %. Rappelez-vous qu’il n’y a pas si longtemps, le taux était de 33⅓ %, et même bien au delà avec les contributions additionnelles.

La collecte de l’impôt sur les sociétés progresse beaucoup, en raison de divers facteurs. La bonne conjoncture produit des effets, les entreprises ont eu des résultats. S’agissant de l’effet du CICE, j’entends que la baisse des charges se traduit par une augmentation du résultat d’exploitation, mais elle permet aussi de recruter, d’améliorer la rémunération des salariés formés et expérimentés, et surtout d’investir. C’est dans ce domaine, le niveau d’investissement des entreprises françaises, qu’il nous reste un écart à combler par rapport à bon nombre de nos voisins européens. L’investissement entraîne aussi des charges d’amortissement ; l’effet du CICE ne devrait pas se traduire de manière aussi automatique sur l’impôt sur les sociétés.

Je dis aux entreprises : ayez confiance, investissez et recrutez.

Mme Véronique Louwagie. Contrairement à ce que vous dites, la transformation du CICE en réduction de charges sociales a bel et bien un effet mécanique : transformer un crédit d’impôt en une réduction de charges améliore d’autant le résultat. Transformer un crédit d’impôt représentant 6 % de la masse salariale en une réduction de charges sociales augmente d’autant le résultat net.

Mme Émilie Cariou. Pour réinvestir, madame Louwagie !

Mme Véronique Louwagie. Pas nécessairement. Cette augmentation du résultat net, avec un taux d’impôt sur les sociétés à 31 %, aboutit mécaniquement à une augmentation d’impôt : 31 % sur 6 %, cela fait 1,86 %, soit quasiment le tiers de la quote-part du CICE. Le CICE représentait une somme de 20 milliards d’euros ; un tiers, soit environ 7 milliards d’euros, devient une augmentation de l’impôt sur les sociétés à la charge des entreprises.

M. le président Éric Woerth. Ces données ont été chiffrées et régulièrement rappelées. Certes, il y a les investissements et les amortissements, mais l’un dans l’autre…

M. Jean-Louis Bricout. Je confirme les propos de Mme Louwagie. La transformation du CICE a deux effets. Le premier sur l’IS : il augmente les bénéfices, et par conséquent le montant de l’impôt.

Son second effet affecte les décisions dans l’entreprise : avant sa transformation en réduction de charges, l’État faisait un chèque et, dans le cadre d’un débat entre les employés et l’entrepreneur, il était possible de discuter de la répartition de cette somme entre l’investissement, les salaires et la distribution de dividendes. C’était une bonne occasion pour renforcer les relations sociales dans l’entreprise.

M. Laurent Saint-Martin. Ce débat est très important. Ce que vous dites est théoriquement juste, mais selon le calendrier comptable, cet effet n’a pas encore eu lieu. Je ne pense pas qu’il y ait encore eu un bilan ou une liasse fiscale d’entreprise qui n’intègre pas le CICE.

Nous avons passé le « one off », c’est-à-dire l’année au cours de laquelle le CICE déclaré et remboursé a coexisté avec la baisse des charges patronales, mais nous n’avons pas encore connu d’année pleine sans CICE : l’année 2019 sera la première. L’effet sur le résultat net avant impôt sur les sociétés ne peut pas encore avoir eu lieu.

M. le président Éric Woerth. Mais nous parlons des prévisions pour 2020…

Nous pourrions encore en débattre longuement, beaucoup de formations politiques qui voulaient supprimer le CICE prévoyaient de compenser cette suppression par une baisse supplémentaire du taux de l’impôt sur les sociétés, précisément pour éviter cet effet.

La commission rejette les amendements identiques I-CF1078, I-CF120, I-CF395 et ICF945.

Elle examine, en discussion commune, les amendements ICF832 de M. Fabien Roussel et ICF1406 de M. Éric Coquerel.

M. Fabien Roussel. Je saisis l’occasion, en défendant mon amendement I‑CF832, pour donner notre opinion sur le débat qui vient de se tenir. Les aides publiques versées aux entreprises, notamment les baisses de l’impôt sur les sociétés, sont attribuées sans égard à la politique de l’entreprise en matière d’investissement, de salaires ou de trajectoire carbone. Il n’y a aucune sélectivité ni aucun critère posé. Des entreprises peu vertueuses bénéficient de ces aides et de ces baisses d’impôt sur les sociétés.

Les plus grosses entreprises – les principales concernées car les petites entreprises continuent à se voir appliquer un taux réduit à 15 % – vont bénéficier de cette réduction d’impôt sur les sociétés alors que son attribution devrait être fonction de leur politique sur les salaires, la formation, ou encore la trajectoire carbone.

Cette baisse du taux concerne deux types d’entreprises, et représentera une moindre recette de 2 milliards d’euros en 2020. J’aimerais savoir combien nous coûtera cette mesure pour les entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse 250 millions d’euros.

Mme Sabine Rubin. Notre amendement I‑CF1406 est conforme à notre vision politique de l’imposition sur les sociétés. Nous refusons la baisse graduelle des taux jusqu’en 2022 prévue par le Gouvernement. Nous contestons la contre-vérité selon laquelle notre taux d’impôt sur les sociétés serait parmi les plus élevés des pays occidentaux.

Nous proposons de différencier les taux selon la taille des entreprises. Nous souhaitons remplacer la mesure prévue à l’article 11 par une réforme globale de l’impôt sur les sociétés, qui ne serait pas temporaire.

Pour les micros, petites et moyennes entreprises, nous proposons de maintenir le taux de 15 % pour la part des bénéfices inférieurs à 38 120 euros, et de réduire le taux de 28 % à 25 % pour la part des bénéfices comprise entre 38 120 et 75 000 euros. Pour la part des bénéfices comprise entre 75 000 et 500 000 euros, le taux serait gelé à 28 %, et porté à 33,3 % pour tous les bénéfices au-dessus de 500 000 euros.

Cette fiscalité permet d’aider les entreprises qui en ont besoin et de taxer les autres à hauteur de ce qu’elles sont capables de payer.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Vous revenez à une trajectoire encore plus défavorable que celle de la majorité précédente. Je pense au contraire que nos mesures vont faire gagner notre économie en compétitivité. Avis défavorable à ces deux amendements.

M. Fabien Roussel. J’aimerais avoir la réponse à ma question sur le coût de la baisse de l’impôt sur les sociétés pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 250 millions d’euros.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je le calculerai rien que pour vous dans le rapport que je remettrai.

La commission rejette successivement les amendements I-CF832 et I-CF1406.

Elle se saisit, en discussion commune, des amendements ICF660 de Mme Véronique Louwagie et ICF228 de Mme Émilie Bonnivard.

Mme Véronique Louwagie. Ces amendements de repli proposent une trajectoire qui se rapproche de celle retenue dans la loi de finances pour 2018.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Pour les raisons données en réponse aux amendements de suppression, avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements I-CF660 et ICF228.

Puis, suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette les amendements identiques ICF121 de M. Damien Abad et ICF229 de Mme Émilie Bonnivard.

Elle en vient à l’amendement ICF1556 du rapporteur général.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Bien qu’il semble long et compliqué, il s’agit en fait d’un amendement purement technique ayant pour effet de rapatrier à l’article 11 toutes les mesures de coordination insérées à l’article 12 qui est sans lien avec la trajectoire de baisse du taux de l’impôt sur les sociétés.

La commission adopte l’amendement I-CF1556 (amendement I-2904).

Elle est saisie des amendements ICF1161, ICF1162 et ICF1163 de Mme Valérie Rabault.

M. Jean-Louis Bricout. Ces trois amendements visent à baisser à 15 % l’impôt sur les sociétés pour les petites et moyennes entreprises, sans remettre en cause la trajectoire prévue par le Gouvernement amenant le taux à 25 % en 2022.

Cette mesure était prévue dans la loi de finances pour 2017 et devait entrer en vigueur au 1er janvier 2019, mais elle a été supprimée.

Nous proposons trois façons d’agir. L’amendement I‑CF1161 relève le seuil de chiffre d’affaires permettant à une entreprise de bénéficier d’un taux à 15 % de 7,63 millions à 50 millions d’euros, et élargit de 38 120 à 100 000 euros la fraction de bénéfice imposable à laquelle ce taux s’applique. Le coût de cette mesure avait été évalué en 2017 à un milliard d’euros. L’amendement I‑CF1162 ne porte que sur le chiffre d’affaires, pour un coût de 200 millions d’euros, et l’amendement I‑CF1163 ne concerne que la fraction de bénéfice éligible.

L’objectif de ces amendements est de soutenir les PME, car nos entreprises ont besoin de grandir et d’être soutenues.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Ces amendements ont déjà été rejetés en 2017, en 2018 et en avril 2019, je ne reviendrai pas sur l’ensemble des arguments. Le coût de l’amendement I‑CF1161 frôle les 1,5 milliard d’euros, et le gain pour les entreprises serait marginal rapporté à leur chiffre d’affaires. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements I-CF1161, I-CF1162 et ICF1163.

Elle examine ensuite l’amendement ICF476 de M. Philippe Vigier.

M. François Pupponi. Cet amendement vise à réduire l’impôt sur les sociétés pour les petites et moyennes entreprises en abaissant le taux minimum à 12 %.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Avis défavorable, en raison du coût de cette mesure. Elle paraît d’autant moins opportune que l’OCDE estime que les taux réduits d’imposition pour les PME peuvent être une source d’optimisation fiscale.

La commission rejette l’amendement I-CF476.

Puis elle adopte l’article 11, modifié.

Article 12
Mise en conformité avec le droit européen des retenues et prélèvements
à la source applicables aux sociétés non résidentes

Résumé du dispositif proposé

Les revenus et profits bénéficiant à des sociétés non résidentes font l’objet de retenues et prélèvements à la source, parmi lesquels la retenue sur les dividendes prévue au 2 de l’article 119 bis du code général des impôts (CGI). Une exonération de cette retenue à la source est prévue à l’article 119 quinquies du CGI pour les sociétés non résidentes qui sont à la fois déficitaires et en liquidation – les sociétés non résidentes uniquement déficitaires acquittant immédiatement la retenue à la source. Par ailleurs, aux termes de l’article 115 quinquies du CGI, cette retenue à la source s’applique au montant des bénéfices réalisés en France par une société non résidente, ces bénéfices étant réputés distribués à des associés non résidents.

Le présent article, en plus de procéder à diverses coordinations, tire les conséquences de deux décisions de justice récentes et met en conformité avec le droit de l’Union européenne, pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2020, ces dispositifs français de retenues et prélèvements à la source :

– l’exonération prévue à l’article 119 quinquies du CGI pour les sociétés étrangères déficitaires et en liquidation est élargie à l’ensemble des autres dispositifs de retenues et prélèvements à la source ;

– les sociétés étrangères déficitaires pourront solliciter la restitution de la retenue ou du prélèvement à la source acquitté, qui sera assortie d’une imposition en report. Ce report prendra fin une fois la société redevenue bénéficiaire ou en cas de manquement aux nouvelles obligations déclaratives qui permettent à l’administration fiscale de suivre la situation de cette société et garantissent le recouvrement de l’impôt ;

– enfin, une société étrangère pourra obtenir la restitution de la retenue à la source calculée sur le fondement de la présomption prévue à l’article 115 quinquies si elle démontre que les bénéfices de source française n’ont pas été désinvestis hors de France.

L’impact budgétaire du présent article n’est pas chiffrable.

Dernières modifications intervenues

L’article 119 quinquies a été introduit dans le CGI par la loi de finances rectificative pour 2015 aux fins de mise en conformité avec le droit de l’Union européenne.

Le 22 novembre 2018, dans une décision Société Sofina, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a jugé que le désavantage de trésorerie subi par les sociétés étrangères déficitaires par rapport aux sociétés déficitaires résidentes, tiré du paiement immédiat de la retenue à la source du 2 de l’article 119 bis du CGI, là où les sociétés résidentes n’acquittent l’impôt sur les dividendes perçus qu’une fois redevenue bénéficiaire, portait une atteinte injustifiée à la liberté de circulation des capitaux.

Le 10 juillet 2019, dans une décision Cofinimmo, le Conseil d’État a jugé contraire au droit européen le fait que la présomption de distribution des bénéfices prévue à l’article 115 quinquies du CGI ne puisse être écartée si la société étrangère établit que les dividendes distribués n’ont pas été prélevés sur les bénéfices de source française.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

En plus de huit amendements rédactionnels, de précision ou de coordination du Rapporteur général, la commission, à l’initiative de ce dernier, a subordonné la fin du report d’imposition pour manquement aux obligations déclaratives à une mise en demeure préalable assortie d’une amende.

I.   L’état du droit

L’imposition des revenus versés par une personne en France à des bénéficiaires non résidents fait, en fonction de la nature des sommes concernées, l’objet de retenues et prélèvements à la source destinés à garantir le bon recouvrement de l’impôt sur des flux dirigés vers l’étranger. Certains de ces dispositifs ont récemment été jugés, directement ou indirectement, incompatibles avec le droit de l’Union européenne, commandant leur évolution.

A.   Les retenues et prélèvements à la source applicables aux revenus des sociétés non résidentes

Pour mémoire, et de façon schématique, une retenue à la source est une modalité d’imposition consistant, pour le débiteur des revenus, à acquitter l’impôt dû sur ces sommes, le bénéficiaire des revenus percevant alors un montant net de retenue à la source. Tel est notamment le cas pour les retenues à la source prévues à l’article 119 bis du CGI, aux termes de l’article 1672 du même code.

Ces dispositifs s’appliquent sous réserve des stipulations des conventions fiscales conclues par la France avec d’autres juridictions fiscales.

1.   Les retenues et prélèvements à la source sur certaines rémunérations et plus‑values

Plusieurs dispositifs de retenues et prélèvements à la source sont applicables aux différents types de revenus perçus par les sociétés non résidentes.

● Ainsi, les intérêts, primes de remboursement d’emprunts et autres produits d’obligations ou titres prévus aux articles 118, 119, 238 septies B et 1678 bis du code général des impôts (CGI) sont soumis à une retenue à la source en vertu du 1 de l’article 119 bis du même code.

Le taux de cette retenue à la source est, en application du 1 de l’article 187 du CGI :

– de 15 % ou 17 % pour les intérêts des obligations négociables servis à une personne morale ;

– de 30 % pour les autres revenus d’une personne morale ([268]).

● Les sommes versées en contrepartie d’une prestation artistique réalisée par une personne qui n’est pas établie en France font l’objet d’une retenue à la source en application de l’article 182 A bis du CGI.

En vertu du III de cet article, le taux de la retenue à la source est fixé à 15 %.

Le IV du même article porte ce taux à 75 % si le bénéficiaire de la distribution est établi dans certains États ou territoires non coopératifs (ETNC) au sens de l’article 238‑0 A du CGI, sauf démonstration que cette distribution n’a pas pour but la fraude fiscale à travers la localisation des revenus dans l’ETNC.

Les États et territoires non coopératifs (ETNC)

Les ETNC sont définis à l’article 238‑0 A du CGI, la notion ayant été substantiellement enrichie par la loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude (1) qui a transposé en droit national la liste européenne des pays et territoires non coopératifs à des fins fiscales (2).

● Est considérée comme ETNC, au regard des critères français d’origine, une juridiction fiscale :

– qui, à la date du 1er janvier 2010, a vu sa situation au regard de la transparence et de l’échange de renseignements en matière fiscale examinée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et qui n’a pas conclu avec la France, ni avec au moins douze autres juridictions, une convention d’assistance administrative permettant l’échange de renseignements en matière fiscale ;

– qui a conclu avec la France une telle convention, sans que cela ne rende possible l’obtention des renseignements requis ;

– à qui la France a proposé la conclusion d’une telle convention, mais qui ne l’a pas fait ;

– qui est considérée par le Forum mondial sur la transparence et l’échange d’informations comme ne procédant pas aux échanges requis pour l’application de la législation fiscale.

● Depuis l’entrée en vigueur des modifications apportées par la loi relative à la lutte contre la fraude précitée, sont également des ETNC les juridictions figurant sur la liste européenne des pays et territoires non coopératifs à des fins fiscales :

– au motif du non-respect du volet du critère reposant sur l’équité fiscale relatif à la facilitation de la création de structures offshore ;

– au motif du non-respect de l’un des deux autres critères reposant, d’une part, sur la transparence fiscale, d’autre part, sur la mise en œuvre des mesures du projet « BEPS » (3) de l’OCDE.

● La qualification d’une juridiction en ETNC conduit à la mise en œuvre d’une série de contre-mesures visant les opérations associant une personne établie dans un ETNC :

– pour tous les ETNC, les conditions de mise en œuvre de certains outils anti‑abus sont facilitées ;

– pour les ETNC inscrits sur la liste au titre des critères français d’origine ou en raison du non-respect du volet « offshore » du critère européen reposant sur l’équité fiscale, s’ajoutent la privation du bénéfice de certains dispositifs préférentiels d’imposition et l’application de taux majorés d’imposition.

(1) Loi n° 2018898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude, article 31.

(2) Conseil de lUnion européenne, 5 décembre 2017, Liste des pays et territoires non coopératifs à des fins fiscales, 15429/17 FISC 345 ECOFIN 1088. Les critères didentification sont présentés à lannexe V du document, pages 2325.

(3) « Base erosion and profit shifting », soit « érosion de la base imposable et transfert de bénéfices ».

● L’article 182 B du CGI prévoit également l’application d’une retenue à la source sur certains revenus non salariaux perçus par des personnes établies hors de France. Son taux varie en fonction de la nature du revenu :

– le taux de droit commun correspond au taux normal de l’impôt sur les sociétés (IS), en vertu du premier alinéa du II de l’article 182 B, c’est-à-dire 31 % pour les exercices ouverts en 2019, 28 % pour ceux ouverts en 2020, 26,5 % pour ceux ouverts en 2021 et 25 % pour ceux ouverts à compter de 2022.

– ce taux est ramené à 15 % pour les rémunérations de prestations sportives ;

– il est porté à 75 % si le bénéficiaire des sommes est établi dans un ETNC, en application du III de l’article 182 B.

● Enfin, les articles 244 bis, 244 bis A et 244 bis B prévoient que certaines sommes versées à des non résidents font l’objet d’un prélèvement à la source :

– aux termes de l’article 244 bis, un prélèvement est appliqué aux profits tirés d’une activité foncière exercée à titre non habituel et relevant de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ; le taux de ce prélèvement est égal au taux normal de l’IS en vertu du premier alinéa de cet article ;

– les plus-values immobilières (incluant la cession de parts détenues au sein d’organisme intervenant dans des activités immobilières) réalisées par des non résidents sont, en vertu de l’article 244 bis A, soumises à un prélèvement au taux normal de l’IS. Sont concernées les plus-values réalisées :

– aux termes de l’article 244 bis B, les personnes physiques ou morales établies hors de France sont passibles d’un prélèvement à la source au titre des gains tirés de la cession ou du rachat de droits sociaux, si les droits détenus par le cédant sont supérieurs à 25 % des bénéfices au cours des cinq années précédant l’opération. Le taux du prélèvement est, aux termes du deuxième alinéa de l’article, égal au taux normal de l’IS pour les personnes morales (et fixé à 12,8 % pour les personnes physiques).

2.   La retenue à la source sur les dividendes distribués à des sociétés non résidentes et les exonérations prévues

En application du 2 de l’article 119 bis du CGI, les dividendes distribués par une société française à une société non résidente au titre de la participation de la seconde dans la première font l’objet d’une retenue à la source, sous réserve de certains dispositifs d’exonération.

Les distributions faites au profit de sociétés résidentes, quant à elles, sont soumises à l’IS.

a.   Le principe de la retenue à la source sur les dividendes perçus par des sociétés non résidentes

Les produits concernés par la retenue à la source prévue au 2 de l’article 119 bis du CGI sont ceux mentionnés aux articles 108 à 117 bis du même code, c’est-à-dire les produits des actions, titres et parts sociales ainsi que les revenus fiscalement assimilés à ceux-ci – par souci de simplification, ils seront désignés dans le présent commentaire sous le terme de « dividendes ».

● Cette retenue à la source s’applique également aux bénéfices réalisés en France par des sociétés non résidentes, en vertu de l’article 115 quinquies du CGI. Le 1 de cet article dispose en effet que ces bénéfices sont réputés distribués à des associés établis à l’étranger.

La société non résidente, en vertu du 2 de l’article 115 quinquies, peut néanmoins demander une nouvelle liquidation de la retenue à la source ouvrant droit à restitution de l’excédent de perception si :

– l’assiette de la retenue à la source excède le montant total des distributions effectives ;

– ou si les bénéficiaires des distributions sont domiciliés en France.

En outre, aux termes du 3 de l’article, la présomption prévue au 1 ne s’applique pas si la société non résidente a son siège dans un État membre de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen (EEE) et si elle y est passible de l’impôt sur les bénéfices sans option ni exonération.

Les obligations déclaratives relatives à la liquidation de la retenue à la source calculée selon les modalités prévues à l’article 115 quinquies sont définies aux articles 379 à 382 de l’annexe II du CGI. Les articles 380 et 381 portent spécifiquement sur les éléments que la société étrangère doit produire pour obtenir une nouvelle liquidation de la retenue à la source :

– l’article 380 a trait à l’hypothèse d’une retenue assise sur un montant excédant celui des distributions effectives ;

– l’article 381 porte sur la démonstration selon laquelle les bénéficiaires des distributions sont établis en France.

● Le taux de cette retenue à la source est fixé à l’article 187 du CGI, auquel renvoie le 2 de l’article 119 bis :

– le taux de droit commun est de 30 % ([269]) ;

– il est de 15 % pour certains revenus, tels que les dividendes perçus par des organismes sans but lucratif qui auraient été imposés selon les modalités prévues au 5 de l’article 206 du CGI s’ils étaient établis en France (application combinée de l’article 187 et du 2° de l’article 219 bis du même code) ;

– il est porté à 75 % lorsque le bénéficiaire de la distribution est établi dans certains ETNC, sauf démonstration que cette distribution n’a pas pour but la fraude fiscale à travers la localisation des revenus dans l’ETNC.

Ainsi qu’il a été vu, cette retenue à la source s’applique sous réserve des conventions fiscales, dont les stipulations peuvent, par exemple, prévoir un taux moins élevé, voire une exonération totale des dividendes. À titre d’illustration, la convention liant la France à la Belgique prévoit des taux de retenue à la source de 10 % ou 15 % selon le niveau de détention de la filiale distributrice.

b.   L’exonération prévue au titre du régime mère-fille

La retenue à la source prévue au 2 de l’article 119 bis du CGI ne s’applique pas, aux termes de l’article 119 ter du même code, aux distributions de dividendes relevant du régime des sociétés mères et filiales (« régime mère-fille ») prévu par la directive européenne du 30 novembre 2011 ([270]).

Sont éligibles à ce régime les dividendes distribués par une société française soumise à l’IS à une société établie dans l’Union européenne ou un État partie à l’EEE elle-même passible dans son État de résidence de l’impôt sur les bénéfices des sociétés qui y est applicable, sous réserve que la société européenne détienne directement, depuis au moins deux ans, au moins 10 % de sa filiale française, ou qu’elle prenne l’engagement d’une conservation d’un tel niveau minimum de détention pendant au moins deux ans (premier alinéa du c du 2 de l’article 119 ter).

L’exonération est également applicable aux dividendes perçus en contrepartie d’une participation d’au moins 5 % au sein de la filiale française, en vertu du second alinéa du même c, à la condition que la société mère européenne soit privée de la possibilité d’imputer la retenue à la source dans son État de résidence (tel est notamment le cas si la société est déficitaire sans possibilité de reporter en avant le crédit d’impôt correspondant à la retenue à la source).

Le tempérament relatif au niveau de participation minimum ouvrant droit au bénéfice de l’exonération de retenue à la source résulte de la décision Denkavit de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) rendue le 14 décembre 2006 ([271]) et vise à éliminer toute entrave à la liberté d’établissement en assurant le même traitement aux dividendes, qu’ils soient distribués à une société française ou établie dans l’Union européenne. Il est en effet rappelé que, dans le cadre du régime mère-fille français, le niveau de participation de la société mère française exigé est de 5 %. Initialement prévu par la seule doctrine fiscale, le tempérament applicable aux dividendes résultant d’une participation comprise entre 5 % et 10 % a reçu une consécration législative à travers la loi de finances rectificative pour 2015 ([272]).

L’exonération prévue dans le cadre du régime mère-fille n’est toutefois pas applicable aux distributions entrant dans le champ de la clause anti-abus prévue au 3 de l’article 119 ter qui, en transposant la directive du 27 janvier 2015 ([273]), vise à lutter contre les montages dont la finalité principale est fiscale et qui sont dépourvus de substance économique ([274]).

L’exonération des distributions au profit
de certains organismes de placement collectif

Une autre hypothèse d’exonération de la retenue à la source prévue au 2 de l’article 119 bis du CGI porte, en vertu de ce même 2, sur les distributions faites à des organismes de placement collectif (OPC) établis dans l’Union européenne ou dans une juridiction fiscale liée avec la France par une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales, sous réserve que ces OPC étrangers soient comparables aux OPC de valeurs mobilières (OPCVM) de droit français.

Cette exonération résulte d’une décision de la CJUE rendue le 10 mai 2012 dans le cadre du contentieux dit « OPCVM » (1) et dans laquelle la Cour avait jugé contraire à la libre circulation des capitaux la législation française qui soumettait les OPC étrangers à une retenue à la source, alors que les OPCVM français n’acquittaient pas l’IS (certains en sont exonérés au titre des bénéfices réalisés dans le cadre de leur objet légal, les autres se trouvent en dehors de son champ d’application).

La mise en conformité au droit de l’Union européenne a été réalisée par la deuxième loi de finances rectificative pour 2012 (2).

(1) CJUE, 10 mai 2012, Santander Asset Management SGIIC SA et autres, C338/11 à C347/11. Pour une présentation de ce contentieux, il est renvoyé au commentaire de première lecture de larticle premier du premier projet de loi de finances rectificative pour 2017 (Joël Giraud, Rapport sur le projet de loi de finances rectificative pour 2017, Assemblée nationale, XVe législature,  365, 3 novembre 2017, pages 4041).

(2) Loi n° 2012958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012, article 6.

c.   L’exonération de retenue à la source pour les sociétés étrangères déficitaires et en liquidation judiciaire

L’article 119 quinquies du CGI, introduit par l’article 82 de la loi de finances rectificative pour 2015 précitée, prévoit l’exonération des dividendes distribués à des personnes morales étrangères qui satisfont à trois conditions cumulatives.

● En premier lieu, aux termes du 1° de l’article 119 quinquies, la société doit être établie dans un État membre de l’Union européenne ou dans une juridiction fiscale ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales.

Cette condition de localisation s’applique non seulement au siège de direction de la société étrangère, mais également à l’établissement stable dans le résultat duquel les dividendes distribués sont inclus, permettant d’assurer que l’exonération porte sur des dividendes logés dans une juridiction liée à la France par des mécanismes permettant de recouvrer l’impôt dû.

En outre, la société étrangère (et, le cas échéant, son établissement stable) doivent être soumis à l’impôt sur les bénéfices des sociétés applicable dans l’État ou le territoire d’établissement.

● En deuxième lieu, et en application du 2° du même article, le résultat fiscal de la société étrangère (ou de son établissement stable) doit être déficitaire.

Ce caractère déficitaire est déterminé en fonction des règles fiscales applicables dans la juridiction d’établissement, en vertu desquelles le résultat est calculé.

● En troisième lieu, et comme le prévoit le 3° du même article, la société étrangère doit, à la date de la distribution, être en difficulté.

Cette dernière condition est satisfaite si la société fait l’objet dans sa juridiction de résidence d’une procédure comparable à la procédure de liquidation judiciaire française prévue à l’article L. 640‑1 du code de commerce. Pour mémoire, et aux termes de cet article L. 640‑1, la procédure de liquidation judiciaire est ouverte aux débiteurs en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible.

Dans l’hypothèse où aucune procédure comparable à celle de la liquidation judiciaire n’existe dans l’État ou le territoire d’établissement, le 3° de l’article 119 quinquies du CGI reprend les conditions matérielles d’ouverture de la procédure française qui viennent d’être mentionnées. Dans une telle configuration, la société étrangère doit, à la date de la distribution des dividendes, être en cessation des paiements et son redressement doit être manifestement impossible. Il y a ici une nuance avec la situation dans laquelle la procédure existe dans l’autre pays dans la mesure où, dans cette situation, ce qui est apprécié à la date de la distribution est l’ouverture d’une procédure, non la satisfaction des critères matériels pouvant conduire à celle-ci.

● Chacune des trois conditions précédemment exposées doit, pour ouvrir droit à l’exonération, être satisfaite au titre de l’exercice de perception des dividendes. La preuve de leur satisfaction incombe à la société étrangère, qui doit en justifier auprès de la société résidente distributrice.

L’introduction dans le CGI de l’article 119 quinquies procédait, comme d’autres dispositifs, d’une démarche de mise en conformité avec le droit de l’Union européenne et était consécutive à une mise en demeure adressée à la France par la Commission européenne le 28 mars 2014 ([275]).

● Avant que cet article n’existe, les sociétés étrangères déficitaires ou en liquidation judiciaire étaient passibles de la retenue à la source prévue au 2 de l’article 119 bis.

En revanche, une société française dont le résultat est déficitaire ne réalise, par définition, aucun bénéfice et ne paie dès lors aucun IS au titre du ou des exercices déficitaires. Une société en liquidation judiciaire, quant à elle, et bien que n’étant pas par principe expressément exonérée d’IS, n’acquitte en pratique pas cet impôt dans la plupart des cas eu égard à sa situation économique.

● La Commission européenne estimait, dans sa mise en demeure, que cette situation conduisait à faire peser sur les sociétés étrangères déficitaires ou en liquidation une charge fiscale supérieure à celle supportées par les sociétés résidentes placées dans la même situation, les dividendes étant imposés s’ils sont distribués à une société étrangère alors qu’ils ne le sont pas si la distribution est faite au profit d’une société française.

Cette configuration, selon la Commission, méconnaissait la liberté de circulation des capitaux définie à l’article 63 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). Pour mémoire, il est rappelé que cette liberté s’applique non seulement au sein de l’Union européenne, mais également aux échanges associant des entreprises et organismes situés dans des juridictions tierces à l’Union.

B.   Des mécanismes de retenues à la source non conformes au droit européen

L’exonération de retenue à la source prévue à l’article 119 quinquies du CGI et la présomption de distribution des bénéfices prévue à l’article 115 quinquies du même code ne sont pas conformes au droit de l’Union européenne, ainsi qu’il résulte de deux décisions juridictionnelles récentes

1.   Des modalités d’exonération de retenue à la source sur les dividendes portant atteinte à la liberté de circulation des capitaux

Bien que censé assurer une conformité de la législation fiscale française au droit européen, le dispositif prévu à l’article 119 quinquies du CGI n’apparaît pas pleinement compatible avec celui-ci et, en conséquence, suppose d’être modifié.

Ainsi qu’il a été vu, l’exonération de retenue à la source prévue à l’article 119 quinquies du CGI repose sur la satisfaction de trois conditions cumulatives et ne s’applique donc qu’aux sociétés étrangères qui, au titre de l’exercice de perception des dividendes, ont un résultat déficitaire et sont en liquidation judiciaire (ou dans une situation susceptible de conduire à une telle procédure si cette dernière n’existe pas).

Or, la mise en demeure de la Commission européenne identifiant une contrariété du droit français d’alors avec la libre circulation des capitaux reposait sur une analyse alternative, non cumulative : étaient visées les sociétés non-résidentes déficitaires ou en liquidation judiciaire.

a.   Des conditions cumulatives jugées compatibles avec le droit européen par le Gouvernement en 2015

L’approche cumulative, retenue par la loi de finances rectificative pour 2015 précitée qui a introduit dans le CGI l’article 119 quinquies, s’appuyait, d’après le Gouvernement de l’époque, sur le fait que l’analyse de la Commission européenne était excessive par rapport aux exigences posées par le TFUE ([276]).

Pour le Gouvernement, une société résidente ne pouvait échapper à l’IS au titre des dividendes perçus que si elle se trouvait à la fois en déficit et en liquidation judiciaire. Dès lors, l’exonération des dividendes perçus par une société non-résidente ne pouvait trouver à s’appliquer que dans une configuration semblable.

● La position du Gouvernement en 2015 reposait sur le fait qu’une société française qui perçoit des dividendes et dont le résultat est déficitaire n’est pas exonérée de l’IS dû au titre de ces dividendes dans la mesure où elle sera amenée à acquitter ce dernier ultérieurement.

En effet, les dividendes perçus sont compris dans le résultat de la société et viennent diminuer le déficit. Or, en application du troisième alinéa du I de l’article 209 du CGI, le déficit constaté au titre d’un exercice est considéré comme une charge déductible du résultat des exercices suivants.

Le déficit est donc reportable, sans limitation de durée, dans les conditions prévues à l’article 209 : le montant de déficit imputable sur le résultat d’un exercice donné est plafonné à un million d’euros, ce plafond étant majoré de 50 % de la part du bénéfice d’imputation qui excède cette somme.

Illustration de l’encadrement du report en avant des déficits

La société A enregistre au titre d’un exercice N un résultat déficitaire de 3 millions d’euros.

Au titre de l’exercice N + 1, elle dégage un bénéfice de 2 millions d’euros.

Le déficit réalisé en N reportable sur N + 1 est égal à :

1 000 000 + [50 % × (2 000 000 – 1 000 000)],

soit 1 000 000 + 500 000 = 1,5 million d’euros.

Le résultat imposable de la société A au titre de l’exercice N + 1 est donc de :

2 – 1,5 = 500 000 euros.

La fraction du déficit non imputée, soit 1,5 million d’euros, pourra s’imputer sur les résultats des exercices suivants.

Les dividendes sont donc bien inclus dans le résultat de la société et viennent ainsi diminuer le déficit reportable, ce qu’illustre le graphique suivant.

Source : commission des finances.

En conséquence, du fait de cette intégration, lorsque le résultat de la société redeviendra bénéficiaire, les dividendes seront imposés à l’IS au taux de droit commun, ce que montre l’exemple ci-après reposant sur une société percevant en N des dividendes d’une valeur de 400.

effet de l’intégration des dividendes au résultat
sur l’imposition d’une entreprise

Exercice

N

N + 1

N + 2

N + 3

N+ 4

Résultat avant report de déficit et intégration des dividendes

 1 000

+ 500

+ 400

+ 50

+ 250

Résultat après report de déficit et avant intégration des dividendes

– 1 000

– 500

– 100

– 50

+ 200

Résultat après intégration des dividendes (dividendes = 400)

– 600

– 100

+ 300

+ 50

+ 250

Source : commission des finances.

Il ressort de cet exemple que, sans intégration des dividendes perçus en N au résultat de l’entreprise, cette dernière n’est effectivement imposée qu’au titre de l’exercice N + 4, et non avant.

En revanche, l’intégration des dividendes réduisant le déficit reportable, le résultat devient plus rapidement bénéficiaire, ici dès l’exercice N + 2.

● Les sociétés déficitaires qui ne sont pas en liquidation acquittent donc bien toutes l’IS dû au titre des dividendes qu’elles perçoivent :

– pour les sociétés non-résidentes, lors de la perception de ces dividendes au titre de la retenue à la source prévue au 2 de l’article 119 bis du CGI, l’absence de situation de liquidation judiciaire les privant de l’exonération prévue à l’article 119 quinquies du même code ;

– pour les sociétés résidentes, à travers la diminution de leur déficit reportable, lorsqu’elles redeviennent bénéficiaires.

● Il n’en reste pas moins certain que la temporalité différente de l’imposition des dividendes procure aux sociétés résidentes un avantage de trésorerie, puisque leur imposition est reportée là où celle des dividendes perçus par des sociétés non résidentes est immédiate.

Cette différence en termes de trésorerie était assumée par le Gouvernement en 2015, ce dernier n’y voyant pas de contrariété avec le droit européen. Ainsi que le secrétaire d’État au budget Christian Eckert l’indiquait devant le Sénat lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2015, « le décalage dans le temps de la perception de limpôt est sans pertinence pour établir lexistence dune restriction à la liberté de circulation des capitaux » ([277]).

● L’analyse gouvernementale s’appuyait sur une décision du Conseil d’État Société GBL Energy rendue le 9 mai 2012 par sa formation de plénière fiscale ([278]).

Dans cette décision, le Conseil d’État indiquait que deux sociétés déficitaires, l’une résidente, l’autre non résidente, « ne peuvent être regardées comme étant dans une situation objectivement comparable » (considérant n° 15), se fondant en cela sur une décision de la CJUE du 22 décembre 2008, dans laquelle la Cour reconnaissait une différence objective de situation entre sociétés résidentes et non résidentes susceptible de justifier des techniques de perception de l’impôt différentes ([279]).

Le Conseil d’État, relevant ensuite que la diminution du déficit reportable résultant de l’inclusion, dans le résultat de la société résidente, des dividendes qu’elle a perçus, emportait imposition ultérieure de ces derniers, a alors estimé que le décalage temporel de la perception de l’impôt entre la situation d’une société résidente (imposition ultérieure à l’IS) et celle d’une société non résidente (retenue à la source immédiate) ne procédait que de la différence des techniques d’imposition mises en œuvre. Il en concluait alors que « le seul désavantage de trésorerie que comporte la retenue à la source pour la société non résidente ne peut ainsi être regardé comme constituant une différence de traitement caractérisant une restriction à la liberté de circulation des capitaux » (considérant n° 16).

b.   Des modalités jugées contraire au droit européen par le Parlement en 2015

Le Gouvernement avait mis en avant cette décision du Conseil d’État lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2015 pour justifier la conformité au droit européen de la rédaction proposée de l’article 119 quinquies s’agissant de la nature cumulative des conditions, et en vue de répondre aux objections alors soulevées par les rapporteurs généraux des commissions des finances des deux assemblées.

● Tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, en effet, des critiques sur cette nature cumulative avaient été formulées en soulignant le constat d’une divergence d’interprétation entre le Conseil d’État dans sa décision de 2012, et la Commission européenne dans sa mise en demeure, de laquelle ressortait la nature alternative des situations déficitaires et de liquidation.

L’Assemblée nationale avait d’ailleurs tiré les conséquences du point de vue de la Commission européenne, en modifiant la rédaction proposée de l’article 119 quinquies du CGI pour y consacrer la nature alternative des situations ([280]).

Si le Sénat avait ensuite rétabli, à l’initiative du Gouvernement, la rédaction initiale du dispositif – et donc la nature cumulative des conditions –, ce le fut contre l’avis émis par sa commission des finances ([281]).

● La proposition alternative adoptée par l’Assemblée nationale à l’initiative de Mme Valérie Rabault, alors Rapporteure générale de la commission des finances, présentait cependant une difficulté soulignée au Sénat ([282]) et à l’Assemblée ([283]).

En rendant alternative les conditions tenant à la situation déficitaire et à l’état de liquidation de la société, le dispositif aurait en effet paradoxalement conduit à renverser la situation en plaçant les sociétés résidentes, c’est-à-dire françaises, dans une situation désavantageuse par rapport aux sociétés non résidentes.

Ainsi qu’il a été vu, les dividendes distribués à des sociétés résidentes finissent par être imposés, au titre d’un exercice bénéficiaire ultérieur – sauf en cas de cessation d’activités. Dès lors, une société française déficitaire se serait trouvée imposée, certes dans le futur, alors qu’une société étrangère déficitaire mais ne se trouvant pas en liquidation et donc étant capable de poursuivre son activité et, potentiellement, de redevenir bénéficiaire, aurait été définitivement exonérée.

En aurait résulté une discrimination à rebours susceptible de méconnaître le principe constitutionnel d’égalité.

c.   La reconnaissance d’une atteinte à la liberté de circulation des capitaux par un désavantage de trésorerie : la décision Sofina du 22 novembre 2018

L’économie générale de l’article 119 quinquies du CGI, reposant sur l’analyse selon laquelle un simple désavantage de trésorerie pour les sociétés non résidentes ne porte pas atteinte à la liberté de circulation des capitaux, a été remise en cause par la CJUE dans une décision Sofina rendue le 22 novembre 2018 ([284]).

Le litige, portant sur la retenue à la source prévue au 2 de l’article 119 bis du CGI dans sa rédaction applicable entre 2008 et 2011, avait été initié par des sociétés belges qui contestaient l’application, sur les dividendes qu’elles avaient perçus à raison de participation dans des sociétés françaises, de la retenue à la source prévue par le droit français (au taux de 15 %, en vertu de la convention fiscale franco-belge), alors que les résultats de ces sociétés belges étaient déficitaires.

● La CJUE a relevé que l’imposition des dividendes distribués à une société résidente déficitaire était « reportée sur un exercice ultérieur bénéficiaire, procurant ainsi un avantage de trésorerie » ([285]).

La Cour en a tiré la conclusion que, au titre de l’exercice fiscal de distribution – dont il doit être tenu compte pour apprécier l’éventuel traitement désavantageux –, la société étrangère est immédiatement et définitivement imposée alors que la société française ne l’est pas, voire ne le sera jamais dans la mesure où il résulte de la législation française la possibilité d’une « exonération en cas de cessation dactivités » ([286]).

En conséquence, et c’est là que la décision GBL Energy du Conseil d’État a été infirmée, « lexclusion dun avantage de trésorerie dans une situation transfrontière alors quil est octroyé dans une situation équivalente sur le territoire national constitue une restriction à la libre circulation des capitaux » ([287]) et pourrait dissuader les prises de participation transfrontières.

● Aucun des arguments avancés par le Gouvernement français pour justifier de la conformité de la retenue à la source française avec le droit européen n’a prospéré :

– la circonstance que le taux d’imposition des dividendes distribués à une société belge soit inférieur au taux normal de l’IS français est inopérante dans la mesure où, d’une part, la Belgique a la faculté d’imposer elle aussi ces mêmes dividendes en application de la convention fiscale bilatérale, d’autre part, au motif qu’un traitement fiscal désavantageux ne saurait être compensé par l’existence éventuelle d’un autre avantage ;

– l’avantage fiscal dont sont privées les sociétés étrangères (report d’imposition, voire exonération définitive) ne peut être vu comme se limitant aux modalités de perception de l’impôt ;

– l’argument tiré du risque de réduction des recettes fiscales si les sociétés étrangères cessaient leurs activités ne constitue pas une raison impérieuse d’intérêt général à même de justifier une différence de traitement, et peut sembler baroque dans la mesure où une telle réduction de recettes est déjà acquise en cas de cessation d’activités des sociétés résidentes ;

– enfin, la Cour a rappelé que si le recouvrement efficace de l’impôt peut justifier une restriction aux libertés européennes, le dispositif national n’en demeurait pas moins excessif, les mécanismes d’assistance entre administrations fiscales nationales étant de nature à assurer un recouvrement efficace auprès de sociétés étrangères.

● Dans une décision du 27 février 2019 Société Sofina et autres, le Conseil d’État a tiré toutes les conséquences de la décision rendue par la CJUE en novembre 2018, en jugeant que le droit de l’Union européenne fait obstacle à ce qu’une « retenue à la source soit prélevée sur les dividendes perçus par une sociétés non résidente qui se trouve, au regard de la législation de son État de résidence, en situation déficitaire. » ([288])

d.   La nécessité de modifier en conséquence les autres retenues et prélèvements à la source

Si la décision Sofina de la CJUE ne portait que sur les modalités d’exonération de la retenue à la source sur les dividendes prévue au 2 de l’article 119 bis du CGI, elle appelle néanmoins une évolution touchant les autres retenues et prélèvements à la source prévues au 1 du même article 119 bis et aux articles 182 A bis, 182 B, 244 bis, 244 bis A et 244 bis B du même code.

Les sociétés non résidentes déficitaires et en liquidation acquittent en effet ces retenues et prélèvements, tandis que les sociétés françaises dans la même situation ne seront pas imposables sur les revenus concernés, ne pouvant redevenir bénéficiaires.

2.   Une présomption de distribution des bénéfices contraire à la liberté d’établissement

La présomption prévue à l’article 115 quinquies du CGI, selon laquelle les bénéfices qu’une société étrangère réalise en France sont réputés distribués à des associés non résidents, a récemment été jugée contraire au droit de l’Union européenne par le Conseil d’État.

Dans une décision Cofinimmo du 10 juillet 2019 ([289]), le Conseil d’État a en effet considéré qu’elle méconnaissait de façon non justifiée la liberté d’établissement, qui garantit notamment aux sociétés le libre choix de la forme juridique la plus appropriée pour l’exercice de leurs activités dans un autre État membre.

Le Conseil d’État a relevé que le dispositif français ne prévoyait pas de possibilité d’obtenir une nouvelle liquidation de la retenue à la source lorsque la société étrangère démontrait que les bénéfices réalisés en France avaient été mis en réserve ou investis, et que les sommes distribuées à ses associés non résidents étaient ainsi prélevées sur les bénéfices tirés d’exploitations étrangères qui ne relèvent pas de la compétence fiscale de la France.

Or, dans une telle situation, la base de calcul de la retenue à la source excède les distributions effectives auxquelles elle devrait s’appliquer. L’impossibilité d’obtenir une nouvelle liquidation de la retenue constitue ainsi un mode de calcul désavantageux lorsque la société étrangère tire des bénéfices en France à partir d’un établissement stable. Elle entrave donc l’exercice d’une activité en France par l’intermédiaire d’un tel établissement stable, et porte par conséquent atteinte au libre choix de la forme d’exercice des activités.

II.   Le dispositif proposé

Le présent article tire les conséquences des décisions précitées Sofina et Cofinimmo en mettant en conformité avec le droit européen les dispositifs de retenues et prélèvements à la source prévus en droit français. Son impact budgétaire ne peut être chiffré.

A.   La mise en conformité avec le droit européen des retenues et prélèvements à la source touchant les sociétés déficitaires étrangères

Les modalités de mise en conformité au droit de l’Union européenne des retenues et prélèvements à la source prévues par le présent article sont de différentes natures :

– le champ de l’exonération prévue à l’article 119 quinquies du CGI, relative à un seul dispositif, est étendu à l’ensemble des mécanismes de retenues et prélèvement à la source ; il s’agit d’une mise en conformité préventive ;

– pour les sociétés étrangères déficitaires, un dispositif de restitution de la retenue à la source assortie d’un report d’imposition est mis en place, tirant directement les conséquences de la décision Sofina ;

– enfin, une hypothèse supplémentaire est ajoutée aux cas d’ouverture d’une nouvelle liquidation de retenue à la source dans le cadre de la présomption figurant à l’article 115 quinquies du CGI, afin de tirer les conséquences de la décision Cofinimmo.

1.   L’extension à l’ensemble des retenues et prélèvements à la source de l’exonération prévue à l’article 119 quinquies du CGI

Le dispositif proposé modifie substantiellement le champ de l’exonération prévue à l’article 119 quinquies du CGI, cantonnée jusque-là à la retenue à la source sur les dividendes prévue au 2 de l’article 119 bis du CGI, en l’étendant aux autres retenues et prélèvements à la source.

● En effet, le a du 1 du B du I du présent article substitue à cette unique référence la mention des articles relatifs aux autres dispositifs :

– la retenue à la source prévue au 1 de l’article 119 bis du CGI est incluse à travers le remplacement du renvoi au seul 2 de cet article par une référence à l’article dans son ensemble ;

– les retenues à la source prévues aux articles 182 A bis et 182 B du même code sont incluses par la référence expresse à ces articles ;

– il en va de même pour les prélèvements prévus aux articles 244 bis, 244 bis A et 244 bis B dudit code.

L’exonération prévue à l’article 119 quinquies du CGI pour les sociétés étrangères déficitaires et en liquidation s’appliquera donc sur l’ensemble des mécanismes de retenues et prélèvements à la source.

Ainsi qu’il a été vu dans les développements précédents, si cette extension ne résulte pas directement et immédiatement de la décision Sofina, qui ne portait que sur l’exonération de la retenue à la source prévue au 2 de l’article 119 bis du CGI, elle n’en reste pas moins nécessaire pour éviter que les sociétés étrangères déficitaires et en liquidation ne souffrent d’un désavantage manifeste par rapport aux sociétés françaises placées dans la même situation, les premières payant un impôt en l’absence d’exonération tandis que les secondes y échappent, faute de résultat bénéficiaire imposable.

L’extension ici prévue assure donc une égalité de traitement compatible avec le droit de l’Union européenne.

● Conséquence de cette extension, le terme « produits », qui renvoie aux dividendes distribués, est remplacé par les termes de revenus et de profits, plus larges et englobant les sommes concernées par les autres dispositifs.

Cette évolution sémantique suppose plusieurs coordinations au sein de l’article 119 quinquies, auxquelles procèdent les b et c du 1°, le 2° et le 4° du B du I du présent article.

● Enfin, le  du B du I du présent article précise les modalités de satisfaction de la première des trois conditions à remplir pour bénéficier de l’exonération prévue à l’article 119 quinquies du CGI, c’est-à-dire celle figurant au 1° de cet article et relative à la localisation du siège de direction – ou de l’établissement stable si les revenus et profits sont inclus dans le résultat de ce dernier.

Aux termes du a de ce 3°, l’actuelle condition de localisation sera applicable aux retenues et prélèvements à la source prévus aux articles 182 A bis, 182 B, 244 bis, 244 bis A et 244 bis B. Pour mémoire, cette condition exige une localisation dans un État membre de l’Union européenne ou dans une juridiction liée à la France par une convention d’assistance administrative pour lutter contre la fraude et l’évasion fiscales.

Sont donc concernées l’ensemble des mécanismes de retenues et prélèvements à la source, à l’exception de ceux prévus à l’article 119 bis du CGI.

Pour ceux-ci, le b du 3° prévoit une condition de localisation différente et enrichie aux termes de laquelle le siège de la société étrangère ou l’établissement stable de celle-ci doit se situer dans un État répondant aux trois critères cumulatifs suivants :

– avoir conclu avec la France une convention administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales ;

– être lié avec la France par une convention d’assistance mutuelle en matière de recouvrement dont la portée est similaire à celle prévue par la directive 2010/24/UE du Conseil du 16 mars 2010 concernant l’assistance mutuelle en matière de recouvrement ([290]) , qui s’est substituée à la directive 2008/55/CE du 26 mai 2008 sur le même objet ([291]) ;

– ne pas être un ETNC au sens de l’article 238‑0 A du CGI.

L’assistance internationale en matière de recouvrement

L’assistance internationale en matière de recouvrement est un moyen efficace de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, en permettant à un État de solliciter d’un autre État le fait de procéder, pour son compte, au recouvrement de créances fiscales. Cette assistance permet donc de surmonter l’obstacle lié à l’absence d’habilitation pour les autorités fiscales d’un État d’engager une action en recouvrement sur un territoire échappant à leur juridiction.

Les instruments juridiques consacrant l’assistance en matière de recouvrement sont multiples :

– des conventions fiscales bilatérales contenant une stipulation sur l’assistance au recouvrement – les conventions conclues par la France contiennent ainsi généralement des clauses reprenant le contenu des articles 26 et 27 du modèle de convention fiscale de l’OCDE (1) ;

– des conventions bilatérales dédiées à ce volet ; le Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) fournit la liste de vingt-neuf accords bilatéraux conclus par la France et le lien vers leur contenu (2) ;

– des conventions multilatérales ad hoc, telle celle élaborée sous l’égide de l’OCDE et du Conseil de l’Europe (3) ;

– au sein de l’Union européenne, la directive 2010/24/UE du 16 mars 2010 précitée fournit un standard minimum commun à l’ensemble des États membres.

(1) OCDE (2018), Modèle de Convention fiscale concernant le revenu et la fortune : Version abrégée 2017, pages 527 et suivantes et 550 et suivantes.

(2) BOFiP, BOI-ANNX-000307, mise à jour du 21 juin 2019.

(3) Convention concernant lassistance administrative mutuelle en matière fiscale du 26 janvier 1988 et Protocole damendement à la convention du Conseil de lEurope concernant lassistance administrative mutuelle en matière fiscale du 27 mai 2010.

2.   L’introduction d’un mécanisme de restitution temporaire des sommes payées au titre des retenues et prélèvements à la source par des sociétés étrangères déficitaires

La traduction directe des conséquences de la décision Sofina figure au C du I du présent article, qui met en place un mécanisme de restitution temporaire de retenues et prélèvements à la source pour certaines sociétés étrangères déficitaires.

Ce mécanisme est consacré dans un article 235 quater rétabli du CGI, constituant la section I rétablie du chapitre IV du titre Ier de la première partie du livre Ier du code. De façon simplifiée :

– le I de cet article 235 quater porte sur la restitution temporaire, précisant le champ d’application du mécanisme et ses conditions d’éligibilité ;

– le II de l’article 235 quater consacre le principe du report d’imposition de la retenue ou du prélèvement à la source, tandis que ses III et IV sont dédiés aux obligations déclaratives des sociétés étrangères et aux conditions du maintien du report ;

– enfin, le V de cet article porte sur la fin du report et les modalités d’imposition applicables.

Schématiquement, la société étrangère sollicite de l’administration la restitution des sommes versées au titre d’une retenue ou d’un prélèvement à la source. Ces sommes font l’objet d’une imposition reportée, le report prenant fin au retour à meilleure fortune de la société, c’est-à-dire lorsqu’elle redevient bénéficiaire.

a.   Le champ d’application du mécanisme de restitution temporaire

Le mécanisme de restitution temporaire prévu à l’article 235 quater rétabli du CGI est une possibilité offerte à certaines sociétés, sur demande de celles-ci.

Le mécanisme de restitution temporaire s’applique aux sommes dues en application des retenues et prélèvements à la source précédemment mentionnés, c’est-à-dire aux dispositifs figurant aux articles 119 bis, 182 A bis, 182 B, 244 bis, 244 bis A et 244 bis B du CGI.

Ce périmètre est en effet expressément consacré au premier alinéa des I et II de l’article 235 quater rétabli.

Trois conditions cumulatives doivent être remplies par la société bénéficiaire des revenus et profits ayant fait l’objet d’une retenue ou d’un prélèvement à la source.

● En premier lieu, et aux termes du 1° du I de l’article 235 quater rétabli, ce bénéficiaire – qui ne peut être une personne physique – doit satisfaire à un critère de localisation de son siège de direction effective ou de son établissement stable, si les revenus et gains sont inclus dans le résultat de ce dernier.

Ce critère est voisin de celui exigé dans le cadre de l’exonération prévue à l’article 119 quinquies du CGI : la distinction entre les dispositifs de retenues et prélèvements à la source s’y retrouve en effet.

Dans le cadre des retenues à la source prévues à l’article 119 bis du CGI, le siège de direction – ou l’établissement stable – doit se situer dans un État qui n’est pas un ETNC et qui est lié à la France :

– par une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales ;

– et par une convention d’assistance mutuelle en matière de recouvrement correspondant au contenu de la directive 2010/24/UE du 16 mars 2010 précitée.

Il s’agit des mêmes conditions que celles prévues dans le cadre de l’exonération prévue à l’article 119 quinquies du CGI dans sa rédaction résultant du B du I du présent article.

Dans le cadre des autres retenues et prélèvements à la source, la localisation doit se faire dans un État membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’EEE ayant conclu avec la France :

– une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales ;

– une convention d’assistance mutuelle répondant aux exigences posées par la directive 2010/24/UE précitée.

Le fait de conditionner l’application du mécanisme à l’existence d’une convention dédiée à l’assistance en matière de recouvrement est logique et cohérent avec l’ensemble du dispositif, qui consiste en une restitution temporaire suivie, en principe, de l’imposition de la société étrangère qui doit être correctement recouvrée.

● En second lieu, le bénéficiaire des sommes doit être en situation de déficit.

En effet, et ainsi qu’en dispose le 2° du I de l’article 235 quater rétabli du CGI, le résultat fiscal de l’exercice au cours duquel les revenus et profits ayant fait l’objet des retenues ou prélèvements à la source ont été perçus ou réalisés doit être déficitaire.

Les revenus et profits soumis aux retenues et prélèvements à la source sont pris en compte dans le résultat, ce dernier étant calculé en les intégrant.

Précision importante, la détermination du résultat est réalisée en fonction des règles applicables dans la juridiction d’établissement du siège de direction ou de l’établissement stable, conformément à la lettre du 2°. En conséquence, le caractère déficitaire du résultat ne dépendra pas des règles fiscales françaises, mais de la législation de l’État ou du territoire de résidence.

L’opportunité de calculer le résultat étranger en fonction des règles étrangères

Le fait de retenir les règles applicables dans la juridiction de résidence et non les règles françaises résulte de la décision Sofina rendue par le Conseil d’État le 27 février 2019 à la suite de celle de la CJUE. Le Conseil d’État y mentionne en effet expressément « une société non résidente qui se trouve, au regard de la législation de son État de résidence, en situation déficitaire. » (1). Cette solution apparaît opportune à plusieurs égards.

D’une part, elle fait écho à la condition de déficit prévue à l’article 119 quinquies, qui fait référence au résultat « calculé selon les règles de lÉtat ou du territoire où est situé [le] siège de direction effective ou létablissement stable ».

Le législateur, en 2015, avait déjà choisi de retenir la législation étrangère pour la détermination du résultat de la société. Un choix différent ici serait source de complexité et de confusion.

D’autre part, et dans le même sens, les retraitements qu’aurait supposés l’application des règles fiscales françaises plutôt qu’étrangères se seraient révélés probablement délicats non seulement s’agissant de leurs modalités pratiques – quelle aurait été l’ampleur de la transposition des règles françaises ? – mais aussi d’un point de vue administratif, en termes de charge pesant sur la société étrangère. Cette charge pourrait rapidement se révéler excessive, privant d’effectivité le bénéfice réel de l’exonération pour la société étrangère.

Au demeurant, sous l’angle de la souveraineté fiscale, une retenue à la source portant sur des dividendes ne suppose, pour la juridiction qui l’applique, que de connaître le montant des dividendes, sans exiger un retraitement complet du résultat étranger pour y transposer les règles françaises, retraitement qui pourrait alors être vu comme un « empiétement disproportionné » sur la souveraineté fiscale des autres pays, pour reprendre les termes employés dans ses conclusions sur le litige Sofina par la rapporteure publique Émilie Bokdam-Tognetti (2).

Enfin, il n’est pas inutile de rappeler que le renvoi aux règles fiscales étrangères ne privera pas l’administration fiscale française de moyens de contrôler l’exactitude des déclarations faites par la société étrangère. Les dispositifs d’assistance administrative ont précisément pour objectif d’assurer un tel contrôle à travers une coopération entre administrations, point d’ailleurs souligné dans sa décision du 22 novembre 2018 par la CJUE qui faisait notamment référence à la directive 2010/24/UE du 16 mars 2010 (3).

Il est en conséquence heureux que le Conseil d’État, en février dernier, puis le Gouvernement, dans le dispositif proposé, aient suivi l’invitation de Mme Bokdam‑Tognetti à retenir la législation étrangère, approche « la plus praticable, la plus certainement conforme au droit de lUnion, et la plus en continuité avec le choix opéré par le législateur en 2015 » (4).

(1) Conseil dÉtat, décision n 398662 précitée, § 3.

(2) Émilie BokdamTognetti, conclusions sous la décision Sofina du 27 février 2019, in Revue de droit fiscal, n° 26, 28 juin 2019, n° 311.

(3) CJUE, décision C575/17 précitée, § 73 à 77.

(4) Émilie BokdamTognetti, id.

b.   L’imposition en report des revenus et profits soumis aux retenues et prélèvements à la source

Le II de l’article 235 quater rétabli du CGI pose le principe de l’imposition en report des revenus et profits perçus ou réalisés par la société étrangère déficitaire.

C’est la restitution à la société étrangère déficitaire des sommes retenues ou prélevées sur le fondement d’un ou de plusieurs des dispositifs de retenues et de prélèvements à la source qui donne lieu à l’imposition.

Cette imposition est calculée en appliquant aux éléments d’assiette de chacun de ces dispositifs le taux pertinent prévu, les règles d’assiette et de taux à retenir dans ce cadre étant celles en vigueur lors du fait générateur des retenues et prélèvements qui ont fait l’objet de la restitution.

À titre d’exemple, s’agissant de la retenue à la source prévue au 2 de l’article 119 bis du CGI, le fait générateur correspond à la date du paiement effectif des dividendes. Dès lors, pour le calcul de l’imposition prévue au II de l’article 235 quater rétabli du CGI, il faudra se référer aux règles déterminant l’assiette et le taux de la retenue en vigueur à cette date.

La dernière phrase du premier alinéa du II de l’article 235 quater indique l’identité du débiteur de cette imposition, qui est la société étrangère bénéficiaire des revenus et profits.

Le principe du report de l’imposition est prévu à cette même phrase, ses modalités et son terme étant régies par les III à V du même article.

Enfin, le second alinéa du II de cet article précise que l’imposition en report obéit aux règles applicables en matière d’IS s’agissant de son établissement, de son contrôle et de son recouvrement.

Le fait pour la société étrangère qui remplit les conditions prévues au I de l’article 235 quater rétabli du CGI de pouvoir prétendre à la restitution des sommes retenues ou prélevées à la source a comme nécessaire corollaire l’imposition des revenus et profits soumis aux retenues ou prélèvements une fois la société redevenue bénéficiaire.

En effet, en l’absence d’un tel mécanisme d’imposition reportée, la société étrangère déficitaire profiterait d’une exonération de fait, tandis qu’une société française placée dans la même situation finirait, une fois son résultat à nouveau bénéficiaire, par acquitter l’impôt assis sur les revenus et profits perçus ou réalisés. Il s’agirait alors de la configuration précédemment évoquée de discrimination à rebours présentant un risque constitutionnel important ([292]).

Dès lors que sont écartées les idées consistant en une généralisation de l’exonération définitive à toutes les sociétés, même résidentes, ou à l’inverse en une systématisation des retenues et prélèvements à la source, y compris pour les sociétés françaises, la meilleure solution envisageable réside dans le diptyque proposé, à savoir une restitution temporaire assortie d’une imposition en report qui devient effective une fois la société bénéficiaire.

Il s’agissait d’ailleurs de la préconisation faite dans ses conclusions précitées sur le litige Sofina par Mme Bokdam‑Tognetti.

c.   Les obligations déclaratives pesant sur les sociétés étrangères

Pour pouvoir bénéficier, d’une part, de la restitution des sommes retenues ou prélevées à la source au titre des revenus et profits perçus ou réalisés, d’autre part, du report de l’imposition de ces revenus et profits, la société étrangère déficitaire est tenue au respect d’obligations déclaratives définies aux III et IV de l’article 235 quater rétabli du CGI.

● Aux termes du III et du second alinéa du IV de cet article, la société étrangère doit déposer auprès du service des impôts des non résidents une déclaration comportant les informations suivantes :

– l’identité et l’adresse du bénéficiaire des revenus et profits, c’est-à-dire de la société étrangère déficitaire ;

– le montant du déficit enregistré, déterminé en application des règles de la juridiction de résidence de cette société – conformément au 2° du I de l’article 235 quater ;

– un état de suivi des revenus et profits en report d’imposition, qui doit être annexé à la déclaration.

Le dépôt de cette déclaration doit être fait dans un délai de trois mois suivant la clôture de l’exercice durant lequel est intervenu le fait générateur de la retenue ou du prélèvement à la source dont la société sollicite la restitution.

Aux termes de la première phrase du premier alinéa du IV de l’article 235 quater du CGI, l’imposition et son report prennent effet à la date à laquelle la déclaration est déposée.

Illustration du calendrier de dépôt de la déclaration prévue au III de l’article 235 quater rétabli du CGI

Une société étrangère A, dont les exercices coïncident avec l’année civile, a perçu d’une filiale française, le 15 octobre N, des dividendes qui ne sont pas éligibles au régime mère-fille. Ils font l’objet d’une retenue à la source sur le fondement du 2 de l’article 119 bis du CGI.

Le résultat de cet exercice N, en application des règles de la juridiction d’établissement de la société, est déficitaire.

Pour pouvoir se prévaloir du dispositif prévu à l’article 235 quater rétabli du CGI et donc bénéficier de la restitution de la retenue à la source et du report de l’imposition des dividendes, la société A devra déposer la déclaration prévue au III de ce même article au plus tard le 31 mars N + 1.

● Pour que le report d’imposition soit maintenu au titre des exercices suivants celui au titre duquel la restitution a été demandée, la société doit, en application du IV de l’article 235 quater rétabli du CGI, produire pour chacun de ces exercices une déclaration indiquant :

– son résultat fiscal, déterminé en application des règles de sa juridiction de résidence ;

– l’état de suivi des revenus et profits dont l’imposition est reportée, annexé à la déclaration.

Le délai de production de cette déclaration est le même que celui prévu pour la déclaration initiale : trois mois suivant la clôture de chaque exercice.

● L’ensemble de ces déclarations ne constitue pas une charge administrative supplémentaire excessive pour les sociétés étrangères et, en tout état de cause, ces déclarations sont proportionnées à leur objectif : permettre aux sociétés étrangères de percevoir la restitution de la retenue ou du prélèvement à la source, tout en garantissant à l’administration la possibilité de suivre leur situation.

Sans de telles déclarations, en effet, il serait difficile, sinon impossible à l’administration fiscale française de connaître l’état des sociétés étrangères et, notamment, leur éventuel retour à une situation bénéficiaire, compromettant alors le recouvrement de l’impôt.

d.   La fin du report de l’imposition des revenus et profits

Trois situations alternatives mettent un terme au report de l’imposition ; elles sont mentionnées au V de l’article 235 quater rétabli du CGI.

D’une part, aux termes du 1° de ce V, le report prend fin si la déclaration devant être produite au titre de chacun des exercices suivant celui au titre duquel la restitution a été demandée fait apparaître un bénéfice.

Cette condition est logique dans la mesure où le principe même du dispositif prévu à l’article 235 quater est de ne s’appliquer qu’aux sociétés étrangères déficitaires afin de garantir l’égalité de traitement avec les sociétés résidentes placées dans la même situation.

D’autre part, ainsi qu’en dispose le  du V de cet article, il est mis fin au report en cas de non-respect par la société de ses obligations déclaratives prévues au IV du même article, c’est-à-dire en cas de défaut de production – ou de production incomplète ou tardive – de la déclaration devant être produite au titre de chacun des exercices suivant le premier.

Cette hypothèse est nécessaire, le non-respect par une société étrangère de ses obligations déclaratives pouvant sérieusement faire obstacle au bon recouvrement de l’impôt français.

Néanmoins, les modalités prévues peuvent apparaître brutales : il est tout à fait possible que les sociétés étrangères ne soient pas familières des obligations déclaratives françaises. En tout état de cause, mettre automatiquement fin au report d’imposition si la déclaration se révèle incomplète sans que cela ne traduise une volonté de manquement, ou est déposée avec un retard d’à peine quelques jours, semble excessif. De tels manquements ne sont pas de nature à compromettre l’effectivité du recouvrement ultérieur de l’impôt par l’administration française.

En conséquence, il serait opportun de subordonner la fin du report en cas de non-respect des obligations déclaratives au fait de ne pas avoir satisfait à une mise en demeure préalable de produire la déclaration dans un délai de trente jours. Une telle procédure offrirait un filet de sécurité aux sociétés étrangères tout en assurant le recouvrement de l’impôt en cas de persistance dans le défaut déclaratif. Cela constituerait ainsi un compromis équilibré entre l’impératif fiscal et la souplesse administrative, surtout dans le contexte du « droit à l’erreur » en France.

Cette mise en demeure pourrait être assortie d’une amende, si elle est suivie d’effet, afin de distinguer les sociétés qui ont spontanément respecté leurs obligations déclaratives de celles mises en demeure. Les secondes sont en effet moins vertueuses que les premiers, justifiant une telle amende.

Le montant de cette amende pourrait être de 1 500 euros, à l’image de ce que prévoit l’article 1729 B du CGI pour certains manquements :

– un montant proportionnel, tel que 10 % de la somme en report d’imposition, serait en revanche excessif dans la mesure où, d’une part, n’est pas en cause un défaut de production d’une déclaration permettant de déterminer l’assiette ou de liquider un impôt et, d’autre part, l’effet du défaut de production, s’il persiste malgré la mise en demeure, est de conduire à l’imposition, non de l’empêcher ;

– à l’inverse, un montant de 150 euros (montant de droit commun prévu à l’article 1729 B) serait trop peu dissuasif et risquerait de se révéler inférieur au coût du recouvrement de l’amende due par une société établie à l’étranger.

Enfin, une troisième hypothèse prévue au 2° dudit V met fin au report d’imposition : si la société étrangère fait l’objet d’une opération « entraînant sa dissolution sans liquidation », c’est-à-dire d’une forme de fusion.

La dissolution sans liquidation

Généralement, la dissolution d’une société précède sa liquidation, cette dernière marquant l’arrêt définitif de la société.

Cependant, les deux procédures demeurent formellement distinctes et, dans certaines situations, la dissolution peut ne pas être suivie d’une liquidation.

En droit français, tel est le cas lors d’une transmission universelle de patrimoine (TUP), régie par l’article 1844‑5 du code civil et applicable aux sociétés unipersonnelles telles que les entreprises unipersonnelles à responsabilité limitée (EURL) ou les sociétés par action simplifiée unipersonnelle (SASU) dont l’associé unique est une personne morale.

La TUP permet l’acquisition par une société du patrimoine d’une société dissoute de façon simplifiée : il s’agit donc d’une forme de fusion.

Le même 2° prévoit toutefois que le report d’imposition est maintenu si la société liquidée a transféré ses déficits à la société qui l’a absorbée ou à qui ont été faits les apports, sous réserve que cette seconde société s’engage à déposer la déclaration prévue au IV du nouvel article 235 quater du CGI. Ces dispositions garantissent une égalité de traitement des fusions touchant des sociétés étrangères vis-à-vis de celles portant sur des sociétés françaises, dans le cadre desquelles les déficits peuvent être transférés selon les modalités prévues au II de l’article 209 du CGI.

Enfin, le second alinéa du 2° du V du nouvel article 235 quater du CGI prévoit l’acquisition définitive de la restitution – et donc l’absence d’imposition – dans l’hypothèse où, en l’absence de transfert de déficits, la dernière déclaration déposée par la société dissoute au titre de la nouvelle procédure prévue par cet article 235 quater fait apparaître un déficit.

Cette acquisition définitive de la restitution est logique dans la mesure où la société dissoute se trouve alors placée dans une situation analogue à celle ouvrant droit à l’exonération prévue à l’article 119 quinquies du CGI.

● Pour que le report de l’imposition soit maintenu, il faut donc que la société poursuive son activité, reste déficitaire et remplisse correctement ses obligations déclaratives.

● Si l’une des trois hypothèses prévues aux 1 à 3° du V est constatée, le report d’imposition prend fin. À compter de ce terme, l’imposition en report est due et devient immédiatement exigible, ainsi qu’en dispose le dernier alinéa du même V.

Illustrations de la fin du report d’imposition et des modalités de celle-ci

Une société étrangère A a perçu au cours d’un exercice N des dividendes soumis à retenue à la source. Son résultat au titre de cet exercice N est déficitaire. La société sollicite la restitution de la retenue à la source.

Les résultats de ses exercices N + 1, N + 2 et N + 3 sont déficitaires. Celui de l’exercice N + 4 fait apparaître un bénéfice, mentionné dans la déclaration produite dans les trois mois suivant la clôture de l’exercice, soit au cours de l’exercice N + 5.

Exemple n° 1 :

La société satisfait à ses obligations déclaratives au titre des exercices N + 1 à N + 3, le report sera maintenu pendant cette période. Il ne prendra fin qu’au moment de la production de la déclaration requise au titre de l’exercice N +4, mentionnant un bénéfice.

L’imposition interviendra donc en N + 5.

Exemple n° 2 :

La société ne produit pas la déclaration requise au titre de l’exercice N + 2, ce manquement étant constaté en N + 3.

Le défaut de production met fin au report de l’imposition, cette dernière intervenant au cours de l’exercice N + 3.

● L’avant-dernier alinéa de ce V prévoit un plafonnement des revenus et profits soumis à retenues ou prélèvements à la source à hauteur du bénéfice indiqué dans la déclaration produite par la société étrangère.

A contrario, si le report d’imposition prend fin pour l’une des autres hypothèses – dissolution sans liquidation ou manquement aux obligations déclaratives –, l’imposition porte sur une assiette constituée de l’ensemble des revenus et profits, sans plafonnement.

Le tableau suivant illustre les modalités de report de déficit et le plafonnement de l’imposition dont il est mis fin au report, à travers trois exemples en fonction du montant des dividendes perçus au titre d’un exercice N. Par souci de simplification, il est considéré que la législation de l’État de résidence de la société autorise le report en avant illimité du déficit, sans plafonnement.

chronique d’imputation du déficit N et du report d’imposition

Exercice

N

N + 1

N + 2

N + 3

N + 4

N + 5

N + 6

Résultat avant imputation du déficit

– 100

– 100

– 50

+ 50

+ 75

+ 100

+ 125

Résultat après imputation du déficit cumulé (avant dividendes)

 100

 200

 250

 200

 125

 25

+ 100

Ex. A – Résultat après prise en compte des dividendes (dividendes = 100)

0

– 100

– 150

– 100

– 25

+ 75

+ 200

Ex. B – Résultat après prise en compte des dividendes (dividendes = 50)

– 50

– 150

– 200

– 150

– 75

+ 25

+ 150

Ex. C – Résultat après prise en compte des dividendes (dividendes = 20)

– 80

– 180

– 230

– 180

– 105

– 5

+ 120

Source : commission des finances.

Si le résultat de la société étrangère redevient bénéficiaire au titre de l’exercice N + 3, il ne s’agit pas du résultat fiscal définitif :

– les déficits antérieurs en report n’ont pas encore été imputés ;

– les dividendes perçus au cours de l’exercice N n’ont pas non plus été pris en compte, ces dividendes diminuant le montant des déficits en report.

Le résultat de la société redevient donc bénéficiaire, au sens du dispositif proposé, au titre de l’exercice N + 5 dans les exemples A et B, et au titre de l’exercice N + 6 dans l’exemple C.

L’imposition à laquelle il est mis fin a, en application du premier alinéa du II de l’article 235 quater rétabli du CGI, pour assiette le montant des dividendes perçus en N et pour taux celui applicable en droit français au titre de l’exercice N.

Cette imposition interviendra :

– dans les exemples A et B, au titre de l’exercice N + 5, soit en N + 6 ; dans la mesure où le bénéfice de l’exercice N + 5 est, dans les deux exemples, inférieur aux dividendes perçus en N, l’assiette de l’imposition sera plafonnée à hauteur du bénéfice, soit 75 dans l’exemple A et 25 dans l’exemple B ;

– dans l’exemple C, au titre de l’exercice N + 6, soit en N + 7 ; le bénéfice de l’exercice N + 6 étant supérieur aux dividendes perçus en N, l’assiette de l’imposition sera égale à ces derniers, sans application du plafonnement prévu à l’avant-dernier alinéa du V de l’article 235 quater.

*

*     *

La synthèse du mécanisme de restitution assortie d’un report d’imposition prévu à l’article 235 quater du CGI rétabli par le présent article au profit des sociétés étrangères déficitaires est présentée dans le schéma suivant.

Synthèse du mécanisme de restitution de retenue à la source (RAS)
et d’imposition en report pour les sociétés étrangères déficitaires

Source : commission des finances.

 

3.   L’ajout d’une hypothèse ouvrant droit à une nouvelle liquidation de la retenue à la source sur les bénéfices réputés distribués

La mise en conformité avec le droit européen des modalités de calcul de la retenue à la source sur les dividendes prévues à l’article 115 quinquies du CGI est réalisée par le A du I du présent article, dont le  complète à cet effet le 2 de l’article 115 quinquies par un nouvel alinéa ajoutant une hypothèse de nouvelle liquidation.

Désormais, une société étrangère pourra solliciter de l’administration une nouvelle liquidation de la retenue à la source conduisant à la restitution de l’excédent de perception si elle répond aux deux critères suivants :

– son siège se situe dans un État membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’EEE, condition posée par renvoi au a du 3 de l’article 115 quinquies ;

– les sommes ayant fait l’objet de la retenue à la source n’ont « pas été désinvesties hors de France ».

Le second critère correspond au litige traité par le Conseil d’État dans sa décision Cofinimmo précitée du 10 juillet dernier, dans laquelle la haute juridiction visait les distributions prélevées sur des bénéfices ne relevant pas de la compétence fiscale de la France « en labsence de désinvestissement des bénéfices dégagés par [les] exploitations françaises » de la société étrangère ([293]).

Dès lors, la nouvelle liquidation sera possible si la société étrangère démontre que les bénéfices qu’elle tire de ses exploitations françaises ont été mis en réserve ou réinvestis, et que les distributions faites aux associés étrangers reposent sur des bénéfices tirés d’exploitations étrangères.

Cette nouvelle hypothèse supprime le désavantage qui prévalait jusque‑là dans le mode de calcul de la retenue à la source pour les sociétés étrangères exerçant en France par l’intermédiaire d’établissements stables. Elle rétablit en conséquence le libre choix pour les entreprises de la forme juridique appropriée pour l’exercice de leurs activités, conformément aux exigences induites par la liberté d’établissement.

● Le  du A du I du présent article modifie le 3 de l’article 115 quinquies du CGI pour y substituer à la notion de « siège de direction effective » celle de « siège ». Le siège d’une entreprise, en droit fiscal français, correspond au lieu où sont principalement concentrés les organes de direction, d’administration et de contrôle de l’entreprise. La notion de « siège de direction effective » relève en effet du droit conventionnel, figurant dans les conventions fiscales conclues par la France.

La substitution réalisée par ce 2° est également effectuée à l’article 119 quinquies du CGI par le  du B du présent article, tandis que le nouvel article 235 quater du CGI retient, lui aussi, l’expression de « siège ».

4.   Une application à compter de 2020 supposant l’adoption de mesures réglementaires

● Ainsi que le prévoit le A du III du présent article, les A, B et C du I de cet article, c’est-à-dire les modifications apportées en vue de mettre les dispositifs de retenues et prélèvements à la source en conformité avec le droit de l’Union européenne, sont applicables aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2020.

Ne seront concernés que les prélèvements et retenues à la source dus au cours d’un exercice ouvert à compter de cette date. Ceux acquittés avant sont couverts par le droit à réclamation né des contentieux précédemment évoqués.

● La bonne application des nouveaux dispositifs supposera toutefois l’adoption de mesures réglementaires, ainsi que le confirme l’évaluation préalable du présent article.

Les mesures réglementaires d’application relatives à l’hypothèse supplémentaire de nouvelle liquidation de retenue à la source introduite à l’article 115 quinquies par le A du I du présent article devraient figurer à l’annexe II du CGI, à l’image de dispositions analogues déjà en vigueur.

Elles devraient selon toute vraisemblance porter sur les modalités déclaratives permettant à la société étrangère d’établir l’origine des dividendes distribués à ses associés non résidents et l’usage des bénéfices de source française.

Les mesures réglementaires portant sur le nouveau dispositif de restitution assortie d’une imposition en report prévu à l’article 235 quater rétabli du CGI devraient préciser :

– les obligations déclaratives prévues aux III et IV de cet article ;

– les modalités de restitution des retenues et prélèvements à la source ;

– les modalités de versement des sommes dues au titre de l’imposition dont le report a pris fin.

5.   Des précisions et coordinations liées à la modification du taux normal de l’IS nécessaires mais au placement étonnant

Les D à H du I et le II du présent article ne portent pas sur la mise en conformité au droit européen des mécanismes de retenues et prélèvements à la source, mais consistent en des précisions et coordinations liées aux modifications apportées à la trajectoire de baisse du taux normal de l’IS.

Cette trajectoire faisant l’objet de l’article 11 du présent projet de loi, il y est renvoyé pour une présentation complète du droit en vigueur et des modifications prévues. Ne figureront dans les développements qui suivent que les principaux éléments intéressant les précisions et coordinations apportées par le présent article.

a.   Des précisions et coordinations nécessaires dans un souci de sécurité juridique

L’article 84 de la loi de finances pour 2018 ([294]) a prévu la diminution progressive du taux normal de l’IS, fixé à 31 % pour les exercices ouverts en 2019, à 28 % pour ceux ouverts en 2020, à 26,5 % pour ceux ouverts en 2021 et à 25 % pour ceux ouverts à compter de 2022.

Cet article 84 a procédé à de nombreuses coordinations dans le CGI, afin de tirer les conséquences de la baisse progressive du taux normal de l’IS dans plusieurs mécanismes fiscaux et de faire référence, dans ces derniers, au taux normal prévu au deuxième alinéa du I de l’article 219 du CGI.

Pour les entreprises réalisant un chiffre d’affaires d’au moins 250 millions d’euros, le taux normal de l’IS applicable aux exercices ouverts en 2019 a été maintenu à 33 1/3 % par l’article 4 de la loi du 24 juillet 2019 portant création d’une taxe sur les services numériques et modification de la trajectoire de baisse de l’impôt sur les sociétés (« loi TSN-IS ») ([295]). Par ailleurs, l’article 11 précité du présent projet de loi modifie, pour les mêmes entreprises, le taux normal applicable aux exercices ouverts en 2020 et 2021, le fixant respectivement à 31 % et 27,5 %. Formellement, ces modifications figurent dans de nouvelles phrases insérées au deuxième alinéa du I de l’article 219.

La plupart des coordinations apportées par la loi de finances pour 2018 précitée n’ont pas besoin d’être actualisées en conséquence des modifications apportées au taux normal de l’IS, la référence au deuxième alinéa du I de l’article 219 emportant nécessairement application du taux pertinent en fonction de l’année d’ouverture de l’exercice et du chiffre d’affaires correspondant de l’entreprise redevable.

En revanche, il est nécessaire de modifier les dispositifs ayant trait à des retenues et prélèvements à la source, pour lesquels la pluralité de taux figurant au deuxième alinéa du I de l’article 219 et résultant du présent article est facteur de confusion, voire d’incertitude quant au taux à appliquer. En effet, le chiffre d’affaires du bénéficiaire étranger des revenus ne devrait pas être pris en compte, pas plus que celui du débiteur qui prélève la retenue à la source.

Deux types de modifications sont prévus, en fonction des dispositifs concernés.

● La première série porte sur les retenues et prélèvements prévus aux articles 182 B, 244 bis, 244 bis A et 244 bis B du CGI.

Pour ces dispositifs, il y a lieu de préciser que le taux applicable est celui mentionné, non au deuxième alinéa du I de l’article 219, mais à la première phrase de cet alinéa – c’est-à-dire 31 % pour 2019, 28 % pour 2020 et 26,5 % pour 2021.

Ces modifications sont réalisées par les D et F à H du I du présent article.

Elles s’appliqueront aux retenues et prélèvements à la source dont le fait générateur est intervenu à compter du 6 mars 2019, en vertu du B du III du présent article.

La date du 6 mars 2019, date de présentation du projet de loi TSN-IS en Conseil des ministres, correspond au déclenchement de l’application du maintien du taux normal de l’IS à 33 1/3 % pour les plus grandes entreprises, ainsi qu’en dispose le IV de l’article 4 de la loi TSN-IS précitée. Il s’agissait d’une mesure anti‑abus destinée à prémunir le dispositif contre toute clôture anticipée d’exercices ouverts en 2019 ([296]).

● L’article 187 du CGI, qui fixe le taux de la retenue à la source prévue à l’article 119 bis du même code, doit également être modifié.

En effet, le taux fixé au dernier alinéa du 1° du 1 de cet article 187 est de 30 %, et sera pour les exercices ouverts à compter de 2020 fixé par renvoi au deuxième alinéa du I de l’article 219 en application du D du I et du C du III de l’article 84 de la loi de finances pour 2018 précitée.

Cette référence doit être remplacée par un renvoi au taux prévu à la première phrase du même deuxième alinéa, modification à laquelle procède le E du I du présent article.

Cette précision apportée à l’article 187 du CGI appelle d’autres coordinations de conséquence, réalisées par le II du présent article qui modifie l’article 84 de la loi de finances pour 2018 précitée :

– le A de ce II abroge le D du I de l’article 84 de la loi de finances pour 2018, privé d’objet du fait de la coordination apportée par le E du I du présent article ;

– le B du même II tire les conséquences de cette abrogation réalisée par le A et réécrit à cet effet le C du III de l’article 84 précité.

En résumé, le B du II du présent article est une coordination résultant du A du même II, lui‑même étant une coordination résultant du E du I du même article qui tire les conséquences des modifications apportées au taux normal de l’IS.

Aux termes du C du III du présent article, la modification apportée à l’article 187 du CGI s’appliquera aux retenues à la source dont le fait générateur est intervenu à compter de 2020. La date d’effet est distincte de celle des autres coordinations apportées aux retenues et prélèvements à la source en raison d’une différence de taux. Le taux actuellement prévu de 30 % est en effet inférieur au taux normal mentionné à la première phrase du deuxième alinéa du I de l’article 219, qui est de 31 %. Aussi, la référence à ce taux en 2019 est-elle toujours valable.

b.   Des précisions et coordinations qui gagnerait à figurer dans l’article modifiant le taux normal de l’IS et qui doivent recevoir un terme

● Si les précisions et coordinations qui viennent d’être présentées sont, ainsi qu’il a été vu, nécessaires, leur placement au sein du présent article peut sembler baroque.

En effet, leur justification réside dans les modifications apportées à la trajectoire de baisse du taux normal de l’IS par la loi TSN-IS et prévues par l’article 11 du présent projet de loi.

Il apparaît donc préférable, dans un souci de cohérence, que les conséquences des modifications prévues par cet article 11 figurent dans le dispositif qui les porte, et non dans le présent article consacré à une mise en conformité au droit européen d’un dispositif qui n’a pas de lien avec la trajectoire de baisse du taux de l’IS. Le lien entre le présent article et les précisions précédemment mentionnées est formel, celles-ci portant sur des articles mentionnés par le dispositif ici proposé. En revanche, le lien entre ces précisions et l’article 11 du présent projet de loi est substantiel et doit ainsi primer.

● En outre, il semble judicieux de prévoir un terme à l’application de ces précisions et coordinations.

Le renvoi à la première phrase du deuxième alinéa du I de l’article 219 n’aura plus d’objet une fois le taux normal de l’IS ramené à 25 %, l’alinéa en question ne comptant alors qu’une unique phrase. Ce renvoi devra donc cesser à compter de 2022.

B.   L’impact budgétaire et économique

Si l’impact budgétaire des mesures prévues par le présent article n’est pas chiffrable, leur incidence économique devrait être positive.

1.   Un impact budgétaire dès 2020 non chiffrable

● Les modifications apportées par le présent article aux prélèvements et retenues à la source vis-à-vis des sociétés étrangères auront un impact dès 2020 :

– l’extension du champ de l’exonération prévue à l’article 119 quinquies du CGI conduira à diminuer les recettes fiscales s’agissant des versements réalisés à compter du 1er janvier 2020 ;

– l’hypothèse supplémentaire de nouvelle liquidation de retenue à la source introduite à l’article 115 quinquies du CGI aura le même effet ;

– la restitution des prélèvements et retenues à la source conduira également, dans un premier temps, à réduire les recettes fiscales par rapport au droit actuel. Au demeurant, même avec le mécanisme de report d’imposition, cette dernière pourrait ne jamais intervenir si la société étrangère ne redevient pas bénéficiaire et s’acquitte correctement de ses obligations.

● Cependant, l’impact concret sur les recettes fiscales de ces mesures ne peut être chiffré : il n’est en effet pas possible à l’administration fiscale d’opérer une distinction, en matière de prélèvements et de retenues à la source portant sur des versements au profit de sociétés étrangères, entre ceux concernant une société déficitaire et les autres.

De la même manière, s’agissant de la présomption de distribution à des associés non résidents, il est en l’état impossible de quantifier les cas dans lesquels la distribution a été faite à partir de bénéfices non français.

Aussi, s’il est souhaitable que les systèmes d’information de l’administration fiscale évoluent pour isoler les montants des versements et des impôts associés concernés par le présent article, une telle évolution demeure incertaine, supposerait un certain délai et, en tout état de cause, ne pourrait aboutir à des données dès 2020, faute d’éléments exploitables disponibles.

● Sous l’angle des réclamations et contentieux engagés par les sociétés sur le fondement de la décision Sofina, les informations obtenues par le Rapporteur général indiquent qu’à ce jour, environ 133 millions d’euros de droits ont fait l’objet d’un dégrèvement (hors intérêts moratoires) dans vingt-quatre affaires ; vingt-cinq autres dossiers restent à traiter.

Au demeurant, dans un certain nombre d’affaires représentant près de 200 millions de droits contestés, se pose une question de prescription.

2.   Des mesures améliorant la sécurité juridique des sociétés étrangères et de nature à renforcer l’attractivité de la France en matière d’investissements

● Dans la mesure où il procède, pour l’essentiel, à une mise en conformité au droit de l’Union européenne de plusieurs retenues et prélèvements à la source, le présent article prémunit la législation française de risque juridique vis-à-vis des normes européennes et limite ainsi les risques contentieux.

Il améliore donc la sécurité juridique du droit national.

● La sécurité juridique est également améliorée par les précisions apportées en matière de taux des retenues et prélèvements à la source en conséquence des modifications faites à la trajectoire de baisse du taux normal de l’IS. L’éventuelle incertitude quant au taux effectivement applicable, qui pouvait peser du fait d’une pluralité de taux, sera levée. La clarification apportée offrira donc un dispositif clair et lisible pour les contribuables.

Néanmoins, cette clarté et cette lisibilité seraient maximales si, ainsi qu’il a été vu, ces précisions figuraient à l’article 11 du présent projet de loi dont elles tirent les conséquences.

● Enfin, au-delà de l’aspect tenant à la mise en conformité avec le droit de l’Union européenne, les modifications apportées aux retenues et prélèvements à la source garantiront une égalité de traitement entre les sociétés étrangères et les sociétés résidentes.

En plus d’assurer une pleine concurrence effective entre ces sociétés, les mesures proposées pourront renforcer l’attractivité de la France auprès d’investisseurs étrangers :

– ceux-ci auront une totale liberté dans le choix de la forme juridique de leur exploitation en France, sans risquer un traitement fiscal désavantageux ;

– les prises de participation au sein de sociétés françaises ou les revenus tirés d’activités en France connaîtront des modalités d’imposition non pénalisantes, pouvant dès lors accroître de telles activités.

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La commission examine les amendements ICF1567, ICF1568, ICF1559, ICF1560, ICF1569 et ICF1562 du rapporteur général.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Il s’agit d’amendements rédactionnels.

La commission adopte successivement les amendements ICF1567 (amendement I-2905), ICF1568 (amendement I-2906), ICF1559 (amendement I-2907), ICF1560 (amendement I-2908), ICF1569 (amendement I-2909) et ICF1562 (amendement I-2910).

Elle en vient à l’amendement ICF1563 du rapporteur général.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Il s’agit simplement d’ajouter au dispositif qu’en cas de manquement déclaratif, une mise en demeure pourra être adressée à la société, qui aura alors trente jours pour se conformer à ses obligations. À défaut, le report d’imposition prendra naturellement fin.

La commission adopte l’amendement I-CF1563 (amendement I-2911).

Puis elle adopte les amendements rédactionnels ICF1564 (amendement I-2912) et ICF1565 (amendement I-2913) du rapporteur général.

Elle adopte enfin l’article 12, modifié.

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Article 13
Transposition de la directive (UE) 2017/952 du 29 mai 2017 relative à la lutte contre les dispositifs hybrides (ATAD 2) et suites de la transposition de directive (UE) 2016/1164 du 12 juillet 2016 (ATAD1)

Résumé du dispositif proposé

Le présent article transpose en droit français la directive « ATAD 2 » du 29 mai 2017 relative à la lutte contre les dispositifs hybrides, et poursuit celle de la directive « ATAD 1 » du 12 juillet 2016 contre l’évasion fiscale.

La notion de dispositifs hybrides désigne les mécanismes exploitant les différences de qualification d’instruments ou d’entités entre les législations de plusieurs États afin de générer des asymétries fiscales se traduisant par une double non-imposition.

À travers trois nouveaux articles 205 B, 205 C et 205 D du CGI, le présent article définit les notions pertinentes en matière de dispositifs hybrides et détermine les différentes règles applicables en fonction de la nature de l’asymétrie fiscale et du positionnement de la France dans chaque montage. Pour rendre le plus concret possible ces éléments, de nombreux exemples figurent dans le présent commentaire pour illustrer les types de dispositifs hybrides et, pour chacun d’eux, les modalités d’application des règles destinées à neutraliser les asymétries qu’ils génèrent.

Par ailleurs, le présent article enrichit le dispositif d’imposition à la sortie prévu à l’article 221 du CGI en cas de transfert à l’étranger, afin de le rendre compatible avec la directive « ATAD 1 ».

Les nouvelles dispositions seront applicables aux exercices ouverts à compter de 2020 et, s’agissant des mesures prévues contre certains dispositifs hybrides, à compter de 2022. Le présent article aura un impact budgétaire dès 2020 non chiffrable en l’état.

Dernières modifications intervenues

En 2015, l’OCDE a publié le Rapport final sur l’action n° 2 du projet « BEPS » (pour « Base erosion and profit shifting », soit « érosion de la base d’imposition et transfert de bénéfices ») contenant des recommandations pour neutraliser les dispositifs hybrides.

La directive (UE) 2016/1164 du 12 juillet 2016 dite « ATAD 1 » prévoit des mesures de lutte contre l’évasion fiscale, dont plusieurs ont déjà été transposées en droit français.

Cette directive a été substantiellement enrichie s’agissant des dispositifs hybrides par la directive (UE) 2017/952 du 29 mai 2017 dite « ATAD 2 ».

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

En plus de cinq amendements rédactionnels ou de précision présentés par le Rapporteur général, la commission, à l’initiative de ce dernier, a complété la transposition de la directive « ATAD 2 » s’agissant de l’articulation de certaines règles avec les conventions fiscales.

 

I.   L’état du droit

Pour lutter contre l’évasion fiscale, la France dispose d’un arsenal désormais robuste. Il a récemment fait l’objet d’enrichissements substantiels, notamment à travers la transposition d’initiatives internationales et européennes, et a vocation à être de nouveau complété en particulier s’agissant des dispositifs hybrides.

A.   Un arsenal français contre l’évasion fiscale étoffé

Face aux pratiques d’évitement fiscal de certains contribuables consistant à éluder ou diminuer l’impôt normalement dû, la France s’est dotée de nombreux outils destinés à couvrir le plus possible de situations abusives. Les plus importants, ou les plus pertinents au regard de l’objet du présent article, sont présentés dans les développements suivants.

1.   L’abus de droit et les clauses anti-abus

La répression de l’abus de droit et les clauses anti‑abus visent à écarter l’application de certains actes en les rendant inopposables à l’administration, le cas échéant avec application de pénalités.

Pour une présentation détaillée de ces dispositifs, il est renvoyé au commentaire de l’article 48 du projet de loi de finances pour 2019 et à l’édition 2019 du rapport sur l’application des mesures fiscales ([297]).

a.   La procédure de répression de l’abus de droit

Prévue à l’article L. 64 du livre des procédures fiscales (LPF), la procédure de répression de l’abus de droit permet à l’administration d’écarter tout acte constitutif d’une telle notion et, ainsi, de requalifier les opérations réalisées. À cette requalification, pouvant avoir de lourdes conséquences fiscales, s’ajoutent des pénalités dissuasives de 80 % ou 40 % prévues au b de l’article 1729 du CGI.

L’abus de droit repose sur deux branches :

– l’abus de droit par fictivité (ou simulation), relatif aux actes constitutifs d’un mensonge juridique et qui concerne les actes fictifs, les actes déguisés et l’interposition de personne à travers l’usage d’un prête-nom ;

– l’abus de droit par fraude à la loi, découverte prétorienne de 1981 consacrée par le législateur en 2008 ([298]), relatif aux montages qui, tout en respectant la lettre de la norme, en méconnaissent l’esprit et qui reposent sur une motivation exclusivement fiscale, n’ayant pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou atténuer l’impôt.

La répression de l’abus de droit peut porter sur tout type d’actes, y compris oraux, vise tous les impôts et, s’agissant des normes dont l’esprit est méconnu, embrasse un champ très large incluant la loi, les textes réglementaires d’application, les instructions fiscales mais aussi les conventions internationales.

La procédure de répression de l’abus de droit prévoit la possibilité de saisir le comité de l’abus de droit fiscal, appelé à statuer sur la qualification retenue par l’administration. La portée de l’avis rendu en matière de charge de la preuve a été neutralisée par la loi de finances pour 2019, cette charge incombant désormais toujours à l’administration ([299]).

Enfin, une procédure de rescrit est prévue à l’article L. 64 B du LPF. Elle permet à un contribuable de demander à l’administration de se prononcer sur une opération. En l’absence de réponse à une demande complète dans un délai de six mois, l’administration est réputée avoir validé l’opération et ne peut engager la procédure de répression de l’abus de droit.

b.   Les clauses anti-abus et le « mini-abus de droit »

Parallèlement à la répression de l’abus de droit, l’administration peut s’appuyer, pour lutter contre des pratiques abusives, sur des clauses anti-abus qui permettent d’écarter des actes et de requalifier des montages qui poursuivent une finalité fiscale principale – et non exclusive, comme c’est le cas au titre de l’abus de droit – à l’encontre de l’objectif poursuivi par cette norme.

Ces dispositifs ne sont pas automatiquement assortis de pénalités, à la différence de la répression de l’abus de droit : il s’agit de règles d’assiette et non de règles de nature répressive.

● La convention multilatérale du 7 juin 2017 pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices, élaborée dans le cadre de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), contient une clause anti-abus générale qui constitue une stipulation impérative pour les pays parties au texte.

Elle permet à une juridiction fiscale, en complétant utilement les conventions fiscales bilatérales, de refuser le bénéfice d’un avantage conventionnel si l’obtention de ce dernier était l’objectif principal ou l’un des objectifs principaux d’un montage, contre l’objet et la finalité de la convention ([300]).

● En matière d’impôt sur les sociétés, est prévue une clause anti-abus générale, consacrée à l’article 205 A du CGI.

Cette clause a été introduite par l’article 108 de la loi de finances pour 2019 précitée, qui a transposé l’article 6 de la directive du 12 juillet 2016 contre l’évasion fiscale, dite « ATAD 1 » ([301]).

Une procédure de rescrit est ouverte dans le cadre de ce dispositif, en application du 9° bis de l’article L. 80 B du LPF.

● En plus des clauses générales, existent des clauses anti-abus spécifiques propres à un régime fiscal particulier.

Ainsi, une telle clause est prévue dans le cadre du régime mère-fille européen au 3 de l’article 119 ter du CGI, qui transpose une directive européenne du 27 janvier 2015 ([302]).

Sa rédaction est quasiment identique à celle de la clause anti-abus générale de l’article 205 A précité – cette dernière s’en étant inspirée. Elle peut priver un contribuable du bénéfice du régime mère-fille – et donc de l’exonération des dividendes qu’il prévoit.

● Une clause anti-abus spécifique s’applique aussi dans le régime spécial des fusions.

Prévue au III de l’article 210‑0 A du CGI, elle constitue la transposition d’une directive européenne du 19 octobre 2009 ([303]).

Cette clause prive un contribuable du bénéfice du régime ; une procédure de rescrit est ouverte en vertu du 9° de l’article L. 80 B du LPF.

La loi de finances pour 2019 précitée, à travers son article 109, a introduit un nouvel outil appelé « mini-abus de droit », qui consiste en un nouvel étage de la procédure de répression de l’abus de droit sous la forme d’une règle d’assiette.

Ce dispositif, codifié à l’article L. 64 A du LPF et applicable aux rectifications notifiées à compter de 2021 pour des actes passés à compter de 2020, permet d’écarter des actes qui recherchent une application littérale d’une norme mais qui en méconnaissent l’objectif et ont une motivation fiscale principale.

Dans le cadre de cette nouvelle procédure, la saisine du comité de l’abus de droit fiscal est ouverte, de même que le rescrit prévu à l’article L. 64 B.

L’exclusion contestable de l’IS du champ du « mini-abus de droit »

Le « mini-abus de droit » peut être rapproché de la clause anti-abus générale en matière d’IS avec un champ plus large, s’appliquant à l’ensemble des impôts.

À cet égard, il ne paraît pas inutile de relever que, dans l’instruction fiscale commentant la nouvelle clause anti-abus générale prévue à l’article 205 A du CGI, l’administration fiscale a exclu l’IS du champ du « mini-abus de droit » (1). Or, rien dans les travaux parlementaires ne permettait de déduire une telle intention de la part du législateur.

Si, de prime abord, l’exclusion de l’IS peut apparaître sans conséquence, cet impôt faisant l’objet d’un outil dédié, elle se révèle en réalité regrettable notamment sous l’angle des garanties offertes aux contribuables. En effet, la saisine du comité de l’abus de droit fiscal n’est pas ouverte dans le cadre de la clause anti-abus, alors qu’elle l’est expressément au titre du « mini-abus de droit ».

Il serait donc opportun de modifier la doctrine fiscale, voire de consacrer dans la loi la possibilité de saisir le comité de l’abus de droit fiscal dans le cadre d’une procédure engagée sur le fondement de l’article 205 A du CGI.

(1) Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP), BOI-IS-BASE-70, § 90 (mise à jour du 3 juillet 2019)

2.   Les mécanismes de majoration d’assiette

Les dispositifs anti-abus ne constituent pas, loin de là, les seuls outils à la disposition de l’administration dans la lutte contre l’évasion fiscale. Ainsi, plusieurs mécanismes permettent de majorer l’assiette imposable d’entreprises françaises :

– le mécanisme prévu à l’article 57 du CGI contre la manipulation abusive des prix de transfert, qui désignent les prix de transactions entre entités d’un même groupe établies dans différentes juridictions fiscales ; en application de cet outil, l’assiette imposable en France peut réintégrer des bénéfices indûment transférés à l’étranger ou des charges excessives supportées en contrepartie de paiements faits au profit d’entités étrangères ;

– le mécanisme prévu à l’article 238 A du CGI, qui permet de refuser la déduction en charges des revenus passifs versés à une personne établie dans un pays à régime fiscal privilégié si leur débiteur n’établit pas que ces sommes correspondent à des opérations réelles et ne sont ni anormales ni exagérées ; un régime fiscal est qualifié de privilégié si le montant de l’impôt y est inférieur de plus de la moitié au montant de l’impôt français – et, à compter de 2020, si l’impôt étranger est inférieur d’au moins 40 % à l’impôt français ([304]) ;

– le régime des sociétés étrangères contrôlées (SEC) prévu à l’article 209 B du CGI (exception au principe de territorialité de l’IS) consistant à imposer en France les bénéfices d’une filiale étrangère contrôlée par une société française si la filiale est soumise à un régime fiscal privilégié au sens de l’article 238 A.

3.   L’encadrement de la déductibilité des charges financières

Les charges financières constituent un vecteur privilégié d’évasion fiscale dans la mesure où, étant déductibles du résultat fiscal, elles conduisent à minorer ce dernier. Dès lors, leur manipulation peut avoir pour effet une réduction artificielle et excessive de l’assiette imposable. Pour se prémunir de telles pratiques, le droit français comporte plusieurs mécanismes spécifiques.

Ces mécanismes d’encadrement des charges financières ayant fait l’objet d’une réforme d’ampleur dans la loi de finances pour 2019, qui transposait à cet effet l’article 4 de la directive « ATAD 1 » précitée, il est renvoyé au commentaire pertinent pour une présentation complète ([305]). Les mécanismes d’encadrement sont :

– l’encadrement de la déductibilité des intérêts versés par une entreprise à ses associés, prévu au 3 du 1 de l’article 39 du CGI, ou à des entreprises liées en vertu du a du I de l’article 212 du même code, consistant à plafonner le taux d’intérêt applicable ;

– l’encadrement de la déductibilité des charges financières afférentes à l’acquisition de titres de participation d’une société membre d’un groupe ou qui le devient, par une autre société membre du même groupe auprès d’une troisième société qui la contrôle ; ce dispositif, prévu au sixième alinéa de l’article 223 B du CGI et visant les opérations de « rachat à soi-même » dans le cadre de groupes fiscalement intégrés, est plus connu sous l’appellation d’« amendement Charasse » ;

– l’encadrement de la déductibilité des charges financières nettes prévu aux articles 212 bis et, pour les groupes fiscalement intégrés, 223 B bis du CGI, qui résulte de la transposition par l’article 34 de la loi de finances pour 2019 précitée de l’article 4 de la directive « ATAD 1 ».

4.   La limitation du recours aux dispositifs hybrides : un dispositif utile mais limité

● Enfin, existe un dispositif destiné à limiter le recours aux dispositifs hybrides, prévu au b du I de l’article 212 du CGI ([306]) – qui s’analyse comme un dispositif d’encadrement de la déductibilité des charges financières complémentaire à celui prévu au a du même I précédemment mentionné.

Les dispositifs hybrides sont des mécanismes qui exploitent les différences de traitement fiscal d’un instrument ou d’une entité par les législations de deux juridictions fiscales ou plus, afin d’aboutir à des asymétries fiscales conduisant à une situation de double non‑imposition, qui peut résulter d’une déduction d’un paiement sans inclusion du revenu correspondant ou d’une double déduction du paiement.

La notion étant complexe et plus large que le dispositif prévu au b du I de l’article 212 du CGI et, surtout, faisant l’objet du dispositif proposé au présent article, il est renvoyé aux développements suivants pour une présentation plus complète et pour des illustrations concrètes ([307]).

En vertu du b précité, les intérêts qu’une entreprise verse à une entreprise liée en contrepartie des sommes que cette dernière lui a laissées ou a mises à sa disposition ne sont déductibles que si l’entreprise qui perçoit les intérêts est assujettie, à raison de ceux‑ci, à un impôt dont le montant est égal à au moins 25 % de l’IS déterminé dans les conditions de droit commun et au taux normal.

En conséquence, les intérêts qui se trouvent insuffisamment imposés dans le chef de l’entreprise qui les perçoit ne sont pas déductibles du résultat de l’entreprise qui les a versés. Ce mécanisme permet ainsi de lutter contre des dispositifs hybrides en évitant une déduction d’intérêts en France assortie d’une non‑imposition ou d’une imposition insuffisante de ces intérêts par ailleurs.

● Néanmoins, la neutralisation par le droit français des asymétries résultant de dispositifs hybrides reste perfectible.

En l’état de la législation et de son interprétation prétorienne, en effet, il n’est pas permis à l’administration fiscale de refuser une déduction si la somme déduite n’est pas imposée par l’État dans lequel elle est versée, dès lors que les conditions prévues par le droit français pour procéder à la déduction sont remplies.

Ce principe a récemment été rappelé par le Conseil d’État dans une décision rendue le 13 avril 2018, laquelle précise que « la circonstance que labandon de créance consenti à une société étrangère par a mère française […] naurait fait lobjet daucune imposition dans [l’État de la filiale] nest pas de nature à remettre en cause la déductibilité de cet abandon de créance, lorsque les conditions de cette déductibilité sont réunies. » ([308])

Il est donc nécessaire d’enrichir le droit français sur cet aspect, afin de lutter le plus efficacement possible contre les asymétries fiscales résultant de dispositifs hybrides.

B.   Les travaux internationaux contre l’évasion fiscale : la lutte contre les dispositifs hybrides

Depuis 2013 à l’échelle internationale et depuis 2015 au niveau de l’Union européenne, se sont succédé de nombreuses initiatives en matière de lutte contre l’évasion fiscale. Il peut être utilement renvoyé au récent rapport de la mission d’information de la commission des finances de l’Assemblée nationale pour une présentation complète de ces mesures ([309]).

1.   Le projet « BEPS » de l’OCDE et son action n° 2 pour neutraliser les dispositifs hybrides

● Lancé en 2013 par le G20, conduit par l’OCDE et associant plus d’une centaine de pays et territoires réunis dans le « Cadre inclusif » ([310]), le projet « BEPS » (pour « base erosion and profit shifting » ([311])) s’articule autour de quinze actions destinées à renforcer la lutte internationale contre les pratiques d’évasion fiscale.

Les actions du projet « BEPS »

Les quinze actions du projet « BEPS » sont présentées ci-dessous. Celles apparaissant en gras sont considérées comme des standards minimums et à ce titre impératives pour l’ensemble des juridictions fiscales.

– action n° 1 : relever les défis fiscaux posés par l’économie numérique ;

– action n° 2 : neutraliser les effets des dispositifs hybrides ;

– action n° 3 : concevoir des règles efficaces concernant les sociétés étrangères contrôlées ;

– action n° 4 : limiter l’érosion de la base d’imposition faisant intervenir les déductions d’intérêts et d’autres frais financiers ;

 action n° 5 : lutter plus efficacement contre les pratiques fiscales dommageables, en prenant en compte la transparence et la substance ;

 action n° 6 : empêcher lutilisation abusive des conventions fiscales lorsque les circonstances ne sy prêtent pas ;

– action n° 7 : empêcher les mesures visant à éviter artificiellement le statut d’établissement stable ;

– actions n° 8 à 10 : aligner les prix de transfert calculés sur la création de valeur ;

– action n° 11 : mesure et mise en œuvre du « BEPS » ;

– action n° 12 : règles de communication obligatoire d’informations ;

 action n° 13 : documentation des prix de transfert et déclaration pays par pays ;

 action n° 14 : accroître lefficacité des mécanismes de règlement des différends ;

– action n° 15 : convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir le BEPS.

● L’action n° 2 du projet « BEPS » porte spécifiquement sur les dispositifs hybrides.

Son « Rapport final » publié en 2015 – et paru le 28 février 2017 dans sa version française – contient une série de recommandations susceptibles d’être mises en œuvre au niveau national par les différentes juridictions et fait état des modifications pouvant être apportées aux conventions fiscales, en indiquant les modalités d’enrichissement du modèle de convention fiscale de l’OCDE ([312]).

a.   Les asymétries résultant des dispositifs hybrides et les mécanismes susceptibles de les générer

● L’OCDE identifie deux catégories d’asymétries fiscales susceptibles d’être causées par les dispositifs hybrides :

– la déduction / non-inclusion (ou déduction sans inclusion), situation dans laquelle un paiement est déduit du résultat du payeur établi dans une juridiction A sans être inclus dans le résultat du bénéficiaire établi dans une juridiction B ;

– la double déduction, situation dans laquelle un paiement est non seulement déduit du résultat du payeur, mais l’est également du résultat d’une autre personne – généralement l’investisseur, détenant une participation dans le débiteur.

Illustration d’un dispositif hybride conduisant à une déduction sans inclusion :
la double qualification d’un paiement

Un exemple typique de dispositif hybride est celui résultant d’une qualification différente d’une même transaction – d’un même paiement, pour reprendre les termes de l’OCDE –, d’une part en prêt, d’autre part en participation.

● Une entreprise A, établie dans un État Y, verse une somme à sa filiale B établie dans un État Z.

La législation de l’État Y qualifie cette opération de participation, ouvrant droit à des dividendes exonérés d’impôt en application du régime mère-fille.

La législation de l’État Z, en revanche, considère que le versement est un prêt, ouvrant droit à des intérêts qui sont déductibles du résultat du payeur, ici l’entreprise B.

Il en résulte une déduction sans inclusion :

– l’entreprise B déduit de son résultat les montants versés à A en contrepartie de ce que son pays d’établissement considère être un titre de dette ;

– l’entreprise A n’inclut pas dans son résultat les montants que lui a versés B en contrepartie de ce que l’État Y considère être un titre de participation.

Il y a donc une double non-imposition.

● Ce type de montage, ici présenté de façon très simplifié, est celui que le groupe Engie aurait mis en œuvre au Luxembourg en se fondant, non sur une différence de législations de deux pays, mais sur des rescrits fiscaux accordés par l’administration luxembourgeoise et traitant la même opération de deux façons différentes. Ces rescrits ont conduit la Commission européenne, au terme d’une enquête ouverte en septembre 2016, à condamner le Luxembourg le 28 juin 2018 sur le fondement des aides d’État (1).

(1) Commission européenne, 20 juin 2018, Décision concernant l’aide d’État SA.44888 (2016/C) (ex 2016/NN) mise à exécution par le Luxembourg en faveur d’Engie (C(2018) 3839 final).

Les dispositifs hybrides peuvent prendre de nombreuses formes pour générer les asymétries recherchées, et font intervenir plusieurs mécanismes et notions. Leur typologie est vaste : environ 300 pages du rapport de l’OCDE précité sont consacrées à 80 exemples, qui ne sont au demeurant pas exhaustifs.

Il y est renvoyé pour une présentation complémentaire des dispositifs hybrides ([313]) ; seront présentées dans les développements suivants les principales notions nécessaires à l’intelligibilité du sujet – des exemples illustrés figurent par ailleurs dans les développements ultérieurs (cf. infra, 3).

● L’une des notions essentielles, et parmi les plus simples, est celle d’instrument financier, dans le cadre duquel le paiement donne lieu à l’asymétrie fiscale.

Un instrument financier, dans le contexte des dispositifs hybrides et d’après la définition qu’en donne l’OCDE, désigne tout dispositif générant un rendement financier ou de capitaux propres. Il peut donc s’agir d’un titre de dette, d’un titre de participation ou encore d’instruments financiers dérivés.

● La notion de paiement est également cardinale. Elle désigne tout versement d’argent au titre d’un instrument financier qui est susceptible d’être effectué.

Dans le cadre d’un dispositif hybride, un paiement est considéré effectué si l’obligation de paiement est établie en vertu des lois de la juridiction du payeur ou si le paiement est obtenu en vertu des lois de la juridiction du bénéficiaire du paiement.

● Certains montages entraînent des effets indirects de déduction / non‑inclusion résultant de dispositifs hybrides dits « importés ».

Ils sont la conséquence d’un paiement réalisé au profit d’un bénéficiaire établi dans une juridiction non soumise aux règles relatives aux dispositifs hybrides. L’absence de telles règles est ainsi mise à profit pour générer une asymétrie fiscale qui est ensuite importée dans la juridiction du payeur.

● Un transfert hybride repose sur le fait qu’un même paiement est considéré comme étant réalisé simultanément par plusieurs personnes, dans différentes juridictions.

L’asymétrie est consommée si chacune de ces personnes sollicite un crédit d’impôt au titre de la retenue à la source acquittée au titre du paiement ;

● Une entité hybride désigne une entité dont la qualification fiscale est différente entre deux juridictions ou plus : l’entité est fiscalement opaque dans sa juridiction de résidence, constituant ainsi une personne imposable distincte, mais elle est fiscalement transparente pour la législation d’une autre juridiction.

Une entité hybride inversée est une entité hybride considérée comme transparente par la législation de sa juridiction d’établissement – c’est alors l’autre juridiction qui la considère comme distinctement imposable.

● Un paiement hybride déductible fait intervenir un payeur hybride et conduit à une déduction par le recours à une filiale étrangère ou une entité hybride :

– soit que le payeur n’est pas résident de la juridiction dans laquelle a lieu le paiement – il est résident de la juridiction de la société mère, la dépense étant encourue par l’intermédiaire d’une filiale ;

– soit que le payeur est résident de la juridiction où le paiement a lieu, y entraînant une déduction, et qu’un investisseur établi dans une autre juridiction (celle de la société mère) bénéficie d’une double déduction si le payeur est considéré comme transparent fiscalement – entité hybride.

● Les problèmes de qualification peuvent porter sur un instrument financier, sur la qualité fiscale d’une entité mais également sur la résidence d’une entité.

Ainsi, certains dispositifs hybrides s’appuient sur les situations de double résidence fiscale.

Une entité à double résidence est considérée fiscalement comme résidente de deux juridictions – ou plus –, ce qui peut conduire à une double déduction.

L’OCDE précise qu’une personne est considérée comme résidente fiscale d’une juridiction donnée si elle peut prétendre au statut de résident dans cette juridiction ou si elle y est imposable au titre de son revenu net mondial ([314]). Il est également indiqué que l’existence d’un régime de groupe en droit interne, conduisant à traiter le groupe comme un unique contribuable et ses membres comme fiscalement transparents, ne remet pas en cause la qualité de résident fiscal de cette juridiction pour un membre du groupe aux fins d’application des mesures neutralisant les dispositifs hybrides.

● Enfin, les dispositifs hybrides peuvent se reposer sur un dispositif structuré.

Cette notion désigne un dispositif dont les termes et le prix traduisent la prise en compte de l’effet du dispositif hybride ou qui a été conçu en vue de générer une asymétrie fiscale.

Tel peut être le cas d’un dispositif commercialisé auprès de contribuables situés dans une juridiction en particulier ou d’un dispositif auquel l’adhésion n’est pas rentable en l’absence d’asymétrie. Un dispositif sera également qualifié de structuré même si chacun de ses éléments peut être économiquement justifié, lorsque sa conception globale est motivée par la volonté de générer une asymétrie fiscale.

La référence aux objectifs du dispositif peut être rapprochée des clauses anti-abus générales précédemment présentées.

b.   Des règles alternatives garantissant une réponse optimale contre les dispositifs hybrides tout en limitant les effets indésirables

● Les recommandations élaborées dans le cadre de l’OCDE proposent l’adoption de règles qui s’appliquent selon un ordre préétabli :

– une règle principale, applicable en priorité et en vertu de laquelle une juridiction refuse la déduction des sommes payées :

– une règle dite « défensive », de rang secondaire et applicable seulement si la règle principale n’a pas été mise en œuvre par la première juridiction, consistant pour l’autre juridiction :

Ces règles sont synthétisées dans le tableau suivant.

règles de neutralisation des dispositifS hybrides recommandées par l’ocde

 

Déduction / non inclusion

Double déduction

Règle principale

Refus de la déduction par la juridiction du payeur

Refus de la déduction par la juridiction de l’investisseur

Règle défensive

Inclusion par la juridiction du bénéficiaire

Refus de la déduction par la juridiction du payeur

Source : commission des finances, à partir du rapport final sur l’action n° 2 du projet « BEPS » précité.

● L’approche recommandée permet d’éviter que deux juridictions interviennent simultanément, évitant les risques de double imposition.

Elle assure également un champ d’application maximal aux réponses contre les dispositifs hybrides : même si l’une des juridictions est dépourvue d’outils, faute d’avoir transposé dans son droit les recommandations de l’OCDE, l’autre juridiction pourra agir, au titre de la règle principale ou de la règle défensive, selon sa situation.

Cette effectivité maximale explique le souhait de l’OCDE consistant à ce que chaque juridiction adopte toutes les règles recommandées, et non uniquement une partie d’entre elles ([315]).

c.   Les douze recommandations de l’OCDE

● Le rapport final de l’action n° 2 du projet « BEPS » formule douze recommandations pour faire évoluer les législations nationales des juridictions fiscales, résumées dans le tableau suivant.

Synthèse des recommandations de l’ocde contre les dispositifs hybrides

Numéro

Libellé

Compléments et précisions

1

Règle relative aux instruments financiers

Neutralisation de l’asymétrie déduction/non-inclusion :

– règle principale : refus de la déduction ;

– règle défensive : inclusion dans le revenu du bénéficiaire.

2

Recommandations spécifiques concernant le traitement fiscal des instruments financiers

Refus de l’exonération des dividendes déductibles par le payeur.
Dans le cas d’un transfert hybride, limitation du crédit d’impôt à proportion du revenu réellement perçu.

3

Règle applicable aux paiements hybrides non pris en compte

Application aux paiements déductibles dans une juridiction mais non reconnus dans l’autre juridiction :

– règle principale : refus de la déduction ;

– règle défensive : inclusion dans le revenu du contribuable.

4

Règle relative aux entités hybrides inversées

En cas de paiement en faveur d’une entité hybride inversée, refus par la juridiction du payeur de la déduction.

5

Recommandations spécifiques concernant le traitement fiscal des entités hybrides inversées

Amélioration des règles applicables aux investissements à l’étranger
Limitation de la transparence fiscale pour les investisseurs non résidents.

6

Règle applicable aux paiements hybrides déductibles

Neutralisation de la double déduction :

– règle principale : refus de la déduction par la juridiction de la société mère ;
– règle défensive : refus de la déduction par la juridiction du payeur.

7

Règle applicable au payeur ayant le statut de double résident

Chaque juridiction refuse la déduction du paiement conduisant à une double déduction.

8

Règle relative aux dispositifs hybrides importés

Refus de la déduction par la juridiction du payeur.

9

Principes de conception

Précisions sur la finalité des règles et leurs modalités de mise en œuvre.
Hiérarchisation des recommandations.

10

Définition d’un dispositif structuré

Présentation d’éléments susceptibles de conduire à la qualification de dispositif structuré.

11

Définition de personnes liées, d’un groupe sous contrôle et de l’action commune

Présentation des seuils de détention ou modalités de contrôle entre entreprises permettant de conclure à l’existence de liens.

12

Autres définitions

Précision de plusieurs termes utiles pour pleinement appréhender les autres recommandations.

Source : commission des finances, à partir du Rapport final 2015 de l’action n° 2 du projet « BEPS ».

● La recommandation n° 9 de l’OCDE, relative aux « principes de conception », précise les modalités de coordination des autres recommandations et suggère une mise en œuvre hiérarchisée, une recommandation donnée n’ayant vocation à être appliquée que si d’autres ne l’ont pas été. Il s’agit d’une logique similaire à celle portant sur les règles principale et défensive.

L’ordre de mise en œuvre préconisé par l’OCDE est le suivant ([316]) :

– d’abord la règle prévue pour les instruments financiers hybrides (recommandation n° 1), à laquelle peut être rattachée la recommandation n° 2 relative à certains types d’instruments ;

– ensuite la règle applicable aux entités hybrides inversées (recommandation n° 4), à laquelle peut être rattachée la recommandation n° 5, ainsi que les règles relatives aux paiements hybrides non pris en compte (recommandation n° 3) ;

– puis la règle applicable aux dispositifs hybrides importés (recommandation n° 8) ;

– enfin, les règles applicables aux paiements hybrides déductibles (recommandation n° 6) et aux entités à double résidence (recommandation n° 7).

L’application d’une règle de rang supérieur conduit à écarter l’application de la ou des règles de rang inférieur.

d.   Des règles ciblées sur la neutralisation des asymétries fiscales

● Les règles proposées par l’OCDE ont pour objectif la neutralisation des asymétries fiscales induites par les dispositifs hybrides, conduisant ainsi à ajuster :

– le montant des paiements admis en déduction dans la juridiction du payeur ;

– le montant des sommes devant être incluses dans le revenu imposable dans la juridiction du bénéficiaire.

Cet ajustement doit être ciblé, cest-à-dire limité à la correction de lasymétrie et donc à la neutralisation des effets de celle-ci, sans aller au-delà, et donc sans excéder le montant d’ajustement. Dans le cas contraire, en effet, s’ensuivrait une double imposition au moins partielle, situation sous-optimale.

● Autre conséquence du ciblage des mesures préconisées, leur mise en œuvre ne doit pas avoir pour effet de requalifier juridiquement le paiement.

Illustration de l’absence de requalification des paiements

Une société A établie dans une juridiction Y effectue un paiement en faveur d’une société B établie dans une juridiction Z.

Avant application des règles préconisées, la juridiction Y traite le paiement comme une contrepartie d’un titre de dette de B sur A, et donc comme un intérêt, déductible du résultat de B.

La juridiction Z, quant à elle, traite le paiement comme la contrepartie d’un titre de participation de B au sein de A, et donc comme un dividende, non intégré au résultat imposable de B car exonéré.

En résulte une asymétrie fiscale consistant en une déduction sans inclusion.

En application de la règle principale, la juridiction Y refusera la déduction du paiement. En revanche, cela n’aura pas pour effet de requalifier ce dernier en dividende.

● Selon la même logique, le ciblage ne doit pas conduire à corriger les conséquences fiscales qui résultent du statut du contribuable concerné et non de linstrument utilisé dans le dispositif hybride.

Ainsi, un contribuable ne devrait pas se voir empêcher d’inclure une charge dans le calcul de la perte ou du profit réalisé au titre d’une opération, même si à cette charge – déductible – correspond dans l’autre juridiction une non‑inclusion ou une autre déduction, dès lors que l’opération est réalisée à titre habituel dans le cadre d’une activité professionnelle. Tel est notamment le cas des négociants en valeurs mobilières, comme les courtiers et les établissements bancaires.

● Par ailleurs, une asymétrie ne résultant que d’une différence de valorisation d’un paiement ne doit pas conduire à l’application des règles préconisées. Sont notamment concernées les différences de valorisation :

– qui sont le fruit de variations de change monétaire ;

– ou qui résultent d’un emploi distinct des méthodes de valorisation des prix de transfert par chacune des deux juridictions.

● Il en va de même pour les asymétries découlant exclusivement de différences temporelles dans la prise en compte des paiements, par exemple si la juridiction du payeur inclut immédiatement dans le résultat de ce dernier le paiement effectué, qui est déductible, tandis que la juridiction du bénéficiaire n’a pas encore inclus dans le résultat de ce dernier le revenu correspondant au paiement.

Dans de telles hypothèses, l’OCDE préconise une approche en deux temps.

Si, en vertu du droit applicable, le paiement doit être inclus dans le revenu de son bénéficiaire durant une période comptable débutant dans les douze mois qui suivent la clôture de la période comptable du payeur, aucune asymétrie n’est constatée. Il s’agit donc d’une règle libératoire, excluant la mise en œuvre des règles contre les dispositifs hybrides : le paiement sera admis en déduction par la juridiction du payeur.

Si les conditions d’application de cette règle libératoire ne sont pas remplies, est prévue une clause de sauvegarde reposant sur des considérations plus factuelles. La déduction du paiement par le payeur sera en effet admise si :

– le paiement a vocation à être inclus dans le revenu de son bénéficiaire ;

– cette inclusion intervient dans un délai raisonnable, défini comme le délai dont deux parties indépendantes agissant dans un cadre de pleine concurrence pourraient convenir.

● D’une manière générale, c’est un principe de réalisme et de mesure qui guide les recommandations de l’OCDE.

2.   La directive « ATAD 1 » contre l’évasion fiscale

La directive (UE) 2011/64 du 11 juillet 2016 précitée, dite « ATAD 1 », comporte une série de dispositifs renforçant l’arsenal juridique contre les pratiques d’évasion fiscale.

Dans sa version initiale – avant sa modification ultérieure présentée infra –, elle s’appliquait aux entreprises assujetties à l’IS dans un État membre, incluant les établissements stables européens d’entités établies dans des pays tiers.

Les initiatives européennes contre l’évasion fiscale
en matière d’impôt sur les bénéfices

L’Union européenne, particulièrement depuis la communication de la Commission européenne du 17 juin 2015, a lancé de nombreuses initiatives contre l’évasion et la fraude fiscales :

– la directive « ATAD 1 » du 12 juillet 2016 (n° 2016/1164) ;

– la directive « ATAD 2 » du 29 mai 2017 concernant les dispositifs hybrides faisant intervenir des pays tiers à l’Union européenne (n° 2017/952) ;

– la directive imposant la déclaration des schémas transfrontières à risque dite « DAC 6 » du 25 mai 2018, qui vient compléter les cinq autres directives « DAC » en matière d’assistance administrative et d’échanges d’informations (n° 2018/822) ;

– la cinquième directive anti-blanchiment du 30 mai 2018 (n° 2018/843) ;

– les propositions de directive portant sur l’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (« ACCIS »), qui ont fait l’objet d’une résolution du Parlement européen le 15 mars 2018 ;

– le paquet sur la fiscalité numérique du 21 mars 2018 composé de deux propositions de directive, l’une prévoyant la création d’une taxe sur les revenus tirés de certains services numériques, l’autre la consécration de l’établissement stable virtuel – la taxe française sur les services numériques récemment créée et prévue aux articles 299 et suivants du CGI reprend la première proposition de directive ;

– la liste commune des juridictions non coopératives adoptée le 5 décembre 2017 et mise à jour depuis, transposée en droit français par la loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude précitée ;

– la proposition de directive sur la publicité de la déclaration pays par pays, adoptée par le Parlement européen le 4 juillet 2017.

● La directive « ATAD 1 » prévoit ainsi :

– à son article 4, un encadrement de la déductibilité des charges financières nettes, transposé aux articles 212 bis et 223 B bis du CGI par la loi de finances pour 2019 précitée :

– à son article 5, un mécanisme d’imposition à la sortie pour éviter le transfert de bénéfices vers des paradis fiscaux ;

– à son article 6, une clause anti-abus générale, transposée à l’article 205 A du CGI par la loi de finances pour 2019 ;

– à ses articles 7 et 8, des dispositifs relatifs aux SEC ;

– à son article 9, un mécanisme de lutte contre les dispositifs hybrides – substantiellement enrichi par la directive « ATAD 2 » (cf. infra, 3).

● Le mécanisme d’imposition à la sortie prévu à l’article 5 de la directive a pour objet de garantir qu’un État membre impose à sa juste valeur la plus-value, y compris latente, dans le cas de transferts d’actifs hors de cet État.

L’imposition à la sortie est assise sur le montant de la valeur de marché des actifs transférés au moment de leur sortie, diminué de leur valeur fiscale inscrite dans les écritures comptables.

Concrètement, ce mécanisme s’applique dans les hypothèses suivantes :

– une entreprise transfère des actifs de son siège vers un établissement stable ou de son établissement stable vers son siège ou un autre établissement stable, si le siège ou l’établissement stable de destination est situé dans une autre juridiction fiscale – autre État membre ou pays tiers – et si l’État membre d’origine est privé du droit d’imposer ces actifs après le transfert (a et b du 1 de l’article 5) ;

– une entreprise transfère sa résidence fiscale vers une autre juridiction fiscale, à l’exception d’actifs demeurant rattachés à un établissement stable situé dans l’État membre d’origine (c du 1) ;

– une entreprise transfère l’activité d’un établissement stable vers une autre juridiction fiscale, si l’État membre d’origine n’a plus le droit d’imposer les actifs après le transfert (d du 1).

Aux termes du 2 de l’article 5 de la directive, le paiement de limpôt peut être étalé sur cinq ans, en étant le cas échéant assorti d’intérêts et d’une garantie, si le transfert est fait à destination :

– d’un autre État membre ;

– ou d’un État tiers partie à l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) qui a conclu avec l’État membre d’origine ou avec l’Union européenne une convention d’assistance mutuelle en matière de recouvrement dont la portée est similaire à celle prévue par la directive 2010/24/UE du Conseil du 16 mars 2010 concernant l’assistance mutuelle en matière de recouvrement ([317]).

Ce report de paiement prend fin en cas de nouveau transfert réalisé vers un pays tiers, de cession des actifs transférés, de faillite ou de mise en liquidation de l’entreprise ou, enfin, de non-respect par l’entreprise des obligations lui incombant au titre de l’échelonnement.

● L’article 9 relatif à la lutte contre les dispositifs hybrides était, dans la rédaction initiale de la directive « ATAD 1 », relativement minimaliste : il se bornait à fixer les règles applicables en cas de double déduction ou de déduction sans inclusion :

– dans l’hypothèse d’une double déduction, seul l’État membre d’origine du paiement accordait la déduction – cela correspond à la règle principale proposée par l’OCDE dans sa recommandation n° 6 ;

– dans l’hypothèse d’une déduction sans inclusion, l’État membre du contribuable refusait la déduction – cela correspond à la règle principale proposée par l’OCDE dans ses recommandations n°s 1 et 3.

3.   La directive « ATAD 2 » contre les dispositifs hybrides

La directive « ATAD 2 » du 29 mai 2017 ([318]) a substantiellement modifié la directive « ATAD 1 » en procédant à une refonte des règles applicables en matière de dispositifs hybrides. L’essentiel des modifications consistent :

– en une extension du champ d’application de la directive « ATAD 1 » par le 1) de l’article premier de la nouvelle directive, afin d’y inclure les entités fiscalement transparentes en vertu de la législation d’un État membre, ce qui permet d’appréhender les dispositifs hybrides inversés ;

– en un enrichissement considérable des définitions et notions figurant à l’article 2 de la directive « ATAD 1 » par le 2) de l’article premier, incluant notamment :

– une réécriture complète de l’article 9 de la directive « ATAD 1 » et le complément de cette dernière par deux nouveaux articles 9 bis et 9 ter :

D’une manière générale, les notions et les règles prévues par la directive « ATAD 2 » correspondent à celles figurant dans le rapport final de l’action n° 2 de l’OCDE. La directive renvoie d’ailleurs à ce document, en invitant les États membres à utiliser les nombreux exemples qui s’y trouvent pour la mettre en œuvre ([319]).

a.   Les dispositifs hybrides au sens de la directive « ATAD 2 »

Ainsi qu’il vient d’être dit, la notion de dispositifs hybrides au sens de la directive reprend celle prévue par l’OCDE.

À titre liminaire et en application du 9) de l’article 2 de la directive « ATAD 1 » modifiée, une asymétrie au sens de la directive « ATAD 2 » – qu’il s’agisse d’une double déduction ou d’une déduction sans inclusion – nemporte la qualification de dispositif hybride que si elle survient entre des entités liées, telles que des entreprises liées, un siège et son établissement stable ou plusieurs établissements stables de la même entité.

En outre, des exceptions ciblées sont prévues au titre de certaines hypothèses de dispositif potentiellement hybride.

Quatre catégories de dispositifs hybrides effectifs sont prévues, résumées dans le tableau ci-dessous qui renvoie aux hypothèses figurant dans les développements suivants, chaque hypothèse étant rattachée à un type de dispositif hybride.

Typologie des dispositifs hybrides dans la directive « ATAD 2 »

Catégorie de dispositifs hybrides

Type de dispositifs hybrides

Déduction sans inclusion :

différence de qualification d’instruments financiers

Hypothèse A

Déduction sans inclusion :

différence d’attribution des paiements effectués à une entité hybride ou à un établissement stable

Hypothèses B, C et D

Déduction sans inclusion :

paiements effectués ou réputés effectués par une entité hybride

Hypothèses E et F

Double déduction

Hypothèse G

Source : commission des finances

Six hypothèses de dispositifs hybrides conduisant à une déduction sans inclusion sont prévues.

● En premier lieu (hypothèse A), et aux termes du a du 9) de la nouvelle rédaction de l’article 2 de la directive « ATAD 1 », est concerné le paiement effectué au titre d’un instrument financier qui donne lieu à une déduction sans inclusion en raison de divergences dans la qualification de linstrument financier.

L’absence d’inclusion couvre le défaut d’inclusion du paiement dans un délai raisonnable. Cette notion d’inclusion dans un délai raisonnable au sens de la directive renvoie aux recommandations de l’OCDE et exclut la qualification de dispositif hybride si le paiement :

– est inclus dans le revenu du bénéficiaire pendant une période d’imposition débutant dans les douze mois suivant la fin de la période d’imposition du payeur ;

– ou s’il a vocation à être inclus, selon des modalités correspondant à celles prévues dans la clause de sauvegarde de l’OCDE précédemment mentionnée.

Illustration d’une déduction sans inclusion résultant
d’une différence de qualification d’un instrument financier (hypothèse A)

Le schéma ci-après illustre un dispositif hybride relevant de l’hypothèse A qui vient d’être présentée.

La société B effectue au profit de la société A à laquelle elle est liée un paiement au titre d’un instrument financier.

Ce dernier est qualifié de titre de participation dans l’État A, ouvrant droit à dividendes exonérés, et de prêt dans l’État B, donnant lieu à déduction des intérêts dans cet État.

La société B déduit donc le paiement de son résultat, et le montant correspondant n’est pas inclus dans le résultat de A au titre de l’exonération prévue par le régime mère-fille.

Source : commission des finances.

La directive prévoit l’exclusion de la qualification de dispositif hybride si le paiement en cause représente le rendement sous-jacent d’un instrument financier transféré et qu’il est effectué par un négociant financier dans le cadre d’un transfert hybride fait au titre de ses activités habituelles, sous réserve que la juridiction du payeur exige du négociant l’inclusion dans ses revenus des montants reçus en rapport avec l’instrument.

Pour mémoire, un transfert hybride correspond à un dispositif dans lequel un instrument financier est transféré et que le rendement sous-jacent de cet instrument est considéré comme obtenu de façon simultanée par plusieurs parties au dispositif, c’est-à-dire – pour reprendre la définition donnée par l’OCDE ([320]) – que les différences de législations entre juridictions conduisent à attribuer la propriété du sous-jacent à plusieurs personnes.

● En deuxième lieu (hypothèse B), en vertu du b du même 9), est visé le paiement en faveur dune entité hybride donnant lieu à déduction sans inclusion en raison d’une différence dans l’attribution du paiement qui résulte d’une différence dans le traitement fiscal de l’entité :

– le paiement est déductible du résultat du payeur ;

– il n’est pas inclus dans la juridiction d’établissement de l’entité bénéficiaire, qui y est considérée comme fiscalement transparente ;

– il n’est pas non plus inclus dans la ou les juridictions des investisseurs détenant des participations dans l’entité, cette dernière étant considérée comme fiscalement opaque.

Illustration d’une déduction sans inclusion résultant
d’un paiement en faveur d’une entité hybride inversée (hypothèse B)

Le schéma suivant illustre l’asymétrie prévue à l’hypothèse B, reposant sur un paiement effectué à une entité hybride inversée dans une configuration associant trois sociétés liées A, B et C, établies respectivement dans les États A, B et C.

La société C effectue un paiement à la société B, qui est une entité hybride inversée : la société B est transparente au regard de la législation de son État d’établissement, mais opaque pour l’État A, où se trouve la société A qui détient B.

C déduit le montant du paiement, mais ce dernier n’est pas inclus dans le résultat de B, puisque cette société est fiscalement transparente pour l’État B, et il n’est pas non plus inclus dans le résultat de A, la société B étant au regard de la législation de l’État A une personne imposable distincte.

Source : commission des finances.

● En troisième lieu (hypothèse C), en vertu du c du même 9), est un dispositif hybride un paiement en faveur d’une entité qui dispose d’établissements stables, s’il conduit à une déduction sans inclusion en raison d’une différence dans lattribution des paiements entre le siège et les établissements stables ou entre ces derniers.

Illustration d’une déduction sans inclusion résultant d’une différence
dans l’attribution des paiements entre le siège et un établissement stable
(hypothèse C)

La société A détient les sociétés B et D, chacune étant établie dans un État différent A, B et D. La société B dispose dans l’État C d’un établissement stable ES.

La société B accorde à la société D une licence portant sur des droits de propriété intellectuelle. La redevance que la société D verse en contrepartie de la licence est, aux termes de la législation du pays B, considérée comme étant payée à ES, dans l’État C.

Cet État C, lui, a des règles différentes d’attribution de la redevance qu’il ne considère pas comme étant payée à ES.

La redevance est donc déduite du résultat de D mais n’est imposée ni dans celui de la société B, ni dans celui de ES, en vertu de la législation respective de leur pays d’établissement.

Source : commission des finances.

● En quatrième lieu (hypothèse D), le d du 9) traite des déductions sans inclusions résultant d’un paiement en faveur dun établissement stable non pris en compte, cette absence de prise en compte résultant d’une différence de qualification de létablissement stable : il est reconnu comme tel par la juridiction du siège, mais pas par l’autre juridiction.

Illustration d’une déduction sans inclusion résultant
d’une différence de qualification d’un établissement stable (hypothèse D)

La société A détient les sociétés B et D, chacune étant établie dans un État différent A, B et D.

La société B dispose dans l’État C d’un établissement stable ES, cette qualification d’établissement stable n’est pas reconnue par la législation de l’État C.

La société B accorde à la société D une licence sur un brevet. La redevance que la société D verse en contrepartie de la licence est, aux termes de la législation du pays B, considérée comme étant payée à ES, dans l’État C.

La redevance est donc déduite du résultat de D, et n’est pas incluse dans le résultat de la société B, l’État B considérant que le paiement est fait à ES.

Elle n’est pas non plus incluse dans le résultat de ES, l’État C considérant que celui-ci ne constitue pas un établissement stable.

Source : commission des finances.

● En cinquième lieu (hypothèse E), constitue un dispositif hybride en vertu du e du même 9) le paiement effectué par une entité hybride s’il donne lieu à une déduction sans inclusion du fait d’une absence de prise en compte du paiement par la juridiction du bénéficiaire.

Pour mémoire, un paiement non pris en compte est déductible dans la juridiction du payeur mais n’est pas reconnu dans celle du bénéficiaire en raison d’une différence dans le traitement fiscal du payeur – situation correspondant à la qualité de payeur hybride au sens de la recommandation n° 3 de l’OCDE.

La qualification de dispositif hybride est en revanche exclue si la déduction permise par la juridiction du payeur porte sur un revenu soumis à double inclusion – c’est-à-dire un revenu inclus en vertu de la législation des deux juridictions. Cette exclusion est logique : la double inclusion du revenu assure l’imposition du montant déduit par le payeur, éliminant l’asymétrie.

Illustration d’une déduction sans inclusion résultant
d’un paiement effectué par une entité hybride (hypothèse E)

La société B, établie dans l’État B et entièrement détenue par la société A établie dans l’État A, contracte un emprunt auprès de cette société.

La société B est une entité hybride : elle est fiscalement transparente au regard de la législation de l’État A mais constitue une personne imposable distincte pour sa juridiction d’établissement, l’État B.

Les intérêts versés au titre de l’emprunt sont déductibles du résultat de B, société fiscalement opaque aux termes du droit de l’État B.

En revanche, ils ne sont pas inclus dans le résultat de la société A, l’État A considérant la société B comme transparente.

Source : commission des finances.

● En sixième lieu (hypothèse F), le f du 9) qualifie de dispositif hybride le paiement réputé effectué entre le siège et un établissement stable ou entre deux établissements stables aboutissant à une déduction sans inclusion en raison de l’absence de prise en compte du paiement par la juridiction du bénéficiaire, qui résulte d’une différence dattribution du paiement :

– le paiement est déduit du résultat du payeur ;

– il n’est pas inclus dans celui de son bénéficiaire situé dans une autre juridiction.

Un paiement « réputé effectué » entre un siège et son établissement stable ou entre deux établissements stables est un paiement notionnel, c’est-à-dire qu’il n’est réalisé qu’à des fins fiscales : il n’implique pas l’apparition de droits économiques entre les parties à l’opération et ne correspondant à aucun transfert de valeur.

L’exception prévue dans l’hypothèse E l’est également ici : la qualification de dispositif hybride sera exclue si l’imputation du paiement se fait sur un revenu soumis à double inclusion.

Illustration d’une déduction sans inclusion résultant d’un paiement réputé effectué par un établissement stable à son siège (hypothèse F)

Les sociétés A1 et A2, établies dans lÉtat A, constituent un groupe consolidé dont le régime fiscal conduit à labsence de prise en compte à des fins fiscales des paiements entre membres du groupe.

La société A2 dispose d’un établissement stable ES dans l’État B. Elle emprunte auprès de A1 afin d’octroyer un prêt sans intérêt à ES. La législation de l’État B permet de réclamer une déduction comme si des intérêts avaient été versés au taux du marché (« intérêts notionnels »).

Les intérêts versés par ES au groupe constitué de A1 et A2 sont donc déductibles du résultat de ES. En revanche, ils ne sont pas comptabilisés, et donc non inclus, par la législation de l’État A, dans la mesure où le prêt est en réalité sans intérêt.

Source : commission des finances.

 

La double déduction (hypothèse G) figure au g du 9) de l’article 2 modifié de la directive « ATAD 1 ».

Illustration d’une double déduction
résultant d’un paiement fait par une entité hybride (hypothèse G)

Les quatre sociétés A, B, C et D sont liées. Les sociétés A et C établies dans l’État A forment un groupe consolidé.

La société C est une entité hybride : elle est fiscalement opaque en vertu de la législation de l’État A, mais transparente pour la législation de l’État B, où est établie la société B.

La société C emprunte auprès de la société D, et lui verse des intérêts. Elle ne réalise aucun autre revenu ni aucune autre dépense.

Les intérêts versés par C sont déductibles dans l’État A, où cette société est une personne imposable distincte, et imputable sur le résultat d’ensemble du groupe formé par C et A, diminuant ce résultat.

Ces intérêts sont également déductibles dans l’État B, pour lequel C est transparente et dont la législation attribue la quote-part de résultat de C à la société B : le résultat de cette dernière est également minoré des intérêts versés par C.

Source : commission des finances.

Si le revenu sur lequel la juridiction du payeur autorise l’imputation est soumis à double inclusion, la qualification de dispositif hybride est en revanche exclue.

b.   Les règles de neutralisation des asymétries fiscales prévues par la directive « ATAD 2 »

● Les règles prévues pour neutraliser les asymétries sont, comme les qualifications de dispositifs hybrides et la définition des notions, inspirées – ou en tout état de cause voisines – de celles prévues par l’OCDE.

Elles figurent à l’article 9 de la directive « ATAD 1 » réécrit par le 4) de l’article premier de la directive « ATAD 2 ». Ainsi qu’il a été vu, cet article 9 ne prévoyait qu’un type de règle pour chacune des deux configurations d’asymétries, double déduction et déduction sans inclusion, à savoir la règle principale recommandée par l’OCDE.

Désormais, le dispositif est enrichi de la règle défensive, conduisant à prévoir les modalités de neutralisation indiquées dans le tableau suivant. Pour mémoire, la règle défensive ne s’applique que si la règle principale n’est pas mise en œuvre.

modalités de neutralisation des asymétries
résultant de dispositifs hybrides prévues par la directive « atad 2 »

 

Règle principale

Règle défensive

Règle

Fondement

Règle

Fondement

Déduction sans inclusion

Déduction refusée dans la juridiction du payeur

Art. 9, 2, a

Inclusion dans la juridiction du bénéficiaire

Art. 9, 2, b

Double déduction

Déduction exclue dans la juridiction de l’investisseur

Art. 9, 1, a

Déduction exclue dans la juridiction du payeur

Art. 9, 1, b

Source : commission des finances.

● En outre, et aux termes du 3 de l’article 9, est exclue la déduction d’un paiement qui compense des dépenses déductibles, donnant lieu à un dispositif hybride :

– dans le cadre de transactions entre entreprises liées ;

– ou dans le cadre d’un dispositif structuré – c’est-à-dire, pour mémoire, qui intègre la valorisation résultant de l’asymétrie ou qui a été conçu pour générer un dispositif hybride.

Cette configuration correspond aux asymétries importées, qui transfèrent vers un État membre les effets dun dispositif hybride entre des entités situées dans des pays tiers.

Illustration de l’asymétrie résultant d’un dispositif hybride importé

Les sociétés A, B et C sont des entreprises liées et sont respectivement établies dans les États A, B et C.

La société A est une entité hybride : elle est fiscalement opaque en vertu de la législation de sa juridiction mais est considérée comme étant transparente par l’État B.

Les sociétés A et C empruntent chacune auprès de la société B, et lui versent donc des intérêts déductibles de leur résultat.

Les intérêts déduits par C sont inclus dans le résultat de B.

En revanche, ceux déduits par A, entité hybride, ne le sont pas – la configuration est identique à celle de l’hypothèse E précédemment mentionnée.

Dès lors, les intérêts versés par C sont compensés par la déduction résultant du dispositif hybride A–B, générant un effet indirect de déduction sans inclusion.

Source : commission des finances.

Une exception à cette exclusion de déduction est toutefois prévue lorsque l’une des juridictions concernées par les transactions a procédé à un ajustement équivalent vis-à-vis du dispositif hybride – cette exception est logique dans la mesure où, dans une telle situation, l’asymétrie a disparu. La notion d’équivalence de l’ajustement devrait conduire à ce que la déduction ne soit admise qu’à concurrence de l’ajustement : si la neutralisation qui en résulte n’est que partielle, il en ira de même pour la déduction.

● Enfin, la directive offre aux États membres la possibilité dexclure certains dispositifs hybrides du champ dapplication des règles prévues dans le cadre d’une déduction sans inclusion, ainsi qu’en dispose le 4 de l’article 9 modifié.

En premier lieu, la règle défensive – à savoir l’inclusion dans la juridiction du bénéficiaire – peut ne pas s’appliquer aux hypothèses B, C, D ou F précédemment évoquées.

En second lieu, les deux règles – principale et défensive – peuvent être écartées pour les dispositifs hybrides correspondant à des instruments financiers intragroupe émis par le secteur bancaire dans l’unique objectif de satisfaire aux exigences en matière de capacité d’absorption des pertes.

Cette seconde hypothèse d’exclusion n’est applicable que jusqu’au 31 décembre 2022. D’après les informations obtenues par le Rapporteur général, ce dispositif transitoire, fruit de négociations lors de l’élaboration de la directive, concernait essentiellement à l’époque des filiales britanniques liées à leurs sociétés mères, des banques étrangères et notamment américaines, par des dispositifs hybrides.

c.   La neutralisation des dispositifs hybrides inversés

● Le nouvel article 9 bis de la directive « ATAD 1 », introduit par le 5) de l’article premier de la directive « ATAD 2 », porte spécifiquement sur les dispositifs hybrides inversés et prévoit de qualifier une entité hybride de résidente dun État membre. Pour mémoire, une entité hybride inversée est fiscalement transparente en vertu de la législation de sa juridiction d’établissement, et considérée comme une personne imposable distincte par l’autre juridiction.

Il s’agit concrètement de la mise en œuvre du second volet de la recommandation n° 5 de l’OCDE relative aux entités hybrides inversées, « Limiter la transparence fiscale pour les investisseurs non résidents », dans le cadre de laquelle l’OCDE suggère à la juridiction d’établissement de l’entité hybride inversée de renoncer à ses règles relatives à la transparence fiscale de l’entité ([321]). Cela explique la précision apportée par la directive « ATAD 2 » à l’article premier de la directive « ATAD 1 », étendant l’application de l’article 9 bis aux entités fiscalement transparentes.

● Le dispositif prévu au 1 de l’article 9 bis s’applique dans l’hypothèse où une entité hybride établie dans l’État membre en question est contrôlée par plusieurs entités associées non résidentes de cet État et qui sont établies dans une ou plusieurs juridictions pour lesquelles l’entité hybride est une personne imposable. Le contrôle est satisfait lorsque les entités associées détiennent au moins 50 % des droits de vote ou de participation dans l’entité hybride.

La qualité de résidente de l’État membre conduit ce dernier à imposer les revenus de l’entité hybride s’ils ne sont pas imposés par ailleurs.

Ce mécanisme permet d’éviter l’asymétrie résultant du fait que l’État où l’entité est établie qualifie celle-ci de fiscalement transparente et conduisant à ce que :

– les revenus de l’entité hybride ne soient pas imposés dans cet État ;

– ils ne le soient pas non plus dans la ou les juridictions où se trouvent les entités de contrôle, ces juridictions considérant l’entité hybride comme une personne opaque fiscalement et donc imposable dans sa juridiction d’établissement.

Concrètement, cette situation correspond à l’hypothèse B précédemment présentée, et l’État membre concerné par la règle prévue à l’article 9 bis est l’État B du schéma illustrant cette hypothèse.

● Le 2 de l’article 9 bis exclut l’application du 1 à l’égard des organismes de placement collectif (OPC), s’il s’agit d’OPC à participation large, dotés d’un portefeuille de titres diversifiés et dont les preneurs de parts font l’objet de règles de protection.

Cette exclusion relative aux OPC résulte de la nature de ces organismes et de leur mode de fonctionnement. Les OPC sont en effet souvent exonérés et fiscalement transparents : si les règles de neutralisation des asymétries s’appliquaient à eux, cela supposerait de rechercher tous les preneurs de parts de l’OPC et, en tout état de cause, une telle application se révélerait excessive – surtout compte tenu de l’encadrement dans la définition des OPC.

d.   La neutralisation des asymétries liées à une double résidence fiscale

● Le 5) de l’article premier de la directive « ATAD 2 » introduit dans la directive « ATAD 1 » un nouvel article 9 ter dédié au traitement des asymétries de résidence fiscale.

Cet article 9 ter vise à neutraliser la double déduction qui résulterait de l’hypothèse dans laquelle une même entreprise est résidente fiscale de plusieurs juridictions fiscales et que chacune d’elles – ou au moins deux – autorise la déduction d’un paiement.

Illustration d’une double déduction résultant d’une double résidence fiscale

Les sociétés A, B et C sont des sociétés liées.

La société A, établie dans l’État A, détient intégralement la société C avec laquelle elle forme un groupe consolidé. Cette société C est double résidente, à la fois de l’État A et de l’État B.

La société B, établie dans l’État B, est une entité hybride inversée, donc considérée comme fiscalement transparente par l’État B et comme une personne imposable distincte par l’État A.

La société à double résidence C emprunte auprès d’une banque et verse à cette dernière des intérêts. Elle ne réalise par ailleurs aucun revenu ni aucune autre dépense.

Les intérêts sont déductibles dans les deux États A et B. Ils s’imputent sur le résultat du groupe formé par A et C, diminuant celui-ci. Dans l’État B, le revenu de la société B est considéré comme perçu par C – en raison de la transparence fiscale de la société B pour cette juridiction – et il est donc lui aussi diminué des intérêts versés par C.

Source : commission des finances.

● Deux situations doivent être distinguées s’agissant de la mise en œuvre de la règle neutralisant l’asymétrie résultant d’une double résidence :

– si, parmi ces juridictions, une seule est un État membre, ce dernier refuse la déduction ;

– si deux juridictions sont des États membres, il est renvoyé à la convention visant à prévenir la double imposition conclue entre ces États pour identifier celui des deux dans lequel, en vertu des stipulations conventionnelles, l’entreprise n’est pas réputée être résidente : il appartiendra à cet État de refuser la déduction.

e.   Une directive devant être applicable dès 2020

Les modifications introduites par la directive « ATAD 2 » doivent recevoir de la part des États membres une application prochaine, ainsi qu’il ressort de son article 2.

En vertu des dispositions combinées des 1 et 3 de cet article 2, la transposition doit en effet intervenir au plus tard :

– au 31 décembre 2019 pour permettre une application dès le 1er janvier 2020, pour l’ensemble du texte à l’exception de l’article 9 bis ;

– au 31 décembre 2021, pour une application dès le 1er janvier 2022, pour le mécanisme de lutte contre les dispositifs hybrides inversés prévu à l’article 9 bis de la directive.

II.   Le dispositif proposé

Le présent article transpose en droit français les mécanismes de lutte contre les dispositifs hybrides prévus par la directive « ATAD 2 » et poursuit la transposition de la directive « ATAD 1 » engagée dans la loi de finances pour 2019 précitée. Son impact budgétaire n’est pas chiffrable en l’état.

A.   La transposition des directives « ATAD 1 » et « ATAD 2 » en droit français

L’essentiel du présent article consiste en la transposition de la directive « ATAD 2 » sur les dispositifs hybrides. La poursuite de la transposition de la directive « ATAD 1 » est beaucoup plus ciblée.

1.   L’enrichissement du droit français d’un corpus complet de règles contre les dispositifs hybrides

Le présent article transpose la directive « ATAD 2 » à travers trois nouveaux articles 205 B, 205 C et 205 D du CGI introduits par le A de son I. Il procède également à des coordinations aux B et C du même I.

De façon synthétique, la réponse proposée ne consiste pas en des règles spéciales, chacune propre à un type de dispositif hybride, mais en une règle d’application générale qui concernera ainsi tous les contribuables à l’IS et pourra appréhender l’ensemble des montages, y compris futurs.

Le tableau suivant fait état de la correspondance générale entre la directive et les nouveaux articles du CGI.

Correspondance générale entre la directive « ATAD 1 »
modifiée par la directive « ATAD 2 » et le dispositif proposé

Contenu

Directive « ATAD 1 » modifié par la directive « ATAD 2 »

Dispositif proposé dans le CGI

Champ d’application

Articles premier et 2, 4)

Article 205 B, I, 7 et II, 2

Définitions

Article 2

Article 205 B, I, 1 à 16

Typologie des dispositifs hybrides

Article 2

Article 205 B, I, 1

Règles applicables

Article 9

Article 205 B, III

Dispositifs hybrides inversés

Article 9 bis

Article 205 C

Asymétries liées à la résidence fiscale (double résidence)

Article 9 ter

Article 205 D

Source : commission des finances.

a.   Une application aux asymétries survenant au sein de groupes

La directive « ATAD 2 » prévoit que ses dispositions, qui ne s’appliquent pas aux seules entités européennes, ne portent que sur les asymétries survenant entre entreprises associées, les règles contre les dispositifs hybrides visant les opérations d’entités d’un même groupe.

Ce champ d’application est repris par le dispositif proposé, qu’il s’agisse de son périmètre territorial ou du champ de qualification des dispositifs hybrides.

Les nouvelles règles prévues par la directive et transposées par le présent article s’appliqueront aux asymétries résultant des divergences des législations des États membres dans lesquels des entreprises sont établies, mais aussi de celles résultant de législations de juridictions fiscales extérieures à lUnion européenne.

● Ce périmètre résulte de la définition de la notion d’établissement prévue au 7 du I du nouvel article 205 B du CGI : l’établissement est défini, s’agissant du droit français, par renvoi au I de l’article 209 du CGI et, pour les autres formes d’établissements, par renvoi à une telle qualification donnée par l’État dans lequel l’un de ces établissements se trouve, par celui dans lequel le siège dont il dépend se situe ou, enfin, par les conventions fiscales.

● Il y a lieu de relever que la mention « établissement au sens du I de l’article 209 » du CGI paraît perfectible. En effet, ce I ne fait nullement mention du terme « établissement ». Ce dernier semble donc devoir être interprété comme correspondant aux « entreprises exploitées en France », notion figurant à ce I et qui recouvre l’exercice habituel d’une activité en France :

– dans le cadre d’un établissement autonome ;

– ou, à défaut, par l’intermédiaire de représentants sans personnalité indépendante ;

– ou qui résulte de la réalisation d’opérations formant un cycle commercial complet, c’est-à-dire celles constituant un tout cohérent et dirigées vers un but déterminé.

À l’aune de ces considérations, une amélioration sémantique permettrait d’éviter toute confusion résultant d’un renvoi à une notion formellement absente ou, pire, qui pourrait être restrictivement interprétée comme ne visant que l’établissement autonome.

● Le dispositif proposé reprend l’exigence selon laquelle, pour que les nouvelles règles s’appliquent, les asymétries doivent survenir entre membres dun même groupe.

Cette exigence est formellement traduite au 2 du II du nouvel article 205 B du CGI. Aux termes de ce 2, en effet, la qualification de dispositif hybride, pour l’application des mesures prévues, suppose que l’asymétrie intervienne :

– entre un contribuable et une entreprise associée ;

– entre plusieurs entreprises associées d’un même contribuable ;

– entre un siège et son établissement ;

– entre plusieurs établissements relevant de la même entité.

● Une exception à l’exigence d’association ou de lien est prévue vis-à-vis des dispositifs structurés, ce qui est cohérent : ces dispositifs font intervenir des tiers au groupe, tels qu’un prêteur dans le cadre d’un emprunt ([322]). Cette exception figure d’ailleurs aussi dans la directive.

La notion dentreprise associée

● La notion d’entreprise associée d’un contribuable est définie au 16 du I du nouvel article 205 B du CGI, et vise les situations :

– d’une filiale ou succursale du contribuable, c’est-à-dire une entité contrôlée par le contribuable. Ce contrôle est acquis si le contribuable détient au moins 50 % du capital, des droits de vote ou des droits aux bénéfices (a du 16) ;

– d’une société mère du contribuable, c’est-à-dire une personne qui contrôle le contribuable, selon les mêmes modalités (b du 16) ;

– d’une société sœur, définie comme une entité dont au moins 50 % du capital ou des droits de vote sont détenus par une personne détenant au moins 50 % du capital ou des droits de vote du contribuable : l’entité et le contribuable sont contrôlés par la même personne (c du 16).

Le seuil de détention de 50 % est, en vertu du dernier alinéa du 16, ramené à 25 % dans le cadre des dispositifs hybrides relevant des hypothèses prévues aux a et f du 1 du I, c’est-à-dire en cas de différence de qualification d’un instrument financier ou d’un paiement réputé effectué par un établissement stable à son siège.

Cet abaissement du seuil est également prévu par la directive « ATAD 1 » modifiée, mais sous une forme inversée : le 4 de son article 2, qui définit la notion d’entreprise associée, prévoit un taux de détention minimale de 25 %, majorée à 50 % pour les hypothèses autres que celles prévues par la directive correspondant aux a et f du 1 du I de l’article 205 B.

● En vertu du d du même 16, une entreprise est également associée si :

– elle est membre du groupe consolidé auquel le contribuable appartient, la notion de groupe consolidé étant celle prévue au VI de l’article 212 bis du CGI relatif au plafonnement de la déductibilité des charges financières nettes, ce qui vise les groupes constitués d’entreprises françaises et étrangères dont les comptes sont consolidés :

– elle exerce sur le contribuable une influence notable ou le contribuable exerce sur elle une telle influence. L’influence notable, en vertu du second alinéa de l’article L. 233‑17‑2 du code de commerce, est présumée en cas de détention d’au moins 20 % des droits de vote.

b.   Une transposition des notions pertinentes qui s’écarte relativement peu de la directive

Les I et II du nouvel article 205 B du CGI définissent les notions pertinentes pour l’appréhension des dispositifs hybrides et la typologie de ceux-ci.

Les notions définies au 2 à 16 du I du nouvel article 205 B correspondent à celles figurant dans la directive « ATAD 2 », qui reprend elle-même les définitions proposées par l’OCDE.

Il y a cependant des différences entre les deux textes : l’article 205 B contient des définitions absentes de la directive ou, parfois, qui semblent s’écarter marginalement de celles qui y figurent. À l’inverse, certaines définitions figurant dans la directive ne sont pas reprises dans le dispositif proposé. Seules ces différences seront étudiées ci-après, un tableau de correspondance des définitions résumant ensuite la transposition réalisée.

En premier lieu, certaines notions définies dans la directive ne sont pas reprises à l’article 205 B du CGI :

– la « déduction sans inclusion », consacrée au c des définitions mentionnées au 9) de l’article 2 de la directive « ATAD 1 » modifiée, n’est pas expressément définie dans la mesure où, à travers la typologie des dispositifs hybrides mentionnée aux a à f du 1 du I de l’article 205 B du CGI, elle est présentée sans ambiguïté. Il aurait été ainsi redondant de l’inclure ;

– les termes de « déduction » et de « revenu soumis à double inclusion », définis aux d et g du 9) de l’article 2 de la directive, ne sont pas non plus repris, ne présentant pas de difficulté particulière pour l’intelligibilité du dispositif proposé ;

– la notion d’« établissement stable non pris en compte » définie au n du 9) de l’article 2 de la directive est couverte par la définition de l’établissement prévue au 7 du I de l’article 205 B du CGI.

En deuxième lieu, le I de larticle 205 B définit, en reprenant les termes de l’OCDE, cinq notions qui ne figurent pas dans la directive ou qui n’y sont pas expressément définies :

– la notion de « paiement » est précisée, ce qui est opportun. En effet, si le terme paraît évident, une subtilité par rapport à son acception commune militait pour une définition législative. Le paiement est défini par le 2 du I de larticle 205 B du CGI comme le « droit à un transfert de valeur associé à un montant susceptible dêtre payé. » Cette définition correspond aux préconisations de l’OCDE et permet d’inclure non seulement les paiements effectifs constatés, mais aussi les engagements pris au titre d’obligations futures ou conditionnelles ([323]) ;

– la notion de « débiteur » est elle aussi précisée, au 5 du même I, visant la personne tenue d’effectuer un paiement au sens du dispositif proposé – cela correspond à la notion de « payeur » dans la directive. Cet ajout permet une coordination utile et renforce l’intelligibilité du dispositif ;

– la « résidence » est également définie au 4 du même I, comme étant le lieu où une personne est considérée comme ayant son siège ou son domicile fiscal ;

– le 6 du I définit la notion d’« investisseur » en la liant aux dispositifs hybrides conduisant à une double déduction : est un investisseur une personne qui bénéficie d’une déduction dans le cadre d’une double déduction, et qui n’est pas le débiteur du paiement ;

– enfin, et ainsi qu’il a été vu, le 7 du I définit la notion d’« établissement » en renvoyant à l’acception nationale, française ou de l’autre juridiction concernée, et aux conventions fiscales.

En troisième lieu, certaines définitions sécartent, ou semblent sécarter, du contenu de la directive – ces différences revêtent un caractère relativement marginal au regard de l’économie générale du dispositif transposé.

● Tel est, d’une part, le cas pour la notion d’« inclusion » prévue au 8 du I du nouvel article 205 B du CGI – qui intègre également la définition de l’« allégement fiscal » figurant dans la directive.

La définition proposée prévoit bien que l’inclusion est subordonnée à l’absence d’allégement fiscal au titre du paiement, et intègre également une dimension temporelle qui figure dans la directive et dans les recommandations de l’OCDE : le revenu associé au paiement doit être inclus au cours d’un exercice démarrant durant une période donnée qui suit la fin de l’exercice au titre duquel le débiteur du paiement a inscrit ce dernier en déduction.

Cependant, ainsi qu’il a été vu, la période visée est, dans la directive et pour l’OCDE, de douze mois. Dans le dispositif proposé, elle est de vingt-quatre mois, soit le double.

Cette différence de durée paraît résulter d’une différence d’approche dans la définition de l’inclusion. Dans le cadre de la directive et pour l’OCDE, en effet, l’inclusion est consommée si elle intervient dans la période susmentionnée ou, à défaut, s’il est raisonnable de penser que l’inclusion aura lieu au cours d’un exercice ultérieur.

La période de vingt-quatre mois couvre ainsi à la fois la période de douze mois définie par la directive, mais aussi l’exercice ultérieur. Le dispositif proposé pourrait être vu comme plus souple que celui de la directive, en ouvrant une période d’inclusion plus étendue. Cependant, le choix opéré traduit un souci de sécurité juridique opportun : l’expression « il est raisonnable de penser » n’est pas précise, et pourrait laisser place à des interprétations divergentes, voire doter l’administration d’un pouvoir discrétionnaire dans la mise en œuvre des mesures prévues.

En conséquence, le fait de ne fixer qu’une hypothèse pour l’inclusion, sans alternative, mais sur une période équivalente à l’ensemble de la période prévue par la directive, constitue un choix pertinent.

Dans l’hypothèse – probablement très limitée – où la législation de l’État du bénéficiaire ne prévoirait d’inclure un paiement qu’à l’issue d’une période dépassant les vingt-quatre mois, un droit à réclamation devrait être ouvert pour permettre au débiteur de passer en charge le paiement dont la déduction lui avait été refusée. De telles modalités seraient opportunément précisées par la doctrine fiscale, qui prévoit déjà un mécanisme similaire s’agissant du dispositif d’encadrement de la déductibilité des intérêts prévu au b du I de l’article 212 du CGI ([324]).

● D’autre part, une divergence entre le nouvel article 205 B du CGI et la directive semble exister s’agissant de la définition de la notion de « dispositif structuré ».

Dans les deux cas, cette notion couvre bien les dispositifs dont les termes intègrent la valorisation tirée de l’asymétrie fiscale ou qui ont été conçus pour générer une asymétrie.

La différence paraît plutôt se trouver dans la clause de sauvegarde prévue :

– dans la directive « ATAD 2 », la qualification de dispositif structuré est écartée si « lon ne [peut] pas raisonnablement attendre du contribuable [qu’il] soit informé de lexistence du dispositif hybride, et [qu’il] na pas bénéficié de lavantage fiscal » ;

– le 14 du I de l’article 205 B du CGI, quant à lui, prévoit qu’un dispositif structuré est constaté « lorsque le contribuable ne peut pas démontrer que luimême ou une entreprise associée navaient pas connaissance dun dispositif hybride et quils nont pas bénéficié de lavantage ».

Le dispositif proposé fait donc reposer la charge de la preuve sur le contribuable, alors que la directive est plus nuancée et peut être interprétée comme exigeant de l’administration qu’elle apporte la preuve de ce que le contribuable était informé et a bénéficié de l’avantage.

Si, en apparence, le fait que la preuve pèse sur le contribuable peut paraître excessif, il s’agit en réalité d’une mesure visant à assurer au dispositif sa pleine effectivité.

D’une part, la démonstration du caractère structuré du dispositif incombera à l’administration, ce qui est un facteur nuançant la charge pesant sur le contribuable et constitue déjà un élément de preuve potentiellement délicat à la charge de l’administration.

D’autre part, si, en plus de cette première preuve, l’administration devait démontrer l’information du contribuable, cela aurait pour effet de neutraliser l’application des règles dans de très nombreux cas, une telle preuve étant pour l’administration très difficile à fournir – les contribuables ne laissant probablement pas de traces écrites de leur implication dans un dispositif structuré, qui est une forme d’abus.

Enfin, si la preuve de l’information incombait à l’administration, un contribuable astucieux pourrait maquiller tous les dispositifs hybrides en dispositifs structurés, pour obliger l’administration à fournir une preuve qu’elle ne pourrait que difficilement produire : cela risquerait donc de priver d’effet l’ensemble des nouvelles règles vis-à-vis de tous les montages.

*

*     *

Le tableau ci-après fait état de la correspondance des fondements des définitions des notions entre le dispositif proposé et la directive « ATAD 1 » modifiée par la directive « ATAD 2 ».

correspondance des fondements des définitions des notions

Notion

Fondement dans le dispositif proposé

Fondement dans la directive « ATAD 1 » modifiée

Observation

Dispositif hybride

Art. 205 B, I, 1
(a à g)

Art. 2, 9), premier bloc [a) à g)]

Paiement

Art. 205 B, I, 2

Ajout

Personne

Art. 205 B, I, 3

Art. 2, 9), troisième bloc, h)

Résidence

Art. 205 B, I, 4

Ajout

Débiteur

Art. 205 B, I, 5

Ajout

Investisseur

Art. 205 B, I, 6

Ajout

Établissement

Art. 205 B, I, 7

Ajout

Inclusion

Art. 205 B, I, 8

Art. 2, 9), troisième bloc, e)

Durée d’inclusion différente

Allégement fiscal

Art. 205 B, I, 8

Art. 2, 9), troisième bloc, f)

Dispositif proposé : dans la définition de l’inclusion

Double déduction

Art. 205 B, I, 9

Art. 2, 9), troisième bloc, b)

Entité hybride

Art. 205 B, I, 11

Art. 2, 9), troisième bloc, i)

Effet d’asymétrie

Art. 205 B, I, 10

Art. 2, 9), troisième bloc, a)

Instrument financier

Art. 205 B, I, 12

Art. 2, 9), troisième bloc, j)

Transfert hybride

Art. 205 B, I, 13

Art. 2, 9), troisième bloc, l)

Dispositif structuré

Art. 205 B, I, 14

Art. 2, 11)

Dispositif proposé : charge de la preuve sur le contribuable

Dispositif hybride inversé

Art. 205 B, I, 15

Art. 9 bis

Dans la directive, la notion est définie en même temps que la règle applicable

Entreprise associée

Art. 205 B, I, 16

Art. 2, 4)

Groupe consolidé à des fins de comptabilité financière

Art. 205 B, I, 16, d

Art. 2, 10)

Dispositif proposé : dans la définition de l’entreprise associée

Déduction sans inclusion

Art. 2, 9), troisième bloc, c)

Redondant avec la définition du dispositif hybride

Dispositif hybride importé

Art. 205 B, III, 3

Art. 9, 3

Dans les deux textes, la notion est définie en même temps que la règle applicable

Dispositif hybride inversé

Art. 205 C

Art. 9 bis

Dans les deux textes, la notion est définie en même temps que la règle applicable

Double résidence

Art. 205 D

Art. 9 ter

Dans les deux textes, la notion est définie en même temps que la règle applicable

Déduction

Art. 2, 9), troisième bloc, d)

Non nécessaire

Revenu soumis à double inclusion

Art. 2, 9), troisième bloc, g)

Non nécessaire

Négociant financier

Art. 205 B, II, 1

Art. 2, 9), troisième bloc, k)

Transfert hybride sur le marché

Art. 205 B, II, 1

Art. 2, 9), troisième bloc, m)

Établissement stable non pris en compte

Art. 2, 9), troisième bloc, n)

Notion couverte par celle d’établissement

Source : commission des finances, à partir de la directive « ATAD 2 » et du dispositif proposé.

c.   Les dispositifs hybrides concernés : une reprise quasi-totale de la directive

La typologie des dispositifs hybrides auxquels s’appliqueront les nouvelles règles prévues par le dispositif proposé figure pour l’essentiel au 1 du I du nouvel article 205 B du CGI mais suppose également de se reporter à d’autres dispositions, tandis que certaines exclusions sont également prévues.

La liste des dispositifs figurant au 1 du I correspond à celle de la directive « ATAD 2 », tant du point de vue substantiel que de la présentation formelle. En effet, les sept hypothèses de dispositifs hybrides consacrées par l’article 205 B constituent le calque des sept hypothèses A à G de la directive (cf. supra, I, B, 3, a), sous réserve de certains ajustements rédactionnels.

Les dispositifs hybrides inversés, traités dans la directive à son article 9 bis, sont mentionnés au 10 du I du nouvel article 205 B et au nouvel article 205 C du CGI.

Les asymétries de résidence fiscale, qui font l’objet de l’article 9 ter de la directive, sont mentionnées au nouvel article 205 D du CGI.

Le tableau de correspondance ci-après présente l’équivalence entre les dispositions de la directive et celles prévues aux nouveaux articles 205 B, 205 C et 205 D du CGI.

correspondance de la typologie des dispositifs hybrides
entre la directive et le dispositif proposé

Type de dispositif hybride

Catégorie

Asymétrie

Fondement (directive)

Fondement (dispositif proposé)

Instrument financier hybride

Déduction sans inclusion

Déduction dans la juridiction du débiteur
Non inclusion dans celle du bénéficiaire

Art. 2, 9, a

Art. 205 B, I, 1, a
et 8

Paiement en faveur d’une entité hybride établie dans une autre juridiction que celle du débiteur

Déduction sans inclusion

Déduction dans la juridiction du débiteur
Non inclusion dans celle de l’entité hybrides ni dans celle des associés

Art. 2, 9, b

Art. 205 B, I, 1, b

Paiement entre un établissement stable et le siège

Déduction sans inclusion

Déduction dans la juridiction du débiteur
Non inclusion dans celle de l’établissement ni dans celle du siège

Art. 2, 9, c

Art. 205 B, I, 1, c

Paiement en faveur d’un établissement stable non pris en compte

Déduction sans inclusion

Déduction dans la juridiction du débiteur
Non inclusion dans celle de l’établissement ni dans celle du siège

Art. 2, 9, d

Art. 205 B, I, 1, d

Paiement effectué par une entité hybride (payeur hybride)

Déduction sans inclusion

Déduction dans la juridiction de l’entité hybride
Non inclusion dans celle du bénéficiaire

Art. 2, 9, e

Art. 205 B, I, 1, e

Paiement réputé effectué entre un établissement stable et le siège ou entre établissements stables

Déduction sans inclusion

Déduction dans la juridiction de l’établissement stable débiteur
Non inclusion dans celle du bénéficiaire

Art. 2, 9, f

Art. 205 B, I, 1, f

Double déduction

Double déduction

Déduction dans la juridiction du payeur
Déduction dans la juridiction de l’investisseur

Art. 2, 9, g

Art. 205 B, I, 1, g

Transfert d’un instrument financier conduisant à un allégement de retenue à la source

Transfert hybride, double allégement fiscal

Allégement fiscal pour chaque partie au transfert (au minimum deux)
Une seule retenue à la source payée

Art. 9, 6

Art. 205 B, I, 13

Paiement à une entité hybride d’un dispositif hybride inversé

Déduction sans inclusion

Déduction dans la juridiction du débiteur
Non inclusion dans la juridiction de l’entité hybride ni dans celle des associés

Art. 9 bis

Art. 205 B, I, 15
et art. 205 C

Paiement effectué par une entité à double résidence fiscale

Double déduction

Déduction dans les deux juridictions du débiteur

Art. 9 ter

Art. 205 D

Source : commission des finances.

Le 1 du II du nouvel article 205 B du CGI exclut de la qualification de dispositifs hybrides au sens du a du 1 du I du même article – instruments financiers hybrides – certains transferts hybrides réalisés par des négociants financiers tels que des établissements de crédit ou de courtage. Pour mémoire, un transfert hybride correspond à la situation dans laquelle le rendement sous-jacent de l’instrument transféré est considéré comme perçu par plusieurs personnes simultanément.

Les conditions suivantes doivent être remplies :

– le négociant financier, défini comme une personne dont l’activité professionnelle consiste en l’achat ou la vente régulière d’instruments financiers pour son propre compte, réalise le transfert hybride dans le cadre de son activité habituelle ;

– ce transfert n’est pas inclus dans un dispositif structuré ;

– les revenus perçus dans le cadre de ce transfert sont inclus dans le revenu imposable du négociant.

Cette exclusion constitue la transposition de celle figurant au 9) de l’article 2 de la directive « ATAD 1 » modifiée par la directive « ATAD 2 ».

Le présent article ne prévoit pas de transposer les deux hypothèses facultatives d’exclusion du champ d’application de la directive prévues au 4 de l’article 9 de la directive « ATAD 1 » modifiée, qui sont pour mémoire :

– l’exclusion de l’application de la règle défensive à certains dispositifs en cas de déduction sans inclusion ;

– l’exclusion de l’application des règles principale et défensive en cas de déduction sans inclusion visant les dispositifs hybrides résultant d’instruments émis pour satisfaire certaines exigences applicables au secteur bancaire.

● Le fait de choisir d’appliquer la règle défensive à tous les dispositifs hybrides est opportun. Non seulement cela assure la cohérence des règles proposées, mais il pourrait en outre être risqué de se priver d’une telle faculté si une autre juridiction, pour une raison ou une autre, ne mettait pas la règle principale en œuvre.

Au demeurant, préférer transposer la totalité des règles prévues ne fait que traduire la recommandation de l’OCDE : « Le rapport préconise que chaque juridiction mette en place lensemble des règles préconisées afin que les effets dun dispositif hybride soient neutralisés même si la juridiction de la contrepartie est dépourvue de règles ciblant les asymétries hybrides. » ([325])

● Le choix consistant à ne pas retenir l’exclusion optionnelle – et temporaire – pour le secteur bancaire est lui aussi pertinent aux yeux du Rapporteur général.

Une telle exclusion présenterait en effet le risque de miner la cohérence d’ensemble des mesures transposées, et pourrait en outre être exploitée à des fins abusives.

En outre, les opérations concernées par cette exclusion, ainsi qu’il a été vu, concernaient essentiellement des filiales bancaires britanniques et sont très peu, sinon pas, répandues en France. De plus, les régulateurs européens dissuadent le secteur bancaire de recourir à de telles pratiques.

Au demeurant, l’exclusion prévue par la directive ne peut pas s’appliquer plus de trois ans dans la mesure où elle est bornée au 31 décembre 2022. La décision de ne pas la retenir peut ainsi être vue comme une transposition anticipée.

d.   Les modalités de neutralisation des asymétries : les règles prévues

Les modalités selon lesquelles les asymétries fiscales sont neutralisées dépendent de la nature du dispositif hybride. Elles figurent :

– aux 1, 2 et 4 du III du nouvel article 205 B du CGI s’agissant des dispositifs hybrides « ordinaires » ;

– au 3 du même III s’agissant des dispositifs hybrides importés ;

– au 5 dudit III s’agissant des transferts hybrides ;

– au nouvel article 205 C du même code s’agissant des dispositifs hybrides inversés ;

– au nouvel article 205 D s’agissant des asymétries résultant d’une double résidence.

Translucidité et transparence fiscales en France :
la rareté de l’établissement en France d’entités hybrides inversées

Avant d’aborder dans le détail les règles applicables pour neutraliser les asymétries résultant de dispositifs hybrides, il convient de souligner que les schémas reposant sur la présence en France d’une entité hybride inversée, c’est‑à‑dire d’une entité fiscalement transparente au regard de la législation française, devraient être rares.

En effet, si, pour les sociétés de personnes, la plupart des juridictions fiscales admettent la transparence fiscale, le droit français prévoit le principe de « translucidité fiscale ».

Dans le cadre de la translucidité, l’impôt est bien acquitté par les associés de la société, mais celle-ci demeure une personne fiscalement distincte de celle de leurs membres, ce qu’a rappelé le Conseil d’État en 2011 (1). Le résultat de la société, sujet fiscal français, est donc déterminé en vertu des règles françaises et imposable en France.

Les entités fiscalement transparentes en droit français ne constituent donc qu’une catégorie très limitée, cantonnée :

– aux sociétés immobilières de copropriété mentionnées à l’article 1655 ter du CGI, aux termes duquel ces sociétés sont réputées ne pas avoir de personnalité distincte de celle de leurs membres pour l’application des impôts directs ;

– aux OPC professionnels.

En conséquence, en dehors de ces deux hypothèses, il n’y aura pas d’entités hybrides inversées en France au sens du dispositif proposé transposant la directive « ATAD 2 ».

(1) Conseil d’État, plénière fiscale, 11 juillet 2011, Société Quality Invest, n° 317024, au Recueil.

Les asymétries consistant en des situations de déduction sans inclusion font l’objet d’une règle principale et d’une règle défensive, prévues respectivement aux a et b du 1 du III de larticle 205 B.

● La règle principale vise les paiements effectués depuis la France, c’est‑à‑dire les situations dans lesquelles le débiteur est établi en France et qu’il déduit le paiement de son résultat soumis à l’IS.

Dans cette hypothèse, le a prévoit que la déduction est refusée.

Illustrations des modalités d’application de la règle principale pour neutraliser une déduction sans inclusion résultant d’un dispositif hybride « ordinaire »

Les schémas suivants illustrent la façon dont la France appliquera la règle principale prévue au a du 1 du III du nouvel article 205 B du CGI en fonction de la nature du dispositif hybride concerné.

Dans la mesure où le dispositif proposé par le présent article reprend les hypothèses prévues dans la directive « ATAD 2 », les exemples suivants reprennent ceux précédemment produits pour illustrer les dispositifs hybrides dans le champ de la directive (cf. supra, I, B, 3, a). Il y est donc renvoyé, les configurations qu’ils prévoyaient correspondant à celles des exemples ci-après.

1. Neutralisation de lasymétrie résultant dune différence de qualification dun instrument financier si le débiteur est en France (règle principale) :

Source : commission des finances.

 

2. Neutralisation de lasymétrie résultant dun paiement en faveur dune entité hybride inversée si cette entité nest pas établie en France et que la France est la juridiction du débiteur (règle principale) :

Source : commission des finances.

 

3. Neutralisation de lasymétrie résultant dune différence dans lattribution des paiements entre le siège et un établissement stable si le payeur est en France (règle principale) :

Source : commission des finances.

 

La réponse serait la même vis-à-vis d’une asymétrie qui résulterait d’une différence de qualification d’un établissement stable – hypothèse prévue au d du 1 du I du nouvel article 205 B du CGI –, si la France était le pays du débiteur. En effet, la configuration est la même du point de vue de la France dans les deux hypothèses, la circonstance que l’État de l’établissement stable (ici, C) ne prenne pas ce dernier en compte étant indifférente si la France est l’État du débiteur (la société D).

 

4. Neutralisation de lasymétrie résultant dun paiement effectué par une entité hybride si cette entité est établie en France (règle principale) :

Source : commission des finances.

 

5. Neutralisation de lasymétrie résultant dun paiement réputé effectué par un établissement stable à son siège si cet établissement stable est en France (règle principale) :

Source : commission des finances.

● La règle défensive, à l’inverse, vise les paiements effectués vers la France, et donc les situations dans lesquelles c’est le bénéficiaire qui est en France et le débiteur dans une autre juridiction.

Si le paiement a été déduit du résultat du débiteur étranger, le b du 1 du III du nouvel article 205 B du CGI prévoit son inclusion dans le résultat du bénéficiaire.

Illustrations des modalités d’application de la règle défensive pour neutraliser
une déduction sans inclusion résultant d’un dispositif hybride « ordinaire »

Les schémas suivants illustrent la façon dont la France appliquera la règle défensive prévue au b du 1 du III du nouvel article 205 B du CGI en fonction de la nature du dispositif hybride concerné. Comme pour les illustrations de mise en œuvre de la règle principale, les configurations reprennent celles des exemples produits pour illustrer la directive « ATAD 2 ».

1. Neutralisation de lasymétrie résultant dune différence de qualification dun instrument financier si le bénéficiaire est en France (règle défensive) :

Source : commission des finances.

2. Neutralisation de lasymétrie résultant dun paiement en faveur dune entité hybride inversée si cette entité nest pas établie en France et que la France nest pas la juridiction du débiteur (règle défensive) :

Source : commission des finances.

3. Neutralisation de lasymétrie résultant dune différence dans lattribution des paiements entre le siège et un établissement stable si le siège est en France (règle défensive) :

Source : commission des finances.

 

4. Neutralisation de lasymétrie résultant dun paiement en faveur dun établissement stable non pris en compte établi en France (règle défensive) :

Source : commission des finances

 

5. Neutralisation de lasymétrie résultant dun paiement effectué par une entité hybride si le bénéficiaire est en France (règle défensive) :

Source : commission des finances.

 

6. Neutralisation de lasymétrie résultant dun paiement réputé effectué par un établissement stable à son siège si le siège est en France (règle défensive) :

Source : commission des finances.

● Une règle particulière est prévue dans certaines hypothèses faisant intervenir des établissements stables non pris en compte.

Mentionné au d du 1 du I de l’article 205 B du CGI, ce type de dispositif hybride peut faire l’objet des modalités qui viennent d’être décrites si le débiteur est établi en France (refus de la déduction en vertu de la règle principale) ou si l’établissement est en France (inclusion du revenu en vertu de la règle défensive).

Le 4 du III du nouvel article 205 B porte, quant à lui, sur la configuration dans laquelle la France est la juridiction du siège de létablissement stable non pris en compte par la juridiction où il est établi

Dans cette hypothèse, les revenus attribués à cet établissement stable non pris en compte sont inclus dans le résultat du siège, en France.

Il s’agit, à grands traits, d’un dispositif ayant des effets similaires à ceux du régime des SEC prévu à l’article 209 B du CGI et dans le cadre duquel les revenus d’une filiale étrangère sont intégrés au résultat de la société mère française.

Illustration de la neutralisation de l’asymétrie résultant d’un établissement stable non pris en compte lorsque la France est le pays du siège

Le schéma suivant illustre l’application de la règle prévue au 4 du III du nouvel article 205 B du CGI.

La configuration est la même que celle présentée au titre de l’hypothèse D dans le cadre des illustrations des déductions sans inclusions définies par la directive « ATAD 2 ».

Source : commission des finances.

La neutralisation de la double déduction résultant d’un dispositif hybride « ordinaire », c’est-à-dire mentionné au g du 1 du I du nouvel article 205 B du CGI, fait l’objet d’une règle principale et d’une règle défensive prévues au 2 du III du même article.

● La règle principale, aux termes du a de ce 2, porte sur les situations dans lesquelles linvestisseur est établi en France et le débiteur à l’étranger.

Dans cette hypothèse, la déduction de la charge est refusée en France.

● La règle défensive, prévue au b du même 2, vise les cas où le débiteur du paiement est en France et l’investisseur à l’étranger.

Elle prévoit que, si la juridiction d’établissement de l’investisseur admet la déduction, cette dernière est refusée en France.

Illustrations des modalités d’application des règles principale et défensive pour neutraliser une double déduction résultant d’un dispositif hybride « ordinaire »

Les schémas suivant illustrent l’application des règles prévues au 2 du III du nouvel article 205 B du CGI.

La configuration est la même que celle présentée au titre de l’hypothèse G dans le cadre des illustrations des doubles déductions définies par la directive « ATAD 2 » : la société C, hybride et considérée comme fiscalement transparente par la France, verse des intérêts à D en contrepartie d’un emprunt.

1. Règle principale (a du 2 du III de l’article 205 B du CGI)

La France est l’État de l’investisseur : elle refuse la déduction.

Source : commission des finances.

 

2. Règle défensive (b du 2 du III de l’article 205 B du CGI) :

La France est l’État du débiteur : elle refuse la déduction si l’État de l’investisseur ne l’a pas fait.

Source : commission des finances.

Une clause de sauvegarde est prévue au dernier alinéa du 2 du III de l’article 205 B du CGI, reprenant celle figurant au dernier alinéa du 1 de l’article 9 de la directive. Elle exclut le refus de la déduction en France si est concerné un revenu soumis à double inclusion durant la période de vingt-quatre mois précédemment mentionnée.

À la différence des modalités de neutralisation des asymétries résultant de dispositifs hybrides « ordinaires », celles prévues en matière de dispositifs hybrides importés et de transferts hybrides ne font pas l’objet d’une règle principale et d’une règle défensive : une seule règle est applicable.

● S’agissant des dispositifs hybrides importés, ces modalités sont prévues au 3 du III du nouvel article 205 B du CGI et correspondent, logiquement, à celles figurant au 3 de l’article 9 de la directive « ATAD 1 » modifiée (cf. supra, I, B, 3, b) : la déduction est refusée si le paiement compense, à travers une ou plusieurs transactions, un autre paiement afférent à un dispositif hybride.

La déduction est néanmoins possible si la juridiction de l’une des parties aux transactions a neutralisé l’asymétrie ; cette déduction est alors faite à hauteur du montant neutralisé.

Illustration de la neutralisation de l’asymétrie résultant
d’un dispositif hybride importé

Le schéma suivant illustre les modalités de mise en œuvre de la règle prévue au 3 du III du nouvel article 205 B du CGI face à un dispositif hybride importé.

La configuration est identique à celle de l’exemple produit pour illustrer ce point dans la présentation de la directive « ATAD 2 » (cf. supra, I, B, 3, b).

La France est la juridiction du débiteur dont le paiement compense un autre paiement afférent à un dispositif hybride (en l’occurrence, un paiement par une entité hybride) : la déduction est refusée en France.

Source : commission des finances.

● Les transferts hybrides conduisant à l’octroi de plusieurs allégements fiscaux au titre dune seule retenue à la source versée sont traités au 5 du III du nouvel article 205 B.

En vertu de ce 5, l’allégement fiscal est limité au prorata des revenus imposables liés au paiement.

Il y a lieu de noter que la clause anti-abus générale en matière d’IS, voire l’abus de droit selon les circonstances, devraient également être de nature à neutraliser les asymétries résultant d’un excédent d’allégement fiscal tel qu’un crédit d’impôt.

Les modalités de neutralisation des asymétries résultant de la participation d’une entité hybride établie en France à un dispositif hybride inversé sont prévues au nouvel article 205 C du CGI.

● Là non plus, il n’y a pas deux rangs de règles, mais un seul : les revenus de l’entité hybride sont inclus dans son résultat soumis à impôt en France.

Sans cela, en effet, le paiement serait :

– déductible dans la juridiction du payeur ;

– non inclus dans la juridiction d’établissement de l’entité hybride, fiscalement transparente ;

– non inclus dans la ou les juridictions d’établissement des associés détenant l’entité hybride, ces juridictions considérant cette dernière comme fiscalement opaque dans sa juridiction d’établissement.

Ainsi qu’il a été vu, la probabilité d’occurrence de telles situations est faible s’agissant de la France, qui ne reconnaît la transparence que pour un nombre très limité d’entités.

Illustration de la neutralisation de l’asymétrie
résultant d’un dispositif hybride inversé

Le schéma suivant illustre les modalités d’application de la règle prévue au nouvel article 205 C du CGI pour neutraliser l’asymétrie résultant d’un dispositif hybride inversé.

La configuration est la même que celle présentée au titre de l’hypothèse B dans le cadre des illustrations des déductions sans inclusions définies par la directive « ATAD 2 ».

L’entité hybride inversée qui bénéficie d’un paiement est établie en France, où elle est donc considérée comme fiscalement transparente : la France inclut le revenu dans le résultat de l’entité et le soumet à l’IS s’il n’est pas imposé dans l’État A.

Source : commission des finances.

● Enfin, le second alinéa du nouvel article 205 C du CGI exclut l’application de la règle d’inclusion qui vient d’être mentionnée vis‑à‑vis des organismes de placement collectif (OPC), ainsi que le prévoit la directive « ATAD 1 » modifiée au 2 de son article 9 bis pour les raisons précédemment évoquées.

Une précision devrait être apportée afin de substituer au terme « investisseurs » employé dans la définition des OPC celui de « porteurs » (de parts ou d’actions). En effet, dans le cadre du dispositif proposé, le terme d’investisseur a une acception précise et vise une personne autre que le débiteur d’un paiement qui bénéficie d’une déduction dans le cadre d’une double déduction, ce qui n’est pas l’acception ici prévue.

Enfin, les situations de double résidence sont traitées au nouvel article 205 D du CGI. Pour neutraliser l’asymétrie – double déduction –, il est prévu que la France refuse la déduction.

Une exception est néanmoins prévue et porte sur les situations dans lesquelles :

– le montant doublement déduit est inclus dans le revenu de son bénéficiaire ;

– l’autre juridiction de résidence est un État membre de l’Union européenne refusant la déduction ;

– cet État est lié avec la France par une convention fiscale attribuant la résidence à la France.

Le refus de la déduction concernera donc concrètement les situations de double résidence avec une juridiction tierce à lUnion européenne avec laquelle la France na pas conclu de convention ou dont la convention bilatérale n’attribue pas la résidence à la France.

Illustration de la neutralisation de la double déduction
résultant d’une double résidence

Le schéma suivant illustre les modalités d’application de la règle prévue au nouvel article 205 D du CGI pour neutraliser la double déduction résultant d’une double résidence d’une société.

La configuration est la même que celle de l’exemple produit pour illustrer les asymétries résultant d’une double déduction dans le cadre de la présentation de la directive « ATAD 2 » (cf. supra, I, B, 3, a).

La société C est résidente fiscale en France et dans l’État C, extérieur à l’Union européenne. La France refuse la déduction des intérêts.

Source : commission des finances.

*

*     *

e.   Synthèse du dispositif proposé

Le tableau suivant dresse la synthèse du dispositif proposé, faisant état des différents dispositifs hybrides mentionnés et des règles applicables en fonction du type d’asymétrie en résultant.

 


—  1  —

Synthèse des règles applicables pour neutraliser
les asymétries résultant de dispositifs hybrides

Asymétrie

Dispositif hybride

Règle principale

Règle défensive

Dispositif

Défini au

Règle

Fondement

Règle

Fondement

Déduction sans inclusion

Instrument financier hybride

Art. 205 B, I, 1, a

France juridiction du débiteur : refus de la déduction

Art. 205 B, III, 1, a

France juridiction du bénéficiaire : inclusion

Art. 205 B, III, 1, b

Déduction sans inclusion

Paiement à une entité hybride

Art. 205 B, I, 1, b

France juridiction des associés : inclusion

Déduction sans inclusion

Paiement entre un établissement stable et le siège

Art. 205 B, I, 1, c

France juridiction du bénéficiaire : inclusion

Déduction sans inclusion

Paiement à un établissement stable non pris en compte

Art. 205 B, I, 1, d

France juridiction du siège : inclusion

Déduction sans inclusion

Paiement par une entité hybride

Art. 205 B, I, 1, e

France juridiction du bénéficiaire : inclusion

Déduction sans inclusion

Paiement réputé effectué entre un établissement stable et le siège

Art. 205 B, I, 1, f

France juridiction du siège : inclusion

Double déduction

Double déduction

Art. 205 B, I, 1, g et 9

France juridiction de l’investisseur : refus de la déduction

Art. 205 B, III, 2, a

France juridiction du débiteur : refus de la déduction

Art. 205 B, III, 2, b

Déduction sans inclusion

Dispositif hybride importé

Art. 205 B, III, 3

France juridiction du débiteur : refus de la déduction

Art. 205 B, III, 3

 

Déduction sans inclusion

Établissement stable non pris en compte

Art. 205 B, III, 4

France juridiction du siège : inclusion

Art. 205 B, III, 4

 

Double allégement fiscal

Transfert hybride

Art 205 B, I, 13

France : limitation de l’avantage fiscal

Art. 205 B, III, 5

 

Déduction sans inclusion

Dispositif hybride inversé

Art. 205 B, I, 15

France juridiction de l’entité hybride inversée : inclusion

Art. 205 C

 

Double déduction

Double résidence

Art. 205 D

France : refus de la déduction

Art. 205 D

 

Source : commission des finances, à partir du dispositif proposé.


—  1  —

f.   Les coordinations résultant de la transposition proposée

La transposition de la directive « ATAD 2 » suppose certaines coordinations, qui sont prévues aux B et C du I du présent article.

● Le C abroge le b du I de l’article 212 du CGI précédemment mentionné (cf. supra, I, A, 4), qui subordonne la déduction d’intérêts versés à une entreprise liée à une imposition minimale de cette dernière au moins égale à 25 % de l’impôt français qui aurait été dû.

Permettant de lutter contre certains dispositifs hybrides, ce mécanisme est désormais obsolète au regard de ceux prévus par les nouveaux articles 205 B et 205 C du CGI, qui couvrent un champ beaucoup plus large.

Au demeurant, les conditions d’application et les modalités de mise en œuvre du dispositif prévu au b du I de l’article 212 semblent difficilement compatibles avec la directive « ATAD 2 ».

Cette dernière prévoit en effet des modalités particulières et limitatives de neutralisation des asymétries consistant en une déduction sans inclusion. Surtout, la directive ne fait pas référence à un montant minimum d’impôt à payer lorsqu’un revenu est inclus : les règles fiscales normales de la juridiction d’inclusion s’appliquent, sans que la référence au montant effectif d’impôt puisse être prise en compte – un montant d’impôt inférieur à 25 % de l’IS français pouvant correspondre à la charge fiscale de droit commun dans l’autre juridiction.

● Le B du présent article modifie le II de l’article 209 du CGI pour remplacer la référence au troisième alinéa du I de l’article 212 par une référence au troisième alinéa du I du même article 209.

Si, en apparence, il s’agit d’une coordination tirant les conséquences de l’abrogation du b du I de l’article 212, cette modification semble en réalité corriger une coquille.

Le II de l’article 209 est en effet relatif aux modalités selon lesquelles, en cas de fusion ou opération assimilée, les déficits antérieurs et les charges financières nettes de la société absorbée ou apporteuse sont transférés à la société bénéficiaire de l’apport et imputés sur son résultat ultérieur. Il n’a donc guère de rapport avec le b du I de l’article 212 sur les modalités de déduction des intérêts.

En revanche, la référence au troisième alinéa du I de l’article 209 est tout à fait pertinente dans la mesure où celui-ci porte précisément sur les modalités de report en avant du déficit, c’est-à-dire sur la façon dont un déficit constaté au titre d’un exercice N peut s’imputer sur le résultat des exercices suivants.

2.   La mise en conformité avec la directive « ATAD 1 » du dispositif d’imposition à la sortie des entreprises

Le D du I du présent article procède à la mise en conformité du dispositif français dimposition à la sortie des entreprises avec l’article 5 de la directive « ATAD 1 ».

Prévu à l’article 221 du CGI, le dispositif français est proche du mécanisme européen précédemment décrit, et permet l’échelonnement sur cinq ans du paiement de l’IS dû à raison de plus-values latentes constatées lors du transfert du siège ou d’un établissement d’une entreprise de France vers un autre État européen – cet échelonnement prenant fin en cas de nouveau transfert dans un pays tiers ou de dissolution de l’entreprise.

Cependant, en l’état de sa rédaction, le champ dapplication du dispositif est plus restreint que celui de la directive, qui ne se limite pas au siège ou à un établissement, mais vise aussi des actifs isolés.

Pour se conformer à l’article 5 de cette directive, il est donc nécessaire dajouter au troisième alinéa du 2 de l’article 221 du CGI le fait que le transfert dun actif est éligible au dispositif d’imposition à la sortie avec échelonnement du paiement.

Cette modification est réalisée par le a du 2° du D du I du présent article.

Le  du même D et le b du 2° dudit D suppriment la référence à l’existence d’une convention d’assistance administrative pour lutter contre la fraude et l’évasion fiscale entre la France et les États européens, le b procédant par ailleurs à une autre coordination.

La suppression de cette référence conduit à ce que ne soit exigée que l’existence d’une convention d’assistance administrative en matière de recouvrement dont la portée est similaire à celle de la directive 2010/24/UE du Conseil du 16 mars 2010 concernant l’assistance mutuelle en matière de recouvrement ([326]). Cette suppression résulte des conditions prévues à l’article 5 de la directive « ATAD 1 » : ce dernier n’exige en effet que l’existence d’une convention similaire à cette directive, non d’une convention en vue de lutter contre la fraude. Si ce second type de convention avait été conservé, le dispositif proposé aurait entraîné l’application d’une condition supplémentaire non prévue par la directive.

3.   Les modalités d’application des nouvelles règles neutralisant les asymétries fiscales

Le II du présent article précise les modalités d’application de son I, c’est‑à‑dire pour l’essentiel des nouvelles mesures prévues pour neutraliser les asymétries résultant de dispositifs hybrides.

● L’ensemble de ces règles, à une exception près, seront applicables aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2020, ainsi que le commande la directive « ATAD 2 ».

● Les règles relatives aux dispositifs hybrides inversés dans le cadre desquels une entité hybride inversée est établie en France, codifiées au nouvel article 205 C du CGI, s’appliqueront en revanche aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2022.

Il est rappelé que le 3 de l’article 2 de la directive « ATAD 2 » laisse un délai supplémentaire pour la mise en œuvre effective de ce volet et prévoit une application à compter de 2022.

B.   L’impact budgétaire et économique

Le dispositif prévu au présent article n’est pas chiffrable à compter de 2020 mais devrait avoir un impact sur les recettes dIS dès cette année-là. Indépendamment de ces considérations budgétaires, ce dispositif est opportun en ce qu’il transpose des mécanismes qui renforceront la lutte contre l’évasion fiscale.

1.   Un impact budgétaire en 2020 non chiffrable

Les mesures de transposition sont de nature à avoir une incidence sur les recettes dIS en 2020, mais cette incidence est, en l’état, non chiffrable.

Cette absence de chiffrage, si elle peut sembler relativement peu satisfaisante dans son principe, n’est cependant pas surprenante :

– le système d’information de l’administration fiscale ne permet pas de chiffrer les conséquences de la transposition des nouvelles règles contre les dispositifs hybrides ;

– s’agissant des dispositifs hybrides toujours, certaines situations ne permettront pas à la France de mettre en œuvre les règles prévues : tel sera le cas si la France se trouve en situation d’appliquer une règle défensive mais que l’autre juridiction a appliqué la règle principale ;

– dans la mesure où les potentielles variations de recettes dépendent avant tout du comportement des opérateurs économiques, il est difficile de calculer l’impact budgétaire de phénomènes délicats à anticiper.

Par ailleurs, le sens de ces variations de recettes n’est pas le même en fonction des mesures considérées :

– les mesures contre les dispositifs hybrides devraient avoir un effet positif – rappelons que l’OCDE estime que ces pratiques « conduisent à une importante érosion des bases dimposition dans les pays concernés » ([327]) ;

– l’extension aux transferts d’actifs isolés de l’échelonnement sur cinq ans des plus-values latentes résultant de la transposition de l’article 5 de la directive « ATAD 1 » devrait en revanche réduire le montant des recettes au titre d’une année donnée.

Il n’est dès lors pas anormal que le dispositif proposé ne soit pas assorti d’un chiffrage. Tel avait d’ailleurs été le cas lors de la transposition de la clause anti-abus général en matière d’IS par le projet de loi de finances pour 2019 ([328]).

2.   Un renforcement bienvenu des outils contre l’évasion fiscale participant à l’amélioration de l’environnement économique

Si l’impact budgétaire est délicat à appréhender, les conséquences économiques et sociales de la transposition de la directive « ATAD 2 » seront positives.

● D’une part, l’arsenal français se trouvera doté de nouveaux outils, renforçant les moyens à la disposition de ladministration pour recouvrer les impositions éludées.

Il s’agit donc d’un progrès indéniable en matière de justice et déquité fiscales, qui se doit d’être salué.

Le dispositif profitera aux entreprises qui respectent la législation et ne se livrent pas à des pratiques abusives, rétablissant des conditions de concurrence équilibrées, mais aussi à l’ensemble des citoyens à travers un meilleur recouvrement et une atténuation, et à terme une disparition, de comportements moralement douteux.

● D’autre part, il n’est pas impossible d’attendre de la transposition de la directive « ATAD 2 » et de l’introduction, dans la législation des États membres, d’une batterie de mesures luttant contre les asymétries fiscales résultant de dispositifs hybrides, un effet comportemental positif de la part des entreprises.

En effet, l’absence de règles précises et efficaces a certainement constitué un facteur encourageant certaines entreprises à recourir aux dispositifs hybrides. L’existence d’outils destinés à neutraliser de tels dispositifs devrait se révéler dissuasif et limiter leur mise en œuvre.

● Enfin, il y a lieu de se réjouir que les règles contre les dispositifs hybrides résultent d’une directive devant être transposée par les États membres pour une application dès 2020, et non d’initiatives nationales.

Ainsi que le souligne l’OCDE, la « coordination des règles est importante parce quelle garantit la prévisibilité des résultats pour les contribuables, et évite le risque de double imposition. Pour que cette coordination soit possible, il faut sassurer que les pays […] appliquent ces règles de la même manière. » ([329])

Une telle ambition est précisément ce que la mise en œuvre d’une directive européenne permet d’atteindre.

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La commission adopte l’amendement rédactionnel ICF1570 (amendement I-2914) du rapporteur général.

Elle est saisie de l’amendement ICF1566 du rapporteur général.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Il s’agit d’un amendement de précision sur la notion d’établissement.

La commission adopte l’amendement I-CF1566 (amendement I-2915).

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel ICF1571 (amendement I2916) du rapporteur général.

Elle en vient à l’amendement ICF1561 du rapporteur général.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Cet amendement vise à préciser l’articulation du présent article avec les conventions fiscales.

La commission adopte l’amendement I-CF1561 (amendement I-2917).

Puis elle adopte successivement les amendements de précision ICF1558 (amendement I-2918) et ICF1557 (amendement I-2919) du rapporteur général.

Enfin, elle adopte l’article 13, modifié.

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Après l’article 13

La commission est saisie de l’amendement ICF609 de Mme Sabine Rubin.

Mme Sabine Rubin. Il est inutile de rappeler le danger sanitaire que représentent certains pesticides. Même si ce n’est pas inscrit dans la loi, le Gouvernement s’est engagé à interdire le glyphosate dans un délai de trois ans. Cet amendement tend à inciter à l’arrêt de l’usage de ces substances en prévoyant un taux de redevance dissuasif.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF609.

Elle en vient à l’amendement ICF1208 de Mme Christine Pires Beaune.

Mme Christine Pires Beaune. Cet amendement part du constat d’un déséquilibre entre les créations d’entreprises industrielles et les cessions et transmissions d’entreprises. Nous souhaitons encourager un rééquilibrage en créant un dispositif de suramortissement en faveur des reprises d’entreprises, visant notamment les PME.

L’amendement prévoit également de réévaluer le plafond d’exonération de l’impôt sur les sociétés dans le cadre de la cession totale ou partielle d’une PME qui appartient à une branche d’activité soumise à la concurrence internationale ou exposée à un risque important de délocalisation, lorsque cette cession est ordonnée par le tribunal de commerce dans le cadre d’une procédure de sauvegarde, d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire.

Le bénéfice de ces avantages serait conditionné à la bonne exécution des engagements contenus dans le plan de cession.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Ce sujet a déjà été débattu l’année dernière. Le Gouvernement a d’ailleurs tiré les conséquences du constat que vous faites et a réintroduit l’an dernier un suramortissement ciblé pour les PME, pour leur robotisation et leur transformation numérique. Ce sont surtout ces secteurs et ces acteurs qui ont besoin d’une impulsion.

Pour le reste, je ne suis pas certain qu’une privation rétroactive d’avantages fiscaux et financiers en cas de non-respect d’un plan de reprise soit bien solide juridiquement.

Avis défavorable, comme l’an dernier.

Mme Olivia Grégoire. Madame Pires Beaune, je trouve votre amendement très intéressant. Disposez-vous de quelques éléments de chiffrage ?

Mme Christine Pires Beaune. En fait, il s’agit d’un amendement de Mme Valérie Rabault. Je ne peux pas vous répondre à sa place.

La commission rejette l’amendement I-CF1208.

Puis elle est saisie, en discussion commune des amendements ICF356 de Mme Véronique Louwagie et ICF947 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement I‑CF356, que j’ai déjà déposé les années précédentes, reprend une demande récurrente des entreprises dont les bénéfices sont soumis intégralement à l’impôt sur le revenu et aux charges sociales – correspondant le plus souvent aux charges des travailleurs non salariés – que ces bénéfices aient été appréhendés en trésorerie par le chef d’entreprise ou non. Ces entreprises voudraient réinvestir ces résultats, faire face à des aléas de trésorerie ou accroître leurs fonds de roulement. Il ressort de ce dispositif une inégalité entre les entreprises, selon qu’elles sont soumises à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés.

Je propose donc que ces entreprises puissent créer un compte d’attente dont le montant serait bien sûr limité, puisqu’il serait provisionné par la part du résultat affecté aux réserves dans la limite de 13 % du résultat fiscal et 7 000 euros par exercice, avec un plafond total de 35 000 euros.

Ce n’est pas une exonération de résultats, mais une suspension et un report du résultat dans le temps. Les sommes capitalisées ainsi que leurs intérêts seraient réintégrés au résultat de l’exercice tous les cinq ans.

L’adoption de cet amendement permettrait de donner un signal fort aux petites et moyennes entreprises (PME) et aux très petites entreprises (TPE) et éviterait qu’elles ne se retrouvent parfois en difficulté parce que leurs résultats ne correspondent pas forcément à la trésorerie.

Mme Marie-Christine Dalloz. Mon amendement I‑CF947 s’adresse surtout aux petites entreprises : je propose que l’entrepreneur ait la possibilité de provisionner un compte d’attente à hauteur de 40 % maximum du résultat fiscal de l’exercice.

Certaines entreprises ont parfois de réels problèmes de trésorerie ; il faut leur permettre de renforcer leurs réserves, soit pour réaliser d’éventuels investissements soit pour qu’elles puissent reprendre ultérieurement une partie de ce résultat avec une fiscalité adaptée au moment de la sortie. Or on constate véritablement une carence à ce niveau ; du reste, le système bancaire réclame de plus en plus des contreparties. Cette mesure, qui ne doit pas avoir d’incidences trop importantes au niveau financier, aurait des conséquences fortes sur le tissu des petites entreprises, dont le chef d’entreprise est soumis à l’impôt sur le revenu.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Ces deux amendements sont différents : celui de Mme Louwagie est plus encadré que celui de Mme Dalloz.

Je me permets de reprendre à mon compte ce que disait monsieur Bruno Le Maire l’an dernier à propos d’un amendement similaire : « Cela relèverait de l’optimisation fiscale la plus caractérisée. La mesure est très généreuse de votre part, mais un peu dangereuse pour les finances publiques ». La disposition proposée permet tout de même de soustraire à l’impôt une partie importante du bénéfice, d’où le risque d’optimisation.

S’agissant de la problématique impôt sur le revenu versus impôt sur les sociétés, nous avons rendu l’an dernier les ponts plus faciles puisque l’option pour l’impôt sur les sociétés est révocable. Ne demandons pas aujourd’hui d’avoir les avantages des deux systèmes sans en avoir les inconvénients.

Mme Émilie Cariou. Tout à fait !

M. Joël Giraud, rapporteur général. Avis défavorable.

M. Jean-Paul Mattei. Cette discussion a déjà eu lieu l’an dernier.

Franchement, tous les outils sont déjà à notre disposition : l’entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL) peut opter pour l’impôt sur les sociétés à taux réduit. Je ne peux pas soutenir des amendements qui proposent d’instaurer un système aussi compliqué, même s’il va dans le bon sens.

Auparavant se posait le problème de l’irrévocabilité du passage à l’IS. Dorénavant, on peut revenir en arrière, même si ce n’est pas tout à fait neutre fiscalement. La loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi PACTE, a créé de nombreux outils permettant aux entreprises, même aux petites entreprises, d’optimiser leur résultat en toute légalité. Il leur suffit donc d’utiliser les outils qui sont à leur disposition.

Mme Émilie Cariou. J’irai dans le même sens que monsieur Mattei. L’impôt sur les sociétés permet déjà de faire des mises en réserve. On ne peut pas mélanger les principes d’imposition d’une entreprise individuelle soumise à l’IR avec les principes de l’IS.

Comme l’année dernière, nous sommes défavorables à cet amendement.

Mme Véronique Louwagie. Certaines TPE n’ont pas nécessairement intérêt à opter pour un régime soumis à l’impôt sur les sociétés. Le système de déduction pour aléas (DPA), qui existe aujourd’hui pour les bénéfices agricoles, ressemble tout à fait à celui que je viens de vous présenter. Ma collègue Marie-Christine Dalloz et moi-même vous proposons de faire pour les artisans, les commerçants, les industriels ce qui existe déjà pour les agriculteurs. Le dispositif que je propose est plutôt encadré – 7 000 euros par an – et il ne s’agit pas d’une exonération, seulement d’un report. Ce compte d’attente, dont le plafond serait de 35 000 euros, serait un appoint important pour des petits artisans et leur permettrait par exemple d’acheter un camion ou d’effectuer des rénovations.

M. Jean-Louis Bricout. La loi PACTE a prévu effectivement des dispositifs très intéressants. Notons que le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) permettait d’avoir une avance de trésorerie ; or ce n’est plus le cas depuis que le CICE a été transformé en réduction de charges.

La commission rejette successivement les amendements I-CF356 et I-CF947.

Puis elle en vient à l’amendement ICF189 de M. Charles de Courson.

M. François Pupponi. Suivant que les agriculteurs font une bonne ou une mauvaise saison, ils peuvent décaler les remboursements d’emprunts. M. de Courson propose de décaler également les annuités d’amortissements afin de mieux coller aux cycles de l’activité économique.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Laissons vivre le dispositif de la déduction pour épargne de précaution (DEP) au lieu de multiplier des outils qui poursuivent le même objectif avant même d’en connaître les effets. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF189.

Elle examine ensuite l’amendement ICF1151 de Mme Christine Pires Beaune.

Mme Christine Pires Beaune. Cet amendement, que nous avons déjà eu l’occasion de présenter dans le cadre de l’examen de la loi PACTE, concerne l’encadrement des salaires.

Les écarts de salaires au sein d’une même entreprise restent importants en France, même s’ils sont moindres qu’aux États-Unis ou en Inde. On ne peut se satisfaire d’une telle situation. Nous vous proposons de fixer un écart type sur un ratio d’un à douze, ce qui signifie qu’au sein de l’entreprise nul ne devrait gagner en un mois plus qu’un autre en un an. Ce n’est pas un encadrement strict, mais une incitation forte, par le biais de l’impôt sur les sociétés.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Il est logique que la discussion ait eu lieu dans le cadre de l’examen de la loi PACTE, qui est plus adapté qu’un projet de loi de finances qui n’a pas vocation à s’occuper des rémunérations en tant que telles. Qui plus est, le dispositif que vous proposez pose problème dans la mesure où il ne prévoit pas de date d’entrée en vigueur, ce qui laisse à penser qu’il s’appliquerait de manière rétroactive. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF1151.

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Article additionnel après l’article 13
Ajustement du suramortissement pour les investissements réalisés dans les navires et les équipements répondant à des enjeux de transition écologique

Article additionnel après l’article 13 : Ajustement du suramortissement pour les investissements réalisés dans les navires et les équipements répondant à des enjeux de transition écologique

Elle passe à l’examen de l’amendement ICF814 de M. Saïd Ahamada.

M. Saïd Ahamada. L’année dernière, je vous avais proposé un mécanisme de suramortissement pour l’achat de navires propres : il s’agissait de permettre aux armateurs d’acheter plus facilement des navires moins polluants. Ce dispositif avait été adopté par l’Assemblée nationale, mais la Commission européenne a considéré que l’assiette était beaucoup trop large et que le suramortissement ne devait s’appliquer que sur le surcoût devant permettre de verdir ces navires. Le présent amendement vise à réajuster le dispositif et en contrepartie à augmenter le taux d’amortissement afin de préserver son caractère incitatif.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Tout en comprenant l’économie de cet amendement, je vous propose de le rectifier en supprimant son II, ce qui évite la rétroactivité et l’absence de notification à la Commission européenne qui me semble requise notamment s’agissant du crédit-bail. Sous réserve de cette rectification, j’y serai favorable, nonobstant d’éventuelles modifications que le Gouvernement pourrait demander en séance publique.

M. Saïd Ahamada. J’accepte de rectifier mon amendement et de revoir éventuellement les choses avec le Gouvernement.

La commission adopte l’amendement ICF814 (amendement I-2920) tel qu’il vient d’être rectifié.

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Après l’article 13

Puis elle examine l’amendement ICF1170 de Mme Valérie Rabault.

M. Jean-Louis Bricout. Il s’agit là aussi d’une mesure de suramortissement sur l’investissement productif. Cette mesure avait fait ses preuves entre 2015 et 2017 puisque l’investissement des entreprises avait augmenté de 15 milliards entre 2015 et 2016 et de 29 milliards entre 2016 et 2017. On n’a pas eu le temps d’en évaluer les effets sur l’emploi, mais c’est plutôt vous qui en avez bénéficié…

Ce serait d’autant plus le moment de renouveler l’opération que les taux d’emprunt sont très faibles. Cet amendement vise donc à relancer le dispositif de suramortissement pour trois ans, à compter du 1er janvier 2020 et jusqu’au 31 décembre 2022, afin de donner une impulsion à l’ensemble de l’investissement productif public et privé en France. Il propose également que le taux du suramortissement puisse être majoré de 40 % à 60 % pour les investissements qui participent de la transition écologique de la France.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Vous proposez de réintroduire un suramortissement « Macron » mis en place en 2015 dont la courte durée constituait une incitation. Le principe même d’un suramortissement, c’est qu’il n’a pas vocation à être pérenne. Avis défavorable, malgré l’excellence de son auteur initial.

La commission rejette l’amendement I-CF1170.

Puis elle en vient à l’amendement ICF953 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. J’ai déjà présenté cet amendement l’année dernière : on ne parvient pas à définir juridiquement la notion de bénéfice commercial ou de bénéfice agricole. J’aimerais que le rapporteur général nous donne une solution, afin que l’on traite définitivement cette disparité.

M. Joël Giraud, rapporteur général. On a déjà amélioré les choses s’agissant de la pluriactivité, question qui, comme à moi, vous est chère.

Je me permets de vous indiquer que le renvoi à la notion d’activité agricole définie à l’article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime a pour effet par ricochet et renvoi à un autre article du code d’inclure dans les activités agricoles des professions dont l’imposition aux bénéfices agricoles ne va pas de soi. Je vous donne quelques exemples : les gens de maison d’un exploitant agricole, les enseignants dans un établissement d’enseignement agricole, les salariés des mutuelles agricoles, les administrateurs d’un groupement mutualiste agricole, etc. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF953.

Elle est saisie de l’amendement ICF668 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Le régime d’imposition des exploitants agricoles dépend de la moyenne des recettes de leur exploitation sur trois années consécutives. Le régime fiscal applicable aux contrats d’intégration prévoit que les recettes provenant des opérations d’élevage ou de culture portant sur des animaux ou des produits appartenant à des tiers sont multipliées par cinq. Si ce coefficient multiplicateur a probablement été justifié à un moment donné, dans le cadre d’un objectif de neutralité fiscale, il semble qu’il ne soit plus du tout adapté compte tenu des marges qui en résultent et de la manière dont s’opèrent les contrats d’intégration.

Je vous propose de réviser ce coefficient multiplicateur et de le porter à trois, ce qui semblerait beaucoup mieux correspondre à une corrélation entre le résultat de ce contrat d’intégration et les recettes qui seraient procurées au niveau d’une exploitation de même nature s’il n’y avait pas de contrat d’intégration.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je trouve, au contraire, que le risque est fort de voir la neutralité fiscale qui justifie justement la multiplication voler en éclats avec une réduction du coefficient à trois… Vous citez dans votre exposé des motifs l’exemple des contrats d’intégration des éleveurs de veaux ; mais les opérations à façon ne se limitent pas à ces contrats puisqu’elles incluent aussi des contrats d’élevage ou de culture à façon, notamment ceux conclus entre deux exploitants ou entre un exploitant et une coopérative.

Je vous rappelle enfin que si le contrat d’intégration prévoit que le producteur agricole reste propriétaire des animaux ou des produits, leur vente à une entreprise ne conduit pas à l’application du fameux coefficient de cinq. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF668.

Elle rejette les amendements identiques ICF517 de M. Fabrice Brun, ICF669 de Mme Véronique Louwagie et ICF939 de M. Charles de Courson.

La commission étudie l’amendement ICF863 de M. Jimmy Pahun.

M. Jimmy Pahun. Cet amendement vise à établir une déduction pour épargne de précaution au profit des artisans pêcheurs. En fait, c’est la même épargne de précaution qui existe pour les agriculteurs. Je parle bien des artisans pêcheurs, autrement dit de ceux dont les petits bateaux sont soumis aux aléas du temps, des bonnes et des mauvaises saisons et qui, de surcroît, vont devoir faire face à un Brexit qui promet d’être difficile pour eux. Je vous saurai donc gré, mes chers collègues, d’adopter cet amendement.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je crains que ce ne soit pas le cas…

Vous proposez un dispositif du même type que la déduction pour épargne de précaution (DEP) pour les artisans pêcheurs imposés dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC). Certes, j’entends les besoins des artisans pêcheurs, mais je ne suis pas certain que la transposition d’un dispositif classique agricole créé l’an dernier soit nécessairement adaptée à leur situation. Je note d’ailleurs que la déduction pour aléas (DPA) et la déduction pour investissement (DPI) ne s’appliquaient pas aux pêcheurs, et qu’à ma connaissance il n’y avait pas trop de revendications en ce sens. Étant donné que la DEP est la suite logique de ces deux dispositifs que sont la DPA et la DPI, je trouve votre proposition un peu curieuse.

Par ailleurs, comme vous le savez, je ne suis pas favorable à la multiplication des dépenses fiscales sans en connaître le coût. Des aides budgétaires ou un accompagnement par des structures de financement me paraissent plus adaptés à cette filière que de plaquer un dispositif qui n’est peut-être pas forcément le bon. Je vous demande donc de retirer votre amendement.

M. Jean-Paul Mattei. Je pense, au contraire, que ce dispositif mériterait d’être examiné, car il y a bien des similitudes entre les artisans pêcheurs et les entreprises agricoles simples. On balaie donc un peu rapidement l’examen de certains amendements. J’espère qu’en séance publique on pourra les analyser de manière un peu plus sereine.

M. Jimmy Pahun. Je maintiens cet amendement qui permettrait de donner un signal fort aux marins pêcheurs alors que le Brexit se prépare.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Il est important que cet amendement soit présenté en séance afin que vous puissiez avoir un dialogue avec le ministre sur les conséquences du Brexit sur la pêche et le cas échéant enclencher un mécanisme. Mais je maintiens que celui que vous proposez n’est sans doute pas le mieux adapté.

La commission rejette l’amendement I-CF863.

Puis elle rejette l’amendement ICF312 de Mme Jeanine Dubié.

La commission examine ensuite les amendements identiques ICF512 de M. Fabrice Brun et ICF664 de Mme Véronique Louwagie.

M. Fabrice Brun. L’amendement I‑CF512 est défendu.

Mme Véronique Louwagie. Mon amendement I‑CF664 vise à régler un problème que rencontrent les exploitants agricoles : les activités accessoires n’étant pas taxées dans la catégorie des bénéfices agricoles mais dans les autres catégories, c’est à eux qu’il incombe de déterminer la quote-part du résultat qui doit être classé dans les autres catégories. Certes, des simplifications ont été apportées pour que ces exploitants puissent déterminer cette quote-part plus facilement, mais je vous propose d’aller plus loin en leur permettant, à titre de règle pratique, de faire le rapport entre le chiffre d’affaires des activités accessoires complémentaires et le chiffre d’affaires total pour déterminer la quote-part du résultat qui n’est pas taxée dans la catégorie des bénéfices agricoles.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Madame Louwagie, je vous propose de retirer votre amendement parce que votre exposé sommaire n’a rien à voir avec votre amendement…

Mme Véronique Louwagie. Je m’aperçois que j’ai défendu par erreur l’amendement I‑CF663 que nous examinerons juste après… Je retire l’amendement I‑CF664.

M. Fabrice Brun. Je retire également mon amendement I‑CF512.

Les amendements I-CF512 et I-CF664 sont retirés.

La commission rejette les amendements identiques ICF511 de M. Fabrice Brun, ICF558 de Mme Lise Magnier et ICF663 de Mme Véronique Louwagie.

Elle rejette également les amendements identiques ICF515 de M. Fabrice Brun et ICF667 de Mme Véronique Louwagie.

La commission en vient ensuite à l’amendement ICF1405 de M. Éric Coquerel.

Mme Sabine Rubin. Le crédit impôt recherche (CIR) sera, en 2020, la première dépense fiscale du budget de l’État : son coût devrait dépasser les 6 milliards d’euros pour des résultats assez peu probants en matière de recherche et développement. En effet, plafonné au niveau d’une filiale, mais pas au niveau du groupe, il est souvent utilisé dans des montages d’évasion fiscale. Vous vous en étiez vous-même ému, monsieur Giraud, et vous aviez tenté de réformer cette niche fiscale pour que le seuil de 100 millions d’euros soit apprécié à l’échelle d’un groupe et ainsi éviter que les entreprises fractionnent leurs dépenses de recherche. Mais cette mesure avait été rejetée.

Ensuite, ce dispositif est très inégal. En 2015, sur 14 000 entreprises ayant bénéficié du crédit impôt recherche, quarante-deux grandes entreprises, soit 0,3 % des bénéficiaires, ont accaparé à elles seules 31 % des créances de ce crédit d’impôt.

Enfin, il serait bon d’allouer les crédits du CIR à la recherche publique qui, elle, en a véritablement besoin.

Autant de raisons pour vous demander, cette année encore, la suppression du CIR.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Demander la suppression du CIR dans le cadre de la première partie du projet de loi de finances signifie qu’on le supprime avec des effets sur l’année en cours, ce qui pose un problème.

Je ne renie pas ce que j’ai dit s’agissant des risques d’optimisation. C’est la raison pour laquelle je présenterai, lors de l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances, un amendement visant à demander un rapport afin d’avoir les données suffisantes permettant de vérifier s’il n’y a pas d’optimisation fiscale. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF1405.

Puis elle est saisie de l’amendement ICF327 de M. François-Michel Lambert.

M. Michel Castellani. Cet amendement prévoit que les entreprises fiscalement domiciliées en France puissent bénéficier d’un abattement de 0,7 % sur l’ensemble de l’assiette imposable lorsque l’entreprise utilise un taux de plastique recyclé au moins égal à 25 %. Nous avons prévu un échéancier, qui va de 2020 à 2023, et qui concerne le taux d’abattement et le taux de plastique biosourcé, l’objectif étant bien évidemment de recycler le plastique.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Avec cet amendement, vous créez une discrimination forte puisque les entreprises qui bénéficieraient de ce système seraient favorisées par rapport à celles qui ne produisent pas de plastique… Avis défavorable.

Mme Bénédicte Peyrol. Sur tous ces sujets de déchets et d’économie circulaire, j’aimerais que l’on n’oublie pas le dispositif de responsabilité élargie du producteur, tel qu’il est codifié à l’article L. 541­‑10 du code de l’environnement, notamment pour ce qui touche aux emballages et aux plastiques, et qui permet déjà des modulations en fonction de l’intégration ou non de plastique recyclé dans les matières qu’on produit. Si l’on veut agir, il faut utiliser l’outil existant, quitte à l’améliorer. J’invite nos collègues, qui proposent de porter la TVA de 10 % à 5,5 %, à s’intéresser à ce dispositif qui, à mon avis, est le meilleur outil pour poursuivre notre action en matière d’intégration de matières recyclées et de rendre plus compétitives les matières recyclées par rapport aux matières vierges.

La commission rejette l’amendement I-CF327.

Elle est saisie de l’amendement ICF1027 de Mme Sarah El Haïry.

M. Jean-Noël Barrot. Cet amendement est défendu.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Défavorable, d’autant qu’il s’agit de revaloriser une niche qui est un des « trous noirs » dont nous avons parlé tout à l’heure.

La commission rejette l’amendement I-CF1027.

Elle examine, en discussion commune, les amendements ICF498 de M. Paul-André Colombani et ICF550 de M. Michel Castellani.

M. Michel Castellani. L’amendement I‑CF498, qui concerne un sujet que nous avons déjà évoqué l’an dernier, précise que ne sont pas passibles de l’impôt sur les sociétés les installations hydroélectriques de puissance inférieure à 500 kilowatts exploitées par des entreprises ou des collectivités territoriales situées dans les zones non interconnectées.

Je ne disserterai pas sur le handicap physique ni sur la nécessité d’aider la production d’énergies renouvelables, surtout dans les territoires fragiles.

L’amendement I‑CF550 poursuit la même logique qui est d’aider à la production d’hydroélectricité au travers d’allégements d’impôts dans des zones non interconnectées, en particulier les zones insulaires.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Nous avons déjà travaillé sur ce sujet avec monsieur Colombani. L’amendement est satisfait en ce qui concerne les collectivités territoriales. Par contre, dès lors que les installations hydroélectriques sont exploitées par une entreprise, celle-ci relève du droit classique de la concurrence. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements I-CF498 et I-CF550.

Puis elle étude l’amendement ICF1414 de Mme Sabine Rubin.

Mme Sabine Rubin. Cet amendement, que nous avons déjà défendu dans le cadre de l’examen du projet de loi visant à taxer les GAFA – Google, Amazon, Facebook, Apple – vise à créer la notion d’établissement stable pour les entreprises ayant une présence numérique significative en France, de sorte qu’elles s’acquittent de l’impôt sur les sociétés français au même titre que les entreprises physiquement implantées en France.

Il conviendrait de quantifier leur activité numérique sur le territoire, puis de les imposer comme les autres dès lors qu’elles atteignent un certain seuil. Cet amendement, qui reprend celui de Marie-Noëlle Lienemann au Sénat, prévoit de fixer ce seuil à 100 000 utilisateurs français et 3 000 contrats conclus avec des acteurs français.

M. Joël Giraud, rapporteur général. La transposition d’une directive suppose d’en adapter le contenu aux spécificités du droit national.

Pour ce qui est de la modernisation de la fiscalité internationale, vous allez être très satisfaite, madame Rubin, puisque, depuis ce matin, nous avons la proposition unifiée de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) qui prévoit l’application au modèle d’affaires numériques, et plus généralement à ceux qui fournissent des biens et des services aux consommateurs, d’un nouveau « nexus » qui dépasse l’établissement stable classique physique. Cette proposition est disponible à la consultation pour pouvoir être ensuite adoptée, ce dont je me réjouis à titre personnel. Avis défavorable.

Si vous le souhaitez, je peux vous transmettre le document.

M. le président Éric Woerth. Cette information est parue cet après-midi dans le journal Le Monde.

La commission rejette l’amendement I-CF1414.

Elle est saisie, en discussion commune, des amendements ICF1413 de Mme Sabine Rubin et ICF1074 de M. Fabien Roussel.

Mme Sabine Rubin. Mon amendement I‑CF1413 vise à taxer les multinationales à hauteur du bénéfice réellement réalisé en France. Je propose que le fisc français puisse s’intéresser au ratio chiffre d’affaires français/chiffre d’affaires mondial des multinationales et le comparer au ratio bénéfice français/bénéfice mondial.

M. Fabien Roussel. Le dispositif que nous vous soumettons est déjà appliqué dans d’autres pays. Certains États américains ont mis en place cette forme d’imposition : lorsque Coca-Cola réalise 10 % de son chiffre d’affaires dans un État, il paie 10 % d’impôt sur les bénéfices réalisés dans cet État.

Notre amendement I‑CF1074 propose que les grands groupes internationaux qui ont des filiales dans de nombreux pays payent en France des impôts sur les bénéfices réalisés en France. Des entreprises comme LVMH, Starbucks, McDonald’s ou General Electric qui ferme son entreprise de Belfort, doivent payer en France des impôts sur ce qu’elles gagnent en France. C’est ce que nous appelons le prélèvement à la source des bénéfices des multinationales.

Je sais que le rapporteur général va me répondre qu’il faudrait revoir les conventions fiscales bilatérales. Nous prévoyons justement qu’à compter de la promulgation de la loi, le Gouvernement commence à travailler sur ces conventions fiscales en les prenant une à une, pays par pays.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Plutôt que d’aborder vingt ou trente ans de négociation des conventions fiscales bilatérales, je viens de vous préparer un document qui n’est pas étranger à la mobilisation de la France sur ce sujet auprès de l’OCDE. Les choses n’arrivent en effet pas par hasard mais parce qu’un important travail de la France et de quelques autres États a été réalisé sur ce sujet. Tout ce que vous évoquez figure justement dans le document de l’OCDE que je vous invite à consulter car notre priorité est de faire en sorte que ce processus aboutisse. Avis défavorable.

M. Fabien Roussel. Avez-vous une idée du temps que cela va prendre entre les préconisations de l’OCDE et leur transcription dans la loi ? On sait bien que, selon la volonté des gouvernements, cela peut prendre une décennie.

M. Joël Giraud, rapporteur général. L’idée est un atterrissage en 2020. Nous sommes donc déjà sur un très bon chemin…

M. le président Éric Woerth. Monsieur Roussel, vous poserez la question au ministre.

La commission rejette successivement les amendements I-CF1413 et I-CF1074.

Elle est saisie des amendements identiques ICF14 de M. Vincent Descoeur, ICF53 de M. Fabrice Brun, ICF114 de Mme Lise Magnier, ICF411 de Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, ICF525 de Mme Émilie Bonnivard et ICF975 de Mme Marie-Christine Dalloz.

M. Vincent Descoeur. L’amendement I‑CF14 propose d’étendre le bénéfice de la déduction pour épargne de précaution aux sociétés exerçant une activité agricole à titre prépondérant – plus de 90 % du chiffre d’affaires. Le dispositif introduit dans la loi de finances de 2019, qui se voulait souple, exclut de fait les entreprises ayant fait le choix du régime d’imposition sur les sociétés. Or ces entreprises sont tout autant sujettes aux aléas climatiques et économiques et à la nécessité de se constituer des réserves de précaution pour y faire face.

M. Fabrice Brun. Mon amendement I‑CF53 concerne également le dispositif nouveau de déduction pour épargne de précaution réservé aux entreprises imposées à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices agricoles et qui exclut de fait les entreprises agricoles ayant fait le choix du régime d’imposition sur les sociétés. La mesure que je propose vise donc à y remédier.

Mme Lise Magnier. L’amendement I‑CF114 est défendu.

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas. Mon amendement I‑CF411 est identique. Il s’agit de rebondir sur le dispositif que nous avons voté l’année dernière dans le cadre de la fiscalité agricole sur l’épargne de précaution et de l’étendre aux entreprises exerçant une activité agricole très prépondérante, soit 90 % ou plus de leur chiffre d’affaires, parce qu’elles sont elles aussi touchées par les aléas climatiques ou autres.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement I‑CF525 est défendu.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’épargne de précaution a été revue et corrigée l’an dernier. Nous avons souhaité un dispositif simple, souple, qui prenne en compte les aléas que l’ensemble des professions agricoles ne connaissaient pas auparavant. Cette épargne de précaution a donc une vraie vocation. Toutefois, se pose un problème de distorsion de traitement en fonction du régime d’imposition. Mon amendement I‑CF975 est un amendement de bon sens et d’harmonisation.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Ces amendements identiques proposent de rendre les sociétés assujetties à l’impôt sur les sociétés éligibles à la nouvelle déduction pour épargne de précaution (DEP), créée par la loi de finances pour 2019.

Je rappelle que, lors de l’examen du PLF 2019, notre Assemblée n’avait pas retenu cette proposition.

Par ailleurs, les mécanismes ayant précédé la DEP, à savoir la DPA et la DPI, n’étaient pas ouverts aux sociétés à l’IS. Je rappelle également que l’option pour l’IS a été rendue révocable par la loi de finances pour 2019 : une société agricole qui déciderait de passer à l’IS mais qui se rendrait compte que cela ne lui convient pas pourra donc désormais revenir à l’IR, ce qui constitue un progrès.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est complexe !

M. Joël Giraud, rapporteur général. Peut-être, mais c’est utile…

Enfin, chacun des deux régimes – celui de l’IR et celui de l’IS – ayant ses avantages et ses inconvénients, il appartient à chaque société de voir quel est celui qui lui convient le mieux.

J’émets donc, comme l’an dernier, un avis défavorable à ces amendements.

Mme Émilie Cariou. Effectivement, la DPA, la DPI et la DEP sont des régimes pour les bénéfices agricoles assujettis à l’impôt sur le revenu. L’impôt sur les sociétés a une autre logique et un autre taux d’imposition, que nous abaissons jusqu’à 25 %. On ne peut donc pas mélanger les avantages du régime des bénéfices agricoles assujettis à l’impôt sur le revenu avec ceux du régime de l’IS, qui sont soumis à des règles comptables bien distinctes. Je vous demande de respecter l’épure de la DEP que nous avons adoptée l’année dernière.

Mme Véronique Louwagie. Il ne s’agit pas de mélanger les deux régimes, mais de prendre en compte la spécificité de certaines activités – en l’occurrence, les activités agricoles – qui, quel que soit le régime d’imposition, existent bel et bien. J’estime que nous pourrions donc réfléchir à des adaptations et à la mise en place de dispositions particulières afin de soutenir nos exploitants agricoles : cela mérite au moins un débat.

M. Vincent Descoeur. On parle d’épargne de précaution dans un contexte d’aléas climatiques. On ne peut pas, d’un côté, affirmer qu’il faut s’adapter aux aléas climatiques et, de l’autre, venir opposer des objections techniques quand il est proposé d’étendre des dispositifs qui pourraient être salutaires pour les agriculteurs.

Mme Lise Magnier. Lorsque nous avons rendu l’année dernière le passage à l’IS révocable, monsieur le rapporteur général, c’était pour inciter les agriculteurs à passer à l’IS en les aidant à surmonter les freins psychologiques qui peuvent s’opposer à cette évolution. Le groupe d’études sur la modernisation des activités agricoles, dont je faisais partie, avait identifié ces freins, et notre objectif était bien d’accompagner nos agriculteurs dans leur transformation en chefs d’entreprise, ce qui impliquait de basculer vers l’impôt sur les sociétés. Effectivement, nous avons créé la DEP en parallèle, mais il faut faire preuve de cohérence : si nous incitons nos agriculteurs à passer à l’IS, ils doivent aussi pouvoir bénéficier des outils créés à leur intention, notamment de la déduction pour épargne de précaution.

La commission rejette les amendements I-CF14, I-CF53, I-CF114, I-CF411, ICF525 et I-CF975.

Elle examine l’amendement ICF965 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. L’amendement I‑CF965 vise à appliquer le taux réduit d’IS aux plus-values immobilières réalisées par les organismes HLM à l’occasion de ventes de commerces, sous réserve que cet argent soit réinvesti dans la construction de logements.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Nous avons adopté dans le cadre du PLF 2019 des dispositions offrant un certain nombre de possibilités aux organismes HLM : je pense notamment à la possibilité de transférer, en cas de fusion, leurs déficits et intérêts en report d’imposition. Les modalités de fusion des offices HLM ont donc déjà été substantiellement assouplies l’an dernier.

Les offices HLM peuvent également bénéficier du taux réduit de 19 % au titre des plus-values de cession de leurs locaux non affectés au logement social, si le cessionnaire s’engage à les transformer en locaux d’habitation.

Dans la mesure où il existe déjà tout un éventail de dispositifs en la matière, je vous invite à retirer votre amendement, et à engager en séance publique un dialogue avec le Gouvernement sur les dispositifs qu’il vous semblerait opportun de compléter.

L’amendement I-CF965 est retiré.

La commission est saisie de l’amendement ICF968 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. L’amendement I‑CF968 vise à étendre le régime de l’article 210 F du code général des impôts aux ventes à un organisme de foncier solidaire (OFS). Ce type d’organisme, qui réalise des opérations d’accession très sociale à la propriété, est l’un des seuls à ne pas bénéficier de ce régime.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Sur le fond, je suis plutôt d’accord avec vous ; toutefois, à la lecture de son dispositif, j’ai l’impression que votre amendement est satisfait. Je vous invite par conséquent à le retirer et, si nous constatons d’ici à la séance publique que les OFS ne peuvent pas être cessionnaires dans le cadre du dispositif – il se peut qu’il y ait eu un problème dans l’application de dispositions votées –, nous en tirerons les conséquences.

L’amendement I-CF968 est retiré.

La commission examine, en discussion commune, l’amendement ICF1421 de Mme Sabine Rubin et l’amendement ICF1459 de Mme Émilie Cariou.

Mme Sabine Rubin. L’amendement I‑CF1421 est défendu.

Mme Émilie Cariou. L’amendement I‑CF1459 a uniquement pour objet d’ajuster le montant de la quote-part pour frais et charges, réintégré au résultat fiscal des entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés au titre de la niche Copé, en faisant passer son taux de 12 % de la plus-value brute réalisée à 13,29 % de cette plus-value, afin de tenir compte de la baisse du taux d’impôt sur les sociétés. La disposition proposée n’aurait pas pour effet d’augmenter l’imposition des plus-values à long terme, mais simplement de maintenir leur taux d’imposition.

M. Joël Giraud, rapporteur général. J’ai vraiment l’impression que ces amendements sont orthogonaux par rapport à la proposition de directive ACIS que nous soutenons, et qui prévoit à son article 8 l’exonération des plus-values de cession de titres, mais aussi par rapport à la position commune franco-allemande de Meseberg du 19 juin 2018, qui prévoit une quote-part plafonnée à 5 %. Nous en sommes déjà loin, et ces amendements accentueraient encore le décalage, c’est pourquoi je vous invite au retrait de ces amendements.

M. le président Éric Woerth. Je partage l’opinion du rapporteur général, mais aussi celle du ministre, qui estime qu’il faut favoriser la compétitivité, et que le régime des plus-values de cessions à l’intérieur des groupes est moins avantageux en France que dans les autres pays. Je rappelle par ailleurs que la directive ACIS prévoit une exonération totale des plus-values de cession de titres, et que les Allemands appliquent un taux très bas… Si nous voulons préserver la compétitivité de notre pays, il faut agir en conséquence car, comme vous le savez, les holdings sont très facilement déplaçables.

Mme Émilie Cariou. Je le répète, mon amendement ne vise pas à augmenter l’imposition des plus-values à long terme, mais juste à maintenir leur taux d’imposition.

La commission rejette successivement les amendements I-CF1421 et I-CF1459.

Elle est saisie, en discussion commune, de l’amendement ICF477 de M. Philippe Vigier et de l’amendement ICF1057 de M. Jean-Noël Barrot.

M. Michel Castellani. L’amendement I‑CF477, déjà présenté l’an dernier, vise à faire en sorte que les redevables de l’impôt sur les sociétés ne puissent être assujettis à un taux implicite d’imposition inférieur à 15 % de leur bénéfice.

Dans le contexte actuel, il est urgent de réduire l’écart entre le taux facial de 31 % prévu pour les sociétés et le taux de 22 % qui leur est réellement appliqué, afin qu’il y ait plus de justice sociale entre les grosses et les petites entreprises. Le taux d’imposition réel est en effet fortement décroissant pour les grandes entreprises, notamment celles du CAC 40, qui ont un taux implicite plus bas, du fait du rapport entre l’impôt sur les sociétés qu’elles acquittent et leurs résultats d’exploitation.

Le présent amendement constitue une mesure forte d’équité devant le paiement de l’impôt.

M. Jean-Noël Barrot. L’amendement I‑CF1057 propose la mise en place d’un taux minimum d’impôt sur les sociétés, conformément à une idée que la France défend dans le cadre des négociations avec l’OCDE. Rien n’empêche notre pays d’adopter cette mesure de justice fiscale, puisque les États-Unis eux-mêmes l’ont déjà fait. Quelle entreprise pourrait se plaindre de payer moins de 12 % d’impôt sur ses bénéfices – à moins, bien sûr, que sa situation ne s’explique par des pratiques d’évasion ou d’optimisation fiscale ?

M. Joël Giraud, rapporteur général. Vous faites appel à la notion de taux implicite d’imposition, qui n’a aucune définition légale : on ne saurait donc légiférer sur cette base.

Enfin, je rappelle que le rapport du comité des prélèvements obligatoires (CPO) sur l’IS produit en décembre 2016, ainsi que son rapport particulier n° 3, démontre la difficulté de définir de façon absolument fiable ce qu’est le taux implicite et comment il est calculé.

Pour l’ensemble de ces raisons, je suis défavorable à ces deux amendements.

La commission rejette successivement les amendements I-CF477 et ICF1057.

Elle examine l’amendement ICF657 de Mme Sarah El Haïry.

Mme Sarah El Haïry. L’amendement I‑CF657 vise à faciliter le financement de la transformation ou de la création d’une société coopérative SCOP. Il introduit ainsi une déduction des intérêts du prêt contracté dans l’objectif de financer la transformation ou la création d’une SCOP.

Avec votre permission, monsieur le président, je défendrai par avance l’amendement I‑CF654 qui, dans le même esprit, propose la création d’une réserve placée sur un compte bancaire à part, et devant être utilisée dans les sept ans pour racheter les parts des associés sortant dans le cadre d’une transformation en SCOP – ce dispositif étant assorti de limites afin d’éviter tout usage abusif.

Souvent, quand une personne veut céder son entreprise à ses propres salariés, ceux-ci n’ont pas les moyens de financer l’achat des parts. Le dispositif proposé, dont les limites sont strictement définies, permet qu’ils puissent disposer du financement nécessaire.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Madame El Haïry connaît mon attachement aux SCOP : nous avons réintroduit dans le précédent PLF des dispositifs qui avaient failli être supprimés.

Cela dit, ces deux amendements visent à créer une nouvelle dépense fiscale dont l’impact n’est pas connu et qui n’est pas bornée, et j’ai horreur de faire grossir les trous noirs fiscaux… Ne serait-ce que pour cette raison, à laquelle s’ajoutent d’autres motifs de fond, je vous demanderai de retirer ces deux amendements qui ne paraissent pas très raisonnables.

Mme Sarah El Haïry. J’ai bien entendu l’argumentation du rapporteur général, et je retire mes deux amendements, que je déposerai à nouveau en séance publique après les avoir bornés comme il se doit.

L’amendement ICF657 est retiré.

La commission est saisie de l’amendement ICF418 de M. Charles de Courson.

M. François Pupponi. L’amendement I‑CF418 a pour objet de réaligner le taux de la taxe sur les boni sur celui de l’intérêt de retard, qui a été divisé par deux l’année dernière – deux taux qui, historiquement, étaient au même niveau.

M. Joël Giraud, rapporteur général. J’ai le sentiment que la baisse du taux normal d’IS, telle que nous la programmons, va conduire à réduire la charge supportée par les entreprises d’assurances au titre de la taxe sur les boni, dans la mesure où elle en diminuera l’assiette. Dès lors, diviser par deux le taux de cette taxe aurait pour effet d’accorder un double avantage : une réduction du taux associée à une réduction d’assiette.

Je suis donc défavorable à cet amendement – tout comme notre assemblée l’a été lors du second PLFR 2017 et du PLF 2019 –, d’autant plus que vous lui donnez une portée rétroactive jusqu’en 2018, ce qui n’est guère raisonnable.

La commission rejette l’amendement I-CF418.

L’amendement ICF654 est retiré.

La commission examine les amendements ICF260 et ICF261 de M. Nicolas Forissier.

M. Nicolas Forissier. Je vais défendre conjointement les amendements I‑CF260 et I‑CF261, qui sont complémentaires et ont tous deux pour objectif de préciser, mais aussi de simplifier les procédures de transmission d’entreprise – domaine dans lequel il nous reste à accomplir un gros travail.

À l’heure actuelle, quand un chef d’entreprise cède son fonds de commerce ou son entreprise, par exemple à ses enfants, il bénéficie d’une exonération fiscale, mais peut être conduit à rester au sein de l’entreprise pendant un certain temps afin d’y exercer des fonctions de direction ou d’encadrement s’apparentant à un tutorat, souvent nécessaire pour que la transmission se passe bien et que la pérennité et le développement de l’entreprise soient assurés. L’amendement I‑CF260 a donc pour objet de préciser qu’il est possible au chef d’entreprise de continuer à exercer des responsabilités au sein de l’entreprise qu’il a cédée, pendant les deux années suivant la cession et en continuant à bénéficier de l’exonération prévue.

Par ailleurs, la rédaction actuelle de l’article 238 quindecies du code général des impôts comporte une ambiguïté pouvant être source d’imbroglios juridiques et fiscaux – j’ai moi-même eu connaissance de deux affaires portant sur ce point. Afin de mettre un terme à cette situation, il est proposé que l’application des exonérations fiscales soit effective dès lors que les deux situations mentionnées dans l’article sont remplies.

Ces deux amendements sont de nature à conforter les transmissions d’entreprises, tout en évitant les problèmes juridiques pouvant donner lieu à d’interminables conflits avec les services fiscaux.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Outre le fait qu’ils ne sont pas chiffrés, ces amendements sont contraires à l’esprit du dispositif en vigueur, qui est de faire en sorte que la transmission soit franche : permettre au cédant de rester aux commandes de l’entreprise aurait pour conséquence de brouiller la transmission, surtout dans le cas d’entreprises individuelles ou de sociétés de personnes.

M. Nicolas Forissier. J’appelle l’attention du rapporteur général sur le fait que ces amendements ont pour objet de répondre à une situation concrète se présentant très fréquemment. La question qui se pose est celle consistant à savoir si on veut assurer une bonne transmission des entreprises. Il est utile dans bien des cas, notamment celui des petites et très petites entreprises, que le chef d’entreprise cessionnaire puisse rester un certain temps après la cession – le délai maximal retenu par l’amendement est de deux ans, mais il ne s’agit parfois que de quelques semaines ou quelques mois.

Par ailleurs, l’imprécision actuelle de la rédaction du code général des impôts aboutit à des contestations d’exonération injustifiées.

J’estime par conséquent que ces deux amendements de terrain et de bon sens ne remettent pas du tout en cause l’esprit du dispositif de soutien à la cession d’entreprises : bien au contraire, ils renforcent les garanties mises en place.

M. Jean-Paul Mattei. Ce qui est ici proposé me semble intéressant.

L’article 238 quindecies du CGI prévoit une exonération totale des contributions sociales et de l’impôt pour les cessions d’un montant inférieur à 300 000 euros – cette exonération étant partielle pour les cessions comprises entre 300 000 euros et 500 000 euros –, tandis que l’article 151 septies A du même code prévoit que le chef d’entreprise peut rester deux ans au sein de l’entreprise après son départ en retraite. L’amendement de notre collègue vise donc à appliquer à l’article 238 quindecies, que l’on connaît, le dispositif d’exonération fiscale de l’article 151 septies A, ce qui semble tout à fait opportun. Dans la mesure où il s’agit de petites cessions, d’un montant inférieur ou égal à 500 000 euros, les dispositions proposées ne sauraient avoir pour conséquence de grever le budget de l’État et seraient de nature à faciliter la transmission des petites entreprises, c’est pourquoi je soutiens ces amendements de bon sens.

La commission rejette successivement les amendements I-CF260 et I-CF261.

Elle est saisie de l’amendement ICF52 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. L’amendement I‑CF52 se situe également dans le champ de la transmission d’entreprises familiales, et porte lui aussi sur l’article 238 quindecies du CGI, cher à Nicolas Forissier. Selon cet article, les plus-values réalisées par le bailleur lors de la cession du fonds donné en location-gérance – une formule très fréquemment utilisée dans le domaine de l’hôtellerie et de la restauration familiales – peuvent bénéficier, à certaines conditions, de l’exonération totale ou partielle en fonction de la valeur du fonds prévue par ledit article.

Afin que l’exonération puisse clairement s’appliquer à la transmission d’un bien en location-gérance entre membres d’une même famille, mon amendement vise à affirmer le caractère spécifique du VII de l’article 238 quindecies au regard des conditions posées au II du même article.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Cet amendement vise à permettre au cédant de conserver la direction d’une entreprise qu’il a transmise, tout en bénéficiant d’une exonération sur les plus-values réalisées lors de la cession.

M. Fabrice Brun. Ce n’est pas tout à fait cela !

M. Joël Giraud, rapporteur général. Concrètement, c’est bien ainsi que les choses se présentent. Je confirme donc l’avis défavorable que j’avais émis l’an dernier à l’égard de cette proposition.

M. Fabrice Brun. J’appelle votre attention sur le fait que le cédant ne conserve pas la direction de l’entreprise. Mon amendement vise notamment les cas de transmission d’hôtels et de restaurants aux enfants du cédant : dans ce cas de figure, les parents ne conservent absolument pas la direction de l’établissement qu’ils cèdent à leurs enfants. Dans les zones rurales et de montagne où l’on trouve souvent cette hôtellerie familiale traditionnelle que vise ma proposition, et qui mérite d’être confortée, la transmission ne doit pas se trouver compromise pour des raisons fiscales.

Mme Véronique Louwagie. Quand un contrat de location-gérance est conclu dans le cadre familial, c’est le plus souvent parce que l’enfant repreneur ne pouvait pas accéder à un crédit bancaire : c’est la solution qui lui permet de s’installer. Les parents demeurent propriétaires du fonds de commerce ; mais, au moment de vendre, lorsque, après quelques années d’activité, l’enfant peut obtenir un crédit, ils ne bénéficient plus des dispositifs d’exonération fiscale prévoyant que le vendeur doit être exploitant, car le propriétaire ayant cédé son bien en location-gérance n’est plus considéré comme un exploitant.

Le contrat de location-gérance est cependant un dispositif très efficace pour assurer une transmission dans de bonnes conditions. Il y a là une petite une difficulté qu’il faudrait résoudre.

M. le président Éric Woerth. C’est vrai, et sans doute pourrions-nous au moins réfléchir aux moyens de nature à permettre de préserver ces dispositifs utiles et très répandus.

Mme Véronique Louwagie. Je suis tout à fait disposée à travailler sur le sujet avec monsieur Brun…

M. le président Éric Woerth. Qu’en pensez-vous, monsieur le rapporteur général ?

M. Joël Giraud, rapporteur général. J’entends ce que dit madame Louwagie, et il me semble que nous pourrions constituer un petit groupe de travail transpartisan afin de trouver des solutions au problème mis en évidence, tout en évitant qu’elles puissent donner lieu à des abus – mais je sais que vous avez la même préoccupation : je ne vous vois pas proposer un dispositif qui favoriserait les abus…

M. Fabrice Brun. Effectivement !

M. le président Éric Woerth. C’est dit, nous organiserons donc ce groupe de travail à l’issue de l’examen du PLF, afin que puisse avoir lieu une discussion sereine sur le sujet qui nous intéresse – elle pourra également porter sur les amendements de monsieur Forissier, rédigés dans le même état d’esprit, et que nous n’avons pas oubliés…

Dans l’immédiat, je suppose que vous n’êtes pas opposé au retrait de votre amendement, monsieur Brun ?

M. Fabrice Brun. J’avais déjà proposé la même disposition l’an dernier ; je me félicite qu’elle soit mieux accueillie aujourd’hui, avec cette proposition de constituer rapidement un groupe de travail. Constatant cette évolution favorable, je retire mon amendement.

L’amendement I-CF52 est retiré.

La commission examine l’amendement ICF410 de M. François Pupponi.

M. Michel Castellani. Le crédit d’impôt recherche et le crédit d’impôt innovation sont des outils dont importance n’est plus à souligner en matière de développement économique et d’attractivité du territoire.

Or, parmi les mesures fiscales spécifiques à la Corse dont bénéficient les entreprises, aucune ne concerne la recherche et développement (R & D) et l’innovation. La Corse est pourtant la dernière région française en termes de dépenses de R & D. Elle présente le ratio R & D/PIB le plus faible parmi les grandes îles méditerranéennes occidentales. Enfin, la part des dépenses en R & D y est de 0,4 % du PIB, alors que la moyenne européenne est de 1 %.

Partant de ce constat, l’amendement I‑CF410 a pour objectif d’étendre à la Corse le dispositif, prévu par la loi de finances pour 2015 en faveur des départements d’outre-mer, qui majore les taux du crédit d’impôt recherche et du crédit d’impôt innovation : en l’occurrence, il est proposé de porter le taux du crédit d’impôt à 40 % au lieu de 20 % pour les dépenses d’innovation à compter du 1er janvier 2019. En adoptant une telle mesure, qui constituerait un grand pas en faveur d’un écosystème favorable aux entreprises technologiques en Corse, nous jouerions gagnant-gagnant.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je suis un peu étonné, car cet amendement, suivant mon avis favorable, a été adopté l’année dernière : il est devenu l’article 150 de la loi de finances pour 2019. Dans la mesure où cette disposition figure déjà dans le CGI, votre amendement est satisfait. Je vous invite par conséquent à le retirer.

M. le président Éric Woerth. Il serait bon d’en faire également la publicité !

M. Joël Giraud, rapporteur général. Oui, il faut faire un peu de propagande !

L’amendement I-CF410 est retiré.

La commission est saisie de l’amendement ICF1433 de M. Éric Coquerel.

Mme Sabine Rubin. Notre amendement I‑CF1433 devrait plaire au rapporteur général puisque, conformément à ce qu’il propose lui-même dans son rapport sur l’application de la loi fiscale, il consiste à considérer l’assiette prise en compte pour le calcul du crédit impôt recherche au niveau de la société concernée en entier – c’est-à-dire du groupe – et non plus au niveau de ses entités.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Comme je l’ai déjà dit tout à l’heure, je vais présenter dans le cadre de la deuxième partie du PLF un amendement visant à ce que soit rédigé un rapport sur le crédit impôt recherche.

Plutôt que d’agir sur les opérations en cours, cette mesure permettra de disposer de données relatives à l’utilisation du CIR, et de voir si ce dispositif donne lieu ou non à des pratiques d’optimisation. Dans l’immédiat, je vous invite au retrait de votre amendement.

Mme Sabine Rubin. Nous verrons en deuxième partie, mais dans l’immédiat je maintiens mon amendement.

La commission rejette l’amendement I-CF1433.

La commission examine l’amendement ICF1423 de Mme Sabine Rubin.

Mme Sabine Rubin. L’amendement I‑CF1423 vise à mettre en place une pénalité financière correspondant au double du montant du crédit impôt recherche perçu sur l’année en cas de suppression de postes de recherche au cours de la même période.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Votre amendement conduirait à ce qu’un euro de diminution des dépenses relatives au personnel de recherche se traduise aussitôt par une reprise du CIR versé et l’application d’une pénalité de 100 %. C’est costaud ! Cette mesure me semble aller beaucoup trop loin… C’est pourquoi j’émets un avis défavorable.

Mme Sabine Rubin. Profiter du CIR tout en licenciant les personnels de recherche au lieu d’en recruter, c’est costaud aussi !

La commission rejette l’amendement I-CF1423.

Elle est saisie, en discussion commune, des amendements ICF635 et ICF728 de M. Jean-Félix Acquaviva, ICF505 de M. Paul-André Colombani et ICF653 de M. Michel Castellani.

M. François Pupponi. La loi de finances pour 2019 a mis un terme, à juste titre, à une forme de détournement du crédit d’impôt pour les investissements en Corse (CIIC), en excluant les meublés de tourisme du bénéfice du CIIC. Aujourd’hui, il convient cependant de procéder à quelques réglages, en faisant en sorte de ne pas exclure du bénéfice du CIIC les résidences de tourisme de faible capacité. Tel est l’objet de l’amendement I‑CF635.

Quant à l’amendement I‑CF728, il vise à augmenter le taux du crédit d’impôt spécifique à la Corse pour les entreprises qui se montreraient exemplaires dans la production de biens éco-conçus et dans la réutilisation des déchets dans les processus de production.

M. Michel Castellani. L’amendement I‑CF505 vise à aménager un prolongement du crédit d’impôt pour les investissements en Corse, dans la perspective de la révision prochaine du règlement général d’exemption par catégorie (RGEC). Dans cette perspective, il convient de connaître la position du Gouvernement vis-à-vis de la stratégie qu’il compte adopter pour la sortie en douceur de ce dispositif de crédit d’impôt qui reste utile dans un contexte de tensions sociétales liées à la situation économique de la Corse.

Par ailleurs, déjà pénalisé par le prix du carburant en Corse, le secteur du transport ne peut pas recourir au crédit d’impôt pour certains investissements réalisés et exploités en Corse. Tenant compte des contraintes liées à l’insularité, qu’une étude publiée en juin 2018 par la chambre de commerce et d’industrie de Corse a mises en évidence et chiffrées, l’amendement I‑CF653 a deux objectifs : d’une part, répondre au double handicap touchant le secteur du transport ; d’autre part, étendre d’une année le dispositif du CIIC.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Le CIIC n’est pas ouvert au titre des investissements réalisés en Corse pour les besoins d’une activité de transport. Je comprends que vous souhaitiez supprimer cette exclusion, mais je ne suis pas certain que le CIIC soit le bon outil pour remédier aux difficultés constatées en matière de transport de marchandises. Le problème résulte plutôt de l’insularité, des infrastructures et du coût du carburant. Au demeurant, je rappelle que le CIIC bénéficie aux PME, et non à toutes les entreprises. Enfin, je rappelle que le droit européen encadre les aides en matière de transport, notamment en matière de compensation des surcoûts de transport de marchandises. Ces surcoûts peuvent être compensés par des aides dans les zones d’aides à finalité régionale. De telles aides de compensation doivent être objectivement quantifiables et liées aux surcoûts, aux termes du Règlement général d’exemption par catégorie de 2014. Tel n’est pas le cas pour le CIIC, dont le montant est proportionnel au coût de l’investissement, et sans lien avec le surcoût de transport.

Pour ce qui est de l’exclusion des meublés de tourisme s’appliquant uniquement aux non-professionnels, point dont nous avons déjà débattu ensemble, je partage totalement la philosophie de votre amendement I‑CF635, mais l’interprétation faite par la doctrine fiscale de la notion d’hôtels éligibles au CIIC est large et inclut les résidences de tourisme, qu’elles soient classées ou non. Or, le prérequis de cinquante lits ne vaut que pour le classement, volontaire, d’une résidence de tourisme. Il semble donc résulter de la doctrine fiscale que votre objectif est satisfait, comme je vous l’avais laissé entendre lorsque nous nous étions réunis à ce sujet.

Sur l’extension aux établissements de santé privés, je relève tout d’abord que, dans la mesure où il s’appliquerait aux exercices ouverts au 1er janvier 2019, l’amendement pose problème par le fait qu’il est rétroactif et s’applique à des dépenses déjà engagées. Pour le reste, c’est un débat que nous avons déjà eu l’an dernier, et qui a également donné lieu à des réunions. Je rappelle que soit l’établissement de santé n’a pas de but lucratif, et il est alors exonéré – de façon logique, vous excluez d’ailleurs ces établissements –, soit il poursuit des activités lucratives et doit bénéficier du crédit d’impôt pour certains équipements – en effet, les activités libérales, éligibles à la mesure, incluent les professions médicales.

Si l’établissement répond aux conditions fixées, il pourra utiliser l’outil pour ces équipements. Par ailleurs, en zone de revitalisation rurale (ZRR), les professionnels de santé libéraux pourront prétendre aux exonérations applicables. Pour ce qui est d’une éventuelle extension, sauf erreur de ma part, le Gouvernement est en train de travailler sur la question avec l’ARS. La DGFiP a été saisie et devrait apporter une réponse à ce sujet dans les semaines qui viennent. Le processus est en cours – j’attends d’ailleurs encore une lettre de l’ARS ; dans l’immédiat, je vous invite à retirer cet amendement qui est au moins partiellement satisfait par le droit en vigueur et qui, pour le reste, mériterait de laisser se conclure les travaux en cours.

En résumé, je demande le retrait de ces quatre amendements.

M. François Pupponi. Je suis disposé à retirer mes amendements, mais vous ne m’avez pas répondu au sujet des entreprises exemplaires en matière de recyclage des déchets, monsieur le rapporteur général.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Sur la majoration du taux pour certains investissements relevant de l’économie circulaire, je crains que votre amendement ne conduise à une confusion sur le taux applicable aux TPE : je rappelle qu’elles bénéficient d’un taux majoré de 30 %, mais avec l’amendement, on ne saurait plus trop si on doit leur appliquer un taux de 30 % ou de 40 % si elles réalisent les investissements visés. La version consolidée de l’article 244 quater E ferait naître une incertitude, voire une contradiction. Je vous invite donc à retirer cet amendement.

M. François Pupponi. Je retire les amendements que j’ai défendus.

M. Michel Castellani. Je retire également les miens.

Les amendements I-CF635, I-CF728, I-CF505 et I-CF653 sont retirés.

Les amendements ICF409 et ICF407 de M. François Pupponi sont également retirés.

La commission examine l’amendement ICF687 de M. Michel Castellani.

M. Michel Castellani. L’amendement I‑CF687 me donne à nouveau l’occasion d’évoquer la situation du secteur du transport en Corse. Premièrement, le prix du carburant est en moyenne plus élevé sur l’île que sur le continent ; deuxièmement, les transporteurs de marchandises doivent adapter leurs investissements en matériel aux contraintes liées à l’insularité, qui induisent des surcoûts énormes en matière de personnel, de nombre de remorques nécessaires et de traversées maritimes.

L’étude publiée en juin 2018 par la chambre de commerce et d’industrie de Corse chiffre ces surcoûts à près de 300 % pour les entreprises corses par rapport à celles du continent. Nous souhaitons par conséquent que des entreprises de transport corses aient accès au crédit d’impôt : tel est l’objet de cet amendement.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Comme je l’ai déjà fait précédemment, je rappelle que le droit européen encadre les aides en matière de transport. Je vous invite à retirer cet amendement.

M. Michel Castellani. Je le maintiens.

La commission rejette l’amendement I-CF687.

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques ICF54 de M. Fabrice Brun, ICF113 de Mme Lise Magnier, ICF199 de M. Charles de Courson, ICF526 de Mme Émilie Bonnivard, et les amendements ICF1537 de la commission du développement durable, ICF74 et ICF89 de Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas.

M. Fabrice Brun. L’amendement I‑CF54 vise à accompagner les exploitations agricoles afin d’atténuer le coût administratif de la certification environnementale en leur octroyant un crédit d’impôt égal à celui à celui dont bénéficient les exploitations engagées en agriculture biologique, qui a rencontré un réel succès.

M. François Pupponi. L’amendement identique I‑CF199 vise à inciter les viticulteurs à s’engager dans la viticulture durable et à accélérer cet engagement.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement I‑CF526 est défendu.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur pour avis de la commission du développement durable. Tout a déjà été dit sur notre amendement I‑CF1537, monsieur le président.

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas. Je défendrai conjointement les deux amendements I‑CF74 et I‑CF89 : il s’agit de faire bénéficier les viticulteurs de la certification de troisième niveau permettant l’utilisation de la mention de la labellisation « exploitation de haute valeur environnementale (EHVE) » visée à l’article D. 6174 du code rural et de la pêche maritime. Il s’agit en effet d’un modèle qui, s’il peut, surtout en viticulture, s’avérer aussi vertueux que celui de l’agriculture biologique, ne bénéficie à ce jour d’aucun coup de pouce financier.

Nous réclamons depuis deux ans un crédit d’impôt afin d’inciter les viticulteurs qui ne sont pas encore engagés dans cette démarche à s’y convertir : il leur permettrait d’en bénéficier pendant les deux années de transition, c’est-à-dire celles suivant l’obtention de leur certificat.

Nous parlons bien ici de certification EHVE 3, autrement dit du plus haut niveau. Un tel dispositif permettrait aux viticulteurs, comme le prévoit l’amendement I‑CF74, de bénéficier d’un crédit d’impôt égal à 2 000 euros pendant trois ans, comme dans le cas d’une conversion à l’agriculture biologique.

L’amendement I‑CF89 est un amendement de repli : il ne prévoit en effet que ce crédit d’impôt ne leur bénéficierait que lors de leur année de transition. Anticipant les propos de monsieur le rapporteur général, j’ai mesuré l’impact de ce dispositif : il coûterait aujourd’hui, pour 2 000 exploitations, 4 millions d’euros.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Au delà des problèmes techniques que peut poser chacun d’eux, ces amendements sont tous de nature, ainsi que je l’ai déjà expliqué, à créer un effet d’aubaine par le fait qu’ils sont placés en première partie du projet de loi de finances. Je vous demande donc de les retirer pour les redéposer dans le cadre de la seconde partie de ce projet de loi de façon à ne pas créer un tel effet sur l’année en cours ou sur des exercices comptables antérieurs.

M. Fabrice Brun. Monsieur le rapporteur général, j’entends bien votre argument visant à déplacer ces amendements en seconde partie : je retirerai donc l’amendement I‑CF54. Je voudrais cependant préciser que la labellisation EHVE est le label officiel du ministère de l’agriculture et qu’il serait logique que des moyens accompagnent les exploitants qui souhaitent en bénéficier, notamment au vu des enjeux environnementaux et de biodiversité auxquels sont aujourd’hui confrontés nos agriculteurs et auxquels ils seront encore plus confrontés demain.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je n’ai pas porté de jugement sur le fond de ces différents amendements.

Les amendements ICF54, ICF113, ICF199, ICF526, ICF1537, ICF74 et ICF89 sont retirés.

La commission examine l’amendement ICF1416 de Mme Sabine Rubin.

Mme Sabine Rubin. Vous nous avez indiqués, monsieur le rapporteur général, avoir reçu ce matin le rapport de l’OCDE concernant la taxation des GAFA. Or notre amendement a un caractère un peu préventif, pour le cas où les propositions de réforme de la fiscalité internationale émises au travers de ce rapport s’avéraient moins ambitieuses que la taxe française sur les mêmes GAFA. Nous souhaitons marquer notre refus de rembourser aux géants du numérique la différence entre le montant actuel de leur versement au titre de la taxe GAFA française et le montant de leur futur versement au titre de la taxe internationale qui doit être mise en place. Tout porte à craindre que le dispositif international ne soit moins ambitieux : c’est la raison pour laquelle je ne me réjouissais pas outre mesure que vous ayez reçu ce fameux rapport.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Pour ma part, je m’en réjouis tout de même. Quoi qu’il en soit, il appartiendra au Parlement de se prononcer de manière très claire sur les dispositions que vous citez : le faire dès aujourd’hui me paraîtrait cependant prématuré.

La solution qui vient d’être présentée par l’OCDE et qui devra être débattue par la suite semble en outre aller dans le sens que vous souhaitez, puisqu’elle est calibrée de façon à ce que les multinationales paient leur juste part d’impôts là où elles créent de la valeur. Vous devriez par conséquent vous réjouir d’un tel dispositif. Je suis donc à ce stade bien évidemment défavorable à l’amendement : nous n’allons pas légiférer ex ante.

La commission rejette l’amendement ICF1416.

La commission examine l’amendement ICF1427 de Mme Sabine Rubin.

Mme Sabine Rubin. Dans le même esprit, l’amendement I‑CF1427 traduit notre suspicion à l’égard des propositions de l’OCDE, même si je n’ai pas encore lu son rapport, ainsi qu’à l’égard de ce qui se profile. Il vise à s’opposer à la suppression de la taxe française sur les services numériques dans le cas où la taxe internationale qui doit être mise en place au sein de l’OCDE s’avérait moins ambitieuse.

M. Joël Giraud, rapporteur général. J’y suis également défavorable. Je rappelle que le rapport de l’OCDE prévoit une réforme complète de la fiscalité internationale : il ne s’agit pas d’une taxe en tant que telle.

La commission rejette l’amendement ICF1427.

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Article additionnel après l’article 13
Précisions sur les modalités d’application de l’exclusion de la location de meublés de tourisme du champ du crédit d’impôt pour les investissements réalisés en Corse

La commission examine l’amendement ICF892 de M. Jean-Félix Acquaviva.

M. François Pupponi. Cet amendement vise à lutter contre l’optimisation fiscale en Corse en ajustant les mesures transitoires prévues à l’article 22 de la loi du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 mettant fin à l’éligibilité des meublés de tourisme au bénéfice du crédit d’impôt pour les investissements réalisés en Corse (CIIC). Cet ajustement législatif apparaît nécessaire du fait l’annulation par le Conseil d’État le 27 septembre 2019 d’une partie de la réponse du ministre de l’économie et des finances à la question écrite n° 18137 de M. Acquaviva.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Dans la mesure où il traduit à la fois l’intention originelle du législateur et l’interprétation de Bercy, je suis favorable à l’amendement, sachant qu’au cours de l’examen du projet de loi de finances en séance publique une rédaction complétée ou alternative sera peut-être proposée. Sous cette réserve, j’y suis favorable, car il va tout à fait dans le sens souhaité.

La commission adopte l’amendement ICF892 (amendement I-2921).

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Après l’article 13

La commission examine les amendements identiques ICF58 de M. Fabrice Brun, ICF200 de M. Charles de Courson, et ICF978 de Mme Marie-Christine Dalloz.

M. Fabrice Brun. Il serait pertinent de rétablir, comme le propose mon amendement I‑CF58, une exception au principe général d’assujettissement à l’impôt sur les sociétés au bénéfice des syndicats au regard des missions qui leur sont dévolues et qui constituent le prolongement direct de l’activité syndicale.

M. François Pupponi. L’amendement I‑CF200 est défendu.

Mme Marie-Christine Dalloz. Le I‑CF978 également.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je vais me montrer iconoclaste : lorsque nous avons mis en œuvre cette niche, il avait été prévu une exonération au titre de l’impôt sur les sociétés des activités lucratives des syndicats, dépense fiscale qui a été supprimée par la loi de finances pour 2019. Une telle mesure me paraissait étonnante, dans la mesure où à mon sens un syndicat ne peut avoir de telles activités. Nous avons par conséquent cherché quel syndicat pouvait en avoir, et nous n’avons toujours pas trouvé.

Ces amendements ont peut-être pour origine un syndicat ayant des activités lucratives ; par conséquent, tout en donnant un avis défavorable, j’aimerais bien savoir de qui il s’agit.

M. Fabrice Brun. En toute transparence, et pour faire également suite à la remarque du président Éric Woerth relative à l’origine de la rédaction de nos amendements, je me suis en l’occurrence inspiré d’une réflexion de la Confédération nationale des producteurs de vins et eaux-de-vie de vin à appellations d’origine contrôlées (CNAOC).

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je vous remercie, cher collègue, pour votre honnêteté intellectuelle qui n’est d’ailleurs jamais mise en cause.

La commission rejette les amendements identiques I-CF58, I-CF200 et I-CF978.

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Article 14
Régime fiscal des dotations versées par la société nationale SNCF
à la société SNCF Réseau

Résumé du dispositif et effets principaux

Cet article vise à sécuriser le régime fiscal du versement des dotations indirectes par la société nationale SNCF à la société SNCF Réseau en précisant, à l’article L. 2111‑24 du code des transports, qu’il s’agit d’aides à caractère commercial engagées dans l’intérêt de la société nationale SNCF.

Depuis la loi du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire, les dividendes que l’État doit percevoir de l’établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) SNCF Mobilités sont réinvestis par l’EPIC SNCF Réseau dans des travaux de régénération du réseau ferré national. Le circuit de financement prend la forme de dotations indirectes par la voie d’un fonds de concours du budget général. Le même système sera applicable mutatis mutandis au nouveau groupe public unifié qui sera constitué à compter du 1er janvier 2020 par la société nationale SNCF et ses filiales (dont SNCF Réseau) en remplacement de l’actuel groupe public ferroviaire.

Non-déductibles, ces dotations à SNCF Réseau auraient pour effet de majorer le montant de l’IS du futur groupe public unifié constitué de la société nationale SNCF et de ses filiales. L’article sécurise le caractère commercial de la dotation indirecte pour neutraliser cet effet dans le cas où, à l’avenir, ces aides ne seraient plus considérées comme des aides commerciales.

En 2019, le montant du fonds de concours versé par l’EPIC « de tête » SNCF au budget général de l’État à destination de l’EPIC SNCF Réseau est estimé à 369 millions d’euros. Il est estimé par le présent PLF à 662 millions d’euros pour 2020.

Le coût pour l’État de cette mesure n’est pas chiffrable, dans la mesure où il dépend de la capacité de la société SNCF à dégager des bénéfices à l’avenir. Il s’agit en outre de la sécurisation d’une qualification juridique existante.

Ces dispositions entreraient en vigueur aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2020.

Dernières modifications législatives intervenues

L’ordonnance du 3 juin 2019 portant diverses dispositions relatives au groupe SNCF a remplacé le groupe public ferroviaire constitué des EPIC SNCF, SNCF Réseau et SNCF Mobilités par un groupe public unifié constitué par la société nationale SNCF et par ses filiales dont la société SNCF Réseau, à compter du 1er janvier 2020.

Afin de sécuriser le financement de SNCF Réseau par la voie du fonds de concours, elle a également modifié l’article L. 2111-24 du code des transports pour préciser que les ressources de SNCF Réseau pouvaient prendre la forme de dotations indirectes de la société nationale SNCF, cette disposition entrant en vigueur au 1er janvier 2020.

 

I.   L’État du droit

A.   Le financement de la société SNCF Réseau par des dotations indirectes de la société nationale SNCF

1.   La transformation du groupe public ferroviaire au 1er janvier 2020

Le secteur ferroviaire connaîtra des évolutions importantes au 1er janvier 2020, date de l’entrée en vigueur de la majeure partie des dispositions de l’ordonnance du 3 juin 2019 portant diverses dispositions relatives au groupe SNCF ([330]), prise sur l’habilitation de la loi du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire ([331]). L’une des dispositions relatives au fonctionnement du nouveau groupe public unifié dresse la liste des ressources de sa société filiale SNCF Réseau - qui remplacera au 1er janvier 2020 l’établissement public national à caractère industriel et commercial (EPIC) SNCF Réseau.

L’ordonnance du 3 juin 2019 précitée a en effet modifié l’article L. 2101‑1 du code des transports pour prévoir le remplacement au 1er janvier 2020 du groupe public ferroviaire (GPF) constitué des établissements publics industriels et commerciaux (EPIC) la SNCF, SNCF Réseau et SNCF Mobilités, par un groupe public unifié constitué de la société nationale à capitaux publics SNCF et de ses filiales.

Ce même article L. 2101‑1 dans sa version en vigueur à compter du 1er janvier 2020 précise que :

– le capital de la société nationale SNCF est incessible et intégralement détenu par l’État ;

– la société nationale SNCF est soumise aux dispositions législatives applicables aux sociétés anonymes ;

– la société nationale SNCF détient l’intégralité du capital de la société SNCF Réseau et de la société SNCF Mobilités, sociétés dont le capital est incessible ;

– SNCF Réseau et sa filiale chargée de la gestion des gares de voyageurs font partie du périmètre de consolidation par intégration globale de la société SNCF.

2.   Le financement de SNCF Réseau par la voie d’un fonds de concours du budget général

● Selon la rédaction de l’article L. 2111­4 en vigueur jusqu’au 1er janvier 2020, parmi les ressources actuelles de SNCF Réseau ‑ qui est un EPIC jusqu’à cette date ‑ figure « le produit des dotations qui lui sont versées par la SNCF ». L’affectation de cette ressource à l’établissement public SNCF Réseau a été concomitante à sa création. La loi du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire ([332]) a en effet créé l’EPIC SNCF Réseau pour instituer un gestionnaire d’infrastructures unifié reprenant les attributions relevant jusqu’alors de l’établissement Réseau ferré de France (RFF), de SNCF Infra et de la direction de la circulation ferroviaire (DCF).

Ce regroupement visait à améliorer l’organisation de la fonction de gestion de l’infrastructure ferroviaire pour qu’elle gagne en efficience par la mutualisation des moyens. Conscient que le redressement du secteur ferroviaire ne pourrait pas advenir sans un soutien financier de l’État ([333]), le législateur a également prévu qu’une partie des résultats de SNCF Mobilités, jusqualors destinée à lÉtat sous la forme de dividendes, soit reversée, via des dotations de l’EPIC « de tête » SNCF, à létablissement public SNCF Réseau pour financer l’investissement dans le renouvellement du réseau ferroviaire.

Sur le plan légistique, l’article L. 2111-24 qui listait les ressources de RFF a été modifié par l’article 6 de la loi du 4 août 2014 afin que SNCF Réseau puisse bénéficier à la fois des ressources qui étaient affectées à RFF et de ces nouvelles dotations, dont on comprend à la lecture de l’article en vigueur jusqu’au 1er janvier 2020 qu’il s’agit de dotations directement versées par lEPIC de tête SNCF à SNCF Réseau. L’article 54 du décret du 10 février 2015 relatif aux missions et aux statuts de la SNCF et à la mission de contrôle économique et financier des transports ([334]) paraît confirmer cette interprétation, puisqu’il précise que : « Si un bénéfice distribuable tel que défini par la loi résulte des comptes de lexercice de SNCF Mobilités, tels quils sont approuvés par le conseil dadministration de SNCF Mobilités, le conseil de surveillance délibère sur le montant du dividende qui peut être distribué à la SNCF en tenant compte de la situation financière de SNCF Mobilités. [...] Le conseil de surveillance de la SNCF délibère sur le montant de la dotation versée à SNCF Réseau ».

● Le strict respect de ces dispositions par le versement direct d’une dotation de l’EPIC SNCF à SNCF Réseau présentait toutefois un risque juridique selon le Gouvernement, comme l’a souligné la Cour des comptes dans sa note d’exécution budgétaire 2017 sur la mission Écologie, développement et mobilité durables ([335]). Il craignait en effet une requalification des flux financiers en gestion de fait des deniers publics.

Selon les éléments transmis au Rapporteur général, le mécanisme de fonds de concours permet également de rendre plus lisible l’engagement de l’État en faveur du secteur ferroviaire dans la mesure où l’État a renoncé à percevoir un dividende sur les résultats faits par SNCF Mobilités pour les affecter à la régénération du réseau.

Le fonds de concours permet enfin de clarifier le traitement comptable de ces dotations en permettant qu’elles soient considérées comme des subventions d’investissement et non comme une ressource d’équilibre.

C’est la raison pour laquelle l’application du principe de réinvestissement des dividendes de SNCF Mobilités par SNCF Réseau prend la forme depuis 2017 d’un fonds de concours sur le programme 203 « Infrastructures et services de transports ». L’EPIC « de tête » SNCF verse depuis lors au budget général, par voie de fonds de concours, un montant correspondant aux dividendes provenant de SNCF Mobilités, lequel est ensuite reversé à SNCF Réseau depuis le programme 203. Ce circuit financier n’est donc pas conforme à celui défini par le législateur et le pouvoir réglementaire, comme l’a constaté la Cour des comptes.

Les fonds de concours

Les fonds de concours sont une « procédure particulière » au sens de l’article 17 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances ([336]). Dérogation organique au principe d’universalité budgétaire, leur recours permet d’assurer laffectation dune recette particulière à une dépense particulière au sein du budget général de lÉtat, dun budget annexe ou dun compte daffectation spéciale.

Ils sont constitués par des fonds à caractère non fiscal versés par des personnes morales ou physiques pour concourir à des dépenses d’intérêt public ou par les produits de legs et donations attribués à l’État.

Ils sont directement portés en recettes au budget général, aux budgets annexes ou aux comptes d’affectation spéciale concernés. Le ministre chargé des finances ouvre par arrêté des crédits supplémentaires sur le programme budgétaire concerné par le versement du fonds de concours. Ces crédits sont alors à la disposition du ministre en charge de l’exécution du programme.

Le versement des fonds de concours doit répondre au principe d’intentionnalité de la partie versante : l’emploi des fonds doit être conforme à l’intention de celle-ci.

La procédure de fonds de concours est proche de celle des attributions de produits. La procédure d’attribution de produits s’applique aux recettes tirées de la rémunération de prestations régulièrement fournies par des services de l’État.

En 2018, les fonds de concours et attributions de produits ont représenté 4,5 milliards d’euros.

C’est la raison pour laquelle, en même temps qu’il a opéré les transformations décrites supra consistant notamment en la création d’un groupe public unifié et en la transformation de SNCF Réseau en une société, l’article 4 de l’ordonnance du 3 juin 2019 a modifié l’article L. 2111‑4 avec effet au 1er janvier 2020 pour préciser que les dotations versées par ce qui sera désormais la « société nationale SNCF » à sa filiale SNCF Réseau peuvent l’être directement ou indirectement, sécurisant ainsi le principe du versement par fonds de concours.

B.   La nécessité de sécuriser fiscalement le caractère d’aide commerciale des dotations indirectes de la société nationale SNCF à SNCF Réseau

1.   L’assujettissement à l’impôt sur les sociétés du groupe public unifié selon le mécanisme de l’intégration fiscale

● En vertu des articles 206 et 1654 du CGI, l’impôt sur les sociétés (IS) s’applique à l’ensemble des personnes morales de droit privé ou de droit public se livrant à une exploitation ou à des opérations à caractère lucratif. L’EPIC « de tête » SNCF, et les EPIC SNCF Mobilités et SNCF Réseau sont donc actuellement redevables de cet impôt.

À compter du 1er janvier 2020, la société nationale à capitaux publics SNCF et la société SNCF Réseau seront soumises aux dispositions applicables aux sociétés anonymes, en vertu des articles L. 2101‑1 et L. 2111‑9 du code des transports. Ces deux sociétés resteront redevables de l’IS conformément au 1 de l’article 206 du CGI selon lequel, « sont passibles de limpôt sur les sociétés, quel que soit leur objet, les sociétés anonymes ».

● L’actuel groupe public ferroviaire, qui a vocation à disparaître au profit du groupe public unifié, bénéficie du régime de lintégration fiscale.

Régie par les articles 223 A à 223 U du CGI, l’intégration fiscale revient à assimiler les sociétés constituant un groupe fiscalement intégré (GFI) à une entité économique unique. Elle permet à une société soumise à l’IS de se constituer, sur option, seule redevable de l’IS dû par elle-même et l’ensemble des sociétés dont elle détient, directement ou indirectement, au moins 95 % du capital. Le résultat d’ensemble du groupe est alors déterminé en opérant la somme des résultats des sociétés du groupe et des rectifications, positives ou négatives, qui doivent leur être apportées.

La possibilité pour des EPIC de former un groupe fiscal avec d’autres EPIC pour bénéficier du mécanisme de l’intégration fiscale a été étendue par l’article 20 de la loi de finances du 8 août 2014 rectificative pour 2014 ([337]) qui a introduit l’article 223 A bis dans le CGI. Cette extension a été précisément opérée pour que le groupe public ferroviaire constitué en 2014 puisse en bénéficier.

L’équilibre de la réforme ferroviaire reposait en effet en partie sur la possibilité d’utiliser l’intégration fiscale pour que d’éventuels déficits de SNCF Réseau puissent être compensés par les résultats bénéficiaires de SNCF Mobilités. Désormais, tout EPIC « de tête » peut ainsi se constituer seul redevable de l’IS dû sur l’ensemble des résultats du groupe formé par lui-même, les EPIC appartenant à son périmètre de consolidation et les sociétés que l’EPIC « de tête » ou les EPIC « filles » détiennent éventuellement dans les conditions de droit commun pour bénéficier du régime d’intégration fiscale. En particulier, les résultats de l’EPIC SNCF Réseau sont consolidés sur ceux de l’EPIC « de tête » SNCF.

Au 1er janvier 2020, le groupe public unifié qui se sera substitué au groupe public ferroviaire bénéficiera également du régime dintégration fiscale, dès lors que la société nationale SNCF, soumise aux dispositions relatives aux sociétés anonymes, détiendra légalement l’intégralité du capital de la société SNCF Réseau et de la société SNCF Mobilités, elles-mêmes soumises aux dispositions relatives aux sociétés anonymes.

2.   L’augmentation de l’imposition sur le bénéfice du groupe public unifié en cas de non-déductibilité des dotations indirectes de la société SNCF à SNCF Réseau

● En application de l’article 39 du CGI, les aides de toute nature consenties par une entreprise à une autre entreprise constituent des charges déductibles – venant ainsi minorer la base imposable – si elles revêtent un caractère commercial. Les autres aides ne sont pas déductibles, leur versement par une entreprise entraînant ainsi une majoration de la base imposable à l’IS.

● Dans ce contexte, la détermination du résultat individuel de la société nationale SNCF est soumise aux règles de déduction des charges définies à l’article 39 du CGI et interprétées par la jurisprudence. Elles s’appliqueront en particulier aux aides indirectes versées par la société nationale SNCF à la société SNCF Réseau via le fonds de concours mentionné plus haut. Or, il ressort des dispositions de l’article 39 précisées par la jurisprudence qu’une aide consentie par une entreprise n’est déductible quà condition quelle le soit dans lintérêt de lentreprise qui la verse, c’est-à-dire qu’elle constitue un acte normal de gestion au sens de la jurisprudence, et qu’elle revête un caractère commercial.

Au titre des exercices 2017 à 2019, la dotation indirecte à l’EPIC SNCF Réseau a été déduite de la base fiscale, car elle a été considérée comme une aide à caractère commercial. Il est nécessaire de sécuriser cette qualification pour l’avenir, alors que le groupe va connaître à partir du 1er janvier 2020 des changements de fond.

La non‑déductibilité de ces versements aurait pour effet d’augmenter le montant de l’IS dû par le groupe, comme expliqué supra. Ils augmenteraient en effet mécaniquement sa base imposable. Or, ces dotations indirectes de la société nationale SNCF à SNCF Réseau, d’un montant élevé, traduisent la volonté du législateur que l’État renonce aux dividendes qu’il perçoit de l’activité d’exploitation du réseau pour financer des investissements dans le réseau ferroviaire. Si le circuit financier choisi a pour effet d’augmenter la base imposable du groupe public unifié, alors le principe de réinvestissement des bénéfices de l’exploitation du réseau vers les investissements contribuant à sa régénération ne sera que partiellement appliqué.

II.   Le dispositif proposÉ

A.   La sécurisation de la qualification fiscale des dotations indirectes de la société nationale SNCF à la société SNCF Réseau

● Pour sécuriser la non-déductibilité des dotations de la société nationale SNCF à SNCF Réseau par la voie du fonds de concours, le I du présent article complète l’article L. 2111‑24 du CGI dans sa rédaction qui entrera en vigueur au 1er janvier 2020 pour préciser que ces « dotations indirectement versées » sont « engagées dans lintérêt » de la société nationale SNCF et « ont la nature daide à caractère commercial au sens du 13 de larticle 39 du code général des impôts ».

Cette précision emportera la déductibilité de ces dotations au niveau de la société nationale SNCF. Certes, le versement viendra majorer le résultat individuel de la société SNCF Réseau, mais la déductibilité au niveau du résultat individuel de la société nationale SNCF le rendra fiscalement neutre pour le groupe public unifié.

● Le II du même article prévoit que le I est applicable aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2020. Il aura donc un effet sur le montant de l’IS au titre de l’exercice 2020, régularisable en 2021. L’actuel groupe SNCF ouvre en effet ses exercices au 1er janvier et les clôt au 31 décembre.

Conformément aux dispositions de l’article 1668 du CGI, l’IS donne lieu au versement par le groupe d’acomptes trimestriels déterminés à partir du dernier exercice clos, versés au plus tard les 15 mars, 15 juin, 15 septembre et 15 décembre de chaque année. Après la déclaration de résultats de l’exercice 2020, la société nationale SNCF devra procéder à la liquidation de l’IS dû au titre de cet exercice. Dans le cas où le montant des acomptes est inférieur à l’impôt dû, elle versera un solde de liquidation avant le 15 mai 2021. Dans le cas contraire, elle bénéficiera d’un remboursement dans les trente jours suivant la date de la déclaration de résultats. Cette opération de régularisation en 2021 prendrait en compte la modification du montant de l’IS par le présent article.

Toutefois, si elle est bénéficiaire, la société SNCF devra calculer l’acompte trimestriel versé au plus tard le 15 décembre 2020 sur la base de l’estimation qu’elle fait du montant de l’IS au titre de cette même année. Le b du 1 de l’article 1668 du CGI dispose que pour les entreprises réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 1 milliard d’euros, le montant du dernier acompte versé au titre d’un exercice ne peut être inférieur à la différence entre 98 % du montant de l’IS estimé au titre de cet exercice et le montant des acomptes déjà versés au titre du même exercice.

B.   L’impact BudgÉtaire et Économique

● D’après l’évaluation préalable du présent article, limpact financier de la mesure nest pas chiffrable. Il s’agit en effet de la sécurisation juridique dun dispositif déjà appliqué au trio dEPIC. Pour le futur, en l’absence de qualification juridique d’aide à caractère commercial, l’impact financier existera pour les exercices au titre desquels la société SNCF dégagera un résultat imposable positif et dépendra du montant du fonds de concours.

● En 2018, d’après le rapport annuel de performance de la mission Écologie, développement et mobilité durables annexé au projet de loi de règlement propre à cet exercice, la SNCF a versé un fonds de concours au budget général d’un montant de 274 millions deuros en autorisations dengagement et en crédits de paiement, « comprenant notamment le dividende de SNCF Mobilités, sur le programme 203, destinés à être reversés dans leur intégralité à SNCF Réseau en faveur dinvestissements de régénération du réseau ferré national » ([338]).

Pour 2019, le projet annuel de performance du même programme ([339]) indique que le montant prévisionnel du même fonds de concours s’élève à 369 millions d’euros. Dans leur avis présenté au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat sur les crédits consacrés aux transports à l’occasion de l’examen du PLF pour 2019, MM. Jean-Pierre Corbisez, Gérard Cornu, Michel Vaspart et Mme Nicole Bonnefoy rapportent que selon la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer, le montant du fonds de concours « devrait finalement atteindre 537 millions deuros, en raison, dune part, dune augmentation par lÉtat du taux de reversement du dividende au profit de SNCF Réseau, dans le cadre du nouveau pacte ferroviaire, qui atteindra 60 % contre 40 % sous-jacents au contrat, dautre part, de laugmentation de lassiette de reversement en raison de la baisse des péages, de la hausse de la productivité et des bons résultats de SNCF Mobilités au cours de lannée 2017 » ([340]).

Comme indiqué supra, les dotations versées à SNCF Réseau au titre des deux années 2018 et 2019 sont déductibles de la base fiscale de la holding SNCF, étant considérées comme des aides à caractère commercial.

Pour 2020, le PAP de la mission Écologie, développement et mobilités durables annexé au présent PLF prévoit que le montant du fonds de concours s’élèvera à 662 millions deuros en 2020.

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La commission adopte l’article 14 sans modification.

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Article 15
Baisse de la taxe pour frais de chambres de commerce et dindustrie

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article modifie les articles 1600, 1602 A et 1639 A du code général des impôts :

– pour tirer les conséquences des dispositions de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises, dite « loi Pacte » ([341]), qui ont fait de CCI France l’affectataire de la taxe pour frais de chambre de commerce et d’industrie (TCCI) et le répartiteur de son produit entre les chambres de commerce et d’industrie de région (CCIR). La TCCI se décompose en une taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises (TA‑CFE) et une taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (TA‑CVAE) ;

– pour prévoir que les taux de la TA‑CFE actuellement fixés par chaque CCIR diminuent en convergeant vers un taux national unique de 0,8 % d’ici 2023. Cette réduction entraînera une diminution de 400 millions d’euros du produit de la TA‑CFE à cet horizon, afin que les baisses successives du plafond d’affectation de cette taxe au réseau des CCI se traduisent par un allégement analogue de la pression fiscale sur les entreprises ;

– pour établir un taux fixe de 1,73 % de TA­CVAE à compter de 2020 ­ soit le même niveau que le taux de 2019 – au lieu d’un taux variable en fonction de l’évolution du plafond d’affectation de cette taxe additionnelle.

Dernières modifications législatives intervenues

L’article 83 de la loi de finances pour 2019 :

– a prévu une baisse de 100 millions d’euros du plafond d’affectation aux CCI du produit de la TA‑CFE en 2019 et une baisse du même montant en 2020 ;

– a mis en place un système exceptionnel de répartition de la TA‑CVAE en 2019 afin notamment de garantir un seuil minimal d’activité des CCI dites « hyper‑rurales » dans le contexte de diminution des ressources du réseau ;

– prévoit qu’à compter de 2020 les taux de la TA‑CFE diminuent dans la même proportion que les plafonds d’affectation.

L’article 48 de la loi Pacte a prévu l’affectation du produit de la TCCI à CCI France, dans la limite du plafond de l’article 46 de la loi de finances pour 2012. Il a également chargé CCI France de la répartition du produit au sein du réseau.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

À l’initiative de plusieurs députés, dont le Rapporteur général, la commission a adopté des amendements supprimant le prélèvement dit « France Télécom » dont le réseau des CCI était redevable à l’État pour un montant de 28,9 millions d’euros par an ;

Elle a également adopté un amendement du Rapporteur général visant à instaurer un dispositif renforcé de péréquation à destination des CCI territoriales dont la circonscription comporte au moins 80 % de communes classées en zones de revitalisation rurale.

I.   L’État du droit

A.   Le dispositif en vigueur

1.   La baisse des plafonds de la taxe pour frais de chambre affectée aux chambres de commerce et d’industrie

a.   La taxe pour frais de chambres de commerce et d’industrie : un système complexe

● Le réseau des chambres de commerce et d’industrie comporte 126 établissements publics de niveau national, régional et local : 107 chambres de commerce et d’industrie territoriales (CCIT), 18 chambres de commerce et d’industrie régionales (CCIR) et CCI France.

Les chambres exercent de nombreuses missions contribuant au développement économique, à l’attractivité et à l’aménagement des territoires ainsi qu’au soutien des entreprises. Sans y être présentées de façon exhaustive, ces missions sont précisées à l’article L. 710­1 du code de commerce.

Les missions des chambres de commerce et d’industrie

(Extrait de larticle L. 7101 du code de commerce)

« Chaque établissement du réseau peut assurer, par tous moyens, y compris par des prestations de services numériques, et dans le respect, le cas échéant, des schémas sectoriels qui lui sont applicables :

1° Les missions dintérêt général qui lui sont confiées par les lois et les règlements ;

2° Les missions dappui, daccompagnement, de mise en relation et de conseil auprès des créateurs et repreneurs dentreprises et des entreprises, dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur en matière de droit de la concurrence ;

3° Une mission dappui et de conseil pour le développement international des entreprises et lexportation de leur production, en partenariat avec lagence mentionnée à larticle 50 de la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 ;

4° Une mission en faveur de la formation professionnelle initiale ou continue grâce, notamment, aux établissements publics et privés denseignement quil ou elle crée, gère ou finance ;

5° Une mission de création et de gestion déquipements, en particulier portuaires et aéroportuaires ;

6° Les missions de nature concurrentielle qui lui ont été confiées par une personne publique ou qui savèrent directement utiles pour laccomplissement de ses autres missions ;

7° Toute mission dexpertise, de consultation ou toute étude demandée par les pouvoirs publics sur une question relevant de lindustrie, du commerce, des services, du développement économique, de la formation professionnelle ou de laménagement du territoire, sans préjudice des travaux dont il ou elle pourrait prendre linitiative. »

i.   La taxe pour frais de chambre : une taxe composée de deux contributions

Les chambres de commerce et d’industrie (CCI) sont affectataires de deux taxes sous plafond, qui forment la taxe pour frais de chambres de commerce et dindustrie (TCCI) :

– la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (TA-CVAE), visée au 2 du III de l’article 1600 du CGI ;

– et la taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises (TA-CFE), visée au II de l’article 1600 du CGI.

Ces deux taxes affectées couvrent environ un tiers du budget du réseau des CCI. En 2018, les produits de la TA‑CVAE et de la TA‑CFE se sont respectivement élevés à 263 millions d’euros et 607 millions d’euros, hors frais de gestion. Le produit de la TCCI s’est ainsi élevé à 870 millions deuros, un montant supérieur de 95 millions d’euros aux plafonds correspondants de l’article 46 de la loi de finances pour 2012 ([342]) au titre de 2018. La somme des plafonds de la TA­CVAE et de la TA‑CFE s’élevait en effet à 775,1 millions d’euros, dont 226,1 millions d’euros pour la TA-CVAE et 549 millions d’euros pour la TA‑CFE.

Selon la rédaction actuellement en vigueur du I de l’article 1600, la TCCI a pour objet de :

– pourvoir au fonds de modernisation, de rationalisation et de solidarité financière et à une partie des dépenses de CCI France et des CCIR ;

– pourvoir aux contributions allouées par les CCIR aux chambres de commerce et d’industrie territoriales (CCIT) et à CCI France.

Elle ne peut toutefois pas financer les activités marchandes des chambres.

ii.   La taxe additionnelle à la contribution foncière des entreprises (TA‑CFE)

● Conformément au 1 du II de l’article 1600 du CGI, la TA-CFE est due par les redevables de la cotisation foncière des entreprises (CFE) proportionnellement à leur base d’imposition, c’est‑à‑dire la valeur locative des biens dont dispose l’entreprise au cours de l’avant‑dernière année précédant l’année de l’imposition ou au cours du dernier exercice de douze mois clos au cours de cette même année, lorsque l’exercice ne coïncide pas avec l’année civile (article 1467 A du CGI). Les règles particulières prévues en matière de CFE en cas de création, de changement d’exploitant ou de fermeture d’un établissement (article 1478 du CGI), s’étendent à la taxe additionnelle.

Sont toutefois exonérés de la TA‑CFE :

– les redevables qui exercent une activité non commerciale ;

– les loueurs de chambres ou d’appartements meublés ;

– les chefs d’institution et maîtres de pension ;

– les sociétés d’assurance mutuelles ;

– les artisans établis dans la circonscription d’une chambre de métiers et de l’artisanat (CMA), régulièrement inscrits au répertoire des métiers et qui ne sont pas portés sur la liste électorale de la CCI de leur circonscription ;

– les caisses de crédit agricole mutuel ;

– les caisses de crédit mutuel adhérentes à la Confédération nationale du crédit mutuel ;

– l’organe central du crédit agricole ;

– les caisses d’épargne et de prévoyance ;

– les sociétés coopératives agricoles, unions de coopératives agricoles et les sociétés d’intérêt collectif agricole ;

– les artisans pêcheurs et les sociétés de pêche artisanale ;

– les redevables de la CFE qui bénéficient de l’exonération de cotisation minimum.

La base d’imposition de la TA­CFE est réduite de moitié pour les artisans inscrits au répertoire des métiers et qui restent portés sur la liste électorale de la CCIT de leur circonscription. En application de l’article 1602 A du CGI, les CCIR et les chambres de métiers de l’artisanat (CMA) ([343]) peuvent exonérer temporairement de TA‑CFE les entreprises situées dans leur ressort et situées en zone d’aide à finalité régionale (ZAFR) ou en zone de revitalisation rurale (ZRR).

 Son taux est fixé dans chaque circonscription par la chambre de commerce et dindustrie de région (CCIR), dans la limite du taux de l’année précédente. Il est donc plafonné. Par dérogation, les entreprises bénéficiant du régime des micro‑entreprises sont imposées par l’application d’un taux défini à l’article 1600 A du CGI au montant de leur chiffre d’affaires.

Pour la fixation des taux régionaux de la TA­CFE, l’article 1639 A du CGI dispose que les services fiscaux communiquent aux chambres le montant prévisionnel des bases de la CFE retenue pour l’établissement de la TA‑CFE.

Taux de la TA‑CFE

CCI régionale

Taux régional

applicable en 2019

Auvergne Rhône Alpes

2,03 %

Bourgogne‑Franche‑Comté

2,74 %

Bretagne

3,24 %

Centre

1,90 %

Corse

6,89 %

Grand Est

1,93 %

Hauts de France

2,42 %

Normandie

2,57 %

Nouvelle‑Aquitaine

2,91 %

Occitanie

2,97 %

Provence‑Alpes‑Côte d’Azur

3,01 %

Pays de la Loire

2,15 %

Paris Île‑de‑France

2,13 %

DOM‑Îles de la Guadeloupe

3,64 %

DOM‑Guyane

4,21 %

DOM-Martinique

3,32 %

DOM-Mayotte

3,30 %

DOM-La Réunion

1,75 %

Source : évaluation préalable de l’article.

● La TA‑CFE est recouvrée par voie de rôles suivant les modalités et sous les garanties et sanctions prévues en matière de contributions directes, conformément à l’article 1679 quinquies du CGI. Elle est exigible à partir du 1er décembre. Les impositions de CFE, d’IFER ou des taxes additionnelles étant en général mises en recouvrement par la voie du rôle général primitif au cours du mois d’octobre, la date limite de paiement est le 15 décembre.

Les redevables dont le montant de la CFE, de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau (IFER) ou des taxes additionnelles au titre de l’année précédente est égal ou supérieur à 3 000 euros doivent verser un acompte exigible avant le 31 mai de l’année en cours. Son montant est égal à 50 % du montant de la CFE, de l’IFER et des taxes additionnelles mises en recouvrement au titre de l’année précédente.

● Aux termes du 2 du II du même article 1600, chaque CCIR perçoit le produit de la TACFE dû au titre des établissements des entreprises situés dans sa circonscription, dans la limite d’un plafond individuel fixé par référence au plafond du I de l’article 46 de la loi de finances pour 2012. Ce plafond individuel est obtenu, pour chaque bénéficiaire, en répartissant le plafond global au prorata des émissions perçues figurant dans les rôles généraux de l’année précédant l’année de référence.

En contrepartie des frais de gestion qu’il prend à sa charge au titre de la TA‑CFE, l’État perçoit 9 % du montant brut de la taxe, dont 3,6 % au titre des frais de dégrèvement et de non-valeur et 5,4 % au titre des frais d’assiette et de recouvrement, en application de l’article 1641 du CGI.

iii.   La taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (TA‑CVAE)

● Le montant de la TA-CVAE est égal à une fraction du montant de la CVAE, après application du dégrèvement prévu à l’article 1586 quater du CGI. En particulier, les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 500 000 euros sont totalement dégrevées de CVAE et, partant, de TA‑CVAE.

Le dégrèvement de CVAE

En application de l’article 1586 quater du CGI, les entreprises bénéficient d’un dégrèvement de CVAE égal à la différence entre le montant brut de cette cotisation et l’application à la valeur ajoutée d’un taux calculé de la manière suivante :

– pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 500 000 €, le taux est nul ;

– pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est compris entre 500 000 et 3 000 000 €, le taux est égal à : 0,5 % x (montant du chiffre d’affaires – 500 000 €)/2 500 000 € ;

– pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est compris entre 3 000 000 € et 10 000 000 €, le taux est égal à : 0,5 % + 0,9 % x (montant du chiffre d’affaires – 3 000 000 €)/7 000 000 € ;

– pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est compris entre 10 000 000 € et 50 000 000 €, le taux est égal à : 1,4 % + 0,1 % x (montant du chiffre d’affaires – 10 000 000 €)/40 000 000 € ;

– pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 50 000 000 €, à 1,5 %.

En application du troisième alinéa du 1 du III de l’article 1600, le taux de la TACVAE est national. Depuis 2015, les règles législatives d’évolution du taux ont pour effet qu’une baisse du plafond d’affectation se traduise par une baisse à due proportion du taux de la taxe. Chaque année, le taux national est en effet égal au plus faible des deux taux suivants :

– le taux de l’année précédente ;

– le taux de l’année précédente pondéré par le rapport entre, d’une part, le plafond de l’article 46 pour l’année d’application du taux et, d’autre part, la somme des montants perçus l’année précédente par les affectataires de la TA‑CVAE.

Il s’agit, en d’autres termes, d’un mécanisme de baisse automatique du taux de la taxe en cas de baisse du plafond. Si le plafond fixé par le législateur pour l’année N+1 est inférieur de X % au montant perçu par les affectataires en année N, alors le taux pour l’année N+1 baissera de X %. Dans le cas inverse, le taux de la TA‑CVAE sera stable.

Illustration des modalités de détermination du taux de la TA‑CVAE

Hypothèses. En année N‑1, le produit de la TA‑CVAE affecté au réseau s’élève à 250 millions d’euros. On suppose que le taux de la TA‑CVAE en année N‑1 est égal à 2,0 %.

Pour l’année N, le plafond d’affectation de la TA-CVAE est supposé égal à 200 millions d’euros, ce qui représente une diminution de 50 millions d’euros par rapport au produit affecté de l’année N-1. Le plafond de l’année N est donc fixé à un niveau inférieur de 20 % au produit affecté de la taxe en année N‑1.

Calcul du taux. Le taux applicable en année N sera donc calculé de la façon suivante :

Taux N = Taux N-1 x (Produit affecté N-1 / Plafond N)

Taux N = 2 % x (200 / 250)

Taux N = 1,60 %

Au total, le plafond de l’année N est inférieur de 20 % au produit affecté de la taxe de l’année N‑1, ce qui entraîne une diminution de 20 % du taux de la taxe (– 0,4 point de pourcentage en l’espèce).

Le taux national de la TACVAE était de 1,83 % en 2018 et il est de 1,73 % en 2019.

● La TA‑CVAE est recouvrée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions que la CVAE, selon le 1 bis du III de l’article 1600 du CGI. Deux acomptes sont à verser au plus tard le 15 juin et le 15 septembre, représentant chacun 50 % de la cotisation due au titre de l’année d’imposition, calculée d’après la valeur ajoutée mentionnée dans la dernière déclaration de résultat exigée. L’entreprise redevable procède à la liquidation définitive de la CVAE et de la TA‑CVAE et, le cas échéant, au versement du solde, l’année suivant celle de l’imposition, au plus tard le deuxième jour ouvré suivant le 1er mai.

En théorie, selon les dispositions législatives en vigueur, l’État devrait percevoir 9 % du montant de la TA‑CVAE en contrepartie des frais d’assiette, de recouvrement, de dégrèvements et de non‑valeurs, le montant des frais de gestion étant, en droit, aligné sur ceux de la TA‑CFE, selon l’article 1641 du CGI. La pratique n’est toutefois pas conforme à la loi, le bulletin officiel des finances publiques (BOFIP) précisant que, s’agissant de la TA‑CVAE, les frais de gestion prélevés par l’État s’élèvent à 1 %, au même niveau que les frais de gestion applicables au titre de la CVAE.

iv.   Les modalités complexes de répartition de la TA-CVAE

Les modalités de répartition du produit de la TA­CVAE sont complexes et diffèrent de celles de la TA‑CFE présentées supra. Elles sont héritées de la réforme de la taxe professionnelle de 2010. Pour financer le réseau des CCI, le produit de la TA‑CVAE est en effet affecté au fonds de financement des CCIR et de CCI France (FFCCIR) dans la limite du plafond de l’article 46, selon le 2 du III de l’article 1600 du CGI. S’impute sur cette somme un prélèvement appelé « prélèvement France Télécom » ([344]) que le réseau des CCI reverse à l’État, en plus de l’application du mécanisme de l’écrêtement, pour un montant de 28,9 millions deuros, conformément à l’article 5.3.5 de l’article 2 de la loi de finances pour 2010.

Le FFCCIR finance en partie CCI France. Après un premier prélèvement de 2,2 % de la somme des plafonds de la TA‑CFE et de la TA‑CVAE en 2016, le prélèvement est indexé, depuis 2017, sur l’évolution de ces plafonds. De même, un prélèvement spécifique est prévu pour la CCI de Mayotte.

La répartition du produit de la TA‑CVAE au sein du réseau dépend notamment du montant perçu par les chambres au titre de la TA‑CFE en 2010, pour tenir compte de la réforme de la taxe professionnelle.

Pour chaque CCIR est ainsi calculée la différence entre :

– d’une part, le produit perçu au titre de la TA‑CFE par la CCIR en 2010, minoré de 15 % ;

– et, d’autre part une fraction de 40 % du produit de la TA-CFE perçu en 2010 minorée du produit du prélèvement dit « France Télécom ».

Si la somme de ces différences (chaque différence a été calculée au niveau de la CCIR), du montant à verser à CCI France et du montant à verser à la CCI de Mayotte ([345]) est inférieure ou égale à la somme du produit de la TA‑CVAE affectée au FFCCIR, alors ce fonds reverse à chaque CCIR un montant égal à « sa » différence telle que calculée supra, à CCI France le montant dû au titre du prélèvement qui lui est propre présenté ci-dessus, puis, à nouveau à chaque CCIR, le solde du produit de la TA‑CVAE en fonction de la valeur ajoutée imposée dans les communes de leur circonscription. Compte tenu de la tendance baissière du produit de la TA‑CVAE, ce cas est devenu théorique.

À l’inverse, si la somme de ces différences, du montant à verser à CCI France et du montant à verser à la CCI de Mayotte est supérieure au produit de la TA‑CVAE, le FFCCIR finance CCI France comme présenté ci-dessus et verse aux CCIR :

– au titre dun fonds de péréquation du réseau des CCI ([346]), un montant déterminé par une délibération de lassemblée générale de CCI France, dans la limite de 40,5 millions deuros, destiné à financer des projets structurants de modernisation des chambres ou à contribuer à la solidarité financière du réseau. Un quart de ces sommes, au maximum, est reversé par les CCIR aux chambres de commerce et d’industrie territoriales (CCIT) de leur circonscription, dont au moins 60 % des communes sont classées en zone de revitalisation rurale (ZRR). Si plusieurs CCIT satisfont cette condition et se trouvent dans un même département, elles doivent être engagées dans un processus de réunion pour être éligibles à ces versements ;

– au titre du même fonds de péréquation, un montant de 4,5 millions deuros est versé au fonds de modernisation, de rationalisation et de solidarité financière créé par la loi de finances pour 2016 pour financer des projets d’intérêt national en faveur de l’innovation et de la modernisation du réseau ;

– un montant égal, pour chaque CCIR, au produit de « sa » différence par un coefficient unique d’équilibrage. Ce dernier est calculé de sorte que la somme des versements soit égale au produit de la TA‑CVAE affectée au FFCCIR, minoré du versement à CCI France et d’un montant de 45 millions d’euros correspondant au montant maximal versé au fonds de péréquation (40,5 millions d’euros + 4,5 millions d’euros).

Les sommes du fonds de péréquation du réseau des CCI sont réparties annuellement par une délibération de l’assemblée générale de CCI France.

Si les sommes du fonds ne sont pas affectées dans leur totalité avant le 1er juillet de l’année, le reliquat est réalloué au FFCCIR.

Circuit de répartition du produit de la TA‑CVAE selon le droit en vigueur

Source : commission des finances.

b.   Les mesures de diminution des ressources des chambres de commerce et d’industrie

Les ressources du réseau des CCI suivent une tendance baissière depuis plusieurs années. Elle résulte à la fois de prélèvements ponctuels et de baisses successives des plafonds de la TCCI. Cette évolution doit toutefois être nuancée, dans la mesure où elles avaient progressé de 20 % entre 2007 et 2012 et de 18 % entre 2002 et 2007. Au total, ces ressources s’établissaient en 2017 quasiment au même niveau qu’en 2002, où elles atteignaient 977 millions d’euros.

● Le législateur a procédé pendant cette période à des prélèvements sur les ressources des chambres de commerce et d’industrie, à hauteur de 670 millions d’euros par les lois de finances pour 2014 et 2015.

prélèvements sur les ressources des CCI

Fondement législatif

Montant du prélèvement

Entité bénéficiant du prélèvement

LFI 2014

170 millions d’euros

Budget général

LFI 2015

500 millions d’euros

Source : lois de finances initiales pour 2014 et pour 2015.

Pour l’année 2014, le prélèvement prévu a été opéré sur les ressources de la TA-CVAE affectée au FFCCIR. Ce prélèvement n’a affecté que les chambres régionales comprenant plus d’une chambre de commerce et d’industrie territoriale dans leur circonscription.

Pour l’année 2015, le prélèvement a été opéré sur les mêmes ressources. Un prélèvement d’un même montant a été réalisé à titre de compensation au profit du FFCCIR, sur le fonds de roulement des chambres de commerce et d’industrie disposant de plus de 120 jours de fonds de roulement.

● Plus récemment, l’article 44 de la loi de finances pour 2018 a diminué de 150 millions deuros le plafond de la TACVAE. À la suite de la remise d’un rapport de l’Inspection générale des finances, du Conseil général de l’économie, de l’énergie et des technologies et du Contrôle général économique et financier ([347]) procédant à une revue des missions et des scénarios d’évolutions des CCI, et des chambres de métiers et de l’artisanat, le Gouvernement a souhaité la poursuite de la mise sous contrainte des finances des CCI. Lors de l’Assemblée générale extraordinaire de CCI France du 10 juillet 2018, le ministre de l’économie et des finances a ainsi annoncé que le Gouvernement proposerait que les ressources affectées au réseau des CCI diminuent de 400 millions deuros entre 2019 et 2022.

L’article 83 de la loi de finances pour 2018 a ainsi abaissé de 549 millions deuros en 2018 à 449 millions deuros en 2019 et à 349 millions deuros en 2020 le plafond du produit de la TA‑CFE. En poursuivant la baisse des plafonds de la TCCI, le législateur a entendu favoriser la « réduction simultanée des dépenses publiques et des prélèvements obligatoires qui pèsent sur les entreprises » et « un réexamen des missions des CCI » ([348]).

Évolution des plafonds de taxes affectées aux CCI

(en milliers d’euros)

Ressource affectée

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

TA-CFE

549 000

549 000

549 000

549 000

549 000

549 000

449 000

349 000

TA-CVAE

819 000

719 000

506 117

376 117

376 117

226 117

226 117

226 117

Total

1 368 000

1 268 000

1 055 117

925 117

925 117

775 117

675 117

575 117

Source : article 46 de la loi de finances pour 2012.

Pour lier ces deux objectifs, sur une initiative parlementaire ([349]), l’article 83 a parallèlement prévu un mécanisme dadaptation du taux de la TACFE versée par les entreprises à lévolution de son plafond daffectation. Le 3 du II de l’article 1600 dispose donc désormais que le taux de la TA-CFE évolue chaque année dans la même proportion que le plafond pour garantir que la baisse de ce dernier entraîne une diminution à due proportion de la charge fiscale. Du fait de l’adoption d’un sous-amendement du Gouvernement, l’entrée en vigueur de cette disposition a été différée au 1er janvier 2020, pour que le dispositif « soit pleinement efficace », selon les mots du ministre de l’économie et des finances en séance publique ([350]).

2.   La création pour 2019 d’un dispositif exceptionnel de répartition de la taxe pour frais de chambre

À l’initiative du Rapporteur général, le même article 83 a instauré, pour la seule année 2019, un dispositif exceptionnel de répartition de la TA‑CVAE. La création de ce dispositif dérogatoire au dispositif de droit commun présenté supra procède du constat que ce dernier s’appuie sur des critères essentiellement historiques (notamment le rendement de la TA‑CFE en 2010) et ne permet pas une répartition du produit de la TA‑CVAE en lien avec l’évolution de l’organisation des CCI et de leurs missions.

De plus, le fonds de péréquation de la TA-CVAE est essentiellement destiné à financer des projets structurants de modernisation, conformément au b du 2 du III de l’article 1600 du CGI, sans contribuer à la mise en œuvre des missions des CCI elles‑mêmes.

Le dispositif transitoire créé par la LFI pour 2019 prévoit d’abord que le financement de CCI France n’est plus fixé en pourcentage des plafonds de la taxe pour frais de chambre (voir supra), mais qu’un seuil minimal en valeur lui est attribué. Il a été fixé à 19 millions deuros pour 2019. Selon les dispositions de la loi de finances, il est revenu à CCI France de répartir en 2019 le solde de la TA‑CVAE – un peu plus de 200 millions d’euros – entre les CCIR, en complément de la TA‑CFE qui reste affectée en 2019 à chaque CCIR selon des modalités que la loi de finances n’a pas modifiées. La répartition de la TA-CVAE effectuée par CCI France devait se fonder sur « les études économiques de pondération réalisées lors du dernier renouvellement général ». L’article 49 de la loi Pacte ([351]) a toutefois supprimé cette précision afin de permettre à l’assemblée générale de CCI France d’adopter une répartition rectificative de la taxe en 2019.

Le système, tel que conçu par l’article 83 de la loi de finances pour 2019, visait à compenser l’éventuelle baisse de TA‑CFE subie par telle ou telle CCI par une nouvelle répartition de la TA‑CVAE, en fonction de ses besoins de financements et de sa situation financière.

Le dispositif prévoit en outre un socle de financement minimal pour chaque CCIT dont le périmètre comprend au moins 70 % de communes classées en zone de revitalisation rurale. Il prend la forme dune dotation destinée à financer un seuil minimal dactivité consulaire (SMAC) défini par un barème fixé par arrêté du ministre de tutelle des CCI. Larrêté du 6 mai 2019 relatif au seuil minimal dactivité consulaire a précisé quil était fixé en fonction du nombre dentreprises ressortissantes tel que déterminé par létude économique de pondération.

Seuil minimal d’activité consulaire dans l’hexagone
tel que défini par l’arrêté du 6 mai 2019

Nombre dentreprises ressortissantes

SMAC

6 000 ou moins

1 300 000 €

> 6 000 et < ou égal à 10 000

1 600 000 €

> 10 000 et < ou égal à 12 500

1 900 000 €

> 12 500

2 400 000 €

Note : un barème spécifique a été fixé pour les CCI doutre-mer.

Source : arrêté du 6 mai 2019 relatif au seuil minimal d’activité consulaire.

L’arrêté précise en outre que chaque CCI territoriale bénéficie d’une dotation de la part de la CCIR à laquelle elle est rattachée, laquelle ne peut être inférieure au montant du barème ci-dessus ni au montant perçu par la chambre en 2018 affecté d’un coefficient de baisse de 10 %. La dotation ne peut pas, par ailleurs, être supérieure aux montants perçus par la chambre en 2018.

Une certaine souplesse est toutefois permise dans l’application du barème, puisque le montant de la dotation versée en 2019 aux CCI rurales peut s’en écarter pour tenir compte de la situation financière de chaque CCI, si son fonds de roulement est supérieur à 120 jours ou inférieur à 60 jours.

Aux termes de l’article 83 de la loi de finances, dans sa version initiale, les CCI éligibles à la dotation pour financer un seuil minimal d’activités devaient en contrepartie s’engager dans un processus de réunion si elles se situaient dans le même département. L’article 50 de la loi Pacte a toutefois supprimé cette condition, prévoyant explicitement qu’elle ne s’appliquait pas. Les auteurs de l’amendement sénatorial à l’origine de la suppression de cette obligation l’ont expliquée par la nécessité de prendre en compte la pluralité des bassins économiques à l’intérieur de certains départements ([352]).

Suivant les dispositions législatives et leurs précisions réglementaires en vigueur, l’assemblée générale de CCI France du 9 juillet 2019 a adopté à 94 % la répartition de la TA‑CVAE.

B.   Les dispositions de la loi Pacte relatives au financement du réseau des chambres de commerce et d’industrie par la taxe pour frais de chambre

● Les articles 40 à 52 de la loi Pacte ont procédé à une réforme d’ampleur du réseau des CCI qui se décline en trois axes :

– le développement d’une offre de services payants au plus proche des besoins des entreprises et des territoires ;

– le renforcement des missions de CCI France, notamment celle de répartir la TCCI entre les CCIR ;

– le recentrage de l’action des CCI sur l’accompagnement des entreprises, le soutien aux porteurs de projets, la participation à la conception et à la mise en œuvre des politiques publiques et le développement des capacités et des potentiels économiques des territoires, en cohérence avec le contrat d’objectif et de performance signé entre CCI France et l’État le 15 avril 2019.

● S’agissant spécifiquement du financement, l’article 48 a opéré deux changements majeurs.

Il a d’une part fait de CCI France le seul affectataire de la TCCI et responsable de sa répartition. Son I a en effet modifié l’article L. 710‑1 du code de commerce pour supprimer l’affectation aux CCIR de la TCCI.

Il a d’autre part modifié l’article L. 711‑16 du même code pour ajouter aux missions de CCI France la répartition du produit de la TCCI entre les CCIR et en prévoir les modalités. Ainsi, le produit de la taxe sera réparti par CCI France après qu’elle aura perçu la quote-part nécessaire au financement de son fonctionnement, de ses missions et des projets de portée nationale. Un arrêté fixe le montant minimal de cette quote-part. L’arrêté du 16 septembre 2019 relatif au financement de CCI France a fixé cette quote-part à 20,1 millions d’euros à compter du 1er janvier 2020.

La répartition entre les CCIR doit tenir compte de plusieurs critères limitativement énumérés par la loi :

– les objectifs de la convention d’objectifs et de moyens signée entre l’État et CCI France ;

– les résultats de la performance, des décisions prises par l’assemblée générale de CCI France et de leur réalisation ;

– des besoins des chambres pour assurer leurs missions ;

– du poids économique des chambres évalué selon les bases d’imposition des entreprises de leurs circonscriptions, leur nombre et le nombre de leurs salariés ;

– la nécessité d’assurer une péréquation entre les CCI, notamment pour tenir compte de leurs particularités locales.

Il revient à l’assemblée générale de CCI France, à la majorité simple, d’adopter chaque année cette répartition.

● Compte tenu de ces modifications, il est nécessaire de modifier le code général des impôts pour mettre en cohérence les paramètres de la fiscalité affectée aux CCI avec les principes d’affectation et de répartition définis par la loi Pacte.

II.   Le dispositif proposÉ

A.   L’affectation à CCI France d’une taxe simplifiée pour frais de chambre

En cohérence avec les dispositions de l’article L. 711‑16 du code de commerce tel qu’il résulte de la loi Pacte, le présent article procède à l’affectation à CCI France de la taxe pour frais de chambre.

● Le du A du I modifie le premier alinéa du I de l’article 1600 du CGI pour qu’il prévoie que la taxe pour frais de chambre soit perçue au profit de CCI France et qu’elle est répartie entre les CCIR dans les conditions prévues au 10 ° de l’article L. 711‑16 du code de commerce. Il ne serait plus précisé que la taxe finance un fonds de modernisation, de rationalisation et de solidarité financière, une partie des dépenses de CCI France et des CCIR et les contributions de ces dernières aux CCIT et à CCI France. Cette suppression est cohérente avec la disparition du circuit de financement complexe prévu par l’article 1600.

La disposition selon laquelle la taxe est employée pour financer les missions du réseau dans le respect des règles de concurrence nationales et communautaires, à l’exclusion des activités marchandes serait supprimée.

● S’agissant de la TA‑CFE, le b du modifie en conséquence le 2 du II de l’article 1600 pour préciser que son produit est affecté à CCI France dans les limites du plafond de l’article 46 de la loi de finances pour 2012, cette affectation se substituant à l’affectation actuelle aux CCIR.

Le a du modifie le dernier alinéa du II de l’article 1600 pour fixer un taux national unique de la TACFE en remplacement des taux multiples votés sur une base annuelle par les CCIR. Le c du 2° supprime parallèlement les règles actuellement en vigueur d’évolution du taux de la TA‑CFE. Il atteindra 0,8 % en 2023 selon des modalités décrites ci‑dessous.

● S’agissant de la TA‑CVAE, le a du fixe le taux national à 1,73 % à compter de 2020, au même niveau que le taux actuel qui résulte des règles d’évolution du taux de la TA‑CVAE. Ces règles d’évolution sont supprimées. En cas d’adoption de cette disposition, le niveau du taux national serait donc fixe et n’évoluerait pas, même si la loi prévoit une baisse du plafond d’affectation de la TA‑CVAE. Une baisse du taux nécessiterait une nouvelle disposition législative. Le C du I supprime en conséquence les dispositions de l’article 1639 A du CGI prévoyant la communication par les services fiscaux aux chambres du montant prévisionnel des bases de la TA‑CFE pour que celles-ci établissent le taux.

Le D et le E du I modifient les règles législatives de perception par l’État des prélèvements au titre des frais de gestion de la TCCI qu’il supporte. Il s’agit en réalité d’une coordination légistique qui n’avait pas été réalisée au moment de la réforme de la taxe professionnelle.

Le D modifie l’article 1641 pour que les prélèvements effectués pour les frais de dégrèvement et de non valeurs d’une part (3,6 % du montant de la taxe) et pour les frais d’assiette et de recouvrement d’autre part (5,4 %) le soient au titre de la seule TA‑CFE et non de la TCCI dans son ensemble. Selon la rédaction proposée de l’article 1641, l’État percevrait des prélèvements pour frais de gestion de 9 % du montant de la TA‑CFE, alors qu’il devrait percevoir selon le droit en vigueur une fraction de 9 % du montant de la somme des produits de la TA‑CFE et de la TA‑CVAE. Le E modifie parallèlement le XV de l’article 1647 pour aligner le montant des frais de gestion de la TA‑CVAE sur celui de la CVAE. L’État percevrait ainsi un prélèvement de 1 % du montant de la TA‑CVAE, au lieu de 9 % actuellement.

Dans les faits, ces dispositions étaient déjà appliquées, l’État ne percevant que 1 % du produit brut de la TA‑CVAE au titre des frais de gestion et 9 % du produit de la TA‑CFE. C’est la raison pour laquelle l’évaluation préalable indique que cette disposition n’a pas d’impact budgétaire.

● Le b du  supprime les dispositions affectant le produit de la TA‑CVAE au FFCCIR puis le répartissant entre les CCIR selon les règles complexes décrites précédemment, pour les remplacer par une disposition selon laquelle ce produit est affecté à CCI France. Il n’est pas utile de détailler à l’article 1600 les modalités de sa répartition, ces dernières ayant été définies à l’article L. 711‑16 du code de commerce par la loi Pacte (voir supra).

Les nouvelles règles de répartition ne tiennent pas compte du niveau historique de la TA‑CFE, à la différence des règles de l’article 1600 du CGI. Le IV de l’article 1600 qui précise les sommes à prendre en compte au titre de l’année 2010 est donc supprimé par le  du A du I.

● Le B du I du présent article supprime la possibilité prévue par l’article 1602 A du CGI pour les CCIR ([353]) d’exonérer temporairement de TA‑CFE les entreprises situées dans leur ressort et situées en zone d’aide à finalité régionale (ZAFR) ou en zone de revitalisation rurale (ZRR). Selon l’évaluation préalable, seules deux CCI territoriales ont pris une délibération en ce sens, pour un total de 21 entreprises concernées, le gain moyen annuel de ces dernières se situant entre 30 et 45 euros. Le II du présent article prévoit un mécanisme transitoire : les délibérations des CCI relatives à ces exonérations sont abrogées. Elles demeurent toutefois applicables jusqu’à leur terme aux entreprises qui en bénéficient au 1er janvier 2020 sur le fondement de ces délibérations.

B.   La diminution programmée du taux de la taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises

L’objectif de la diminution des ressources affectées au réseau des CCI est non seulement de contribuer à la transformation de leur modèle et à la rationalisation de leurs moyens, mais également de permettre de diminuer les prélèvements obligatoires pesant sur les entreprises. Pour ce faire, il est proposé que le taux de la TA‑CFE soit diminué d’ici 2023 pour concrétiser l’annonce par le Gouvernement d’une réduction des ressources affectées au réseau de 400 millions d’euros sur quatre ans, qui s’accompagnerait d’une réduction à due concurrence des prélèvements obligatoires pesant sur les entreprises.

Le Gouvernement propose de diminuer le taux de la TACFE plutôt que celui de la TACVAE car, du fait de l’abattement de 500 000 euros applicable à la CVAE, de nombreuses entreprises ne bénéficieraient pas d’une baisse de taux de la TA‑CVAE.

Le III du présent article propose donc que le taux de la TA‑CFE soit unique et qu’il diminue progressivement jusqu’à atteindre 0,8 %.

Pour ce faire, il fixe à 0,8 % le taux de la TACFE, applicable à compter des impositions établies au titre de 2023. Durant une période transitoire de trois ans, l’ensemble des taux actuellement applicable convergera annuellement vers le taux cible. Chaque année, pour les impositions établies au titre de 2020 à 2022, le taux de chaque CCIR sera fonction du taux applicable au titre de 2019 et du taux de 0,8 %, la pondération de ces deux critères permettant année après année de se rapprocher de ce taux cible.

Plus précisément, le taux applicable au titre de l’année 2020 sera égal à la somme du taux applicable au titre de 2019 pondéré d’un coefficient de 75 % et du taux cible de 0,8 % pondéré d’un coefficient de 25 %. Pour les impositions établies au titre de 2021, les coefficients s’établiront chacun de 50 % et pour les impositions établies au titre de 2022 ils seront respectivement fixés à 25 % et 75 %.

Taux régionaux proposés par le présent article selon l’année d’imposition

CCI régionale

2019

2020

2021

2022

2023

Auvergne Rhône Alpes

2,03 %

1,72 %

1,42 %

1,11 %

0,80 %

Bourgogne‑Franche‑Comté

2,74 %

2,26 %

1,77 %

1,29 %

0,80 %

Bretagne

3,24 %

2,63 %

2,02 %

1,41 %

0,80 %

Centre

1,90 %

1,63 %

1,35 %

1,08 %

0,80 %

Corse

6,89 %

5,37 %

3,85 %

2,32 %

0,80 %

Grand Est

1,93 %

1,65 %

1,37 %

1,08 %

0,80 %

Hauts de France

2,42 %

2,02 %

1,61 %

1,21 %

0,80 %

Normandie

2,57 %

2,13 %

1,69 %

1,24 %

0,80 %

Nouvelle aquitaine

2,91 %

2,38 %

1,86 %

1,33 %

0,80 %

Occitanie

2,97 %

2,43 %

1,89 %

1,34 %

0,80 %

Provence-Alpes-Côte d’Azur

3,01 %

2,46 %

1,91 %

1,35 %

0,80 %

Pays de la Loire

2,15 %

1,81 %

1,48 %

1,14 %

0,80 %

Paris Île‑de‑France

2,13 %

1,80 %

1,47 %

1,13 %

0,80 %

DOM‑Îles de la Guadeloupe

3,64 %

2,93 %

2,22 %

1,51 %

0,80 %

DOM‑Guyane

4,21 %

3,36 %

2,51 %

1,65 %

0,80 %

DOM-Martinique

3,32 %

2,69 %

2,06 %

1,43 %

0,80 %

DOM-Mayotte

3,30 %

2,68 %

2,05 %

1,43 %

0,80 %

DOM-La Réunion

1,75 %

1,51 %

1,28 %

1,04 %

0,80 %

Source : commission des finances, d’après l’évaluation préalable.

C.   L’impact budgétaire et économique

La baisse programmée des taux de la TA‑CFE entre 2020 et 2023 vers un taux national de 0,8 % aura deux effets :

– la diminution des ressources du réseau des CCI ;

– la baisse des prélèvements obligatoires pour les deux millions d’entreprises actuellement redevables de la taxe.

● Du point de vue des entreprises, la chronique de taux proposée entraînera une baisse du produit de la TA‑CFE hors frais de gestion de 405 millions d’euros d’après l’évaluation préalable du présent article, à raison d’une diminution d’environ 100 millions d’euros par an.

Montant de la TA‑CFE acquittée par les entreprises
entre 2019 et 2023

(en millions d’euros)

 

2019

2020

2021

2022

2023

Prélèvements acquittés par les entreprises redevables de la TA-CFE

607

505

404

303

202

Écart à l’année précédente

 

– 102

– 101

– 101

– 101

Écart 2023/2020

 

– 405

Source : évaluation préalable du présent article.

● L’impact budgétaire de la mesure pour les administrations publiques (réseau des CCI et État) par rapport au droit actuellement en vigueur devrait différer de l’impact de l’allégement fiscal pour les entreprises présenté ci‑dessus, compte tenu de la disposition introduite par la loi de finances pour 2019 prévoyant une diminution du taux de la TA‑CFE à due proportion de la baisse du plafond à compter du 1er janvier 2020. L’application de cette disposition aurait eu pour effet de diminuer le produit de la TA­CFE de 130 millions d’euros par an à partir de 2020. La diminution d’environ 100 millions d’euros en 2020 par rapport à 2019 serait donc inférieure de 30 millions d’euros à la baisse qui aurait résulté de l’application du droit en vigueur.

En revanche, la baisse du produit de la TA‑CFE proposée par le présent article est plus favorable pour les redevables que le droit en vigueur dès 2021. L’impact budgétaire de la disposition est présenté dans le tableau ci-dessous. Par rapport au droit en vigueur, la mesure aura un coût de 270 millions d’euros par an à partir de 2023 pour les administrations publiques. Le montant de la TA‑CFE diminuera bien de 100 millions d’euros par an jusqu’en 2023, pour un impact pérenne de 400 millions d’euros par an par rapport à 2019.

Impact budgétaire pour les administrations publiques
de la baisse du taux de la TA‑CFE

(en millions d’euros)

 

2020

2021

2022

2023

Effet pérenne

Impact selon le droit en vigueur

– 130

– 130

– 130

– 130

– 130

Impact du présent article par rapport à la situation en 2019

– 100

– 200

– 300

– 400

– 400

Impact du présent article par rapport au droit en vigueur

+ 30

– 70

– 170

– 270

– 270

Note : à des fins de simplification et compte tenu de la précision du chiffrage de limpact budgétaire par lévaluation préalable, ce tableau prévoit une diminution annuelle de 100 millions deuros du produit de la TACFE entre 2020 et 2023.

Source : commission des finances, d’après l’évaluation préalable.

Le dispositif entraînera une diminution du produit de la TA‑CFE de 400 millions d’euros à horizon 2023. Elle bénéficiera aux 2 millions d’entreprises actuellement redevables de la TA‑CFE.

*

*     *

La commission examine les amendements identiques I-CF44 de M. Vincent Descoeur, ICF196 de M. Fabrice Brun, ICF479 de M. François Pupponi, et ICF1207 de Mme Christine Pires Beaune.

M. Vincent Descoeur. L’amendement I‑CF44 tend à supprimer l’article 15, considérant qu’il traduit le renoncement du Gouvernement à la clause de revoyure sur laquelle il s’était pourtant engagé au travers du contrat d’objectifs et de performances qu’il a signé avec les chambres de commerce et d’industrie le 15 avril 2019. Les CCI, rappelons-le, vont être mises à contribution à hauteur de 550 millions d’euros sur l’ensemble du quinquennat.

Il est indispensable que l’État et le Gouvernement tiennent compte tant des efforts qu’elles ont produits que des difficultés qu’elles rencontrent pour maintenir un accompagnement de proximité au bénéfice des entreprises. C’est d’autant plus vrai s’agissant de CCI territoriales comme celle du Cantal.

M. Fabrice Brun. Ce n’est pas la première fois que nous évoquons le sort des chambres consulaires, et je ne sais plus comment vous convaincre de l’intérêt de ces corps intermédiaires pour les acteurs de l’économie de proximité.

Prenons un exemple concret : celui de la chambre de commerce et d’industrie de l’Ardèche. Si la disposition budgétaire prévue par le Gouvernement venait à s’appliquer, elle la conduirait à percevoir d’ici à 2022 une ressource fiscale inférieure à 900 000 euros au lieu des 3 millions d’euros qu’elle percevait ces dernières années.

On comprend donc bien, au vu de ces chiffres, que cette disposition aura forcément un impact sur le fonctionnement de ces chambres consulaires qui devront bien entendu faire à l’avenir, comme toutes les organisations, des efforts.

Qui plus est, cette disposition a été prise sans concertation et de façon un peu autoritaire par le Gouvernement, alors même qu’une clause de revoyure était contractuellement prévue par le contrat d’objectifs et de performances signé entre le ministre de l’économie et des finances et le président de CCI France. Or le Gouvernement s’assoit dessus…

Ajoutons que tout cela fait en outre suite à un très important coup de rabot porté aux ressources des CCI au travers de la loi de finances pour 2019.

On est donc en droit d’affirmer, en tant qu’acteurs de terrain, en tant que députés et, en ce qui me concerne, petit entrepreneur, que nos petites entreprises – dans les territoires ruraux, 90 % des entreprises sont le fait de travailleurs indépendants n’employant aucun salarié – ont besoin de l’appui technique et fiscal ainsi que des conseils dispensés par les chambres consulaires. D’où mon amendement de suppression I‑CF196.

M. Jean-Louis Bricout. L’amendement identique I‑CF1207 de Mme Christine Pires Beaune a déjà parfaitement été défendu par notre collègue Fabrice Brun. S’il est certainement nécessaire de réorganiser le réseau des chambres consulaires, la baisse de ses ressources ne doit pas en être la cause, mais la résultante de cette réorganisation. On constate d’ores et déjà les effets de cette baisse dans les territoires : certains dispositifs disparaissent, comme le Fonds d’intervention pour la sauvegarde de l’artisanat et du commerce (FISAC), très utile au petit commerce.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je vais, tout en expliquant ma position sur les amendements de suppression, indiquer ma vision de l’article 15 dans sa globalité, ce qui me dispensera de reprendre la parole sur les amendements qui suivront.

Il n’apporte à ma connaissance pas d’élément nouveau dans son principe, puisqu’il s’agit d’un article de conséquence. Il prévoit en effet la diminution des ressources du réseau, à hauteur de 400 millions d’euros sur quatre ans, et les convertit en baisse de prélèvements obligatoires.

Il est cohérent tant avec les dispositions votées l’an dernier qu’avec les annonces faites à l’été 2018. Je me tourne à cet instant vers nos collègues Olivia Grégoire et Jean-Noël Barrot qui connaissent bien ce sujet : il tire également les conséquences de certaines dispositions de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises – c’est-à-dire de la loi PACTE – portant sur le circuit de financement des CCI. Elles font notamment de CCI France l’affectataire et le répartiteur de la taxe pour frais de chambres de commerce et d’industrie (TCCI). D’où la modification proposée du code général des impôts.

La seule nouveauté porte sur les modalités de répartition des prélèvements obligatoires : l’article prévoit tout d’abord une diminution progressive du taux de la taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises (TACFE) dont il fixe la trajectoire. Les dix-huit taux actuels convergeraient vers un taux unique de 0,8 % en 2023. Je suis favorable à la fixation de cette trajectoire pluriannuelle de taux, dans la mesure où elle donne de la visibilité à CCI France, redevable de ladite taxe : actons donc, dès ce projet de loi de finances, sa diminution programmée.

Monsieur Brun l’a souligné : il est vrai que les efforts demandés aux chambres, qui ont d’ailleurs des besoins de financement à court terme pour la gestion prévisionnelle de leurs emplois et de leurs compétences, n’ont rien de négligeable. C’est la raison pour laquelle je serai favorable à la suppression du prélèvement France Télécom, car elle permettra d’atténuer la baisse des ressources du réseau de 28,9 millions d’euros par an.

La répartition des ressources au sein du réseau enfin peut susciter des inquiétudes. Ne prenez en rien mes propos pour un acte de défiance vis-à-vis du président actuel de CCI France. Je vous propose, donc, un amendement dans la lignée de celui que nous avons adopté l’an dernier instituant le fameux seuil minimal d’activité consulaire (SMAC) pour les CCI situées dans les zones hyper‑rurales, sur lequel nous avions travaillé et que nous avions ainsi mis en place.

Vous comprendrez que je sois de ce fait défavorable aux amendements prévoyant de revenir sur la trajectoire et favorable aux amendements identiques au mien qui proposent de supprimer le prélèvement France Télécom.

Mme Stella Dupont. Le Gouvernement – en l’occurrence le ministre lui‑même, ainsi que son cabinet – est en contact étroit avec le réseau de CCI France. Le contrat d’objectifs et de performances qui a été signé très tôt dans l’année illustre d’ailleurs cette coopération et cette collaboration. Je reconnais comme mes collègues qu’un effort important a été demandé au réseau des CCI ; c’est pourquoi il me paraît nécessaire de revoir le prélèvement France Télécom et la trajectoire de baisse du taux de la taxe additionnelle – j’ai déposé un amendement en ce sens. La clause de revoyure est bien prévue dans l’esprit des relations entre l’État et le réseau. Il faudra s’y tenir s’agissant des futurs prélèvements éventuels de 2021 fixés en 2020.

La commission rejette les amendements ICF44, ICF196, ICF479 et ICF1207.

La commission examine, en discussion commune, les amendements ICF152 de Mme Lise Magnier et ICF1462 de Mme Stella Dupont.

Mme Lise Magnier. Cet amendement soutient la mesure de baisse de taux de taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises (TACFE), afin de rendre aux entreprises les baisses de ressources affectées aux chambres de commerce et d’industrie (CCI) sous forme de baisse de fiscalité. Il est ainsi proposé de porter le taux de 2,4 % à 1,8 % en 2020.

Mme Stella Dupont. Il est préférable de ne pas inscrire dans la loi de finances pour 2020 la baisse des moyens affectés aux CCI au-delà de 2021. En effet, le contrat d’objectifs et de performance garantit une clause de revoyure, qui permettra, l’an prochain, de voir s’il est pertinent de poursuivre cette baisse.

M. Joël Giraud, rapporteur général. C’est une question qu’il serait légitime de poser au ministre en séance. Dans l’intervalle, je vous demande de bien vouloir retirer ces amendements.

Les amendements ICF152 et ICF1462 sont retirés.

La commission examine les amendements identiques ICF822 du rapporteur général, ICF108 de Mme Lise Magnier et ICF1467 de Mme Stella Dupont.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Cet amendement vise à supprimer le prélèvement France Télécom payé par le réseau des CCI. Le coût pour l’État de cette suppression est de 28,9 millions d’euros.

Mme Stella Dupont. Le réseau se restructure et a besoin de moyens. L’idée est de donner aux CCI un coup de pouce d’à peine 30 millions d’euros, et d’assurer ainsi le financement de la gestion prévisionnelle des emplois et des ressources (GPEC) nationale propre au réseau.

M. Fabrice Brun. Si je comprends bien, il convient de déduire ces 28,9 millions d’euros annuels de l’effort d’économies de 400 millions d’euros demandé aux CCI d’ici 2022.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Tout à fait.

La commission adopte les amendements ICF822, ICF108 et ICF1467 (amendement I2923).

Elle en vient à l’amendement ICF823 du rapporteur général.

M. Joël Giraud, rapporteur général. La loi de finances pour 2019 avait instauré, à l’instigation notamment de Stella Dupont, le seuil minimal d’activité consulaire (SMAC) en faveur des CCI les plus fragiles. Bien qu’ayant toute confiance dans le président du réseau, je pense pertinent de reconduire ce système de répartition du produit de la taxe.

M. Fabrice Brun. Les CCI éligibles au SMAC en 2019 doivent comprendre au moins 70 % de communes classées en zone de revitalisation rurale (ZRR), ce qui exclut par exemple la CCI de l’Ardèche, département rural s’il en est, qui bénéficiait pourtant du fonds de péréquation. Des CCI rurales peuvent donc ne pas bénéficier de ce nouveau mécanisme de solidarité, ce qui est très gênant pour des territoires déjà touchés par la fracture territoriale et économique.

Par ailleurs, les CCI les plus fragiles peuvent voir leur budget abondé en cas de difficultés financières. Les chambres qui savent bien gérer et ont un peu de trésorerie ne sont pas éligibles à ce type d’aide, ce qui pose problème : sur ce sujet, les acteurs économiques – TPE, PME – des territoires sont très mobilisés.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je rejoins les propos de monsieur Brun. La clé de répartition décidée l’année dernière est en train de recréer de grandes inégalités. La CCI du Jura, département en partie montagnard, ne remplit pas non plus le critère du seuil de communes classées en ZRR. Ce mécanisme est profondément injuste et cela aura des conséquences notables sur le réseau national.

La commission adopte l’amendement ICF823 (amendement I2922).

Puis elle adopte l’article 15 ainsi modifié.

 

*

*     *

Article 16
Suppression progressive du tarif réduit de la taxe intérieure de consommation sur les carburants sous condition demploi

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article est destiné à supprimer progressivement d’ici 2022 les tarifs réduits de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) du gazole non routier (GNR).

Le GNR est principalement un mélange d’hydrocarbures d’origine minérale ou de synthèse identique au gazole utilisé pour le fonctionnement des moteurs qui, en règle générale, ne sont pas destinés à la propulsion de véhicules sur les routes. Le GNR est ainsi « sous conditions d’emploi ». Sa justification originelle était de valoriser la mécanisation du secteur agricole et des travaux publics.

Les produits concernés sont le gazole, les gaz de pétrole liquéfié (GPL) et les émulsions d’eau dans le gazole.

Le taux réduit de taxe intérieure de consommation pour le gazole non routier a été, en 2018, la neuvième dépense fiscale la plus coûteuse, d’un montant de 2 309 millions d’euros en exécution. Peu vertueuse sur le plan environnemental, elle conduit la TICPE à ne couvrir qu’imparfaitement la consommation de carburants et les externalités induites en matière d’émission de CO2.

Le présent dispositif organise une sortie de ce dispositif en sifflet, qui accroît progressivement le tarif de TICPE sur le GNR pour le faire rejoindre, au 1er janvier 2022, le taux de TICPE qui touche le gazole routier.

Des mesures d’accompagnements sont prévues : deux dispositifs de suramortissement sont créés pour les secteurs particulièrement concernés, afin de soutenir les investissements pour diversification ou acquisition d’engins de substitution. Certains contrats pourront également faire l’objet d’une majoration de plein droit de leur prix au titre du renchérissement du coût du carburant.

Des régimes fiscaux adaptés, maintenant l’actuel régime, voire l’accroissant, sont prévus pour le GNR utilisé dans certains secteurs : transports ferroviaire et fluvial, manutention portuaire dans les grands ports maritimes et industries extractives fortement exposées à la concurrence internationale.

Enfin, cet article organise également la mise en place au 1er janvier 2022 d’un tarif réduit directement applicable à la mise à la consommation du produit pour les agriculteurs, qui bénéficient actuellement du tarif réduit sur le GNR, mais également, en sus, d’une procédure de remboursement de la différence entre le tarif du GNR et un tarif spécifique fixé à 3,86 euros par hectolitre. La mise en place de ce tarif réduit directement applicable « à la pompe » est destinée à simplifier les démarches des agriculteurs et à leur éviter des avances de trésorerie en matière d’achat de gazole.

Le gain budgétaire du présent article est estimé à 200 millions d’euros en 2020,
650 millions d’euros en 2021, 600 millions d’euros en 2022 et 870 millions d’euros à partir de 2023. Ces montants sont à comparer au montant de la dépense fiscale au titre du GNR, d’un montant d’environ deux milliards d’euros.

Dernières modifications législatives intervenues

Le régime fiscal privilégié du gazole sous condition d’emploi a été instauré par la loi n° 669-923 du 14 décembre 1966 portant modification de diverses dispositions du code des douanes. Si son système n’a pas fondamentalement évolué, le dispositif voit son assiette et ses taux régulièrement actualisés. La dernière modification date de la loi de finances pour 2018.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

En premier lieu la commission a adopté, à l’initiative de M. Joël Giraud (LREM), rapporteur général, deux amendements visant, d’une part, à ouvrir le bénéfice d’un tarif réduit de gazole aux engins utilisés aux fins de service public en zone de montagne et, d’autre part, ouvrir le bénéfice du suramortissement du nouvel article 39 decies E du code général des impôts tel qu’issu du présent article, aux véhicules hybrides.

En deuxième lieu, la commission a adopté, à l’initiative de Mme Dominique Louwagie (LR), Mme Lise Magnier (UDI-Agir et indépendants) et M. Thibault Bazin (LR), trois amendements identiques visant à proroger jusqu’au 31 décembre 2028 le dispositif de suramortissement de l’article 39 decies E du code général des impôts tel qu’issu du présent article.

En troisième lieu, la commission a adopté, à l’initiative de Mme Bénédicte Peyrol (LREM), un bornage temporel des principales dépenses fiscales néfastes à l’environnement, au 31 décembre 2029.

I.   le gazole non routier, destiné à préserver la compétitivitÉ de certains secteurs économiques, heurte les engagements environnementaux Français

A.   une dépense fiscale destinée à favoriser la compétitivité de certains secteurs économiques

1.   Le gazole non routier (GNR) est un mélange d’hydrocarbures utilisé sous conditions d’emploi

Les agriculteurs, le secteur industriel, celui des travaux publics bénéficient d’un taux réduit de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) sur leurs achats de carburants. Mise en place, à l’origine par la loi du 14 décembre 1966 ([354]), pour aider à la mécanisation des secteurs concernés – notamment l’agriculture –, cette réduction a été maintenue et constitue une aide à la compétitivité des secteurs concernés par une baisse des coûts de production.

Cet avantage fiscal est a priori associé à des usages motorisés non routiers – d’où l’appellation gazole non routier (GNR). Toutefois, les secteurs agricole et ferroviaire en bénéficient également au titre d’usages le cas échéant routiers.

Les secteurs éligibles à la consommation du GNR paient directement lors de l’achat de leur carburant un tarif de consommation de 18,82 euros par hectolitre (soit 18,82 centimes par litre), contre actuellement 59,40 euros par hectolitre pour le gazole routier.

usages non agricoles du GNR

Année

Consommation totale en 2017

Proportion des usages non routiers en 2017

Écart de fiscalité entre les tarifs routiers et non routiers

Gazole

407 325 117 hL

6,60 %

(hors secteur agricole)

– 40,58 c€ / L

Gaz de pétrole liquéfié

90 967 tonnes

59,81 %

– 4,81 c€ / L

Source : commission des finances.

a.   Le critère de la nature des produits

Le GNR est un mélange d’hydrocarbures d’origine minérale ou de synthèse, identique au gazole, destiné à des moteurs ou engins cités dans l’arrêté du 10 novembre 2011 ([355]). Il s’agit du gazole visé à l’indice 20 du tableau B du 1° de l’article 265 du code des douanes. Le gaz de pétrole liquéfié (GPL) utilisé sous les mêmes conditions d’emploi, de l’indice 33 bis du tableau B du 1° de l’article 265 du code des douanes, est associé, par facilité de langage, au GNR. Le GPL est donc visé par le présent article, mais sa consommation est bien moins répandue que le « gazole GNR » – le tarif sous conditions d’emploi du GPL est d’ailleurs bien moins dérogatoire que celui du « gazole GNR ».

L’arrêté du 10 décembre 2010 relatif aux caractéristiques du GNR prévoit une obligation de coloration et de traçage : à l’instar du fioul, le GNR est dit « rouge », car il est marqué avec un colorant rouge écarlate, le « RED 24 ». Ce système de traçage suppose la mise en place d’un circuit de distribution distinct de celui du gazole routier ; grâce à cette distinction, les utilisateurs peuvent acquérir un produit ayant été directement taxé au tarif réduit, alors qu’un circuit de distribution unique – qui empêcherait de distinguer les produits éligibles au tarif réduit de ceux ne l’étant pas – nécessiterait d’avoir à solliciter un remboursement ex post de la taxe acquittée à l’achat, auprès de l’administration.

b.   Le critère d’utilisation des produits

Le GNR est utilisé pour le fonctionnement des moteurs qui ne sont pas destinés à la propulsion de véhicules sur les routes, sauf pour les entreprises des secteurs ferroviaire et agricole, secteurs désignés comme éligibles au tarif du GNR quelle que soit la fonction des moteurs concernés ; le GNR est « sous conditions d’emploi ». Le GNR alimente ainsi des moteurs stationnaires dans les entreprises, des installations et machines utilisées dans la construction, les travaux publics ou le génie civil.

Plus précisément, le gazole sous conditions d’emploi peut être utilisé en bénéficiant d’un taux réduit de taxe intérieure de consommation pour l’alimentation des moteurs :

– fixes, y compris les moteurs au banc : il s’agit, par exemple, des moteurs placés sur fondation dans des ateliers ou des usines, et qui sont destinés à actionner des engins de travail par l’intermédiaire d’une courroie ;

– autres que de propulsions, montés sur des machines ou appareils qu’ils ont pour fonction d’actionner : il s’agit, par exemple, des pompes, compresseurs, générateurs ou d’autres appareils de forage, de manutention ou de travaux publics qui possèdent un moteur qui peut être distingué du moteur de propulsion ;

– de propulsion, mais seulement pour l’alimentation de véhicules et engin visés par arrêté ([356]), comme les tracteurs de type agricole ou forestier.

2.   Le régime spécial relatif aux agriculteurs

Les exploitants agricoles bénéficient d’un remboursement partiel de la TICPE pour ce qui concerne le GNR, le fioul lourd, le gaz de pétrole liquéfié et le gaz naturel qu’ils achètent ([357]).

Les bénéficiaires de la mesure, au nombre d’environ 200 000, sont :

– les chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole participant à la mise en valeur d’une exploitation ou d’une entreprise agricole à titre individuel ou dans un cadre sociétaire, affiliés à l’assurance maladie, invalidité et maternité des personnes non salariées des professions agricoles en application de l’article L. 722‑10 du code rural et de la pêche maritime ou affiliés au régime social des marins au titre de la conchyliculture ;

– les personnes morales ayant une activité agricole au sens des articles L. 722-1 à L. 722-3 du code rural et de la pêche maritime ;

– les coopératives d’utilisation en commun de matériel agricole dont le matériel est utilisé dans les exploitations agricoles en vue de la réalisation de travaux définis aux articles L. 722-2 et L. 722-3 du code rural et de la pêche maritime ;

– ainsi que les personnes redevables de la cotisation de solidarité mentionnées à l’article L. 731-23 du code rural et de la pêche maritime.

Le montant des remboursements pour les quantités acquises à compter de 2014 est égal à la différence entre la TICPE applicable aux produits considérés et les montants de tarifs agricoles suivants : 3,86 euros par hectolitre pour le gazole non routier ; 1,85 euro par tonne pour le fioul lourd ; 0,91 euro pour 100 kilogrammes nets de gaz de pétrole liquéfié ; 0,119 euro pour 1 000 kilowattheures pour le gaz naturel ([358]). Il s’agit ainsi d’une dépense fiscale à double étage : le premier est constitué par le GNR, qui est lui-même une dépense fiscale, tandis que le second est matérialisé par le tarif très réduit dont bénéficient les agriculteurs sur le GNR. Ainsi, le taux de TICPE sur le gazole agricole est de 3,86 centimes par litre
– après remboursement – contre 59,60 centimes par litre pour le gazole traditionnel.

Mécanisme du remboursement de TICPE du GNR utilisé par les agriculteurs

Les agriculteurs s’approvisionnent directement en GNR à la pompe, puis remplissent un formulaire de remboursement partiel de TICPE sur les volumes de GNR utilisés dans le cadre de leurs activités.

En 2019, le remboursement est équivalent à la différence entre le tarif de TICPE de 18,82 euros/hl et le tarif du gazole agricole de 3,86 euros/hl, soit 14,96 euros/hl.

Le prix de vente moyen de GNR en France, au premier semestre 2019, est de
0,932 euro/l (1).

Ainsi, le remboursement de TICPE sur le GNR représente 14,96 centimes par litre
– 79 % du montant de la TICPE – soit en moyenne 16 % du prix à la pompe total.

(1)    Comité professionnel du pétrole, Bulletin mensuel, n° 691, juillet 2019.

Le montant de ce second étage de dépense fiscale à destination des agriculteurs sest élevé à 240 millions deuros en 2018, en augmentation de près de 60 % par rapport à 2016 ([359]).

B.   un dispositif en contradiction avec les objectifs de réduction de la consommation de carburant et de la transition énergétique

La loi de finances pour 2018 ([360]) a conduit à la dernière augmentation des tarifs de la TICPE en application de la mise en place de la contribution climat‑énergie. Il s’agissait en outre de rapprocher la fiscalité du diesel de celle de l’essence.

À cet égard, la subsistance de la dépense fiscale sur le GNR apparaît en contrariété avec les objectifs affichés en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) et de neutralité carbone à horizon 2050 du Plan Climat, rappelé dans la feuille de route 2018 du ministère de la transition écologique et solidaire ([361]). Encore plus récemment, le projet de loi énergie-climat, en discussion, rappelle l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050, via une division des émissions de gaz à effet de serre par un facteur supérieur à 6 par rapport à 1990.

Dans son rapport consacré à l’efficience des dépenses fiscales au développement durable ([362]), la Cour des comptes soulignait que, « concernant les transports, les incohérences sont nombreuses, avec une fiscalité largement défavorable au développement durable, malgré certaines évolutions récentes, et des dispositifs, comme le bonus-malus, qui ont donné lieu à dimportants effets daubaine. Les dispositions de détaxe du carburant restent largement orientées vers le soutien aux secteurs économiques concernés, au détriment de leur impact sur lenvironnement ». La Cour évaluait le total des dépenses fiscales défavorables à l’environnement, dont le tarif réduit de TICPE sur le GNR, à 13 milliards d’euros pour l’année 2015.

En 2018, la dépense fiscale GNR a constitué la neuvième plus importante dépense fiscale française, pour un montant de 2,3 milliards deuros ([363]).

Selon l’évaluation préalable du présent article, les usages non agricoles des carburants concernent pour 37 % le secteur du bâtiment et des travaux publics, pour 6 % le transport ferroviaire non électrifié et pour 57 % une utilisation diffuse dans les secteurs de l’industrie (notamment l’industrie extractive), du commerce et du transport.

L’exonération, totale ou partielle, de taxes sur les carburants est admise en droit européen « en raison dune harmonisation insuffisante au niveau communautaire, des risques de perte de compétitivité au niveau international ou de considérations sociales » ([364]). Ces exonérations visent souvent un secteur donné – comme l’agriculture ou la pêche – avec pour objectif le maintien de la compétitivité. Les mesures fiscales de soutien sectoriel par détaxe de carburant portaient en 2014 sur 33 % des émissions françaises de CO2 par combustion d’énergie fossile, avec un taux de soutien moyen de 64 euros par tonne de CO2.

Si la détaxe ou la réduction de taxe d’un carburant est compatible avec les règles européennes portant sur les aides d’État, elle induit un biais de comportement en affichant un coût de l’énergie plus faible. La préservation de la compétitivité des secteurs de l’agriculture et des travaux publics a commandé l’intervention étatique qui a fait le choix, dès 1966, de réduire le montant des dépenses de carburants des acteurs de ces secteurs.

Pourtant, cette dépense fiscale est peu ciblée dans son utilisation et ses conditions de mise en œuvre ne permettent pas d’en apprécier les résultats au regard des objectifs de soutien à l’économie et à l’emploi qu’elle poursuit. Ainsi, le rapport du comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales lui attribuait, dès 2011, des scores d’efficiences faibles ([365]).

Pour autant, la fragilité du secteur agricole national implique de ne supprimer les aides dont il bénéficie qu’avec la plus grande prudence. Aussi le Gouvernement n’a-t-il pas fait le choix de la suppression de cette dépense fiscale, compte tenu de la situation particulière du secteur ; de double, l’aide est néanmoins utilement simplifiée par le présent article.

En effet, dès 2011, le rapport du comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales soulevait qu’« un même objectif de soutien à la rentabilité agricole est réalisé à partir de deux outils fiscaux, ce qui engendre nécessairement des doublons dans les coûts de gestion administrative » ([366]). Plus précisément, la procédure de remboursement actuelle, bien que dématérialisée, nécessite la compilation et la vérification de l’ensemble des factures d’achats et représente une charge administrative.

Aussi, le présent article remplace l’actuelle procédure de remboursement, en 2020 et 2021, par une procédure d’avance puis, à partir de 2022, par une tarification agricole directe.

II.   une suppression progressive du GNR néanmoins entourée de nombreuses garanties pour les secteurs économiques concernés

A.   une suppression progressive du GNR assortie de plusieurs régimes dérogatoires destinés à protÉger la compétitivité de certains secteurs

1.   Une suppression progressive de la tarification spécifique du gazole utilisé sous conditions d’emploi

Le présent article a pour objet de supprimer progressivement, entre le 1er juillet 2020 et le 1er janvier 2022, le tarif réduit de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques des carburants utilisés pour le fonctionnement des moteurs qui ne sont pas utilisés pour la propulsion des véhicules sur les routes.

À cette fin, la trajectoire suivante est prévue.

trajectoire de suppression du gnr

Année

2019

1er juillet 2020

1er janvier 2021

1er janvier 2022

Tarif

18, 82 c€/L(*)

37,68 c€/L(*)

50,27 c€/L(*)

59,40 c€/L(*)

Dans ce tableau, les tarifs s’entendent hors majorations régionales.

Source : présent article.

Les usages concernés sont le GNR utilisé pour les moteurs stationnaires dans les entreprises, les installations et machines utilisées dans la construction, le génie civil et les travaux publics, ainsi que pour les autres véhicules destinés à une utilisation en dehors des voies ouvertes à la circulation.

Les produits concernés sont le gazole et le gaz de pétrole liquéfié.

2.   L’avantage fiscal est maintenu, sinon accru, pour certains secteurs

a.   Les industries extractives et la manutention portuaire

Certains secteurs fortement exposés à la concurrence internationale bénéficient d’une baisse de fiscalité. Le tableau suivant résume les dispositions correspondantes.

tarifs dérogatoires de TICPE sur certains usages non routierS de gazole prévus par le nouvel article 265 octies B du code des douanes

(en centimes d’euros par litre)

Entreprises pouvant bénéficier dun taux réduit de TICPE sur le gazole destiné à certains usages non routiers

Usages

Tarif de TICPE

Au 1er juillet 2020

2021

2022

Entreprises grandes consommatrices d’énergie au sens du a du 1 de l’article 17 de la directive 2003/96/CE restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité

Consommation de gazole utilisé pour le fonctionnement de tout moteur ou machine qui :

1)      soit réalise des travaux sur place, à l’exclusion des consommations utilisées pour véhiculer l’engin ou la machine ;

2)      soit est utilisé pour des travaux de terrassement.

12,1

7,6

3,86

Entreprises du secteur des industries extractives

Extraction des produits suivants :

1)      roches destinées à la transformation en pierre ornementale et de construction ;

2)      gypse et anhydrite ;

3)      pierre calcaire destinée à la production de chaux calcique et dolomitique pour l’industrie ;

4)      andalousite, carbonates de calcium comprenant 95 % de calcite, roches siliceuses comprenant 95 % de silice, talc, micas, feldspaths, bauxite, argiles kaoliniques, diatomite, kaolin, phonolite, dolomie comprenant 50 % de dolomite.

Entreprises du secteur de la manutention portuaire

Manutention portuaire dans l’enceinte des ports maritimes au sens de l’article L. 5311-1 du code des transports.

Source : commission des finances.

Pour ces activités, le tarif réduit est appliqué par remboursement de la fraction de la TICPE sur le gazole de l’indice 22 du tableau B du 1 de l’article 265 du code des douanes et le nouveau tarif réduit de l’article 265 octies B de ce même code. Ainsi, le remboursement, qui devra être sollicité et justifié par l’usager, s’élèvera à 47,30 centimes d’euro par litre en 2020, de 51,8 centimes d’euro par litre en 2021 et de 55,74 centimes d’euro par litre en 2021 (hors majoration régionale).

Pour ces activités, le niveau de fiscalité énergétique frappant la consommation des usages non routiers du gazole sera donc inférieur au montant actuel touchant le GNR

S’agissant du secteur de la manutention portuaire, il convient également de noter que le présent article minore également le tarif de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) consommée par les entreprises opérant dans lenceinte des ports maritimes, lorsque cette consommation est supérieure à 222 wattheures par euro de valeur ajoutée. Le tarif de TICFE sera alors réduit à 12,6 euros par mégawattheure, pour un tarif normal de 22,5 euros par mégawattheure ([367]). Ce tarif de TICFE passera, par mégawattheure, à 6 centimes deuro en 2021, puis à 0,5 centime deuro en 2022.

b.   Le secteur des transports ferroviaire et fluvial

Comme tenu des objectifs gouvernementaux qui visent à privilégier les modes de transport alternatifs à la route, le présent article préserve les secteurs des transports de marchandises ferroviaire et fluvial de la hausse du tarif de TICPE applicables à leur usage. Plus encore, l’exonération de TICPE prévue pour le transport fluvial de marchandises au e) de l’article 265 bis du code des douanes est étendue au transport fluvial de personne.

Ainsi, le nouvel article 265 octies A du code des douanes dispose que le tarif de TICPE applicable à ces usages s’élèvera à 18,82 centimes deuro par litre, soit l’actuel tarif du GNR.

Ces entreprises ne seront pas impactées par la hausse de la fiscalité sur les usages non routiers du gazole.

3.   L’ensemble des utilisateurs de GNR concernés par la hausse de fiscalité vont pouvoir bénéficier de plein droit d’une majoration du prix des contrats

Pour les secteurs qui ne sont pas concernés par le maintien d’un taux réduit destiné aux usages non routiers – c’est-à-dire les secteurs que le Gouvernement considère comme en mesure de répercuter la hausse de la fiscalité dans leurs prix – un dispositif est prévu afin qu’une telle répercussion puisse être mise en œuvre pour les contrats conclus avant l’entrée en vigueur de cette hausse de fiscalité.

Ainsi, feront lobjet, de plein droit, de majorations, les prix des contrats répondant aux conditions cumulatives suivantes :

– le contrat doit être en cours au 1er janvier 2020, et sa durée supérieure à six mois.

– l’exécution dudit contrat nécessite le recours à du gazole supportant la hausse.

– le contrat est conclu par une entreprise exerçant une activité pour laquelle la part du gazole supportant la hausse représentait, avant le 1er janvier 2020, au moins 2 % des coûts de production.

– le contrat ne comporte pas de clause de révision de prix tenant compte de l’évolution du prix du gazole supportant la hausse.

Selon le B du VI du présent article, cette majoration est définie, pour chaque activité et chacune des années 2020, 2021 et 2022, par l’application d’un coefficient fixé par arrêté conjoint du ministre chargé de l’économie et du ministre chargé du budget en fonction de l’augmentation des coûts de production résultant de l’application de l’évolution, depuis le 31 décembre 2019, du tarif de la taxe frappant le gazole.

Ces coefficients de majoration ne s’appliqueront qu’à la hauteur de la part du contrat exécuté et recourant exclusivement à du gazole ayant supporté l’évolution du tarif de TICPE.

Le présent article modifie également l’article L. 3222-1 du code des transports concernant les groupes frigorifiques autonomes, c’est-à-dire les éléments – compresseur, détendeur, évaporateur et condensateur – qui permettent d’atteindre de basses températures à l’intérieur des carrosseries des véhicules, en d’autres termes les camions ou camionnettes frigorifiques.

Ainsi, les variations de charges de carburant nécessaire au fonctionnement de ces véhicules seront prises en compte de plein droit au sein des contrats de transport concernés.

4.   Deux dispositifs de suramortissement sont créés afin de soutenir les investissements dans des engins ou matériels de substitution à ceux fonctionnant au gazole

Le présent article porte création de deux nouveaux dispositifs de suramortissement.

a.   Le suramortissement portant sur les engins de substitution

Afin d’inciter les entreprises qui sont les principaux utilisateurs d’engins fonctionnant au GNR à acquérir des matériels moins polluants, il est proposé de leur permettre de déduire de leur résultat imposable 40 % du prix de revient des investissements qu’elles réalisent dans des engins non routiers utilisant des carburants alternatifs au gazole plus respectueux de l’environnement.

Sont concernés :

– les entreprises de travaux publics et celles produisant des substances minérales solides ;

– les exploitants aéroportuaires ;

– les exploitants de remontées mécaniques et de domaines skiables.

Seuls les engins non routiers fonctionnant exclusivement au gaz naturel, à l’énergie électrique ou à l’hydrogène sont concernés ; ils doivent correspondre à du matériel ou outillage utilisés pour des opérations industrielles, à du matériel de manutention ou à des moteurs utilisés dans ces mêmes matériels.

Pour bénéficier du dispositif de suramortissement, l’acquisition des engins doit être réalisée entre le 1er janvier 2020 et le 31 décembre 2022.

b.   Le suramortissement portant sur les matériels de manutention et de distribution du gazole par les petites et moyennes entreprises qui distribuent exclusivement ce carburant

Afin d’aider les entreprises de commerce de détail distribuant exclusivement du GNR, dont l’activité va être fortement affectée par la réforme, le présent article créé un suramortissement leur permettant de déduire de leur résultat imposable 40 % du prix de revient des installations de stockage et matériels de manutention et de distribution de gazole qu’elles acquièrent dans le but de diversifier leur activité.

Afin de bénéficier de ce mécanisme fiscal, ces acquisitions devront être réalisées entre le 1er janvier 2020 et le 31 décembre 2022.

Seules sont visées les petites et moyennes entreprises (PME) au sens de l’annexe I du règlement de la Commission du 17 juin 2014 ([368]). Ainsi, est considérée comme une PME l’entreprise qui emploie moins de 250 personnes et dont le chiffre d’affaires annuel n’excède pas 50 millions d’euros, ou dont le total du bilan annuel n’excède pas 43 millions d’euros.

5.   Le secteur agricole va bénéficier du maintien de l’avantage fiscal actuel, via une procédure transitoire d’avance sur remboursement puis la mise en place d’une filière d’achat spécifique

Selon l’évaluation préalable du présent article, la suppression du tarif réduit de gazole sur les usages non routiers ne peut concerner les entreprises agricoles « qui nont pas la même latitude que les autres opérateurs économiques pour répercuter le prix dans les augmentations de charges quelles supportent, et dont les difficultés financières sont bien documentées. »

a.   Un régime transitoire entre le 1er janvier 2020 et le 31 décembre 2021

Seront éligibles à un remboursement partiel sur les usages non routiers du gazole, du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2021, les personnes qui bénéficient actuellement du régime dédié aux agriculteurs (v. supra).

L’avance sera versée sans demande préalable aux personnes ayant adressé les demandes de remboursement prévues au titre de l’année précédente celle de l’avance soit, pour l’année 2020, de l’exercice fiscal 2019.

Le montant de cette avance sera égal au produit des quantités de gazole acquises lors de l’année n-2 – soit, en 2020, de l’année 2018 – pour lesquelles un remboursement a été effectué, exprimés par des tarifs spécifiques et évolutifs (v. infra)

tarifs de ticpe portant sur les usages non routiers agricoles de gazole résultant de la mise en place d’une procédure d’avance sur remboursement temporaire

(en centimes d’euro par litre)

Année

Tarif de TICPE

Montant du remboursement par litre

Écart de tarif par rapport au droit actuel

2020

9,44

49,96

+ 5,58

2021

31,47

27,93

+ 27,61

Source : commission des finances.

Si le coût final d’utilisation du gazole non routier augmente « facialement » avec la réforme proposée par le présent article et durant la période de transition, il convient de garder à l’esprit que le système jusqu’alors en vigueur consistait en un remboursement annuel intervenant a posteriori, en année n+1.

De fait, la mise en place dune procédure davance par ladministration fiscale supprime lavance de trésorerie qui était effectuée par le public agricole, ce qui constitue pour lui un gain.

Ainsi, pour l’année 2021, même si le tarif de TICPE portant sur le gazole non routier à usage agricole augmente, de 3,86 centimes d’euro à 31,47 centimes d’euro par litre, la procédure d’avance permettra aux usagers agricoles de ne pas attendre l’année suivante pour bénéficier de la réduction auxquels ils ont droit et en attente de laquelle ils s’acquittent, actuellement, d’un montant de TICPE de 59,40 centimes d’euro par litre ; ils bénéficieront en outre, dès le 1er janvier 2022, dun tarif direct « à la pompe » de 3,86 centimes deuro par litre.

b.   La mise en place d’un tarif direct spécifique à partir du 1er janvier 2022

Au 1er janvier 2022, les utilisateurs de gazole professionnels du secteur agricole bénéficieront, « à la pompe » d’un circuit spécifique de distribution du gazole rouge et tracé, à usage non routier. Ainsi, ils n’auront plus à avancer le différentiel entre le tarif de TICPE portant sur le gazole routier – de 59,40 centimes d’euro par litre – et le tarif très réduit dont ils bénéficient – de 3,86 centimes d’euro par litre.

B.   L’impact BudgÉtaire et Économique

1.   Un gain progressif pour les finances publiques

L’évaluation préalable du présent article évalue le gain pour les finances publiques issu de la mise en œuvre du présent dispositif à 200 millions d’euros en 2020, 650 millions d’euros en 2021, 600 millions d’euros en 2022 puis 870 millions d’euros à partir de 2023.

Cette somme est à apprécier en regard des 2 372 millions d’euros que devrait représenter la dépense fiscale du GNR, en 2019 ([369]).

2.   Un coût indéniable pour certains secteurs industriels

Le secteur de la construction est le premier touché. Selon l’évaluation préalable de l’article, « les usages non agricoles des carburants non routiers concernent pour 37 % le secteur du bâtiment et des travaux publics ».

En 2015 – année où les données sont consolidées – le secteur de la construction a consommé 3,7 mégatonnes-équivalent-pétrole (Mtep) d’énergie, soit 2,5 % de la consommation finale d’énergie en France.

Les produits pétroliers ont représenté à cette date 89 % de l’énergie consommée par ce secteur, dont 61 % pour le gazole routier et 22 % pour le gazole non routier.

Pour autant, comme l’a récemment relevé le conseil des prélèvements obligatoires (CPO) : « La suppression de la dépense fiscale sur le gazole non routier (hors agriculture et transport ferroviaire) renchérirait sans doute les coûts du BTP de lordre de 428 M€. Limpact serait néanmoins faible (de lordre de 0,4 % de la valeur ajoutée du secteur) et devrait pouvoir être répercuté sur les donneurs dordres dautant plus facilement quil existe des clauses de révision de prix des contrats et que la suppression de la niche serait progressive » ([370]).

Plus largement, la suppression graduelle du tarif réduit propre au GNR affectera les branches industrielles de manière inégale, selon l’intensivité qu’elles possèdent en matière d’usage de ce carburant. Les branches les plus concernées devraient être les industries extractives à marché local – essentiellement pour la production de matériaux de construction –, la métallurgie, les industries alimentaires et la fabrication de produits minéraux non métalliques, destinés à la construction.

Néanmoins, il importe de mettre en œuvre des évolutions dans un secteur – l’industrie – où les enjeux environnementaux sont majeurs : en 2016, l’industrie manufacturière française a émis près de 80 milliards de tonnes de CO2 via la combustion et la construction ([371]).

Au demeurant, le secteur du BTP dispose, selon les termes même de l’exposé des motifs de l’article, « de toute latitude pour répercuter la hausse de fiscalité dans ses prix. »

Enfin, les deux dispositifs de suramortissement créés aux articles 39 decies E et 39 decies F du CGI contribueront à permettre aux professionnels du bâtiment, concernés par cette hausse de fiscalité, de renouveler leurs engins ou matériels à moindre coût.

S’agissant des secteurs de la manutention portuaire et des industries extractives, fortement exposées à la concurrence internationale, les mesures de compensation, sinon avantageuses au regard du droit en vigueur, proposées par le présent article – qui concernent aussi bien la TICPE que la TICGN – font approcher, selon le Gouvernement, l’économie générale du dispositif de la neutralité fiscale.

Le renchérissement des coûts pour le secteur du transport frigorifique est évalué à 200 millions d’euros selon les documents budgétaires. Pour autant, le dispositif de compensation permettant de répercuter les coûts supplémentaires de carburant dans les contrats de transport doit permettre le maintien de l’équilibre économique du secteur.

En outre, ces véhicules frigorifiques peuvent bénéficier, depuis le 1er janvier 2019, du nouvel article 39 decies D du CGI, introduit en loi de finances initiale pour 2019, qui permet aux entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés de bénéficier d’un suramortissement égal à 40 % de la valeur d’origine d’un véhicule réfrigérant moderne – et consommant donc moins de GNR pour son groupe frigorifique – n’utilisant pas d’hydrofluorocarbures, ou « gaz HFC ».

3.   Une évolution favorable au secteur agricole

À terme, avec la mise en place du tarif réduit direct au 1er janvier 2022 via une filière de distribution ad hoc, le gain pour le secteur agricole est estimé à 270 millions d’euros, selon l’évaluation préalable du présent article.

4.   Une évolution conforme à nos objectifs environnementaux, mais qui apparaît tout compte fait modeste eu égard aux nombreuses dérogations qui entourent la suppression du GNR

Le présent dispositif va dans le sens des objectifs de la France en matière environnementale, qu’ils soient issus de la loi – énergie-climat – ou des normes européennes – le cadre d’action en matière de climat et d’énergie –, les consommations d’énergies fossiles devant être réduites de 40 % d’ici 2030, et la France doit parvenir à la neutralité carbone d’ici 2050.

Or, les secteurs utilisateurs de GNR – carburant fortement émetteur d’oxyde d’azote, particulièrement nocif pour la couche d’ozone – sont notablement polluants, et il apparaît tout à fait délicat de continuer de justifier l’existence de cette dépense fiscale dans toutes ses dimensions.

De fait, le dispositif proposé, progressif, qui ménage un certain nombre de secteurs et qui apparaît à cet égard moins abrupt que celui qui avait été proposé lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2019, apparaît équilibré, voire dans certains cas avantageux, pour les professionnels utilisateurs de gazole à usage non routier.

*

*     *

M. Joël Giraud, rapporteur général. Permettez-moi de vous présenter brièvement les articles 16 à 20, qui traitent de la fiscalité environnementale.

L’article 16, visant à aménager la sortie du régime du gazole non routier (GNR), a fait l’objet de nombreux arbitrages. Contrairement à l’an dernier, il n’est plus question de suppression sèche mais d’une trajectoire de sortie en sifflet. Certains secteurs, comme celui de la construction, sont préservés ; d’autres, comme l’agriculture, sont clairement gagnants. En outre, des mesures d’accompagnement non fiscales sont prévues, comme la prise en compte de l’augmentation du tarif dans les contrats et la possibilité de déduction fiscale lors du renouvellement des matériels et des véhicules. Je proposerai d’affiner ou d’amplifier certaines mesures d’accompagnement, mais il me semble qu’un équilibre global a été trouvé. Reste à avancer sur le sujet.

L’article 17, qui porte sur le régime d’imposition du gaz naturel et vise à empêcher la fraude, n’appelle pas de commentaires particuliers.

L’article 18 propose une refonte de grande ampleur des taxes à l’immatriculation. Celle-ci a été conçue avec beaucoup de précautions pour que les affectataires divers ne soient pas perdants et que le malus continue d’être incitatif, malgré le changement de normes de mesures des valeurs d’émissions. C’est un équilibre très fragile et je m’opposerai à tout amendement visant à le modifier.

L’article 19 corrige à la marge l’anomalie que constitue la niche fiscale sur le gazole utilisé par les transporteurs routiers, dont le coût pour le budget de l’État a quadruplé en quatre ans pour dépasser le milliard d’euros. Malgré la baisse de 2 centimes d’euros par litre du remboursement partiel de la TICPE, la différence de coût avec le gazole traditionnel demeurera de 14 centimes par litre, alors qu’elle était inférieure à 4 centimes par litre jusqu’en 2014.

Enfin, l’article 20 propose une augmentation de la taxe de solidarité sur les billets d’avion, la taxe dite Chirac. Cette hausse est modérée – entre 1,5 et 3 euros par passager en classe économique. Des exceptions sont prévues lorsque le report modal est impossible. L’affectation du produit de la taxe à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) est pertinente.

Vous avez déposé de nombreux amendements portant article additionnel. Je suis rarement surpris par la créativité fiscale, mais la fiscalité environnementale pourrait presque faire exception. Une partie des amendements modifie les niches fiscales, à la baisse ou à la hausse. Les autres visent à créer de nouvelles taxes. Je considère que l’on ne peut, sans concertation, apporter des modifications aux niches fiscales – l’exemple du GNR est à cet égard frappant. En outre, il serait sage d’attendre les résultats de la convention citoyenne pour le climat. Dans un contexte où l’acceptabilité fiscale est dégradée, nos concitoyens ne comprendraient pas que nous votions une fiscalité de plus en plus souvent considérée comme punitive, sans égard pour eux.

M. le président Éric Woerth. Je présenterai d’ailleurs un amendement portant article additionnel après l’article 16, qui propose une façon différente, peut-être plus juste, d’envisager la fiscalité verte.

La commission examine les amendements de suppression ICF90 de M. Vincent Descoeur, ICF173 de M. Fabrice Brun, ICF300 de Mme Jeanine Dubié, ICF955 de Mme Marie-Christine Dalloz et ICF1280 de M. Thibault Bazin.

M. Vincent Descoeur. L’article 16 consacre l’abandon de la fiscalité réduite appliquée au gazole non routier, alors qu’il n’existe aucune solution alternative satisfaisante. Cette mesure, que nous avions réussi à repousser l’an dernier, n’est pas motivée par des considérations écologiques, mais de toute évidence par son rendement. L’augmentation des charges aura une incidence sur les tarifs que devront supporter les donneurs d’ordres, au premier rang desquels les collectivités locales.

M. Fabrice Brun. Avec ce projet de loi de finances, la baisse de l’impôt sur les sociétés sera plus que compensée par l’augmentation des taxes et le rabotage méticuleux de dispositions fiscales telle celle dont bénéficie le secteur du BTP pour le GNR. Il faut savoir que ce secteur, qui emploie plus d’un million de personnes, doit déjà faire déjà face à la suppression du prêt à taux zéro (PTZ) en milieu rural et à la réduction du périmètre du crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE). Cette ponction de plus d’un milliard d’euros nous paraît trop brutale. De surcroît, il existe peu ou pas de solutions pour faire fonctionner un bulldozer ou du matériel de concassage autrement que grâce à l’énergie fossile. Si la mesure prévoyait une sortie en sifflet beaucoup plus longue permettant aux entrepreneurs d’adopter de nouvelles solutions techniques, nous y adhérerions.

M. Philippe Vigier. Si l’alternative existait, il n’y aurait pas de discussion. Mais nous faisons tous le constat qu’il n’existe pas d’autre type de motorisation. J’ai envie de dire « Encore un moment, monsieur le bourreau ! », essayons de retenir la main du Gouvernement cette année et mettons l’accent sur ces mutations technologiques indispensables.

Mme Marie-Christine Dalloz. Heureusement, la trajectoire n’est pas aussi brutale que l’an dernier… Pour autant, ne nous voilons pas la face, c’est une mesure davantage guidée par le souci de rendement – 200 millions d’euros pour cette année, mais 900 millions d’euros en année pleine – que par le souci de l’environnement.

M. Thibault Bazin. La concertation et la progressivité sont des bonnes choses, mais elles ne peuvent faire oublier l’essentiel : des entreprises à faible rentabilité vont voir leurs coûts augmenter, sans qu’il soit prévu de les accompagner dans la transition verte. Il n’existe pas d’engins non routiers utilisant des technologies vertes, et il n’y en aura pas ces dix prochaines années. C’est une perte sèche de rentabilité. Par ailleurs, cette mesure, vous semblez l’oublier, concernera les entreprises qui ont une activité extractive, les exploitants de carrières. Les difficultés auxquelles ils seront confrontés affecteront toute la chaîne des matériaux, à l’autre bout de laquelle se trouve la construction, un secteur dont les résultats sont aujourd’hui déplorables. Il faut absolument corriger cela d’ici la séance.

M. Jean-Paul Dufrègne. Je voterai ces amendements de suppression, même si la mesure est moins brutale que l’an dernier et qu’il est prévu une sortie en sifflet. Il faut insister sur le fait qu’il n’existe pas d’alternative. Les conséquences pèseront lourd sur les petites entreprises qui, par ailleurs, ne sont pas concernées par la baisse de l’impôt sur les sociétés. Il n’y aura pas de compensation pour elles. Pourquoi ne pas faire la différence entre les petites entreprises et les grands groupes ?

Mme Bénédicte Peyrol. On nous reproche souvent de nous contenter de beaux discours en matière de transition écologique et de faire du green-washing. Suite au premier conseil de défense écologique, et à la demande du Parlement et du Gouvernement, l’inspection générale des finances (IGF) a produit un document, Green Budgeting : proposition de méthode pour une budgétisation environnementale. La mission a recensé 25 milliards d’euros de dépenses budgétaires défavorables à l’environnement, dont 15 milliards de dépenses fiscales. Concernant le GNR, nous avons suivi la méthode préconisée : les fédérations ont été consultées, nous avons construit ensemble les compensations, et trouvé un compromis portant sur trois ans. Il nous faut construire des filières pour les matériaux alternatifs, c’est un engagement du Gouvernement, dans le cadre du pacte productif notamment.

M. Thibault Bazin. Vous ne répondez pas à la question. Il n’existe ni matériaux ni motorisation alternatifs. Vous n’êtes pas à la hauteur des défis !

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette les amendements ICF90, ICF173, ICF300, ICF955 et ICF1280.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements identiques ICF248 de Mme Émilie Bonnivard, ICF317 de Mme Jeanine Dubié et ICF959 de Mme Marie-Christine Dalloz ainsi que l’amendement ICF1164 de Mme Christine Pires Beaune.

Mme Émilie Bonnivard. Cet amendement vise à maintenir les tarifs réduits de TICPE dont bénéficie le GNR utilisé pour le nivellement de la neige. Dans nos zones de montagne, nous avons besoin de matériel de damage. Les machines n’ont pas les capacités techniques pour utiliser de l’énergie renouvelable – il fait froid en altitude et les pentes sont importantes. L’objectif est de ne pas pénaliser davantage les domaines skiables et les territoires de montagne.

M. Philippe Vigier. Il faut savoir que deux tiers des stations de sport d’hiver connaissent des difficultés financières – le rapporteur général est le premier à les défendre. Or le damage est essentiel pour la pratique du ski. S’il existait une solution alternative, elle serait mise en œuvre, mais malheureusement elle n’existe pas.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je connais la sensibilité du rapporteur général à la montagne et je voudrais appeler son attention sur cet amendement qui émane de l’association nationale des élus de la montagne (ANEM). Je rappelle que la neige de culture, d’un point de vue environnemental, est une bonne option pour l’ensemble de nos stations touristiques. Vous prônez ardemment les mesures environnementales, or pour stocker et déplacer cette neige de culture, il faut des engins.

Mme Christine Pires Beaune. Notre groupe n’a pas déposé d’amendement de suppression de cet article, mais propose de modifier la trajectoire afin qu’elle soit plus forte à la fin qu’au début.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je vous suggère de retirer ces amendements au profit des amendements I‑CF1515 de la commission du développement durable et de mon amendement I‑CF1547. Ils visent à instaurer un tarif réduit de TICPE dont bénéficieront surtout les collectivités locales en zone de montagne, puisqu’il n’existe pas de chasse-neige électrique.

Le damage constitue en effet une charge considérable pour les budgets des petites collectivités locales. Soyez raisonnables, et plutôt que de supprimer cette mesure, acceptez ce tarif réduit.

Mme Émilie Cariou. Nous préférerions réserver cette discussion à la séance publique car les mesures que nous envisageons ne sont pas compensées, ce qui pose problème.

M. le président Éric Woerth. Certes, les compensations constituent un signal, mais pas un économiste ne considère que cela fonctionne. Le problème est purement technique. Nous y reviendrons.

La commission rejette successivement les amendements ICF248, ICF317, ICF959 et ICF1164.

Elle en vient aux amendements identiques ICF519 de M. Fabrice Brun, ICF559 de Mme Lise Magnier et ICF662 de Mme Véronique Louwagie.

M. Fabrice Brun. Je propose d’introduire un allégement de la TICPE pour les biocarburants composés d’au moins 30 % d’esters méthyliques d’acides gras, leur permettant de bénéficier de la taxation avantageuse appliquée aux biocarburants de type B100.

Mme Véronique Louwagie. J’ajoute que les biocarburants avancés proviennent de déchets et utilisent uniquement de l’énergie renouvelable et de l’eau recyclée par osmose inverse. Nous entendons accorder la priorité à leur développement, ce qui mérite une attention particulière.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette les amendements ICF519, ICF559 et ICF662.

Elle en vient à l’amendement ICF172 de M. Matthieu Orphelin.

M. Matthieu Orphelin. Il est prévu à l’alinéa 19 d’étendre au transport fluvial de passagers la niche sur la TICPE prévue pour le transport fluvial de marchandises. Alors que l’on veut verdir le budget et réduire le nombre de niches, cette mesure semble anachronique. L’amendement vise à supprimer cet alinéa.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement ICF172.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements ICF1515 de la commission du développement durable et ICF1547 du rapporteur général, ainsi que les amendements identiques ICF144 de Mme Émilie Bonnivard, ICF145 de M. Vincent Descoeur, ICF180 de M. Xavier Roseren, ICF319 de Mme Jeanine Dubié, ICF531 de M. Fabrice Brun et ICF958 de Mme Marie-Christine Dalloz.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur pour avis de la commission du développement durable. L’amendement a pour objet de faire bénéficier d’un régime fiscal adapté le GNR utilisé pour certains usages très spécifiques relevant du service public et des missions de sécurité pour la gestion de la neige en montagne. Nous venons d’avoir le débat et j’ai entendu les propos d’Émilie Cariou. Je suis prêt à retirer cet amendement dans la perspective d’une discussion en séance publique.

M. Joël Giraud, rapporteur général. J’insiste sur le fait que les collectivités locales n’ont pas le droit au suramortissement. Pour certaines communes rurales, et toutes n’ont pas sur leur territoire une station de ski réputée, la facture du déneigement représente la moitié du budget de fonctionnement. Je propose donc d’instaurer un tarif réduit de TICPE. Je maintiens l’amendement.

Mme Émilie Bonnivard. Cet amendement, qui m’a été soumis par l’ANEM, a pour objet de faire bénéficier d’un régime fiscal adapté le GNR utilisé pour les usages spécifiques de montagne. L’article 8 de la loi relative au développement et à la protection de la montagne permet d’adapter les dispositions de portée générale et les politiques publiques à la spécificité de la montagne. Il serait injuste que les contribuables des territoires de montagne aient, plus que les autres, à supporter cette augmentation. Pour le département de la Savoie, dont les dépenses annuelles de déneigement dépassent les 700 000 euros, l’augmentation représenterait un coût de 200 000 euros.

M. Vincent Descoeur. C’est la parfaite illustration de ce qu’autorise la loi montagne. Dans la mesure où les usages relevant du service public et des missions de sécurité pour la gestion de la neige sont parfaitement identifiés, nous pouvons déroger à cette mesure qui implique une hausse importante des charges pour les collectivités. Nous en avons l’occasion, il ne faut pas tergiverser !

M. Fabrice Brun. L’amendement I‑CF831 vise à témoigner de la difficulté des collectivités territoriales de montagne à faire face au déneigement, sur fond de réduction de l’accompagnement des départements qui connaissent une explosion de leurs autres dépenses – à caractère social. C’est pourquoi nous plaidons pour un régime fiscal adapté, dans un contexte où il n’existe pas d’alternatives.

M. le président Éric Woerth. C’est tout à fait exact.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’amendement I‑CF958 est similaire. Nous devons intégrer les contraintes des collectivités territoriales, notamment celles des communes. En cas de fortes précipitations neigeuses, l’État exige que les rues soient immédiatement praticables, au risque, dans le cas contraire, de provoquer des encombrements terribles.

Il convient d’accompagner les collectivités territoriales plutôt que de générer des coûts supplémentaires d’hébergement pour les personnes bloquées par la neige. C’est une mission de service public et une question de sécurité.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Le droit à la différence existe dans nos territoires. Le décret obligeant les conducteurs à se doter de pneus neige dans les zones de montagne de novembre à avril a encore été retoqué. Si nous avons à la fois des difficultés à déneiger et que le décret n’est pas publié, il va devenir difficile de circuler sur les routes de montagne…

Mme Émilie Cariou. Je comprends parfaitement, mais je vous propose une discussion avec le ministre dans l’hémicycle. Il a déjà proposé certaines mesures d’accompagnement. Nous devons y réfléchir avec les ministères, et non en commission. Nous ne sommes pas favorables à l’adoption d’un tel amendement.

M. le président Éric Woerth. Notons malgré tout que la commission du développement durable, concernée par la problématique, a adopté un amendement…

L’amendement ICF1515 est retiré.

La commission adopte l’amendement ICF-1547 (amendement I2924). En conséquence, les amendements ICF144, ICF145, ICF180, ICF319, ICF531 et ICF958 tombent.

Elle passe à la discussion commune des amendements ICF793 de Mme Lise Magnier, ICF1004 de Mme Véronique Louwagie et ICF1294 de M. Thibault Bazin.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement I‑CF1004 vise à exclure du dispositif prévu par l’article 16 les entreprises des industries extractives. Nos débats le prouvent, la fin de l’exonération de TICPE pose de vrais problèmes à certains secteurs, en concurrence avec des entreprises étrangères dans les zones frontalières. Dans le secteur des industries extractives, comme dans d’autres, il n’existe pas de technologie de remplacement.

M. Thibault Bazin. L’amendement I‑CF1294 est similaire. On parle tout de même de plus de 15 000 emplois ; ce n’est pas rien… Derrière, c’est toute l’économie de la construction qui est en jeu et nous devons soutenir la construction de logements. Il faut revenir sur cette décision.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Les industries extractives vont bénéficier d’un tarif réduit lorsque leur activité se rapporte à certains matériaux : les roches destinées à la transformation, le gypse, l’anhydrite, la pierre calcaire. Mon avis sera donc défavorable. Mais si la liste pose un problème, nous pouvons en rediscuter en séance avec le ministre.

Mme Bénédicte Peyrol. Si l’on compare au secteur des travaux publics, nous l’avons évoqué, il manque des compensations pour les industries extractives. J’ai rencontré leurs représentants. La majorité a parfaitement conscience du fait que les compensations ne sont pas équivalentes pour tous les secteurs. C’est pourquoi nous travaillons avec le Gouvernement et ferons des propositions la semaine prochaine dans l’hémicycle.

La commission rejette les amendements ICF793, ICF1004 et ICF1294.

Elle examine ensuite les amendements identiques ICF789 de Mme Lise Magnier, ICF1002 de Mme Véronique Louwagie et ICF1286 de M. Thibault Bazin.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Le sujet est similaire et mon avis défavorable. Bénédicte Peyrol a parfaitement expliqué le contexte. Nous aurons ce débat en séance.

La commission rejette les amendements ICF789, ICF1002 et ICF1286.

Elle passe à l’amendement ICF1516 de la commission du développement durable.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur pour avis. Je laisse monsieur Orphelin le présenter puisqu’il est à l’origine de l’amendement.

M. Matthieu Orphelin. L’année dernière, par le biais d’un amendement gouvernemental, nous avions voté une baisse de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) pour les centres de stockage de données numériques. L’amendement propose de faire évoluer la niche fiscale vers un bonus-malus pour inciter ces centres, très consommateurs d’énergie, à s’orienter vers les énergies renouvelables et à diminuer leur consommation d’énergie. Le dispositif sera plus incitatif et plus intelligent que la simple baisse votée l’an passé.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Restons-en à l’équilibre trouvé l’année dernière avec le ministre Bruno Le Maire.

La commission rejette l’amendement ICF1516.

Elle en vient aux amendements identiques ICF441 de M. Vincent Descoeur, ICF643 de M. Matthieu Orphelin, ICF727 de M. Fabrice Brun, ICF1006 de Mme Véronique Louwagie et ICF1284 de M. Thibault Bazin.

M. Vincent Descoeur. L’article 16 prévoit la suppression progressive du tarif réduit de TICPE applicable au gazole non routier (GNR), accompagnée d’un nouveau dispositif de suramortissement. En l’état actuel de sa rédaction, tout laisse à penser que le dispositif sera réservé aux travaux publics, en oubliant les entreprises du bâtiment – maçonnerie, charpente, couverture, démolition. L’amendement I‑CF441 propose que ces activités puissent bénéficier du même dispositif.

M. Matthieu Orphelin. L’amendement I‑CF643 vise à ajouter les entreprises du bâtiment à la liste des entreprises concernées par l’accompagnement.

M. Fabrice Brun. À la suite de la suppression progressive du tarif réduit de TICPE applicable au GNR, l’amendement I‑CF727 vise les activités du bâtiment, afin qu’elles bénéficient du suramortissement pour l’achat de matériels propres, lorsqu’ils existent.

Mme Véronique Louwagie. Le Gouvernement a été attentif aux entreprises de travaux publics – c’est bien qu’il y a une difficulté. Les entreprises du bâtiment utilisent les mêmes matériels et les mêmes technologies. Elles n’ont pas, elles non plus, d’équipements de substitution. L’amendement I‑CF1006 vise à les exclure du périmètre auquel s’applique l’article.

M. Thibault Bazin. Autour d’un bâtiment, on trouve des voiries et des réseaux divers (VRD), que les entreprises sont amenées à traiter. L’amendement I‑CF1284 vise à les accompagner.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je suis d’accord avec vous sur le fond : je ne m’explique pas pourquoi le bâtiment ne figure pas dans le dispositif. Je vais donc poser la question au ministre et attendrai une réponse très précise de sa part car la question est importante. Je vous propose de retirer vos amendements, quitte à ce qu’ils soient redéposés pour la séance.

M. Matthieu Orphelin. Je veux bien retirer mon amendement, sous réserve de votre engagement à traiter le sujet.

L’amendement ICF643 est retiré.

M. Fabrice Brun. Je retire l’amendement I‑CF727 afin de vous permettre de mener une discussion sereine avec le ministère.

Les amendements ICF441, ICF727, ICF1006 et ICF1284 sont retirés.

La commission examine ensuite l’amendement ICF639 de M. Matthieu Orphelin.

M. Matthieu Orphelin. Il s’agit de bonifier le taux de suramortissement, de 40 à 50 % la première année, afin d’envoyer un signal positif aux entreprises.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement I-CF639.

Elle passe à l’amendement ICF1546 du rapporteur général.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Il vise à élargir le bénéfice du suramortissement aux véhicules hybrides rechargeables qui ne fonctionnent pas exclusivement au gaz naturel, à l’énergie électrique ou à l’hydrogène.

La commission adopte l’amendement ICF1546 (amendement I2925).

Elle en vient aux amendements identiques ICF802 de Mme Lise Magnier, ICF1005 de Mme Véronique Louwagie et ICF1297 de M. Thibault Bazin.

Mme Patricia Lemoine. L’amendement I‑CF802 propose une prorogation du suramortissement jusqu’en 2028 pour donner une chance aux entreprises de bénéficier du dispositif de l’article 39 decies E, lorsque des technologies de remplacement seront disponibles. Ce serait logique et équitable. L’échéance de 2028 est cohérente avec le Plan de déploiement de l’hydrogène pour la transition énergétique du Gouvernement qui prévoit l’émergence de l’hydrogène « vert » – produit sans émission de carbone – d’ici la fin des années 2020.

Mme Véronique Louwagie. Il est cocasse de prévoir un suramortissement jusqu’au 31 décembre 2022, alors que les technologies n’existent pas. Il faut prendre en compte la réalité du terrain ! L’amendement I‑CF1005 propose une prorogation jusqu’en 2028 – en espérant que des technologies soient disponibles. En l’état actuel de sa rédaction, l’alinéa 90 ne sert à rien…

M. Joël Giraud, rapporteur général. 2028 est une échéance trop lointaine. Nous pourrons éventuellement proroger certains dispositifs en l’absence totale de matériels substituables. Je comprends votre préoccupation, mais un système incitatif comme le suramortissement n’a pas vocation à durer une dizaine d’années. À ce stade, je suis défavorable à vos amendements.

La commission adopte les amendements I-CF802, I-CF1005 et I-CF1297 (amendement I2926).

Elle examine ensuite en discussion commune les amendements ICF1545 du rapporteur général et ICF962 de Mme Marie-Christine Dalloz.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Il s’agit de différencier le régime de suramortissement des PME, en le portant à 60 %, afin de leur permettre d’avoir accès à des équipements « propres » dont le coût est parfois bien plus important que pour un équipement classique, alors que leur chiffre d’affaires n’est pas le même que celui des autres entreprises.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’amendement I‑CF962 est similaire. Il s’agit de passer de 40 à 60 % car ce matériel est très onéreux pour des petites entreprises. Ce serait un véritable encouragement à leur adaptation.

La commission rejette les amendements ICF1545 et ICF962.

La commission passe à l’amendement ICF640 de M. Matthieu Orphelin.

M. Matthieu Orphelin. Il s’agit également d’un geste pour les PME. L’amendement du rapporteur va dans le bon sens, je vais retirer le mien, en espérant que nous arriverons à atteindre 60 % pour les PME en séance.

L’amendement ICF640 est retiré.

La commission en vient à la discussion commune des amendements identiques ICF590 de M. François Pupponi, ICF679 de Mme Véronique Louwagie, ICF739 de Mme Émilie Bonnivard, et de l’amendement ICF1198 de Mme Christine Pires Beaune.

M. François Pupponi. L’article 16 prévoit un allégement de la nouvelle charge pour les entreprises en délégation de service public (DSP). L’amendement I‑CF590 propose de compléter le dispositif de compensation en y intégrant les activités nécessitant l’utilisation de véhicules non routiers et réalisées par les collectivités locales en régies directes.

Mme Émilie Bonnivard. L’amendement I‑CF739 est identique. Je partage les propos de mon collègue Pupponi.

M. Jean-Louis Bricout. L’amendement I‑CF1198 propose de rendre ces achats de carburants éligibles au fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) car les collectivités ne peuvent prétendre aux mesures de suramortissement. Nous savons qu’il s’agit de dépenses de fonctionnement, mais une dérogation permettrait de compenser le coût important pour les collectivités.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je comprends parfaitement votre objectif, mais le FCTVA n’est ouvert qu’aux dépenses d’investissement. Si vous êtes élus locaux, vous savez combien il a été difficile d’intégrer le goudronnage d’une route – quand il ne s’agit pas d’une nouvelle – aux dépenses éligibles au FCTVA. Mon avis est donc défavorable.

La commission rejette les amendements ICF590, ICF679, ICF739 et ICF1198.

Puis elle examine l’amendement ICF380 de M. Jean-Félix Acquaviva.

M. Jean-Félix Acquaviva. L’amendement vise à supprimer les alinéas 138 à 143 de l’article, qui introduisent un nouveau mode de calcul complexe et risquent de minorer le rendement de la TICPE sur lequel sont assis les prélèvements mentionnés dans la loi portant statut fiscal de la Corse. La Corse est la seule collectivité à bénéficier de ce dispositif. Si l’évolution du comportement de consommation est identique à celui constaté progressivement pour le tabac, cela reviendra à réduire les recettes fiscales de la collectivité de Corse.

M. Paul-André Colombani. Les dispositions prévues risquent d’avoir des conséquences négatives sur les ressources de la Corse. Aucun chiffrage de l’impact n’a été effectué. L’État et la collectivité doivent dialoguer pour améliorer nos relations – pas seulement d’un point de vue financier d’ailleurs…

M. Joël Giraud, rapporteur général. J’ai demandé aux services du ministère si la réforme s’effectuait à rendement constant pour la Corse car il s’agit d’une question importante, vous avez raison. Ils m’ont assuré que c’était le cas, mais sans me fournir les projections.

Je vous propose donc de retirer votre amendement et de poser la question au Gouvernement en séance.

L’amendement ICF380 est retiré.

La commission en vient à l’amendement ICF502 de M. Paul-André Colombani.

M. Michel Castellani. Les propos du rapporteur général m’interpellent. Il faut sortir de l’approximation car le sujet est important.

L’amendement ICF502 est retiré.

La commission examine ensuite l’amendement ICF1253 de Mme Bénédicte Peyrol.

Mme Bénédicte Peyrol. Cet amendement est d’appel. Nous souhaitons débattre avec le Gouvernement dans l’hémicycle et préparer le fameux budget « vert » à l’horizon 2021. Nous souhaitons également borner dans le temps les dépenses fiscales défavorables à l’environnement. J’ai indiqué dix ans, mais nous devons en discuter avec tous les secteurs et ajuster – j’ai commencé à le faire avec les agriculteurs, les transporteurs routiers de marchandises. Il faudra également réfléchir aux compensations.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je vous remercie pour cet amendement, qui est bienvenu. Je remercie également le président de l’avoir sauvé des fourches de l’article 40 ! Mon avis est favorable.

La commission adopte l’amendement ICF1253 (amendement I2927).

Puis elle adopte l’article 16 modifié.

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*     *

Après l’article 16

La commission examine en discussion commune les amendements ICF141 de M. Fabrice Brun et ICF598 de M. Éric Coquerel.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je suis défavorable à ce stade, même si l’idée est intéressante. La suppression de l’exonération de TICPE dont bénéficie le kérosène ne peut passer que par une réforme du droit européen.

La commission rejette les amendements ICF141 et ICF598.

Puis elle passe à la discussion commune des amendements ICF1524 de la commission du développement durable et ICF601 de Mme Sabine Rubin.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur pour avis. L’amendement I‑CF1524 prévoit la fin de l’exonération de TICPE pour le transport maritime de passagers effectué par des compagnies privées. Cela concerne notamment les paquebots de croisière.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Cette proposition est contraire à l’article 14 de la directive de l’Union européenne n° 2003/96 du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité. J’y suis donc défavorable.

La commission rejette les amendements ICF1524 et ICF601.

Elle en vient à l’amendement ICF851 de M. Matthieu Orphelin.

M. Matthieu Orphelin. Vous venez d’adopter l’amendement de Mme Peyrol, intéressant, qui fixe un horizon à dix ans. Cet amendement est le premier d’une série qui vise à faire évoluer certaines niches fiscales. Il s’agit de supprimer l’exonération de TICPE pour les moteurs d’avions et de navires utilisés pour la construction, le développement, la mise au point, les essais ou l’entretien des aéronefs et navires et de leurs moteurs. Cette niche fiscale est estimée à 31 millions d’euros par an.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Mon avis est défavorable, car l’amendement est contraire à la directive que je viens de citer. Je vous propose un débat avec le ministre en séance.

L’amendement ICF851 est retiré.

La commission examine ensuite l’amendement ICF857 de M. Matthieu Orphelin.

M. Matthieu Orphelin. L’amendement propose la suppression de la niche fiscale sur les hydrocarburants utilisés pour l’extraction et la production de gaz. Je ne le retirerai pas car il est important d’envoyer des signaux au Gouvernement concernant ces niches défavorables à l’environnement. Nous pourrions voter l’amendement, pour arriver en position de force !

M. Joël Giraud, rapporteur général. L’idée est tentante, mais je vous propose un débat avec le ministre en séance.

La commission rejette l’amendement ICF857.

Elle en vient à l’amendement ICF1525 de la commission du développement durable.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur pour avis. Cette filière étant vertueuse, lamendement vise à valoriser les huiles alimentaires usagées pour participer à la meilleure gestion des déchets et à une transition énergétique plus efficace, tout en améliorant la qualité des eaux.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Cela me semble vraiment excessif car décorrélé du coût écologique. Mon avis est défavorable.

La commission rejette l’amendement CF1525.

Puis elle examine l’amendement ICF811 de M. Saïd Ahamada.

M. Saïd Ahamada. Il s’agit d’appliquer le tarif réduit de TICFE à l’approvisionnement en électricité des navires dans les ports français, afin de leur éviter de d’avoir recours au fioul.

La commission rejette l’amendement ICF811.

Elle passe à l’amendement ICF547 de M. Michel Castellani.

M. Michel Castellani. Hors biodéchets, près d’un tiers de déchets ménagers est composé de produits sans filières de recyclage. La gestion de ces déchets est à la charge des collectivités, qui doivent en assurer la collecte et le traitement et payer la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP).

L’amendement vise à mettre en place une TGAP amont, qui permettrait de mettre fin à cette situation injuste puisqu’elle taxe aveuglément les gestionnaires qui ne sont pas responsables de la non-recyclabilité des produits. Il s’agit également de réduire les produits non recyclables mis sur le marché et de développer l’économie circulaire.

M. Joël Giraud, rapporteur général. La feuille de route de l’économie circulaire a explicitement écarté le mécanisme de TGAP amont. Mon avis est donc défavorable.

La commission rejette l’amendement ICF547.

Elle examine ensuite en discussion commune les amendements ICF177 et ICF176 de M. Vincent Descoeur.

M. Vincent Descoeur. Ces amendements reposent sur un constat simple : sur les presque 570 kg de déchets produits par un Français, plus de 180 ne disposent d’aucune filière de recyclage et sont éliminés par stockage. Or les collectivités n’ont aucune prise sur la conception des produits, sur leur mise en marché, et encore moins sur leur consommation. Elles doivent néanmoins payer la TGAP pour leur élimination. C’est injuste. L’amendement I‑CF177 vise à accorder aux collectivités une franchise correspondant à la part de déchets résiduels inévitables. L’amendement I‑CF176 fixe la limite de cette franchise.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je suis défavorable car ces amendements réduiraient très largement le rendement de la TGAP, tout en permettant aux collectivités de bénéficier de la fiscalité des déchets.

La commission rejette les amendements ICF177 et ICF176.

Puis elle examine successivement les amendements ICF412 et ICF416 de M. Charles de Courson.

M. François Pupponi. Les deux amendements concernent la filière agricole, qui a essayé de faire des efforts dans la transformation de ses produits. Il faut favoriser ces pratiques, qui vont dans le bon sens. La filière ne doit pas être surtaxée par une augmentation de 100 % de la TGAP.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les deux amendements ICF412 et ICF416.

Elle passe ensuite à l’amendement ICF309 de M. Charles de Courson.

M. François Pupponi. Dans un contexte d’urgence environnementale et climatique, eu égard au CO2 émis par l’aviation et à la nécessité que ce secteur prenne toute sa part à la lutte contre le réchauffement climatique, l’amendement vise à inclure les produits énergétiques destinés à la navigation aérienne dans le mécanisme de la taxe incitative relative à l’incorporation de biocarburants (TIRIB), afin d’encourager l’incorporation d’énergies renouvelables.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement ICF309.

Elle en vient à l’amendement ICF311 de M. Charles de Courson.

M. François Pupponi. Dans la mesure où les externalités négatives des effluents des huileries de palme et rafle sont équivalentes – voire supérieures – à celles du tallol et brai de tallol, il serait juste et proportionné de soumettre la part d’énergie issue de ces matières premières au même seuil de 0,6 %.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement ICF311.

Puis elle examine l’amendement ICF614 de M. Éric Coquerel.

Mme Sabine Rubin. Nous souhaitons taxer les externalités négatives des engrais de synthèse, afin d’encourager la sortie d’un modèle agro-industriel mortifère. L’amendement prévoit une taxe différenciée applicable au 1er janvier 2021, à hauteur de 0,27 centime par kilogramme d’engrais acquis.

La commission rejette l’amendement ICF614.

La commission examine l’amendement ICF608 de M. Éric Coquerel.

Mme Sabine Rubin. Il s’agit de modifier, pour l’industrie et l’agriculture, le calcul de la redevance relative au prélèvement des ressources en eau, en relevant pour ces secteurs le barème de la taxe. Ce n’est finalement que l’application du principe pollueur-payeur.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement ICF608.

Puis elle examine l’amendement ICF607 de Mme Sabine Rubin.

Mme Sabine Rubin. Chaque année, nous produisons 360 millions de tonnes de plastique. Or le code de l’environnement dispose qu’« il peut être fait obligation aux producteurs, aux importateurs et aux distributeurs de produits de pourvoir ou de contribuer à la prévention et à la gestion des déchets qui en proviennent ».

Actuellement, les gestionnaires des déchets sont les seuls à s’acquitter de taxes. En application du principe pollueur-payeur, il nous semble nécessaire d’inciter ces industriels à la conversion et la transition écologique, en mettant simplement en place une éco-contribution sur ces produits extrêmement nocifs.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Avis défavorable, en raison du moyen utilisé. Mais c’est un vrai sujet qu’il faut traiter par ailleurs.

La commission rejette l’amendement ICF607.

Elle examine ensuite les amendements identiques ICF135 de Mme Lise Magnier et ICF316 de M. Charles de Courson.

Mme Lise Magnier. Cet amendement propose d’étendre l’application du dispositif de suramortissement aux véhicules qui utilisent exclusivement du B100 issu de colza français. Il garantit juridiquement cet usage exclusif ; il permet en outre la reconnaissance du B100 en tant qu’énergie 100 % renouvelable.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Même si le colza utilisé n’est pas exclusivement français, c’est effectivement un mode propre. Sagesse.

Mme Émilie Cariou. Ce point doit plutôt faire l’objet de discussions avec le ministre en séance publique. À ce stade, notre groupe est contre.

M. François Pupponi. On ne cesse de nous renvoyer à la séance publique ! Mais ce n’est pas la même chose d’y examiner un amendement déposé à nouveau par quelques signataires ou un amendement qui a été adopté par la commission. On peut tout de même favoriser certaines énergies renouvelables françaises, en indiquant nettement au ministre que la commission des finances est pour.

Mme Émilie Cariou. Aucun de ces amendements n’a fait l’objet de chiffrage à ce stade. Donc je ne vois pas comment la commission des finances pourrait les adopter.

La commission rejette les amendements ICF135 et ICF316.

Elle examine ensuite l’amendement ICF964 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. La programmation pluriannuelle de l’énergie a fixé l’objectif de faire rouler 40 000 poids lourds au gaz naturel ou au biogaz naturel. Pour atteindre cet objectif, cet amendement propose tout simplement de favoriser l’investissement des PME françaises de transport routier dans des solutions de mobilité plus respectueuses de l’environnement. Il est ainsi proposé de prolonger le dispositif de suramortissement actuellement en vigueur.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Dans la mesure où ces entreprises en viendraient à cumuler deux avantages, j’y suis défavorable.

La commission rejette l’amendement ICF964.

Elle examine ensuite l’amendement ICF78 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. Mon amendement concerne tous ceux qui n’ont pas d’autre choix aujourd’hui que d’utiliser leur voiture au quotidien pour vivre, travailler, étudier, se soigner… Il concerne donc 80 % des Français.

Je propose de créer des dispositifs fiscaux supplémentaires, notamment un crédit d’impôt versé aux actifs résidant dans les zones peu denses ; ces actifs seraient repérés par leur code postal, pour l’application de la mesure. Je propose ensuite un crédit d’impôt ouvert aux personnes physiques, sous condition de ressources, lorsqu’elles achètent un véhicule propre.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement ICF78.

Puis elle examine les amendements identiques ICF384 de M. Vincent Descoeur et ICF541 de Mme Émilie Bonnivard.

M. Vincent Descoeur. Voici un amendement que j’ai déjà défendu, sans succès. Mais je récidive ! Car l’application de la TVA aux taxes sur l’essence, sur le carburant ou sur l’électricité suscite l’incompréhension légitime de nos concitoyens. Cet amendement propose d’y mettre fin.

Mme Émilie Bonnivard. Je présente un amendement identique. Au regard de l’augmentation du prix du carburant et au vu de l’aberration fiscale que constitue la double taxation, il est demandé de mettre fin à tout assujettissement à la TVA des taxes portant sur les carburants.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Comme monsieur Descoeur, je persiste, mais dans mon avis défavorable.

Mme Bénédicte Peyrol. Il y a aussi une explication très technique et très juridique à notre opposition, à savoir la directive européenne. Elle prévoit l’application d’une TVA sur les droits d’accise. Sur ce point, une action ne peut donc être entreprise qu’au niveau de l’Union européenne. Il ne revient pas à la commission des finances de proposer des amendements contraires au droit européen.

M. le président Éric Woerth. Nous pouvons du moins exprimer une volonté, même si elle est contraire au droit européen.

M. Vincent Descoeur. Je suis très sensible aux arguments de notre collègue et je l’invite à saisir madame Loiseau, en vue de modifier cela.

La commission rejette les amendements ICF384 et ICF541.

Elle examine ensuite l’amendement ICF1087 de M. Éric Woerth.

M. le président Éric Woerth. C’est un amendement d’appel qui a surtout vocation à servir de base à une discussion en séance publique.

Il s’agit de changer la donne de la fiscalité verte. Environ 60 % de cette fiscalité relève de la TICPE… Inutile de faire référence à ce qui s’est passé avec les gilets jaunes : on voit bien qu’il y a une forme d’injustice dans la manière dont les choses sont faites. Des contraintes extérieures régissent la collecte de la fiscalité écologique ; c’est assez peu compris par nos concitoyens.

Je pense qu’il faudrait un plan de transition énergétique qui soit un programme de développement et d’investissement public. Ce plan devrait être présenté non par bribes, mais de manière synthétique, pour respecter les engagements de la France en termes de réduction de ses émissions de carbone. Ce plan devrait faire l’objet d’un financement qui pourrait reposer sur la volonté de loger, dans un certain nombre de grands impôts, une « part verte ». En l’espèce, dans cet amendement, le grand impôt concerné serait la TVA. Mais je pense également à l’impôt sur le revenu, qui pourrait également être modifié en ce sens, à « iso-fiscalité » : il ne s’agit pas, en effet, d’augmenter la fiscalité.

Cette affectation particulière des recettes à des fins écologiques pose bien sûr le problème de l’universalité de l’impôt. Je comprends qu’elle puisse faire débat. Mais ces impôts contiennent déjà en eux-mêmes des mécanismes de justice. L’impôt sur le revenu et la TVA ont été conçus en ce sens. Le verdissement proposé donnerait aux Français le sentiment de financer véritablement un certain rythme de transition écologique et des actions qui la rendent possible. Ce verdissement serait accompagné d’une transition sociale et d’une transition économique.

Car je crois que le signal prix atteint, à un moment donné, ses limites. L’industrie doit se mettre en accord avec les engagements souscrits non seulement par le biais de signaux prix, mais surtout, me semble-t-il, par le biais de normes. Nous devons, en réalité, recourir davantage aux interdictions, si on veut éviter qu’un certain nombre d’engins ne soient sur le terrain, parce qu’ils consomment trop d’énergie et dégagent partant trop de carbone. Plutôt que d’en augmenter systématiquement le prix de fonctionnement, mieux vaut, à un moment donné, les interdire. Allons le plus loin possible dans l’utilisation des règlements et des lois.

L’action normative et le verdissement de la fiscalité permettraient ainsi de proposer, en se combinant, une vision écologique plus susceptible d’être comprise par les Français, et plus claire quant au financement qu’elle appelle.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Monsieur le président, je voulais vous remercier de cette initiative. Grâce à votre proposition sur la notion de verdissement fiscal, vous voulez faire basculer les assiettes traditionnelles de la fiscalité vers la fiscalité environnementale. C’est une idée qui est intéressante.

Bien évidemment, c’est une discussion à avoir au banc avec le ministre. Mais, bien évidemment aussi, comme je le disais d’entrée de jeu, une convention citoyenne est en cours, dont il faut attendre les résultats. En raison de cette réserve, je demande le retrait de l’amendement, mais en vous engageant à le présenter devant le ministre, car je crois que l’idée en soi est extrêmement intéressante.

Mme Valérie Rabault. Monsieur le président, j’entends votre proposition, mais je préférerais tout de même que nous développions une vision globale de la fiscalité écologique. Aujourd’hui, les ménages en supportent les deux tiers. Si on veut avoir la réflexion globale que vous appelez de vos vœux, il faut aussi y inclure les entreprises. Sinon, nous nous engageons dans un débat qui me semble biaisé.

M. le président Éric Woerth. Je n’incluais pas les entreprises, parce que l’impôt sur les sociétés n’a pas véritablement, en tant que tel, de caractère redistributif, au rebours de l’impôt sur le revenu, qui comporte une certaine progressivité. Quant à la TVA, elle permet de fiscaliser, d’une certaine façon, les importations.

Mais cet amendement d’appel veut surtout provoquer la réflexion sur un programme financier de transition écologique. Car on aura besoin, à un moment donné, de financer les actions nécessaires pour tenir les engagements de la France – engagements que je ne conteste évidemment pas – dans le domaine de l’empreinte carbone. Pour rejeter moins de carbone, il faudra soutenir à la fois des investissements privés et des investissements publics.

De la même manière qu’on ne peut pas demander à une réforme des retraites de résoudre toutes les injustices constatées depuis trente ou quarante ans, l’outil fiscal a lui aussi ses propres limites. L’utilisation de l’outil fiscal doit être accompagnée de lois, de normes et d’interdictions beaucoup plus fortes qu’aujourd’hui, en laissant évidemment à chaque Français le soin de s’adapter. Car il doit aussi y avoir des phases réglementaires de transition.

Mme Bénédicte Peyrol. Je trouve que l’idée est intéressante. Le problème est en effet que, jusqu’à présent, on a utilisé le même outil pour s’adresser aux entreprises et aux ménages, notamment la taxe carbone de l’année dernière, même si certaines entreprises sont également soumises aux quotas carbone.

Par votre amendement, vous proposez d’intégrer une part verte dans la fiscalité existante. Pour ma part, j’ai toujours prôné le verdissement de la fiscalité et l’intégration de la fiscalité environnementale au sein de notre système fiscal. Néanmoins, je me pose la question technique de savoir comment vous calculez l’augmentation ou la diminution de cette part de 2 % en fonction de la réduction des émissions.

M. le président Éric Woerth. Je ne suis pas tombé sur cette valeur de 2 % tout à fait par hasard. Même si c’est très imparfait, j’ai repris à l’intérieur du budget l’ensemble des coûts de l’action dans le domaine de l’énergie et l’ensemble des charges de l’État concernant l’accompagnement de la transition écologique. Cela s’élève à peu près à 2 % des recettes de TVA. Évidemment, cela nécessite que l’État définisse clairement la transition écologique comme sa priorité, car il n’est pas question d’augmenter la TVA : le changement s’opère à iso-fiscalité. Cela implique, ultérieurement, un exercice de réduction de la dépense publique.

M. Matthieu Orphelin. Quelles seraient les réductions de dépenses publiques envisagées ? L’un des intérêts de cette proposition serait son caractère socialement juste, puisque ceux qui consomment plus paieraient effectivement plus.

Mme Véronique Louwagie. Je remarque que l’idée séduit à la fois le rapporteur général et Bénédicte Peyrol… Elle mérite effectivement d’être précisée et affinée, mais je vois déjà deux points intéressants.

Premièrement, je pense qu’il est important de financer la transition écologique, mais sans alourdir l’impôt. Or cette proposition permet finalement ce financement sans alourdissement de l’impôt.

Ma deuxième remarque sera pour souligner que cette proposition nous donne aussi les moyens de financer la transition écologique sans fiscalité punitive. Car je crois que les citoyens en ont marre… Le mouvement des gilets jaunes et le mouvement social de ces derniers mois l’ont tous deux montré : nos concitoyens sont très attentifs à la transition écologique, mais ils ne veulent plus de fiscalité punitive. Or cet amendement propose justement une fiscalité incitative, qui va aussi nous entraîner vers plus de transparence. C’est son deuxième intérêt.

L’idée mérite donc, effectivement, d’être affinée.

M. Damien Abad. Je trouve que cet amendement a déjà le mérite d’ouvrir le débat sur la fiscalité verte, sur sa lisibilité et sur sa nécessaire clarté. Je pense que les Français ont aujourd’hui besoin de comprendre où va l’impôt, à quoi il sert et quelles sont les actions qui sont menées.

Je trouve intéressant de mener cette révision à iso-fiscalité. C’est l’exact inverse du choix fait initialement par le Gouvernement, lequel a défini une trajectoire carbone dévastatrice pour toutes les personnes en situation de fragilité économique, notamment pour celles qui vivent dans les territoires ruraux. Il s’agit de ne pas développer une écologie punitive, mais, au contraire, une écologie partagée où on réconcilie la fin du monde et la fin du mois. Je crois qu’il est important de porter ce message.

Comme vous l’avez dit, monsieur le président, cela nécessite, en parallèle, une maîtrise des dépenses publiques. S’il n’y a pas d’économies sur la dépense publique, une telle réforme entraînera en effet forcément une hausse de la fiscalité, ce qui n’est pas le but recherché. Au moment où le Gouvernement nous promet la présentation d’un « budget vert », je crois qu’il est important d’approfondir cette proposition intéressante.

Mme Valérie Rabault. Monsieur le président, les réflexions que suscite votre amendement d’appel sont intéressantes, mais je me permets de rappeler que notre collègue Dominique Potier, l’an dernier, avait interrogé à deux reprises le Gouvernement à ce sujet, pendant l’examen de la loi de finances.

Il estimait qu’il fallait absolument un observatoire capable d’indiquer, décile par décile, des 10 % de ménages les moins riches aux 10 % les plus riches, combien chacun contribue à la transition énergétique, au travers des taxes, et quelles prestations chacun reçoit. Mais il en va aussi de ce que chacun consomme : prenons seulement l’exemple des voyages de tourisme en avion et de leur consommation carbone… Ce ne sont pas forcément les 10 % de Français les moins riches qui les effectuent !

Le Gouvernement s’était déclaré intéressé et avait indiqué qu’il pourrait le faire, mais je ne suis pas certaine qu’à ce stade, on ait déjà reçu sa copie.

M. le président Éric Woerth. Je ne le crois pas non plus.

Mme Sabine Rubin. Je pense que cette proposition n’est pas socialement juste. Vous dites que ceux qui consomment plus paieront plus ? C’est oublier que la TVA est de toute façon payée par les plus modestes. C’est encore eux qui vont finalement financer indirectement la transition écologique que vous souhaitez…

Par ailleurs, si la réforme est mise en œuvre à recettes constantes, tout ce qui sera mis dans la transition écologique ne sera pas mis dans d’autres secteurs ; des dépenses non écologiques vont nécessairement baisser dans le temps. Il est naïf de penser que, d’un coup de baguette magique, on va régler tous les problèmes écologiques.

M. le président Éric Woerth. Ce serait un choix plus assumé par la nation. Je vais cependant retirer cet amendement, car je n’ai pas du tout l’intention de mettre en difficulté quiconque sur le vote d’un amendement d’appel. La discussion a eu lieu. Je note qu’elle était ouverte et que la question paraît intéresser. Je la poserai donc de nouveau en séance publique.

L’amendement ICF1087 est retiré.

La commission examine ensuite les amendements identiques ICF1014 de Mme Véronique Louwagie et ICF1274 de M. Benoit Potterie.

Mme Véronique Louwagie. Mon amendement vise à rétablir une certaine justice fiscale et territoriale entre le commerce physique et l’e-commerce. Il va un peu dans le même sens que certains amendements que j’ai pu présenter hier.

Le dispositif proposé vise à taxer l’e-commerce de manière à rétablir une certaine égalité. Car, aujourd’hui, seules les entreprises qui disposent d’établissements, d’entrepôts, de magasins ou de commerces physiques payent un certain nombre de taxes.

En revanche, je suis assez attentive à ce que les territoires ruraux ne soient pas concernés par cette éco-participation et puissent bénéficier d’exonérations. C’est très important : il s’agit de rétablir une égalité entre le commerce physique et l’e-commerce.

Cette problématique plus générale mériterait qu’un groupe de travail s’y penche, pour qu’on puisse avancer sur le sujet.

M. Benoit Potterie. Madame Louwagie a très bien expliqué le dispositif. Je crois qu’il est très important de responsabiliser les consommateurs vis-à-vis de leurs achats sur internet, en limitant le nombre des livraisons.

L’année dernière, j’avais déposé un amendement pour taxer les colis à un euro. On m’avait reproché de pénaliser ainsi les zones rurales. Mais le présent dispositif ne concerne que les villes de plus de 20 000 habitants.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je suis très opposé à cet amendement, parce que, selon les territoires, on n’a parfois pas d’autre choix que de se faire livrer par les moyens disponibles. Je pense que la création d’une taxe environnementale aurait surtout pour effet d’engendrer un surcoût pour les livraisons effectuées dans les zones rurales. En outre, c’est La Poste qui serait la première concernée.

Au-delà, cela constituerait une taxe environnementale de plus, alors que les résultats de la convention citoyenne sur le climat devront tout de même être pris en compte. Avis défavorable.

Mme Véronique Louwagie. Effectivement, par rapport à l’année dernière, nous avons aménagé le dispositif proposé, pour prendre en compte le fait que, dans un certain nombre de territoires, il n’existe pas de points relais. Nous voulons donc faire en sorte que seules les communes de plus de 20 000 habitants soient concernées.

Il s’agit d’un vrai sujet, si nous voulons, à un moment donné, rétablir une justice fiscale entre les commerces physiques et l’e-commerce. Peut-être cet amendement mérite-t-il d’être revu. Nous avons pris en compte les remarques formulées l’année dernière, lorsque nous proposions de taxer à hauteur d’un euro chaque livraison. Dans le présent dispositif, les territoires ruraux sont exonérés.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je n’avais pas noté que vous excluiez les communes de moins de 20 000 habitants de votre dispositif. Je pensais que c’était le même amendement que l’an dernier, qui ne prévoyait pas cette limite… Je retire donc mon premier argument, mais je maintiens le second et mon avis reste donc défavorable.

La commission rejette les amendements ICF1014 et ICF1274.

La commission examine l’amendement ICF612 de M. Éric Coquerel.

Mme Sabine Rubin. Je voudrais rappeler que quinze milliards d’euros sont investis dans la publicité, à la télévision, sur internet, dans la presse, dans l’espace public et dans les centres commerciaux et que le budget des annonceurs, via les écrans publicitaires numériques, ne cesse d’augmenter. Au premier trimestre 2019, l’augmentation était déjà de 33 % par rapport à l’année précédente, année qui avait déjà connu une certaine hausse.

Pour limiter cette prolifération, osons une taxe sur l’exploitation des écrans publicitaires, afin de freiner le développement de ce support.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement ICF612.

Puis elle examine l’amendement ICF604 de M. Éric Coquerel.

Mme Sabine Rubin. Dans le cadre de la loi d’orientation des mobilités (LOM), il a été proposé, pour financer la trajectoire des dépenses de l’Agence de financement des infrastructures de transport, une baisse de deux centimes par litre du remboursement de TICPE aux transporteurs. Nous pensons que cette baisse va dans le bon sens, mais qu’elle est insuffisante.

Pour être plus fermes, nous proposons que les sociétés concessionnaires d’autoroutes qui engrangent des bénéfices records contribuent à financer cette trajectoire. Tel est le sens de cet amendement, par lequel nous proposons de relever la taxe due par les sociétés concessionnaires d’autoroutes.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement ICF604.

Elle examine ensuite en discussion commune les amendements ICF1328, ICF1329, ICF1330, ICF1331 et ICF1332 de M. Jean-Christophe Lagarde.

Mme Lise Magnier. Nous proposons de créer une taxation incitative pour l’incorporation de plastique recyclé dans les emballages plastiques. Cette taxe valoriserait les produits et les industriels qui font l’effort de s’inscrire dans la perspective de l’objectif de 100 % de plastique recyclé d’ici 2025, en prévoyant un mécanisme de dégressivité en fonction du pourcentage d’incorporation de matière plastique recyclée.

Le taux initial de cette taxe est de 10 %. Elle est assise sur le prix de vente du produit, lorsque l’emballage plastique contient moins de 25 % de matières recyclées. Mais il peut ensuite diminuer – d’où le côté incitatif – à mesure que le pourcentage d’incorporation de matières plastiques recyclées s’accroît. Pour que l’impôt soit complètement neutralisé, le taux de matières recyclées incorporées doit atteindre 80 %.

Les quatre premiers amendements en discussion proposent quelques variantes de cette formule. L’amendement I‑CF1332 propose quant à lui un taux de taxation de 15 % sur le prix de vente, lorsque l’emballage contient une ou plusieurs matières plastiques, ainsi qu’une autre matière.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette les amendements ICF1328, ICF1329, ICF1330, ICF1331 et ICF1332.

Puis elle examine l’amendement ICF194 de M. Vincent Descoeur.

M. Vincent Descoeur. Cet amendement porte encore sur la TGAP. Il en propose une réduction pour les collectivités qui sont parvenues à atteindre l’objectif de diminution de stockage fixé par le Gouvernement. Cet amendement crée un effet incitatif important, puisqu’il s’agit de favoriser clairement le choix des collectivités qui s’inscrivent dans l’objectif de division par deux du stockage, tel qu’il est prévu par la loi de transition énergétique.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Avis défavorable.

M. Vincent Descoeur. C’est le troisième amendement de ce type que je défends et qui est rejeté. Je voudrais tout de même, à cette occasion, rappeler que cette TGAP, résolument inscrite dans une trajectoire de hausse de ces tarifs, est certes acquittée par les collectivités, mais que, in fine, ce sont nos concitoyens qui en subissent les répercussions, par le biais de la hausse de leur taxe de redevance des ordures ménagères. Je vous prie de ne pas l’oublier.

La commission rejette l’amendement ICF194.

Puis elle examine l’amendement ICF338 de M. Vincent Thiébaut.

M. Vincent Thiébaut. Les objets publicitaires communément appelés goodies envahissent notre quotidien, nos campagnes et nos paysages. Ils ne sont pas fabriqués en France ou en Europe, mais en Asie. Ils n’apportent donc pas grand-chose à la productivité de notre pays. Ils sont extrêmement polluants, parce qu’ils sont essentiellement en plastique et ne sont que très peu recyclés. Je rappellerai seulement la polémique qui a eu lieu autour de ceux qui ont été distribués pendant le Tour de France de juin 2019. Ce point avait fait l’objet d’une tribune de la part de parlementaires.

Je pense qu’il est important d’appliquer le principe du pollueur-payeur. Cela ne coûterait rien au consommateur final, car ces goodies sont distribués gratuitement. À travers cet amendement, proposé notamment avec l’association Zéro Waste France, je propose d’appliquer une TGAP à ces objets publicitaires, pour inciter les entreprises à adopter une démarche plus responsable et plus en phase avec les problématiques environnementales.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je pense que c’est une discussion que nous devons plutôt avoir avec le ministre, en séance publique. Demande de retrait.

L’amendement ICF338 est retiré.

*

*     *

 


Article 17
Rationalisation du régime fiscal du gaz naturel

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article est destiné à simplifier le régime fiscal du gaz naturel.

À cette fin, il procède à l’intégration de tous les usages du gaz naturel dans le champ de la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel (TICGN), alors que ces usages relèvent actuellement soit de cet impôt, soit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). Cette harmonisation au sein de la TICGN s’effectuerait à niveau de fiscalité inchangé.

Le dispositif simplifie également l’application de l’exonération de TICGN pour le biogaz, par le biais d’une forfaitisation de cette exonération : le tarif de la taxe sera abaissé, pour l’ensemble des redevables, à hauteur de la proportion moyenne de biogaz constatée dans le réseau en 2018.

Enfin, il est prévu que l’extension de l’exonération de biogaz carburant utilisé dans les installations de cogénération, que porte le présent article, soit appliquée de manière rétroactive, afin que l’ensemble des installations soient traitées de manière équivalente.

Dernières modifications législatives intervenues

Le tarif de la TICGN a été modifié par les articles 64 et 67 de la loi n° 2018-1317 du
28 décembre 2018 de finances pour 2019.

L’exonération de TICGN pour le biogaz a été prévue par l’article 16 de la loi
n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 et mise en œuvre par le décret n° 2018-210 du 27 mars 2018 fixant les modalités d’application de l’exonération de la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel du biogaz mélangé au gaz naturel prévue au 7 de l’article 266 quinquies du code des douanes.

Le régime de la cogénération résulte de l’article 65 de la loi n° 2018-1317 du
28 décembre 2018 de finances pour 2019.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   Une imposition de l’usage du gaz naturel qui manque de cohérence

A.   l’imposition de l’usage du gaz naturel n’est pas unifiée

1.   La taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel (TICGN), vecteur naturel de la taxation du gaz naturel

La taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel (TICGN), créée en 1986, est définie par l’article 266 quinquies du code des douanes. Sa dernière modification d’envergure date de la mise en conformité de son régime avec la directive 2003/96/CE du 27 octobre 2003 ([372]) par la loi de finances rectificative pour 2007 ([373]).

La TICGN est due par les fournisseurs de gaz à raison des livraisons qu’ils effectuent, à titre gratuit ou onéreux, auprès de leurs clients consommateurs finaux en France.

La taxe est également due par les consommateurs de gaz qui ont eux‑mêmes importé, introduit, produit ou extrait le gaz en France et l’y ont consommé.

Les redevables acquittent la taxe auprès de l’administration des douanes et des droits indirects selon une procédure déclarative trimestrielle qui peut être dématérialisée.

La TICGN est assise sur la quantité d’énergie livrée au tarif de 8,45 euros le mégawattheure. Sa trajectoire, qui était fortement ascendante depuis 2013 car liée à l’évolution de la « composante carbone », a ensuite été maintenue au tarif prévu pour l’année 2018 depuis la loi de finances initiale pour 2019 ([374]).

2.   L’imposition du gaz naturel est aujourd’hui déterminée par l’usage qui en est fait

De manière contre-intuitive, le gaz nest pas toujours taxé à la TICGN.

Lorsque le gaz naturel est utilisé en tant que carburant, c’est-à-dire brûlé en vue de produire directement une énergie mécanique, il relève de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE).

Lorsque le gaz naturel est utilisé en tant que combustible, c’est-à-dire brûlé en vue de produire directement de la chaleur, il relève de la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel (TICGN).

Or, les règles d’imposition à la TICPE et à la TICGN sont sensiblement différentes.

différences entre les régimes fiscaux de ticGN et de ticPE portant sur le gaz naturel

 

Fait générateur

Exigibilité

Unité

Tarif

Périodicité de la déclaration et de lacquittement

TICGN

Fourniture au client final.

Fourniture au client final.

Mégawattheure.

8,45 € / MWh

Trimestrielle.

TICPE

Extraction, production ou importation de gaz.

Au moment de l’extraction, de la production ou de l’importation de gaz.

Centaine de mètres cubes.

5,80  / 100 m3

Lors de la mise à la consommation.

Si l’extraction, la production ou l’importation de gaz est réalisée sous régime suspensif, l’exigibilité intervient à la sortie de ce régime.

Source : commission des finances.

Ainsi, le fait générateur et l’exigibilité de la TICPE interviennent en amont du circuit de distribution, quand le fait générateur et l’exigibilité de la TICGN interviennent en aval de ce même circuit.

3.   L’exonération de TICGN pour le biogaz injecté dans le réseau

Le biogaz, également appelé « gaz vert », est un gaz à pouvoir calorifique issu de la dégradation de la biomasse – par méthanisation – ou des déchets organiques – par fermentation. Le biogaz peut être utilisé pour produire de la chaleur, de l’électricité ou du carburant. Il est majoritairement issu d’unités de traitement par méthanisation des déchets ménagers, boues d’épuration, effluents et déchets agricoles ou industriels, mais également des installations de stockage de déchets non dangereux (ISDND).

Le biogaz peut être valorisé sur son site de production, soit par combustion directe en chaudière, soit par cogénération. Ce dernier procédé consiste à produire à la fois de la chaleur et de l’électricité.

Le biogaz participe donc aux engagements de la France en faveur de la production d’énergie renouvelable.

Jusqu’en 2013, le biogaz était assujetti à la TICPE. Puis, l’article 32 de la loi de finances pour 2014 ([375]) a assujetti le biogaz utilisé comme combustible au régime fiscal de la TICGN. À cette date, il a été considéré que compte tenu des modalités de production de ce produit, de sa composition et de ses usages proches de ceux du gaz naturel, le régime de la TICGN était plus adapté. Pour autant, le méthane dorigine renouvelable – biogaz – est exonéré de TICGN lorsquil est utilisé en tant que combustible.

En revanche, le même biogaz ne bénéficie daucune exonération lorsquil est utilisé en tant que carburant, donc assujetti à la TICPE, le tarif de TICPE associé au gaz naturel – 5,80 centimes par mètre cube – étant substantiellement inférieur à la moyenne de taxation des carburants. En tant que carburant, il sert aux véhicules fonctionnant au gaz naturel véhicule (GNV) et alimente des flottes captives comme les autobus ou les bennes à ordures ; on parle alors de « bioGNV ».

Le biogaz combustible peut être injecté dans les réseaux de transport et de distribution de gaz naturel. L’injection du biogaz a lieu après une étape d’épuration du biogaz produit par méthanisation : il devient alors biométhane. L’épuration des composés indésirables (CO2, H2S, etc.) permet d’atteindre les spécifications imposées aux opérateurs de réseaux de transport et de distribution de gaz naturel. L’injection permet de valoriser le biogaz sous forme de chaleur, une voie plus efficiente que la valorisation sous forme d’électricité.

L’injection est en outre plus flexible que la production de chaleur locale car elle peut être mise en place sans besoins thermiques existants sur site. La première programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) de fin octobre 2016 ([376]) a fixé un objectif ambitieux de 8 TWh injectés en 2023. En 2018, le parc français a dépassé le seuil de 1 TWh de capacité annuelle d’injection, pour atteindre 1,2 TWh à la fin de l’année 2018, contre 698 GWh à la fin de l’année 2017.

L’article 266 quinquies du code des douanes prévoit une exonération de TICGN du biogaz, affecté du code douanier NC 2711-29, depuis le 1er janvier 2017 ([377]).

B.   un régime de taxation du gaz naturel perfectible

1.   La différence de taxation selon l’usage qui est fait du gaz naturel est source de complexité

Le fait de taxer le gaz naturel utilisé comme carburant via la TICPE et le gaz naturel utilisé comme combustible via la TICGN est source de complexité pour les redevables : les régimes et calendriers déclaratifs auxquels ils sont soumis peuvent être différents pour l’usage d’un même produit.

2.   Une exonération du biogaz inadaptée

Lorsque le biogaz est injecté dans le réseau, il est mélangé au gaz naturel traditionnel, qui n’est donc pas d’origine renouvelable. Ainsi, il n’est pas possible de déterminer, au niveau de la fourniture au client final, si du biogaz a effectivement été fourni, et donc si l’exonération trouve à s’appliquer.

De fait, la traçabilité nécessaire à l’application de cette exonération repose sur un mécanisme dit de garantie d’origine, institué par l’article L. 446-3 du code de l’énergie ([378]). Ce mécanisme implique que les fournisseurs de gaz délivrent à leurs clients finaux une attestation d’utilisation des garanties d’origine leur permettant de justifier les quantités de biogaz qu’ils ont reçus en exonération de la taxe.

Selon l’exposé des motifs du présent article, une difficulté majeure du dispositif de la garantie d’origine est que « ce dispositif ne fonctionne quau niveau national ». Étant donné l’interconnexion internationale de l’ensemble des réseaux cheminant en France, « ce fonctionnement induit des risques de mauvaise application de lexonération, voire de fraudes, importants », avec notamment un risque de double comptage de fournitures de biogaz par différents États membres de l’Union européenne.

Ce risque de fraude avait été soulevé par le Gouvernement et Mme Valérie Rabault, Rapporteure générale, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2017 qui avait vu l’adoption, contre leurs avis, de cette disposition.

Dans son rapport, la Rapporteure générale soulevait que le système des garanties déclaratives « ne repose actuellement que sur de simples déclarations qui, de surcroît, ne sont que facultatives pour les acquéreurs de biométhane. Ladministration des douanes estime que, dans ces conditions, le système des garanties dorigine nest pas suffisamment sécurisé pour permettre une traçabilité fiable et un réel contrôle des quantités de biométhane injectées dans le réseau et ne pouvant plus être ensuite distinguées du méthane dorigine fossile. » ([379])

3.   Un traitement fiscal du gaz utilisé pour la cogénération par la loi de finances pour 2019 qui aboutit à un traitement inéquitable des consommations passées

Le gaz naturel peut être utilisé dans des processus industriels de production simultanée de chaleur et d’électricité : c’est la cogénération.

En application du principe de non double taxation de l’énergie prévu par le droit européen ([380]), la fraction des consommations de gaz du processus de cogénération se rapportant à la production d’électricité était exonérée, quand la production de chaleur était taxée.

Cette modalité de taxation était source d’une complexité supplémentaire : la chaleur était taxée à la TICGN lorsqu’elle était utilisée pour un usage combustible (et exonérée si le produit utilisé était du biogaz) et à la TICPE si elle était utilisée comme carburant.

De fait, pour simplifier cette architecture, la loi de finances initiale pour 2019 a prévu que l’ensemble du gaz naturel utilisé pour la cogénération serait redevable de la TICGN ([381]).

Ainsi, à l’heure actuelle, le biogaz carburant est taxé au taux normal de 8,45 MWh. En revanche, le biogaz carburant utilisé pour les opérations de cogénération est, lui, exonéré ; une telle exonération n’a toutefois pas été prévue pour les consommations passées.

De fait, les producteurs ne sont pas traités équitablement s’agissant du biogaz carburant utilisé dans les installations de cogénération sur la période antérieure au 31 décembre 2018, par rapport à celle qui lui est postérieure., du fait de l’appréciation fiscale différente, n’étant pas justifiée, d’une même utilisation.

Cette différence de traitement fiscal semble être une source de contentieux fiscaux potentiels pour l’État.

II.   une unification du régime de taxation du gaz naturel à la ticgn

A.   unE Évolution bienvenue

1.   Une unification de l’imposition à la TICGN conduisant à une simplification des modalités de liquidation et d’acquittement de l’impôt dû sur le gaz naturel

Le présent article soumet tous les usages du gaz naturel à la TICGN : le fait générateur, l’exigibilité, la liquidation et l’acquittement des usages de gaz naturel, indépendamment du fait qu’il soit utilisé en tant que carburant ou combustible, sont ainsi unifiés – et ce sans affecter le niveau de taxation de ses différents usages.

2.   Une simplification du régime du biogaz

Une première option, qui aurait consisté dans le fait de limiter l’exonération portant sur le biogaz aux injections de ce produit dans le seul réseau français d’acheminement de gaz naturel aurait prêté le flanc à une qualification de taxe équivalente à un droit de douane du point de vue du droit communautaire.

L’option retenue par le présent article, fondée juridiquement, permet de faire bénéficier le moindre niveau de fiscalité afférent au biogaz à l’ensemble des acteurs connectés au réseau, par le biais d’une forfaitisation de l’exonération : le tarif de la taxe sera abaissé à hauteur de la proportion moyenne de biogaz constatée dans le réseau en 2018.

3.   Une correction du nouveau régime de la cogénération qui assure la neutralité technologique et l’équité entre utilisateurs

Le présent article, qui prévoit une mesure d’application rétroactive de l’exonération votée en loi de finances initiale pour 2019 concernant le biogaz, permet un traitement équitable de l’ensemble des acteurs.

Ainsi, et sans remettre en cause l’autorité de la chose définitivement jugée, sont exonérées de la TICPE les consommations de gaz naturel et de méthane d’origine renouvelable relevant du code douanier NC 27 11-29, utilisés en tant que carburant dans les installations de cogénération pour la production combinée de chaleur et d’électricité, entre le 1er janvier 2014 et le 31 décembre 2018.

B.   L’impact BudgÉtaire et Économique

1.   Un impact positif pour les redevables de la taxe

Les producteurs de gaz naturel, redevables de la taxe, vont bénéficier d’une simplification des modalités de liquidation et d’acquittement de la fiscalité qui pèse sur leur activité, au travers l’unification de la taxation à la TICGN.

La charge fiscale est, selon l’évaluation préalable de l’article, neutre. Le Gouvernement considère en effet que la forfaitisation de l’exonération de biogaz injecté dans le réseau possède deux effets qui doivent se compenser : d’un côté, le niveau de TICGN supporté baisse de 0,12 % à 8,44 centimes d’euros par litre, de l’autre, le prix des garanties d’origine du biométhane, dont la valeur dépend partiellement de l’exonération devrait être réduit. S’agissant des garanties d’origine, leur revente par les fournisseurs devrait être moins intéressante car les certificats ne porteront plus la valeur économique de l’exonération ; la rémunération aux producteurs par les fournisseurs restera quasi inchangée, à 0,01 centime d’euro par litre près.

Surtout, le tarif différencié selon lusage nest pas modifié, seule l’unité est unifiée : le gaz naturel à usage carburant sera taxé à un taux de 5,23 euros le MWh tandis que le gaz naturel à usage de combustible sera taxé à un taux de 8,44 euros le MWh.

Enfin, cette évolution doit conduire à une simplification de la charge administrative des assujettis.

2.   Une incidence budgétaire non chiffrable mais a priori négligeable

L’évaluation préalable du présent article considère que l’impact budgétaire du présent article est nul, les taux effectifs demeurant en fait inchangés s’agissant en général du gaz naturel et plus particulièrement du biogaz.

Il est en outre envisageable de penser que l’unification du traitement fiscal du gaz naturel à la TICGN peut conduire à des économies en matière de recouvrement par les services de l’État.

3.   Une clarification de l’imposition du gaz naturel favorable au verdissement de l’économie gazière

La loi de transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) ([382]), fixe à 10 % la consommation finale de gaz renouvelable à horizon 2030 au sein du total de la consommation de gaz.

Pourtant, au 31 décembre 2017, seuls 39 600 clients résidentiels ont souscrit une offre verte et/ou compensée carbone, dont environ 7 000 certifiées 100 % par des garanties d’origine, ce qui représente 0,4 % de l’ensemble des sites résidentiels et 0,7 % des sites résidentiels en offre de marché.

Pour la Commission de régulation de l’énergie, « le coût très élevé des garanties dorigine biométhane semble dissuasif pour les consommateurs, pour lesquels le prix demeure le principal facteur de décision (le surcoût estimé (…) pour une offre 100 % biométhane est de lordre de 10 à 20 € H.T. par MWh) ». ([383])

Ainsi, la suppression du mécanisme des garanties d’origine portant sur le biogaz va permettre de diminuer le coût associé.

Ce point devrait être favorable à l’amélioration des performances environnementales de la consommation de gaz naturel. Calculées en analyse de cycle de vie, les émissions de gaz à effet de serre du biométhane sont près de 10 fois inférieures à celles du gaz naturel et 14 fois à celles du fioul.

De plus, la méthanisation conforte la croissance de l’économie circulaire : valorisation locale des déchets, décarbonation du tissu agricole et agroalimentaire, retour au sol du digestat ([384]) comme matière fertilisante naturelle. Le biogaz contribue à minorer, à sa mesure encore limitée mais croissante, la dépendance énergétique du pays, via la production d’une énergie renouvelable stockable puis injectable dans les réseaux d’acheminement.

*

*     *

L’amendement ICF1255 de Mme Bénédicte Peyrol est retiré.

La commission examine l’amendement ICF869 de M. Matthieu Orphelin.

M. Matthieu Orphelin. Mon amendement vise à proposer un nouveau mode de financement de développement du plan hydrogène, pour favoriser notamment l’hydrogène qui provient d’énergies renouvelables. On mettrait ainsi fin à l’exonération des taxes sur la production d’hydrogène à partir d’énergies fossiles. Les montants récupérés serviraient à financer l’hydrogène issu de sources d’énergie renouvelables. Voilà le principe général. Il faut qu’on arrive à trouver un moyen de sécuriser le financement du plan hydrogène, à hauteur de 100 millions d’euros par an.

Mme Valérie Rabault. Le rapporteur général pourrait-il nous indiquer quel est le montant des exonérations actuelles ? Car l’idée est intéressante.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je pourrai vous donner ces chiffres en séance publique.

M. Matthieu Orphelin. Je comprends les difficultés de l’exercice. Je salue le travail du rapporteur général, qui doit analyser des milliers d’amendements, mais il est délicat de tout balayer ainsi d’un revers de la main. Il s’agit tout de même du financement à moyen terme du développement du plan hydrogène ! Cela permettrait de rendre plus concrètes les annonces faites par le Gouvernement sur le budget vert.

La commission rejette l’amendement ICF869.

Puis elle examine l’amendement ICF865 de M. Matthieu Orphelin.

M. Matthieu Orphelin. L’amendement vise à supprimer une diminution de 0,01 euro par mégawattheure de la TICGN. Cette diminution me semble aller à l’exact opposé de ce qu’on veut faire sur la transition énergétique, en mettant fin aux exonérations et à un certain nombre de niches fiscales.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Le rapport que je vais produire entre notre réunion d’aujourd’hui et la séance publique sera en ligne samedi et contiendra un certain nombre d’explications complémentaires. En l’espèce, cette diminution de 0,01 euro résulte de la forfaitisation de l’injection de biogaz dans le réseau.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement ICF865.

Elle est saisie des amendements identiques ICF77 de M. Fabrice Brun et ICF383 de M. Vincent Descoeur.

M. Fabrice Brun. Dans un contexte de surenchérissement du coût de l’énergie fossile, j’ai eu l’occasion, à plusieurs reprises, de proposer l’instauration d’une TICPE flottante, dont chacun connaît les avantages et les contraintes.

M. Vincent Descoeur. Cet amendement a pour objet, comme le précédent, de rouvrir le débat sur la mise en place de la TICPE flottante, dans un contexte préoccupant d’orientation à la hausse du prix des carburants.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette les amendements ICF77 et ICF383.

Elle adopte l’article 17 sans modification.

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*     *

 

 


Article 18
Refonte des taxes sur les véhicules à moteur

Résumé du dispositif et effets principaux

L’objectif de cet article est triple.

D’abord, il durcit, au 1er janvier 2020, le barème du malus automobile de l’article 1011 bis du code général des impôts (CGI). Ce dispositif devrait conduire à un surcroît de recettes pour l’État de 141 millions d’euros.

Ensuite, il met en œuvre, au premier semestre 2020 et en tout état de cause avant le 1er juillet 2020, la neutralisation du changement des modalités de calcul des valeurs d’émissions de dioxyde de carbone (CO2) au sein d’un grand nombre de taxes qui portent sur les véhicules à moteur.

Enfin, il refonde, au 1er janvier 2021, la fiscalité touchant à l’immatriculation et à l’usage des véhicules à moteur. Pour cela, le présent article fusionne les quatre malus en un seul, déterminé par les émissions de CO2, et les deux taxes fixes à l’immatriculation en une seule, de 11 euros.

Cette réforme globale – neutralisation et refonte – est destinée à éviter le choc, pour les assujettis, de l’effet du changement des modalités de calcul des valeurs d’émissions. De même, les affectations des produits fiscaux sont préservées.

Dernières modifications législatives intervenues

– Amortissement des véhicules particuliers pour la détermination des bénéfices des sociétés : 4 de l’article 39 du CGI. Dispositif modifié en dernier lieu par l’article 70 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 afin de faire évoluer le plafond de déductibilité fiscale des amortissements et des loyers afférents aux véhicules de tourisme acquis ou loués à compter du 1er janvier 2017.

– Malus « occasion » : article 1010 bis du CGI. Dispositif modifié en dernier lieu par l’article 36 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 afin de changer le barème en émissions de CO2 en barème de puissance administrative.

– Malus « voitures puissantes » : article 1010 ter du CGI. Dispositif modifié en dernier lieu par l’article 92 de la loi du 28 décembre 2018, qui a étendu le champ d’application du malus aux « pick-up » d’au moins 5 places. Ce malus a été introduit par l’article 34 de la loi du 30 décembre 2017 susmentionnée.

– Malus « CO2 » : article 1011 bis du CGI. Dispositif modifié chaque année afin d’adapter le barème aux évolutions du parc de véhicules neufs et en dernier lieu par l’article 91 de la loi du 28 décembre 2018 susmentionnée.

– Malus annuel sur les véhicules très polluants : article 1011 ter du CGI, créé à compter du 1er janvier 2009 par l’article 75 de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2018. Son seuil d’assujettissement a été renforcé par l’article 55 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 et son champ a été étendu aux « pick-up » d’au moins 5 places par l’article 92 de la loi du 28 décembre 2018 susmentionnée.

– Taxe régionale proportionnelle, affectée à la région : articles 1599 quindecies, 1599 sexdecies (sauf le 4 du I), 1599 novodecies et 1599 novodecies A du CGI. Dispositif modifié en dernier lieu par l’article 65 de la loi n° 2017-1175 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017 afin d’adapter les règles d’acquittement dans le contexte de la fermeture des régies de recettes des préfectures.

– Taxe régionale fixe, affectée à la région : articles 1599 quindecies, 1599 sexdecies (4 du I), 1599 septdecies, 1599 octodecies, 1599 novodecies et 1599 novodecies A du CGI. Dispositif modifié en dernier lieu par l’article 65 de la loi n° 2017-1175 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017 afin d’adapter les règles d’acquittement dans le contexte de la fermeture des régies de recettes des préfectures.

– Taxe de gestion, affectée à l’ANTS : article 1628-0 bis du CGI. Dispositif créé au 1er janvier 2009 par l’article 135 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009.

– Taxe « formation professionnelle », affectée à l’Association pour le développement de la formation professionnelle dans les transports : article 1635 bis du CGI. Dispositif créé au 1er janvier 2003 par l’article 53 de la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour 2002 et modifié en dernier lieu à compter du 1er janvier 2017 par l’article 87 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 afin d’augmenter les plafonds de tarification.

– Taxe sur les véhicules de société (TVS), dont le produit est affecté à la branche famille du régime général de sécurité sociale : articles 1010 à 1010 B du CGI. Dispositif modifié en dernier lieu par l’article 92 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, qui a étendu le champ d’application de la TVS aux « pick-up » d’au moins 5 places. Auparavant, l’article 18 de la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018 a modifié les barèmes et les conditions d’exonération des véhicules recourant à des sources d’énergies alternatives.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté, à l’initiative de M. Joël Giraud (LREM), rapporteur général, deux amendements rédactionnels.

I.   une évolution nécessaire de la fiscalité touchant à l’immatriculation et l’usage des véhicules à moteur

A.   les véhicules à moteur font l’objet d’un foisonnement complexe de dispositions fiscales

Le tableau suivant recense les taxes relatives à l’immatriculation et à l’usage d’un véhicule à moteur modifiées par le présent article qui tend à refondre et simplifier cet ensemble fiscal.

Taxes sur les véhicules à moteur

Taxe

Base légale
(code général des impôts – CGI)

Assiette

Rendement
(en millions deuros)

Affectataire

Taxe sur les véhicules de société (TVS)

1010

Émissions de CO2 et ancienneté du véhicule

830

Branche famille de la sécurité sociale

Taxe sur les véhicules doccasion

1010 bis

Puissance administrative

39

État

Taxe additionnelle sur les véhicules puissants

1010 ter

Puissance administrative

15

État

Malus CO2

1011 bis

Émissions de CO2

570

Compte d’affectation spéciale (CAS) Aide à lacquisition des véhicules propres

Taxe sur les véhicules les plus polluants

1011 ter

Émissions de CO2

13

État

Taxe régionale proportionnelle

1599 sexdecies

Puissance administrative

2 185

Régions

Taxe régionale fixe

1599 septdecies

Puissance administrative

70

Régions

Taxe pour la gestion des certificats dimmatriculation

1628-0 bis

Droit fixe à la délivrance du certificat d’immatriculation.

43

Agence nationale des titres sécurisés (ANTS)

Taxe destinée à financer le développement des actions de formation professionnelle dans les transports routiers

1635 bis M du CGI

Poids du véhicule.

65

Association pour le développement de la formation professionnelle dans les transports

Source : commission des finances.

1.   Une taxation des véhicules qui obéit à des faits générateurs différents

a.   Des taxes à l’immatriculation

Parmi les taxes énumérées dans le tableau précédent, 7 d’entre elles sont dues au titre de l’immatriculation des véhicules à moteur.

L’article 1628-0 bis du CGI dispose que la délivrance du certificat d’immatriculation d’un véhicule neuf ou d’occasion est soumise à une taxe dénommée « taxe pour la gestion des certificats d’immatriculation des véhicules », d’un montant fixe de 4 euros, au bénéfice de l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS).

Les articles 1599 quindecies et suivants du CGI instituent, au profit des régions et de la collectivité territoriale de Corse, une taxe proportionnelle sur les certificats d’immatriculation des véhicules et, le cas échéant, une taxe additionnelle fixe en fonction du taux proportionnel notamment pour les véhicules utilisés par les professionnels de l’automobile ([385]).

La taxe destinée à financer le développement des actions de formation professionnelle dans les transports routiers, de l’article 1635 bis M du CGI, a été instituée au 1er janvier 2004.

Lors de sa première immatriculation en France, un véhicule de tourisme est soumis à un malus – malus « de droit commun » ou malus CO2 – prévu à l’article 1011 bis du CGI. Pour autant, cette taxe peut également être assise sur la puissance fiscale du véhicule, si celui-ci n’a pas fait l’objet d’une réception communautaire : il s’agit principalement des véhicules importés de manière isolée d’autres marchés, notamment des États-Unis.

L’acquisition d’un véhicule d’occasion, ayant déjà donné lieu à une première immatriculation en France, donne également lieu au paiement d’une taxe additionnelle à la taxe sur les certificats d’immatriculation de l’article 1599 quindecies du CGI. Cette taxe additionnelle est perçue au profit de l’État.

Enfin, l’article 1010 ter du CGI, créé par l’article 34 de la loi de finances pour 2018 ([386]), institue une taxe additionnelle à la taxe d’immatriculation des véhicules, pour ceux d’entre eux dont la puissance fiscale est égale ou supérieure à 36 chevaux-vapeur. On parle de « taxe sur les véhicules puissants ».

b.   Des taxes à l’utilisation

Conformément à l’article 1010 du CGI, les sociétés sont soumises à une taxe annuelle à raison des véhicules de tourisme qu’elles utilisent en France, quel que soit l’État dans lequel ils sont immatriculés, ou qu’elles possèdent et qui sont immatriculés en France. Sont concernés par le paiement de cette taxe sur les véhicules de société (TVS), les voitures particulières et certains véhicules de la catégorie « N1 » ([387]). La TVS n’est pas perçue lors de l’immatriculation du véhicule mais sur une base annuelle. Elle bénéfice à la branche famille du régime général de Sécurité sociale.

Les dispositions de l’article 1011 ter du CGI instituent une taxe portant sur les véhicules les plus émetteurs de dioxyde de carbone (CO2). Cette taxe est annuelle. Elle est perçue au profit de l’État.

2.   Une taxation des véhicules aux modalités de calcul variées

a.   Une taxation déterminée par les émissions de CO2

i.   Le malus CO2 de l’article 1011 bis du CGI

L’article 1011 bis du code général des impôts (CGI) définit une taxe ‑ additionnelle à la taxe sur les certificats d’immatriculation des véhicules prévue à l’article 1599 quindecies du CGI – à raison de leurs émissions de CO2, dénommée « malus automobile ».

Le premier barème de la taxe comprend, pour les véhicules ayant fait l’objet d’une réception communautaire, 66 tranches progressives dun gramme chacune allant de l’exonération pour les véhicules émettant 120 grammes de CO2 ou moins à 10 500 euros pour les véhicules émettant 185 grammes de CO2 ou plus. La réception communautaire désigne l’acte par lequel un État membre certifie qu’un type de véhicule satisfait aux dispositions administratives et aux exigences techniques communautaires, au sens de la directive 2007/46/CE du 5 septembre 2007 établissant un cadre pour la réception des véhicules à moteur ([388]).

Pour les autres véhicules faisant l’objet d’une première immatriculation en France, le barème de la taxe est également progressif mais dépend de la puissance fiscale exprimée en chevaux-vapeur (CV) du véhicule. Ce barème est composé de 6 tranches allant de 3 000 euros pour les véhicules de 6 à 7 CV à 10 500 euros pour les véhicules de plus de 16 CV.

Le CGI précise que certaines situations peuvent conduire à un abattement ou un remboursement partiel de la taxe additionnelle à la taxe sur les certificats d’immatriculation acquittée sur un véhicule ayant fait l’objet d’une réception communautaire et taxé au titre de ses émissions de CO2 :

– les véhicules équipés pour fonctionner au moyen du superéthanol E85 bénéficient d’un abattement de 40 % de la taxe additionnelle, sauf si les émissions de dioxydes de carbone du véhicule concerné sont supérieures à 250 grammes par kilomètre ;

– les véhicules immatriculés pour la première fois en France, mais auparavant immatriculé à l’étranger, peuvent bénéficier d’un abattement de 1/10e par année entamée depuis la date de l’immatriculation délivrée initialement à l’étranger ;

– les familles nombreuses peuvent demander à bénéficier d’un remboursement partiel du malus acquitté dès lors que le foyer compte au moins trois enfants à charge. Le taux d’émission de dioxyde de carbone du véhicule est diminué de 20 grammes par kilomètre par enfant à charge, pour un seul véhicule de cinq places assises et plus par foyer.

En accompagnement des progrès techniques régulièrement accomplis par les constructeurs automobiles pour réduire les émissions des véhicules, les barèmes de la taxe ont été régulièrement durcis depuis 2008 – année durant laquelle le barème du malus ne débutait qu’à 160 grammes de CO2 par kilomètre, et le malus maximal de 2 600 euros n’était applicable qu’au-delà de 250 grammes de CO2. En particulier, l’article 45 de la loi de finances pour 2017 ([389]) a augmenté les tarifs du malus automobile tout en renforçant la progressivité du barème afin de limiter les effets de seuils et les comportements d’optimisation des industriels (passage de 11 à 66 tranches). La dernière modification du barème, par l’article 91 de la loi de finances pour 2019 ([390]) a modifié les tranches du barème pour prendre en compte les modalités de mesure d’émission du standard NEDC – new european driving cycle – corrélé (v. infra). Cette norme de « NEDC corrélé » est le fruit d’une conversion mathématique de la valeur WLTP avec une équivalence NEDC et aboutit à un léger rehaussement des valeurs d’émissions.

ii.   La taxe sur les véhicules de sociétés de l’article 1010 du CGI

Modifié pour la dernière fois par la loi de finances rectificative pour 2016 ([391]), l’article 1010 du code général des impôts soumet les sociétés à une taxe annuelle à raison des véhicules de tourisme :

– qu’elles possèdent et qui sont immatriculés en France ;

– qu’elles utilisent en France – même sans les posséder –, quel que soit dans ce cas l’État d’immatriculation.

Lorsqu’un véhicule est loué par une société, la TVS est à la charge de la société locataire.

Le montant de la taxe est égal à la somme de deux composantes :

– d’une part, d’une composante relative aux émissions de polluants atmosphériques, variable selon l’année de première mise en circulation du véhicule et le carburant utilisé ;

– d’autre part, une composante variable selon la date depuis laquelle la société possède ou utilise le véhicule :

– les véhicules circulant depuis 2004 et possédés ou utilisés depuis 2006 se voient appliquer un tarif variable en fonction croissante du taux d’émission de dioxyde de carbone (de 0 euro pour une émission inférieure à 50 grammes par kilomètre à 27 euros pour une émission supérieure à 250 grammes) ;

– les autres véhicules, plus anciens, se voient appliquer un tarif croissant en fonction de leur puissance, exprimée en chevaux‑vapeur fiscaux (de 750 euros pour les véhicules dont la puissance fiscale n’excède pas 3 chevaux à 4 500 euros pour ceux de plus de 15 chevaux).

Le montant de la taxe est le produit de l’application d’un coefficient, lui‑même fonction du nombre de kilomètres remboursés par la société, au tarif résultant de l’application des dispositions présentées supra.

iii.   La taxe additionnelle sur les véhicules particulièrement polluants de l’article 1011 ter du CGI

Les propriétaires des véhicules les plus polluants sont soumis, annuellement, au paiement d’une taxe supplémentaire de 160 euros à partir d’une certaine valeur d’émissions de CO2 de leur véhicule fonction de son année de première immatriculation. Les tarifs de ce malus supplémentaire n’ont pas été modifiés depuis le 1er janvier 2012 ([392]).

véhicules redevables de la taxe annuelle
sur les véhicules les plus polluants

(taux d’émissions en grammes de CO2/km)

Année de la première immatriculation

Taux démission

2009

250

2010

245

2011

245

2012 et au-delà

190

Source : article 1011 ter du CGI.

iv.   Indirectement, l’amortissement des voitures particulières et le calcul des frais de déplacement recourent aux émissions polluantes pour les modalités de leur liquidation

Certains impôts sont fonction, pour les modalités de leur liquidation, des émissions de CO2 des véhicules à moteur concernés.

Il en est ainsi, d’une part, du 4 de l’article 39 du CGI relatif aux charges déductibles en matière d’impôt sur le revenu.

En effet, est exclue des charges déductibles pour l’établissement de l’impôt la fraction du prix d’acquisition d’un véhicule de tourisme qui dépasse 18 300 euros. Pour autant, cette somme est portée à :

– 30 000 euros lorsque le véhicule possède un taux d’émission de CO2 inférieur à 20 grammes par kilomètres ;

– 20 300 euros lorsque le taux d’émission est compris entre 20 grammes et inférieur à 60 grammes de CO2 par kilomètre.

A contrario, cette somme est ramenée à 9 900 euros lorsque le taux d’émission du véhicule pour le dioxyde de carbone est supérieur à :

– 155 grammes par kilomètre, pour ceux acquis ou loués entre le 1er janvier 2017 et le 31 décembre 2017 ;

– 150 grammes par kilomètre, pour ceux acquis ou loués entre le 1er janvier 2018 et le 31 décembre 2018 ;

– 140 grammes par kilomètre, pour ceux acquis ou loués entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2019 ;

– 135 grammes par kilomètre, pour ceux acquis ou loués entre le 1er janvier 2020 et le 31 décembre 2020.

Le barème kilométrique utilisé pour la détermination du montant des frais réels déductibles en matière d’impôt sur le revenu ([393]) est également fonction de la puissance administrative et donc, via la formule de calcul en vigueur de la puissance administrative ([394]), des émissions de CO2 s’agissant des voitures particulières.

b.   Une taxation qui peut également être déterminée par la puissance administrative

i.   La taxe additionnelle à l’immatriculation des véhicules d’occasion de l’article 1010 bis du CGI

La taxe additionnelle à la taxe sur les certificats d’immatriculation de l’article 1010 bis du CGI est due sur les certificats délivrés pour les véhicules qui ne font pas l’objet d’une première immatriculation en France.

Son barème a été modifié, pour la dernière fois, par la loi de finances initiale pour 2018 ([395]). Il est assis sur la puissance administrative du véhicule.

taxe sur l’immatriculation des véhicules d’occasion

(en euros)

Puissance fiscale en chevaux-vapeur

Tarif

Inférieure à 9

0

Supérieure à 9 et inférieure à 12

100

Supérieure à 12 et inférieure à 15

300

Supérieure à 15

1 000

Source : article 1010 bis du CGI.

ii.   La taxe additionnelle à l’immatriculation des véhicules puissants de l’article 1011 ter du CGI

L’article 34 de la loi de finances pour 2018 ([396]) a prévu la création d’une taxe additionnelle à la taxe sur les certificats d’immatriculation pour les voitures de sport puissantes, destinée à partiellement compenser l’exclusion de ces biens mobiliers du champ de l’IFI.

Le barème de cette taxe est de 500 euros par cheval fiscal à partir du trente-sixième cheval fiscal inclus ; le montant de ce prélèvement ne peut excéder 8 000 euros.

iii.   Les taxes régionales à l’immatriculation des véhicules des articles 1599 quindecies, 1599 sexdecies et 1599 septdecies du CGI

La délivrance des certificats d’immatriculation des véhicules donne lieu au prélèvement d’une taxe régionale. Cette taxe est exigible à chaque fois qu’un certificat d’immatriculation est délivré par les services administratifs.

Le taux de cette taxe est fixé par délibération du conseil régional ou de l’assemblée de Corse, annuellement : il est obligatoirement assis sur la puissance administrative du véhicule exprimée en chevaux-vapeur.

c.   À titre résiduel, des assiettes fiscales sui generis

i.   Le droit fixe de l’article 1628-0 bis du CGI

La délivrance d’un certificat d’immatriculation d’un véhicule neuf ou d’occasion est soumise à une taxe pour la gestion des certificats d’immatriculation des véhicules : son montant, déterminé par l’article 1628‑0 bis du CGI, est de 4 euros.

ii.   Le droit forfaitaire de l’article 1635 bis M du CGI

Pesant sur la délivrance des certificats d’immatriculation des véhicules automobiles de transport de marchandises, la taxe destinée à financer le développement des actions de formation professionnelle dans les transports routiers, de l’article 1635 bis M du CGI, est assise sur le poids total autorisé en charge (PTAC) des véhicules.

Son montant est normalement déterminé annuellement, par arrêté, dans les limites prévues par la loi. Pour autant, aucune modification tarifaire n’a été effectuée depuis 2008 ([397]).

Montant de la taxe destinée à financer le développement des actions de formation professionnelle dans les transports routiers

(en euros)

Désignation

Montants effectifs

Limites légales

Véhicules automobiles de marchandises dont le PTAC* est inférieur ou égal à 3,5 tonnes

34

38

Véhicules automobiles de marchandises dont le PTAC* est supérieur à 3,5 tonnes et inférieur à 6 tonnes

127

135

Véhicules automobiles de marchandises dont le PTAC* est supérieur à 6 tonnes et inférieur à 11 tonnes

189

200

Véhicules automobiles de marchandises dont le PTAC* est supérieur ou égal à 11 tonnes, tracteurs routiers et véhicules de transport en commun de personnes

285

305

(*) PTAC : poids total autorisé en charge.

Source : article 159 octies de l’annexe IV du CGI.

3.   Les taxes qui portent sur les véhicules à moteur possèdent de multiples affectataires

Le tableau suivant identifie ces affectations.

affectataires des taxes concernées par le présent article

Taxe

Affectataire

Taxe sur les véhicules de société de l’article 1010 du CGI

Branche famille du régime général de la sécurité sociale, en application du 2° de l’article L. 131-8 du code de la sécurité sociale.

Taxe sur les véhicules d’occasion de l’article 1010 bis du CGI

Budget général.

Taxe sur les véhicules puissants de l’article 1010 ter du CGI

Budget général.

Malus CO2 de l’article 1011 bis du CGI

Compte d’affectation spéciale (CAS) Aide à lacquisition des véhicules propres.

Taxe sur les véhicules les plus polluants de l’article 1011 ter du CGI

Budget général.

Taxes régionales à la délivrance des certificats d’immatriculation des articles 1599 quindecies et suivants du CGI

Régions et collectivité territoriale de Corse.

Taxe pour la gestion des certificats d’immatriculation de l’article 1628-0 bis du CGI

Agence nationale des titres sécurisés (ANTS).

Taxe destinée à financer le développement des actions de formation professionnelle dans les transports routiers de l’article 1635 bis M du CGI

Association pour le développement de la formation professionnelle dans les transports (AFT).

Source : commission des finances.

B.   La refonte de la procédure d’immatriculation des véhicules de tourisme au 1er janvier 2021, prenant en compte les modalités de mesure des nouveaux cycles d’essais européens en matière d’émissions rend nécessaire une rÉforme du paysage fiscal

1.   La modification des modalités de calcul des émissions au niveau européen : du NEDC au WLTP

La mise sur le marché des véhicules à moteur est encadrée par le droit européen : elle dépend d’une autorisation administrative préalable de mise sur le marché, la « réception ».

Le processus de réception implique, notamment, le passage d’essais permettant de déterminer les émissions de CO2 du véhicule, afin de contrôler le respect, par les constructeurs, des obligations qui pèsent sur eux en la matière.

De 1973 à 2018, la méthode de détermination des émissions de CO2 a reposé sur le « nouveau cycle européen de conduite » – new european driving cycle, NEDC.

Définitivement discrédité par le scandale dit du « Dieselgate », au titre duquel le constructeur allemand Volkswagen est accusé d’avoir utilisé différentes techniques visant à frauduleusement réduire les émissions polluantes de certains de ces moteurs diesel et essence lors des tests d’homologation, le NEDC a été remplacé, depuis le 1er septembre 2018, par une nouvelle procédure d’essai mondiale harmonisée pour les voitures particulières et véhicules utilitaires légers, la norme « WLTP » (« Worldwide Harmonised Light Vehicle Test Procedure »).

Le nouveau protocole WLTP ([398]), basé sur des cycles de roulage plus réalistes, aboutit à une réévaluation des mesures d’émission calculées.

La mise en œuvre de ce nouveau protocole implique une période transitoire entre le 1er septembre 2018 et le 31 décembre 2020 ; au cours de laquelle la méthode « NEDC corrélé » est utilisée.

Ainsi, l’étiquette propre à chaque voiture particulière sur son point de vente doit notamment contenir ([399]) :

– la valeur d’émission de CO2 exprimée selon la procédure NEDC corrélée et la valeur d’émission de CO2 du véhicule auquel cette procédure se réfère, exprimée selon la procédure WLTP ;

– la valeur de consommation de carburant recalculée à partir de la valeur d’émissions de CO2 exprimée selon la procédure NEDC corrélée et la valeur de consommation de carburant du véhicule auquel cette procédure se réfère exprimée selon la procédure WLTP.

L’article 91 de la loi de finances pour 2019 ([400]) a ajusté les tranches du malus automobile de l’article 1011 bis du CGI afin de prendre en compte les valeurs issues du calcul NEDC corrélé.

2.   Cette modification des modalités de calcul des émissions atmosphériques doit s’articuler avec les objectifs environnementaux européens qui pèsent sur les constructeurs

En application du règlement du 23 avril 2009 ([401]), les constructeurs distribuant leurs véhicules en Europe sont soumis à une obligation de respect d’un objectif moyen d’émissions de CO2 Ce taux moyen d’émission est fixé à 95 grammes de CO2 par kilomètre pour le parc de véhicules neufs vendu à fin 2020. Cette obligation est sanctionnée par l’institution d’une prime sur les émissions excédentaires par rapport à l’objectif d’équilibre, de 95 euros par voiture neuve pour chaque voiture dépassant l’objectif de 95 grammes ; la somme abondera, le cas échéant, le budget général de l’Union européenne.

Or, en 2018, le niveau moyen d’émissions de CO2 des voitures particulières neuves était, en Europe, de 120,4 grammes de CO2/km, soit une hausse de 1,9 gramme de CO2/km par rapport à l’année précédente (118,5 grammes de CO2/km) et un niveau supérieur de 26 % à l’objectif pour 2020 ([402]).

Après une baisse constante de 2010 à 2016, de près de 22 grammes de CO2/km au total, les émissions moyennes des voitures neuves sont reparties à la hausse sur la période récente. Celle-ci s’explique principalement par la baisse des ventes des voitures diesel – qui émettent environ 15 % de CO2 en moins par rapport aux voitures essence –et également par le succès des ventes de véhicules SUV – sport utility vehicule – dont les valeurs d’émissions moyennes sont plus élevées que celles émises par les voitures compactes.

3.   Ces obligations environnementales emportent des conséquences fiscales

La mise en œuvre progressive de la norme WLTP va se matérialiser, pour le flux des véhicules immatriculés pour la première fois en France à horizon 2021, par l’inscription sur le certificat d’immatriculation des émissions WLTP.

Or, selon l’exposé des motifs du présent article, « sur la base dune estimation réalisée sur 6 mois dimmatriculations, de septembre 2018 à février 2019 inclus, lécart entre les anciennes et les nouvelles émissions serait de + 24,8 %, ou + 25 grammes CO2/km ».

Ainsi, toutes choses égales par ailleurs (notamment les barèmes fiscaux), la prise en compte des émissions WLTP pour la liquidation des impositions dont les modalités de calcul sont assises sur les émissions de CO2 va conduire à modifier la répartition de la charge fiscale entre différents véhicules, et à une hausse substantielle de la charge fiscale pesant sur les ménages et les entreprises.

Potentiellement, en sens inverse, les contraintes environnementales décrites supra pesant sur les constructeurs devraient conduire à la modification de la structure des ventes de véhicules : l’évolution des taux d’émission à même de permettre aux constructeurs de respecter leurs obligations pourrait conduire in fine à une forte baisse des recettes du malus CO2, au détriment du financement en France du bonus écologique et de la prime à la conversion.

II.   une réforme globale de la fiscalité sur l’immatriculation et l’usage des véhicules à moteur

A.   un durcissement du malus, puis une refonte de l’ensemble des taxes visant les véhicules à moteur dans une double perspective de neutralisation des nouvelles modalités de calcul d’émissions et de sécurisation des recettes régionales

1.   Au 1er janvier 2020 : un durcissement du malus sous le régime du NEDC corrélé

Le a du 3 du K du présent article modifie l’article 1011 bis du CGI à compter du 1er janvier 2020.

Sous lempire du maintien provisoire de la norme NEDC, le seuil dentrée dans le malus est abaissé à 110 grammes de CO2 par kilomètre, pour un tarif de 50 euros.

Le barème du malus pour 2020 est composé de 64 tranches d’un gramme chacune : son seuil marginal est atteint à 172 grammes de CO2 par kilomètre, pour un tarif associé de 12 500 euros.

Pour les véhicules dont les émissions de dioxyde de carbone ne peuvent être déterminées, ce qui comprend également ceux qui n’ont pas fait l’objet d’une réception communautaire, un barème assis sur la puissance administrative est maintenu (v. supra), tel que présenté dans le tableau ci-dessous.

Ce barème est le suivant :

barème du malus assis sur la puissance administrative pour les véhicules dont les émissions ne peuvent être déterminées

Puissance administrative (en CV)

Tarif 2020 (en euros)

Inférieur ou égal à 5

0

Supérieur ou égal à 6 et inférieur ou égal à 7

3 125

Supérieur ou égal à 8 et inférieur ou égal à 9

6 250

Supérieur ou égal à 10 et inférieur ou égal à 11

9 375

Supérieur ou égal à 12

12 500

Source : présent article.

2.   Avant le 1er juillet 2020 : l’entrée en vigueur en France de la norme WLTP

Le basculement du système NEDC vers le système WLTP repose sur la mise en place d’un certificat de conformité électronique – « e-Coc » ([403]) –, destiné à assurer la transmission à l’administration, préalablement à l’immatriculation et par les constructeurs, de la valeur d’émission de CO2 de chaque véhicule.

La mise en place de ce certificat nécessite des délais de mise en œuvre, encore inconnus.

Le B du VI du présent dispositif prévoit que les dispositions réalisant la bascule des règles nationales à partir de l’entrée en vigueur de la norme WLTP suite à la mise en place du e-Coc entreront en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard le 1er juillet 2019.

Cette bascule correspondra à l’entrée en vigueur de plusieurs éléments destinés à rendre budgétairement neutre cette évolution.

a.   La formule de la puissance administrative est modifiée

Le présent article prévoit une modification de la formule de calcul de la puissance administrative afin qu’elle soit rendue indépendante du niveau des émissions de CO2 (II de l’article 1008 nouveau du CGI).

Cette formule nouvelle prévoit que la puissance administrative (PA) est déterminée à partir de la puissance nette maximale du moteur (PM) exprimée en kilowatts :

PA = 1,80 x (PM/100)2 + 3,87 x (PM/100) + 1,34.

Cette formule sans référence aux émissions de CO2 neutralise le passage de la norme NEDC à la norme WLTP pour le calcul de la taxe régionale à l’immatriculation et du barème kilométrique utilisé pour la détermination des frais pris en compte pour le calcul de l’impôt sur le revenu.

Il s’agit notamment de sécuriser les assiettes fiscales des régions dans un contexte de baisse tendancielle des émissions du parc automobile neuf.

b.   Le barème NEDC est complété par un barème WLTP

Le nouveau barème « WLTP » serait applicable aux véhicules de tourisme immatriculés à compter de la date fixée par décret et au plus tard le 1er juillet 2020. Ce barème coexistera avec celui du NEDC qui restera pertinent pour les véhicules immatriculés avant cette date.

Le barème du malus WLTP, qui doit figurer au deuxième alinéa du a du III de l’article 1011 bis du CGI, est composé de 63 tranches.

Lentrée dans le malus seffectue à partir de 138 grammes de CO2 par kilomètre, pour un tarif associé de 50 euros ; son seuil marginal est atteint à 200 grammes de CO2 par kilomètre, pour un tarif associé de 12 500 euros.

c.   Le barème de la TVS est modifié

Le b du 2° du I du présent dispositif modifie en outre, à compter de cette même date, le barème de la taxe sur les véhicules de société.

barème de la tvs entrant en vigueur au plus tard le 1er juillet 2020

(en euros par gramme de dioxyde de carbone)

Émissions WLTP de dioxyde de carbone (en grammes par kilomètre)

Tarif unitaire

Inférieur ou égal à 20

0

Supérieur à 20 et inférieur ou égal à 50

1

Supérieur à 50 et inférieur ou égal à 120

2

Supérieur à 120 et inférieur ou égal à 150

4,5

Supérieur à 150 et inférieur ou égal à 170

6,5

Supérieur à 170 et inférieur ou égal à 190

13

Supérieur à 190 et inférieur ou égal à 230

19,5

Supérieur à 230 et inférieur ou égal à 270

23,5

Supérieur à 270

29

Source : article 1010 du CGI tel qu’issu du présent dispositif.

En augmentant les paliers d’entrée dans les seuils, le dispositif permet de neutraliser laccroissement des valeurs démissions calculées au regard de la nouvelle norme WLTP.

d.   Le barème des charges déductibles et de l’amortissement des véhicules de tourisme est modifié

L’article 39 du CGI, qui permet de calculer les charges déductibles au titre de l’impôt sur le revenu, est modifié à compter de cette même date.

Est exclue du bénéfice de la déductibilité, pour l’établissement de l’impôt, la fraction du prix d’acquisition supérieure à 9 900 euros des véhicules de tourisme dont les émissions sont supérieures à 165 grammes de CO2 au standard WLTP pour ceux acquis avant le 1er janvier 2021 et à 160 grammes de CO2 pour ceux acquis à compter de cette date.

Ce dispositif permet de neutraliser laugmentation des valeurs démissions issues des nouvelles modalités de calcul WLTP.

Le montant du plafond d’acquisition au-delà duquel le prix du véhicule devient non déductible n’est pas modifié pour les véhicules électriques – 30 000 euros – ni pour les véhicules hybrides rechargeables –  à 20 300 euros.

3.   Au 1er janvier 2021 : une simplification du cadre fiscal touchant les véhicules à moteur

Le présent article prévoit une simplification du cadre fiscal applicable aux véhicules à moteur, en procédant à la refonte de six taxes à compter du 1er janvier 2021.

a.   La taxe de gestion et la taxe régionale sont fusionnées

Le dispositif du présent article fusionne la taxe régionale des articles 1599 quindecies et suivants du CGI et le droit fixe dû lors de la délivrance du certificat d’immatriculation, de l’article 1628-0 bis du CGI.

Le tarif de la taxe de gestion est augmenté de 4 à 11 euros.

Selon les dispositions de l’article 1599 quindecies du CGI tel qu’issu du L du présent article, le surcroît de recettes associé – 7 euros – est affecté à la région d’immatriculation afin de compenser la perte de la taxe régionale fixe. La somme de 4 euros demeure affectée à l’ANTS.

b.   Les quatre malus sont fusionnés

Le présent article supprime, au 1er janvier 2021, les articles 1010 bis, 1010 ter, 1011 bis et 1011 ter du CGI.

Ils sont fusionnés dans un nouvel article 1012 ter du CGI prévu au J du présent dispositif.

Le barème de ce malus ne sera formalisé que dans le projet de loi de finances pour 2021, afin d’être adapté, selon l’exposé des motifs du présent article « aux évolutions du parc de véhicules neufs en 2020 ».

c.   Le barème de la taxe professionnelle sur les véhicules de transport de marchandises est modifié

Le N du présent dispositif modifie l’article 1635 bis M du CGI. Cette taxe affectée aux actions de formation des transporteurs routiers devient une majoration au titre de toute délivrance de certificat d’immatriculation de l’article 1011 du CGI tel qu’issu du présent article. Son montant, dont la loi fixe un corridor de tarifs qui ne diffère pas substantiellement des tarifs actuels (v. supra), devra être fixé par arrêté du ministre du budget.

Montant de la taxe affectée à l’association pour le développement de la formation professionnelle dans les transports

(en euros)

Désignation

Montant minimum

Montant maximum

Véhicules automobiles de marchandises dont le PTAC* est inférieur ou égal à 3,5 tonnes

30

38

Véhicules automobiles de marchandises dont le PTAC* est supérieur à 3,5 tonnes et inférieur à 6 tonnes

125

135

Véhicules automobiles de marchandises dont le PTAC* est supérieur à 6 tonnes et inférieur à 11 tonnes

180

200

Véhicules automobiles de marchandises dont le PTAC* est supérieur ou égal à 11 tonnes, tracteurs routiers et véhicules de transport en commun de personnes

280

305

(*) PTAC : poids total autorisé en charge.

B.   L’impact BudgÉtaire et Économique

1.   Un impact budgétaire limité au durcissement du malus

En 2018, les recettes du malus automobile de l’article 1011 bis du CGI se sont élevées à 558,9 millions d’euros, contre une prévision de 388 millions d’euros en loi de finances initiale. Cette évolution s’explique notamment par la hausse des ventes de véhicules neufs sur le segment des « SUV », dont les taux d’émission sont globalement plus élevés que la moyenne.

La prévision pour l’année 2020 est établie, pour le malus, à 686 millions d’euros par le présent projet de loi, dont 141 millions d’euros issus des mesures de durcissement du dispositif prévues par le présent article.

Le surcroît de recettes doit abonder le budget général, le présent projet de loi supprimant, en 2020, le Compte d’affectation spéciale (CAS) Aide à lacquisition des véhicules propres, qui réalise actuellement l’affectation des recettes du malus de l’article 1011 bis du CGI aux dépenses afférentes au bonus et à la prime à la conversion.

Pour les régions, la compensation de la perte du tarif fixe de la taxe qui leur est affectée – évaluée à 71 millions d’euros – s’appuierait sur l’affectation à celles-ci de l’augmentation de 7 euros par immatriculation de la taxe de gestion pour les immatriculations, dont les 4 premiers euros demeurent affectés à l’ANTS.

2.   Un impact économique potentiel

Le durcissement du malus au 1er janvier 2020, puis le basculement d’une norme de calcul d’émissions à une autre, portent des enjeux considérables pour les constructeurs automobiles. Ces enjeux sont à mettre en perspective avec les objectifs européens contraignants en matière de parc automobile neuf (V. supra).

Le présent article, notamment justifié par la neutralisation du changement de norme, peut potentiellement avoir des effets de transfert pour les choix d’achats des véhicules. Il conviendra de demeurer vigilant à cet égard, s’agissant des enjeux industriels subséquents – quand bien même il importe, via le malus, d’adresser un signal-prix favorable aux faibles émissions polluantes et in fine à l’effort en la matière des constructeurs en matière de recherche et développement.

Aujourd’hui, les véhicules les moins émetteurs sont les motorisations électriques et hybrides rechargeables. En 2018, les motorisations hybrides et électriques s’élèvent à respectivement 4,9 % – 106 343 véhicules – et 1,4 % ‑ 31 059 véhicules – du marché des véhicules particuliers neufs, en France.

Les ventes de véhicules électriques ont progressé de 24,7 % par rapport à 2017. Si la vente de véhicules hybrides progresse également, les hybrides rechargeables ne représentent que 13,66 % du parc hybride neuf vendu, c’est‑à‑dire 14 528 véhicules particuliers en 2018 ([404]).

L’achat des véhicules électriques est soutenu par l’octroi d’un bonus électrique, dont le vecteur normatif est réglementaire ([405]). Le bonus est réservé à l’acquisition de véhicules électriques neufs : il est d’un montant de 27 % du coût d’acquisition, plafonné à 6 000 euros. Les véhicules hybrides rechargeables ne peuvent plus en bénéficier depuis le 1er janvier 2018.

La prime à la conversion s’ajoute également au panel des aides aux ménages ([406]). La prime à la conversion est associée à la mise au rebut d’un vieux véhicule, qui permet de bénéficier jusqu’à 3 000 euros pour l’achat d’un véhicule thermique neuf ou d’occasion, et jusqu’à 5 000 euros pour l’achat d’un véhicule électrique ou hybride rechargeable ([407]).

Si cet article porte un durcissement du malus, il convient également de demeurer vigilant quant aux définitions des conditions d’éligibilité au bonus et à la prime à la conversion, qui, elles aussi, doivent évoluer pour demeurer incitatives.

Ces mesures, de niveau réglementaire, sont propres à accompagner l’évolution de la fiscalité pour les particuliers et, subséquemment, l’atteinte des objectifs européens en matière d’émissions qui pèsent sur les constructeurs français.

*

*     *

La commission examine l’amendement de suppression ICF966 de Mme MarieChristine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je propose de supprimer l’article 18, car il accentue très fortement la trajectoire du malus automobile. Les seuils de déclenchement ont été fortement abaissés : 120 grammes de CO2 en 2018 contre 117 en 2019 et 110 en 2020. Pour un SUV Peugeot 3008 circulant à l’essence, le surcoût du malus sera de 540 euros dès le 1er janvier 2020, contre 85 euros en 2019, ce qui est très difficile à supporter.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement ICF966.

Elle en vient aux amendements ICF1517 et ICF1518 de la commission du développement durable.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur pour avis. Ces amendements visent à faire évoluer le barème d’amortissement des véhicules électriques, afin de renforcer les incitations à leur acquisition.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je donnerai à ces amendements un avis favorable en deuxième partie, car leur adoption en première partie créerait un effet d’aubaine. Je vous demande, dans cette attente, de les retirer.

Les amendements  ICF1517 et ICF1518 sont retirés.

La commission adopte l’amendement rédactionnel ICF1573 du rapporteur général (amendement I2928).

Elle passe aux amendements identiques ICF323 de Mme Lise Magnier, ICF339 de Mme Véronique Louwagie, ICF972 de M. Charles de Courson et ICF1110 de M. Fabien Roussel.

Mme Lise Magnier. Je propose d’aligner le mode de calcul de la taxe sur les véhicules de société (TVS) sur le principe des aides à l’acquisition ou à la location des véhicules peu polluants, concernant les véhicules flexfuel d’origine fonctionnant au superéthanol E85. L’amendement vise à assurer la neutralité technologique, une plus grande cohérence et l’égalité devant l’impôt, puisqu’il harmonise la règle appliquée aux citoyens et aux entreprises.

Mme Véronique Louwagie. Il est important de corriger l’incohérence actuelle et d’appliquer des grilles à peu près identiques pour la TVS et les différentes aides.

M. Fabien Roussel. Je rappelle qu’il existe déjà beaucoup de mesures destinées à verdir la flotte automobile des entreprises. Notre amendement vise à instaurer une mesure d’égalité en étendant l’abattement dont bénéficient les particuliers aux entreprises utilisant des véhicules pourvus d’un moteur flexfuel, c’est-à-dire roulant au superéthanol. Je précise que ce carburant est fabriqué notamment à base de betterave, et que les betteraviers sont en difficulté. Élargir l’abattement aux entreprises permettrait d’agir en faveur du climat, des entreprises et de nos betteraviers.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Le dispositif reviendrait à exonérer totalement de TVS pendant quatre ans un nombre important de véhicules, ce qui aurait un coût considérable qui, de surcroît, serait supporté par la branche famille de la sécurité sociale. Avis défavorable.

M. Fabien Roussel. C’est un argument fallacieux, monsieur Giraud, parce que les cotisations sociales sont faites aussi pour financer la sécurité sociale. Or, vous ne cessez d’en exonérer les entreprises. Vous compensez souvent ces exonérations, mais ce n’est pas toujours le cas. Si nous adoptons cette mesure, la sécurité sociale devra être compensée.

La commission rejette les amendements identiques ICF323, ICF339, ICF972 et ICF1110.

Elle examine ensuite les amendements identiques ICF353 de M. Éric Alauzet et ICF1019 de M. Matthieu Orphelin, qui font l’objet des sous-amendements ICF1592 de M. Matthieu Orphelin et ICF1591 de M. Éric Alauzet, ainsi que les amendements ICF1519 de la commission du développement durable et ICF1202 de Mme Christine Pires Beaune.

Mme Émilie Cariou. J’ai présenté l’amendement I‑CF353 devant la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire – en mon nom propre et non pas au nom du groupe – pour intégrer le poids des véhicules dans le calcul du malus automobile. De fait, si la technologie a fait baisser les émissions de CO2 des véhicules, l’accroissement de leur poids empêche d’atteindre les objectifs fixés.

M. Matthieu Orphelin. Nous souhaitons introduire la composante du poids dans le calcul du bonus-malus. L’amendement I‑CF353 ne le propose que pour le malus, compte tenu des règles du débat budgétaire, mais on pourrait parfaitement imaginer des bonus pour les véhicules les plus légers. Comme l’a montré Joël Giraud dans son rapport, le système actuel n’est pas efficace. On peut s’inspirer de ce qui a été fait en Norvège, par exemple, où a été introduite la composante du poids. À l’heure actuelle, plus de 37 % des véhicules neufs sont des SUV, très lourds. Le critère du CO2 ne permet pas de prendre en compte l’ensemble des externalités. Nous avons prévu des réfactions pour les véhicules électriques et hybrides rechargeables, ainsi qu’au bénéfice des familles nombreuses. Nous souhaitons, de la sorte, adresser un signal clair aux consommateurs. Ce serait tout sauf punitif pour ceux-ci, puisque cela les aiderait à s’orienter vers des véhicules moins lourds, moins consommateurs d’énergie, ce qui leur serait bénéfique d’un point de vue financier. Comme le précise l’exposé des motifs, un certain nombre de véhicules de taille importante seraient exonérés de la composante du poids. Des bonus pourraient être introduits, en parallèle, pour les véhicules les plus légers.

Le sous-amendement I‑CF1592 vise à introduire des exceptions pour les véhicules hybrides rechargeables, afin de tenir compte du poids des batteries, comme nous l’avions fait dans l’amendement concernant les véhicules 100 % électriques.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur pour avis. Je souscris à ce qui a été dit. L’amendement I‑CF1519 vise à exclure complètement les véhicules hybrides rechargeables et électriques du champ de la mesure, par cohérence avec les dispositions adoptées parallèlement en termes de bonus.

Mme Christine Pires Beaune. L’amendement I‑CF1202 va dans le même sens. Je rappelle que ces amendements se fondent aussi sur les conclusions d’une étude récente de France Stratégie, selon laquelle les émissions de CO2 des voitures neuves n’ont quasiment pas baissé depuis vingt ans. Si on a constaté une baisse des émissions liée à l’optimisation des rendements, elle-même permise par l’ergonomie des nouvelles voitures, cette diminution est contrebalancée par une hausse liée au poids. C’est pourquoi nous proposons d’introduire ce deuxième facteur dans le calcul du malus. Il faut avoir conscience que les émissions mesurées en laboratoire ont augmenté en 2017 et en 2018.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Le poids du véhicule est déjà intégré, de fait, dans le malus, car un véhicule plus lourd émet mécaniquement plus de dioxyde de carbone. Avis défavorable.

M. Matthieu Orphelin. J’ai une différence d’analyse avec le rapporteur général. Le critère du CO2 ne permet de prendre en compte la composante du poids qu’à la marge, et ne reflète rien des autres étapes du cycle de vie du véhicule. Plus un véhicule est lourd, plus il faut de matière et d’énergie pour le produire et assurer sa fin de vie. Par nos amendements, nous permettrions d’intégrer d’autres externalités, notamment la place occupée par les véhicules – certains SUV sont de taille, de longueur et de largeur très élevées, ce qui entraîne une emprise plus forte sur l’espace urbain. Aujourd’hui, on est confrontés au développement de l’usage des SUV, en particulier en ville, à laquelle ils sont particulièrement inadaptés. Regardons comment d’autres pays ont pris en considération le poids : la Norvège a obtenu des résultats remarquables. À l’heure actuelle, notre parc de véhicules émet, en moyenne, 110 grammes de CO2 par kilomètre, alors que ce niveau devrait être ramené à 95 grammes d’ici dix-huit mois. On a un vrai saut à accomplir dans la performance énergétique des véhicules vendus, ce qui exige un bonus-malus beaucoup plus efficace qu’il ne l’est aujourd’hui.

Mme Véronique Louwagie. Ces amendements, tout comme les arguments développés, sont intéressants, car ils vous amènent à constater que le dispositif existant en matière de taxe sur les véhicules à moteur – le malus – ne fonctionne pas. Vous l’avez dit et vous l’avez écrit. Je suis un peu surprise que vous le reconnaissiez, madame Cariou, alors que l’article 18 augmente le malus. Il s’agit véritablement d’une fiscalité punitive, puisqu’on augmente la pression fiscale d’un dispositif qui ne marche pas et ne produit pas les effets attendus. Je m’étonne que vous n’ayez pas voté avec nous la suppression de l’article 18.

Mme Bénédicte Peyrol. Je vais modérer le constat de l’inefficacité du barème du bonus-malus. En premier lieu, ce dispositif finance les primes. En deuxième lieu, nous avons voté un nouveau barème l’année dernière. Certes, les émissions – sans se concentrer sur le secteur automobile – n’ont pas diminué au cours des deux dernières années. Néanmoins, ce dispositif envoie un véritable signal prix aux Français, comme me l’ont confirmé des habitants de ma circonscription. On ne peut donc pas dire qu’il est inefficace. Le texte le renforce, pour nous permettre d’atteindre les objectifs de l’Union européenne. Ce nouveau dispositif s’inscrit aussi dans le cadre général de la rénovation des taxes sur les véhicules, afin d’accentuer en amont la fiscalité pesant sur eux. En effet, à l’heure actuelle, la fiscalité est très élevée en aval, sur le consommateur.

M. le président Éric Woerth. Je constate que, avec votre amendement, la Peugeot 3008, qui est une voiture largement vendue, voit son malus, déjà porté à 650 euros par l’article 18, propulsé à 1 500 euros, ce qui constitue un effet économique considérable. Or, l’augmentation du poids répond aussi à des exigences de sécurité, et ne doit pas seulement être analysée en termes de taille des véhicules.

La commission rejette successivement les sous-amendements ICF1592 et ICF1591, puis les amendements ICF353 et ICF1019. Elle rejette ensuite les amendements ICF1519 et ICF1202.

Elle examine, en discussion commune, les amendements identiques ICF943 de M. Jean-René Cazeneuve et ICF1206 de Mme Valérie Rabault, ainsi que l’amendement ICF646 de Mme Sylvia Pinel.

M. Jean-René Cazeneuve. Cet amendement vise à conférer aux régions la possibilité de moduler les tarifs de la taxe sur la carte grise en fonction de la puissance des véhicules, dans un double objectif : favoriser l’environnement et le pouvoir d’achat.

Mme Valérie Rabault. Il faut avoir conscience du fait que, pour un nombre de chevaux fiscaux donné, le coût de la carte grise est identique, qu’on ait un 4x4 ou une Peugeot 208. Si on veut davantage taxer les pollueurs, il faut introduire une progressivité de la taxation. Aussi proposons-nous d’accorder la liberté aux régions d’agir en ce sens. Le principe pollueur payeur doit être appliqué. Monsieur le rapporteur général, ce serait une mesure de justice tant sociale qu’écologique.

M. Michel Castellani. L’amendement I‑CF646, qui répond à la même logique, a pour objet d’établir sur les cartes grises un tarif que les régions pourraient moduler en fonction de la puissance du véhicule. Madame Pinel, qui a déposé cet amendement, donne l’exemple d’une grille possible, en prenant le cas de l’Occitanie.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Le montant de cette taxe applicable au 1er janvier 2021 va être modulé dans les faits : des minorations et des exonérations sont prévues selon l’impact environnemental des véhicules. Je ne suis pas partisan du fait de remettre au centre du jeu la puissance administrative, dont cet article supprime la composante émissions. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements ICF943, ICF1206 ainsi que l’amendement ICF646.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel ICF1572 du rapporteur général (amendement I2929).

Elle passe à l’amendement ICF1520 de la commission du développement durable.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur pour avis. Une pratique consiste à acquérir des véhicules utilitaires, non couverts par le malus, pour les convertir ensuite en véhicules de tourisme, qui continuent à échapper au malus parce que ce n’est pas leur première immatriculation. L’article 18 met fin à cette possibilité d’ici 2021. Le présent amendement est plus ambitieux, puisqu’il propose d’avancer l’échéance au 1er juillet 2020.

M. Joël Giraud, rapporteur général. L’objet de l’amendement est de mettre fin à des pratiques, que vous dénoncez, consistant à frauder en manipulant la destination du véhicule. Je suis très sensible à cet argument mais je voudrais m’assurer que cette mesure ne puisse pas produire d’effets collatéraux, qui donneraient lieu à des situations imprévisibles et injustes. Aussi je vous propose que nous entendions les explications du ministre dans l’hémicycle. Je vous demande donc de retirer cet amendement à l’égard duquel j’aurai un œil bienveillant en séance, si l’on s’assure qu’il n’y a pas d’effets collatéraux.

L’amendement ICF1520 est retiré.

La commission en vient à la discussion commune des amendements ICF1496 de M. Éric Woerth, ICF1188 de Mme Christine Pires Beaune et ICF1222 de Mme Véronique Louwagie.

M. le président Éric Woerth. L’amendement I‑CF1496 a pour objet de maintenir le barème du malus à son niveau actuel. Je note que, chaque année, il y a de bonnes raisons pour l’augmenter…

Mme Véronique Louwagie. Alors que ça ne sert à rien !

M. le président Éric Woerth …et les arbres monteront sans doute jusqu’au ciel. À un moment donné, il faut se demander si on doit interdire à certains véhicules de rouler, car ce n’est plus un problème de montant. J’observe aussi que les normes de rejet de carbone vont augmenter en 2020. Si l’on tient compte de l’augmentation du barème introduite dans le PLF et du changement de normes d’homologation à venir, on s’aperçoit que la majorité des véhicules sera concernée – et non plus la petite minorité de voitures de luxe évoquée dans la presse. Presque tous les véhicules seront frappés par le malus, dont certains parmi les plus sobres en termes de consommation de carburant. Le système atteint ses limites, ce qui justifie ma proposition de maintenir le barème actuel.

M. Jean-Louis Bricout. Nous proposons un doublement du malus à partir du seuil de la consommation en CO2 des SUV et des véhicules tout-terrain qui, comme le disait notre collègue Orphelin, sont parfaitement inadaptés à la circulation en ville. Nous entendons modifier les comportements d’achat, pour que les gens acquièrent des voitures adaptées à leurs besoins. L’objectif final est de se procurer des ressources supplémentaires pour favoriser, par la suite, la baisse du prix des carburants.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement I‑CF1222 vous propose de conserver le barème actuel. J’ajouterai aux arguments que vous avez développés, monsieur le président, que le dispositif du malus automobile, dans sa forme actuelle, ne fonctionne pas. Comme cela a été dit, le récent rapport de France Stratégie indique que les « émissions de CO2 des voitures neuves, en conditions de conduite réelle, n’ont quasiment pas baissé depuis vingt ans ». Pourquoi alourdir un dispositif fiscal, présenté comme un objectif de transition écologique, qui ne marche pas ?

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je vois dans le fait que les propositions avancées par des amendements sont parfaitement contraires la preuve sans doute que l’article est équilibré. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements ICF1496, ICF118 et ICF1222.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements ICF347 et ICF351 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. L’article 18 introduit deux barèmes de malus pour l’année 2020 : le premier sera applicable dès le 1er janvier 2020 ; le second le sera au 1er juillet. Cela fait beaucoup pour une filière qui a déjà connu des évolutions notables au cours des dernières années. L’amendement I‑CF347 vise à reporter cette modification au 1er janvier 2021, pour tenir compte du fait qu’une nouvelle norme s’appliquera en 2020 – une modification en cours d’année étant source de difficultés. L’amendement I‑CF351 est un amendement de repli qui vise à ce que la modification intervienne à une date fixée par décret, non pas au plus tard le 1er juillet 2020, comme prévu par le texte, mais au 1er juillet 2020.

M. Joël Giraud, rapporteur général. J’émets un avis défavorable, mais il faudra demander au ministre quelle est la justification – que je présume d’ordre technique – de la double date.

La commission rejette successivement les amendements ICF347 et ICF351.

Elle passe à la discussion commune des amendements ICF341 et ICF343 de M. François-Michel Lambert.

M. Michel Castellani. Ces amendements répondent à la même logique et visent à intégrer au calcul du malus le poids des voitures. On constate en effet une réorientation des ventes vers des véhicules de plus en plus lourds, avec toutes les conséquences que cela peut avoir sur le plan environnemental. Il s’agit d’inciter les consommateurs à acquérir des voitures plus légères.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Nous venons de traiter le sujet. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements ICF341 et ICF343.

Elle adopte l’article 18 modifié.

*

*     *

Après l’article 18

La commission examine, en discussion commune, les amendements ICF68 et ICF69 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Ces amendements concernent les véhicules de collection, qui sont assujettis à la taxe spéciale sur certains véhicules routiers (TSVR) – laquelle a fait l’objet d’une modification. En règle générale, les détenteurs de véhicules de collection ne les sortent pas souvent, parfois uniquement pour se rendre à des manifestations culturelles ou patriotiques. Ils n’en sont pas moins taxés. Aussi je vous propose, par l’amendement I‑CF68, d’exonérer de la taxe spéciale ces personnes passionnées, qui agissent dans l’intérêt général. L’amendement I‑CF69 prévoit, à titre de repli, un tarif journalier minoré.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Il existe déjà des dispositions en ce sens, madame Louwagie, notamment une exonération des véhicules de collection de la TSVR. Je pense que vous avez fait une petite confusion, parce que le dispositif de l’amendement évoque des camions dont la mise en circulation remonte à plus de dix ans, ce qui ne désigne pas nécessairement des véhicules de collection – je connais beaucoup de PME qui ont des véhicules de ce type. Avis défavorable.

Mme Véronique Louwagie. J’évoquais les véhicules de collection du patrimoine militaire. Je retire les amendements afin de les retravailler.

Les amendements ICF68 et ICF69 sont retirés.

La commission passe à l’amendement ICF340 de M. François-Michel Lambert.

M. Michel Castellani. L’amendement vise à prendre en compte le poids du véhicule pour l’attribution du bonus.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Avis défavorable. Je vous rappelle que l’article 33 supprime au 1er janvier 2020 le compte d’affectation spéciale que vous citez. Votre proposition est donc caduque.

La commission rejette l’amendement ICF340.

Elle en vient à l’amendement ICF1521 de la commission du développement durable.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à rendre éligibles les frais d’acquisition et d’installation des boîtiers flexfuel sur les véhicules fonctionnant à l’essence au titre du régime des frais réels déductibles de l’impôt sur le revenu.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement ICF1521.

Elle examine ensuite l’amendement ICF610 de M. Éric Coquerel.

Mme Sabine Rubin. On ne touche pas au malus, mais on propose de taxer les publicités assurant la promotion de véhicules individuels émettant plus de 110 grammes de CO2 au kilomètre, soit les voitures concernées par le barème du malus automobile applicable à compter de 2020. Je rappelle que le niveau moyen des émissions de CO2 des voitures neuves vendues en 2018 dans l’Union européenne est en hausse. En taxant tout ce qui peut favoriser l’imaginaire autour de ces véhicules, nous espérons décourager les gens d’en faire l’acquisition.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement ICF610.

Elle se saisit de l’amendement ICF1190 de Mme Christine Pires Beaune.

M. Jean-Louis Bricout. Cet amendement a également pour objet de taxer la publicité qui vante les mérites des véhicules les plus polluants. Sans détailler les dépenses éligibles, je me contenterai d’indiquer que nous avons fixé le seuil de taxation à 95 grammes de CO2 par kilomètre, qui correspond à l’objectif européen pour le parc des véhicules disponibles à partir de 2020. Là encore, il s’agit d’employer, le plus en amont possible, tous les outils disponibles pour modifier les comportements d’achat.

M. Joël Giraud, rapporteur général. L’avis est d’autant plus défavorable que le seuil que vous retenez conduirait à inclure la quasi-totalité des véhicules.

M. le président Éric Woerth. C’est le même argument que celui que j’employais tout à l’heure à propos des malus. On arrive progressivement à couvrir près de 80 % des véhicules neufs vendus. Il y a là une réelle difficulté.

La commission rejette l’amendement ICF1190.

Elle passe à la discussion commune des amendements ICF349 et ICF348 de M. François-Michel Lambert.

M. François Pupponi. Ces amendements n’ont pas pour objet de taxer les pollueurs mais les donneurs d’ordres de la pollution – non pas les transporteurs mais ceux qui leur donnent des instructions –, pour les obliger à employer des modes de transport plus écologiques.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je ne suis pas sûr de la conformité de vos propositions au droit européen. De surcroît, cela me paraît difficile à contrôler, ce qui est de nature à favoriser la fraude.

La commission rejette successivement les amendements ICF349 et ICF348.

Elle examine, en discussion commune, les amendements identiques ICF24 de M. Vincent Descoeur et ICF723 de M. Gilles Lurton, ainsi que l’amendement ICF76 de M. Fabrice Brun.

M. Vincent Descoeur. L’amendement I‑CF24 a pour objet d’apporter une réponse concrète à ceux qui n’ont pas d’autre choix que d’utiliser leur véhicule pour se rendre au travail.

M. Fabrice Brun. Nous avions déjà débattu en séance, à l’initiative de notre collègue Guillaume Peltier, de cette disposition. Ce sera donc un baroud d’honneur pour cette mesure concrète en faveur du pouvoir d’achat et de la mobilité des Français qui n’ont pas d’autre choix que d’utiliser leur voiture au quotidien.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Défavorable. Cela aurait surtout pour effet de réduire le versement transport au moment où on a tant besoin de financements pour les mobilités.

La commission rejette successivement les amendements ICF24, ICF723 et ICF76.

*

*     *

 


Article 19
Diminution du remboursement de TICPE applicable au secteur
du transport routier de marchandises

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article est destiné à réduire l’amplitude du régime dérogatoire de taxation à la TICPE du gazole utilisé par certains transporteurs routiers de marchandises.

L’augmentation du tarif applicable à ce public serait de 2 euros par hectolitre, c’est‑à‑dire 2 centimes par litre, soit un passage de 43,19 centimes d’euro par litre à 45,19 centimes d’euro par litre.

Le transport routier de marchandises, qui contribue aux émissions polluantes sur le territoire national, a été protégé, via ce mécanisme de remboursement, de la hausse de la trajectoire carbone mise en œuvre jusqu’en 2018 : il s’acquitte d’un taux de TICPE sur le gazole inférieur de 16,21 centimes d’euro par litre au tarif de droit commun.

En plus d’être en contrariété avec les engagements environnementaux de la France, ce mécanisme possède un coût budgétaire croissant : la dépense fiscale est supérieure à 1 milliard d’euros en 2018 ; elle a plus que doublée depuis 2016.

La légère hausse de fiscalité proposée par le présent article – qui maintiendrait au demeurant une situation encore nettement dérogatoire par rapport au droit commun – doit permettre de flécher 140 millions d’euros supplémentaires, annuellement, à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF).

Dernières modifications législatives intervenues

Ce tarif dérogatoire a été introduit par l’article 26 de la loi n° 98-1266 du 30 décembre 1999 de finances pour 1999. Son niveau était alors de 39,19 centimes d’euro par litre.

L’unique modification a été réalisée par l’article 36 de la loi n° 2014-1654 du
29 décembre 2014 de finances pour 2015. Le tarif dérogatoire a alors été augmenté à son niveau actuel, de 43,19 centimes d’euro par litre.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   le remboursement d’une fraction de ticpe applicable au secteur du transport routier de marchandises

A.   une fiscalité dérogatoire née pour préserver la compétitivité du transport routier de marchandises

1.   L’application de la TICPE aux usages de carburant

Les taxes intérieures de consommation (TIC) sont des droits d’accises sur les produits énergétiques qui consistent à appliquer un tarif aux quantités de produits énergétiques mises à la consommation. La première d’entre elles par son montant, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), constitue aussi l’imposition principale des carburants tels que le gazole ou les essences.

La TICPE s’applique aux quantités de produits pétroliers ou assimilés lorsqu’ils sont destinés à être utilisés comme carburants pour moteur ou combustibles de chauffage. Son recouvrement auprès des compagnies pétrolières et des distributeurs est confié à la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI). Elle est exigible dès la mise à la consommation des produits, conformément à la directive relative au régime général d’accise ([408]), et couvre tant les importations que la fabrication de produits pétroliers. Pour les produits déjà mis à la consommation dans un autre État membre de l’Union européenne, la taxe est exigible lors de leur réception en France. Le barème de la taxe est fixé aux tableaux B et C du 1 de l’article 265 du code des douanes, qui détaillent le niveau du tarif appliqué pour chaque produit pétrolier concerné.

principaux tarifs de ticpe

(en euros par hectolitre)

Produit

Indice

Unité

Tarifs 2019

Supercarburant (SP 95-E 5 et SP 98)

11

hl

68,29

Supercarburant (SP 95-E 10)

11 ter

hl

66,29

Gazole (diesel)

22

hl

59,40

Gazole non routier (GNR)

20

Hl

18,82

Propane et butane (GPL)

30 ter et 31 ter

100 kg

33,13

Gaz naturel carburant (GNV)

36

100 m3

5,80

Source : article 265 du code des douanes.

Les tarifs de la TICPE incluent une composante fixe et, depuis la loi de finances pour 2014 ([409]), une composante carbone dite « contribution climat‑énergie » (CCE) ou « taxe carbone ». La composante carbone, qui ne prend ni la forme d’une taxe séparée, ni d’une composante identifiable au sein de chaque tarif de TIC, est destinée à favoriser la lutte contre le réchauffement climatique en limitant les émissions de dioxyde de carbone dans l’atmosphère. Elle est calculée, pour chaque produit, en fonction du contenu carbone standardisé émis lors de l’utilisation d’un produit énergétique et de la valeur de la tonne de carbone.

La TICPE est plus favorable au gazole routier qu’à l’essence, puisque le tarif applicable en 2019 au gazole est de 59,40 centimes d’euro par litre tandis que celui applicable à l’essence SP 95 est de 68,29 centimes d’euro par litre. En outre, le gazole non routier obéit à des tarifs spécifiques, que le présent projet de loi tend à modifier par ailleurs.

2.   Les transporteurs routiers de marchandises peuvent bénéficier d’un remboursement d’une fraction de la TICPE payée pour les usages professionnels du gazole

a.   Le taux de remboursement

En application de l’article 265 septies du code des douanes, les transporteurs routiers peuvent bénéficier, sur demande de leur part, d’un remboursement partiel de TICPE sur la base de leurs consommations totales de gazole.

Ce tarif réduit est permis par l’article 7 de la directive restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité ([410]). Selon cette directive, les véhicules visés doivent avoir un poids total autorisé en charge (PTAC) égal ou supérieur à 7,5 tonnes. Ce tarif réduit ne peut être inférieur à celui en vigueur au 1er janvier 2003 soit, dans le cas de la France, 39,19 centimes d’euro par litre.

De l’introduction de ce tarif ([411]) au 1er janvier 1999, à la date du 31 décembre 2014, ce tarif est resté inchangé au minimum autorisé, soit 39,19 centimes d’euro par litre.

Au cours de la discussion de loi de finances pour 2015 et pour tenir compte de lannonce par le Gouvernement de la suspension sine die du péage de transit poids lourds qui devait contribuer au financement de lAgence de financement des infrastructures de transport en France (AFITF), il a été décidé, en première lecture à lAssemblée nationale, daugmenter de 4 centimes deuro par litre de gazole le tarif préférentiel dont bénéficient les entreprises de transport routier, pour les carburants acquis par leurs véhicules de plus de 7,5 tonnes ([412]).

Ainsi, les taux de remboursement sont égaux, au choix de l’entreprise :

– soit à la différence entre le tarif de TIC en vigueur dans la région d’achat du carburant pour la période considérée et le taux du gazole professionnel fixé à 43,19 centimes d’euros par litre ;

– soit en appliquant au volume de gazole, acquis dans au moins 3 régions, un taux forfaitaire de remboursement calculé en pondérant les différents taux régionaux par les volumes de gazole respectivement mis à la consommation dans chaque région.

taux par région de remboursement d’une fraction de ticpe sur le gazole utilisé par les transporteurs routiers de marchandises

(en euros par hectolitre)

Région

Taux de remboursement

Auvergne-Rhône-Alpes

17,29

Bourgogne-France-Comté

17,56

Bretagne

17,56

Centre-Val de Loire

17,56

Corse

16,21

Grand Est

17,56

Hauts-de-France

17,56

Île-de-France

19,45

Normandie

17,56

Nouvelle-Aquitaine

17,56

Occitanie

17,56

Pays de la Loire

17,56

Provence-Alpes-Côte-d’Azur

17,56

Taux forfaitaire pondéré

17,71

Source : circulaire du 6 mars 2019 prise sur le fondement de l’article 265 septies du code des douanes.

b.   Seuls certains véhicules ouvrent droit au remboursement

Seuls certains véhicules ouvrent droit au remboursement prévu à l’article 265 septies du code des douanes.

Ainsi, sont visés les véhicules routiers de plus de 7,5 tonnes, équipés pour le transport de marchandises, c’est-à-dire munis d’une benne, d’une citerne, d’un plateau ou d’éléments de fixation d’un conteneur.

Sont également concernés les camions et semi-remorques des forains, les camions utilisés par les auto-écoles, les camions bétonnières, les camions de déménagement, les bennes à ordures, les bétaillères, les porte-bateaux, les véhicules transportant les gravats sur les chantiers, les balayeuses et les véhicules utilisés par les transporteurs de fonds, notamment.

c.   Les conditions du remboursement

Le remboursement est accordé selon les conditions suivantes :

– l’entreprise est établie en France ou dans un État de l’Union européenne (UE) ;

– les véhicules doivent être immatriculés dans l’UE ;

– la demande concerne un achat de gazole réalisé et facturé en France (ou acquis dans l’UE sous conditions après paiement de la TICPE en France), même si le transport a lieu hors de France ;

– l’entreprise peut être de droit privé ou public, mais est soumise au droit commercial (compris donc les activités de service public à caractère industriel et commercial) ;

– le gazole acquis doit avoir été soumis à la TICPE, ce qui exclut celui acheté dans les départements doutre-mer où la TICPE n’est pas applicable.

Le demandeur du remboursement doit être :

– soit propriétaire du véhicule au dernier jour du semestre, période pour laquelle le remboursement est demandé : son nom ou sa raison sociale doit figurer sur le certificat d’immatriculation du véhicule ;

– soit titulaire d’un contrat de crédit-bail ;

– soit titulaire d’un contrat de location de plus de 2 ans (sauf si l’exploitation du véhicule a cessé au cours du semestre).

Le locataire, titulaire d’un contrat de crédit-bail ou d’un contrat de location, est prioritaire sur le propriétaire pour demander le remboursement, à condition qu’il joigne une copie du contrat à sa demande de remboursement.

Les entreprises locataires d’un véhicule avec un contrat de moins de 2 ans ne peuvent pas demander le remboursement, mais il est constaté et toléré que le propriétaire demande, en son nom, le remboursement pour le reverser ensuite au locataire selon des conditions dont ils conviennent entre eux. Dans ce cas, le propriétaire est seul responsable de la demande de remboursement.

B.   une dépense fiscale dont l’existence est de plus en plus complexe à justifier

1.   Le transport routier de marchandises contribue substantiellement aux émissions polluantes sur le territoire national

En octobre 2013, l’Organisation mondiale de la santé a classé la pollution de l’air extérieur comme cancérigène certain pour l’homme. Les polluants atmosphériques, et en particulier les particules, constituent un enjeu sanitaire majeur : l’exposition à la pollution de l’air contribue au développement de maladies chroniques telles que les maladies cardiovasculaires, respiratoires ou neurologiques, sans oublier les cancers.

En France, il est estimé que l’exposition aux seules particules fines est à l’origine de 48 000 décès prématurés chaque année ([413]). Le coût économique de la pollution de l’air est, lui, estimé entre 20 et 30 milliards d’euros chaque année, dont près de 2 milliards d’euros directement supportés par le système de soin ([414]).

Or, le trafic routier est à l’origine de l’émission de nombreux polluants de l’air : il constitue en particulier l’un des principaux émetteurs de particules et d’oxydes d’azotes – NOx –, particulièrement présents dans le diesel.

Contrairement aux particules primaires, qui sont émises à l’échappement des véhicules, les particules secondaires ultrafines se forment dans l’air extérieur, à partir de gaz précurseurs émis à l’échappement des véhicules.

Les principaux gaz précurseurs sont les oxydes d’azote (NOx), qui contribuent à la formation de nitrate d’ammonium particulaire, et les composés organiques volatils (COV, dont les hydrocarbures imbrûlés - HC) et semi-volatils (COSV), qui sont à l’origine de la formation d’aérosols organiques secondaires (AOS). Parce qu’elles se forment après l’échappement des véhicules, ces particules secondaires ne sont pas filtrables au niveau du véhicule. Il est donc nécessaire de réduire les émissions de gaz précurseurs, ce qui demeure encore aujourd’hui un défi technique.

Les particules primaires issues des transports routiers sont principalement émises par les moteurs diesel non équipés de filtres à particules.

Le secteur des transports routiers a représenté, en 2015, 33 % de la consommation d’énergie finale en France, contre 29 % en 1990. Si les voitures représentent 61 % de ces émissions routières, 34 % des émissions sont le fait des véhicules utilitaires légers et des camions ([415]).

Ainsi, le renouvellement des flottes de poids-lourds est fondamental afin de lutter contre cette pollution de l’air. Si les seuils réglementaires Euro IV, V, puis VI, en vigueur respectivement depuis 2006, 2009 et 2014, ont déjà contribué à ce renouvellement, il importe de chercher à l’amplifier.

C’est d’ailleurs dans cette optique que la loi de finances pour 2019 ([416]) a modifié l’article 39 decies A du code général des impôts (CGI) afin de rendre éligibles au sur-amortissement de 40 % du prix d’achat d’un véhicule utilitaire léger ou d’un poids-lourd, les véhicules fonctionnant à l’énergie électrique et à l’hydrogène, en plus de ceux fonctionnant au carburant ED95 ([417]) , au gaz naturel et au biométhane.

Le renouvellement des stocks doit s’accompagner d’une évolution des usages – conduite souple, entretien du véhicule et notamment du filtre à air, réduction de la vitesse. La fiscalité dérogatoire touchant le gazole utilisé par les transporteurs routiers de marchandises doit également être aménagée.

2.   Un taux de TICPE de plus en plus dérogatoire et de moins en moins justifié

Longtemps, la différence de TICPE payée par les transporteurs routiers sur le gazole utilisé par leurs flottes de poids-lourds et celle notamment payée par les particuliers a été faible.

Ainsi, elle était de 0,29 centime d’euro entre 2000 et 2003, avant de se stabiliser à 3,65 centimes d’euro par litre entre 2007 et 2014.

Cette différence est désormais de 16,21 centimes deuro par litre en 2019, sans même prendre en compte les majorations régionales de TICPE, qui l’accroissent. La variation de la différence de taux de TICPE entre particuliers et transporteurs routiers, utilisant tous deux le même carburant, a donc été multipliée par 56 en 20 ans.

En effet, le principe d’un remboursement de différentiel par rapport à un taux dérogatoire a protégé les transporteurs routiers de marchandises de l’ensemble des hausses de la trajectoire carbone ; la seule manière de faire évoluer la fiscalité qu’ils supportent est de modifier ce référentiel dérogatoire, ce qui n’a pas été fait depuis le 1er janvier 2015.

taux de ticpe portant sur le gazole routier

(en euros par hectolitre)

Année

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Gazole de l’indice 22 du tableau 1 du B de l’article 265 du code des douanes

42,84

46,82

49,81

53,07

59,40

59,40

Gazole utilisé par les transporteurs routiers qui bénéficient du taux réduit de l’article 265 septies du code des douanes

39,19

43,19

43,19

43,19

43,19

43,19

(*) Le taux de TICPE sur le gazole est donné expurgé des majorations régionales.

Source : commission des finances.

Or, il n’apparaît pas cohérent qu’une dépense fiscale favorise à ce point un secteur à l’origine d’environ 24 % des émissions de gaz à effet de serre réalisées sur le territoire national par le transport routier ([418]).

Comme souligné par l’exposé des motifs du présent article, « le maintien dun niveau de fiscalité plus bas que le niveau normal est susceptible de constituer un frein au développement de motorisations alternatives au gazole et au renforcement de la complémentarité avec des modes de transport de fret alternatifs à la route. »

Ainsi, à l’issue du conseil de défense écologique du 9 juillet 2019, il a été annoncé que le remboursement partiel dont bénéficient les transporteurs routiers de marchandises sur le gazole serait réduit de 2 centimes par litre. Cette mesure va dans le sens des réflexions menées, de longue date, sur la participation du transport routier de marchandises au financement des infrastructures qu’il emprunte, et notamment du réseau routier non concédé.

Cette évolution législative nest pas linstitution dune nouvelle taxe mais la réduction dune niche fiscale existante, de surcroît défavorable à lenvironnement.

Comme le soulignait la Cour des comptes dans son rapport sur l’évaluation de l’efficience des dépenses fiscales relatives au développement durable, « la plupart des dépenses fiscales défavorables au développement durable voient leur existence perdurer, notamment les nombreuses exonérations accordées pour soutenir certains secteurs (agriculture, BTP, transport routier, taxis, pêche, etc.), dont les difficultés économiques ne sont pas forcément liées au prix des carburants, mais qui voient le prix des carburants utilisé pour tenter de les compenser. Il en est ainsi notamment […] du remboursement partiel de TICPE pour le transport routier de marchandise, pour un coût de 375 M€ en 2015. » ([419])

Enfin, même si laspect budgétaire est ici résiduel, il apparaît impératif de souligner que le coût de cette dépense fiscale sest très largement accru dans les années récentes. En effet, du fait de l’accroissement de la trajectoire carbone dont les transporteurs routiers de marchandises ont été protégés s’agissant du gazole, le montant du différentiel remboursé par l’État s’est, mécaniquement, accru.

Cette augmentation du coût de la dépense fiscale pour le budget de l’État est très nette, comme l’illustre le tableau suivant.

coût de la dépense fiscale portant sur le remboursement partiel de gazole utilisé par certains transporteurs routiers de marchandises

(en millions d’euros)

Année

2015

2016

2017

2018

Coût de la dépense fiscale n° 800403

332

425

645

1 098

Source : commission des finances à partir des lois de règlements du budget et d’approbations des comptes.

Ainsi, sur les 4 derniers exercices budgétaires, le coût de cette
« niche fiscale » a été plus que triplé.

II.   une reduction du niveau de remboursement

A.   Une augmentation de ticpe de 2 centimes par litre de gazole

Le présent article modifierait l’article 265 septies du code des douanes et remplacerait le tarif de 43,19 euros par hectolitre par celui de 45,19 euros par hectolitre, soit une augmentation de TICPE s’élevant à 2 centimes d’euro par litre de gazole utilisé par les véhicules possédant un PTAC supérieur à 7,5 tonnes dans le secteur du transport routier de marchandises.

B.   un impact modeste à tous points de vue

1.   Une légère hausse de fiscalité pour le secteur du transport routier de marchandises

a.   Une légère hausse de fiscalité

En 2018, la consommation totale de gazole des véhicules lourd s’est élevée à 11,47 millions de mètres cubes, dont 7,07 millions de mètres cubes pour les transporteurs français et 3,4 millions de mètres cubes pour les transporteurs étrangers.

Il convient de souligner que la catégorie des « véhicules lourds » recouvre les véhicules dont le PTAC est supérieur à 3,5 tonnes. Or, le remboursement partiel ne vise que les véhicules dont le PTAC est supérieur à 7,5 tonnes.

Comme les véhicules de transports qui possèdent un PTAC compris entre 3,5 tonnes et 7,5 tonnes et empruntant le réseau national sont très majoritairement français – les transporteurs étrangers utilisant en France des camions relativement plus lourds – il apparaît logique d’anticiper que les transporteurs français vont être impactés à un degré relativement moindre que leurs concurrents étrangers.

De fait, environ 1/3 de la hausse du tarif devrait être supportée par les transporteurs étrangers, les 40 000 entreprises françaises du secteur en assumant les 2/3 restants – alors que les entreprises françaises consomment un ratio supérieur à 70 % du gazole utilisé pour le transport routier professionnel.

b.   Mais qui n’obère pas la compétitivité du secteur

Cette diminution de l’avantage fiscal de 2 centimes d’euro par litre de gazole apparaît tout à fait modérée, eu égard à la hausse globale de la trajectoire carbone dans les années récentes que le secteur concerné n’a pas subie.

En outre ce léger accroissement de TICPE va impacter les poids-lourds étrangers appartenant aux sociétés installées dans l’Union européenne.

S’il serait intéressant de connaître le taux de non-recours au mécanisme de remboursement partiel de la part des sociétés de transport européennes, il est en revanche certain que les poids-lourds immatriculés hors de l’Union continueront de s’acquitter du plein tarif de TICPE portant sur le diesel : ils ne sont pas éligibles à un quelconque remboursement.

Le tableau suivant retrace ces éléments.

niveau de TICPE sur le gazole pesant sur certains transporteurs routiers de marchandises

(en centimes d’euro par litre)

Année

Recours au mécanisme de larticle 265 septies du code des douanes

2019

2020

Transporteur français et camion immatriculé en France

Possible, sur demande

43,19

45,19

Transporteurs dont le siège social est dans l’UE et dont le camion est immatriculé au sein l’UE

Possible, sur demande

43,19 (ou 59,40)*

45,19 (ou 59,40)*

Transporteur dont le siège social est hors UE ou dont le camion n’est pas immatriculé au sein de l’UE

Impossible

59,40

59,40

* en l’absence de demande formulée depuis un pays membre de l’UE.

Source : article 265 septies du code des douanes et présent article.

En outre, s’il reste possible pour les véhicules étrangers, pouvant pratiquer certains trajets limitrophes, de limiter les achats de carburant en France, il apparaît que la hausse de fiscalité prévue par le présent article n’est pas de nature à singulariser substantiellement plus qu’aujourd’hui le niveau de fiscalité français en la matière, comme le montre le tableau suivant.

taxation du gazole destiné aux transporteurs routiers dans les pays proches

(en centimes d’euro par litre)

Pays

Allemagne

Belgique

Espagne

Italie

Luxembourg

Pays-Bas

Tarif de la taxe

47,04

35,26

33,00

40,32

35,8

49,78

Source : évaluation préalable du présent article.

2.   Un léger accroissement des ressources de l’AFITF

Le rendement budgétaire de la mesure, évalué par les documents budgétaires à 70 millions d’euros en 2020, puis 140 millions d’euros en 2021, serait affecté à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF).

En 2019, l’AFITF doit percevoir 1 205 millions d’euros de TICPE (au sein d’un montant global de recettes de 2 478 millions d’euros).

Si la somme correspondant à la mise en œuvre du présent article est modeste, elle constitue un apport à saluer pour le financement des infrastructures de transport françaises, qui sont empruntées par les sociétés de transport de marchandises.

3.   Un effet incitatif favorable à l’environnement a minima

La réduction de la dépense fiscale portée par le présent article, qui touche au gazole consommé par certains transporteurs routiers de marchandises, est de nature à améliorer la performance environnementale du secteur.

L’existence d’un taux réduit en la matière possède en effet désincitatif à l’adoption de comportements plus vertueux, comme une conduite plus souple, un entretien des véhicules plus approfondi, le choix de véhicules plus performants et, également, un report modal sur des moyens de transport moins émetteurs de CO2, comme les frets ferroviaire et fluvial – le tout via un effet prix classiquement porté par la fiscalité environnementale.

Pour autant, il convient de remarquer que cette évolution législative s’effectue a minima, alors que cet avantage fiscal est identifié comme défavorable à l’environnement par le dernier rapport du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) présenté devant la commission des finances le 18 septembre 2019 par M. Didier Migaud, Président du CPO ([420]). Ce rapport préconise la suppression de cet avantage fiscal, sinon sa réduction de façon drastique.

Au total, la diminution du remboursement prévue par le présent article est loin de compenser la hausse de la dépense fiscale mécaniquement engendrée par la mise en place de la trajectoire carbone entre 2017 et 2018 (+ 453 millions d’euros).

En 2020, la dépense fiscale portant sur le remboursement d’une fraction de TICPE à certains transporteurs routiers de marchandises devrait se maintenir à un montant supérieur à 1 milliard d’euros.

*

*     *

La commission examine les amendements identiques ICF91 de M. Vincent Descoeur, ICF725 de M. Gilles Lurton et ICF969 de Mme MarieChristine Dalloz.

M. Vincent Descoeur. L’amendement vise à supprimer l’article, dans la mesure où la diminution du remboursement partiel de la TICPE pénalisera les TPE et les PME dans les territoires les plus ruraux, là où il n’y a pas d’autre choix que le transport routier de marchandises, ainsi que leurs clients.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Avis défavorable à tous les amendements de suppression, comme je l’ai déjà indiqué.

M. Fabien Di Filippo. Je regrette que l’on mette en difficulté nos entreprises, leurs sous-traitants et l’économie de nos territoires, avant même de pouvoir leur proposer un autre choix satisfaisant. Une fois de plus, on va aggraver la fracture territoriale pour des économies de bouts de chandelle qu’on aurait pu faire ailleurs. (Exclamations.)

Mme Émilie Cariou. Il ne s’agit pas de faire des économies, mais de flécher l’argent vers l’agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF). Il va être réinvesti.

M. Christophe Jerretie. Après la LOM, au mois de juillet, nous avons travaillé sur des dispositifs pour financer l’AFITF, dont l’article 19 fait partie. Il s’agit de financer l’ensemble des infrastructures et non pas du fonctionnement.

M. Fabien Di Filippo. C’était entendu, et ce n’était pas la peine de le réexpliquer ! (Exclamations.) Une fois de plus, on va prendre l’argent aux entreprises qui constituent le tissu économique fragile des territoires périphériques pour financer des infrastructures majoritairement à destination des métropoles. Vous aggravez la fracture territoriale avec de tels dispositifs ! Nous avons le droit de ne pas être d’accord, et vous avez celui de vous mettre à la place d’autres interlocuteurs dans d’autres territoires, sans pousser des cris d’orfraie dès que l’on remet vos raisonnements simplistes en question. (Exclamations.)

M. Fabien Roussel. Ces amendements de suppression visent à aider nos transporteurs routiers, qui doivent faire face à la concurrence déloyale imposée par l’Union européenne. Changez l’Union européenne et la politique française changera !

M. Christophe Jerretie. On ne peut pas laisser dire cela. À un moment, il faut faire des choix et nous en avons fait. L’AFITF est très importante. Les principales problématiques soulevées, dans nos territoires ruraux, par les Gilets jaunes, que vous avez faits, étaient le transport et la santé. Aujourd’hui, nous faisons le pari, à la suite de négociations menées avec les transporteurs routiers de marchandises, de travailler à cette possibilité. Nous verrons bien. L’objectif est de diffuser l’aménagement du territoire en matière de transport. Ce n’est pas de l’argent qui est pris pour faire n’importe quoi ou du fonctionnement – je le redis : c’est pour investir dans le transport. Il ne faut pas avoir deux discours, mais être cohérent. Le transport routier de marchandises est le principal utilisateur des routes.

Mme Anne-Laure Cattelot. Pour coévaluer et contrôler le budget des infrastructures de transport avec Benoit Simian, je peux vous dire que nous atteignons un niveau de régénération des routes inédit depuis dix ans. Monsieur Di Filippo, soyez rassuré sur la place des territoires ruraux : ces régénérations sont menées soit sur le patrimoine national qui était dégradé, soit dans le cadre des contrats de plan État-région (CPER) avec l’accord des régions, qui ont à charge de faire remonter les priorités des élus. Comme vous le savez, certains CPER seront prolongés jusqu’en 2022 pour ce qui est de leur volet mobilité ; d’autres commenceront à cette date. Aussi pourrez-vous influencer les nouvelles priorités de vos territoires.

M. le président Éric Woerth. L’article pose tout de même le problème des transporteurs étrangers, qui ne participent pas au financement même s’ils bénéficient du réseau…

M. Michel Castellani. Une fois de plus, on ne peut pas concevoir le fonctionnement de l’Union européenne sans une convergence des conditions du marché pour toutes les entreprises.

M. Fabien Di Filippo. Si j’admets tout à fait ce que vient de dire madame Cattelot quant au fait qu’il faudra veiller tous ensemble à mieux répartir les infrastructures, je n’accepte pas ce que nous a dit M. Jerretie : « les Gilets jaunes que vous avez faits » ! Mais les Gilets jaunes, c’est l’augmentation des taxes, de la CSG et un certain ras-le-bol fiscal, qui sont de votre fait ! Il n’est plus possible de dire : « Nous verrons bien. » Une fois que nos petites entreprises auront perdu 100 000 ou 200 000 euros et qu’elles auront mis la clé sous la porte, ce sera fini !

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur pour avis. Monsieur Di Filippo, vous ne pouvez pas dire que l’AFITF ne finance des projets que dans les métropoles. Je vous invite à aller sur son site pour voir que ses projets sont avant tout tournés vers nos territoires.

La commission rejette les amendements ICF91, ICF725 et ICF969.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements identiques ICF183 de M. Xavier Roseren et ICF1100 de M. Jean-Paul Dufrègne, ainsi que les amendements ICF1042 de M. Jean-Noël Barrot, ICF246, ICF244 et ICF249 de M. Michel Castellani, ICF599 de Mme Sabine Rubin, ICF250 de M. Michel Castellani et ICF1321 de Mme Lise Magnier.

M. Xavier Roseren. Le projet de loi de finances fait baisser de 2 euros par hectolitre le montant du remboursement partiel de la TICPE pour le transport routier de marchandises. Nous vous proposons d’aller plus loin, en prévoyant une nouvelle baisse de 4 euros, en 2021. L’avantage fiscal favorise les modes de transport les plus émetteurs de gaz à effet de serre et de polluants de l’air. Pour lutter efficacement contre la pollution de l’air, il convient de favoriser les transports plus propres, comme le fret ferroviaire, et de supprimer les avantages fiscaux des modes polluants.

M. Jean-Paul Dufrègne. Chers collègues de droite, d’un côté, vous défendez des traités libéraux qui organisent la concurrence déloyale et le dumping fiscal au sein des pays et pénalisent nos transports routiers et, de l’autre, vous voulez aider nos transporteurs routiers. Votre discours n’est pas cohérent ! Nous, nous nous opposons aux traités qui organisent la concurrence déloyale et ne voulons pas favoriser le tout routier en France. C’est pour cela que nous défendons l’amendement, qui vise à supprimer d’ici à 2021 le cadeau fiscal accordé aux transporteurs routiers.

M. Bruno Duvergé. L’amendement I‑CF1042 propose une trajectoire du dispositif destinée à améliorer à terme la visibilité pour les constructeurs de camions et leurs clients, de sorte qu’ils puissent calculer le coût total d’exploitation, en prenant en compte l’augmentation. Cela favorisera les nouvelles technologies de moteurs au gaz naturel, au biogaz ou au biodiesel et permettra aux clients d’orienter leurs achats vers ces nouveaux types de véhicules.

M. Michel Castellani. Nous préconisons de modifier le code des douanes. Vous savez que la Corse souffre d’un double handicap, en matière de prix et de taux de remboursement par hectolitre de gazole, Nous avons déjà souligné la fragilité des entreprises de transport routier en Corse et l’inégalité des conditions par rapport à leurs homologues continentales. L’amendement I‑CF250 vise à mettre en œuvre progressivement la diminution du remboursement partiel de la TICPE pour les utilisateurs de véhicules de 7,5 tonnes et plus.

Mme Sabine Rubin. Cette niche fiscale, qui bénéficie au transport routier, représente un manque à gagner de 1 137 millions d’euros.

Mme Lise Magnier. L’amendement I‑CF1321 vise également à rendre plus progressive la diminution du remboursement de TICPE applicable au secteur du transport routier de marchandise.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Certains amendements veulent accentuer la trajectoire de diminution du remboursement. Cette niche fiscale étant l’une des plus défavorable à l’environnement, je comprends que l’on puisse déposer de tels amendements – et encore plus quand on habite dans la vallée de l’Arve. Mais tout cela n’a pas été négocié avec le transport routier. C’est pourquoi je vous suggère de retirer vos amendements.

Une autre série d’amendements concerne la Corse. Une partie est satisfaite, monsieur Castellani, mais il me semble qu’il y a pour le reste un problème de rédaction, puisque vous proposez de supprimer la mention « dans chaque région », ce qui rend inapplicable le dispositif. Comme je ne pense pas que ce soit votre volonté, je vous invite à retirer vos amendements.

Quant aux amendements de ceux qui voudraient une trajectoire de diminution plus douce, cela va a contrario de notre objectif.

Avis défavorable pour l’intégralité des amendements.

M. Bruno Duvergé. Monsieur le rapporteur général, j’entends bien que nous devons discuter avec les constructeurs. Il faut le faire, parce qu’ils sont prêts et qu’ils travaillent sur les nouvelles technologies. De la même façon, leurs clients sont prêts. Certains exigent même parfois, dans la grande distribution par exemple, des moyens de transport propres. Le climat actuel est favorable à la négociation. Nous devons avancer dans ce domaine.

L’amendement ICF1042 est retiré.

La commission rejette successivement les amendements ICF183, ICF1100, ICF246, ICF244, ICF249, ICF599, ICF250 et ICF1321.

Puis, suivant l’avis défavorable du rapporteur général, elle rejette l’amendement ICF970 de Mme Marie-Christine Dalloz.

La commission adopte l’article 19 sans modification.

*

*     *

Après l’article 19

La commission examine, en discussion commune, les amendements ICF404 et ICF405 de M. Charles de Courson.

M. François Pupponi. L’amendement I‑CF404 vise à créer une fiscalité adaptée pour le fioul domestique contenant 30 % d’ester méthylique d’acide gras ; l’amendement I‑CF405 pour le fioul domestique en contenant 10 %.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Le tarif que vous proposez est vraiment trop réduit. Par ailleurs, votre dispositif ne tourne pas, parce que vous réintroduisez une trajectoire dans le tableau de l’ensemble des taux de TICPE. Le F10 serait ainsi plus taxé que le fioul lourd traditionnel, ce qui poserait un problème…

Les amendements ICF404 et ICF405 sont retirés.

La commission passe à l’examen de l’amendement ICF403 de M. Charles de Courson.

M. François Pupponi. L’amendement vise à faire bénéficier le bio-GPL du taux de TICPE correspondant à son facteur d’émissions.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Vous avez redéposé un ancien amendement, alors que la trajectoire de la TICPE a été supprimée l’an passé.

L’amendement ICF403 est retiré.

La commission est saisie de l’amendement ICF602 de M. Éric Coquerel.

Mme Sabine Rubin. L’amendement vise à supprimer les niches fiscales accordées aux industries les plus consommatrices d’énergies fossiles. Il y a 1 091 installations très émettrices de gaz à effet de serre qui bénéficient d’un prix carbone de 21 euros par tonne de CO2, grâce au système d’échange des quotas européens, soit un montant bien inférieur à la taxe carbone française, qui est de 44 euros.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Votre proposition est excessive. Elle entraînerait des effets collatéraux pour l’industrie française. Alors que je reproche souvent au Gouvernement de ne pas évaluer certains dispositifs, votre amendement demanderait une étude d’impact approfondie. Je n’y suis pas défavorable sur le fond, mais on ne peut pas adopter des amendements dont l’impact est tel qu’il dépasse largement l’épaisseur du trait.

La commission rejette l’amendement ICF602.

Puis elle examine l’amendement ICF254 de M. Michel Castellani.

M. Michel Castellani. Nous suggérons de modifier le code des douanes, afin de ne pas continuer à subventionner les importations de soja. On sait le désastre écologique que sa culture provoque, en faisant disparaître des millions d’hectares de forêts. Le soja ne peut être considéré comme un biocarburant, dans la mesure où il bouleverse fortement les écosystèmes, la faune, mais aussi les populations d’un certain nombre de pays du sud.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Avis défavorable. Nous serions bons pour une procédure devant la Cour de Justice de l’Union européenne et l’OMC.

La commission rejette l’amendement ICF254.

Elle étudie l’amendement ICF1187 de Mme Christine Pires Beaune.

M. Jean-Louis Bricout. L’amendement vise à soumettre les donneurs d’ordre à une redevance en fonction du volume de CO2 émis pour les transports auxquels ils ont eu recours, selon le principe du pollueur‑payeur. L’objectif est de susciter un report vers le transport plus écoresponsable. La mise en œuvre de cette mesure s’appuiera sur le décret de 2017 relatif à l’information sur la quantité de gaz à effet de serre émise à l’occasion d’une prestation de transport. Cela permettra de réduire l’impact du transport sur le plan écologique, tout en contribuant au financement de l’AFITF, notamment pour le renouvellement et la modernisation des flottes de transport.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Avis défavorable. Votre proposition conduit à une taxation multiple sur la même assiette, ce qui pose un problème constitutionnel.

La commission rejette l’amendement ICF1187.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements ICF1105 de M. Fabien Roussel et ICF1189 de Mme Christine Pires Beaune.

M. Fabien Roussel. L’amendement I‑CF1105 vise à réintroduire une forme d’écotaxe poids lourds, qui permettrait également de faire contribuer les pavillons étrangers et d’abonder le budget de l’AFITF, selon la volonté du Gouvernement.

M. Jean-Louis Bricout. L’amendement I‑CF1189 vise à augmenter la taxe due par les concessionnaires d’autoroutes, pour les poids lourds, de façon à rehausser le prix des péages. La recette de ce dispositif, estimée à 250 millions d’euros, permettrait d’améliorer les infrastructures et de financer le développement du fret ferroviaire. Fixer le montant de la taxe sur une base progressive, en fonction du nombre de kilomètres parcourus, applicable uniquement à partir du cent cinquantième kilomètre, pour ne pas défavoriser les circuits courts, inciterait les transporteurs à diminuer leurs distances et à privilégier d’autres modes de transport, comme le ferroviaire ou le fluvial.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Avis défavorable, même si j’attends, comme vous et comme beaucoup de nos collègues, que la convention citoyenne sur le climat fasse des propositions en la matière. Comme vous le savez, je m’étais mobilisé sur l’écotaxe poids lourds dont le dispositif ne fonctionnait pas et ne tenait compte ni des pavillons étrangers, ni des passages aux frontières.

La commission rejette successivement les amendements ICF1105 et ICF1189.

Puis elle est saisie de l’amendement ICF328 de M. Charles de Courson.

M. François Pupponi. L’amendement vise à introduire une redevance pour les poids lourds.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement ICF328.

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*     *

 

 


Article 20
Hausse de la taxe sur les billets davion au profit de lAgence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF)

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article accroît les tarifs de la taxe de solidarité sur les billets d’avions (TSBA) qui frappe les embarquements de passagers aériens sur le territoire français, à l’exception des collectivités de Saint-Barthélémy et de Saint-Martin.

Subséquemment, il modifie les règles d’affectation de la taxe : le surcroît de tarif proposé serait affecté à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) dans la limite de 230 millions d’euros, sans remettre en cause son affectation originelle au Fonds de solidarité pour le développement (FSD) dans la limite de 210 millions d’euros.

L’augmentation du tarif de la taxe, qui irait de 1,50 euro à 3 euros supplémentaires pour les vols en classe économique et de 9 euros à 18 euros supplémentaires pour les vols en classe affaires, ne serait pas appliquée pour les passagers embarqués à bord des vols effectués sur des liaisons entre la France continentale et la Corse, au départ ou à destination des départements ou des collectivités d’outre-mer ainsi que pour les passagers voyageant sur des liaisons de service public financées par la solidarité nationale.

Dernières modifications législatives intervenues

La taxe de solidarité sur les billets d’avion (TSBA) a été introduite par l’article 22 de la loi n° 2005-1720 du 20 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005. Elle est codifiée au VI de l’article 302 bis K du code général des impôts (CGI).

Elle a été modifiée par les articles 47 et 108 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013 et par l’article 136 de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer.

Le Fonds de solidarité pour le développement (FSD) a été institué par l’article 22 de la loi n° 2005-1720 du 20 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005. La dernière modification de son plafond d’affectation, soit 210 millions d’euros actuellement, a été réalisée par l’article 47 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, modifiant l’article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

 

I.   le produit de la taxe de solidarité sur les billets d’avions est actuellement destiné au fonds de solidarité pour le développement

A.   la taxe de solidarité sur les billets d’avions : une taxe affectée

1.   La taxe de solidarité sur les billets d’avions est une taxe additionnelle à la taxe de l’aviation civile due par les entreprises du secteur aérien public

La taxe de l’aviation civile de l’article 302 bis K du code général des impôts (CGI), instituée par la loi de finances pour 1999 ([421]), est due par toute entreprise de transport aérien public, quelle que soit sa nationalité, qui embarque un passager, du fret ou du courrier sur le territoire français.

La taxe de solidarité sur les billets d’avion – dite « taxe Chirac » – est une contribution additionnelle à la taxe de l’aviation civile. Instituée par la loi de finances rectificative pour 2005 ([422]), elle est perçue au profit du Fonds de solidarité pour le développement, attaché à l’Agence française de développement (AFD), en vue de contribuer au financement des pays en voie de développement.

Cette taxe est due par toute entreprise de transport aérien public, quelle que soit sa nationalité ou son statut juridique, qui embarque un passager sur le territoire français, à l’exception des collectivités d’outre-mer de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin qui sont exonérées depuis le 2 mars 2017 ([423]). Elle est déclarée mensuellement par les entreprises redevables. Néanmoins, les entreprises de transport aérien qui ont déclaré, au cours de l’année précédente, un montant de taxe égal ou inférieur à 12 000 euros, sont admises à souscrire des déclarations trimestrielles. La Direction générale de l’aviation civile (DGAC) est chargée du recouvrement.

Le tarif de la taxe de solidarité sur les billets d’avion dépend de la destination finale du passager, c’est-à-dire le premier point d’atterrissage où le passager n’est pas en correspondance.

Cette taxe est ajoutée au prix du billet ; elle est donc supportée par le consommateur.

tarifs de la taxe de solidarité sur les billets d’avion

(en euros)

Destination finale du passager

Première classe ou classe affaires

Classe économique

France, y compris outre-mer

11,27

1,13

Pays européens : EEE et Suisse

11,27

1,13

Autres destinations

45,07

4,51

Source : article 302 bis K du CGI.

2.   La taxe de solidarité sur les billets d’avion est actuellement affectée au Fonds de solidarité pour le développement

Le Fonds de solidarité pour le développement (FSD) a été créé en 2005 ([424]) pour gérer le produit de la taxe de solidarité sur les billets d’avion. Il a pour objet de contribuer « au financement des pays en développement et de tendre à réaliser les objectifs du millénaire pour le développement ».

Géré par l’AFD, ce fonds est régi par le décret du 12 septembre 2006 ([425]), qui prévoit notamment qu’un comité de pilotage veille à la bonne gestion du fonds et qu’une convention entre l’État et l’AFD est conclue sur les modalités de gestion et de suivi du FSD. Ce décret fixe les modalités d’utilisation des ressources affectées au fonds, qui peuvent notamment financer le secteur de la santé (vaccination, Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, UnitAid) et de l’environnement (Fonds vert pour le climat, notamment). Il finance essentiellement de l’aide publique au développement multilatéral.

La taxe de solidarité sur les billets d’avion est affectée au FSD dans la limite d’un plafond de 210 millions d’euros ([426]). L’excédent éventuel est reversé au budget annexe Contrôle et exploitation aériens : cet excédent s’est élevé à 31,6 millions d’euros en 2018 ([427]).

B.   un besoin aigu de développement des infrastructures de transport

1.   Des besoins pour l’AFITF

a.   La nécessité d’un financement pérenne pour l’AFITF

L’Agence de financement des infrastructures de transport en France (AFITF) est un établissement public administratif de l’État créé en 2004 ([428]) et dont la tutelle est assurée par la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGTIM).

L’AFITF est l’acteur privilégié du financement de l’ensemble des infrastructures de transport, hors domaine aérien. Son champ d’intervention ne se limite pas aux grands projets d’infrastructures d’intérêt national, mais inclut les dépenses de modernisation, de gros entretien et de régénération des réseaux, et, pour les transports collectifs de personnes, les projets portés par les communautés d’agglomération.

Pour assurer son financement, l’AFITF bénéficie de taxes qui lui sont affectées par l’État (v. infra) à qui elle reverse ensuite les deux tiers de son budget sous forme de fonds de concours, en ayant préalablement fléché les sommes ainsi reversées vers des projets précis. De façon générale, l’AFITF favorise le report modal en contribuant avant tout au financement d’infrastructures routières, ferroviaires et fluviales, grâce à des ressources provenant du secteur du transport routier.

recettes de l’afitf

(en millions d’euros)

recette

2017

2018

2019

Taxe daménagement du territoire

515

472

523

Redevance domaniale

351

355

355

Amendes radars

408

248

226

Fraction de TICPE

1 124

1 028

1 205

Recettes diverses ou exceptionnelles

0

135

168

Total

2 398

2 238

2 477

Source : budgets rectificatifs 2017 et 2018 ainsi que budget initial 2019 de l’AFITF.

répartition des crédits affectÉs par l’afitf

(en millions d’euros)

Année

2017

2018

2019

Réseau routier

831

932

1 100

Réseau ferroviaire

672

729

720

Trains déquilibre du territoire

259

271

380

Voies navigables

102

105

110

Ports

42

36

40

Transports urbains

236

273

380

Intermodalité / fret

33

28

20

Autres

25

25

24

Total

2 200

2 400

2 680

Source : lois de règlement du budget et d’approbation des comptes pour les années 2017 et 2018 ; évaluations préalables du projet de loi de finances pour 2019.

On observe une augmentation des dépenses prises en charge par l’AFITF depuis 2017. En outre, depuis 2018, le produit des amendes perçues par la voie du système automatique de contrôle et sanction – les radars routiers – a baissé du fait d’une diminution tendancielle du nombre des infractions et des dégradations exceptionnelles subies par les équipements concernés à compter de l’automne 2018 d’autre part. L’agence ne bénéficie en effet que du solde du produit des amendes radars : elle subit donc seule toute évolution négative de ce solde.

b.   Des volontés politiques convergentes

i.   Le projet de loi d’orientation sur les mobilités prévoit l’affectation d’une fraction du produit de la taxe de solidarité sur les billets d’avion à l’AFITF

Suite à son audition, le 29 janvier 2019, par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, M. Christophe Béchu, le président de l’AFITF, a souligné que les soubresauts politiques liés au mouvement des Gilets jaunes avaient eu des répercussions négatives sur le budget 2019 de son organisation.

Le 27 février 2019, la ministre des Transports, Mme Elisabeth Borne, a déclaré à lAgence France Presse quelle maintenait lenveloppe prévue pour le budget 2019 de lAFITF, soit 2,5 milliards deuros. Pour autant, la ministre a déclaré à cette occasion quil convenait de réfléchir à une « nouvelle recette, pérenne, pour les infrastructures de transport », devant rapporter 500 millions deuros par an à lAFITF.

Cet accroissement des recettes est une nécessité afin de faire face au financement de nouveaux projets.

Au demeurant, dès février 2018, le rapport du conseil dorientation des infrastructures, en préambule au débat relatif au projet de loi dorientation des mobilités, considérait que satisfaire les priorités fixées par le Président de la République nécessitait daffecter au secteur des transports des moyens significatifs, denviron 600 millions deuros supplémentaires par an, « à partir de recettes existantes ou de recettes nouvelles créées à cet effet » ([429]).

Aussi, le projet de loi dorientation sur les mobilités – actuellement en nouvelle lecture au Sénat – est venu clarifier les perspectives de ces nouvelles sources de financement. Le rapport annexé à son volet de programmation détermine, jusquen 2037, la stratégie de mise en œuvre des orientations de la politique dinvestissement de lÉtat en matière de transports et de mobilité définies à larticle 23 ter A de cette même loi. Ce rapport annexé prévoit laffectation dune fraction du produit de la taxe de solidarité sur les billets davion à lAFITF.

ii.   Le Conseil de défense écologique a validé cette stratégie d’affectation en proposant la création d’une éco-contribution sur le transport aérien

Le 9 juillet 2019, à l’issue du deuxième Conseil de défense écologique, le Gouvernement a proposé deux mesures destinées à augmenter les ressources de l’AFITF :

– la réduction de 2 centimes par litre du remboursement partiel dont bénéficient les transporteurs routiers de marchandises sur leur gazole (cf. article 19 du présent projet de loi) ;

– une éco-contribution sur le transport aérien. Les ressources correspondantes étaient évaluées par le Conseil de défense écologique à respectivement 140 millions d’euros et 180 millions d’euros.

2.   L’insuffisante participation du transport aérien au financement des mobilités durables

a.   Le transport aérien est à l’origine d’émissions de gaz à effet de serre en croissance rapide

L’aviation est, de tous les modes de transport, le plus émetteur de gaz à effet de serre (GES) : on estime que le transport aérien émet 14 à 40 fois plus de CO2 que le train par kilomètre parcouru et personne transportée.

La direction générale de l’aviation civile (DGAC) indique que le secteur aérien dans son ensemble a émis, en France, en 2018, 22,7 Mt de CO2, dont 17,9 Mt (78,9 %) pour le transport aérien international ([430]). Ainsi, le trafic aérien intérieur représentait en 2018 3,7 % des émissions de CO2 (4,8 Mt) du secteur des transports, et 1,4 % des émissions de la France. Ce pourcentage s’élève à 7,3 % des émissions de GES sur le territoire en prenant en compte les vols internationaux.

Or, comme le relève, par exemple, l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE) dans une très récente étude : « les émissions du transport aérien (…) ne sont pas du tout fiscalisées » ([431]).

Ainsi, « dans le transport aérien et maritime international, la nontaxation des carburants fait que ceux qui voyagent souvent sur des vols long courrier ainsi que les compagnies de fret maritime ne paient pas leur dû » ([432]).

b.   La difficile taxation du kérosène

La convention relative à l’aviation civile internationale – dite « de Chicago » ([433]) – du 7 décembre 1944, ne concerne que les vols internationaux ; son article 24 dispose :

« Au cours dun vol à destination ou en provenance du territoire dun autre État contractant ou transitant par ce territoire, tout aéronef est temporairement admis en franchise de droits (…). Le carburant, les huiles lubrifiantes, les pièces de rechange, léquipement habituel et les provisions de bord se trouvant dans un aéronef dun État contractant à son arrivée sur le territoire dun autre État contractant et sy trouvant encore lors de son départ de ce territoire, sont exempts de droits de douane, frais de visite ou autres droits et redevances similaires imposés par lÉtat ou les autorités locales. »

La rédaction de cet article n’exclut pas explicitement toute taxation du carburant d’avion, mais plus spécifiquement la taxation du carburant déjà présent à son bord.

En revanche, sans doute influencée par l’interprétation maximaliste que fait l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) de cet article, la directive du 27 octobre 2003 restructurant le cadre « communautaire » de taxation des produits énergétiques et de l’électricité, en vigueur, oblige les États membres à exonérer de taxation « les produits énergétiques fournis en vue dune utilisation comme carburant ou combustible pour la navigation aérienne autre que laviation de tourisme privée » ([434]). Ce point peut être limité aux transports internationaux et intracommunautaires, et la taxation des vols intérieurs est possible.

De fait, mettre en place une taxation carbone, c’est-à-dire une taxe qui lie de manière « directe et indissociable la consommation de carburant et les substances polluantes émises lors de cette consommation » ([435]) implique, a minima, de réviser la directive du 27 octobre 2003.

Aussi, le choix retenu par le présent article afin de mettre à contribution le transport aérien pour le financement de mobilités durables est d’accroître les tarifs de la taxe existante de solidarité sur le transport aérien.

II.   la taxe de solidarité sur les billets d’avions est renforcÉE afin de contribuer au financement des infrastructures de transport

A.   une refonte de la taxe de solidarité sur les billets d’avion en vue de concourir au financement de l’afitf

1.   L’accroissement partiel de la taxe de solidarité sur les billets d’avion

Le présent article modifie le régime de la taxe de solidarité sur les billets d’avion codifiée au VI de l’article 302 bis K du CGI.

D’une part, ses tarifs sont augmentés.

Pour les passagers en classe économique, le tarif de la taxe est majoré au maximum d’1,50 euro par arrêté conjoint des ministres chargés du budget et de l’aviation civile, lorsque leur destination finale se situe en France ou dans la zone définie par l’Espace économique européen (EEE, c’est-à-dire l’Union européenne ainsi que l’Islande, la Norvège et le Liechtenstein) et la Confédération suisse ; le tarif de la taxe est majoré de 3 euros au maximum lorsque leur destination est située dans un autre État.

Pour les passagers en classe « affaires » ou assimilée, le tarif de la taxe est majoré au maximum de 9 euros lorsque leur destination finale se situe en France ou dans la zone définie par l’EEE et la Confédération suisse ; ce tarif est majoré au maximum de 18 euros lorsque leur destination est située dans un autre État.

tarifs de la tsba tels que résultant du prÉsent projet d’article

(en euros)

Destination finale du passager

Première classe ou classe affaires

Classe économique

France, État membre de lUE, État partie à lEEE, Confédération suisse

20,27

2,63

Autres États

63,07

7,51

Source : présent projet d’article.

D’autre part, et afin de prendre en compte la situation spécifique de certains territoires dont le désenclavement repose substantiellement sur le transport aérien, la majoration des tarifs est neutralisée pour les passagers embarqués à bord de vols effectués sur des liaisons entre la France continentale et la Corse, au départ ou à destination des départements ou des collectivités d’outre‑mer ainsi que pour les passagers voyageant sur des liaisons de service public financées par la solidarité nationale ([436]).

Ces lignes d’aménagement du territoire sont les suivantes :

– Agen – Paris ;

– Aurillac – Paris ;

– Brest – Ouessant ;

– Brive – Paris ;

– Castres – Paris ;

– Lannion – Paris ;

– La Rochelle – Poitiers – Lyon ;

– Le Puy – Paris ;

– Périgueux – Paris ;

– Rodez – Paris ;

– Tarbes – Paris.

2.   La nouvelle affectation supplémentaire de la taxe de solidarité sur les billets d’avion

Le présent article modifie les règles d’affectation du produit de la taxe de solidarité sur les billets d’avion, en mentionnant comme second affectataire
– après le Fonds de solidarité pour le développement (FSD) – l’AFITF, dans la limite de 230 millions d’euros. Le plafond originel d’affectation de 210 millions au FSD n’est pas modifié.

B.   L’impact BudgÉtaire et Économique

1.   Une modification de la TSBA favorable à l’environnement

a.   Une augmentation des ressources de l’AFITF

Le présent dispositif doit permettre d’attribuer à l’AFITF des ressources supplémentaires, évaluées et plafonnées à 230 millions d’euros, qui permettront à cet opérateur d’accroître ses capacités d’intervention en faveur du développement des mobilités durables.

b.   Un relèvement du signal-prix

Le présent article contribuera à accroître, dans des proportions mesurées, le coût des billets d’avion. Si les compagnies aériennes sont les redevables de la taxe, il est probable qu’elles répercuteront ce renchérissement de la TSBA sur leurs clients.

Le présent dispositif contribue, très partiellement, à l’internalisation des coûts liés à l’émission des gaz à effet de serre du fait du transport aérien et constituera ainsi un « signal-prix » en direction des usagers. L’ampleur du rehaussement de la TSBA ne conduira pas à déstabiliser le secteur du transport aérien.

On rappellera à cet égard, les conclusions de la Cour des comptes évaluant la création récente de la TSBA, en 2010 : « Le financement innovant consiste en une majoration du prix de chaque billet incluant un décollage initial de France ; elle est comprise entre 1 € et 40 € selon la destination et la classe choisies par le passager. Sa collecte est efficacement gérée par la direction générale de laviation civile. La taxe na eu aucun des effets négatifs qui avaient été présumés : aucune perte de trafic français ou demplois salariés dans le secteur aérien na été établie. » ([437])

2.   L’accroissement des tarifs des billets d’avion préserve un grand nombre de liaisons aériennes nécessaires au développement des territoires

Le présent dispositif neutralise le potentiel renchérissement des billets en prévoyant des réductions particulières visant les services aériens :

– entre la Corse et la France continentale ;

– entre les départements ou collectivités d’outre-mer et la France continentale, de même que ceux entre départements ou collectivités d’outre-mer ;

– touchant un aérodrome situé en France continentale soumis à des obligations de service public (cf. les lignes concernées supra).

Cette neutralisation est liée à la nécessité de prendre en compte la nécessité de continuité territoriale et de désenclavement de certains territoires qui ne peuvent être reliés autrement – ou bien plus difficilement – que par liaison aérienne.

3.   Une modification du rang des affectataires qui implique un écrêtement au profit du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens »

Les recettes estimées de la majoration de TSBA portée par le présent dispositif sont évaluées à 230 millions d’euros, ce qui correspond au plafond d’affectation à l’AFITF.

Cette affectation prioritaire au FSD, puis à l’AFITF, au détriment du budget annexe « Contrôle et exploitation aérien » implique une compensation de 50 millions d’euros assurée par le budget général de l’État, selon l’évaluation préalable du présent article.

*

*     *

La commission examine les amendements identiques ICF1083 de M. Éric Woerth et ICF361 de M. Charles de Courson.

M. le président Éric Woerth. Les dispositions de l’article 20 reviennent à quasiment doubler la taxe dite Chirac sur les billets d’avion. Or la situation économique du transport aérien est pour le moins fragile. Vous fragiliseriez un secteur qui n’en a pas vraiment besoin… D’autre part, la taxe n’a rien à voir avec les émissions de CO2, puisqu’elle dépend du nombre de passagers. Il peut y avoir très peu de passagers dans un avion qui rejette beaucoup de carbone ou l’inverse ! Cela pénaliserait paradoxalement un avion qui aurait un meilleur rendement. Votre outil n’est pas le bon.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette les amendements ICF1083 et ICF361.

Elle passe ensuite à l’examen, en discussion commune, des amendements ICF1528 de la commission du développement durable et ICF1186 de Mme Christine Pires Beaune.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur pour avis. L’amendement vise à inscrire directement dans la loi de finances pour 2020 le tarif de la taxe de solidarité sur les billets d’avion résultant de la majoration annoncée par la ministre. Nous pensons qu’il est préférable d’inscrire directement dans la loi ce tarif, plutôt que de fixer une fourchette par arrêté.

Mme Valérie Rabault. L’amendement, que nous avions déposé sur la LOM, vise à doubler les montants de la taxe de solidarité sur les billets d’avion. Par exemple, cela coûterait environ 9 euros pour un vol Paris‑Marseille ou Paris‑Toulouse. Cette augmentation nous permettrait d’atteindre un niveau équivalent à celui d’un certain nombre de pays. La mesure proposée par le Gouvernement ne rapporterait que 180 millions d’euros, ce qui est loin de ce que la taxe peut rapporter ailleurs.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Si l’on inscrit le tarif dans le dur de la loi, dès qu’il faudra réaliser des modifications infra-annuelles, nous devrons passer par une loi de finances rectificative. Je pense qu’il faut conserver le principe du décret qui sécurise mieux la recette. Quant au doublement du tarif de la taxe, nous avons calibré l’augmentation sur les besoins de l’AFITF. Par ailleurs, votre proposition nous ferait courir quelques risques juridiques européens.

Avis défavorable sur les deux amendements.

La commission rejette successivement les amendements ICF1528 et ICF1186.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements ICF171 de Mme Lise Magnier et ICF1367 de M. Xavier Paluszkiewicz.

Mme Lise Magnier. L’amendement vise à supprimer l’affectation de la recette de la nouvelle taxe sur les billets d’avion. Nous devons cesser d’affecter les taxes que nous créons.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Avis défavorable, dans la mesure où c’est son affectation même qui a été la condition d’acceptabilité de la taxe. D’un point de vue plus général, je partage toutefois votre propos.

La commission rejette successivement les amendements ICF171 et ICF1367.

Elle examine l’amendement ICF499 de M. Paul-André Colombani.

M. François Pupponi. L’amendement vise à sécuriser l’exemption de la taxe de solidarité sur les billets d’avion pour les vols entre la Corse et le continent et à l’étendre aux vols entre la Corse et les autres pays européens.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Votre amendement mentionne les « territoires européens de la France ». Je ne comprends pas cette expression, à moins de supposer que vous êtes nostalgique de l’épopée napoléonienne. (Sourires.) Je vous suggère de le retirer.

L’amendement ICF499 est retiré.

La commission examine l’amendement ICF659 de M. Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement vise à demander au Gouvernement un rapport annuel sur les discussions en cours au niveau européen pour réfléchir à une solution européenne coordonnée afin de réduire les émissions de carbone du transport aérien. Par ailleurs, il vise à prendre en compte le devenir de la taxe de solidarité sur les billets d’avion, dès lors qu’une solution européenne aurait été trouvée. Il est très important d’insister pour aller dans ce sens.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je préférerais que vous retiriez votre amendement pour le redéposer en séance. Si je suis favorable à l’esprit de votre demande, je ne suis pas sûr qu’il faille passer par un rapport supplémentaire. J’attendrai les explications du ministre au banc, avant de me déterminer sur votre amendement.

Mme Bénédicte Peyrol. Nous pourrions proposer à madame Poirson ainsi qu’à madame de Montchalin une audition sur ce sujet, pour nous éclairer sur les avancées des discussions concernant la taxation du secteur aérien.

M. le président Éric Woerth. C’est une très bonne idée. Cela étant, nous pourrons aussi les interroger à l’occasion de l’examen de la deuxième partie du projet de loi de finances.

L’amendement ICF659 est retiré.

La commission passe à l’examen de l’amendement ICF218 de Mme Émilie Bonnivard.

Mme Émilie Bonnivard. L’amendement vise à repousser d’une année l’application de la nouvelle taxe sur les billets d’avion. Le contexte économique est extrêmement fragile. Les Britanniques représentant la première clientèle touristique en France, je crains un impact du Brexit sur le modèle économique et la viabilité de certaines compagnies, d’autant que nous avons vu que nous n’avions pas de dispositifs de garantie des voyageurs en cas de difficulté de ces compagnies. Nous avons besoin d’y voir clair de manière globale sur le transport aérien, afin d’éviter de fragiliser la filière et le tourisme.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Mais c’est maintenant que l’AFITF a besoin de financements ! Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement ICF218.

Puis, suivant l’avis défavorable du rapporteur général, elle rejette l’amendement ICF369 de M. Charles de Courson.

La commission adopte l’article 20 sans modification.

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Après l’article 20

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement ICF331 de M. François-Michel Lambert.

Puis elle examine l’amendement ICF359 de M. Charles de Courson.

M. François Pupponi. L’amendement vise à désindexer les tarifs de la taxe d’aviation civile de l’inflation, afin de contribuer à réduire l’écart de compétitivité du cadre fiscal et social français par rapport aux autres grands États européens.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je ne souhaite pas priver les affectataires d’une partie de cette recette. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement ICF359.

Elle examine l’amendement ICF611 de Mme Sabine Rubin.

Mme Sabine Rubin. De la même manière que nous souhaitions taxer la publicité faisant la promotion des véhicules individuels qui émettent plus de 210 grammes de CO2 par kilomètre, nous souhaitons taxer la publicité faisant la promotion des vols aériens.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Ne dispersons pas nos efforts et restons concentrés sur la taxe que nous venons de créer. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement ICF611.

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*     *

 


II. ‑ Ressources affectées

A. ‑ Dispositions relatives aux collectivités territoriales

Article 21
Fixation pour 2020 de la dotation globale de fonctionnement (DGF) ainsi que des variables dajustement et substitution dune dotation budgétaire au prélèvement sur recettes en faveur de la Guyane

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article :

– fixe, comme chaque année en loi de finances, le montant de la dotation globale de fonctionnement (DGF) à 26 802 millions d’euros pour 2020 (au lieu de 26 948 millions d’euros pour 2019), soit à un niveau stable compte tenu des effets de périmètre (recentralisation du RSA dans certains départements d’outre-mer et participation exceptionnelle de la DGF au fonds d’aide au relogement d’urgence – FARU) ;

– détermine, comme chaque année en loi de finances, le périmètre des variables d’ajustement pour 2020 (en l’étendant au prélèvement sur recettes de compensation des pertes de recettes liées au relèvement du seuil d’assujettissement des entreprises au versement transport) ainsi que les montants de minoration appliqués à ces variables, nécessaires pour respecter l’engagement de stabilité de l’enveloppe normée des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales ;

– précise les modalités de répartition entre les collectivités territoriales des minorations des variables d’ajustement pour 2020. Celles-ci sont réparties depuis 2019 au prorata des recettes réelles de fonctionnement (RRF) de leurs bénéficiaires, et non plus en proportion du montant de la dotation de l’année précédente ;

– enfin, budgétise le prélèvement sur recettes à destination de la collectivité territoriale de Guyane et conditionne le versement correspondant en 2020 à la signature d’une convention d’objectifs et de performance avec l’État.

Dernières modifications législatives intervenues

Les lois de finances pour 2011 et pour 2017 ont progressivement élargi le périmètre des variables d’ajustement aux dotations de compensation issues de la réforme de la taxe professionnelle (à l’exception de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle – DCRTP – du bloc communal).

La loi de finances pour 2017 a fixé le montant de la DGF pour 2017 à 30 860 millions d’euros. Elle a aussi prévu l’affectation aux régions, à compter de 2018, d’une fraction du produit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

La loi de finances pour 2018 a figé les taux de minoration appliqués aux allocations compensatrices (figés aux taux 2017) et élargi le périmètre des variables d’ajustement à la DCRTP des communes et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Elle a enfin fixé le montant de la DGF pour 2018 à 26 960 millions d’euros, soit à un niveau stable compte tenu des effets de périmètre (recentralisation du RSA en Guyane et à Mayotte).

La loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2018 à 2022 a fixé un plafond annuel des concours financiers de l’État, un objectif national d’évolution des dépenses réelles de fonctionnement des collectivités territoriales (+ 1,2 %), ainsi que le cadre juridique des contrats de maîtrise des dépenses locales.

La loi de finances pour 2019 a annulé la minoration de la DCRTP du bloc communal prévue en 2018 et modifié les modalités de répartition pour 2019 de la minoration entre les collectivités territoriales au prorata des RRF. Elle a enfin fixé le montant de la DGF pour 2019 à 26 948 millions d’euros.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   L’État du droit

Les transferts financiers de l’État aux collectivités territoriales représentent 111,76 milliards d’euros dans la loi de finances pour 2019 ([438]). Ils se décomposent principalement en trois sous-ensembles :

– les concours financiers de l’État aux collectivités territoriales (48,77 milliards d’euros) qui rassemblent les prélèvements sur recettes (PSR) de l’État au profit des collectivités territoriales – en particulier la dotation globale de fonctionnement (DGF) –, la part de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) affectée aux régions ainsi que les crédits budgétaires de la mission Relations avec les collectivités territoriales (RCT) ;

– la fiscalité transférée et le financement de la formation professionnelle et de l’apprentissage (38,76 milliards d’euros), qui visent à compenser les mesures de décentralisation et les transferts de compétences vers les collectivités territoriales ;

– enfin, les transferts divers de l’État hors fiscalité transférée et hors apprentissage (24,23 milliards d’euros), qui comprennent les subventions aux collectivités territoriales des ministères, les contreparties de dégrèvements d’impositions locales décidés par voie législative et le produit des amendes de police de la circulation et des radars.

Dans ce cadre, le présent article détermine, comme chaque année en loi de finances et en lien avec l’article 26 du présent projet de loi de finances ([439]), d’une part, le montant de la dotation globale de fonctionnement (DGF) pour 2020 et, d’autre part, le périmètre et les taux de minoration des variables d’ajustement pour 2020, tout en précisant de nouveau les règles de répartition de ces minorations entre les collectivités territoriales. Il procède enfin à la budgétisation d’un PSR au profit de la collectivité territoriale de Guyane à compter de 2020.

A.   La dotation globale de fonctionnement au sein des prÉlÈvements sur recettes de l’État

La DGF constitue le principal PSR que l’État verse en faveur des collectivités territoriales : 26,95 milliards d’euros en 2019 sur un total de 40,58 milliards d’euros. Elle est attribuée aux communes, aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre et aux départements. Depuis le 1er janvier 2018, les régions bénéficient d’une fraction nationale des recettes de TVA en substitution des montants qu’elles percevaient autrefois au titre de la DGF, pour un montant de 4,3 milliards d’euros en 2019. Il existe toutefois d’autres PSR en faveur des collectivités territoriales : le présent commentaire se limite à l’examen de ceux mentionnés par le présent article.

1.   Un montant global de la dotation globale de fonctionnement de 26 948 millions d’euros en 2019

La DGF vise à compenser les charges supportées par les collectivités territoriales, à contribuer à leur fonctionnement et à corriger certaines inégalités de richesses entre les territoires : elle est globale et libre d’emploi. Jusqu’en 2009, elle évoluait chaque année en fonction de l’évolution des prix à la consommation des ménages et du produit intérieur brut. En 2010, la DGF a évolué du seul taux prévisionnel d’évolution des prix à la consommation. Depuis 2011, l’article L. 1613‑1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) dispose que « le montant de la dotation globale de fonctionnement est fixé chaque année par la loi de finances ».

La DGF est un PSR au profit des collectivités territoriales : il ne s’agit pas d’une dépense, mais d’une diminution des recettes de l’État. Les PSR sont définis par l’article 6 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) qui dispose qu’un « montant déterminé de recettes de lÉtat peut être rétrocédé directement au profit des collectivités territoriales […] en vue de couvrir des charges incombant à ces bénéficiaires ou de compenser des exonérations, des réductions ou des plafonnements dimpôts établis au profit des collectivités territoriales. Ces prélèvements sur les recettes de lÉtat sont, dans leur destination et leur montant, définis et évalués de façon précise et distincte » ([440]).

La loi de finances pour 2019 fixe le montant total des PSR à 40 575 millions d’euros et précise le montant de chacun d’entre eux ([441]). La DGF constitue le principal des PSR de l’État au profit des collectivités territoriales, parmi lesquels se trouve notamment :

– le fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) pour un montant de 5,65 milliards d’euros ;

– le prélèvement des compensations des exonérations relatives à la fiscalité locale pour un montant de 2,31 milliards d’euros ;

– la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) pour un montant de 2,98 milliards d’euros ;

– le prélèvement de compensation des pertes de recettes liées au relèvement du seuil d’assujettissement des entreprises au versement transport pour un montant de 90,6 millions d’euros ;

– le prélèvement au profit de la collectivité territoriale de Guyane pour un montant de 27 millions d’euros en 2019.

Composition des concours financiers de l’État en faveur
des collectivitÉs territoriales en 2019

(en millions d’euros)

Source : Rapport de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL), Les finances des collectivités locales en 2019, état des lieux, juillet 2019.

La répartition de la DGF entre les différentes catégories de collectivités territoriales a évolué en 2018 du fait de la substitution à la DGF des régions d’une fraction de TVA : la loi de finances pour 2017 ([442]) a affecté aux régions, au Département de Mayotte, aux collectivités de Corse, de Martinique et de Guyane, à compter de 2018, une fraction du produit budgétaire de la TVA. Le produit transféré correspond à la somme de la DGF de 2017 des régions, d’une partie de la dotation globale de décentralisation (DGD) de Corse et de la dynamique de la TVA. Le bloc communal reçoit désormais plus des deux tiers du montant total de la DGF et les départements un peu moins d’un tiers. La DGF perçue par le bloc communal est répartie entre les intercommunalités et les communes.

RÉpartition de la DGF entre les diffÉrents niveaux
de collectivitÉs territoriales en 2019

(en millions d’euros)

Source : Rapport de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL), Les finances des collectivités locales en 2019, état des lieux, juillet 2019.

La DGF de chaque catégorie de collectivités territoriales est composée d’une dotation forfaitaire, destinée à alimenter librement les ressources des collectivités territoriales. Elle est éventuellement complétée, pour les collectivités les moins favorisées en matière de potentiel fiscal ou financier, par une ou plusieurs dotations de péréquation réparties en fonction de critères de ressources et de charges. Dans le cadre de la DGF des communes et des EPCI, cette composante de péréquation correspond à la dotation d’aménagement composée elle-même de quatre fractions : la dotation d’intercommunalité (DI), la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU), la dotation de solidarité rurale (DSR) et la dotation nationale de péréquation (DNP). Les départements reçoivent, en plus de la dotation forfaitaire, la dotation de compensation, la dotation de péréquation urbaine (DPU) et la dotation de fonctionnement minimale (DFM).

Au total, la DGF est composée de dix dotations (quatre pour les communes, deux pour les EPCI et quatre pour les départements), ces dernières étant elles-mêmes déclinées en plusieurs parts ou fractions, réparties en fonction de près de 35 critères de ressources et de charges. Pour chacune des sous-composantes, l’éligibilité des collectivités et la répartition des crédits sont fonction de critères différents : par exemple, près de six critères de ressources et huit critères de charges sont utilisés pour calculer les dotations de la DGF des communes ([443]). Les modalités concrètes de répartition sont définies aux articles L. 1613‑1 à L. 1613‑5‑1 (dispositions générales) ; L. 2334‑1 à L. 2334‑23 (DGF des communes) ; L. 3334‑1 à L. 3334‑7‑1 (DGF des départements) et L. 5211‑28 à L. 5211‑35‑2 (DGF des EPCI) du CGCT. Elles sont précisées par de nombreuses notes d’information annuelles de la direction générale des collectivités locales (DGCL).

De ce fait, les montants individuels de la DGF évoluent chaque année pour tenir compte de la réalité de la situation économique ou démographique de chaque collectivité territoriale : c’est la condition d’une répartition équitable des concours financiers de l’État. Aussi, la DGF individuelle de chaque collectivité varie en fonction de critères objectifs de ressources et de charges (population DGF, potentiel financier, revenu par habitant, potentiel fiscal, densité de population, longueur de voirie, etc.) qui évoluent eux-mêmes chaque année en fonction de la situation financière, économique et sociale de la collectivité.

Évolution des composantes de la DGF
de 2015 À 2019

(en millions d’euros)

Dotations

LFI 2015

LFI 2016

LFI 2017

LFI 2018

LFI 2019

DGF des communes

14 468

12 445

11 730

11 795

11 832

dont dotation forfaitaire

10 819

8 498

7 423

7 288

7 145

dont dotation de solidarité urbaine

1 730

1 911

2 091

2 201

2 291

dont dotation de solidarité rurale

1 125

1 242

1 422

1 512

1 602

dont dotation nationale de péréquation

794

794

794

794

794

DGF des EPCI

6 546

6 740

6 590

6 525

6 481

dont dotation dintercommunalité

1 998

1 569

1 470

1 496

1 562

dont dotation de compensation

4 548

5 171

5 120

5 029

4 919

DGF des départements

10 750

9 695

8 606

8 610

8 603

dont dotation forfaitaire

6 485

5 410

4 335

4 330

4 314

dont dotation de compensation

2 823

2 822

2 788

2 787

2 786

dont dotation de péréquation urbaine

633

640

653

657

660

dont dotation de fonctionnement minimale

809

823

830

836

843

DGF des régions

4 824

4 381

3 935

dont dotation forfaitaire

4 631

4 188

3 742

dont dotation de péréquation

193

193

193

Source : données Rapport de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL), Les finances des collectivités locales en 2019, état des lieux, juillet 2019 ; réalisation commission des finances.


Architecture de la DGF en 2019

Source : données direction générale des collectivités locales (DGCL) ; réalisation commission des finances.


—  1  —

2.   Une part croissante de la DGF consacrée à la péréquation

Depuis 2016, il est observé une hausse sensible des dotations en faveur de la péréquation dans un contexte de diminution du montant de la DGF : la part de la DGF consacrée à la péréquation (hors régions) est passée de 7 milliards d’euros en 2016 à 7,8 milliards d’euros en 2019 (soit une hausse de + 11 %). Sur la même période, les dotations de péréquation des communes ont augmenté de 740 millions d’euros : elles atteignent un niveau historique de 4 687 millions d’euros en 2019, en hausse de + 19 % par rapport à 2016. Cette hausse s’inscrit pourtant dans un contexte global de baisse de la DGF des communes (– 5 % entre 2016 et 2019).

Évolution des dotations forfaitaires et des dotations
de pÉrÉquation de 2016 À 2019 (hors rÉgions)

(en millions d’euros)

Note : les dotations forfaitaires retenues pour le présent graphique sont les dotations forfaitaires des communes et des départements, ainsi que les dotations de compensation des EPCI et des départements. Les années 2016 et 2017 ont été recalculées à périmètre constant en tenant compte du basculement de la DGF des régions vers une fraction de taxe sur la valeur ajoutée en 2018.

Source : données DGCL ; réalisation commission des finances.

Le financement de la hausse de la péréquation est principalement assuré par une diminution des dotations forfaitaires et de la dotation de compensation des EPCI dont les critères de répartition ne prennent pas en compte le potentiel financier ni le niveau de richesse des collectivités territoriales.

Ainsi, la dotation forfaitaire de la DGF des communes fait l’objet en 2019, comme chaque année, d’un écrêtement interne pour financer le renforcement des dotations de péréquation en faveur des communes les plus fragiles, mais également les augmentations spontanées des dotations. En effet, certaines composantes de la DGF évoluent automatiquement : c’est le cas du recensement de la population et des mouvements du périmètre des intercommunalités, à savoir des adhésions de communes à des EPCI ou des fusions d’EPCI. Pour financer ces facteurs d’évolution, l’écrêtement de la dotation forfaitaire est modulé en fonction du potentiel fiscal des communes.

Cet effet de ciseaux avec, d’une part, la hausse des dotations de péréquation et, d’autre part, l’écrêtement de cette hausse sur les dotations forfaitaires conduit progressivement à un renforcement de la péréquation au sein de la DGF. Ce mouvement de fond devrait se poursuivre au cours des prochaines lois de finances.

3.   Un prélèvement sur recettes de l’État au profit de la collectivité territoriale de Guyane

Parmi la vingtaine de PSR à destination des collectivités territoriales, il existe un PSR à destination de la collectivité territoriale de Guyane créé par la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer ([444]). Cette dernière a supprimé la part d’octroi de mer revenant au département, et a compensé la perte ainsi occasionnée par la création d’un PSR.

En effet, en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte et à La Réunion, les importations et les livraisons de biens sont soumises à une taxe, dénommée octroi de mer, assise sur la valeur en douane des biens (prix hors taxes). Les taux de l’octroi de mer sont fixés par délibération du conseil régional de Guadeloupe et de La Réunion, de l’assemblée de Guyane et de Martinique et du conseil départemental de Mayotte. Ils ne peuvent pas excéder un taux maximal de 60 % et, pour les produits alcooliques et les tabacs manufacturés, un taux maximal de 90 %. À Mayotte, ces taux maximaux sont majorés de moitié.

De plus, un octroi de mer régional ayant la même assiette que l’octroi de mer peut être institué par et au profit des collectivités concernées (régions de Guadeloupe et de La Réunion, collectivités de Guyane et de Martinique ou département de Mayotte). Les taux de base de l’octroi de mer régional ne peuvent excéder 2,5 % en Guadeloupe, en Martinique, à Mayotte et à La Réunion, et 5 % en Guyane. Un taux supplémentaire ne pouvant excéder 2,5 % peut toutefois être décidé par les assemblées qui ont signé le plan de convergence prévu par la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer ([445]). Ce dernier, signé pour une période de dix à vingt ans, doit formaliser entre l’État et les collectivités concernées une stratégie de convergence de long terme sur le territoire afin de réduire des écarts de développement en matière d’infrastructures, d’environnement, de développement économique, de développement social et culturel, etc. Ces plans devaient être signés au plus tard le 1er juillet 2018.

En dehors de l’octroi de mer régional, le produit de l’octroi de mer est affecté à une dotation globale garantie qui est répartie entre les communes. Toutefois, la loi relative à l’octroi de mer disposait par exception que « la collectivité de Guyane reçoit une part de la dotation globale garantie fixée à 35 % et plafonnée à 27 millions deuros » ([446]). La loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer a progressivement supprimé cette affectation dérogatoire qui pénalisait les communes guyanaises : la part revenant à la collectivité de Guyane est ainsi passée de 27 millions d’euros en 2016 à 18 millions d’euros en 2017 et 9 millions d’euros en 2018, avant d’être définitivement supprimée à compter de 2019 par la loi de finances pour 2019 ([447]).

Afin de ne pas pénaliser financièrement la collectivité de Guyane, la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer a institué de manière symétrique « un prélèvement sur les recettes de lÉtat compensant les pertes de recettes résultant, pour la collectivité territoriale de Guyane, de la suppression de sa part de dotation globale garantie » ([448]). Le montant de ce PSR était égal à 18 millions d’euros en 2018 et à 27 millions d’euros en 2019. Selon l’évaluation préalable de l’article, « la Cour des comptes a recommandé un prolongement du versement de la compensation de loctroi de mer à la collectivité territoriale de Guyane à hauteur du montant versé en 2019, en contrepartie de la mise en œuvre dune maîtrise de ses dépenses ».

B.   La minoration des allocations compensatrices et des dotations de compensation des exonÉrations de fiscalitÉ directe locale

Les variables d’ajustement sont composées de dotations versées par PSR visant à compenser des exonérations d’impositions directes locales (IDL) historiques ou résultant de la réforme de la fiscalité directe locale (FDL) réalisée dans le cadre de la loi de finances pour 2010, ainsi que de dotations figées issues de la réforme de la taxe professionnelle. Chaque année, afin de respecter la trajectoire des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales, les variables d’ajustement sont minorées en loi de finances d’un montant cible. En 2019, l’assiette des variables d’ajustement s’est ainsi élevée à 3,92 milliards d’euros à laquelle a été appliquée une minoration de 159 millions d’euros.

1.   Les différentes modalités de compensation des allégements de fiscalité locale

Les compensations d’exonérations locales, composantes des variables d’ajustement, sont des allocations annuelles prenant la forme de PSR et sont versées par l’État aux collectivités territoriales pour compenser les pertes de recettes fiscales résultant des exonérations et allégements de bases ou de taux décidés par voie législative. Le mécanisme de compensation est alors défini par la loi selon des modalités propres à chaque dispositif : aucune exigence constitutionnelle n’impose une compensation intégrale ou partielle de ces exonérations. À l’inverse, les dégrèvements, qui ne constituent pas une composante des variables d’ajustement, sont des prises en charge par l’État de tout ou partie de la contribution due par les contribuables aux collectivités territoriales sur les crédits budgétaires du programme Remboursements et dégrèvements dimpôts locaux (l’État se substitue au contribuable pour le paiement de l’impôt).

Dans la loi de finances pour 2019, les dégrèvements et compensations d’exonérations représentent 25,8 milliards d’euros. Ils se décomposent de la façon suivante :

– les dégrèvements de fiscalité locale (19,9 milliards d’euros) du programme Remboursements et dégrèvements dimpôts locaux de la mission Remboursements et dégrèvements ;

– les compensations d’exonérations locales qui regroupent plusieurs PSR :

● les allocations compensatrices d’exonération d’impôts locaux (2,2 milliards d’euros) qui sont regroupées au sein du PSR Compensation dexonérations relatives à la fiscalité locale ; elles compensent, en partie ou en totalité, des mesures d’exonérations spécifiques d’IDL ;

● les dotations de compensation issues de la réforme de la taxe professionnelle (3,8 milliards d’euros) qui prennent la forme de plusieurs PSR : la DCRTP, la dotation de garantie des reversements des fonds départementaux de la taxe professionnelle (FDPTP) et la dotation pour transferts de compensations d’exonérations de fiscalité directe locale (DTCE ou dot 2).

Ces dotations de compensations sont principalement issues de la réforme de la fiscalité locale et de la suppression de la taxe professionnelle (TP) à compter de 2010. La DTCE comprend certaines allocations compensatrices régionales et départementales historiques. La dotation aux FDPTP alimente les FDPTP autrefois financés par la TP pour un montant égal à la somme des versements effectués en 2009 aux communes, EPCI et agglomérations nouvelles. Enfin, la DCRTP vise à compenser pour chaque catégorie de collectivités les principaux effets de la réforme de la TP.

Au contraire des dotations de compensation qui reflètent les équilibres financiers de la réforme de la TP de 2010, les allocations compensatrices de fiscalité locale varient d’une année à l’autre. En effet, dans la majorité des cas, le calcul de la compensation – dont les modalités sont fixées au cas par cas dans la loi – prend en compte l’évolution des bases fiscales en excluant toutefois la dynamique de taux, dont l’évolution demeure à la main de la collectivité. Le plus souvent, la compensation est versée en année n + 1, en prenant en compte les bases de l’année précédente, et en appliquant le taux d’imposition d’une année de référence (par exemple 1991 pour la compensation de l’exonération de taxe d’habitation). En 2019, les allocations compensatrices d’exonérations liées à la taxe d’habitation représentaient 80 % du total des allocations compensatrices. La hausse significative observée la même année pour l’allocation de contribution économique territoriale (CET) concerne l’instauration d’une exonération compensée de CFE pour les redevables réalisant un montant de chiffre d’affaires inférieur ou égal à 5 000 euros.

RÉpartition par impÔt local des allocations
compensatrices entre 2014 et 2019

(en millions d’euros)

Note : taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) ; taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFNB) ; taxe d’habitation (TH) ; contribution économique territoriale (CET).

Source : annexe au projet de loi de finances pour 2020, Transferts financiers de l’État aux collectivités territoriales.

2.   La minoration des variables d’ajustement pour respecter l’enveloppe normée des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales

Afin de respecter le plafond des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales fixé par la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2018 à 2022 ([449]), l’assiette des variables d’ajustement est minorée chaque année par l’application d’un coefficient de minoration. Certaines allocations compensatrices et dotations de compensations sont ainsi soumises à une minoration définie en loi de finances. C’est la loi de finances pour 2008 ([450]) qui a mis en place ce mécanisme de maîtrise des concours financiers de l’État en prévoyant que l’évolution à la hausse de certaines dotations était compensée par la baisse corrélative d’une partie des allocations compensatrices. Il s’agit ainsi de mettre en place un principe de maîtrise des transferts financiers de l’État vers les collectivités territoriales, dans le cadre de la maîtrise des finances publiques.

Par la suite, le nombre de ces variables a été progressivement étendu et modifié de manière à répartir l’effort de stabilisation des concours financiers :

– la loi de finances pour 2011 a élargi le périmètre des variables d’ajustement à certaines dotations figées issues de la réforme de la taxe professionnelle (dotation unique de compensation de la TP et une partie de la Dot 2([451]) ;

– la loi de finances pour 2017 a poursuivi cet élargissement à d’autres dotations de compensation (le restant de la Dot 2, la DCRTP des régions et des départements et la dotation aux FDPTP) ([452]) ;

– la loi de finances pour 2018 a exclu les allocations compensatrices du champ des variables d’ajustement (celles-ci sont figées au taux de minoration de 2017 ; aucun taux de minoration supplémentaire n’est appliqué depuis) et a élargi le périmètre des variables d’ajustement à la DCRTP des communes et des EPCI, afin de faire contribuer davantage cet échelon territorial à la neutralisation de la hausse tendancielle de l’enveloppe ([453]). Cette mesure a toutefois été reportée d’une année en loi de finances pour 2019 ([454]).

Le pÉrimÈtre des variables d’ajustement
et les taux de minoration en 2019

(en millions d’euros)

Périmètre 2019 des variables
dajustement

Montant 2018

Valeur cible 2019

Montant de minoration 2019

Taux de minoration 2019

Dotations de compensation

Dot 2 départements

436

421

– 15

– 3 %

Dot 2 régions

94

79

– 15

– 16 %

Dotation aux FDPTP

333

284

– 49

– 15 %

DCRTP bloc communal

1 175

1 155

– 20

– 2 %

DCRTP départements

1 303

1 273

– 30

– 2 %

DCRTP régions

579

549

– 30

– 5 %

Somme des variables minorées

3 920

3 761

– 159

– 4 %

Source : commission des finances.

Les minorations sont ensuite réparties entre les collectivités territoriales selon des règles particulières. Sur ce point, la loi de finances pour 2019 a modifié les modalités de répartition entre collectivités territoriales ([455]) : les minorations sont désormais réparties au prorata des recettes réelles de fonctionnement (RRF) de leurs bénéficiaires. En 2018, seule la minoration de la DCRTP des communes était répartie en fonction des RRF. La minoration des autres dotations de compensation était effectuée proportionnellement au montant de la dotation de l’année passée, sans tenir compte des ressources de la collectivité.

3.   Le cas particulier de la compensation des pertes de recettes liées au versement transport

Plusieurs PSR destinés à compenser des pertes de recettes de fiscalité locale ne font pas partie de l’assiette des variables d’ajustement. C’est le cas par exemple du PSR de compensation des pertes de CET et de redevance des mines (74 millions d’euros en 2019), du PSR de compensation de la taxe sur les logements vacants (4 millions d’euros) ou encore du PSR de compensation des pertes de recettes liées au relèvement du seuil d’assujettissement des entreprises au versement transport (VT).

Ce dernier PSR a été institué par la loi de finances pour 2015 afin de « compenser les pertes de recettes résultant, pour les autorités organisatrices de la mobilité […] de la réduction du champ des employeurs assujettis au versement transport » ([456]). Cette réduction du champ consistait à relever de neuf à onze salariés le seuil à partir duquel une entreprise est assujettie au VT, entraînant une perte de recettes directe pour les autorités organisatrices de la mobilité.

Les modalités de définition de la compensation sont notables du fait de leur caractère dynamique. En effet, la loi précise que la compensation doit être égale à la différence entre le produit de VT recouvré et celui qui aurait été perçu si l’exonération n’était pas appliquée. Le montant de la compensation – et par conséquent du PSR – s’élevait en 2019 à 90,58 millions d’euros. Ce montant est globalement en hausse depuis la création du PSR, avec une augmentation de + 15 % sur la période 2016-2019.

MOntant du PSR de compensation du relÈvement du seuil d’assujetTissement des entreprises au versement transport de 2016 À 2019

(en millions d’euros)

2016

2017

2018

2019

79

82

82

91

Source : données Rapport de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL), Les finances des collectivités locales en 2019, état des lieux, juillet 2019 ; réalisation commission des finances.

Il est rappelé que ce PSR ne fait jusqu’à présent pas partie de l’assiette des variables d’ajustement.

II.   Le dispositif proposÉ

A.   La fixation du montant de la DGF et du pÉrimÈtre des variables d’ajustement pour 2020

Comme chaque année, la loi de finances fixe le montant de la DGF et établit le périmètre et le montant cible des variables d’ajustement : le rejet du présent article aurait pour conséquence théorique l’absence de DGF pour les collectivités territoriales en 2020 ainsi que le rétablissement de certaines dotations de compensation à un niveau non minoré, ce qui rendrait impossible le respect du principe de neutralité d’évolution des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales. L’article propose enfin la budgétisation du PSR à destination de la collectivité territoriale de Guyane.

1.   Un montant de dotation globale de fonctionnement de 26 802 millions d’euros pour 2020

Le montant global de la DGF doit être arrêté par la loi de finances en tenant compte des évolutions de périmètre par rapport au montant réparti en 2019 : le I du présent article fixe le montant de la DGF pour 2020 à 26 802 millions d’euros. Le montant de la DGF pour 2020 est stable à périmètre constant, car il doit être tenu compte des mouvements suivants :

– la recentralisation de l’exercice de la compétence de financement et d’attribution du RSA pour le département de La Réunion ([457]) qui est partiellement compensée pour l’État par une réfaction sur la dotation forfaitaire et la dotation de compensation du département, ainsi minorées respectivement de 46,3 millions d’euros et de 100,7 millions d’euros ;

– l’ajustement de la réfaction effectuée en 2019 lors de la recentralisation de l’exercice de la compétence de financement et d’attribution du RSA pour le Département de Mayotte ([458]). Ce dernier a en effet connu une réfaction de sa dotation forfaitaire en 2019 qui doit être ajustée en 2020 en fonction du montant des dépenses et des recettes de RSA réellement exécutées sur l’exercice 2019 par la caisse de sécurité sociale de Mayotte (CSSM) et de la valorisation des équivalents temps plein (ETP) non transférés et financés par l’État. Deux minorations complémentaires sont ainsi prévues :

● une première minoration ponctuelle au titre de l’ajustement à opérer pour la seule année 2019 d’un montant de 0,6 million d’euros. Le montant de la dotation forfaitaire du département sera augmenté de cette même somme en 2021 afin de faire porter cette première minoration uniquement sur l’année 2020 ;

● une seconde minoration au titre de l’ajustement à opérer pour les années 2020 et suivantes d’un montant de 0,9 million d’euros. Le montant de la dotation forfaitaire du département diminuera durablement de ce montant ;

– l’actualisation de la base de calcul, dans la dotation de compensation de la communauté de communes de Lacq-Orthez, de la compensation de la suppression de la part salaires de la TP pour un montant de 476 619 euros ;

– l’abondement par la DGF à titre exceptionnel du fonds d’aide au relogement d’urgence (FARU) pour un montant de 1,5 million d’euros, afin de faire face aux subventions à verser en 2020. Il s’agit d’un fonds d’aide (article L. 2335-15 du CGCT), institué jusqu’en 2020, qui accorde des aides financières aux communes ou à des établissements publics locaux pour assurer pendant une période maximale de six mois le relogement d’urgence ou temporaire de personnes occupant des locaux représentant un danger pour leur santé ou leur sécurité et faisant l’objet d’une ordonnance d’expulsion ou d’un ordre d’évacuation. L’aide, sous forme de subvention, est destinée à recouvrir tout ou partie des frais d’hébergement engagés par la commune. Pour rappel, le fonds a déjà fait l’objet d’un abondement exceptionnel de la DGF de 1 million d’euros en 2018.

Passage de la DGF pour 2019 À la DGF pour 2020

(en millions d’euros)

Facteurs dévolution du montant de la DGF

Impacts sur le montant de la DGF

Montant de la DGF pour 2019

26 948

 Recentralisation du RSA à la Réunion (DF)

– 46,3

 Recentralisation du RSA à la Réunion (DC)

– 100,7

 Ajustements recentralisation du RSA à Mayotte (DF)

– 1,5

 Actualisation de la DC de la CC de Lacq-Orthez

+ 0,5

 Abondement exceptionnel du FARU

+ 1,5

Montant de la DGF pour 2020

26 802

DF : dotation forfaitaire ; DC : dotation de compensation ; CC : communauté de communes.

Source : évaluation préalable du présent article.

Ainsi, la diminution de la DGF observée entre 2019 et 2020 est entièrement imputable à des mesures de périmètre et n’a aucun impact financier pour l’ensemble des collectivités territoriales, indépendamment des règles de répartition interne des différentes enveloppes de la DGF. Sur ce point, l’évaluation préalable du présent article indique que les progressions des dotations de péréquation en 2020 des communes (+ 180 millions d’euros, dont + 90 millions d’euros respectivement pour la DSU et la DSR) et des départements (+ 10 millions d’euros), équivalentes à celles opérées en 2019, sont financées par écrêtement interne des dotations forfaitaires des communes et des départements et de la dotation de compensation des EPCI.

Enfin, les régions bénéficient en 2020 comme en 2019 d’une fraction de TVA en lieu et place de leur DGF, pour un montant de 4 429 millions d’euros (contre 4 301 millions d’euros en 2019, soit + 128 millions d’euros). Elles bénéficient ainsi pleinement de la dynamique des recettes de TVA.

2.   L’extension du périmètre des variables d’ajustement au PSR de compensation des exonérations relatives au VT et la détermination des taux de minoration pour 2020

Comme chaque année depuis 2008, les variables d’ajustement sont adaptées au regard de l’évolution des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales. La minoration des variables d’ajustement permet de neutraliser en partie les évolutions à la hausse de certains des concours financiers de l’État au bénéfice des collectivités territoriales en 2020. Il s’agit pour cette année de gager les écarts constatés par rapport à 2019 des crédits de la mission RCT et des PSR au bénéfice des collectivités territoriales pour un montant total de 122 millions d’euros.

Ce montant inclut à titre principal la hausse de la compensation d’exonérations relatives à la fiscalité locale pour 59 millions d’euros (hors exonération de CFE dont le chiffre d’affaires est inférieur à 5 000 euros, votée en loi de finances pour 2018 ([459])) ainsi que la hausse du PSR au profit de la collectivité territoriale de Corse pour 25 millions d’euros et l’augmentation de la dotation élu local de 10 millions d’euros, en lien avec le projet de loi Engagement et proximité.

Il est également pris en compte, à titre exceptionnel, une dépense supplémentaire de 25 millions d’euros supportée par le programme 156 Gestion fiscale et financière de lÉtat et du secteur public local. Cette dépense vise à couvrir la suppression des indemnités de conseil versées par les collectivités territoriales et les établissements publics locaux à leur comptable public, et la prise en charge de ces indemnités par l’État. En effet, les comptables publics peuvent actuellement fournir personnellement, et en complément de leurs obligations professionnelles, une aide technique aux collectivités territoriales qui les sollicitent. En retour, la collectivité territoriale ou l’établissement public local peut décider de l’attribution d’une indemnité de conseil ([460]). Cette dernière étant régulièrement critiquée, le Gouvernement envisage sa suppression et sa prise en charge par le budget de l’État. La mesure est ensuite compensée pour l’État par une baisse à due concurrence des variables d’ajustement.

Besoin de financement couvert par la minoration des variables d’ajustement

(en millions d’euros)

Facteurs dévolution du besoin de financement

Impacts sur le besoin de financement

Hausse de la compensation d’exonérations relatives à la fiscalité locale hors CFE dont le chiffre d’affaires est inférieur à 5 000 euros

+ 59

Suppression et prise en charge par l’État de l’indemnité de conseil des comptables publics versée par les collectivités territoriales

+ 25

Hausse du PSR au profit de la collectivité territoriale de Corse

+ 22

Hausse de la dotation élu local

+ 10

Hausse de la dotation pour les titres sécurisés

+ 6

Somme du besoin de financement

+ 122

Source : direction du budget.

Dans ces conditions, les II et III du présent article déterminent le périmètre ainsi que les montants des variables d’ajustement pour 2020. En particulier, le II du présent article introduit dans l’assiette des variables d’ajustement le PSR de la compensation des pertes de recettes liées au versement transport (VT). Il dispose en effet que « le montant de la compensation à verser en 2020 ne peut excéder 48 020 650 euros », alors que le montant de ce PSR est de 90,58 millions d’euros en 2019. L’exposé des motifs de l’article justifie ce choix par la nécessité d’élargir l’assiette des variables d’ajustement supportant l’effort de maîtrise des concours financiers aux collectivités territoriales. Il justifie le choix de ce PSR en particulier, d’une part, « par le niveau peu élevé des compensations, la moitié des bénéficiaires percevant une attribution inférieure à 67 000 euros » et, d’autre part, « par la faible part de cette compensation dans les recettes réelles de fonctionnement des AOM (0,2 % en moyenne et 0,65 % au maximum) ».

Les variables d’ajustement en 2020 sont également constituées, comme en 2019, de la Dot 2, des DCRTP du bloc communal, départemental et régional, ainsi que de la dotation aux FDPTP. Toutefois, seules les parts régionales et communales de la DCRTP ainsi que les parts régionales et départementales de la Dot 2 feront l’objet d’une minoration en 2020, en plus du nouveau PSR de compensation du VT. Il est rappelé que les allocations compensatrices de fiscalité locale ne sont plus dans le périmètre des variables d’ajustement depuis 2018.

Le pÉrimÈtre des variables d’ajustement
et les taux de minoration en 2020

(en millions d’euros)

Périmètre 2020 des variables dajustement

Montant 2019

Valeur cible PLF 2020

Montant de minoration PLF 2020

Taux de minoration PLF 2020

Dotations de compensation

Dot 2 départements

421

407

– 14

– 3,4 %

Dot 2 régions

79

59

– 20

– 25 %

Dotation aux FDPTP

284

284

DCRTP bloc communal

1 155

1 145

– 10

– 0,9 %

DCRTP départements

1 273

1 273

– 

DCRTP régions

549

514

– 35

– 6,4 %

PSR versement transport

91

48

– 43

– 47 %

Somme des variables minorées

3 852

3 730

– 122

– 3,2 %

Source : commission des finances.

La minoration des variables d’ajustement entraîne une diminution de 122 millions d’euros des PSR de l’État versés aux collectivités territoriales, contre pour rappel près de 144 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2019 et 787 millions d’euros en 2017. Toutefois, les hausses de péréquation horizontale étaient en 2017 pour moitié compensées par les variables d’ajustement, alors qu’elles sont aujourd’hui intégralement financées par écrêtement interne de la DGF.

Enfin, dans un souci d’équité et comme en 2019, le IV du présent article fixe les modalités de répartition entre collectivités territoriales des minorations des variables d’ajustement pour 2020 : ces dernières seront réparties comme l’année dernière au prorata des RRF de leurs bénéficiaires.

3.   La budgétisation du prélèvement sur recettes de l’État à destination de la collectivité territoriale de Guyane

Le V du présent article procède à la budgétisation du PSR destiné à la collectivité de Guyane au titre de la compensation de la suppression de la dotation globale de garantie. Il supprime le PSR et dispose désormais que « les pertes de recettes résultant, pour la collectivité territoriale de Guyane, de la suppression de sa part de dotation globale de garantie sont compensées, selon des modalités déterminées en loi de finances, par une dotation dun montant ne pouvant excéder 27 millions deuros ». En conséquence, la mission Outre-mer a été dotée d’une dotation au profit de la collectivité territoriale de Guyane (CTG) de 27 millions d’euros supplémentaires pour 2020.

Le Rapporteur général note toutefois que le versement de la dotation à la collectivité de Guyane en 2020 est conditionné par le présent article « à la conclusion, avant le 20 décembre 2019, dune convention dobjectifs et de performance entre lÉtat et la collectivité territoriale de Guyane ».

L’exposé des motifs du présent article justifie cette mesure par le fait que le « Gouvernement entend mettre en œuvre une recommandation de la Cour des comptes visant à prolonger le versement de cette compensation à hauteur du montant versé en 2019 en contrepartie de la mise en œuvre dune amélioration de la situation financière de la collectivité. Un prélèvement sur recettes ne peut pas être conditionné à des critères de gestion : seule une dotation budgétaire permettrait datteindre le but visé de manière efficace ».

B.   L’impact BudgÉtaire et Économique

En 2020 comme en 2019, l’enveloppe normée des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales est globalement stable à périmètre constant, conformément à l’article 16 de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2018 à 2022 ([461]). Elle englobe les PSR aux collectivités territoriales (hors FCTVA) ainsi que les crédits de la mission RCT.

La participation du secteur local au redressement des comptes publics s’élèvera, sur la période de 2018 à 2022, à 13 milliards d’euros au titre de la maîtrise des dépenses de fonctionnement. En revanche, l’association des collectivités territoriales à cet effort prend la forme de contrats de maîtrise de la dépense publique, prévus à l’article 29 de la LPFP. Il s’agit d’une rupture par rapport à l’application de la contribution au redressement des finances publiques (CRFP) appliquée à la DGF de 2015 à 2017.

1.   Une stabilité des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales

Dans le cadre des objectifs d’évolution de la dépense publique, le montant de la DGF diminue progressivement depuis plusieurs années : depuis 2013, la DGF a diminué de près de 35 %. Elle est toutefois stable depuis 2017 à périmètre constant. La baisse observée en 2018 est en réalité liée à une modification du périmètre de la dotation : l’enveloppe allouée aux régions (3 935 millions d’euros) a été remplacée à compter de 2018 par l’affectation d’une fraction de TVA.

Évolution du montant de la DGF de 2013 À 2020

(en millions d’euros)

Années

2014

2015

2016

2017

2018

2019

PLF 2020

Montant de la DGF

40 121

36 607

33 222

30 860

26 960

26 948

26 802

Taux d’évolution annuel (n – 1)

– 3 %

– 9 %

– 9 %

– 7 %

– 13 %

=

– 0,5 %

Taux d’évolution cumulée (2013)

– 3 %

– 12 %

– 20 %

– 26 %

– 35 %

– 35 %

– 35 %

Les DGF 2018, 2019 et 2020 sont stables par rapport à 2017 à périmètre constant dans la mesure où la DGF des régions a été remplacée en 2018 par l’affectation d’une fraction de TVA (4 122 millions d’euros au total dont 3 935 millions au titre de la DGF des régions).

Source : Rapport de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL), Les finances des collectivités locales en 2019, état des lieux, juillet 2019.

Aussi, le montant de la DGF est fixé à 26 802 millions d’euros en loi de finances pour 2020, contre 26 948 millions d’euros en loi de finances pour 2019. Elle représente en 2020 près de 54 % des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales.

Composition des concours financiers de l’État
en faveur des collectivitÉs territoriales en 2020

Source : commission des finances.

Dans ce contexte, le montant des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales, hors FCTVA et hors TVA des régions, s’établit à 38,71 milliards d’euros en 2020 contre 38,82 millions d’euros en 2019. Cette enveloppe est globalement stable depuis 2017 à périmètre constant.

Concours financiers de l’État aux
collectivitÉs territoriales

(en millions d’euros)

Années

2016

2017

2018

2019

PLF 2020

Concours financiers de l’État de l’enveloppe normée

44 943

42 615

38 521

38 818

38 711

dont PSR (hors FCTVA)

41 209

38 849

34 735

34 926

34 898

dont RCT

3 734

3 766

3 786

3 892

3 813

Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA)

6 047

5 524

5 612

5 649

6 000

Taxe sur la valeur ajoutée affectée aux régions

4 122

4 301

4 429

Note : les concours financiers de l’enveloppe « normée » regroupent les PSR établis au profit des collectivités territoriales (hors FCTVA) et les crédits du budget général relevant de la mission RCT.

Source : Rapport de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL), Les finances des collectivités locales en 2019, état des lieux, juillet 2019.

2.   Un pilotage des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales par le développement de la contractualisation

L’enveloppe normée des concours financiers de l’État est donc globalement stable entre 2019 et 2020, conformément à l’article 16 de la LPFP pour les années 2018 à 2022 ([462]). Il s’agit d’une rupture par rapport aux années précédentes pendant lesquelles la DGF avait fait l’objet d’une diminution de 9,3 milliards d’euros. En contrepartie, l’article 13 de la LPFP ([463]) dispose que « les collectivités territoriales contribuent à leffort de réduction du déficit public et de maîtrise de la dépense publique, selon des modalités à lélaboration desquelles elles sont associées » et impose un « objectif national dévolution des dépenses réelles de fonctionnement des collectivités territoriales et de leurs groupements à fiscalité propre » correspondant « à un taux de croissance annuel de 1,2 % appliqué à une base de dépenses réelles de fonctionnement en 2017, en valeur et à périmètre constant » (soit un effort de 13 milliards d’euros sur l’ensemble du quinquennat par rapport à l’augmentation tendancielle).

L’article 29 de la LPFP ([464]) définit à cette fin une démarche innovante et partenariale sur la base d’une contractualisation financière entre l’État et 322 collectivités territoriales, ayant pour objet d’organiser leur contribution à la réduction des dépenses publiques et du déficit public. L’objectif de hausse maîtrisée de 1,2 % par an des dépenses réelles de fonctionnement sur la période 2018-2022 est modulé par collectivité territoriale pour tenir compte de leur situation particulière (évolution de la population, constructions de logements, évolution passée des dépenses, etc.). Ces modulations peuvent conduire à faire varier le taux entre 0,75 % et 1,65 %. Les contrats ont été conclus à la fin du premier semestre 2018 pour une durée de trois ans entre les représentants de l’État et les régions, les départements, ainsi que les communes et les EPCI à fiscalité propre dont les dépenses réelles de fonctionnement au titre de l’année 2016 sont supérieures à 60 millions d’euros. Des collectivités et groupements n’entrant pas dans le champ pouvaient également signer les contrats à titre volontaire.

Au 1er juillet 2018, 229 collectivités ont accepté la signature d’un contrat de maîtrise des dépenses locales (71 %) permettant une hausse maîtrisée des dépenses de fonctionnement des collectivités. Sur les 93 collectivités territoriales ayant refusé le dispositif, 52 collectivités sont des départements et 25 collectivités des communes. Celles-ci sont toujours associées à l’effort de maîtrise de leurs dépenses de fonctionnement, mais les objectifs n’ont pas fait l’objet d’une négociation et leur sont notifiés par arrêté préfectoral. De plus, le taux de reprise financière en cas de non-respect des objectifs notifiés sera de 100 % de l’écart entre le niveau d’exécution des dépenses et le niveau contractuel du plafond, au lieu de 75 % de l’écart en cas de contractualisation, dans la limite de 2 % des RRF dans les deux cas. Ainsi, toutes les grandes collectivités participent à l’effort de maîtrise des dépenses de fonctionnement, qu’elle ait opté ou non pour la contractualisation.

Situation des contrats de maÎtrise des dÉpenses locales
AU 1er juillet 2018

(nombre de collectivités)

Catégories de collectivités

Nombre de contrats signés

Nombre de collectivités ayant refusé un contrat

Proportion des collectivités ayant signé un contrat

Régions

9

8

53 %

Métropoles

20

1

95 %

Départements

45

52

46 %

EPCI

35

7

83 %

Communes

120

25

83 %

Total

229

93

71 %

Source : Rapport de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL), Les finances des collectivités locales en 2018, état des lieux, juillet 2018.

À ces chiffres, s’ajoutent 17 collectivités volontaires que la loi n’avait pas expressément ciblées, mais qui ont souhaité conclure un contrat de maîtrise de leurs dépenses.

En 2018, première année d’application de ce dispositif, les collectivités locales concernées ont, dans leur ensemble, respecté l’objectif fixé puisque leurs dépenses de fonctionnement ont reculé de 0,3 %. Seules moins de 5 % d’entre elles n’auraient pas respecté leurs obligations et pourraient s’exposer à une pénalité financière (soit 14 collectivités territoriales selon la ministre de la cohésion des territoires en juillet 2019). En 2019, les dépenses de fonctionnement de l’ensemble des collectivités locales (187,9 milliards d’euros) progresseraient sur un rythme qui resterait relativement modéré (+ 0,9 % en 2019 contre + 0,5 % en 2018). Les collectivités territoriales, prises dans leur ensemble, devraient par conséquent parvenir à respecter l’objectif national de progression des dépenses de fonctionnement fixé à + 1,2 % par an en valeur, pour la deuxième année consécutive ([465]).

Un bilan consolidé du dispositif pour 2018 doit prochainement être présenté par le ministère à l’issue d’une période contradictoire avec les collectivités territoriales concernées par un dépassement. En 2020, la logique partenariale de contractualisation avec les collectivités locales sera reconduite pour poursuivre la maîtrise des dépenses de fonctionnement, tout en tenant compte du ralentissement des dépenses d’investissement en lien avec le cycle électoral.

*

*     *

La commission est saisie, en discussion commune des amendements ICF818 de M. Fabien Roussel, ICF1171 et ICF1172 de Mme Christine Pires Beaune, ICF426 et ICF427 de M. François Pupponi, ICF1173 de Mme Christine Pires Beaune, ICF431 de M. François Pupponi, des amendements identiques ICF681 de Mme Véronique Louwagie et ICF747 de Mme Émilie Bonnivard, ainsi que des amendements ICF1175 de Mme Christine Pires Beaune et ICF821 de M. Jean-Paul Dufrègne.

M. Fabien Roussel. Nous proposons d’augmenter la dotation globale de fonctionnement (DGF) destinée au financement par les communes des actions en faveur de l’hébergement des personnes sans domicile fixe. Il s’agit d’aider les centres communaux ou intercommunaux d’action sociale, puisque le droit à la domiciliation est un droit opposable depuis la loi DALO et la loi ALUR.

Mme Christine Pires Beaune. Je vais me permettre d’intervenir sur l’ensemble de mes amendements à l’article 21, qui concerne la dotation globale de fonctionnement et les variables d’ajustement. Au-delà du montant de la DGF et des variables d’ajustement, j’appelle votre attention sur la définition même des concours et des transferts financiers de l’État. Il serait de bon aloi qu’on se mette d’accord sur ce que sont les concours financiers ou, en tout cas, sur ce qu’ils devraient être, c’est-à-dire de l’argent qui va de l’État aux collectivités territoriales et qui procède d’une décision délibérée. Le fait d’inclure le fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) dans le tableau des concours financiers de l’État brouille les pistes, dans la mesure où, quand le FCTVA augmente, c’est une augmentation mécanique liée à la reprise de l’investissement dans les collectivités territoriales. C’est certes une bonne chose, mais il y a une forme de déloyauté à en tirer argument pour dire que les concours financiers augmentent – et cela vaut d’ailleurs dans le sens inverse.

Nous aurions donc intérêt à revoir ensemble la définition des concours et des transferts financiers de l’État aux collectivités territoriales, cela nous éviterait des débats.

En ce qui concerne le gel du montant de la DGF, j’y reviendrai en séance. Je voudrais surtout insister ici sur le fait que, depuis trois ans, le financement de la péréquation – qu’il s’agisse de la dotation de solidarité urbaine (DSU) ou de la dotation de solidarité rurale (DSR) – est intégralement supporté par les collectivités elles-mêmes. Jusqu’en 2017, l’État participait au financement de la péréquation à hauteur de 50 %, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui, et ce qui explique que la moitié des communes environ sont perdantes en matière de DGF.

Dans ces conditions, l’amendement I‑CF1171 vise à ce que la DGF soit revalorisée à hauteur de l’inflation.

M. Fabien Roussel. Nos amendements doivent en effet être l’occasion d’avoir un débat sur les dotations aux communes qui, ces dernières années, ont perdu énormément de moyens. Après avoir fortement baissé sous le précédent gouvernement, la DGF est aujourd’hui gelée, puisqu’elle n’est plus indexée sur l’inflation.

C’est pour cela que nous proposons d’augmenter la DGF de 5 milliards d’euros, qui seraient spécialement affectés aux communes, et ce dès 2020, afin de permettre aux nouvelles équipes municipales de mettre en œuvre le programme sur lequel elles auront été élues.

Mme Christine Pires Beaune. L’amendement I‑CF1172 vise à ce que la hausse de la péréquation ne soit plus supportée intégralement par les collectivités territoriales.

M. François Pupponi. Nos amendements ont respectivement pour objet de majorer la DGF de 180, 120 ou 60 millions d’euros.

M. Jean-Louis Bricout. L’amendement I‑CF1173 propose d’augmenter la dotation globale de fonctionnement (DGF) à hauteur de 95 millions d’euros en 2020, afin que l’État assume au moins la moitié de la hausse de la péréquation.

Pour rappel, les majorations des dotations de péréquation des communes s’élèvent à 90 millions d’euros pour la DSU et 90 millions d’euros pour la DSR, auxquels s’ajoutent 10 millions d’euros pour les dotations de péréquation des départements.

Mme Véronique Louwagie. Notre amendement augmente de 17 millions d’euros le montant de la DGF afin de financer la première étape de la trajectoire de rattrapage sur cinq ans des dotations versées aux communes d’outre-mer.

Mme Christine Pires Beaune. L’amendement I‑CF1175 vise à ce que le rattrapage – légitime – des dotations de péréquation pour l’outre-mer, soit 17 millions d’euros, ne soit pas payé par les autres collectivités.

M. Fabien Roussel. Comme je l’ai déjà dit, il s’agit de redonner des moyens aux centres communaux et intercommunaux d’action sociale chargés de la domiciliation des personnes sans domicile.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Cette série d’amendements nous renvoie à un débat que nous avons régulièrement en séance.

En premier lieu, je rappelle que l’article 21 fixe le montant de la DGF à 26,8 milliards d’euros, soit un niveau stable à périmètre constant pour la troisième année consécutive. Dans la mesure où cet engagement est tenu, je suis défavorable à tous les amendements qui visent à augmenter la DGF.

En ce qui concerne ensuite les variables d’ajustement, même si je comprends la philosophie qui sous-tend vos amendements, je rappelle que, fixée cette année à 122 millions d’euros – contre 589 millions en 2017 et 159 millions en 2019 –, la minoration est l’une des plus faibles de ces dernières années, ce qui n’est pas totalement négligeable.

La minoration du prélèvement sur les recettes de l’État (PSR) versement transport permet d’élargir l’assiette des variables d’ajustement qui supportent l’effort de maîtrise des concours financiers aux collectivités territoriales et de ne pas minorer trop fortement d’autres variables. Il n’y a ainsi pas de minoration de la dotation aux fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP).

De manière générale, j’indique donc que je serai défavorable à tous les amendements qui modifient ce schéma de financement.

M. Jean-René Cazeneuve. Nous avons décidé il y a trois ans la stabilité des dotations aux collectivités territoriales, ce qui constitue une rupture par rapport aux années antérieures. Le Gouvernement a donc respecté ses engagements, et cette stabilité des dotations s’est traduite – et c’est tant mieux – par une amélioration des finances locales et par une reprise significative de l’investissement, qui a augmenté de 8,5 % cette année – et des capacités d’autofinancement des collectivités territoriales, en hausse de 11 %. Nous ne sommes donc pas dans une situation d’urgence qui justifierait de creuser le déficit de l’État pour aider des collectivités territoriales, qui grâce à des efforts remarquables, ont réussi à stabiliser leurs dépenses.

En parallèle, l’effort de péréquation est significatif et, comme toujours, cette solidarité vis-à-vis des communes rurales et urbaines est financée par l’ensemble des collectivités : c’est le prix à payer pour davantage de justice, et cela va dans le bon sens.

En ce qui concerne plus spécifiquement la dotation d’aménagement des communes et circonscriptions territoriales d’outre-mer (DACOM), je répondrai à ceux qui s’interrogent sur la mise à contribution des autres collectivités que, jusqu’à présent, les communes d’outre-mer n’étaient pas dans le droit commun, qu’elles n’ont donc pas profité des mécanismes de solidarité dont ont bénéficié les collectivités métropolitaines. Il me paraît dès lors juste que ces dernières participent à l’effort de rattrapage.

Enfin, le rapporteur l’a dit : la minoration des variables d’ajustement n’a jamais été aussi basse.

M. Fabien Roussel. Les communes attendent beaucoup du Gouvernement, et je ne peux pas laisser dire qu’il y a une stabilité des dotations, car ce n’est pas vrai. Au bout du compte, elles diminuent, car ne pas progresser, cela signifie reculer ! Le gâteau est de plus en plus petit, et la solidarité dont vous parlez consiste à s’en partager les miettes.

M. François Pupponi. Je partage ce qu’ont dit le rapporteur général et monsieur Cazeneuve sur les variables d’ajustement, sauf que, lorsque les variables d’ajustement baissent dans de telles proportions, il y a des communes qui perdent des recettes puisque ces variables d’ajustement servent à compenser des exonérations ou des abattements qui ne seront donc plus compensés, souvent pour les communes les plus pauvres. Si l’on veut faire le total, il faut donc comptabiliser les plus et les moins : et là, on constate que, pour certaines communes, le solde est loin d’être positif.

La commission rejette successivement les amendements ICF818, ICF1171, ICF1172 , ICF426, ICF427, ICF1173, ICF431, ICF681, ICF747, ICF1175  ICF821.

Puis elle en vient à l’examen, en discussion commune, de l’amendement ICF1167 de Mme Christine Pires Beaune, des amendements identiques ICF593 de M. François Pupponi, ICF680 de Mme Véronique Louwagie, ICF741 de Mme Émilie Bonnivard, ICF846 de M. Jean-Marc Zulesi et ICF1166 de Mme Christine Pires Beaune, des amendements ICF817 de M. Jean-Paul Dufrègne, ICF1025 de Mme Florence Lasserre-David, ICF1168 de Mme Christine Pires Beaune et ICF458 de Mme Sylvia Pinel, des amendements identiques ICF457 de Mme Sylvia Pinel et ICF537 de Mme Émilie Bonnivard, ainsi que de l’amendement ICF1169 de Mme Christine Pires Beaune.

Mme Christine Pires Beaune. Il s’agit d’amendements qui concernent les variables d’ajustement, dont la minoration est fixée à 120 millions d’euros. J’avais interrogé le rapporteur général pour savoir ce que finançaient précisément ces variables d’ajustement, car cela n’apparaît pas très clairement dans le texte. S’il a eu la réponse, sans doute voudra-t-il bien nous la donner.

Toujours est-il que la minoration de ces variables d’ajustement entraîne une diminution des ressources des collectivités territoriales. Les collectivités finançant les collectivités, au bout du compte, il y en a toujours qui sont perdantes, ce qui explique l’incompréhension des maires quand ils entendent dire que les dotations ne baissent plus.

L’amendement I‑CF1167 vise donc à supprimer les variables d’ajustement. Les amendements suivants sont des amendements de repli, qui concernent entre autres le versement transport (VT). J’y insiste car, alors que la compensation du VT n’existe que depuis un an, elle diminue déjà, ce qui augure de très mauvaises nouvelles quant à la compensation d’exonération de la taxe d’habitation.

M. Jean-Marc Zulesi. Notre amendement vise à supprimer le plafonnement du prélèvement sur les recettes de l’État versé en compensation aux autorités organisatrices de la mobilité (AOM). Il me semble en effet que, alors que la loi d’orientation des mobilités affiche l’ambition d’améliorer la mobilité partout sur le territoire, ce plafonnement serait malvenu.

M. Fabien Roussel. Le PLF pour 2020 diminue les variables d’ajustement de 120 millions d’euros, ce qui inclut une diminution de la compensation du versement transport, qui s’élevait à 91 millions d’euros en 2019 mais est plafonnée pour 2020 à 48 millions d’euros. Cela augure mal des moyens que le Gouvernement entend dégager pour développer les transports collectifs dans les grandes villes.

M. François Pupponi. La DCRTP a été incluse dans les variables d’ajustement, ce qui fait perdre des recettes aux régions. Nous proposons donc de réduire sa minoration.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Avis défavorable à l’ensemble de ces amendements.

Je précise par ailleurs à Christine Pires Beaune que je devrais bientôt disposer de la ventilation détaillée des 122 millions d’euros. Je l’intégrerai au rapport, car il s’agit d’une information essentielle pour le Parlement, et votre demande est tout à fait légitime.

M. Jean-René Cazeneuve. À entendre les uns et les autres, on a le sentiment que c’est cette majorité qui a inventé les variables d’ajustement, alors qu’elles n’ont jamais été à un niveau aussi bas. Je rappelle qu’elles servent à financer un certain nombre de priorités, et qu’il est de bonne gestion de financer ces priorités, issues de l’agenda rural ou inscrites dans le projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, et qui concernent donc les collectivités territoriales : c’est un jeu à somme nulle.

Par ailleurs, les dotations ne sont pas les seules ressources des collectivités territoriales, qui disposent de ressources de fonctionnement bien supérieures à leurs dépenses. En effet, grâce notamment au dynamisme de la fiscalité locale et de la fiscalité sur les entreprises, elles voient leurs ressources augmenter.

Dans le domaine de la mobilité en particulier, les AOM bénéficient du produit fiscal résultant du VT, qui s’est élevé à 8,9 milliards d’euros cette année, ce qui constitue une augmentation remarquable, au regard de laquelle les 45 millions manquants ne sont pas grand-chose.

Mme Christine Pires Beaune. J’invite mon collègue et ami Jean-René Cazeneuve à se rapporter aux débats de la précédente législature : il constatera que, tous les ans, nous avons, au sein de cette commission, réclamé la suppression des variables d’ajustement, qui sont profondément injustes. On demande aux collectivités territoriales de financer des trains de mesures en faveur des collectivités, et on prétend ensuite que l’État fait un effort : non, l’État ne fait pas d’effort, ce sont les collectivités qui financent la solidarité !

Quant aux recettes des collectivités, elles augmentent certes, mais je rappelle que, si le déficit public se réduit, c’est notamment parce que les collectivités territoriales et la sécurité sociale ont réduit leurs propres déficits et fait des efforts importants, et ce alors que la dette des collectivités ne représente même pas 10 % de la dette publique. Il faut que ces choses soient dites !

La commission rejette successivement les amendements ICF1167, ICF593, ICF680, ICF741, ICF846, ICF1166, ICF817, ICF1025, ICF1168, ICF458, ICF457, ICF537 et ICF1169.

Puis elle adopte l’article 21 sans modification.

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*     *

Après l’article 21

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements ICF257, ICF259, ICF263 et ICF562 de M. Michel Castellani.

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*     *

 

 


Article 22
Compensation des transferts de compétences aux régions
et aux départements par attribution dune part du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article tire les conséquences sur les différentes fractions de TICPE affectées aux collectivités territoriales, de l’application au 1er janvier 2018 du code du travail à Mayotte, ainsi que du transfert aux branches professionnelles de la compétence régionale relative à l’apprentissage à compter du 1er janvier 2020.

À ce titre, le présent article :

– actualise les fractions de TICPE affectées au Département de Mayotte au titre des transferts de compétence relatifs à la formation professionnelle et au dispositif nouvel accompagnement pour la création et la reprise d’entreprise (NACRE), pour un montant de 54 247 euros ;

– supprime les fractions de TICPE affectées aux régions au titre du transfert de la compétence apprentissage des régions aux branches professionnelles par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, pour un montant de 487 millions d’euros (exécution 2018).

Dernières modifications législatives intervenues

Les lois de finances pour 2014, pour 2015 et pour 2016 ont affecté plusieurs fractions de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) aux régions au titre du financement de la compétence apprentissage.

La loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels a rendu applicable le code du travail à Mayotte à compter du 1er janvier 2018.

La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a réformé l’accompagnement de l’apprentissage en France : les régions voient leurs compétences en matière d’apprentissage disparaître au profit des branches professionnelles et des opérateurs de compétences.

La loi de finances pour 2018 a ajusté la fraction de TICPE destinée à compenser pour Mayotte les charges résultant de la départementalisation et la fraction de TICPE destinée à compenser pour Mayotte le dispositif NACRE aux régions pour tenir compte de l’application du droit du travail dans ce territoire au 1er janvier 2018.

La loi de finances pour 2019 a actualisé le montant des compensations versées au Département de Mayotte au titre des transferts de compétence relatifs à la formation professionnelle et au dispositif NACRE.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   L’état du droit

A.   Le droit À compensation intÉgrale des collectivitÉs territoriales en cas de transfert de compÉtences

Le droit des collectivités territoriales à compensation en cas de transfert de compétences est souvent mis en œuvre par le transfert d’une fraction de fiscalité, et plus particulièrement d’une fraction du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) sur les carburants. Aussi, l’exercice de nouvelles compétences par le Département de Mayotte, comme le transfert de la compétence apprentissage des régions aux branches professionnelles, s’accompagne nécessairement d’une modification des fractions de TICPE affectées à Mayotte et aux régions.

1.   Les transferts de compétences vers les collectivités territoriales doivent faire l’objet d’une compensation au coût historique

L’article 72-2 de la Constitution pose le principe selon lequel les transferts de compétences vers les collectivités territoriales doivent s’accompagner des ressources consacrées par l’État à l’exercice des compétences transférées : « Tout transfert de compétences entre lÉtat et les collectivités territoriales saccompagne de lattribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence daugmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi. » Ainsi, il résulte de cet article et des décisions du Conseil constitutionnel que, « lorsquil transfère aux collectivités territoriales des compétences auparavant exercées par lÉtat, le législateur est tenu de leur attribuer des ressources correspondant aux charges constatées à la date du transfert » et qu’il appartient « à lÉtat de maintenir un niveau de ressources équivalant à celui quil consacrait à lexercice de cette compétence avant son transfert » ([466]).

L’article L. 1614‑1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) codifie ces dispositions constitutionnelles en matière de transfert de compétences : il précise que les ressources transférées « assurent la compensation intégrale des charges transférées » et doivent permettre l’exercice normal des compétences transférées. Par ailleurs, l’article L. 1614‑1‑1 du CGCT dispose que « toute création ou extension de compétence ayant pour conséquence daugmenter les charges des collectivités territoriales est accompagnée des ressources nécessaires déterminées par la loi ». Enfin, l’article L. 1614‑2 du CGCT dispose que « toute charge nouvelle incombant aux collectivités territoriales du fait de la modification par lÉtat, par voie réglementaire, des règles relatives à lexercice des compétences transférées est compensée ».

Dès lors, ouvrent droit à compensation ou à un accompagnement financier de la part de l’État :

– les transferts de compétences, pour lesquels la compensation financière doit être intégrale. Le montant alloué par l’État pour l’exercice de la compétence transférée s’effectue au « coût historique », sans obligation de réévaluer par la suite ce montant en fonction du coût effectif d’exercice des charges transférées ;

– les créations ou les extensions de compétences, pour lesquelles un accompagnement financier est obligatoire. Ce dernier ne correspond pas à une compensation intégrale, mais doit être suffisant pour ne pas porter atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales ;

– la modification par voie réglementaire des règles relatives à l’exercice d’une compétence transférée, à condition que la réforme soit obligatoire et qu’elle ne constitue pas une mesure de portée générale (telle que la revalorisation du point d’indice de la fonction publique). Ces modifications réglementaires doivent faire l’objet d’une compensation intégrale.

2.   La compensation est souvent mise en œuvre par un transfert de fraction du produit de la TICPE sur les carburants

Il revient à la loi de déterminer les ressources affectées en compensation aux collectivités territoriales, qui peuvent prendre la forme de plusieurs vecteurs de compensation financière :

– les dotations versées par l’État sous la forme de crédits budgétaires qui sont libres d’emploi pour les collectivités territoriales ;

– les prélèvements sur recettes (PSR) de l’État opérés sur les recettes du budget général ;

– la fiscalité transférée correspondant aux produits d’impôts d’État reversés aux collectivités territoriales.

Le produit de certains impôts est ainsi transféré par l’État aux collectivités territoriales. La fiscalité transférée se compose actuellement de cinq taxes et de certains frais de gestion pour un total de 37,1 milliards d’euros en 2019.

FiscalitÉ transfÉrÉe par l’État
aux collectivitÉs territoriales

(en millions d’euros)

Fiscalité transférée

LFI 2017

LFI 2018

LFI 2019

Droit départemental d’enregistrement et taxe de publicité foncière (DMTO)

9 735

10 908

11 328

Taxe sur les certificats d’immatriculation

2 174

2 244

2 300

Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

10 951

10 956

11 003

Taxe sur les conventions d’assurance (TSCA)

7 054

7 317

7 400

Taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM)

771

772

790

Frais de gestion

4 173

4 185

4 324

Total

34 858

36 382

37 147

Source : commission des finances.

RÉpartition pour 2019 par imposition de la FISCALITÉ TRANSFÉRÉE PAR L’ÉTAT AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

(en pourcentage)

Source : commission des finances.

La TICPE sur les carburants transférée en 2019 représente 11 milliards d’euros et constitue la principale fiscalité transférée par l’État aux collectivités territoriales après les droits de mutation à titre onéreux (DMTO). Les modalités de calculs des quotes-parts de TICPE revenant aux collectivités territoriales sont déterminées par diverses dispositions législatives contenues dans plusieurs lois de finances, chacune de ces quotes-parts couvrant un transfert de compétences particulier prévu par la loi.

Les diffÉrentes fractions de TICPE transfÉrÉes
aux collectivitÉs territoriales en 2019

(en millions d’euros)

Fondement juridique du transfert

Fraction de TICPE transférée

Bénéficiaires

Montant PLF 2019

Article 39 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012

Départementalisation de Mayotte

Département de Mayotte

77

Article 40 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014

Renforcement du financement de l’apprentissage

Régions

160

X de l’article 38 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016

Prime de recrutement d’un apprenti supplémentaire

Régions

99

I de l’article 38 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016

MAPTAM et NOTRe

Régions

60

Article 29 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015

Prime d’apprentissage

Régions

237

Article 40 de la loi n° 2005-1719 de finances pour 2006

Acte II de la décentralisation – loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales – part régionale

Régions

3 520

Article 52 de la loi n° 2004-1484 de finances pour 2005

Acte II de la décentralisation – loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales – part départementale

Départements

679

Article 59 de la loi n° 2003-1311 de finances pour 2004 et article 51 de la loi n° 2008-1425 de finances pour 2009

Financement du RMI/RSA – loi du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de RMI et loi du 1er décembre 2008 généralisant le RSA et réformant les politiques d’insertion

Départements

5 862

Article 41 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014

Formation professionnelle continue et apprentissage

Régions

309

Total de la TICPE transférée aux collectivités territoriales

11 003

Note : MAPTAM : loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles ; NOTRe : loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République.

Source : commission des finances.

B.   Les COMPENSATIONs ACCORDÉEs AUX RÉGIONS au titre de la formation professionnelle, de l’apprentissage et du dispositif NACRE

Les transferts de compétences en faveur des régions en matière de formation professionnelle, d’apprentissage ou encore du nouvel accompagnement à la création ou la reprise d’entreprise (NACRE) ont fait l’objet de compensations par l’affectation de plusieurs parts spécifiques de TICPE sur les carburants. Toutefois, l’entrée en vigueur au 1er janvier 2018 de certaines de ces compétences dans le Département de Mayotte ainsi que le transfert de la compétence apprentissage des régions aux branches professionnelles par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel ([467]) rendent nécessaires un ajustement des fractions de TICPE affectées aux régions.

1.   Le transfert des compétences relatives à la formation professionnelle et au dispositif NACRE au Département de Mayotte depuis le 1er janvier 2018

La loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie locale ([468]) a transféré depuis le 1er janvier 2015 plusieurs compétences aux régions, parmi lesquelles les dépenses dédiées aux actions de formation à destination des personnes détenues au sein d’établissements pénitentiaires, à la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle pour les centres de rééducation professionnelle et à l’accompagnement des jeunes et des adultes à la recherche d’un emploi et candidats à la validation des acquis de l’expérience (VAE). Pour l’exercice de ces compétences, les régions bénéficient d’un reversement d’une fraction des frais de gestion prélevés par l’État sur la cotisation foncière des entreprises (CFE) et sur la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), ainsi que d’une fraction de TICPE fixée en loi de finances pour 2014 ([469]).

Compensations de la compÉTENCe formation
professionnelle des rÉgions

(en millions d’euros)

Compétence exercée

Base légale

Vecteur de compensation

Base légale

Montant 2019

Formation professionnelle continue

L. 6121-1 du code du travail

Frais de gestion sur la CFE et la CVAE

Loi de finances pour 2014, article 41, I

695

Fraction de TICPE

Loi de finances pour 2014, article 41, II

309

Source : commission des finances.

La loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) ([470]) a transféré depuis le 1er janvier 2017 aux régions le financement des actions d’accompagnement et de conseil organisées avant la création ou la reprise d’une entreprise et pendant les trois années suivantes. Il s’agit en particulier du dispositif NACRE, qui consiste à financer un parcours d’accompagnement des créateurs et repreneurs d’entreprise sans emploi et rencontrant des difficultés d’insertion durables pour l’accès, le retour et le maintien dans l’emploi (articles L. 5141-5 et L. 5522-21 du code du travail). Pour l’exercice de ces compétences, les régions bénéficient d’une fraction de TICPE fixée en loi de finances pour 2016 ([471]).

C’est dans ce cadre que la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels ([472]) a rendu applicable le code du travail à Mayotte à compter du 1er janvier 2018. Cette mesure rend dès lors applicables dans ce territoire les compétences évoquées précédemment, celles-ci étant toutefois exercées par le Département de Mayotte.

Pour le financement de ces deux nouvelles compétences, ce dernier a bénéficié en loi de finances pour 2018 ([473]) :

– d’un ajustement de la fraction de TICPE destinée à compenser pour Mayotte les charges résultant de la départementalisation ([474]). Il s’agit d’une fraction spécifique, mise en place dans le cadre de la départementalisation de ce territoire, qui prévoit désormais que sont compensées les créations de compétences consécutives à la mise en œuvre de la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale. Le montant de la compensation provisionnelle a été évalué à 920 000 euros ;

– d’un ajustement de la fraction de TICPE destinée à compenser le dispositif NACRE aux régions ([475]). Le montant de la compensation provisionnelle des dépenses a été évalué à 110 000 euros pour quatre collectivités, à savoir Mayotte, Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon.

Ces deux montants provisionnels de compensation ont fait l’objet d’une actualisation et d’un ajustement en loi de finances pour 2019 ([476]).

2.   Le transfert des compétences relatives à l’apprentissage des régions aux branches professionnelles

C’est la loi du 7 janvier 1983 de décentralisation, dites la « loi Deferre » ([477]), qui a accordé aux régions une compétence de droit commun pour la mise en œuvre des actions d’apprentissage en disposant que « la région assure la mise en œuvre des actions dapprentissage et de formation professionnelle continue ». L’article L. 6121-1 du code du travail, issu de la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale ([478]), dispose que « la région est chargée de la politique régionale daccès à lapprentissage et à la formation professionnelle des jeunes et des adultes à la recherche dun emploi ou dune nouvelle orientation professionnelle ». À ce titre, elle assure les missions suivantes :

– la définition et la mise en œuvre de la politique d’apprentissage et de formation professionnelle ;

– l’organisation et le financement du service public régional de la formation professionnelle, notamment par l’octroi d’aides individuelles à la formation. Ces aides sont généralement octroyées par Pôle emploi dans le cadre d’une convention conclue avec la région ;

– l’accompagnement des jeunes et des adultes à la recherche d’un emploi qui sont candidats à la validation des acquis de l’expérience.

Pour assurer le financement des compétences en matière d’apprentissage, l’article L. 6241-2 du code du travail affecte aux régions :

– une fraction de la taxe d’apprentissage égale à 51 % du produit de la taxe, fixée en 2019 à 1 710 millions d’euros, et reversée aux régions pour le financement et le développement de l’apprentissage par le biais du compte d’affectation spéciale Financement national du développement et de la modernisation de lapprentissage (CAS–FNDMA). Ce dernier assure le financement de la péréquation entre les centres de formation d’apprentis (CFA) et le financement des contrats d’objectifs et de moyens entre l’État et les régions visant au développement de l’apprentissage ;

– une fraction de TICPE pour le financement du développement de l’apprentissage, fixée à 154 millions d’euros en 2018 et à 160 millions d’euros en 2019, prévue par la loi de finances pour 2015 ([479]).

De manière additionnelle, la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales confie aux régions l’enregistrement des contrats d’apprentissage et l’attribution d’une prime d’apprentissage versée aux employeurs des apprentis ([480]). L’article L. 6243-1 du code du travail prévoit le versement de primes d’apprentissage par les conseils régionaux aux employeurs d’apprentis de moins de onze salariés. La région détermine le montant de cette prime, qui ne peut être inférieur à 1 000 euros par année de formation, ainsi que ses modalités d’attribution. Ce dispositif, institué par la loi de finances pour 2014 ([481]), fait l’objet d’une compensation de la part de l’État. Le montant de cette dernière est déterminé en fonction des effectifs d’apprentis ayant conclu un contrat d’apprentissage dans les établissements de la région. La compensation prend la forme d’une fraction de TICPE sur les carburants prévue par la loi de finances pour 2014 ([482]). Elle est fixée à 230 millions d’euros en 2018 et à 237 millions d’euros en 2019.

Enfin, l’article L. 6243-1-1 du code du travail confie aux régions le versement de l’aide au recrutement d’un apprenti supplémentaire. Il dispose que « la conclusion dun contrat dapprentissage dans une entreprise de moins de deux cent cinquante salariés ouvre droit [] à une aide au recrutement des apprentis dun montant qui ne peut pas être inférieur à 1 000 euros ». Cette aide est versée par la région qui en détermine les modalités de versement. Ce dispositif, institué par la loi de finances pour 2015 ([483]), fait l’objet d’une compensation de la part de l’État. Le montant de cette compensation est déterminé chaque année en fonction du nombre d’aides versées par les régions sur la base de 1 000 euros par contrat. La compensation prend la forme d’une fraction de TICPE sur les carburants prévue par la loi de finances pour 2016 ([484]). Elle est fixée à 96 millions d’euros en 2018 et à 99 millions d’euros en 2019.

Compensations de la compÉTENCe apprentissage
des rÉgions

(en millions d’euros)

Compétence exercée

Base légale

Vecteur de compensation

Base légale

Montant 2019

Développement de l’apprentissage

L. 6121-1 du code du travail

Taxe d’apprentissage

L. 6241-2 du code du travail

1 710

Fraction de TICPE

Loi de finances pour 2015, article 29

160

Prime d’apprentissage

L. 6243-1 du code du travail

Fraction de TICPE

Loi de finances pour 2014, articles 40 et 140

237

Aide au recrutement d’un apprenti supplémentaire

L. 6243-1-1 du code du travail

Fraction de TICPE

Loi de finances pour 2015, article 123

Loi de finances pour 2016, article 38

99

Source : commission des finances.

La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel ([485]) a réformé l’accompagnement de l’apprentissage en France, notamment sa gouvernance et son financement. À partir de 2020, la composition et les modalités de collecte de la taxe d’apprentissage sont simplifiées, tandis qu’un établissement public, France compétences, sera chargé de réguler et de répartir les fonds de la formation professionnelle et de l’apprentissage. Les financements de la compétence apprentissage sont désormais pris en charge directement à la fois par l’aide unique à l’apprentissage versée par l’État et par France compétences. En conséquence, les régions conservent leurs compétences de droit commun en matière de formation professionnelle continue, mais voient leurs compétences en matière d’apprentissage disparaître au profit des branches professionnelles et des opérateurs de compétences. Aussi est-il prévu qu’à compter du 1er janvier 2020 :

– la région est chargée de la politique régionale d’accès à la formation professionnelle des jeunes et des adultes à la recherche d’un emploi ou d’une nouvelle orientation professionnelle – les mentions à l’apprentissage sont ainsi supprimées (article L. 6121-1 du code du travail modifié par l’article 34 de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel). Le financement de l’apprentissage est ainsi confié aux branches professionnelles et aux opérateurs de compétences ;

– la taxe d’apprentissage est désormais reversée à France compétences (article L. 6241-2 du code du travail modifié par l’article 37 de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel) ;

– la prime d’apprentissage est versée à l’employeur par l’État et non plus par la région (article L. 6243-1 du code du travail modifié par l’article 27 de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel) ;

– l’aide au recrutement d’un apprenti supplémentaire est supprimée par la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi PACTE ([486]).

Toutefois, la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel ([487]) prévoit que les régions conservent une compétence facultative résiduelle en matière d’apprentissage. À compter du 1er janvier 2020, la nouvelle rédaction de l’article L. 6211-3 du code du travail dispose que la région peut contribuer au financement des CFA quand des besoins d’aménagement du territoire et de développement économique qu’elle identifie le justifient. Elle peut à ce titre, en dépenses de fonctionnement, majorer la prise en charge des contrats d’apprentissage assurée par les opérateurs de compétences et, en dépenses d’investissement, verser des subventions aux CFA. L’article précise ensuite que les dépenses d’investissement engagées par les régions font l’objet d’un accompagnement déterminé en loi de finances sur une base de référence que sont les dépenses constatées au titre des années 2017 à 2019. Le nouvel article L. 6123‑5 du code du travail ([488]) dispose qu’il incombe à France compétences la mission de verser aux régions les fonds destinés au financement des dépenses précitées.

Enfin, par cohérence avec les mesures précitées, la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel ([489]) supprime, à compter de 2020, la ressource régionale pour l’apprentissage constituée d’une fraction de la taxe d’apprentissage (article L. 6241-2 du code du travail). Aucune modification n’a été néanmoins apportée aux diverses fractions de TICPE affectées aux régions au titre de la compensation pour l’exercice de la compétence apprentissage.

II.   LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A.   Un ajustement des fractions de TICPE sur les carburants affectÉes aux rÉgions et aux dÉpartements

Le présent article tire les conséquences, sur les différentes fractions de TICPE affectées aux collectivités territoriales, de l’application au 1er janvier 2018 du code du travail à Mayotte, ainsi que de l’entrée en vigueur de la réforme relative à l’apprentissage à compter du 1er janvier 2020.

1.   Une actualisation des fractions de TICPE affectées au Département de Mayotte au titre des transferts de compétences relatifs à la formation professionnelle et au dispositif NACRE

Le I du présent article actualise le montant de la fraction de TICPE affectée aux régions au titre de la compensation au dispositif NACRE. Il augmente le montant total de la fraction affecté aux régions (hausses marginales de 0,05 centime d’euro par hectolitre de supercarburant et de 0,03 centime d’euro par hectolitre de gazole) et augmente en conséquence le montant de la compensation allouée au Département de Mayotte pour un montant total de 29 035 euros.

Le II du présent article actualise le montant de la fraction de TICPE affectée au Département de Mayotte au titre de la compensation des charges résultant de la départementalisation, qui est également utilisée comme vecteur de compensation des charges résultant de la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale. Il augmente le montant total de la fraction affectée au Département de Mayotte (hausses marginales de 0,1 centime d’euro par hectolitre de supercarburant et de 0,1 centime d’euro par hectolitre de gazole), pour un montant total de 25 212 euros.

2.   La suppression des fractions de TICPE affectées aux régions au titre du transfert de la compétence apprentissage aux branches professionnelles

Le transfert des régions aux branches professionnelles du financement de l’apprentissage rend nécessaire la suppression des compensations correspondantes versées par l’État aux régions, en particulier des nombreuses fractions de TICPE. Ainsi, en lien avec l’article 30 du présent projet de loi de finances prévoyant la suppression du CAS–FNDMA chargé de répartir le produit régional de la taxe d’apprentissage entre les régions ([490]), le présent article :

– supprime au III la fraction de TICPE affectée aux régions au titre de la compensation de la prime d’apprentissage ([491]) ainsi que le principe de compensation par l’État de cette prime ([492]) ;

– supprime au IV la fraction de TICPE affectée aux régions au titre de la compensation de l’aide au recrutement d’apprentis ([493]) ainsi que le principe de compensation par l’État de cette aide ([494]) ;

– supprime au V la fraction de TICPE affectée aux régions au titre du développement de l’apprentissage ([495]), qui était versée en complément de la fraction de taxe d’apprentissage.

B.   L’IMPACT BUDGÉTAIRE ET ÉCONOMIQUE

L’affectation de recettes de TICPE de l’État à Mayotte au titre de la compensation de diverses mesures relatives à l’application du code du travail sur ce territoire conduira à une perte de ressources pérenne de 54 247 euros pour l’État et à une hausse symétrique pour le Département de Mayotte.

À l’inverse, la suppression des fractions de TICPE transférées aux régions au titre de l’exercice de la compétence apprentissage conduit à une hausse des ressources de l’État d’un montant équivalent évalué à 489 millions d’euros.

Cette recentralisation de TICPE est toutefois tempérée par la réaffectation de 157 millions d’euros de TICPE à l’article 24 du présent projet de loi de finances relatif à l’accompagnement financier des régions au titre de la réforme de l’apprentissage, ainsi que par un financement complémentaire de 73 millions d’euros, versé sous la forme d’un prélèvement sur recettes. Ces deux mesures, soit un total de 230 millions d’euros, visent à neutraliser pour les régions les effets financiers de la réforme de l’apprentissage. Ce point fait l’objet d’un développement particulier dans le commentaire de l’article 24 ([496]).

*

*     *

La commission adopte l’article 22 sans modification.


Article 23
Création dun prélèvement sur les recettes de lÉtat (PSR)
à destination de la Polynésie française

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article propose de transformer en prélèvement sur les recettes (PSR) de l’État la dotation globale d’autonomie (DGA) de la Polynésie française. Il procède à une réécriture complète de l’article L. 6500 du code général des collectivités territoriales (CGCT) qui disposerait qu’il « est institué, par prélèvement sur les recettes de lÉtat, une dotation globale dautonomie au bénéfice de la Polynésie française ».

Le montant du PSR serait fixé à 90,6 millions d’euros par l’article 26 du présent projet de loi de finances relatif à l’évaluation des prélèvements opérés sur les recettes de l’État au profit des collectivités territoriales.

Dernières modifications législatives intervenues

La loi de finances pour 2011 instaure une DGA versée directement à la Polynésie française et libre d’emploi.

La loi de finances pour 2017 fixe le montant de la DGA à 90,6 millions d’euros.

La loi du 5 juillet 2019 portant diverses dispositions institutionnelles en Polynésie française transformait la DGA en un PSR. La mesure a été censurée par le Conseil constitutionnel, car jugée contraire à la loi organique relative aux lois de finances.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   L’État du droit

A.   La PolynÉsie française bÉnÉficie depuis 1996 de dotations budgÉtaires visant À couvrir les charges liÉes À la cessation des essais nuclÉaires

1.   Les aides de l’État à la reconversion de l’économie polynésienne depuis la fin des essais nucléaires

À la suite des derniers essais nucléaires français en 1996, l’État s’est engagé à maintenir pendant dix ans, en faveur de la Polynésie française, le niveau des flux financiers résultants de l’activité du centre d’expérimentation du Pacifique (CEP). L’évaluation préalable du présent article rappelle en effet que le CEP engendrait pendant la période des essais nucléaires près de 70 % du produit intérieur brut de la Polynésie française.

Dans ce contexte économique particulier, l’article premier de la convention du 8 août 1996 pour le renforcement de l’autonomie économique de la Polynésie française ([497]) précise que « les flux faisant lobjet de lengagement de lÉtat comportent », d’une part, « les recettes de nature douanière et fiscale perçues par le territoire de Polynésie française » et, d’autre part, « les dépenses ayant un impact économique effectuées sur le territoire ». Il fixe le niveau de référence de l’ensemble de ces flux à 990 millions de francs ([498]).

Afin de garantir le niveau de ces flux pendant dix ans, l’État s’est engagé à verser chaque année au budget de la Polynésie française :

– la différence entre le montant de référence des recettes douanières et fiscales résultant autrefois de l’activité du CEP et les recettes de même nature effectivement perçues au titre des activités résiduelles du centre, afin de compenser dans le budget de fonctionnement de la Polynésie française la diminution des ressources fiscales et douanières résultant de l’arrêt des essais ;

– une dotation apportée au programme stratégique pour l’avenir économique et social de la Polynésie française, à travers notamment un fonds pour la reconversion économique de la Polynésie française (FREPF). Il est précisé que ce fonds contribue au financement de tout projet visant à « développer des activités durables génératrices en Polynésie française demplois stables et de ressources pour le territoire » ([499]).

La convention du 4 octobre 2002 pour le renforcement de l’autonomie économique de la Polynésie française fixe « de manière permanente […] le niveau des flux financiers qui résultaient de lactivité du CEP » et le niveau de référence correspondant à 150,92 millions d’euros ([500]). La convention substitue au FREPF une dotation globale de développement économique (DGDE) poursuivant des objectifs similaires (aide à la reconversion, contribution à la réalisation de grands projets d’équipements publics, aide aux programmes de logements sociaux, etc.) ([501]).

Par la suite, la loi de finances pour 2011 ([502]) a réformé le régime d’aide de l’État à la reconversion de l’économie polynésienne en substituant trois nouveaux instruments financiers à la DGDE, inscrits dans la loi pour un montant total de 150,9 millions d’euros en 2011 :

– une dotation globale d’autonomie (DGA) versée directement à la Polynésie française et libre d’emploi. L’article L. 6500 du code général des collectivités territoriales (CGCT) fixe le montant de la DGA pour 2011 à 90,55 millions d’euros et indexe la dotation sur l’évolution de la dotation globale de fonctionnement (DGF) ;

– une dotation territoriale pour l’investissement des communes (DTIC) de la Polynésie française. L’article L. 2573-54-1 du CGCT précise que « cette dotation est affectée au financement des projets des communes et de leurs établissements en matière de traitement des déchets, dadduction deau, dassainissement des eaux usées, dadaptation ou datténuation face aux effets du changement climatique et des projets de constructions scolaires ». Il fixe le montant de la DTIC pour 2011 à 9,06 millions d’euros et l’indexe sur l’évolution de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) ;

– un concours de l’État au financement des investissements prioritaires de la Polynésie française pour un montant de 51,3 millions d’euros en 2011. La loi organique portant statut d’autonomie de la Polynésie française précise que ce troisième instrument financier (3IF), mis en place « à la demande de la Polynésie française et par conventions », permet à l’État d’apporter « son concours financier et technique à la Polynésie française dans lensemble de ses domaines de compétence » ([503]). Ses fonds sont prioritairement destinés au désenclavement et à la prévention des risques dans le secteur des infrastructures routières, portuaires, aéroportuaires et de défense contre les eaux.

2.   La problématique de l’évolution de la dotation globale d’autonomie

Le montant et l’évolution de la DGA constituent un sujet de préoccupation récurrent depuis l’application à la DGA de la contribution au redressement des finances publiques (CRFP) qui a substantiellement affecté la DGF entre 2014 et 2017. Ainsi le montant de la DGA s’élevait-il à près de 80,55 millions d’euros en 2016, soit une baisse de près de 11 % sur la période. Néanmoins, le Président de la République a annoncé le 22 février 2016 en Polynésie française que la DGA cesserait de diminuer, qu’elle serait réévaluée dès 2017 à plus de 90 millions d’euros et qu’elle serait sanctuarisée. La loi de finances pour 2017 a ainsi fixé le montant de la DGA, inscrit à l’article L. 6500 du CGCT, à son niveau historique de 90,55 millions d’euros ([504]).

Évolution de la dotation globale d’autonomie
entre 2011 et 2018

(en millions d’euros)

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

90,55

90,55

90,55

90,55

84,55

80,55

90,55

90,55

Source : commission des finances.

Au cours de l’examen au printemps 2019 du projet de loi portant diverses dispositions institutionnelles en Polynésie française, le Gouvernement s’est ensuite engagé à stabiliser et à pérenniser la DGA en la transformant en un prélèvement sur recettes (PSR) à partir de 2020 : « les discussions préparatoires ont également permis didentifier une difficulté structurelle relative aux dotations du pays. La collectivité de Polynésie française est en effet apparue comme la seule collectivité de la République dont la principale dotation, le DGA, votée en loi de finances, pouvait fluctuer en gestion. Cest totalement anormal. Cest pourquoi jai décidé de sécuriser et de sanctuariser cette dotation, à la demande des élus du territoire, en la faisant sortir du cadre budgétaire. Je peux donc vous confirmer lengagement du Gouvernement : dans le cadre de la prochaine loi de finances, la dotation globale dautonomie sera transformée, à linstar de la dotation globale de fonctionnement, en un prélèvement sur recette dun montant identique, qui deviendra donc intouchable. […] La DGA est donc sacralisée. » ([505])

Cette transformation de la DGA en un PSR de l’État doit ainsi permettre d’éviter à la Polynésie française de subir des aléas de gestion financière plus forts que pour les autres collectivités, notamment par des mesures de gel ou de surgel des crédits budgétaires. En outre, dans un souci de cohérence s’agissant d’une dotation libre d’emploi, la mesure permettrait d’aligner le régime de la DGA sur celui de la DGF, financée par un PSR de l’État.

B.   La transformation de la dotation globale d’autonomie en un prÉlÈvement sur recettes a ÉtÉ censurÉe par le Conseil constitutionnel en 2019

Les PSR sont un outil budgétaire qui se situe à la frontière entre recettes et dépenses dans la mesure où il permet à des opérations a priori assimilables à des dépenses, car donnant lieu à des décaissements, d’être traitées comme des opérations sur recettes. Plus précisément, d’un point de vue budgétaire, les montants des PSR sont déduits de l’ensemble des recettes de l’État et n’apparaissent pas dans la partie dépenses. Ce mécanisme a été créé en 1969 pour compenser le produit de la suppression d’impôts locaux. En 1971, la même procédure a été mise en œuvre s’agissant de la contribution de la France aux Communautés européennes.

Depuis, la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) définit un PSR comme « un montant déterminé de recettes de lÉtat » qui peut « être rétrocédé directement au profit des collectivités territoriales ou des Communautés européennes en vue de couvrir des charges incombant à ces bénéficiaires ou de compenser des exonérations, des réductions ou des plafonnements dimpôts établis au profit des collectivités territoriales ». La loi organique dispose ensuite qu’ils doivent être, « dans leur destination et leur montant, définis et évalués de façon précise et distincte » ([506]).

Dans le projet de loi de finances pour 2019, une vingtaine de PSR au profit des collectivités territoriales est recensée pour un montant total de 40,6 milliards d’euros, parmi lesquels la DGF (26,9 milliards d’euros) ou encore le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (5,65 milliards d’euros). Les PSR représentent ainsi l’essentiel des concours financiers de l’État en faveur des collectivités territoriales.

Dans ce contexte, lors de l’examen au Sénat du projet de loi portant diverses dispositions institutionnelles en Polynésie française, un amendement de Mme Lana Tetuanui (Union centriste), sous-amendé par le rapporteur de la commission des Lois, a transformé, contre l’avis du Gouvernement, la DGA en un PSR de l’État ([507]). Le Gouvernement s’est opposé à l’adoption de cet amendement, rappelant son « engagement ferme quant à la sanctuarisation de la DGA » qui sera « transformée en prélèvement sur recettes dès 2020 » par la prochaine loi de finances ([508]). L’article a toutefois été voté conforme par l’Assemblée nationale en première lecture et définitivement intégré au texte.

L’article prévoyait ainsi d’instituer, à compter de 2020, un PSR de l’État au bénéfice de la Polynésie française, en lieu et place de l’actuelle DGA. Ce dernier est destiné « à couvrir les charges liées, pour cette collectivité doutre-mer, aux déséquilibres dordre économique provoqués par larrêt des activités du centre dexpérimentation du Pacifique » ([509]). Libre d’emploi, son montant doit être fixé par la loi de finances.

Toutefois, par décision du 27 juin 2019, le Conseil constitutionnel a censuré cet article dans son intégralité, en jugeant que l’institution par le législateur d’un PSR « se bornant à prévoir quun tel prélèvement est destiné à couvrir les charges liées, pour cette collectivité doutre-mer, aux déséquilibres dordre économique provoqués par larrêt des activités du centre dexpérimentation du Pacifique, sans indications suffisantes quant aux critères de détermination de ces charges », était contraire à la loi organique relative aux lois de finances ([510]). Cette dernière dispose en effet que les « prélèvements sur les recettes de lÉtat sont, dans leur destination et leur montant, définis et évalués de façon précise et distincte » ([511]).

II.   LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A.   La crÉation d’un prÉlÈvement sur recettes À destination de la polynÉsie française et la dÉfinition de critÈres de charges suffisants

Le présent article propose une nouvelle fois de transformer en PSR la DGA de la Polynésie française, en définissant le plus précisément possible la destination du PSR ainsi créé. Il procède ainsi à une réécriture complète de l’article L. 6500 du CGCT qui disposera désormais qu’il « est institué, par prélèvement sur les recettes de lÉtat, une dotation globale dautonomie au bénéfice de la Polynésie française ». La dotation sera destinée « à compenser les charges de fonctionnement supportées par cette collectivité dans le cadre de la reconversion économique et structurelle de la Polynésie française que lÉtat accompagne consécutivement à la cessation des essais nucléaires », en vertu de la loi organique portant statut d’autonomie de la Polynésie française. Cette dernière dispose en effet que « lÉtat accompagne la reconversion économique et structurelle de la Polynésie française consécutivement à la cessation des essais nucléaires » ([512]).

Afin d’éviter une nouvelle censure constitutionnelle, le second alinéa justifie la création du PSR par la nécessité de couvrir les charges qui résultaient de l’activité du CEP. Ces flux financiers sont composés, « dune part, des recettes fiscales et douanières perçues par le territoire de la Polynésie française et, dautre part, des dépenses liées à lactivité du centre dexpérimentation du Pacifique ayant un impact économique effectuées sur le territoire ». Il s’agit ainsi d’une reprise des termes utilisés par la convention du 4 octobre 2002 pour le renforcement de l’autonomie économique de la Polynésie française.

Enfin, le dernier alinéa précise que le PSR sera, comme la dotation budgétaire, libre d’emploi et fera l’objet de versements mensuels.

B.   L’IMPACT BUDGÉTAIRE ET ÉCONOMIQUE

La transformation de la DGA en un PSR de l’État permettra de préserver la Polynésie française des aléas de gestion budgétaire tendant à perturber le versement de la dotation.

La mesure n’induit aucun impact budgétaire pour l’État. En la matière, elle se borne à transformer, pour des montants exactement similaires, une dépense budgétaire de la mission RCT en un prélèvement sur les recettes du budget général.

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*     *

La commission adopte l’article 23 sans modification.

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Avant l’article 24

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements ICF146 et ICF147 de M. Raphaël Schellenberger.

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Article 24
Dispositif daccompagnement financier des régions
au titre de la réforme de lapprentissage

Résumé du dispositif et effets principaux

La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a réformé l’accompagnement de l’apprentissage en France, notamment sa gouvernance et son mode de financement. À partir de 2020, la composition et les modalités de collecte de la taxe d’apprentissage sont simplifiées, tandis qu’un établissement public, France compétences, sera chargé de réguler et de répartir les fonds finançant la formation professionnelle et l’apprentissage. Les régions voient ainsi leurs compétences en matière d’apprentissage disparaître au profit des branches professionnelles et des opérateurs de compétences (en remplacement des actuels organismes paritaires collecteurs agréés – OPCA).

Dans ce contexte, le présent article :

– neutralise, région par région, les effets financiers de la réforme de l’apprentissage par la création d’un prélèvement sur les recettes (PSR) de l’État, la création d’un dispositif de reprise complémentaire sur les frais de gestions et l’affectation d’une nouvelle part du produit de la TICPE aux régions, pour un montant total net de 218 millions d’euros par an ;

– précise les modalités de financement par France compétences des compétences résiduelles des régions en matière d’apprentissage, en particulier le financement des dépenses de fonctionnement et d’investissement des centres de formation d’apprentis (CFA), lorsque des besoins d’aménagement du territoire et de développement économique le justifient. Ce financement serait assuré, selon l’exposé des motifs de l’article, par France compétences à hauteur de 138 millions d’euros pour les dépenses de fonctionnement et de 180 millions d’euros par an pour les dépenses d’investissement.

Dernières modifications législatives intervenues

Les lois de finances pour 2014, pour 2015 et pour 2016 ont affecté plusieurs fractions de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) aux régions au titre du financement de la compétence apprentissage.

La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a réformé l’accompagnement de l’apprentissage en France : les régions voient leurs compétences en matière d’apprentissage disparaître au profit des branches professionnelles et des opérateurs de compétences.

La loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi PACTE, a supprimé l’aide au recrutement d’un apprenti supplémentaire versée par les régions.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   L’État du droit

A.   Le transfert de la compÉtence apprentissage des rÉgions aux branches professionnelles

C’est la loi du 7 janvier 1983 de décentralisation, dites la « loi Deferre » ([513]), qui a accordé aux régions une compétence de droit commun pour la mise en œuvre des actions d’apprentissage en disposant que « la région assure la mise en œuvre des actions dapprentissage et de formation professionnelle continue ». La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel ([514]) a profondément rénové le financement de l’apprentissage, en confiant à titre principal aux branches professionnelles la responsabilité du financement des contrats d’apprentissage, par le biais des opérateurs de compétences, à compter du 1er janvier 2020. À cette date, les opérateurs de compétences prendront donc financièrement en charge les contrats d’apprentissage selon un niveau fixé par les branches professionnelles et un principe de financement à l’activité.

1.   La région comme collectivité territoriale de droit commun en matière de financement de l’apprentissage

L’article L. 6121-1 du code du travail, issu de la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale ([515]), dispose que « la région est chargée de la politique régionale daccès à lapprentissage et à la formation professionnelle des jeunes et des adultes à la recherche dun emploi ou dune nouvelle orientation professionnelle ».

Pour assurer le financement des compétences en matière d’apprentissage, l’article L. 6241-2 du code du travail affecte aux régions :

– une fraction de la taxe d’apprentissage égale à 51 % du produit de la taxe, fixée en 2019 à 1 710 millions d’euros, et reversée aux régions pour le financement et le développement de l’apprentissage par le biais du compte d’affectation spéciale Financement national du développement et de la modernisation de lapprentissage (CAS–FNDMA) ;

– une fraction de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) pour le financement du développement de l’apprentissage, fixée à 154 millions d’euros en 2018 et à 160 millions d’euros en 2019, prévue par la loi de finances pour 2015 ([516]).

De manière additionnelle, la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales confie aux régions l’enregistrement des contrats d’apprentissage et l’attribution d’une prime d’apprentissage versée aux employeurs des apprentis ([517]). Depuis, l’article L. 6243-1 du code du travail prévoit le versement de primes d’apprentissage par les conseils régionaux aux employeurs d’apprentis de moins de onze salariés. Ce dispositif fait l’objet d’une compensation de la part de l’État sous la forme d’une fraction des produits de TICPE sur les carburants prévue par la loi de finances pour 2014 ([518]). Elle est fixée à 230 millions d’euros en 2018 et à 237 millions d’euros en 2019.

Enfin, l’article L. 6243-1-1 du code du travail confie aux régions le versement de l’aide au recrutement d’un apprenti supplémentaire. Il dispose que « la conclusion dun contrat dapprentissage dans une entreprise de moins de deux cent cinquante salariés ouvre droit [] à une aide au recrutement des apprentis dun montant qui ne peut pas être inférieur à 1 000 euros ». Ce dispositif, institué par la loi de finances pour 2015 ([519]), fait l’objet d’une compensation de la part de l’État sous la forme d’une fraction des produits de TICPE sur les carburants prévue par la loi de finances pour 2016 ([520]). Elle est fixée à 96 millions d’euros en 2018 et à 99 millions d’euros en 2019.

Compensations de la compÉTENCe apprentissage
des rÉgions

(en millions d’euros)

Compétence exercée

Base légale

Vecteur de compensation

Base légale

Montant 2019

Développement de l’apprentissage

L. 6121-1 du code du travail

Taxe d’apprentissage

L. 6241-2 du code du travail

1 710

Fraction de TICPE

Loi de finances pour 2015, article 29

160

Prime d’apprentissage

L. 6243-1 du code du travail

Fraction de TICPE

Loi de finances pour 2014, articles 40 et 140

237

Aide au recrutement d’un apprenti supplémentaire

L. 6243-1-1 du code du travail

Fraction de TICPE

Loi de finances pour 2015, article 123

Loi de finances pour 2016, article 38

99

Source : commission des finances.

2.   La réforme de 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel

Dans ce contexte, la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel ([521]) a réformé l’accompagnement de l’apprentissage en France, notamment sa gouvernance et son financement. À partir de 2020, la composition et les modalités de collecte de la taxe d’apprentissage sont simplifiées, tandis qu’un établissement public, France compétences, sera chargé de réguler et de répartir les fonds de la formation professionnelle et de l’apprentissage. En conséquence, les régions conservent leurs compétences de droit commun en matière de formation professionnelle continue, mais voient leurs compétences en matière d’apprentissage disparaître au profit des branches professionnelles et des opérateurs de compétences. Aussi est-il prévu qu’à compter du 1er janvier 2020 :

– la région est chargée de la politique régionale d’accès à la formation professionnelle des jeunes et des adultes à la recherche d’un emploi ou d’une nouvelle orientation professionnelle – les mentions à l’apprentissage sont ainsi supprimées (article L. 6121-1 du code du travail modifié par l’article 34 de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel). Le financement de l’apprentissage est alors confié aux branches professionnelles et aux opérateurs de compétences ;

– la taxe d’apprentissage est désormais reversée à France compétences (article L. 6241-2 du code du travail modifié par l’article 37 de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel) ;

– la prime d’apprentissage est versée à l’employeur par l’État et non plus par la région (article L. 6243-1 du code du travail modifié par l’article 27 de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel) ;

– l’aide au recrutement d’un apprenti supplémentaire est supprimée par la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi PACTE ([522]).

Toutefois, la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel ([523]) prévoit que les régions conservent une compétence facultative résiduelle en matière d’apprentissage. À compter du 1er janvier 2020, la nouvelle rédaction de l’article L. 6211-3 du code du travail dispose que la région peut contribuer au financement des centres de formations d’apprentis (CFA) quand des besoins d’aménagement du territoire et de développement économique qu’elle identifie le justifient. Elle peut à ce titre, en dépenses de fonctionnement, majorer la prise en charge des contrats d’apprentissage assurée par les opérateurs de compétences et, en dépenses d’investissement, verser des subventions aux CFA.

L’article L. 6211-3 du code du travail précise ensuite que les dépenses d’investissement engagées par les régions font l’objet d’un accompagnement déterminé chaque année en loi de finances sur une base de référence que sont les dépenses constatées au titre des années 2017 à 2019. De plus, le nouvel article L. 6123-5 du code du travail ([524]) dispose également qu’il incombe à France compétences la mission de verser les fonds destinés au financement des dépenses engagées par les régions au titre de leur compétence résiduelle en matière d’apprentissage. Le circuit de financement paraît ainsi complexe et peu satisfaisant : alors qu’une enveloppe est allouée par France compétences pour financer ces dépenses, une autre enveloppe destinée aux dépenses d’investissement doit être définie en loi de finances.

B.   La nÉCESSITÉ d’assurer la neutralitÉ financiÈre de la rÉforme de l’apprentissage pour les rÉgions

Les transferts de compétences réalisés dans le cadre de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel nécessitent une compensation intégrale des charges transférées à l’État correspondant aux dépenses consacrées à ces compétences par les régions au moment du transfert. Inversement, le retrait de l’ensemble des ressources de compensation historique ne doit pas avoir pour conséquence de faire supporter aux régions une charge supérieure aux dépenses qu’elles consacraient à l’exercice de la compétence apprentissage.

Il convient toutefois de rappeler que, si l’article 72-2 de la Constitution impose que tout transfert de compétences entre l’État et les collectivités territoriales soit intégralement compensé, cette règle ne présente en réalité pas de caractère symétrique. En effet, seuls les transferts de compétences de l’État vers les collectivités territoriales doivent constitutionnellement faire l’objet d’une compensation. Aussi, le transfert du financement de la compétence apprentissage des régions à France compétences ne doit pas nécessairement donner lieu à une compensation à l’euro près pour l’État et son opérateur national.

Dans ce cadre, l’évaluation préalable du présent article rappelle que plusieurs corps d’inspection ont été missionnés à la demande du Premier ministre afin de faire le point, dans un rapport, sur l’évaluation des dépenses effectuées par les régions au titre de la compétence apprentissage avant l’entrée en vigueur de la réforme. La mission d’inspection a établi des moyennes pluriannuelles de dépenses (trois ans pour les dépenses de fonctionnement et cinq ans pour les dépenses d’investissement) en s’appuyant sur les données des comptes de gestion des régions. Le montant du droit à compensation pour l’État est ainsi fixé, selon l’évaluation préalable du présent article, par le rapport à 1,85 milliard d’euros.

Or, à compter du 1er janvier 2020, la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel ainsi que les articles 22 ([525]) et 30 ([526]) du présent projet de loi de finances organisent la suppression des ressources régionales compensatrices de l’apprentissage, dont le montant alloué en 2017 s’établit, selon l’étude d’impact, à 2,07 milliards d’euros.

Compensations de la compÉTENCe apprentissage
des rÉgions de 2017 À 2019

(en millions d’euros)

Compétence exercée

Vecteur de compensation

Base légale

Montant 2017

Montant 2018

Montant 2019

Développement de l’apprentissage

Taxe d’apprentissage

L. 6241-2 du code du travail

1 596

1 704

1 710

Fraction de TICPE

Loi de finances pour 2015, article 29

152

157

160

Prime d’apprentissage

Fraction de TICPE

Loi de finances pour 2014, articles 40 et 140

239

233

237

Aide au recrutement d’un apprenti supplémentaire

Fraction de TICPE

Loi de finances pour 2015, article 123

Loi de finances pour 2016, article 38

95

97

99

Total des compensations régionales « apprentissage »

2 082

2 191

2 206

Source : commission des finances.

La réforme mise en œuvre n’est donc pas neutre sur le plan budgétaire et est susceptible d’affecter les financements alloués à l’exercice des autres compétences qui resteront à la charge des régions à hauteur de près de 220 millions d’euros. Dans ce contexte, il est nécessaire de neutraliser pour les régions les effets financiers de la réforme de l’apprentissage, notamment par la mise en place d’un financement complémentaire pour les régions présentant un montant de ressources compensatrices reprises supérieur au montant des dépenses d’apprentissage constatées à la veille du transfert de compétence. Il s’agit ainsi pour l’État de maintenir les ressources compensatrices qui étaient destinées à couvrir les charges autres que celles liées à l’exercice de la compétence apprentissage et dont le financement est désormais compromis. Inversement, lorsque la région supportait des dépenses d’apprentissage supérieures au montant de ressources compensatrices reprises par l’État, des ressources complémentaires doivent être prises aux régions afin de permettre à l’État d’assurer pleinement l’exercice de la compétence recentralisée.

Il convient d’établir, région par région, le solde entre le montant des ressources de l’apprentissage supprimées par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel et le montant des charges d’apprentissage constatées à la veille du transfert de la compétence.

II.   Le dispositif proposÉ

A.   Un ajustement du financement des rÉgions au titre de l’apprentissage

Le présent article propose, à titre principal, de tirer les conséquences financières de la réforme de l’apprentissage afin d’en assurer la neutralité budgétaire pour les régions. À titre secondaire, il effectue une modification des conditions de financement des régions par France compétences pour l’exercice de leurs compétences résiduelles en matière d’apprentissage.

1.   La neutralisation financière de la réforme de l’apprentissage pour les régions par la création d’un prélèvement sur recettes (PSR), d’une nouvelle fraction de TICPE et d’un dispositif de reprise

Le  du I du présent article institue, à compter de 2020, un prélèvement sur les recettes de l’État (PSR) au profit des régions « dont les ressources compensatrices supprimées ont excédé le financement des charges en matière dapprentissage » à la suite de la suppression par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel de la compétence régionale en matière d’apprentissage (soit les montants 2019). Il s’agit ainsi de faire bénéficier 14 régions d’un financement complémentaire d’un montant total de 72,58 millions d’euros. Ce montant vise à compenser les régions pour lesquelles le solde entre le montant des ressources de l’apprentissage reprises et le montant des charges d’apprentissage constatées à la veille du transfert de la compétence est positif. Ce solde est déterminé région par région, au tableau du troisième alinéa du I, de la manière suivante :

RÉpartition du PSR de compensation aux rÉGIONS

(en euros)

Régions

Montant

Auvergne-Rhône-Alpes

10 056 271

Bourgogne-Franche-Comté

3 885 695

Bretagne

3 841 203

Corse

418 266

Grand Est

10 544 821

Hauts-de-France

1 304 855

Île-de-France

2 869 367

Normandie

2 797 954

Nouvelle-Aquitaine

314 486

Occitanie

9 868 751

Provence-Alpes-Côte-D’azur

15 841 517

Guadeloupe

2 439 112

Martinique

5 528 822

La Réunion

2 871 065

Total

72 582 185

Par ailleurs, le  du I du présent article instaure une nouvelle part de produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) aux régions, dont le montant est fixé à partir de l’exécution 2018 soit 156,89 millions d’euros. Ce montant vise également à compenser les régions pour lesquelles le solde entre le montant des ressources de l’apprentissage reprises et le montant des charges d’apprentissage constatées à la veille du transfert de la compétence est positif. La part est déterminée région par région, au tableau du cinquième alinéa du I, de la manière suivante :

RÉpartition de la Part de TICPE aux rÉGIONS

(en euros)

Régions

Montant

Auvergne-Rhône-Alpes

21 736 610

Bourgogne-Franche-Comté

8 398 923

Bretagne

8 302 754

Corse

904 080

Grand Est

22 792 610

Hauts-de-France

2 820 443

Île-de-France

6 202 131

Normandie

6 047 773

Nouvelle-Aquitaine

679 761

Occitanie

21 331 288

Provence-Alpes-Côte-D’azur

34 241 410

Guadeloupe

5 272 136

Martinique

11 950 538

La Réunion

6 205 803

Total

156 886 260

Inversement, le II du présent article dispose que, « pour les régions présentant un montant de ressources compensatrices inférieur au montant des dépenses dapprentissage constatées » à la veille du transfert de la compétence, il est procédé à une reprise complémentaire des frais de gestion versés aux régions au titre de la compensation de la compétence formation professionnelle. En effet, la loi de finances pour 2014 affecte aux régions, pour le financement de leur compétence formation professionnelle, une fraction des prélèvements que perçoit l’État au titre des frais de gestion sur la cotisation foncière des entreprises (CFE) et sur la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) – c’est-à-dire les frais d’assiette, de recouvrement, d’admission en non-valeurs et de dégrèvement (FAR) ([527]).

Il s’agit ainsi de faire contribuer de manière additionnelle 3 régions au financement de l’exercice de la compétence apprentissage par l’État. Cette reprise vise les régions pour lesquelles le solde entre le montant des ressources de l’apprentissage reprises et le montant des charges d’apprentissage constatées à la veille du transfert de la compétence est négatif. Ce solde est déterminé région par région, au tableau du quatrième alinéa du II, de la manière suivante :

RÉpartition de la reprise aux rÉGIONS

(en euros)

Régions

Montant

Centre-Val-de-Loire

– 2 899 747

Pays-de-la-Loire

– 8 355 299

Guyane

– 34 280

Total

 11 289 326

2.   Le financement par France compétences des compétences résiduelles des régions en matière d’apprentissage

Enfin, le III du présent article clarifie les modalités de financement de la compétence régionale résiduelle en matière d’apprentissage prévues à l’article L. 6211-3 du code du travail, à savoir le financement des dépenses de fonctionnement et d’investissement des CFA quand des besoins d’aménagement du territoire et de développement économique que la région identifie le justifient. Le financement sera désormais intégralement assuré par France compétences, la référence d’une enveloppe prévue en loi de finances pour le financement des dépenses d’investissement étant supprimée.

Le III modifie enfin, sans que l’évaluation préalable n’en précise la raison ni l’impact financier, la base de référence pour le calcul des dépenses d’investissement : celles-ci ne seront plus constatées à partir des exercices de 2017 à 2019, mais uniquement à partir des exercices 2017 et 2018. Cette base de référence sera utilisée par France compétences pour déterminer le montant des ressources allouées à la région pour l’exercice de leur compétence résiduelle en matière d’apprentissage.

B.   L’impact BudgÉtaire et Économique

Pour rappel, le transfert de la compétence apprentissage à France compétences entraîne un droit à compensation pour l’État évalué à 1,85 milliard d’euros, tandis que la suppression des ressources régionales compensatrices de l’apprentissage entraîne une perte de recettes pour les régions (et un gain pour l’État) de 2,07 milliards d’euros selon l’évaluation préalable. Le montant du droit à compensation correspond à la moyenne des dépenses apprentissage constatées, dans les comptes de gestion des régions, sur la période 2013 à 2017 pour l’investissement et 2015 à 2017 pour le fonctionnement (méthodologie préconisée par le rapport de l’IGA-IGF-IGAS). En l’état, la réforme mise en œuvre par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel n’est donc pas neutre financièrement pour les régions comme pour l’État.

Pour parvenir à la neutralisation budgétaire de la réforme, le présent projet de loi de finances prévoit trois flux :

– un financement complémentaire de l’État vers les régions par l’affectation d’une nouvelle fraction de TICPE de 157 millions d’euros ;

– un financement complémentaire de l’État vers certaines régions par l’affectation d’un nouveau PSR pour un montant de 73 millions d’euros ;

– une reprise complémentaire sur les frais de gestion affectés à certaines régions au titre du financement de la compétence formation professionnelle de 11 millions d’euros.

NEUTRALISATION FINANCIÈRE DE LA RECENTRALISATION DE LA COMPÉTENCE APPRENTISSAGE pour les RÉGIONS

(en millions d’euros)

Mesure

Article du
PLF 2020

Montant

Évaluation du montant du droit à compensation pour lÉtat par lévaluation préalable du présent article

+ 1 850

Ressources régionales compensatrices retirées aux régions – taxe d’apprentissage

Article 30

– 2 069

Ressources régionales compensatrices retirées aux régions – fractions de TICPE

Article 22

Solde pour les régions

 218

Affectation d’une fraction de TICPE aux régions

Article 24

+ 157

Affectation d’un PSR à certaines régions

Article 24

+ 73

Reprise sur les frais de gestion versée à certaines régions au titre de la formation professionnelle

Article 24

– 11

Solde pour les régions

 

Source : évaluation préalable.

Enfin, l’évaluation préalable du présent article évalue la participation de France compétences au financement des dépenses de fonctionnement et d’investissement des régions à hauteur respectivement de 138 millions d’euros et de 180 millions d’euros. Ce type de financement – directement réalisé par France compétences – apparaît adapté dans la mesure où l’établissement bénéficie déjà de la taxe d’apprentissage dédiée au financement des CFA. France compétences collecte également les informations sur les dépenses régionales en faveur des CFA tandis que les régions siègent au sein de son conseil d’administration.

Le Rapporteur général rappelle toutefois que l’ensemble de ces mesures d’accompagnement financier sont jugées insuffisantes par Régions de France, qui évoque le montant de 369 millions d’euros afin d’assurer la neutralité financière de la réforme de l’apprentissage, et près de 250 millions pour participer au financement des CFA les plus fragiles.

*

*     *

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement ICF539 de Mme Émilie Bonnivard.

Puis elle examine l’amendement ICF540 de Mme Émilie Bonnivard.

Mme Émilie Bonnivard. Le Gouvernement propose de modifier la base de calcul de la répartition de la dotation pour accompagner l’investissement des centres de formation d’apprentis, en prenant pour référence la moyenne 2017-2018, ce qui permettra de répartir entre les régions une dotation de 180 millions d’euros.

Le présent amendement vise à dissocier le calcul du montant de la dotation d’investissement de la détermination des attributions individuelles dont les modalités de calcul seront définies par décret.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement ICF540.

L’amendement ICF1365 de Mme Ericka Bareigts est retiré.

La commission adopte l’article 24 sans modification.

*

*     *

 

 


Article 25
Recentralisation du revenu de solidarité active (RSA) et du revenu de solidarité (RSO) à La Réunion, et recentralisation du RSO en Guyane

Résumé du dispositif et effets principaux

Le revenu de solidarité active (RSA) s’adresse aux personnes âgées d’au moins vingt-cinq ans, ou sans condition d’âge pour les personnes assumant la charge d’au moins un enfant né ou à naître. Depuis le 1er septembre 2010, les jeunes de moins de vingt-cinq ans ayant travaillé au moins deux années au cours des trois dernières années peuvent également en bénéficier.

Le revenu de solidarité (RSO) est destiné aux personnes âgées de 55 ans au minimum, bénéficiant du RSA depuis au moins deux ans consécutifs sans avoir exercé d’activité professionnelle et s’engageant à quitter définitivement le marché du travail. Le RSO cesse d’être versé au moment où l’allocataire peut bénéficier d’une retraite à taux plein et au plus tard à 65 ans.

La décentralisation du RSO et du RSA a conduit à transférer la décision d’attribution de ces deux allocations ainsi que leur financement aux départements, qui étaient déjà responsables du volet associé d’insertion professionnelle et sociale. Les caisses d’allocations familiales (CAF) ont conservé la gestion des allocations et se sont vues déléguer, dans une partie des départements, la compétence de décision dans l’attribution des droits au nom du président du conseil départemental.

Au titre du droit à compensation du transfert du financement du RSA, les départements se sont vus affecter :

– deux fractions de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) sur les carburants ;

– le fonds de mobilisation départementale pour l’insertion (FMDI) ;

– le dispositif de compensation péréquée (DCP).

Toutefois, en raison d’un contexte économique et social particulièrement défavorable à la dynamique des dépenses du RSA, la loi de finances pour 2019 a procédé à la recentralisation de l’exercice de la compétence RSA en Guyane et dans le Département de Mayotte. Le service public de l’emploi (dont Pôle emploi) et la collectivité territoriale concernée ont toutefois conservé leurs compétences en matière d’insertion professionnelle et sociale.

Aussi le présent article propose-t-il le même dispositif pour le département de La Réunion. Il s’agirait dès lors :

– de recentraliser pour le département de La Réunion le financement des dépenses relatives au RSA et au RSO, au même titre que l’attribution de ses prestations, l’instruction des demandes et l’orientation des bénéficiaires. La collectivité concernée conserverait toutefois ses compétences en matière d’insertion professionnelle et sociale ;

– par cohérence, de recentraliser pour la collectivité territoriale de Guyane le financement des dépenses relatives au RSO (le Département de Mayotte n’étant pas éligible à cette allocation) ;

– d’affirmer un droit à compensation pour l’État : « Le transfert à lÉtat de la compétence en matière dattribution [du RSA et du RSO] […] et dorientation de ses bénéficiaires, ainsi que le transfert de la charge du financement de ces allocations saccompagnent de lattribution à lÉtat de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice par le département de La Réunion » ;

– de définir les règles de calcul du montant à compenser « égal à la moyenne sur la période de 2017 à 2019 des dépenses relatives » au RSA et au RSO ;

– de reprendre les financements historiques et les ressources d’accompagnement au titre des dépenses du RSA et du RSO pour le département de La Réunion à partir du 1er janvier 2020 ;

– de solder les dépenses non couvertes par une réfaction sur la dotation forfaitaire et la dotation de compensation du département de La Réunion ;

– enfin, de prévoir un mécanisme de garantie au fonds de solidarité en faveur des départements (FSD) et au fonds de stabilisation pour les départements n’exerçant plus la compétence de financement du RSA. Il s’agit d’éviter que les départements faisant l’objet d’une recentralisation du RSA ne soient soudainement plus éligibles à ces deux fonds dont l’éligibilité dépend en partie du montant des restes à charge du RSA.

Dernières modifications législatives intervenues

La loi de finances pour 2004 a affecté une fraction de TICPE aux départements métropolitains, afin de compenser la charge des compétences transférées relatives au RMI.

La loi de finances pour 2006 a institué, en la matière, le FMDI sous la forme d’un prélèvement sur les recettes de l’État au profit des départements.

La loi de finances pour 2009 a affecté une fraction de TICPE aux départements métropolitains, afin de compenser la charge des compétences transférées relatives au RSA.

La loi de décembre 2010 relative au Département de Mayotte a rendu effective la départementalisation de Mayotte à compter de 2011.

La loi de juillet 2011 relative aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique a procédé à la fusion du département et de la région de Guyane.

La loi de finances pour 2011 a affecté une fraction de TICPE aux départements d’outre-mer et à Saint-Pierre et Miquelon afin de compenser la charge des compétences transférées relatives au RSA.

La loi de finances pour 2012 a affecté une fraction de TICPE au Département de Mayotte, afin de compenser la charge des compétences transférées relatives au RSA.

La loi de finances pour 2014 a créé le DCP permettant d’affecter les frais de gestion de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) aux dépenses restées à la charge des départements en matière d’allocations individuelles de solidarité (AIS).

La loi de finances pour 2019 a recentralisé le RSA en Guyane et à Mayotte, et a créé le fonds de stabilité des départements, afin de soutenir financièrement les départements qui connaissent une situation financière dégradée.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   L’État du droit

Le revenu de solidarité active (RSA) a été mis en place en France métropolitaine par la loi du 1er décembre 2008 généralisant le RSA et réformant les politiques d’insertion ([528]), par la fusion du revenu minimum d’insertion (RMI), de l’allocation pour parent isolé (API) et des dispositifs d’intéressement à la reprise d’activité qui leur étaient associés. Il a été étendu par ordonnance du 24 juin 2010 ([529]), à compter du 1er janvier 2011, aux départements d’outre-mer (DOM), à l’exception du Département de Mayotte. Enfin, l’ordonnance du 24 novembre 2011 a étendu et adapté le RSA au Département de Mayotte ([530]) à compter du 1er janvier 2012. Chacun de ces transferts de compétences de l’État vers les départements s’est accompagné de l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice par l’État au moment du transfert. Toutefois, du fait de la dégradation de la conjoncture économique et d’un contexte démographique, socio-économique et géographique particulier, certains territoires ultra-marins – à savoir la Guyane et le Département de Mayotte – ont bénéficié en loi de finances pour 2019 ([531]), d’une recentralisation par l’État de l’exercice de leurs compétences d’instruction, de financement et d’orientation du RSA. Le présent article propose d’étendre cette mesure de recentralisation au département de La Réunion, et d’en élargir de champ au revenu de solidarité (RSO).

A.   L’attribution et le financement du revenu de solidaritÉ active et du revenu de solidaritÉ dans les dÉpartementS d’outre-mer

Au 31 décembre 2017, 1,88 million de foyers bénéficiaient du RSA en France dont 203 900 foyers dans les départements et régions d’outre-mer (DROM). Avec les conjoints et les enfants à charge, 3,82 millions de personnes sont couvertes par le RSA en France, soit 5,7 % de la population française. Dans les DROM, 453 200 personnes sont couvertes par le RSA, soit 21 % de la population. Le recours au RSO est moins significatif dans la mesure où il concerne les DROM, ainsi que Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon : seulement 8 800 bénéficiaires étaient recensés en 2017, dont 5 900 pour le seul département de La Réunion.

1.   Les règles d’attribution du revenu de solidarité active et du revenu de solidarité

Alors que le RSA est disponible sous certaines conditions aux personnes majeures résidant en France métropolitaine, dans les départements et certaines collectivités d’outre-mer, le RSO s’adresse uniquement aux résidents des départements et régions d’outre-mer (hors Mayotte) et à ceux de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.

a.   Le revenu de solidarité active (RSA)

L’article L. 262-2 du code de l’action sociale et des familles (CASF) dispose que « toute personne résidant en France de manière stable et effective, dont le foyer dispose de ressources inférieures à un montant forfaitaire, a droit au RSA » qui « porte les ressources du foyer au niveau du montant forfaitaire » fixé par décret. Le RSA est ainsi une prestation sociale qui correspond à la différence entre, d’une part, un montant forfaitaire déterminé par décret et fixé en fonction de la composition du foyer et du nombre d’enfants à charge et, d’autre part, l’intégralité des ressources du foyer. Le droit à l’allocation est réétudié tous les trois mois selon les ressources perçues par le foyer au trimestre précédent (article L. 262-21 du CASF).

Le RSA s’adresse aux personnes âgées d’au moins vingt-cinq ans, ou sans condition d’âge pour les personnes assumant la charge d’au moins un enfant né ou à naître. Le bénéficiaire ne peut pas être élève, étudiant ou stagiaire non rémunéré, ou encore en congé parental, sabbatique, sans solde ou en disponibilité (article L. 262-4 du CASF). Depuis le 1er septembre 2010, les jeunes de moins de vingt-cinq ans ayant travaillé au moins deux années au cours des trois dernières années peuvent également en bénéficier (article L. 262-7-1 du CASF).

Le bénéficiaire doit être français ou titulaire, depuis au moins cinq ans, d’un titre de séjour autorisant à travailler. Cette condition n’est pas applicable aux réfugiés et aux étrangers titulaires d’une carte de résident, ainsi qu’aux étrangers ayant droit au RSA majoré et respectant des conditions de régularité du séjour (article L. 262-4 du CASF). Elle ne s’applique pas non plus aux ressortissants d’un État membre de l’Union européenne ou d’un autre État parti à l’accord sur l’Espace économique européen. Ces derniers doivent néanmoins avoir résidé en France durant les trois mois précédant la demande (article L. 262-6 du CASF).

L’allocation peut dans certaines conditions être majorée (RSA majoré). Cette majoration est accordée temporairement, sans condition d’âge, à un parent isolé assumant la charge d’un ou de plusieurs enfants ou à une femme enceinte isolée. La majoration est accordée jusqu’au troisième anniversaire de l’enfant le plus jeune ou pour douze mois en l’absence d’enfant de moins de trois ans (article L. 262-9 du CASF).

Le montant forfaitaire servant de base de calcul au RSA est fixé par décret et fait l’objet d’une revalorisation au 1er avril de chaque année (article L. 262-3 du CASF). Au 1er avril 2019, le montant forfaitaire pour une personne seule et sans enfant est de 559,74 euros, et de 839,61 euros pour un couple sans enfant. En cas de majoration pour isolement, il est de 958,37 euros pour une personne avec un enfant ([532]). Un forfait logement (de 66,17 euros mensuels pour une personne seule, 134,34 euros pour un foyer de deux personnes, 166,24 euros pour un foyer de trois personnes ou plus) est déduit de l’allocation si le bénéficiaire est logé gratuitement, s’il est propriétaire sans remboursement d’emprunt ou s’il reçoit une aide au logement.

Montants forfaitaires du RSA au 1er avril 2019

(en euros)

Nombre denfants
ou de personnes à charge

Personne
vivant seule

Personne
vivant en couple

Personne seule bénéficiant de la majoration

Sans enfant

559,74

839,61

718,78

Un enfant

839,61

1 007,53

958,37

Deux enfants

1 007,53

1 175,45

1 197,97

Par enfant supplémentaire

223,90

223,90

239,59

Source : caisses d’allocations familiales (CAF).

Le RSA est attribué par le département dans lequel le demandeur réside ou a élu domicile. Le département peut déléguer l’exercice des compétences d’instruction et d’attribution de l’allocation aux caisses d’allocations familiales (CAF – article L. 262-13 du CASF) qui sont responsables du service du RSA (article L. 262-16 du CASF).

Le RSA n’est pas seulement un dispositif d’incitation financière, il s’agit également d’un dispositif d’insertion professionnelle ou sociale. Si le bénéficiaire (allocataire ou conjoint) du RSA est sans emploi ou si ses revenus d’activité professionnelle au cours des trois derniers mois sont inférieurs à 500 euros par mois en moyenne, il est soumis aux droits et devoirs définis par la législation, c’est-à-dire à des obligations de démarches d’insertion en échange d’un accompagnement destiné à l’aider dans ces démarches (article L. 262-28 du CASF). Il fait en premier lieu l’objet d’une orientation par le département vers un organisme chargé de l’accompagner en vue d’une meilleure insertion professionnelle ou sociale. Cet accompagnement permet d’établir un projet personnalisé d’accès à l’emploi (PPAE) lorsqu’il est orienté vers Pôle emploi (article L. 262-33 du CASF), ou un contrat d’engagements réciproques (CER) lorsqu’il est orienté vers un autre organisme d’insertion professionnelle ou sociale (article L. 262-34 du CASF). Le non-respect des engagements du bénéficiaire peut alors entraîner l’arrêt du versement du RSA et la radiation de la liste des bénéficiaires (articles L. 262-37 et L. 262-38 du CASF).

Le RSA a été étendu dans les conditions de droit commun à l’ensemble des départements d’outre-mer au 1er janvier 2011 ([533]), à l’exception du Département de Mayotte qui n’avait pas encore à cette date d’existence juridique. S’agissant de ce département, le RSA y a été déployé à compter du 1er janvier 2012 ([534]) avec plusieurs adaptations concernant les conditions d’éligibilité et le montant forfaitaire :

– le bénéficiaire doit être français ou titulaire, depuis au moins quinze ans au lieu de cinq, d’un titre de séjour autorisant à travailler en vertu des dispositions de l’ordonnance du 26 avril 2000 ([535]) ;

– le RSA majoré et le RSA jeune ne sont pas applicables ;

– le montant forfaitaire ainsi que le forfait logement sont inférieurs de moitié de ceux applicables en métropole et dans les autres DOM.

Montants forfaitaires du RSA au 1er avril 2019
applicables À Mayotte

(en euros)

Nombre denfants
ou de personnes à charge

Personne
vivant seule

Personne
vivant en couple

Sans enfant

279,87

419,81

Un enfant

419,81

503,77

Deux enfants

503,77

587,73

Par enfant supplémentaire

111,95

111,95

Source : caisse de sécurité sociale de Mayotte (CSSM).

Le Rapporteur général rappelle que la loi de finances pour 2019 prévoyait d’allonger, pour la collectivité territoriale de Guyane, la durée de résidence préalable pour les étrangers de cinq à quinze ans, et d’introduire une condition similaire, d’une durée de cinq ans, pour bénéficier du RSA majoré ([536]). Le Conseil constitutionnel a toutefois estimé ces dispositions comme contraires au principe d’égalité devant la loi. En effet, bien que « la population de la Guyane comporte, par rapport à lensemble de la population résidant en France, une forte proportion de personnes de nationalité étrangère, dont beaucoup en situation irrégulière » et que « ces circonstances constituent […] des caractéristiques et contraintes particulières de nature à permettre au législateur, afin de lutter contre limmigration irrégulière en Guyane, dy adapter, dans une certaine mesure, les lois applicables sur lensemble du territoire national », le Conseil constitutionnel a estimé que « la différence de traitement instituée pour laccès au revenu de solidarité active ne saurait être regardée comme justifiée au regard de lobjet » du RSA, à savoir « inciter à lexercice ou à la reprise dune activité professionnelle », et au regard des « caractéristiques et contraintes particulières de la collectivité de Guyane » ([537]).

b.   Le revenu de solidarité (RSO)

Le RSO (article L. 522-14 du CASF) a été institué en décembre 2001 dans les DROM (à l’exception de Mayotte) et à Saint-Pierre-et-Miquelon ([538]). Il a été étendu en 2011 aux collectivités territoriales de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin (article L. 581-9 du CASF) ([539]).

Il est destiné aux personnes âgées de 55 ans au minimum, bénéficiant du RSA depuis au moins deux ans consécutifs sans avoir exercé d’activité professionnelle et s’engageant à quitter définitivement le marché du travail. Le RSO cesse d’être versé au moment où l’allocataire peut bénéficier d’une retraite à taux plein et au plus tard à 65 ans. Il est toutefois précisé que « le conseil départemental peut modifier, en fonction de lévolution du marché du travail dans le département ou la collectivité territoriale, les conditions daccès à lallocation relatives à lâge du bénéficiaire et à la durée de perception du revenu de solidarité active ».

Le montant du RSO est fixé par décret. Au 1er avril 2019, le plafond des ressources mensuelles pour bénéficier du RSO s’élève à 937,44 euros pour une personne seule et 1 473,12 euros pour un couple. L’allocataire perçoit un forfait de 527,20 euros par mois si le revenu mensuel du foyer ne dépasse pas 410,24 euros pour une personne seule ou 945,92 euros pour un couple ([540]). Au-delà et dans la limite du plafond des ressources, l’allocation est dégressive et correspond à la différence entre le plafond des ressources et le revenu initial mensuel du foyer.

2.   Le financement du revenu de solidarité active et du revenu de solidarité

En principe, le RSA et le RSO sont des compétences financées et exercées, depuis la décentralisation du RSO et du RMI en 2004, par les conseils départementaux. Toutefois, depuis la loi de finances pour 2019, l’État assure de nouveau en Guyane et à Mayotte, le financement des dépenses relatives au RSA, ainsi que l’attribution de la prestation, l’instruction des demandes et l’orientation des bénéficiaires.

a.   Le financement des revenus de solidarité par les départements, à l’exception du RSA pour la Guyane et Mayotte

L’article L. 262-24 du CASF dispose que « le revenu de solidarité active est financé par les départements » tandis que l’article L. 522-14 du même code dispose que « le financement du revenu de solidarité est assuré par le département ». Par exception, l’État finance l’extension du RSA aux personnes de moins de vingt-cinq ans ayant exercé par le passé une activité professionnelle, dit « RSA jeune ». Le RSA est ainsi la première dépense sociale des départements, celle-ci s’établissant à 10,96 milliards d’euros en 2018 contre 10,64 milliards d’euros un an auparavant (soit une hausse de 3 %) ([541]). Pour l’année 2017, les dépenses d’allocations pour le RSO s’élèvent à 53 millions d’euros.

Pour autant, les départements ont bénéficié, lors de la décentralisation du RMI et du RSO en 2004 et la création du RSA en 2009, de compensations de la part de l’État. En effet, l’article 72-2 de la Constitution pose le principe selon lequel les transferts de compétences vers les collectivités territoriales doivent s’accompagner des ressources consacrées par l’État à l’exercice des compétences transférées : « Tout transfert de compétences entre lÉtat et les collectivités territoriales saccompagne de lattribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence daugmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi. »

Ainsi, il résulte de cet article et des décisions du Conseil constitutionnel que, « lorsquil transfère aux collectivités territoriales des compétences auparavant exercées par lÉtat, le législateur est tenu de leur attribuer des ressources correspondant aux charges constatées à la date du transfert » et qu’il appartient « à lÉtat de maintenir un niveau de ressources équivalant à celui quil consacrait à lexercice de cette compétence avant son transfert » ([542]).

Dans ce contexte, les départements se sont vu affecter plusieurs ressources de compensations et d’accompagnement au financement du RSA.

Les départements, à l’exception depuis le 1er janvier 2019 de la Guyane et de Mayotte, bénéficient ainsi de deux fractions de TICPE sur les carburants au titre du financement du RSO, du RMI et du RSA, pour un montant total de 5 862 millions d’euros en 2019 :

– une première fraction au titre du financement du RMI : la fraction est calculée de sorte que le tarif appliqué aux quantités de carburants vendues sur l’ensemble du territoire en 2003 conduise à un produit égal au montant des dépenses exécutées par l’État en 2003 au titre des allocations de RMI (puis RSA) et de RSO. Le tarif appliqué pour calculer la fraction s’élève en 2019 à 12,891 euros par hectolitre s’agissant des supercarburants sans plomb et 8,574 euros par hectolitre s’agissant du gazole. Chaque département reçoit ensuite un pourcentage de cette fraction fixé en loi de finances ([543]) ;

– une deuxième fraction au titre du financement du RSA : la fraction est calculée de sorte que le tarif appliqué aux quantités de carburants vendues sur l’ensemble du territoire en 2008 conduise à un produit égal au montant des dépenses exécutées en 2010 par l’État au titre de l’allocation de RSA en métropole et exécutées en 2011 par l’État au titre de l’allocation de RSA dans les départements d’outre-mer. Le tarif appliqué pour calculer la fraction s’élève en 2019 à 2,275 euros par hectolitre s’agissant des supercarburants sans plomb et à 1,610 euro par hectolitre s’agissant du gazole. Chaque département reçoit ensuite un pourcentage de cette fraction fixé en loi de finances ([544]).

Les départements bénéficient également du FMDI (article L. 3331-16-2 du CGCT) institué sous la forme d’un prélèvement sur les recettes (PSR) de l’État pour un montant de 585 millions d’euros en 2019. Une part de 40 % du fonds est attribuée au titre de la compensation du RSA en fonction des restes à charge (RAC) des départements. La deuxième et la troisième part du fonds, de 30 % chacune, financent respectivement de la péréquation en fonction d’un indice synthétique de charges, et de l’insertion au titre des contrats de travail aidés cofinancés par les départements. Depuis le 1er janvier 2019, la collectivité territoriale de Guyane et le Département de Mayotte ne sont plus éligibles au fonds : ce dernier s’élève ainsi à 482 millions d’euros en 2019.

Enfin, les départements bénéficient d’un DCP (article L. 3331-16-3 du CGCT), créé en 2015 au titre de la compensation des revalorisations exceptionnelles du montant du RSA socle adoptées en 2013 ([545]), et alimenté par les frais de gestion de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) perçus par l’État ([546]). Le dispositif est doté d’un montant de 994 millions d’euros en 2019 (programme 833 Avances sur le montant des impositions revenant aux régions, départements, communes, établissements et divers organismes de la mission Avances aux collectivités territoriales). Une première part (70 %) est attribuée au titre de la compensation, qui tient compte du montant des dépenses restées à la charge des départements en matière d’AIS, après déduction des dotations de compensation. Une seconde part (30 %) est attribuée au titre de la péréquation, répartie sur la base de critères de ressources et de charges, tels que le revenu des habitants et le nombre d’allocataires d’AIS rapportés au nombre d’habitants.

b.   Le cas particulier du financement du RSA dans les départements de Guyane et de Mayotte

La loi de finances pour 2019 a procédé, à compter du 1er janvier 2019, à la recentralisation de l’exercice de la compétence RSA par la collectivité territoriale de Guyane et le Département de Mayotte, c’est-à-dire à la recentralisation de l’attribution de la prestation, de l’instruction des demandes par la CAF et la caisse de sécurité sociale de Mayotte (CSSM), du financement des allocations et de l’orientation des bénéficiaires. Le service public de l’emploi (dont Pôle emploi) et la collectivité territoriale concernée ont toutefois conservé leurs compétences en matière d’insertion professionnelle et sociale.

Dans ce contexte, la loi de finances pour 2019 pose le principe d’un droit à compensation pour l’État : « Le transfert à lÉtat de la compétence en matière dattribution [du RSA] […] et dorientation de ses bénéficiaires, ainsi que le transfert de la charge du financement de cette allocation saccompagnent de lattribution à lÉtat de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice par la collectivité territoriale de Guyane et le Département de Mayotte. » Le montant du droit à compensation pour l’État est ainsi égal « à la moyenne sur la période de 2016 à 2018 des dépenses relatives à lallocation [de RSA] […] exposées par les collectivités territoriales incluant la valorisation financière des emplois exprimés en équivalent temps plein travaillé non transférés à lÉtat affectés à lattribution de lallocation » ([547]).

Ce droit à compensation se matérialise par l’arrêt des versements à la collectivité territoriale de Guyane et au Département de Mayotte des compensations historiques et des ressources d’accompagnement au titre de la compensation du transfert du RMI et de la généralisation du RSA, c’est-à-dire des fractions du produit de la TICPE, ainsi que des versements réalisés au titre du FMDI et du DCP. Afin d’assurer une compensation intégrale, une réfaction sur la dotation forfaitaire de la dotation globale de fonctionnement (DGF) perçue en 2019 est réalisée pour le Département de Mayotte. Il est précisé qu’un ajustement définitif du montant de cette réfaction est prévu, sur la dotation perçue en 2020, par l’article 21 du présent projet de loi de finances ([548]).

B.   La situation Économique et sociale particuliÈre de La Réunion

Ces compensations, dites historiques, conduisent l’État à attribuer aux départements des ressources correspondant aux charges constatées à la date du transfert. La dynamique de la charge incombe depuis la date du transfert aux départements, qui doivent en assurer le financement par leurs propres ressources. Toutefois, certains départements observent, depuis plusieurs années, une très forte progression des dépenses liées au RSA du fait de la dégradation de la conjoncture économique, mais également pour certains territoires ultra-marins, d’un contexte démographique, socio-économique et géographique particulièrement défavorable. Aussi semble-t-il que La Réunion, à l’instar de la Guyane et de Mayotte, ne soit aujourd’hui plus en mesure d’exercer ses compétences en matière d’instruction et de financement du RSA.

1.   Un contexte démographique, socio-économique et géographique conduisant à un recours aux revenus de solidarité supérieur à ceux observés dans les autres départements métropolitains et ultra-marins

Le département de La Réunion fait face à une croissance dynamique de ses dépenses relatives au RSA qui s’explique, notamment, par le contexte démographique, socio-économique et géographique de ce département ultra-marin. Ce contexte se caractérise, principalement ([549]) :

– par un accroissement démographique élevé, supérieur à celui constaté en métropole : le taux de croissance de la population y était de 0,6 % en moyenne par an entre 2009 et 2016 au lieu de 0,4 % en France métropolitaine. Le nombre d’enfants par femme se stabilise autour de 2,48 enfants contre 1,85 enfant en métropole. Parmi les régions françaises, seules Mayotte et la Guyane présentent des indicateurs conjoncturels de fécondité supérieurs ;

– par une population comparativement très jeune : les moins de vingt ans représentent 31,1 % de la population réunionnaise en 2018 au lieu de 24 % en France métropolitaine. La Réunion va rester durablement l’un des départements les plus jeunes de France, avec la Guyane et Mayotte, tout en se rapprochant progressivement de la moyenne métropolitaine ;

– par une proportion plus importante de familles monoparentales, ces dernières représentant près de 21,1 % des ménages réunionnais, contre 9,7 % en France métropolitaine ;

– par un taux de chômage élevé de 24 % pour l’ensemble de la population active et de 39 % pour les actifs âgés de 15 à 29 ans, et une absence de débouchés professionnels rendant difficile l’insertion par le travail et contribuant à accroître le phénomène de précarité : or, il est établi l’existence d’un coefficient de corrélation de 0,84 en France métropolitaine entre la part d’allocataires du RSA dans la population d’un département et le taux de chômage ([550]). Une telle corrélation peut probablement être élargie aux départements d’outre-mer ;

– par un niveau de pauvreté significatif, puisque 40 % de la population réunionnaise vit sous le seuil de pauvreté (60 % du salaire médian national) contre moins de 14 % de la population métropolitaine, faisant de La Réunion le département le plus pauvre de France après Mayotte et la Guyane ;

– par un niveau de développement plus faible qu’en métropole : le PIB par habitant est de 21 500 euros à La Réunion au lieu de 34 292 euros par habitant en France. Ainsi, le PIB par habitant réunionnais se situe légèrement en deçà de ceux de la Guadeloupe et de la Martinique (mais au-delà de celui de la Guyane et de Mayotte).

Enfin, le département a été particulièrement marqué, fin 2018, par le mouvement dit « des gilets jaunes », protestant contre les hausses de prix des carburants, la cherté de la vie, le niveau de chômage élevé et les inégalités persistantes : l’économie locale a été entièrement paralysée pendant près de deux semaines et plusieurs cas d’émeute urbaine ont conduit le préfet à instaurer un couvre-feu partiel sur la moitié des communes de l’île. Selon une enquête réalisée par l’Institut d’émission des départements d’outre-mer (IEDOM), près de « 46 % des PME et 63 % des TPE interrogées estiment que ces mouvements ont entraîné une perte de plus de 25 % de leur chiffre daffaires sur le quatrième trimestre. Les blocages des axes routiers et des containers au Grand port maritime ont en effet perturbé les approvisionnements et la consommation des ménages » ([551]).

2.   Un financement historique par l’État des dépenses des revenus de solidarité ne permettant plus au département de La Réunion de faire face aux restes à charge

Il résulte de ce contexte socio-économique que La Réunion se caractérise par un niveau particulièrement élevé de personnes couvertes par le RSA : plus de 225 000 personnes, soit près d’un quart de la population réunionnaise, sont couvertes par le RSA contre un peu moins de 6 % en France entière. De même, le taux de croissance du nombre de bénéficiaires du RSA est bien plus élevé à La Réunion qu’en métropole et que dans les autres départements d’outre-mer : selon l’évaluation préalable du présent article, le nombre de foyers bénéficiaires du RSA à La Réunion est passé de 93 725 à 96 683 entre 2013 et 2018, soit un taux d’évolution de + 3,2 % et une évolution annuelle moyenne de + 0,7 %. Sur cette même période, l’évolution annuelle moyenne des foyers bénéficiaires du RSA est de + 0,3 % dans les départements d’outre-mer et de – 1,1 % en France métropolitaine. La moitié des allocataires du RSA à La Réunion est composée de femmes vivant seules (avec ou sans enfant). La moitié des allocataires a entre 30 ans et 49 ans et plus d’un quart d’entre eux a 50 ans et plus.

Part d’allocataires du RSA parmi la population
âgÉe de 15 à 64 ans en 2017

(en pourcentage)

Source : données Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), Minima sociaux et prestations sociales, Le revenu de solidarité active (RSA), fiche n° 19, édition 2018 ; logiciel Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) 2018 ; réalisation commission des finances.

En conséquence, environ 626 millions d’euros ont été payés au titre du RSA en 2018 à La Réunion, soit une hausse de + 5,5 % par rapport à 2017. Dans ce cadre, les comptes du département de La Réunion se caractérisent par des niveaux de dépenses réelles totales (dépenses de fonctionnement et d’investissement) par habitant très supérieurs à la moyenne métropolitaine : 1 774 euros par habitant contre 1 011 euros pour les départements de métropole (hors Paris). Ce surcroît de dépenses provient essentiellement des dépenses d’aide sociale qui sont deux fois supérieures à La Réunion : 1 231 euros par habitant contre 575 euros dans les départements de France métropolitaine ([552]).

L’évaluation préalable du présent article estime ainsi que le caractère inflationniste des dépenses relatives au RSA à La Réunion aboutit à des restes à charges insoutenables pour le département qui finance le dispositif. Ainsi, la différence entre le montant des dépenses de RSA supportées par le département et le montant des ressources de compensation versées s’élève, selon l’évaluation préalable, à 199,22 euros par habitant en 2018 à La Réunion contre 48,23 euros par habitant pour la moyenne nationale. À titre comparatif, ces restes à charge s’établissent à 226,87 euros par habitant en Guyane et à 141,76 euros par habitant en outre-mer. En métropole, sur la même année 2018, les restes à charge dans le département du Nord sont de 96,15 euros par habitant et ceux du département de la Seine-Saint-Denis sont de 131,51 euros par habitant.

En matière de RSO, selon l’évaluation préalable, La Réunion présente une forte singularité avec 5 873 bénéficiaires, soit 66 % de l’ensemble des bénéficiaires du RSO en outre-mer et une dépense comptable annuelle de 35,5 millions d’euros, alors que le montant total s’établit à environ 55 millions pour l’ensemble de l’outre-mer. À titre de comparaison, La Guyane compte actuellement très peu de bénéficiaires, soit 719 bénéficiaires pour une dépense annuelle de 4,6 millions d’euros.

Part d’allocataires et taux de recours au RSO
par dÉpartement en 2017

(en pourcentage)

Départements et régions doutre-mer

Part dallocataires dans la population âgée de 55 à 64 ans

Taux de recours au RSO parmi les personnes éligibles

Guadeloupe

2,8

19,4

Martinique

1,4

12,7

Guyane

3,9

30,0

La Réunion

5,4

38,5

Ensemble des DROM

3,7

27,6

Source : Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), Minima sociaux et prestations sociales, Le revenu de solidarité (RSO), fiche n° 34, édition 2018.

II.   Le dispositif proposÉ

Compte tenu de la situation économique et budgétaire de La Réunion, et en cohérence avec la recentralisation du RSA mise en œuvre en Guyane et à Mayotte par la loi de finances pour 2019, la recentralisation du RSA à La Réunion à compter du 1er janvier 2020 vise à répondre aux difficultés rencontrées par le département dans l’exercice de cette compétence. Elle implique, comme en Guyane et à Mayotte, non seulement un transfert du financement en faveur de l’État des dépenses relatives au RSA, mais aussi le transfert aux CAF de la gestion du dispositif. De même, la recentralisation le RSO à compter du 1er janvier 2020 correspond à une demande exprimée par le département de La Réunion. Par cohérence, la mesure serait étendue à la collectivité territoriale de Guyane de manière rétroactive. Pour rappel, cette prestation n’est pas applicable à Mayotte.

A.   La recentralisation du RSA À La Réunion et du RSO À La Réunion et en Guyane

Le présent article contient plusieurs mesures relatives à la mise en œuvre de la recentralisation du RSA à La Réunion et du RSO en Guyane et à La Réunion, ainsi qu’aux modalités de financement par les collectivités territoriales concernées de l’exercice de ces compétences par l’État.

1.   Le transfert de l’exercice de la compétence du RSA du département de La Réunion vers l’État

Le I du présent article créé au sein du livre V du CASF relatif aux dispositions particulières applicables à certains territoires, un nouvel article L. 522-20 mettant en place un droit dérogatoire pour l’application des dispositions législatives relatives à l’allocation de RSA dans le département de La Réunion. Ce nouvel article permet le transfert de l’ensemble des compétences relatives au RSA du département de La Réunion vers l’État et la CAF, et dispose en particulier :

– au 4° du I que le RSA est désormais attribué pour le compte de l’État, et non du département, par la CAF au demandeur qui réside dans le ressort du département de La Réunion ou y a élu domicile ;

– au 5° du I que l’instruction administrative de la demande est désormais assurée à titre gratuit par la CAF. Il est rappelé que cette instruction peut également être réalisée, par convention, par le centre communal ou intercommunal d’action sociale du lieu de résidence du demandeur ou par des associations ou des organismes à but non lucratif ;

– au  du I que le service du RSA est désormais assuré, pour le département de La Réunion, par la CAF pour le compte de l’État ;

– au 9° du I que « le revenu de solidarité active est financé par lÉtat » et que « les frais de gestion supplémentaires exposés par la CAF de La Réunion, au titre des nouvelles compétences qui lui sont déléguées (…) sont financés par lÉtat » ;

– au 10° du I qu’une convention devra être conclue entre l’État et la CAF de La Réunion afin de déterminer les conditions d’instruction, d’attribution, de service et de contrôle des demandes de RSA pour le compte de l’État, les conditions d’orientation des bénéficiaires, ainsi que les objectifs de performance et les engagements de qualité de service et de contrôle ;

– au 12° du I que l’orientation du bénéficiaire vers un organisme d’insertion professionnelle ou sociale, afin de bénéficier d’un accompagnement, est assurée par la CAF et non le président du conseil départemental. La CAF devra également assurer elle-même l’accompagnement des bénéficiaires du RSA majoré ;

– les autres dispositions du I effectuent les coordinations nécessaires pour adapter les procédures de contrôle et d’échanges d’informations, de recours administratifs, de récupération des indus et de lutte contre la fraude.

Le II du présent article effectue deux coordinations avec les dispositions adoptées l’année dernière en loi de finances pour 2019, aux articles L. 522-19 du CASF (pour la collectivité territoriale de Guyane) et L. 542-6 du même code (pour le Département de Mayotte). Il s’agit des modalités de transfert entre départements ou CAF des créances détenues à l’encontre d’un bénéficiaire du RSA dont le lieu de résidence est transféré dans un autre département (article L. 262-46 du CASF).

Ainsi, il est proposé de recentraliser vers l’État l’attribution de la prestation, l’instruction des demandes, le financement et le service des allocations, ainsi que l’orientation des bénéficiaires. En revanche, le service public de l’emploi (dont Pôle emploi) et la collectivité territoriale concernée conservent leurs compétences en matière d’insertion professionnelle et sociale.

Enfin, le III du présent article dispose que les modifications effectuées concernant le RSA aux I et II entrent en vigueur à compter du 1er janvier 2020 et qu’elles sont applicables à tout nouveau bénéficiaire à partir de cette date. Afin d’assurer la garantie des droits ainsi que la continuité du traitement des recours exercés par certains bénéficiaires, il est toutefois précisé aux  et 2° du IV que les indus, rappels et recours ne sont instruits par la CAF de La Réunion que lorsque le fait générateur ou le recours exercé par le bénéficiaire est postérieur au 1er janvier 2020. Le département de La Réunion assume les conséquences financières des décisions rendues pour les indus, rappels et recours dont le fait générateur ou le recours exercé est antérieur à cette date. Il est également précisé que le transfert de la compétence d’orientation des bénéficiaires du RSA ne sera effectué qu’à compter 1er décembre 2020 (période transitoire de 11 mois). Pour rappel, les bénéficiaires soumis aux droits et devoirs font l’objet d’une orientation par le département vers un organisme chargé de l’accompagner en vue d’une meilleure insertion professionnelle ou sociale. Il s’agit généralement de Pôle emploi, mais peut également concerner un organisme d’insertion professionnelle ou sociale.

2.   Le transfert de l’exercice de la compétence du RSO du département de La Réunion et de la collectivité territoriale de Guyane vers l’État

Le  du IV du présent article procède à la recentralisation du financement par l’État du RSO pour la collectivité territoriale de Guyane et le département de La Réunion. L’article L. 522-14 du CASF disposera désormais que « le financement du revenu de solidarité est assuré par le département en Guadeloupe, par la collectivité territoriale en Martinique, et par lÉtat en Guyane et à La Réunion ».

En conséquence, le  du IV dispose que la Guyane et La Réunion ne pourront plus modifier, en fonction de l’évolution du marché du travail, les conditions d’accès au RSO relatives à l’âge du bénéficiaire et à la durée de perception du RSA.

Le V du présent article effectue quelques précisions rédactionnelles concernant les modalités d’application du RSO à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin (article L. 522-14 du CASF).

Enfin, le  du XVII précise que le transfert de l’attribution et de l’orientation des bénéficiaires du RSO est effectué à compter du 1er janvier 2020.

3.   La définition juridique des modalités de calcul du montant à compenser à l’État au titre de la recentralisation

Le VI du présent article affirme le principe d’un droit à compensation pour l’État : « le transfert à lÉtat de la compétence en matière dattribution [du RSA et du RSO] […] et dorientation de ses bénéficiaires, ainsi que le transfert de la charge du financement de ces allocations saccompagnent de lattribution à lÉtat de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice par le département de La Réunion. »

Le VII définit les règles de calcul du montant à compenser ainsi que les conditions d’un ajustement ultérieur. Le montant du droit à compensation pour l’État est ainsi égal « à la moyenne sur la période de 2017 à 2019 des dépenses actualisées relatives aux allocations [de RSA et de RSO] […] exposées par le département de La Réunion, incluant la valorisation financière des emplois exprimés en équivalent temps plein travaillé non transférés à lÉtat affectés à lattribution des allocations ».

Néanmoins, en raison de l’absence de données fiables dans l’immédiat pour l’année 2019, il est prévu que, pour l’année 2020, un « montant prévisionnel du droit à compensation pour lÉtat est calculé ». Ce dernier est égal à la moyenne des dépenses évoquées précédemment, mais sur la période de 2016 à 2018. Il est précisé que le montant définitif du droit à compensation sera arrêté ultérieurement une fois les données de l’année 2019 connues et fiabilisées.

Par parallélisme, le X et le XV du présent article précisent que certaines dispositions de la loi du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de RMI et de la loi du 1er décembre 2008 généralisant le RSA, en particulier celles relatives au principe d’une compensation par l’État des charges transférées aux collectivités territoriales et aux modalités de calcul de cette compensation, ne sont plus applicables à compter du 1er janvier 2020 au département de La Réunion ([553]).

4.   Le financement par les collectivités concernées de l’exercice de la compétence par l’État

Le présent article prévoit des modalités de neutralisation financière de ce transfert de compétence, pour le département de La Réunion et pour l’État, similaires à celles mises en œuvre en 2019 pour la Guyane et Mayotte.

Le VIII du présent article dispose, qu’à compter du 1er janvier 2020, l’État cesse le versement au département de La Réunion des compensations historiques et des ressources d’accompagnement au titre de la compensation du transfert du RMI et du RSO, et de la généralisation du RSA, c’est-à-dire des fractions du produit de la TICPE, des versements réalisés au titre du FMDI et du DCP. Dans ces conditions :

– le XI modifie l’article L. 3334-16-2 du CGCT afin que le département de La Réunion ne soit plus éligible, à compter du 1er janvier 2020, au FMDI. En conséquence, le FMDI diminue en 2020 du montant total des crédits attribués en 2018 à la collectivité territoriale de Guyane et au Département de Mayotte et en 2019 au département de La Réunion ;

– le XIII modifie l’article L. 3334-16-3 du CGCT afin que le département de La Réunion ne soit plus éligible, à compter du 1er janvier 2020, au DCP (le Département de Mayotte et la collectivité territoriale de Guyane n’étant plus éligible au dispositif depuis le 1er janvier 2019). La part revenant au département de La Réunion sera ainsi reversée à l’État ;

– le XIV dispose que le département de La Réunion n’est plus éligible à la fraction de TICPE sur les carburants au titre du financement du RMI ([554]) : le tarif appliqué pour calculer la fraction diminue de 87 centimes d’euro par hectolitre s’agissant des supercarburants sans plomb et de 58 centimes d’euro par hectolitre s’agissant du gazole. Le pourcentage de chaque département est ensuite adapté pour tenir compte de la suppression de celui de La Réunion ;

– le XVI dispose que le département de La Réunion n’est plus éligible à la fraction de TICPE sur les carburants au titre du financement du RSA ([555]) : le tarif appliqué pour calculer la fraction diminue de 19 centimes d’euro par hectolitre s’agissant des supercarburants sans plomb et de 14 centimes d’euro par hectolitre s’agissant du gazole. Le pourcentage de chaque département est ensuite adapté pour tenir compte de la suppression de celui de La Réunion.

Afin d’assurer une compensation intégrale des charges transférées, il est prévu de solder les dépenses non couvertes par la reprise des financements historiques et des ressources d’accompagnement. Ainsi, le IX dispose qu’il est procédé à des réfactions sur la dotation forfaitaire et la dotation de compensation de la dotation globale de fonctionnement (DGF) perçues en 2019 par le département. Les montants de ces réfactions sont fixés à 46,3 millions d’euros pour la dotation forfaitaire (soit l’intégralité de son montant) et à 100,7 millions d’euros pour la dotation de compensation par l’article 21 du présent projet de loi de finances ([556]). Enfin, un ajustement définitif du montant de la réfaction sera effectué ultérieurement sur les dotations du département perçues en 2021, afin de tenir compte de la valorisation définitive des charges transférées.

Enfin, les  et  du XVII du présent article dispose que le montant du droit à compensation prévu par la loi de finances pour 2019, au moment de la recentralisation de la compétence RSA de la collectivité territoriale de Guyane, doit également inclure les dépenses actualisées relatives au RSO, en plus de celles du RSA.

5.   Les adaptations induites sur les financements alloués au titre du fonds de solidarité en faveur des départements et du fonds de stabilisation

Le présent article règle les effets de bord induits sur la répartition de deux fonds mis en œuvre pour accompagner le financement par les départements des AIS, à savoir le fonds de solidarité en faveur des départements (FSD) et le fonds de stabilisation. Ces deux fonds visent à soutenir financièrement les départements qui connaissent une situation financière dégradée par rapport aux charges induites par la forte dynamique du financement des AIS, à savoir le financement du RSA, de l’allocation personnalisée pour l’autonomie (APA) et de la prestation de compensation du handicap (PCH).

Depuis 2014, le FSD (article L. 3335-3 du CGCT) est alimenté par un prélèvement égal à 0,35 % du montant de l’assiette de la taxe de publicité foncière et des droits d’enregistrement perçus par les départements. Le montant du fonds s’élevait ainsi à 585 millions d’euros en 2019. De manière complémentaire, le fonds de stabilisation, créé par la loi de finances pour 2019 ([557]), est doté jusqu’en 2021 de 115 millions d’euros par an.

Toutefois, tant le FSD que le fonds de stabilité utilisent comme critère d’éligibilité et de répartition la notion de restes à charge, c’est-à-dire le solde entre les dépenses actuellement exposées par le département au titre des AIS et la somme des montants de compensation historique versés par l’État. Pour éviter que les départements faisant l’objet d’une recentralisation du RSA ne soient soudainement plus éligibles à ces deux fonds d’accompagnement des dépenses des AIS, ou subissent une perte significative de leurs dotations respectives, le XVIII et le XIX du présent article instituent un mécanisme de garantie. Ce dernier gèle de matière pérenne, à compter de l’année du transfert de la compétence RSA à l’État, les montants utilisés pour l’éligibilité et la répartition des fonds. Il s’agit des dépenses exposées et des ressources de compensation et d’accompagnement perçues au titre du RSA.

B.   L’impact BudgÉtaire et Économique

Le transfert des compétences en matière d’attribution, d’instruction des demandes, de financement et de service des allocations et d’orientation des bénéficiaires du RSA du département de La Réunion s’accompagne ainsi de l’attribution à l’État de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice par la collectivité territoriale concernée.

Dans ce contexte, pour l’année 2020, un montant provisionnel du droit à compensation pour l’État est calculé à partir de la moyenne des trois dernières années disponibles. Il est égal à la moyenne des dépenses réalisées au titre du RSA et du RSO sur la période de 2016 à 2018. Sur la base d’un montant de dépenses égal à 591 millions d’euros en 2016, 600 millions d’euros en 2017 et 631 millions d’euros en 2019, le montant du droit à compensation provisionnel au profit de l’État s’établit donc à 607 millions d’euros pour La Réunion.

De manière à financer ces dépenses et au titre du droit à compensation, le présent article procède, comme vu supra, à la reprise des financements historiques et des ressources d’accompagnement des dépenses du RSA pour le département de La Réunion, ainsi qu’à plusieurs mesures complémentaires. Ainsi, en 2020, l’État cesse le versement au département :

– des fractions de TICPE pour un montant de 404,9 millions d’euros ;

– des ressources allouées au titre du FMDI pour un montant de 25,1 millions d’euros ;

– des ressources allouées au titre du DCP pour un montant de 30,5 millions d’euros.

Il procède également à :

– une réfaction de la dotation forfaitaire de 46,3 millions d’euros (soit l’intégralité de son montant) ;

– une réfaction de la dotation de compensation de 100,7 millions d’euros.

L’évaluation préalable de l’article précise que le transfert à l’État de la compétence du RSA pour le département de La Réunion a pour conséquence d’augmenter les dépenses de l’État à hauteur de 666 millions d’euros en 2020. En effet, pour 2020, une estimation budgétaire de 666 millions d’euros est prévue sur la base du montant du droit à compensation provisionnel (607 millions d’euros) et d’une progression prévisionnelle des dépenses de RSA entre 2019 et 2020 (59 millions d’euros).

Les simulations réalisées pour la période 2019 à 2023 portent les dépenses de RSA et de RSO à la charge de l’État à plus de 719 millions d’euros en 2023 à La Réunion. Ces simulations se fondent sur une évolution moyenne des dépenses de RSA de 2,6 % par an résultant de la moyenne des évolutions constatées de 2015 à 2018. Il est en effet rappelé que l’État reprend désormais à sa charge le coût de l’évolution spontanée de la dépense du RSA.

La recentralisation du RSA de La Réunion conduit parallèlement à majorer les crédits du programme 304 Inclusion sociale et protection des personnes de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances.

*

*     *

La commission adopte l’article 25 sans modification.

*

*     *

 

 


Article 26
Évaluation des prélèvements opérés sur les recettes de lÉtat
au profit des collectivités territoriales

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article évalue, comme chaque année en loi de finances initiale, le montant des prélèvements sur recettes (PSR) au profit des collectivités territoriales. Pour 2020, ces derniers sont évalués à 40,9 milliards d’euros, soit une légère hausse de + 0,8 % par rapport à l’année précédente (+ 323 millions d’euros).

Au sein des PSR, il convient en particulier de noter pour 2020 :

– une stabilité de la dotation globale de fonctionnement (DGF) des départements et du bloc communal, hors des effets de périmètre ;

– la forte hausse du fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) en raison de la poursuite prévisible de la reprise de l’investissement local en lien notamment avec le cycle électoral ;

– une augmentation des compensations d’exonérations de fiscalité locale sous l’effet notamment de la montée en charge de l’exonération de cotisation foncière des entreprises (CFE) pour les entreprises réalisant un très faible chiffre d’affaires ;

– la majoration de la dotation particulière élu local (DPEL) afin de mettre en œuvre les dispositions à destination des communes rurales introduites par le projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique en cours d’examen par le Parlement ;

– la budgétisation de la dotation au profit de la collectivité territoriale de Guyane, et inversement, la transformation en PSR de la dotation globale d’autonomie (DGA) de la Polynésie française ;

– l’institution d’un PSR au profit des régions afin de couvrir le financement des charges autres que celles liées à l’exercice de la compétence apprentissage ;

– enfin, la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP), la dotation pour transferts de compensations d’exonérations de fiscalité directe locale (DTCE) et la compensation des pertes de recettes liées au relèvement du seuil d’assujettissement des entreprises au versement transport (VT) font l’objet d’une minoration au titre des variables d’ajustement.

Dernières modifications législatives intervenues

Le montant des PSR est fixé chaque année en loi de finances, conformément aux articles 6 et 34 de la LOLF. En 2018, le montant des PSR avait été fixé à 40,35 milliards d’euros par la loi de finances pour 2018. En 2019, le montant des PSR avait été fixé à 40,58 milliards d’euros par la loi de finances pour 2019.

 

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté un amendement rédactionnel visant à rectifier l’intitulé du prélèvement sur recettes bénéficiant à la collectivité de Corse, tirant les conséquences de la création de cette collectivité au 1er janvier 2018 en lieu et place de la collectivité territoriale de Corse et des deux départements corses.

I.   L’État du droit

L’évaluation des prélèvements sur recettes (PSR) de l’État aux collectivités territoriales résulte des dispositions de la LOLF : « Un montant déterminé de recettes de lÉtat peut être rétrocédé directement au profit des collectivités territoriales ou des Communautés européennes en vue de couvrir des charges incombant à ces bénéficiaires ou de compenser des exonérations, des réductions ou des plafonnements dimpôts établis au profit des collectivités territoriales. Ces prélèvements sur les recettes de lÉtat sont, dans leur destination et leur montant, définis et évalués de façon précise et distincte. » ([558]) Leur montant doit être fixé chaque année en loi de finances, comme le précise l’article 34 de la LOLF qui dispose que « la loi de finances de l’année […] évalue chacun des prélèvements » sur recettes.

A.   LEs PSR reprÉSENTENT prÈS d’un tiers des transferts financiers de l’État aux collectivitÉs territoriales

Les transferts financiers de l’État aux collectivités territoriales représentent 111,91 milliards d’euros dans la loi de finances initiale pour 2019. Ils se composent principalement de trois sous-ensembles :

– les concours financiers de l’État aux collectivités territoriales (48,77 milliards d’euros), qui rassemblent les PSR de l’État au profit des collectivités territoriales (en particulier la dotation globale de fonctionnement
– DGF), la fraction de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) affectée aux régions ainsi que les crédits budgétaires de la mission Relations avec les collectivités territoriales (RCT) ;

– la fiscalité transférée et le financement de la formation professionnelle et de l’apprentissage (38,76 milliards d’euros), qui visent à compenser les mesures de décentralisation et les transferts de compétences vers les collectivités territoriales ;

– enfin, les transferts divers de l’État (24,38 milliards d’euros), qui comprennent les subventions aux collectivités territoriales des ministères, les contreparties de dégrèvements d’impositions locales décidés par voie législative et le produit des amendes de police de la circulation et des radars.

Les PSR représentent ainsi près de 36 % de l’ensemble des transferts financiers de l’État, et une très grande partie des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales et à leurs groupements.

Les transferts financiers de l’État
aux collectivitÉs territoriales

(en millions d’euros)

Nature des transferts financiers de l’État

2017

2018

2019

Concours financiers de l’État

48 139

48 255

48 769

 dont PSR hors FCTVA

38 849

34 735

34 926

 dont RCT

3 766

3 786

3 892

 dont PSR FCTVA

5 524

5 612

5 649

 dont TVA affectée aux régions

4 122

4 301

Fiscalité transférée

36 352

38 030

38 763

Autres concours financiers

15 411

18 681

24 377

 dont dégrèvements législatifs

11 179

15 026

19 858

Total des transferts financiers de l’État

99 902

104 966

111 909

Source : Rapport de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL), Les finances des collectivités locales en 2019, état des lieux, juillet 2019.

Dans ce cadre, le présent article détermine, comme chaque année en loi de finances, le montant de chaque PSR de l’État bénéficiant aux collectivités territoriales. Il existe actuellement une vingtaine de PSR au profit des collectivités territoriales. Les principaux d’entre eux sont :

– la dotation globale de fonctionnement (DGF) qui compense les charges supportées par les départements, les communes et leurs groupements, contribue à leur fonctionnement et corrige certaines inégalités de richesses entre les territoires ;

– le fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) qui compense de manière forfaitaire la TVA supportée par les collectivités territoriales sur leurs dépenses d’investissement ;

– la compensation d’exonérations de fiscalité locale qui compense le coût, pour les collectivités territoriales, des allégements législatifs de fiscalité locale ;

– le fonds de mobilisation départementale pour l’insertion (FMDI) qui accompagne les départements dans leur politique de retour à l’emploi au bénéfice des publics en difficulté après le transfert du revenu minimum d’insertion (RMI), puis la mise en place du revenu de solidarité active (RSA) ;

– la dotation départementale d’équipement des collèges (DDEC) qui est attribuée aux départements pour les investissements relatifs aux collèges ;

– la dotation régionale d’équipement scolaire (DRES) qui est attribuée aux régions pour les investissements relatifs aux lycées ou aux établissements de niveau équivalent ;

– la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) qui compense pour chaque catégorie de collectivités les principaux effets de la réforme de la taxe professionnelle ;

– ou encore, la dotation pour transferts de compensations d’exonérations de fiscalité directe locale (DTCE ou dot 2) qui comprend certaines allocations compensatrices régionales et départementales historiques.

B.   LES concours financiers FONT L’OBJET D’UN PLAFONNEMENT PAR LA LOI DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES

Les différents montants des concours financiers de l’État doivent être mis en relation avec l’article 16 de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2018 à 2022 ([559]) qui fixe plusieurs plafonds prévisionnels, exprimés en milliards d’euros courants :

– un plafond du FCTVA : il s’agit toutefois d’un PSR par nature peu pilotable, car ce dernier constitue un remboursement de TVA forfaitaire sur les dépenses d’investissement des collectivités territoriales ;

– un plafond de la fraction de TVA affectée aux régions : le montant affecté n’est également pas pilotable et varie en fonction du niveau des recettes de TVA ;

– enfin, un plafond pour les autres concours financiers de l’État, qui comprend les autres PSR au profit des collectivités territoriales ainsi que les crédits du budget général de la mission RCT. Il s’agit de l’essentiel de la dépense pilotable pour l’État, notamment par le biais des variables d’ajustement ([560]) ou des ajustements budgétaires de la mission RCT. Ce dernier sous-ensemble constitue l’enveloppe normée des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales, et fait chaque année l’objet d’un plafonnement à périmètre constant par le biais des variables d’ajustement.

Programmation des concours financiers de l’État
aux collectivitÉs territoriales

(en milliards d’euros)

Années

2018

2019

2020

2021

2022

Total des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales

48,11

48,09

48,43

48,49

48,49

dont fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA)

5,61

5,71

5,95

5,88

5,74

dont taxe sur la valeur ajoutée (TVA) affectée aux régions

4,12

4,23

4,36

4,5

4,66

dont autres concours

38,37

38,14

38,12

38,1

38,1

Note : les concours financiers de l’enveloppe « normée » au sens de la loi de programmation des finances publiques regroupent les PSR établis au profit des collectivités territoriales (hors FCTVA) et les crédits du budget général relevant de la mission RCT. Il s’agit dans le présent tableau des autres concours. Le FCTVA ainsi que le produit de l’affectation de la TVA aux régions ne sont pas soumis à l’enveloppe normée.

Source : loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

II.   Le dispositif proposÉ

A.   UN MONTANT DES PSR AU PROFIT DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ÉVALUÉ À 40,9 MILLIARDS D’EUROS POUR 2020

Le présent article évalue, comme chaque année en loi de finances initiale, le montant des PSR au profit des collectivités territoriales. Pour 2020, ce dernier est évalué à 40 898 219 377 euros, au lieu de 40 575 360 000 euros en 2019 ([561]), soit une légère hausse de + 0,8 %.

ÉVOLUTION DU MONTANT DES PSR

(en milliards d’euros)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

55,58

55,69

54,17

50,73

47,30

44,37

40,35

40,58

40,90

Source : lois de finances initiales et présent projet de loi de finances.

Le montant global des PSR est ensuite réparti entre une vingtaine de PSR de la manière suivante :

ÉVOLUTION DU MONTANT DES PSR en 2019

(en milliers d’euros)

Prélèvements sur recettes (PSR)

Montant

LFI 2019

Montant

PLF 2020

Évolution

2019/2020

Dotation globale de fonctionnement (DGF)

26 948 048

26 801 528

– 146 520

Dotation spéciale pour le logement des instituteurs (DSI)

11 028

8 250

– 2 778

Dotation de compensation des pertes de bases de la taxe professionnelle et de redevance des mines des communes et de leurs groupements

73 500

50 000

– 23 500

Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA)

5 648 866

6 000 000

+ 351 134

Compensation d’exonérations relatives à la fiscalité locale

2 309 548

2 433 094

+ 123 546

Dotation particulière élu local

65 006

75 006

+ 10 000

PSR au profit de la collectivité territoriale de Corse et des départements de Corse

40 976

62 897

+ 21 921

Fonds de mobilisation départementale pour l’insertion (FMDI)

491 877

466 783

– 25 094

Dotation départementale d’équipement des collèges (DDEC)

326 317

326 317

Dotation régionale d’équipement scolaire (DRES)

661 186

661 186

Dotation globale de construction et d’équipement scolaire (DGCES)

2 686

2 686

Dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP)

2 976 964

2 931 964

– 45 000

Dotation pour transferts de compensations d’exonérations de fiscalité directe locale (dot²)

499 683

465 254

– 34 429

Dotation unique des compensations spécifiques à la taxe professionnelle (DUCSTP)

– 

Dotation de compensation de la réforme de la taxe sur les logements vacants

4 000

4 000

Dotation de compensation liée au processus de départementalisation de Mayotte

107 000

107 000

Fonds de compensation des nuisances aéroportuaires

6 822

6 822

Dotation de garantie des reversements des fonds départementaux de taxe professionnelle (FDPTP)

284 278

284 278

Compensation des pertes de recettes liées au relèvement du seuil d’assujettissement des entreprises au versement transport

90 575

48 021

– 42 554

Dotation au profit de la collectivité territoriale de Guyane

27 000

– 27 000

Dotation aux régions au titre de la neutralisation financière de la réforme de l’apprentissage

72 582

+ 72 582

Dotation au profit de la Polynésie française

90 552

+ 90 552

Total des prélèvements sur recettes

40 575 360

40 898 220

+ 322 860

Source : article 82 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 et présent article.

B.   LEs principales Évolutions DEs montants des PSR en 2020 et leur articulation avec les autres dispositions du prÉsent projet de loi de finances

Au total, le montant des PSR au profit des collectivités territoriales est en hausse de près de 323 millions d’euros en 2020 par rapport à la loi de finances pour 2019. Cette hausse résulte des évolutions suivantes :

– une stabilité de la DGF des départements et du bloc communal, en dehors des effets de périmètre d’un montant de – 147 millions d’euros (recentralisation du RSA à La Réunion, abondement exceptionnel du fonds d’aide au relogement d’urgence – FARU). Le montant global de la DGF est également fixé par l’article 21 du présent projet de loi de finances ([562]) ;

– une diminution de – 3 millions d’euros de la dotation spéciale pour le logement des instituteurs pour tenir compte des départs en retraite et de l’intégration progressive des instituteurs dans le corps des professeurs des écoles ;

– une hausse de + 351 millions d’euros du FCTVA en raison de la poursuite prévisible de la reprise de l’investissement local en lien notamment avec le cycle électoral ;

– une augmentation de + 124 millions d’euros des compensations d’exonération de fiscalité locale sous l’effet notamment de la montée en charge de certaines mesures votées en loi de finances pour 2019 comme l’exonération de cotisation foncière des entreprises (CFE) pour les entreprises réalisant un très faible chiffre d’affaires ;

– une majoration de + 10 millions d’euros de la dotation particulière élu local (DPEL) afin de mettre en œuvre les dispositions à destination des communes rurales introduites par le projet de loi, en cours d’examen par le Parlement, relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique (réforme des indemnités de fonction des élus locaux) ;

– une baisse de – 24 millions d’euros de la dotation de compensation des pertes de bases de la taxe professionnelle et de redevance des mines des communes et de leurs groupements. Selon les informations transmises au Rapporteur général, cette baisse tire « les conséquences de la très forte sous-exécution de cette dotation sur les derniers exercices (20,3 millions deuros en 2018, 44,3 millions deuros en 2017) » ;

– une hausse de + 22 millions d’euros du PSR au profit de la collectivité territoriale de Corse et des départements de Corse. Selon les informations transmises au Rapporteur général, cette hausse tire « les conséquences de la sur-exécution de ce PSR, assis sur le produit de la TICPE mise à la consommation en Corse, et de son fort dynamisme sur les derniers exercices (56 millions deuros exécutés en 2018, 47 millions deuros en 2017) » ;

– une diminution de – 25 millions d’euros du fonds de mobilisation départementale pour l’insertion (FMDI) pour tenir compte de la recentralisation du RSA à La Réunion, prévue par l’article 25 du présent projet de loi ([563]) ;

– une baisse de – 27 millions d’euros du fait de la budgétisation de la dotation au profit de la collectivité territoriale de Guyane, prévue par l’article 21 du présent projet de loi ([564]) ;

– une hausse de + 91 millions d’euros du fait de la transformation en PSR de la dotation globale d’autonomie (DGA) de la Polynésie française par l’article 23 du présent projet de loi ([565]), actuellement financée par la mission RCT ;

– une hausse de + 73 millions d’euros du fait de l’institution d’un PSR au profit des régions afin de couvrir le financement des charges autres que celles liées à l’exercice de la compétence apprentissage, à la suite de la suppression des ressources compensatrices de cette compétence par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel ([566]) ;

– une baisse de – 43 millions d’euros de la compensation des pertes de recettes liées au relèvement du seuil d’assujettissement des entreprises au versement transport (VT), en raison de l’intégration de ce PSR dans l’assiette des variables d’ajustement par l’article 21 du présent projet de loi ([567]) ;

– enfin, une minoration de – 79 millions d’euros de la DCRTP et de la DTCE afin de neutraliser sur l’enveloppe des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales certaines évolutions par rapport aux plafonds fixés par la LPFP pour les années 2018 à 2022. Ces minorations, qui relèvent des variables d’ajustement, sont mises en œuvre par l’article 21 du présent projet de loi de finances.

Enfin, la commission a adopté un amendement rédactionnel du Rapporteur général ([568]) visant à rectifier l’intitulé du prélèvement sur recettes bénéficiant à la collectivité de Corse, tirant les conséquences de la création de cette collectivité au 1er janvier 2018 en lieu et place de la collectivité territoriale de Corse et des deux départements corses.

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*     *

La commission en vient à l’examen en discussion commune des amendements ICF1176 de Mme Christine Pires Beaune, ICF433, ICF434 et ICF436 de M. François Pupponi.

L’amendement ICF1176 est retiré.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements ICF433 et ICF434 et ICF436.

Puis elle examine l’amendement ICF1544 du rapporteur général.

M. Joël Giraud, rapporteur général. C’est un changement de dénomination, tirant les conséquences de la réforme des collectivités territoriales en Corse.

La commission adopte l’amendement ICF1544 (amendement I2930).

Elle est ensuite saisie de l’amendement ICF988 de M. Jean-Félix Acquaviva.

M. François Pupponi. Avec cet amendement, M. Acquaviva voudrait récupérer un million d’euros au titre du comité de massif de Corse.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement ICF988.

Puis elle adopte l’article 26 ainsi modifié.

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*     *

Après l’article 26

La commission examine les amendements identiques ICF382 de Mme Lise Magnier et ICF538 de Mme Émilie Bonnivard.

Mme Lise Magnier. Nous proposons d’élargir le bénéfice du FCTVA aux dépenses de services de cloud pour les collectivités territoriales afin de mieux les accompagner dans leur transformation numérique.

Mme Émilie Bonnivard. Ces dernières années, les pratiques de gestion des données numériques ont fortement évolué. De nombreuses entreprises ne sont plus aujourd’hui propriétaires de leurs services et louent des capacités de stockage auprès de prestataires de services, ce qui est généralement appelé du cloud computing. Le présent amendement propose donc d’élargir le bénéfice du FCTVA à ces dépenses pour permettre aux collectivités de s’adapter.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette les amendements ICF382 et ICF538.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, elle rejette ensuite l’amendement ICF105 de Mme Lise Magnier.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements identiques ICF109 de Mme Lise Magnier, ICF285 de Mme Véronique Louwagie, ICF303 de M. Charles de Courson et ICF931 de Mme Marie-Christine Dalloz, ainsi que l’amendement ICF286 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement I‑CF285 permet de faire bénéficier du FCTVA les dépenses de location longue durée des collectivités locales qui s’équiperaient de véhicules électriques ou hybrides. Cette mesure aiderait les collectivités territoriales à verdir leurs flottes automobiles.

L’amendement I‑CF286 est un amendement de repli, qui prévoit que cette disposition ne s’appliquerait qu’aux contrats de location signés avant le 31 décembre 2022.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il s’agit de préciser que les collectivités locales ne bénéficieraient du FCTVA que sur le loyer financier, et ce dans la limite d’un certain montant.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements ICF109, ICF285, ICF303, ICF931 et ICF286.

Elle est ensuite saisie de l’amendement ICF756 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Cet amendement vise à assurer les compensations aux communes des exonérations décidées par le Parlement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement ICF756.

Puis elle examine l’amendement ICF1325 de Mme Lise Magnier.

Mme Lise Magnier. Il s’agit d’assurer la compensation de la scolarisation obligatoire à partir de trois ans à l’ensemble des collectivités territoriales. En effet la scolarisation obligatoire entre en vigueur dès ce mois de septembre, mais rien n’est prévu dans ce PLF. Les collectivités s’inquiètent donc de savoir ce qui sera compensé et quand. Je vous rappelle notamment que la question de la compensation au titre du financement des écoles privées, selon que les communes participaient antérieurement ou non à ce financement, reste particulièrement floue.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Avis défavorable, mais votre amendement traite une vraie question et j’aimerais que nous l’abordions en séance avec le ministre.

La commission rejette l’amendement ICF1325.

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*     *

 


B. ‑ Impositions et autres ressources affectées à des tiers

Article 27
Mesures relatives à lajustement des ressources affectées à des organismes chargés de missions de service public

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article a pour objet de faire participer les opérateurs de l’État et les organismes chargés de missions de service public bénéficiant de dispositifs de fiscalité affectée à l’objectif de maîtrise de la dépense publique dans la richesse nationale.

Ainsi, il fixe des plafonds à l’affectation d’impositions de toute nature aux organismes bénéficiaires, afin de garantir une adéquation entre le niveau de ces ressources et les missions de service public qui leur sont confiées. Les ressources fiscales excédant le plafond sont en règle générale reversées au budget général de l’État, selon un mécanisme dit d’écrêtement.

Le présent article permet :

– d’ajuster à la hausse ou à la baisse les plafonds individuels d’affectation de taxes prévus au I de l’article 46 de la loi de finances pour 2012. À périmètre constant et hors augmentation exceptionnelle du plafond des ressources affectées à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), la somme des augmentations de plafonds opérée par le présent article serait supérieure de 193,4 millions d’euros à la somme des diminutions de plafonds (A du I de l’article) ;

– de prévoir une augmentation exceptionnelle de 380 millions d’euros du plafond de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) affectée à l’AFITF pour 2020 (A du I et XI) ;

– de diminuer de 45 millions d’euros ([569]) les ressources du réseau des chambres d’agriculture issues de la taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés non-bâties (TA‑TFPNB) et de modifier les modalités de répartition de son produit au sein du réseau (A du I et  du II) ;

– de tirer les conséquences de rebudgétisations ou de suppressions de taxes à faible rendement en supprimant leurs plafonds : le droit fixe dû par les entreprises ferroviaires et la taxe annuelle pour frais de contrôle affectés à l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER) ; le droit de sécurité dû à l’Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF) ; le droit sur les produits bénéficiant d’une appellation d’origine ou d’une indication géographique protégée affecté à l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO) ; la taxe sur la notification des produits du vapotage affectée à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Ansés) (A du I) ;

– d’intégrer dans le champ du plafonnement la contribution unique à la formation professionnelle et à l’alternance (CUFPA) affectée à France Compétences (A du I et V), majorant ainsi le champ des ressources fiscales plafonnées de 9,475 milliards d’euros ;

– de prévoir la perception de la redevance cynégétique par les agences de l’eau et de tirer les conséquences de la création à compter du 1er janvier 2020 de l’Office français de la biodiversité (OFB) (A du I, III, IV, IX et X) ;

– de supprimer l’affectation de ressources au Conseil national des barreaux (CNB) pour le financement de l’aide juridique, appelé à être intégralement porté par le budget général (A du II, VI, VII et VIII) ;

– de modifier les modalités de fixation des tarifs de la taxe sur les nuisances sonores aériennes ( du II) ;

– d’opérer un prélèvement exceptionnel de 2,8 millions d’euros sur les ressources de la Caisse nationale des autoroutes (XII).

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

À l’initiative de M. Zulesi, la commission des finances a adopté un amendement augmentant de 70 millions d’euros supplémentaires la fraction de TICPE affectée à l’AFITF à compter de 2021.

Elle a adopté un amendement de M. Brun supprimant les dispositions visant à diminuer de 45 millions d’euros le plafond d’affectation du produit de la TA-TFPNB affecté au réseau des chambres d’agriculture, à rendre les chambres régionales d’agriculture primo-affectataires de ce produit et à permettre l’existence de taux départementaux différents pour les chambres dont la circonscription territoriale comporte plusieurs départements.

À l’initiative de M. Coquerel, elle a adopté un amendement visant à augmenter de 43 millions d’euros le plafond d’affectation au fonds de prévention des risques naturels et majeurs (FPRNM) du prélèvement sur le produit des primes ou cotisations additionnelles relatives à la garantie contre le risque de catastrophes naturelles.

À l’initiative du Rapporteur général, elle a adopté un amendement plafonnant les redevances perçues par l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) à hauteur de 230 millions d’euros.

Elle a adopté des amendements identiques affectant une fraction du produit issu du droit de timbre dû au moment de la délivrance du permis de conduire des bateaux de plaisance à moteur, à la Société nationale des sauveteurs en mer (SNSM) – fraction plafonnée à 4,5 millions d’euros.

I.   L’État du droit

A.   La fiscalité affectée à des tiers, une dérogation aux principes d’unité et d’universalité budgétaires

La fiscalité affectée à des tiers a fait l’objet de plusieurs travaux récents et suscite un intérêt particulier depuis plusieurs années. Le lecteur pourra trouver des informations utiles sur cette pratique budgétaire dans les rapports du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) de 2013 et de 2018 consacrés à ce sujet ([570]), dans le rapport d’information sur l’application des mesures fiscales (RALF) de juillet 2019 ([571]) et dans le rapport d’information sur la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) de septembre 2019 ([572]). Les développements de ce commentaire relatifs à la situation existante de la fiscalité affectée à des tiers sont pour la plupart issus du RALF de juillet 2019.

● La fiscalité affectée à des tiers est une dérogation aux principes dunité et duniversalité budgétaires, lesquels trouvent leur traduction au niveau organique dans diverses dispositions de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) ([573]), en particulier son article 6.

Le principe dunité exige d’une part, que le budget de l’État soit retracé dans un document unique pour assurer que la présentation des recettes et des dépenses de l’État au Parlement soit claire et ainsi permettre son contrôle. Il exige, d’autre part, de la loi de finances qu’elle prévoie et autorise l’ensemble des recettes et des dépenses de l’État.

Le principe duniversalité se décline en deux règles distinctes. En premier lieu, la règle de non-contraction interdit la compensation des dépenses en recettes dans la présentation budgétaire afin que ne soient pas dissimulées certaines charges, pour garantir la lisibilité et la sincérité du budget. En second lieu, la règle de nonaffectation exige que l’ensemble des recettes assure l’exécution de l’ensemble des dépenses. Elle interdit par conséquent qu’une recette déterminée soit affectée à une dépense déterminée. Il s’agit de permettre à l’autorité budgétaire de décider et de gérer les fonds publics dans une logique de solidarité et d’unité nationales.

Les taxes affectées constituent par leur nature même des dérogations à ces deux principes, ce qui ne signifie pas pour autant qu’elles ne respectent pas les règles juridiques qui traduisent ces principes en droit.

L’affectation de taxes s’oppose par construction à la règle de non‑affectation et donc à la logique du principe d’universalité. Elle s’oppose également à l’esprit du principe d’unité. Il s’agit en effet d’octroyer des ressources à un organisme tiers, lui permettant de financer des dépenses qui ne sont pas retracées dans le budget de l’État. À l’inverse des dépenses inscrites au budget de l’État, les dépenses permises par l’affectation de recettes à des tiers ne sont pas autorisées par le Parlement ou alors ne le sont qu’indirectement. Ce dernier n’a pas non plus la possibilité de réorienter l’allocation des crédits au sein d’une même politique publique, comme il peut le faire lors de l’examen des missions budgétaires.

● Ces principes sont applicables dans le cadre fixé par la LOLF. Bien que l’affectation de taxes aille à l’encontre de leur logique, elle est possible dès lors qu’elle respecte plusieurs conditions organiques. Il convient d’ailleurs de préciser que stricto sensu, le principe d’universalité tel que défini par la LOLF entraîne une interdiction d’affectation de recettes à des dépenses particulières dans le seul périmètre du budget général ([574]), sous réserve des « procédures comptables particulières » ([575]).

L’affectation de recettes à des tiers est elle-même explicitement prévue par la LOLF, sous certaines réserves qu’elle définit et qui ont été précisées par le Conseil constitutionnel ([576]).

D’abord, les tiers affectataires dimpositions de toute nature doivent être des personnes morales et ne peuvent recevoir de telles impositions qu’à raison des missions de service public qui leur sont confiées ([577]).

Ensuite, lorsque la ressource qu’il est envisagé d’affecter à un tiers est une ressource de l’État, son affectation totale ou partielle ne peut être établie que par une loi de finances ([578]). Par exemple, une initiative législative, venant d’un parlementaire ou du Gouvernement, qui consiste à affecter une quote-part d’une recette fiscale établie au profit de l’État à une autre personne morale n’a sa place qu’en loi de finances, à supposer que les autres conditions fixées par la LOLF soient respectées. En revanche, la création ex nihilo d’une taxe affectée à un tiers peut trouver sa place dans une loi ordinaire.

La loi de finances doit également autoriser chaque année la perception des taxes affectées. Il ne s’agit pas d’une obligation applicable à chaque taxe affectée pour renouveler l’autorisation de son affectation, mais d’une autorisation générale de perception pour l’ensemble des taxes affectées, traditionnellement opérée par l’article 1er de la loi de finances ([579]).

Enfin, la liste et l’évaluation par bénéficiaire de toutes les taxes affectées à des tiers doit figurer en annexe du PLF ([580]). Elle est présentée dans le tome I de l’annexe appelée « Voies et moyens ».

B.   Le niveau ÉlevÉ de la fiscalitÉ affectÉE

1.   La croissance des recettes affectées à des tiers

L’accroissement du nombre de taxes affectées et du montant des recettes affectées à des tiers est un phénomène marquant dans la période récente. En 2013, le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) constatait le « développement intense » ([581]) de la fiscalité affectée, remarquant que le montant des recettes affectées, hors taxes affectées aux collectivités territoriales et aux organismes de sécurité sociale, avait crû de 25 % entre 2007 et 2012, un taux deux fois supérieur au taux d’évolution des crédits budgétaires alloués à l’ensemble des opérateurs sur la même période (+ 13 %).

Plusieurs causes peuvent expliquer l’accroissement du nombre des taxes affectées. Elles ont d’abord permis de faciliter le respect de certaines règles budgétaires et d’assouplir leur application aux opérateurs affectataires. L’affectation de taxes a ainsi permis de faciliter le respect des objectifs relatifs à lévolution des normes de dépense tout en permettant une évolution dynamique de la dépense de certains opérateurs à une époque où les taxes affectées plafonnées n’étaient pas incluses dans le champ de ces normes ([582]). Elle a également l’avantage pour les affectataires de sanctuariser en gestion le montant de la recette affectée, l’application de la régulation budgétaire sur cette ressource n’étant, par construction, pas applicable.

La fiscalité affectée a enfin pu apparaître comme un moyen de favoriser lacceptabilité de limpôt en permettant au contribuable d’identifier avec précision les politiques publiques financées par les prélèvements dont il s’acquitte.

Dans un nouveau rapport, publié en 2018 ([583]), le CPO souligne toutefois le ralentissement de la croissance des recettes affectées à des tiers autres que les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale depuis plusieurs années, sous l’effet en particulier des mesures prises pour encadrer cette progression (voir infra). Il constate qu’elles n’ont progressé que de 4,1 % entre 2011 et 2017, au lieu de 13,8 % pour l’ensemble des prélèvements obligatoires.

2.   Le niveau élevé des recettes de la fiscalité affectée et du nombre de taxes affectées

● Le produit affecté des taxes à des tiers s’élèverait à 276,3 milliards d’euros en 2019. À titre de comparaison, les recettes fiscales nettes de l’État ont représenté 295,4 milliards d’euros en 2018, soit un montant du même ordre de grandeur.

La fiscalité affectée au secteur social a représenté plus de 70 % du total de la fiscalité affectée. Elle a progressé pour ce secteur d’un peu moins de 30 % entre 2013 et 2019, sa croissance résultant pour partie de l’augmentation de 1,7 point du taux de certains segments de la contribution sociale généralisée (CSG) opérée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 ([584]).

À l’inverse, le produit affecté des taxes au secteur local et aux autres tiers (dont les organismes divers d’administration centrale – ODAC) a diminué sur la période.

Montant des taxes affectées selon les secteurs

(en millions d’euros)

 

Exécution

2013

Exécution

2014

Exécution

2015

Exécution

2016

Exécution

2017

Prévision

2018

Prévision

2019

Évol. 2013/2019

Secteur social

152 945

156 794

171 362

173 767

178 515

200 779

197 218

+  28,9%

Secteur local

54 504

55 649

56 144

50 749

52 261

52 582

52 656

– 3,4%

ODAC et divers hors secteurs local et social

35 287

38 105

34 667

24 943

28 193

27 090

26 414

– 25,1%

Total

242 736

250 548

262 173

249 459

258 969

280 451

276 288

+ 13,8%

Source : Rapport dinformation n° 2169 sur lapplication de la loi fiscale, juillet 2019, p. 445, d’après les données transmises par le Gouvernement.

● Les termes « fiscalité affectée » évoquent bien souvent la seule fiscalité affectée à des tiers autres que les collectivités territoriales, leurs groupements et les organismes de sécurité sociale.

Le niveau du produit des taxes affectées à ces « tiers autres » s’élèverait à 26,4 milliards d’euros en 2019, un niveau inférieur de plus de 25 % à celui de 2013. Le tableau ci-dessous présente le produit de ces taxes ventilé par type d’affectataires.

Produit de la fiscalitÉ affectÉe À des tiers n’appartenant
ni au secteur social ni au secteur local

(en millions d’euros)

Affectataire

Exécution

2013

Exécution

2014

Exécution

2015

Exécution

2016

Exécution

2017

Prévision

2018

Prévision

2019

Évol. 2013/2019

ODAC

Opérateurs de l’État

5 251

5 144

6 609

4 893

5 581

5 402

4 910

– 6,5%

Autres

10 365

12 945

6 301

8 189

9 217

7 930

7 411

– 28,5%

Sous-total (1)

15 616

18 089

12 910

13 082

14 798

13 332

12 321

 21,1%

Divers

Secteur de l’emploi et de la formation professionnelle

10 592

10 236

10 862

7 493

9 495

9 671

9 996

– 5,6%

Secteur de l’industrie, de la recherche, du commerce et de l’artisanat

574

6 248

578

554

205

210

199

– 65,3%

Secteur de l’équipement, du logement, des transports et de l’urbanisme

3 083

3 270

3 267

3 285

3 357

3 468

3 576

+ 16,0%

Secteur agricole

17

20

5

na

Secteur de l’environnement

5 354

197

6 866

209

3

140

140

– 97,4%

Logement et construction

133

133

116

116

116

na

Autres

51

45

46

187

219

153

66

+ 29,4%

Sous-total (2)

19 671

20 016

21 757

11 861

13 395

13 758

14 093

 28,4%

Total (1 + 2)

35 287

38 105

34 667

24 943

28 193

27 090

26 414

 25,1%

Source : Rapport dinformation n° 2169 sur lapplication de la loi fiscale, juillet 2019, p. 446, d’après les données transmises par le Gouvernement.

La fiscalité affectée fait désormais l’objet d’un encadrement, qui s’est renforcé au cours des années récentes.

C.   L’encadrement progressif de la fiscalité affectée

1.   Le plafonnement de taxes affectées à compter de 2012

Compte tenu de la dynamique de la fiscalité affectée, il est apparu nécessaire d’encadrer son évolution à double titre :

– pour faire participer les bénéficiaires de ces ressources à l’effort de maîtrise de la dépense publique ;

– et prévoir un niveau de leur financement cohérent avec leurs missions de service public.

Ainsi, l’article 46 de la loi de finances pour 2012 a introduit un plafonnement de certaines taxes affectées à des opérateurs de l’État ou à des organismes chargés d’une mission de service public ([585]). Ce dispositif d’encadrement budgétaire vise à :

− renforcer le suivi et le contrôle par le Parlement des ressources fiscales affectées aux opérateurs, conformément aux principes budgétaires d’annualité (autorisation annuelle du Parlement) et d’universalité (interdiction d’affecter une ressource à un tiers), qui sont les garants du contrôle parlementaire sur l’emploi des ressources de l’État ;

− ajuster les ressources des opérateurs aux besoins qui leur sont nécessaires pour assurer leurs missions de service public ;

− maîtriser le niveau de la dépense de certains opérateurs de l’État par la régulation de leurs ressources affectées de manière à les inciter à dépenser moins et assurer ainsi leur contribution à l’effort de redressement des comptes publics.

Le fonctionnement de ce plafonnement permanent repose sur les dispositions suivantes :

− les affectations de ressources sont autorisées dans la limite d’un plafond soumis annuellement au Parlement. Au-delà de ce plafond, les ressources sont écrêtées au profit du budget général de l’État ;

− les plafonds et leur niveau en milliers d’euros sont mentionnés par ressource affectée, avec mention de la personne affectataire dans un tableau unique, prévu à l’article 46 de la loi de finances pour 2012.

2.   L’élargissement progressif du périmètre du plafonnement

En 2012, le législateur a prévu trois types d’exemptions au plafonnement des taxes affectées :

− fondées sur la nature du destinataire de la taxe. Par principe, ont ainsi été exclues du plafonnement toutes les taxes affectées aux administrations de sécurité sociale, aux collectivités territoriales et à leurs établissements et aux organismes paritaires ou assimilés ;

− fondées sur la nature de la taxe. Ont été exclues les affectations correspondant à des redevances pour service rendu ou appliquant une logique de péréquation au sein d’un secteur économique ;

− et des organismes pour lesquels la taxe affectée s’accompagne déjà d’un mécanisme indirect de plafonnement, via une subvention d’équilibre portée par le budget général.

S’appliquant initialement à 46 taxes, le plafonnement des produits affectés a progressivement été étendu. Il concernerait 84 taxes en 2020, pour un produit affecté prévisionnel de 19,5 milliards d’euros et un montant reversé au budget général de l’État de presque 2,5 milliards d’euros.

Évolution du nombre et du montant des taxes affectÉes plafonnÉes

Année

Nombre de taxes plafonnées*

Produit global des taxes plafonnées**

(en millions deuros)

Montant de lécrêtement au profit du budget général de lÉtat

(en millions deuros)

2012

46

3 013

136

2013

57

5 206

218

2014

59

5 573

296

2015

80

7 914

391

2016

85

9 228

452

2017

89

9 972

621

2018

91

9 080

1 667

2019

86

9 463

2 386

2020

84

19 544

2 471

* Par convention, le nombre de taxes plafonnées est égal au nombre de lignes figurant à l’article 46 de la loi de finances initiale pour 2012.

** Par convention, le produit global des taxes plafonnées est égal à la somme des plafonds prévus à l’article 46 de la loi de finances initiale pour 2012.

Source : données transmises au Rapporteur général par le Gouvernement le 8 octobre 2019.

Toutefois, sur un champ restreint aux seuls opérateurs de l’État ([586]), dix‑neuf ressources affectées ne sont à ce jour pas plafonnées pour un rendement total de 1,8 milliard d’euros en 2020 ([587]).

3.   Un renforcement de l’encadrement des taxes affectées plafonnées en loi de programmation des finances publiques

a.   L’intégration des taxes affectées plafonnées dans les normes de dépenses de l’État

Le développement des taxes affectées résulte en grande partie d’une démarche de contournement des normes budgétaires, mises en place à partir de 2004. Celles-ci visaient à maîtriser l’évolution de la dépense et ont ainsi introduit une différence de traitement entre les opérateurs financés par subventions de charges de service public, c’est-à-dire par crédits budgétaires (sous norme) et ceux financés par taxes affectées (hors norme).

Selon le CPO ([588]), ce cadre budgétaire nouveau a introduit un « biais important puisque lÉtat était incité à financer par taxes affectées des dépenses nouvelles, sans effet visible sur la norme de dépenses ».

La loi de finances pour 2008 a amoindri cette différence de contrainte en incluant les nouvelles affectations de taxes sous la norme de dépenses dite « zéro valeur » ([589]), visant à une stabilisation en valeur de la dépense. Depuis 2012, l’ensemble des taxes affectées plafonnées sont incluses dans le périmètre de la norme de dépenses « zéro valeur », que celles-ci soient nouvelles ou existantes ([590]). Cela a eu pour effet de supprimer toute différence de traitement entre un financement par crédits budgétaires et un financement par ressources affectées plafonnées du point de vue des normes de dépenses.

Cette intégration des taxes affectées plafonnées dans le champ des normes de dépenses de l’État a été confirmée par la loi de programmation des finances publiques de 2014 ([591]). L’article 9 de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 a adopté une conception identique, incluant les taxes affectées plafonnées au sein des normes de dépenses ([592]).

b.   Les conditions de recours aux taxes affectées et le principe de leur plafonnement sont désormais posés

La loi de programmation des finances publiques de 2014 ([593]) a soumis le recours à la fiscalité affectée au respect de lun des trois critères, qui ont été repris par la loi de programmation des finances publiques de 2018 ([594]) :

– la ressource « résulte dun service rendu par laffectataire à un usager et son montant doit pouvoir sapprécier sur des bases objectives » (« quasi-redevance ») ;

– elle « finance, au sein dun secteur dactivité ou dune profession, des actions dintérêt commun » (« prélèvement sectoriel ») ;

– elle « finance des fonds nécessitant la constitution régulière de réserves financières » (« contribution assurantielle »).

Par ailleurs, la loi de programmation des finances publiques de 2014 a posé, à compter du 1er janvier 2016, le principe général de plafonnement des taxes affectées à des tiers autres que les collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale et les organismes de sécurité sociale. Ce principe général de plafonnement a été repris à l’article 18 de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022. Les affectations de fiscalité dérogeant à ce principe doivent être justifiées au sein du tome I de l’annexe au projet de loi de finances Évaluations des voies et moyens. Le Rapporteur général constate avec regret que cette disposition n’est pas appliquée.

Les deux principes d’encadrement des taxes affectées (intégration dans la norme de dépenses et plafonnement) apparaissent désormais comme fondamentaux.

c.   La loi de programmation des finances publiques de 2018 a abandonné des mesures d’encadrement qui n’étaient pas appliquées, et a instauré une nouvelle règle

Les lois de programmation des finances publiques de 2012 et de 2014 avaient également fixé des trajectoires de réduction annuelle du produit des affectations de taxes sous plafond ([595]). Toutefois, cette trajectoire n’a pas toujours été respectée en loi de finances.

différence entre lobjectif et la réduction annuelle

des plafonds des taxes affectées

(en millions deuros courants)

Année

2013

2014

2015

2016

2017

Objectif de réduction annuelle

-191

-265

-283

-135

-86

Réduction effective annuelle

-190

–211

-280

+70

+393

Source : Gouvernement.

Ainsi, la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 n’a pas prévu d’objectif de réduction annuelle de la somme des plafonds des taxes affectées. Cela a traduit la volonté du Gouvernement de piloter les plafonds plus en fonction de leur adéquation avec les missions de service public dévolues aux organismes bénéficiaires qu’en termes de recettes supplémentaires à reverser au budget général de l’État.

En outre, la loi de programmation des finances publiques de 2014 avait prévu deux autres mesures d’encadrement des taxes affectées :

– une règle d’affectation ou de réaffectation au budget général de l’État des taxes affectées qui n’auraient pas fait l’objet d’un plafonnement à compter du 1er janvier 2017 ;

– et une règle de substitution, prévoyant que toute nouvelle affectation doit s’accompagner, dans le champ ministériel concerné, de la suppression d’une ou de plusieurs impositions affectées d’un rendement équivalent.

Compte tenu de la non-application de ces deux règles, la loi de programmation des finances publiques de 2018 les a abandonnées.

Toutefois, elle a instauré un nouveau principe selon lequel le plafond arrêté en loi de finances initiale ne saurait être supérieur de plus de 5 % au rendement attendu de la taxe. Il s’agit de permettre au Parlement d’appréhender réellement, à travers le niveau du plafond, les ressources affectées dont bénéficie l’opérateur. Il s’agit également de lier étroitement les niveaux de plafonds et de ressources affectées, afin de garantir que les diminutions de plafonds correspondent à une baisse effective de dépenses.

Au total, le CPO a relevé en 2018 que les mesures dencadrement ont eu un effet positif sur la dynamique des dépenses. Ainsi, les dépenses des opérateurs de l’État affectataires de taxes sont devenues moins dynamiques que celles des opérateurs non affectataires entre 2012 et 2017. Les dépenses de personnel des affectataires ont par exemple augmenté de 1,6 % au lieu de 6,2 % pour les non-affectataires. Les dépenses d’intervention des affectataires ont diminué de 27,4 % contre une baisse de 5,9 % pour les non affectataires. Les dépenses d’investissement des affectataires ont diminué de 45,8 % entre 2014 et 2017, contre une augmentation de 185,8 % pour les non affectataires. En revanche, les dépenses de fonctionnement des affectataires ont progressé de 23,5 %, tandis que celles des non affectataires ont augmenté de 19,1 % ([596]).

En outre, le CPO souligne que les charges et les produits des opérateurs affectataires de taxes avec un plafond dit « mordant » (engendrant un reversement du produit de la taxe au budget général de l’État) ont diminué sur la période 2012‑2017 (– 23,3 % et – 26,3 %), tandis qu’ils ont progressé pour les opérateurs dont le plafond n’était pas mordant (+ 21,0 % et + 1,5 %) ([597]).

II.   Le droit proposÉ

A.   Une augmentation nette de 193,4 millions d’euros du niveau global de plafonnement des taxes affectées à périmètre constant

1.   Les baisses de plafonds

Le présent article propose d’abaisser les plafonds des produits affectés de treize organismes au titre de 2020, pour une diminution totale de 99,7 millions deuros après neutralisation des mesures de périmètre.

Les Baisses de plafonds

(en milliers d’euros)

Imposition ou ressource affectée

Personne affectataire

Plafond 2019

Plafond proposé 2020

Baisse

Article 706-163 du code de procédure pénale

Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC)

6 306

1 306

– 5 000

V de l’article 43 de la loi de finances pour 2000 (n° 99-1172 du 30 décembre 1999)

Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA)

65 000

55 000

– 10 000

Article L. 253-8-2 du code rural et de la pêche maritime

Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail

6 300

4 200

– 2 100

Article 1609 C du code général des impôts

Agence pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques en Guadeloupe

1 415

1 315

– 100

Article 1609 D du code général des impôts

Agence pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques en Martinique

1 415

1 315

– 100

Article 1604 du code général des impôts

Chambres d’agriculture

292 000

247 000

– 45 000

Articles 1607 ter du code général des impôts et L. 321-1 du code de l’urbanisme

Établissement public foncier de Lorraine

24 000

19 500

– 4 500

Articles 1607 ter du code général des impôts et L. 321-1 du code de l’urbanisme

Établissement public foncier de Normandie

14 250

11 750

– 2 500

Articles 1607 ter du code général des impôts et L. 321-1 du code de l’urbanisme

Établissement public foncier de Provence-Alpes-Côte d’Azur

55 880

54 880

– 1 000

Articles 1607 ter du code général des impôts et L. 321-1 du code de l’urbanisme

Établissement public foncier d’Occitanie

32 640

28 340

– 4 300

Articles 1607 ter du code général des impôts et L. 321-1 du code de l’urbanisme

Établissement public foncier de Bretagne

21 400

17 300

– 4 100

Articles 1607 ter du code général des impôts et L. 321-1 du code de l’urbanisme

Établissement public foncier de Vendée

9 400

7 400

– 2 000

Articles 1607 ter du code général des impôts et L. 321-1 du code de l’urbanisme

Établissement public foncier Nord-Pas-de-Calais

70 990

51 990

– 19 000

Total

600 996

501 296

 99 700

Source : commission des finances.

a.   La baisse du plafond de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA)

L’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) est affectataire du produit de la taxe additionnelle « recherche » à la taxe sur les installations nucléaires de base, dans la limite de 65 millions d’euros.

Le A du I du présent article propose de minorer le plafond de 10 millions d’euros pour qu’il s’établisse à 55 millions d’euros. L’évaluation préalable de l’article justifie ce choix par les sous-exécutions des dépenses réalisées au titre du « fonds recherche » de l’ANDRA en 2017 et en 2018. Elles ont contribué à la constitution d’un excédent estimé à 35 millions d’euros en 2019 qui paraît désormais de nature structurelle.

b.   La baisse du plafond de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Ansés)

L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Ansés) bénéficie de l’affectation du produit de la taxe sur les produits phytopharmaceutiques dans la limite d’un plafond de 6,3 millions d’euros, pour financer la mise en place du dispositif de pharmacovigilance et pour améliorer la prise en compte des préjudices en lien direct avec l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, en application de l’article L. 253‑8‑2 du code rural et de la pêche maritime.

Le présent article propose d’abaisser le plafond à 4,2 millions d’euros, le diminuant ainsi d’un tiers. Le plafond serait ainsi cohérent avec le rendement actuel affecté à l’Ansés, permettant de garantir ses ressources.

L’article 46 du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2020 prévoit une augmentation du taux de cette taxe de 0,3 % à 3,5 %. Il crée un fonds d’indemnisation des victimes de produits phytosanitaires qui percevrait la fraction du produit de la taxe supérieure au plafond d’affectation de l’Ansés.

c.   La baisse du plafond de l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC)

Aux termes du 3° de l’article L. 706‑163 du code de procédure pénale, l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) perçoit une partie des sommes confisquées qu’elle gère et le produit de la vente des biens confisqués lorsqu’elle est intervenue pour leur gestion ou leur vente.

Le présent article propose de minorer le plafond de cette ressource de 5 millions d’euros pour qu’il s’établisse à 1,3 million d’euros.

Selon l’évaluation préalable, les dépenses de fonctionnement, de personnel et d’investissement de l’agence se sont élevées à 5,3 millions d’euros en 2018. Le produit du placement des sommes saisies ou acquises versées sur le compte de l’agence à la Caisse des dépôts et consignations, d’environ 8 millions d’euros par ans, suffit à couvrir ses besoins.

d.   Les baisses de plafond des agences des cinquante pas en Guadeloupe et en Martinique

Les agences dites « des cinquante pas » de Guadeloupe et de Martinique ont pour mission prioritaire de conduire le processus de régularisation des occupations sans titre des terrains ressortissant aux espaces urbains et aux secteurs occupés par une urbanisation diffuse, aux termes de l’article 5 de la loi du 30 décembre 1996 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur de la zone dite des cinquante pas géométriques dans les départements d’outre-mer ([598]).

À ce titre, elles perçoivent chacune une taxe spéciale d’équipement dont le montant est arrêté par le conseil d’administration de ces établissements publics avant le 31 décembre de chaque année, pour l’année suivante, dans la limite du plafond de l’article 46, selon les articles 1609 C et 1609 D du CGI.

Il est proposé par le présent article que les plafonds d’affectation de chacune de ces taxes diminuent de 100 000 euros pour s’établir à 1,315 million d’euros.

e.   La baisse du plafond du produit des taxes affectées aux chambres d’agriculture

i.   Le réseau des chambres d’agriculture et son financement

● Le réseau des chambres d’agriculture se compose d’établissements publics sous la tutelle de l’État et administrés par des élus représentant l’activité agricole, les groupements professionnels agricoles et les propriétaires forestiers.

Selon les dispositions de l’article L. 510‑1 du code rural et de la pêche maritime (CRPM), ces établissements ont une fonction de représentation des intérêts de l’agriculture auprès des pouvoirs publics et des collectivités territoriales. Ils contribuent au développement durable des territoires ruraux et des entreprises agricoles, ainsi qu’à la préservation et à la valorisation des ressources naturelles, à la réduction de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques et à la lutte contre le changement climatique.

Les chambres départementales dagriculture (CDA) ont pour missions ([599]) d’élaborer la partie départementale du programme régional de développement agricole et rural établi par la chambre régionale, de contribuer à l’animation et au développement des territoires ruraux, de participer à la définition du projet agricole élaboré par le préfet de département. Elles sont également associées à l’élaboration des schémas de cohérence territoriale, des schémas de secteur et des plans locaux d’urbanisme. Il existe également des chambres interdépartementales d’agriculture qui assurent les mêmes missions dans le champ territorial qu’elles couvrent.

On compte actuellement 89 chambres départementales ou interdépartementales.

Les chambres régionales dagriculture (CRA) élaborent et coordonnent les programmes régionaux de développement agricole et rural ([600]). Elles assurent l’harmonisation des conditions d’emploi des personnels des chambres d’agriculture de la région. Elles ont pour mission d’orienter, de structurer et de coordonner les actions des chambres départementales d’agriculture en définissant une stratégie régionale et en adoptant le budget nécessaire à la mise en œuvre de cette stratégie. Elles doivent contribuer à la politique contractuelle entre l’État et les régions, aux schémas d’aménagement du territoire et de gestion des ressources naturelles et à l’élaboration des programmes régionaux européens. Les chambres interrégionales assurent les mêmes missions dans le champ territorial qu’elles couvrent. Le code rural et de la pêche maritime prévoit l’existence de chambres dagriculture de région constituées par fusion d’une ou plusieurs chambres départementales et d’une chambre régionale.

Il existe 13 chambres régionales, interrégionales ou de région.

Les CDA et CRA ont également compétence pour contribuer à la mise en valeur des bois et forêts et promouvoir les activités agricoles en lien avec la forêt, en liaison avec les centres régionaux de la propriété forestière et l’Office national de la forêt (ONF).

Enfin, lAssemblée permanente des chambres dagriculture (APCA) ([601]) a pour mission principale d’assurer l’animation de l’ensemble du réseau des chambres d’agriculture et le représente auprès des pouvoirs publics. Elle crée à cet effet des services communs pour l’ensemble du réseau, et apporte aux chambres le concours nécessaire à leur fonctionnement et à leurs actions dans les domaines technique, juridique, économique et financier.

● Les chambres d’agriculture ont trois principales sources de financement :

– la taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés non-bâties (TA‑TFPNB) ;

– des subventions provenant de l’État, des collectivités territoriales et de l’Union européenne ;

– le produit des ventes de certaines prestations de services.

Le montant total des ressources du réseau s’élève à 763 millions deuros ([602]), les recettes issues de la TA-TFPNB en représentant environ 38 %.

Prévue à l’article 1604 du CGI, la TA‑TFPNB est affectée au réseau des chambres d’agriculture dans la limite annuelle du plafond fixé à l’article 46 de la loi de finances pour 2012, soit 292 millions deuros pour 2019.

Assise sur la même base que la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB), son assiette ne repose qu’en partie sur les terres agricoles (53,5 %) et les forêts (6,4 %), le reste (40 %) étant principalement à la charge de personnes physiques sans lien avec l’agriculture ([603]). Les exploitants agricoles ne paient qu’une partie de la taxe appliquée aux terres agricoles, puisque celle-ci est acquittée par le propriétaire. Le dernier alinéa du I de l’article 1604 du CGI dispose toutefois que « le montant des taxes que les chambres sont autorisées à percevoir doivent être remboursées pour moitié au propriétaire par le locataire fermier ou métayer ».

Le taux annuel de la taxe est calculé par les services fiscaux, par département, en fonction du plafond fixé par l’article 46 et du montant des recettes voté par chacune des chambres. Le II de l’article 1604 du CGI dispose en effet que le ministre chargé de l’agriculture notifie chaque année à chaque chambre d’agriculture, sur la base d’un tableau de répartition établi après avis de l’APCA, le montant maximal de la taxe qu’elle peut inscrire à son budget compte tenu du plafond de l’article 46 et de sa situation financière. Les chambres d’agriculture arrêtent alors le produit de la taxe. Sur la base du produit arrêté par les CDA, les services fiscaux établissent le taux de la TA‑TFPNB par département.

Le produit de la taxe est affecté aux chambres du réseau selon la clé suivante, définie par le III de l’article 1604 du CGI :

– la taxe est d’abord versée au profit de chaque CDA ([604]) ;

– les CDA reversent une fraction du produit perçu à la Fédération nationale des communes forestières (FNCOFOR), au Centre national de la propriété forestière (CNPF) et au Fonds stratégique de la forêt et du bois (FSFB) sous la forme de cotisations au Fonds national de péréquation et d’action professionnelle des chambres, selon les articles L. 251‑1 et L. 321‑13 du code de la propriété forestière et de l’article 47 de la loi de finances pour 2014 ([605]). Ces cotisations sont assises au titre de l’année N sur le montant des taxes perçues par l’ensemble des chambres d’agriculture sur tous les immeubles classés au cadastre en nature de bois et forêts en année N‑2, soit environ 13,5 millions d’euros en 2018.

En application de l’article L. 251‑1 du code forestier, la cotisation versée au FNCOFOR est fixée annuellement par arrêté dans une limite de 5 % de ce montant. Pour 2019, elle a été fixée au taux plafond ([606]), correspondant à un produit de 0,9 million d’euros. En application de l’article L. 321‑13, la cotisation versée au CNPF est fixée à 50 % de l’assiette mentionnée ci‑dessus, soit, pour 2019, 9,3 millions deuros.

En application de l’article 47 de la loi de finances pour 2014 précitée, les CDA versent une contribution au Fonds national de péréquation et d’action professionnelle pour le financement des actions portées par le fonds stratégique de la forêt et du bois. Son niveau est fixé à 43 % de l’assiette définie ci-dessus.

– une part d’au moins 10 % du produit fiscal régional de la taxe est reversée par les CDA aux CRA. Les CRA perçoivent ainsi actuellement 21 % de la TA‑TFPNB métropolitaine ;

– une part du produit de la taxe définie par décret et ne pouvant excéder 5 % est reversée par chaque établissement du réseau à l’APCA pour alimenter un « fonds national de solidarité et de péréquation » destiné à « fournir aux chambres dagriculture une ressource collective pour la mise en œuvre de la péréquation et de la modernisation du réseau » ;

– Selon le dernier alinéa de l’article 1604 du GGI, le reliquat du montant de la taxe perçue sur les immeubles classés au cadastre en nature de bois et forêts est également versé au fonds national de solidarité et de péréquation pour financer les programmes régionaux « Valorisation du bois et territoire » (VBT) des services communs compétents des chambres régionales d’agriculture.

D’après l’évaluation préalable de l’article, les structures affectataires de la taxe autres que les chambres d’agriculture (CNPF, FSFB, FNCOFOR et VBT) perçoivent actuellement 18,5 millions deuros au titre des versements décrits. La baisse du plafond envisagée par le présent article aurait mécaniquement un impact baissier sur leurs ressources.

Circuit de financement des affectataires de la TA-TFPNB en 2018

Note : les montants figurant entre parenthèses correspondent aux montants perçus par les affectataires de la taxe après éventuels reversements ou cotisations.

Source : commission des finances, d’après les données transmises par le Gouvernement au Rapporteur général.

● Alimenté comme expliqué supra, le fonds national de solidarité et de péréquation a pour objet « dassurer un équilibre entre les situations financières des chambres dagriculture et de leur fournir les ressources nécessaires au financement dactions de mutualisation et de modernisation du réseau et à la réalisation dactions dintérêt commun » aux termes de l’article D. 514‑5 du CRPM.

L’article D. 514‑7 du même code précise les conditions d’utilisation du fonds. Il peut être utilisé pour :

– accorder des subventions aux établissements du réseau, « spécialement ceux disposant de ressources insuffisantes ou qui participent à la réalisation des programmes approuvés par le ministre chargé de lagriculture ou qui sont engagés dans une démarche de mutualisation » ;

– octroyer des avances remboursables pour soutenir les chambres disposant de ressources insuffisantes ou engagées dans des actions de mutualisation ;

– assurer le financement des services communs « Valorisation du bois et territoire » que les chambres régionales d’agriculture mettent en place en concertation avec les Centres régionaux de la propriété forestière (CRPF).

Le décret du 19 février 2019 relatif au taux de contribution des chambres d’agriculture au Fonds de solidarité et de péréquation du réseau des chambres d’agriculture ([607]) a fixé à 1 % la part du produit de la taxe affecté au fonds.

Affectations de la taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés non bâties

(en millions d’euros)

Affectataires de la taxe

Produit affecté

Chambres départementales d’agriculture

164,7

Chambres régionales d’agriculture

90

Fonds national de solidarité et de péréquation

2,9

Centre national de la propriété forestière

9,37

Fonds stratégique de la forêt et du bois

3,66

Fédération nationale des communes forestières

0,93

Programmes "Valorisation du bois et territoire"

4,9

Assemblée permanente des chambres d’agriculture

15,5

Total

292

Source : données transmises par le Gouvernement au Rapporteur général.

ii.   La diminution du plafond de la TA-TFPNB et l’ajustement des modalités de répartition de son produit

Il est proposé d’abaisser le plafond de la TA‑TFPNB et de modifier les modalités de la répartition de son produit au sein du réseau.

● Le A du I du présent article propose que le plafond de la TA-TFPNB soit fixé à 247 millions deuros en 2020, ce qui représente une diminution de 45 millions deuros (– 15,4 %) par rapport au plafond de 2019 (292 millions d’euros).

Cette disposition vise à faire contribuer le réseau à la maîtrise des dépenses publiques par la diminution de leurs ressources. La baisse de la pression fiscale de 45 millions d’euros sera mécaniquement répercutée sur les redevables de la taxe. Selon l’évaluation préalable, l’ampleur de la contrainte financière introduite par cette disposition « permettra de maintenir les chambres à un niveau de fonctionnement soutenable ». Elle représente une diminution d’un peu moins de 6 % des ressources du réseau.

La contrainte exercée sur les ressources des chambres d’agriculture devrait permettre d’accélérer la modernisation du réseau et d’améliorer l’efficience de son action. Dans son rapport public annuel de février 2017 ([608]), la Cour des comptes a présenté les conclusions de son contrôle sur le réseau des chambres d’agriculture. Elle constate qu’il est insuffisamment structuré, que les effectifs des chambres se sont accrus et que les efforts de mutualisation des moyens se sont révélés insuffisants. Elle appelle ainsi à amplifier la restructuration du réseau et à utiliser davantage les dispositifs de fusion de chambres prévus et présentés supra. D’une manière générale, la Cour relève que le réseau est coûteux et nécessite une meilleure maîtrise des dépenses. La masse salariale nest pas maîtrisée selon elle, du fait d’un « manque de rigueur » de la gestion des dépenses de personnel. Les moyens matériels ne le seraient pas non plus. Enfin, la Cour note que des subventions accordées par certains établissements du réseau et des prises de participations n’ont pas non plus été maîtrisées.

● Le présent article modifie en outre les modalités de répartition de la TA‑TFPNB au sein du réseau. Pour ce faire, le b du  du II propose une nouvelle rédaction du premier alinéa du III de l’article 1604 du CGI pour faire des CRA les premiers affectataires de la taxe à la place des CDA. Comme le font actuellement les CDA, les CRA devront ensuite s’acquitter :

– des cotisations en faveur des organisations représentatives des communes forestières, du CNPF et du fonds stratégique de la forêt et du bois ;

– du versement au profit du fonds national de solidarité et de péréquation ;

– du versement au profit du service commun « Valorisation du bois et territoire ».

Le Gouvernement propose d’inverser la logique actuelle d’affectation de la taxe aux CDA, puis de reversement par ces dernières aux CRA d’au moins 10 % du montant de la taxe. Il est proposé que la taxe soit affectée aux CRA et que cellesci reversent aux CDA de leur circonscription une fraction du produit de la taxe nexcédant pas 70 %, déduction faite des versements en faveur des autres affectataires.

Pour ce qui est des modalités de la détermination et de la mise en œuvre du versement des contributions des CRA aux CDA, le ii du b du II renvoie à un décret.

Circuit de financement proposé

Note : les montants figurant entre parenthèses correspondent aux montants perçus par les affectataires de la taxe après éventuels reversements ou cotisations.

Source : commission des finances, d’après les données transmises par le Gouvernement.

Le a du  du II complète le II de l’article 1604 pour permettre le maintien, le cas échéant, de taux différenciés de la TA-TFPNB selon les départements.

Cette modification s’inscrit dans la logique des recommandations de la Cour évoquées supra. Le financement des CRA est en effet aujourd’hui tributaire des versements opérés par les CDA, alors même que l’échelon régional devrait être conforté dans une logique de rationalisation du réseau. Dans l’évaluation préalable de l’article, il est précisé que les chambres régionales sont les plus fragiles financièrement depuis la mutualisation de leurs fonctions support en 2016.

Par coordination, le IV du présent article modifie l’article L. 514‑1 du code rural et de la pêche maritime pour préciser que la taxe permet de pourvoir en partie aux dépenses de fonctionnement non plus des seules CDA, mais de l’ensemble des chambres d’agriculture.

● Le tableau ci-dessous présente l’impact financier de la réforme pour les affectataires de la TA-TFPNB, d’après les données dont le Rapporteur général a pu disposer.

Impact financier de la rÉforme proposÉe
sur les affectataires de la TA-TFPN

(en millions d’euros)

Affectataires de la taxe

Produit affecté 2019

Prévision 2020

Diminution prévue

Réseau des chambres d’agriculture

273,1

231,0

– 42,1

Centre national de la propriété forestière

9,37

7,96

– 1,4

Fonds stratégique de la forêt et du bois

3,66

3,11

– 0,6

Fédération nationale des communes forestières

0,93

0,79

– 0,1

Programmes "Valorisation du bois et territoire"

4,9

4,13

– 0,8

Total

292,0

247,0

 45,0

Source : commission des finances, d’après les données transmises par le Gouvernement et d’après l’évaluation préalable de l’article 27.

f.   La baisse des plafonds de certains établissements publics fonciers

Les établissements publics fonciers mettent en place des stratégies foncières pour mobiliser le foncier, favoriser le développement durable et la lutte contre l’étalement urbain. Ils perçoivent à cette fin des taxes spéciales d’équipement dans la limite des plafonds prévus à l’article 46 de la loi de finances pour 2012 précitée.

Le présent article procède à un ajustement du niveau des plafonds en fonction des besoins financiers estimés des établissements. Au total, les ajustements opérés conduisent à une baisse nette de 35 millions d’euros des ressources affectées à ces établissements.

Trois établissements connaissent toutefois une augmentation du plafond des ressources qui leur sont affectées : il s’agit des établissements publics fonciers de Guyane, d’Île-de-France et de Mayotte.

Plafonds des taxes affectées aux établissements publics fonciers

(en milliers d’euros)

Taxe

Établissement public foncier

Plafond

2019

Plafond proposé pour 2020

Évolution

2019/2020

Articles 1607 ter du code général des impôts et L. 321-1 du code de l’urbanisme

Lorraine

24 000

19 500

– 4 500

Normandie

14 250

11 750

– 2 500

Ouest Rhône-Alpes

30 430

30 430

Provence-Alpes-Côte d’Azur

55 880

54 880

– 1 000

Ile-de-France

190 634

192 308

+ 1 674

Occitanie

32 640

28 340

– 4 300

Bretagne

21 400

17 300

– 4 100

Vendée

9 400

7 400

– 2 000

Nord-Pas-de-Calais

70 990

51 990

– 19 000

Article 1609 B du code général des impôts

Guyane

3 500

4 000

+ 500

Mayotte

800

1 000

+ 200

Source : présent article.

2.   Les hausses de plafonds

Le Gouvernement propose d’augmenter les plafonds d’affectation de onze organismes affectataires pour une augmentation totale de 293,2 millions deuros.

Les Hausses de plafonD de taxes affectées
(hors hausses exceptionnelles pour 2020)

(en milliers d’euros)

Imposition ou ressource affectée

Personne affectataire

Plafond 2019

Plafond proposé 2020

Hausse

Article 302 bis ZB du code général des impôts

Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF)

528 300

557 300

+ 29 000

III de l’article 36 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015

Agence de financement des infrastructures de transport de France

1 205 815

1 210 000*

+ 4 185

III bis du présent article

Agences de l’eau

2 105 000

2 151 120

+ 46 120

Alinéa XX de l’article XX du code général des impôts

Action Logement Services (ALS)

140 000

290 000

+ 150 000

Article 46 de la loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 de finances pour 2007 (I de l’article 953 du code général des impôts)

Agence nationale des titres sécurisés (ANTS)

126 060

137 060

+ 11 000

Articles L. 621-5-3 et L. 621-5-4 du code monétaire et financier

Autorité des marchés financiers (AMF)

96 500

99 000

+ 2 500

Article L. 841-5 du code de l’éducation

Contribution à la vie étudiante (CVEC)

95 000

140 000

+ 45 000

Articles 1607 ter du code général des impôts et L. 321-1 du code de l’urbanisme

Établissement public foncier d’Ile-de-France

190 634

192 308

+ 1 674

Article 1609 B du code général des impôts

Établissement public foncier et d’aménagement de Guyane

3 500

4 000

+ 500

Article 1609 B du code général des impôts

Établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte

800

1 000

+ 200

Article L. 2221-6 du code des transports

Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF)

10 200

13 200

+ 3 000

Total

 

4 501 809

4 794 988

+ 293 179

* Pour la seule année 2020, le plafond est porté à 1,59 million d’euros ; le plafond de 2,15 millions d’euros s’appliquera donc à compter de 2021.

Source : commission des finances.

a.   La poursuite de l’augmentation des ressources de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF)

● L’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) bénéficierait, à compter de 2020, d’une augmentation des plafonds de ses ressources affectées et de l’affectation d’une nouvelle ressource plafonnée à compter de 2020, en cohérence avec les dispositions du projet de loi d’orientation des mobilités en cours d’examen au Parlement.

Dépenses totales de l’AFITF selon
le projet de loi d’orientation des mobilités (N° 2135)

(en millions d’euros courants)

 

2019

2020

2021

2022

2023

Dépenses totales

2 683

2 982

2 687

2 580

2 780

Source : projet de loi n° 2135 d’orientation des mobilités adopté en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, enregistré le 11 juillet 2019.

Les ressources affectées à l’AFITF sont en effet nécessaires à la mise en œuvre de l’ambitieux programme d’investissement dans les transports prévu par le projet de loi.

● Le présent article procède donc à l’augmentation des ressources affectées à l’AFITF.

D’une part, il augmente le plafond de laffectation à lAFITF de la taxe due par les concessionnaires dautoroutes, dite taxe d’aménagement du territoire (TAT), de 29 millions deuros (+ 5,5 %).

D’autre part, le plafond de la part de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) affectée à lagence connaîtrait une augmentation exceptionnelle de 380 millions deuros (+ 31,5 %) en 2020 pour s’établir à 1,59 milliard deuros (XI du présent article). Il serait ramené à 1,21 milliard d’euros à compter de 2021, un niveau qui resterait supérieur de 4,2 millions d’euros au niveau de 2019. La hausse exceptionnelle du plafond d’affectation de la TICPE en 2020 vise à répondre au pic de dépenses opérationnelles de l’agence prévu par le projet de loi d’orientation des mobilités.

Enfin, en cohérence avec l’article 20 du présent projet de loi de finances qui procède à l’affectation à l’AFITF d’une fraction de la taxe de solidarité sur les billets davion, le présent article plafonne à 230 millions deuros le montant de cette ressource affecté à lAFITF. Le produit de cette taxe est actuellement affecté au fonds de solidarité pour le développement (FSD) en vertu du VI de l’article 302 bis K du CGI. L’article 46 de la loi de finances pour 2012 plafonne l’affectation de cette taxe au FSD à hauteur de 230 millions d’euros. D’après l’article 20 précité, l’AFITF serait le second affectataire de la taxe, après le FSD. L’augmentation prévue du rendement de la taxe devrait permettre d’assurer le financement des deux affectataires. En l’état actuel du droit, au‑delà du plafond d’affectation au FSD, le reliquat est versé au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », d’après le premier alinéa du III de l’article 46.

Le B du I du présent article propose en cohérence qu’il soit procédé au reversement du rendement de la taxe au budget annexe du produit excédant les plafonds d’affectation à la fois du FSD et de l’AFITF.

L’AFITF bénéficierait d’une augmentation de 639,2 millions deuros de ses ressources affectées en 2020, pour un total d’affectation de 2,37 milliards deuros. À supposer constants entre 2020 et 2021 les plafonds de la taxe d’aménagement du territoire et de la taxe de solidarité sur les billets d’avion, les ressources affectées de l’AFITF resteraient supérieures en 2021 de 263,2 millions d’euros à celles de 2019.

Plafonds des ressources affectées à l’AFITF

(en milliers d’euros)

Ressource affectée

Plafond 2019

Plafond
2020

Écart 2019/2020

Taxe d’aménagement du territoire

(article 302 bis ZB du code général des impôts)

528 300

557 300

+ 29 000

Taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques
(III de l’article 36 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015)

1 205 815

1 586 000

+ 380 185

Taxe sur les billets d’avion

(VI de l’article 302 bis K du code général des impôts)

na

230 000

+ 230 000

Total

1 734 115

2 373 300

+ 639 185

Source : commission des finances.

b.   L’augmentation du plafond de la fraction de taxe spéciale sur les conventions d’assurance (TSCA) perçue par Action Logement Services

Action Logement Services (ALS) collecte la participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC) versée par les employeurs. Elle est due, sauf exception, par les employeurs employant au moins vingt salariés, en application de l’article L. 313‑1 du code de l’urbanisme. L’article 11 de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises ([609]), dite « loi Pacte », a relevé ce seuil à cinquante salariés à compter du 1er janvier 2020.

Le projet de loi Pacte prévoyait initialement que cette disposition entre en vigueur au cours de l’année 2019. Pour cette raison, afin de prévenir la perte de recettes pour ALS qui aurait résulté de l’application de cette disposition en 2019, une fraction du produit de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance (TSCA) a été affectée à ALS par l’article 123 de la loi de finances pour 2019. Elle a été plafonnée à 140 millions d’euros pour couvrir le manque à gagner attendu cette année.

Le présent article propose de fixer le plafond de la recette affectée à ALS à 290 millions deuros en 2020, au niveau du manque à gagner estimé en année pleine.

Le Rapporteur général que la perte de recettes envisagée en 2019 pour ALS ne s’est pas concrétisée. Le projet de loi de finances rectificative pour 2019 devrait par conséquent procéder à l’annulation de l’affectation de la taxe au titre de l’année 2019.

c.   L’augmentation du plafond de l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS)

En vertu de l’article 46 de la loi de finances pour 2007 ([610]), l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) est affectataire du droit de timbre dû à l’occasion de la délivrance d’un passeport et prévu au I de l’article 953 du CGI.

Le rendement affecté est plafonné à hauteur de 126,1 millions d’euros. Le présent article propose de majorer le plafond de 11 millions deuros pour le porter à 137,1 millions deuros. L’augmentation des ressources de l’ANTS est justifiée par :

– la mise en place de la carte nationale d’identité électronique (CNIe) prévue dans le courant de l’année 2021 ;

– le déploiement de nouveaux dispositifs de recueil pour les demandes de cartes nationales d’identité et de passeports dans le cadre de la mise en place des Maisons France Service annoncée par le Président de la République ;

– de nouveaux investissements à prévoir en matière de sécurisation des systèmes d’information.

En 2019, 181,4 millions d’euros devraient avoir été reversés au budget général de l’État en application du plafonnement de l’article 46 de la loi de finances pour 2007. Il est prévu qu’en 2020 ce montant soit abaissé à 139 millions d’euros.

d.   L’augmentation du plafond de l’Autorité des marchés financiers (AMF)

L’Autorité des marchés financiers (AMF) a une mission de régulation des marchés financiers, ainsi que des acteurs et produits financiers. Elle perçoit le produit des droits et contributions versés par les acteurs soumis à son contrôle et prévus aux articles L. 621‑5‑3 et L. 621‑5‑4 du code des marchés financiers dans la limite du plafond fixé à l’article 46 de la loi de finances pour 2012, soit 96,5 millions deuros en 2019. Il est prévu qu’environ 12 millions d’euros soient reversés au budget général au titre du plafonnement la même année.

Le présent article propose d’établir à 99 millions deuros le plafond de ces droits et contributions pour 2020 (+ 2,5 millions d’euros). Il s’agit de permettre à l’AMF de :

– se doter des moyens techniques et humains pour faire face à des exigences accrues en matière de lutte contre le blanchiment et de cyber-sécurité, et de traiter des sujets émergents liés à la finance durable et digitale ;

– jouer pleinement son rôle dans le contexte de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. L’évaluation préalable souligne que les autorités de régulation des marchés financiers en Allemagne et en Italie ont bénéficié, dans ce contexte, d’une augmentation significative de leurs moyens.

e.   La hausse du plafond de la contribution à la vie étudiante

La loi du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants a instauré une contribution dite à la vie étudiante, destinée à favoriser l’accueil et l’accompagnement social, sanitaire, culturel et sportif des étudiants et à conforter les actions de prévention et d’éducation à la santé qui leur sont destinées ([611]). Cette contribution se substitue à la cotisation de sécurité sociale étudiante, au droit de médecine préventive, à la fraction des droits d’inscription allouée au fonds de solidarité pour le développement des initiatives étudiantes, ainsi qu’aux cotisations facultatives instaurées par les établissements afin de bénéficier des activités sportives et culturelles.

Aux termes de l’article L. 841-5 du code de l’éducation, « la contribution est due chaque année par les étudiants lors de leur inscription à une formation initiale dans un établissement denseignement supérieur ». Le montant annuel de la contribution a été fixé à 90 euros, avec une indexation annuelle sur l’indice des prix à la consommation hors tabac constaté l’année précédente. La contribution est acquittée auprès du centre régional des œuvres universitaires et scolaires (CROUS). Son produit, qui avait été évalué à 95 millions d’euros en 2019 par le PLF 2019, est affecté aux établissements d’enseignement supérieur et aux CROUS. L’article 83 de la loi de finances pour 2019 a plafonné le rendement perçu par les affectataires à ce niveau.

Selon l’évaluation préalable du présent article, le rendement de la contribution est nettement plus élevé qu’attendu, sous l’effet de l’évolution du nombre d’étudiants inscrits dans une formation initiale. Ce rendement est désormais évalué à 135 millions d’euros pour 2019 et 140 millions deuros pour 2020. Pour permettre aux établissements concernés d’assurer leurs missions d’accueil et d’accompagnement le présent article prévu d’augmenter la recette affectée pour la fixer au niveau du rendement attendu en 2020.

La hausse du plafond permettra donc aux établissements d’enseignement supérieur et au CROUS de bénéficier de 45 millions deuros supplémentaires en 2020 par rapport à 2019.

f.   L’augmentation du plafond du droit de sécurité affecté à l’Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF)

L’Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF) est chargé de délivrer les autorisations requises pour l’exercice des activités ferroviaires et d’assurer des activités de surveillance portant sur les entreprises ferroviaires et les gestionnaires d’infrastructure, aux termes de l’article L. 2221‑1 du code des transports.

Le droit de sécurité affecté à l’Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF) serait supprimé à compter du 1er janvier 2021, le montant affecté étant rebudgétisé par l’article 6 du présent projet de loi de finances. Il est dû par les entreprises ferroviaires pour assurer le financement des missions de l’EPSF.

Pour 2020, il est proposé de porter le plafond d’affectation de 10,2 à 13,2 millions deuros pour conforter le financement de l’opérateur.

3.   Les plafonds stabilisés

En 2020, 58 plafonds seraient à un niveau stable par rapport à 2019.

Stabilité du plafond de 58 ressources affectées

(en milliers d’euros)

Imposition

Affectataire

Plafond 2019

Article L. 341-6 du code forestier

Agence de services et de paiement

2 000

Article 1605 nonies du code général des impôts

Agence de services et de paiement

12 000

1° de l’article L. 342-21 du code de la construction et de l’habitation

Agence nationale de contrôle du logement social

6 450

2° de l’article L. 342-21 du code de la construction et de l’habitation

Agence nationale de contrôle du logement social

11 334

Article 232 du code général des impôts

Agence nationale de l’habitat (ANAH)

61 000

Article 43 de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013

Agence nationale de l’habitat (ANAH)

420 000

Article L. 137-24 du code de la sécurité sociale

Agence nationale de santé publique

5 000

Article L. 253-8-2 du code rural et de la pêche maritime

Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail

6 300

Article L. 3 512-19 du code de la santé publique

Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES)

2 000

I de l’article L. 5141-8 du code de la santé publique

Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES)

4 000

II de l’article L. 5141-8 du code de la santé publique

Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES)

4 500

Article 130 de la loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 de finances pour 2007

Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES)

15 000

Article 1628 ter du code général des impôts

Agence nationale des titres sécurisés

7 000

III de l’article 134 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2008

Agence nationale des titres sécurisés (ANTS)

11 250

Article 46 de la loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 de finances pour 2007 (IV et V de l’article 953 du code général des impôts et article L. 311-16 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)

Agence nationale des titres sécurisés (ANTS)

14 490

VI de l’article 135 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009

Agence nationale des titres sécurisés (ANTS)

36 200

Article 1609 tricies du code général des impôts

Agence nationale du sport chargée de la haute performance sportive et du développement de l’accès à la pratique sportive (1)

34 600

Article 59 de la loi de finances pour 2000 (n° 99-1172 du 30 décembre 1999)

Agence nationale du sport chargée de la haute performance sportive et du développement de l’accès à la pratique sportive (1)

40 000

Premier alinéa de l’article 1609 novovicies du code général des impôts

Agence nationale du sport chargée de la haute performance sportive et du développement de l’accès à la pratique sportive (1)

71 844

Article 77 de la loi de finances rectificative pour 2003 (n° 2003-1312 du 30 décembre 2003)

Association pour le soutien du théâtre privé

8 000

Article L. 612-20 du code monétaire et financier

Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR)

195 000

F de l’article 71 de la loi de finances rectificative pour 2003 (n° 2003-1312 du 30 décembre 2003)

Centre d’étude et de recherche de l’industrie du béton (CERIB) ; Centre technique de matériaux naturels de construction (CTMNC)

12 120

Article 76 de la loi de finances rectificative pour 2003 (n° 2003-1312 du 30 décembre 2003)

Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV)

50 000

Article 72 de la loi de finances rectificative pour 2003 (n° 2003-1312 du 30 décembre 2003)

Centre technique de la conservation des produits agricoles

2 900

I bis de l’article 71 de la loi de finances rectificative pour 2003 (n° 2003-1312 du 30 décembre 2003)

Centre technique de l’industrie des papiers, cartons et celluloses

2 607

H de l’article 71 de la loi de finances rectificative pour 2003 (n° 2003-1312 du 30 décembre 2003)

Centre technique des industries de la fonderie

5 441

I de l’article 71 de la loi de finances rectificative pour 2003 (n° 2003-1312 du 30 décembre 2003)

Centre technique industriel de la plasturgie et des composites

6 098

E de l’article 71 de la loi de finances rectificative pour 2003 (n° 2003-1312 du 30 décembre 2003)

Centres techniques industriels de la mécanique (CETIM, Centre technique des industries mécaniques et du décolletage, Centre technique industriel de la construction métallique, Centre technique des industries aérauliques et thermiques, Institut de soudure)

65 713

Article L. 6331-50 du code du travail

Chambres de métiers et de l’artisanat

39 869

Article 1601 du code général des impôts et article 3 de la loi n° 48-977 du 16 juin 1948 relative à la taxe pour frais de chambre de métiers applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle

Chambres de métiers et de l’artisanat

203 149

D de l’article 71 de la loi de finances rectificative pour 2003 (n° 2003-1312 du 30 décembre 2003)

Comité de développement et de promotion de l’habillement (DEFI)

9 381

B de l’article 71 de la loi de finances rectificative pour 2003 (n° 2003-1312 du 30 décembre 2003)

Comité professionnel de développement cuir, chaussure, maroquinerie (CTC)

12 430

C de l’article 71 de la loi de finances rectificative pour 2003 (n° 2003-1312 du 30 décembre 2003)

Comité professionnel de développement de l’horlogerie, de la bijouterie, de la joaillerie, de l’orfèvrerie et des arts de la table (Francéclat)

12 477

A de l’article 71 de la loi de finances rectificative pour 2003 (n° 2003-1312 du 30 décembre 2003)

Comité professionnel de développement des industries françaises de l’ameublement et du bois (CODIFAB) ; Institut technologique filière cellulose, bois, ameublement (FCBA) ; Centre technique des industries mécaniques (CETIM)

12 477

Article 224 du code des douanes

Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres (CELRL)

38 500

Articles 1607 ter du code général des impôts et L. 321-1 du code de l’urbanisme

Établissement public foncier de l’Ouest Rhône-Alpes

30 430

Articles 1607 ter du code général des impôts et L. 321-1 du code de l’urbanisme

Établissement public foncier de Nouvelle-Aquitaine

35 000

II de l’article L. 561-3 du code de l’environnement

Fonds de prévention des risques naturels et majeurs

137 000

VI de l’article 302 bis K du code général des impôts

Fonds de solidarité pour le développement (FSD)

210 000

I de l’article 22 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005

Fonds de solidarité pour le développement (FSD)

528 000

Article 1609 nonies G du code général des impôts

Fonds national d’aide au logement

45 000

1° du A du XI de l’article 36 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017

Fonds national d’aide au logement

116 100

Article 1635 bis  A du code général des impôts

Fonds national de gestion des risques en agriculture

60 000

Article L. 236-2 du code rural et de la pêche maritime

FranceAgriMer

2 000

Articles L. 236-2-2 et L. 251-17-2 du code rural et de la pêche maritime

FranceAgriMer

2 000

Article L. 821-5 du code de commerce

Haut Conseil du commissariat aux comptes

19 400

Article 96 de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010

Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire

62 500

G de l’article 71 de la loi de finances rectificative pour 2003 (n° 2003-1312 du 30 décembre 2003)

Institut des corps gras

666

Article L. 2333-57 du code général des collectivités territoriales

Organismes mentionnés à l’article L. 742-9 du code de la sécurité intérieure

1 000

Article 224 du code des douanes

Organismes mentionnés à l’article L. 742-9 du code de la sécurité intérieure

4 000

Article 238 du code des douanes

Organismes mentionnés à l’article L. 742-9 du code de la sécurité intérieure

4 000

Article 1609 quatervicies A du code général des impôts

Personnes publiques ou privées exploitant des aérodromes

55 000

Article 1599 quater C du code général des impôts

Société du Grand Paris

4 000

Article L. 2531-17 du code général des collectivités territoriales

Société du Grand Paris (SGP)

20 000

Article 1599 quater A bis du code général des impôts

Société du Grand Paris (SGP)

75 000

Article 1609 G du code général des impôts

Société du Grand Paris (SGP)

117 000

2° du A du XI de l’article 36 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017

Société du Grand Paris (SGP)

500 000

Article L. 4316-3 du code des transports

Voies navigables de France (VNF)

127 500

Total

58 taxes

3 594 626

Source : Gouvernement.

4.   Les suppressions de plafonds en cohérence avec la suppression de taxes à faible rendement

En conséquence des dispositions de l’article 6 ([612]) du présent projet de loi de finances procédant à la suppression de plusieurs taxes à faible rendement dont l’affectation était plafonnée, le présent article supprime les plafonds :

– de la taxe sur la notification des produits de vapotage, prévue par l’article L. 3513‑12 du code de la santé publique, versée au profit de l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Ansés). Selon le tome I de l’annexe Voies et moyens au PLF 2019, le rendement prévisionnel de cette taxe était de 8 millions d’euros en 2019, le plafond d’affectation ayant été fixé au même niveau ;

– du droit fixe dû par les entreprises ferroviaires qui utilisent le réseau ferroviaire prévu à l’article L. 1261‑20 du code des transports, perçu par l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER) dans la limite de 8,8 millions d’euros. Son rendement est estimé à 9,7 millions d’euros en 2019 ;

– du droit sur les produits bénéficiant d’une appellation d’origine ou d’une indication géographique protégée, affecté à l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO). Cette recette constitue entre 25 % et 30 % des ressources de l’opérateur. Estimé à environ 7 millions d’euros en 2019, le droit serait remplacé par une dotation budgétaire du programme 149 « Compétitivité et durabilité de lagriculture, de lagroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de laquaculture ». Le rendement affecté est actuellement plafonné à 7,5 millions d’euros.

5.   L’intégration de la contribution unique à la formation professionnelle et à l’alternance (CUFPA) affectée à France Compétences dans le champ du plafonnement

L’article 36 de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel ([613]) a créé l’établissement public France Compétences, en charge de répartir les fonds finançant l’apprentissage et la formation professionnelle et d’assurer la régulation du secteur. Il s’est substitué, notamment, au fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP).

L’article 37 de la même loi a créé et affecté à France Compétences une contribution unique à la formation professionnelle et à l’alternance (CUFPA), prévue à l’article L. 6131­2 du code du travail. Elle est composée de la taxe d’apprentissage, prévue à l’article L. 6241‑1, et de la contribution à la formation professionnelle, prévue à l’article L. 6331‑1.

France Compétences a, de ce fait, intégré le champ des administrations publiques. Ses recettes et ses dépenses sont donc incluses dans le champ des recettes publiques et des dépenses publiques. Il apparaît ainsi nécessaire de plafonner les recettes fiscales affectées à France Compétences.

Pour ce faire, le V du présent article modifie le III de l’article L. 6131‑1 du code du travail pour préciser que le reversement à France Compétences de la contribution s’effectue dans la limite du plafond de l’article 46 de la loi de finances pour 2012.

Il est proposé par le présent article que ce plafond soit fixé à 9,475 milliards deuros. Il est précisé dans l’évaluation préalable que ce montant correspond au rendement prévisionnel de la contribution à horizon 2022. Le rendement de la contribution pour 2020 est estimé à 4,8 milliards d’euros.

B.   Les autres mesures proposées

1.   La perception des redevances cynégétiques par les agences de l’eau et la fusion des plafonds applicables aux agences de l’eau et à l’office français de la biodiversité

● Le présent article modifie l’article 46 de la loi de finances pour 2012, plusieurs articles du code de l’environnement et les articles 135 et 137 de la loi de finances pour 2018 ([614]) pour poursuivre la simplification du circuit de financement des politiques en faveur de l’environnement. L’objectif est que les agences de l’eau reçoivent la majeure partie de la fiscalité affectée à la protection de l’eau et de la biodiversité. Il s’agit également de tirer les conséquences de la création au 1er janvier 2020 de l’Office français de la biodiversité (OFB) par fusion de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) et de l’Agence française de la biodiversité (AFB), en application de la loi du 24 juillet 2019 portant création de l’Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l’environnement ([615]).

● Pour ce faire, le  du III du présent article modifie l’article L. 423‑27 du code de l’environnement pour :

– prévoir laffectation des redevances cynégétiques aux agences de leau à la place de l’ONFCS, dans la limite du plafond des ressources affectées aux agences fixé à l’article 46 de la loi de finances pour 2012 (voir infra) ;

– renvoyer à un arrêté conjoint des ministres chargés de l’écologie et du budget le soin de fixer la répartition entre les agences de leau des redevances perçues. Le législateur encadrerait toutefois le pouvoir réglementaire en fixant comme critère de répartition le potentiel économique du bassin hydrographique pondéré par l’importance relative de sa population rurale. Pour la détermination de ce critère, il est renvoyé à l’article 135 de la loi de finances pour 2018 ([616]). En conséquence, le potentiel économique d’un bassin doit être déterminé pour 20 % à partir du PIB des régions relevant de chaque bassin et pour 80 % à partir du revenu des ménages de ces régions. La pondération par la prise en compte de la population rurale est assurée par un coefficient de modulation rurale qui, compris entre 75 % et 115 %, est déterminé de façon linéaire selon la part de la population du bassin habitant des communes non incluses dans des aires urbaines.

Le  du même III prévoit un recouvrement unifié de cette redevance. Il complète l’article L. 423‑19 pour renvoyer à un décret le soin de déterminer les modalités de son recouvrement par l’agent comptable de l’une des agences de l’eau.

Le C du I du présent article modifie le III bis de l’article 46 de la loi de finances pour 2012 définissant les ressources plafonnées des agences de l’eau pour intégrer dans son champ la redevance cynégétique.

Enfin, le A du I tire les conséquences des dispositions présentées ci-dessus sur le montant du plafond des ressources des agences de l’eau et de l’ONCFS.

Logiquement, le plafond de l’ONCFS, qui était fixé à 67,6 millions d’euros, est supprimé en cohérence avec la disparition de l’organisme au 1er janvier 2020. Le plafond des ressources affectées aux agences de l’eau ne serait toutefois pas augmenté à due concurrence. En effet, le plafond de l’ONCFS était fixé au niveau du rendement prévisionnel de la redevance. Or, l’article 233 de la loi de finances pour 2019 a baissé ses tarifs. En conséquence, le montant du plafond des ressources affectées aux agences de l’eau est augmenté de 46,1 millions deuros, soit le nouveau rendement estimé de la redevance.

● Le IX et le X du présent article tirent les conséquences des dispositions décrites supra et de la création de l’OFB sur la contribution que les agences de l’eau versent actuellement à l’ONCFS, à l’AFB et sur la contribution que l’AFB verse actuellement aux établissements publics en charge des parcs nationaux.

L’article 135 de la loi de finances pour 2018 prévoit une contribution annuelle versée par les agences de l’eau au profit :

– de l’AFB, pour un montant fixé par arrêté et compris entre 240 et 260 millions d’euros ;

– de l’ONCFS pour un montant fixé par arrêté et compris entre 30 et 37 millions d’euros.

La répartition du paiement de cette charge entre les agences de l’eau est effectuée en appliquant le critère qu’il est proposé d’appliquer pour répartir la recette des redevances cynégétiques entre ces mêmes agences (voir supra([617]).

Le IX modifie l’article 135 de la loi de finances pour 2018 pour remplacer cette contribution à compter de 2020 par une contribution à l’OFB d’un montant compris entre 316,1 millions d’euros et 343,1 millions d’euros et procéder aux coordinations rédactionnelles nécessaires. Ces montants correspondent à la somme des montants de la contribution actuelle majorée du rendement prévisionnel de la redevance cynégétique.

Le X modifie l’article 137 de la loi de finances pour 2018 pour prévoir que la contribution annuelle de l’AFB au profit des parcs nationaux sera due à compter du 1er janvier 2020 par l’OFB.

2.   Des rebudgétisations de ressources affectées

● Il est proposé de supprimer deux plafonds, en conséquence de la budgétisation :

– de la taxe annuelle pour frais de contrôle due par les concessionnaires d’autoroutes, prévue à l’article 1609 septtricies du CGI et perçue par l’ARAFER dans la limite de 2,6 millions d’euros. L’article 6 du présent projet de loi de finances prévoit en effet de mettre fin à l’affectation à l’ARAFER de cette taxe ;

– du droit de sécurité affecté à l’Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF) à compter du 1er janvier 2021, par ledit article 6. Le dernier rendement connu est de 18,4 millions d’euros. Une dotation budgétaire inscrite sur le programme 203 « Infrastructures de transports » remplacerait la ressource affectée. Pour 2020, il est proposé d’augmenter le plafond d’affectation (voir supra).

● Le présent article prévoit la réaffectation au budget général des ressources affectées au financement de l’aide juridique. Cette mesure de périmètre n’aura pas pour effet de diminuer le montant du financement du dispositif. Elle améliorerait la lisibilité d’une politique publique déjà largement financée par le budget général.

En l’état du droit, le Conseil national des barreaux (CNB) perçoit une fraction égale à 45 millions d’euros de la TSCA (article 1001 du CGI) et une fraction égale à 38 millions d’euros du produit des amendes pénales (V de l’article 42 de la loi de finances pour 2016 ([618])). Le CNB réaffecte ensuite ces recettes à l’aide juridique, en application du troisième alinéa de l’article 21‑1 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ([619]).

L’aide juridique est financée de façon prépondérante par des crédits budgétaires, à hauteur de 423,7 millions deuros en loi de finances pour 2019, soit 84 % du montant total affecté à cette politique publique.

Le du II et le VIII du présent article modifient respectivement l’article 1001 du CGI et l’article 42 de la loi de finances pour 2016 afin de supprimer l’affectation au CNB de ces ressources pour qu’elles soient reversées au budget général de l’État.

Le VI supprime le troisième alinéa de l’article 21‑1 de la loi de 1971 qui prévoit que le CNB reçoit ces deux ressources et les répartit entre les différents barreaux selon une convention conclue avec l’Union nationale des caisses des règlements pécuniaires des avocats et agréée par la ministre de la justice.

Le VII modifie l’article 28 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique ([620]) pour tirer les conséquences de la suppression de l’affectation d’une fraction des amendes au CNB. Il supprime en effet la disposition selon laquelle la provision initiale que l’État verse à chaque barreau au titre du financement de l’aide juridique est ajustée du montant des amendes destinées au financement de l’aide juridique, en application de l’article 21‑1 de la loi de 1971.

3.   L’affectation à CCI France des taxes pour frais de chambre

Le présent article tire les conséquences, au sein du tableau de l’article 46 de la loi de finances pour 2012, de l’affectation du produit de la taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises (TA-CFE) et de la taxe additionnelle sur la valeur ajoutée des entreprises (TA‑CVAE) à CCI France proposée par l’article 15 du présent projet de loi de finances ([621]).

Dans le tableau de l’article 46 précité, il est donc procédé au remplacement des mots « Chambres de commerce et d’industrie » par « CCI France ».

4.   Les modifications relatives à la taxe sur les nuisances sonores aériennes

● L’article 1609 quatervicies A du CGI prévoit une taxe sur les nuisances sonores aériennes instituée par la loi de finances du 30 décembre 2003 rectificative pour 2003 ([622]), due par les compagnies aériennes. Elle est perçue, dans les limites du plafond de l’article 46 de la loi de finances pour 2012 par les exploitants des aérodromes pour lesquels :

– le nombre annuel des mouvements d’aéronefs de masse maximale au décollage supérieure à vingt tonnes a dépassé 20 000 lors de l’une des cinq années civiles précédentes ;

– le nombre annuel des mouvements d’aéronefs de masse maximale au décollage supérieure à deux tonnes a dépassé 50 000 lors de l’une des cinq années civiles précédentes, quand certaines conditions aux plans locaux d’expositions au bruit sont remplies.

L’assiette de la taxe est égale au logarithme de la masse maximale au décollage des aéronefs à laquelle on applique des coefficients de modulation tenant compte de l’heure de décollage et des caractéristiques acoustiques des avions.

Les aérodromes percepteurs de la taxe affectent une fraction de son produit au financement d’aides versées aux riverains pour l’insonorisation de leurs logements et une autre fraction, limitée aux deux tiers, au remboursement des annuités d’emprunts contractés pour financer les travaux de réduction des nuisances sonores.

Selon le IV de l’article 1609 quatervicies A, le tarif de la taxe sur chaque aérodrome dépend du groupe auquel l’aérodrome appartient et doit être fixé en fonction du besoin de financement sur chaque aérodrome et notamment des aides aux riverains, de l’évolution des plans de gêne sonore et des coûts d’insonorisation. Les groupes d’aérodromes et les bornes de tarifs correspondantes sont les suivants :

– 1er groupe : aérodromes de Paris-Charles-de-Gaulle, Paris-Orly et Paris‑Le Bourget : de 20 à 40 euros ;

– 2e groupe : aérodromes de Nantes-Atlantique et Toulouse-Blagnac : de 10 à 20 euros ;

– 3e groupe : les autres aérodromes assujettis à la taxe selon les critères présentés supra : de 0 à 10 euros.

Les tarifs applicables sont actuellement fixés, dans les bornes définies ci‑dessus, par un arrêté du 22 septembre 2017 ([623]).

● Le  du II du présent article modifie les quatre derniers alinéas du IV de l’article 1609 quatervicies A pour intégrer dans le premier groupe de la taxe les aérodromes de Nantes Atlantique, compte tenu des besoins de financement de l’aide à l’insonorisation à leurs abords.

Il précise en outre que le tarif de la taxe sera fixé par un arrêté, ce que ne fait pas la rédaction actuelle de l’article en raison d’une erreur opérée par la loi de finances rectificative pour 2014 ([624]). Cet arrêté devra également fixer la liste des aéroports appartenant au 3e groupe.

5.   La conséquence de la transformation de la taxe sur les titulaires d’ouvrages de prise d’eau, rejet d’eau ou autres ouvrages hydrauliques en des redevances de prise et de rejet d’eau affectées à Voies navigables de France

L’article 26 de la loi de finances pour 2019 a supprimé la taxe hydraulique affectée à Voies navigables de France (VNF) et l’a remplacée par des redevances de prise et de rejet d’eau ([625]) à compter du 31 décembre 2019.

La suppression de la taxe hydraulique a été justifiée par les contentieux multiples auxquels elle donnait lieu, devant les juridictions du fond de l’ordre administratif. La Cour administrative d’appel a ainsi considéré que la taxe hydraulique constituait une aide d’État au sens du droit de l’Union européenne ([626]). Bien que cassé par le Conseil d’État ([627]), le régime juridique de la taxe est apparu insuffisamment sécurisé.

Elle a donc été remplacée par une redevance domaniale qui fait contribuer les usagers du réseau navigable aux dépenses de VNF à proportion de leurs capacités contributives et de l’avantage économique qu’ils tirent de l’utilisation du réseau fluvial. Les modalités de mise en œuvre de cette redevance relèvent du pouvoir réglementaire. Selon l’annexe Voies et moyens au présent PLF, le rendement attendu en 2020 de la redevance est de 127,5 millions d’euros, soit le niveau du plafond.

Pour tirer les conséquences de cette mesure, le I du A du présent article remplace, dans le tableau de l’article 46 de la loi de finances pour 2012, la mention de la taxe par celle des redevances.

6.   Le prélèvement exceptionnel sur les ressources de la Caisse nationale des autoroutes

● La Caisse nationale des autoroutes est un établissement public administratif chargé, d’une part, d’émettre des emprunts affectés au financement de la construction ou de l’aménagement des autoroutes donnant lieu à péage et, d’autre part, de répartir le produit de ces emprunts entre les collectivités ou sociétés concessionnaires (article R*. 122‑7 du code de la voirie routière).

Pour ce faire, elle perçoit (article R*. 122‑10 du même code) :

– le produit des emprunts qu’elle émet avec l’autorisation du ministre de l’économie et des finances ;

– des sommes versées par les concessionnaires pour assurer le service des emprunts et couvrir les frais de fonctionnement de la Caisse ;

– des ressources de trésorerie.

● Le XII du présent article opère un prélèvement exceptionnel à hauteur de 2,8 millions deuros sur les ressources accumulées de la Caisse.

*

*     *

La commission est saisie de l’amendement I-CF1127 de M. Éric Woerth.

M. le président Éric Woerth. Cet amendement, comme celui que j’avais déposé sur le même sujet l’année dernière, a pour objet de soulever le problème des taxes affectées plafonnées. Le principe de l’affectation des taxes ne me pose aucun problème, mais il faut mettre un terme à leur plafonnement. Lorsque la collecte est excessive au regard des besoins de l’organisme auxquelles elles sont affectées, c’est le niveau de la taxe qu’il faut revoir, et non celui de l’affectation.

S’agissant de fonds publics, les organismes bénéficiaires de ces taxes ne doivent recevoir que ce dont ils ont besoin, après accord avec l’État ; d’autres types de recettes pouvant éventuellement s’y ajouter.

Le système du plafond dit « mordant » a si bien mordu que seule une partie de la taxe est affectée au destinataire initialement prévu, tandis que l’excédent rejoint le tonneau des Danaïdes de l’État. Ce n’est pas acceptable. Il s’agit d’une forme de fiscalité déguisée : alors que la taxe est affectée pour une raison précise, c’est en réalité une augmentation d’impôt générale, alimentant le budget de l’État, que le contribuable subit. C’est tout à fait anormal.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je vous accorde que le système de plafonnement est illisible et manque parfois de cohérence. Mais la situation actuelle est un moindre mal, et le Gouvernement évolue petit à petit dans un sens très favorable.

Je suis d’ailleurs très satisfait que le Gouvernement ait mis en ligne, sous format ouvert et réutilisable, la liste de l’ensemble des taxes affectées en précisant leur rendement et la part reversée au budget général. Cet effort est utile. Je n’hésite pas à faire savoir que je ne suis pas satisfait lorsque je n’obtiens pas un rapport que je demande, en ce cas il faut reconnaître que cet effort de transparence honore le Gouvernement et les services de Bercy. Je vous suggère de retirer votre amendement, monsieur le président ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président Éric Woerth. J’admets bien volontiers que le Gouvernement s’interroge à ce sujet, puisque des mécanismes alternatifs commencent à voir le jour. Mais ayons un peu de bon sens à propos de ces taxes affectées : elles ne peuvent jouer le rôle d’augmentations déguisées de la fiscalité comme c’est le cas aujourd’hui.

La commission rejette l’amendement I–CF1127.

La commission est saisie deux amendements en discussion commune, I-CF1148 de Mme Christine Pires Beaune et I-CF847 de M. Jean-Marc Zulesi.

Mme Christine Pires Beaune. Nous proposons de consolider les ressources de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) en remplaçant la fraction du produit des amendes issues du système de contrôle automatisé qui lui est reversée par une fraction additionnelle de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE).

M. Jean-Marc Zulesi. Mon amendement I-CF847 a été très bien défendu par ma collègue.

M. Joël Giraud, rapporteur général. S’agissant de l’AFITF, nous savons ce qui se passera en 2020, mais pas au-delà. L’amendement de M. Zulesi demande clairement au Gouvernement de prendre position pour l’année 2021, il n’a pas de conséquences budgétaires pour l’année prochaine. Il faut absolument que le Gouvernement réponde à ce sujet, je donne donc un avis favorable à l’amendement de M. Zulesi et j’invite chacun à s’y rallier.

Mme Christine Pires Beaune. Je m’y rallie, et je retire mon amendement.

L’amendement I-CF1147 est retiré.

Mme Émilie Cariou. Nous proposons de ne pas adopter d’amendement à ce stade et de débattre de cette question avec les ministres dans l’hémicycle.

La commission adopte l’amendement I-CF847 (amendement I2931).

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements identiques I-CF159 de Mme Lise Magnier, I-CF213 de Mme Véronique Louwagie, I-CF963 de M. Michel Castellani et I-CF1203 de Mme Christine Pires Beaune, les amendements identiques ICF596 de M. François Pupponi et I-CF682 de Mme Véronique Louwagie, les amendements identiques I-CF160 de Mme Lise Magnier et I-CF215 de Mme Véronique Louwagie, ainsi que l’amendement I-CF1204 de Mme Christine Pires Beaune.

Mme Lise Magnier. Mon amendement I-CF159 vise à préserver les moyens de nos agences de l’eau, qui sont d’importants acteurs dans nos territoires pour la préservation des ressources et la nécessaire politique d’accompagnement. Il serait regrettable de mordre à nouveau dans leurs ressources.

Mme Véronique Louwagie. Monsieur le rapporteur général, vous vous félicitez que le Gouvernement ait recensé l’ensemble des taxes affectées – nous aussi – et vous estimez que cet article est raisonnable.

En dépit de vos satisfactions, ces taxes affectées posent des difficultés car le dispositif de plafonnement ne participe pas au consentement des citoyens à l’impôt. C’est un véritable dévoiement de l’objectif qui a justifié leur création, nous devons prendre position et affirmer une doctrine à leur sujet.

Mon amendement I-CF213 propose de supprimer le plafond des taxes affectées pour donner aux agences de l’eau le moyen de faire face aux défis qui nous attendent.

M. Michel Castellani. Dans le cadre du onzième programme des agences de l’eau, les moyens de ces dernières se verront amputés de plus d’un milliard d’euros. Mon amendement I-CF963 vise à supprimer le plafond des taxes.

Mme Christine Pires Beaune. L’amendement I-CF1203 vise aussi à préserver les moyens des agences de l’eau. Ceux d’entre nous qui étaient députés lors de la précédente législature le savent, elles ont déjà beaucoup été mises à contribution. Pourtant, le travail pour remettre les réseaux d’eau en l’état reste immense, notamment pour réduire les fuites et améliorer les rendements. Je vous invite à laisser ces agences souffler cette année…

M. Michel Castellani. Les ponctions opérées par l’État sur le budget des agences de l’eau sont préjudiciables à leur autonomie, qui doit être préservée par l’affectation de l’intégralité des recettes des redevances de l’eau aux missions et objectifs de ces agences. D’où l’amendement I-CF596 de mon collègue Pupponi.

Mme Lise Magnier. L’amendement I-CF160 est défendu.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement I-CF215 est de repli. Plutôt que de supprimer le plafond, je propose de le porter de 2 151 120 à 2 351 000 000 euros.

Mme Christine Pires Beaune. L’amendement I-CF1204 est également un amendement de repli visant à relever le plafond des taxes affectées aux agences de l’eau de 50 millions d’euros.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je suis défavorable à un déplafonnement ou à une hausse du plafond des taxes affectées aux agences de l’eau. Même si je rejoins Véronique Louwagie sur la nécessité de revoir tout ce système, je ne souhaite pas que nous revenions sur les équilibres trouvés l’an dernier. Avis défavorable à tous ces amendements.

La commission rejette les amendements identiques I-CF159, I-CF213, I-CF963 et ICF1203.

Puis elle rejette les amendements identiques I-CF596 et I-CF682.

Elle rejette ensuite les amendements identiques I-CF160 et I-CF215.

Enfin, elle rejette l’amendement I-CF1204.

La commission est saisie de l’amendement I-CF1483 de M. Éric Woerth.

M. le président Éric Woerth. Cet amendement reprend l’une des propositions du rapport sur l’activisme actionnarial que j’ai présenté avec Benjamin Dirx il y a une semaine. Il tend à déplafonner les ressources affectées à l’Autorité des marchés financiers. L’AMF n’a pas les moyens suffisants pour fonctionner, je peux le prouver. Il n’y a pas de raison qu’une partie des ressources qui devraient lui revenir alimente le budget général alors que la mission remplie par cette instance est essentielle.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Qu’il me soit permis, monsieur le Président, de saluer à nouveau le travail que vous avez effectué avec Benjamin Dirx sur ce sujet… Le Gouvernement a déjà prévu d’augmenter de 2,5 millions d’euros le plafond des ressources affectées à l’AMF. Cette hausse fait suite à une précédente hausse de 2,5 millions dans le budget pour 2018.

J’estime également nécessaire d’aller plus loin, mais de manière progressive. Je suis défavorable à votre amendement dans sa forme actuelle, mais si vous proposiez un mécanisme plus progressif en séance, il serait peut-être plus consensuel.

M. le président Éric Woerth. Monsieur le rapporteur général, les mauvaises nouvelles doivent être annoncées de manière dégressive, mais les bonnes nouvelles immédiatement ! Il est clair que l’AMF a besoin de plus de moyens : nous lui attribuons plus de missions, et j’espère qu’elle les remplira. On ne peut pas répéter que la place de Paris doit être attractive et devenir la première place financière européenne avec le Brexit sans donner au régulateur les moyens de fonctionner.

Mme Émilie Cariou. Sur le fond, comme le rapporteur général, je soutiens pleinement votre volonté de renforcer les moyens de l’AMF, dont les missions sont d’intérêt public. Mais il y a d’autres urgences à traiter, notamment celles que vous avez soulevées avec Benjamin Dirx dans votre rapport. Ma collègue Bénédicte Peyrol me rappelle qu’en matière de transition écologique également, de nouvelles fonctions de surveillance ont été attribuées à l’AMF.

Ce budget prévoit une augmentation des moyens de l’AMF, une trajectoire progressive, comme le propose le rapporteur général, me semble une solution très intéressante. Nous ne soutiendrons pas cet amendement à ce stade, et nous espérons en rediscuter dans l’hémicycle.

La commission rejette l’amendement ICF1483.

Elle examine, en discussion commune, les amendements I-CF462 et I-CF461 de M. Xavier Roseren et ICF364 de Mme Anne-Laure Cattelot.

M. Xavier Roseren. Le financement des centres techniques industriels (CTI) et des comités professionnels de développement économique (CPDE) fait chaque année l’objet de débats. Lors de l’examen du budget 2019 avec Olivia Grégoire, qui rapportait avec moi le programme « Développement des entreprises », nous avions réussi à accompagner la baisse des plafonds de la taxe fiscale affectée d’une baisse de taux, dans une logique de justice fiscale.

Cependant, comme nous l’avions relevé dans notre rapport spécial, et comme l’a indiqué notre collègue Anne-Laure Cattelot au terme de la mission qu’elle a exécutée sur le sujet, le plafonnement de la taxe affectée aux CTI et CPDE n’a pas vraiment de sens.

Nous avons bien noté que le déplafonnement a été conditionné à la signature de contrats d’objectifs et de performance. Mes amendements I-CF462 et I-CF461 prévoient ce déplafonnement seulement pour les CTI et les CPDE qui ont de grandes probabilités de signer un tel contrat avant la fin de l’année.

Mme Anne-Laure Cattelot. Mon amendement I‑CF364 participe du même esprit. Effectivement, les précisions apportées sont fondées sur les appréciations des rapporteurs spéciaux dans ce domaine et sur la mission que le Premier ministre m’avait confiée concernant la réforme des CTI et des CPDE et la mise en œuvre des plateformes « industries du futur ».

L’an dernier, nous avions alerté sur les risques de baisse des ressources de ces centres techniques industriels, et le Gouvernement avait choisi d’asseoir sa politique industrielle sur leur savoir-faire, en leur confiant des missions approfondies, et en accroissant son exigence à l’égard des actions prévues pour le déploiement des techniques « industries du futur ».

Madame Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances, était d’accord pour déplafonner ces ressources à condition de signer des contrats d’objectifs et de performance avant l’adoption du projet de loi de finances. Nous nous en remettons à la signature de ces contrats, mais les acteurs se sont mobilisés pour que les choses aillent dans le bon sens.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je tiens à saluer l’important travail réalisé par madame Cattelot à ce sujet. L’an dernier, nous sommes partis d’une fausse bonne idée avec les contributions volontaires obligatoires, pour finalement revenir à un système plus classique.

De nombreux CTI et CPDE sont en train de négocier ces contrats d’objectifs et de performance avec le ministère. Le déplafonnement ne peut évidemment se faire sans contreparties. Si je suis favorable à la démarche, je demande aux auteurs de ces amendements de les retirer pour discuter à ce sujet avec le ministre afin de faire le point.

M. Xavier Roseren. J’accepte de retirer mes amendements pour en discuter avec le ministre en séance publique.

Les amendements I-CF462 et I-CF461 sont retirés.

Mme Anne-Laure Cattelot. L’évolution de la doctrine de Bercy sur la question au cours de l’année écoulée est extrêmement appréciable. Je remercie le rapporteur général de faire sien ce changement de doctrine ; nous devons inciter ces acteurs à signer ces contrats d’objectifs et de moyens en temps et en heure pour approuver ce déplafonnement en séance, en première ou en nouvelle lecture.

M. le président Éric Woerth. Il est en effet très important d’assurer la pérennité du financement des CTI et des CPDE.

L’amendement I-CF364 est retiré.

Les amendements I-CF1538, I-CF1539 et I-CF1540 du rapporteur général sont retirés.

M. le président Éric Woerth. Nous abordons maintenant la question des chambres d’agriculture, à propos de laquelle un très grand nombre d’amendements ont été déposés, et qui doivent être examinés en discussion commune.

Je vous propose de commencer par une rapide discussion générale sur ce sujet, afin que chacun puisse évoquer ses arguments et le contenu de ses amendements, ce qui permettra d’aller plus vite par la suite.

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas. Avant de vous expliquer la position du groupe La République en marche, il est important de rappeler le contexte. Les chambres d’agriculture, comme les autres chambres consulaires, sont conscientes qu’elles doivent faire des efforts, comme tout le monde, pour contribuer à la baisse des dépenses publiques en France. Elles s’y sont engagées à compter de 2015, mais elles n’ont pas fait le nécessaire.

Pour autant, nous n’avons jamais autant eu besoin de ces chambres, auxquelles nous demandons d’accompagner nos agriculteurs dans cet enjeu primordial qu’est la transition écologique. Il faut que nous ayons l’appui des chambres au quotidien, sur le terrain, auprès de nos agriculteurs, ce qui nous impose de trouver un juste équilibre.

Trois solutions s’offrent à nous.

Le Gouvernement propose de baisser de 45 millions d’euros le plafond d’affectation de la taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TA-TFPNB), et de mettre en place une régionalisation automatique de cette taxe à hauteur de 30 %.

Cette régionalisation serait une terrible erreur. On ne peut pas comparer une région comme la Bretagne avec l’Occitanie, on ne peut pas imposer à toutes les chambres une régionalisation d’office. Il faut travailler ensemble pour déterminer ce qu’il convient de régionaliser et de garder plus près du terrain. Pour cette raison, l’article 27 tel que l’a rédigé le Gouvernement ne peut être conservé en l’état.

Plusieurs amendements nous sont soumis. Les amendements de suppression, dont certains émanent de notre groupe, dont un défendu par Hervé Pellois, ont pour effet de supprimer la baisse de la taxe mais de maintenir sa régionalisation. Ils ne correspondent donc pas à ce que nous souhaitons faire.

J’ai déposé un amendement coupant la poire en deux pour cette année : la baisse de la taxe serait ramenée de 15 % à 7,5 %, mais rien ne serait changé à la façon de collecter la taxe. La régionalisation ne serait pas imposée. C’est un compromis.

La troisième solution, portée par le groupe La République en marche et soutenue par le rapporteur général, consiste à ne pas toucher à la taxe car la différence pour les propriétaires contribuables serait minime, de l’ordre de neuf euros sur l’année. Mais nous demanderions une contribution aux chambres d’agriculture en effectuant en 2020 un prélèvement sur leur fonds de roulement d’un montant identique, soit 45 millions d’euros.

Nous proposons ensuite une péréquation pour protéger les chambres les plus fragiles à partir de 2021, en portant de 1 % à 3 % l’abondement systématique, aujourd’hui déterminé par décret, et en le limitant à un maximum de 5 %.

La taxe serait toujours collectée par les départements qui remonteraient les sommes aux régions. Je propose un sous-amendement prévoyant une progression de la régionalisation : la fraction de la taxe que les chambres départementales devront verser aux chambres régionales serait maintenue à 10 % cette année, puis elle monterait à 20 % l’année prochaine et à 30 % l’année suivante.

Dans l’intervalle, un rapport nous permettrait de savoir ce qui se passe réellement dans les chambres, quel est l’état de leurs comptes et comment il est possible de travailler avec elles pour la régionalisation. Les ressources humaines, le service de la paie, ou encore l’installation des agriculteurs et le suivi peuvent être mutualisés au niveau d’une région ; mais il faut conserver le suivi au quotidien des agriculteurs, qui ont besoin de leur chambre d’agriculture pour les accompagner dans la transition écologique.

Telles sont, ainsi résumées, les options entre lesquelles nous avons à décider cet après-midi. Le groupe La République en marche soutient l’amendement du rapporteur général, sous-amendé par ma proposition, et nous restons ouverts pour échanger avec les chambres d’agriculture d’ici au débat en séance publique.

Mme Véronique Louwagie. Les propos que nous venons d’entendre démontrent qu’il faut dialoguer avant de prendre des décisions.

Les chambres d’agriculture ont déjà subi un certain nombre de prélèvements importants sur leurs fonds de roulement et leurs fonds propres en 2014 et 2015. La TA‑TFPNB est une des principales sources de revenu des chambres d’agriculture.

Nous demandons beaucoup aux agriculteurs. Une transformation est en cours, ils ont manifesté cette semaine encore leur souffrance, et en dépit des efforts qu’ils ont déjà accomplis, les transformations à venir sont encore très importantes. C’est en ce moment que l’accompagnement est le plus utile.

Les chambres d’agriculture doivent aussi prendre en compte l’« agri-bashing », il faut rééquilibrer le rapport de forces face à des minorités agissantes qui véhiculent un certain nombre de propos que les agriculteurs subissent. Il faut donner aux chambres d’agriculture les moyens de se réapproprier la communication.

Dans un tel contexte, diminuer leur budget n’est vraiment pas opportun. En revanche, il est possible de travailler avec les chambres d’agriculture pour que chacune puisse mutualiser certains services, voire les régionaliser lorsque c’est opportun. Ainsi dans mon département de l’Orne, le directeur de la chambre départementale d’agriculture, parti à la retraite il y a quelques mois, n’a pas été remplacé : une mutualisation des services s’est opérée avec la chambre régionale d’agriculture de Normandie.

M. le président Éric Woerth. Permettez-moi d’interrompre un instant la discussion, car on me signale que certains n’arrivent pas à accéder à l’interface permettant le dépôt des amendements en vue de la séance publique. Renseignement pris, il apparaît que seuls ceux qui étaient déjà connectés à l’interface peuvent y travailler et déposer des amendements ; en revanche, ceux qui essaient de le faire maintenant depuis l’extérieur ne le peuvent pas… Le service informatique de l’Assemblée y travaille. Si ce problème perdure au delà de la limite du raisonnable, je demanderai le report de la date limite du dépôt des amendements. Mais cette décision relève de la Conférence des présidents. Je vous tiendrai informé.

Mme Valérie Rabault. J’ai apprécié les propos tenus par notre collègue Marie‑Christine Verdier-Jouclas et l’ensemble des propositions qu’elle formule.

Comme la taxe est perçue par les chambres d’agriculture et que les dépenses sont engagées par elles, on a à la fois la partie recettes et la partie dépenses. De ce fait, diminuer de 45 millions d’euros à la fois les recettes et les dépenses des chambres d’agriculture ne joue en rien sur le déficit public de la France, quand bien même cela influe, comme l’a dit madame Verdier-Jouclas, sur le niveau de dépenses publiques. La baisse qui nous est demandée n’améliorera donc en rien le déficit public.

Je rejoins ce qu’a dit notre collègue sur la régionalisation.

Diminuer les recettes des chambres d’agriculture est un mauvais signal qui minera leurs prises d’initiatives alors qu’on leur demande par ailleurs de transformer des filières, de travailler avec les agriculteurs, et que la future politique agricole commune (PAC) pour la période 2021-2027, en cours de discussion au Parlement européen et que nous ne votons pas ici, aura des incidences sur tout le territoire.

Je soutiendrai la démarche qui vient d’être expliquée sur la non-régionalisation. En revanche, je ne cautionne pas la baisse de 45 millions d’euros. Dans la mesure où cela n’a aucun effet sur le déficit public, je ne vois pas pourquoi créer une telle confusion dans les chambres d’agriculture, alors qu’on leur demande d’assurer par ailleurs de nouvelles missions.

M. Michel Castellani. Nous avons été alertés sur le danger qui pèse sur l’efficacité de l’action des chambres d’agriculture, dont on connaît le rôle considérable en termes d’accompagnement des agriculteurs et des salariés agricoles dans les processus de transformation de leurs activités.

La réduction de 15 % de la taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés non bâties porterait un grave coup aux capacités opérationnelles de toutes les chambres. Elle allège la fiscalité des agriculteurs de 100 euros environ par exploitation, mais comme les agriculteurs corses sont exonérés de cette taxe, cela signifie qu’elle serait inadaptée à la Corse : nous allons jouer perdants-perdants… Cette mesure ferait plonger la capacité d’autofinancement et donc ferait tomber en partie les subventions de l’État et de la région : pour pouvoir bénéficier de un million d’euros de subventions, la capacité d’autofinancement doit s’élever à 400 000 euros… Tout cela remettrait en cause l’emploi – je pense aux vingt-deux conseillers qui travaillent à la chambre d’agriculture à plein temps. Bref, ce serait un recul sur des problématiques essentielles : le pastoralisme, la structuration de l’espace, la défense incendie, la relocalisation de certaines productions nécessaires à la restructuration des élevages en Corse – je pense aux céréales et aux fourrages –, l’adaptation au changement climatique, l’indispensable réduction des pesticides, la gestion de l’eau, l’activité de l’Observatoire des marchés et des prix, la restructuration de la filière viande.

En conclusion, il convient de ne pas réduire le budget des chambres d’agriculture, et en particulier de la chambre d’agriculture de Corse.

Mme Lise Magnier. Je suis assez satisfaite de voir que tout le monde se rejoint sur la question de la régionalisation et que nous allons réussir à la résoudre.

Quant à la question des ressources des chambres d’agriculture, il faut faire très attention au signal que nous envoyons à nos agriculteurs et aux chambres d’agriculture au vu du contexte actuel.

Ensuite, il faut un peu de cohérence : on demande à nos agriculteurs de modifier leurs pratiques, mais parfois on oublie de les accompagner à cet effet ; on sait à quel point les chambres d’agriculture sont des outils très structurants pour accompagner ceux qui font vivre nos territoires ruraux, à savoir nos agriculteurs ; on sait aussi le rôle des chambres d’agriculture dans toutes les actions visant à la préservation de la biodiversité, à l’accompagnement des agriculteurs face aux mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) et des jeunes agriculteurs dans leurs dossiers de dotation jeune agriculteur.

Enfin, nos chambres d’agriculture sont en train de construire leur plan stratégique. Le Président de la République a demandé la construction d’un plan protéines, le plan de sortie des produits phytosanitaires. On prend clairement les choses à l’envers : on devrait commencer par établir un projet, une stratégie avec les agriculteurs et les chambres d’agriculture, puis décider des moyens à mettre en face.

Le candidat à l’élection présidentielle Emmanuel Macron avait promis 5 milliards d’euros pour l’agriculture française. À mi-mandat, il serait bon de dresser le bilan de cette somme promise à l’agriculture française.

M. le président Éric Woerth. Je reviens un instant sur la question du dépôt des amendements. En réalité, peu de personnes sont bloqués : le système fonctionne pour ceux qui sont déjà connectés ou qui le font via intranet. Ce n’est pas l’interface de dépôt des amendements qui ne marche pas, mais l’extranet. Le service informatique a trouvé une solution de contournement, mais elle serait instable. Il faut donc demander à vos collaborateurs d’appeler le secrétariat de la commission des finances, qui donnera à chacun les clés pour déposer des amendements. Comme peu de gens sont concernés, cela devrait pouvoir aller assez vite.

M. Fabien Roussel. Quand j’entends l’argumentation développée par le Gouvernement pour réduire les moyens des chambres d’agriculture, je trouve cela vraiment petit… D’un côté, on demande aux chambres d’agriculture de faire des efforts pour réduire les déficits, et de l’autre on va leur ponctionner 45 millions d’euros. Résultat : elles doivent faire des économies mais aussi davantage pour accompagner le monde rural, autrement dit faire plus mais avec moins. C’est toujours le même adage… Nous ne sommes pas d’accord. C’est pourquoi nous défendrons avec d’autres un amendement visant à refuser de baisser cette taxe qui permet à nos chambres d’agriculture d’avoir des ressources. On parle de 45 millions d’euros : c’est une petite somme par rapport à d’autres budgets que l’on pourrait taxer. Si vous voulez réduire le déficit, taxez le capital, pas le monde rural !

M. Christophe Jerretie. Le Gouvernement s’est trompé sur la forme : on n’impose pas la soudaineté aux chambres d’agriculture dans le contexte actuel.

Je ferai quelques remarques sur l’étude d’impact.

Premièrement, on compare les moyens des CCI à ceux des chambres d’agriculture. Or, la taxe affectée n’est pas la même. Il est impensable juridiquement, techniquement et financièrement de se fonder sur cet élément-là.

Deuxièmement, on nous dit que les fonds de roulement des chambres leur permettront d’absorber la diminution de la taxe. Mais peut-être faudrait-il se souvenir que beaucoup de chambres départementales ont déjà été ponctionnées dans leur fonctionnement et sur leurs fonds de roulement. Elles n’ont plus la capacité d’aller au delà et de compenser cette nouvelle perte.

Troisièmement, certaines chambres d’agricultures ont déjà procédé à des mutualisations, notamment en matière de comptabilité, et cela fonctionne.

Quatrièmement, le Gouvernement s’est trompé sur la temporalité. On demande au monde agricole de modifier ses pratiques alors qu’il est en détresse. Il est donc indispensable qu’il soit accompagné, et les chambres d’agriculture sont un des outils d’accompagnement. On ne peut pas les ponctionner.

Cinquièmement, il faut mettre du sens politique dans nos décisions. Pour faire accepter une décision, c’est-à-dire une politique publique, il faut qu’elle soit cohérente : on ne peut pas supprimer des recettes à une structure à laquelle on demande des efforts.

Enfin, monsieur le rapporteur général, on nous répond souvent qu’on en discutera avec le ministre en séance publique. Je vous demande de reporter cette mesure en 2021. D’ici là, nous aurons eu une vraie discussion commune sur cette question.

M. Fabien Roussel. Très bien !

M. Éric Coquerel. On sait que, la plupart du temps, les chambres d’agriculture sont malheureusement aux mains d’un seul syndicat, la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), dont je ne partage pas la vision de l’agriculture. Pour autant, il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain : plus la transition écologique est indispensable, plus elle passe par une adaptation et une transition du monde agricole, et plus le rôle des chambres d’agriculture devient important – avec les nécessaires transformations démocratiques et l’introduction des organisations non gouvernementales. Je ne vois donc pas comment on peut justifier une seule seconde la baisse de leur financement au motif que tout le monde devrait faire des efforts pour réduire les dépenses publiques . Du reste, je suis assez dubitatif sur ce principe alors que l’on a fait par ailleurs un cadeau de 30 milliards d’euros aux plus riches avec la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et l’instauration de la flat tax. Tout le monde n’est pas soumis aux mêmes efforts… J’ajoute que demander des efforts sur des secteurs aussi stratégiques et essentiels pose problème. J’ai compris qu’un amendement proposait de rétablir ces 45 millions d’euros. Nous soutiendrons cette mesure.

Enfin, nous ne sommes pas favorables à l’idée de passer d’un mécanisme originel départemental à un système régionalisé. Nous estimons que la case départementale est plus fine et plus appropriée à tel ou tel type d’agriculture et telle ou telle fonctionnalité des chambres d’agriculture.

Voilà pourquoi nous sommes opposés aux modifications qui sont proposées.

M. Jean-Paul Mattei. Comme l’a dit Christophe Jerretie, il conviendrait de se laisser un peu de temps pour réfléchir.

Pour avoir eu des échanges avec certaines chambres d’agriculture, je sais qu’elles ont fait de réels efforts pour embaucher des collaborateurs spécifiquement chargés d’accompagner la transition des exploitations. Si on réduit les budgets, ce seront eux les premiers à perdre leur emploi et à devoir abandonner les projets d’accompagnement des exploitations. Ce serait un très mauvais signe.

Par ailleurs, il faut maintenir la départementalisation, surtout quand on voit toutes ces régions monstrueuses qui ont été créées. En se laissant une année supplémentaire de réflexion, on aurait pu travailler sur le fond en rationalisant. Mais là, on va beaucoup trop vite.

Mme Marie-Christine Dalloz. À l’heure où l’agriculture est en pleine crise dans l’ensemble du territoire et sur tous les pans de l’activité agricole, c’est le plus mauvais signe que l’on peut envoyer au monde agricole. Cette baisse de 45 millions n’aura aucun effet sur l’amélioration du déficit du budget de la France.

Et pour ce qui est de la régionalisation, je vous invite, mes chers collègues, à lire l’alinéa 53 de l’article 27 qui prévoit que ses modalités seront précisées par décret… Autrement dit, on donne un chèque en blanc au ministre. Cela me semble très dangereux pour l’ensemble des chambres et la répartition territoriale.

J’ai du mal à comprendre l’amendement de madame Verdier-Jouclas. Certes, il propose une moindre baisse et un rapport, et il n’accepte pas la régionalisation. Mais faisons simple : conservons les 45 millions et reportons la régionalisation à plus tard.

Enfin, je rappelle que ce n’est pas cette majorité qui a entamé ce mouvement, mais la majorité précédente qui avait eu la bonne idée de capter les réserves des chambres d’agriculture et de commencer à réduire la voilure. Ce qui est étonnant, c’est cette totale continuité d’action entre l’actuel Gouvernement et le précédent…

Mme Valérie Rabault. Monsieur le président, pouvez-vous nous dire si l’adoption de l’amendement du rapporteur général ferait tomber tous les autres ?

M. le président Éric Woerth. Oui, puisqu’ils sont en discussion commune.

Mme Valérie Rabault. Et cela signifie-t-il que les 45 millions d’euros seront prélevés ?

M. le président Éric Woerth. Oui, si l’amendement du rapporteur général est adopté, ils seront prélevés sur le fonds de roulement.

M. Jean-Baptiste Moreau. Je remercie les membres de la commission des finances de m’accueillir afin que je puisse m’exprimer dans la continuité de ce qui a été dit précédemment, notamment par mon collègue Christophe Jerretie.

Alors que l’on demande aux chambres d’agriculture d’accompagner la transition agricole, où l’on sépare le conseil de la vente, où les chambres d’agriculture vont jouer un rôle pivot dans l’accompagnement vers la diminution des produits phytosanitaires, ce n’est absolument pas le moment de réduire leur budget, déjà très contraint : vous avez tous l’expérience de budgets de chambres d’agriculture contestés par les préfectures parce que difficiles à équilibrer. Qu’il faille mieux accompagner les chambres d’agriculture et leur donner des objectifs à court, moyen et long terme, oui ; qu’il faille une meilleure discussion avec le Gouvernement, oui ; qu’il faille une meilleure péréquation entre les chambres d’agriculture à l’échelle nationale, et certainement une meilleure mutualisation, j’en suis d’accord ; mais tout cela ne doit pas se faire par la contrainte financière. C’est vraiment le plus mauvais moment et un très mauvais signal politique à envoyer aux chambres d’agriculture.

Enfin, on a déjà fait suffisamment d’erreurs avec la loi NOTRE pour ne pas aggraver encore les choses avec une régionalisation des chambres d’agriculture qui leur ferait perdre toute proximité et qui provoquerait des désastres dans les territoires à un moment où les agriculteurs n’ont jamais eu autant besoin d’un accompagnement technique. Je soutiendrai donc l’amendement de monsieur Pellois ; et si l’amendement du rapporteur général devait malheureusement être adopté, nous poursuivrions la bataille dans l’hémicycle car il est inadmissible de réduire le budget des chambres d’agriculture au vu du contexte actuel.

M. Damien Abad. Il est fondamental de conserver des interlocuteurs dans nos territoires, et les chambres d’agriculture sont des interlocuteurs respectés et écoutés.

Pour avoir été président d’un conseil départemental, je peux dire que les échanges que l’on peut avoir avec les chambres d’agriculture sont très importants, y compris lorsque l’on doit gérer des crises, à l’occasion d’aléas climatiques par exemple. Il n’y aurait rien de pire que de perdre ces interlocuteurs.

Je suis très attaché à la départementalisation, parce qu’on sait bien que la régionalisation éloignera les processus de décision du terrain. En réalité, la régionalisation, c’est la suppression des chambres.

Il existe d’autres moyens pour contraindre les chambres d’agriculture : les départements allouent un budget à la chambre d’agriculture, en tout cas des lignes budgétaires en tant que telles. Dans l’Ain en tout cas, nous avions été très vigilants sur les dépenses de personnels et sur la manière dont les choses étaient régulées. Mieux vaut gérer les choses localement avec l’ensemble des acteurs locaux plutôt que d’imposer depuis le Parlement des réductions drastiques. Il serait sage de se ménager à tout le moins un délai de réflexion. Nous redéposerons des amendements pour supprimer le prélèvement de 45 millions d’euros, mais, au delà, prenons garde à ne pas perdre nos interlocuteurs : il n’y a rien de pire que de se retrouver en situation frontale avec des gens qui ne voudraient pas discuter, échanger, négocier ou avancer sur des projets.

Mme Stella Dupont. Les chambres d’agriculture sont des outils essentiels pour les agriculteurs et pour nos territoires : n’oublions pas que les collectivités travaillent aussi avec les chambres d’agriculture et qu’elles ont besoin de leurs conseils.

Je suis favorable à la mutualisation et à la réforme des chambres, mais la méthode est essentielle. La France a besoin de coconstruire davantage. Aborder le sujet en commençant par réduire les moyens alloués aux chambres ne me semble pas satisfaisant en termes de méthode. Je préfère que le budget des chambres demeure en l’état cette année, qu’on lance une mission parlementaire de façon à avoir notre propre expertise et à pouvoir prendre les décisions les mieux adaptées.

M. Lionel Causse. Tout le monde parle ici de baisse et d’augmentation des dépenses publiques. On voit bien, au travers de tous les amendements qui sont présentés, y compris celui du rapporteur général, qu’en l’espèce ce n’est pas le sujet.

Je rappelle que le département des Landes a connu pendant deux ans une grave crise sanitaire liée à la grippe aviaire. Si la chambre d’agriculture n’avait pas eu de fonds de roulement lui permettant de renforcer les équipes techniques afin d’accompagner tous les agriculteurs qui étaient en grande souffrance, la situation aurait été très compliquée. Alors que nous risquons d’avoir à faire face de plus en plus à des crises sanitaires, il est très important que les chambres d’agriculture puissent disposer de fonds de roulement suffisants.

Je soutiens donc, comme Jean-Baptiste Moreau et Christophe Jerretie, l’amendement de monsieur Pellois que j’ai cosigné. S’il est repoussé aujourd’hui, j’espère qu’il sera adopté en séance publique.

M. Jean-Paul Dufrègne. Comme mon collègue Damien Abad, je voudrais insister sur la nécessité de conserver une dimension départementale à ces organismes chargés de missions, y compris publiques. C’est indispensable au vu des enjeux colossaux auxquels on doit faire face aujourd’hui. L’élaboration de nos systèmes suppose de la proximité et un accompagnement, ce qui ne peut pas être décidé d’en haut.

Dans l’Allier, les problèmes de l’agriculture ne sont pas les mêmes que ceux de la Savoie, par exemple. Le « toujours plus gros » finit par affecter très négativement la manière dont on peut travailler dans ces territoires.

J’ai présenté ce matin, avec mon collègue Jean-Paul Mattéi, un rapport sur la présence des services publics ou au public dans les territoires ruraux. Cette saignée dans les finances des chambres d’agriculture débouchera naturellement sur des suppressions d’emplois dans les territoires ruraux, déjà moins bien pourvus sur ce plan que les agglomérations. Finissons-en avec ces systèmes de calcul et ces prétendues économies qui n’en sont pas à terme, et qui auront un impact négatif sur les décisions qui doivent être prises dans ces territoires.

M. Fabien Di Filippo. Je veux dire à certains de nos collègues de la majorité que la leçon à tirer d’un passé récent, c’est que la régionalisation n’est pas toujours une promesse de rationalisation. Si une baisse de 45 millions d’euros peut paraître faible à une échelle macro-économique, il ne faut pas oublier que nous avons affaire à des acteurs locaux. Pour comprendre ce que cela signifie, il faut raisonner à une échelle micro-économique, comme vient de le faire monsieur Dufrègne. Pour la Moselle, cela représente une perte de 400 000 euros pour le budget de la chambre d’agriculture. Ce sont autant d’emplois et de contacts de proximité en moins, ce sont surtout autant de services aux agriculteurs en moins. Chez nous, la chambre d’agriculture joue un rôle clé de relais en cas de catastrophes climatiques ou sanitaires, de formation de nos agriculteurs, d’amélioration des pratiques et de modernisation, d’installation des jeunes agriculteurs. Et Dieu sait à quel point on a besoin d’une relève pour la production française.

Non seulement la baisse de la TA-TFNB sera invisible pour le bénéficiaire, mais elle se révélera stratégiquement inefficace et, sur le plan politique, elle constitue un signal très négatif pour notre agriculture.

M. Laurent Saint-Martin. Ce qui me frappe dans ce débat, c’est qu’on ne parle pas trop de la nécessité de transformer les chambres d’agriculture. Ce n’est pas parce que nous sommes en commission des finances qu’il faut aborder ce sujet sous le seul angle budgétaire.

Certains disent que ce n’est pas un sujet budgétaire et qu’il n’a pas d’impact sur le déficit, d’autres soutiennent que nous allons totalement grever la capacité d’action des chambres d’agriculture… Tout cela me paraît assez contradictoire. En fait, on ne pose pas la bonne question : le fait est que certaines chambres d’agriculture se sont modernisées et d’autres non. Il est essentiel que ce débat ait lieu en séance, et je le dis sans aucun esprit de polémique, car c’est le vrai débat.

L’amendement du rapporteur général a à mon sens un double mérite : il permet de poser la question de la transformation des chambres d’agriculture tout en préservant le socle de leurs ressources en prévoyant un mécanisme de péréquation au bénéfice de certaines petites chambres.

Enfin, que l’on cesse de nous servir l’argument de la fiscalité du capital ! En 2018, la fiscalité des revenus du capital a été supérieure à celle de 2017. Le « vous servez les grands intérêts du capital au détriment de ceux de l’agriculture », ça suffit !

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas. Mes chers collègues, lisez bien les amendements de suppression qui sont déposés. Vous verrez qu’il ne s’agit pas uniquement de de la question de la taxe mais aussi de la question de la régionalisation.

Pour avoir discuté avec les présidents de chambres d’agriculture, je peux vous dire qu’entre une baisse de la taxe et la régionalisation, ils ont eu vite fait de choisir. (Protestations sur divers bancs.)

M. Damien Abad. N’importe quoi !

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas. Regardez bien ce que vous avez cosigné !

M. le président Éric Woerth. Ils veulent un peu des deux…

M. Fabrice Brun. On voit bien que ce sujet traverse tous les bancs.

Cette majorité a un problème global avec les corps intermédiaires, et plus particulièrement avec les chambres consulaires – on l’a vu dans le cadre des lois économiques avec les chambres de métiers et les stages d’installation, on l’a vu avec les CCI lors de l’examen des articles précédents, et maintenant avec les chambres d’agriculture.

Les chambres d’agriculture se transforment en permanence, et elles accompagnent les changements. Au delà des enjeux agricoles, que je ne rappellerai pas ici, c’est toute la question de la souveraineté alimentaire qui se pose aujourd’hui. Certaines filières sont déséquilibrées et l’on importe des produits qui ont fait l’objet de traitements phytosanitaires dont nous ne voulons pas.

J’aurais aimé que les députés de la majorité nous parlent du revenu des agriculteurs, car l’enjeu majeur est bien là. On a besoin d’outils professionnels performants pour accompagner les agriculteurs dans les défis techniques, économiques et écologiques qui sont devant nous. On va alléger de 50 euros en moyenne par exploitation la fiscalité agricole, mais on va désorganiser complètement le réseau consulaire. C’est prendre une lourde responsabilité.

M. le président Éric Woerth. Chacun ayant pu s’exprimer sur ce sujet, je peux clôturer cette discussion. Comme je l’ai dit, nous allons considérer que les amendements ont été défendus, puisque tous ceux qui souhaitaient s’exprimer ont pu le faire.

À la demande de la majorité, je suspends la séance pour cinq minutes.

La réunion, suspendue à quinze heures trente, reprend à quinze heures quarante.

La commission examine, en discussion commune, l’amendement ICF1541 du rapporteur général, qui fait l’objet du sous-amendement ICF1593 de Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, l’amendement ICF1385 de Mme Émilie Cariou, qui fait l’objet des sousamendements ICF1582 et ICF1594 du rapporteur général, l’amendement ICF168 de M. Fabrice Brun, l’amendement ICF772 de Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, les amendements identiques ICF5 de M. Hervé Pellois, ICF276 de M. Michel Castellani, ICF287 de M. Nicolas Forissier, ICF480 de Mme Lise Magnier, ICF508 de M. Fabrice Brun, ICF552 de M. Damien Abad, ICF701 de Mme Véronique Louwagie, ICF816 de M. Fabien Roussel, ICF992 de Mme Marie-Christine Dalloz, ICF1177 de Mme Christine Pires Beaune et ICF1482 de M. Éric Woerth, l’amendement ICF453 de Mme Sylvia Pinel, l’amendement ICF406 de M. François Pupponi, les amendements identiques ICF278 de M. Michel Castellani, ICF329 de M. Michel Lauzzana, ICF390 de M. Vincent Descoeur, ICF510 de M. Fabrice Brun, ICF553 de M. Damien Abad, ICF556 de Mme Émilie Bonnivard, ICF557 de Mme Lise Magnier, ICF702 de Mme Véronique Louwagie, ICF815 de M. Jean-Paul Dufrègne, ICF1000 de Mme Marie-Christine Dalloz et ICF1178 de Mme Christine Pires Beaune, les amendements ICF1141 et ICF1143 de M. Alexandre Freschi et l’amendement ICF279 de M. Michel Castellani.

M. Joël Giraud, rapporteur général. L’amendement I‑CF1541 supprime la baisse pérenne de 15 %, soit 45 millions d’euros, du plafond d’affectation de la taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TA-TFPNB) proposée par le présent article. On ne l’a pas dit tout à l’heure lors de la discussion générale mais, au delà du problème des chambres d’agriculture, il s’en pose un deuxième, qui tient à l’affectation d’une partie de cette taxe à l’ensemble de la filière bois, via trois dispositions distinctes.

Ce sujet n’ayant pas été résolu, il n’est pas possible de légiférer en l’état actuel des choses, avec une suppression de moyens pour toute la filière bois, sans que cette suppression soit compensée – ceux d’entre nous qui connaissent bien cette filière savent à quel point elle a besoin d’être soutenue à l’heure actuelle.

Par ailleurs, mon amendement substitue à la baisse de 15 % précitée un prélèvement exceptionnel sur le fonds de roulement des chambres du réseau, pour la seule année 2020. Techniquement, ce prélèvement de 45 millions d’euros serait opéré sur le fonds national de solidarité et de péréquation (FNSP).

Mme Véronique Louwagie. Le prélèvement est bien de 45 millions d’euros ?

M. Joël Giraud, rapporteur général. Absolument.

Je précise bien que nous en restons à une affectation aux chambres départementales
– nous ne mettons pas en place de régionalisation –, avec un système de mutualisation qui, grâce au sous-amendement I‑CF1593 de Mme Verdier-Jouclas, maintient le taux de reversement du produit de la taxe des chambres départementales d’agriculture aux chambres régionales à 10 % en 2020, pour le porter à 20 % en 2021 et à 30 % en 2022.

Mon amendement renforce également la péréquation au sein du réseau en fixant un taux minimal de 3 % du produit de la taxe affectée destiné à abonder à compter de 2021 cette péréquation – ce taux est actuellement de 1 %. En d’autres termes, on fait en sorte qu’il y ait plus de péréquation entre les riches et les pauvres au sein des chambres d’agriculture – et je vous prie de croire que c’est un vrai sujet : on trouve en effet aussi bien des chambres qui disposent de quinze antennes que d’autres qui n’en ont aucune… C’est dire si la péréquation a son utilité.

Enfin, je demande au Gouvernement de nous remettre un rapport avant le 1er juin 2020, afin que des dispositions soient prises – sur la base, cette fois, d’une étude sérieuse – sur les modalités de financement de l’ensemble des affectataires de la taxe additionnelle et sur le processus de mutualisation du réseau des chambres d’agriculture.

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas. Je n’ai rien à ajouter au sujet de mon sous-amendement I‑CF1593 ; je me bornerai à souligner qu’il s’agit bien d’en rester à une collecte départementale, comme l’a indiqué le rapporteur général, et que la progression de 10 % à 30 % du taux de reversement du produit de la taxe des chambres départementales d’agriculture aux chambres régionales de 2020 à 2022 correspond en effet à une mutualisation de moyens, et en aucun cas à une forme structurelle de régionalisation.

M. le président Éric Woerth. Pour autant que l’on puisse faire confiance à l’État, les 45 millions d’euros dont il est question sont un fusil à un coup : en d’autres termes, ils n’ont pas vocation à devenir une ponction annuelle ?

M. Joël Giraud, rapporteur général. Effectivement.

M. le président Éric Woerth. Quel est le niveau du fonds que vous abondez ?

M. Joël Giraud, rapporteur général. Il y a environ 200 millions d’euros de fonds de roulement dans les chambres ; on prélèverait 45 millions d’euros sur le fonds de péréquation que l’on va augmenter mécaniquement à due concurrence.

M. le président Éric Woerth. Ce fonds jouerait donc ainsi le rôle d’une caisse de transfert. Le ministre va-t-il s’engager à ce que le prélèvement de 45 millions d’euros ne soit effectué qu’une fois ?

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je ne peux prendre cet engagement à sa place, mais je souhaite qu’il le prenne clairement en séance publique – et l’exposé de mon amendement précise bien que le prélèvement sera ponctuel.

M. le président Éric Woerth. C’est bien en tout cas l’état d’esprit de votre amendement, et c’est ce qui importe.

Mme Valérie Rabault. Malheureusement, on sait que les prélèvements ponctuels sont trompeurs, car Bercy en invente un nouveau chaque année… Je fais tout à fait confiance au rapporteur général, mais l’expérience nous a montré que les choses ne se passent pas toujours comme on nous les avait présentées.

Si j’ai bien compris, vous allez prélever 45 millions d’euros sur 200 millions d’euros ?

M. Joël Giraud, rapporteur général. Oui.

Mme Valérie Rabault. Cela représente près d’un quart du total, ce qui fait beaucoup : s’il y a des projets en matière d’investissement ou de formation, par exemple, ils vont se voir privés du quart de leurs ressources ! Quand la même question s’est posée à propos des chambres de commerce et d’industrie, nous n’étions pas du tout dans les mêmes proportions.

Mme Véronique Louwagie. Le prélèvement que vous proposez sera peut-être unique, monsieur le rapporteur, mais il est tout de même de 45 millions d’euros. Puisque vous demandez la remise d’un rapport par le Gouvernement avant le 1er juin 2020, on peut penser que c’est dans le cadre de ce rapport que le Gouvernement va s’engager, notamment sur le caractère unique du prélèvement. Pour ma part, j’estime donc qu’il serait judicieux d’attendre le rapport avant de prendre une décision : personne n’est actuellement en mesure de s’engager sur un prélèvement ponctuel tant que le Gouvernement n’a pas rendu le rapport dans lequel il va décliner les différentes orientations possibles. À mon sens, en voulant prendre une décision immédiatement, nous ne travaillons pas dans le bon sens.

Par ailleurs, vous évoquez une mutualisation des moyens qui va se faire par une progression de 10 % à 30 % du taux de reversement du produit de la taxe des chambres départementales d’agriculture aux chambres régionales de 2020 à 2022. Sur ce point, pourquoi ne pas laisser la parole aux chambres départementales, afin qu’elles fassent elles-mêmes des propositions ? La situation et l’organisation de chaque territoire sont particulières : certains sont essentiellement ruraux et agricoles, d’autres beaucoup moins… Laissons donc aux corps intermédiaires la possibilité de se réguler et de s’organiser ! Pour leur part, les députés du groupe Les Républicains voteront contre ces amendements, car ils souhaitent la suppression de l’alinéa 21 de l’article 27.

M. Éric Coquerel. Je ne comprends pas très bien la majorité. Si vous présentez cet amendement, c’est que vous reconnaissez qu’il y a un problème, tant sur le financement – un point sur lequel les arguments des uns et des autres ont fini par vous convaincre –, que sur la mutualisation : elle ne doit pas se résumer à des questions de fusion et de suppression de postes. Alors qu’il serait nécessaire de réfléchir sur tous ces points, vous vous arrangez pour faire adopter, au moyen de ce leurre qu’est votre amendement, la solution qui va vraisemblablement être appliquée dans les années à venir.

Puisque vous admettez implicitement qu’il y a un problème, mettons-nous au travail sur ce sujet, réfléchissons-y sérieusement, sur la base d’un rapport, et remettons la prise d’une décision à l’année prochaine, quand nous disposerons d’éléments sérieux pour nous prononcer.

La commission rejette le sous-amendement ICF1593.

Puis elle rejette l’amendement ICF1541.

Mme Émilie Cariou. Mon amendement I‑CF1385 est quasiment identique à celui que vient de présenter le rapporteur général.

Je tiens à rappeler que nous avons travaillé sur ces amendements avec le rapporteur général, ainsi qu’un certain nombre de députés, qui ne prennent pas du tout à la légère les questions relatives à l’agriculture. L’année dernière, nous avons adapté la loi ÉGALIM, mais aussi une réforme de la fiscalité locale ; nous ne sommes pas dans l’irresponsabilité vis‑à-vis de l’agriculture française – ce qui ne nous empêche pas de soutenir, par ailleurs, des démarches de restructuration et d’amélioration des services sur le territoire.

L’amendement I‑CF1385 supprime la baisse de taux prévue dans le texte – ce n’est pas anodin, car la taxe alimentait aussi d’autres secteurs tels que la filière bois, dont il est hors de question de diminuer les ressources. Il prévoit la hausse de la péréquation, avec une ponction sur le fonds et une alimentation de celui-ci par un effet mécanique, le tout sans régionalisation forcée, puisque la taxe est bien affectée au niveau des départements, et dans le cadre d’une démarche progressive.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Mon sous-amendement I‑CF1582 est de coordination. Quant à mon sous-amendement I‑CF1594, c’est l’équivalent de celui présenté par madame Verdier-Jouclas tout à l’heure, qui visait à modifier mon amendement I‑CF1541.

M. Fabrice Brun. L’amendement I‑­CF168 est défendu.

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas. L’amendement I‑CF772 est retiré.

M. Christophe Jerretie. L’amendement I‑CF5 est défendu. Pour que les choses soient claires, je veux préciser qu’il y a deux amendements qui, s’ils ne règlent peut-être pas l’intégralité du problème, forment un ensemble apportant de nombreuses solutions : il s’agit de l’amendement I‑CF5 de M. Pellois, qui traite de la taxe en supprimant l’alinéa 21, et de l’amendement I‑CF329 de M. Lauzzana, qui traite de la régionalisation en supprimant les alinéas 49 à 53.

M. Michel Castellani. L’amendement I‑CF276 est défendu.

Mme Émilie Bonnivard. L’amendement I‑CF287 également.

Mme Lise Magnier. L’amendement I‑CF480 est défendu.

M. Fabrice Brun. L’amendement I‑CF508 est défendu.

M. Damien Abad. L’amendement I‑CF552 est défendu.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement I‑CF701 est défendu.

M. Fabien Roussel. L’amendement I‑CF816 est défendu.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’amendement I‑CF992 est défendu.

Mme Christine Pires Beaune. L’amendement I‑CF1177 est défendu.

M. le président Éric Woerth. L’amendement I‑CF1482 est défendu.

M. Michel Castellani. L’amendement I‑CF453 est défendu.

M. François Pupponi. L’amendement I‑CF406 est défendu.

M. Michel Castellani. L’amendement I‑CF278 est défendu.

M. Christophe Jerretie. L’amendement I‑CF329 est défendu.

M. Vincent Descoeur. L’amendement I‑CF390 est défendu.

M. Fabrice Brun. L’amendement I‑CF510 est défendu.

M. Damien Abad. L’amendement I‑CF553 est défendu.

Mme Émilie Bonnivard. L’amendement I‑CF556 est défendu.

Mme Lise Magnier. L’amendement I‑CF557 est défendu.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement I‑CF702 est défendu.

M. Fabien Roussel. L’amendement I‑CF815 est défendu.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’amendement I‑CF1000 est défendu.

Mme Christine Pires Beaune. L’amendement I‑CF1178 est défendu.

M. Alexandre Freschi. Les amendements I‑CF1141 et I‑CF1143 sont défendus.

M. Michel Castellani. L’amendement I‑CF279 est défendu.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je suis défavorable à l’ensemble de ces amendements.

La commission rejette successivement le sous-amendement ICF1594 et le sousamendement ICF1582.

Elle rejette l’amendement ICF1385.

Mme Valérie Rabault. L’amendement I‑CF168 de M. Brun supprime l’alinéa 21 ainsi que les alinéas 46 à 53, autrement dit le prélèvement de 45 millions d’euros comme la régionalisation. Si nous l’adoptons, il fait donc tomber tous les autres ?

M. le président Éric Woerth. Effectivement.

La commission adopte l’amendement ICF168 (amendement I2932).

En conséquence, les amendements ICF772, ICF5, ICF276, ICF287, ICF408, ICF508, ICF552, ICF701, ICF816, ICF992, ICF1177, ICF1482, ICF453, ICF406, ICF278, ICF329, ICF390, ICF510, ICF553, ICF556, ICF557, ICF702, ICF815, ICF278, ICF1000, ICF1178, ICF1141, ICF1143 et ICF279 tombent.

La commission est saisie des amendements ICF371, ICF373, ICF370, ICF374 et ICF368 de Mme Anne-Laure Cattelot.

Mme Anne-Laure Cattelot. Ces cinq amendements, qui font suite au rapport que messieurs Grandjean et Tolo et moi-même avons rédigé sur l’organisation, les missions et les financements des centres techniques industriels (CTI) et des comités professionnels de développement économique (CPDE), visent à déplafonner la taxe affectée (TFA) à différents centres techniques.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Demande de retrait.

Mme Anne-Laure Cattelot. Je retire mes amendements.

Les amendements ICF371, ICF373, ICF370, ICF374 et ICF368 sont retirés.

La commission examine l’amendement ICF463 de M. Xavier Roseren, qui fait l’objet du sous-amendement ICF1583 du rapporteur général.

M. Xavier Roseren. Le Centre technique des industries mécaniques (CETIM) et le Centre technique des industries mécaniques et du décolletage (CETIM-CTDEC) ayant récemment fusionné, l’amendement I‑CF463 propose de modifier l’article 71 de la loi n° 2003-1312 afin d’adapter le texte à cette évolution structurelle.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Le sous-amendement I‑CF1583 est purement de coordination.

La commission adopte le sous-amendement ICF1583.

Puis elle adopte l’amendement ICF463 ainsi sous-amendé (amendement I2933).

L’amendement ICF381 de Mme Anne-Laure Cattelot est retiré.

La commission est saisie, en discussion commune, des amendements ICF1435 et ICF1436 de M. Éric Coquerel.

M. Éric Coquerel. L’amendement I‑CF1435 vise à supprimer le plafonnement des ressources affectées au fonds national de prévention des risques naturels majeurs, dit fonds Barnier, donc à augmenter le financement de la prévention des risques.

Alors qu’il visait à l’origine à financer les procédures de déplacement définitif des populations vivant dans des zones exposées à des risques naturels majeurs, ce fonds a vu son périmètre élargi, au cours des années 2000, aux axes majeurs de la prévention des risques naturels, pour devenir la principale source de financement de la politique de prévention des risques naturels de l’État.

Le fonds Barnier est financé par un prélèvement obligatoire de 12 % sur la prime payée par les assurés au titre de la garantie contre les catastrophes naturelles, pour un montant total d’environ 210 millions d’euros par an.

Plusieurs années de recettes supérieures aux dépenses, compte tenu de l’absence de grande catastrophe, ont conduit à une moindre utilisation du fonds. Depuis qu’il est à nouveau utilisé de façon importante, on a pris l’habitude de puiser dans sa trésorerie, à tel point qu’il se pourrait que celle-ci soit complètement épuisée à l’horizon 2022.

Il est donc proposé de supprimer le plafonnement des ressources du fonds Barnier car, ne serait-ce qu’en raison du réchauffement climatique, il est nécessaire d’augmenter les moyens consacrés à la prévention des risques naturels.

L’amendement I‑CF1436 est une proposition de repli consistant à créditer le fonds de 180 millions d’euros, étant précisé qu’à l’heure actuelle, la fourchette d’utilisation est comprise entre 174 millions d’euros et 179 millions d’euros – ce qui représente un réel problème en matière de prévention des risques naturels.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je remercie mondirut Coquerel d’avoir mis ce problème en évidence dans son rapport spécial. Il est exact qu’en raison du changement climatique, le fonds Barnier a vocation à être de plus en plus sollicité.

Je l’invite à retirer l’amendement I‑CF1435 en faveur de l’amendement I‑CF1436, auquel je donnerai un avis favorable.

L’amendement ICF1435 est retiré.

Mme Émilie Bonnivard. Je remercie monsieur Coquerel pour cet amendement qui met en lumière un fonds très utile et fortement mobilisé, notamment dans les territoires de montagne, et qui subit de ce fait des tensions importantes à l’heure actuelle. Nous soutiendrons donc son amendement I‑CF1436.

M. le président Éric Woerth. C’est effectivement une excellente démarche.

La commission adopte l’amendement ICF1436 (amendement I2934).

Elle examine, en discussion commune, les amendements ICF86 et ICF87 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. Dans le prolongement d’autres amendements que j’ai défendus précédemment, les amendements I‑CF86 et I‑CF87 visent à affecter 100 % de la taxe sur les transactions financières (TTF) à l’aide au développement.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je souhaite le retrait de ces amendements ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements ICF86 et ICF87.

L’amendement ICF372 de Mme Anne-Laure Cattelot est retiré.

La commission est saisie de l’amendement ICF1542 du rapporteur général.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Dans un référé du 27 mai 2019, la Cour des comptes a relevé des dysfonctionnements au sein de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI), soulignant que son modèle économique sans contraintes favorisait une « gestion dispendieuse » avec une supervision défaillante.

Afin d’y remédier, l’amendement I‑CF1542 vise à plafonner les redevances perçues par l’INPI.

La commission adopte l’amendement ICF1542 (amendement I2935).

Elle examine, en discussion commune, les amendements identiques ICF1384 du rapporteur général et ICF1346 de Mme Émilie Cariou, ainsi que l’amendement ICF1589 de la commission du développement durable.

M. Joël Giraud, rapporteur général. L’amendement I‑CF1384 vise à affecter à la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM), sous un plafond fixé à hauteur de 4,5 millions d’euros, une fraction du produit du droit de timbre payé au moment de la délivrance du permis de conduire les bateaux de plaisance à moteur.

Cette proposition vise à répondre aux difficultés liées au médiocre recouvrement du droit annuel de francisation et de navigation (DAFN) et surtout du droit de passeport, qui mettent en péril cette institution qu’est la SNSM.

Mme Émilie Cariou. Mon amendement I‑CF1346 est identique. Comme vient de l’expliquer le rapporteur général, il vise à renforcer les fonds de la SNSM – étant précisé que nous aurons en séance publique une discussion envisageant le financement de cette société de manière plus globale et plus structurelle que ne le font ces amendements, dont l’objet technique se limite à lui affecter petites taxes. Nous espérons convaincre le ministre de la nécessité de mettre en place une dotation annuelle.

M. le président Éric Woerth. Il faut effectivement trouver une solution de financement pérenne.

M. Jimmy Pahun. Je vous remercie de m’accueillir au sein de votre commission, monsieur le président, et je remercie notre rapporteur pour avis, Jean-Marc Zulesi, de me laisser présenter l’amendement I‑CF1589 au nom de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

La SNSM, qui accomplit une mission de service public grâce à 8 000 bénévoles et 80 personnels permanents, a d’abord la volonté de vivre des dons. Cependant, en 1986, après le naufrage de l’Aber Wrac’h, il a fallu refaire toute la flotte de la SNSM, qui approche de nouveau la fin de vie aujourd’hui. L’amendement I‑CF1589 a pour objet de financer, au moins en partie, la reconstruction des navires de la SNSM.

L’affectation d’une partie du produit de la fiscalité du permis plaisance permettrait de fournir des recettes immédiates à la SNSM sans augmenter le coût de collecte de l’impôt ni la pression fiscale sur le contribuable, tout en faisant contribuer de manière plus directe les plaisanciers, dont on peut penser qu’ils seraient fiers de participer ainsi au fonctionnement de la SNSM. Sachant que 80 000 permis à 120 euros pièce sont délivrés annuellement, le produit de la fiscalité du permis plaisance représente près de 10 millions d’euros ; l’amendement prévoit un plafonnement à 4,5 millions d’euros.

Mme Valérie Rabault. Nous sommes plusieurs à avoir déposé des amendements sur la SNSM. Si nous en sommes arrivés à la situation actuelle, c’est parce que, lors de la loi de finances pour 2018, vous avez choisi d’affecter une part du droit annuel de francisation et de navigation (DAFN) à la SNSM, mais au-dessus d’un plafond que le rendement de la taxe ne lui a jamais permis d’atteindre… En fait, la SNSM n’a rien perçu du tout ! Nous avons été plusieurs à tirer la sonnette d’alarme à l’automne 2017, mais on nous a ri au nez. Résultat des courses : la SNSM a touché zéro, ce qui est proprement scandaleux.

Plusieurs amendements ont été déposés, dans le but de trouver une autre taxe affectée dont le montant serait suffisamment élevé pour qu’il reste un reliquat, et que la SNSM perçoive enfin quelque chose. Nous soutiendrons pour notre part l’amendement qui sera le plus efficace pour assurer un financement pérenne de la SNSM, mais je tiens à dénoncer à nouveau ce qui a été fait en 2017 : affecter à la SNSM une part d’une taxe dont la totalité était déjà utilisée ailleurs, c’était vraiment se moquer du monde.

M. Éric Coquerel. Je partage l’avis de ma collègue Valérie Rabault : on se rend compte du rôle joué par la SNSM seulement lorsque surviennent des désastres maritimes, y compris lorsqu’elle-même s’en trouve endeuillée, comme ce fut malheureusement le cas récemment.

Le sauvetage en mer est très largement assuré par le monde associatif, en complément des moyens de l’État. Compte tenu de la fréquence accrue des accidents le long de nos côtes, il faut impérativement lui assurer un financement pérenne. Je rappelle que quand la vedette des Sables-d’Olonnes a fait naufrage, le 8 juin 2019, il a fallu en catastrophe trouver un autre bateau : j’ignore d’ailleurs comment la SNSM s’est débrouillée – les gens de l’île de Sein, sollicités, ont refusé d’envoyer le leur, car ils en avaient besoin. Son financement actuel est toujours extrêmement fragile ; qui plus est, il repose sur des dons bénévoles. Je soutiendrai comme ma collègue l’amendement le plus utile, mais la majorité doit elle aussi s’interroger sur ses amendements passés.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je rappelle les conditions du contrôle sur pièces et sur place de la recette du droit de passeport, plus importante que celle provenant du DAFN dans la mesure où elle est assise sur les utilisateurs de bateaux, quel qu’en soit le pavillon.

Mme Valérie Rabault. C’est vrai.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je me suis en outre déjà exprimé sur les conditions dans lesquelles le contrôle a été effectué ainsi que sur le contour des conclusions de ces investigations : je n’y reviendrai donc pas.

La cause principale du problème tient au non-recouvrement du droit de passeport – et non du DAFN, dont on connaît le caractère plus qu’aléatoire, puisque seuls les bateaux sous pavillon français y sont assujettis. Je remercie tous nos collègues qui se préoccupent du sort de la SNSM ; je leur signale tout de même que 6 millions d’euros de crédits budgétaires ont été débloqués à son profit.

Mme Valérie Rabault. Nous n’avons pas les mêmes chiffres.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je propose donc que tous les députés ayant déposé des amendements – je pense notamment à l’amendement I‑CF1589, qui vient d’être défendu par Jimmy Pahun – se rallient aux amendements identiques, I‑CF1384 que j’ai déposé, et I‑CF1346 du groupe La République en marche, de façon à montrer notre solidarité s’agissant de ce mode de collecte. Comme l’a très justement indiqué Émilie Cariou, nous nous accorderons au moment de l’examen du projet de loi en séance publique sur le mode de financement le plus efficace : nous en rediscuterons alors de manière très précise.

M. Jimmy Pahun. Les recettes tirées du DAFN alimentent plusieurs structures ou activités : le Conservatoire du littoral, pour près de 80 %, la collectivité territoriale de Corse, mais aussi la déconstruction des navires de plaisance au travers de la filière à responsabilité élargie des producteurs (REP), qui est importante.

L’année dernière, le barème du DAFN a été gelé afin que l’on puisse cette année porter la quote-part de l’aide à l’arrêt de plaisance et de la SNSM à 2 % en 2019, et à 3 % en 2020. Et cette année les rentrées se sont avérées plutôt bonnes.

Prenons garde toutefois à ne pas imputer ce nouveau budget de la SNSM sur les crédits du programme 205 « Affaires maritimes ». Je maintiendrai donc mon amendement afin d’entendre le ministre me le confirmer en séance publique.

La commission adopte les amendements identiques ICF1384 et ICF1346 (amendement I2936). En conséquence, l’amendement ICF1589 tombe.

La commission examine les amendements identiques ICF442 de M. Éric Bothorel, ICF460 de M. Xavier Roseren et ICF986 de Mme Marie-Christine Dalloz.

M. Éric Bothorel. Initialement fixé à 0,9 % du montant hors TVA des abonnements et sommes acquittés par les usagers aux opérateurs, le taux de la taxe due par tout opérateur de communications électroniques, dite TOCE, ou « taxe Copé », a été majoré de 44 % par la loi de finance pour 2016, pour atteindre un taux de 1,3 %, dans le but d’affecter des ressources supplémentaires à France Télévisions.

Or si ce dispositif impacte fortement les capacités d’investissement des opérateurs, puisqu’ils ont versé à ce titre 2,6 milliards d’euros depuis sa création en 2009, ce qui représente l’équivalent d’environ 20 000 antennes 4G, il n’entretient aujourd’hui plus aucun lien avec sa raison d’être : le financement de l’audiovisuel public.

La loi de finances pour 2019 a en effet supprimé la part de la taxe affectée à France Télévisions : l’amendement I‑CF442 propose par conséquent, par souci de cohérence budgétaire, de revenir au taux initial de 0,9 % afin d’en réduire le poids.

M. Xavier Roseren. Défendre l’amendement identique I‑CF460 me permet d’ajouter qu’une telle évolution permettrait sûrement aux opérateurs de mieux investir. L’idée n’est pas de supprimer la taxe en question, mais de faire passer son taux de 1,3 % à 0,9 %, ce qui la ramènerait à son niveau de 2016.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’amendement I‑CF986 est défendu.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Ces amendements à 75 millions d’euros grèveront d’autant le budget général : j’y suis donc défavorable.

La commission rejette les amendements ICF442, ICF460 et ICF986.

La commission examine l’amendement ICF1543 rectifié de M. Joël Giraud, rapporteur général.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Cet amendement nous permet, et cela vous fera sûrement plaisir, de revenir aux chambres d’agriculture, même s’il porte sur un autre sujet. Je me suis rendu compte qu’en droit agricole français, la moitié de la taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TA-TFNB) était remboursée au propriétaire par le locataire, qu’il soit fermier ou métayer.

Je me suis posé la question de savoir comment les agriculteurs pouvaient bénéficier de cette taxe additionnelle, dans la mesure où ils ne sont pas tous propriétaires exploitants. Dans certains cas, comme lorsqu’un agriculteur loue des terrains en zones de montagne, son montant est, certes, minime, à savoir de l’ordre de quelques euros par an ; en revanche, dans le cas d’un agriculteur métayer dans un ensemble de quatre-vingt-dix-neuf fermes, puisqu’il s’agit du maximum, son montant peut être non négligeable.

J’ai donc, à ma grande surprise, découvert des systèmes contraignant le locataire à en rembourser une partie au propriétaire : on se retrouve alors dans une situation un peu particulière.

Étant donné que la répartition s’établit à parité, je vous propose de faire passer de 50 % à 25 % la part de la TA-TFNB que le locataire ou le métayer rembourse au propriétaire : une telle évolution préserverait l’intérêt pour celui-ci de louer ses terres tout en renforçant, s’agissant notamment des très grandes exploitations dont ils ne sont pas propriétaires – en général, il s’agit surtout de métairies ou de systèmes équivalents – les droits des exploitants.

Mme Véronique Louwagie. Les baux ruraux prévoient souvent de mettre à la charge de l’exploitant la moitié des taxes foncières et taxes additionnelles. Si je comprends bien, vous proposez, monsieur le rapporteur général, qu’il n’en prenne plus en charge que 25 % pour la taxe additionnelle.

Avez-vous eu à ce propos des contacts avec les représentants du monde agricole, c’est-à-dire avec ceux représentant tant les exploitants que les propriétaires ? Une telle évolution n’est en effet pas neutre, sachant que le plus souvent, les baux ruraux signés déterminent le montant du loyer en prenant en compte la quote-part de ces mêmes taxes mise à la charge de l’exploitant. J’ai bien peur que l’on déséquilibre brutalement un secteur, même s’il faut peut-être mener une réflexion en la matière : je veux donc m’assurer qu’un certain nombre de consultations préalables ont bien été conduites à ce sujet.

Mme Lise Magnier. Je suis pour ma part assez favorable à l’amendement du rapporteur général. Essayons de calquer le modèle agricole sur les relations usuelles entre propriétaires et locataires : quand on est propriétaire, on ne récupère pas sa taxe foncière auprès de son locataire !

Aujourd’hui, la TA-TFNB est payée par le propriétaire et son locataire lui en rembourse la moitié : faire passer de 50 % à 25 % la fraction remboursée par le locataire en vue d’accompagner les exploitations agricoles et de favoriser un peu moins les propriétaires fonciers me convient. Pourquoi pas, en effet ?

M. Jean-Paul Mattei. Cette règle de répartition à parité figure dans la plupart des baux ruraux : une telle évolution impliquerait par conséquent de modifier toutes les conventions en cours. Par ailleurs, qui, de la règle extérieure ou du contrat, prévaudra ?

En outre, la récupération de la taxe foncière est une pratique que l’on retrouve également dans les baux commerciaux : il s’agit en effet d’un complément de loyer. J’avoue ne pas être certain qu’il s’agisse d’une bonne mesure : il me semble qu’un peu de recul serait nécessaire pour en apprécier la pertinence. Comme vient de le dire Véronique Louwagie, il faudrait à tout le moins échanger à ce sujet.

M. Joël Giraud, rapporteur général. J’ai profité d’un bref séjour que j’ai effectué dans un département que Jean-Paul Dufrègne connaît bien pour examiner la situation sur le terrain, et en particulier celle des métayers, qui me semblait la plus étonnante dans la mesure on a souvent dans leur cas affaire à des volumes fonciers importants. Pour être très clair, si j’ai à cette occasion poussé la porte de certaines exploitations agricoles, je n’ai pas pu pousser celle de châteaux. (Exclamations.)

Mon propos n’est pas caricatural : il correspond à une réalité. Je ne connais en effet pas d’association de propriétaires fonciers.

Je ne caricature rien : je ne fais que décrire une situation vécue par certains dans la ruralité, notamment dans des départements dans lesquels le métayage est encore majoritaire.

M. Jean-Paul Mattei. Nous sommes au XXIe siècle !

M. Joël Giraud, rapporteur général. Certes, mais le métayage est une pratique qui n’est à mon sens pas tout à fait du XXIe siècle.

M. Jean-Paul Dufrègne. C’est une mauvaise image que vous donnez du département de l’Allier !

M. Joël Giraud, rapporteur général. Précisément, on veut rendre l’Allier plus social. (Sourires.)

La commission adopte l’amendement ICF1543 rectifié (amendement I2937).

La commission examine l’amendement ICF314 de Mme Jeanine Dubié.

M. Michel Castellani. Madame Dubié propose de demander au Gouvernement la remise d’un rapport sur l’avenir et la réorganisation des chambres d’agriculture.  Le but est d’ouvrir une réflexion sur une potentielle refondation de ces chambres.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je demande le retrait de cet amendement. À défaut, j’y serai défavorable.

M. Michel Castellani. Un tel retrait serait malvenu vis-à-vis de son auteur, notre collègue Jeanine Dubié : je le maintiens.

La commission rejette l’amendement ICF314.

La commission examine ensuite l’amendement ICF292 de M. Michel Castellani.

M. Michel Castellani. Il me semblait que cet amendement était tombé dans la mesure où son exposé sommaire indique que les chambres d’agriculture ne pourront pas assumer la suppression de la référence à l’échelon départemental.

M. le président Éric Woerth. Il n’est pas tombé par le fait qu’il porte sur l’alinéa 66 de l’article 27 et que l’amendement I‑CF168 que nous avons adopté tout à l’heure n’a supprimé que les alinéas 46 à 53.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Dans la mesure où il s’agissait d’un des éléments de mon amendement général portant sur cette question, je ne peux que donner un avis favorable le concernant : il faut être cohérent. Son adoption donnerait la priorité aux chambres départementales sur les chambres régionales, comme le prévoyait mon amendement général. Je ne saurais me déjuger…

La commission adopte l’amendement ICF292 de M. Michel Castellani (amendement I2967).

La commission examine l’amendement ICF1368 de M. Xavier Paluszkiewicz.

M. Xavier Paluszkiewicz. Cet amendement est conforme à l’exigence de transparence des finances publiques. Dans un contexte dans lequel le produit des taxes affectées s’élève à 28,6 milliards d’euros, comme le relève le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), cette exigence de transparence – inscrite à l’article 15 de la Déclaration de 1789 – implique la publication d’informations plus larges les concernant. Ainsi, le CPO invite à publier un compte d’emploi qui permettrait de rendre compte au mieux de leur usage : il pourrait en outre constituer une annexe du tome II  Évaluations des voies et moyens  du projet de loi de finances.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Cet amendement va indubitablement dans le bon sens : il demande la publication par les organismes bénéficiaires d’une taxe affectée d’un rapport annuel portant sur son emploi, ainsi que celle – dans le tome II Évaluations des voies et moyens – d’un compte d’emploi retraçant l’ensemble des actions financées grâce aux ressources fiscales affectées.

S’il va dans le bon sens, je pense qu’il est, pour ce qui est de l’emploi des taxes affectées, satisfait par les rapports annuels dont nous disposons.

Pour ce qui est de l’annexe au tome II Évaluations des voies et moyens, il faut à mon sens la compléter afin qu’elle comporte tout ce qu’elle doit d’ores et déjà comporter avant de songer à l’alourdir, ce qui signifie qu’il faut avant toute chose que nous disposions des informations exhaustives que cette annexe doit comporter.

Je vous propose donc, cher collègue, de retirer l’amendement tant que ledit tome II reste insuffisant…

L’amendement ICF1368 est retiré.

La commission adopte l’article 27 modifié.

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Article additionnel après l’article 27
Affectation à la Société nationale des sauveteurs en mer d’une fraction du droit de timbre sur le permis de conduire des bateaux de plaisance à moteur

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques ICF1388 de M. le rapporteur général Joël Giraud et ICF1349 de Mme Émilie Cariou, les amendements ICF1037 de M. Jimmy Pahun, ICF1199 de Mme Valérie Rabault et ICF1590 de la commission du développement durable, ainsi que l’amendement ICF84 de M. Fabrice Brun.

M. Joël Giraud, rapporteur général. L’amendement I‑CF1388 porte sur l’affectation à la SNSM d’une fraction du produit du droit de timbre payé au moment de la délivrance du permis de conduire les bateaux de plaisance à moteur. Les précédents amendements portaient sur les plafonds d’affectation. Ceux-ci portent sur l’affectation elle-même.

Mme Émilie Cariou. L’amendement I‑CF1349 est identique.

Mme Valérie Rabault. Je retire l’amendement I‑CF1199 dans la mesure où le rapporteur général s’est engagé à ce que nous trouvions ensemble une solution.

L’amendement ICF1199 est retiré.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur pour avis. L’amendement I‑CF1590 est défendu.

La commission adopte les amendements ICF1388 et ICF1349 (amendement I2967).

En conséquence, les amendements ICF1037 et ICF1590 tombent.

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Après l’article 27

M. Fabrice Brun. L’amendement I‑CF84 vise à affecter à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) une fraction supplémentaire du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), à hauteur de 500 millions d’euros.

Une telle affectation se ferait bien entendu à budget et à fiscalité constants. L’idée est de renforcer les moyens de modernisation de nos infrastructures de transport, dont la désormais célèbre route nationale 102, en portant le budget de l’AFITF qui est fixé par ce projet de loi de finances d’environ 2,5 milliards d’euros à 3 milliards d’euros, ce qui serait plus conforme aux éléments publiés par le Conseil d’orientation des infrastructures (COI).

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je surveille de près, comme tous les élus de terrain, les ressources de cette agence, notamment parce que le projet de loi d’orientation des mobilités (LOM) fixe en la matière des objectifs qu’il importe de respecter.

Je peux vous garantir qu’en 2020 l’AFITF disposera bien d’un budget de 3 milliards d’euros car, outre le produit de certaines taxes affectées, de celui de certaines redevances domaniales, à hauteur de 360 millions d’euros, du produit des amendes « radar », qui lui sera affecté, et qui s’élèvera à 193 millions d’euros, elle bénéficiera d’autres recettes.

Cela explique qu’à l’heure actuelle ses ressources pour 2020 s’avèrent totalement conformes aux prévisions, soit 2,982 milliards d’euros. Puisqu’il est satisfait, je vous demande donc, cher collègue, de retirer l’amendement I‑CF84.

M. Fabrice Brun. Ma proposition vise bien à abonder le budget de l’AFITF de 500 millions d’euros de plus, à fiscalité constante : la TICPE étant prélevée, le but est d’éviter que la totalité de son produit ne soit affectée au budget général de l’État et de flécher une partie de son produit vers l’AFITF. Cela permettrait de rénover nos infrastructures de transport, et notamment nos routes nationales sur lesquelles l’État a pris beaucoup de retard.

Il faut en effet les sécuriser, les moderniser et les rénover grâce à ces moyens supplémentaires.

Aujourd’hui, et malgré toutes les prévisions, certaines infrastructures prioritaires situées dans des départements ne comptant ni autoroutes ni lignes ferroviaires de voyageurs, mais par exemple une seule route nationale, ne sont pas prises en charge financièrement.

C’est clairement pour répondre aux besoins de ces territoires enclavés que j’ai déposé et que je maintiens cet amendement.

M. Éric Coquerel. Je soutiendrai cet amendement, au moins dans son principe, à défaut de l’avoir expertisé suffisamment, car il permet d’alerter nos concitoyens sur l’état des routes dans notre pays.

Nous réduisons actuellement les crédits alloués au ministère de la transition écologique et solidaire : j’y reviendrai, en tant que rapporteur spécial, lors de leur examen. Son personnel nous alerte sur l’état de nos routes et sur tous les problèmes de sécurité que cela implique. Je ne voudrais pas qu’à force de les avoir laissées se dégrader, on en vienne à nous dire qu’il faut les privatiser, au motif que le privé ferait mieux que le public en la matière.

Je soutiens donc cet amendement qui pointe cette difficulté.

La commission rejette l’amendement ICF84.

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Article 28
Affectation de recettes denchères de quotas démission
au fonds pour linnovation institué par la directive établissant un système déchange de quotas démission de gaz à effet de serre
dans lUnion européenne

Résumé du dispositif et effets principaux

Le règlement délégué (UE) de la Commission du 30 octobre 2018 prévoit que 50 millions de quotas d’émission de gaz à effet de serre, non alloués entre 2013 et 2020 car mis en réserve pour garantir la stabilité du système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre (SEQE-UE), doivent être mis aux enchères en 2020 dans l’Union européenne. Le produit de ces enchères alimentera le fonds pour l’innovation adossé au SEQE-UE, qui finance notamment des projets de développement de technologies bas carbone ou de stockage du carbone.

Les 25 États membres de l’Union européenne participant au système d’enchères du SEQE, dont la France, se répartissent une part égale de ces quotas non alloués à mettre aux enchères. La France devra donc organiser la mise aux enchères de 2 millions de quotas non alloués (en plus de la quote-part qui lui revient pour 2020) – mais ne sera que l’intermédiaire de cette opération, puisque le produit de cette cession revient de droit à l’Union européenne.

En conséquence, le présent article organise une dérogation au droit commun, qui prévoit l’affectation des recettes de telles enchères à l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), afin que le produit de la vente de ces 2 millions de quotas soit bien affecté au fonds de l’innovation précité.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   L’État du droit

A.   L’utilisation des quotas d’Émission de gaz à effet de serre

Le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre (SEQE–UE) est un marché créé au sein de l’Union européenne en 2003 pour limiter la quantité de gaz à effet de serre (dioxyde de carbone, protoxyde d’azote et hydrocarbures perfluorés) émis sur son territoire, par la directive n° 2003/87/CE du 13/10/03 établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans l’Union.

Sur ce marché transitent des droits d’émission de gaz à effet de serre (GES), sous la forme de quotas d’émission, que doivent acquérir puis peuvent échanger les installations les plus consommatrices d’énergie ([628]) ainsi que les compagnies aériennes ([629]). Environ 11 000 producteurs sont concernés, qui représentent 40 % des émissions de GES de l’Union européenne, doivent donc légalement disposer de quotas, dans la limite de plafonds d’émission, pour poursuivre leur activité. À la fin de l’année civile, les producteurs restituent le nombre de quotas qui permet de couvrir le montant total de leurs émissions, sous peine d’être sanctionnés. Tout excédent de quotas peut être « épargné » ou revendu sur le marché par leur propriétaire. La confrontation de l’offre et de la demande de quotas donne le « prix » du carbone.

Évolution du cours du carbone entre 2008 et 2019

(euros par tonne métrique)

Source : Bloomberg, WisdomTree, août 2019

Le SEQE-UE évolue à chaque nouvelle phase de déploiement. La phase 3 (2013-2020) arrive à son terme et le présent article contribue à préparer l’entrée dans la phase 4 (2021-2030).

1.   L’utilisation de droit commun par les États membres : l’allocation aux entreprises émettrices de GES

Chaque année, les États qui participent au SEQE-UE – soit les 28 États membres et les trois États membre de l’Espace économique européen (l’Islande, le Liechtenstein et la Norvège) – disposent d’un certain nombre de quotas d’émission de gaz à effet de serre (GES), en application de la directive 2003/87/CE établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans l’Union, dite directive « ETS ». La répartition entre États participants dépend principalement des émissions respectives de GES qui y sont constatées.

Les quotas d’émission sont ensuite alloués aux entreprises émettrices de GES selon des modalités variables selon les périodes considérées, selon les secteurs et selon les États membres. Toutefois, la maturation progressive du marché a été accompagnée d’une plus grande harmonisation et d’une meilleure intégration du système au fil des années. Ainsi, la phase 3 a permis de couvrir davantage de secteurs pour un volume croissant de GES et a vu la mise en œuvre de règles d’allocation harmonisées s’appliquant aux quotas distribués gratuitement.

En effet, si une grande partie des quotas est encore allouée aux bénéficiaires à titre gratuit, la mise aux enchères est la méthode par défaut d’allocation des quotas depuis 2013. Originellement, la proportion de quotas alloués gratuitement était de 95 % ; entre 2013 et 2020, 57 % des quotas en moyenne auront a priori été alloués après enchères.

En outre, depuis 2013, l’industrie de l’énergie ne peut plus être allocataire de quotas à titre gratuit, sauf dans certains États membres dans lesquels ce secteur doit encore se moderniser. Pour les autres secteurs émetteurs de GES, la part des quotas gratuits diminue au fil des années, dans des proportions variables ([630]).

2.   L’utilisation de quotas pour constituer la réserve de stabilité du marché

Le SEQE-UE dispose d’une réserve de stabilité du marché, composée à partir de quotas d’émission non alloués ou de quotas en circulation retirés du marché. Cette réserve de stabilité a été créée par la décision (UE) 2015/1814 du Parlement européen et du Conseil, pour un début de fonctionnement au 1er janvier 2019.

Cette réserve a été mise en place afin d’absorber des volumes de quotas disponibles sur le marché, qui tiraient le prix du carbone à la baisse. Ainsi, 900 millions de quotas, préalablement « gelés » pendant une phase de tension du marché, auraient dû être réintroduits sur le marché entre 2019 et 2020 : ils ont finalement fait l’objet d’une mise en réserve.

La réserve de stabilité du marché a plus généralement pour objet de permettre une intervention coordonnée des autorités du système en cas d’apparition d’une « défaillance de marché » ou pour réguler l’arrivée de nouveaux entrants. Un excédent de quotas sur le marché peut conduire à leur mise en réserve ; ils sont alors déduits des volumes à mettre aux enchères afin d’éviter un choc d’offre sur le prix du carbone (prix plus bas que l’équilibre du marché). Au contraire, les quotas mis en réserve peuvent être remis aux enchères en cas de déficit des quotas en circulation afin d’éviter de trop fortes tensions sur la demande (prix plus élevé que l’équilibre du marché).

3.   L’utilisation de quotas pour alimenter le fonds pour l’innovation

Le paragraphe 8 de l’article 10 bis de la directive « ETS », précitée, prévoit qu’un fonds pour l’innovation disposera d’une partie des quotas d’émission, soit 450 millions d’entre eux, entre 2021 et 2030 – le fonds pourra donc choisir de garder ces quotas (effet prix) ou de les mettre progressivement aux enchères (effet revenu) afin de « soutenir linnovation dans le domaine des technologies et des procédés à faibles émissions de carbone (…), ainsi que les produits remplaçant les produits à forte intensité de carbone (…),et pour encourager la mise en place et lexploitation de projets en vue dun captage et dun stockage géologique (CSC) du CO2 sans danger pour lenvironnement, ainsi que de technologies innovantes en matière dénergies renouvelables et de stockage de lénergie ».

Ce fonds pour l’innovation aura donc deux objets. Il s’agit d’encourager la transition des économies européennes vers des modes de production plus sobres en soutenant directement la recherche et le développement de technologies bas carbone dans l’Union européenne. Le fonds captera en outre une partie des quotas d’émission disponibles sur le marché, ce qui conduira à réduire l’offre de quotas disponible pour les industriels au début de la période et donc à augmenter le prix du carbone, avec pour effet anticipé la réorientation des investissements des opérateurs économiques vers des solutions moins émissives en carbone.

4.   L’utilisation ponctuelle de 50 millions de quotas mis en réserve pour financer le fonds pour l’innovation

En sus des 400 millions de quotas qui alimenteront le fonds pour l’innovation sur la période 2021-2030, le paragraphe 8 de l’article 10 bis de la directive « ETS », précitée, précise que les ressources de ce fonds sont complétées par 50 millions de quotas non alloués, issus de la réserve de stabilité du marché telle qu’elle fonctionne et aura fonctionné sur la période 2013-2020.

Ces quotas seront mis aux enchères en 2020 par les États membres, qui serviront d’intermédiaires dans cette opération de financement. Dès lors, le fonds pour l’innovation serait abondé pour débuter dès 2021 ses activités. À titre indicatif, au cours actuel du carbone au sein du marché du SEQE-UE, le produit de la vente des 50 millions de quotas rapporterait 1,25 milliard d’euros.

Selon le paragraphe 5 de l’article 10 du règlement (UE) n° 1031/2010 de la Commission du 12 novembre 2010 – paragraphe créé par le règlement délégué (UE) n° 2019/7 de la Commission du 30 octobre 2018 –, « le volume de quotas (…) à mettre aux enchères en 2020 comprend également le volume de 50 millions de quotas non alloués provenant de la réserve de stabilité du marché (…). Ces quotas sont répartis à parts égales entre les États membres participant à laction commune (…) et sajoutent au volume des quotas à mettre aux enchères pour chacun deux. ».

Aux termes de cette disposition, les 25 États membres participant au SEQE-UE auront la responsabilité de procéder aux enchères de ces 50 millions de quotas, en sus des quotas dont ils disposent annuellement, et d’en collecter le produit. Dans ce cadre, la France mettra donc aux enchères, en 2020, 2 millions de quotas supplémentaires. Toutefois, à la différence des quotas de droit commun, leur cession se fait pour le compte de l’Union européenne et, plus précisément, au bénéfice du fonds pour l’innovation.

B.   La nÉcessaire adaptation du droit interne

1.   L’affectation des recettes d’enchères de quotas d’émission de GES dans le droit commun

La directive « ETS », précitée, prévoit qu’au moins 50 % des recettes des mises aux enchères doivent être utilisées à des fins liées au climat et à l’énergie.

En France, les recettes de ces enchères sont affectées, dans la limite de 420 millions d’euros, à l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), en application du I de l’article 43 de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013. L’éventuel surplus de recettes est reversé au budget général. En 2019, le produit total des recettes d’enchères serait de 525,6 millions d’euros.

2.   La nécessité d’une dérogation explicite

Sans intervention législative, le produit de la cession, par la France en tant qu’intermédiaire, des 2 millions de quotas d’émission supplémentaires serait affecté au budget de l’ANAH ou, si le produit des enchères de l’année dépassait 420 millions d’euros, au budget général.

Il convient donc d’adopter un dispositif dérogatoire, ponctuel, permettant d’autoriser l’affectation de ce produit au fonds d’innovation qui en est le destinataire en application du droit de l’Union européenne.

II.   Le dispositif proposÉ

A.   La DÉrogation À l’affectation de droit commun des recettes d’enchÈres de quotas d’Émission de GES

Le présent article complète l’article 43 de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013, dont le I prévoit l’affectation des revenus d’enchères des quotas d’émission à l’ANAH.

Un nouvel alinéa compléterait cet article 43 et prévoirait que, « par dérogation au I du présent article, les recettes provenant de la mise aux enchères en 2020 de la part française des 50 millions de quotas démission de gaz à effet de serre non alloués de la réserve de stabilité (…) sont affectées au profit du fonds pour linnovation (…). »

B.   L’impact BudgÉtaire

Facialement, cette disposition a un impact budgétaire dans la mesure où elle transfère au fonds européen pour l’innovation des recettes supplémentaires issues de la mise aux enchères des 2 millions d’euros de quotas supplémentaires attribués à la France en 2020. Toutefois, la France n’est qu’un intermédiaire dans cette opération, laquelle doit donc demeurer neutre pour ses finances publiques en application du droit de l’Union.

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La commission adopte l’article sans modification.

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Après l’article 28

La commission est saisie de l’amendement I-CF1066 de M. Lionel Causse.

M. Lionel Causse. Cet amendement aurait pu être examiné en même temps que ceux ayant trait à la Société nationale de sauvetage en mer, puisqu’il a pour objet de créer une taxe sur les séjours à bord des navires de croisière partant depuis la France ou y faisant escale et d’en affecter le produit, qui pourrait atteindre 5 millions d’euros, à la SNSM. Il s’agit donc d’un amendement « écolo-solidaire », inspiré de la taxe dite Chirac sur le transport aérien.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Il faut que vous retiriez votre amendement, car nous venons d’en adopter un qui vise précisément à affecter des crédits d’un montant à peu près équivalent à la SNSM – nous y retravaillerons en séance publique pour être certain d’adopter la mesure adéquate.

M. Lionel Causse. Certes, mais les bases de prélèvement sont différentes. Il me semblait intéressant de financer la SNSM par une taxe sur les séjours à bord des navires de croisière. J’accepte néanmoins de retirer l’amendement, mais je souhaiterais que nous en rediscutions d’ici à la séance publique.

L’amendement I-CF1066 est retiré.

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C. ‑ Dispositions relatives aux budgets annexes et aux comptes spéciaux

Article 29
Dispositions relatives aux affectations :
reconduction des budgets annexes et comptes spéciaux existants

Résumé du dispositif et effets principaux

Comme chaque année, le présent article confirme pour l’année suivante les affectations résultant des budgets annexes et de certains comptes spéciaux ouverts antérieurement à la date d’entrée en vigueur du présent PLF. Cet article s’applique sans préjudice des autres articles du présent projet de loi, qui peuvent proposer la création ou la suppression de certains de ces budgets annexes et comptes spéciaux.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

Cet article a été adopté par la commission sans modification.

Du principe d’universalité budgétaire découle celui de non-affectation de recettes à des dépenses, qui conduit à présenter distinctement et dans leur globalité les recettes et les dépenses du budget général. Toutefois, par exception à ce principe, l’article 16 de la LOLF ([631]) dispose : « Certaines recettes peuvent être directement affectées à certaines dépenses. Ces affectations prennent la forme de budgets annexes, de comptes spéciaux ou de procédures comptables particulières au sein du budget général, dun budget annexe ou dun compte spécial. »

Par ailleurs, le 3° du I de l’article 34 de la même loi organique prévoit que « la loi de finances de lannée comporte toutes dispositions relatives aux affectations de recettes au sein du budget général de lÉtat ».

En conséquence, l’objet du présent article est de confirmer, pour 2020, les affectations résultant de budgets annexes et de comptes spéciaux créés par les lois de finances antérieures.

Le dispositif est le suivant : « Sous réserve des dispositions de la présente loi, les affectations résultant de budgets annexes créés et de comptes spéciaux ouverts antérieurement à la date dentrée en vigueur de la présente loi sont confirmées pour lannée 2020 ».

Les budgets annexes et les différentes catégories de comptes spéciaux

Les budgets annexes et les comptes spéciaux constituent des exceptions au principe de non-affectation du budget, c’est-à-dire à l’interdiction d’affecter une recette à une dépense. Ils retracent ainsi certaines recettes et certaines dépenses du budget.

Les règles de création des budgets annexes sont prévues par l’article 18 de la LOLF. Ils peuvent être créés pour retracer les seules opérations des services de l’État non dotés de la personnalité morale résultant de leur activité de production de biens ou de prestation de services donnant lieu au paiement de redevances.

Les différentes catégories de comptes spéciaux sont définies par les articles 19 à 24 de la LOLF.

Les comptes daffectation spéciale retracent des opérations budgétaires financées au moyen de recettes particulières qui sont, par nature, en relation directe avec les dépenses concernées. En cours d’année, le total des dépenses engagées ou ordonnancées au titre d’un compte d’affectation spéciale ne peut excéder le total des recettes constatées. Les autorisations d’engagement et les crédits de paiement disponibles en fin d’année sont reportés sur l’année suivante pour un montant qui ne peut excéder le solde du compte.

Les comptes de commerce retracent des opérations de caractère industriel et commercial effectuées à titre accessoire par des services de l’État non dotés de la personnalité morale. Les évaluations de recettes et les prévisions de dépenses de ces comptes ont un caractère indicatif. Seul le découvert fixé pour chacun d’entre eux présente un caractère limitatif.

Les comptes dopérations monétaires retracent les recettes et les dépenses de caractère monétaire. Pour cette catégorie de comptes, les évaluations de recettes et les prévisions de dépenses ont également un caractère indicatif. Seul le découvert fixé pour chacun d’entre eux a un caractère limitatif.

Les comptes de concours financiers retracent les prêts et avances consentis par l’État. Un compte distinct doit être ouvert pour chaque débiteur ou catégorie de débiteurs. Ils sont dotés de crédits limitatifs, à l’exception des comptes ouverts au profit des États étrangers et des banques centrales liées à la France par un accord monétaire international, qui sont dotés de crédits évaluatifs.

I.   Les budgets annexes et comptes spéciaux reconduits en 2020

Seraient reconduits pour 2020 :

– deux budgets annexes avec, au total, des ressources et des charges de 2,3 milliards d’euros ;

– neuf comptes d’affectation spéciale (CAS) avec, au total, des ressources de 82,4 milliards d’euros et des charges de 81,2 milliards d’euros ;

– six comptes de concours financiers avec, au total, des ressources de 127,4 milliards d’euros et des charges de 128,7 milliards d’euros ;

– dix comptes de commerce avec, au total, des autorisations de découvert de 19,9 milliards d’euros (dont 19,2 milliards pour la seule gestion de la dette et de la trésorerie de l’État) ;

– et trois comptes d’opérations monétaires avec, au total, des autorisations de découvert de 250 millions d’euros, pour le seul compte Pertes et bénéfices de change.

Cette confirmation de l’affectation des ressources se fait « sous réserve » des dispositions particulières qui pourraient être contenues dans la loi de finances issue du présent PLF.

En l’occurrence, l’article 30 et l’article 33 du présent PLF proposent la suppression, respectivement, des CAS Financement national du développement et de la modernisation de lapprentissage (FNDMA) et Aide à lacquisition de véhicules propres (AAVP).

Le CAS FNDMA est supprimé car il est rendu caduc par la création de France compétences. Au 1er janvier 2020, les ressources qui lui étaient auparavant affectées – principalement une partie de la taxe d’apprentissage – financeront France compétences.

Le CSA AAVP est supprimé car l’équilibre de ses ressources et de ses dépenses n’est plus assuré depuis l’entrée en vigueur de la loi de finances pour 2019. En outre, l’article 18 du présent projet de loi prévoit une refonte des différents « malus » applicables aux véhicules à moteur à compter de 2021. Le produit du « malus » automobile, qui est la seule ressource qui est actuellement affectée au CAS AAVP, sera reversé au budget général.

II.   Les soldes des budgets annexes et comptes spéciaux

Le tableau suivant présent le solde des deux budgets annexes de l’État.

Solde des budgets annexes

(en millions d’euros)

Budgets annexes

2019

(LFI)

2020

(PLF)

Contrôle et exploitation aériens

Ressources

2 115

2 118

Charges

2 121

2 141

Solde

– 6

– 23

Publications officielles et information administrative

Ressources

178

177

Charges

166

157

Solde

+ 12

+ 20

Solde de lensemble des budgets annexes

+ 8

 3

Source : présent PLF.

Les comptes spéciaux se décomposent en 11 comptes d’affectation spéciale, ayant pour objet d’affecter des recettes à des dépenses liées entre elles ; 6 comptes de concours financiers, qui ont pour objet de permettre à l’État de faire des avances financières ; 10 comptes de commerce permettant de réaliser des opérations de nature industrielle ou commerciale ; 3 comptes d’opérations monétaires permettant de réaliser des opérations strictement d’ordre monétaire.

Les deux tableaux ci-dessous mentionnent le solde attendu des comptes spéciaux pour 2019 et pour 2020, ainsi que les autorisations de découvert des comptes de commerce et d’opérations monétaires.

Solde des comptes spéciaux

(en millions d’euros)

Comptes

2019

(LFI)

2020

(PLF)

Comptes d’affectation spéciale

Recettes

82 891

82 381

Charges

81 029

81 195

Solde

+ 1 863

+ 1 186

Comptes de concours financiers

Recettes

126 251

127 440

Charges

127 253

128 736

Solde

– 1 002

– 1 296

Solde des comptes de commerce

+ 46

+ 54

Solde des comptes d’opérations monétaires

+ 79

+ 91

Solde de lensemble des comptes spéciaux

+ 1 021

+ 35

Source : présent PLF.

autorisation des découverts des comptes spéciaux

(en millions d’euros)

Comptes

2019

(LFI)

2020

(PLF)

Comptes de commerce

19 860,8

19 896,8

Comptes d’opérations monétaires

250

250

Source : présent PLF.

III.   la liste des budgets annexes et comptes spéciaux

Les cinq tableaux suivants récapitulent les intitulés des budgets annexes et des comptes spéciaux confirmés par le présent article.

Liste des budgets annexes du plf 2020

Contrôle et exploitation aériens

Publications officielles et informations administratives

Liste des comptes d’affectation spéciale du plf 2020

Aide à lacquisition de véhicules propres (suppression proposée, cf. article 33 du PLF 2020)

Contrôle de la circulation et du stationnement routiers

Développement agricole et rural

Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale

Financement national du développement et de la modernisation de lapprentissage (suppression proposée, cf. article 30 du PLF 2020)

Gestion du patrimoine immobilier de l’État

Participation de la France au désendettement de la Grèce

Participations financières de l’État

Pensions

Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs

Transition énergétique

* Compte dont la suppression est proposée par le présent PLF, respectivement par l’article 33 et l’article 30.

Liste des comptes de concours financiers du plf 2020

Accords monétaires internationaux

Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics

Avances à l’audiovisuel public

Avances aux collectivités territoriales

Prêts à des États étrangers

Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés

Liste des comptes de commerce du plf 2020

Approvisionnement de l’État et des forces armées en produits pétroliers, biens et services complémentaires

Cantine et travail des détenus dans le cadre pénitentiaire

Couverture des risques financiers de l’État

Exploitations industrielles des ateliers aéronautiques de l’État

Gestion de la dette et de la trésorerie de l’État

Lancement de certains matériels de guerre et matériels assimilés

Opérations commerciales des domaines

Régie industrielle des établissements pénitentiaires

Renouvellement des concessions hydrauliques

Soutien financier au commerce extérieur

Liste des comptes d’opérations monétaires du plf 2020

Émission des monnaies métalliques

Opérations avec le Fonds monétaire international

Pertes et bénéfices de change

*

*     *

La commission adopte l’article sans modification.

*

*     *

 

 


Article 30
Suppression du compte daffectation spéciale Financement national du développement et de la modernisation de lapprentissage

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise à supprimer le compte d’affectation spéciale Financement national du développement et de la modernisation de lapprentissage (CAS FNDMA).

Instauré principalement afin de verser une partie de la taxe d’apprentissage aux régions, le CAS n’a désormais plus d’objet car le financement de l’apprentissage relève désormais de l’établissement public France Compétences, créé par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

Cet article a été adopté par la commission sans modification.

I.   L’État du droit

A.   Le compte d’affectation spéciale Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage 

1.   Historique

Le compte d’affectation spéciale Financement national du développement et de la modernisation de lapprentissage (CAS FNDMA) a été créé par l’article 23 de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011.

Initialement, le CAS avait pour objet de se substituer au Fonds national du développement et de la modernisation de l’apprentissage (FNDMA), créé en 2005 dans le cadre de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale, pour mieux retracer les ressources et les dépenses de la politique d’apprentissage.

Le CAS assurait alors, en dépenses, la péréquation entre les centres de formation d’apprentis (CFA) et le financement des contrats d’objectifs et de moyens entre l’État et les régions visant au développement de l’apprentissage. En recettes, le CAS était principalement alimenté par la contribution supplémentaire à l’apprentissage. Le recours à un CAS avait également pour justification initiale de faciliter la mise en place de la politique de « bonus-malus » mise en place en 2011 pour encourager le développement de l’apprentissage dans les entreprises de plus de 250 salariés – attribution d’un bonus financier par contrat et par an aux entreprises qui dépassent le quota de 5 % d’alternants prévu par la loi ([632]) et aggravation du taux de la contribution supplémentaire à l’apprentissage (CSA) pour les entreprises qui s’éloignent le plus du quota. Ce « bonus-malus » n’a toutefois pas perduré sous ce format ([633]).

2.   Fonctionnement du compte en 2019

L’architecture actuelle du CAS FNDMA a significativement évolué du fait des modifications législatives intervenues via la loi de finances pour 2015 ([634]), dans la continuité de la réforme de l’apprentissage instaurée par la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale.

Depuis 2015, une fraction de la taxe d’apprentissage et une fraction de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) sont affectées aux régions, dont la compétence en matière de développement de l’apprentissage a été renforcée. Le CAS FNDMA a pour objet de répartir la fraction régionale de la taxe d’apprentissage entre les régions.

a.   En recettes

Le CAS FNDMA est alimenté, en recettes, par 51 % du produit de la taxe d’apprentissage, soit la quote-part de cette taxe revenant aux régions en application de l’article L. 6241-2 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l’adoption de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel. À la marge, il retrace également des ressources issues de recettes diverses : des sanctions en matière de taxe d’apprentissage ou des fonds de concours.

La part de taxe d’apprentissage que le CAS devrait percevoir en recettes s’élève, en 2019, à 1 709,71 millions d’euros.

b.   En dépenses

En dépenses, le CAS FNDMA finance la part fixe de la ressource régionale consacrée au développement de l’apprentissage, au travers du programme 787 intitulé Répartition de la ressource régionale consacrée au développement de lapprentissage. Cette ressource est également alimentée par une fraction de TICPE, non retracée dans le CAS, afin qu’elle atteigne le montant de 1 544,1 millions d’euros fixé par l’article L. 6241-2 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l’adoption de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

En outre, le CAS finance la part variable de cette même ressource, au titre de la péréquation entre les régions, par la mise en œuvre du programme 790 intitulé Correction financière des disparités régionales de taxe dapprentissage et incitations au développement de lapprentissage, qui répartit le solde « dynamique » de la fraction régionale pour l’apprentissage après versement de la part fixe.

La péréquation repose sur deux critères : les disparités régionales dans les versements de la taxe d’apprentissage et l’évolution des effectifs régionaux des apprentis inscrits en centre de formation d’apprentis (CFA) ou en section d’apprentissage.

Équilibre du CAS FNDMA prÉvu pour 2019

(en millions deuros)

Année

Recettes

Dépenses

Résultat

(solde 2018 : 30,2)

Part de taxe dapprentissage

Recettes diverses

Total

Ressource régionale fixe

Ressource régionale dynamique

Total

2019

1 709,7

0,0

1 709,7

1 384,5

325,2

1 709,7

0

Source : loi de finances pour 2019.

En 2019, le CAS doit répartir 1 384,5 millions d’euros entre les régions au titre de la part fixe de la ressource régionale (complétée par 159,6 millions d’euros de TICPE, retracés hors CAS) ­ ; la différence avec le montant estimé des recettes de l’exercice, soit 325,2 millions d’euros de taxe d’apprentissage, constitue la part variable faisant l’objet d’une péréquation entre les régions.

3.   Exécution budgétaire depuis 2016

L’exécution budgétaire du CAS FNDMA témoigne d’un dynamisme effectif entre 2016 et 2018 de la part de la taxe d’apprentissage retracée dans le CAS, qui a permis une augmentation sensible de la part péréquée.

ExÉcution budgÉtaire du CAS FNDMA depuis 2016

(en millions d’euros)

Années

Recettes

Dépenses

Résultat et solde

(solde 2015 : 12,3)

Part de taxe dapprentissage

Recettes diverses

Total

Ressource régionale fixe

Ressource régionale dynamique

Total

2011-2015

+ 12,3

2016

1 545,0

0,0

1 545,0

1 395,8

106,4

1 502,2

+ 42,8

2017

1 596,0

0,0

1 596,0

1 393,6

241,5

1 635,0

39,0

2018

1 703,9

0,1

1 704,0

1 389,9

300,0

1 689,9

+ 14,1

2011-2018

30,2

Source : lois de règlement du budget des années 2016 à 2018.

Note : pour des raisons de clarté liées à l’évolution du périmètre du CAS, seul le solde du compte est considéré pour les années 2011-2015.

B.   Le nouveau circuit de financement de l’apprentissage issu de la loi du 5 septembre 2018

La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, précitée, a réformé l’accompagnement de l’apprentissage en France, notamment sa gouvernance et son financement.

À partir de 2020, la composition et les modalités de collecte de la taxe d’apprentissage seront simplifiées, tandis qu’un établissement public, France compétences, sera chargé de réguler et de répartir les ressources affectées à la formation professionnelle et à l’apprentissage. La compétence des régions en matière d’apprentissage est, en parallèle, fortement réduite, notamment en matière de financement et de régulation de l’implantation des centres de formation d’apprentis (CFA). Les régions disposeront toujours d’une compétence de péréquation financière et d’appui en faveur des CFA.

1.   La réforme de la taxe d’apprentissage

La taxe d’apprentissage finance la prise en charge de l’apprentissage et des formations technologiques et professionnelles par les entreprises. Elle est due par toute entreprise soumise à l’impôt sur le revenu ou sur les sociétés, et son montant est calculé sur la base des rémunérations versées – le taux de droit commun est égal à 0,68 % de la masse salariale.

L’article 37 de la loi du 5 septembre 2018 maintient les grandes caractéristiques de la taxe d’apprentissage mentionnées ci-dessus, mais la regroupe, avec la contribution à la formation professionnelle, dans une contribution unique à la formation professionnelle et à l’alternance.

Avant la réforme, le produit de la taxe d’apprentissage était réparti en trois fractions : 51 % pour la ressource régionale, 26 % pour le quota de financement des centres de formation d’apprentis et 23 % pour la part « hors quota ». À compter de 2020, la taxe d’apprentissage se répartira de la façon suivante :

– une part égale à 87 % est destinée au financement de l’apprentissage et est reversée à cet effet à France compétences ;

– le solde, soit 13 %, est composé de dépenses libératoires effectuées par l’employeur, c’est-à-dire qu’il peut imputer certaines dépenses (comme l’acquisition de matériel pédagogique) sur le montant de taxe dû.

La collecte de la taxe d’apprentissage sera confiée aux URSSAF à compter du 1er janvier 2021. Son produit est reversé à France compétences à compter du 1er janvier 2020.

2.   La création de France compétences

La loi du 5 septembre 2018 a créé, à compter du 1er janvier 2019, l’établissement public administratif France compétences, dont les missions sont fixées par l’article L. 6123-5 du code du travail. Il s’agit d’un organisme dont la gouvernance est quadripartite : État, régions, organisations syndicales représentatives et organisations d’employeurs représentatives.

Parmi ses missions principales figure celle de répartir, à compter de 2020, les ressources finançant l’apprentissage et la formation professionnelle, dont le produit de la taxe d’apprentissage et des contributions des entreprises au développement de la formation professionnelle. La répartition s’effectue selon les modalités suivantes :

– l’État perçoit les fonds destinés à la formation des demandeurs d’emploi ;

– les régions reçoivent les fonds pour la péréquation financière à mettre en œuvre s’agissant du financement des centres de formation d’apprentis (CFA) ;

– la Caisse des dépôts et consignations perçoit les fonds affectés au financement du compte personnel de formation ;

– les « opérateurs de compétences » perçoivent les fonds destinés au développement des compétences dans les entreprises de moins de 50 salariés.

France compétences va donc devenir l’organisme répartiteur unique des fonds de soutien au développement de l’apprentissage. L’objet du CAS FNDMA sera donc caduc dès le début de l’exercice 2020.

II.   Le dispositif proposÉ

A.   La suppression du CAS FNDMA

Le I de l’article prévoit que le compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage » est clos à compter du 1er janvier 2020.

Le solde du compte à la date de sa clôture est reversé au budget général.

Le II abroge les I et II de l’article 23 de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificatives pour 2011.

Le I constitue le cadre juridique du compte d’affectation spéciale et mentionne quelles recettes et dépenses y sont retracées. Son abrogation est nécessaire car cette disposition n’est pas compatible avec les nouvelles dispositions relatives au financement de l’apprentissage prévues par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

Le II comporte deux dispositions transitoires qui avaient pour objet, d’une part, de porter le solde de l’ancien Fonds national de développement et de modernisation de l’apprentissage en recette du CAS FNDMA au moment de sa création et, d’autre part, d’autoriser un découvert du CAS à hauteur de 320 millions d’euros pendant trois mois après sa création. Cette disposition n’a donc plus d’objet depuis 2012.

B.   L’impact BudgÉtaire

La clôture du CAS FNDMA n’a pas d’impact budgétaire, sur les finances publiques puisque la part de taxe d’apprentissage qui était affectée au CAS et les dépenses qui y étaient retracées seront prises en charge par France compétences.

L’effet serait légèrement positif pour l’État dans la mesure où le CAS devrait disposer fin 2019 d’un solde de trésorerie qui sera versé au budget général. Le solde de trésorerie fin 2018 s’élevait à 30,2 millions d’euros.

*

*     *

La commission adopte l’article sans modification.

*

*     *

 

 


Article 31
Baisse du tarif de la contribution à laudiovisuel public (CAP), actualisation et reconduction du dispositif de garantie des ressources
de laudiovisuel public (compte de concours financiers
Avances à laudiovisuel public)

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article ajuste les ressources et les crédits du compte de concours financiers Avances à laudiovisuel public (CCF AAP).

En recettes, le présent article diminue d’un euro le tarif de la contribution à l’audiovisuel public (CAP) – anciennement « redevance télévisuelle » –, en le fixant à 138 euros en métropole et 88 euros dans les départements d’outre mer. En outre, le dispositif d’indexation de la CAP en fonction de l’inflation n’est pas appliqué en 2020.

Le produit total de la CAP versé sur le compte de concours financiers devrait ainsi diminuer de 60,7 millions d’euros.

En dépenses, le compte de concours financiers retrace les dotations brutes aux opérateurs de l’audiovisuel public, en baisse de 70,6 millions d’euros en 2020 au titre de la poursuite de la réforme engagée en 2018.

Enfin, le présent article ajuste à la baisse le montant des recettes du CCF pris en charge par l’État au titre des dégrèvements de CAP, afin de parvenir à l’équilibre des recettes et des dépenses programmées. Le montant des dégrèvements de CAP compensés par l’État passe de 552 millions d’euros en 2019 à 542,1 millions d’euros en 2020, soit une diminution de 9,9 millions d’euros.

Dernières modifications législatives intervenues

Le tarif de la CAP et l’équilibre du compte de concours financiers Avances à laudiovisuel public font l’objet d’un ajustement annuel dans chaque loi de finances depuis 2008.

L’article 95 de la loi de finances initiale pour 2019 a gelé le montant de la CAP à son niveau de 2018, stabilisation inédite depuis la mise en place en 2009 du mécanisme d’indexation automatique sur l’inflation.

En outre, l’article 83 de la même loi a supprimé l’affectation d’une partie du produit de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques (TOCE) à France Télévisions, qui transitait par le CCF AAP.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

Cet article a été adopté par la commission sans modification.

I.   L’État du droit

A.   Historique du compte

1.   Des principes fixés dans la LOLF et la loi de finances pour 2006

La LOLF ([635]) a créé la catégorie des comptes de concours financiers, en supprimant par ailleurs, à compter du 1er janvier 2006, celles des comptes d’avances et des comptes de prêts.

Ces comptes, aux crédits limitatifs, ont pour avantage de permettre la réalisation d’avances, la plupart du temps au bénéfice de personnes publiques, avec un taux d’intérêt bonifié aligné sur celui des obligations ou bons du Trésor de même échéance.

Le compte de concours financiers Avances à laudiovisuel public (AAP)

La loi de finances pour 2006 (1) a prévu la création d’un compte de concours financiers destiné à retracer les avances à l’audiovisuel public.

Ce compte retrace :

– en dépenses, le montant des avances accordées à certaines personnes publiques intervenant dans le domaine audiovisuel : France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, TV5 Monde, ARTE France et l’Institut national de l’audiovisuel (INA) ;

– en recettes, les remboursements d’avances correspondant au produit de la CAP, déduction faite des frais d’assiette et de recouvrement et du montant des intérêts sur les avances, ainsi que le montant des dégrèvements de CAP pris en charge par le budget général de l’État. Depuis 2019, le compte ne bénéficie plus d’une part du produit de la taxe sur les opérateurs de communications électronique (TOCE).

(1) Article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

Dès l’origine, la clarté de la présentation du compte de concours financiers AAP a été limitée par un double mécanisme de garantie faisant intervenir à titre subsidiaire des crédits budgétaires.

La loi de finances initiale pour 2006 ([636]) a d’abord prévu que la prise en charge des dégrèvements de redevance audiovisuelle par le budget général de l’État serait soumise à un plancher.

En outre, la même loi a prévu la fixation en loi de finances initiale d’un produit minimal de CAP ; s’il s’avérait que le produit réel de cette taxe est en dessous du montant fixé par la loi de finances, la différence serait comblée par le budget général de l’État.

Pendant plusieurs années, le financement de l’audiovisuel public par des crédits budgétaires a, ainsi, été rendu en grande partie nécessaire par la suppression de la publicité après 20 heures sur les chaînes du groupe France Télévisions en 2008. La compensation budgétaire systématique du CCF AAP a cependant été progressivement mise en extinction entre 2011 et 2016 ([637]), au bénéfice d’une revalorisation annuelle de la CAP et de l’affectation au CCF, entre 2016 et 2019, d’une partie du produit de la taxe sur les opérateurs de communications électronique (TOCE).

Toutefois, le mécanisme de compensation budgétaire en cas de perception d’un produit de CAP inférieur au montant prévisionnel (« produit plancher ») a été conservé. La garantie des ressources du CCF AAP en exécution transite désormais, lorsque nécessaire, par une majoration à due concurrence des dégrèvements de CAP que le compte retrace en recettes (voir ci-dessous). Elle est donc supportée par la mission Remboursements et dégrèvements du budget général.

Le plancher de produit de la cap en loi de finances initiale

(en millions d’euros)

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2 652

2 764

2 903,6

3 028,8

3 149,8

3 214,5

3 202,8

3 214,7

3 307,6

3 246,9

Source : Lois de finances initiales et présent PLF.

L’application de ce mécanisme garantit l’équilibre du CCF AAP à chaque exercice ([638]).

2.   Une pratique qui se détourne des principes de la LOLF et de la loi
de finances pour 2006

Le compte de concours financiers AAP ne retrace donc pas uniquement des avances mais également des crédits budgétaires. L’analyse du CCF par la Cour des comptes, dans ses différentes notes annuelles d’exécution budgétaire, montre que la pratique du compte est particulièrement éloignée du respect des dispositions de la LOLF et de la loi de finances initiale pour 2006 précitée, au point que la Cour constate que le volet dépenses du CCF fonctionne comme une mission à part entière. On pourrait ajouter que le CCF a comme objet de financer des subventions via une taxe affectée, ce que l’analyse comptable de la Cour confirme : « les remboursements davances ne constituent pas des remboursements réels par les organismes audiovisuels publics, mais un jeu décritures conduisant à alimenter le compte par deux flux : le produit de la contribution à laudiovisuel public et la contrevaleur du montant des dégrèvements » ([639]).

De la même façon, les dépenses ordonnées à partir du compte de concours financiers ne sont pas réellement des avances, dès lors qu’elles ne sont, comptablement, pas considérées comme telles par les organismes bénéficiaires. La Cour relève que « les organismes publics ninscrivent pas dans leurs comptes une dette financière qui serait la contrepartie de lavance consentie par lÉtat ». De ce fait, « lopération ne se solde, en cours dannée, par aucun versement dintérêt qui aurait vocation à alimenter le budget général en tant que recettes non fiscales ni, en fin dannée, par aucun remboursement du principal venant en recette du compte de concours financiers » ([640]). En conséquence, le compte retraçait des dépenses qui, d’une part, n’étaient sont pas soumises aux mêmes normes de discipline budgétaire que les crédits du budget général et qui, d’autre part, jusqu’à peu, étaient intégralement financées grâce aux mécanismes de garantie des recettes mentionnés ci-dessus.

Après des demandes répétées de la Cour, les dépenses du CCF AAP ont été intégrées dans la norme de dépense à compter de l’exercice 2018 afin de tenir compte de la nature effective du CCF AAP.

Dans la même logique, bien que ce changement ne soit pas lié à la façon dont elle est retracée budgétairement, l’INSEE comptabilise, depuis 2018, la contribution à l’audiovisuel public comme un prélèvement obligatoire ([641]).

B.   La situation en 2019

1.   Les recettes du compte de concours financiers

Le compte de concours financiers est actuellement alimenté, à titre principal, par le produit de la CAP et, à titre accessoire, par les dégrèvements de CAP décidés par l’État (ainsi que par d’éventuels remboursements dus à une erreur de perception). La ressource liée aux dégrèvements de CAP est toujours ajustable afin de garantir l’équilibre du compte.

Les recettes du CCF AAP

(en millions d’euros)

Type de recettes

2018

2019

Évolution 2019/2018

CAP

3 214,7

3 307,6

+ 92,9

Dégrèvements de CAP

594,7

552

– 42,7

Total CAP

3 809,4

3 859,6

+ 50,5

TOCE

85,5

0

– 85,5

Total

3 894,5

3 859,6

 35

Source : lois de finances pour 2018 et pour 2019.

a.   La contribution à l’audiovisuel public (CAP)

Le régime de la CAP est fixé à l’article 1605 du code général des impôts. Le régime applicable aux particuliers se distingue de celui applicable aux personnes physiques à titre professionnel et aux personnes morales, tandis que son tarif est différent entre la métropole (139 euros en 2019) et les départements d’outre-mer (89 euros).

En plus de fixer le tarif de la CAP, l’article 1605 du CGI prévoit, depuis 2009, un mécanisme d’indexation automatique du montant de la CAP sur l’inflation. L’article prévoit que ce dernier « est indexé chaque année sur lindice des prix à la consommation hors tabac, tel quil est prévu dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour lannée considérée. Il est arrondi à leuro le plus proche ».

i.   La contribution à l’audiovisuel public des particuliers

Sont concernées, en premier lieu, pour l’imposition des particuliers, les personnes physiques détenant, au 1er janvier de l’année, un poste de télévision ou un dispositif assimilé permettant la réception de la télévision. Traditionnellement, le recouvrement de la CAP est adossé, chaque année, à celui de la taxe d’habitation. La suppression, par tranches successives, de la taxe d’habitation, n’a pour l’heure pas d’effet sur ce recouvrement : l’avis d’imposition sera le même, le cas échéant, avec une taxe d’habitation nulle à compter de 2021.

L’article 1605 bis du CGI définit, par un renvoi aux dispositifs applicables à la taxe d’habitation – sous réserve des dispositions prévues par l’article 5 du présent PLF –, les catégories de personnes dégrevées de cette contribution.

ii.   Le régime applicable aux redevables professionnels

La CAP est également due par les personnes morales. Sont exonérées de ce volet de la CAP les personnes morales de droit public pour leurs activités non assujetties à la TVA, les associations caritatives hébergeant des personnes en situation d’exclusion, les établissements sociaux et médico-sociaux, les établissements de santé et les associations socioculturelles et sportives des établissements pénitentiaires.

Le tarif applicable est le même que celui en vigueur pour les particuliers. Il s’applique toutefois à chaque point de vision – téléviseur ou écran –, avec un abattement de 30 % à partir du troisième et de 35 % à partir du trente-et-unième. Il est, en outre, multiplié par quatre pour les débits de boissons à consommer sur place.

iii.   L’augmentation tendancielle des recettes nettes de CAP

Le produit de la CAP a augmenté de manière tendancielle ces dernières années.

LE PRODUIT DE LA CAP EFFECTIVEMENT VERSÉ APRÈS IMPÔTS

(en millions d’euros)

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

3 058,9

3 155,9

3 223,2

3 376,8

3 478

3 591,4

3 651,7

3 688,7

3 730,7

3 780,2

Source : direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC).

Les chiffres présentés dans le tableau ci-dessus retracent les montants effectivement versés aux opérateurs publics, toutes taxes acquittées.

L’addition des recettes brutes de CAP et du montant correspondant aux remboursements et dégrèvements de CAP sont d’abord soumis à des frais d’assiette et de recouvrement ainsi qu’à des coûts de trésorerie, conservés par l’État. Le produit restant correspond au montant des recettes retracé dans le CCF AAP.

Enfin, la dotation versée depuis le CCF aux opérateurs est soumis à la TVA au taux de 2,1 % pesant spécifiquement sur ces subventions, en application de l’article 257 du CGI

L’augmentation du produit de la CAP résulte pour l’essentiel de l’augmentation régulière du tarif de cette contribution, résultant à la fois de la revalorisation automatique en fonction de l’inflation et d’augmentations complémentaires décidées par le Gouvernement à échéances régulières. En 2019, la stabilisation du tarif a tout de même conduit à une augmentation de 50,5 millions d’euros de ce produit, ce qui résulte mécaniquement de l’accroissement de la population française, partiellement compensé par le moindre équipement tendanciel des Français en téléviseurs.

Les augmentations successives de la CAP

(en euros)

Année

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Métropole

118

121

123

125

131

133

136

137

138

139

139

Outre-mer

75

78

79

80

84

85

86

87

88

89

89

Montant qui résulterait uniquement de l’indexation sur l’inflation

118

119

121

123

125

127

128

129

130

131

133

Source : direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC).

b.   Les dégrèvements de CAP pris en charge par le budget général

Le compte de concours financiers est, par ailleurs, alimenté par un montant correspondant aux dégrèvements et remboursements de CAP décidés par l’État. Ce montant est retracé au sein de l’action 12 du programme 200 Remboursements et dégrèvements dimpôts dÉtat, rattaché à la mission Remboursements et dégrèvements.

Le mécanisme de garantie des recettes de CAP prévu pour le CCF AAP, mentionné ci-avant, s’appuie sur ces versements effectués au titre des remboursements et dégrèvements. Il permet qu’en cas d’encaissements nets de CAP inférieurs à leur niveau prévisionnel voté en loi de finances initiale, le montant versé par le budget général au titre des dégrèvements compensés soit majoré à due concurrence. Ce mécanisme de garantie a été activé en 2010 (ponction supplémentaire sur le budget général de 2,3 millions d’euros), en 2016 (ponction de 103,3 millions d’euros) et en 2017 (ponction de 28,9 millions d’euros).

L’application de ce mécanisme conduit également à ce que le montant des dégrèvements compensés par le budget général ne corresponde pas systématiquement au montant des dégrèvements effectivement constatés. Le premier montant peut même, le cas échéant, dépasser le second.

Ces dégrèvements correspondent, en premier lieu, au dispositif dit « de maintien des droits acquis » appliqué à compter de 2005, et prévu par le 3° de l’article 1605 bis du CGI, à destination des personnes qui étaient exonérées de la redevance audiovisuelle au 31 décembre 2004. Ce dispositif, prévu par la loi de finances pour 2005 ([642]), était destiné à accompagner la transformation de l’ancienne taxe parafiscale antérieure à la CAP en imposition de toute nature, conformément au nouveau cadre posé par la LOLF.

Cette réforme s’est traduite par un rapprochement des conditions d’exonération de la CAP de celles, plus restrictives, applicables pour la TH. L’exonération de redevance audiovisuelle est ouverte aux personnes de plus de soixante-cinq ans en 2004 n’ayant pas été imposées sur le revenu au titre de l’avant-dernière année ou de l’ISF au titre de la même année. En 2019, cela signifie que demeurent exonérées, au titre du maintien des droits acquis, les personnes de plus de 80 ans au 1er janvier 2019 (correspondant aux personnes de plus de 65 ans au 1er janvier 2004) respectant les conditions susmentionnées.

À compter de 2016, le montant des restitutions opérées au titre du maintien des droits acquis a, de surcroît, été augmenté par l’effet de la loi de finances pour 2016 ([643]), qui vise à protéger les droits acquis des contribuables ayant bénéficié du maintien de leurs exonérations d’impôts locaux en 2014 et à améliorer la situation des contribuables aux revenus modestes au regard de l’imposition locale.

Les effets des mesures de lissage des impôts locaux de 2014 et 2015
sur le paiement de la CAP

L’article 28 de la première loi de finances rectificative pour 2014 (1) a maintenu l’exonération de taxe d’habitation en 2014, pour les contribuables de plus de soixante ans, ainsi que pour les veufs et veuves, qui en étaient exonérés en 2013 à raison de leur niveau de revenu fiscal de référence (RFR). Cet article a également prévu le maintien du dégrèvement de la CAP en 2014, pour ces mêmes contribuables.

Le maintien de l’exonération de taxe d’habitation et de CAP a bénéficié en 2014 à 662 000 redevables. Toutefois, la mesure prévue par l’article 28 précité n’ayant qu’un caractère temporaire, à l’automne 2015, un certain nombre de contribuables âgés se sont trouvés assujettis à la taxe d’habitation et à la CAP, alors qu’ils en étaient exonérés jusqu’alors.

Afin de remédier à cette situation, l’article 75 de la loi de finances pour 2016, précité, a permis la mise en place de ce qu’il est désormais convenu d’appeler une « clause grand-père » en deux volets :

– le premier volet permet de maintenir les droits acquis des personnes exonérées de TH en 2013, en pérennisant les effets de l’exonération prévue par l’article 28 précité lorsqu’elles ont perdu le bénéfice de l’exonération du fait de la fiscalisation des majorations de pension et de la réforme de la demi-part « vieux parents ». À cet effet, les seuils du RFR conditionnant l’exonération de la taxe d’habitation ont été rehaussés pour ces seuls redevables ;

– le second volet, qui concerne l’ensemble des contribuables, vise à lisser les effets de seuil lors de l’entrée dans l’imposition locale, grâce à la mise en place d’un dispositif « en sifflet ». En effet, lorsqu’un contribuable perd son exonération de taxe d’habitation, de taxe foncière et de CAP, les montants d’imposition à acquitter du fait de cette perte peuvent être considérables, souvent supérieurs à la hausse de revenu ayant généré cette perte.

L’article 75 de la loi de finances pour 2016 permet donc aux contribuables ayant perdu le bénéfice de l’exonération de taxe d’habitation prévue en faveur des personnes aux revenus modestes de plus de soixante ans, veufs ou veuves, ou titulaires de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), de conserver pendant deux ans le bénéfice de cette exonération, à laquelle est associé le dégrèvement de CAP. Il en est de même pour les contribuables bénéficiant de l’exonération de taxe foncière prévue en faveur des personnes aux revenus modestes de plus de soixante-quinze ans ou titulaires de l’AAH.

À l’issue de cette période de deux ans, la valeur locative utilisée pour établir la taxe foncière et la taxe d’habitation est réduite de deux tiers l’année suivante et d’un tiers l’année d’après. Ce dernier dispositif est toutefois sans impact sur le paiement de la CAP, dont la personne redevient redevable pour l’intégralité de son montant.

(1)    Loi n° 2014-891 du 8 août 2014 de finances rectificative pour 2014.

Outre ce dispositif de maintien des droits acquis, le montant des dégrèvements versés au compte de concours financiers résulte par ailleurs, à titre principal, du dispositif de dégrèvement en faveur des personnes de condition modeste, en raison de leur situation actuelle.

Le plancher de revenus en deçà duquel est opéré le dégrèvement est défini par renvoi au dispositif du revenu fiscal de référence, soit :

– 10 686 euros pour la première part de quotient familial, majorée de 2 853 euros pour chaque demi-part supplémentaire ;

– pour les personnes bénéficiant du dispositif mis en place en 2014 et 2015, 13 553 euros pour la première part de quotient familial, majorée de 2 856 euros pour chaque demi-part supplémentaire.

2.   Les dépenses financées à partir du compte de concours financiers

Le compte de concours financiers permet d’opérer des versements aux opérateurs de l’audiovisuel public, à l’exception de la production radiophonique locale, dont les subventions sont retracées au sein du budget général

Le tableau ci-dessous retrace les dotations effectivement reçues par les bénéficiaires. Le montant des dotations brutes versées à partir du compte de concours financiers ne correspondent pas aux dotations nettes effectivement perçues par les opérateurs, dans la mesure où sont prélevés entre-temps certains frais d’assiette ou taxes.

Les dotations nettes des opÉrateurs de l’audiovisuel public

(en millions d’euros)

Opérateur

2019

Évolution 2019/2018

2020

Évolution 2020/2019

France Télévisions

2 490,8

– 24,9

2 429,5

– 61,3

ARTE

277,5

– 2,0

275,3

– 2,2

Radio France

592,3

– 4,1

587,2

– 5,1

France Médias Monde

256,2

– 1,6

255,2

– 1,0

Institut national de l’audiovisuel (INA)

87,4

– 1,2

87,4

0,0

TV5 Monde

76,2

– 1,2

75,2

– 1,0

Total

3 780,4

 35,0

3 709,8

– 70,6

Source : commission des finances

Ce tableau illustre l’effort budgétaire effectivement supporté par le secteur de l’audiovisuel public. Il s’élève à 35 millions d’euros en 2019 et à 70,6 millions d’euros en 2020.

C.   Les dernières évolutions législatives

1.   L’exercice 2019 marque la fin de la hausse annuelle traditionnelle de la CAP

La loi de finances pour 2019 ne comportait pas de disposition spécifique relative au tarif de la CAP, actuellement fixé par l’article 1605 du CGI : soit 139 euros en métropole et 89 euros pour les départements d’outre-mer.

En revanche, cette loi de finances prévoit que, pour la première année depuis 2009 et par dérogation, « le montant de la contribution à laudiovisuel public nest pas indexé sur lindice des prix à la consommation hors tabac » ([644]). La revalorisation de 2 euros de la CAP qui aurait dû mécaniquement intervenir, du fait d’une inflation prévue à 1,3 %, a donc été annulée, ce qui a conduit au gel du tarif de la CAP pour l’exercice en cours.

2.   La suppression de l’affectation d’une partie du produit de la TOCE

Depuis 2016, une partie du produit de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques (TOCE) était affectée au CCF AAP, avant d’être intégralement reversée à France Télévisions. Par le truchement du CCF, une partie de la TOCE était donc affectée à France Télévisions.

La loi de finances pour 2018 a abaissé de façon significative le niveau d’affectation de la fraction de TOCE dévolue à France Télévisions, de 166,1 millions d’euros à 86,4 millions d’euros ([645]). La loi de finances pour 2019 ([646]) a supprimé cette affectation.

La taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques (TOCE)

Instituée par la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision (1), la TOCE visait à compenser le coût pour l’État de la suppression de la publicité après 20 heures sur les chaînes de France Télévisions. Aux termes de l’article 302 bis KH du CGI, les opérateurs de communications électroniques, fournissant un service en France et ayant fait l’objet d’une déclaration préalable auprès de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), sont soumis à cette taxe assise sur le montant des abonnements et autres sommes acquittées par les usagers à ces opérateurs en rémunération des services de communications électroniques qu’ils fournissent (2). La taxe est calculée en appliquant un taux de 1,3 % à la fraction de l’assiette excédant 5 millions d’euros.

La loi de finances pour 2016 a instauré l’affectation d’une fraction de la taxe à France Télévisions, à hauteur de 140,5 millions d’euros (3). Celle-ci était inscrite en recettes du compte de concours financiers Avances à laudiovisuel public.

(1) Article 33 de la loi  2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.

(2)    Sont notamment visés les services téléphoniques sur réseaux fixes, ceux sur réseaux mobiles, les services permettant daccéder à internet, etc.

(3)    Article 48 de la loi  2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016.

rendement et affectation de la toce

(en millions d’euros)

Année

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Rendement de la TOCE

181

251

258

180

254

213

201

306

263,7

266,4

237,0

Affectation à France Télévisions

140,5

166,1

86,4

0

Reversement au budget général

181

251

258

180

254

213

201

165,5

97,6

180

237,0

Source : Gouvernement.

D.   Le besoin de financement du compte en 2020

En juillet 2018, le Gouvernement a lancé une réforme de l’audiovisuel public, visant à l’adapter au nouveau contexte technologique et à renforcer son efficacité. Sur le plan budgétaire, cette réforme doit permettre la réalisation de 190 millions d’euros d’économies entre 2018 et 2022.

En 2019, l’effort budgétaire des opérateurs de l’audiovisuel public est porté à 35 millions d’euros, après 36,5 millions d’euros en 2018.

En 2020, cet effort est fixé, par le présent PLF, à 70,6 millions d’euros. Cela représente une baisse de près de 2 % des ressources des opérateurs de l’audiovisuel public, supportée plus que proportionnellement par le principal bénéficiaire de la CAP, France Télévisions (baisse de 2,5 %).

L’effort demandé aux opérateurs de l’audiovisuel public

Opérateur

Évolution 2019/2018
(en millions deuros)

Évolution 2019/2018
(en pourcentage des dotations nettes versées à partir du compte de concours financiers)

Évolution 2020/2019
(en millions deuros)

Évolution 2020/2019
(en pourcentage des dotations nettes versées à partir du compte de concours financiers)

France Télévisions

– 24,9

– 1,03 %

– 61,3

– 2,47 %

ARTE

– 2,0

– 0,71 %

– 2,2

– 0,79 %

Radio France

– 4,1

– 0,67 %

– 5,1

– 0,85 %

France Média Monde

– 1,6

– 0,62 %

– 1,0

– 0,39 %

TV5 Monde

– 1,2

– 1,35 %

0,0

 0 %

INA

– 1,2

– 1,55 %

– 1,0

–1,13 %

Total

 35

 0,94 %

– 70,6

– 1,83 %

Source : calculs de la commission des finances.

La non-indexation de la CAP sur l’inflation et la diminution de son tarif d’un euro, prévues par le présent article, devrait conduire à une baisse du montant de la CAP de 60,7 millions d’euros en 2020. La diminution prévisible des dégrèvements de CAP, couplé à l’ajustement des recettes reçues par le compte par le biais de la compensation de ces dégrèvements, permet de parvenir à l’équilibre.

Équilibre du CCF AAP en 2020

(en millions deuros)

Années

Recettes

Dépenses

Évolution 2020/2019

CAP

Dégrèvements de CAP

2019

3 307,6

552

3 859,6

-

2020

3 246,9

542,1

3 789,0

– 70,6

Le solde du compte de concours financier est toujours nul en théorie. En pratique, la Cour des comptes, dans sa note d’exécution budgétaire pour 2018 précitée, relève l’existence d’un solde légèrement positif (3,9 millions d’euros).

II.   Le dispositif proposÉ

Le I du présent article diminue le montant de la CAP d’un euro, en métropole comme dans les départements d’outre-mer, pour l’y ramener, respectivement, à 138 et 88 euros.

Le II prévoit, comme en 2019 et par dérogation au III de l’article 1605 du code général des impôts, que le « montant de la contribution à laudiovisuel public nest pas indexé sur lindice des prix à la consommation hors tabac ».

Compte tenu d’une hypothèse d’augmentation de cet indice des prix de 1,0 % retenue par le présent projet de loi finances, la revalorisation aurait dû être en 2020 de 1,39 euro, chiffre qui aurait été arrondi à 1 euro, ce qui aurait conduit à annuler la baisse du tarif présentée supra.

L’effet cumulé du I et du II conduit donc à la baisse effective du montant de la CAP, pour la première fois depuis 2009.

Le III ajuste les ressources du compte de concours financiers pour permettre son équilibre, calculé à partir de la baisse prévue de ses dépenses de 70,6 millions d’euros en 2020.

Le 1° du III diminue le montant plafond des dégrèvements de CAP que le budget général verse au CCF, de 552,0 millions d’euros en 2019 à 542,1 millions d’euros en 2020 (– 9,9 millions d’euros).

Le 2° du III diminue le montant plancher du produit de la CAP que doit percevoir le CCF, de 3 307,6 millions d’euros en 2019 à 3 246,9 millions d’euros en 2020 (– 60,7 millions d’euros).

*

*     *

La commission examine les amendements identiques I-CF290 de M. Michel Castellani et I-CF812 de Mme Elsa Faucillon.

M. Michel Castellani. L’amendement I-CF290 vise à maintenir le montant des ressources affectées à l’audiovisuel public, soumis à des objectifs de production et de qualité. La réduction d’un euro du montant de la contribution à l’audiovisuel public prévue à l’article 31 est symbolique.

M. Jean-Paul Dufrègne. Notre amendement I-CF812 tend également à supprimer l’article 31, afin de maintenir le montant actuel de la redevance en attendant que les réflexions sur le financement de l’audiovisuel public aboutissent. En effet, d’un côté, le ministre de l’action et des comptes publics semble décidé à supprimer cette redevance ; de l’autre, le ministre de la culture s’y oppose, arguant qu’elle est le principal outil de financement de l’audiovisuel public. La réforme qui sera présentée début novembre en conseil des ministres sera l’occasion de débattre de l’avenir de l’audiovisuel public et de son positionnement par rapport aux nouvelles façons de consommer, en particulier les plateformes de vidéo à la demande. Pour l’instant, la réflexion est en cours. Ainsi, dans leurs rapports, certains de nos collègues préconisent un élargissement de l’assiette de la contribution à l’audiovisuel public, considérant que les programmes télévisuels sont visibles sur tous les écrans.

Par ailleurs, nous dénonçons l’appauvrissement de France Télévisions, qui doit mettre en œuvre un plan d’économie de 190 millions d’euros d’ici à 2022. La fusion des rédactions de France 3 et France Bleu ainsi que l’arrêt de diffusion de France 4 et France Ô sont autant de mauvais signaux qui augurent d’un affaiblissement durable de notre télévision publique. La mesure, assez démagogique, consistant à baisser d’un euro le montant de la redevance n’est pas très sérieuse : elle n’aura aucune incidence sur le pouvoir d’achat des Françaises et des Français et ne fait que jeter un peu plus le trouble sur les orientations choisies pour le futur de l’audiovisuel public, dont les financements doivent être garantis, dans le PLF comme dans la future loi qui lui sera consacrée.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette les amendements ICF290 et ICF812.

Puis elle adopte l’article 31 sans modification.

*

*     *

Après l’article 31
Suppression du compte d’affectation spéciale
« Contrôle de la circulation et du stationnement routiers »

La commission est saisie de l’amendement I-CF1523 du rapporteur général.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Cet amendement tend à ajouter à la liste des comptes d’affectation spéciale (CAS) supprimés par le présent projet de loi de finances le CAS dit « Radars ». Il s’agit d’éviter la situation que nous avons connue lors des derniers événements, au cours desquels des radars ont été mis hors service, privant ainsi de recettes certains des affectataires. En effet, dans le cadre d’un compte d’affectation spéciale, il n’est pas possible de recourir à la fongibilité pour remédier à cette situation. Si nous supprimons ce CAS, les recettes des radars seront affectées au budget général de l’État, de sorte que nous pourrons pallier un éventuel effondrement des recettes en comblant directement, grâce à des crédits budgétaires, le manque de financement qui en résulterait, notamment pour l’AFITF.

M. le président Éric Woerth. Je partage votre opinion, mais l’avantage du CAS « Radars » est que l’on sait combien cela rapporte…

M. Joël Giraud, rapporteur général. L’information sur la recette sera toujours disponible.

M. le président Éric Woerth. Certes, mais le CAS facilitait de ce point de vue les choses, ne serait-ce que sur le plan psychologique…

La commission adopte l’amendement ICF1523 (amendement I2940).

*

*     *

 

 

 


Article 32
Modification des recettes des comptes daffectation spéciale
Transition énergétique et Services nationaux de transport conventionnés
de voyageurs

Résumé du dispositif et effets principaux

Le I du présent article porte de 7 246 400 000 euros à 6 276 900 000 euros le montant de la fraction de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) affectée au compte d’affectation spéciale Transition énergétique (CAS TE), soit une diminution de 969,5 millions d’euros.

Le II du présent article porte de 117,2 à 70,7 millions d’euros le montant de la fraction de la taxe d’aménagement du territoire affectée au compte d’affectation spéciale Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs (CAS TET pour trains d’équilibre du territoire), soit une diminution de 46,5 millions d’euros.

Dernières modifications législatives intervenues

Concernant le CAS TE

L’article 32 de la loi de finances pour 2019 a porté de 7 166 317 223 euros à 7 246 400 000 euros le montant de la fraction de TICPE affectée au CAS TE.

Concernant le CAS TET

L’article 32 de la loi de finances pour 2019 a porté de 141,2 à 117,2 millions d’euros le montant de la fraction de la taxe d’aménagement du territoire affectée au CAS TET.

En outre, à l’initiative du Rapporteur général, le même article a prévu que les compensations prises en charge par le CAS TET « tiennent compte de lexécution effective du service ». Autrement dit, les compensations de l’État pour l’exploitation des TET n’ont pas vocation à être versées à la SNCF lorsque les trains n’ont pas circulé.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

À l’initiative du Rapporteur général, un amendement a été adopté pour changer l’intitulé du compte d’affectation spéciale Transition énergétique. Il deviendrait le CAS Compensation des charges de service public de lénergie. L’enjeu de cet amendement est de faire correspondre de façon plus précise l’intitulé du CAS à son objet.

I.   Le compte d’affectation spÉciale Transition ÉnergÉtique

A.   L’État du droit

Le CAS Transition énergétique a été créé par l’article 5 de la loi de finances rectificative pour 2015 ([647]).

1.   Le fonctionnement du compte

a.   Les recettes du CAS Transition énergétique

En 2016, les recettes du CAS Transition énergétique étaient constituées par une fraction en pourcentage de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) et de la taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel (TICGN).

La loi de finances pour 2017 ([648]) a supprimé les quotes-parts de TICFE et de TICGN affectées au CAS TE au motif que la Commission européenne contestait le lien d’affectation entre les mécanismes de soutien aux énergies renouvelables et leur financement. Dans le même temps, et pour maintenir le niveau de recettes du compte, elle lui a affecté une quote-part du rendement de la TICPE égale à 39,75 % de la part revenant à l’État, ainsi qu’une quote-part du rendement de la taxe intérieure de consommation sur le charbon (TICC) à hauteur de 9,09 % de son rendement global.

La loi de finances pour 2018 ([649]) a institué un nouveau mode de fixation des recettes en substituant des montants aux pourcentages de TICC et de TICPE affectés au CAS TE. L’argument avancé pour justifier cette substitution était de ne pas faire peser sur les ressources du compte les aléas propres au rendement de ces taxes.

La fraction de la TICPE affectée au CAS TE a ainsi été fixée à 7,166 milliards d’euros au lieu de 39,75 % de la part de l’État dans le rendement global de cet impôt. De même, la fraction du produit de la TICC affectée au CAS TE a été fixée à 1 million d’euros au lieu de 9,09 % de son rendement.

Le niveau de recettes du CAS TE est ainsi calibré pour permettre une couverture des dépenses prévues. En contrepartie, le CAS ne peut plus bénéficier du caractère dynamique de ces deux taxes, envisagé jusqu’en 2019 via la montée en puissance de la trajectoire carbone.

i.   La taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

La TICPE est régie par les articles 265 et suivants du code des douanes. Elle frappe essentiellement les produits pétroliers.

Son produit est partagé entre l’État (dont une part pour le CAS TE), les départements, les régions et l’Agence de financement des infrastructures des transports de France (AFITF).

Affectation de la TICPE 2017-2020

(en milliards d’euros)

Année

2017

exécution

2018

exécution

2019

Prévision

2020 Prévision

État budget général

11,1

13,7

13,1

14,5

État via CAS Transition énergétique

6,1

7,2

7,2

6,3

Sous-total État

17,2

20,5

24,2

20,8

Collectivités territoriales

11,6

12,0

11,8

11,2

AFITF

1,1

1,0

1,2

1,6

Total

30,5

33,3

333,3

33,6

Source : présent PLF, annexe Évaluations des voies et moyens, tome I.

Comme la TICC et la TICGN, la TICPE inclut dans sa tarification une composante fixe et une composante carbone dénommée « contribution climat-énergie » (CCE) ou plus communément « taxe carbone ». L’article 64 de la loi de finances pour 2019, précitée, gèle la trajectoire carbone à son niveau de 2018. Par conséquent, le tarif de TICPE demeure, en 2019, à 68,29 euros par hectolitre de sans-plomb et à 59,4 euros par hectolitre de gazole routier.

ii.   La taxe intérieure de consommation sur les houilles, les lignites, et les cokes (TICC)

La taxe intérieure de consommation sur le charbon (TICC) est régie par l’article 266 quinquies B du code des douanes. La taxe est due par le fournisseur de charbon à usage combustible, lors de la livraison au consommateur final. En 2019, le taux de la TICC est maintenu au montant de 14,62 euros par mégawattheure.

Le rendement de cet impôt est assez faible, soit environ 15 millions d’euros. Il est intégralement affecté à l’État. La part revenant au CAS Transition énergétique en 2019 a été fixée à 1 million d’euros.

b.   Les dépenses du CAS Transition énergétique

Le CAS Transition énergétique a été créé pour prendre en charge les dépenses de soutien aux énergies renouvelables (programme 764 Soutien à la transition énergétique) et le remboursement au groupe EDF du déficit lié au manque de compensation de ses obligations de service public accumulé jusqu’au 31 décembre 2015, ainsi que divers autres engagements financiers (programme 765 Engagements financiers liés à la transition énergétique).

i.   Le programme 764 Soutien à la transition énergétique

Les crédits de ce programme ont vocation à financer les compensations versées aux fournisseurs dénergie au titre de charges de service public quils supportent – ces charges consistant à acheter, à un prix supérieur à celui du marché et de façon obligatoire, lénergie produite à partir de sources renouvelables. Il sagit du régime de lobligation dachat. Ces dépenses sont donc des dépenses contraintes puisquil sagit de compensations dobligations réglementaires.

La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte ([650]) a créé un dispositif alternatif de soutien aux énergies renouvelables fondé sur la possibilité, pour le producteur délectricité verte, de vendre directement sur le marché – sans passer par les fournisseurs dénergie mentionnés ci-dessus – lélectricité produite en bénéficiant, en complément du prix du marché, du versement dune prime, appelée « complément de rémunération ». Les coûts qui résultent du versement de complément de rémunération font lobjet dune compensation via le programme 764.

ii.   Le programme 765 Engagements financiers liés à la transition énergétique

Entre 2009 et 2015, les recettes issues de l’ancienne contribution au service public de l’électricité (CSPE) n’ont pas couvert les charges de service public liées au régime de l’obligation d’achat et il en résulte un déficit de compensation supporté par EDF.

Les crédits du programme 765 Engagements financiers liés à la transition énergétique sont destinés principalement à rembourser la dette de l’État à l’égard d’EDF au titre de ce déficit de compensation des charges de service public de l’électricité. Le déficit accumulé s’élève, avec les frais de portage financier, à un montant de 5,8 milliards d’euros.

c.   L’exécution budgétaire du CAS depuis sa création

L’exécution budgétaire du CAS montre d’abord la montée en charge du CAS depuis sa création, puis la stabilisation de ses ressources depuis trois ans. Le montant effectif des dépenses du CAS dépend du calcul des charges de service public effectivement constaté par la Commission de régulation de l’énergie. La différence entre le montant prévisionnel et le montant constaté des charges de service public peut être substantielle.

Ainsi, pour 2019, la délibération de la CRE du 11 juillet dernier ([651]) indique que « la mise à jour de la prévision des charges conduit à une diminution de 135 M€ par rapport aux prévisions initiales qui résulte dun rythme de développement de léolien et du biométhane plus faible que prévu ainsi que de la hausse des prix de marché de gros de lélectricité et du gaz ».

ExÉcution budgÉtaire du CAS Transition ÉnergÉtique depuis 2016

(en millions d’euros)

Années

Recettes

Dépenses

Résultats et solde

Fraction TICPE

Fraction

TICFE

Fraction

TICC

Fraction TICGN

Total

2016

4 209,4

24,4

4 233,8

3 936,3

+ 297,5

2017

6 119,7

1,2

6 120,9

6 388,6

 267,7

2018

6 588,7

1,0

6 589,7

6 571,2

+ 18,5

2016-2018

12 708,4

4 209,4

2,2

24,4

16 944,4

16 896,1

48,3

Source : lois de règlement du budget des années 2016 à 2018.

2.   Le besoin de financement du compte pour 2020

En l’état du droit, les recettes prévisibles sont de 7 279,4 millions d’euros et sont supérieures d’environ 969,5 millions d’euros au montant des dépenses prévisibles pour l’exercice 2020.

Prévisions de recettes du CAS TE pour 2020 en l’état du droit

(en millions d’euros)

Catégorie de recettes

LFI 2019

Prévision 2020

Fraction de TICPE

7 246,4

7 246,4

Fraction de TICC

1,0

1,0

Mise aux enchères des garanties d’origine *

32,0

32,0

Total

7 279,4

7 279,4

* Une garantie d’origine est un certificat permettant de garantir le caractère renouvelable d’une production d’énergie. Elle peut être vendue par le producteur sur un marché européen, qui permet depuis septembre 2019 la mise aux enchères afin d’améliorer leur valeur de marché.

Sources : présent PLF et loi de finances initiale pour 2019.

L’absence de changement du niveau des recettes entre 2019 et 2020, à droit existant, tient au fait que l’affectation des recettes du CAS TE est exprimée en euros, et non en pourcentage – ce dernier variant en fonction du dynamisme de la recette.

PrÉvisions de dÉpenses sur le CAS TE pour 2020

(en millions d’euros)

Catégorie de dépenses

LFI 2019

Prévision

Dispositif de soutien aux énergies renouvelables

5 440,4

5 413,1

Annuité de remboursement de la dette à EDF

1 839,0

896,8

Total

7 279,4

6 309,9

Sources : projet annuel de performances et loi de finances initiale pour 2019.

La baisse des dépenses provient principalement de la diminution significative de l’annuité de remboursement de la dette de l’État à l’égard d’EDF, et également d’une baisse de la compensation des charges de service public de l’énergie entre 2019 et 2020.

a.   L’évolution des engagements financiers

L’échéancier de remboursement de la dette de l’État à l’égard d’EDF au titre du déficit de compensation de charges de service public accumulé au 31 décembre 2015 a été fixé par un arrêté du 13 mai 2016.

Échéancier prÉvisionnel de remboursement À EDF
du dÉficit de compensation

(en millions d’euros)

Année

Déficit de compensation

restant dû au 31 décembre

Remboursement par le CAS TE *

2015

5 779,8

0

2016

5 558,8

194

2017

4 357,8

1 228

2018

2 735,8

1 622

2019

896,8

1 839

2020

0

896,8

Total

5 779,8

Source : arrêté du 13 mai 2016 pris en application de l’article R. 121-31 du code de l’énergie.

* Le CAS TE prend en charge le remboursement du capital dû ; le paiement des intérêts du capital restant à rembourser est pris en charge par le budget général.

Selon cet échéancier, l’année 2020 verrait le versement de la dernière annuité de remboursement : le reliquat restant à rembourser s’élève pour cet exercice à 896,8 millions d’euros.

b.   Les dispositifs de soutien aux énergies renouvelables

Par la délibération en date du 11 juillet 2019 ([652]), la Commission de régulation de l’énergie (CRE) a évalué pour 2019 les charges de service public de l’énergie au titre des dispositifs relevant du CAS TE à 5 373,6 millions d’euros. Ce montant représente principalement la compensation des charges de service public évoquées supra, qui représentent 65 % du total des charges à compenser ([653]).

Coût des dispositifs de soutien aux Énergies
renouvelables relEvant du CAS TE

(en millions d’euros)

2017

2018

2019

2020

4 613,9

5 106,9

5 429,8

5 373,6

Source : Commission de régulation de l’énergie.

La part des charges à compenser qui est retracée dans le CAS TE se stabiliserait en 2020, après trois années d’augmentation sensible. En effet, si la CRE constate la poursuite du développement des filières de production d’électricité à partir d’énergies renouvelables (principalement éolien, photovoltaïque et biomasse), la hausse prévisionnelle des prix de marché de gros de l’électricité en 2020 permettrait d’atténuer l’augmentation prévisionnelle des charges à compenser.

B.   le dispositif proposÉ

Le I du présent article porte de 7 246 400 000 euros à 6 276 900 euros le montant de la fraction de TICPE affectée en 2020 au CAS TE, soit une baisse de 969,5 millions d’euros entre 2019 et 2020, après une hausse d’environ 80 millions d’euros entre 2018 et 2019.

Ainsi, comme l’illustre le tableau suivant, le montant des recettes et des dépenses prévisibles seraient à l’équilibre pour 2020.

Équilibre du CAS TE pour 2020

(en millions d’euros)

Fraction de TICPE

6 276,9

 

Dispositif de soutien aux énergies renouvelables

5 373,6

Fraction de TICC

1,0

Annuité de remboursement de la dette à EDF

896,8

Enchères des garanties d’origine

32,0

Études préalables aux lancements d’appel d’offres

19,2

Versements au profit de gestionnaire de réseaux

20,3

Total

6 309,9

Total

6 309,9

Source : exposé des motifs du présent article.

La baisse des recettes affectées au CAS TE de 969,5 millions d’euros augmenterait en contrepartie celles du budget général du même montant.

II.   Le compte d’affectation spéciale Services nationaux de transports conventionnés de voyageurs

A.   l’État du droit

1.   Historique du conventionnement d’exploitation des trains d’équilibre du territoire

a.   La convention entre l’État et SNCF Mobilités

Depuis 2011, SNCF Mobilités exploite les trains d’équilibre du territoire (TET), aussi appelés Intercités, dans le cadre d’une convention avec l’État, qui est l’autorité organisatrice des TET. Cette convention prévoit le versement par l’État d’une compensation pour charge de service public pour assurer cette exploitation, structurellement déficitaire, par la SNCF. La première convention relative à l’exploitation des TET avait été conclue entre l’État et la SNCF le 13 décembre 2010. La convention actuelle a été signée le 27 février 2017 et couvre la période 2016-2020.

Les TET assurent un service de grandes lignes rapides entre les principales villes françaises non reliées par les lignes à grande vitesse. Ils permettent également le désenclavement des territoires situés sur des lignes interrégionales. Enfin, ils participent à l’amélioration des déplacements pendulaires dans le grand bassin parisien. Il s’agit de trains de moyenne et de longue distance qui assurent des missions d’intérêt national. À la suite de la remise du rapport de la commission parlementaire « TET d’avenir », le Gouvernement a présenté une feuille de route « pour un nouvel avenir des trains déquilibre du territoire » le 7 juillet 2015, qui avait notamment pour objet de limiter la progression du coût des TET par une adaptation de l’offre aux besoins effectifs de mobilité. La convention d’exploitation 2016-2020 s’inscrit dans la continuité de cette feuille de route.

En premier lieu, le « déconventionnement » de plusieurs lignes de nuit a été mis en œuvre. L’offre de nuit est ainsi désormais recentrée sur deux lignes d’aménagement du territoire jugées indispensables en raison de l’absence d’une offre alternative suffisante pour les territoires concernés : les lignes Paris-Briançon et Paris-Rodez/Latour de Carol.

L’État reste l’autorité organisatrice des lignes de longue distance dites « structurantes » au niveau national, à savoir les trois lignes Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, Paris-Clermont-Ferrand et Bordeaux-Toulouse-Marseille. Ces trois lignes représentent les trois-quarts du trafic des lignes TET (respectivement 28,7 %, 19,5 % et 27,3 %). Le 9 septembre 2019, le Gouvernement a annoncé un « plan Marshall » pour les deux premières lignes, à hauteur de 2 milliards d’euros. Sont également maintenues sous son autorité, au titre de l’aménagement du territoire, les trois lignes interrégionales Nantes-Bordeaux, Toulouse-Hendaye et Nantes-Lyon.

Dans le cadre de sa feuille de route, lÉtat a prévu de continuer à investir pour renouveler le matériel roulant TET sur les lignes dont lÉtat reste lautorité organisatrice de manière pérenne, comme sur les lignes devant être reprises par les régions. Dans la continuité de la convention de financement de 34 rames neuves Alstom conclue en 2013, pour un montant de 510 millions deuros, une seconde convention de financement de 30 rames neuves Alstom, pour un montant de 362 millions deuros, a ainsi été conclue en 2017. Enfin, le constructeur espagnol CAF a été retenu en octobre 2019 pour fournir 28 nouvelles rames aux lignes TET structurantes Paris-Toulouse et Paris-Clermont, pour un coût de 800 millions deuros. LÉtat sest également engagé, au travers de protocoles conclus avec les régions en 2016 et 2017, à financer le renouvellement du matériel roulant des lignes TET reprises par elles, soit à travers la fourniture de rames Alstom neuves acquises via les conventions précédemment citées, soit à travers des contributions financières en laissant le choix aux régions de déterminer le matériel le mieux adapté.

b.   La reprise du conventionnement de certains TET par les régions

Dans ce contexte, six accords entre l’État et les régions ont été conclus dans le cadre de la feuille de route de 2015. Ils prévoient la reprise progressive par les régions de la majorité des lignes de TET. En contrepartie, il est prévu que l’État verse une participation financière aux régions.

Après les reprises de plusieurs lignes TET en 2017 et 2018 par les régions Grand Est (Hirson-Metz, Reims-Dijon et Paris-Troyes-Belfort), Centre-Val de Loire (Paris-Montargis-Cosne-Nevers, Paris-Orléans-Tours, Paris-Bourges-Montluçon), Nouvelle Aquitaine (Bordeaux-Ussel, Bordeaux-Limoges et Bordeaux-La Rochelle) et Occitanie (Clermont-Ferrand-Nîmes), l’année 2019 sera marquée par la reprise des lignes Paris-Amiens-Boulogne et Paris-Saint-Quentin-Maubeuge/Cambrai par la région Hauts-de-France.

Les compensations prévues pour 2019 sélèvent à 88,2 millions deuros (voir ci-dessus), et se répartissent en faveur des régions Grand Est (13 millions deuros), Centre-Val de Loire (49 millions deuros), Nouvelle Aquitaine (6,7 millions deuros), Occitanie (4,5 millions deuros) et Hauts-de-France (15 millions deuros).

2.   Fonctionnement du compte d’affectation spéciale

Le CAS Services nationaux de transports conventionnés de voyageurs (ci-après « CAS TET ») a été créé par l’article 65 de la loi de finances pour 2011 ([654]), afin de permettre le paiement de la compensation due à la SNCF pour l’exploitation des TET. À l’origine, le recours à un CAS se justifiait pour au moins deux raisons. D’une part, l’affectation de recettes permettant la compensation financière de la SNCF correspondait à un plein contrôle du Parlement sur le financement des TET ; d’autre part, le CAS devait demeurer équilibré ou en excédent budgétaire, ce qui constituait une garantie du financement effectif et pérenne des TET.

En deuxième lieu, le CAS contribue à financer la dotation aux amortissements du matériel roulant des TET, c’est-à-dire l’immobilisation des investissements nécessaires à son renouvellement.

Enfin, depuis 2019, le CAS supporte en outre le versement, par l’État, de contributions financières aux régions ayant repris le conventionnement de l’exploitation de certains TET avec SNCF Mobilités.

L’effort financier fourni par l’État en faveur des TET ne se limite pas au financement du déficit d’exploitation des TET et à sa participation au renouvellement du matériel roulant, retracés dans le CAS. L’État prend également en charge la redevance d’accès au réseau due à SNCF Réseau pour l’activité TET ([655]).

Le CAS fonctionne de la manière suivante :

– en recettes, il est alimenté par une fraction du produit de la taxe d’aménagement du territoire (TAT), par le produit de la contribution de solidarité territoriale (CST) et par le produit de la taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires (TREF) ;

– en dépenses, il supporte principalement la contribution versée par l’État à SNCF Mobilités afin de compenser le déficit d’exploitation des TET (programme 785) et l’amortissement du matériel roulant (programme 786).

a.   Les recettes du CAS TET

i.   La taxe d’aménagement du territoire

La TAT a été instituée par la loi de finances pour 1995 ([656]). Elle est codifiée à l’article 302 bis ZB du CGI. L’objectif de la TAT est de faire contribuer les usagers des autoroutes au financement des modes alternatifs de transport.

Cette taxe est due par les concessionnaires d’autoroutes à raison du nombre de kilomètres parcourus par les usagers. Le tarif de la taxe est fixé à 7,32 euros pour 1 000 kilomètres parcourus.

Le produit de la taxe est en partie affecté au CAS TET dans la limite d’un plafond fixé à 141,2 millions d’euros depuis 2018 ([657]). L’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) est également bénéficiaire du produit de la TAT, dans la limite d’un plafond de 476,8 millions d’euros ([658]). L’éventuel reliquat est reversé au budget général.

ii.   La contribution de solidarité territoriale

La CST a été instituée, en même temps que le CAS TET, par l’article 65 de la loi de finances pour 2011 précité. Son régime est codifié à l’article 302 bis ZC du CGI. La logique de la taxe est que ses redevables, les entreprises de transport ferroviaire exploitant des lignes non conventionnées (c’est-à-dire rentables), prennent en charge une partie du déficit d’exploitation des TET, dans une logique de solidarité.

La CST est assise sur le montant total – hors TVA et déduction faite des contributions versées par l’État en compensation des tarifs sociaux – du chiffre d’affaires afférent aux activités de transport de voyageurs non conventionnées effectuées sur le réseau ferré national. En pratique, il s’agit des activités commerciales des trains à grande vitesse.

Le taux de la taxe, compris entre 0,1 % et 3 %, est fixé par arrêté conjoint des ministres chargés respectivement des transports, de l’économie et du budget ([659]). En pratique, le taux de la taxe est fixé en fonction de l’assiette déclarée afin d’obtenir le montant prévu en loi de finances, soit actuellement 16 millions d’euros.

Évolution du taux de la contribution de solidarité
territoriale depuis 2011

Année

Taux

2011

2,279 %

2012

2,888 %

2013

1,905 %

2014

1,944 %

2015

1,994212 %

2016

2,06805 %

2017

0,943 %

2018

0,34213 %

2019

0,35071 %

Source : arrêtés fixant le taux de la contribution de solidarité territoriale du 13 avril 2011, du 17 septembre 2012, du 28 juin 2013, du 22 octobre 2014, du 31 août 2015, du 30 décembre 2016, du 29 décembre 2017, du 28 août 2018 et du 26 août 2019.

Dans le cadre de la réforme du financement des TET, prévue par la convention d’exploitation 2016-2020, l’État s’est engagé à diminuer le niveau de la CST. La deuxième loi de finances rectificative pour 2017 ([660]) a ramené son montant à 40 millions d’euros en 2017 (contre 116 millions d’euros en loi de finances initiales pour 2017) et à 16 millions d’euros en 2018.

Ce dernier montant devrait rester stable jusqu’en 2022. De facto, la baisse de la CST permet d’alléger la fiscalité pesant sur l’activité TGV de la SNCF puisque celle-ci reste, à ce jour et sur ce segment de son activité, en situation de monopole.

iii.   La taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires (TREF)

La TREF a également été instituée par l’article 65 de la loi de finances pour 2011, précitée. Elle est codifiée à l’article 235 ter ZF du CGI. Elle n’est due que par les entreprises de transport ferroviaire qui sont redevables de la CST. L’assiette de la TREF, à l’instar de celle de la CST, est constituée du montant total – hors TVA et déduction faite des contributions versées par l’État en compensation des tarifs sociaux – du chiffre d’affaires afférent aux activités de transport de voyageurs non conventionnées effectuées sur le réseau ferré national, mais uniquement pour la partie de ce chiffre d’affaires supérieur à 300 millions d’euros. Cette taxe ne concerne aujourd’hui que la SNCF. Le seuil de 300 millions d’euros a été prévu dans la perspective de l’ouverture à la concurrence pour protéger, le moment venu ou le cas échéant, les nouveaux entrants d’une imposition trop lourde au titre de la CST.

La taxe est assise sur le résultat imposable à l’impôt sur les sociétés. Le taux de la taxe, compris entre 5 % et 25 %, est fixé par arrêté conjoint des ministres chargés respectivement des transports, de l’économie et du budget ([661]). Le montant de la taxe est actuellement plafonné à 226 millions d’euros. En pratique, le taux de la taxe est fixé en fonction de l’assiette déclarée pour obtenir le montant voté en loi de finances, soit 226 millions d’euros.

Évolution du taux et du plafond de la taxe sur le résultat
des entreprises ferroviaires depuis 2011

Année

Taux
(en %)

Plafond de la TREF

(en millions deuros)

2011

13

75

2012

24,5

155

2013

30,65

200

2014

30,65

200

2015

12,68

200

2016

9,613

226

2017

13,9971

226

2018

11,39852

226

2019

12,62695

226

Source : arrêtés fixant le taux de la taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires du 29 juillet 2011, du 17 septembre 2012, du 28 juin 2013, du 22 octobre 2014, du 31 août 2015, du 30 décembre 2016, du 30 décembre 2017, du 28 août 2018 et du 26 août 2019.

b.   Les dépenses du CAS TET

Les dépenses prises en charge par le CAS TET sont :

– les contributions liées à l’exploitation des services nationaux de transport de voyageurs conventionnés par l’État (programme 785 Exploitation des services nationaux de transport conventionnés). Depuis l’exercice 2019, ce programme supporte également les contributions versées aux régions au titre de l’exploitation des services de transports qu’elles conventionnent et qui l’étaient antérieurement par l’État, à hauteur de 88,2 millions d’euros.

– les contributions liées à l’amortissement du matériel roulant des services nationaux de transport de voyageurs conventionnés par l’État (programme 786 Matériel roulant des services nationaux de transport conventionnés) ;

– les dépenses relatives aux enquêtes de satisfaction sur la qualité de service et aux frais d’études et de missions de conseil juridique, financier ou technique directement liés à l’exercice par l’État de ses responsabilités d’autorité organisatrice des services nationaux de transport conventionnés de voyageurs (crédits répartis, selon leur objet, sur les programmes 785 et 786, précités).

c.   Exécution budgétaire depuis la création du compte

Au 31 décembre 2018, le solde du compte tel que reporté par la loi de règlement s’élevait à 38,6 millions d’euros.

ExÉcution budgÉtaire du CAS TET depuis sa création

(en millions d’euros)

Années

Recettes

Dépenses

Résultats et solde

Fraction TAT

CST

TREF

Total

2011

35

105,8

75

215,8

175,0

+ 40,8

2012

35

135

155

325,0

325,0

0

2013

35

90

200

325,0

312,0

+ 13,0

2014

19

90,1

0

109,1

114,0

 4,9

2015

19

90,1

400

509,1

532,6

 23,6

2016

84

0

0

84,0

19,4*

+ 64,6

2017

92

90

226

408,0

400,6

+ 7,4

2018

141,2

56**

452***

649,2

708,0

 58,8

2011-2018

460,2

657

1 508

2 625,2

2 586,6

38,6

* Le faible montant des dépenses en 2016 sexplique par le fait que le paiement des compensations était suspendu à la signature dune nouvelle convention dexploitation.

** Ce montant de recettes se compose de 16 millions deuros perçus au titre de lannée 2018 et de 40 millions deuros perçus au titre de lannée 2017. Le rééquilibrage du montant de CST dû en 2017, voté dans la deuxième loi de finances rectificative pour 2017, a été pris en compte trop tardivement pour permettre la perception de cette taxe en 2017.

*** Ce montant se compose de 226 millions deuros perçus au titre de lannée 2018 et de 226 millions deuros perçus au titre de lannée 2017. Le rééquilibrage du montant de TREF dû en 2017, voté dans la deuxième loi de finances rectificative pour 2017, a été pris en compte trop tardivement pour permettre la perception de cette taxe en 2017.

Source : lois de règlement du budget des années 2011 à 2018.

3.   Le besoin de financement du compte pour 2020

Le montant prévisionnel de la compensation à financer est de 312,7 millions pour 2020, en diminution de 46,5 millions d’euros par rapport à 2019. Ce montant se compose de :

– 234,5 millions d’euros comme compensation conventionnelle versée à SNCF Mobilités pour l’exploitation des TET et le renouvellement du matériel roulant, au lieu de 270,0 millions d’euros en 2019 ;

– 76,7 millions d’euros, au lieu de 88,2 millions d’euros en 2019, comme contributions versées par l’État aux régions au titre de sa participation aux coûts d’exploitation des services nationaux de transports de voyageurs conventionnés par les régions ;

– et 1,5 million d’euros, au lieu de 1,0 million d’euros en 2019, pour le financement des études de l’autorité organisatrice.

Équilibre du CAS Services nationaux de transport conventionnÉs
de voyageurs prÉvu pour 2020

(en millions d’euros)

Évolution

Recettes

Dépenses

Résultat

Fraction TAT

CST

TREF

total

2019 état du droit

117,2

16

226

359,2

312,7

+ 46,5

2020 droit proposé

70,7

16

226

312,7

312,7

0

Source : présent PLF.

La baisse du besoin de financement du déficit d’exploitation des TET s’explique par la trajectoire prévisionnelle que l’État a contractualisée avec SNCF Mobilités dans la convention d’exploitation des TET 2016-2020. Cette convention d’exploitation comprend la poursuite des efforts de redimensionnement de l’offre de TET et la reprise du conventionnement de certains TET par les régions.

B.   le dispositif proposÉ

Le dispositif proposé permet d’ajuster les recettes du CAS TET au montant des dépenses prévues, qui suivent la trajectoire prévisionnelle de la convention d’exploitation des TET 2016-2020.

Le I du présent article prévoit de baisser de 46,5 millions d’euros le produit de la TAT affecté au CAS TET, après une baisse de 24 millions d’euros entre 2018 et 2019. Le produit de la TAT affecté au CAS TET serait ainsi porté de 117,2 à 70,7 millions d’euros.

L’engagement de l’État de stabiliser le niveau des taxes ferroviaires (TREF et CST) se poursuit en 2020. C’est donc l’ajustement du niveau de la TAT qui permet au CAS TET d’être à l’équilibre.

La baisse des recettes affectées au CAS TET de 46,5 millions d’euros permet en contrepartie d’accroître celles de l’État du même montant. En effet, la TAT se répartit entre le CAS, l’AFITF et l’État. La part de l’AFITF restant stable en 2020, la moindre fraction de TAT affectée au CAS se traduit par un reliquat de même montant, reversé au budget général.

*

*     *

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement de suppression de l’article I-CF1147 de Mme Valérie Rabault.

Elle examine ensuite l’amendement I-CF1522 du rapporteur général.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Il ne vous aura pas échappé que l’intitulé du compte d’affectation spéciale « Transition énergétique » est pour le moins ambigu, puisqu’il ne désigne pas ce pour quoi il a été conçu. J’ignore si ce CAS sera in fine supprimé ; je vous propose donc, à toutes fins utiles, de remplacer au moins son intitulé actuel par l’intitulé suivant : « Compensation des charges de service public de l’énergie », qui correspond à son objet même. Cette nouvelle dénomination me semble plus claire et éviterait quelques malentendus et des débats sans fin.

Mme Bénédicte Peyrol. Le rapporteur général a raison de proposer de renommer le CAS « Transition énergétique », dont on pourrait en effet penser qu’il finance, par exemple, les actions de transition énergétique de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), ce qui n’est pas le cas. En conséquence, je vais retirer l’amendement I‑CF1256, qui visait à supprimer ce compte d’affectation spéciale et à provoquer une discussion avec le Gouvernement en séance publique sur l’affectation de la fiscalité écologique.

J’observe, par exemple, que nos collègues socialistes proposent d’affecter 100 % de la taxe intérieure sur les produits énergétiques (TICPE) à ce CAS. Or cet outil n’est absolument pas adapté à la redistribution en faveur des ménages affectés par la fiscalité écologique, pas plus qu’aux investissements dans la transition écologique.

M. Laurent Saint-Martin. Je suis d’accord avec Bénédicte Peyrol, mais il me semble tout de même nécessaire que son amendement soit discuté en séance publique, car la suppression du CAS « Transition énergétique » comporte un autre enjeu. En effet, les dépenses éligibles en faveur notamment des énergies renouvelables électriques et du biogaz, actuellement débudgétisées à cause de ce CAS, doivent revenir dans le giron budgétaire pour que l’on puisse émettre une nouvelle catégorie d’obligations assimilables du Trésor (OAT) vertes. Ce cas concret illustre bien la nécessité de réexaminer la pertinence des CAS, nécessité soulignée dans l’excellent rapport d’évaluation de la loi organique relative aux lois de finances (MILOLF) que nous avons écrit ensemble, monsieur le président, et que vous avez tous lu, mes chers collègues.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Madame Peyrol, je nourrissais le secret espoir de faire adopter mon amendement et le vôtre, de façon que nous puissions discuter en séance publique à la fois de la suppression du CAS – à laquelle je suis favorable – et de son intitulé au cas où il ne serait pas supprimé.

Mme Bénédicte Peyrol. Je maintiens le retrait de mon amendement car, si nous l’adoptions ici, en commission, nous enverrions un message politique extrêmement fort. Or cette question mérite un débat plus approfondi si nous voulons que les Français comprennent bien les enjeux de cette mesure et que celle-ci ne soit pas récupérée.

Par ailleurs, je suis d’accord avec M. Saint-Martin : dans les entretiens que j’ai, en tant que rapporteure spéciale de la mission « Engagements financiers de l’État », avec le directeur de l’Agence France Trésor, celui-ci me répète souvent que ce CAS soulève un véritable problème dans la mesure où nous n’avons plus suffisamment de dépenses identifiées au sein du budget de l’État pour émettre de nouvelles « OAT vertes » alors que des investisseurs seraient prêts à en acheter. Nous devons donc mener une réflexion approfondie sur le sujet.

M. le président Éric Woerth. Je suis d’accord. Bien des clarifications sont nécessaires.

Mme Christine Pires Beaune. Un débat est, certes, nécessaire, mais attention. La Cour des comptes envisage que l’on puisse déroger au principe de non-affectation des recettes parce que les Français veulent pouvoir identifier les ressources consacrées à la transition énergétique. Que le CAS « Transition énergétique » soit uniquement consacré, en fait, à la compensation des charges de service public de l’énergie, soit. Mais prenons garde à ne pas supprimer les outils identifiés par les citoyens comme concourant à la transition énergétique.

Mme Bénédicte Peyrol. Je souhaite adresser un dernier message politique qui concerne l’ensemble de la commission des finances. J’ai déposé, l’an dernier, un amendement afin que nous disposions d’un « jaune » budgétaire identifiant l’ensemble des recettes de fiscalité écologique et des dépenses consacrées à la transition écologique ; j’espère que le Gouvernement – je l’y invite vivement, car c’est un document attendu – nous le transmettra d’ici à lundi soir pour que nous puissions avoir une discussion de fond en séance publique.

M. le président Éric Woerth. Encore faut-il avoir eu le temps de le lire, ce qui est, hélas, rarement le cas lorsque le « jaune » est quasiment distribué en séance.

La commission adopte l’amendement ICF1522 (amendement I2938).

Les amendements I-CF156 de Mme Bénédicte Peyrol, I-CF1146 de Mme Christine Pires Beaune et I-CF1195 de Mme Valérie Rabault sont retirés.

La commission adopte l’article 32 modifié.

*

*     *

 


Article 33
Suppression du compte daffection spéciale Aides à lacquisition de véhicules propres en vue de la reprise de ses recettes et de ses dépenses
sur le budget général de lÉtat

Résumé du dispositif et effets principaux

Le compte d’affectation spéciale Aides à lacquisition de véhicules propres (CAS AAVP) a été créé à compter de l’exercice 2012 afin de mettre en œuvre le bonus-malus automobile. Jusqu’en 2018, il finançait les aides à l’acquisition de véhicules propres (« bonus automobile ») et les aides au retrait de véhicules polluants (prime à la conversion) grâce à l’affectation du produit de la taxe applicable aux véhicules les plus polluants (« malus automobile »).

La loi de finances initiale pour 2019 a rattaché le financement de la prime à la conversion au budget général, ce qui entraîne un fort déséquilibre budgétaire du CAS AAVP, dont les recettes excèdent désormais largement les dépenses.

En conséquence, le présent article propose la suppression du CAS AAVP et l’intégration des aides du « bonus automobile » et du produit de la taxe « malus automobile » au budget général.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   L’État du droit

A.   LE compte d’affectation spéciale « Aides à l’acquisition de véhicules propres » (CAS AAVP)

1.   Fonctionnement du compte

a.   Historique

Le CAS AAVP, également appelé CAS « bonus-malus automobile », a été créé par l’article 56 de la loi de finances pour 2012 ([662]).

Jusqu’en 2019, le CAS AAVP a eu pour objet de financer l’attribution d’aides aux particuliers à l’acquisition de véhicules propres (« bonus automobile ») et au retrait de véhicules polluants (prime à la conversion). Il recevait pour cela le produit de la taxe additionnelle à la taxe sur les certificats d’immatriculation des véhicules (« malus automobile ») prévue par l’article 1011 bis du code général des impôts.

À l’origine, ce compte d’affectation spéciale s’est substitué au compte de concours financiers qui portait la politique de « bonus-malus automobile », mise en place à la suite du Grenelle de l’environnement en 2007.

Cette substitution à compter de l’exercice 2012 était justifiée par le fait que le compte de concours financiers était affecté d’un déséquilibre financier substantiel : le coût du volet « bonus » était significativement supérieur au produit du « malus ». Ainsi, le déficit cumulé par le compte de concours financier entre 2008 et 2011 s’est élevé à 1,48 milliard d’euros.

Un tel déséquilibre est prohibé par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) pour les comptes d’affectation spéciale ([663]). La création du CAS AAVP s’est, ainsi, accompagnée d’un durcissement du « malus automobile » permettant de parvenir à l’équilibre budgétaire.

Depuis, le barème du « malus automobile » est fréquemment révisé en loi de finances – puisqu’il s’agit d’une taxe – afin de garantir le maintien à l’équilibre du CAS AAVP. Le barème du « bonus automobile » est, quant à lui, d’ordre réglementaire.

b.   Le reversement du produit de la prime à la conversion au budget général à compter du 1er janvier 2019

Lors de l’examen en nouvelle lecture du projet de loi de finances (PLF) pour 2019, un amendement du Gouvernement a supprimé, au sein du CAS AAVP, le programme 792 Contribution au financement de lattribution daides au retrait de véhicules polluants qui portait le financement de la prime à la conversion. Cette dépense est désormais retracée dans le budget général, au sein du programme 174 Énergie, climat et après-mines de la mission Écologie, développement et mobilité durables.

Cette modification était justifiée par la réforme significative de la prime à la conversion adoptée par amendement entre le dépôt du PLF 2019 et son adoption définitive.

Tout d’abord, le montant des dépenses du programme 792 a été augmenté de 40 millions d’euros, pour couvrir la révision à la hausse des recettes prévisionnelles du CAS en 2019 par rapport au projet de loi initial. Cette hausse de recettes s’explique par la révision du barème du malus pour 2019, également intervenue par voie d’amendement. L’augmentation des crédits du programme 792 à due concurrence se justifie par le choix de présenter un compte équilibré en LFI. Si l’estimation des recettes augmente, le montant prévisionnel des dépenses doit être ajusté.

En outre, en première lecture, afin de compenser la hausse de la fiscalité du carburant, il a été décidé :

– un doublement du montant de la prime à la conversion (de 2 000 euros à 4 000 euros) pour les ménages appartenant aux deux premiers déciles de revenus, avec un impact budgétaire de 150 millions d’euros ;

– un doublement de la prime à la conversion à destination des 20 % des ménages les plus modestes et des actifs non imposables effectuant un trajet travail-domicile supérieur à 60 kilomètres aller et retour par jour, avec un impact budgétaire de 100 millions d’euros.

Au total, ces mouvements représentaient une augmentation de 290 millions d’euros des dépenses du programme 792, passant de 570 millions d’euros à 860 millions d’euros. Cette hausse de 51 % des crédits du programme ne permettait plus au CAS d’être en excédent budgétaire comme l’exige la LOLF. Par conséquent, l’ensemble des crédits de ce programme a été transféré vers le budget général.

c.   La composition du compte en 2019

i.   En recettes

Le CAS AAVP est abondé par le produit de la taxe additionnelle à la taxe sur les certificats d’immatriculation des véhicules prévue à l’article 1599 quindecies du CGI. Cette taxe additionnelle est codifiée à l’article 1011 bis du CGI ; elle est communément dénommée « malus automobile ».

Le malus s’applique à l’occasion de la première immatriculation d’un véhicule de tourisme en France en fonction de son taux d’émission de dioxyde de carbone (CO2). Le barème progressif actuel du malus comprend, pour les véhicules ayant fait l’objet d’une réception selon les règles de l’Union européenne, 75 tranches progressives définies chacune au gramme près, allant de l’exonération pour les véhicules émettant moins de 116 grammes de CO2 ou moins, à 10 500 euros pour les véhicules émettant 191 grammes de CO2 ou plus.

En accompagnement des progrès techniques régulièrement accomplis par les constructeurs automobiles pour réduire les émissions des véhicules qu’ils commercialisent, les barèmes de la taxe ont été régulièrement durcis depuis 2008 – année durant laquelle le barème du malus débutait à 160 grammes de CO2 par kilomètre, et le malus maximal de 2 600 euros était applicable au-delà de 250 grammes de CO2 par kilomètre.

La révision du barème intervenue dans la loi de finances pour 2019 a été concomitante d’une révision des modalités de comptabilisation des émissions de CO2 des voitures particulières et des camionnettes neuves lors de leurs essais dhomologation. Si le barème 2019 du malus semble, facialement, correspondre à un montant de taxe inférieur à niveau démission égal, la révision du barème se traduit en réalité par un léger alourdissement du malus, du fait de cette nouvelle méthode de comptabilisation des émissions.

Cette révision du barème devrait conduire en 2019 à une hausse du produit du « malus » de 71 millions d’euros au regard du rendement attendu si le barème était resté inchangé.

Évolution du barÈme de taux d’Émission de CO2

(en grammes par kilomètre)

Tranche

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2016

2017

2018

2019

Première tranche

160

155

150

140

135

130

126

120

116

Dernière tranche

250

250

250

250

200

200

191

185

191

Tarif de la taxe pour la dernière tranche (en euros)

2 600

2 600

2 600

3 600

6 000

8 000

10 000

10 500

10 500

Source : article 1011 bis du CGI.

ii.   En dépenses

Depuis l’exercice 2019, le CAS AAVP retrace uniquement le financement des dépenses relatives aux aides à l’acquisition de véhicules propres, le « bonus automobile », au travers de deux programmes :

– le programme 797 Contribution au financement de lattribution daides à lacquisition de véhicules propres au bénéfice des particuliers ;

– le programme 798 Contribution au financement de lattribution daides à lacquisition de véhicules propres au bénéfice des personnes morales.

Le bonus automobile

Le bonus automobile prend la forme d’une aide versée par l’Agence de services et de paiement (ASP) aux bénéficiaires. Elle peut aussi être versée au vendeur ou loueur de véhicules, qui, dans ce cas, en impute le montant sur la facture d’acquisition ou de location du véhicule. Le décret du 30 décembre 2016 relatif aux aides à l’achat ou à la location des véhicules peu polluants a modifié les conditions d’attribution ainsi que le montant et les modalités de versement des aides à l’acquisition et à la location des véhicules peu polluants. L’aide atteint au maximum 6 000 euros pour un véhicule entièrement électrique.

Le bonus automobile peut être complété par une prime à la conversion dont l’objectif est de favoriser le retrait des véhicules diesel les plus polluants. Elle permet actuellement de recevoir une aide allant jusqu’à 5 000 euros, sous condition de revenus, de kilométrage et de distance entre travail et domicile, lorsque l’acquisition d’un véhicule neuf électrique ou hybride s’accompagne de la restitution d’un véhicule diesel destiné à la destruction. La prime de conversion peut se cumuler avec le bonus automobile pour atteindre le montant maximum de 11 000 euros pour un véhicule électrique.

Enfin, les personnes non imposables peuvent bénéficier, dans les mêmes conditions, d’une prime à la conversion « thermique » pour l’achat d’un véhicule neuf ou d’occasion moins polluant et roulant à l’essence, si cet achat s’accompagne de la mise au rebut d’un véhicule diesel ayant fait l’objet d’une première immatriculation avant le 1er janvier 2006 ou d’un véhicule essence immatriculé avant le 1er janvier 1997. L’aide varie de 1 500 à 3 000 euros, pour l’achat de véhicules qui émettent dans la limite de 116 g CO2/km, en fonction du montant des émissions, du caractère imposable ou non du bénéficiaire ainsi que du revenu fiscal de référence.

d.   Exécution budgétaire depuis 2016

L’exécution budgétaire du CAS AAVP montre la montée en charge progressive de la politique de « bonus-malus automobile ». L’année 2018 a conduit à des niveaux de dépenses et de recettes exceptionnels au regard des exercices précédents, et largement imprévus : le produit du « malus automobile » a été nettement supérieur aux prévisions de la loi de finances initiale (LFI) de 2018, tandis que le montant des dépenses liées à la prime à la conversion a été supérieur de 76 % à la prévision de la même LFI.

ExÉcution budgÉtaire du CAS AAVP depuis sa création

(en millions d’euros)

Années

Recettes

Dépenses

Résultats et solde

(solde 2015 : 218,6)

« Malus automobile »

Recettes diverses

Total

Prime à la conversion

« Bonus automobile »

Total

2012-2015

218,6

2016

265,6

0,0

265,6

28

207,4

235,4

+ 30,2

2017

351,8

0,0

351,8

36,0

258,9

294,9

+ 56,9

2018

558,9

38,0

596,9

365,0

185,8

550,8

+ 46,1

2012-2018

46,1 *

Source : lois de règlement du budget des années 2011 à 2016.

* la loi de règlement de 2017 n’a pas reporté sur l’exercice 2018 le solde excédentaire de 305,7 millions d’euros.

En 2019, la sortie de la prime à la conversion conduit à constater un déséquilibre structurel du CAS AAVP.

B.   Les motifs de l’extinction souhaitée du CAS AAVP

Le transfert des dépenses relatives à la prime à la conversion vers le budget général conduit, en 2019, à constater un excédent substantiel pour le CAS AAVP, puisque les recettes issues du « malus » automobile (610 millions d’euros) devraient être nettement supérieures aux dépenses en faveur des aides à l’acquisition de véhicules propres (264 millions d’euros).

Crédits du CAS AIDES À lacquisition de vÉhicules propres pour 2019

(en millions d’euros)

Année

Recettes

Dépenses

Solde

Taxe additionnelle à la taxe sur les certificats d’immatriculation des véhicules (« malus »)

Programme 797

Programme 798

2019

610

132

132

+ 346

Source : loi de finances initiale pour 2019.

En outre, un programme unique du budget général, le programme 174, dont l’architecture a été révisée pour le présent PLF, porte désormais les principaux dispositifs d’accompagnement de la transition écologique, à hauteur de 2,1 milliards d’euros dans le PLF 2020 ([664]). Les dépenses relatives à la prime à la conversion ainsi que le bonus pour l’acquisition de véhicules à assistance électrique y sont retracées en 2019. Il serait donc plus transparent et plus simple que les recettes et dépenses des bonus et malus automobiles y figurent également.

Enfin, selon l’exposé des motifs du présent article et de manière générale, la suppression de comptes d’affectation spéciale concourt également à une meilleure lisibilité du budget de l’État.

II.   Le dispositif proposÉ

A.   la suppression du CAS

Le I du présent article prévoit que le compte d’affectation spéciale Aides à lacquisition de véhicules propres (AAVP) est clos à compter du 1er janvier 2020.

Le solde du compte à la date de la clôture est reversé au budget général.

Le II du présent article abroge l’article 56 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012.

Le I de cet article ouvre le CAS AAVP et mentionne les recettes et les dépenses qu’il retrace.

Le II de cet article a abrogé les dispositions qui ouvraient le compte de concours financiers que le CAS AAVP a remplacé.

Le III de cet article est une disposition d’entrée en vigueur du CAS AAVP.

B.   impact BudgÉtaire de la suppression

Cette suppression, neutre pour les finances publiques, a un impact en matière d’architecture budgétaire : les dépenses du CAS seront retracées dans le programme 174 Énergie, climat et après-mines de la mission Écologie, développement et mobilité durables ; les recettes du CAS, soit le produit du « malus » automobile, seront reversées au budget général, pour un montant cumulé susceptible d’atteindre un peu moins de 400 millions d’euros. En outre, le solde du compte sera reversé au budget général – ce solde s’est établi à 46,1 millions d’euros au 31 décembre 2018.

*

*     *

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF1530 de suppression de l’article de la commission du développement durable.

Puis elle adopte l’article 33 sans modification.

*

*     *

 

 

 


D. – Autres dispositions

Article 34
Clôture du fonds durgence en faveur du logement (FUL)

Résumé du dispositif et effets principaux

L’article supprime le fonds durgence en faveur du logement (FUL) qui avait été créé par la loi de finances n° 2008‑1443 rectificative du 30 décembre 2008 pour 2008, pour financer des opérations de relogement de personnes sinistrées et de reconstructions de logements à la suite d’événements climatiques ou technologiques exceptionnels.

Il prévoit le versement du solde des disponibilités du FUL au budget général de l’État, estimé à 9 millions deuros, avant le 10 janvier 2020. L’État reprendra à sa charge les interventions et les engagements du fonds.

Le dispositif proposé vise à améliorer la visibilité des interventions de l’État et la lisibilité du cadre budgétaire publique.

Dernières modifications législatives intervenues

Le FUL a été créé par l’article 12 de la loi n° 2008‑1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008. Aucune modification législative n’est intervenue depuis.

 

I.   L’État du droit

A.   Le fonds d’urgence en faveur du logement

● L’article 12 de la loi de finances rectificative pour 2008 ([665]) a créé un « fonds durgence en faveur du logement placé auprès de la Caisse des dépôts et consignations ». Il a également attribué au fonds une dotation initiale de 15 millions d’euros provenant d’un prélèvement sur le fonds pour le renouvellement urbain (FRU) dont il a procédé à la clôture.

Créé le 30 décembre 1999, le FRU, géré par la Caisse des dépôts et consignations, finançait les concours sur fonds propres de celle-ci dans le cadre de sa participation au financement de la politique du renouvellement urbain. À la suite de la redéfinition du rôle de la Caisse des dépôts et consignations dans la politique de rénovation urbaine par la loi du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine ([666]), il a été décidé par une convention du 24 mai 2004 entre l’État et la Caisse ([667]) que cette dernière assumerait directement sur son bilan « la responsabilité de son action en faveur du renouvellement urbain ». L’article 6 de la convention prévoyait ainsi de « faciliter lextinction rapide des engagements portés par le FRU ». L’article 12 de la loi de finances rectificative pour 2008 a définitivement clôturé ce fonds et a fixé les modalités d’attribution du solde de ses disponibilités, dont une partie a permis la création et la dotation initiale d’un fonds durgence en faveur du logement (FUL).

● Les travaux parlementaires révèlent que l’objet du FUL est de « faire face à des situations durgence en matière de logement, comme lors de catastrophes naturelles ou industrielles » ([668]). L’article 12 précité renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de préciser les conditions d’utilisation des sommes du fonds.

Selon le décret du 7 janvier 2009 ([669]) pris sur son fondement, le fonds d’urgence est mobilisé pour faire face à des situations d’urgence « concernant le relogement des sinistrés et les opérations nécessaires à la reconstruction de logements ou densembles de logements sur des sites frappés par des événements exceptionnels de nature climatique ou technologique ayant donné lieu à des dommages aux personnes et aux biens ».

Les décisions relatives à l’utilisation et à la gestion du fonds d’urgence sont arrêtées conjointement par le ministre en charge du logement et le ministre en charge du budget, selon ce même décret. Les conditions de la gestion du fonds sont fixées par une convention conclue entre l’État et la Caisse.

● Depuis sa création, l’intervention du fonds a été requise à deux reprises.

Il a d’abord financé le déficit de l’opération de remembrement conduite par la Communauté de communes de Sambre Avesnois sur le territoire de la commune dHautmont, à la suite de la tornade du 3 août 2008, comme le mentionne l’évaluation préalable de l’article.

Il a ensuite été mobilisé à la suite du passage de louragan Irma sur les îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy en septembre 2017 pour :

– prendre en charge une subvention de lÉtat à lassociation France Horizon d’un montant de 2,5 millions deuros, pour accompagner les personnes rapatriées de Saint-Martin ([670]) ;

– prendre en charge les dépenses de fonctionnement et d’intervention finançant l’accompagnement pour le relogement des personnes sinistrées de l’ouragan Irma, des frais d’étude pour la réparation et la reconstruction d’urgence de certaines constructions endommagées ou démolies, et des réparations sur des logements à vocation sociale, pour un montant prévisionnel total de 6,1 millions deuros ([671]). Le versement de l’aide du fonds a pris la forme d’une dotation à la collectivité de Saint-Martin pour un montant maximal de 6 millions d’euros et d’une subvention au centre scientifique et technique du bâtiment pour financer l’élaboration et l’édition d’un guide de bonnes pratiques pour la reconstruction d’urgence, dans la limite de 0,1 million d’euros. D’après l’évaluation préalable, la totalité de ce montant n’a pas encore été décaissée, puisque le fonds doit encore payer un engagement de 3 millions deuros.

B.   Un problème de lisibilité du cadre budgétaire et de lourdeur des modalités de gestion

● La question de la pertinence du FUL s’est posée dès sa création. En témoignent les observations de M. Gilles Carrez, alors rapporteur général, à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2008 : « On peut sinterroger sur lutilité de la création du FUL et il peut sembler assez paradoxal de créer un nouveau fonds alors que lon en supprime un autre ([672]). »

En effet, sans qu’ils soient contraires aux dispositions de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances ([673]) (LOLF), les fonds sans personnalité juridique en général et le FUL en particulier s’opposent à la logique de l’ensemble des principes budgétaires traditionnels qui inspirent la LOLF. En effet, les ressources des fonds sans personnalité juridique ne figurent pas au budget de l’État, le législateur financier n’en prenant donc connaissance qu’au moment où il décide du versement de la dotation initiale. L’affectation d’une ressource à un fonds sans personnalité juridique contribue donc à sanctuariser, de fait, la dépense pour plusieurs années après une unique autorisation parlementaire dans la mesure où le Parlement n’autorisera pas annuellement la consommation de ces fonds.

Il n’est pas non plus possible pour les parlementaires de contrôler aisément l’utilisation de la ressource, surtout lorsque les dépenses du fonds ne sont pas présentées avec précision par l’organisme gestionnaire. Certes, les soldes des principaux fonds figurent dans la comptabilité générale de l’État annexée au projet de loi de règlement, mais la présentation n’est pas exhaustive. La pratique du financement de certaines politiques publiques par des fonds sans personnalité juridique affaiblit donc la portée de lautorisation parlementaire associée aux lois de finances dans les cas où les dépenses financées auraient logiquement pu être inscrites au budget de l’État.

Dans ses rapports sur le budget de l’État en 2017 et en 2018 ([674]), la Cour des comptes a spécifiquement traité de la question des fonds sans personnalité juridique, en rappelant les inconvénients de ce mode de financement. Elle formule plusieurs critiques à l’encontre de l’utilisation excessive de ces fonds.

Ils nuisent dabord à la lisibilité de la dépense publique. La lisibilité des finances de l’État et, plus généralement, des dépenses publiques, est loin d’être un objectif de pur confort. Elle est le préalable indispensable à une autorisation parlementaire de dépenser effective et au contrôle du bon emploi des deniers publics. Une fois dotés, ces fonds n’apparaissent pas clairement pour les parlementaires comme entrant dans le champ des arbitrages budgétaires possibles qu’ils peuvent opérer, par exemple, par des amendements de crédits entre programmes d’une mission budgétaire. La lisibilité budgétaire est en définitive un impératif démocratique dans la mesure où le législateur doit être éclairé au moment de décider de l’affectation de crédits à telle ou telle politique publique.

Ensuite, le financement de politiques publiques par l’intermédiaire de ces fonds est soustrait aux dispositions organiques de la gestion budgétaire qui garantissent l’application des principes budgétaires ou encadrent leurs dérogations :

– l’intervention d’un arrêté de reports de crédits n’est ainsi pas nécessaire pour que soient reconduits en année N + 1 les crédits des fonds sans personnalité juridiques non consommés en année N ;

– la distinction entre les autorisations d’engagement (AE) et les crédits de paiement (CP) n’est pas applicable aux fonds sans personnalité juridique, si bien qu’il n’est pas possible de tenir une comptabilité d’engagement.

Enfin, ces fonds échappent aux traditionnelles mesures de régulation budgétaire par la mise en réserve des crédits et les annulations en gestion.

● Les modalités de gestion du FUL sont également critiquables. Dans sa note d’exécution budgétaire 2018 sur la mission Cohésion des territoires, la Cour des comptes ([675]) relève que le FUL « est caractérisé par sa lourdeur de gestion », s’agissant en particulier de la procédure conduisant au versement des crédits. Le décret de 2009 précité prévoit en effet que tout mouvement de crédits doit être signé à la fois par le ministre de la cohésion des territoires et le ministre de l’action et des comptes publics, alors même que le fonds est « placé auprès de » la Caisse. Dès lors, la Cour s’est interrogée sur l’utilité de conserver un fonds, dont la vocation est l’urgence, rattaché à la mission Cohésion des territoires, mais « géré » par la Caisse.

Elle remarque d’ailleurs, à juste titre, que les dépenses financées par le fonds entrent dans la catégorie de celles qui pourraient être financées par la dotation pour dépenses accidentelles qui, au sein de la mission Crédits non répartis du budget de l’État est « destinée à faire face à des calamités » aux termes mêmes de la LOLF ([676]).

II.   Le dispositif proposÉ

A.   La « rebudgétisation » du fonds d’urgence en faveur du logement

Le présent article procède à la « rebudgétisation » des sommes du FUL au sein du budget général.

Le I clôt formellement le fonds à compter du 1er janvier 2020 et prévoit que le solde de ses disponibilités à cette date est versé au budget de l’État avant le 10 janvier 2020.

En cohérence avec la clôture proposée par le I, le II supprime le fondement législatif du fonds en abrogeant le I et le II de l’article 12 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 2008 pour 2008.

À compter du 1er janvier 2020, les interventions prises en charge par le FUL le seront par le budget de l’État.

B.   L’impact BudgÉtaire et Économique

Sur les 15 millions d’euros initialement affectés au fond, le solde des disponibilités à la date du 1er janvier 2020 s’élèverait à 9 millions d’euros environ. 3 millions d’euros restent actuellement à payer au titre de la dotation exceptionnelle versée à la collectivité de Saint-Martin. Ces engagements seront pris en charge par l’État et, d’après l’évaluation préalable de l’article, « les crédits correspondants seront prévus dans le cadre de la fin de gestion 2019 ».

L’État décaisserait donc 3 millions d’euros en 2019 en substitution des engagements du fonds. En 2020, les recettes de l’État augmenteraient de 9 millions d’euros du fait du versement à l’État du solde des disponibilités du fonds.

La clôture du FUL n’aura pas d’impact sur la politique de relogement et de reconstruction à la suite d’un événement climatique ou technologique exceptionnel, car seul le circuit de financement des interventions ponctuelles est modifié.

*

*     *

La commission adopte l’article sans modification.

Article 35
Relations financières entre lÉtat et la sécurité sociale

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise à :

– augmenter de 1,75 point de pourcentage la fraction de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) brute affectée à la sécurité sociale pour la porter de 26,00 % à 27,75 %, ce qui représente une augmentation de 3,16 milliards d’euros ;

– modifier la répartition de cette fraction de TVA, compte tenu de la majoration prévue ci‑dessus, en augmentant de 2,31 points de pourcentage la quote‑part affectée à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) pour la porter à 5,18 points, et en diminuant corrélativement la quote-part perçue par la branche maladie, maternité, invalidité et décès du régime général de 0,56 point pour la porter à 22,57 points ;

– supprimer la minoration de l’affectation de la fraction de TVA en faveur de la branche maladie, maternité, invalidité et décès qui s’élevait à 1,5 milliard d’euros en 2020, 3,5 milliards d’euros en 2021 et 5 milliards d’euros par an à compter de 2022 ;

– affecter à la caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA) une fraction de 356 millions d’euros du produit de TVA revenant actuellement à l’État au titre du financement par l’État de l’exonération spécifique dont bénéficient les employeurs agricoles pour l’emploi de travailleurs occasionnels agricoles ou de demandeurs d’emploi (dispositif dit « TO‑DE »).

En 2020, ces dispositions se traduisent par une dégradation de 4,8 milliards deuros du solde de l’État.

Dernières modifications législatives intervenues

– Chaque année, une fraction de TVA est affectée à la sécurité sociale pour compenser les exonérations ou baisses de recettes de celle-ci (principe de compensation intégrale des pertes de recettes de la sécurité sociale par l’État – article L. 131-7 du code de la sécurité sociale).

– Depuis la dernière loi de finances rectificative pour 2012, ce mécanisme de compensation passe par l’affectation d’une part de TVA nette à la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés – CNAMTS (5,88 % en 2013, 7,85 % en 2014, 7,10 % en 2015, 7,19 % en 2016 et 7,03 % en 2017). En 2018, la loi de finances a en outre affecté une fraction de 5,59 % à l’ACOSS et 0,34 % à la CNAMTS. Les dispositions de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 ont accru de manière sensible la fraction de TVA affectée à la sécurité sociale pour tenir compte des mesures diminuant significativement les recettes de la sécurité sociale : il a été porté à 23,13 % pour la CNAMTS et 2,87 % pour l’ACOSS. Cette hausse importante a traduit, en particulier, la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi en baisse de cotisations patronales.

Par le présent article, l’État compense à la sécurité sociale l’effet en 2020 de mesures adoptées en 2019 et de mesures proposées par le projet de loi de finances (PLF) et le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2020.

I.   La rÉnovation des relations financiÈres entre l’État et la sÉcuritÉ sociale

Le PLFSS 2019 a entériné un changement de doctrine s’agissant du principe de compensation.

● L’article LO. 111-3 du code de la sécurité sociale dispose que seules les lois de financement de la sécurité sociale (LFSS) peuvent créer ou modifier des mesures de réduction ou d’exonération de cotisations ou de contributions de sécurité sociale non compensées aux régimes obligatoires de base. Il en va de même pour les mesures de réduction ou d’abattement d’assiette.

En application de l’article L. 131‑7 du code de la sécurité sociale, l’État prend à sa charge intégralement, au moyen de recettes fiscales ou de crédits budgétaires :

– toute mesure de réduction ou d’exonération de cotisations de sécurité sociale instituée à compter du 26 juillet 1994 ([677]) ;

– toute mesure de réduction ou d’exonération de contributions sociales instituée à compter de l’entrée en vigueur de la loi du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie ([678]) ;

– toute mesure de réduction ou d’abattement d’assiette de cotisations ou contributions sociales à compter de l’entrée en vigueur de la loi du 13 août 2004 susmentionnée ;

– toute mesure de transferts de charges.

L’article L. 131‑7 prévoit toutefois plusieurs exceptions qui, conformément aux prescriptions de l’article LO 111‑3, ont été introduites par des LFSS.

L’ensemble des allégements de cotisations sociales ne fait donc pas l’objet de compensation. Les allégements généraux sont intégralement compensés par affectation de recettes de l’État à la sécurité sociale pour solde de tout compte. Les allégements ciblés, en revanche, ne sont pas systématiquement compensés, en particulier ceux entrés en vigueur avant 1994.

● La LFSS 2019 a marqué un changement de doctrine dans le principe de compensation des pertes de recettes de la sécurité sociale par l’État en prévoyant la non compensation de plusieurs mesures générales nouvelles de pertes de recettes seraient supportées par l’État ou la sécurité sociale, en fonction de l’affectation de ces dernières. En revanche, les allégements ciblés qui, jusque-là étaient compensés, restent compensés.

Conformément à ce principe, plusieurs mesures de la LFSS 2019 n’ont pas donné lieu à une compensation financière de l’État, pour un total d’environ 2 milliards d’euros en 2019 ([679]). La non‑compensation a été explicitement prévue par la LFSS 2019, conformément aux dispositions organiques. Cette nouvelle doctrine a été formalisée par le rapport du Gouvernement au Parlement sur « la rénovation des relations financières entre lÉtat et la sécurité sociale » prévu par l’article 27 de la loi du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 ([680]) (LPFP).

Les mesures nouvelles de la LFSS 2019 de rÉduction de recettes noncompensÉes par lÉtat

(en milliard deuros)

Mesures de la LFSS 2019

Coût en 2019

Exonération de cotisations sociales sur les heures supplémentaires à compter du 1er septembre 2019

0,6

Suppression du forfait social

0,6

Suppression de la taxe sur les farines

Lissage de l’entrée dans le champ du taux plein de la CSG sur les revenus de remplacement

0,3

Application aux salariés des régimes spéciaux des réductions de taux de cotisation d’assurance maladie et d’allocations familiales

0,4

Total

2,0

Note : il s’agit des mesures adoptées avant l’entrée en vigueur de la loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018 portant mesures d’urgence économiques et sociales qui a modifié certaines de ses dispositions.

Source : commission des finances, daprès lannexe 9 du PLFSS pour 2019.

La loi du 24 décembre 2018 portant mesures d’urgence économiques et sociales (loi « MUES ») ([681]) a modifié certaines dispositions de la LFSS. Elle a notamment :

– avancé au 1er janvier 2019 l’exonération de cotisations sociales sur les heures supplémentaires (initialement prévue au 1er septembre 2019) ;

– réduit de 1,7 point le taux de CSG sur les pensions des retraités bénéficiant d’une pension inférieure à 2 000 euros.

Compte tenu du calendrier d’examen des deux textes, la LFSS 2019 n’a pas prévu de non‑compensation pour les dispositions de la loi MUES. Néanmoins, le Gouvernement propose dans la partie rectificative pour 2019 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 de ne pas compenser ces deux mesures à la fois pour 2019 et pour l’avenir. Leurs coûts sont estimés respectivement à 1,3 et 1,5 milliard d’euros par an, soit un total en année pleine pour ces deux mesures estimé à environ 2,7 milliards d’euros à l’arrondi près.

Ce choix est cohérent avec celui du législateur en LFSS 2019, à savoir ne pas compenser les mesures relatives à l’exonération de cotisations sociales au titre des heures supplémentaires et au lissage des franchissements de seuils de la contribution sociale généralisée (CSG).

II.   La baisse de recettes de la sécurité sociale en 2020 en raison des mesures adoptées en 2019

A.   L’effet du séquençage du renforcement des exonérations de cotisations sociales

La nécessité d’accroître la compensation de l’État à la sécurité sociale au titre des exonérations de cotisations de sécurité sociale pour les employeurs provient du séquençage du renforcement des exonérations de cotisations visant à compenser la disparition du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et du crédit d’impôt sur la taxe sur les salaires (CITS).

La loi de finances initiale (LFI) pour 2018 ([682]) a supprimé le CICE et le CITS pour les rémunérations versées à compter du 1er janvier 2019. En parallèle, la LFSS pour 2018 ([683]) a créé une compensation sous deux formes :

– une réduction forfaitaire de la cotisation d’assurance maladie de 6 points pour les rémunérations inférieures à 2,5 SMIC (article L. 241‑2‑1 du code de la sécurité sociale – CSS) ;

– le renforcement de l’allégement général de cotisations patronales prévu à l’article L. 241‑13 du CSS étendant son champ, d’une part, aux cotisations patronales chômage – ce qui représente une majoration de 4,05 points de l’allégement au niveau du SMIC ‑ et, d’autre part, aux cotisations patronales au titre de la retraite complémentaire – ce qui représente une majoration de 6,01 points de l’allégement au niveau du SMIC ([684]).

Alors que la LFSS 2018 avait prévu une entrée en vigueur de ces exonérations supplémentaires le 1er janvier 2019, l’article 8 de la LFSS 2019 a modifié le calendrier d’application de ces exonérations ([685]). Il a :

– maintenu au 1er janvier 2019 l’entrée en vigueur de l’allégement forfaitaire de 6 points de la cotisation maladie et de l’intégration dans le champ de l’allégement général de l’article L. 241-13 du CSS des cotisations de retraite complémentaire ;

– reporté au 1er octobre 2019 l’intégration dans le champ de cet allégement général de la cotisation chômage.

L’impact financier de ces exonérations sur les recettes de la sécurité sociale a été majeur. L’étude d’impact du PLF 2019 l’estimait à 23,4 milliards d’euros en 2019, dont 6 milliards d’euros au titre de la compensation par la sécurité sociale :

– de l’AGIRC-ARRCO à hauteur de 5,1 milliards d’euros pour l’intégration dans le champ de l’allégement général des cotisations de retraite complémentaire ;

– de l’Unédic, à hauteur de 0,9 milliard d’euros pour l’extension de ce champ aux cotisations chômage.

Logiquement, le coût supporté par la sécurité sociale en 2020 sera supérieur au coût de 2019, du fait de l’impact en année pleine du renforcement de l’allégement général par l’intégration des cotisations chômage. L’évaluation préalable du présent article chiffre à 3,7 milliards d’euros l’effet en 2020 de cette intégration dont 1,0 milliard d’euros déjà couverts par la compensation versée par l’État à la sécurité sociale pour l’année 2019.

Au total, l’impact du décalage dans le temps du renforcement de l’allégement général restant à compenser pour 2020 s’élève à 2,7 milliards deuros. Ils seront compensés à la sécurité sociale via la majoration de la fraction de TVA affectée à l’ACOSS.

B.   Le besoin de financement de l’exonération des employeurs agricoles au titre de l’emploi de travailleurs occasionnels ou de demandeurs d’emploi

Les exploitants agricoles employant des travailleurs occasionnels bénéficient d’une exonération de cotisations patronales en vertu de l’article L. 741 16 du code rural et de la pêche maritime, communément appelée « TO-DE ». Au cours des débats propres au PLFSS 2019, le Gouvernement avait proposé l’alignement du dispositif spécifique TO-DE sur l’allégement général, à l’occasion du renforcement de ce dernier parallèlement à la suppression du CICE.

En définitive, le dispositif TO-DE a été maintenu et modifié pour les années 2019 et 2020 l’article 8 de la LFSS pour 2019. Dans sa version antérieure à la LFSS pour 2019, il consistait en une exonération totale jusqu’à 1,25 SMIC et dégressive pour s’annuler à 1,5 SMIC.

Le dispositif résultant de la LFSS pour 2019 consiste en une exonération totale jusqu’à 1,2 SMIC et dégressive jusqu’à 1,6 SMIC. Il s’éteindra au 1er janvier 2021.

Bien que maintenu, les employeurs éligibles au dispositif TO-DE ont bénéficié de l’allégement forfaitaire de 6 points de cotisation sociale maladie. Cette part de l’exonération spécifique TO-DE était compensée, jusqu’en 2019, par des crédits de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales. À compter de 2020, sa compensation est intégrée dans la fraction de TVA affectée à la sécurité sociale, pour un montant de 95 millions d’euros en 2020.

C.   La suppression de la taxe spéciale sur les huiles

La taxe sur les huiles végétales, définie à l’article 1609 vicies du code général des impôts fait partie des taxes dites à faible rendement supprimées par l’article 26 de la LFI 2019. Cette taxe sera ainsi supprimée à compter du 1er janvier 2020.

D’initiative parlementaire ([686]), la suppression de cette taxe a été justifiée par la nécessité de simplifier le système fiscal et par le faible nombre de redevables (environ 600 en 2012 selon les auteurs de l’amendement).

Affectée à la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA), son rendement est estimé à environ 130 millions deuros par an. Il importe donc que l’État compense la sécurité sociale à due concurrence à compter de 2020.

D.   La dotation exceptionnelle à l’établissement français du sang

En 2019, la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) a accordé à l’Établissement français du sang (EFS) une dotation exceptionnelle de 40 millions deuros.

Elle résulte des effets de la régularisation du régime favorable d’imposition à la TVA et à la taxe sur les salaires dont bénéficiait l’EFS. Sans fondement juridique solide ([687]), il permettait à l’EFS d’améliorer son résultat d’environ 76,5 millions d’euros par an, selon la Cour des comptes ([688]). Ce régime a pris fin au 1er janvier 2019.

Pour compenser cette perte, la LFSS 2019 a exonéré l’EFS de taxe sur les salaires pour un avantage fiscal de 24,5 millions d’euros par an. La dotation exceptionnelle de 40 millions d’euros versée par la CNAM a permis de compléter cette compensation, pour atténuer l’impact financier pour la seule année 2019. La dotation de 40 millions d’euros en 2019 pour la sécurité sociale a été compensée par l’État via la majoration de la fraction de TVA affectée à la sécurité sociale.

Le versement de la dotation n’étant pas amené à se reproduire en 2020, il convient de tirer les conséquences de son caractère exceptionnel minorant à due concurrence la fraction de TVA affectée à la sécurité sociale en 2020.

III.   Les mesures de périmètre des projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2020

Plusieurs mesures de périmètre prévues par le PLF ou le PLFSS 2020 doivent être prises en compte dans les transferts entre l’État et la sécurité sociale.

● La LFI 2018 a transféré le financement de l’Agence de biomédecine (ABM) et de l’École des hautes études en santé publique (EHESP) de l’État à l’assurance maladie. Le PLF 2020 propose de poursuivre le mouvement de simplification et de clarification des financements en transférant à l’assurance maladie le financement de l’Agence nationale de santé publique ­ Santé publique France (ANSP) et de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).

D’après le projet annuel de performance (PAP) de la mission Santé, annexé au présent PLF, les transferts de l’État à la sécurité sociale des financements de l’ANSP et de l’ANSM auraient des coûts respectifs de 156,1 millions d’euros et de 112,5 millions d’euros, pour un total de 268,6 millions deuros.

● En sens inverse, le PLF et le PLFSS 2020 proposent le transfert de l’assurance maladie à l’État du financement de l’accompagnement des groupes hospitaliers territoriaux (GHT) dans le cadre du programme « Phare » de performance des achats hospitaliers, pour un montant de 2,3 millions deuros.

● L’article 12 de la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a prévu d’attribuer aux tribunaux de grande instance (TGI) les compétences des tribunaux des affaires de sécurité sociale (TASS) et des tribunaux du contentieux de l’incapacité au 1er janvier 2019. Selon l’exposé général des motifs du présent PLF cette mesure entraîne en 2020 un transfert de coûts d’environ 6 millions deuros de la sécurité sociale vers lÉtat ([689]).

IV.   L’augmentation de la fraction de TVA affectée à la sécurité sociale

Il n’est pas évident, à la lecture de l’évaluation préalable du présent article, de comprendre l’intégralité du circuit financier et la justification du montant global du transfert. Les développements ci‑dessous s’efforcent de reconstituer le panorama des transferts financiers nouveaux pour 2020.

L’augmentation de la fraction de TVA affectée à la sécurité sociale serait de 1,75 point, après la hausse importante de 2019 à hauteur de 20,07 points.

fraction de tva affectÉE AUX ORGANISMES DE SÉCURITÉ SOCIALE

(en %)

Année

Affectataire

Fraction

Taux

2013

Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés – CNAMTS

TVA nette

5,88

2014

CNAMTS

TVA brute budgétaire

 

7,85

2015

CNAMTS

7,10

2016

CNAMTS

7,19

2017

CNAMTS

7,03

2018

CNAMTS

Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS)

5,93

0,34

5,59

2019

 

CNAMTS

ACOSS

26,00

(23,13)

(2,87)

2020

 

CNAMTS

ACOSS

27,75

(22,57)

(5,18)

Source : commission des finances.

● Le I modifie le 9 ° de l’article L. 131‑8 du code de la sécurité sociale pour modifier le montant de la fraction de TVA affectée à la branche maladie de la sécurité sociale et à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS).

● Le majore de 1,75 point la fraction de TVA affectée à la CNAMTS et à l’ACOSS pour la porter à 27,75 %, pour un montant supplémentaire de 3,16 milliards d’euros, correspondant aux mesures récapitulées ci‑dessous.

Montant supplémentaire de TVA À affecter À la sécurité sociale

(en millions d’euros)

Mesure

Impact

Compensation dexonérations (1)

2 809

Effet "année pleine" du renforcement des allégements généraux sur les cotisations Unédic

2 714

Intégration à compter de 2020 de la compensation de la réduction de 6 points de cotisations maladie employeur du dispositif TO-DE dans le champ de la fraction de TVA à la place de la compensation par crédits budgétaires jusqu’en 2019

95

Mesures de périmètre (2)

261

Transfert du financement de l’Agence nationale de santé publique (ANSP) et de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM)

269

Financement des Groupements hospitaliers de territoire (GHT) par crédits budgétaires (mesure PHARE)

– 2

Transferts d’agents de la sécurité sociale aux tribunaux de grande instance (TGI)

– 6

Autres mesures (3)

90

Suppression de la taxe spéciale sur les huiles destinées à l’alimentation

130

Dotation exceptionnelle en faveur de l’Établissement français du sang (EFS)

– 40

Montant supplémentaire de TVA à affecter à la sécurité sociale

(1 + 2 + 3)

3 160

Source : évaluation préalable du présent article.

Le et le  répartissent cette fraction supplémentaire de TVA entre la CNAMTS et l’ACOSS :

– la fraction affectée à la CNAMTS est minorée de 0,56 point de TVA. Elle s’établirait à 22,57 % ;

– la fraction de TVA affectée à l’ACOSS est majorée de 2,31 points, passant de 2,87 points à 5,18 points.

Selon le droit en vigueur, les 2,87 points de TVA affectés à l’ACOSS correspondent à sa mission de compensation des régimes AGIRC-ARRCO pour l’extension du champ de l’allégement général aux cotisations de retraite complémentaire.

Le a du du présent article ajoute aux missions de l’ACOSS compensées par la fraction de TVA dont elle bénéficie, la compensation pour l’Unédic de l’application de l’allégement général à la cotisation chômage.

● Le b du 2° supprime la disposition introduite par l’article 26 de la LFI 2018 selon laquelle le montant de TVA affectée à la CNAMTS est minoré de 1,5 milliard d’euros en 2020, de 3,5 milliards d’euros en 2021 et de 5 milliards d’euros en 2022. Elle traduisait de nouvelles relations financières entre l’État et la sécurité sociale, en vertu desquelles la sécurité sociale aurait reversé une partie de ses excédents à l’État. Ces nouvelles relations financières avaient été dessinées par le Gouvernement dans le rapport prévu à l’article 27 de la LPFP 2018-2022. Il envisageait, également que certaines pertes de recettes de la sécurité sociale ne soient pas compensées (voir supra).

La chronique de minoration de la fraction de TVA affectée à la sécurité sociale pouvait être justifiée au moment de l’adoption de la LFSS 2019, avec une prévision de retour à court terme à l’équilibre des comptes. La sécurité sociale devait alors se maintenir à l’équilibre, en dépit de la minoration de la fraction de TVA. Les prévisions actualisées de solde de la sécurité sociale ne permettent pas de maintenir cette minoration.

Régimes obligatoires de base et Fonds de solidarité vieillesse
(y compris relations financières entre l’État et la sécurité sociale)

(en milliards d’euros)

 

2018

2019

2020

2021

2022

LFSS 2019

– 1,4

– 0,2

0,4

0,0

–0,6

PLFSS 2020

– 1,4

– 5,5

– 5,6

– 4,6

– 3,2

Source : LFSS 2019 et PLFSS 2020.

● Le II du présent article affecte une fraction de TVA à hauteur de 356 millions deuros en 2020 à la Caisse centrale de la mutualité agricole (CCMSA) au titre de la compensation du dispositif TO-DE, hors la part correspondant à la réduction forfaitaire de 6 points de la cotisation d’assurance maladie (voir supra). En cohérence avec la doctrine adoptée par le Gouvernement et par le législateur en LFSS 2019, les exonérations spécifiques demeurent compensées. Il est renvoyé à un arrêté le soin de fixer l’échéancier du versement de ce montant. Cette compensation par affectation d’un montant de 356 millions d’euros de TVA n’est pas incluse dans la fraction de 3,16 milliards d’euros mentionnée ci-dessus, car elle compense une exonération spécifique. Seules les exonérations générales sont incluses dans le champ de la fraction de TVA exprimée en part du produit brut budgétaire.

La LFSS 2019 avait affecté 545 millions d’euros de TVA « en dur » pour compenser plusieurs exonérations spécifiques au titre des années 2018 et 2019. Le montant « en dur » de 356 millions d’euros pour 2020 est donc inférieur de 189 millions d’euros au montant affecté en 2019.

● Le III fixe les modalités d’entrée en vigueur du présent article. Il précise que l’augmentation de la fraction de TVA de 26 à 27,75 % et la répartition de cette fraction entre la CNAMTS et l’ACOSS entrent en vigueur le 1er février 2020. Cette entrée en vigueur décalée d’un mois par rapport aux autres dispositions de l’article s’explique par la différence entre la comptabilité de l’État et la comptabilité de la sécurité sociale.

En comptabilité budgétaire de l’État, les recettes de TVA d’un exercice correspondent aux encaissements portant sur les périodes d’activité de décembre N‑1 à novembre N. Dans la comptabilité générale de la sécurité sociale, en droits constatés, les produits sont comptabilisés par période d’activité de janvier à décembre N.

Le taux fixé en loi de finances pour la fraction de TVA affectée à la CNAMTS et à l’ACOSS s’applique aux recettes budgétaires de l’exercice. Les produits de TVA nette affectés à la sécurité sociale au titre de l’exercice N sont constitués des encaissements nets de février à décembre N affectés du taux de compensation applicable à l’année N et des encaissements nets de janvier N+1, affectés du taux de compensation applicable à l’année N+1.

Pour neutraliser ce décalage de comptabilité, il est nécessaire que la compensation de TVA entre en vigueur le 1er février.

● Au total, cet article aurait un impact négatif de 4,8 milliards deuros sur le solde de lÉtat d’après l’évaluation préalable. Ce coût correspond à la somme :

– de la fraction supplémentaire de TVA affectée à la sécurité sociale (3,16 milliards d’euros) retraitée des mesures de périmètre
(– 261 millions d’euros) ;

– de l’affectation de 356 millions d’euros de TVA « en dur » ;

– de la suppression du transfert, prévu pour 2020, de 1,5 milliard d’euros de la sécurité sociale à l’État.

*

*     *

La commission est saisie des amendements identiques I-CF1179 de Mme Valérie Rabault et I-CF1411 de Mme Sabine Rubin.

Mme Valérie Rabault. Pour marquer notre désaccord face à la non-compensation des exonérations de cotisations sociales proposées dans le PLFSS, nous proposons, par l’amendement I-CF1179, de supprimer purement et simplement le tuyau, c’est-à-dire l’article relatif aux relations financières entre l’État et la sécurité sociale. J’ai bien conscience que cet amendement va bien au-delà de l’objectif que nous poursuivons, mais il n’est pas acceptable, ne serait-ce qu’au plan de la rigueur intellectuelle, que le Gouvernement décide d’exonérations de cotisations sociales sans les compenser à la Sécurité sociale. L’an dernier, il manquait, du fait de l’exonération de cotisations sur les heures supplémentaires, au moins 1,5 milliard d’euros dans les comptes de la sécurité sociale. En 2020, ce montant atteindra 3,5 milliards d’euros. Il n’est pas admissible que le Gouvernement prenne des décisions et les fasse payer par la sécurité sociale !

M. Éric Coquerel. L’amendement I-CF1411 tend également à supprimer l’article 35. C’est, pour nous, une manière de dénoncer la formalisation des transferts financiers entre l’État et la sécurité sociale, qui bafoue le principe de l’autonomie de cette dernière en ne cessant de creuser son fameux trou à coups d’exonérations de cotisations. De fait, les décisions en faveur du pouvoir d’achat prises par le Président de la République après le mouvement des gilets jaunes seront en grande partie assumées par la sécurité sociale. Tel n’est pas son rôle, qui est de garantir la solidarité nationale grâce à des cotisations sur les salaires.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Je comprends, pour bien connaître Valérie Rabault, que ces amendements ont pour objet d’exprimer une position de principe. Nous en discuterons en séance publique. Avis défavorable.

M. le président Éric Woerth. Je pense, pour ma part, qu’il faut évidemment compenser ces exonérations.

La commission rejette les amendements ICF1179 et ICF1411.

Puis elle adopte l’article 35 sans modification.

*

*     *

 

 

 


Article 36
Évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de lÉtat au titre de la participation de la France au budget de lUnion européenne

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article évalue le prélèvement sur les recettes de l’État pour 2020 au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne à 21 337 000 000 euros.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

Le prélèvement sur recettes en faveur de l’Union européenne (PSR-UE) est prévu par l’article 6 de la LOLF. Il correspond à la majeure partie de la contribution annuelle de la France au budget de l’Union européenne (UE).

Le présent article évalue à 21,337 milliards d’euros le montant prévisionnel, pour 2020, du PSR-UE, en hausse de 0,15 milliard d’euros par rapport à la prévision actualisée pour 2019 et de 0,7 milliard d’euros par rapport au versement effectué en 2018.

exÉcution et PrÉvision de prÉlÈvement sur les recettes
en faveur de l’Union europÉenne

(en millions d’euros)

2018

Exécution

2019

Prévision actualisée

2020

Prévision

20 645

21 194

21 337

Source : annexe au présent PLF Évaluations des voies et moyens, tome I.

Le PSR-UE est bien une dépense au sens de la comptabilité nationale même s’il est traité budgétairement comme une moindre recette. D’ailleurs, en 2008, les prélèvements sur recettes, dont celui au profit de l’Union européenne, ont été intégrés dans la norme de dépense. De même, le II de l’article 9 de la LPFP pour les années 2018 à 2022 ([690]) intègre les prélèvements sur recettes dans « lobjectif de dépenses totales de lÉtat ».

Le PSR-UE représente, en 2020, environ 5,3 % des dépenses nettes de l’État. Seules quatre missions du budget général ont des crédits de paiement supérieurs : Défense, Enseignement scolaire, Solidarité, insertion et égalité des chances et Recherche et enseignement supérieur.

I.   le budget et les ressources de l’union européenne

A.   Le budget 2020

Le budget européen pour 2020 est le septième et dernier du cadre financier pluriannuel (CFP) portant sur 2014-2020. Ce cadre pluriannuel prévoit un plafond global de dépenses de 1 027 milliards d’euros sur sept ans et de 168,8 milliards de crédits d’engagement pour 2020. L’adoption d’un CFP pour la période 2021-2027 est actuellement en cours de discussion au sein des institutions européennes.

Le projet de budget présenté par la Commission européenne pour 2020 s’élève à 168,3 milliards d’euros de crédits d’engagement, soit une augmentation de 1,3 % par rapport à 2019, et 153,6 milliards d’euros de crédits de paiements, soit une hausse de 3,5 % par rapport à 2019.

Selon la Commission européenne ([691]), le budget 2020 est un « budget de continuité et de transition », puisqu’il marque à la fois le dernier budget du CFP actuel et le dernier projet de budget préparé par la Commission Juncker. Il vise à « offrir le meilleur point de départ possible pour la nouvelle génération de programmes qui démarreront en 2021 ».

La procédure budgétaire de l’Union européenne

Le calendrier de la procédure budgétaire européenne comprend cinq étapes.

En premier lieu, la Commission européenne soumet au plus tard au 1er septembre de l’année N, au Conseil et au Parlement européen, un projet de budget pour l’année N+1 en se fondant sur le règlement du cadre financier pluriannuel (CFP) en vigueur.

Ensuite, le Conseil adopte une position sur le projet de budget le 1er octobre au plus tard.

Puis, le Parlement dispose de quarante-deux jours pour prendre une position.

En cas de positions divergentes entre le Parlement et le Conseil, un comité de conciliation est chargé de dégager un accord sur un projet commun, dans les vingt et un jours qui suivent l’adoption de la position du Parlement européen.

Enfin, ce texte commun est soumis à l’approbation du Conseil et du Parlement dans les quatorze jours suivant l’accord.

B.   Les quatre ressources de l’UE

Le système actuel de financement de l’Union européenne repose sur quatre types de ressources :

– les ressources propres traditionnelles (RPT), droits de douane et cotisation sucre, pour lesquelles les administrations nationales agissent en simples intermédiaires pour la perception des ressources au profit de l’Union européenne (le reversement des RPT n’est donc pas traité comme un prélèvement sur recettes) ;

– la ressource dite « TVA », calculée par l’application d’un taux d’appel uniforme (0,3 %) à une assiette harmonisée ;

– la ressource sur le revenu national brut (RNB), versée par les États membres au prorata de leur RNB dans le RNB total de l’Union européenne pour équilibrer le montant global des dépenses inscrites au budget ;

– les recettes diverses.

Le prélèvement sur recettes porte uniquement sur les ressources propres « TVA » et « RNB ». Au total, la France contribue à hauteur d’environ 15 % au budget de l’Union européenne.

II.   l’évaluation du prélèvement sur recettes pour 2020

Le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne est une évaluation ex ante, qui intervient avant le vote du budget de l’Union européenne. L’évaluation est réalisée en fonction des prévisions de recettes et de dépenses de ce budget, ainsi que d’une hypothèse de solde excédentaire de 2019 reporté sur 2020.

L’évaluation est, par ailleurs, fondée sur l’hypothèse que le Royaume-Uni honorera bien les engagements financiers pris envers l’Union européenne dans le cadre du CFP en cours d’exécution. Cet engagement a été pris en décembre 2017.

L’évaluation pour 2020 du PSR-UE a, ainsi, été fixée à 21,3 milliards d’euros sur la base des informations connues à ce jour. Le PSR-UE augmenterait ainsi de 0,7 % par rapport à 2019.

Ventilation du prÉlÈvement sur recettes
au profit de l’Union europÉenne pour 2020

(en millions d’euros)

Ressource

Montant

Ressource TVA

4 771

dont correction britannique*

1 344

Ressource RNB

16 566

Total

21 337

* Au titre du rabais britannique consenti depuis 1984.

Source : annexe au présent PLF Évaluations des voies et moyens, tome I.

PrÉlÈvement sur recettes au profit de l’Union europÉenne
depuis 2008

(en milliards d’euros)

Année

Montant

2008

16,6

2009

18,3

2010*

17,5

2011

18,2

2012

19,1

2013

22,5

2014

20,3

2015

20,7

2016

19,0

2017

16,4

2018

20,6

2019 **

21,2

2020 **

21,3

*À compter de 2010, les RPT ne sont plus intégrées dans le périmètre du prélèvement sur recettes.

** prévision

Source : commission des finances.

Impact du « Brexit » sur le PSR-UE

L’impact du Brexit sur le PSR-UE des années à venir est très difficile à évaluer. Il dépend en grande partie des résultats des négociations avec le Royaume-Uni sur ses modalités de sortie de l’Union européenne. Le risque financier le plus élevé est une sortie sans accord, le « no deal ».

En première approche, il peut être anticipé une augmentation du PSR-UE dans la mesure où le poids de la France dans le RNB de l’Union européenne augmenterait mécaniquement. Pour autant, les besoins en crédits de l’Union européenne peuvent diminuer avec la sortie d’un État membre important. De même, les ressources propres de l’UE – les RPT – peuvent progresser si le Royaume-Uni n’obtient pas un accès libre au marché commun, ce qui diminuerait d’autant les contributions des États membres.

*

*     *

La commission adopte l’article sans modification.

*

*     *

 


titre II
dispositions relatives à l’équilibre des ressources
et des charges

Article 37
Équilibre général du budget, trésorerie et plafond dautorisation des emplois

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article fixe, pour 2020, le déficit budgétaire de l’État à 93,1 milliards d’euros et évalue son besoin de financement à 230,5 milliards d’euros. Il fixe aussi le plafond d’autorisation des emplois rémunérés par l’État à 1 950 428 équivalents temps plein travaillé.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

L’article d’équilibre du présent PLF clôt la première partie. Il ne porte que sur le budget de l’État.

Il tend à garantir qu’il ne sera pas porté atteinte, lors de l’examen des dépenses en seconde partie, aux grandes lignes de l’équilibre préalablement défini. Ainsi, la seconde partie du PLF ne peut être mise en discussion tant que n’a pas été votée et adoptée « la disposition qui arrête en recettes et en dépenses les données générales de léquilibre » ([692]).

Le I du présent article fixe les prévisions de ressources, détaillées à l’état A annexé au PLF, les plafonds de charges, ainsi que l’équilibre général du budget de l’État présenté dans un tableau.

Le II présente le tableau de financement de l’État ainsi que diverses autorisations de recours à l’endettement.

Le III définit le plafond des autorisations d’emplois rémunérés par l’État, dont le détail est prévu par l’article 42 du présent PLF.

Le IV arrête les modalités selon lesquelles sont utilisés les éventuels surplus du produit des impositions de toute nature établies au profit de l’État. Il prévoit que ces éventuels surplus seraient affectés en totalité à la réduction du déficit budgétaire.

Les chiffres clés de l’article d’équilibre du PLF pour 2020 (arrondi au dixième)

Recettes totales nettes du budget général : 306,1 milliards d’euros

dont recettes fiscales nettes : 291,8 milliards deuros

dont recettes non fiscales : 14,4 milliards deuros

Prélèvements sur recettes : 62,2 milliards d’euros

Dépenses nettes du budget général : 337,0 milliards d’euros

Solde général : – 93,1 milliards d’euros

dont solde du budget général :  93,1 milliards deuros

dont solde des budgets annexes et comptes spéciaux : + 0 milliard deuros

Besoin de financement : 230,5 milliards d’euros

dont amortissement de la dette (y compris SNCF Réseau) : 138,2 milliards deuros

dont déficit à financer : 93,1 milliards deuros

dont autres besoins de trésorerie :  1,3 milliard deuros

Plafond d’autorisation des emplois rémunérés par l’État : 1 950 428 équivalents temps plein travaillé (ETPT)

I.   Les ressources de l’État

Le 5° de l’article 34 de la LOLF dispose que la première partie de la loi de finances comporte une évaluation de chacune des recettes budgétaires.

Tel est l’objet de l’état A, annexé au PLF, qui évalue le montant des recettes brutes du budget général, des budgets annexes, des CAS et des comptes de concours financiers.

En application du 4° de l’article 34 de la LOLF précitée, l’état A comporte également une évaluation des prélèvements sur recettes.

Ces éléments sont récapitulés dans le tableau d’équilibre général, mentionné par le 7° de l’article 34 de la LOLF, qui fait apparaître séparément les ressources du budget général, celles des budgets annexes et celles des comptes spéciaux.

Le tableau d’équilibre général comporte également, dans la colonne des ressources, une évaluation des remboursements et dégrèvements, afin de faire ressortir le montant net des recettes.

Contrairement aux dépenses, les éléments relatifs aux ressources constituent de simples évaluations et non pas des plafonds à ne pas dépasser. L’autorisation de percevoir les recettes est délivrée par l’article 1er du présent PLF.

Il ressort du tableau d’équilibre que les recettes totales nettes du budget général s’établiraient en 2020 à 306,1 milliards d’euros et se composeraient de :

– 291,8 milliards d’euros de recettes fiscales nettes (recettes fiscales brutes de 432,8 milliards d’euros sous déduction des remboursements et dégrèvements estimés à 141,0 milliards d’euros) ;

– et 14,4 milliards de recettes non fiscales.

Le montant net des ressources pour le budget général s’établirait à 243,9 milliards d’euros après les prélèvements sur recettes de 62,2 milliards d’euros, dont 40,9 milliards au profit des collectivités territoriales et 21,3 milliards au profit de l’Union européenne.

Après prise en compte des fonds de concours (6 milliards d’euros), le montant net des ressources pour le budget général s’élèverait à 249,9 milliards d’euros.

Les ressources du budget général de l’État

(en millions d’euros)

Recettes fiscales brutes

+ 432 784

À déduire : remboursements et dégrèvements

 141 018

Recettes non fiscales

+ 14 367

Prélèvements sur recettes

 62 235

Fonds de concours

+ 6 028

Montants nets pour le budget général, y compris fonds de concours

249 925

Source : extraits du tableau d’équilibre de l’article 37 du présent PLF.

A.   Les recettes fiscales nettes

En 2020, les recettes fiscales nettes du budget général s’établiraient à 291,8 milliards d’euros, en hausse de 13,7 milliards d’euros par rapport à la prévision actualisée pour 2019, et en baisse de 3,6 milliards d’euros par rapport à l’exécution constatée en 2018.

Cette évolution contrastée, commentée en détail dans le tome I du présent rapport, a pour explication principale la transformation du CICE en baisse de cotisations sociales, qui s’est traduite par une forte baisse des recettes en 2019, exercice sur lequel les deux mesures se sont cumulées. L’exercice 2020 permet un gain de recettes qui s’explique par le contrecoup de la suppression du CICE, tandis que la hausse du rendement de l’impôt sur les sociétés permise par cette suppression (l’effet retour positif du fait de l’augmentation de l’assiette imposable, à hauteur de 6 milliards d’euros) neutralise la baisse de la TVA affectée à l’État du fait de la compensation aux organismes de sécurité sociale des allégements de cotisations sociale (– 6,5 milliards d’euros) remplaçant le CICE.

Les Recettes fiscales nettes du budget gÉNÉral de l’État 2018-2020

(en milliards d’euros)

Recettes fiscales nettes du budget général de lÉtat

Exécution

2018

Prévision actualisée

2019

Prévision

2020

Total

295,4

278,1

291,8

impôt sur le revenu (IR)

73,0

72,6

75,5

impôt sur les sociétés (IS)

27,4

31,8

48,2

taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

156,7

129,2

126,1

taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

13,7

13,1

14,5

« autres recettes fiscales »

24,6

31,5

27,5

Source : présent PLF, annexe Évaluations des voies et moyens, tome I.

B.   Les Recettes non fiscales

En 2020, le produit des recettes non fiscales baisserait de 165 millions d’euros par rapport à 2019 pour s’établir à 14,4 milliards d’euros.

Selon l’état A annexé au projet de loi de finances, ces recettes non fiscales se décomposeraient en :

– 6,1 milliards d’euros de dividendes et recettes assimilées ;

– 1,9 milliard d’euros de produits du domaine de l’État ;

– 1,8 milliard d’euros de produits de la vente de biens et services ;

– 1,2 milliard d’euros de remboursements et d’intérêts des prêts, d’avances et d’autres immobilisations financières ;

– 1,5 milliard d’euros d’amendes, de sanctions, de pénalités, et de frais de poursuite ;

– et 2,34 milliards d’euros de produits divers.

La baisse de 0,2 milliard d’euros des recettes non fiscales par rapport à 2019 s’explique principalement par le contrecoup (– 0,5 milliard d’euros) de la convention judiciaire signée en 2019 avec Google pour solder son contentieux fiscal, (laquelle a rapporté ponctuellement 0,5 milliard d’euros en 2019), compensée en 2020 par le versement par la Française des jeux de la soulte due à l’État dans le cadre de la privatisation du groupe (+ 0,4 milliard d’euros).

II.   Les charges et l’Équilibre gÉnÉral de l’état

A.   Le plafond des charges de l’état

Aux termes du 6° du I de l’article 34 de la LOLF, la loi de finances fixe les plafonds des dépenses du budget général et de chaque budget annexe ainsi que les plafonds des charges de chaque catégorie de comptes spéciaux.

Contrairement aux recettes, les montants ainsi fixés ne sont pas des évaluations mais des plafonds.

Le détail des plafonds de charges est prévu aux états B (répartition des crédits par mission), C (répartition des crédits par budget annexe) et D (répartition des crédits par CAS et compte de concours financiers) visés respectivement par les articles 38, 39 et 40 du présent PLF.

Le tableau d’équilibre général du présent article mentionne le plafond des charges du budget général, des budgets annexes et des comptes spéciaux.

Les dépenses nettes du budget général en crédits de paiement sont, ainsi, plafonnées à 337,0 milliards d’euros hors fonds de concours (soit 478,0 milliards d’euros de dépenses brutes sans déduction des remboursements et dégrèvements, ce qui correspond à la somme des crédits de paiement du budget général détaillés par l’état B).

Dépenses nettes de l’État

À noter que, dans le tableau d’équilibre général, les prélèvements sur recettes au profit de l’Union européenne et des collectivités territoriales ne sont pas traités pas comme des charges mais comme des moindres ressources. Si l’on retraite le prélèvement sur recettes comme une dépense, le total des dépenses nettes du budget général de l’État prévu pour 2020 s’élève à 399,2 milliards d’euros.

Avec les fonds de concours (6 milliards d’euros), le montant des charges du budget général de l’État ressort à 343,0 milliards d’euros pour 2020.

B.   Le solde gÉnÉral de l’État

Le solde du budget général ressortirait en 2020 à  93,1 milliards deuros, ce qui correspond au déficit budgétaire de lÉtat. Ce solde est compte tenu :

– d’un montant de charges de 343,0 milliards d’euros (337,0 milliards hors fonds de concours) ;

– et d’un montant de ressources de 249,9 milliards d’euros (306,1 milliards de recettes totales nettes, desquelles il convient de déduire les prélèvements sur recettes de 62,2 milliards d’euros, et auxquelles il convient d’ajouter les fonds de concours à hauteur de 6 milliards d’euros).

Après prise en compte du solde des budgets annexes (– 3 millions d’euros) et des comptes spéciaux (+ 35 millions d’euros), le déficit budgétaire de l’État demeure inchangé à – 93,1 milliards d’euros pour 2020.

III.   Le besoin et les ressources de financement de l’État

Aux termes du 8° du I de larticle 34 de la LOLF précitée, larticle déquilibre « comporte les autorisations relatives aux emprunts et à la trésorerie de lÉtat » et « évalue les ressources et les charges de trésorerie qui concourent à léquilibre financier, présentées dans un tableau de financement ».

A.   Le tableau de financement

Le du II du présent article comporte un tableau de financement avec les ressources et les charges de trésorerie de l’État qui concourent à la réalisation de son équilibre financier.

Le besoin de financement pour 2020 est prévu à 230,5 milliards d’euros. Il se décompose ainsi :

– 138,2 milliards au titre de l’amortissement de la dette (remboursement du capital dû) ; ce montant comprend l’amortissement de 25 milliards d’euros de la dette de SNCF Réseau ([693]), reprise à compter de 2020 (1,8 milliard d’euros)

– 93,1 milliards au titre du déficit budgétaire ;

– et – 1,3 milliard au titre d’autres besoins de trésorerie. Ce montant est négatif : il s’agit principalement de décaissements au titre des programmes d’investissements d’avenir comptabilisés en mesures de trésorerie

Il est prévu de nouvelles émissions de dette à hauteur de 205 milliards d’euros pour couvrir la majeure partie de ce besoin de financement, soit un montant proche de celui prévu par la loi de finances pour 2019 (200 millions d’euros) ([694]). Il est également prévu une nouvelle hausse des emprunts de court terme, de 10 milliards d’euros, dont l’objet est d’améliorer la liquidité du stock de dette de l’État.

B.   Les autorisations traditionnelles relatives aux emprunts et À la trésorerie

Le du II du présent article a pour objet d’accorder au ministre des finances une autorisation globale pour conclure toutes les opérations nécessaires au financement de l’État et à la gestion de sa trésorerie pour l’année 2020.

Par ailleurs, suite à la ratification du traité instituant le Mécanisme européen de stabilité (MES) et, à l’instar de ce qui est autorisé pour le Fonds européen de stabilité financière (FESF), le ministre chargé des finances est également autorisé à effectuer des opérations de trésorerie avec le MES, avec les institutions financières de l’UE (y compris sur le marché interbancaire de la zone euro) et avec les États de la zone euro.

Le Mécanisme européen de stabilité (MES)
et le Fonds européen de stabilité financière (FESF)

Le Mécanisme européen de stabilité (MES) est issu du traité signé le 2 février 2012 à Bruxelles, dont la ratification a été autorisée par la loi n° 2012-324 du 7 mars 2012.

Il a succédé au Fonds européen de stabilité financière (FESF), mis en place temporairement lors d’un sommet exceptionnel des chefs d’État et de gouvernement de la zone euro à Bruxelles le 9 mai 2010 à la suite de la crise des dettes souveraines, pour éviter à la Grèce le défaut de paiement. Le FESF a continué néanmoins d’exister jusqu’à l’extinction des programmes d’ajustement irlandais (2010-2013), portugais (2011-2014) et grec (2010-2013). Les nouveaux programmes d’ajustement pour la Grèce (2012-2014 et celui en cours depuis 2015) sont portés par le MES.

Le MES est une institution monétaire internationale dont tous les États membres dont la monnaie est l’euro sont membres. La France y contribue à hauteur d’environ 20 %.

Il a pour mission de garantir la mobilisation de fonds pour faire face à une éventuelle défaillance d’un de ses membres et éviter la propagation de la crise à toute la zone euro.

Enfin, en application du 9° du I de l’article 34 précité de la LOLF, l’article d’équilibre doit également fixer un plafond de la variation nette de la dette, qui s’établit, au 3° du II du présent article, à 74,5 milliards d’euros en 2020, au lieu de 71,1 milliards d’euros en 2019. La variation nette de la dette correspond à la différence, sur l’exercice, entre les nouveaux encours de dette (net des rachats de titres) et l’amortissement de la dette.

Ce plafonnement indique la variation nette autorisée, appréciée en fin d’année, de la dette négociable de l’État d’une durée supérieure à un an, soit de la dette émise sous forme d’obligations assimilables du Trésor (OAT) et de bons du Trésor à taux fixe et à intérêt annuel (BTAN).

IV.   Le plafond dautorisation des emplois rémunÉrÉs par lÉtat

En application du 6° du I de l’article 34 précité de la LOLF, la première partie de la loi de finances fixe un plafond d’autorisation des emplois rémunérés par l’État. Les emplois sont exprimés en « équivalents temps plein travaillé » (ETPT), notion qui permet de comptabiliser les agents au prorata de leur période de présence et de leur quotité de travail annuelles par rapport à un temps plein.

À la différence des plafonds de dépenses qui sont ventilés entre le budget général, chaque budget annexe et chaque catégorie de comptes spéciaux, ce plafond recouvre l’ensemble des emplois rémunérés par l’État.

Le III du présent article fixe ce plafond à 1 950 428 ETPT au lieu de 1 953 516 ETPT en loi de finances pour 2019, soit une baisse de 3 088 ETPT.

Il convient, cependant, de rappeler que ce plafond d’emplois n’a pas vocation à être intégralement consommé, ce qui signifie que cet alinéa ne correspond pas nécessairement à la variation effective des ETPT d’un exercice sur l’autre. Ce plafond constitue un stock maximal d’emplois à ne pas dépasser en exécution.

En seconde partie du présent PLF (article 42), les plafonds d’autorisation d’emplois de l’État font l’objet d’une répartition par ministère et par budget annexe, dans la limite du plafond voté en première partie.

Ces plafonds ministériels complètent le dispositif de plafonnement de la masse salariale (crédits du titre 2), conformément au III de l’article 7 de la LOLF aux termes duquel « les crédits ouverts sur le titre des dépenses de personnel sont assortis de plafonds dautorisation des emplois rémunérés par lÉtat. Ces plafonds sont spécialisés par ministère ».

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*     *

La commission adopte l’article sans modification.

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*     *

Puis elle adopte l’ensemble de la première partie du projet de loi de finances modifiée.

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([1]) Article 7 de la loi organique n° 2012–1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

([2]) Conférence de presse du 25 avril 2019.

([3])  Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

([4]) Règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques.

([5]) Banque de France, « La croissance potentielle. Une notion déterminante mais complexe », Focus n° 13, mars 2015.

([6]) Haut Conseil des finances publiques, avis n° HCFP-2017-3 du 24 septembre 2017 relatif au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

([7]) Haut Conseil des finances publiques, avis n° HCFP-2019-3 du 23 septembre 2019.

([8]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

([9]) Loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

([10]) Article 1er de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016.

([11])  Techniquement, il s’agit d’une réduction d’impôt égale à 1 728 € pour la part supplémentaire, cette réduction d’impôt ne pouvant toutefois pas excéder l’augmentation de la cotisation d’impôt résultant du plafonnement.

([12])  Techniquement, il s’agit d’une réduction d’impôt égale à 1 547 € par demi-part supplémentaire lorsque la réduction de leur cotisation d’impôt est plafonnée par les effets du droit commun du quotient familial, cette réduction d’impôt ne pouvant toutefois pas excéder l’augmentation de la cotisation d’impôt résultant du plafonnement.

([13])  Ce système consiste à diviser le revenu imposable de chaque foyer en un certain nombre de parts qui dépend de la composition familiale du foyer fiscal : chaque adulte d’un foyer correspond à une part. Chacun des deux premiers enfants à charge procure une demi-part. Une part est attribuée au foyer pour chacun des enfants à charge à compter du troisième.

([14]) Loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015, article 2.

([15]) Ibid.

([16]) Évaluations préalables du projet de loi de finances pour 2015.

([17]) Loi  2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011, article 16.

([18]) Loi  2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013, article 2.

([19]) Loi  2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, article 2.

([20]) Loi  2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, article 2.

([21]) Loi  2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015, article 2.

([22]) Loi  2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016, article 2.

([23])  Loi  2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, article 2.

([24])  Loi  2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, article 2.

([25])  Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, article 2.

([26]) Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, article 2.

([27]) Loi n° 81-1160 du 30 décembre 1981 de finances pour 1982, article 12.

([28]) Loi n° 86-1317 du 30 décembre 1986 de finances pour 1987, article 2.

([29]) Loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013, article 2.

([30]) Le portant ainsi de 439 à 480 euros.

([31]) Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, article 2.

([32]) Loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015, article 2.

([33]) Loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016, article 2.

([34]) La « conjugalisation » de la décote permettait d’adapter le mécanisme selon la configuration du foyer fiscal, et de rapprocher le rapport entre « seuil d’imposabilité » pour les célibataires et pour les couples de 1 à 2.

([35]) Exposé des motifs de l’article 1er de la loi n° 2014-891 du 8 août 2014 de finances rectificative pour 2014.

([36]) Loi n° 2014-891 du 8 août 2014 de finances rectificative pour 2014, article 1er.

([37]) Le montant maximal de RFR pour bénéficier du dispositif a été fixé à un niveau correspondant à un salaire égal à 1,1 fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) annuel pour 2013 soit, en l’espèce, 14 145 euros pour les personnes seules et 28 290 euros pour les contribuables soumis à une imposition commune. Ces seuils étaient majorés pour tenir compte de la composition du foyer fiscal, respectivement de 3 536 euros pour chacune des demi-parts suivantes et 1 768 euros pour chacun des quarts de parts suivants.

([38]) Loi  2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, article 2.

([39]) Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, article 60.

([40]) Loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social, article 10.

([41]) Ordonnance n° 2017-1390 du 22 septembre 2017 relative au décalage d’un an de l’entrée en vigueur du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu.

([42])  Joël Giraud, Rapport fait au nom de la commission des finances, de léconomie générale et du contrôle budgétaire sur l’application des mesures fiscales, Assemblée nationale, XVe législature n° 2169, 17 juillet 2019.

([43]) Évaluations préalables du présent article.

([44]) Aux termes du 1 du III du même article 204 H, le taux par défaut est appliqué lorsque « lannée dont les revenus ont servi de base de calcul du taux est antérieure à lantépénultième année par rapport à lannée de prélèvement ».

([45]) Conformément au 3 de l’article 197 du CGI.

([46]) Article 157 bis du CGI.

([47]) a du 5 de l’article 158 du CGI.

([48]) 3° de l’article 83 du CGI.

([49]) 2° du II de l’article 204 H du CGI.

([50]) Loi n° 81-1160 du 30 décembre 1981 de finances pour 1982, article 12.

([51]) Le montant de cet abattement constitue également le plafond de la déduction du revenu imposable de la pension alimentaire versée à un enfant majeur (2° du II de l’article 156 du CGI). Celui-ci est ainsi également relevé.

([52]) Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

([53]) Loi n° 76-1234 du 29 décembre 1976 modifiant les règles de territorialité et les conditions d’imposition des Français de l’étranger ainsi que des autres personnes non domiciliées en France.

([54]) À titre d’illustration, des dispositions particulières sont prévues pour les agents de l’État en service à l’étranger, pour les agents diplomatiques et consulaires de nationalité étrangère exerçant leur activité en France ainsi que pour les salariés détachés à l’étranger et les impatriés détachés en France.

([55]) C’est-à-dire en métropole ou dans les départements et régions d’outre-mer, ci-après désignés « DROM ».

([56]) Bulletin officiel des finances publiques, BOI-IR-CHAMP-10.

([57]) Cf. e bis et e ter de l’article 164 B du CGI.

([58]) C’est notamment le cas des traitements, salaires, pensions et rentes viagères de source française (article 182 A du CGI).

([59]) Ces taux ont été modifiés par l’article 13 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019. Ils s’élèvent respectivement à 14,4 % et 20 % pour les revenus ayant leur source dans les DROM. Les taux de 20 % et de 14 % s’appliquent à la fraction du revenu imposable inférieure ou égale à la limite supérieure de la deuxième tranche du barème de l’impôt sur le revenu ; les taux de 30 % et de 20 % s’appliquent à la fraction du revenu imposable qui excède cette limite. Pour plus de précisions, voir Joël Giraud, Rapport sur le projet de loi de finances pour 2019, Assemblée nationale, XVe législature,  1504, 14 décembre 2018, pages 62‑66.

([60]) Conformément à l’article 55 de la Constitution.

([61]) « Nonobstant toute disposition contraire du présent code, sont passibles en France de l’impôt sur le revenu tous revenus dont l’imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions. »

([62]) Exposé sommaire du présent article.

([63]) Projet de loi de finances pour 2020, Évaluations préalables des articles du projet de loi, article 3.

([64]) Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances, 27 janvier 2019.

([65]) Cf. arrêt « USG France » précité.

([66]) Projet de loi de finances pour 2020, Évaluations préalables des articles du projet de loi, article 3.

([67]) Ibid.

([68]) Ibid.

([69]) Joël Giraud, Rapport dinformation sur lapplication des mesures fiscales, Assemblée nationale, XVe législature,  1172, 18 juillet 2018, page 185.

([70]) Loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015, article 3.

([71]) Loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016, article 106 ; loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, article 23 ; loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, article 79 ; loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, article 182.

([72]) Joël Giraud, Rapport sur le projet de loi de finances pour 2018, tome III, Assemblée nationale, XVe législature, n° 273, 11 octobre 2017.

([73]) Joël Giraud, Rapport sur le projet de loi de finances pour 2019, tome III, Assemblée nationale, XVe législature, n° 1302, 11 octobre 2018.

([74]) Joël Giraud, Rapport sur l’application des mesures fiscales, Assemblée nationale, XVe législature, n° 1172, 18 juillet 2018.

([75])  Joël Giraud, Rapport sur l’application des mesures fiscales, Assemblée nationale, XVe législature, n° 2169, 17 juillet 2019.

([76]) Loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999 de finances pour 2000, article 5.

([77]) 4 de l’article 200 quater du CGI.

([78]) La somme est divisée par deux lorsqu’il s’agit d’un enfant réputé être à charge égale de ses deux parents.

([79]) Loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009, article 99.

([80]) Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, article 184.

([81]) Conformément à l’article R. 321-1 du code de la construction et de l’habitation (CCH).

([82]) Arrêté du 24 mai 2013 relatif aux plafonds de ressources applicables à certains bénéficiaires des subventions de l’Agence nationale de l’habitat, notamment pris pour l’application de l’article R. 321-12 du CCH et modifié par l’arrêté du 21 décembre 2017.

([83]) Plan de rénovation énergétique des bâtiments notamment disponible sur le site internet du ministère de la cohésion des territoires.

([84]) Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 de transition énergétique pour la croissance verte.

([85]) Cour des comptes, La gestion des dépenses fiscales en faveur du logement, mars 2019.

([86]) Selon l’enquête OPEN 2015 de l’ADEME.

([87]) Enquête Tremi, travaux de rénovation énergétique des maisons individuelles, campagne 2017.

([88])  Cour des comptes, La gestion des dépenses fiscales en faveur du logement, mars 2019.

([89]) M. Philippe Dallier, rapport d’information fait au nom de la commission des finances sur l’enquête de la cour des comptes sur le programme « Habiter mieux », Sénat, session ordinaire 2017-2018, n° 399, 4 avril 2018.

([90]) Évaluations préalables.

([91])  Évaluations préalables annexées au présent projet de loi de finances pour 2020.

([92]) Évaluations préalables annexées au présent projet de loi de finances pour 2020.

([93]) Joël Giraud, rapport sur le projet de loi de finances pour 2019, tome III, Assemblée nationale, XVe législature, n°1302, 11 octobre 2018

([94]) Évaluations préalables annexées au projet de loi de finances pour 2020, p.40.

([95])  Évaluations préalables annexées au projet de loi de finances pour 2020, p.42.

([96]) Discours du Président de la République au 100ᵉ congrès des maires de France, 23 novembre 2017, prononcé : « Si cet impôt est mauvais pour 80 % des Français, il y a peu de chances quil le soit pour les 20 % restants. »

([97]) Conseil constitutionnel, décision n° 2017-758 DC du 28 décembre 2017, Loi de finances pour 2018.

([98]) M. Joël Giraud, Rapport fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi de finances pour 2018, tome II, Assemblée nationale, XVe législature, n° 273, 12 octobre 2017.

([99]) M. Joël Giraud, Rapport fait au nom de la commission des finances sur lapplication des mesures fiscales, Assemblée nationale, XVe législature, n° 1172, 18 juillet 2018.

([100]) Articles 1407 et 1408 du code général des impôts.

([101]) Loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016, article 75.

([102]) Adoptée en loi de finances pour 2009 (loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009), la suppression de la demi-part dite « vieux parents » est effective depuis 2014.

([103]) Loi n° 2014-891 du 8 août 2014 de finances rectificative pour 2014, article 28.

([104]) Loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, article 7.

([105]) Au sens du IV de l’article 1417 du CGI.

([106]) Loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, article 56.

([107]) Loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 de finances pour 2005, article 41.

([108]) Loi  2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, article 5.

([109]) Conseil constitutionnel, commentaire de la décision n° 2017-758 DC du 28 décembre 2017, Loi de finances pour 2018.

([110])  Assemblée nationale, Débat sur la fiscalité et les dépenses fiscales, 3 avril 2019.

([111]) Loi  2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, article 5.

([112]) Loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016, article 49.

([113]) Évaluations préalables, page 18.

([114]) Loi  2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, article 6.

([115]) Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, article 7.

([116]) Loi n° 91-1322 du 30 décembre 1991 de finances pour 1992, article 21.

([117]) Loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010, article 77.

([118]) Loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République, article 7.

([119]) Loi organique n° 2004-758 du 29 juillet 2004 prise en application de l’article 72-2 de la Constitution relative à l’autonomie financière des collectivités territoriales, article 3.

([120]) Rapport de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL), Les finances des collectivités locales en 2019, état des lieux, juillet 2019.

([121]) Montants calculés en 2018 et présentés au comité des finances locales du 23 juillet 2019.

([122]) Montants calculés en 2018 et présentés au comité des finances locales du 23 juillet 2019.

([123]) Loi n° 96-1241 du 30 décembre 1996 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur de la zone dite des cinquante pas géométriques dans les départements d’outre-mer, article 4.

([124]) Loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, article 7.

([125]) Loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, article 46.

([126]) Loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, article 56.

([127]) Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, article 5.

([128]) Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, article 41.

([129]) Loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014, article 31.

([130]) Amendements n° CF1452 et CF876, sous-amendés par le CF1575.

([131]) Formule de la correction du taux d’abattement proposée : (taux d’abattement communal * taux d’imposition communal + taux d’abattement départemental * taux d’imposition départemental)/(taux d’imposition communal + taux d’imposition départemental).

([132]) Formule de la correction du taux d’abattement proposée pour les locaux professionnels existants avant 2021 : (taux d’abattement communal * taux d’imposition communal * valeur locative communale neutralisée planchonnée + taux d’abattement départemental * taux d’imposition départemental * valeur locative départementale neutralisée planchonnée)/([taux d’imposition communal + taux d’imposition départemental] * nouvelle base communale neutralisée planchonnée).

([133]) Formule de la correction du taux d’exonération proposée : (taux d’exonération communal * taux d’imposition communal + taux d’exonération départemental * taux d’imposition départemental)/(taux d’imposition communal + taux d’imposition départemental).

([134]) Formule de la correction du taux d’exonération proposée : (taux d’exonération communal * taux d’imposition communal * base communale neutralisée planchonnée après abattement de 50 % + taux d’exonération départemental * taux d’imposition départemental * base départementale neutralisée planchonnée après abattement de 50 %)/([taux d’imposition communal + taux d’imposition départemental] * nouvelle base communale neutralisée planchonnée après abattement de 50 %).

([135]) Formule de la correction du taux d’abattement proposée : (taux d’abattement communal * taux d’imposition communal + taux d’abattement départemental * taux d’imposition départemental)/(taux d’imposition communal + taux d’imposition départemental).

([136]) Formule de la correction du coefficient de neutralisation proposée : (taux communal * coefficient de neutralisation communal + taux départemental * coefficient de neutralisation départemental)/(somme du taux communal et du taux départemental).

([137]) Formule de correction du planchonnement proposée : (taux communal * planchonnement communal + taux départemental * planchonnement départemental)/(somme du taux communal et du taux départemental).

([138]) Ordonnance n° 2018-75 du 8 février 2018 complétant et précisant les règles budgétaires, financières, fiscales et comptables applicables à la Ville de Paris.

([139]) Loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010.

([140]) Amendements n° CF1454 et CF880.

([141]) Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, article 41.

([142]) Loi n° 91-1322 du 30 décembre 1991 de finances pour 1992, article 21.

([143]) Loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l’outre-mer, article 44 et loi n° 2000-1352 du 30 décembre 2000 de finances pour 2001, article 42.

([144]) Loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances, article 29.

([145]) Loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer, article 6.

([146]) Loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014, article 49.

([147]) Loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017, article 17.

([148]) Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, article 135.

([149]) Article L. 3334-17 du CGCT.

([150]) Ressources consultants finances, Société d’étude, recherche et prospective en finances locales, Analyse du projet de remplacement du foncier bâti départemental par une fraction dimpôt national transféré, avril 2019.

([151]) Comité des finances locales du 23 juillet 2019.

([152]) Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, article 33.

([153]) MM. Dominique Bur et Alain Richard, Rapport sur la refonte la fiscalité locale, Mission finances locales, mai 2018.

([154]) Amendement n° CF1210.

([155])  Inspection générale des finances, Les taxes à faible rendement, février 2014 (lien)

([156])  Joël Giraud, Rapport sur l’application des mesures fiscales, Assemblée nationale, XVe législature, n° 2169, 17 juillet 2019 (lien).

([157]) Conseil des prélèvements obligatoires, La fiscalité affectée, constats, enjeux, et réformes, juillet 2013 (lien).

([158]) Inspection générale des finances, Les taxes à faible rendement, février 2014 (lien)

([159])  Cour des comptes, Référé, Les taxes à faible rendement, S2018-3303, 3 décembre 2018 (lien).

([160])  Ordonnance n° 2019-761 du 24 juillet 2019 relative au régulateur des redevances aéroportuaires.

([161]) Assemblée nationale, compte-rendu intégrale de la 2ème séance du 20 novembre 2000, p. 8994 (lien).

([162])  Conseil constitutionnel, décision DC n° 99-424 DC du 29 décembre 1999.

([163])  Conseil d’État, décision Nos 401536, 401561, 401611, 401632, 401668 du 10 mai 2017.

([164])  Sénat, compte-rendu intégral des débats, séance du 19 janvier 2017 (lien).

([165])  Article 406 undecies du code général des impôts.

([166])  Article 1698 D du code général des impôts.

([167])  Décret n° 87-678 du 17 août 1987.

([168]) Les apports purs et simples confèrent à l’apporteur des droits sociaux et aucun autre avantage. Ils s’opposent aux apports à titre onéreux ou aux apports mixtes par lesquels l’apporteur retire un autre avantage (par exemple, la prise en charge d’un passif par la société).  

([169])  Auparavant, ces actes donnaient lieu à la perception d’un droit fixe de 375 ou de 500 euros.

([170]) Loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012.

([171]) Loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.

([172]) Loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.

([173]) Loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

([174]) Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

([175]) Cour des comptes, Le budget de lÉtat en 2018, mai 2019 p. 101

([176]) Comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, Rapport, juin 2011.

([177]) Amendement  II2223 de Mme de Montchalin et de M. Giraud.

([178]) Assemblée nationale, XVe législature, session ordinaire de 2018‑2019, compte rendu intégral, première séance du jeudi 15 novembre 2018.

([179]) IGF, Dépenses fiscales et sociales, juin 2019.

([180]) Résolution pour le renforcement du pilotage et de lévaluation des dépenses fiscales par les administrations publiques, Assemblée nationale, XVe législature, T.A. n° 292, 19 juin 2019.

([181]) Joël Giraud, Rapport dinformation sur lapplication des mesures fiscales, Assemblée nationale, XVe législature,  2169, 17 juillet 2019, 18 juillet 2018, pages 47‑114.

([182]) Et non 474 comme il est indiqué dans ce tome II, les deux dépenses fiscales dont la création était prévue par l’article 19 du projet de loi de finances pour 2019 mais qui n’ont finalement pas été introduites ayant été sorties du total.

([183]) Joël Giraud, rapport précité n° 2169, pages 51‑61.

([184]) Joël Giraud, rapport précité, pages 113‑114.

([185]) Loi n° 60‑1368 du 21 décembre 1960 fixant les conditions d’application, dans les départements d’outre‑mer, des dispositions de la loi n° 59‑1472 du 28 décembre 1959 et portant divers aménagements fiscaux dans ces départements, article 15.

([186]) Loi n° 2010‑1487 du 7 décembre 2010 relative au Département de Mayotte, article 11.

([187]) En application de l’arrêté du 11 décembre 2018 portant fixation du plafond de la sécurité sociale pour 2019.

([188]) Cour de cassation, chambre sociale, 1er février 2017, n°s 15‑23368, 15‑23369 et 15‑23370.

([189]) Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP), BOI-IR-LIQ-20-30-20, § 120.

([190]) Loi n° 2004‑804 du 9 août 2004 relative au soutien à la consommation et à l’investissement, article 20 ; loi n° 2006‑872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement, article 33.

([191])  Loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992 relative aux produits soumis à certaines restrictions de circulation et à la complémentarité entre les services de police, de gendarmerie et de douane.

([192]) Cour des comptes, Le soutien public au mécénat des entreprises, novembre 2018, p. 85 (lien).   

([193]) Gilles Carrez, Rapport sur le projet de loi de règlement et d’approbation des comptes de l’année 2018, Assemblée nationale, XVème législature, n° 1990 annexe 12 Culture : patrimoines, 5 juin 2019 (lien).

([194]) Cour des comptes, Le soutien public au mécénat des entreprises, novembre 2018, p. 84 (lien).  

([195]) Article 49 du présent projet de loi.

([196]) Joël Giraud, Rapport dinformation sur lapplication des mesures fiscales, Assemblée nationale, XVe législature,  1172, 18 juillet 2018, pages 227‑231.

([197]) Loi n° 2018‑1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, article 150.

([198]) Loi n° 91‑1323 du 30 décembre 1991 de finances rectificative pour 1991, article 61.

([199]) Loi n° 98‑1266 du 30 décembre 1998 de finances pour 1999, article 92.

([200]) Règlement (UE) n° 1407/2013 de la Commission du 18 décembre 2013 relatif à l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis.

([201]) Loi n° 2012‑1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013, article 71.

([202]) Règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité, point 1 de l’article 2 de l’annexe I.

([203]) OCDE, Manuel dOslo  Principes directeurs pour le recueil et linterprétation des données sur linnovation, 3e édition, 2005, § 540, page 169.

([204]) Loi n° 2003‑1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004, article 98.

([205]) 3 du I de l’article 244 quater F du CGI, applicable aux dépenses exposées jusqu’au 31 décembre 2009 en application du II de l’article 98 de la loi n° 2008‑1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008.

([206]) France Stratégie, Commission nationale d’évaluation des politiques d’innovation, Limpact du crédit dimpôt recherche, mars 2019, page 16.

([207]) Cour des comptes, Lévolution et les conditions de maîtrise du crédit dimpôt en faveur de la recherche, juillet 2013, pages 145 et suivantes.

([208]) BOFiP, BOI-BIC-RICI-10-10-45-10.

([209]) Commission européenne, A study on R&D Tax Incentives  Final Report, novembre 2014.

([210]) Joël Giraud, Rapport dinformation sur lapplication des mesures fiscales, Assemblée nationale, XVe législature,  2169, 17 juillet 2019, pages 162‑163.

([211]) Cour des comptes, rapport précité, page 145.

([212]) Comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, rapport précité, Annexe J, fiche n° 165 sur la dépense fiscale n° 210308.

([213]) IGF et IGAS, Revues de dépenses 2017, La politique daccueil du jeune enfant, juin 2017.

([214]) Comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, rapport précité, annexe J, fiche n° 158, dépense fiscale n° 200307.

([215]) Id., fiche n° 120, dépense fiscale n° 150704.

([216]) BOFiP, BOIISCHAMP3060, § 10 (instruction du 3 janvier 2018).

([217]) Commission européenne, 27 juillet 2017, Décision concernant le régime d’aide n° SA38398 (2016/C, ex 2015/E) mis à exécution par la France  Fiscalité des ports en France, C(2017) 5176 final.

([218]) Comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, rapport précité, Annexe J, fiche n° 71, dépense n° 110307.

([219]) Id., fiche n° 201, dépense n° 300106.

([220]) Id., fiche n° 254, dépense n° 520104.

([221]) Loi n°96-1181 du 30 décembre 1996 de finances pour 1997, article 17, applicable aux logements bénéficiant d’une décision favorable d’agrément à compter du 1er octobre 1996.

([222]) Loi 84-595 du 12 juillet 1984 définissant la location-accession à la propriété immobilière.

([223]) Loi n°2003-710 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine.  

([224]) BOFiP, TVA – Opérations concourant à la production dimmeubles ou à la livraison dimmeubles – Opérations immobilières réalisées dans le secteur du logement intermédiaire, n°100 et n°140,
BOI-TVA-IMM-30-20190206, 6 février 2019.  

([225]) Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique.  

([226]) Loi n°2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, article 12.

([227]) Services du Premier ministre, Deux accords ambitieux signés entre les acteurs du logement social et l’État pour soutenir la construction, la rénovation et la transformation du secteur, communiqué du 25 avril 2019.

([228])  Commissariat général au développement durable, Compte du logement 2017, Rapport de la commission des comptes au logement, juillet 2018. Cette dépense a été revue en exécution à 2 450 millions d’euros.

([229]) Commissariat général au développement durable, Compte du logement 2017, précité.

([230]) Cour des comptes, Le logement locatif social face au défi de laccès des publics modestes et défavorisés, février 2017.

([231]) Cour des comptes, La gestion des dépenses fiscales en faveur du logement, mars 2019.

([232])  Banque de France, panorama financier des OPC, 2019T2, mis en ligne le 3 septembre 2019 (lien) et présentation du 23 mai 2019 (lien)

([233])  organismes « relevant des paragraphes 1, 2 et 6 de la sous-section 2, du paragraphe 2 ou du sous-paragraphe 1 du paragraphe 1 de la sous-section 3, ou de la sous-section 4 de la section 2 du chapitre IV du titre Ier du livre II du code monétaire et financier ».

([234])  CJUE 4 mai 2006 aff. 169/04, 3e ch., Abbey National.

([235]) CJUE, 9 décembre 2015, Aff. C-595/13, Fiscale Eenheid X NV ; CJUE, 7 mars 2013, Aff. C-424/11, Wheels Common Investment Fund Trustees ; CJUE, 13 mars 2014, Aff. C-464/12, ATP PensionService ; CJUE, 28 juin 2007, Aff. C-363/05, JP Morgan Fleming Claverhouse Investment Trust plc ;CJUE, 4 mai 2006, Aff. C-169/04, Abbey National plc, Inscape Investment Fund.

([236]) Directive 67/227/CEE du Conseil du 11 avril 1967, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires.

([237]) Directive 92/77/CEE du Conseil, complétant le système commun de taxe sur la valeur ajoutée et modifiant la directive 77/388/CEE, modifiée par la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée.  

([238])  Article 283 du CGI.

([239]) Directive 2006/112/CE du Conseil 28 novembre 2006 relative au système commun de TVA.

([240]) Cour de justice des communautés européennes (CJCE), 6 avril 2006, EMAG Handel Eder OHG., affaire
C-245/04,

([241]) Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), 16 décembre 2010, Euro Tyre Holding BV, affaire C‑430/09.

([242]) VAT Information Exchange System – Système d’échange d’informations en matière de TVA.  

([243]) CJUE, 6 septembre 2012, Mecsek-Gabona, affaire C-273/11.

([244]) Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP), BOI-TVA-CHAMP-30-20-10, 12 septembre 2010, §100.

([245]) European Commission, Study and reports on the VAT GAP in the EU-28 members states, 2019 final report, 5 September 2019, TAXUD/2015/CC/131.

([246]) Directive 2006/112/CE du Conseil 28 novembre 2006 relative au système commun de TVA.

 

([247]) Directive (UE) 2018/1910 du Conseil du 4 décembre 2018 modifiant la directive 2006/112/CE en ce qui concerne l’harmonisation et la simplification de certaines règles dans le système de taxe sur la valeur ajoutée pour la taxation des échanges entre les États membres.  

([248]) Commission européenne, Justice fiscale : la Commission propose des mesures techniques définitives en vue de la création d’un futur système de TVA de l’UE étanche à la fraude, 25 mai 2019.

([249]) Loi n° 2017‑1640 du 1er décembre 2017 de finances rectificative pour 2017, article 1er.

([250]) Loi n° 2016‑1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, article 11.

([251]) Loi n° 2017‑1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, article 84.

([252]) Loi n° 2019‑759 du 24 juillet 2019 portant création d’une taxe sur les services numériques et modification de la trajectoire de baisse de l’impôt sur les sociétés, article 4.

([253]) Loi n° 2018‑1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019.

([254]) Loi n° 2018‑1307 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

([255]) Loi n° 2018‑1213 du 24 décembre 2018 portant mesures d’urgence économiques et sociales.

([256]) Joël Giraud, Rapport sur le projet de loi portant création d’une taxe sur les services numériques et modification de la trajectoire de baisse de l’impôt sur les sociétés, Assemblée nationale, XVe législature,  1838, 3 avril 2019, pages 254‑255.

([257]) Projet de loi de finances pour 2020, Orientation générales et équilibre budgétaire  I.  Les grands équilibres du projet de loi de finances pour 2020, page 8.

([258]) Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP), BOI-IS-AUT-10-10, § 20 (mise à jour le 1er août 2018).

([259]) BOFiP, BOI-IS-AUT-30, § 130 (instruction rapportée le 26 juin 2019).

([260]) Assemblée nationale, XVe législature, commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, mercredi 3 avril 2019, séance de 16 heures 15, compte rendu n° 68.

([261]) Assemblée nationale, XVe législature, session ordinaire de 2018-2019, compte rendu intégral de la deuxième séance du mardi 9 avril 2019.

([262]) Assemblée nationale, XVe législature, session extraordinaire de 2018-2019, compte rendu intégral de la séance du jeudi 11 juillet 2019.

([263]) Au sens de l’article 3 du décret n 2008‑1354 du 18 décembre 2008 relatif aux critères permettant de déterminer la catégorie d’appartenance d’une entreprise pour les besoins de l’analyse statistique et économique.

([264]) Pour tout complément sur ce sujet, il est renvoyé au commentaire de première lecture de l’article 42 du projet de loi de finances pour 2018 (Joël Giraud, Rapport sur le projet de loi de finances pour 2018, Assemblée nationale, XVe législature,  273, tome II, 11 octobre 2017, pages180‑213.

([265]) Voir ainsi Joël Giraud, rapport précité n° 1838, pages 267-268.

([266]) Joël Giraud, Rapport dinformation sur lapplication des mesures fiscales, Assemblée nationale, XVe législature,  1172, 18 juillet 2018, page 185.

([267]) Ibid.

([268]) Le taux est de 12,8 % pour les revenus bénéficiant à une personne physique.

([269]) Taux de droit commun lorsque le bénéficiaire de la distribution est une personne morale. S’il s’agit d’une personne physique, le taux est de 12,8 %.

([270]) Directive 2011/96/UE du Conseil du 30 novembre 2011 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents.

([271]) CJUE, 14 décembre 2006, Denkavit International BV et Denkavit France SARL, C-170/05.

([272]) Loi n° 2015‑1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015, article 29.

([273]) Directive (UE) 2015121 du Conseil du 27 janvier 2015 modifiant la directive 2011/96/UE concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents.

([274]) Pour une présentation détaillée de la clause anti-abus du régime mère-fille, il est renvoyé au commentaire de première lecture de l’article 48 du projet de loi de finances pour 2019 (Joël Giraud, Rapport sur le projet de loi de finances pour 2019, Assemblée nationale, XVe législature,  1302, tome III, 11 octobre 2018, notamment les pages 44‑47).

([275]) Valérie Rabault, Rapport sur le projet de loi de finances rectificative pour 2015, Assemblée nationale, XIVe législature,  3282, 26 novembre 2015, pages 537‑539.

([276]) Sénat, session ordinaire de 2015‑2016, compte rendu intégral des débats, séance du 11 décembre 2015.

([277]) Ibid.

([278]) Conseil d’État, 3e, 8e, 9e et 10e sous-sections réunies, 9 mai 2012, Société GBL Energy,  342221, au Recueil.

([279]) CJUE, 22 décembre 2008, État belge  SPF Finances c. Truck Center SA, C282/07, § 41 et 47-50.

([280]) Assemblée nationale, XIVe législature, projet de loi de finances rectificative pour 2015, première lecture, amendement n° 302 de Mme Rabault.

([281]) Sénat, session ordinaire de 2015‑2016, compte rendu intégral des débats, séance du 11 décembre 2015.

([282]) Albéric de Montgolfier, Rapport sur le projet de loi de finances rectificative pour 2015, Sénat, session ordinaire de 2015‑2016,  229, 9 décembre 2015, pages 462‑463.

([283]) Assemblée nationale, XIVe législature, session ordinaire de 2015‑2016, compte rendu intégral, deuxième séance du mardi 15 décembre 2015.

([284]) CJUE, 22 novembre 2018, Sofina SA, Rebelco SA, Sidro SA c. Ministre de lAction et des comptes publics, C575/17.

([285]) Id., point 28.

([286]) Id., point 34.

([287]) Id., point 31.

([288]) Conseil d’État, 27 février 2019, Société Sofina et al.,  398662, aux Tables.

([289]) Conseil d’État, 9e et 10e chambres réunies, 10 juillet 2019, Société Cofinimmo,  412581, aux Tables.

([290]) Directive 2010/24/UE du Conseil du 16 mars 2010 concernant l’assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives aux taxes, impôts, droits et autres mesures.

([291]) Directive 2008/55/CE du Conseil du 26 mai 2008 concernant l’assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relative à certaines cotisations, à certains droits, à certaines taxes et autres mesures.

([292]) Cf. supra, I, B, 1 b.

([293]) Conseil d’État, décision n° 412581 précitée, § 6.

([294]) Loi n° 2017‑1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

([295]) Loi n° 2019‑759 du 24 juillet 2019 portant création d’une taxe sur les services numériques et modification de la trajectoire de baisse de l’impôt sur les sociétés.

([296]) Joël Giraud, Rapport sur le projet de loi portant création dune taxe sur les services numériques et modification de la trajectoire de baisse de limpôt sur les sociétés, Assemblée nationale, XVe législature,  1838, 3 avril 2019, pages 260‑261.

([297]) Joël Giraud, Rapport sur le projet de loi de finances pour 2019, Assemblée nationale, XVe législature,  1302, tome III, pages 37‑57 ; Joël Giraud, Rapport dinformation sur l’application des mesures fiscales, Assemblée nationale, XVe législature,  2169, 17 juillet 2019, pages 428‑433.

([298]) Conseil d’État, 7e, 8e et 9e sous-sections réunies, 10 juin 1981, Ministre du budget c. X,  19079, au Recueil ; loi n° 2008‑1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008, article 35.

([299]) Loi n° 2018‑1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, article 202. La neutralité de l’avis en matière de charge de la preuve figure à l’article L. 192 du LPF.

([300]) Pour une présentation détaillée de cette convention et, notamment de sa clause anti-abus, il est renvoyé à l’avis fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi autorisant sa ratification (Bénédicte Peyrol, Avis au nom de la commission des finances sur le projet de loi autorisant la ratification de la convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir lérosion de la base dimposition et le transfert de bénéfices, Assemblée nationale, XVe législature,  1093, 20 juin 2018 – sur la clause anti-abus, voir pages 86‑88 et 118‑123).

([301]) Directive (UE) 2016/1164 du Conseil du 12 juillet 2016 établissant des règles pour lutter contre les pratiques d’évasion fiscale qui ont une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur. L’acronyme « ATAD » signifie « anti-tax avoidance directive », soit « directive contre l’évasion fiscale ».

([302]) Directive (UE) 2015/121 du Conseil du 27 janvier 2015 modifiant la directive 2011/96/UE concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et aux filiales d’États membres différents.

([303]) Directive 2009/133/CE du Conseil du 19 octobre 2009 concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, scissions partielles, apports d’actifs et échanges d’actions intéressant des sociétés d’États membres différents, ainsi qu’au transfert du siège statutaire d’une SE ou d’une SCE d’un État membre à un autre.

([304]) Loi n° 2018‑898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude, article 32.

([305]) Joël Giraud, Rapport sur le projet de loi de finances pour 2019, Assemblée nationale, XVe législature,  1302, tome II, 11 octobre 2018, commentaire de l’article 13, pages 389‑437.

([306]) Introduit par l’article 22 de la loi n° 213‑1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

([307]) Cf. infra, B, 3 et II, A, 1.

([308]) Conseil d’État, 13 avril 2018, Ministre des finances et des comptes publics c. Société LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton,  398271, aux Tables.

([309]) Bénédicte Peyrol, Rapport d’information sur l’évasion fiscale internationale des entreprises,  1236, 12 septembre 2018, notamment pages 53‑63 pour une présentation synthétique.

([310]) 134 juridictions en août 2019.

([311]) Soit « érosion de la base d’imposition et transfert de bénéfices ».

([312]) OCDE (2017), Neutraliser les effets des dispositifs hybrides, Action 2  Rapport final 2015, Projet G20/OCDE sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices.

([313]) OCDE, rapport précité, pages 193‑489.

([314]) OCDE, rapport précité, pages 91 et 360‑362.

([315]) OCDE, rapport précité, page 21.

([316]) OCDE, rapport précité, pages 108‑109.

([317]) Directive 2010/24/UE du Conseil du 16 mars 2010 concernant l’assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives aux taxes, impôts, droits et autres mesures.

([318]) Directive (UE) 2017/952 du Conseil du 29 mai 2017 modifiant la directive (UE) 2016/1164 en ce qui concerne les dispositifs hybrides faisant intervenir des pays tiers.

([319]) Directive « ATAD 2 » précitée, exposé sommaire, § 28.

([320]) OCDE, rapport précité, page 42.

([321]) OCDE, rapport précité, page 73.

([322]) Voir, pour une illustration concrète, l’exemple n° 1.31 fourni par l’OCDE (OCDE, rapport précité, pages 275‑279).

([323]) OCDE, rapport précité, page 29.

([324]) BOFiP, BOI-IS-BASE-35-30, § 150.

([325]) OCDE, rapport précité, page 21 (nous soulignons).

([326]) Directive 2010/24/UE du Conseil du 16 mars 2010 concernant l’assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives aux taxes, impôts, droits et autres mesures.

([327]) OCDE, rapport précité, page 11.

([328]) Joël Giraud, rapport précité n° 1302, tome III, page 54.

([329]) OCDE, rapport précité, page 106.

([330]) Ordonnance n° 2019-552 du 3 juin 2019 portant diverses dispositions relatives au groupe SNCF.

([331]) Articles 5 et 34 de la loi n° 2018-515 du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire.

([332]) Article 6 de la loi n° 2014-872 du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire.

([333]) Voir l’étude d’impact du projet de loi portant réforme ferroviaire déposé le 16 octobre 2013 à l’Assemblée nationale, p. 31.

([334]) Décret n° 2015-137 du 10 février 2015 relatif aux missions et aux statuts de la SNCF et à la mission de contrôle économique et financier des transports.

([335]) Cour des comptes, Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2017 de la mission Écologie, développement et mobilités durables, mai 2018, p. 77.

([336]) Loi organique n° 2001‑692 relative aux lois de finances.  

([337]) Loi n° 2014-891 du 8 août 2014 de finances rectificative pour 2014.

([338]) Rapport annuel de performance du programme 203 « Infrastructures et services de transports » annexé au projet de loi de règlement pour 2018, p. 66.

([339]) Projet annuel de performance du programme 203 «  Infrastructures et services de transports » annexé au projet de loi de finances pour 2019, p. 70.

([340]) MM. Jean-Pierre Corbisez, Gérard Cornu, Michel Vaspart et Mme Nicole Bonnefoy, avis sur les crédits consacrés au transport dans le projet de loi de finances pour 2019, Sénat, tome III, n° 152, p. 22.

([341]) Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.

([342]) Pour obtenir davantage de précisions sur le mécanisme de plafonnement des taxes affectées, le lecteur pourra se reporter au commentaire de l’article 27.

([343]) Les CMA perçoivent une TA‑CFE selon des modalités fixées à l’article 1601 du CGI.

([344]) Le prélèvement France Télécom correspondait initialement à un remboursement à l’État du montant de la taxe additionnelle à la taxe professionnelle acquittée par cette entreprise à compter de 2003. Il est actuellement effectué sur la TA­CVAE, mais sans lien direct avec le montant de cette dernière taxe. Il représente 28,9 millions d’euros par an.

([345])  Par exception aux règles de droit commun, le montant de TA‑CVAE à prendre en compte pour la CCI de Mayotte dépend du montant prévisionnel du versement 2014 notifié par l’administration fiscale.

([346])  Décret n° 2016-562 du 9 mai 2016 relatif au fonds de péréquation du réseau des chambres de commerce et d’industrie.

([347]) Inspection générale des finances, Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des  technologies et contrôle général économique et financier, Revue des missions et scénarios dévolution des chambres de commerce et dindustrie et des chambres de métiers et de lartisanat, mars 2018.

([348]) Évaluation préalable de l’article 29 du projet de loi de finances pour 2019.

([349]) Amendement n° I‑2529 de Mme Stella Dupont et de plusieurs de ses collègues à l’article 29 du projet de loi de finances pour 2019 (n° 1255).

([350]) Compte rendu intégral des débats, deuxième séance du lundi 22 octobre 2018, Assemblée nationale XVe législature, session ordinaire de 2018‑2019.

([351]) Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.

([352]) Compte rendu des débats du Sénat, séance du 30 janvier 2019.

([353]) Les CMA perçoivent une TA‑CFE selon des modalités fixées à l’article 1601 du CGI.

([354]) Loi n° 66-923 du 14 décembre 1966 portant modification de diverses dispositions du code des douanes.

([355]) Arrêté du 10 novembre 2011 fixant pour le gazole, les carburéacteurs, les gaz de pétrole liquéfiés et les émulsions d’eau dans du gazole des conditions d’emploi ouvrant droit à l’application du régime fiscal privilégié institué par l’article 265 du code des douanes en matière de taxe intérieure de consommation.

([356]) Ibid.

([357]) Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, article 32.

([358]) Idem.

([359]) Annexe au projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes 2018, Développement des opérations constatées au budget général, mai 2019.

([360]) Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

([361]) Ministère de la transition écologique et solidaire, Feuille de route 2018.

([362]) Cour des comptes, Lefficience des dépenses fiscales relatives au développement durable, septembre 2016.

([363]) Annexe au projet de loi de finances pour 2020, Évaluations des voies et moyens, tome II, 2019.

([364]) Directive 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité, considérant 28.

([365]) Inspection générale des finances, H. Guillaume, Rapport du comité dévaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, juin 2011.

([366]) Comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, juin 2011.

([367]) Article 266 quinquies C du code des douanes.

([368]) Règlement (UE) n°651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité, article 2 de
l’annexe I.

([369]) Évaluations des voies et moyens, Les dépenses fiscales, 2019

([370]) Conseil des prélèvements obligatoires, La fiscalité environnementale au défi de lurgence climatique, septembre 2019.

([371]) ADEME, Climat, air et énergie, chiffres clés 2018, mars 2019.

([372]) Directive 2003/96/CE du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité.  

([373]) Loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007 de finances rectificative pour 2007, article 62.

([374]) Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, article 34.

([375]) Loi n°2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, article 32.

([376]) Décret n° 2016-1442 du 27 octobre 2016 relatif à la programmation pluriannuelle de l’énergie, article 3.

([377]) Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, article 26.

([378]) Dont le régime a été précisé par le décret n°2018-210 du 27 mars 2018 fixant les modalités d’application de l’exonération de la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel du biogaz mélangé au gaz naturel prévue au 7 de l’article 266 quinquies du code des douanes, article 1er.

([379]) Assemblée nationale, Valérie Rabault, Rapport n° 4314 fait au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, en nouvelle lecture, sur le projet de loi de finances pour 2017, p. 87-88.

([380])  Directive 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003 restructurant le système européen de taxation des produits énergétiques et de l’électricité.

([381]) Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2018, article 65.

([382]) Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte

([383]) CRE, État des lieux des marchés de détail français de lélectricité et du gaz naturel, Rapport 2018, mars 2019.

([384]) Le digestat est le résidu du produit de méthanisation de matières organiques naturelles.

([385]) Article 1599 septdecies du code général des impôts.

([386]) Loi n°2017-1837 du 30 décembre 2017 du code général des impôts, article 34.

([387]) C’est-à-dire les véhicules construits essentiellement pour le transport de marchandises et dont le poids total est inférieur à 3,5 tonnes – Directive 2007/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 septembre 2007 établissant un cadre pour la réception des véhicules à moteur, de leurs remorques et des systèmes, des composants et des entités techniques destinées à ces véhicules, 1 du C de l’Annexe II.

([388]) Directive 2007/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 septembre 2007 établissant un cadre pour la réception des véhicules à moteur, de leurs remorques et des systèmes, des composants et des entités techniques destinés à ces véhicules (directive-cadre).

([389]) Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, article 45.

([390]) Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, article 91.

([391]) Loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016, article 53.

([392]) Loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, article 55.

([393]) Article 6 B de l’annexe IV du CGI.

([394]) PA = (CO2/45) + (P/40)1,6

([395]) Loi n°2017-1837 du 30 décembre 2017, article 36.

([396]) Loi n°2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, article 34.

([397]) Arrêté du 30 janvier fixant les montants de la taxe fiscale instituée en vue du développement de la formation professionnelle dans les transports routiers.

([398]) Règlement (UE) 2017/1151 de la Commission du 1er juin 2017 complétant le règlement (CE) n° 715/2007 du Parlement européen et du Conseil relatif à la réception des véhicules à moteur au regard des émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers (Euro 5 et Euro 6) et aux informations sur la réparation et l’entretien des véhicules, modifiant la directive 2007/46/CE du Parlement européen et du Conseil, le règlement (CE) n° 692/2008 de la Commission et le règlement (UE) n° 1230/2012 de la Commission et abrogeant le règlement (CE) n° 692/2008 (Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE).

([399]) Avis aux opérateurs économiques sur la prise en compte du nouveau cycle d’essai WLTP pour la mesure du CO2 des véhicules légers, 27 janvier 2019.

([400]) Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, article 91.

([401]) Règlement (CE) n° 443/2009 du Parlement et du Conseil du 23 avril 2009 établissant des normes de performance en matière d’émissions pour les véhicules particulières neuves dans le cadre de l’approche intégrée de la Communauté visant à réduire les émissions de CO2 des véhicules léger, article 8.

([402]) Agence européenne de l’environnement, Monitoring of CO2 emissions from passenger cars – Regulation (EC) n° 443/2009, juin 2019.

([403]) Electronic certificate of conformity.

([404]) Comité des constructeurs français d’automobile, Lindustrie automobile française, analyse et statistiques, 2019.

([405]) Article D. 251-1 du code de l’énergie.

([406]) Article D. 251-3 du code de l’énergie.

([407]) Décret n° 2019-737 du 16 juillet 2019 relatif aux aides à l’acquisition ou à la location des véhicules peu polluants.

([408])  Directive 2008/118/CE du Conseil du 16 décembre 2008 relative au régime général d’accise et abrogeant la directive 92/12/CEE

([409]) Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, article 32.

([410]) Directive 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité, article 7.

([411]) Loi n° 98-1266 du 30 décembre 1998 de finances pour 1999, article 26.

([412])  Loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015, article 36.

([413]) Santé publique France, Impacts de lexposition chronique aux particules fines sur la mortalité en France continentale et analyse des gains en santé de plusieurs scénarios de réduction de la pollution atmosphérique, 21 juin 2016.

([414]) Commissariat général au développement durable (CGDD), Les comptes de lenvironnement en 2015, mai 2018.

([415]) ADEME, chiffres-clés, avril 2018. Les émissions proviennent résiduellement des autobus et autocars pour 4 %, puis des deux-roues pour moins de 2 %.

([416]) Loi n°2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, article 70.

([417]) Le carburant ED95 est un carburant composé à plus de 90 % d’éthanol qui peut équiper certaines flottes captives possédant des moteurs spécifiques (poids lourds, autobus et autocars).

([418]) Exposé des motifs du présent article.

([419]) Cour des comptes, Lefficience des dépenses fiscales relatives au développement durable, septembre 2016.

([420]) Conseil des prélèvements obligatoires, La fiscalité environnementale au défi de lurgence climatique, septembre 2019, pages 137 à 139.

([421]) Loi n° 98-1266 du 30 décembre 1998 de finances pour 1999, article 51.

([422]) Loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005, article 22.

([423]) Loi n° 2017-256 du 28 février 2017 relative à l’égalité réelle outre-mer, article 136.

([424]) Loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005, article 22.

([425]) Décret n° 2006-1139 du 12 septembre 2006 sur le fonds de solidarité pour le développement pris en application de l’article 22 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005 instaurant une contribution de solidarité sur les billets d’avion.

([426]) Loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, telle que modifiée par la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, article 46.

([427]) Cour des comptes, note d’analyse de l’exécution budgétaire 2018, Budget annexe Contrôle et exploitation aériens.

([428]) Décret n° 2004-1317 du 26 novembre 2004 relatif à l’Agence de financement des infrastructures de transport en France.

([429]) Conseil d’orientation des infrastructures, Mobilités du quotidien : répondre aux urgences et préparer l’avenir, 1er février 2018.

([430]) DGAC, Émissions gazeuses liées au trafic aérien international en France en 2018, 2019.

([431]) OCDE, Taxer la consommation dénergie, septembre 2019.

([432]) OCDE, Limposition des combustibles polluants est trop faible pour favoriser lessor des solutions bas carbone, 20 septembre 2019.

([433]) Convention relative à l’aviation civile internationale, 7 décembre 1944.

([434]) Directive 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité, article 14.

([435]) CJCE, 10 juin 1999, Braathens Sveridge AB, C-346/97.

([436]) Règlement CE n° 1008/2008 du Parlement et du Conseil du 24 septembre 2008 établissant des règles communes pour l’exploitation de services aériens dans la Communauté. Aux termes de l’article 16, il s’agit de « services aériens réguliers entre un aéroport situé dans la Communauté et un aéroport desservant une zone périphérique ou de développement située sur son territoire ou sur une liaison à faible trafic à destination d’un aéroport situé sur son territoire, si cette liaison est considérée comme vitale pour le développement économique et social de la région desservie par l’aéroport ».

([437]) Cour des comptes, La taxe de solidarité sur les billets davion et lutilisation de ces recettes, novembre 2010.

([438]) Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

([439]) Cf. commentaire, dans le présent rapport général, de l’article 26 relatif à l’évaluation des prélèvements opérés sur les recettes de l’État au profit des collectivités territoriales.

([440]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, article 6.

([441]) Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, article 82.

([442]) Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, article 149.

([443]) Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL), Les indicateurs utilisés dans la répartition des ressources : recensement 2019, Cap sur, n° 7, avril 2019.

([444]) Loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, article 141.

([445]) Loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, article 7.

([446]) Loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 relative à l’octroi de mer, article 48.

([447]) Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, article 160.

([448]) Loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, article 141.

([449]) Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, article 16.

([450]) Loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008, article 36.

([451]) Loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, article 51.

([452]) Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, article 33.

([453]) Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, article 41.

([454]) Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, article 77.

([455]) Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, article 77.

([456]) Loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016, article 15.

([457]) Cf. commentaire, dans le présent rapport général, de l’article 25 relatif à la recentralisation du revenu de solidarité active et du revenu de solidarité à La Réunion et à la recentralisation du revenu de solidarité en Guyane.

([458]) Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, article 81.

([459]) Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, article 97.

([460]) Loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, article 97 ; décret n° 82-979 du 19 novembre 1982 précisant les conditions d’octroi d’indemnités par les collectivités territoriales et leurs établissements publics aux agents des services déconcentrés de l’État ou des établissements publics de l’État.

([461]) Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, article 16.

([462]) Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, article 16.

([463]) Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, article 13.

([464]) Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, article 29.

([465]) La Banque postale, Les finances locales, Tendances 2019 par niveau de collectivités locales, Note de conjoncture, septembre 2019.

([466]) Conseil constitutionnel, décision n° 2011-142/145 QPC du 30 juin 2011, Départements de la Seine-Saint-Denis et autres [Concours de lÉtat au financement par les départements du RMI, du RMA et du RSA].

([467]) Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, article 34.

([468]) Loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, article 21.

([469]) Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, article 41.

([470]) Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, article 7.

([471]) Loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016, article 38.

([472]) Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, article 120.

([473]) Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, article 42.

([474]) Loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, article 39.

([475]) Loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016, article 38.

([476]) Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, article 78.

([477]) Loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État, article 82.

([478]) Loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, article 21.

([479]) Loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015, article 29.

([480]) Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, article 8.

([481]) Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, article 140.

([482]) Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, article 40.

([483]) Loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015, article 123.

([484]) Loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016, article 38.

([485]) Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

([486]) Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, article 11.

([487]) Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, article 34.

([488]) Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, article 36.

([489]) Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, article 37.

([490]) Cf. commentaire, dans le présent rapport général, de l’article 30 relatif à la suppression du compte d’affectation spéciale Financement national du développement et de la modernisation de lapprentissage.

([491]) Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, article 40.

([492]) Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, article 140.

([493]) Loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016, article 38.

([494]) Loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015, article 123.

([495]) Loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015, article 29.

([496]) Cf. commentaire, dans le présent rapport général, de l’article 24 relatif au dispositif d’accompagnement financier des régions au titre de l’apprentissage.

([497]) Convention n° 96-1983 du 8 août 1996 pour le renforcement de l’autonomie économique de la Polynésie française, article premier.

([498]) Selon le convertisseur franc-euro de l’INSEE, compte tenu de l’érosion monétaire due à l’inflation, le pouvoir d’achat de 990 millions de francs en 1996 est le même que celui de 203 millions d’euros en 2018. L’INSEE rappelle toutefois que les données employées par le convertisseur sont des données statistiques et par nature incertaines. Elles ne peuvent être l’objet d’une référence juridique.

([499]) Convention n° 96-1983 du 8 août 1996 pour le renforcement de l’autonomie économique de la Polynésie française, article 8.

([500]) Convention du 4 octobre 2002 pour le renforcement de l’autonomie économique de la Polynésie française, article premier.

([501]) Convention du 4 octobre 2002 pour le renforcement de l’autonomie économique de la Polynésie française, article 7.

([502]) Loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, article 168.

([503]) Loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française, article 169.

([504]) Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, article 136.

([505]) Intervention de Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer, lors de la discussion générale commune au projet de loi organique portant modification du statut d’autonomie de la Polynésie française et au projet de loi portant diverses dispositions institutionnelles en Polynésie française, Assemblée nationale, XVe législature, compte rendu intégral de la séance du 11 avril 2019, Journal officiel de la République française.

([506]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, article 6.

([507]) Amendement n° 1 de Mme Tetuanui, adopté en première lecture au Sénat sur le projet de loi portant diverses dispositions institutionnelles en Polynésie française, 13 février 2019.

([508]) Intervention de Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer, lors de l’examen du projet de loi portant diverses dispositions institutionnelles en Polynésie française, Sénat, compte rendu intégral de la séance du 13 février 2019, Journal officiel de la République française.

([509]) Projet de loi portant diverses dispositions institutionnelles en Polynésie française, texte définitif, Assemblée nationale, XVe législature, n° 275, 23 mai 2019, article 1 A.

([510]) Conseil constitutionnel, décision n° 2019-784 DC du 27 juin 2019, Loi portant diverses dispositions institutionnelles en Polynésie française.

([511]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, article 6.

([512]) Loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française, article 6-1.

([513]) Loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État, article 82.

([514]) Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

([515]) Loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, article 21.

([516]) Loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015, article 29.

([517]) Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, article 8.

([518]) Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, article 40.

([519]) Loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015, article 123.

([520]) Loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016, article 38.

([521]) Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

([522]) Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, article 11.

([523]) Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, article 34.

([524]) Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, article 36.

([525]) Cf. commentaire, dans le présent rapport général, de l’article 22 relatif à la compensation des transferts de compétences aux régions et aux départements par attribution d’une part du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques.

([526]) Cf. commentaire, dans le présent rapport général, de l’article XX relatif à la suppression du compte d’affectation spéciale Financement national du développement et de la modernisation de lapprentissage.

([527]) Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, article 41.

([528]) Loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion.

([529]) Ordonnance n° 2010-686 du 24 juin 2010 portant extension et adaptation dans les départements d’outre-mer, à Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon de la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion.

([530]) Ordonnance n° 2011-1641 du 24 novembre 2011 portant extension et adaptation du revenu de solidarité active au Département de Mayotte.

([531]) Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, article 81.

([532]) Décret n° 2019-400 du 2 mai 2019 portant revalorisation du montant forfaitaire du revenu de solidarité active.

([533]) Ordonnance n° 2010-686 du 24 juin 2010 portant extension et adaptation dans les départements d’outre-mer, à Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon de la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion.

([534]) Ordonnance n° 2011-1641 du 24 novembre 2011 portant extension et adaptation du revenu de solidarité active au Département de Mayotte.

([535]) Ordonnance n° 2000-373 du 26 avril 2000 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers à Mayotte.

([536]) Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, article 81.

([537]) Conseil constitutionnel, décision n° 2018-777 DC du 28 décembre 2018, Loi de finances pour 2019.

([538]) Loi n° 2000-1207 du 13 décembre 2000 d’orientation pour l’outre-mer, article 27.

([539]) Ordonnance n° 2010-686 du 24 juin 2010 portant extension et adaptation dans les départements d’outre-mer, à Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon de la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion.

([540]) Décret n° 2019-692 du 1er juillet 2019 portant revalorisation du revenu de solidarité en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion et dans les collectivités de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.

([541]) Direction des statistiques, des études et de la recherche (DSER), Les foyers bénéficiaires du RSA à fin décembre 2018, RSA Conjoncture, n° 25, avril 2019.

([542]) Conseil constitutionnel, décision n° 2011-142/145 QPC du 30 juin 2011, Départements de la Seine-Saint-Denis et autres [Concours de l’État au financement par les départements du RMI, du RMA et du RSA].

([543]) Loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004, article 59.

([544]) Loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009, article 51.

([545]) Cf. commentaire, dans le présent rapport général, de l’article 64 relatif à la compensation des revalorisations exceptionnelles du RSA.

([546]) Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, article 42.

([547]) Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, article 81.

([548]) Cf. commentaire, dans le présent rapport général, de l’article 21 relatif à la fixation pour 2020 de la dotation globale de fonctionnement ainsi que des variables d’ajustement et à la substitution d’une dotation budgétaire au prélèvement sur recettes en faveur de la Guyane.

([549]) Les données présentées ci-dessous sont extraites du rapport annuel 2018 de l’Institut d’émission des départements d’outre-mer (IEDOM) concernant le département de La Réunion.

([550]) Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), Minima sociaux et prestations sociales, Le revenu de solidarité active (RSA), fiche n° 19, édition 2018.

([551]) Institut d’émission des départements d’outre-mer (IEDOM), Rapport annuel 2018 de La Réunion, édition juin 2019.

([552]) Institut d’émission des départements d’outre-mer (IEDOM), Rapport annuel 2018 de La Réunion, édition juin 2019.

([553]) Loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de revenu minimum d’insertion et créant un revenu minimum d’activité, articles 4 et 52 ; loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion, article 7.

([554]) Loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004, article 59.

([555]) Loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009, article 51.

([556]) Cf. commentaire, dans le présent rapport général, de l’article 21 relatif à la fixation pour 2020 de la dotation globale de fonctionnement ainsi que des variables d’ajustement et à la substitution d’une dotation budgétaire au prélèvement sur recettes en faveur de la Guyane.

([557]) Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, article 261.

([558]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, article 6.

([559]) Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, article 16.

([560]) Cf. commentaire, dans le présent rapport général, de l’article 21 relatif à la fixation pour 2020 de la dotation globale de fonctionnement ainsi que des variables d’ajustement et substitution d’une dotation budgétaire au prélèvement sur recettes en faveur de la Guyane.

([561]) Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, article 82.

([562]) Cf. commentaire, dans le présent rapport général, de l’article 21 relatif à la fixation pour 2020 de la dotation globale de fonctionnement (DGF) ainsi que des variables d’ajustement et substitution d’une dotation budgétaire au prélèvement sur recettes en faveur de la Guyane.

([563]) Cf. commentaire, dans le présent rapport général, de l’article 25 relatif à la recentralisation du revenu de solidarité active et du revenu de solidarité à La Réunion et du revenu de solidarité en Guyane.

([564]) Cf. commentaire, dans le présent rapport général, de l’article 21 relatif à la fixation pour 2020 de la dotation globale de fonctionnement (DGF) ainsi que des variables d’ajustement et substitution d’une dotation budgétaire au prélèvement sur recettes en faveur de la Guyane.

([565]) Cf. commentaire, dans le présent rapport général, de l’article 23 relatif à la création d’un prélèvement sur recettes à destination de la Polynésie française.

([566]) Cf. commentaire, dans le présent rapport général, de l’article 24 relatif au dispositif d’accompagnement financier des régions au titre de la réforme de l’apprentissage.

([567]) Cf. commentaire, dans le présent rapport général, de l’article 21 relatif à la fixation pour 2020 de la dotation globale de fonctionnement (DGF) ainsi que des variables d’ajustement et substitution d’une dotation budgétaire au prélèvement sur recettes en faveur de la Guyane.

([568]) Amendement n° CF1544.

([569]) Ce montant est inclus dans le solde mentionné supra.

([570]) CPO, La fiscalité affectée : constats, enjeux et réformes, juillet 2013 et Les taxes affectées : des instruments à mieux encadrer, juillet 2018.

([571]) M. Joël Giraud, Rapport dinformation (n° 2169) sur lapplication des mesures fiscales, Assemblée nationale, XVe législature, juillet 2019, pp. 442 et suivantes.

([572]) M. Laurent Saint-Martin, Rapport d’information (n° 2210) sur la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances, Assemblée nationale, XVe législature, pp. 96 et suivantes.

([573]) Loi organique n° 2001-692 du 1 août 2001 relative aux lois de finances.

([574]) Troisième alinéa de l’article 6 de la loi organique n° 2001-692 du 1 août 2001 relative aux lois de finances.

([575]) Articles 16 et 17 de la loi organique précitée.

([576]) Décision n° 2001-456 DC du 27 décembre 2001.

([577]) Articles 2 et 36 de la loi organique précitée.

([578]) Article 36 de la loi organique précitée.

([579]) 1° du I de l’article 34 de la loi organique précitée.

([580]) 1° de l’article 51 de la loi organique précitée.

([581]) CPO, La fiscalité affectée : constats, enjeux et réformes, juillet 2013.

([582]) La partie plafonnée des taxes affectées à des tiers autres que les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale est actuellement incluse dans la norme de dépenses pilotables telle que définie par l’annexe 3 de la LPFP 2018-2022.

([583]) CPO, Les taxes affectées : des instruments à mieux encadrer, juillet 2018.

([584]) Loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018.

([585]) Loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012.

([586]) À l’exception du Fonds CMU qui finance des dépenses sociales.

([587]) Données transmises par le Gouvernement dans le cadre de la préparation du rapport d’information sur l’application de la loi fiscale de juillet 2019.

([588]) CPO, La fiscalité affectée : constats, enjeux et réformes, juillet 2013.

([589]) Loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008. Ce principe a été confirmé et consacré par la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012.

([590]) Loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, article 6. Élargissement du périmètre de la norme confirmé par la loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, article 8.

([591]) Loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, article 8.

([592]) Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

([593]) Loi de programmation pour les années 2014 à 2019 précitée, article 16.

([594]) Loi de programmation pour les années 2018 à 2022 précitée, article 18.

([595]) Loi de programmation pour les années 2012 à 2017, article 12, puis loi de programmation pour les années 2014 à 2019, article 15.

([596]) Rapport précité, juillet 2018, page 43.

([597]) Rapport précité juillet 2018, page 50.

([598])  Loi n° 96-1241 du 30 décembre 1996 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur de la zone dite des cinquante pas géométriques dans les départements d’outre-mer.

([599]) Articles L. 511‑1 et suivants du code rural et de la pêche maritime (CRPM).

([600]) Articles L. 512‑1 et suivants du CRPM.  

([601]) Articles L. 513–1 et suivants du CRPM.

([602]) Selon l’évaluation préalable.

([603]) Cour des comptes, Rapport public annuel 2017, tome I, p. 740. La TA-TFPNB est due par tous les propriétaires de propriétés non bâties redevables de la TFPNB au 1er janvier de l’année d’imposition.

([604]) Il peut également s’agir de chambres de région, c’est-à-dire des chambres issues de la fusion d’une ou plus d’une CDA et d’une CRA.

([605]) Article 47 de la loi n° 2013‑1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

([606]) Arrêté du 25 mars 2019 fixant pour 2019 le montant de la cotisation globale due par les chambres départementales d’agriculture aux organisations représentatives des communes forestières.

([607]) Décret n° 2019-118 du 19 février 2019 relatif au taux de contribution des chambres d’agriculture au Fonds national de solidarité et de péréquation du réseau des chambres d’agriculture.

([608]) Cour des comptes, Rapport public annuel 2017, tome I, pp. 709 et suivantes.

([609]) Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.

([610]) Loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 de finances pour 2007.

([611]) Loi n° 2018-166 du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants.

([612]) Pour une information plus complète sur ces taxes à faible rendement, le lecteur se reportera utilement au commentaire de l’article 6 du présent rapport.  

([613]) Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

([614]) Loi n° 2017‑1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

([615]) Loi n° 2019-773 du 24 juillet 2019 portant création de l’Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l’environnement.

([616]) Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

([617]) Ce critère de répartition a été introduit à l’article 135 de la loi de finances pour 2018 par l’article 233 de la loi de finances pour 2019.

([618]) Loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016.

([619])  Loi n° 71‑1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.

([620]) Loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique.

([621]) Voir le commentaire de l’article 15 du présent rapport.

([622]) Loi n° 2003-1312 du 30 décembre 2003 de finances rectificative pour 2003.

([623]) Arrêté du 22 septembre 2017 fixant le tarif de la taxe sur les nuisances sonores aériennes applicable sur chaque aérodrome mentionné au IV de l’article 1609 quatervicies A du code général des impôts.

([624]) Loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014.

([625]) Voir M. Joël Giraud, rapport n° 1302 fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi de finances pour 2019, tome II, pp. 271 et suivantes.

([626]) Cour administrative d’appel de Paris, 25 mars 2013, décision n° 368755.

([627]) Conseil d’État, 21 octobre 2015, VNF c/ Sté Climespace, décision n° 368755.

([628])  À compter de la phase 3 (2013-2020), les secteurs dont les installations fixes sont couvertes par  le  SEQE-UE sont : les centrales électriques et autres installations de combustion d’une puissance thermique nominale supérieure à 20 mégawatts, les raffineries de pétrole, les fours à coke,  les usines sidérurgiques et usines de production de ciment, de verre, de chaux, de briques, de  céramiques,  de  pâte  à  papier  et  de  papier  et  carton,  d’aluminium et de plusieurs produits chimiques.

([629]) Jusqu’à fin 2023, seuls les vols effectués entre aéroports de l’Espace économique européen sont concernés par cette obligation.

([630])  Par exemple, les compagnies aériennes auront reçu plus de 80 % de leurs quotas à titre gratuit entre 2013 et 2020

([631]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

([632]) Article 1609 quinvicies du code général des impôts.

([633]) Le « bonus-malus » perdure dans son principe mais n’est plus retracé dans le CAS depuis l’adoption de l’article 60 de la loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013. Entre 2014 et 2019, le produit de la CSA n’a donc plus servi à financer le bonus mais a été fléché vers les centres de formations des apprentis et les sections d’apprentissage.

([634]) Article 29 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015.

([635]) Article 19 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

([636]) Article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

([637]) Les crédits budgétaires permettant cette compensation étaient retracés dans le programme 313 Contribution à laudiovisuel et à la diversité radiophonique et action audiovisuelle extérieure de la mission Médias, livre et industries culturelles. Le programme a été supprimé à compter de l’exercice 2017.

([638]) Inversement, si le produit de CAP perçu dépasse les prévisions et place le CCF en situation d’excédent, le surplus de recettes de CAP minore à due concurrence les dégrèvements de CAP supportés par le budget général. Cette situation a eu lieu en 2018.

([639])  Cour des comptes, Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2018 du compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public

([640])  Cour des comptes, Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2015 du compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public.

([641])  En 2018, les comptes nationaux des administrations publiques sont passés en base 2014. Dans le cadre de ce changement de base, la CAP n’est plus considérée, en comptabilité nationale, comme un achat de services audiovisuels (d’où son ancien nom de redevance audiovisuelle) mais comme un prélèvement obligatoire. L’analyse de l’INSEE est que les redevables de la CAP, qui sont les foyers détenteurs d’une télévision, ne sont pas nécessairement des consommateurs de services audiovisuels publics : l’audiovisuel public peut être vu par d’autres moyens que par une télévision, et les détenteurs d’une télévision peuvent ne jamais consommer les services proposés par l’audiovisuel public.

([642]) Article 41 de la loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 de finances pour 2005.

([643]) Article 75 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016.

([644]) Article 95 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

([645]) Article 44 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

([646]) Article 83 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

([647]) Loi n° 2015-1789 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015.

([648]) Article 44 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

([649]) Article 50 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018

([650]) Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

([651]) Commission de régulation de l’énergie, délibération n° 2019-172 du 11 juillet 2019 relative à l’évaluation des charges de service public de l’énergie pour 2020.

([652]) Commission de régulation de l’énergie, délibération n° 2019-172 du 11 juillet 2019 relative à l’évaluation des charges de service public de l’énergie pour 2020.

([653]) Les autres charges portent par exemple sur le soutien à la cogénération ou à l’injection de biométhane. Le montant prévisionnel de toutes les charges de service public de l’énergie s’élève, selon la CRE, à 7 915,7 millions d’euros au titre de l’année 2020, soit 263,7 millions d’euros de plus que le montant prévisionnel des charges au titre de l’année 2019 (7 652,0 millions d’euros).

([654]) Loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011.

([655]) La redevance d’accès TET est versée à SNCF Réseau par l’État s’est élevée à 521,9 millions d’euros en 2017, et elle est prévue à 527,7 millions d’euros en 2018, 536,6 millions d’euros en 2019 et 253 millions d’euros en 2020. Elle est retracée au sein du programme 203 Infrastructures et services de transports de la mission Écologie, développement et mobilité durables.

([656]) Article 22 de la loi n° 94-1162 du 29 décembre 1994 de finances pour 1995.

([657]) Article 49 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

([658]) Article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012.

([659]) Arrêté codifié à l’article 50 quaterdecies B de l’annexe IV au CGI.

([660]) Article 2 de la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017.

([661]) Arrêté codifié à l’article 23 M bis de l’annexe IV au CGI.

([662]) Loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012.

([663]) Aux termes de l’article 21 de la loi organique n° 2001-692 du 1 août 2001 relative aux lois de finances, les comptes d’affectation spéciale doivent être, sauf exceptions prévues par ce même article, à l’équilibre ou en excédent budgétaire, et ses recettes ne peuvent être complétées par des versements du budget général que dans la limite de 10 % de leurs crédits initiaux.

([664]) L’action nouvelle Accompagnement transition énergétique porte 1,3 milliard d’euros de crédits tandis que l’action nouvelle Aides à l’acquisition de véhicules propres en porte 0,8 milliard d’euros. Le programme 174 comprend 2,4 milliards d’euros de crédits en tout.

([665]) Loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008.

([666])  Loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine.

([667]) Le lecteur trouvera des informations complémentaires sur le sujet dans le rapport n° 1297 de M. Gilles Carrez sur le projet de loi de finances rectificative pour 2008 (n° 1266), Assemblée nationale, XIIIe législature, 4 décembre 2008, p. 247.

([668])  Rapport n° 1297 de M. Gilles Carrez sur le projet de loi de finances rectificative pour 2008 (n° 1266), Assemblée nationale, XIIIe législature, 4 décembre 2008, p. 250.

([669]) Décret n° 2009-26 du 7 janvier 2009 relatif au fonds d’urgence en faveur du logement.

([670]) Arrêté du 12 juin 2018 mobilisant le fonds durgence en faveur du logement.

([671]) Arrêté du 14 septembre 2018 mobilisant le fonds d’urgence en faveur du logement pour des actions complémentaires sur les îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy.

([672])  Rapport n° 1297 de M. Gilles Carrez sur le projet de loi de finances rectificative pour 2008 (n° 1266), Assemblée nationale, XIIIe législature, 4 décembre 2008, p. 250.

([673]) Loi n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.  

([674]) Cour des comptes, Le budget de l’État en 2017 : résultats et gestion, mai 2018, pp. 147 et suivantes et Le budget de l’État en 2018 : résultats et gestion, mai 2019, pp. 157 et suivantes.

([675]) Cour des comptes, Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2018, mai 2019, p. 124.

([676])  1° du I de l’article 7 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

([677]) Date d’entrée en vigueur de la loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale.

([678]) Loi n° 2004‑810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie.  

([679]) Voir notamment l’avis n° 1309 de la commission des finances sur  le projet de loi de financement de la sécurité sociale présenté par M. Éric Alauzet, Assemblée nationale, XVe législature, octobre 2018.

([680]) Loi n° 2018‑32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

([681]) Loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018 portant mesures durgence économiques et sociales.

([682]) Articles 86 et 87 de la loi n° 2017-837 de finances initiale pour 2018.

([683]) Article 9 de la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018.

([684]) Pour une analyse de ces dispositions sur le fond, voir le rapport n° 1336 fait au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, tome II, commentaires d’articles et annexes, par M. Olivier Véran, rapporteur général et l’avis n° 1309 présenté au nom de la commission des finances sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 par M. Éric Alauzet.

([685]) Loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019.

([686]) Amendement n° I‑1455 au PLF 2019 (n° 1255) de Mme Véronique Louwagie et de plusieurs de ses collègues.

([687]) Le régime fiscal en question reposait sur une décision du Premier ministre prise lors de la création de l’EFS et publiée dans le bulletin officiel des impôts, mais en contradiction avec les articles 261 et 281 octies du code général des impôts.  

([688]) Cour des comptes, Rapport public annuel 2019, février 2019.

([689]) L’évaluation préalable de l’article 35 du présent PLF chiffre la mesure à 6 millions d’euros ; l’exposé général des motifs fait mention d’une mesure de périmètre de 3,9 millions d’euros sur la mission Justice.

([690]) Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

([691]) Commission européenne, projet de budget général, juillet 2020.

([692]) Conseil constitutionnel, décision n° 79-110 DC du 24 décembre 1979, Loi de finances pour 1980.

([693]) Cf. l’article 76 du présent PLF.

([694]) Article 98 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.