N° 2822

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 avril 2020

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances rectificative pour 2020
(n° 2820),

PAR M. Laurent SAINT-MARTIN

Rapporteur général,
Député

——

 


 

 


  1  

SOMMAIRE

___

 Pages

INTRODUCTION GÉNÉRALE

TABLEAUX DE SYNTHÈSE

FICHE  1 : L’ÉVOLUTION DES HYPOTHÈSES MACROÉCONOMIQUES

A. La France est en rÉcession

1. Un scénario de croissance pré-crise devenu obsolète

2. Une rupture de tendance particulièrement sévère

3. Les nouvelles hypothèses de croissance du Gouvernement

B. Les effets de la CRISE SANITAIRE sur l’activitÉ Économique

1. Les difficultés méthodologiques nuisent aux prévisions

2. L’évolution du PIB mensuel montre d’importantes pertes de production

3. La consommation des ménages diminue de façon drastique

C. Le coÛt Économique du confinement

D. Les incertitudes de la sortie de crise

1. La possible apparition d’effets d’hystérèse

2. Le désajustement de la relance économique avec le reste du monde

3. L’efficacité des plans de soutien et des plans de relance

FICHE  2 : L’ÉVOLUTION DES PRINCIPAUX SOLDES PUBLICS

I. UNE TRAJECTOIRE DE RÉDUCTION DES DÉFICITS PUBLICS STOPPÉE PAR LA CRISE

A. LE DÉFICIT PUBLIC devait se RÉDUIre EN 2020

B. UN DÉFICIT PUBLIC DE CRISE

1. Le déficit public atteint un niveau sans précédent

2. Le détail de la révision de la première LFR du 23 mars 2020

II. LE NOUVEAU SOLDE PUBLIC ET SES DÉCOMPOSITIONS

A. DÉCOMPOSITION PAR NATURE

1. Le déficit conjoncturel reflète la chute de l’activité économique

2. L’absence de conséquence de la crise sur le solde structurel est maintenue

3. L’augmentation sensible du coût des mesures exceptionnelles et temporaires montre la force de la riposte budgétaire

B. DÉCOMPOSITION PAR SECTEUR D’ADMINISTRATION PUBLIQUE

1. Le déficit budgétaire de l’État

2. Le déficit des administrations de sécurité sociale

a. D’importantes pertes de recettes à attendre de la crise

b. Un accroissement sensible des dépenses

c. L’augmentation du besoin de financement des administrations de sécurité sociale

3. Le déficit des collectivités territoriales et de leurs groupements

FICHE  3 : LA GARANTIE DE L’ÉTAT SUR LES PRÊTS AUX ENTREPRISES

I. LA GARANTIE MASSIVE DE 300 MILLIARDS DEUROS DE PRÊTS

A. LES ENTREPRISES BÉNÉFICIAIRES DE LA GARANTIE

1. Champ

2. Octroi de la garantie

3. Plafond des prêts garantis

B. LES CARACTÉRISTIQUES DE LA GARANTIE

C. LES CONDITIONS D’OCTROI DE LA GARANTIE

D. LA GESTION DU MÉCANISME DE GARANTIE

II. premier bilan

A. LES ENGAGEMENTS DES PRINCIPAUX RÉSEAUX BANCAIRES

B. LE NOMBRE DE PRÊTS GARANTIS

FICHE N° 4 : LE DISPOSITIF D’ACTIVITÉ PARTIELLE

I. LE PRINCIPE DU DISPOSITIF

II. LE RENFORCEMENT ET L’EXTENSION DU DISPOSITIF

A. LE RENFORCEMENT DU DISPOSITIF PAR LE DÉCRET DU 25 MARS 2020 RELATIF À L’ACTIVITÉ PARTIELLE

1. L’extension de l’allocation d’activité partielle

2. La simplification du recours au dispositif

B. L’EXTENSION À TITRE TEMPORAIRE DU CHAMP DU DISPOSITIF PAR L’ORDONNANCE DU 27 MARS 2020 PORTANT MESURES D’URGENCE EN MATIÈRE D’ACTIVITÉ PARTIELLE

III. L’IMPACT BUDGÉTAIRE

FICHE  5 : LE FONDS DE SOLIDARITÉ POUR LES ENTREPRISES

I. LE FONDS DE SOLIDARITÉ DANS SA FORME ACTUELLE

A. UN FONDS DE SOUTIEN AUX ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ EN RAISON DE LA CRISE

B. LE FONCTIONNEMENT DU FONDS SELON LE DROIT EN VIGUEUR

1. Un fonds destiné aux petites entreprises

2. Les aides versées par le fonds

II. ASSURER LE FINANCEMENT DU FONDS ET ANTICIPER SON RENFORCEMENT

A. UN RENFORCEMENT À VENIR DU FONDS DE SOLIDARITÉ

B. LE FINANCEMENT DU FONDS

FICHE  6 : LES MESURES DE TRÉSORERIE À DESTINATION DES ENTREPRISES

A. Les reports de charges fiscales et sociales

B. Les reports de factures et loyers professionnels des TPE et indépendants

C. Les remboursements accélérés de créances fiscales

FICHE  7 : PANORAMA DES PRINCIPALES MESURES ÉCONOMIQUES PRISES EN EUROPE ET AUX ÉTATS-UNIS

A. Les mesures prévues par lUnion européenne

1. L’assouplissement des obligations budgétaires et de la réglementation en matière d’aides d’État

2. Les mesures budgétaires européennes : le déploiement d’une batterie de dispositifs renforçant les fonds disponibles

3. Les actions entreprises par la Banque centrale européenne

B. Les principales mesures de soutien économique prévues par certains partenaires européens de la France

1. Les mesures prévues en Allemagne

2. Les mesures prises en Italie

3. Les mesures annoncées en Espagne

4. Les mesures envisagées au Royaume-Uni

C. Les mesures prévues aux États-Unis

AUDITION du MINISTRE DE L’ÉCONOMIE ET DES FINANCES, du MINISTRE DE L’ACTION ET DES COMPTES PUBLICS, ET Du SECRÉTAIRE D’ÉTAT AUPRÈS DU MINISTRE DE L’ACTION ET DES COMPTES PUBLICS

EXAMEN EN COMMISSION

EXAMEN DES ARTICLES

Article liminaire Prévision de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques pour l’année 2020

Après l’article liminaire

PREMIÈRE PARTIE : CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE PREMIER DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

Mesures fiscales

Article 1er Exonération des sommes versées par le fonds de solidarité aux entreprises

Après l’article 1er

Article additionnel après l’article 1er Taux réduit de 5,5 % de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) applicable aux masques de protection adaptés à la lutte contre la propagation du virus Covid19

Après l’article 1er

TITRE II DISPOSITIONS RELATIVES À L’ÉQUILIBRE DES RESSOURCES ET DES CHARGES

Article 2 Équilibre général du budget, trésorerie et plafond d'autorisation des emplois

SECONDE PARTIE : MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

TITRE PREMIER AUTORISATIONS BUDGÉTAIRES POUR 2020. – CRÉDITS DES MISSIONS

Article 3 Budget général : ouvertures et annulations de crédits

Article 4 Comptes spéciaux : ouvertures de crédits

TITRE II DISPOSITIONS PERMANENTES

A.  Mesure fiscale non rattachée

Article 5 Exonération d'impôt sur le revenu et de cotisations et contributions sociales de la prime exceptionnelle spécifiquement versée aux agents des administrations publiques mobilisés dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire afin de tenir compte de leur surcroît de travail significatif durant cette période

Après l’article 5

B.  Garanties

Article 6 Rehaussement du plafond d’encours maximal de réassurance publique d’opérations d’assurance-crédit export de court terme

Article 7 Modification du régime d’octroi de la garantie de l’État au titre des prêts consentis par les établissements de crédits et les sociétés de financement, à compter du 16 mars 2020 et jusqu'au 31 décembre 2020 inclus, aux entreprises ayant subi un choc brutal en lien avec la crise sanitaire et la contraction de la demande globale

Après l’article 7

Article 8 Augmentation du plafond de garantie par l'État des emprunts de l'Unédic émis en 2020

Article 9 Garantie par l’État d’un emprunt de la Collectivité de Nouvelle-Calédonie octroyé par l’Agence française de développement

Après l’article 9

Article additionnel après l’article 9 Facilitation technique de l’accès au fonds de solidarité pour les artistesauteurs

Après l’article 9


  1  

    

   INTRODUCTION GÉNÉRALE

L’épidémie de covid-19 provoque une double crise de portée mondiale à la fois sanitaire et économique. Confrontées à un syndrome viral très contagieux dont le nombre des cas pathologiques lourds peut rapidement submerger leur système de soins, beaucoup des nations du monde ont choisi de limiter strictement la liberté d’aller et venir, et de travailler, de leur population. L’activité économique, partout dans le monde, est profondément entravée et amputée par la crise sanitaire.

Pour faire face, les instruments de la politique monétaire et de la politique budgétaire ont été massivement mobilisés.

S’agissant de la politique monétaire, la Banque centrale européenne a notamment lancé dès le 18 mars un nouveau programme d’achats d’urgence de titres des secteurs public et privé, s’élevant à 750 milliards d’euros. Elle s’est également concertée avec les autres grandes banques centrales du monde pour améliorer l’approvisionnement en devises et éviter une crise des paiements internationaux.

Sur le plan budgétaire, les institutions européennes, outre la mobilisation de crédits communautaires, ont adopté un plan de 540 milliards d’euros le 10 avril via l’Eurogroupe. Il comprend une ligne de crédit de 240 milliards d’euros sur le mécanisme européen de stabilité (MES), un fonds permettant de garantir via la Banque européenne d’investissement (BEI) jusqu’à 200 milliards d’euros de prêts aux entreprises, et un programme de 100 milliards d’euros pour financer le chômage partiel.

La France mobilise également sa capacité budgétaire dans des proportions jamais connues. La première loi de finances rectificative pour 2020, adoptée les 19 et 20 mars derniers dans les mêmes termes par l’Assemblée nationale et le Sénat en recueillant l’approbation sur la quasi-totalité des bancs des deux assemblées, a mis en place dans l’urgence trois dispositifs exceptionnels : un renforcement massif du champ de l’indemnisation du chômage partiel, un fonds de solidarité innovant pour les TPE, et une garantie très large de l’État jusqu’à 300 milliards d’euros pour les prêts aux entreprises. Ce budget rectificatif, et ces dispositifs, étaient dimensionnés pour un confinement de quatre semaines.

Dans son allocution du 13 avril 2020, le Président de la République a annoncé la prolongation du confinement jusqu’au 11 mai (soit huit semaines au total), puis un déconfinement très progressif à compter de cette date. Il a souligné les conséquences sociales et économiques du fort ralentissement de l’activité dans notre pays, jusqu’à son arrêt dans certains secteurs. Il a proposé que les réponses apportées en la matière par la loi de finances rectificative du 23 mars 2020 soient complétées et renforcées. C’est l’objet du présent projet de loi de finances rectificative pour 2020, quatre semaines à peine après la promulgation du premier texte financier lié à la crise sanitaire, dont l’ampleur atteint désormais presque 115 milliards d’euros.

Il apparaît en effet aujourd’hui nécessaire de compléter ces dispositions. Si elles ont permis à ce jour, dans les secteurs économiques mis à l’arrêt, le maintien d’une importante partie des rémunérations des travailleurs grâce au dispositif d’activité partielle, les conséquences sociales de la crise se font durement sentir pour les foyers les plus démunis, dont les enfants, par exemple, ne peuvent plus bénéficier des tarifs préférentiels des cantines scolaires offerts par les collectivités territoriales du fait de la fermeture des écoles. Il est donc proposé que ces foyers bénéficient sans délai d’une aide exceptionnelle.

Certains secteurs de notre économie souffrent plus que d’autres de la crise économique, parce qu’ils n’ont plus aucune activité et que cette mise à l’arrêt pourrait se poursuivre au-delà du 11 mai prochain. Cette situation touche certaines de nos entreprises nationales historiques et menace de les faire disparaître, par exemple dans le secteur aéronautique. Il importe que l’État, par la mobilisation des crédits nécessaires (jusqu’à 20 milliards d’euros), soit prêt à prendre ses responsabilités à leur égard, le cas échéant en entrant dans leur capital.

Il importe de prévoir les modalités des primes que les administrations verseront à ceux de leurs personnels dont la mobilisation a été plus particulièrement requise du fait de la crise. Il s’agit bien entendu des personnels de nos hôpitaux, et d’autres catégories d’agents particulièrement mobilisés. Les primes dont ils bénéficieront, à l’instar de la prime dite « Macron » dans le secteur privé, seront exonérées d’impôt et de cotisations et contributions sociales.

Le présent texte tend par ailleurs à renforcer les principaux dispositifs mis en place par la loi de finances rectificative pour 2020, en les adaptant à la durée – plus longue que prévue en mars dernier – pendant laquelle ils seront mis en œuvre. Ce renforcement budgétaire illustre au demeurant leur bien-fondé, que chacun peut constater sur le terrain, même si leur mise en œuvre doit être parfois plus large, plus simple et plus fluide.

Il est ainsi proposé que les fonds publics finançant l’activité partielle soient plus que doublés, compte tenu de la contribution de l’Unedic dont les facilités de financement sont accrues, pour atteindre au total 24 milliards d’euros. Il est proposé également de décupler les crédits publics du Fonds de solidarité en direction de nos petites entreprises – au total, compte tenu des contributions des collectivités territoriales, notamment les régions, des assureurs et d’autres contributeurs privés, le fonds pourra mobiliser 7 milliards d’euros environ. Le Parlement, notre majorité parlementaire, se réjouissent que les conditions d’éligibilité à ce fonds aient été élargies, que les aides apportées aux entreprises les plus en difficulté soient renforcées et que les montants ainsi perçus soient exonérés d’impôt et de contributions et cotisations sociales. Il est également prévu une hausse sensible des dépenses de santé, de 8 milliards d’euros désormais (+ 6 milliards d’euros par rapport à mars), disponibles sans délai.

S’agissant de la garantie des prêts apportés par l’État aux entreprises pour un montant d’encours total de 300 milliards d’euros, mise en place par Bpifrance et l’ensemble du réseau bancaire, il est proposé de l’étendre de façon plus claire aux entreprises considérées en difficulté depuis le début de l’année 2020. Il importe en effet de ne pas priver de cette aide des entreprises qui, précisément, ont besoin d’être garanties dans le cadre de l’adaptation qu’elles mettent en œuvre pour se développer de nouveau. C’est pourquoi, il est en outre proposé d’ouvrir d’autres capacités de garantie de prêts et d’octroi de prêts par l’État, en direction de nos entreprises exportatrices et via le Fonds de développement économique et social.

L’aide apportée à notre tissu économique consiste également en des reports de charges fiscales et sociales, que le Gouvernement a décidé d’étendre au mois d’avril. S’agissant du mois de mars, on observe que cette facilité de trésorerie a été utilisée par nos entreprises à hauteur du tiers du volume des facilités offertes. Dans les secteurs les plus touchés par la crise économique, le Gouvernement envisage d’annuler certaines de ces charges fiscales et sociales. Dans les secteurs de la culture, du tourisme et de la restauration, un plan de soutien spécifique a d’ailleurs été annoncé par le Président de la République pour les prochaines semaines, tant il apparaît que ces secteurs vivront une situation très difficile, sinon critique, pendant un temps plus long.

L’esprit du présent plan d’aide est bien de mettre à disposition de nos compatriotes et de notre tissu économique tout ce qui doit l’être pour passer la période critique puis rebondir. Les bonnes mesures sont prises, elles sont d’ailleurs similaires à celles mises en œuvre par nos partenaires économiques disposant comme la France d’amortisseurs sociaux. La voilure adoptée par le plan, près de 115 milliards d’euros sans compter les diverses garanties de l’État apportées aux entreprises au titre de leurs emprunts, tient compte de la réalité sans précédent de la crise économique. Cette réalité, c’est un recul anticipé de 8 % de notre richesse nationale en 2020, ce qui devrait conduire à observer un déficit public de 9 % de notre PIB et à constater à la fin de l’année un endettement souverain de 115 % du PIB.

Pour tous ceux, sur tous les bancs du Parlement, qui sont attachés à la maîtrise de nos finances publiques, le cadrage propre au présent texte, assis sur les projections les plus défavorables depuis la Libération en la matière, est à tout le moins un point d’attention majeur et, avouons-le, une source d’inquiétude. Le « quoi qu’il en coûte » est le bon, le seul choix. Il n’en est pas pour autant gratuit et indolore. Les efforts produits depuis 3 ans en matière de finances publiques permettent en tout état de cause d’user aujourd’hui des marges ainsi acquises.

*

*     *

 

Le présent rapport propose, après une série de tableaux de synthèse, une approche par fiches de l’examen du présent projet de loi de finances rectificative : elles concernent successivement la situation macro-économique actuelle, le solde de nos finances publiques, les principaux outils du plan d’aide (garantie des prêts par l’État, fonds d’indemnisation, activité partielle et reports de charges fiscales et sociales) et la présentation des mesures mises en place chez certains de nos partenaires économiques. Vient ensuite la présentation des travaux de la commission des finances, dans le cadre de l’examen des articles du présent texte.

 

 


  1  

   TABLEAUX DE SYNTHÈSE

 

Actualisation des prÉvisions

 

LFI 2020

LFR 1

PLFR 2

Croissance en volume (en % du PIB)

+ 1,3 %

– 1 %

– 8 %

 

 

 

 

Solde public (en % du PIB)

– 2,2 %

– 3,9 %

– 9,0 %

Dont solde structurel

– 2,2 %

– 2,2 %

– 2,0 %

Dont solde conjoncturel

+ 0,1 %

 1,3 %

 5,3 %

Dont mesures exceptionnelles

 0,1 %

 0,4 %

 1,7  %

 

 

 

 

Solde budgétaire de l’État (en milliards d’euros)

– 93,1

– 109

– 183,5

Dont recettes fiscales nettes

293

282,3

250,3

Dont recettes non fiscales

14,4

17,9

15,8

Dont prélèvement sur recettes

62,7

62,7

64,7

Dont plafond de dépenses du budget général

337,7

344

380,5

 

 

 

 

Taux de prélèvement obligatoires (en % du PIB)

44,0

44,0

Taux de dépenses publiques (en % du PIB)

53,4

60,9

Taux de dette publique (en % du PIB)

98,7

115,2

 

 

 

 

Besoin de financement (en milliards d’euros)

230,5

246,1

322,6

Source : commission des finances

 

Chiffrage des mesures de soutien Économique (toutes apu)

(en milliards d’euros)

Nature du soutien

Chiffrage total

Montée en charge par rapport à la LFR 1

Mesures de trésorerie (reports de charge et remboursements anticipés de crédits d’impôt*)

48,5

+ 23

Renforcement exceptionnel des participations financières de l’État

20

+ 20

Activité partielle

24

+ 15,5

Dépenses de santé supplémentaires

8

+ 6

Fonds de solidarité pour les entreprises **

6,8

+ 5,8

Ouverture de crédits supplémentaires d’urgence

(dont prime à destination des foyers modestes)

2,5

(0,9)

+ 2,5

(+0,9)

Avances au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens »

1,2

+ 0,7

Fonds de développement économique et social

0,9

+ 0,9

Exonération fiscale et sociale des sommes versées par le fonds de solidarité

1

+ 1

Annulation de charges sociales patronales dans certains secteurs particulièrement exposés

0,8

+ 0,8

Avances remboursables de trésorerie pour les entreprises en difficulté

0,5

+ 0,5

Autres mesures ***

0,5

+ 0,5

Total

114,7

+ 77,2

* Selon les données et les hypothèses du programme de stabilité 2020 : reports réels des échéances fiscales et sociales dues en mars et en avril pris en compte jusqu’au 5 avril, puis hypothèse de taux de report de 50 % pour les échéances restantes en avril ; s’agissant des remboursements anticipés de crédits d’impôt, taux de recours de 75 % sur les créances à l’IS, et 100 % sur les créances de TVA.

** Effort public uniquement.

*** Décalage de l’entrée en vigueur d’un volet de la réforme de l’assurance chômage et prolongation de droits pour les demandeurs d’emploi.

Source : commission des finances

 

CrÉdits budgÉtaires supplÉmentaires sur le budget de l’État
en lien avec la crise du COVId-19

(en milliards d’euros)

 

Crédits totaux

Montée en charge par rapport à la LFR 1

Renforcement exceptionnel des participations financières de l’État

20

+ 20

Activité partielle

16

+ 10,5

Fonds de solidarité pour les entreprises

6,25

+ 5,5

Ouverture de crédits supplémentaires d’urgence

2,5

+ 2,5

Avances au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens »

1,2

+ 0,7

Fonds de développement économique et social

0,9

+ 0,9

Total

46,9

+ 40,1

Source : commission des finances

Garanties de l’État mobilisÉes du fait de la crise du covid-19

(en milliards d’euros)

 

LFI 2020

LFR 1

PLFR 2

Total

Prêts aux entreprises

300

300

Emprunts de l’Unédic

2

5

7

Réassurance des opérations d’assurance-crédit export (Bpifrance Assurance Export)

2

3

5

Réassurance des opérations d’assurance-crédit domestiques (Caisse centrale de réassurance)

10

10

Emprunt de la Nouvelle-Calédonie

0,24

0,24

Total général

322,24

Source : commission des finances

Liste des mesures fiscales nouvelles

LFR 1

PLFR 2

Exonération de taxes d'importation, droits de douane, octroi de mer, droits de circulation et taxes d'accise de l'octroi de mer (article 1er)

Exonération des sommes versées par le fonds de solidarité pour les entreprises (article 1er)

Exonérations de la prime exceptionnelle pour les agents publics (article 5)

Source : commission des finances

*

*     *

 

 


  1  

FICHE  1 :
L’ÉVOLUTION DES HYPOTHÈSES MACROÉCONOMIQUES

Comme l’indiquait votre Rapporteur général dans l’exposé général de son rapport sur le précédent projet de loi de finances rectificative pour 2020 ([1]), « les restrictions vitales et massives des échanges physiques et de la mobilité des personnes pour lutter contre l’épidémie, précédées et doublées d’inévitables effets de comportements notamment de panique, ont un impact macroéconomique considérable depuis janvier 2020 dans le monde et en France de façon croissante depuis quelques jours ».

À peine un mois plus tard, le caractère considérable de l’impact macroéconomique de la crise sanitaire se confirme. La crise économique actuelle est fondamentalement une crise induite par les pouvoirs publics, qui ont pris des mesures incontournables sur le plan sanitaire, mais aux effets délétères sur l’économie. La France, au même titre que ses partenaires commerciaux, va connaître une récession sans précédent dans son intensité et dans ses caractéristiques.

A.   La France est en rÉcession

Les perspectives économiques mondiales et nationales se sont fortement assombries dès lors que la pandémie a frappé l’Europe, faisant temporairement du continent européen le nouvel épicentre de l’épidémie à compter du mois de mars.

La vitesse de cette propagation pandémique, cumulée à des mises à l’arrêt massives et soudaines de pans des économies nationales pour des raisons sanitaires, a rendu obsolète l’intégralité des prévisions économiques mondiales, régionales et nationales formulées jusqu’alors.

L’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), dans ses perspectives économiques intermédiaires du 2 mars 2020 ([2]), identifiait déjà la crise du coronavirus comme un facteur de risque majeur. Mais l’OCDE estimait encore que l’économie mondiale croîtrait, en 2020, de 2,4 % - la zone euro de 0,8 % et la France de 0,9 %. La révision à la baisse par rapport aux prévisions de l’automne 2019 était déjà sensible (entre 0,2 et 0,5 point de PIB selon les pays), mais sans commune mesure avec les prévisions de récession massive qui allaient progressivement être publiées au fil du mois de mars.

Le cadrage macroéconomique du Gouvernement associé au présent PLFR indique que la France connaîtra une croissance négative de – 8,0 % du produit intérieur brut (PIB) en 2020. Cette prévision est cohérente avec les dernières prévisions publiées – souvent avec d’importantes précautions méthodologiques – par les conjoncturistes, qui évaluent la récession en France en 2020 entre 5 % et 7 %.

1.   Un scénario de croissance pré-crise devenu obsolète

Selon le cadrage macroéconomique du projet de loi de finances pour 2020, cohérent avec d’autres prévisions économiques (Commission européenne, Banque de France), trois principales causes d’un ralentissement modéré étaient identifiées en 2020 :

– le regain des tensions commerciales entre la Chine et les États-Unis ;

– la perspective de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne ;

– le choc d’incertitude lié à ces événements, facteur de risque supplémentaire.

Ces risques, quoique diffus, ne mettaient pas en cause la prévision d’une croissance française relativement robuste, entre 1,3 % et 1,4 %.

PrÉvisions de croissance en volume du PIB pour la France (NOvembre 2019)

(en % d’évolution annuelle)

Institutions

2019

2020

Gouvernement

(projet de loi de finances pour 2020)

1,4

1,3

INSEE

(Point de conjoncture, octobre 2019)

1,3

– 

Banque de France

(Prévisions économiques, septembre 2019)

1,3

1,3

OFCE

(Perspectives économiques 2019-2021, octobre 2019)

1,3

1,3

Fonds monétaire international (FMI)

(Perspectives de l’économie mondiale, octobre 2019)

1,2

1,3

Commission européenne

(Prévisions économiques d’automne, novembre 2019)

1,3

1,3

Source : commission des finances.

Les prévisions de croissance désormais disponibles pour 2020 marquent donc une rupture de tendance brutale, à la fois à court et long termes. Cette phase de rupture concerne toutefois les économies du monde entier, frappées par un même choc exogène.

2.   Une rupture de tendance particulièrement sévère

Depuis 1974, la croissance annuelle n’a été négative qu’à quatre reprises. Cela signifie que le PIB diminue, quand le cours classique d’une économie amène à constater une expansion, même modeste, de ce produit. Selon l’Insee, la récession se caractérise par un repli du PIB sur au moins deux trimestres consécutifs.

La croissance en france depuis 1974

(en % du PIB en volume)

(en grisé, les années où la croissance a été inférieure à 1 %)

Année

1974

1975

1976

1977

1978

1979

1980

1981

1982

1983

1984

Croissance

4,3

– 1,0

4,4

3,5

4,0

3,6

1,6

1,1

2,5

1,2

1,5

 

Année

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

Croissance

1,6

2,3

2,6

4,7

4,3

2,9

1,0

1,6

– 0,6

2,4

2,1

 

Année

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Croissance

1,4

2,3

3,6

3,4

3,9

2,0

1,1

0,8

2,8

1,7

2,4

 

Année

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Croissance

2,4

0,3

– 2,9

1,9

2,2

0,3

0,6

1,0

1,1

1,2

2,4

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

2018

2019

2020

 

 

 

 

 

 

 

 

Croissance

1,7

1,2

– 8,0

 

 

 

 

 

 

 

 

Source : INSEE, comptes nationaux jusqu’en 2018 ; INSEE, points de conjoncture (pour 2019) ; présent PLFR (pour 2020).

Si l’on retient comme hypothèse de croissance celle avancée par le Gouvernement dans le présent PLFR, la récession de 2020 serait la plus importante observée depuis 1945. Une baisse du PIB de cet ordre de grandeur a été observée au deuxième trimestre de 1968 : la baisse de 5 % avait été toutefois compensée, dès le troisième trimestre, par un rebond de l’activité de 8 %.

L’ampleur de la récession, inévitable, est encore incertaine. Entre les prévisions de début mars (OCDE), de mi-mars (Commission européenne, Gouvernement) et de fin mars à début avril (départements recherche de grands réseaux bancaires, Banque de France), l’instabilité (et l’aggravation) des prévisions est flagrante, en France comme pour le reste du monde.

COMPARAISON DES Soldes DES projections de Pib pour 2020

(en % du PIB)

 

France

Allemagne

Italie

Espagne

Zone euro

Monde

OCDE (2 mars)

+ 0,9

+ 0,3

0

– 

+ 0,9

+ 2,4

Gouvernement (LFR 1, 18 mars)

–  1

– 

– 

– 

– 

 

Morgan & Stanley (18 mars)

–  4,8

– 

– 

– 

 –  5

  0,9

Goldman Sachs (24 mars)

–  7,4

–  8,9

–  11,6

–  9,7

–  9 

  1

Oddo BHF (31 mars)

–  6,7

–  7,4

–  7

–  6,7

–  6,8

–  5

Fonds monétaire international (14 avril)

–  7,6

– 7

– 9,1

– 8

– 7,5

 3

Gouvernement (PLFR 2, 15 avril)

–  8

– 

– 

– 

– 

 

Source : commission des finances

3.   Les nouvelles hypothèses de croissance du Gouvernement

Le scénario macroéconomique présenté dans le rapport économique et budgétaire annexé au PLFR est le même que celui fondant le programme de stabilité de l’année 2020 ([3]), qui a été adopté en Conseil des ministres le 15 avril et sera transmis à la Commission européenne avant le 30 avril.

La dernière estimation officielle du ralentissement de l’activité en France était fournie par la loi de finances rectificative (LFR) du 23 mars dernier : la contraction du PIB associée à ce texte s’élevait à 1 % pour 2020.

La nouvelle hypothèse de croissance pour l’année 2020 est donc une contraction du PIB de 8 %, qui s’explique par la révision à la hausse du coût économique de la mise à l’arrêt de certaines activités économiques et du confinement de la population, ainsi que par l’éloignement de l’hypothèse d’un retour rapide à la normale à l’issue, incertaine, de la crise sanitaire.

Selon le Gouvernement, « il est fait l’hypothèse dans ce scénario que les mesures de restriction sanitaires en vigueur en France depuis mi-mars seraient maintenues en l’état pour une durée totale de 8 semaines, c’est-à-dire qu’elles prendraient fin le 11 mai en cohérence avec les annonces du Président de la République le lundi 13 avril. Le redémarrage vers les niveaux tendanciels ne serait que progressif suite à la sortie de la période de restrictions sanitaires strictes ».

L’hypothèse de croissance potentielle ([4]) utilisée dans le présent PLFR est, de façon constante, la même que celle prévue par la loi de programmation des finances publiques (LPFP) sur l’ensemble de sa durée (2018-2022), soit 1,25 % du PIB.

Selon le Haut Conseil des finances publiques ([5]), le scénario de croissance du Gouvernement repose sur une « hypothèse forte » : un scénario de rattrapage du PIB perdu pendant le confinement, dans les mois qui suivent le 11 mai prochain. Ce scénario « suppose en particulier que les mesures de politique économique prises pour faire face à la crise permettront de préserver l’appareil productif et que la demande, tant intérieure qu’étrangère, ne portera pas de séquelles durables de la crise ». En somme, pour que ce scénario soit réaliste, le dispositif d’activité partielle devra permettre de préserver l’emploi et les dispositifs de soutien économique devront éviter de nombreuses défaillances d’entreprises, aux conséquences durables pour l’économie.

En outre, le Haut Conseil exprime des réserves sur la capacité de la production industrielle à retrouver rapidement ses niveaux de début 2020, et rappelle l’incertitude, partagée par le Gouvernement, qui entoure l’évolution des niveaux de consommation futurs des ménages français – entre consommation d’une sur-épargne forcée et prudence, voire attentisme dans les mois à venir.

Enfin, dans le cas où l’économie française ne parviendrait pas à être complètement résiliente, les séquelles de la crise pourraient se traduire par une perte de PIB potentiel dès 2020. Selon le HCFP, « si la crise économique liée au Covid19 revêt certaines caractéristiques particulières (choc sans lien avec le fonctionnement des économies, nature temporaire des mesures de confinement), l’ampleur des pertes d’activité et leur durée, incertaines à ce stade, pourraient laisser des séquelles plus durables et affecter le potentiel de production de l’économie française dès cette année ».

B.   Les effets de la CRISE SANITAIRE sur l’activitÉ Économique

Plusieurs effets économiques de la crise sanitaire sont inédits : la crise est généralisée (bien que d’intensités inégales selon les secteurs), simultanée et très intense. Elle frappe le secteur des services autant que le secteur industriel, et la consommation autant que la production.

L’Insee et la Banque de France ont mesuré les premiers effets économiques, à court terme, de la crise sanitaire. Leurs résultats ont été publiés sous la forme de notes de conjoncture et présentés, avec ceux de l’OCDE effectués sur un panel plus large, à la commission des finances lors d’une audition commune le 9 avril 2020.

1.   Les difficultés méthodologiques nuisent aux prévisions

Le fort degré d’incertitude qui marque la période actuelle se traduit par la prudence des prévisions économiques. Plusieurs inconnues majeures, comme la date et les conditions du déconfinement de la population, ont un impact tel sur l’évolution de la croissance française que l’Insee, comme la Banque de France, ont renoncé à produire des prévisions de croissance annuelle même pour 2020.

Le directeur général en charge des études de la Banque de France, Olivier Garnier, a ainsi déclaré, lors de son audition par la commission des finances le 9 avril dernier : « Nous nous sommes refusés à faire les habituelles prévisions annuelles de fin de trimestre – nous aurions dû publier fin mars celles pour 2020, 2021, 2022 –, car elles reposent sur trois paramètres : la durée totale du confinement, qu’on ne connaît pas encore ; les modalités de déconfinement (…) ; le rattrapage de l’activité. »

Dans son point de conjoncture d’avril 2020 ([6]), l’Insee précise : « nous ne proposons pas dans ce Point de conjoncture de prévision de croissance du PIB trimestrielle ni a fortiori annuelle. Les comptables nationaux de l’Insee publieront si possible fin avril la première estimation des comptes du premier trimestre 2020. L’évolution du PIB devrait être nettement négative au premier trimestre et sans doute plus encore au deuxième trimestre, selon la durée et les modalités de sortie du confinement ».

Les notices méthodologiques des points de conjoncture et études citées dans la présente fiche témoignent des difficultés rencontrées par les statisticiens et les conjoncturistes pour parvenir à des résultats fiables, rapidement. Ainsi, de nombreuses informations habituellement disponibles sont manquantes, ou alors certains modèles de prévision sont devenus caducs du fait du caractère inédit de la crise.

2.   L’évolution du PIB mensuel montre d’importantes pertes de production

L’Insee a publié, fin mars 2020, une première note de conjoncture en période de crise ([7]). La chute du PIB mensuel du mois de mars était estimée à – 35 % (environ 3 points de PIB annuel par extrapolation). L’estimation réalisée au 9 avril 2020, à maille plus fine selon les secteurs, confirme cet ordre de grandeur. La perte de production par rapport à la normale est évaluée à plus d’un tiers du PIB (– 36 %).

Les branches principalement marchandes, qui représentent 78 % du PIB, connaissent une perte d’activité estimée à – 42 % en moyenne, avec des disparités importantes.

Dans les services marchands, les services d’hébergement et restauration subissent la crise jusqu’à effacement quasi intégral d’activité (– 90 %), tandis que les activités financières et d’assurance (0 %) sont encore épargnées. Certaines activités de services devraient connaître une aggravation plus marquée qu’en apparence, du fait de la prolongation du confinement, comme les activités immobilières (– 1 % à la date du 9 avril selon l’Insee, mais la nomenclature de ces activités comprend le paiement des loyers, peu affectés par la crise actuelle).

Dans les branches industrielles, certains secteurs (machines-outils, électronique, informatique, coke et raffinage) sont fortement impactés, avec des baisses d’activité allant de – 53 à – 80 % ; à l’inverse les industries agroalimentaires fonctionnent à un niveau proche de la normale (– 5 %).

La Banque de France, dans sa note de conjoncture ([8]) du 8 avril, parvient à des résultats proches, par le biais de soldes d’opinion réalisés auprès de 8 500 entreprises. Les secteurs industriels les plus affectés par la baisse d’activité sont l’industrie automobile, la métallurgie et les fabrications de machines et équipements. De façon générale, le taux d’utilisation des capacités de production industrielle est passé de 78 % en février à 56 % en mars 2020. Dans les services, les chutes d’activité les plus importantes sont enregistrées dans l’hébergement, la restauration et dans le travail intérimaire.

Lecture : à partir des réponses des chefs d’entreprise, il est calculé un solde d’opinion qui exprime la différence entre la proportion d‘entreprises estimant qu‘il y a eu progression et celles qui jugent qu‘il y a eu détérioration.

Source : Banque de France

3.   La consommation des ménages diminue de façon drastique

La crise actuelle se caractérise par un choc frappant de façon simultanée la production et la consommation des ménages. Selon l’Insee, dans son point de conjoncture d’avril, précité, la baisse de la consommation atteint 35 % par rapport à la normale.

La Banque de France, toujours dans son point de conjoncture, relève que les paiements effectués par carte bancaire ont baissé de 50 % en moyenne pendant la dernière semaine de mars. Par extrapolation, en tenant compte des parts fixe et variable de la consommation des ménages, la consommation totale aurait baissé d’environ 30 % pendant cette semaine.

Pour corroborer cette conjecture, l’Insee a obtenu, à titre exceptionnel, les données d’utilisation de cartes bancaires, transmises par le Groupement d’intérêt économique des cartes bancaires (GIE-CB). Ces données sont établies en glissement annuel, c’est-à-dire par rapport au même jour de l’année précédente. Le graphique suivant permet d’identifier nettement les vagues d’achats de précaution ainsi que la chute de la consommation à compter de la deuxième quinzaine de mars.

Source : Insee

Selon le directeur général de l’Insee, Jean-Luc Tavernier, lors de son audition par la commission des finances le 9 avril, l’analyse des données de cartes bancaires fait également apparaître que, si la vente à distance a moins souffert que la vente physique, son volume a lui aussi diminué depuis le début du confinement.

C.   Le coÛt Économique du confinement

La dégradation de la conjoncture économique en France résulte d’un choc d’offre et d’un choc de demande, découlant principalement de la décision de confiner la population pour lutter contre la propagation de l’épidémie :

– du côté de l’offre : la fermeture temporaire de nombreuses entreprises, l’immobilisation progressive de la main-d’œuvre, des périodes prolongées d’activité partielle, de nombreuses perturbations dans la chaîne d’approvisionnement et la chute des exportations dans de nombreux secteurs ;

– du côté de la demande, la chute de la consommation des ménages, liée aux mesures de confinement et au report des décisions d’achat (immobilier, automobile, électroménager, tourisme, loisirs) qui en découlent, et la réduction de l’investissement des entreprises.

Le tableau suivant synthétise les différentes estimations publiées sur l’impact économique du confinement de la population française, exprimé en points de PIB annuel. Ces estimations sont homogènes. Elles demeurent cependant ponctuelles et ne peuvent être extrapolées sur des durées plus longues ([9]).

Effet du confinement sur le pib annuel en France

(en points de PIB perdus)

 

Quinzaine

1 mois

2 mois

Insee (26 mars)

3

6

OFCE (30 mars)

2,6

5-6

Rexecode (31 mars)

3

Banque de France (8 avril)

1,5

Source : commission des finances

Pour parvenir à son résultat de 2,6 points de PIB, l’OFCE a mené un travail de simulation détaillé visant à décomposer le coût du confinement ([10]). Les principaux déterminants de l’estimation d’un recul de l’activité de 2,6 points de PIB par mois de confinement sont les suivants :

– 1,0 point de PIB découle de la modification des comportements de consommation des ménages liée aux mesures de confinement (choc de demande) ;

– 0,7 point de PIB lié à la baisse de l’investissement (choc de demande) ;

– 0,4 point de PIB provient de l’effet du confinement de la main-d'œuvre et de la possibilité limitée du télétravail pour certaines activités (choc d’offre) ;

– 0,3 point de PIB découle de la fermeture des écoles (1,2 million de salariés seraient empêchés de travailler pour cause de garde d'enfants) (choc d’offre) ;

– 0,2 point de PIB résulte d'autres effets de demande, dont l'impact sur le solde commercial du tourisme (choc de demande).

D.   Les incertitudes de la sortie de crise

Parmi les nombreuses inconnues qui « gênent » aujourd’hui la prévision économique, la capacité de rattrapage et de résilience de l’économie française, encouragée par l’ampleur du plan de soutien économique proposé par le Gouvernement, pourrait contribuer à éclaircir le tableau dans les mois à venir.

En prenant comme postulat la maîtrise du risque sanitaire à l’issue du confinement, au moins trois incertitudes économiques majeures demeurent et peuvent nuire à une reprise rapide et complète de l’économie française.

1.   La possible apparition d’effets d’hystérèse

Un effet d’hystérèse, en économie, renvoie à l’incapacité des agents de s’adapter instantanément ou rapidement à une nouvelle situation économique potentiellement plus profitable du fait de leur maintien prolongé dans une situation négative antérieure. L’effet d’hystérèse classique est celui du chômage de longue durée : l’inactivité prolongée d’un travailleur nuit à son employabilité.

Dans le cas de la crise actuelle, les effets d’hystérèse du chômage peuvent être constatés, dans la mesure où les recherches d’emploi sont compromises par les règles de confinement et par l’arrêt de l’activité de nombreuses entreprises.

D’autres effets d’hystérèse peuvent apparaître :

– l’arrêt de la production industrielle de sous-traitants peut créer des ruptures de stocks en cascade tout au long de la chaîne de valeur, ce qui empêcherait, à tout le moins, la reprise d’une activité industrielle complète de façon rapide ;

– certaines habitudes de consommation des ménages, prises pendant le confinement, peuvent perdurer : commerce en ligne, cuisine à domicile, consommation de services de vidéos à la demande, au détriment de la reprise complète de petits commerces physiques ;

– le confinement a poussé les ménages à sur-épargner de façon forcée, comme en témoigne la hausse des flux d’épargne des livrets A et des livrets de développement durable et solidaire (+ 1,5 milliard d’euros en février 2020 en glissement sur un an, puis + 3,8 milliards d’euros en mars ([11])) ; toutefois, comme le rappelle le scénario macroéconomique du Gouvernement, « il existe une forte incertitude sur la rapidité à laquelle l’épargne contrainte sera consommée, de même que sur la nature des comportements de consommation en sortie de la période de restriction face à un choc d’un type jamais observé sur l’économie française » ;

– la perspective d’une réapparition du virus à l’automne prochain, évoquée par certains chercheurs du fait de la réouverture possible des frontières et d’une éventuelle activité saisonnière du virus au sein de populations non immunisées, peut engendrer des comportements attentistes, en matière d’investissement des ménages (repousser un projet d’achat immobilier ou des travaux d’envergure, qui risqueraient d’être interrompu de longs mois), des entreprises (qui préféreraient se désendetter) ou même du secteur financier (qui freinerait l’accès au crédit de long terme à des entreprises susceptibles d’être confrontées à de nouvelles difficultés économiques).

La combinaison de ces exemples microéconomiques a conduit le directeur général de l’Insee, lors de son audition devant la commission des finances le 9 avril, d’en tirer une conclusion macroéconomique : « nous pensons que la sortie de crise ne se fera pas selon un scénario en V : on ne reviendra pas instantanément au régime de croisière, puisque le déconfinement sera progressif et que les habitudes de consommation ne reprendront que lorsque tout le monde sera rassuré ».

2.   Le désajustement de la relance économique avec le reste du monde

La crise sanitaire a frappé l’Asie, avant de se propager en Europe, puis de trouver un nouveau foyer majeur de contagion en Amérique du Nord.

Par conséquent, si la crise frappe de façon homogène les économies mondiales, le tempo de leur relance économique ne sera pas le même, alors même que ces économies sont très interconnectées. Si le pic de l’épidémie est passé en France à la fin du printemps, il ne serait pas franchi avant l’été aux États-Unis. La production économique aurait en revanche déjà repris depuis plusieurs semaines en Asie.

Cette déconnexion des phases d’intensité de l’épidémie se traduira par une désynchronisation des séquences de relance budgétaire. Si l’Union européenne parvient à créer un choc de relance homogène pendant l’été ([12]), son efficacité risque d’être réduite par l’inertie de l’économie américaine, qui n’aura pas encore connu l’issue de la crise sanitaire.

Cela peut avoir certains effets bénéfiques, par exemple par la relocalisation d’activités économiques en Europe ou par l’accroissement de nos relations commerciales européennes ; l’inverse est aussi vrai : les marchés asiatiques, remis sur pied avant la fin de la crise sanitaire européenne, pourraient se recentrer sur une activité plus régionale, au détriment de nos capacités d’exportation.

Enfin, ce désajustement des sorties de crise risque de plonger durablement certains secteurs dans la crise, en particulier le secteur du transport aérien, pour lequel les liaisons intercontinentales sont une solide source de revenus, ou le secteur du tourisme, qui pâtirait durablement du prolongement possible de la fermeture de nombreuses frontières.

3.   L’efficacité des plans de soutien et des plans de relance

Comme l’a indiqué Laurence Boone, cheffe économiste de l’OCDE, lors de son audition par la commission des finances le 9 avril, « l’OCDE a procédé [dans ses prévisions] de la même façon que l’INSEE ou la Banque de France, au niveau international, en analysant l’impact initial, non encore amorti par les politiques économiques mises en place à cet effet. »

Un angle mort des prévisions actuellement disponibles est l’efficacité du plan de soutien à l’économie. Hors garanties publiques (environ 320 milliards d’euros), le plan de soutien français dispose dans l’immédiat d’une voilure de 100 milliards d’euros toutes dispositions comprises. L’efficacité de ce plan de soutien, notamment en matière de pérennité des entreprises et de maintien de l’emploi, est un facteur essentiel de réussite de la sortie de crise.

L’enjeu, pour les pouvoirs publics, est donc d’éviter que le choc temporaire actuel ne se mue en choc économique pérenne. De façon synthétique, les risques économiques identifiés ci-dessous font donc l’objet d’une réponse publique appropriée ayant pour objet de limiter leur survenance.

 

Risque économique

Principale réponse de l’État

Baisse de l’emploi

Déploiement massif de l’activité partielle

Crise de trésorerie, déséquilibre financier des entreprises

Report des charges sociales et fiscales de mars et d’avril 2020

Pérennité économique des TPE-PME

Création d’un fonds de solidarité, annulation des charges fiscales et sociales des entreprises les plus exposées

Accès au crédit

Garantie quasi-totale des prêts de trésorerie et des prêts de plus longue maturité

L’enjeu, à moyen terme, sera également de garantir l’efficacité d’un éventuel plan de relance, dont l’envergure, le succès, le caractère coordonné avec les relances européennes, sont autant d’inconnues qui empêchent aujourd’hui de dessiner ce que sera le contexte macroéconomique des mois à venir.

*

*     *

 


  1  

FICHE  2 :
L’ÉVOLUTION DES PRINCIPAUX SOLDES PUBLICS

Le deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2020 s’accompagne d’une révision substantielle de la prévision de solde public pour l’année 2020. La première loi de finances rectificative (LFR 1) prévoyait une dégradation du déficit public de 2020 de 1,7 point de PIB. Le présent projet de loi de finances rectificative (PLFR 2) aggrave encore cette prévision de 5,1 points de PIB.

Pour l’heure, la crise économique que nous traversons aura donc contribué à dégrader de 6,8 points de PIB le solde public que nous aurions dû constater en l’absence de pandémie.

La mesure du solde public permet d’adopter une vision intégrée de l’ensemble des finances publiques et donc de porter une appréciation sur le résultat en comptabilité nationale de l’ensemble des administrations publiques, c’est-à-dire non seulement de l’État mais également des administrations publiques locales (APPEL), des administrations de sécurité sociale (ASSO) et des divers organismes d’administration centrale (ODAC).

Évolution des Soldes publics pour l’annÉe 2020

(en % du PIB)

Soldes

LFI 2020

LFR 1

PLFR 2

Solde structurel (1)

– 2,2

– 2,2

– 2,0*

Solde conjoncturel (2)

0,1

– 1,3

– 5,3

Mesures exceptionnelles et temporaires (3)

– 0,1

– 0,4

– 1,7

Solde effectif (4 = 1 + 2 + 3)

 2,2

 3,9

 9

* Comme pour la LFI 2020 et la LFR 1, le présent PLFR prévoit un maintien du solde structurel de 2020 à son niveau de 2019. Auparavant évalué à 2,2 points de PIB, le déficit structurel de 2019 est désormais estimé à 2,0 points de PIB.

Source : articles liminaires de la loi de finances initiale pour 2020, de la première loi de finances rectificative pour 2020 et du présent projet de loi de finances rectificative.

I.   UNE TRAJECTOIRE DE RÉDUCTION DES DÉFICITS PUBLICS STOPPÉE PAR LA CRISE

A.   LE DÉFICIT PUBLIC devait se RÉDUIre EN 2020

Le déficit public prévu par la loi de finances initiale pour 2020 s’établissait à 2,2 % du PIB, soit son plus faible niveau depuis 2001. L’année 2017 a marqué le retour du déficit public, hors mesures exceptionnelles et temporaires, sous la barre des 3 % du PIB, ce qui a permis à la France de sortir de la procédure de déficit excessif dont elle faisait l’objet depuis 2009.

DÉficit public depuis 2008

Année

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

En %
du PIB

3,3

7,2

6,9

5,2

5,0

4,1

3,9

3,6

3,5

2,9

2,3

3,0*

7,6

*Hors mesure exceptionnelle relative à la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en baisse de cotisations sociales, le déficit public de 2019 s’établit à 2,0 % du PIB.

Source : INSEE, comptes nationaux jusqu’en 2018, présent projet de loi de finances rectificative pour les années 2019 et 2020.

Depuis 2018, l’économie française était en haut de cycle. La loi de finances initiale pour 2020 avait pris comme hypothèse un écart de production légèrement positif en 2020, à hauteur de 0,2 point de PIB. Cela signifiait que le PIB effectif devait être légèrement supérieur au PIB potentiel de l’économie française, et que les facteurs de production seraient modérément en tension. Par conséquent, l’économie française devait dégager un léger excédent conjoncturel en 2020 : le solde conjoncturel était prévu à 0,1 % du PIB, par ailleurs compensé par un poids des mesures exceptionnelles et temporaires de – 0,1 % du PIB.

Par conséquent, la prévision de déficit public de la LFI 2020 faisait apparaître un déficit d’origine intégralement structurelle (– 2,2 % du PIB potentiel). Le déficit structurel isole les effets du cycle économique et reflète donc le niveau des recettes et des dépenses directement liées aux politiques publiques menées par le Gouvernement.

La situation actuelle est exactement contraire. Tandis que le déficit structurel devrait rester inchangé en 2020 par rapport à 2019, l’intégralité de l’aggravation du déficit public résulte de la chute du PIB effectif (déficit conjoncturel) et des importantes mesures budgétaires prises pour lutter contre la crise sanitaire et contre la récession économique (mesures exceptionnelles et temporaires).

B.   UN DÉFICIT PUBLIC DE CRISE

1.   Le déficit public atteint un niveau sans précédent

Le dernier excédent public constaté en France date de 1974. Cette année-là, alors que les effets du premier choc pétrolier commencent à se faire sentir, les comptes publics affichent un solde légèrement positif de 0,1 % du PIB. Depuis 1975, les comptes publics de la France sont donc en déficit, dans des proportions toutefois très variables.

Le dÉficit public depuis 1974

(en % du PIB)

(en grisé, les soldes supérieurs à 4 % du PIB)

Année

1974

1975

1976

1977

1978

1979

1980

1981

1982

1983

1984

Solde

+ 0,1

– 2,9

– 1,6

– 1,1

– 1,8

– 0,5

– 0,4

– 2,4

– 2,8

– 2,5

– 2,7

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

Solde

– 3,0

– 3,2

– 2,0

– 2,6

– 1,8

– 2,4

– 2,9

– 4,6

– 6,4

– 5,4

– 5,1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Solde

– 3,9

– 3,7

– 2,4

– 1,6

– 1,3

– 1,4

– 3,2

– 4,0

– 3,6

– 3,4

– 2,4

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Solde

– 2,6

– 3,3

– 7,2

– 6,9

– 5,2

– 5,0

– 4,1

– 3,9

– 3,6

– 3,5

– 2,9

 

 

 

 

 

 

Année

2018

2019

2020

 

 

 

 

 

 

 

 

Solde

– 2,3

– 3,0

– 9,0

 

 

Source : INSEE, base 2014, présent PLFR.

Jusqu’à la présentation du présent PLFR, le point le plus bas de solde public effectif a été atteint en 2009, année qui a suivi la crise financière de 2008, avec un déficit de 7,2 % du PIB. Une décennie plus tard, il avait été réduit de près de cinq points de PIB.

Comme le montre le tableau précédent, le déficit public prévu pour 2020 est désormais supérieur à celui que la France a connu lors de la précédente récession de 2008.

C’est le caractère abrupt de l’évolution de la prévision qui caractérise l’intensité de la crise et des réponses qu’il est proposé d’y apporter. Par rapport à la prévision de déficit initialement prévue pour 2020, en date de décembre 2019 (2,2 %), la présente prévision d’avril 2020 augmente de plus de 300 %. Par rapport à la prévision de mars 2020 (LFR 1), la présente prévision augmente de plus de 130 %.

2.   Le détail de la révision de la première LFR du 23 mars 2020

Le tableau suivant décompose le solde public effectif entre la prévision de la LFI pour 2020, celle de la LFR 1 pour 2020 et, enfin, la prévision du présent PLFR.

L’Évolution des prÉvisions de DÉficit public pour 2020

(en % du PIB)

Déficit public

Écart par rapport

au PLFR 2

Déficit effectif

PLFR 2

9,0

 

LFR 1

3,9

+ 5,1

LFI 2020

2,2

+ 6,8

dont déficit conjoncturel

PLFR 2

5,3

 

LFR 1

1,3

+ 4,0

LFI 2020

– 0,1

+ 5,4

dont déficit structurel

PLFR 2

2,0

 

LFR 1

2,2

– 0,2*

LFI 2020

2,2

– 0,2*

dont mesures exceptionnelles et temporaires

PLFR 2

1,7

 

LFR 1

0,4

+ 1,3

LFI 2020

0,1

+ 1,6

* Effet de base 2019 ; la révision du déficit structurel de 2019 de 2,2 % à 2,0 % par le présent PLFR traduit en réalité une stabilité du déficit structurel entre 2019 et 2020.

Source : présent projet de loi de finances rectificative, première loi de finances rectificative pour 2020 et loi de finances initiale pour 2020.

On observe que le présent PLFR ajuste significativement les prévisions de la première LFR, publiée le 23 mars dernier seulement.

Le choc économique se traduirait d’emblée par une aggravation de 4 points de PIB supplémentaires du solde conjoncturel. Comme la fiche n° 1 le montre, la dégradation de la conjoncture économique – en particulier le coût économique du confinement de la population – a été revue à la hausse en un mois. L’estimation de la croissance a été dégradée de 7 points de PIB par rapport à la LFR 1, ce qui a un effet direct sur le montant des recettes perçues.

En deuxième lieu, les mesures exceptionnelles et temporaires prises par le Gouvernement pour lutter contre la crise sanitaire et contre ses effets récessifs correspondent à 1,3 point de PIB supplémentaire. Le plan de soutien de près de 11,5 milliards d’euros adopté en LFR 1 est donc significativement augmenté, pour atteindre 42 milliards d’euros.

Cette montée en charge massive, qui ne concerne que les mesures budgétaires ayant un effet sur le solde public, est détaillée dans le tableau ci-après.

montÉe en charge du plan de soutien budgÉtaire

Mesures ayant un impact sur le solde public

(en milliards d’euros)

Nature du soutien

Coût LFR 1

Coût PLFR 2

Montée en charge

Activité partielle

8,5

24,0

+ 15,5

Dépenses de santé exceptionnelles

2,0

8,0

+ 6,0

Fonds de solidarité pour les entreprises *

1,1

6,8

+ 5,8

Ouverture de crédits supplémentaires d’urgence

0

2,5

+ 2,5

Autres mesures **

0

0,5

+ 0,5

Total

11,5

41,8

+ 30,3

* Effort public uniquement.

** Décalage de l’entrée en vigueur d’un volet de la réforme de l’assurance chômage et prolongation de droits pour les demandeurs d’emploi.

Source : commission des finances

Ces données sont proches de celles fournies par le Gouvernement dans le programme de stabilité de l’année 2020. Un tableau plus complet chiffrant l’intégralité du plan de soutien à l’économie est disponible à la fin de l’introduction générale du rapport.

II.   LE NOUVEAU SOLDE PUBLIC ET SES DÉCOMPOSITIONS

Deux décompositions peuvent apporter des précisions utiles pour apprécier la nouvelle prévision de solde public attachée au présent PLFR.

La première décomposition, qui est aussi celle requise eu égard aux engagements européens de la France, distingue les effets conjoncturels, structurels et les effets exceptionnels et temporaires jouant sur le niveau du solde public.

La seconde décomposition distingue les déficits budgétaires de l’État, des administrations de sécurité sociale et des collectivités territoriales et de leurs groupements.

Le point de comparaison choisi est celui de la LFI 2020 : elle s’appuie sur des données de prévision construites sur un scénario sans référence à la crise actuelle. La dégradation de l’état des finances publiques à compter de ce point de comparaison fournit donc un aperçu utile du coût, à date, de la crise sur les finances publiques.

A.   DÉCOMPOSITION PAR NATURE

1.   Le déficit conjoncturel reflète la chute de l’activité économique

L’impact direct de la propagation de l’épidémie de Covid-19, couplé avec les mesures de protection sanitaire, se traduisent par des effets récessifs de grande envergure. La contraction du PIB, évaluée à 8 % en 2020 par le Gouvernement dans le présent PLFR, se traduit par une hausse massive du déficit conjoncturel (5,4 points de PIB) par rapport aux projections de la LFI (excédent conjoncturel de 0,1 point de PIB).

Rappelons que le solde conjoncturel est le solde reflétant les dépenses et les recettes publiques directement affectées par la conjoncture économique. Il se distingue du déficit structurel, qui isole les effets du cycle économique et reflète donc le niveau des recettes et des dépenses directement liées aux politiques publiques menées par le Gouvernement.

L’aggravation du déficit conjoncturel traduit la forte progression de l’écart de production, qui est la différence entre le PIB effectif et le PIB potentiel. Ce dernier peut être défini « comme le niveau maximum de production que peut atteindre une économie sans qu’apparaissent de tensions sur les facteurs de production qui se traduisent par des poussées inflationnistes » ([13]).

Comme les facteurs de production sont actuellement fortement sous-employés, voire à l’arrêt dans certains secteurs économiques, le niveau du PIB effectif se détache fortement du PIB potentiel. La contraction du PIB se traduit mécaniquement par des pertes de recettes des prélèvements obligatoires, donc par l’apparition d’un déficit de nature conjoncturelle ([14]).

2.   L’absence de conséquence de la crise sur le solde structurel est maintenue

Les premières mesures de soutien budgétaire adoptées en LFR 1 se sont traduites par une hausse du déficit lié aux mesures exceptionnelles et temporaires (voir ci-dessous). Cette catégorie de solde permet d’isoler les mesures, en dépenses et en recettes, qui sont directement l’effet de choix de politiques budgétaires, mais qui, en raison de leur caractère non pérenne, ne doivent pas être rattachées au déficit structurel. Comme son nom l’indique, ce dernier doit refléter les effets des politiques structurelles, de moyen et de long terme, menées par le Gouvernement.

Le renforcement de ces mesures de soutien budgétaire par le présent PLFR n’affecte donc pas le déficit structurel prévu en 2020 : il est maintenu à 2,0 points de PIB, au niveau de 2019 ([15]).

3.   L’augmentation sensible du coût des mesures exceptionnelles et temporaires montre la force de la riposte budgétaire

La LFI 2020 prévoyait des mesures exceptionnelles et temporaires de basse intensité, à hauteur de 0,1 point de PIB. Le caractère ponctuel de ces mesures, à l’impact positif ou négatif sur les finances publiques, explique qu’elles soient écartées du calcul du solde structurel et du solde conjoncturel.

C’est parce que le plan budgétaire de lutte contre l’épidémie et contre ses effets récessifs n’a pas vocation à se prolonger – à ce stade – au-delà de l’exercice 2020 que le Gouvernement a comptabilisé ces dépenses parmi les mesures exceptionnelles et temporaires. Ce choix cohérent se traduit par une hausse substantielle du déficit issu des mesures exceptionnelles et temporaires en 2020, à 1,7 point de PIB.

Ce solde se décompose en réalité en 1,9 point de PIB de lutte contre la crise actuelle, en partie compensées par le produit d’une amende de 2,1 milliards d’euros infligée au groupe Airbus dans le cadre d’une convention judiciaire d'intérêt public (CJIP), perçue au mois de janvier 2020.

B.   DÉCOMPOSITION PAR SECTEUR D’ADMINISTRATION PUBLIQUE

La LFI 2020 montrait une décomposition contrastée du solde public effectif selon les catégories d’APU : l’État devait supporter une grande partie du déficit public, tandis que les administrations de sécurité sociale présentaient un excédent budgétaire et que les administrations publiques locales étaient proches de l’équilibre.

Solde public par sous-secteur LFI 2020

(en points de PIB)

Sous-secteur

2017

2018

2019

2020*

État

– 2,8

– 3,0

– 3,5

– 3,0

Organismes divers d’administration centrale

– 0,1

– 0,1

– 0,1

– 0,1

Administrations publiques locales

0,0

0,1

0,1

0,2

Administrations de sécurité sociale

0,3

0,5

0,5

0,7

Solde public

– 2,7

– 2,5

– 3,1

– 2,2

* Hors reprise de dette de SNCF Réseau (25 milliards d’euros), retraitée en dépense publique de l’État.

Source : Rapport économique, social et financier annexé au PLF 2020.

Comme le montre le tableau suivant, le plan de soutien proposé par le présent PLFR, en complément de celui porté par la LFR 1, confirme que l’État supporte une grande partie de l’effort budgétaire de ce plan de soutien, soit 59 %, tandis que les ASSO en supportent 39 % et les APUL, 2 %. En revanche, compte tenu des importantes pertes de recettes (impôts et cotisations sociales) consécutives à la crise, son coût global est supporté par les trois catégories d’administrations publiques dans des proportions qu’il n’est pas possible de décrire précisément en l’absence de décomposition des soldes publics par sous-secteur d’APU.

Impact sur le solde public des mesures exceptionnelles

(en milliards d’euros)

Mesures exceptionnelles

Impact
sur le solde public

dont administration publique centrale

dont administrations de sécurité sociale

dont administrations publiques locales

Activité partielle

24

16,0

8,0

Dépenses de santé

8,0

8,0

Fonds de solidarité pour les entreprises *

6,8

6,3

0,5

Ouverture de crédits supplémentaires d’urgence

2,5

2,5

Autres mesures **

0,5

0,5

Total

41,8

24,8

16,5

0,5

* Effort public uniquement.

** Décalage de l’entrée en vigueur d’un volet de la réforme de l’assurance chômage et prolongation de droits pour les demandeurs d’emploi.

Note méthodologique : le chiffrage présenté relatif à l’activité partielle ne présente pas le seul effet des mesures nouvelles (réglementaires et législatives) annoncées ou proposées par le Gouvernement, mais les dépenses supplémentaires liées au dispositif par rapport aux prévisions de la loi de finances pour 2020. En effet, à droit constant, la situation de crise entraîne mécaniquement une hausse des dépenses d’activité partielle. S’ajoutent à cet effet mécanique des mesures de renforcement de l’activité partielle et d’incitation à recourir à ce dispositif, sans que le départ entre ce qui relève de l’effet mécanique et ce qui relève des mesures nouvelles puisse être présenté.

Source : commission des finances.

1.   Le déficit budgétaire de l’État

Le solde prévu pour 2020 se dégraderait de 90,3 milliards d’euros par rapport à la LFI de 2020. Cette aggravation du déficit de l’État le porte à un niveau de 183,5 milliards d’euros. Par rapport à la LFR 1, le déficit de l’État se dégrade de 74,4 milliards d’euros.

Cette nouvelle aggravation du déficit de l’État se répartit de la façon suivante :

– 38,5 milliards d’euros de dépenses supplémentaires sur le champ du budget général de l’État et 1,6 milliard d’euros de dépenses des comptes spéciaux ;

– 32,2 milliards d’euros de perte de recettes fiscales et 2,2 milliards d’euros de recettes non fiscales, du fait de l’aggravation de la conjoncture économique.

Le commentaire de l’article d’équilibre et de l’état A annexé au présent PLFR fournit une analyse plus détaillée de l’évolution des recettes.

S’agissant des dépenses de l’État, l’ouverture de crédits à hauteur de 38,5 milliards d’euros sur le champ du budget général de l’État, hors mission Remboursements et dégrèvements, se décompose ainsi :

– une augmentation de 36 milliards d’euros des crédits de la mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire, dont 20 milliards d’euros au titre du soutien en fonds propres des entreprises stratégiques, de 10,5 milliards d’euros au titre de l’activité partielle et de 5,5 milliards d’euros au titre du fonds de solidarité à destination des petites entreprises en difficulté ; – une ouverture de crédits de 2,5 milliards d’euros pour abonder la dotation prévue par la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances pour faire face à des dépenses accidentelles ou imprévisibles, étant précisé par le présent PLFR que ces crédits ont vocation à abonder les programmes de la mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire.

La première LFR avait augmenté les crédits du budget général de 6,25 milliards d’euros, augmentant d’autant la norme de dépenses pilotables de l’État ([16]). Le présent PLFR aurait dû conduire à majorer de 38,5 milliards d’euros supplémentaires la norme de dépenses pilotable de l’État.

Toutefois, le Gouvernement explique dans l’exposé général des motifs de ce deuxième PLFR que la mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire doit être exclue de la norme de dépenses pilotables de l’État compte tenu de son caractère exceptionnel et temporaire. En revanche, ces agrégats sont inclus dans l’objectif de dépenses totales de l’État (ODETE).

Parallèlement, ce PLFR propose l’annulation de 2 milliards d’euros de crédits sur la mission Engagements financiers de l’État pour tenir compte de l’actualisation des prévisions d’inflation. En effet, environ 200 milliards d’euros d’encours de dette de l’État sont indexés sur l’inflation hors tabac.

2.   Le déficit des administrations de sécurité sociale

Le déficit des administrations de sécurité sociale (ASSO) se creusera en raison de l’impact mécanique sur les recettes et les dépenses de la dégradation de la conjoncture et en raison des mesures d’urgence mises en place pour atténuer les effets de la crise.

a.   D’importantes pertes de recettes à attendre de la crise

Dans le contexte actuel, les prévisions de perte de recettes des administrations de sécurité sociale sont nécessairement affectées d’un grand degré d’incertitude. Le Gouvernement ne fournit d’ailleurs pas d’estimation de cette perte de recettes dans le présent PLFR. Il est toutefois acquis que la chute d’activité entraînera des baisses de recettes massives pour les ASSO.

● Le Gouvernement prévoit en effet que le PIB diminuera de 6,7 % en valeur nominale en 2020 ([17]) et que l’élasticité des prélèvements obligatoires à la croissance du PIB serait de 1,1 ([18]).

En 2018, les recettes des administrations de sécurité sociale issues des impôts et cotisations se sont élevées à 569,7 milliards d’euros ([19]). Hors effets de mesures nouvelles et à supposer que l’élasticité à la croissance du PIB des prélèvements obligatoires des ASSO ait été unitaire en 2019 ([20]) et que les recettes issues des prélèvements obligatoires affectés à la sécurité sociale aient une élasticité à la croissance du PIB égale à celle de l’ensemble des prélèvements obligatoires, elles diminueraient spontanément d’environ 40 milliards d’euros en 2020.

Cet ordre de grandeur est toutefois à prendre avec une grande précaution, car il résulte de l’application d’hypothèses incertaines qui ne tiennent pas compte de la spécificité de la crise actuelle.

● Parmi les spécificités actuelles, il est à noter que les recettes des administrations de sécurité sociale vont être affectées par l’application massive du dispositif d’activité partielle. En effet, l’indemnité d’activité partielle étant exonérée de cotisations sociales et de retraite complémentaire, le recours massif à ce dispositif, s’il permet le maintien dans l’emploi (et donc le maintien à terme de cotisations), prive momentanément les administrations de sécurité sociale d’une partie de leurs ressources. Dans la même logique, l’augmentation des arrêts maladie aura un impact baissier sur les recettes des administrations de sécurité sociale. Dans une note du 25 mars 2020 ([21]), l’Unédic estime ainsi à 600 millions d’euros la perte de recettes liées aux arrêts maladies pour les mois de mars et d’avril 2020 et entre 300 et 740 millions d’euros la perte de recettes liée à l’application de l’activité partielle pour la même période (en plus de l’augmentation de ses dépenses liées à la prise en charge partielle du dispositif).

b.   Un accroissement sensible des dépenses

Les dépenses des ASSO dans leur ensemble sont moins sensibles que les recettes à la conjoncture. Elles sont toutefois nettement plus sensibles que les dépenses des autres administrations publiques. Surtout, les mesures d’urgence prises depuis la fin du mois de mars, à la fois dans leur volet sanitaire et économique, vont avoir un impact important.

● Certaines des mesures d’urgence du Gouvernement sont financées par les ASSO. Il en va ainsi de l’activité partielle que l’Unédic finance à hauteur d’un tiers. Le présent PLFR estime la contribution de l’Unédic au dispositif à hauteur de 8 milliards d’euros. Outre cette contribution, les dépenses de l’Unédic augmenteront en raison du report au 1er septembre 2020 de l’entrée en vigueur de certaines des nouvelles règles d’indemnisation du chômage qui devaient être appliquées à compter du 1er avril 2020 ([22]). Selon la note de l’Unédic précitée, le report de ces règles devrait engendrer une dépense supplémentaire pour le régime d’assurance chômage d’environ 150 millions d’euros. Les dispositions prises par ordonnance ([23]) de prolongation ou de garantie de la continuité des droits des assurés auraient en outre un coût d’environ 20 millions d’euros au titre du mois de mars et de 120 millions d’euros au titre du mois d’avril. Outre ces mesures nouvelles, la crise va avoir un impact sur les dépenses d’assurance chômage, dans la mesure où le nombre de demandeurs retrouvant un emploi est certainement désormais en diminution. Symétriquement, il est à craindre que le nombre de personnes passant de l’emploi au chômage augmente également.

● Les mesures d’urgence du volet sanitaire vont accroître les dépenses de l’objectif national d’assurance maladie. Le présent PLFR prévoit une augmentation de 8 milliards d’euros des dépenses de santé. Ce montant est supérieur de 6 milliards d’euros au montant estimé par le précédent PLFR.

En effet, le premier PLFR avait « intégré une enveloppe à 2 milliards d’euros dans le domaine de la santé, permettant de couvrir les achats de matériel (masques), les indemnités journalières et la reconnaissance de l’engagement des professionnels » ([24]) sans que la ventilation de cette dotation soit précisée. Un arrêté du 20 mars 2020 fixant le montant pour l’exercice 2020 du financement de l’Agence nationale de santé publique avait accordé à l’agence une dotation exceptionnelle de 860 millions d’euros « au titre de la prévention épidémique et la constitution de stocks stratégiques ». Toutefois, cet arrêté a été abrogé par un arrêté du 30 mars 2020 ([25]) qui a fixé le niveau de cette dotation à 4 milliards d’euros, rendant caduque l’estimation du premier PLFR.

L’augmentation des dépenses de santé aura certainement pour conséquence que l’ONDAM fixé en loi de financement de la sécurité sociale sera dépassé pour la première fois depuis 2009. Le ministre des solidarités et de la santé a indiqué que l’ONDAM progresserait de plus de 7 % en 2020. Ce taux serait le plus élevé depuis 2002 ([26]).

c.   L’augmentation du besoin de financement des administrations de sécurité sociale

La dégradation de la situation financière des administrations de sécurité sociale conduit à une augmentation de leurs besoins de financement.

L’ordonnance du 25 mars 2020 relative à la garantie de financement des établissements de santé et aux régimes complémentaires obligatoires de sécurité sociale ([27]) prise sur habilitation de l’article 11 de la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, a ainsi ouvert la possibilité à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) de consentir des prêts et avances d’une durée inférieure à un an aux établissements de santé et aux organismes gérant des régimes complémentaires obligatoires de sécurité sociale.

En outre, pris en application de la procédure d’urgence prévue à l'article LO. 111-9-2 du code de la sécurité sociale, un décret du 25 mars 2020 ([28]) a relevé le plafond du montant des avances de trésorerie auxquelles le régime général de sécurité sociale peut recourir de 49,1 à 70 milliards d’euros, soit une augmentation de 20,9 milliards d’euros.

Enfin, l’article 8 du présent PLFR prévoit également d’augmenter de 5 milliards d’euros le plafond de la garantie accordée par l’État à l’Unédic pour les emprunts obligataires qu’elle émettra en 2020 pour le fixer à 7 milliards d’euros, compte tenu des besoins de financement nouveaux.

3.   Le déficit des collectivités territoriales et de leurs groupements

S’il est encore trop tôt pour estimer précisément l’impact global de la crise économique actuelle sur le solde des administrations publiques locales, plusieurs constats concernant les recettes et les dépenses des collectivités locales peuvent dès à présent être réalisés.

● Les recettes des départements et des régions, essentiellement fiscales et sensibles à la conjoncture, pourraient nettement diminuer en 2020 et 2021. En effet, près de 74 % des recettes totales des régions et 70 % des recettes totales des départements proviennent des impôts et taxes, avec une forte prédominance pour ces deux catégories de collectivité territoriale des impôts économiques tels que la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), les taxes intérieures de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), la taxe sur les certificats d’immatriculation ainsi que les droits de mutation à titre onéreux (DMTO). De manière annexe, des variations négatives affecteront également la taxe d’aménagement, la taxe sur les conventions d’assurance (TSCA) ou encore la taxe sur la consommation finale d’électricité (TCFE).

L’impact de la crise sur les recettes de la CVAE ne devrait toutefois intervenir qu’à partir de 2021, voire 2022 du fait des mécanismes d’acomptes et de reversement : ce délai offre une certaine flexibilité et un temps d’adaptation à l’État et aux administrations publiques locales, en particulier pour les régions pour lesquelles cette cotisation représente 34 % des recettes fiscales. Pour les départements, un retournement de tendance du marché immobilier conduirait à une dégradation de leur situation financière dès 2020 (les DMTO représentant 25 % de leurs recettes fiscales), en particulier dans un contexte de hausse potentielle de leurs dépenses sociales (notamment du revenu de solidarité active – RSA). Sur ce point, l’Assemblée des départements de France (ADF) a indiqué au Rapporteur général qu’elle estime qu’en « raison du quasi-gel des transactions immobilières durant la période de confinement associé à une reprise potentiellement ralentie en termes de volume et d’un effet prix sur les biens, [les DMTO] pourraient subir une diminution de – 35 % dès 2020 ». Elle rappelle également que « pour mémoire, les DMTO avaient baissé de – 11 % en 2008 et de – 27 % en 2009 (avant de rebondir + 35 % en 2010 et + 16 % en 2011) ».

Les recettes fiscales des collectivitÉs
territoriales en 2018

(en milliards d’euros)

Catégories de collectivités territoriales

Recettes totales hors emprunts

Impôts et taxes

Part des impôts et taxes dans les recettes totales

Concours de l’État

Part des concours dans les recettes totales

Bloc communal

125,67

69,76

55,5 %

22,41

32,1 %

Départements

67,54

47,28

70,0 %

10,36

21,9 %

Régions

32,19

23,80

73,9 %

1,92

8,1 %

Ensemble

225,4

140,84

62,5 %

34,69

26,6 %

Note : bloc communal = communes et groupements à fiscalité propre. Les recettes des collectivités territoriales sont constituées des impôts et taxes, des concours de l’État, ainsi que des subventions reçues et participations et des ventes de biens et de services.

Source : Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL), Les finances des collectivités locales en 2019, septembre 2019.

L’impact de la crise économique sur les recettes fiscales des départements et régions devrait être atténué par différents mécanismes :

– une partie de la TICPE affectée aux régions résulte de transferts de compétences et ne devrait pas être affectée par les fluctuations des recettes nationales : il est prévu que lorsque le produit de TICPE ne permet pas de couvrir le droit à la compensation constitutionnellement garanti, l’État doit procéder à l’attribution d’une fraction supplémentaire de TICPE (leurs montants ne peuvent se situer en deçà du niveau des compensations historiques) ;

– la baisse de TICPE devrait ainsi uniquement concerner la part dite « Grenelle » (faculté de majoration supplémentaire des tarifs de TICPE applicables dans chaque région pour le financement des infrastructures de transport durable) ainsi que la majoration supplémentaire des tarifs de TICPE dans la région d’Île-de-France et destinée à Île-de-France Mobilités (IDFM) : ces deux parts ne disposent pas de mécanismes de garantie et varient en fonction de la consommation. Pour 2020, la prévision de TICPE dite « Grenelle » versée aux régions était estimée à 593 millions d’euros pour 2020 et celle versée à IDFM à 100 millions d’euros ;

– la part de TVA affectée aux régions, en substitution de l’ancienne dotation globale de fonctionnement (DGF), bénéficie d’un mécanisme de garantie de non-baisse de cette fraction par rapport à son niveau 2017 (soit 4 025 millions d’euros) ;

– les recettes des DMTO font l’objet d’un mécanisme de mise en réserve par le Comité des finances locales (CFL) pour permettre un surcroît d’alimentation en période de crise (120 millions d’euros seraient mis en réserve à ce jour).

Il convient toutefois de souligner la situation particulière de la Collectivité de Corse et des régions ou collectivités uniques d’outre-mer qui devront faire face à des pertes spécifiques de droits sur les tabacs, de taxe sur le transport public aérien et maritime, ou encore de taxe spéciale sur les consommations de carburants et d’octroi de mer.

L’impact de la crise économique sur les recettes fiscales régionales
par Régions de France (avril 2020)

Sur la base des évaluations provisoires réalisées par Régions de France et transmises au Rapporteur général, la perte des recettes fiscales pour les régions pourrait s’élever à 700 millions d’euros en 2020 (pertes de TVA, de TICPE et de taxe sur les certificats d’immatriculation), auxquels il conviendrait d’ajouter entre 1,9 et 3,8 milliards d’euros de perte de CVAE en 2021. Les pertes de recettes fiscales concerneraient en particulier :

– dès 2020, la TVA avec une perte comprise entre 228 et 504 millions d’euros, ce qui rendrait nécessaire l’activation du mécanisme de garantie (la part versée aux régions ne pouvant pas être inférieure au montant de la DGF 2017) ;

– dès 2020, la part dite « Grenelle » de la TICPE avec une baisse comprise entre 23 et 87 millions d’euros ;

– dès 2020, la taxe sur les certificats d’immatriculation avec une baisse comprise entre 90 et 336 millions d’euros ;

– à compter de 2021, la CVAE avec une baisse comprise entre 1,9 milliard et 3,8 milliards d’euros.

Régions de France précise qu’il s’agit de données provisoires en cours d’approfondissement.

En comparaison, les entités du bloc communal seront moins affectées par la crise sanitaire, car une grande part de leurs recettes n’est pas soumise au cycle économique : seulement 56 % des recettes totales du bloc communal sont issues des impôts et taxes, avec une forte prédominance des impôts utilisant une base foncière tels que la taxe d’habitation (TH), la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) et la cotisation foncière des entreprises (CFE). Ainsi, 76 % des recettes fiscales du bloc communal sont assises sur la valeur foncière des locaux présents sur leur territoire. Les montants de la plupart de ces impositions sont notifiés par les services fiscaux aux collectivités territoriales et leur versement est garanti (les impayés étant pris en charge par l’État).

À noter toutefois que certaines composantes de la CFE dépendent du chiffre d’affaires réalisé au cours de l’année N – 2 (notamment le barème de la base minimum de CFE, qui représente jusqu’à 15 % du produit de cet impôt) et que près de 6 % des recettes du bloc communal sont issues de la CVAE (avec une affectation aux intercommunalités). De manière plus annexe, des variations négatives affecteront également la taxe d’aménagement, les recettes tarifaires ainsi que les recettes domaniales des communes et intercommunalités (droits de place, redevance d’occupation du domaine public).

RÉpartition des impÔts et taxes par catÉgorie
de collectivitÉs territoriales en 2018

Pour le bloc communal

(en pourcentage)

 

Pour les départements

(en pourcentage)

 

Pour les régions

(en pourcentage)

Source : commission des finances ; données de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL).

Si le bloc communal dans son ensemble peut sembler moins touché que les départements et les régions, certaines impositions pourraient toutefois subir des pertes importantes concentrées sur les territoires : c’est le cas de la taxe de séjour pour les communes touristiques (232 millions d’euros perçus par les communes et 193 millions d’euros par les EPCI en 2018) ou encore de l’octroi de mer pour les collectivités de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de La Réunion et de Mayotte (1,3 milliard d’euros perçus par ces collectivités en 2018). Ce dernier représente en effet entre 36 % et 77 % des recettes fiscales des communes de ces territoires.

Part de l’octroi de mer dans les recettes
fiscales en 2018

(en pourcentage)

 

Communes

Collectivité à statut particulier, région ou département

Guadeloupe

43,5 %

40 %

Martinique

47,1 %

11,8 %

Guyane

45,7 %

12,5 %

La Réunion

36,1 %

23,4 %

Mayotte

76,5 %

22,9 %

Source : Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL), Les finances des collectivités locales en 2019, septembre 2019.

Il convient enfin de souligner que les autorités organisatrices de la mobilité (AOM) subiront également une perte significative de versement mobilité, ce dernier pouvant représenter une part importante de leur budget de fonctionnement. En effet, dans la mesure où les indemnités d’activité partielle versées par l’employeur à ses salariés ne sont assujetties ni au versement forfaitaire sur les salaires ni aux cotisations salariales et patronales de sécurité sociale, il semblerait que ces dernières ne soient pas non plus assujetties au versement mobilité.

● Dans la mesure où la plupart des mesures contracycliques seront prises au niveau national, le risque d’une hausse non maîtrisée des dépenses pour les collectivités territoriales est limité. Toutefois, les collectivités territoriales connaissent une hausse des dépenses d’intervention, en particulier pour les régions, bien qu’il soit à ce stade encore difficile d’identifier l’impact global de la crise sur le niveau des dépenses locales. En effet, les mesures de confinement conduiront à des dépenses d’investissement moins importantes en 2020, en particulier dans le contexte du report des premières décisions des nouveaux exécutifs municipaux. Il est toutefois rappelé dans ce contexte que l’article 12 de la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 a procédé à la suspension de la limitation à 1,2 % d’augmentation des dépenses de fonctionnement pour l’année 2020 du pacte de Cahors pour les 322 grandes collectivités soumises à la contractualisation ([29]).

Pour le financement direct de l’aide aux entreprises, les régions abonderont volontairement le fonds national de solidarité pour les artisans, commerçants et petites entreprises à hauteur de 500 millions d’euros par le biais d’un fonds de concours. Ces dépenses seront exceptionnellement comptabilisées en section d’investissement, permettant ainsi aux régions de les financer en recourant à l’emprunt. La participation de chaque région au fonds se fera au prorata de la contribution de chaque région au PIB national (référence année 2018). Plusieurs régions ont également mis en place des fonds régionaux complémentaires en faveur des entreprises qui ne sont pas concernées par les dispositifs de l’État, notamment dans les secteurs du tourisme, du sport ou encore de la culture : la région Grand Est a ainsi mis en place un fonds de résistance doté de 44 millions d’euros pour soutenir la trésorerie des TPE de moins de 10 salariés (non éligibles au fonds de solidarité) et aux associations ; la région Réunion a mis en place un fonds de soutien de 50 millions d’euros à destination des entreprises les plus en difficultés.

Il est enfin à noter que les ordonnances du 25 mars 2020 et du 1er avril 2020 relatives à la continuité budgétaire, financière et fiscale des collectivités territoriales confèrent en matière d’aides aux entreprises des prérogatives accrues aux exécutifs locaux : le président du conseil régional (en lieu et place du conseil régional) peut prendre toute décision d’octroi d’aides aux entreprises dans la limite de 200 000 euros par aide octroyée et sous réserve de respecter le régime d’attribution des aides édicté par le conseil régional ([30]).

La crise économique induit également de nombreux coûts supplémentaires pour les départements et le bloc communal, notamment en matière d’action sociale et d’accompagnement des personnes les plus vulnérables (notamment les dépenses sociales des départements liées au RSA qui représente 18 % des dépenses de gestion des départements en 2018).

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FICHE  3 :
LA GARANTIE DE L’ÉTAT SUR LES PRÊTS AUX ENTREPRISES

Dès le début de la crise sanitaire, l’urgence économique a consisté à éviter que des entreprises rentables, pérennes, créatrices d’emploi, ne soient détruites par l’ampleur du choc économique à absorber.

Comme la fiche n° 1 le montre, la crise économique actuelle se caractérise d’abord, du fait de la mise à l’arrêt forcée d’une économie par ailleurs fonctionnelle, par une crise de trésorerie pour les entreprises. Elles sont confrontées à un problème d’équilibre financier de très court terme : la baisse, sinon la suppression de leurs recettes, se cumule avec le maintien de charges fixes (loyers, amortissements, charges financières). Leurs ressources de trésorerie, qui ne sont pas conçues pour supporter un déséquilibre de cette ampleur, s’amenuisent.

Il est donc crucial de garder ouverts les canaux de financement de ces entreprises, à court terme, via des prêts de trésorerie permettant d’éponger les pertes, et à moyen terme, via des prêts de plus longue maturité permettant de relancer l’activité. Comme la crise de 2008 l’a montré, une crise du financement de l’économie peut entraîner une crise économique durable.

La priorité économique de l’État est donc de lutter contre tout risque d’assèchement du crédit. En France, la source principale de financement des entreprises n’est pas le marché des capitaux mais, de façon intermédiée, le secteur bancaire. La garantie de 300 milliards d’euros de l’État sur les prêts bancaires contractés par les entreprises est le principal outil mis en œuvre par le Gouvernement pour préserver l’accès au crédit des entreprises et soulager leur trésorerie.

I.   LA GARANTIE MASSIVE DE 300 MILLIARDS DEUROS DE PRÊTS

Le mécanisme de la garantie permet à l’État de partager le risque pris par l’établissement de crédit qui prête à une entreprise. En cas de défaut de cette entreprise, l’État garantit à la banque le paiement d’une partie de la créance détenue sur cette entreprise.

Si l’État est la personne morale qui octroie la garantie, Bpifrance Financement SA, filiale de Bpifrance, est l’organisme désigné pour assurer le suivi opérationnel de ce mécanisme de garantie.

Enfin, les établissements prêteurs ont un rôle central dans la distribution des prêts garantis par l’État (PGE). Les banques conservent leur liberté de décision : ce sont elles qui, in fine, acceptent ou refusent les demandes de prêt des entreprises.

Le fondement juridique de la garantie des prêts est l’article 6 de la loi  2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020, précisé par l’arrêté du 23 mars 2020 accordant la garantie de lÉtat aux établissements de crédit et sociétés de financement.

A.   LES ENTREPRISES BÉNÉFICIAIRES DE LA GARANTIE

1.   Champ

Toutes les entreprises, dès lors qu’elles sont immatriculées en France, peuvent bénéficier de la garantie de l’État pour les prêts qui y sont éligibles, à l’exception des catégories suivantes :

– les établissements de crédit et les sociétés de financement ;

– les sociétés civiles immobilières ;

– les entreprises faisant l’objet de l’une des procédures prévues aux titres II, III et IV du livre VI du code de commerce.

Ces dernières sont les entreprises faisant l’objet de procédures de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires, ou de rétablissement. Cette condition a toutefois été interprétée avec souplesse par l’ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles à l’urgence sanitaire et modifiant certaines dispositions de procédures pénales. Cette ordonnance gèle l’appréciation de la situation des entreprises en difficulté (l’état de cessation des paiements) au 12 mars 2020, dès avant l’entrée en vigueur de l’état d’urgence sanitaire et pendant trois mois après sa fin. Il a été tiré des dispositions de cette ordonnance que les entreprises dont les procédures collectives ne sont pas closes pendant cette période sont demeurées éligibles aux prêts garantis par l’État.

Cette interprétation de l’ordonnance étant cependant peu compatible avec la lettre de l’article 6 de la LFR 1, le présent PLFR, à l’article 7, supprime la disposition écartant les entreprises faisant l’objet d’une procédure collective du bénéfice de la garantie de l’État.

Toutefois, conformément aux lignes directrices temporaires de la Commission européenne, qui fixent le cadre des garanties publiques aux entreprises en difficultés, l’arrêté qui sera pris en application de cet article 7 devrait exclure les entreprises qui étaient déjà en situation de liquidation judiciaire ou en période d’observation d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire au 31 décembre 2019, sauf à ce qu’un plan de sauvegarde ou de redressement ait été arrêté par un tribunal avant la date d’octroi du PGE.

2.   Octroi de la garantie

Parmi les entreprises éligibles, le bénéfice de la garantie suit des modalités qui varient selon leur taille.

Les entreprises qui emploient, lors du dernier exercice clos, moins de 5 000 salariés, ou ont un chiffre d’affaires inférieur à 1,5 milliard d’euros, pourront obtenir automatiquement la garantie de l’État dès notification du prêt à Bpifrance Financement SA par l’établissement qui le leur consent, sous réserve que les conditions d’octroi de la garantie sont remplies – une vérification à la charge de l’établissement prêteur. Il n’y a donc pas de contrôle ex ante, par Bpifrance ou par l’État, de l’éligibilité effective du prêt à la garantie. Celle-ci n’est vérifiée qu’en cas de défaut du prêteur, entraînant l’appel de la garantie.

Les entreprises qui emploient, lors du dernier exercice clos, au moins 5 000 salariés et qui ont un chiffre d’affaires supérieur à 1,5 milliard d’euros, pourront obtenir la garantie par arrêté du ministre de l’économie, au cas par cas. À la date de publication du présent rapport, comme l’a indiqué le ministre de l’économie et des finances lors de son audition du 15 avril 2020 devant la commission des finances, plusieurs demandes de tels PGE sont en cours d’instruction. Le ministre a par ailleurs indiqué qu’il conditionnait l’octroi de cette garantie à l’engagement pris par l’entreprise de ne pas verser de dividendes à ses actionnaires en 2020.

3.   Plafond des prêts garantis

Enfin, la somme des prêts garantis consentis à une même entreprise ne peut excéder un plafond réglementaire, qui varie selon les caractéristiques de l’entreprise.

Il est de 25 % du chiffre d’affaires 2019 s’il est connu, ou de la dernière année disponible dans le cas contraire, pour les entreprises créées avant le 1er janvier 2019.

Il est d’une fois la masse salariale française, estimée sur les deux premières années d’exercice, pour les entreprises créées à compter du 1er janvier 2019 et qui ne disposent peut-être pas encore de suffisamment de chiffre d’affaires pour ne pas être lésées par l’application du premier plafond.

Enfin, parmi les entreprises créées avant le 1er janvier 2019, les entreprises dites innovantes ([31]) peuvent bénéficier d’un autre plafond s’il leur est plus favorable : deux fois la masse salariale de l’année 2019 ou de la dernière année disponible.

B.   LES CARACTÉRISTIQUES DE LA GARANTIE

Selon la Banque de France, l’encours total aux sociétés non financières atteignait en janvier 2020 le montant de 1 063 milliards d’euros, dont 240 milliards d’euros de prêts de trésorerie. La garantie de l’État de 300 milliards d’euros, créée par la LFR 1, est donc exceptionnelle dans son montant. Elle demeure classique dans ses modalités.

Ses principales caractéristiques sont les suivantes :

– elle pourra être accordée pour les prêts contractés entre le 16 mars 2020 et le 31 décembre 2020, inclus ; il s’agit donc bien d’un mécanisme de soutien ponctuel visant à garantir la résilience des entreprises ;

– elle porte sur le principal du prêt (le capital à rembourser), sur les intérêts du prêt ainsi que sur les frais accessoires (par exemple occasionnés par un remboursement anticipé de l’emprunt) ;

– la garantie est rémunérée par l’emprunteur ([32]), elle ne peut porter sur l’intégralité du prêt et s’applique après un délai de carence qui court à compter de la conclusion du prêt ; cette prime de garantie est fixée selon un barème qui dépend de la taille de l’entreprise et de la maturité du prêt qu’elle couvre (entre 0,25 et 2 % par an – voir tableau ci-après).

Ces diverses conditions ont pour objet de protéger les intérêts financiers de l’État et du prêteur, ainsi que de rapprocher les caractéristiques de la garantie des bonnes pratiques de marché.

L’encours total des prêts qui pourra être garanti est de 300 milliards d’euros. Ce montant est significativement élevé, mais cohérent au vu des conditions très larges dans lesquelles les entreprises de tout secteur et de toute taille pourront en bénéficier.

DÉclinaison des caractÉristiques de la garantie selon la taille de l’entreprise

 

 

 

Quotité garantie

Plafond des PGE

Prime de garantie

(année 1)

Prime de garantie (années 2 à 6)

Entreprise créée avant le 1er janvier 2019

de moins de 250 salariés et moins de 50 millions d’euros de chiffre d’affaires

90 %

Masse salariale France estimée sur les deux premières années d'activité

0,25 %

0,5 % (années 2 et 3)

1 % (années 4 à 6)

 

de moins de 5 000 salariés et moins de 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires

0,5 %

1 % (années 2 et 3)

2 % (années 4 à 6)

 

de plus de 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires

80 %

de plus de 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires

70 %

Entreprise créée à compter du 1er janvier 2019*

de moins de 250 salariés et moins de 50 millions d’euros de chiffre d’affaires

90 %

25 % du chiffre d'affaires 2019

0,25 %

0,5 % (années 2 et 3)

1 % (années 4 à 6)

 

de moins de 5 000 salariés et moins de 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires

0,5 %

1 % (années 2 et 3)

2 % (années 4 à 6)

 

de plus de 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires

80 %

de plus de 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires

70 %

* Les entreprises innovantes peuvent bénéficier d’un plafond alternatif de PGE s’il leur est favorable : deux fois la masse salariale France 2019 constatée ou, le cas échéant, deux fois la masse salariale France de la dernière année disponible.

Source : commission des finances.

C.   LES CONDITIONS D’OCTROI DE LA GARANTIE

Le bénéfice de la garantie dépend d’une série de conditions, destinées à protéger les emprunteurs comme les prêteurs, à s’assurer du bon emploi des fonds publics et à éviter tout risque d’abus. Ces conditions sont fixées par un cahier des charges publié par l’arrêté du 23 mars 2020.

Ce cahier des charges comprend trois conditions protectrices des intérêts de l’emprunteur :

(1) la garantie couvre des prêts bénéficiant d’un différé d’amortissement minimal de douze mois au moins (le capital n’est remboursé qu’à compter d’un an) ;

(2) une clause du prêt donne la faculté à l’emprunteur, à l’issue de la première année, de pouvoir l’amortir sur une période additionnelle de cinq ans ;

(3) les créances détenues par l’établissement prêteur sur l’entreprise ne doivent pas avoir diminué, au moment de l’octroi de la garantie, par rapport à leur niveau du 16 mars 2020, afin d’éviter tout comportement d’aubaine.

D.   LA GESTION DU MÉCANISME DE GARANTIE

Comme indiqué précédemment, Bpifrance Financement SA est l’organisme chargé du suivi opérationnel du mécanisme de garantie des prêts. Comme l’indique l’article 6 de la LFR 1, cette mission est exercée à titre gratuit. Cette filiale de Bpifrance devra, en particulier :

– piloter le suivi des encours garantis ;

– percevoir les commissions de garantie et les reverser à l’État ;

– recevoir les appels de la garantie en cas de défaut de prêts et vérifier le respect du cahier des charges de la garantie ;

– le cas échéant, verser les sommes dues à l’établissement prêteur, avant d’être remboursé par l’État dans des conditions fixées par voie de convention ad hoc.

Les modalités du contrôle exercé par l’État sur la mise en œuvre de ces dispositions par Bpifrance Financement SA seront fixées par décret, lequel n’a pas été publié entre l’entrée en vigueur de la LFR 1 et le dépôt du PLFR 2.

II.   premier bilan

A.   LES ENGAGEMENTS DES PRINCIPAUX RÉSEAUX BANCAIRES

Les banques sont des partenaires majeurs du mécanisme de garantie mis en place par l’État. Le déploiement massif de prêts de trésorerie ou de prêts de plus long terme dépend donc largement, ab initio, de l’activité du secteur bancaire.

La Fédération bancaire française (FBF), auditionnée par la commission des finances le mercredi 8 avril 2020, a rappelé les engagements des principaux réseaux bancaires français et étrangers ([33]) en matière d’accès au crédit et de distribution des PGE :

– reporter jusqu’à six mois le remboursement des crédits des entreprises, sans frais supplémentaires (frais de dossier, intérêts complémentaires, etc.) hors coût de refinancement ; le président de la FBF a confirmé, par courrier au président de la commission des finances, que ses adhérents ont supprimé les pénalités, ainsi que les coûts additionnels de reports d’échéances et de crédits des entreprises ;

– à examiner toutes les demandes de prêts éligibles à la garantie de l’État qui leur seront adressées et à leur donner une réponse rapide (en quelques jours) ;

– à distribuer massivement, à prix coûtant (qui représente le coût de refinancement des banques), les prêts de trésorerie garantis par l’État. Cela passe notamment par la transformation de lignes de trésorerie déjà détenues par les entreprises auprès de leur banque en crédits garantis par l’État.

B.   LE NOMBRE DE PRÊTS GARANTIS

Selon le directeur général de Bpifrance, Nicolas Dufourcq, et la directrice générale de la FBF, Maïa Atig, lors de leur audition par la commission des finances le 8 avril 2020, le PGE est en cours de distribution dans 40 000 agences bancaires, et 13 000 d’entre elles ont déjà conclu un tel prêt garanti.

Cela représente 13 milliards d’euros promis à 86 000 entreprises. Au 7 avril 2020, 27 milliards d’euros ont été demandés par 13 000 entreprises par le biais du PGE, pour un montant moyen de 150 000 euros. Les demandes représentent chaque jour entre 1,5 et 2 milliards d’euros de crédits.

La discussion entre le chef d’entreprise et son banquier porte sur le montant consenti – équivalant à un, deux ou trois mois de perte de chiffre d’affaires dans la plupart des cas (cf. tableau ci-dessus). Le taux, les conditions de la garantie ou la durée du prêt sont fixés à l’avance et ne peuvent faire l’objet de modifications, sous peine de perdre le bénéfice de la garantie.

L’audition précitée a également permis de montrer que les entreprises dont la cotation de crédit va d’« excellente » à « assez faible » au regard des critères de la Banque de France – c’est-à-dire de 1 à « 5+ » – se voient accorder le prêt garanti de façon presque automatique. Les entreprises notées de 5 à 9, dont celles qui traversent une procédure collective, connaissent davantage de difficultés à obtenir le PGE. Le directeur général de Bpifrance a toutefois rappelé que la banque publique « consent également des prêts directs [et sans garantie de l’État] aux entreprises cotées jusqu’à 5 ou 6, sans conditions d’éligibilité mais à l’issue d’un examen au cas par cas » ([34]). En outre, le Gouvernement a annoncé qu’un amendement au présent PLFR autoriserait l’État à verser des avances remboursables de trésorerie à ces entreprises, pour un montant total de 500 millions d’euros.

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   FICHE N° 4 :
LE DISPOSITIF D’ACTIVITÉ PARTIELLE

Tirant les enseignements de la crise économique de 2008 – 2009 ([35]), le Gouvernement, par voie réglementaire, a considérablement intensifié le dispositif d’activité partielle existant et a pris une ordonnance, sur habilitation du législateur, pour étendre son application. Le puissant soutien public à ce dispositif relativement simple est, en termes budgétaires, la principale mesure de court terme pour soutenir les entreprises et l’emploi dans la crise.

Les modifications qui lui ont été apportées en réponse à la crise actuelle ont notamment consisté en une augmentation de l’allocation d’activité partielle versée par l’Agence de services et de paiement (ASP) aux employeurs. Elle couvre désormais la totalité de l’indemnité que l’employeur doit verser à ses salariés au titre des heures chômées jusqu’à des salaires de 4,5 fois le salaire minimum de croissance (SMIC). Le recours au dispositif a également été simplifié et son accès élargi à des catégories de travailleurs qui n’y étaient pas éligibles.

Anticipant l’impact budgétaire de ces modifications, la loi du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020 a ouvert 5,5 milliards d’euros sur le budget général de l’État au titre de ce dispositif. Il était prévu que le régime d’assurance chômage complète son financement pour un coût total pour les finances publiques estimé à 8,5 milliards d’euros, soit un peu moins de 0,4 point de PIB.

Compte tenu de l’ampleur du recours au dispositif, son financement exige de nouvelles ouvertures de crédits. Le présent projet de loi de finances rectificative (PLFR) propose donc d’ouvrir 10,5 milliards d’euros supplémentaires sur le programme 356 « Prise en charge du dispositif exceptionnel de chômage partiel à la suite de la crise sanitaire », élevant ainsi à 16 milliards d’euros le montant total des crédits ouverts sur le budget de l’État au titre du dispositif d’activité partielle. La contribution supplémentaire de l’Unédic par rapport à l’estimation du premier PLFR est attendue à environ 5 milliards d’euros. Le coût total du dispositif est ainsi réévalué à 24 milliards d’euros, soit environ 1 point de PIB.

I.   LE PRINCIPE DU DISPOSITIF

● L’objectif du dispositif est de permettre aux entreprises subissant les conséquences de circonstances exceptionnelles de réduire l’activité de leurs salariés pour diminuer leurs charges afin de préserver l’emploi et de favoriser la reprise de leur activité dans des conditions normales une fois ces circonstances passées.

Au niveau macroéconomique, le recours au chômage partiel permet de limiter l’impact durable de la crise sur l’économie. Un choc conjoncturel négatif peut en effet avoir des conséquences sur le PIB potentiel. L’effet d’hystérèse peut par exemple être à l’œuvre : une crise peut avoir pour conséquence une augmentation durable du taux de chômage en raison de la déqualification d’une partie des actifs. De même, une entreprise rentable et performante peut éprouver des difficultés à se financer à court terme en cas de crise dans son secteur d’activité.

● Le dispositif dactivité partielle bénéficie aux employeurs et aux salariés. Régi au niveau législatif par les articles L. 5122-1 à L. 5122-5 du code du travail, il s’adresse aux entreprises qui subissent une réduction de la durée habituelle du temps de travail de leur établissement ou une fermeture temporaire de tout ou partie de l’établissement. Le règlement (article R. 5122-1) précise que le placement des salariés en activité partielle doit être motivé par des circonstances exceptionnelles, comme une conjoncture économique difficile ou un sinistre. Durant les périodes d’activité partielle, le contrat de travail des salariés est suspendu, ce qui implique, bien entendu, que le salarié cesse son activité salariée.

Le principe du dispositif est double. Il permet d’une part une compensation par l’employeur de la perte de revenu occasionnée pour les salariés du fait de la réduction de leur temps de travail sous la durée légale, conventionnelle ou contractuelle. Elle s’opère par le versement d’une indemnité horaire correspondant à un pourcentage de leur rémunération antérieure (article L. 5122-1). Les indemnités d’activité partielle ne sont assujetties ni à la taxe sur les salaires ni aux cotisations sociales patronales et salariales, en vertu de l’article L. 5422-10 du code du travail. Elles sont en revanche en principe assujetties à la contribution sociale généralisée (CSG) au taux de 6,2 % ([36]) et à la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) au taux de 0,5 % dans des conditions décrites plus loin.

Il consiste d’autre part à aider les employeurs à financer cette compensation par le versement d’une allocation d’activité partielle (article L. 5122‑1), dans la limite d’un contingent annuel d’heures par an et par salarié fixé par arrêté (article R. 5122-6). Cette allocation est financée conjointement par l’État et par l’Unédic, selon des modalités fixées par une convention (article L. 5122-1). Le versement de l’allocation est réalisé par l’Agence de services et de paiement (article R. 5122-14).

Le bénéfice du dispositif est soumis à l’autorisation du ministère en charge du travail (article L. 5122-1).

● Si les principes du dispositif sont définis par la loi, plusieurs paramètres fondamentaux relèvent du pouvoir réglementaire, comme le montant de l’indemnité versée par l’employeur aux salariés en activité partielle, le montant de l’allocation d’activité partielle versée à l’employeur ou encore les modalités de la demande d’activité partielle.

C’est la raison pour laquelle des aspects essentiels de la réforme du dispositif ont relevé d’un changement réglementaire, sans qu’une modification de niveau législatif ait été nécessaire. Pour d’autres aspects de la réforme, relatifs en particulier à l’extension temporaire du dispositif à certaines catégories de travailleurs, le Gouvernement a utilisé l’habilitation législative que le Parlement lui a conférée en mars pour prendre des dispositions par ordonnance.

II.   LE RENFORCEMENT ET L’EXTENSION DU DISPOSITIF

A.   LE RENFORCEMENT DU DISPOSITIF PAR LE DÉCRET DU 25 MARS 2020 RELATIF À L’ACTIVITÉ PARTIELLE

Dans le cadre des règles législatives déjà en vigueur avant la crise, le Gouvernement a modifié plusieurs paramètres du dispositif pour intensifier son soutien et faciliter son recours, par le décret du 25 mars 2020 relatif à l’activité partielle ([37]).

1.   L’extension de l’allocation d’activité partielle

● Il convient d’abord de noter que le décret ne modifie pas le montant de lindemnité dactivité partielle que l’entreprise verse aux salariés qui sont dans cette situation. Il demeure fixé à 70 % de la rémunération brute ([38]) et à 100 % de la rémunération nette pendant les actions de formation mises en œuvre durant les heures chômées. Après versement de l’indemnité d’activité partielle, si la rémunération d’un salarié est inférieure au SMIC net, alors l’employeur doit verser une indemnité complémentaire pour quelle atteigne le niveau du SMIC net, en application de l’article L. 3232-5 du code du travail. Ainsi, les salariés dont la rémunération est comprise entre 1 et 1,13 SMIC perçoivent une indemnité horaire égale au SMIC net.

Le décret précité a augmenté le soutien public aux employeurs en modifiant les paramètres de lallocation dactivité partielle dont ils bénéficient. Son montant était auparavant forfaitaire et égal à 7,74 euros par heure pour les entreprises de 250 salariés et moins, et à 7,23 euros par heure pour les entreprises de plus de 250 salariés. Ainsi, pour les salariés percevant lindemnité horaire minimale, qui est égale au SMIC net, c’est-à-dire à 8,03 euros par heure chômée, l’allocation couvrait 96 % de l’indemnité minimale pour les entreprises de moins de 250 salariés et 90 % pour les autres, le reste étant à la charge de l’employeur. Puisque le montant de l’allocation était forfaitaire, le taux de couverture était une fonction décroissante du salaire brut. Plus le salaire était élevé, plus l’entreprise prenait à sa charge une part importante de l’indemnité.

Désormais, pour les demandes d’allocation au titre des placements des salariés en activité partielle à compter du 1er mars 2020, le montant horaire de lallocation est égal au montant de lindemnisation que verse lemployeur au salarié, dans la limite du montant de lindemnité à verser à des salariés percevant une rémunération brute de 4,5 SMIC. Autrement dit, le coût du dispositif d’activité partielle est totalement pris en charge par l’État et l’Unédic jusqu’à des salaires de 4,5 SMIC. Pour les salaires supérieurs à 4,5 SMIC, il est pris en charge dans la limite de l’allocation applicable pour un salaire de 4,5 SMIC, soit 4 849 euros pour un nombre d’heures chômées égal à la durée mensuelle légale du travail.

● Parallèlement, le Gouvernement a augmenté le contingent annuel dheures indemnisables au titre de lactivité partielle. Un arrêté du 26 août 2013 ([39]) fixe à 1 000 heures par an cette limite. Par dérogation, jusqu’au 31 décembre 2020, elle est relevée à 1 607 heures par an, soit la durée annuelle légale ([40]).

2.   La simplification du recours au dispositif

Le décret du 25 mars 2020 a en outre simplifié la procédure de recours à lactivité partielle pour lentreprise sous plusieurs aspects.

En premier lieu, il a assoupli la condition que le comité social et économique (pour les entreprises de plus de cinquante salariés) doive rendre un avis avant que l’entreprise formule la demande d’activité partielle auprès de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte), en permettant que cet avis soit recueilli postérieurement à cette demande en cas de circonstances exceptionnelles.

En deuxième lieu, il a assoupli la condition du caractère préalable de la demande adressée à la Direccte au placement des salariés en activité partielle en cas de circonstances exceptionnelles. Désormais, dans de telles circonstances, l’employeur dispose d’un délai de trente jours à compter du placement des salariés en activité partielle pour adresser sa demande par tout moyen. Une application rétroactive du dispositif est ainsi permise à compter du 1er mars 2020. En outre, le décret a élevé de six à douze mois la durée maximale d’activité partielle pour laquelle une demande peut être accordée.

En troisième et dernier lieu, il a ramené de quinze à deux jours le délai au terme duquel l’absence de réponse de l’administration à la demande d’activité partielle vaut acceptation implicite de la demande, et ce jusqu’au 31 décembre 2020.

Enfin, le décret a supprimé l’exclusion du bénéfice du dispositif des salariés au forfait heures.

B.   L’EXTENSION À TITRE TEMPORAIRE DU CHAMP DU DISPOSITIF PAR L’ORDONNANCE DU 27 MARS 2020 PORTANT MESURES D’URGENCE EN MATIÈRE D’ACTIVITÉ PARTIELLE

Sur habilitation de l’article 11 de la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 ([41]), le Gouvernement a pris, par l’ordonnance du 27 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière d’activité partielle ([42]), des mesures législatives pour étendre le dispositif d’activité partielle à d’autres bénéficiaires et l’adapter aux circonstances de la crise actuelle. Ces dispositions ne sont que temporaires, l’article 12 de l’ordonnance précisant qu’elles sont applicables jusqu’à une date fixée par décret et au plus tard au 31 décembre 2020.

● L’ordonnance a d’abord ouvert le dispositif d’activité partielle de droit commun aux salariés employés à domicile et aux assistants maternels en l’adaptant aux spécificités de ces emplois. Ainsi, l’indemnité due par l’employeur est égale à 80 % de la rémunération nette, mais elle ne peut être inférieure à la rémunération minimale applicable à chacune de ces deux professions.

LÉtat rembourse à 100 % l’indemnité par l’intermédiaire d’un versement effectué par les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) pour son compte. Ces dernières peuvent opérer une compensation entre le remboursement de l’allocation et le montant des cotisations et contributions sociales restant dues par le particulier employeur au titre des périodes antérieures au 12 mars 2020. Il y a lieu de remarquer que l’Unédic ne finance pas cette allocation, à la différence du schéma de financement applicable à l’allocation d’activité partielle de droit commun. Un arrêté devra fixer les modalités de compensation de l’État aux URSSAF.

● L’ordonnance comporte également des dispositions relatives au régime fiscal de l’indemnité d’activité partielle. Elle exonère d’office de contribution sociale généralisée (CSG) l’indemnité d’activité partielle perçue par les salariés employés à domicile et les assistants maternels.

Pour les autres salariés, dans le système de droit commun qui était applicable jusqu’à l’entrée en vigueur de l’ordonnance, l’indemnité était en principe assujettie à la CSG au taux de 6,2 % (article L. 136-8 du code de la sécurité sociale) et de CRDS au taux de 0,5 %. Toutefois :

– le montant dû au titre de la CSG et de la CRDS faisait l’objet d’un écrêtement si après l’application de ces deux impositions le montant cumulé de la rémunération d’activité et de l’allocation perçue était inférieur au montant du SMIC brut (4° du II de l’article L. 136‑1‑2 du code de la sécurité sociale) ;

– l’indemnité en année N était exonérée de CSG dès lors que le revenu fiscal de référence (RFR) du contribuable (qui prend en compte l’ensemble des revenus du foyer) de l’année N-2 (de l’année 2018 pour les indemnités versées en 2020) était inférieur à un seuil ([43]) variant en fonction de la composition du foyer (article L. 136-1-2 du code de la sécurité sociale) ;

– un taux intermédiaire de 3,8 % de CSG était applicable à l’indemnité si le RFR de l’année N-2 était supérieur au seuil d’exonération mentionné ci-dessus et si le RFR de l’année N-2 ou celui de l’année N-3 était inférieur à un autre seuil de RFR ([44]). Il résulte de ce dispositif complexe que le RFR devait excéder ce seuil deux années de suite pour que le taux plein de 6,2 % s’applique.

Pour faciliter la mise en œuvre du dispositif pour les employeurs, l’article 11 de l’ordonnance prévoit que les dispositions relatives à l’application de taux réduits de CSG ou à son exonération ne s’appliquent pas pour simplifier les versements, jusqu’à ce qu’au 31 décembre 2020 au plus tard. En revanche, le mécanisme d’écrêtement demeure applicable.

● Elle adapte le dispositif pour les salariés des secteurs soumis aux régimes d’équivalence ([45]) en prévoyant l’indemnisation des heures d’équivalence compte tenu de l’impact important sur les secteurs en question.

● Elle étend le dispositif aux salariés des entreprises contrôlées par l’État (dont La Poste, la SNCF, EDF) et des entreprises des industries électriques et gazières soumis au statut national du personnel de ces industries (ENGIE notamment). Pour ces salariés, l’État rembourse à l’Unédic la part que cette dernière est censée financer dans le schéma de droit commun.

● Elle améliore la situation des salariés à temps partiel en permettant l’application de la rémunération mensuelle minimale. Autrement dit, elle permet que l’indemnité d’activité partielle ne puisse pas être inférieure au SMIC net, cette disposition ne leur étant pas applicable auparavant.

● Elle ouvre le dispositif aux salariés des régies dotées de la seule autonomie financière qui gèrent un service public à caractère industriel et commercial de remontées ou de pistes de ski.

III.   L’IMPACT BUDGÉTAIRE

● S’agissant de l’ancien dispositif, selon la convention du 1er novembre 2014 passée entre l’État et l’Unédic prévue à l’article L. 5122-1 du code du travail ([46]), l’Unédic prenait à sa charge 2,90 euros par heure chômée, ce qui représentait 37 % de l’allocation versée dans les entreprises de 250 salariés ou moins (7,74 euros par heure) et 40 % de l’allocation versée dans les entreprises de plus de 250 salariés (7,23 euros par heure).

Avant la crise, il était prévu que le dispositif d’activité partielle ait un impact global en 2020 de 147 millions d’euros sur les finances publiques, dont 99,2 millions d’euros sur le budget général de l’État et 48 millions d’euros sur les finances de l’Unédic.

Pour mémoire, en 2018, 18 675 autorisations d’activité partielle avaient été accordées à des entreprises concernant 143 569 salariés pour un total de 57,7 millions d’heures de travail autorisées à être chômées ([47]).

● Le premier PLFR, déposé le 18 mars 2020 à l’Assemblée nationale, prévoyait un impact global du nouveau dispositif de 8,5 milliards d’euros, partant de l’hypothèse d’un volume d’heures indemnisées de 15 % des heures travaillées pendant deux mois. Il prévoyait que l’État assume deux tiers du financement de l’allocation partielle et l’Unédic un tiers, selon des modalités qui doivent être définies conventionnellement ([48]).

La première LFR 2020 a donc ouvert 5,5 milliards d’euros sur le budget général de l’État en créant un nouveau programme 356 « Prise en charge du dispositif exceptionnel de chômage partiel à la suite de la crise sanitaire » de la nouvelle mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire.

● Compte tenu de l’ampleur du recours effectif au dispositif, il est nécessaire d’abonder de nouveau le programme 356 et de réévaluer l’impact budgétaire global de l’allocation d’activité partielle.

En effet, à la date du 15 avril 2020, 8,7 millions de salariés et 732 000 entreprises bénéficiaient de l’activité partielle ([49]).

Le présent PLFR prévoit un impact financier total de 24 milliards d’euros (environ 1 point de PIB), dont 8 milliards d’euros financés par l’Unédic (soit environ 5 milliards d’euros supplémentaires par rapport à la prévision du premier PLFR 2020). Il propose l’ouverture de 10,5 milliards d’euros supplémentaires sur le programme 356, portant sa dotation totale à 16 milliards d’euros.

Ces prévisions doivent toutefois être prises avec une grande prudence. En effet, selon le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) ([50]), « compte tenu du nombre de salariés pour lesquels le dispositif de chômage partiel a déjà été sollicité (8 millions de salariés) et de l’extension à huit semaines de la durée de confinement, le coût du dispositif pourrait excéder significativement le montant de 24 milliards d’euros inscrit dans le 2e PLFR ».

Estimations de l’Impact total du dispositif d’activitÉ partielle
sur les finances publiques

(en milliards d’euros)

Financeur

LFR 1 2020

2e PLFR 2020

État

5,5

16

Unédic

3*

8

Total

8,5

24

* La première LFR 2020 a créé un programme budgétaire doté de 5,5 milliards d’euros au titre de l’activité partielle sans mentionner le montant additionnel pris en charge par l’Unédic. Il indiquait que l’État supporterait les deux tiers du financement et l’Unédic un tiers. Selon les informations fournies au HCFP ([51]), le coût additionnel total pour les finances publiques devait alors s’élever à 8,5 milliards d’euros. Or, en toute logique, la clé de répartition annoncée devait conduire à une augmentation des dépenses de l’Unédic de l’ordre de 2,7 à 2,8 milliards d’euros, portant le total à 8,3 à 8,4 milliards d’euros et non pas 8,5 milliards d’euros. En l’absence d’information et pour plus de simplicité, le tableau présente un montant de 3 milliards d’euros, en cohérence avec les montants de 5,5 et 8,5 milliards d’euros respectivement présenté dans le premier PLFR et transmis par le Gouvernement au HCFP.

Source : commission des finances.

*

*     *

 


  1  

   FICHE  5 :
LE FONDS DE SOLIDARITÉ POUR LES ENTREPRISES

Pour soutenir les petites entreprises durement frappées par la crise, le Gouvernement a créé, sur habilitation parlementaire, un fonds de solidarité temporaire dont l’objet est de leur verser des aides directes, par l’ordonnance du 25 mars 2020 portant création d’un fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation ([52]). Les modalités d’attribution des aides et les conditions d’éligibilité ont été fixées par le pouvoir réglementaire ([53]).

Financé à la fois par l’État, par les régions et collectivités d’outre-mer et par des personnes morales de droit privé, l’abondement du fonds était initialement estimé par le Gouvernement à 1 milliard d’euros, dont 750 millions d’euros en provenance du budget général de l’État ([54]). Ce montant a été révisé à la hausse pour prendre en compte de nouvelles contributions à son financement. Parallèlement, suivant les recommandations de plusieurs parlementaires et représentants du monde économique, le Gouvernement a assoupli les critères d’éligibilité au fonds et le mode de calcul des aides qu’il verse, par rapport à ce qui avait été initialement annoncé.

Anticipant les besoins à venir et une intensification du soutien du fonds, le Gouvernement propose d’ouvrir 5,5 milliards d’euros de crédits supplémentaires sur le programme n° 357 « Fonds de solidarité pour les entreprises à la suite de la crise sanitaire » qui finance la contribution du budget de l’État au fonds, portant à 6,25 milliards d’euros le soutien financier de l’État au dispositif. L’exposé général des motifs du présent PLFR précise que le fonds « fera également l’objet d’un abondement par les régions, ce qui permettra de mobiliser au total près de 7 milliards d’euros de financements publics ». En outre, le fonds peut recevoir des contributions de donateurs privés dans le cadre de la procédure de fonds de concours.

I.   LE FONDS DE SOLIDARITÉ DANS SA FORME ACTUELLE

A.   UN FONDS DE SOUTIEN AUX ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ EN RAISON DE LA CRISE

L’ordonnance du 25 mars 2020 qui a créé ce fonds a été prise sur le fondement d’une habilitation de l’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 ([55]), autorisant le Gouvernement à prendre toute mesure « d’aide directe ou indirecte à des personnes dont la viabilité est mise en cause, notamment par la mise en place de mesures de soutien à la trésorerie de ces personnes ainsi que d’un fonds ».

En premier lieu, l’ordonnance institue ce fonds pour une durée de trois mois et octroie au pouvoir réglementaire la possibilité de prolonger cette durée pour une durée supplémentaire de trois mois.

En deuxième lieu, elle dispose que le fonds a pour objet le versement d’aides financières aux entreprises particulièrement touchées par la crise, étant précisées que les entreprises en question sont « les personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique ». Il n’existe donc pas de critère restrictif touchant au statut des entreprises. Lors de l’examen du premier projet de loi de finances rectificative pour 2020, le Gouvernement avait notamment précisé que les travailleurs indépendants et les professions libérales seraient éligibles aux aides du fonds pour autant qu’ils respectent les conditions applicables à l’ensemble des entreprises ([56]).

En troisième lieu, elle précise que le fonds est financé par l’État et, sur une base volontaire, par les régions et toute autre collectivité territoriale ou établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre (EPCI). Tant le montant que les modalités de cette contribution sont définis par une convention conclue entre l’État et chaque collectivité territoriale.

En quatrième et dernier lieu, l’ordonnance renvoie à un décret le soin de fixer :

– le champ d’application du dispositif ;

– les conditions d’éligibilité et d’attribution des aides ;

– le montant de ces aides ;

– les conditions de fonctionnement et de gestion du fonds.

B.   LE FONCTIONNEMENT DU FONDS SELON LE DROIT EN VIGUEUR

Conformément aux dispositions de l’ordonnance précitée, le décret du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation ([57]) est venu préciser les dispositions de l’ordonnance. Ce décret a lui-même été modifié par un décret du 2 avril 2020 ([58]) qui a assoupli les conditions d’éligibilité des entreprises au fonds.

1.   Un fonds destiné aux petites entreprises

Le fonds de solidarité s’adresse aux très petites entreprises, aux travailleurs indépendants, aux micro-entrepreneurs et aux professions libérales.

● Ainsi, sont éligibles au fonds les entreprises, définies comme des personnes physiques ou morales de droit privé résidentes fiscales françaises et exerçant une activité économique, satisfaisant aux conditions cumulatives suivantes :

– l’effectif de l’entreprise est inférieur ou égal à dix salariés ;

– le chiffre d’affaires du dernier exercice clos est inférieur à 1 million d’euros ou, pour les entreprises n’ayant pas encore clos d’exercice, le chiffre d’affaires mensuel moyen sur la période comprise entre la date de création de l’entreprise et le 29 février 2020 est inférieur à 83 333 euros, montant correspondant à un douzième d’un million d’euros ;

– le bénéfice imposable du dernier exercice clos, majoré le cas échéant des sommes versées au dirigeant, est inférieur à 60 000 euros – ou, pour les entreprises n’ayant pas encore clos d’exercice, le bénéfice imposable à la date du 29 février, sur leur durée d’exploitation et ramené à douze mois est inférieur à 60 000 euros.

● Le décret prévoit l’exclusion du bénéfice du fonds de plusieurs catégories d’entreprises :

– les entreprises ayant débuté leur activité à compter du 1er février 2020 ;

– les entreprises en situation de cessation de paiement au 1er mars 2020 ;

– les entreprises contrôlées par une société commerciale au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce ;

– les personnes physiques titulaires au 1er mars 2020 d’un contrat de travail à temps complet ou d’une pension de vieillesse ou qui ont bénéficié au cours de la période comprise entre le 1er et le 31 mars 2020 d’indemnités journalières de sécurité sociale supérieures à 800 euros, ainsi que les personnes morales qui ont un dirigeant majoritaire dans une de ces situations ;

– les entreprises en difficulté au sens du droit de l’Union européenne ([59]) à la date du 31 décembre 2019, notamment les entreprises qui étaient en procédure collective dinsolvabilité ou qui remplissaient les conditions pour être en procédure collective à cette date ou dont les capitaux propres étaient inférieurs à la moitié du capital social.

Comme le précise le document d’explication « Foire aux questions » rendu public par le ministère de l’économie et des finances ([60]), les entreprises qui bénéficiaient d’un plan de sauvegarde ou d’un plan de redressement au 31 décembre 2019 peuvent bénéficier du fonds, sous réserve qu’elles n’étaient pas en cessation de paiement au 1er mars 2020 et qu’elles disposaient au 31 décembre 2019 de capitaux propres supérieurs à la moitié du capital social.

2.   Les aides versées par le fonds

Le fonds verse aux entreprises éligibles deux types d’aides : une aide d’un montant maximal de 1 500 euros pour les entreprises subissant une baisse importante de leur chiffre d’affaires et, éventuellement, une aide complémentaire forfaitaire de 2 000 euros dont l’instruction des demandes est confiée aux régions.

● Sont éligibles au premier volet du dispositif :

– d’une part, les entreprises qui ont fait l’objet d’une interdiction d’accueil du public intervenue entre le 1er mars et le 31 mars 2020 ;

– d’autre part, les entreprises dont le chiffre daffaires a subi une baisse importante au mois de mars 2020. Il s’agit des entreprises qui ont subi une perte de chiffre d’affaires d’au moins 50 % entre le 1er mars et le 31 mars 2020 par rapport à la même période de l’année précédente. Pour les entreprises créées après le 1er mars 2019, le chiffre d’affaires de référence est le chiffre d’affaires mensuel moyen sur la période comprise entre la date de création de l’entreprise et le 29 février 2020. Dans sa version initiale, le décret du 30 mars avait fixé à 70 % le seuil de baisse de chiffre d’affaires ouvrant droit au bénéfice de cette aide. Cette condition a en définitive été assouplie, ce seuil ayant été abaissé à 50 % par le décret du 2 avril. Le ministre de l’économie et des finances a précisé que cet assouplissement avait été décidé « à la suite de très nombreux échanges avec les parlementaires et les organisations professionnelles » ([61]).

L’aide versée s’élève à 1 500 euros pour les entreprises qui ont subi une baisse de chiffre d’affaires supérieure ou égale à 1 500 euros. Pour les entreprises dont la baisse du chiffre d’affaires a été inférieure à 1 500 euros, le montant de l’aide est égal à leur perte de chiffre d’affaires.

Les demandes pour bénéficier de cette aide doivent s’effectuer par voie dématérialisée au plus tard le 30 avril 2020 et doivent s’accompagner d’une déclaration sur l’honneur attestant du respect des conditions d’éligibilité, d’une estimation du montant de la perte de chiffre d’affaires et des coordonnées bancaires de l’entreprise.

● Les entreprises peuvent bénéficier d’une aide forfaitaire de 2 000 euros en complément de la première aide dès lors qu’elles satisfont aux conditions suivantes :

– elles ont bénéficié de l’aide du premier volet du dispositif ;

– elles emploient au moins un salarié en contrat à durée indéterminée ou en contrat à durée déterminée ;

– elles sont dans l’impossibilité de régler leurs dettes exigibles dans les trente jours ;

– leur demande d’un prêt de trésorerie d’un montant « raisonnable » faite à compter du 1er mars 2020 auprès de leur banque a été refusée ou est restée sans réponse dans un délai de dix jours.

La demande d’aide est effectuée par voie dématérialisée par l’entreprise auprès du conseil régional de son lieu de résidence. Il revient au conseil régional d’instruire la demande et d’examiner le caractère raisonnable du montant du prêt, le risque de cessation de paiements et son lien avec le refus du prêt.

● D’après les documents publiés par le Gouvernement ([62]), les aides versées par le fonds de soutien ne seront pas soumises à imposition. Cette annonce anticipe une éventuelle adoption des dispositions de l’article 1er du présent projet de loi de finances rectificative.

II.   ASSURER LE FINANCEMENT DU FONDS ET ANTICIPER SON RENFORCEMENT

A.   UN RENFORCEMENT À VENIR DU FONDS DE SOLIDARITÉ

Si l’ordonnance a institué le fonds pour une durée de trois mois, les conditions et modalités d’un seul versement – au titre du mois de mars 2020 – ont été précisées par le pouvoir réglementaire. Un nouveau décret devra prévoir ces conditions et modalités pour d’éventuels versements à venir. Le Gouvernement a indiqué que le fonds serait maintenu tant que durera l’urgence sanitaire.

Le ministre de l’économie et des finances a de plus annoncé un renforcement du fonds dans plusieurs de ces aspects. Il a indiqué :

– que le dispositif serait ouvert « aux entreprises en difficulté, en sauvegarde ou en redressement judiciaire » et aux agriculteurs membres d’un groupement agricole d’exploitation en commun (GAEC) et que ses critères seraient modifiés pour prendre en compte la situation des conjoints collaborateurs ;

– que le montant de l’aide complémentaire, aujourd’hui fixé forfaitairement à 2 000 euros, serait majoré. Cette aide pourrait atteindre 5 000 euros ([63]), notamment pour contribuer à prendre en charge les loyers des entreprises les plus fragiles.

À la date du 15 avril 2020, 900 000 entreprises avaient fait appel à ce fonds, comme l’a précisé le ministre de l’économie et des finances devant la commission des finances le 15 avril 2020, dont 514 000 avaient reçu un versement.

En plus du renforcement de l’aide du fonds, le Gouvernement a autorisé le Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants (CPSTI) à mobiliser les réserves du régime complémentaire des indépendants (RCI) à hauteur de 1 milliard d’euros pour financer une aide exceptionnelle à destination des artisans et des commerçants ([64]). Elle correspondra au montant des cotisations versées par les artisans et commerçants sur la base de leurs revenus 2018 et pourra aller jusqu’à 1 250 euros. Elle sera versée de façon automatique par les Urssaf.

À la date du 31 décembre 2017, les réserves du RCI s’élevaient à 17,4 milliards d’euros ([65]).

B.   LE FINANCEMENT DU FONDS

D’un montant initialement estimé à 1 milliard d’euros, la dotation totale estimée du fonds de solidarité passerait à environ 6,75 milliards d’euros sur la base d’un soutien de 500 millions d’euros des collectivités territoriales. Le Gouvernement estime désormais cette dotation globale à environ 7 milliards d’euros.

● La loi du 23 mars 2020 de finances rectificative a ouvert sur le budget général de l’État un montant de 750 millions deuros par la création du programme 357 « Fonds de solidarité pour les entreprises à la suite de la crise sanitaire » de la nouvelle mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire. L’exposé général des motifs du premier projet de loi de finances rectificative pour 2020 précisait que la contribution des régions était alors attendue à hauteur de 250 millions deuros. Selon l’association, la répartition de l’effort entre les régions sera effectuée au prorata de la contribution de chaque région au PIB national de 2018.

Le montant initialement annoncé d’1 milliard d’euros avait été présenté comme une première estimation. Il devait être actualisé pour prendre en compte les prévisions d’éventuelles dépenses supplémentaires. La publication du décret du 2 avril 2020 a de fait assoupli certaines conditions de recours au fonds fixées par la version initiale du décret du 30 mars 2020. Parallèlement à cet assouplissement, le ministère de l’économie et des finances avait réévalué de 500 millions d’euros l’estimation des besoins de financement du fonds au titre du mois de mars. Ainsi, le 31 mars 2020, les charges prévisionnelles du fonds étaient estimées à 1,7 milliard deuros pour les versements effectués au titre du mois de mars ([66]).

● S’agissant des recettes du fonds, le montant estimé de sa dotation globale a également augmenté par rapport aux annonces initiales.

Elle résulte d’une part de contributions de personnes privées, principalement du secteur de l’assurance. Le financement en provenance de personnes privées n’est pas explicitement prévu par l’ordonnance du 25 mars, laquelle ne mentionne qu’un financement en provenance de l’État et, sur la base du volontariat, de toute collectivité territoriale. Néanmoins, la procédure de fonds de concours (voir l’encadré infra) rend possible la contribution de toute personne privée, le financement du fonds restant formellement assuré par l’État par l’intermédiaire du programme 357. Ainsi, la Fédération française de l’assurance (FFA) a annoncé que ses membres s’engageaient à contribuer à hauteur de 400 millions deuros au fonds ([67]). Des entreprises privées d’autres secteurs ont également annoncé souhaiter contribuer au fonds de solidarité ([68]).

Elle résulte d’autre part du doublement de l’engagement financier des régions dans le fonds. Régions de France a en effet annoncé le 10 avril 2020 une participation à hauteur de 500 millions d’euros des régions ([69]).

La procédure de fonds de concours

L’article 17 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances prévoit que, par dérogation au principe selon lequel l’ensemble des recettes du budget de l’État financent l’ensemble de ses dépenses, certaines recettes peuvent financer des dépenses particulières, notamment par la voie du fonds de concours.

Les fonds de concours regroupent :

– des fonds à caractère non fiscal versés par des personnes morales ou physiques pour concourir à des dépenses d’intérêt public ;

– le produit de legs et donations attribuées à l’État.

L’emploi des fonds de concours doit être conforme à l’intention de la partie versante, dans les conditions qu’a précisées un décret du 11 janvier 2007 ([70]). Il s’agit d’une exigence de niveau constitutionnel, un manquement à ce principe constituant une atteinte au droit de propriété ([71]).

Le versement de fonds de concours donne lieu à un crédit supplémentaire du même montant sur le programme budgétaire concerné, ce qui majore d’autant le plafond de crédits du programme.

Conformément à la procédure prévue par la loi organique du 1er août 2020 relative aux lois de finances (LOLF) ([72]), un arrêté du 9 avril 2020 a ouvert des crédits à hauteur de 103,1 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et en crédits de paiement (CP) comportant notamment le premier versement des membres de la FFA, d’un montant de 100 millions d’euros qui, compte tenu des engagements du secteur assurantiel, devrait être suivi d’autres versements.

● À la date du 14 avril, le montant des crédits consommés du programme 357 s’élevait à 684 millions d’euros pour un plafond de 853 millions d’euros, correspondant à la dotation initiale de la première LFR majoré de l’ouverture de crédits de 103,1 millions d’euros conséquente au versement des dons par fonds de concours ([73]).

Afin de financer les versements du fonds dans les semaines à venir – notamment les versements au titre du mois d’avril 2020 – et dans la perspective d’un renforcement de son soutien, il est nécessaire d’augmenter le plafond de crédits fixé par la loi du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020. Certes, le montant des crédits ouverts sur le programme par voie de fonds de concours majore le plafond du programme. Cette majoration ne suffira toutefois pas à couvrir les besoins.

Estimation de la dotation globale publique du fonds de solidaritÉ

(en millions d’euros)

Financeur

1er PLFR 2020

2e PLFR 2020

État

750

6 250

Régions et autres collectivités

250

500

Total

1 000

6 750

Source : commission des finances.

 

*

*     *

 

 


  1  

   FICHE  6 :
LES MESURES DE TRÉSORERIE À DESTINATION
DES ENTREPRISES

Parallèlement aux prêts garantis par l’État et aux aides versées par le fonds de solidarité, le Gouvernement a prévu plusieurs mesures de trésorerie à destination des entreprises :

– les reports de charges fiscales et sociales et, pour les TPE et les indépendants, le report du paiement des factures et loyers afférents aux locaux professionnels ;

– les remboursements accélérés de crédits d’impôts et de crédits de TVA.

À titre liminaire, il y a également lieu de noter que, en plus de ces mesures mises en place par la puissance publique, les entreprises bénéficient du report du remboursement de leurs crédits bancaires.

Le secteur bancaire français s’est en effet engagé à reporter de six mois les échéances dues par les entreprises au titre des prêts qu’elles ont contractés, sans que cela n’entraîne de pénalité ([74]).

A.   Les reports de charges fiscales et sociales

Les échéances de mars et avril 2020 des impôts directs et des cotisations sociales patronales (et celles dues par les indépendants) peuvent, sur demande des entreprises qui le souhaitent, faire l’objet d’un report, sans que cela n’entraîne de pénalités (majorations et intérêt de retard).

● Sont notamment concernés :

– l’acompte d’impôt sur les sociétés dû au 15 mars 2020 ;

– les sommes dues au titre de la taxe sur les salaires en cas de versement mensuel ou trimestriel, à acquitter dans les quinze premiers jours du mois ou du trimestre suivant celui du paiement des rémunérations ;

– les cotisations sociales patronales dues au 15 mars 2020, concernant les entreprises occupant moins de 50 salariés et celles qui ne versent pas la rémunération au cours du même mois que la période d’emploi ;

– les cotisations de retraite complémentaire dues le 25 mars 2020 au titre du mois de février,

– les cotisations sociales patronales dues au 5 avril 2020, concernant les entreprises d’au moins 50 salariés qui versent la rémunération au cours du même mois que la période d’emploi ;

– les cotisations sociales dues par les indépendants au 20 mars et au 5 avril 2020.

Le 3 avril 2020, le ministre de l’action et des comptes publics a confirmé que la faculté de report des charges fiscales et sociales s’appliquerait aux échéances dues en avril 2020 ([75]), telles que celles des 15 et 20 avril pour les cotisations sociales et du 25 avril pour celles de retraite complémentaire. En outre, la date limite de dépôt de la déclaration de résultat des entreprises dont l’exercice a été clos le 31 décembre 2019 a été reportée au 31 mai 2020 ([76]).

● Les reports de charges fiscales et sociales avaient, lors du précédent projet de loi de finances rectificative pour 2020, fait l’objet d’un chiffrage potentiel s’élevant à 34,5 milliards d’euros :

– 13 milliards d’euros de charges fiscales, dont 12 milliards au titre de l’IS et 1 milliard au titre de la taxe sur les salaires ;

– 21,5 milliards d’euros de charges sociales, dont 8,5 milliards au titre de l’échéance du 15 mars 2020 et 13 milliards au titre de celle du 5 avril.

Dans le Programme de stabilité destiné aux institutions européennes et adopté en Conseil des ministres le 15 avril 2020, un chiffrage actualisé et affiné a été produit, portant sur un montant de 25,5 milliards d’euros. Ce chiffrage s’appuie sur les reports effectifs au 5 avril et sur une prévision d’un taux de recours de 50 % pour les échéances restantes.

S’agissant des montants effectivement reportés, au 9 avril 2020, les chiffres fournis par le ministère de l’action et des comptes publics font état d’un volume de 11,8 milliards d’euros de charges fiscales et sociales :

– 3,3 milliards d’euros au titre des impôts directs ;

– 8,5 milliards d’euros au titre des cotisations sociales.

Ce volume représente un tiers des charges dues à la date de la publication de ces chiffres et depuis le 15 mars 2020.

L’annulation définitive de certaines charges

Si les reports de charges fiscales et sociales constituent des mesures de trésorerie, et non en elles-mêmes des gains définitifs pour les entreprises, ces dernières peuvent bénéficier d’annulation de charges, qui elles revêtent un caractère définitif.

● Il est rappelé que le droit commun en vigueur prévoit déjà que :

– les entreprises faisant face à des difficultés de paiement de leurs charges fiscales et sociales peuvent obtenir des facilités et délais de paiement ;

– celles se trouvant dans l’impossibilité de payer les impôts directs dus en raison de leur situation de gêne ou d’indigence peuvent obtenir des remises totales ou partielles, en application de l’article L. 247 du livre des procédures fiscales.

Le ministre de l’économie et des finances a ainsi régulièrement eu l’occasion de rappeler que certaines entreprises, en fonction de leur situation, pourront bénéficier de remises fiscales définitives.

● Le Président de la République, lors de son adresse aux Français du 13 avril 2020, a annoncé la mise en œuvre de mesures spécifiques, et notamment des annulations de charges, pour certains secteurs particulièrement touchés par la crise, tels que l’hôtellerie, la restauration, l’événementiel, la culture et le tourisme (1).

Le 15 avril suivant, devant la commission des finances de l’Assemblée nationale, le ministre de l’action et des comptes publics a précisé que ces secteurs seraient concernés par des annulations de cotisations sociales patronales à hauteur de 750 millions d’euros, des discussions associant les représentants des différents secteurs devant intervenir prochainement.

(1) Emmanuel Macron, Adresse aux Français, 13 avril 2020 : « Rapidement, un plan spécifique sera mis en œuvre pour les secteurs qui, comme le tourisme, l’hôtellerie, la restauration, la culture et l’événementiel, seront durablement affectés. Des annulations de charges et des aides spécifiques seront mises en place. ».

B.   Les reports de factures et loyers professionnels des TPE et indépendants

Conformément au principe « zéro recette, zéro charge », le Gouvernement a mis en place un dispositif de report du paiement des charges afférentes aux locaux professionnels des TPE et des indépendants ([77]) :

– le report porte sur les factures d’eau, d’électricité et de gaz, ainsi que les loyers ;

– sont éligibles les entreprises éligibles au fonds de solidarité ainsi que celles faisant l’objet d’une procédure collective.

Concrètement, les fournisseurs d’eau, de gaz et d’électricité ne peuvent interrompre ou réduire leur fourniture pour non-paiement des factures et doivent, sur demande des entreprises, reporter le paiement des échéances dues entre le 12 mars 2020 et la fin de l’état d’urgence sanitaire, ce paiement étant échelonné sur au moins six mois.

S’agissant des loyers, aucune pénalité, clause résolutoire ou toute autre mesure de déchéance n’est possible en cas de non-paiement entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire.

C.   Les remboursements accélérés de créances fiscales

● Enfin, parmi la batterie de mesures destinées à soutenir la trésorerie des entreprises, le Gouvernement a prévu de procéder au remboursement accéléré de certaines créances fiscales :

– les crédits d’impôts restituables en 2020, dont le solde de créance après imputation sur l’IS dû pourra être perçu par l’entreprise sans que celle-ci n’attende le dépôt de sa déclaration de résultat ; les deux outils représentant les montants les plus élevés sont le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et le crédit d’impôt recherche (CIR) ;

– les crédits de TVA, dus lorsque la TVA que l’entreprise doit déduire au titre de ses achats est supérieure à la TVA collectée au titre des ventes ; lorsque le remboursement accéléré de ces crédits sera demandé, la DGFiP fera preuve de la plus grande célérité afin que l’entreprise dispose au plus vite des sommes en jeu ;

– les remboursements d’excédents d’IS – situation pouvant résulter d’acomptes supérieurs au montant dû en raison d’une diminution des bénéfices (a fortiori en raison d’un résultat déficitaire) ou de la disponibilité de créances fiscales, telles qu’un crédit d’impôt ; le fait d’accélérer ces remboursements évite d’attendre le dépôt du relevé de solde d’IS et le délai de traitement de la demande de remboursement.

● Le gain de trésorerie fourni par ces mesures est chiffré à 23 milliards d’euros, selon une répartition précisée dans le tableau suivant.

RÉpartition du gain de trÉsorerie par mesures prÉvues

(en milliards d’euros)

Mesure

Montant

Remboursements accélérés de crédits d’impôt (CI)

10

Dont CIR

3

Dont CICE

6

Dont autres CI

1

Remboursements accélérés de crédits de TVA

3

Remboursements accélérés d’IS

10

Total

23

N.B. : Les montants sont arrondis à l’unité. Les remboursements accélérés de crédits de TVA sont chiffrés à 8 milliards d’euros sur trois mois, soit 2,67 milliards d’euros par mois.

Source : Programme de stabilité 2020.

L’engagement des grandes entreprises à ne pas verser de dividendes
ou procéder au rachat d’actions

Le Gouvernement a décidé de subordonner, pour les grandes entreprises, le bénéfice du PGE et des reports de charges à l’engagement de ne pas verser de dividendes à leurs actionnaires et de ne pas procéder à des rachats d’actions à compter du 27 mars 2020 (1). La notion de grande entreprise vise les entreprises employant au moins 5 000 salariés ou réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 1,5 milliard d’euros.

● La formalisation de cet engagement dépend de la nature de l’aide sollicité :

– s’agissant des reports d’impôts directs, l’entreprise doit cocher une case dédiée dans le formulaire de demande de report ;

– s’agissant des reports de cotisations sociales, elle adresse un message, tel qu’un courriel, à l’Urssaf assurant la gestion de son compte ;

– s’agissant des PGE, l’engagement prend la forme d’une clause résolutoire dans le contrat de prêt.

● Les effets de cet engagement sont les suivants :

– une grande entreprise décidant, à compter du 27 mars 2020, de verser à ses actionnaires un dividende ou de procéder au rachat de ses actions ne pourra pas, par la suite, prétendre à l’octroi de la garantie de l’État pour un prêt ni à la possibilité de reporter ses charges fiscales et sociales ;

– une grande entreprise ayant déjà contracté un PGE ou procédé à un report de charges et décidant, à compter du 27 mars, de verser un dividende ou de racheter ses actions, sera privée de la garantie de l’État (pour le PGE) et, s’agissant des reports, devra s’acquitter immédiatement des sommes dues, assorties d’une majoration initiale de 5 % et de l’intérêt de retard de 0,2 % par mois.

(1) Engagement de responsabilité des grandes entreprises bénéficiant de mesures de soutien de trésorerie, 2 avril 2020.

*

*     *

 

 


  1  

   FICHE  7 :
PANORAMA DES PRINCIPALES MESURES ÉCONOMIQUES PRISES EN EUROPE ET AUX ÉTATS-UNIS

La crise sanitaire actuelle est mondiale, tout comme son impact social et économique. Dans un tel contexte, de nombreux pays, tout comme l’Union européenne, ont mis en place des dispositifs économiques et sociaux d’urgence pour faire face aux défis posés.

Le Rapporteur général, lors du précédent projet de loi de finances rectificative pour 2020, avait déjà eu l’occasion de dresser un panorama synthétique des mesures prévues par les institutions européennes et les principaux partenaires européens de la France ([78]). Il est apparu opportun de renouveler et actualiser cet exercice, et d’en étendre le champ aux États-Unis d’Amérique.

A.   Les mesures prévues par l’Union européenne

Si l’Union européenne est la cible de certaines critiques quant à une prétendue inaction, ou une action insuffisante, la réalité demeure cependant que les institutions européennes ont, peut-être sans que les citoyens européens en aient suffisamment conscience, mis en œuvre ou prévu dactionner un grand nombre de dispositifs dune ampleur sans précédent.

L’Union européenne et ses États membres mobilisent des ressources et moyens qui correspondent à :

 2 % du PIB de lUnion au titre de mesures budgétaires ;

 13 % du PIB de lUnion au titre du soutien de trésorerie.

En effet, d’après les chiffres de la Commission européenne, le total de ces mesures est de près de 2 800 milliards d’euros, et ce sans tenir compte des dispositifs les plus récents ([79]).

Les actions engagées par les institutions de l’Union consistent en des mesures budgétaires et monétaires et en l’activation des dispositifs d’assouplissement prévus par les traités européens.

1.   L’assouplissement des obligations budgétaires et de la réglementation en matière d’aides d’État

● Le 20 mars 2020, alors que le Sénat français adoptait sans modification le précédent projet de loi de finances rectificative, la Commission européenne a proposé lactivation de la clause dérogatoire générale prévue dans le Pacte de stabilité et de croissance. Cette mesure inédite permet aux États membres de déroger à leurs obligations budgétaires pour favoriser ladoption de plans ambitieux pour un soutien maximal à tous les niveaux.

Le 23 mars suivant, les ministres des finances de l’Union se sont accordés sur le déclenchement de cette clause, jugeant qu’il « offrira la flexibilité nécessaire pour que soient prises toutes les mesures nécessaires afin de soutenir nos systèmes de santé et de protection civile et de protéger nos économies, notamment par de nouvelles mesures discrétionnaires de relance et une action coordonnée, conçues, autant quil conviendra, pour être mises en place en temps opportun, à titre temporaire et de manière ciblée par les États membres. » ([80])

● Parallèlement à ce volet budgétaire, la Commission a assoupli la réglementation en matière daides dÉtat, offrant ainsi aux différents gouvernements la possibilité d’aider plus facilement directement leurs entreprises, notamment à travers des subventions ou des abandons de créances.

Cette possibilité repose sur le b du 3 de l’article 107 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), qui prévoit que peuvent être compatibles les aides destinées à « remédier à une perturbation grave de léconomie dun État membre ».

Sur ce fondement, et en lien avec la flexibilité prévue dans la mise en œuvre du Pacte de stabilité et de croissance, les États membres pourront prendre d’ambitieuses mesures, coûteuses mais indispensables. Cela traduit le mot d’ordre du Conseil européen lors de sa réunion du 17 mars 2020 reprenant celui du Président de la République : l’Union et ses États membres feront le nécessaire pour faire face à la crise, quoi qu’il en coûte ([81]).

2.   Les mesures budgétaires européennes : le déploiement d’une batterie de dispositifs renforçant les fonds disponibles

● De très nombreuses initiatives budgétaires ont été prises par les institutions européennes afin de débloquer massivement les crédits requis. Peuvent ainsi être mentionnés :

– l’« Initiative dinvestissement en réponse au coronavirus » (« Coronavirus response investment initiative », CRII), prévoyant la mise à disposition de 37 milliards deuros (8 milliards d’euros issus de préfinancement non dépensés en 2019 au titre des fonds structurels et 29 milliards d’euros versés en avance) ;

– l’« Initiative d’investissement en réponse au coronavirus Plus » (CRII+), décidée par le Conseil le 8 avril 2020, qui complète la précédente et prévoit notamment une souplesse dans lutilisation des fonds structurels afin de permettre des transferts entre fonds pour réorienter certains flux, et de suspendre les critères d’éligibilité des régions aux fonds pour en étendre l’usage à celles en ayant désormais besoin ;

– la mobilisation du Mécanisme européen de stabilité (MES) à hauteur de 240 milliards deuros de prêts aux États membres pour les aider à financer leurs mesures, sans conditionnalité stricte pour le déblocage des fonds, ces derniers étant destinés à soutenir le financement des coûts directs et indirects des soins de santé, de guérison et de prévention ;

– le soutien, à hauteur de 100 milliards deuros, des mesures prises en matière dactivité partielle (« chômage partiel »), dans le cadre du programme SURE (« Support to mitigate Unemployment Risks in an Emergency ») ;

– la création par la Banque européenne d’investissement (BEI) d’un fonds paneuropéen de garantie de 25 milliards d’euros, permettant de mobiliser jusqu’à 200 milliards d’euros par effet de levier, cette initiative s’ajoutant au précédent plan de la BEI destiné à mobiliser 40 milliards d’euros pour les PME (programmes de garantie pour les banques mobilisant 20 milliards d’euros, lignes de liquidités pour les banques représentant 10 milliards d’euros, et programmes d’acquisition de titres mobilisant 10 milliards d’euros) ;

– la mobilisation de 3 milliards deuros du budget de lUnion pour le secteur des soins de santé, dont 2,7 milliards d’euros issus de l’Instrument d’aide d’urgence (« Emergency Support Instrument », ESI) et 300 millions d’euros de la réserve d’équipements médicaux rescUE ;

– l’élargissement aux urgences de santé publique, à compter du 1er avril 2020, du Fonds de solidarité de l’Union européenne, jusqu’alors dédié aux catastrophes naturelles et doté de 800 millions d’euros.

● Sont également prévues des mesures plus ciblées, notamment pour soutenir :

– les plus démunis, à travers le Fonds européen d’aide aux plus démunis (FEAD), doté de 3,8 milliards d’euros pour la période 2014-2020 ;

– les secteurs de l’agriculture et de la pêche incluant notamment, outre les aides élargies résultant de l’assouplissement des règles en matière d’aides d’État, une prolongation du délai dans lequel les exploitants peuvent présenter une demande d’aide dans le cadre de la politique agricole commune ;

– la fourniture d’équipements médicaux et de protection, à travers la suspension des droits de douane et de TVA sur les importations au sein de l’Union ;

– les pays tiers à lUnion, à travers un appui financier de 15,6 milliards d’euros, témoignant de la nécessaire solidarité européenne vis-à-vis de nos partenaires extérieurs, indispensable dans le cadre d’une crise mondiale.

● Les mesures prises concernant le MES, le programme SURE et le fonds paneuropéen de garantie de la BEI constituent les trois axes principaux du paquet de 540 milliards deuros ayant fait l’objet, le 9 avril 2020, d’un accord de la part des ministres des finances réunis au sein de l’Eurogroupe.

Devrait s’y ajouter prochainement un volet dédié à la relance économique et sociale, ainsi que Bruno Le Maire l’a indiqué le même jour, et comme a pu le souligner le président du Conseil européen, Charles Michel, jugeant qu’il « est temps de jeter les bases dune reprise économique musclée » ([82]).

Le 14 avril 2020, le commissaire européen aux services financiers et vice-président exécutif de la Commission européenne, Vladis Dombrovskis, a évoqué auprès du journal économique allemand Handelsblatt l’idée d’un fonds de 1 500 milliards d’euros d’emprunts garantis par les États membres pour assurer la « reconstruction » des pays touchés par la crise ([83]).

● Enfin, demeure posée la question de l’émission de « coronabonds », instrument de dette commun à la zone euro, qui permettrait de mutualiser le financement de la réponse budgétaire à la crise. Plusieurs pays, dont la France, l’Italie et l’Espagne, soutiennent le principe d’un tel dispositif, qui se heurte cependant à l’opposition ou au scepticisme de certains États membres, tels que les Pays-Bas ou l’Allemagne.

3.   Les actions entreprises par la Banque centrale européenne

La réponse de la Banque centrale européenne (BCE) aux besoins résultant de la crise est massive et inédite, à l’image de celle des autres institutions européennes.

● Faisant suite à la réunion du Conseil des gouverneurs tenue le 12 mars 2020, la BCE avait annoncé plusieurs mesures, dont la conduite supplémentaire d’opérations de refinancement à plus long terme (« longer-term refinancing operations », ou LTRO) afin de maximiser le soutien à la liquidité du système financier, ainsi que l’assouplissement des opérations de refinancement à plus long terme ciblées (« targeted LTRO », ou TLTRO III) à travers l’application de taux d’intérêt préférentiels.

Le 18 mars 2020, la BCE a lancé le « programme d’achat d’urgence pandémique (« Pandemic Emergency Purchase Program », ou PEPP), mesure particulièrement ambitieuse permettant à l’institution d’acheter pour 750 milliards deuros dactifs.

Enfin, le 1er avril 2020, l’Autorité bancaire européenne a exhorté les banques européennes à suspendre le versement de dividendes et les opérations de rachat d’actions.

● Le 7 avril 2020, la BCE a adopté un paquet complémentaire prévoyant un assouplissement temporaire des garanties ([84]), incluant notamment une augmentation du niveau de tolérance au risque admis et l’acceptation comme garanties des créances résultant de prêts accordés aux PME et aux ménages ainsi que les obligations d’État grecques.

Le 9 avril 2020, dans la presse française, la présidente de la BCE Christine Lagarde a indiqué que les mesures prises, notamment les lignes de financement à taux préférentiels et l’assouplissement des garanties, ont incité les banques à accorder environ 125 milliards d’euros de prêts supplémentaires par rapport à ce qui aurait résulté de l’absence de ces facilités.

Enfin, le 15 avril, la BCE a indiqué soutenir les mesures adoptées par les autorités macroprudentielles au sein de la zone euro, qui permettront de libérer 20 milliards d’euros de capitaux bancaires au soutien de l’économie ([85]).

B.   Les principales mesures de soutien économique prévues par certains partenaires européens de la France

Comme la France, de nombreux pays européens ont mis en œuvre des plans d’urgence conséquents afin de soutenir leur économie. Seront abordées ici les mesures les plus saillantes prévues en Allemagne, en Italie et en Espagne, ainsi qu’au Royaume-Uni ­ dont la sortie de l’Union européenne ne prive pas de sa pertinence une étude des mesures prévues ­, ces pays étant retenus en raison de leur relative proximité démographique et économique avec la France et d’une exposition à la pandémie rendant la comparaison opportune.

Le lecteur intéressé par une présentation synthétique des mesures prises par chacun des vingt-sept États membres de l’Union européenne pourra se référer au document établi à cet effet par la Commission ([86]).

1.   Les mesures prévues en Allemagne

L’Allemagne, a décidé d’engager un plan sans précédent au soutien de son économie. Ce plan, appelé « bouclier protecteur » (« Schutzschild »), constitue leffort dassistance le plus large dans lhistoire de la république fédérale, dépassant le millier de milliards d’euros.

Un vaste dispositif de garantie des prêts bancaires privés permet d’assouplir et d’étendre l’intervention de la Kreditanstalt für Wiederaufbau (KfW, établissement de crédit pour la reconstruction), chargée de fournir aux entreprises des garanties à hauteur de 820 milliards d’euros (463 milliards d’euros au titre du cadre existant, et 357 milliards d’euros de fourniture de liquidités à travers les différents programmes de la KfW).

● Parmi les instruments proposés aux entreprises ([87]), peuvent être cités :

– des garanties de prêts de 80 % pour les grandes entreprises et de 90 % pour les PME, dans le cadre du KfW-Unternehmerkredit pour les entreprises de plus de cinq ans et dans le cadre du ERP-Gründkredit ­ Universell pour les plus jeunes, le montant du prêt pouvant aller jusqu’à 25 % du chiffre d’affaires 2019 ou au double de la masse salariale 2019.

– une garantie de 100 % des prêts, dans le cadre du nouveau KfWSchnellkredit (crédit rapide – ou instantané – de la KfW) disponible à compter du 15 avril 2020, pour un montant maximum compris entre 500 000 euros pour les entreprises employant au plus 50 salariés et 800 000 euros si l’effectif excède ce seuil.

● Deux aspects importants du Schnellkredit garanti à 100 % méritent d’être soulignés, notamment dans le souci de mettre en perspective cet outil avec les instruments prévus en France :

– le Schnellkredit nest pas ouvert aux TPE, seules les entreprises employant plus de 10 salariés y étant éligibles ([88]) ;

– le taux d’intérêt est de 3 % ([89]).

Cet instrument présente donc certes l’avantage d’une couverture intégrale du risque, mais ne profite pas aux plus petites entreprises et fait l’objet d’une rémunération significativement plus élevée que le PGE français.

L’Allemagne a institué un Fonds de stabilisation économique (« Wirtschaftsstabilisierungsfonds ») ciblant les plus grosses entreprises (ETI et grandes entreprises) et venant en complément des programmes de liquidités mis en place par la KfW.

Ce fonds prévoit 600 milliards deuros de soutien :

– 100 milliards d’euros pour des opérations sur titres, c’est-à-dire des prises de participation temporaires dans des entreprises ;

– 400 milliards d’euros pour des garanties d’emprunts obligataires ;

– jusqu’à 100 milliards d’euros pour refinancer les programmes existants de la KfW.

● Parallèlement aux mesures de liquidité, le gouvernement fédéral a prévu un programme d’aide immédiate (« Soforthilfeprogramm ») ([90]) doté de 50 milliards deuros et destiné aux indépendants et aux entreprises nemployant pas plus de dix salariés (TPE). Il consiste en une aide allant :

– jusqu’à 9 000 euros pour les entreprises ayant jusquà cinq salariés ;

– jusqu’à 15 000 euros pour celles ayant jusquà dix salariés.

D’après le ministère fédéral de l’économie, ces aides visent à couvrir, pour trois mois, les coûts d’exploitation des entreprises, incluant notamment les charges et loyers, et ont pour objectif de garantir l’existence économique des entreprises qui font face à une pénurie de liquidités ­ situation que doit montrer l’entreprise sollicitant le bénéfice du programme d’aide.

● Les Länder peuvent également mettre en place des programmes propres susceptibles de prévoir des aides plus élevées pour des entreprises aux effectifs importants. À titre d’exemples :

– la Bavière octroie 30 000 euros pour les entreprises employant jusqu’à 50 salariés et 50 000 euros pour celles en employant jusqu’à 250 ([91]) ;

– la Rhénanie du Nord-Westphalie, elle, prévoit une aide de 25 000 euros pour les entreprises employant jusqu’à 50 employés ([92]).

Les aides fédérales peuvent se cumuler avec les programmes des Länder sous réserve que le plafond fédéral ne soit pas dépassé : une entreprise ayant bénéficié d’une mesure fédérée peut recevoir l’aide fédérale dans la limite maximale de cette dernière, et sous réserve naturellement de répondre aux conditions du programme fédéral ([93]).

● Outre ces subventions, le gouvernement allemand a assoupli le dispositif d’activité partielle (« Kurzarbeitergeld ») en ramenant à 10 % le seuil de travailleurs affectés par l’activité partielle qui déclenche l’éligibilité à l’outil, ou encore en étendant le champ du dispositif aux travailleurs temporaires.

Cet assouplissement pourrait présenter un coût de l’ordre de 10 milliards d’euros.

● Enfin, sont prévus en Allemagne des mécanismes de report de charges fiscales, concernant les impôts sur les bénéfices et la TVA, et la suspension des procédures d’exécution forcée ([94]).

Comparaison des mesures d’aides prévues pour les TPE
en France et en Allemagne

Si la France et l’Allemagne ont chacune mis en place d’ambitieux dispositifs de soutien aux petites entreprises, singulièrement les TPE, une analyse superficielle peut laisser penser que les mesures françaises sont très en deçà des outils allemands :

– la garantie par l’État des prêts est portée jusqu’à 100 % en Allemagne, contre un plafond de 90 % en France ;

– le programme de subventions pour les TPE bénéficie d’une enveloppe de 50 milliards d’euros, là où le fonds de solidarité français n’avait initialement été abondé qu’à hauteur de 1 milliard d’euros.

Toutefois, la réalité est plus nuancée.

D’une part, et ainsi qu’il a été vu, si la garantie française ne va pas jusqu’à 100 %, elle fait l’objet d’une rémunération substantiellement moindre : entre 0,25 % et 0,50 % selon la taille de l’entreprise, contre 3 % en Allemagne, soit six à douze fois moins. Par ailleurs, rappelons que les TPE sont exclues de l’outil allemand.

D’autre part, les aides allemandes pouvant aller jusqu’à 9 000 ou 15 000 euros sont prévues pour couvrir trois mois de pertes d’exploitation. Il convient donc, pour une comparaison utile, de multiplier par trois les aides prévues dans le fonds de solidarité français, aboutissant à 4 500 euros pour le premier volet de ce fonds, et à 10 500 euros en cas de bénéfice de son second volet, voire 19 500 euros si le montant mensuel du second volet était porté à 5 000 euros comme l’a annoncé le Gouvernement. Les ordres de grandeurs par entreprise se recouvrent dans les deux pays.

Ces éléments permettent donc de fortement nuancer l’apparent désavantage français, a fortiori si est pris en compte le dispositif à destination des artisans et commerçants mis en place en France par les organisations patronales.

2.   Les mesures prises en Italie

Particulièrement violemment touchée par la pandémie de Covid-19, lItalie a prévu différentes mesures ambitieuses pour soutenir son économie.

● S’agissant du financement de l’économie, les autorités italiennes ont confié aux banques la mission d’injecter dans l’économie du pays 300 milliards d’euros de liquidités, mission que les banques ont volontairement acceptée ([95]).

Dans ce contexte, le gouvernement a prévu au mois de mars 2020 de consacrer 5,1 milliards d’euros pour aboutir, à travers un effet de levier, jusqu’à 350 milliards d’euros de liquidités. Le paquet en faveur des liquidités ([96]) prévoit :

– un moratoire sur les prêts conclus par les PME et une suspension des commissions, accroissant les liquidités d’environ 220 milliards d’euros ;

– un renforcement du fonds de garantie pour les PME, conduisant à une hausse des montants garantis de 40 à 100 milliards d’euros ;

– un mécanisme de contre-garantie pour les banques de 10 milliards deuros, assuré par l’équivalent italien de la Caisse des dépôts, la Cassa depositi e prestiti (CDP) afin d’accroître les investissements vers les entreprises moyennes et grandes qui n’ont pas bénéficié du fonds pour les PME.

● Le 6 avril 2020, le Conseil des ministres italien ([97]) a adopté des mesures urgentes pour les entreprises, les secteurs stratégiques et la justice, aboutissant à un soutien des entreprises en liquidités de 400 milliards d’euros ([98]).

D’une part, a été consacrée une garantie étatique des prêts accordés par les banques aux entreprises pour un total de 200 milliards d’euros, la garantie couvrant entre 70 et 90 % du prêt ([99]). 30 milliards sont réservés aux PME, qui pourront dans certaines hypothèses bénéficier d’une garantie gratuite.

Il y a lieu de noter que, comme en France, le bénéfice de la garantie est subordonné à certains engagements, tels que le fait de ne pas verser de dividendes.

D’autre part, un dispositif de soutien public à lexportation a été mis en place en associant la société SACE (« Servizi Assicurativi del Commercio Estero »), membre du groupe de la CDP, à travers un système de coassurance dans lequel l’État assume 90 % des engagements d’assurance de SACE. Cela doit permettre de libérer des ressources à hauteur de 200 milliards d’euros.

● En matière d’aides directes, le décret-loi « Cura Italia » du 17 mars 2020 ([100]) a prévu une série de mesures d’urgence à hauteur de 25 milliards d’euros, parmi lesquelles :

– l’extension et la simplification du dispositif d’activité partielle, pour un coût alors estimé à 4,9 milliards d’euros ;

– une aide individuelle de 600 euros pour les indépendants, les saisonniers et les ouvriers agricoles, pour un coût estimé de 4,5 milliards d’euros ;

– un renforcement du système de santé à hauteur de 3,5 milliards d’euros ;

– des reports de charges fiscales et sociales, pour un total de l’ordre de 1,6 milliard d’euros ;

– un congé parental spécial et un chèque de 600 euros pour la garde d’enfants.

Les mesures adoptées le 6 avril 2020 par le Conseil des ministres italien accroissent la suspension du paiement des charges fiscales et sociales, en y incluant la TVA, les retenues à la source et les cotisations dues en avril et mai, sous réserve d’une baisse du chiffre d’affaires comprise entre 33 % et 50 % en fonction de la taille de l’entreprise (à l’exception des entreprises des cinq provinces italiennes les plus touchées, pour lesquelles le seuil est de 33 % indépendamment de leur taille).

D’une manière générale, le coût de ces mesures pourra significativement augmenter si leur durée de mise en œuvre est prolongée. Le journal Les Échos indiquait d’ailleurs le 26 mars 2020 que le montant initial du plan Cura Italia, allait doubler pour atteindre 50 milliards d’euros.

3.   Les mesures annoncées en Espagne

L’Espagne est également l’un des pays les plus sévèrement affectés par la crise sanitaire. Pour faire face aux conséquences sociales et économiques de la pandémie, différentes mesures ont été prises ([101]).

● Ainsi, les autorités espagnoles ont prévu un soutien des liquidités permettant de mobiliser jusquà 200 milliards d’euros ([102]), à travers notamment :

– l’établissement de garanties publiques de crédits à hauteur de 100 milliards d’euros – une ligne spéciale de garanties à destination des PME et des indépendants portant sur un montant de 20 milliards d’euros, a été ouverte le 10 avril 2020 ([103]) ;

– l’ouverture par l’Instituto de Credito Oficial (ICO), banque publique, d’une ligne de financement de 400 millions d’euros à destination des PME et indépendants du secteur du tourisme ;

– la garantie spécifique des entreprises exportatrices à hauteur de 2 milliards d’euros.

● Parallèlement à ces mesures de liquidités, un paquet de plus de 18 milliards d’euros a été prévu par les autorités espagnoles, comprenant notamment :

– un soutien direct de trésorerie pour les PME, à travers le report et léchelonnement du remboursement des charges fiscales, sans pénalités, pour un total denviron 14 milliards d’euros ; les cotisations de sécurité sociale peuvent aussi faire l’objet d’un report ;

– une extension et une simplification du dispositif espagnol de « chômage partiel » (« ERTE ») ­ l’impact budgétaire de cette mesure, qui devrait être significatif, n’est pas encore formellement chiffré ;

– un soutien pour le secteur de la santé, à travers un transfert de 2,8 milliards d’euros aux communautés autonomes et un déblocage de 1 milliard d’euros pour les interventions sanitaires prioritaires ;

– une série d’instruments pour aider les populations les plus vulnérables, parmi lesquels le déblocage de 600 millions d’euros pour renforcer les services sociaux, l’interdiction de couper l’eau, l’électricité et les télécommunications des résidences principales ou encore les moratoires sur le remboursement des crédits immobiliers et à la consommation.

4.   Les mesures envisagées au Royaume-Uni

Le Royaume-Uni a lui aussi prévu différents dispositifs pour venir au soutien de son système économique et de ses entreprises ([104]).

● Le 17 mars 2020, le ministre britannique des finances a annoncé que le gouvernement ouvrait 330 milliards de livres sterling de garanties de prêts (soit environ 380 milliards d’euros), montant correspondant à environ 15 % du PIB du Royaume-Uni.

● En outre, dans le cadre du budget 2020, est prévu un plan de soutien de 30 milliards de livres (environ 34 milliards d’euros) pour les services publics, les particuliers et les entreprises connaissant des difficultés en raison du coronavirus. Figurent notamment dans ce plan :

– un report de charges fiscales ;

– un soutien pour les PME et les entreprises dans les secteurs du commerce, de l’hébergement et des loisirs, lié à l’impôt foncier (« business rate ») et consistant en des aides comprises entre 10 000 et 25 000 livres (soit entre environ 11 400 et 28 600 euros) ;

Un dispositif semblable à l’activité partielle, le Job Retention Scheme (JRS), est également ouvert aux entreprises, consistant en l’octroi d’une aide correspondant à 80 % de la rémunération des salariés placés en congé, jusqu’à 2 500 livres.

Il convient cependant de noter que certaines de ces mesures ne s’appliquent pas à l’ensemble du territoire britannique, mais uniquement à l’Angleterre. Cependant, dans le cadre de la dévolution aux nations, les administrations écossaises, galloises et nord-irlandaises ont reçu un financement à hauteur de 3,5 milliards de livres pour soutenir les entreprises.

● Enfin, le 9 avril 2020, la Banque dAngleterre a annoncé une augmentation temporaire du compte dont dispose auprès delle lÉtat britannique, le « Ways and Means » (soit « Voies et moyens »), facilité de caisse qui lui est ouverte ([105]).

Concrètement, cela permettra au gouvernement de se financer directement auprès de la banque centrale, limitant le recours au marché obligataire. L’objectif officiel est de fournir une source de court terme de liquidités supplémentaires dans le cadre de la crise actuelle, ainsi que le souligne un communiqué de la Banque d’Angleterre.

L’ampleur du financement par la banque centrale n’est pas encore connue, et dépendra des décisions et des besoins du gouvernement. Actuellement, le Ways and Means est de 400 millions de livres, et avait connu un point haut lors de la crise financière de 2008, à 19,9 milliards de livres ([106]).

C.   Les mesures prévues aux États-Unis

Les autorités américaines ont prévu un grand nombre de mesures d’une rare ampleur sans précédent afin de faire face, d’un point de vue économique, aux conséquences de la pandémie.

L’élément central de ces mesures réside dans le Coronavirus Aid, Relief, and Economic Security Act (« CARES Act »), promulgué par le président Donald Trump le 27 mars 2020. Il s’agit d’un plan de soutien de 2 200 milliards de dollars (environ 2 000 milliards d’euros), correspondant à environ 10 % du PIB américain et à la moitié de la dépense fédérale annuelle.

● Le CARES Act déploie une batterie de mesures alliant garanties de prêts et aides directes à destination des entreprises et des ménages, parmi lesquelles :

– plus de 600 milliards de dollars pour les ménages, dont :

● 300 milliards de dollars au titre de versements d’au moins 1 200 dollars aux personnes, sous condition de revenus (« cash payments ») ;

● 260 milliards de dollars pour renforcer les sommes versées aux personnes au chômage (montant susceptible d’évoluer à la hausse en fonction du volume de demandeurs d’emploi ­ qui connaît un accroissement considérable à l’heure actuelle) ;

– 377 milliards de dollars pour les PME, sous la forme de mesures de prêt et d’avances sur emprunts ;

– 500 milliards de dollars pour les grandes entreprises, essentiellement destinés à assurer la liquidité du marché du crédit sous la forme de prêts garantis et d’achats sur le marché secondaire ; figurent dans ce montant 17 milliards de dollars pour les industries de sécurité nationale, et près de 60 milliards de dollars pour le secteur aérien, sous réserve que les compagnies bénéficiaires s’engagent à ne pas licencier, ne pas diminuer les salaires, ne pas fermer certaines lignes et ne pas verser de dividendes ou racheter leurs actions :

● la moitié en aides directes destinées à payer les salaires et les pensions, dont 25 milliards de dollars pour les compagnies aériennes transportant des passagers et 4 milliards de dollars pour le fret ;

● l’autre moitié, selon la même clef de répartition, sous la forme de prêts garantis.

– enfin, environ 340 milliards de dollars destinés aux autorités fédérées et locales – notamment pour l’éducation –, et environ 180 milliards de dollars pour les services publics.

● Malgré les montants massifs mobilisés dans le cadre du CARES Act, ce dernier ne constitue pas la seule réponse des autorités américaines.

D’une part, les quelque 450 milliards deuros prévus dans le CARES Act pour les entreprises en couverture des prêts de la Réserve fédérale pourraient, par effet de levier, aboutir à une mobilisation de 4 000 milliards de dollars, comme le relève un article du New York Times ([107]) et ainsi que le soulignent les propos du président Trump lors de promulgation de la loi, évoquant un plan de 6 200 milliards de dollars.

À cet égard, il y a lieu de relever l’annonce faite le 9 avril 2020 par le secrétaire au Trésor américain, Steven Mnuchin, et la Réserve fédérale, de programmes de prêts sur le fondement du CARES Act conduisant à un financement de 2 300 milliards de dollars ([108]).

D’autre part, le gouvernement américain souhaite accroître de 250 milliards de dollars lenveloppe de prêts à destination des PME adoptée dans le cadre du CARES Act.

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La présentation des principales mesures prévues par les différents États retenus dans le champ de la comparaison montre que, dans chaque pays, les autorités mettent en œuvre des plans massifs, inédits dans leur ampleur et qui utilisent différents leviers pour soutenir l’économie et la société.

La dimension mondiale de la crise suppose de telles réponses, qui font écho à la déclaration faite par M. Angel Gurría, secrétaire général de l’OCDE : « Notre niveau dambition doit être à la hauteur du Plan Marshall  à lorigine de lOCDE  et notre vision commune comparable au New Deal, mais désormais à une échelle mondiale. » ([109])

Les mesures déjà prises en Europe, singulièrement en France, tout comme celles figurant dans le présent projet de loi de finances rectificatives, témoignent de l’engagement des autorités européennes et françaises pour faire face à la crise et à ses conséquences, et de leur appropriation des vœux du secrétaire général de l’OCDE. L’Union européenne et ses États membres se doivent d’être à la hauteur des enjeux, et le présent texte illustre cette ambition s’agissant de la France.

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   AUDITION du MINISTRE DE L’ÉCONOMIE ET DES FINANCES,
du MINISTRE DE L’ACTION ET DES COMPTES PUBLICS,
ET Du SECRÉTAIRE D’ÉTAT AUPRÈS DU MINISTRE
DE L’ACTION ET DES COMPTES PUBLICS

Lors de sa séance du mercredi 15 avril 2020, la commission des finances, réunie selon les modalités arrêtées par la conférence des présidents du 14 avril 2020, a entendu M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances, M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics et M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics, sur le projet de loi de finances rectificative pour 2020.

M. le président Éric Woerth. Mes chers collègues, nous recevons MM. Bruno Le Maire, Gérald Darmanin et Olivier Dussopt qui nous présentent le deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2020. Le Haut Conseil des finances publiques a adopté hier son avis relatif à ce projet de loi, lequel vous a été communiqué par courriel ce matin. Sans suspens, je voterai ce nouveau projet de loi de finances rectificative. Les chiffres sont impressionnants : 110 milliards d’euros de soutien à l’économie ; 8 % de récession ; 9 % de déficit public ; une dette augmentée de 15 %. C’est un plongeon de nos finances publiques et de notre économie, mais avec un objectif que nous partageons : soutenir l’économie et éviter la faillite de nos entreprises et le chômage.

Si elle ne porte pas sur les chiffres, la vraie question est de savoir comment accompagner la reprise, la réponse dépendant en grande partie de la vitesse à laquelle notre économie va redémarrer. L’effort est à ce point massif qu’il ne pourra être supporté longtemps, ni financièrement ni socialement. Quelle est votre stratégie de reprise économique ? S’annonce‑t‑elle rapide, comme il semblerait, ou plus lente ? Avez‑vous déterminé si des secteurs d’activité devaient reprendre plus vite que d’autres, et dans quelles conditions ? Le Président de la République a annoncé un plan dans le domaine du tourisme. Y a‑t‑il d’autres plans de soutien à des filières fermées administrativement ? Votre report d’impôts et de charges pour les entreprises n’est‑il pas en réalité une annulation ? Enfin, nul ne peut penser que la France redémarre seule. Certains pays, comme l’Autriche ou l’Allemagne, ont déjà commencé à redémarrer : comment coordonner la reprise de notre économie ?

M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances. Nous sommes confrontés à une crise sanitaire brutale, dont chacun mesure dans sa vie quotidienne et auprès de ses proches la violence. Nous sommes également confrontés à un bouleversement économique sans équivalent dans l’histoire contemporaine : tous les pays sont touchés ; l’économie réelle est touchée ; et la crise ne s’arrêtera que lorsqu’une réponse au virus sera trouvée. La crise, contrairement à certaines interprétations, n’est pas celle d’une économie en surchauffe, mais au contraire, d’une économie à l’arrêt, dont la date et les modalités de redémarrage sont incertaines.

Cette crise n’est pas une affaire de semaines, ni de mois, mais d’années. L’économie ne se résume pas à la croissance. C’est aussi le travail, la dignité qu’elle apporte ; c’est le financement de notre modèle social, du progrès technologique dont nous avons besoin pour garder notre place parmi les nations qui comptent dans le monde. Parce que l’économie est touchée au cœur, nos civilisations modernes sont touchées au cœur. La stratégie de reprise ne peut s’inscrire que dans la longue durée. Elle commencera progressivement. À la demande du Premier ministre, nous travaillons avec Jean Castex, notamment, pour augmenter le rythme de l’économie française, qui tourne au ralenti. L’industrie, par exemple, tourne à 60 %. Avec une stratégie de déconfinement adaptée, il nous faudra retrouver un rythme plus normal. La clé de la réussite du déconfinement sera la sécurité sanitaire des salariés, sur laquelle nous ne transigerons pas ; elle est la condition pour que la reprise se fasse de manière confiante.

Il faudra également réfléchir à une stratégie de relance, laquelle se fonde, à mon sens, sur quatre piliers. Le premier, c’est l’investissement, qui garantit la qualité de nos produits et des technologies. Le deuxième pilier sera le soutien à la demande, dans la mesure où l’épargne de précaution qui se construit aujourd’hui ne se débloquera pas du jour au lendemain et que les consommateurs auront des comportements attentistes. En troisième lieu, certains secteurs devront faire l’objet d’un soutien spécifique : le tourisme, l’hôtellerie, la restauration, l’industrie automobile, l’industrie aéronautique ou encore le transport aérien. Enfin, la coopération européenne est indispensable. Si nous décidons – ce que je crois sage – de soutenir les salaires les plus modestes, les salaires des personnes non qualifiées qui nous ont permis de mener une vie à peu près normale pendant le confinement, faisons attention à ce que l’Allemagne n’ait pas, quant à elle, une stratégie de modération salariale, au risque de nous retrouver avec le même retard que ces vingt dernières années.

La crise nous fait courir des risques considérables. Le premier est celui qui touche notre tissu productif : faillites en cascade et disparition de pans technologiques importants de notre industrie. Le risque est également de voir certains de nos concurrents, en particulier les géants du numérique, qui disposent de réserves de liquidités considérables se chiffrant à des dizaines de milliards d’euros, accentuer leur domination. Le risque est aussi de voir le taux d’épargne augmenter face aux incertitudes, au détriment du financement de notre économie. Les encours du livret A et du livret de développement durable et solidaire ont augmenté de 50 % entre mars 2019 et mars 2020. Leurs encours bruts ont plus que doublé entre mars 2019 et février 2020, pour passer de 1,5 milliard d’euros à 3,8 milliards d’euros. Or ce n’est pas d’épargne que nous avons besoin, mais d’investissement.

Le risque est encore de voir les grands équilibres mondiaux bouleversés. Pour la deuxième fois de son histoire, la zone euro est confrontée au défi de la solidarité, à une échelle incomparable avec celle de 2010-2011. Soyons clairs : soit la zone euro est unie et elle se renforcera ; soit elle est divisée et elle disparaîtra. Elle ne survivra pas à l’aggravation des différences de développement économique entre ses membres. L’Allemagne est en train de dépenser 4 % de son PIB pour soutenir son économie. L’Italie, pour sa part, en dépense 2 %. Or, au regard de leurs niveaux de développement économique, c’est l’inverse qui serait raisonnable et bon pour la zone euro.

Les différences de rythme de reprise en Asie, aux États‑Unis et en Europe pourraient également bouleverser l’ordre des puissances. La Chine en a parfaitement conscience et exploitera toutes nos faiblesses dans ce domaine. Les économies émergentes en Amérique du Sud et sur le continent africain pourraient être confrontées à des problèmes économiques insolubles, sources de graves déstabilisations, accentués par la chute du prix des matières premières, en particulier celui du pétrole. À son point le plus bas, le 30 mars, le prix du baril était à 23 dollars, soit trois fois moins cher qu’en janvier, alors que le pétrole représente 40 % des ressources budgétaires des pays d’Afrique centrale.

Enfin, il y a un risque pour nos démocraties, dans la mesure où je ne vois pas pourquoi les grands mouvements sociaux d’avant la crise, en France et dans le reste du monde, ne reprendraient pas après. S’ils sont gelés pour le moment, leurs causes restent les mêmes. Aussi peuvent‑ils reprendre demain avec plus de violence et ajouter à la crise économique une crise politique. C’est pour cela que je considère que la question essentielle au lendemain de la crise sera celle de la lutte contre les inégalités économiques.

Mais cette crise offre aussi des occasions historiques. Elle nous permet, tout d’abord, de repenser notre économie nationale, en accélérant la transition vers une économie durable, en relocalisant certaines productions stratégiques, dans le domaine de la santé ou de l’énergie, dont dépendent notre indépendance, et en valorisant mieux le travail de tous ceux qui nous permettent de nous approvisionner, de nous soigner, de nous nourrir et de nous transporter. En janvier 2020, soit avant la crise, je disais qu’il fallait ouvrir des perspectives aux personnes les moins bien qualifiées et les moins bien rémunérées de notre pays. Je faisais également remarquer que, depuis 2008, la dynamique salariale était forte chez les personnes qualifiées et faible chez celles qui ne l’étaient pas, et que cela posait un problème de rémunération et de dignité par le travail. Aujourd’hui, le sujet est brûlant.

Nous avons, avant la crise, répondu à certains de ces défis, puisque nous avons relocalisé certaines activités, comme les batteries électriques, que nous avons mieux rémunéré les salariés gagnant le SMIC, grâce à la prime d’activité et à la défiscalisation des heures supplémentaires, et que nous avons investi massivement dans la transition écologique et l’économie circulaire. Mais nous devrons aller beaucoup plus vite et beaucoup plus loin au lendemain de la crise.

La crise nous offre aussi l’occasion de redonner du sens à la construction européenne. Des réponses ont été apportées, depuis le début de la crise, notamment par la Banque centrale européenne. Les vingt‑sept ministres des finances ont obtenu la semaine dernière un dispositif de soutien immédiat de 540 milliards d’euros, par le biais de la Banque européenne d’investissement, du Mécanisme européen de stabilité et de la procédure de financement du chômage partiel, qui est la preuve que l’Europe est capable de décider vite et fort. Nous avons également mis sur pied, à la demande de la France, un fonds de relance pour lequel nous demandons qu’il soit financé par la mise en commun de la dette future, pour une durée limitée, sur des investissements liés à la crise. Cela nous paraît une proposition raisonnable et crédible qui doit pouvoir convaincre nos partenaires européens. Il est essentiel que nous puissions investir vite, sans quoi nous verrons s’accroître les écarts par rapport à la Chine ou aux États‑Unis, et l’Europe perdra la possibilité d’être un continent véritablement souverain au XXIe siècle.

Enfin, c’est l’occasion de refonder un ordre multilatéral plus efficace et plus juste, notamment pour soutenir les pays en développement. Nous avons demandé que le FMI procède à une allocation de 500 milliards de dollars de droits de tirage spéciaux pour soulager immédiatement les États les plus fragiles. Nous continuerons à défendre cette idée. Le G20 à venir permettra de confirmer, pour la première fois, un accord entre tous les créanciers du G20 et du Club de Paris, la Chine, l’Inde et les pays du Golfe pour engager un moratoire sur la dette des pays les plus pauvres. Voilà bien la preuve que nous pouvons relancer le multilatéralisme, auquel nous sommes attachés.

C’est dans un tel contexte que nous vous présentons le deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2020. L’estimation de la baisse de croissance pour 2020 a été révisée à 8 %, un chiffre aussi provisoire qu’il est sévère, puisque son évolution dépend de la situation économique internationale et des risques de reprise de la pandémie. Il est donc à prendre avec toutes les précautions d’usage, sinon plus. Nous retrouvons dans le projet de loi de finances rectificative les choix simples, massifs et immédiats que nous avons proposés dès le début du mois de mars, pour répondre à la crise.

Le premier est celui de la préservation des compétences et des savoir‑faire de nos salariés. Nous investissons massivement dans le chômage partiel, où se trouvent, à l’heure actuelle, 8,7 millions de salariés, qui bénéficient d’une indemnisation à 100 % au niveau du SMIC et à 84 % jusqu’à 4,5 SMIC, ce qui représente 24 milliards d’euros. C’est un investissement dans les compétences des salariés français, qui nous permettra de repartir plus vite à la sortie de la crise.

Le deuxième choix stratégique est le soutien à la trésorerie des entreprises, notamment grâce à la création d’une garantie exceptionnelle de l’État, à hauteur de 300 milliards d’euros pour tous les nouveaux prêts dont les entreprises auraient besoin. À cette date, 200 000 entreprises ont obtenu des prêts par ce biais, pour un montant total de 10 milliards d’euros.

Le troisième choix, c’est le soutien aux plus petites entreprises, aux TPE de moins de dix salariés. C’est le sens du fonds de solidarité qui a été créé dès le 31 mars et qui s’adresse à toutes les entreprises de moins de dix salariés et dont le chiffre d’affaires est inférieur à un million d’euros. Aujourd’hui, 900 000 entreprises y ont fait appel. Nous avons écouté les parlementaires, pour modifier les règles d’éligibilité, en abaissant de 70 à 50 % la perte du chiffre d’affaires entre 2019 et 2020.

Le quatrième choix, c’est la protection de nos entreprises les plus stratégiques, qui ont perdu de la valeur sur les marchés et pourraient être rachetées à vil prix, par des puissances étrangères ou par des fonds étrangers.

Si ces dispositifs fonctionnent, comme en témoignent les chiffres dont je viens de vous faire part, ils doivent aussi être améliorés. Les parlementaires m’ont fait remonter des propositions, qui nous ont conduits, avec Gérald Darmanin, à les modifier dans le nouveau projet de loi de finances rectificative, pour les rendre beaucoup plus efficaces et beaucoup plus larges d’accès.

Ainsi, le fonds de solidarité fait l’objet d’améliorations attendues par tous les entrepreneurs. Nous proposons de modifier la base de calcul de la perte du chiffre d’affaires. En mars 2019, du fait de la crise des gilets jaunes, les chiffres d’affaires étaient faibles, ce qui ne faisait pas du mois de mars une bonne référence. C’est pourquoi nous proposons de prendre comme référence la moyenne mensuelle du chiffre d’affaires des entreprises en 2019, ce qui permettra également de prendre en considération des entreprises créées il y a moins d’un an. En deuxième lieu, nous vous proposons d’élargir ce fonds aux entrepreneurs qui n’y étaient pas éligibles : les agriculteurs, membres d’un groupement agricole d’exploitation en commun, les artistes-auteurs, les entreprises en situation difficile, celles qui sont en redressement judiciaire ou en procédure de sauvegarde. Enfin, nous avons également décidé d’augmenter le plafond de l’enveloppe complémentaire dont peuvent disposer les entreprises au cas par cas ; cette enveloppe passera de 2 000 euros à 5 000 euros. Au total, ce fonds de solidarité, si vous adoptez ce texte de loi de finances rectificative, passera de un à sept milliards d’euros ; je tiens à remercier les régions pour leur contribution à hauteur de 500 millions d’euros, mais aussi les assureurs et certaines grandes entreprises pour leur participation.

Nous renforçons ensuite le dispositif de soutien aux entreprises stratégiques, par l’abondement du compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État, que nous vous proposons de doter de 20 milliards d’euros.

S’agissant des prêts garantis par l’État, nous vous proposons que les entreprises entrées en procédure collective depuis le début de l’année puissent aussi être éligibles à ce dispositif, alors qu’elles ne le sont pas aujourd’hui.

Enfin, nous voulons apporter un soutien supplémentaire aux grandes PME et aux entreprises de taille intermédiaire (ETI) de notre pays. Nous proposons donc un premier dispositif destiné aux entreprises de taille intermédiaire, jusqu’à cinq cents salariés, appuyé sur le renforcement du fonds de développement économique et social (FDES), porté de 75 millions d’euros à un milliard d’euros. Ce fonds aura vocation à financer des prêts directs et non plus des garanties, en contrepartie d’une restructuration de l’entreprise et de financements complémentaires.

Un second dispositif, que nous vous soumettrons par voie d’amendement, vise les entreprises de cinquante à deux cent cinquante salariés et instaure une enveloppe d’avances remboursables à hauteur de 500 millions d’euros. Ainsi, une entreprise de décolletage dans la vallée de l’Arve pourra-t-elle acheter immédiatement l’acier et l’aluminium dont elle a besoin pour pouvoir redémarrer, en payant ses fournisseurs, alors même qu’elle n’a pas de trésorerie. C’est une nouvelle illustration du choix que nous avons fait de protéger massivement le tissu productif français.

Comme l’a indiqué le Premier ministre, toutes ces mesures complémentaires vont faire passer le montant total du plan de soutien à notre économie en trésorerie et en dépense publique de 45 à 110 milliards d’euros. Cela portera le niveau d’endettement de la France à 115 % mais, en temps de crise, il faut faire des choix clairs : entre la dette et les faillites d’entreprise, nous avons fait le choix de la dette. Ce n’est pas un choix durable, et nous savons parfaitement qu’il faudra rétablir les finances publiques sur le long terme, mais c’est le seul choix responsable, qui permettra de retrouver un tissu productif en bon état de marche au lendemain de la crise et d’éviter des faillites en cascade, qui ne manqueraient pas de déboucher sur une crise sociale, en plus de la crise économique que nous vivons actuellement.

M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics. Grâce à ce nouveau PLFR, nous rechargeons en quelque sorte le premier PLFR. Les crédits destinés au chômage partiel sont portés à 24 milliards d’euros, qui seront financés par l’État et par l’Unédic. L’aide aux indépendants est portée à 7 milliards d’euros, soit une aide pouvant aller jusqu’à 8 000 euros défiscalisés par bénéficiaire.

Nous avons également revu le budget annexe Contrôle et exploitation aériens afin que les compagnies aériennes puissent surseoir au paiement de leurs taxes et charges pour les deux prochaines années. De même, les autres reports de charges sont maintenus.

Des mesures nouvelles vous sont également proposées : c’est le cas des 20 milliards d’euros alloués au compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État et des crédits du FDES, qui passent de 75 millions à un milliard d’euros.

Ce PLFR intègre également, 2,5 milliards d’euros, que l’on pourrait appeler des crédits imprévisibles ou accidentels. C’est une pratique qui a cours dans les collectivités locales, et le Conseil d’État a, en l’espèce, considéré que, dans la mesure où ces crédits correspondaient réellement à des mesures exceptionnelles ou à des dépenses imprévisibles – dont il sera évidemment rendu compte au Parlement – ils étaient autorisés.

Une bonne part de ces crédits devrait d’ores et déjà être affectée, par voie d’amendement, à la prime de précarité annoncée ce matin par le Premier ministre, ce qui laissera un peu plus de 1,5 milliard d’euros à la disposition du Gouvernement pour répondre aux dépenses accidentelles et imprévisibles, sans qu’il soit nécessaire d’avoir recours à des décrets d’avance ou de convoquer de nouveau le Parlement.

Nous avons enfin prévu la défiscalisation et la désocialisation d’une prime exceptionnelle dans les trois fonctions publiques, ainsi que des dispositifs à destination du Pacifique, notamment le prêt de l’AFD pour un montant de 240 millions d’euros à la Nouvelle-Calédonie. Pour ce qui concerne la Polynésie française, elle est en discussion avec le Gouvernement pour bénéficier de mesures spécifiques.

D’autres éléments, qui ne figurent pas dans ce PLFR, sont tout aussi intéressants. Je pense en particulier aux 8 milliards d’euros destinés au budget de la santé, ainsi que l’avait annoncé le Président de la République à Mulhouse. Ces crédits relevant de l’ONDAM, ils ne nécessitent pas, pour être mis en œuvre, l’adoption d’une loi.

En ce qui concerne, les collectivités locales, nous sommes en train de travailler avec Jacqueline Gourault et Sébastien Lecornu sur les solutions propres à compenser la diminution des recettes découlant des droits de mutation à titre onéreux, des impôts dits économiques ou de l’octroi de mer ultramarin. La perception de ces recettes étant décalée dans le temps, nous avons un peu de temps devant nous, tout comme pour les recettes afférentes aux transports ou aux déchets, relevant des budgets annexes.

J’insiste sur le fait que ces mesures constituent un plan d’urgence et non un plan de relance, ce qui explique l’absence de dispositions de relance en tant que telles. On a déjà cité les chiffres, qui font froid dans le dos : des dépenses publiques qui atteignent 61 % du PIB ; 43 milliards d’euros de recettes en moins – ce montant n’étant qu’une estimation ; 9 % de déficit, soit 183,5 milliards d’euros, c’est-à-dire le double de ce qui était prévu en loi de finances initiale ; quant à la dette publique, elle atteint désormais 115 % du PIB.

Pour ce qui concerne la stratégie fiscale et sociale du Gouvernement, le Président de la République a annoncé des annulations de charges pour les secteurs de l’hôtellerie, de la restauration, de l’hébergement, de l’événementiel et des arts et spectacles, qui sont – à l’exception de l’hôtellerie – les secteurs qui ont été fermés en premier et seront sans doute rouverts en dernier. Ces annulations sont pour l’instant évaluées à 750 millions d’euros. Elles ne concernent pas uniquement les entreprises qui ont demandé le report – ce qui serait assez injuste – mais l’ensemble des entreprises de ces secteurs. Il s’agit de mesures sectorielles sans précédent dans notre histoire budgétaire, non seulement par leur ampleur mais également par leur nature, puisqu’elles sont normalement interdites et nécessiteront donc des modifications législatives, que je vous proposerai dans les prochains jours. Par ailleurs, nous travaillons avec les ministres concernés sur les mécanismes de soutien complémentaires envisageables pour les secteurs du tourisme et de l’événementiel.

En ce qui concerne les impôts, seules la taxe sur les salaires et l’impôt sur les sociétés sont reportés, et il n’y a donc pas d’annulation de fiscalité, laquelle serait contraire au droit européen selon lequel une telle annulation sectorielle serait assimilable à une aide d’État. Sans doute notre stratégie fiscale globale devra-t-elle être rediscutée au lendemain de la crise, mais nous nous concentrons pour l’instant sur la part patronale des prélèvements obligatoires, les salariés qui reprendront leur travail demain étant, bien entendu, de nouveau assujettis aux cotisations qui financent leur protection sociale.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. En ce qui concerne la fonction publique, les primes aux agents publics n’apparaissent pas dans les crédits ouverts au sein du PLFR puisque nous considérons que les primes allouées aux fonctionnaires d’État sont finançables en gestion. En d’autres termes, c’est le schéma de fin de gestion qui nous permettra d’ajuster les crédits correspondant à la masse salariale, de manière que les ministères puissent payer l’ensemble des traitements jusqu’à la fin de l’année.

Pour traduire notre reconnaissance vis-à-vis des agents publics, nous avons mis en place un dispositif propre pour chacun des trois versants de la fonction publique – je précise qu’il s’applique aux titulaires comme aux contractuels. Dans la fonction publique hospitalière, les heures supplémentaires qui, d’ordinaire, sont le plus souvent placées sur un compte épargne-temps (CET) ou récupérées, seront payées et majorées de 50 %. Ce paiement s’accompagnera en outre du versement d’une prime forfaitaire défiscalisée et désocialisée de 1 500 euros, dans les départements les plus exposés ainsi que dans les établissements ayant accueilli des malades du Covid-19 sur le reste du territoire. Dans les départements ou les établissements qui n’ont pas été confrontés au virus, la prime s’élèvera à 500 euros. Pour ce qui concerne les EHPAD, la réflexion est encore en cours, car la multiplicité des employeurs et des statuts nous oblige à quelques travaux complémentaires. L’ensemble de ces dépenses seront comptabilisées comme des dépenses sociales.

Pour la fonction publique d’État, il s’agit, là encore, de reconnaître le surcroît de travail des agents publics de l’État, et de les en remercier avec une prime, défiscalisée et désocialisée, d’un montant maximum de 1 000 euros, dont les ministères pourront verser tout ou partie en fonction de l’engagement et de la durée de l’engagement de chaque agent pendant la période de confinement. Évidemment, les agents en autorisation spéciale d’absence ne peuvent y être éligibles.

Dans la fonction publique territoriale enfin, les collectivités pourront, dans le cadre du principe de libre administration, décider ou non de l’attribution de cette prime aux agents, en choisissant elles-mêmes les agents qui en bénéficient, dans la limite de 1 000 euros.

Le second point ayant un impact sur les finances publiques est la question des congés. Une ordonnance a été prise ce matin qui, dans un mouvement de convergence avec le secteur privé, permet aux employeurs publics de décompter cinq jours de RTT aux agents en autorisation spéciale d’absence, pour la période passée du 16 mars au 16 avril, et d’imposer cinq jours de congés ou de RTT pour la période à venir, jusqu’à la fin du confinement. Pour les agents en télétravail, les employeurs pourront également imposer cinq jours de congés ou de RTT pour la période à venir, mais sans mesure rétroactive. Les collectivités pourront faire de même, si elles le souhaitent. À cela s’ajoute tout un train de mesures plus techniques concernant des basculements de reliquats de congés en CET. Je tiens à rappeler enfin ici que, contrairement aux salariés du privé, les agents publics en autorisation spéciale d’absence conservent l’intégralité de leur traitement.

M. le président Éric Woerth. Nous n’en sommes plus à prévoir la croissance mais la récession, et vous nous avez dit, monsieur le ministre de l’économie, qu’il faudrait plusieurs années pour reconquérir le territoire perdu. Mais ce qui nous intéresse dans l’immédiat, c’est de savoir qui, parmi les acteurs économiques, sera déconfiné le 11 mai, et comment, puisque beaucoup d’entreprises ne sont pas administrativement fermées mais qu’elles sont dans l’incapacité de travailler. Quelles sont vos pistes pour rétablir l’activité, sachant que nous ne corrigerons pas les chiffres effrayants de ce PLFR sans une reprise de cette activité ?

Par ailleurs, nous vous avions demandé que, chaque semaine, vos services fassent parvenir à la commission des finances un document de suivi du premier PLFR – notamment sur la garantie des crédits et le fonds de solidarité –, qui détaille l’application des mesures que nous avons votées, par département.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Afin de tuer moi aussi tout suspense, j’annonce que je voterai ce PLFR. Cela étant, tout en considérant légitimes vos préoccupations concernant la relance et la reprise de notre économie, je resterai, pour ma part, très court-termiste dans l’examen de ce texte. La priorité en effet est de savoir si nous sommes capables de maintenir nos entreprises à flot jusqu’au 11 mai, puis dans les jours et les semaines qui vont suivre.

En effet, nous savons que la reprise du travail ne se fera pas en un jour et qu’il convient donc, tout d’abord, de se concentrer sur ce que le ministre du budget appelle la recharge budgétaire du premier projet de loi de finances rectificative, grâce à ce que je qualifierai de PLFR bis, puisque nous sommes dans la continuité de ce que nous avons voté il y a un mois.

Pourriez-vous être plus précis sur l’utilisation concrète qui pourrait être faite de certains crédits prévus par ce texte ? 2,5 milliards d’euros de crédits sont ainsi non répartis : ces crédits pour dépenses accidentelles sont en effet une chose originale, pour ne pas dire exceptionnelle, dont nous comprenons bien qu’elle est imposée par le contexte. Ils pourraient servir notamment à financer la prime pour les ménages les plus modestes, mais pourriez-vous nous en dire plus ? De même, pourriez-vous préciser davantage ce que vont financer les 8 milliards de crédits exceptionnels affectés au système de santé ? Enfin, pouvons-nous avoir des indications sur la manière dont vont être ciblés les 20 milliards d’euros destinés aux prises de participations de l’État, ainsi que l’augmentation très significative du fonds de développement économique et social, même s’il ne s’agit pour l’heure que de financements ou d’aides à la trésorerie potentiels ?

Le soutien financier à notre économie a plus que doublé par rapport au premier PLFR examiné le mois dernier, et il serait intéressant que vous nous précisiez le niveau de consommation des deux programmes qu’il créait. Le montant du plan global intègre les mesures de trésorerie dont peuvent bénéficier les entreprises, et je souhaiterais savoir quel est le montant de charges fiscales et sociales ayant effectivement fait l’objet d’un report en mars et avril, et ce que cela représente en pourcentage du total des charges en principe dues sur cette période.

Vous avez mentionné les annulations de charges, à hauteur de 750 millions d’euros, pour les secteurs de la restauration, de l’hôtellerie, du tourisme, de l’événementiel et de la culture. Pouvez-vous nous confirmer qu’elles n’ont pas vocation à être intégrées, même en partie, dans ce PLFR ?

S’agissant du fonds de solidarité, pouvez-vous nous éclairer sur le niveau des contributions attendues et effectives des régions et des assureurs ? Qu’en est-il des autres contributeurs ? Vous avez mentionné des grandes entreprises : pouvez-vous nous donner leur identité et les montants de leurs contributions ?

Au sujet de la garantie de l’État pour les prêts de trésorerie aux entreprises, pouvez-vous nous préciser à quelles entreprises en difficulté son octroi serait désormais ouvert, par catégorie de défaillance – ce qu’on appelle en droit des entreprises les procédures collectives, de la procédure de sauvegarde, en passant par le redressement judiciaire, jusqu’à la liquidation judiciaire ? J’aimerais également savoir à compter de quelle date de constat de cessation de paiement les dossiers pourront être acceptés.

Outre la neutralisation fiscale et sociale des aides versées par le fonds de solidarité, le texte prévoit d’exonérer les primes destinées aux agents publics. Pouvez-vous nous repréciser les principales caractéristiques de cette prime et nous préciser le nombre de départements qui seraient concernés par la prime de 1 500 euros ?

Par ailleurs, envisagez-vous des mesures en faveur de l’action sociale – je pense notamment à l’aide sociale à l’enfance : les agents de ce secteur pourront-ils également bénéficier d’une prime exonérée de charges fiscales et sociales ?

Eu égard à la forte secousse subie par le secteur du transport aérien, pouvez-vous nous dire quelles sont les mesures supplémentaires envisagées par le Gouvernement pour le soutenir, au-delà du budget annexe mentionné par le ministre de l’action et des comptes publics ? Au-delà des aides de trésorerie, des prises de participation sont-elles prévues et, le cas échéant, sont-elles déjà intégrées dans les vingt milliards d’euros apportés au compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État ?

Enfin, chacun se réjouit des accords budgétaires obtenus au niveau européen, et je tiens ici à saluer l’action du ministre de l’économie et des finances en ce sens. Je partage en tout point les propos que vous avez tenus sur l’enjeu historique que revêtent ces dernières semaines pour l’Union européenne et la zone euro. S’agissant de cet accord, cent milliards d’euros ont été fléchés pour le financement de l’activité partielle par la Commission européenne. Pouvez-vous nous préciser si une part de cette enveloppe est destinée à la France et, si c’est le cas, comment cette somme viendra-t-elle compléter l’effort national déjà fourni en la matière ?

Toujours sur le plan européen, pouvez-vous nous préciser les causes et les conséquences du relèvement du prélèvement sur les recettes en faveur de l’Union européenne, prévu par ce présent texte à hauteur de presque deux milliards d’euros ?

M. Joël Giraud. Je voudrais commencer par rendre hommage, au nom de l’ensemble de mon groupe et, je pense, de l’ensemble des parlementaires et des ministres présents, à Bernard Stalter, qui était président du réseau des chambres de métiers et de l’artisanat (CMA France). Il alliait humanité, compétence et convivialité, et je crois que, s’il était encore parmi nous, il nous suivrait dans cette session de la commission des finances. J’adresse aussi des sympathies attristées à sa famille, et en particulier à son épouse.

Pour compléter les propos de notre rapporteur général, j’aimerais avoir des informations quant à la répartition précise sur le sol français des 540 milliards d’euros issus de fonds européens – et aux différentes actions qui vont être menées grâce à eux sur notre territoire –, de même pour les 100 milliards prévus par le plan gouvernemental.

J’aimerais également revenir sur les entreprises les plus fragiles. Dans son allocution, le Président de la République a évoqué les plus fragiles d’entre nous, qu’il s’agisse des personnes ou des entreprises. Un certain nombre de très petites entreprises (TPE), commerçants et artisans sans salariés, ne vont pas forcément bénéficier du prêt garanti par l’État (PGE), du fait des jurisprudences bancaires qui ont cours – et même si nous y travaillons, notamment avec Nadia Hai, Anne-Laure Cattelot et Marie-Christine Verdier‑Jouclas –, soit parce qu’elles se trouvent dans un secteur d’activité pré-exclu par certaines banques, soit parce qu’elles ont un très petit chiffre d’affaires. Il y a en la matière des disparités entre départements et il faut que nous prenions des mesures fortes à ce sujet.

De même, le fonds de solidarité risque de ne pas concerner les entreprises qui n’ont pas de salariés ; celles-ci toucheront uniquement la première partie de l’aide, et rien d’autre, et se trouveront en grande difficulté.

Mme Véronique Louwagie. Vous nous présentez un deuxième PLFR. Le premier était bâti sur une durée de confinement d’un mois et un retour à la normale rapide. Celui-ci est également établi sur la base d’un retour rapide à l’économie antérieure et d’un surcroît de croissance aux trimestres suivants. Pensez-vous que cette situation est envisageable pour les semaines qui viennent, ou prévoyez-vous de nous présenter un autre PLFR d’ici à un mois, et encore d’autres par la suite ? N’aurait-il pas été plus judicieux de présenter directement un PLFR qui aille encore plus loin pour soutenir d’un seul coup notre économie, comme l’ont fait les Allemands ?

Les mesures qui sont prises doivent être immédiatement opérationnelles ; elles doivent pouvoir être mises en œuvre facilement et rapidement. Or il y a eu du flou sur l’application des dispositifs du premier PLFR ; envisagez-vous de prendre en compte cette réalité et de les simplifier ?

La garantie de l’État aux prêts accordés par les banques – le PGE – est à ce jour de 90 %, mais un certain nombre de voix se font entendre pour qu’elle soit portée à 100 %, à l’instar de ce qui a été fait en Allemagne ; êtes-vous prêts à accepter cette évolution ?

Enfin, les critères d’éligibilité au fonds de solidarité sont actuellement trop restrictifs. Il y a des trous dans la raquette – en particulier le cas des mandataires sociaux, celui des entreprises en difficulté et la situation des professions libérales. Envisagez-vous de revoir drastiquement ces critères d’éligibilité ?

M. Mohamed Laqhila. Permettez-moi tout d’abord de saluer, au nom du groupe Mouvement démocrate et apparentés, l’action du Gouvernement en général et votre engagement et celui de vos ministères en particulier. La crise actuelle est exceptionnelle et imprévisible ; elle appelle la mobilisation et le soutien sans faille de toute la nation pour sauver des vies mais aussi des emplois. Je salue toutes celles et tous ceux qui ont toujours contribué à l’économie de notre pays, et qui luttent dans certains cas pour leur survie – je pense notamment aux TPE, aux commerçants, aux artisans et aux professions libérales.

On ne peut raisonnablement pas ignorer les réponses fortes apportées dans ce deuxième PLFR, qui selon moi sont à la hauteur de l’enjeu. Je ne peux que saluer l’engagement de l’ensemble des parties prenantes, qui ont su réagir avec rapidité et efficacité par la mise en place d’un plan d’aide massif, que ce soit le fonds de solidarité, le PGE ou le chômage partiel. Au-delà de l’aspect strictement financier, c’est un message fort envoyé non seulement aux entreprises de notre pays, mais aussi à l’ensemble de nos concitoyens. La situation est grave, voire dramatique pour certains, et il convient d’apporter des solutions d’exception et adaptées. Lundi, le Président de la République a réaffirmé publiquement l’impérieuse nécessité de continuer à soutenir massivement notre économie, en allant encore plus loin pour ne laisser personne au bord du chemin. Parmi les mesures de ce deuxième PLFR, je tiens à saluer celles prises en faveur des entreprises fragiles ou en difficulté, avec notamment l’intervention du fonds de développement économique et social (FDES) et la prise en compte des entreprises en sauvegarde ; encore faut-il préciser ces points-là.

Concernant le PGE, les banques de dépôt étant des entreprises comme d’autres, je crains que certaines d’entre elles soient réticentes à prendre un risque, même si celui-ci n’est que de 10 %. Je rejoins ici ma collègue Véronique Louwagie : monsieur le ministre, ne pensez-vous pas que, pour suivre le cap tracé par le Président de la République, l’État doive garantir 100 % des prêts accordés aux entreprises délaissées par le réseau bancaire ?

Mme Claudia Rouaux. La France est confrontée à une crise sanitaire inédite, liée à l’épidémie du Covid-19, d’une gravité exceptionnelle en temps de paix pour notre société, notre économie et nos finances publiques. Ce projet de loi de finances rectificative pour 2020 présente un rapport sur l’évolution de la situation économique et budgétaire qui permet d’en prendre la pleine mesure. Des incertitudes demeurent sur la situation sanitaire, le déconfinement, les répercussions socio-économiques et le contexte international. Les hypothèses macroéconomiques prévoient une récession en 2020 : le recul du PIB serait de 8 % et ce serait donc la quatrième fois que la France entrerait en récession depuis 1950. Ce scénario entraîne une dégradation des finances publiques, un déficit public à 9 % et une dette publique à 115 % du PIB. À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles : la consolidation des moyens instaurés par la première loi de finances rectificative était indispensable et nécessaire. Cependant, il faudrait faire davantage pour limiter les conséquences économiques et sociales de la crise.

En matière économique, il existe des insuffisances : des entreprises fragilisées ne remplissent pas les critères pour bénéficier du fonds de solidarité et sont confrontées à des problèmes bancaires ; des commerces de proximité peuvent certes bénéficier du report des charges, mais cela s’avère insuffisant car les trésoreries ne suivent pas. Aussi une annulation des charges est-elle envisagée pour certains secteurs d’activité.

En matière d’état d’urgence sociale, il ne faut pas sous-estimer l’accroissement des inégalités et des fractures sociales et territoriales. Le Président de la République a certes annoncé une aide d’un milliard d’euros pour les familles les plus modestes, mais celle-ci ne figure pas dans ce texte. Pourriez-vous nous apporter des précisions sur cette mesure de justice sociale, ainsi que sur les primes octroyées aux fonctionnaires en reconnaissance de leur mobilisation exemplaire face à cette crise majeure ?

Enfin, notre groupe déposera des amendements visant à aider les ménages modestes et les étudiants précaires, mais aussi à soutenir des secteurs économiques, des acteurs associatifs et le monde de la culture.

Mme Patricia Lemoine. Notre groupe tient d’abord à saluer les mesures d’urgence prises par le Gouvernement pour soutenir massivement nos entreprises et protéger leurs salariés. Ce deuxième PLFR, en portant l’effort de 45 à 110 milliards d’euros, permet de combler de nombreux trous dans la raquette, concernant notamment les plus fragiles de nos entreprises.

Des difficultés nous sont remontées par le terrain : de trop nombreuses entreprises se voient encore aujourd’hui refuser l’accès au PGE. Ce sont bien évidemment les plus fragiles, et ce n’est pas acceptable au regard de la garantie qui est apportée par l’État. Il nous paraît nécessaire que l’État puisse continuer à mettre la pression sur le secteur bancaire pour que l’ensemble des acteurs jouent le jeu. Il serait d’ailleurs intéressant de disposer de chiffres quant à ces refus.

Par ailleurs, des difficultés se font jour pour les entreprises ayant comme unique courtier des néo-banques qui, ne disposant pas de l’agrément d’établissement de crédit, ne peuvent octroyer de crédit à leurs clients. Les entreprises concernées doivent-elles se tourner vers la Banque publique d’investissement (Bpifrance), ou bien actionner le nouveau système d’avance remboursable proposé par l’État avec l’enveloppe dédiée de 500 millions d’euros ?

Le scénario du Gouvernement mise sur un retour assez rapide à la normale, avec une consommation qui rebondirait au second semestre. Ne craignez-vous pas que, dans ce contexte si particulier – vous l’avez dit, monsieur le ministre de l’économie et des finances, le taux d’épargne est actuellement très important –, nombre d’entreprises et de consommateurs limitent leurs dépenses et adoptent, comme c’est le cas depuis plusieurs années, un réflexe d’épargne de précaution ? Dans ces conditions, comment soutenir un plan de relance actif de notre économie ?

Enfin, et comme le souligne le Haut conseil des finances publiques, ce PLFR 2 ne procède pas à une programmation de l’ensemble des recettes et des dépenses des administrations publiques ; pouvez-vous nous en donner les raisons ?

M. Charles de Courson. 5 à 10 % des entreprises sont écartées du PGE du fait de leur cotation insuffisante par la Banque de France – ce sont toutes celles cotées 5+ et au-delà. Le Gouvernement, monsieur Le Maire, serait-il prêt à accroître le taux de garantie de 90 à 95 ou 96 % pour sauver ces entreprises fragiles ?

Dans le cadre de la crise sanitaire, le Gouvernement propose d’inscrire vingt milliards d’euros au titre d’un programme nouveau, intitulé Renforcement exceptionnel des participations financières de l’État dans le cadre de la crise sanitaire. Pourquoi créer un programme nouveau, alors que des chapitres tout à fait suffisants figurent déjà dans la loi ? Et où en êtes‑vous des négociations avec Air France, Airbus, Aéroports de Paris (ADP) et d’autres entreprises publiques ?

Enfin, monsieur Darmanin, le Gouvernement propose d’inscrire 2,5 milliards d’euros en dépenses accidentelles. Celles-ci ne correspondent pourtant pas tout à fait aux dépenses accidentelles et imprévisibles évoquées dans l’article 11 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Pourquoi n’avez-vous pas créé directement un programme pour mettre en place un dispositif d’aide à nos concitoyens les plus modestes, sous la forme d’une prime de précarité et à hauteur d’un milliard d’euros ? C’est la même chose pour les plans sectoriels d’exonération de charges sociales et patronales, à hauteur de 750 millions d’euros pour les secteurs de l’hôtellerie, de la restauration, de l’événementiel et de la culture.

M. Éric Coquerel. Plus de cent milliards d’euros ont été injectés dans l’économie ; cela correspond à peu près au plan prévu dans l’Avenir en commun, le programme de la France insoumise en 2017, pour la transition énergétique, les services publics et la santé. Plutôt que de moquer notre programme et Jean-Luc Mélenchon qui le portait, ce qu’ont fait à l’époque les partisans de la pensée unique, on aurait peut-être dû gagner du temps en investissant pour mieux préparer le pays à une telle épidémie.

J’observe qu’il n’y a pas de recettes fiscales dans ce PLFR et qu’une fois de plus, vous ne mettez pas à contribution les revenus du capital – je pense à la remise en œuvre au moins provisoire d’un impôt sur la fortune (ISF).

Monsieur Le Maire, vous avez dit que la zone euro ne survivrait pas à un développement économique différencié. Je voudrais donc savoir comment vous allez préparer la France à la fin de la zone euro, puisque vous-même avez évoqué la différence entre l’Allemagne et l’Italie pour ce qui est du pourcentage de PIB consacré à la relance économique. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’on va vers un développement différencié et même vers une guerre économique. L’Allemagne s’y prépare et c’est à mon avis la raison pour laquelle elle a chichement accordé un fonds de garantie européen de 540 milliards d’euros tout en attribuant 640 milliards de garantie à ses seules entreprises. La solution serait que la Banque centrale européenne (BCE) rachète directement les dettes des États pour les annuler, au moins en ce qui concerne les dépenses provoquées par le coronavirus, un peu à la manière de ce que font les Américains.

Enfin, monsieur Le Maire, vous avez parlé de relocalisations ; c’est un mot que j’aime bien entendre, surtout dans ce contexte où l’on observe que nous souffrons d’un problème de souveraineté sanitaire. Je vous ai écrit il y a quelques mois à propos de l’entreprise Péters Surgical qui produit des pompes indispensables pour faire fonctionner les respirateurs. Elle ferme en juin, alors qu’elle produit aujourd’hui quatre fois plus que d’habitude pour fournir les hôpitaux. Si l’épidémie avait commencé en juillet, nous n’aurions pas disposé de ce matériel. Allez-vous nationaliser cette entreprise afin que, dans ce domaine, nous soyons souverains ?

M. Jean-Paul Dufrègne. Dans la situation que nous vivons, il faut en effet mobiliser tous les moyens disponibles. Travaillez-vous sur des hypothèses pour mobiliser les gros patrimoines et les gros revenus ? Cela me semble indispensable.

Les entreprises créées après le 1er février 2020 sont toujours exclues du fonds de solidarité ; c’est un trou qu’il faut combler.

Monsieur Le Maire, vous avez évoqué les groupements agricoles d’exploitation en commun (GAEC). Vous vouliez dire, je suppose, que la transparence s’appliquera et qu’il y aura autant de droits que d’associés. Pouvez-vous le confirmer ?

Il faut que les nombreuses entreprises artisanales qui n’ont pas de salariés et qui souffrent actuellement puissent également être éligibles au fonds de solidarité.

Vous aviez par ailleurs annoncé que les grands groupes versant des dividendes ne pourraient pas bénéficier d’aides publiques. Comment comptez-vous traduire ce vœu en une future mesure, et êtes-vous prêt à le faire ?

M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances. Pour ce qui est du retour d’expérience, je propose que nous fournissions chaque semaine à la commission des finances un tableau de bord des différentes mesures de soutien aux entreprises.

Laurent Saint-Martin m’a interrogé au sujet des 20 milliards d’euros de prises de participations de l’État. Ces fonds sont destinés aux entreprises vulnérables et prioritaires cotées et leur seront fournis sous forme d’apports en capital, de prises de participation ou éventuellement de nationalisations, ces dernières devant être temporaires car l’État n’a pas vocation à diriger l’économie mais simplement à protéger les industries sensibles.

Les entreprises en difficulté sont éligibles aux prêts garantis par l’État, ce qui constituera l’une des modifications importantes de ce texte de loi : ainsi, toutes les entreprises soumises à une procédure collective depuis le 1er janvier 2020 peuvent accéder au dispositif – en revanche, cela n’aurait pas de sens d’en faire bénéficier celles qui sont en liquidation judiciaire.

Sur l’accord européen, ce sont 240 milliards d’euros qui vont être débloqués au titre du Mécanisme européen de stabilité, qui peut être mis en œuvre dès lors que les spreads de taux d’intérêt entre la France et ses partenaires européens s’accroissent, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui : il n’y a donc pas de raison pour la France de recourir au MES, qui constitue cependant un filet de sécurité pouvant être utilisé à tout moment, personne ne sachant de quoi l’avenir sera fait.

Pour ce qui est des 100 milliards d’euros destinés au financement du chômage partiel, une partie de cette somme est effectivement destinée à la France, et il en est de même des prêts de la Banque européenne d’investissement : dans les semaines à venir, les entreprises françaises vont donc pouvoir disposer de 30 à 40 milliards d’euros de prêts à des taux particulièrement favorables, par l’intermédiaire de leurs agences bancaires et des guichets de la Banque publique d’investissement.

Je m’associe à l’hommage rendu par Joël Giraud à Bernard Stalter, président du réseau des chambres de métiers et de l’artisanat. Celui qui était un ami personnel et un homme fondamentalement bon a beaucoup fait pour l’artisanat. Sa disparition a constitué un choc immense pour tous ceux qui l’ont connu.

En ce qui concerne le fonds de solidarité, j’insiste sur le fait qu’il me paraît plus raisonnable que le deuxième étage de ce dispositif, qui vient d’être porté à 5 000 euros, reste réservé aux entrepreneurs employant un ou plusieurs salariés et se trouvant confrontés aux difficultés les plus importantes. Si nous laissions les entrepreneurs sans salariés avoir accès à ce deuxième étage, nous prendrions le risque qu’il ne puisse plus remplir son usage, consistant avant tout à éviter les licenciements. Par ailleurs, c’est bien lorsqu’on a des salariés que l’on a le plus besoin d’un complément de trésorerie.

Nous sommes actuellement confrontés à un problème d’engorgement, puisque 900 000 entreprises ont déjà fait appel à ce fonds de solidarité. Si elles demandent toutes à accéder au deuxième étage, qui prévoit un traitement des dossiers au cas par cas au niveau régional, nous aurons du mal à traiter l’ensemble de ces dossiers de manière sereine et objective.

Véronique Louwagie et Mohamed Laqhila ont évoqué la question de la garantie du prêt à 100 %. Pour ma part, je n’y suis pas favorable. En effet, la garantie de l’État à 100 % sur les prêts bancaires n’est rien d’autre qu’un cadeau fait aux banques, qui n’attendent évidemment que cela pour pouvoir prêter de l’argent à n’importe quelle entreprise sans courir aucun risque – puisque si une entreprise ne parvient pas à rembourser son prêt, la perte en résultant sera à la charge de l’État. Il ne me paraît pas raisonnable pour les comptes publics de prendre à notre charge des pertes aussi importantes – cumulées, elles atteignent plusieurs milliards d’euros – pour des entreprises qui auraient nécessairement été en difficulté. En tout état de cause, il me semble normal de partager les responsabilités et qu’à ce titre, les banques aient à assumer au moins dix points de responsabilité sur les risques de pertes. Par ailleurs, quand on fait une comparaison avec l’Allemagne, il faut la faire jusqu’au bout : je rappelle que le taux d’intérêt des prêts garantis à 100 % par le Bund allemand est à 3 %, contre 0,25 % pour les prêts garantis par la France. Contrairement à ce que l’on entend trop souvent dire, notre dispositif est donc aussi généreux que celui qui s’applique outre-Rhin.

Je répète à Claudia Rouaux, qui a évoqué les risques de fracture sociale et territoriale, que la réduction des inégalités est l’un des grands enjeux du lendemain de la crise sanitaire, et un point auquel nous devrons porter une attention particulière dans le cadre de la relance.

Pour ce qui est de l’accès des entreprises au PGE, évoqué par Patricia Lemoine, je rappelle que toutes les entreprises cotées jusqu’à 5+ par la Banque de France bénéficient automatiquement du prêt. Celles qui sont cotées 5 ou 6 ou qui ont un compte auprès d’une néo-banque et qui, pour l’une de ces raisons, ne trouvent pas de prêt garanti peuvent s’adresser à la médiation du crédit, chargée de leur trouver une solution. Si cela se révèle impossible, en dernière instance, elles peuvent recourir au système d’avance remboursable : c’est alors l’État qui finance les dépenses immédiates qu’elles pourraient être obligées d’engager.

Charles de Courson nous a interrogés au sujet de l’avancement des négociations avec Air France : je ne répondrai pas sur ce point, car il me semble préférable d’attendre pour cela que les discussions aient abouti.

Je veux dire à Éric Coquerel que nous allons tout faire pour préserver l’unité de la zone euro. Au-delà des instruments que j’ai déjà cités, le fonds de relance que la France a proposé est absolument vital. Nous souhaitons que ce fonds soit financé par la levée de dettes communes uniquement pour le futur : les eurobonds qui mettent en commun la dette future et la dette passée ne sont pas accessibles aujourd’hui et il n’y aura pas de compromis possible au niveau européen sur ce type d’obligations. En revanche, j’estime que nous pouvons nous battre pour lever de la dette commune sur des dépenses d’investissement et sur un temps limité. L’intérêt de ce dispositif, c’est qu’il est moins coûteux pour les États que ne le serait de la dépense publique immédiate. Il permet également de mettre en commun des taux d’intérêt négatifs en Allemagne et à 1,87 % en Italie pour les obligations à dix ans, donc de disposer d’argent à plus faible coût et de possibilités d’investissement sur les dépenses nécessaires.

Enfin, pour ce qui est des dividendes, évoqués par Jean-Paul Dufrègne, je rappelle qu’aucune grande entreprise qui en aura versé ne pourra avoir accès aux prêts garantis par l’État ou au report de charges sociales et fiscales. C’est une obligation que j’ai moi-même déjà commencé à faire respecter en refusant de porter ma signature sur les demandes de prêt de certaines grandes entreprises qui avaient versé des dividendes.

M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics. Monsieur le président, vous avez exprimé le souhait que soit communiqué chaque semaine à la commission des finances un état de l’application du premier PLFR, faisant si possible apparaître la répartition des mesures prises dans chaque département. Je vous communiquerai une information mensuelle. M. le président Éric Woerth. En période de crise, il vaut mieux disposer d’une information hebdomadaire…

M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics. Il est très difficile de rendre compte des décaissements effectués chaque semaine, mais je m’efforcerai de vous tenir informés en temps réel des mouvements budgétaires – pour ce qui est des prêts, je laisserai le soin à M. le ministre de l’économie de vous apporter lui-même une réponse.

Monsieur de Courson, je me permets de vous rappeler que la dotation pour dépenses accidentelles est prévue par l’article 7 de la LOLF. Mettre en œuvre cet article 7 – ce qui n’avait jamais été fait jusqu’à présent – va permettre de débloquer 2,5 milliards d’euros. Il appartiendra à votre rapporteur général de déduire des 2,5 milliards d’euros les 880 millions d’euros correspondant à la prime de précarité, afin de les affecter au ministère concerné. La dotation pour dépenses accidentelles sera bien utile pour recharger certains droits, notamment au profit des indépendants.

En ce qui concerne la contribution au fonds de solidarité, beaucoup d’annonces ont été faites. Je précise que l’État y a contribué, mais aussi des entreprises privées. Pour ce qui est des régions, seules deux d’entre elles, à savoir l’Occitanie et la Bretagne, ont d’ores et déjà fait savoir qu’elles procédaient au paiement des sommes annoncées. Enfin, les assurances ont à ce jour effectué deux versements, l’un de 100 millions d’euros, l’autre de 85 millions d’euros : il manque donc 15 millions d’euros par rapport à ce qui avait été convenu au terme de la première négociation menée par M. le ministre de l’économie – qui vous dira peut-être un mot au sujet de la deuxième négociation.

À l’heure actuelle, ce sont 684 millions d’euros qui ont été dépensés sur le total de 750 millions d’euros prévus par l’État pour les indépendants : il devient donc urgent, soit que le nouveau PLFR soit voté, soit que les régions versent leur contribution. Par ailleurs, 514 000 indépendants ont déjà reçu l’argent qu’ils attendaient, et je ferai parvenir à votre commission un état faisant apparaître comment cette somme se répartit département par département ainsi que les reports de charges ne faisant pas partie du fonds mais pouvant se cumuler avec celui-ci.

Pour ce qui est des 8 milliards d’euros affectés à la santé, je rappelle qu’ils relèvent des crédits de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) et non du PLFR. Ils comprennent 4 milliards d’euros affectés au financement de Santé publique France afin de permettre l’achat de masques, d’équipements de protection individuels, de produits de santé, d’équipements nécessaires à la réponse sanitaire, notamment dans les hôpitaux publics, conformément aux annonces faites par le Président de la République à Mulhouse. Il s’agit également des dépenses supplémentaires des établissements sociaux et médico-sociaux, notamment des EHPAD, du versement des primes annoncées par le ministre de la santé, ainsi que du surcoût lié aux indemnités journalières (IJ) versées en raison d’arrêts de travail dus au coronavirus – en tout, cela représente 4 milliards d’euros.

Mme Louwagie a estimé que l’application des dispositifs du premier PLFR était encore floue, ce qui ne me paraît pas justifié, puisque toutes les organisations syndicales et patronales saluent le travail accompli par le Gouvernement en matière budgétaire, fiscale et sociale.

Plusieurs d’entre vous, notamment des membres du groupe Socialistes et apparentés, estiment que la trésorerie des entreprises se trouve en péril dans la mesure où elles ne bénéficient que de reports de charges. Je rappelle qu’à l’heure actuelle, toute entreprise peut bénéficier d’un report de ses charges. C’est automatiquement le cas pour tous les indépendants et, pour ce qui est des autres entreprises, il suffit qu’elles adressent une demande en ce sens aux URSSAF.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Nous souhaitons majorer les heures supplémentaires des personnels soignants et non soignants de la fonction publique hospitalière sur l’ensemble du territoire et, pour ce qui est de la prime forfaitaire qui sera versée à ces mêmes personnels, évoquée par M. Saint-Martin et Mme Rouaux, je précise qu’elle sera de 1 500 euros dans les 28 départements les plus exposés – ce chiffre de 28 départements peut naturellement augmenter en fonction de la situation sanitaire – ainsi que dans les 128 établissements situés dans d’autres départements qui ont accueilli des patients atteints par le Covid-19. Son montant sera de 500 euros dans les autres départements ainsi que dans les établissements n’ayant pas accueilli de malades atteints du Covid.

Pour ce qui est de la prime versée aux fonctionnaires d’État, elle sera d’un montant de 1 500 euros maximum. Il reviendra aux ministères de décider quels agents sont éligibles et pour quel montant – celui-ci pouvant être fractionné en trois tiers. Quant à la prime versée dans la fonction publique territoriale, ce sont les collectivités qui décideront de verser ou non cette prime aux agents de leur territoire ou à certains d’entre eux et son montant sera plafonné à 1 000 euros.

Mme Nadia Hai. Je m’associe à M. le rapporteur général pour saluer l’accord obtenu avec les États membres de l’Union européenne. C’est un signal fort qui est ainsi adressé à la communauté internationale, conformément à ce que souhaitait le Président de la République. La France a été très active pour faire avancer ce dossier et les efforts de M. le ministre de l’économie et des finances ont fini par payer, ce dont nous nous félicitons.

Vous avez également obtenu une augmentation conséquente de la contribution des assureurs, monsieur le ministre, et nous saluons la promesse qu’ils vous ont faite de verser 1,5 milliard d’euros en fonds propres aux entreprises qui en ont besoin.

Le PLFR contient lui aussi des avancées considérables, notamment l’intégration au dispositif du PGE des entreprises entrées en procédure collective après le 31 décembre 2019. Cependant, les entreprises ayant des fonds propres négatifs mais des résultats nets positifs, par exemple les start-up, ne sont pas éligibles à ce dispositif. Qu’envisagez-vous pour qu’elles le soient ?

M. Marc Le Fur. Quelles sont les hypothèses d’évolution des taux d’intérêt au cours des mois à venir ? Par ailleurs, en ce qui concerne la baisse des charges des entreprises les plus fragiles, qu’est-il prévu de faire au sujet de la redevance des professionnels, une question particulièrement sensible dans le secteur de l’hôtellerie, puisque la redevance continue à être due alors même que les chambres sont inoccupées depuis plusieurs semaines ?

Il en est de même du versement transport (VT), dont les employeurs doivent toujours s’acquitter alors qu’il correspond à un service qui n’est pas rendu dans la période actuelle.

Si on a pensé aux salariés et aux chefs d’entreprise, les conjoints collaborateurs – notamment des femmes d’artisans et de commerçants – ne bénéficient d’aucun soutien.

Enfin, le déblocage des fonds d’intéressement et de participation est-il envisagé, et le cas échéant selon quelles modalités ?

Mme Valérie Rabault. Premièrement, la France n’a jamais levé autant de dettes – entre 350 milliards d’euros et 400 milliards d’euros cette année. Pouvez-vous nous indiquer comment ces opérations ont été sécurisées par la BCE ?

Deuxièmement, monsieur le ministre de l’action et des comptes publics, vous avez évoqué les primes et le soutien à ce que j’appelle l’urgence alimentaire. Pouvez-vous nous confirmer que toutes les annonces faites postérieurement aux mesures contenues dans le PLFR présenté ce matin en Conseil des ministres sont comprises dans la somme de 2,5 milliards d’euros que vous avez citée ?

Troisièmement, pouvez-vous nous préciser ce qui va être fait pour les étudiants qui se trouvent dans une situation précaire après avoir perdu le petit boulot qu’ils avaient pour financer leurs études ?

M. Jean-Paul Mattei. Si je salue l’abandon des 750 millions d’euros de charges dans le secteur de l’hôtellerie, il me semble qu’on pourrait également accompagner les entreprises subissant des pertes d’exploitation, notamment en fonds propres en haut de bilan. Ces pertes pourraient faire l’objet d’un remboursement au moment de la cession, grâce à une mesure fiscale adaptée. Cependant, c’est au niveau local que l’accompagnement peut se faire au plus près des entrepreneurs, notamment avec les nouvelles compétences données aux régions en matière de gestion des fonds de solidarité. Il faut se mettre en « mode start-up » car, si nos entreprises n’ont plus de chiffre d’affaires, elles ont un très gros potentiel. Messieurs les ministres, seriez-vous favorables à l’installation d’une agence régionale associant les intercommunalités, afin de donner plus de cohérence aux interventions effectuées en faveur des entreprises ?

Par ailleurs, ne pensez-vous pas qu’il soit temps de revisiter la loi PACTE ? En effet, tous ces processus nécessitent une intervention législative qui va couvrir tout le volet entrepreneurial.

M. François Pupponi. Quand le plan relatif au secteur de la restauration sera-t-il annoncé et mis en œuvre ?

Nombre de voix se font entendre pour essayer de faire en sorte que les bailleurs sociaux puissent baisser les loyers des populations les plus touchées par cette crise ? Avez‑vous prévu des mesures en la matière ?

M. M’Jid El Guerrab. Moratoire, allégement ou annulation ? La dette de l’Afrique s’élève à 365 milliards de dollars. La France, via le Président de la République, a pris des engagements très fermes au début de la semaine et aujourd’hui. Monsieur le ministre de l’économie, que pouvez-vous nous dire sur cette question ?

Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous faire le point sur la situation des fonctionnaires détachés à l’étranger ?

M. Jean-Paul Dufrègne. Je souhaite revenir sur la question des entreprises qui faisaient l’objet d’une procédure collective avant le 31 décembre 2019. Il faut éviter qu’elles soient victimes d’une double peine. Aussi est-il important que nos ministres se penchent sur ce dossier.

Mme Olivia Grégoire. Vous avez indiqué que la prime pour les agents publics et les fonctionnaires serait défiscalisée et désocialisée. Peut-on espérer une désocialisation des aides versées par le fonds de solidarité afin d’être dans l’équité et le parallélisme des formes ?

Avons-nous des marges de manœuvre pour faire des propositions sur les toutes petites entreprises et les travailleurs indépendants créés entre le 1er février et le 1er mars, car il y a là un manque ?

Pour accéder au PGE, il faut notamment ne pas avoir eu d’incidents bancaires, pas de rejet de chèque – sujet qui n’est pas anodin – ni de rejet de prélèvements. Or plusieurs indépendants ont vu leurs cotisations employeurs prélevées en mars par l’Urssaf rejetées, ce qui bloque l’accès au PGE. Pensez-vous qu’il soit possible de sortir les rejets de prélèvement des conditions d’accès au PGE ?

Mme Émilie Bonnivard. Comme vous l’avez dit, la filière hôtellerie-café-restauration et plus globalement la filière touristique française est touchée de plein fouet par la crise. L’absence d’annonce de date de reprise, même partielle, progressive ou aménagée, à quelques semaines seulement de la saison d’été est dramatique et fait peser un risque majeur sur la survie même des entreprises, sur leurs emplois et sur les territoires touristiques. Au-delà du plan annoncé, envisagez-vous un horizon de reprise pour la filière ? Ses acteurs sont prêts à travailler à des aménagements dès maintenant, mais ils ont besoin de visibilité.

Il est indispensable de simplifier et d’élargir l’accès au fonds de solidarité, trop d’entreprises en étant encore exclues. Je rejoins les propos de mon collègue Marc Le Fur en ce qui concerne les conjoints collaborateurs qui sont en majorité des femmes et ne sont pas éligibles. Pourquoi inclure les charges dans le plafond des bénéfices de 60 000 euros au-delà duquel les entrepreneurs ne sont pas éligibles ?

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas. Messieurs les ministres, je vous remercie pour tout ce qui a déjà été fait et tout ce qui est proposé.

Le Président de la République a annoncé un plan spécifique pour les cafés, hôtels et restaurants, le tourisme, le secteur événementiel, etc. En amont de ces secteurs, il y a des fournisseurs. Aujourd’hui, la chaîne de production des vignerons n’est pas complète, puisque, alors qu’ils continuent à s’occuper de leurs vignes, autrement dit que les charges continuent de courir, tous les salons ont été annulés et ils n’ont plus de trésorerie. Comme le confinement va perdurer pour ceux à qui ils vendent le vin, les vignerons risquent fort de subir des pertes. Des demandes très simples sont faites, mais je ne sais pas si elles relèvent du PLFR. Alors que l’on parle d’exonérations de charges pour les secteurs que je viens de citer, peut-on envisager aussi pendant le confinement une exonération des cotisations salariales pour les vignerons ?

M. Fabrice Brun. Vous avez appuyé sur le bouton stop de l’économie de proximité le 15 mars. Quand allez-vous appuyer sur le bouton stop des charges ? Quand allez-vous neutraliser a minima les mois de fermeture administrative pour une exonération totale des charges ? M. Darmanin a évoqué le chiffre de 750 millions d’euros qui, s’il peut paraître énorme, me semble bien faible au vu des enjeux. Combien d’entreprises – petites entreprises, restaurateurs, etc. – peuvent résister deux ou trois mois sans aucune rentrée d’argent ? La commission des finances et le Gouvernement doivent avoir conscience que les reports de trésorerie ou les 1 500 euros du fonds de solidarité pour ceux qui y ont accès ne suffiront pas pour nombre de commerçants, d’artisans, de travailleurs indépendants et de professions libérales. Vous pouvez imaginer tous les plans que vous voulez, mais si vous n’annulez pas les charges sur plusieurs mois, la casse sera considérable. Je veux me faire le porte-parole de l’hôtellerie-restauration, de la gastronomie et du tourisme : messieurs les ministres, aidez‑nous sinon on va tous crever !

M. Michel Castellani. Je voudrais revenir sur la proposition que j’avais faite d’utiliser autant que faire se peut l’épargne liquide des Français. Je ne comprends pas bien l’objet de la résistance opposée à cette proposition quand on sait que plus de 1 200 milliards d’euros d’argent liquide sont immédiatement disponibles et que l’endettement de l’État est détenu à 54 % par des non-résidents, ce qui correspond à une hémorragie qui frappe la demande, l’investissement et la croissance. Je souhaiterais qu’un grand emprunt d’État soit émis à destination du marché intérieur, afin de mobiliser une partie de l’épargne de ceux qui le veulent bien. Ce geste citoyen nous éviterait d’émettre des bons à l’étranger.

M. Christophe Jerretie. Comment avez-vous évalué les pertes de recettes – impôts sur le revenu et sur les sociétés, TVA et TICPE – et sur quelle période ?

M. Daniel Labaronne. Comment se fait-il qu’il y ait encore de trop nombreux dysfonctionnements au niveau de l’Agence de services et de paiement ? En effet de trop nombreuses entreprises ne parviennent toujours pas à se connecter pour demander l’autorisation de mettre au chômage partiel leurs salariés.

La Commission européenne a-t-elle commencé à déployer des moyens financiers, notamment en faveur de la France, dans le cadre des fonds structurels de l’Union européenne qui financent les dépenses de santé, ainsi que dans le cadre du dispositif qui finance des dépenses d’assurance chômage ?

M. Patrick Hetzel. Monsieur Le Maire, le fonds de solidarité français ne semble pas du tout être à l’échelle des besoins de nos TPE qui sont en danger. Il y a en France 2 millions d’entreprises de très petite taille qui réalisent 17 % de la valeur ajoutée nationale. L’Allemagne a mis 50 milliards sur la table, simplement pour soutenir ses très petites entreprises. Que comptez-vous faire pour sauver spécifiquement nos 2 millions de TPE françaises ?

Mme Stella Dupont. L’aide exceptionnelle de solidarité répond à un besoin pour ceux qui ont très peu pour vivre. À l’heure où l’on constate que la pauvreté est un facteur aggravant de la maladie et de la mortalité, comme le montre ce qui se passe malheureusement en Seine-Saint-Denis, cette mesure, dont le calibrage vient d’être précisé par Olivier Véran, est nécessaire. Cette aide est évaluée à 225 euros environ par foyer pour deux mois, ce qui est significatif pour ces familles. Mais peut-être conviendra-t-il d’y revenir compte tenu de l’extrême fragilité d’une part significative des Français.

M. Benoit Potterie. Bon nombre de travailleurs indépendants se retrouvent sans revenu. En 2004, pour relancer la consommation, le gouvernement de l’époque avait autorisé le déblocage exceptionnel du plan d’épargne entreprise (PEE) à hauteur de 10 000 euros. Sachant que plus de 60 % des travailleurs non salariés (TNS) possèdent un contrat de retraite de type Madelin, pourrait-on envisager une telle mesure pour leur apporter rapidement une rentrée d’argent ?

Mme Sabine Rubin. Je souhaite vous interroger sur le nouveau programme de 20 milliards pour le renforcement exceptionnel des participations financières de l’État. Pouvez-vous préciser quels secteurs et quelles entreprises sont concernés ? Vous parlez d’aider les entreprises qui en ont besoin. Pourriez-vous préciser quels sont ces besoins ? Il ne faut pas reproduire ce qui s’est passé en 2009, à savoir la mutualisation des pertes et la privatisation des profits.

Monsieur Le Maire, je souhaite revenir sur la question de mon collègue Éric Coquerel sur l’entreprise Péters Surgical à laquelle vous n’avez pas répondu.

M. Jacques Marilossian. Vous évoquez une décroissance de 8 % pour deux mois de confinement, ce qui ne me paraît pas beaucoup.

Si tout le monde demande le report de sa dette, ne risque-t-on pas de voir les taux d’intérêt augmenter par le simple jeu de l’offre et de la demande, ou bien faut-il uniquement compter sur la Banque centrale européenne ?

M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances. Madame Hai, je vous confirme que les entreprises à fonds propres négatifs ne peuvent pas avoir accès aux prêts garantis par l’État. Nous sommes en discussion avec la Commission européenne pour faire évoluer cette doctrine.

Messieurs Le Fur et Marilossian m’interrogent sur l’évolution des taux d’intérêt. Le spread français est relativement stable – autour de cinquante points de base – soit quasiment au même niveau qu’au début de l’année, d’abord en raison d’une bonne signature de la France. Les différentes agences, notamment Standard & Poor’s, ont salué la solidité d’une signature qui tient aux réformes qui ont été menées depuis trois ans. Cela montre que les transformations économiques que nous avons engagées sont payantes puisqu’elles nous évitent d’avoir un écart de taux d’intérêt trop important par rapport à l’Allemagne. Ce n’est pas le cas d’autres États européens de la zone euro qui n’ont pas engagé les mêmes réformes structurelles et qui, de ce fait, ont des spreads plus élevés. Ainsi, l’Italie a un spread de 200 points de base, même si ce taux est plus bas depuis l’intervention de la Banque centrale européenne.

Je demeure assez réservé sur le déblocage des fonds d’intéressement et de participation, parce qu’ils ont vocation à financer les départs à la retraite et un certain nombre de dépenses complémentaires. S’agissant du dispositif Madelin, on peut poursuivre le débat en fonction de l’évolution de la situation, mais je rappelle que ce dispositif est fait pour préparer la retraite et surtout qu’il est libellé en actions. Libérer une partie de son contrat Madelin alors que les marchés sont très bas ne serait pas une très bonne affaire pour les épargnants. Cela peut constituer une solution de dernier recours, mais je pense que les dispositifs que nous avons instaurés sont plus intéressants.

Madame Rabault, je vous confirme que nous n’avons pas de difficultés à lever de la dette. Entre la loi de finances initiale et le projet de loi de finances rectificative, elle est passée de 205 à 245 milliards d’euros. Je le répète, le spread français est stable en raison des réformes économiques que nous avons menées depuis trois ans. J’ajoute que nous n’avons pas de difficultés à financer cette dette parce que la Banque centrale européenne est intervenue massivement pour racheter de la dette obligataire. Elle est intervenue dans un premier temps en annonçant 250 milliards d’euros de rachat de dette obligataire en 2020, et elle a annoncé il y a une dizaine de jours 750 milliards d’euros supplémentaires. Au total, la BCE va racheter pour 1 000 milliards d’euros de dette obligataire des États. Tout cela nous donne donc évidemment une marge de manœuvre et nous permet de lever de la dette. La Banque centrale européenne a, de ce point de vue, parfaitement joué son rôle : les États peuvent se financer sur les marchés et financer des dépenses publiques aujourd’hui indispensables pour sauver l’économie. Comme il est très courant d’accabler l’Union européenne de tous les maux, je tiens à souligner que sans la zone euro et la BCE, nous serions en très grande difficulté pour financer nos mesures de soutien à l’économie. Cette fois-ci, la monnaie commune nous protège.

Monsieur Mattei, vous me demandez s’il faut réviser la loi PACTE. Pourquoi pas ? Cela fait partie d’un certain nombre de dispositions que nous pourrions prendre, notamment les mesures qui avaient été travaillées dans le cadre du Pacte productif.

S’agissant du plan de soutien à la restauration et à l’hôtellerie évoqué par M. Pupponi, je souhaite y travailler avec le ministre de l’action et des comptes publics dès la fin de la semaine, afin d’aboutir dans les premières semaines du mois de mai. Pour être tout à fait transparent, je ne suis pas capable de dire quand et selon quelles modalités les restaurants pourront rouvrir dans notre pays.

Nous ne pouvons pas courir le moindre risque avec la sécurité sanitaire des Français, qui reste la priorité absolue. Je ne peux donc pas prendre d’engagement sur ce sujet, même si je sais à quel point cette incertitude est pesante pour les restaurateurs, qui me contactent par dizaines, chaque jour. Lorsque nous aurons un peu plus de visibilité sur la situation sanitaire, nous préciserons ce qui sera autorisé.

Je vous rejoins totalement pour ce qui concerne les loyers et rencontrerai les grandes foncières d’ici à la fin de la semaine. Elles doivent faire davantage d’efforts pour prendre en charge les loyers, notamment ceux de certains commerçants.

Le soutien à l’Afrique qu’a évoqué M. El Guerrab est un enjeu majeur, même s’il semble lointain. Si une catastrophe économique survenait en Afrique, elle poserait des difficultés directes à la France. Dans le cadre du G20, qui se réunira dans quelques instants, nous avons obtenu un moratoire sur la dette de 74 pays parmi les plus pauvres de la planète, pour un montant de 32 milliards d’euros. Comme l’a indiqué le Président de la République, d’ici à la fin de l’année, nous verrons au cas par cas, en fonction de la soutenabilité de la dette de ces États, si ce moratoire doit être transformé en annulation de dettes. Cela ne pourra se faire qu’au cas par cas, dans un cadre multilatéral. Il n’est en effet pas souhaitable qu’une fois la dette annulée, d’autres puissances prennent notre place dans ces États en termes d’influence et de coopération.

Mais il faut faire davantage et nous plaidons, comme je l’ai fait hier dans le cadre du G7, pour que le Fonds monétaire international (FMI) s’engage encore plus dans le soutien aux pays africains. La directrice générale du FMI a proposé d’augmenter les allocations de droits de tirage spéciaux (DTS) pour 500 milliards de dollars. Nous soutenons entièrement cette initiative, qui est peu coûteuse pour les États membres et très efficaces pour les États bénéficiaires. Si nous nous heurtons pour l’instant à un refus américain, nous estimons que ce déblocage est le bon instrument pour soutenir les pays africains.

S’agissant des entreprises en procédure collective avant le 31 décembre 2019, je confirme à Jean-Paul Dufrègne que nous travaillons sur ce sujet, qui fait partie des points sur lesquels nous négocions avec la Commission européenne.

Je certifie par ailleurs à Olivia Grégoire que les aides du fonds de solidarité sont à la fois défiscalisées et désocialisées.

Émilie Bonnivard, bien que je le souhaiterais, je ne peux pas vous donner d’horizon de reprise pour la filière tourisme et restauration, si vitale dans votre région de montagne. Nous donnerons des précisions dès que nous le pourrons, mais cette reprise dépendra totalement de la situation sanitaire et des procédures de déconfinement qui seront introduites.

Pour répondre à la question de nombreux députés, je rappelle que ce PLFR propose un élargissement massif du fonds de solidarité, non seulement aux groupements d’exploitation en commun (GAEC) mais aussi aux entreprises en procédure de redressement. Nous avons également décidé de doubler le plafond de 60 000 euros de bénéfices, pour tenir compte du conjoint collaborateur. Ces mesures semblent répondre à la préoccupation légitime des députés.

Quant aux viticulteurs que Marie-Christine Verdier-Jouclas a évoqués, ils participent à une discussion avec Didier Guillaume.

S’agissant des exonérations totales de charges soulevées par Fabrice Brun, je laisserai le ministre de l’action et des comptes publics répondre. Toutefois, le dispositif de chômage partiel prévoit que l’État verse les salaires : les entreprises n’ont donc pas de charges sociales à acquitter.

Michel Castellani a traité de la mobilisation de l’épargne des Français. Aujourd’hui, on constate en effet que les Français, confinés, épargnent beaucoup, ce qui est normal et que je ne critique absolument pas. Le volume des encours des livrets A et des livrets de développement durable et solidaire augmente fortement.

En revanche, au moment de la relance, la priorité ira à l’investissement, même si des mesures de soutien de la demande seront nécessaires. Sans elles, d’après les discussions que j’ai eues avec les économistes et certains chefs d’entreprise, le comportement de précaution risquerait fortement de l’emporter. Nous resterions alors avec des montants très élevés d’encours du livret A et du livret de développement durable et solidaire, ce qui nuirait à notre économie.

Enfin, pour répondre à Patrick Hetzel, le fonds de solidarité me semble tout à fait à l’échelle. Si la somme d’un milliard d’euros, prévue initialement n’était peut-être pas suffisante, elle a été portée à 7 milliards. À partir de début mai, nous envisageons d’aller plus loin pour l’hôtellerie, la restauration et le tourisme. Nous ciblerons là les secteurs qui ne pourront pas reprendre leur activité économique car ils continueront d’être fermés.

Rappelons que, parmi les 50 milliards d’euros de dépenses consenties par l’Allemagne, figurent les allégements ou reports de charges sociales et fiscales, qui représentent 15 milliards d’euros par mois en France. Le dispositif me semble donc comparable.

Je demanderai enfin à Sabine Rubin et à Éric Coquerel de me transmettre le dossier de l’entreprise qu’ils ont citée. Nous l’examinerons avec la plus grande attention.

M. le président Éric Woerth. Comptez-vous rouvrir les commerces le 11 mai ?

M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances. Pour l’instant, aucune liste des commerces autorisés à reprendre leur activité à cette date n’a été établie. Un arrêté a simplement entraîné la fermeture de certains commerces, parmi lesquels les bars, les restaurants et les coiffeurs. La décision dépendra des modalités de déconfinement, sur lesquelles nous travaillerons avec Muriel Pénicaud dans les dix jours qui viennent.

M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics. Mme Rabault a évoqué la prime de précarité, qui recouvre en réalité quatre primes : la prime sociale dont parlait le Premier ministre ce matin ; la prime versée à la fonction publique hospitalière ; celle octroyée à la fonction publique d’État ; celle que pourront verser les collectivités locales, qui n’est pas compensée mais pour laquelle un outil juridique est du moins créé.

La prime pour la fonction publique d’État est versée en utilisant les crédits de fin de gestion. Les ministères en seront bientôt capables. Le montant global de cette prime est estimé à 300 millions d’euros, même si les employeurs doivent pouvoir la définir.

La prime pour la fonction publique hospitalière est plus élevée, conformément à ce qu’ont annoncé ce matin le Premier ministre et le ministre des solidarités et de la santé. Si elle n’est pas prévue dans le PLFR, elle figure bien dans les crédits de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM).

La prime précarité coûtera 880 millions d’euros, qui seront prélevés sur les 2,5 milliards d’euros de crédits de la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles, par un amendement du rapporteur général. L’ensemble de ces montants est donc bien budgétisé.

Enfin, nous examinerons la situation des vignerons, sur laquelle Mme Verdier-Jouclas a appelé notre attention. Nous ne pouvons pas annuler les charges de toutes les entreprises qui connaîtront des difficultés, mais des dispositions spécifiques pour les secteurs de la pêche ou de la vigne pourront être discutées. Elles ne concerneront cependant que les charges patronales, car les cotisations salariales sont payées par les salariés pour la protection sociale, lorsque l’activité reprend. À l’heure actuelle, une grande partie d’entre eux est certainement au chômage partiel.

Quant à l’intervention de M. Brun, M. le ministre de l’économie et des finances a rappelé l’évidence.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Monsieur El Guerrab, j’ai bien noté votre question sur les fonctionnaires à l’étranger, au sujet de laquelle vous m’aviez également écrit. Le ministère des affaires étrangères m’a indiqué que les mouvements dans la fonction publique diplomatique seront réalisés autant que possible. Ils dépendront évidemment de la possibilité qu’auront les fonctionnaires français à l’étranger de se déplacer. Ceux qui ne pourront pas se déplacer seront prolongés dans leurs fonctions. Comme nous l’avons déjà fait pour les emplois de direction de l’État, nous saurons le faire par voie réglementaire pour les emplois de la diplomatie, si cela est nécessaire, et au cas par cas. Je vous répondrai par écrit sur ce sujet.

M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics. Pour répondre à la question de M. Jerretie, qui est très importante pour la commission des finances, les prévisions de baisse des recettes fiscales sont difficiles à établir.

Nous avons prévu environ 42,7 milliards d’euros de recettes en moins, soit 32 milliards de différence par rapport au premier PLFR. Les recettes de l’impôt sur le revenu diminueraient de 4,6 milliards par rapport à la première loi de finances rectificative, notamment en raison de la baisse de la masse salariale et, pour l’impôt à la source, des modifications des taux de prélèvement entre deux acomptes.

Les recettes de l’impôt sur les sociétés diminueront fortement, de 13 milliards, par rapport à la première loi de finances rectificative, soit de près de 20 milliards par rapport au budget présenté il y a trois mois, notamment parce que les marges financières des entreprises se réduiront.

Pour la taxe sur la valeur ajoutée, nous prévoyons une diminution de recettes d’environ 9 milliards par rapport à la loi de finances rectificative votée il y a trois semaines. Elle s’explique principalement par la baisse de la consommation des ménages, qui se maintient tout de même grâce à l’activité de la grande distribution.

Les recettes de l’impôt sur les sociétés risquent donc de baisser davantage que celles liées à la taxe sur la valeur ajoutée. Ce point devra toutefois être vérifié.

Enfin, pour la taxe intérieure sur les produits énergétiques (TICPE), la baisse de recettes d’un milliard sera sûrement dépassée car rares sont les voitures qui circulent actuellement.

Je suis prêt à apporter une réponse écrite pour les autres impôts, si ces éléments intéressent la commission. De nombreuses indications figurent par ailleurs dans les documents fournis.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Ce deuxième PLFR est bien calibré s’agissant de l’importance respective de l’offre et de la demande au sein de la présente crise. L’interruption de l’ensemble de l’économie a suscité un arrêt net de l’offre et quelques difficultés pour la demande. Les mesures du présent PLFR apportent un soutien majeur à l’offre et une correction des inégalités qui peuvent se créer sur la demande.

Comme le disait M. le ministre de l’économie et des finances, une tendance similaire sera observée lors de la reprise de l’activité. Dès ce texte de loi, nous voyons donc les rails sur lesquels nous nous engageons.

M. le président Éric Woerth. Merci messieurs les ministres.

 

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   EXAMEN EN COMMISSION

Lors de ses séances du jeudi 16 avril 2020, la commission des finances, réunie selon les modalités arrêtées par la conférence de présidents du 14 avril 2020, a examiné le projet de loi de finances rectificative pour 2020.

M. le président Éric Woerth. Notre ordre du jour appelle l’examen du deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2020, qui sera débattu en séance publique demain.

Le délai de dépôt des amendements de notre commission a expiré à minuit, celui valant pour la séance expirant quant à lui aujourd’hui à dix-neuf heures.

Comme lors de l’examen du précédent collectif il y a quatre semaines, nous nous réunissons dans des conditions dérogatoires, en respectant strictement les consignes sanitaires et en appliquant ce qui a été décidé en Conférence des présidents ce mardi 14 avril : le nombre de députés présents est limité à trois par groupe ; chaque amendement déposé par un député peut être défendu par l’un des députés membre du même groupe, même s’il n’en est pas cosignataire ; chaque président de groupe ou représentant du président de groupe vote pour l’ensemble des commissaires membres du groupe, sauf s’il indique expressément que certains membres du groupe expriment un vote en sens contraire.

Le projet de loi comporte un article liminaire et neuf articles. Sur deux cents amendements déposés, quarante ont été déclarés irrecevables, pour les raisons habituelles tenant aux exigences de l’article 40 de la Constitution ou de la loi organique relative aux lois de finances.

Certains d’entre vous ont notamment voulu proposer la modification de règles applicables aux collectivités territoriales, par exemple celles relatives à l’équilibre réel des budgets locaux. Or seules celles des dispositions concernant les collectivités qui ont trait à la fiscalité ou aux dotations ont leur place en loi de finances ; ce n’est donc pas le cas des dispositions relatives à la comptabilité locale. De même, les amendements qui proposaient d’étendre le niveau ou le champ des garanties apportées par l’État ont dû être déclarés irrecevables, car ils sont considérés comme toujours coûteux, dans la mesure où ladite garantie est susceptible d’être mise en œuvre.

Concernant les modalités d’examen du texte, sur lequel 160 amendements sont à examiner, je suggère que nous entamions directement leur examen dès à présent ; on peut en effet considérer que la discussion générale sur l’ensemble du texte a eu lieu hier lors de l’audition de Bruno Le Maire, Gérald Darmanin et Olivier Dussopt.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous avons fait le choix il y a un mois de protéger les Français du coronavirus en mettant volontairement notre économie à l’arrêt.

Nous avons adopté dans la foulée un premier volet de mesures d’urgence qui devait répondre à plusieurs objectifs : amortir les conséquences économiques du confinement pour les entreprises, soutenir notre tissu productif face à l’inévitable récession de l’économie mondiale, protéger les emplois et les compétences afin de préserver la capacité de rebond de notre pays une fois la tempête passée.

Nous avons alors autorisé le Gouvernement à déployer un vaste filet de sécurité économique d’un montant de 45 milliards d’euros partagés entre quatre dispositifs : l’activité partielle, le fonds de solidarité en faveur de la trésorerie des petites entreprises, la garantie d’État pour les prêts bancaires et des reports de charges fiscales et sociales d’une ampleur inédite.

Nous savions alors déjà que les moyens substantiels engagés par ce premier projet de loi de finances rectificative (PLFR) allaient devoir être complétés, « rechargés », tant il est difficile de prévoir comment évoluera la conjoncture économique selon l’évolution de l’épidémie.

Aussi l’objectif premier du présent PLFR bis est-il de prolonger l’effort budgétaire, de renforcer l’intensité du soutien à l’économie et d’élargir les dispositifs de protection existants.

Je tiens à saluer le travail de l’ensemble des députés, qui se sont fait les garants de l’application sur le terrain des mesures votées dans l’hémicycle. Leurs retours, tant sur les difficultés rencontrées et les angles morts constatés que sur les succès obtenus, ont nourri et enrichi ce nouveau PLFR. Grâce à cet effort de coconstruction, nous sommes aujourd’hui en mesure de resserrer les mailles du filet de sécurité économique que nous avons collectivement tissé.

Ce deuxième PLFR fait plus que doubler l’enveloppe consacrée aux mesures d’urgence, qui atteint désormais 110 milliards d’euros. Le dispositif d’activité partielle fonctionne : 8,7 millions de salariés en bénéficient désormais. Nous le dotons de 15,5 milliards d’euros supplémentaires, dont 10,5 à la seule charge de l’État, avec un montant cumulé de 24 milliards d’euros. Ce sont autant de salariés auxquels nous épargnons le risque du chômage, autant de compétences que nous préservons pour permettre à notre économie de repartir demain.

Près de 900 000 entreprises de moins de dix salariés ont fait appel au fonds de solidarité pour bénéficier, au minimum, du premier étage de la fusée, soit une aide mensuelle de 1 500 euros. Ce sont autant de petites structures viables et vitales pour notre tissu productif aidées pour ne pas devoir mettre la clé sous la porte.

Pour répondre aux besoins massifs qui se sont fait jour, la contribution de l’État au fonds de soutien passe donc de 750 millions à 5,5 milliards d’euros. Avec le concours des régions, des assureurs et des grandes entreprises, le montant global du fonds devrait atteindre près de 7 milliards d’euros.

Cette enveloppe élargie répond aussi à des considérations de fond : sur le terrain, nous avons observé que la première mouture du fonds de soutien était parfois trop restrictive pour répondre à toutes les situations. Le Gouvernement a donc étendu les critères d’éligibilité en faisant passer le seuil de perte de chiffre d’affaires de 70 % à 50 %. Pour mieux prendre en compte l’impact de la crise, cette perte pourra désormais être calculée à partir de la moyenne des douze mois d’activité, et non plus du seul mois de mars 2019. Les aides versées par le fonds seront exonérées d’impôts, et le plafond de la tranche d’aide supplémentaire versée au cas par cas, actuellement fixé à 2 000 euros, sera porté à 5 000 euros.

Les banques ont accordé à 200 000 entreprises 10 milliards d’euros de prêts garantis à 90 % par l’État. Les entreprises faisant l’objet d’une procédure collective, notamment celles placées en procédure de sauvegarde depuis le 1er janvier 2020, pourront désormais y accéder.

À ce filet de sécurité aux mailles resserrées s’ajouteront de nouveaux dispositifs à destination des entreprises. Pour protéger les secteurs stratégiques de la faillite ou de la prédation, l’État se dote d’une capacité de prise de participation financière de 20 milliards d’euros au travers du compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État. Afin de protéger les entreprises fragiles, la capacité de prêt du fonds de développement économique et social (FDES) sera portée à un milliard d’euros. Enfin, pour protéger les entreprises exportatrices des risques d’impayés, le plafond de l’assurance crédit export sera rehaussé de 2 à 5 milliards d’euros.

En outre, nous étendons le filet de sécurité du côté de la demande aux ménages les plus fragiles, qui bénéficieront du soutien forfaitaire annoncé hier par le Premier ministre.

Enfin, le travail accompli dans des conditions extraordinaires par les agents publics hospitaliers, d’État et territoriaux est reconnu par le versement de primes exceptionnelles exonérées d’impôts et de cotisations et contributions sociales.

Ce qui compte, c’est que personne, aucune entreprise, aucun emploi, aucun territoire de la République ne soient laissés de côté. Je vous propose d’entamer l’examen des amendements, dans l’esprit de concorde et d’unité nationale qui avait fait notre force lors du premier PLFR.

*

*     *

 

 


—  1  —

   EXAMEN DES ARTICLES

Article liminaire
Prévision de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques pour l’année 2020

Résumé de l’article

Le solde public prévu par la loi de finances initiales pour 2020 (LFI 2020) était de – 2,2 % du PIB, soit un déficit intégralement structurel. Après une révision par la première loi de finances rectificative le fixant à – 3,9 %, le solde public pour 2020 est fixé par le présent article à – 9 % du PIB.

L’aggravation du déficit public par rapport à la prévision initiale (– 6,8 points) de la LFI 2020 est due à l’aggravation de la conjoncture économique (– 5,2 points) et à la prise de mesures exceptionnelles pour lutter contre la crise (– 1,6 point).

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   L’État du droit

Le présent article porte sur les prévisions pour 2020 de soldes des finances publiques toutes administrations publiques confondues, et non sur le seul budget de l’État.

Il offre ainsi une vision consolidée de l’ensemble des finances publiques : administrations publiques centrales, administrations publiques locales et administrations de sécurité sociale.

Aux termes de l’article 7 de la loi organique  2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, doit être présenté dans l’article liminaire des lois de finances rectificatives « un tableau de synthèse retraçant, pour lannée sur laquelle elles portent, létat des prévisions de solde structurel et de solde effectif de lensemble des administrations publiques, avec lindication des calculs permettant détablir le passage de lun à lautre ».

L’article liminaire est donc impérativement présent dans tout projet de loi de finances rectificative : il garantit que le Gouvernement aura tenu compte des évolutions de la conjoncture économique et des conséquences des dispositions qu’il présente sur les principaux soldes publics.

II.   Le dispositif proposé

Le présent article propose le tableau de synthèse suivant :

Soldes DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES pour les annÉes 2018 À 2020

(en % du PIB)

Soldes

Exécution 2019

LFI 2020

Prévision 2020

Solde structurel (1)

– 2,0

– 2,2

– 2,0

Solde conjoncturel (2)

0,0

0,1

– 5,3

Mesures exceptionnelles et temporaires (3)

– 1,0

– 0,1

– 1,7

Solde effectif (1 + 2 + 3)

– 3,0

– 2,2

– 9

Source : article liminaire du présent PLFR.

A.   Commentaire gÉNÉral

Le présent PLFR a pour principal objet d’adapter, face à la durée et l’effectivité de la crise actuelle, le dispositif d’urgence mis en place par la première loi de finances rectificative pour soutenir l’économie française. Les prévisions de soldes publics qu’il présente permettent de mettre à jour l’impact budgétaire estimé, à date, de la crise que le pays traverse actuellement.

Cet impact s’élève à 6,8 points de PIB par rapport à la loi de finances initiale pour 2020, adoptée avant la propagation de l’épidémie de Covid-19.

COMPARAISON DES Soldes DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES pour 2020

(en % du PIB)

Soldes

LFI 2020

LFR 1

PLFR 2

Écart PLFR 2 / LFI

Solde structurel (1)

– 2,2

– 2,2

– 2,0

+ 0,0 *

Solde conjoncturel (2)

0,1

– 1,3

– 5,3

 5,2

Mesures exceptionnelles et temporaires (3)

– 0,1

– 0,4

– 1,7

 1,6

Solde effectif (4 = 1 + 2 + 3)

 2,2

 3,9

 9

 6,8

* Comme pour la LFI 2020, le présent PLFR prévoit un maintien du solde structurel de 2020 à son niveau de 2019. Auparavant évalué à 2,2 points de PIB, le déficit structurel de 2019 est désormais estimé à 2,0 points de PIB.

Source : articles liminaires de la loi de finances initiale pour 2020 et du présent projet de loi de finances rectificative.

Il importe de relever que, comme pour l’article liminaire de la LFR 1, la précision de ces nouvelles prévisions est nécessairement compromise par la multitude de facteurs inconnus qui auront un effet sur le solde public de l’année 2020. Ces facteurs, qui peuvent avoir un effet positif ou négatif sur le solde public, sont nombreux et de portée ample : fin du confinement actuel, période effective de sortie de l’épidémie, capacité de rebond de l’économie française, résilience de nos partenaires économiques, etc.

Compte tenu des fortes incertitudes associées à ces nouvelles prévisions de finances publiques, le Haut Conseil des finances publiques émet un avis réservé : les rapides évolutions des « prévisions macroéconomiques affectent le scénario de finances publiques (…), notamment s’agissant des recettes fiscales et sociales. Des risques significatifs pèsent également sur le montant des dépenses, résultant en particulier des dispositifs nouveaux mis en place ou de ceux qui pourraient être prochainement décidés pour faire face à la crise. Dès lors, le déficit public pourrait être plus dégradé que prévu par le 2e PLFR » ([110]).

B.   Analyse dÉTAILLÉe

L’une analyse détaillée de l’évolution des soldes publics depuis la LFI 2020 et depuis la publication de la LFR 1 le 23 mars dernier est disponible dans la fiche n° 2 de l’exposé général.

*

*     *

La commission examine l’amendement CF129 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Reconnaissons-le : nous sommes en plein brouillard, et toute prévision macroéconomique relève d’un exercice un peu surréaliste. Je suis néanmoins choqué que le solde structurel soit réduit de – 2,2 % à – 2 %. Le taux de croissance potentielle sera forcément revu à la baisse en raison de la chute prévue de 17 % des investissements des entreprises non financières. Je propose d’en rester prudemment à un solde structurel à – 2,2 % et d’ajuster le solde conjoncturel à – 5,1 %.

J’aimerais par ailleurs connaître la ventilation du déficit public entre l’État et les organismes divers d’administration centrale (ODAC), la sécurité sociale et les collectivités territoriales. Ces éléments figurent classiquement dans l’exposé des motifs des projets de loi financiers ; j’en avais fait la demande lors de l’examen du précédent PLFR, sans succès. D’après mes calculs, le déficit devrait se situer à 9 % du PIB, soit un peu plus de 200 milliards d’euros : 184 milliards d’euros de déficit pour l’État hors ODAC, 10 milliards d’euros d’excédent pour les collectivités territoriales (contre une quinzaine de milliards en loi de finance initiale) et quelque 43 milliards de déficit pour la sécurité sociale.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Comme dans chaque PLFR, le Gouvernement s’appuie sur ses propres prévisions macroéconomiques. Toutefois, je vous l’accorde, l’horizon n’est pas totalement éclairci, tout simplement parce que la crise sanitaire est loin d’être terminée. Et la reprise n’est pas pour demain.

On ne peut reprocher au Gouvernement un manque d’honnêteté quant à la trajectoire des finances publiques : quand on prévoit une récession de moins 8 %, un déficit public estimé à 9 points de PIB et un endettement à 115 points de PIB, c’est bien que l’on s’attend à un choc très brutal.

Concernant le solde structurel, je suis convaincu que nous pouvons parier sur une reprise rapide de notre économie et sur la capacité de résilience de notre pays, ce dont il a fait montre lors de précédentes crises, et ainsi espérer une fin d’année plus souriante. Il faut donc prendre les prévisions gouvernementales comme elles sont présentées aujourd’hui. Évolueront-elles d’ici au prochain projet de loi de finances ? Probablement.

Notre capacité de rebond sera déterminante pour la reprise, et tout ce que nous mettons en œuvre pour protéger nos entreprises et nos emplois concourt à la renforcer et à donner raison aux chiffres présentés.

S’agissant de votre deuxième préoccupation concernant les précisions propres à chaque catégorie d’administrations publiques, je la partage, mais on peut comprendre que les administrations aient du mal à assurer un suivi détaillé des déficits en raison même de la soudaineté de la crise et de l’urgence propres aux mesures proposées. Je relaierai néanmoins votre demande auprès du Gouvernement, comme je l’avais fait le mois dernier.

M. le président Éric Woerth. Les chiffres sont faux, tout simplement parce que personne n’a aucune certitude ; ils sont sans cesse réévalués. Comme nous l’avions pressenti, les prévisions du mois dernier sont aujourd’hui rectifiées : le déficit notamment est multiplié par neuf, mais cela reste une estimation. Tout dépendra des conditions de la reprise et du moment de la levée du filet de sécurité.

Le Gouvernement parie sur une reprise rapide, ce qui n’est pas impossible, mais la crise étant mondiale, il sera néanmoins assez difficile de remettre en route sans délai les chaînes de valeurs, d’autant que le niveau de l’épargne augmente, les habitudes de consommation vont changer, les gens resteront très prudents. Et quand on part de très bas, on met du temps à remonter l’escalier… c’est classique.

Il faut donc prendre ces chiffres comme ils sont : ils témoignent seulement d’un plongeon considérable.

M. Gilles Carrez. Le solde structurel est celui qui élimine les effets conjoncturels. Or la crise sanitaire a été présentée dès le début, et à juste titre, comme exceptionnelle, tant pour les dépenses que pour les recettes. Il eût donc été plus sage de laisser le solde structurel tel qu’il avait été prévu dans la loi de finances initiale, comme nous l’avions fait dans le premier collectif. C’est du simple bon sens.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Ce qui importe, c’est que la trajectoire des prévisions soit cohérente avec les données dont nous disposons, et à cet égard on ne peut reprocher au Gouvernement un manque de sincérité. Comme je l’avais dit le mois dernier, tout sera réévalué. La modification du solde structurel correspond à une mise à jour récente portant sur l’année 2019, qui n’avait pas été effectuée le mois dernier.

Ces chiffres sont évidemment à prendre avec toutes les précautions nécessaires ; nous n’avons pas beaucoup plus de certitudes que nous n’en avions il y a un mois. Ce texte n’a d’autre but que de recharger nos batteries pour permettre un rebond le plus « enlevé » possible, pour reprendre les mots du Président de la République.

M. Charles de Courson. Il y a déjà un mois, j’ai demandé pourquoi on ne nous présentait pas un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS). L’impact de cette crise sur les comptes sociaux sera considérable : le déficit de la sécurité sociale pourrait atteindre 40 milliards selon mes calculs.

Le rapporteur général avait alors repris à son compte l’idée de demander au Gouvernement de présenter cette répartition des déficits en séance. Le Gouvernement ne pourrait pas nous annoncer un déficit public de neuf points dans ce PLFR sans avoir réalisé ce calcul. Pourquoi ne pas nous le présenter ?

On nous répond qu’un PLFRSS est inutile car l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) n’est qu’indicatif ; certes, mais nous devons nous prononcer sur un article garantissant l’emprunt de l’UNEDIC, dont le déficit s’aggraverait de 7 milliards d’euros.

La commission rejette l’amendement CF129.

Elle adopte l’article liminaire sans modification.

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*     *

Après l’article liminaire

La commission est saisie de l’amendement CF33 de Mme Valérie Rabault.

M. Jean-Louis Bricout. Nous souhaitons également que le Gouvernement communique l’évolution du solde de déficit des administrations de sécurité sociale et des administrations publiques locales.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il est trop tôt pour disposer de chiffres stabilisés, mais je partage le souhait de connaître le plus tôt possible le détail des déficits pour les trois catégories d’administrations publiques.

M. Charles de Courson. Avez-vous des informations sur la future loi de programmation des finances publiques, annoncée pour la fin du mois d’avril ? Si tel était le cas, cet amendement n’aurait plus d’objet.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Vous pouvez demander au ministre chargé des relations avec le Parlement le calendrier pour ce projet. Mais je crois qu’un tel exercice serait assez vain alors que nous discutons chaque mois d’un nouveau PLFR… Tant que nous ne serons pas sortis de la tempête, ce ne sera sans doute pas d’actualité.

M. le président Éric Woerth. Pouvons-nous considérer que l’article liminaire fait office de programme de stabilité ? Dans la mesure où il est évidemment impossible d’élaborer une trajectoire pluriannuelle, ces chiffres sont-ils ceux que nous allons envoyer à la Commission européenne dans les prochains jours ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Oui. Le programme de stabilité est concomitant au présent PLFR et leurs fondements sont communs, car les calendriers se superposent.

M. Charles de Courson. Le programme de stabilité ne portera que sur l’année 2020 et ne s’étendra pas aux années suivantes.

La commission rejette l’amendement CF33.

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*     *

 

 


   PREMIÈRE PARTIE : CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE PREMIER
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

Mesures fiscales

Article 1er
Exonération des sommes versées par le fonds de solidarité aux entreprises

Résumé du dispositif proposé

En l’état du droit, les règles de détermination de l’assiette imposable des entreprises conduisent à y inclure les aides et subventions. Dès lors, les aides prévues dans le cadre du fonds de solidarité, destinées à soutenir les très petites entreprises et les indépendants, seraient prises en compte pour le calcul de l’impôt sur les bénéfices, mais aussi pour celui de certaines charges sociales dont l’assiette est adossée aux résultats des entreprises.

Afin de maximiser l’impact du fonds et de soutenir le plus efficacement possible les entreprises qui en bénéficient, le présent article consacre la neutralité fiscale des aides versées par le fonds à travers :

– l’exonération de ces aides d’impôt sur les sociétés, d’impôt sur le revenu et de charges sociales ;

– l’absence de prise en compte de ces aides pour l’appréciation de limites relatives à certains régimes et modalités d’imposition.

Le coût de cette neutralisation est estimé à près de 1 milliard d’euros, l’impact portant essentiellement sur l’exercice 2021.

L’entrée en vigueur de ces mesures est subordonnée à leur conformité avec la réglementation européenne en matière d’aides d’État, imposant la notification du dispositif à la Commission européenne. Cette entrée en vigueur ne pourra être postérieure de plus de quinze jours à la réception de la réponse de la Commission.

Dernières modifications intervenues

Parmi les mesures d’urgence adoptées pour faire face à la crise du Covid-19, a été prévu un fonds de solidarité destiné à verser des subventions aux petites entreprises en difficulté. Ce fonds a été créé par l’ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020. Ses critères d’éligibilité et ses modalités de fonctionnement ont été précisés par le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 modifié par le décret n° 2020-394 du 2 avril suivant.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

 

I.   L’État du droit

Les règles d’imposition du résultat des entreprises et certaines modalités de détermination de l’assiette sociale sont calculées à partir des recettes dégagées. Ces dernières, parmi d’autres postes, incluent les subventions, telles que celles versées aux plus petites entreprises par le nouveau fonds de solidarité.

A.   Les modalitÉs de dÉtermination des assiettes fiscales et sociales

Les subventions que perçoivent les entreprises, comme leurs autres produits, sont incluses dans l’assiette fiscale et, le cas échéant, sociale, et sont également retenues pour l’appréciation des seuils et plafonds concernant certains régimes d’imposition.

1.   La détermination de l’assiette fiscale

Les modalités de détermination du résultat imposable d’une entreprise dépendent de son régime fiscal – IS ou IR –, de son régime d’imposition – réel ou micro-fiscal – et de la catégorie de revenus dans laquelle son activité se situe : bénéfices industriels et commerciaux (BIC), bénéfices non commerciaux (BNC) et bénéfices agricoles (BA).

a.   La détermination du bénéfice soumis à un régime réel d’imposition

● Dans le cadre d’un régime réel d’imposition ou lorsque l’entreprise est soumise à l’IS, le bénéfice correspond, de manière schématique, à la différence entre les produits et les charges, ces dernières incluant les dépenses supportées dans l’intérêt de l’exploitation professionnelle ou encore les amortissements des immobilisations.

Les modalités spécifiques de détermination des BIC sont prévues aux articles 34 et suivants du CGI, le bénéfice étant défini à l’article 38 et reposant sur la différence entre les valeurs de l’actif net à la clôture et à l’ouverture de la période d’imposition.

Sous réserve de certaines dispositions particulières, ces modalités sont également applicables aux BA (en application de l’article 72 du CGI) et aux entreprises à l’IS (sur le fondement de son article 209).

Le BNC, lui, correspond en vertu de l’article 93 du CGI à la différence positive entre les recettes totales et les dépenses professionnelles ou, sur option de certains contribuables et en application de l’article 93 A du même code, à l’excédent des créances acquises sur les dépenses déductibles.

● Les entreprises dont le chiffre d’affaires ne dépasse pas certaines limites peuvent relever d’un régime réel simplifié, dans le cadre duquel les obligations comptables et déclaratives sont allégées. Les limites de chiffre d’affaires en deçà desquelles le régime simplifié peut s’appliquer varient selon la catégorie de revenus et d’activités

Pour les BIC, et en application de l’article 302 septies A bis du CGI, les plafonds, jusqu’à leur prochaine révision triennale, sont de :

– 789 000 euros pour les activités de commerce et d’hébergement ;

– 238 000 euros pour les autres activités.

Ces plafonds sont identiques à ceux du régime simplifié d’imposition en matière de TVA prévus à l’article 302 septies A du CGI, auquel renvoie l’article 302 septies A bis. Ce dernier article prévoit également à son VI une dispense de bilan pour certaines entreprises, lorsque leur chiffre d’affaires n’excède pas 158 000 euros pour les activités de commerce et d’hébergement, et 55 000 euros pour les autres activités.

Ces dispositions ne sont pas applicables en cas d’activité occulte, en vertu de l’article 302 septies A ter B du CGI.

En ce qui concerne les bénéfices agricoles, le plafond du régime réel simplifié est fixé à 352 000 euros, ainsi qu’il résulte de l’article 69 du CGI.

b.   La détermination de l’assiette imposable dans un régime micro‑fiscal

Dans le cadre des régimes micro-fiscaux, l’assiette imposable est déterminée selon des modalités particulières reposant sur l’application au chiffre d’affaires (ou aux recettes) d’un abattement forfaitaire variable selon l’activité, censé représenter les charges supportées. Sont éligibles à de tels régimes micro-fiscaux les contribuables dont les recettes n’excèdent pas un certain plafond variable selon le régime.

Le tableau suivant dresse la synthèse des plafonds et abattements applicables au titre des trois régimes micro-fiscaux : micro-BIC, micro-BNC et micro-BA.

SynthÈse des rÉgimes micro-fiscaux

Activités

Catégorie de revenu

Fondement législatif
(articles du CGI)

Plafond de CA prévu par le CGI
(en euros)

Abattement forfaitaire

Commerce et hébergement

BIC

50-0

170 000

71 %

Prestations de service et locations meublées

70 000

50 %

Activités non commerciales

BNC

102 ter

70 000

34 %

Activités agricoles

BA

64 bis et 69

82 800

87 %

N.B. 1 : le plafond et l’assiette pour le régime micro-BA sont une moyenne triennale : ils correspondent à la moyenne des recettes de l’année d’imposition et des deux années précédentes. Le plafond des régimes micro-BIC et micro-BNC s’applique aux recettes de l’année civile précédente ou de la pénultième année.

N.B. 2 : les plafonds de 170 000 euros et 70 000 euros seront respectivement portés à 176 200 euros et 72 600 euros au titre des revenus 2020.

Source : commission des finances.

2.   Les charges sociales liées aux recettes de l’entreprise

Outre leur dimension essentielle dans le volet fiscal, les recettes d’une entreprise sont utilisées pour déterminer certaines cotisations et contributions sociales.

Peuvent ainsi être mentionnées :

– la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), dont l’assiette est déterminée en appliquant au chiffre d’affaires un abattement de 19 millions d’euros – elle ne concerne donc pas les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à ce montant, notamment les TPE et les indépendants ;

– les cotisations sociales dues par les travailleurs indépendants relevant d’un régime micro-fiscal, en application des articles L. 613-7 et suivants du code de la sécurité sociale, déterminées par application au chiffre d’affaires d’un taux global défini à l’article D. 131-5-1 du même code et égal à :

● 12,8 % pour les activités de commerce et d’hébergement ;

● 6 % pour la location de meublés de tourisme ;

● 22 % pour les autres cas, dont les prestations de services et les professions libérales non réglementées.

– les cotisations sociales dues par les travailleurs indépendants ne relevant pas de l’article L. 613-7 précité, qui sont assises sur les revenus d’activité retenus pour le calcul de l’IR, ainsi que le prévoit l’article L. 131-6 du code de la sécurité sociale ;

– la contribution à la formation professionnelle due par les indépendants au titre de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 6331-48 du code du travail, assise sur le chiffre d’affaires et dont le taux est de 0,1 % ou 0,3 % selon la nature de l’activité réalisée.

3.   L’imposition des subventions et aides publiques

Les subventions que versent aux entreprises les personnes publiques, dont l’État, constituent des aides financières qui représentent un produit et, dès lors, doivent être retenues pour la détermination de l’assiette imposable ­ et, le cas échéant, de l’assiette sociale. À titre d’exemple, en matière de BIC, cette intégration résulte du 1 de l’article 38 du CGI. Il en va différemment seulement si la subvention donne ultérieurement lieu à remboursement, s’analysant alors comme une simple avance : dans ces conditions, si une recette est inscrite à l’actif, une dette d’un même montant est inscrite au passif, et le bénéfice n’est pas affecté par la somme reçue.

Les subventions doivent en principe être rattachées aux résultats de l’exercice au cours duquel elles sont acquises. Toutefois, certaines subventions peuvent faire l’objet d’une imposition étalée sur plusieurs exercices. Tel est le cas des subventions d’équipement, en application de l’article 42 septies du CGI : la subvention est rapportée au résultat en même temps et au même rythme que celui auquel l’immobilisation est amortie.

En conséquence, en l’absence d’une disposition législative expresse en disposant autrement, une subvention non remboursable est de nature à accroître l’assiette imposable d’une entreprise au titre de la période d’imposition de son octroi, et donc le montant des charges qu’elle devra acquitter.

B.   Le soutien des entreprises en difficultÉ par le nouveau fonds de solidaritÉ

● Sur le fondement de l’habilitation en ce sens prévue par le a du 1° du I de l’article 11 de la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 ([111]), le Gouvernement a mis en place, au moyen de l’ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 précisée par des décrets ([112]), un fonds de solidarité destiné à soutenir les TPE, les agriculteurs, les travailleurs indépendants et les professions libérales sévèrement touchés par la crise.

Ce fonds permet aux entreprises éligibles de bénéficier d’aides, sous la forme de subventions – aux termes de l’article 2 du décret du 30 mars 2020 –, et comporte deux volets :

– le premier volet prévoit l’octroi d’une aide de 1 500 euros (ou d’un montant égal à la perte de chiffre d’affaires si celle-ci est inférieure à 1 500 euros) ;

– le second volet est réservé aux entreprises les plus en difficulté qui emploient au moins un salarié, faisant face à un réel risque de faillite ; il consiste en une aide complémentaire de 2 000 euros, que le Gouvernement prévoit de porter à 5 000 euros.

Il est renvoyé aux développements de la fiche n° 5 de l’exposé général, consacrée à ce fonds de solidarité, pour une présentation plus complète de son fonctionnement et des critères d’éligibilité des entreprises susceptibles d’en bénéficier ([113]).

● Les aides versées aux entreprises au titre du fonds de solidarité sont destinées à leur permettre de faire face à la crise dans les meilleures – ou les moins mauvaises – conditions possibles, notamment en leur permettant de s’acquitter des charges qu’elles doivent.

Néanmoins, en l’état du droit, ces aides ont vocation à être incluses dans les recettes des entreprises les percevant et viendront ainsi accroître leur assiette fiscale et, le cas échéant, sociale.

Elles pourraient également conduire des entreprises à dépasser les plafonds en deçà desquels certains régimes particuliers s’appliquent, tels que les régimes micro-fiscal, micro-social et réel simplifié.

Il apparaît donc nécessaire, pour donner sa pleine portée au fonds de solidarité, que ses aides fassent l’objet d’une neutralité fiscale et sociale. Telle est la volonté du Gouvernement, annoncée dès le 31 mars 2020 dans le dossier de presse présentant le fonds et son fonctionnement, qui indiquait que le fonds « permettra le versement d’une aide défiscalisée » ([114]), la foire aux questions publiée le 6 avril 2020 ajoutant qu’une mesure d’exonération allait figurer dans une prochaine loi de finances ([115]).

Une telle mesure, pour les raisons précédemment évoquées dans le cadre de l’étude du droit existant, suppose l’intervention d’une disposition législative : c’est le sens du présent article.

II.   Le dispositif proposé

Le dispositif prévu par le présent article consiste en une neutralisation fiscale et sociale des aides perçues dans le cadre du fonds de solidarité, notamment à travers leur exonération d’impôts et de charges sociales, représentant un coût budgétaire de près d’1 milliard d’euros.

A.   La neutralisation fiscale et sociale des aides du fonds de solidaritÉ

Sous réserve de la confirmation de sa compatibilité avec le droit européen en matière d’aides d’État, le dispositif proposé prévoit que les aides versées par le fonds de solidarité, d’une part, sont exonérées d’IS et d’IR ainsi que de charges sociales, et d’autre part, ne sont pas retenues pour la détermination de l’application de certains régimes.

1.   L’exonération fiscale et sociale des aides du fonds de solidarité

● Le premier alinéa du présent article consacre dans la loi les annonces gouvernementales sur le traitement fiscal et social des aides versées aux entreprises par le fonds de solidarité prévu par l’ordonnance du 25 mars 2020 précitée.

En application de ce 1°, ces aides seront exonérées :

– d’IS et d’IR ;

– de cotisations et de contributions sociales d’origine légale ou conventionnelle, telles celles dues par les indépendants et assises sur le chiffre d’affaires réalisé.

Ces exonérations s’appliquent indépendamment de la forme juridique ou de l’activité des entreprises, dès lors que ces dernières sont éligibles aux aides prévues par le fonds et en bénéficient effectivement. Par conséquent, le dispositif ici prévu concernera aussi bien les entreprises imposées d’après un régime réel, simplifié ou non, que celles relevant d’un régime micro-fiscal dans le cadre duquel l’assiette imposable correspond au chiffre d’affaires auquel est appliqué un abattement forfaitaire.

2.   L’absence de prise en compte des aides pour l’appréciation de limites conditionnant le bénéfice de certains régimes

En application du deuxième alinéa du présent article, les aides versées par le fonds de solidarité ne seront pas retenues pour l’appréciation des limites de chiffre d’affaires des entreprises prévues dans le cadre de certains régimes.

Sont ainsi concernées par le dispositif proposé :

– les limites de chiffre d’affaires prévues dans le cadre des régimes micro-fiscaux :

● à l’article 50-0 du CGI s’agissant des régimes micro-BIC ;

● à l’article 69 du même code s’agissant du régime micro-BA et du régime réel simplifié agricole ;

● à l’article 102 ter dudit code s’agissant du régime micro-BNC.

– les limites de chiffre d’affaires prévues à l’article 302 septies A bis du CGI, en deçà desquelles les entreprises peuvent relever du régime réel simplifié en matière d’imposition des bénéfices dans la catégorie des BIC et être dispensées de bilan ;

– les limites de chiffre d’affaires prévues à l’article 151 septies du CGI, en deçà desquelles les entreprises exerçant une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole bénéficient d’une exonération fiscale totale ou partielle, selon les cas, des plus-values professionnelles qu’elles réalisent.

Il convient de souligner que la référence aux articles dédiés aux régimes micro-fiscaux a pour effet d’exclure la prise en compte des aides pour l’appréciation des limites des régimes micro-sociaux, qui sont déterminées par renvoi à ces articles.

3.   Une entrée en vigueur subordonnée à l’appréciation du dispositif en matière d’aides d’État

Face à la crise actuelle, la Commission européenne a assoupli la réglementation européenne relative aux aides d’État afin d’assurer l’adoption de mesures nationales ambitieuses de soutien à l’économie, se fondant pour ce faire sur le b du 3 de l’article 107 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. A ainsi été mis en place un encadrement temporaire des mesures nationales relevant de cinq types, dont les aides directes sous la forme de subventions.

Dans ce cadre, la France a notifié le dispositif relatif au fonds de solidarité à la Commission, qui l’a jugé compatible avec les normes européennes par deux décisions des 30 mars et 2 avril 2020 – la seconde décision portant sur l’élargissement du fonds par l’abaissement du seuil de perte de chiffre d’affaires ([116]).

Le dispositif proposé de neutralisation fiscale et sociale s’inscrivant dans le cadre du fonds de solidarité et lui étant indissociable, il doit faire l’objet d’une notification à la Commission.

Le dernier alinéa du présent article précise en conséquence les modalités d’entrée en vigueur des exonérations des aides et de leur absence de prise en compte dans l’appréciation de certaines limites fiscales et sociales. Cette entrée en vigueur est subordonnée à la réponse positive de la Commission, et sa date sera fixée par un décret, sans pouvoir être postérieure de plus de quinze jours à la date à laquelle la réponse de la Commission aura été reçue.

La circonstance que l’entrée en vigueur du présent article soit postérieure à la date de versement de certaines aides ne fera pas obstacle à ce que lesdites aides soient bien concernées par la neutralisation prévue : c’est la différence entre entrée en vigueur et application.

B.   L’impact budgÉtaire et Économique

Le dispositif prévu au présent article porte sur un coût estimé à environ 1 milliard d’euros, correspondant au gain fiscal et social que les entreprises tireront des allégements fiscaux et sociaux afin d’assurer la pleine efficacité des mesures de soutien mises en place.

1.   Un coût global de l’ordre de 1 milliard d’euros portant essentiellement sur l’exercice 2021

D’après l’évaluation préalable de l’article, l’impact budgétaire du dispositif sera de 960 millions d’euros répartis sur les exercices 2020 et 2021 selon les modalités figurant dans le tableau ci-après.

Chronique de l’impact budgÉtaire pour l’État du dispositif proposé

(en milliard d’euros)

Année

2020

2021

2022

Total

Impact budgétaire

0,07

0,89

0,00

0,96

Source : évaluation préalable du présent article.

Cet impact repose sur l’estimation du montant des aides qui seraient versées en mars et avril, soit 5,5 milliards d’euros, et sur la perte fiscale résultant de la neutralisation prévue compte tenu du niveau d’imposition marginal moyen des entreprises bénéficiant des aides du fonds.

● L’essentiel de l’impact portera sur l’exercice budgétaire 2021, dans la mesure où les conséquences fiscales des mesures proposées s’imputeront sur le solde de l’impôt dû au titre de 2020, soit en 2021 – y compris en matière d’IR, le prélèvement à la source des titulaires de BIC, BNC et BA étant, sauf modulations des contribuables, assis sur les revenus des années N – 2 et N – 1.

Cependant, une partie de l’impact aura lieu dès 2020 en raison d’exercices ne coïncidant pas avec l’année civile et dont le solde interviendra cette année-là.

● Ce coût ne constitue qu’une estimation qui sera nécessairement affinée au fil du temps, compte tenu :

– du degré de recours au fonds, et du nombre et des montants des aides ;

– du caractère bénéficiaire ou non des entreprises percevant les aides, les entreprises déficitaires n’acquittant pas d’IS ou d’IR au titre de leur activité – or, le risque qu’un grand nombre d’entreprises enregistrent un résultat négatif du fait de la crise est malheureusement élevé.

L’impact est neutre pour la sécurité sociale en raison de la compensation par l’État des pertes de recettes résultant du dispositif proposé, qui résulte de l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale.

● En tout état de cause, le coût budgétaire de la neutralisation fiscale et sociale des aides versées par le fonds est indissociable de l’existence de ce dernier et présente un caractère relatif : la mesure prévue par le présent article n’aurait eu aucun impact sur les finances publiques en l’absence du fonds, et donc par rapport à la situation antérieure à l’ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 qui l’a créé.

Si la neutralisation fiscale avait pu être consacrée concomitamment à la création du fonds, l’impact aurait été nul ­ c’est d’ailleurs l’approche retenue s’agissant de l’exonération de prime prévue à l’article 5 du présent texte.

Dès lors la perte de recettes peut être relativisée, ce d’autant plus que la défiscalisation des aides versées par le fonds était prévue dès l’origine.

2.   Une mesure donnant son plein effet aux aides pour les entreprises en difficulté

Ainsi que cela a déjà été rappelé, le dispositif prévu au présent article assure l’effectivité juridique de l’engagement gouvernemental sur le traitement fiscal et social des aides du fonds de solidarité et s’inscrit plus largement dans le vaste et ambitieux plan de soutien économique et social prévu par le Gouvernement.

Cet article maximise l’intensité du soutien que ce fonds fournit aux entreprises, dans la mesure où les aides qui seront versées profiteront à leurs bénéficiaires pour l’intégralité de leur montant, sans qu’une fraction de ce dernier n’échappe aux entreprises.

En outre, l’absence de prise en compte des aides dans l’appréciation de certaines limites de chiffre d’affaires permettra aux entreprises :

– d’éviter de changer mécaniquement de régime et donc de risquer d’être soumises à des dispositions moins favorables ou supposant des obligations administratives plus prononcées – particulièrement pour les entreprises proches des plafonds de régimes micro-fiscaux ;

– de ne pas risquer d’être privées du bénéfice des exonérations de plus-values professionnelles.

Eu égard à l’estimation du coût budgétaire, proche du milliard d’euros, l’opportunité de la neutralisation fiscale et sociale des aides est évidente. Le Rapporteur général ne peut ainsi que se réjouir de la mesure proposée, qui sera bénéfique en termes de préservation des entreprises et de l’activité et de sauvegarde de l’emploi.

*

*     *

M. Charles de Courson. La région Grand Est a créé un fonds de solidarité régional, alimenté par la région, les départements, les intercommunalités et la Banque des territoires. Son montant est de 44 millions d’euros.

Monsieur le rapporteur général, êtes-vous d’accord pour que les fonds versés par ce fonds régional bénéficient du traitement fiscal que l’article 1er accorde au fonds national ? J’avais déposé un amendement en ce sens, mais il a été déclaré irrecevable.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Cette discussion doit se tenir entre les régions et l’État ; l’article 1er ne traite que du fonds national.

M. Charles de Courson. Je l’avais bien compris, mais pourriez-vous présenter un amendement pour étendre le régime de l’article 1er aux fonds de solidarité locaux ?

M. Marc Le Fur. Une initiative analogue est en cours en Bretagne, où communes, intercommunalités, départements et régions versent toutes 2 euros par habitant afin de constituer un fonds de cette nature. Le même traitement fiscal sera-t-il appliqué à ce type de fonds ?

M. Gilles Carrez. Il serait logique que ces fonds régionaux soient traités de la même manière que le fonds national, tout le monde est d’accord sur ce point.

M. le président Éric Woerth. Il faudra déposer un amendement en séance pour que le Gouvernement nous donne sa réponse. Ce n’est pas ce qui est prévu dans le texte à ce stade.

Mme Véronique Louwagie. L’article 1er prévoit d’exonérer les sommes versées par le fonds de solidarité de tout impôt et contribution sociale, mais qu’en est-il des cotisations sociales ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Le ministre en a fait mention dans son allocution d’hier et l’exonération de cotisations sociales est expressément prévue dans le dispositif proposé.

M. le président Éric Woerth. Juridiquement, l’exonération de cotisations sociales est bien prévue, mais son coût n’est pas chiffré dans le projet de loi.

La commission adopte l’article 1er sans modification.

*

*     *

Après l’article 1er

La commission examine l’amendement CF70 de Mme Sabine Rubin.

Mme Sabine Rubin. Nous proposons la suppression de plusieurs niches fiscales dont bénéficient certains secteurs les plus polluants, comme le remboursement sur le kérosène aérien, dont le coût dépasse 3 milliards d’euros, et le remboursement du gazole pour le transport routier. Si nous voulons préparer l’entrée dans le monde d’après, il serait souhaitable de restituer ces recettes fiscales à l’État. En 2016, la Cour des comptes estimait que les dépenses nuisibles à l’environnement représentaient 13 milliards d’euros chaque année.

La suppression des niches fiscales proposées permettrait de financer l’augmentation des salaires demandée par les personnels soignants, pour un montant de 300 euros, ainsi que les recrutements nécessaires à l’hôpital. Il faut entrer dans une autre logique afin de préparer le monde d’après et une relance qui ne pourra être que verte.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je suis favorable à l’idée de réexaminer la pertinence de certains dispositifs fiscaux néfastes à l’environnement, mais en pleine tempête je ne crois pas opportun de s’attaquer aux secteurs, déjà fragilisés, qui bénéficient d’exonérations de TICPE. Je comprends qu’il s’agit d’un amendement d’appel et je peux souscrire à l’idée d’alerter sur le monde d’après, mais pour l’heure mon avis est défavorable.

La commission rejette l’amendement CF70.

Elle en vient à l’amendement CF75 de Mme Sabine Rubin.

Mme Sabine Rubin. La pollution et les dégâts causés à l’environnement tuent également des millions de personnes. Nous ne pouvons pas dire que nous ne savions pas, il faut trouver des solutions.

Cet amendement, dans la même logique, reprend une proposition d’ATTAC tendant à instaurer unilatéralement et immédiatement une taxe carbone complémentaire pour l’ensemble des sites industriels français soumis au marché carbone européen. Ce rattrapage des exonérations de taxe carbone bénéficiant aux grandes entreprises permettrait d’assurer la mise à l’abri et le confinement des personnes sans domicile.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable : en cette période, je refuse toute aggravation de la situation fiscale de n’importe quelle industrie.

La commission rejette l’amendement CF75.

Elle en vient à l’amendement CF48 de M. Éric Coquerel.

M. Éric Coquerel. Le ministre de l’économie a parlé hier de relocalisations, le Président de la République lundi soir de nationalisations, mais nous ne constatons pas beaucoup d’efforts en ce sens.

Trois entreprises devraient être concernées par ces dispositifs si l’on considère sérieusement la souveraineté sanitaire : Luxfer, qui produit des bonbonnes d’oxygène pour les hôpitaux ; Famar, qui peut produire des médicaments, dont la chloroquine ; et Péters Surgical, le leader européen du dispositif médical à usage unique.

Cette dernière, qui réalise des bénéfices mirifiques, a prévu un plan social pour délocaliser son usine en Inde au mois de juin prochain. Mais elle fonctionne actuellement aux trois-huit pour produire les sondes Motin, essentielles à l’équipement des lits de réanimation. Si l’épidémie nous avait touchés en juillet, les 30 000 sondes excédentaires produites en ce moment nous auraient manqué, comme nous manquons de masques après la fermeture en 2018 de l’usine de Plaintel qui produisait 5 000 masques par heure.

Pour l’instant, rien n’est prévu dans ce PLFR pour nationaliser des entreprises qui produisent des équipements indispensables à la sécurité sanitaire.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. L’augmentation de 20 milliards d’euros du compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État a précisément pour but de financer des prises de participation et l’accompagnement à la relocalisation de certaines productions. Il n’est pas nécessaire de supprimer des dispositifs fiscaux pour ce faire.

La commission rejette l’amendement CF48.

Elle en vient à l’amendement CF119 de M. Jean-Noël Barrot.

M. Jean-Noël Barrot. Après l’intervention du Président de la République, des collectivités locales se demandent si le fonds de compensation pour la TVA pourra couvrir les dépenses d’achat de protections individuelles.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Le FCTVA est prévu pour rembourser des dépenses d’investissement, c’est ce qui justifie entre autres la tolérance des institutions européennes à son égard. Il ne me semble pas possible de l’utiliser pour des dépenses de fonctionnement, mais je vous invite à interroger le ministre à ce sujet en séance publique.

M. le président Éric Woerth. D’autant que nous allons demander une suppression de la TVA sur les équipements en question…

L’amendement CF119 est retiré.

La commission est saisie de l’amendement CF142 de M. Jean-Noël Barrot.

M. Jean-Noël Barrot. Cet amendement offre l’occasion de saluer le dispositif exceptionnel décidé pour soutenir les entreprises et éviter les faillites : suspension des cotisations, des factures d’eau et d’électricité, et engagement des bailleurs à suspendre une partie des loyers.

Le fonds de solidarité – complété par ce PLFR – et les prêts garantis par l’État offrent deux solutions aux entreprises pour les traites restantes, mais ils souffrent de deux limites. Tout d’abord, l’accumulation de dettes, fussent-elles garanties par les PGE, fait craindre pour la situation de certaines entreprises à l’issue de cette crise. De plus, si l’État prend à sa charge tous les loyers des artisans et des commerçants, la facture globale sera très lourde pour les finances publiques.

Nous proposons d’utiliser un dispositif existant, l’abandon de créances, en permettant au créancier, bailleur ou banquier, disposé à abandonner une créance, de la déduire de son résultat imposable. Cette mesure désendetterait l’artisan ou le commerçant et soulagerait les finances publiques.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. L’objectif est louable : il s’agit de poursuivre le soutien aux entreprises. Néanmoins, au-delà du fait que cet amendement n’est pas chiffré, ce qui me gêne toujours un peu, je me demande s’il est bien ciblé : profitera-t-il réellement aux structures les plus fragiles ? L’outil est probablement efficace, mais ne risque-t-il pas de bénéficier à des entreprises qui n’en auront pas nécessairement besoin, car elles iront plutôt bien à la sortie de la crise ? Je vous propose que nous en débattions demain en séance publique.

M. Gilles Carrez. Cet amendement est extrêmement intéressant : il faut creuser cette piste, d’autant que nous avons des retours assez inquiétants sur un sujet un peu voisin : les crédits-bailleurs maintiennent leurs exigences en ce qui concerne les échéances et leurs montants. Si on veut donner de l’oxygène aux entreprises, reporter, annuler ou réduire des loyers me paraît une très bonne idée. Cela permettra notamment d’économiser des fonds publics, même si l’amendement prévoit une déductibilité fiscale.

Mme Véronique Louwagie. Je soutiens totalement l’amendement. Le rapporteur général objecte que son coût, fiscal, n’est pas chiffré, mais je pense qu’il sera très inférieur à celui de l’injection de fonds publics.

M. Christophe Naegelen. Les biens commerciaux ou industriels peuvent appartenir à des banques mais aussi à des particuliers, par le biais de sociétés civiles immobilières (SCI) ou à titre personnel. Toutes les situations seront-elles prises en compte ? Si un particulier décide d’abandonner un loyer, y aura-t-il une déduction sur l’impôt sur le revenu ? Sur quelles bases sera-t-elle calculée ? Cela étant, cette proposition me paraît extrêmement intéressante. Elle permettrait d’arriver à une situation gagnant-gagnant, sans impact sur les finances de l’État.

M. Jean-Louis Bricout. Je trouve aussi cet amendement plutôt pertinent. Les petites entreprises, qui ont des charges fixes, s’endettent et vont se trouver acculées. Elles risquent d’être en grand danger. Le rapporteur général a dit que certains acteurs pourraient être avantagés, mais l’amendement aidera quand même des entreprises qui, compte tenu de leurs charges, ne pourraient pas s’en sortir autrement que grâce à des dépenses publiques. On réalisera ainsi des économies.

M. Marc Le Fur. Il semble qu’il y ait beaucoup de problèmes du côté des crédits-bailleurs, Gilles Carrez l’a dit : ils se refusent à toute concession vis-à-vis de leurs locataires. Il faudra s’atteler à cette difficulté d’une manière ou d’une autre ; cet amendement fait peut-être partie des solutions.

Mme Bénédicte Peyrol. Le dispositif qui nous est proposé peut être intéressant sur le plan des finances publiques ; encore faut-il vérifier s’il est bien ciblé sur les bailleurs et les entreprises. Je ne sais pas si nous pourrons le faire d’ici à demain, mais nous sommes prêts à y réfléchir.

M. Charles de Courson. L’affaire est compliquée. L’exposé des motifs souligne que l’abandon de créances est déjà prévu par la loi, mais d’une façon très encadrée : il ne peut répondre qu’à des motifs commerciaux. L’amendement va-t-il au-delà ? Il me semble que oui, sinon il n’y aurait aucune raison de le proposer. Mais j’ai du mal à en percevoir les conséquences : n’y a-t-il pas un risque de détournement dans le cadre des relations intragroupe et de tentations d’optimisation fiscale ?

M. le président Éric Woerth. Sans doute, mais il y a par exemple également des risques de détournement avec le chômage partiel…

Mme Christine Pires Beaune. L’idée est intéressante mais je crois, moi aussi, qu’il faut cibler davantage. L’amendement s’appliquerait indistinctement à tout type d’entreprise. Par ailleurs, on devrait peut-être s’interroger sur la manière d’amener les bailleurs à participer à l’effort. S’agissant des baux commerciaux, je n’ai rien vu venir pour l’instant.

M. Jean-Noël Barrot. Je vais retirer l’amendement pour le retravailler.

Des chefs d’entreprise nous disent qu’ils sont en train d’accumuler beaucoup de dettes. Or il faut penser à la reprise : on n’a plus tellement envie de repartir quand on est surendetté. Plutôt que de donner 5 000 euros à un indépendant, on obtiendrait un abandon de créance de la part du bailleur ; peut-être devrions-nous nous caler sur le champ des bénéficiaires du fonds de solidarité : ce serait ou l’un ou l’autre, l’abandon de créance ou les 5 000 euros.

L’utilisation de ces mesures dans un cadre intragroupe sera normalement exclue. Nous en avons discuté lorsque j’ai déposé l’amendement, mais je vais quand même m’en assurer.

On pourrait imaginer d’étendre le dispositif aux particuliers, par le biais d’une déduction ou d’un crédit d’impôt. Les bailleurs sont en principe inclus, puisqu’ils ont des créances sur les entreprises.

Il faut évidemment faire en sorte que les finances publiques ne soient pas perdantes au total. Mais le créancier, de son côté, ne récupérera que 33 % de ce qui lui est dû : il acceptera une perte immédiate. S’il le fait, c’est qu’il considère qu’il court le risque de ne pas être remboursé à terme.

M. le président Éric Woerth. C’est un mécanisme analogue à ce qui prévaut pour la fiscalité des dons.

M. Gilles Carrez. J’ai posé la question des loyers lors de la réunion de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) qui s’est tenue la semaine dernière – la CDC encaisse beaucoup de loyers, soit directement, soit par le biais de filiales, comme Icade. Dans le cadre du rôle d’amortisseur ou d’investisseur de long terme de la Caisse, ne peut-on pas envisager des mesures d’étalement, de report ou de diminution temporaire des loyers ? Mes collègues y étaient plutôt favorables, mais le représentant du Trésor s’y est catégoriquement opposé. Bercy tient le raisonnement suivant : on accorde des aides, à travers le fonds de solidarité et les prêts garantis par l’État, mais tout le reste doit fonctionner comme avant, faute de se retrouver face à des problèmes en cascade. Il est très important d’en débattre demain.

M. Christophe Naegelen. J’ai un problème avec les généralités au sujet des bailleurs. Beaucoup d’artisans et de commerçants détiennent le bien immobilier qu’ils utilisent dans le cadre d’une SCI, imposée à l’impôt sur les sociétés ou à l’impôt sur le revenu. Ces personnes ont investi leur propre argent pour être propriétaires et ne pas avoir de bailleur. Cette situation sera-t-elle traitée de la même façon que les relations intragroupes ? Si tel est le cas, des entreprises ne bénéficieront pas du dispositif alors qu’elles sont en difficulté, leur seule faute, si je puis dire, étant d’être propriétaire de leur bien. Des petits artisans et commerçants pourraient se trouver fortement pénalisés. Soyons très vigilants.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je voudrais revenir au cœur de l’amendement, qui ne concerne pas les créances des bailleurs en particulier : son objet est beaucoup plus large. Je suis d’accord avec M. de Courson : ceux qui vont bien bénéficieront de ce dispositif, par un effet d’aubaine, et la question des relations intragroupe reste posée. Par ailleurs, on ne peut pas dire qu’il n’y aura pas d’impact sur les finances publiques : on va forcément réduire des assiettes fiscales.

L’amendement CF142 est retiré.

La commission est saisie de l’amendement CF4 de M. Pierre Cordier.

M. Marc Le Fur. Cet amendement est relatif à des dispositifs importants d’aménagement du territoire, dont bénéficient des secteurs déjà en difficulté et qui devaient arriver à leur terme à la fin de l’année. Nous proposons de les proroger jusqu’en 2022. Il s’agit des bassins d’emploi à redynamiser (BER), qui concernent essentiellement les régions Grand Est et Occitanie ; mais la même question pourrait se poser à propos d’autres mesures, notamment les zones de revitalisation rurale (ZRR). Il faut que ces dispositifs, pour l’instant à l’arrêt, puissent concourir à la reprise.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Cet amendement tend à proroger, sans apporter d’autres modifications, les exonérations prévues dans le cadre des BER, qui concernent les Ardennes et l’Ariège. Or ce dispositif a pour objet d’attirer des entreprises et d’inciter à leur implantation sur ces territoires, non d’apporter un soutien : c’est un peu en décalage avec les mesures prévues pour soutenir la trésorerie et permettre à tout le monde d’être encore à flot après la tempête.

Par ailleurs, je crois qu’on aurait tort de territorialiser les aides dans le contexte actuel, qui est celui de la gestion d’urgence. Les outils proposés par le Gouvernement ont une grande vertu : ils permettent d’arroser large, au bénéfice de la trésorerie de toutes les structures, qu’elles soient petites, moyennes ou grandes, et ce sur l’ensemble du territoire national, incluant donc les outre-mer. En effet, tout le monde a besoin d’aides à la trésorerie. Les mesures applicables aux BER ont leur propre pertinence, comme celles prévues par d’autres dispositifs de zonage. Mais elles ne procèdent pas de la même logique, j’ai déjà eu l’occasion de l’indiquer. Qui plus est, il n’y aurait aucune raison de ne pas en faire de même pour les autres dispositifs zonés, tels que les ZRR.

En conséquence, j’émets un avis défavorable à l’amendement. Nous devons rester dans une perspective nationale afin d’aider tout le monde de la même manière et de ne pas créer des déséquilibres et des inégalités à la sortie de la crise.

M. Marc Le Fur. Il s’agit de tenir compte de la situation de territoires qui avaient des difficultés avant la crise et qui en connaîtront encore par la suite, et plus sévères qu’ailleurs. C’est la logique suivie par le Gouvernement en ce qui concerne les particuliers : cet amendement ne me semble donc pas déplacé. Par ailleurs, l’idée n’est pas de créer un nouveau système d’aides mais de pérenniser, pour une période relativement brève, un dispositif existant.

La commission rejette l’amendement CF4.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CF81 du président Éric Woerth et CF165 de M. Jean-Noël Barrot.

M. le président Éric Woerth. Mon amendement CF81 me paraît relever du bon sens : nous l’avions déjà présenté le mois dernier. C’est bien de prévoir des primes pour les heures supplémentaires, mais les exonérations fiscales et sociales prévues sont plafonnées à 5 000 euros. Nous proposons que les heures supplémentaires réalisées pendant l’état d’urgence sanitaire ne soient pas incluses dans ce plafond, qui n’est pas adapté à la situation de crise que nous vivons – on le voit bien dans un certain nombre de professions, notamment dans le domaine de la santé.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Ma réponse sera proche de celle que je vous avais faite le mois dernier : la question du plafond de la défiscalisation et de la désocialisation des heures supplémentaires ne me paraît pas prioritaire en ce moment. À peu près 95 % des gens concernés se trouvent en dessous de ce plafond. Les dispositions adoptées dans le cadre de la loi portant mesures d’urgence économiques et sociales, en décembre 2018 fonctionnent bien ; il faut poursuivre cette dynamique. S’agissant des cotisations patronales, la prime Macron fonctionne bien elle aussi ; la ministre du travail vient d’annoncer qu’elle n’était plus conditionnée à un accord d’intéressement, au niveau de l’entreprise ou de la branche. Nous disposons donc déjà d’un outil souple et efficace. Votre amendement est satisfait à 95 %.

M. le président Éric Woerth. Ce n’est pas vraiment le cas.

J’observe que le Gouvernement reprend à son compte bon nombre de nos propositions, notamment s’agissant des heures supplémentaires. La majorité s’y était opposée au nom du même argument, et voilà qu’à cause des gilets jaunes, elles sont tout à coup devenues une nécessité absolue… Il en a été de même avec le plafonnement du fonds de solidarité.

Ayons l’honnêteté de reconnaître que les heures supplémentaires actuelles ne devraient pas être conditionnées au plafond habituel, compte tenu du surcroît de travail lié à la crise. Ce serait mieux que de prévoir des primes.

M. Gilles Carrez. Je comprends que l’amendement n’ait pas été accepté dans le premier collectif mais la présente loi de finances rectificative met en place, précisément pour la période de crise, une prime exceptionnelle : ne pas inclure les heures supplémentaires dans le plafond d’heures ouvrant droit à des exonérations pendant cette même période me paraît totalement cohérent avec cette mesure.

Mme Cendra Motin. En droit social, on ne remplace pas des heures supplémentaires par une prime exceptionnelle. Quand quelqu’un fait des heures, on les lui paye !

Cela étant, je suis complètement d’accord sur le fait qu’il ne faille pas modifier ce plafond. Des secteurs aujourd’hui en tension, comme la logistique ou la grande distribution, cherchent à embaucher. Il est désormais possible de signer une convention interentreprises pour que des salariés actuellement en chômage partiel puissent être prêtés à des entreprises à coût zéro : cela permet aux travailleurs de conserver 100 % de leur salaire tout en exerçant dans des secteurs en tension. Une plateforme a été créée par le ministère du travail pour proposer des postes à tous les demandeurs d’emploi afin de renforcer les équipes dans ces filières en tension. Nous avons davantage intérêt à faire travailler des personnes privées d’emploi que d’augmenter le nombre d’heures supplémentaires de ceux qui donnent déjà beaucoup et qui travaillent tous les jours. Des dispositifs ont été créés : appliquons-les au lieu de chercher à déplafonner les heures supplémentaires.

M. le président Éric Woerth. Vous y viendrez, et vous trouverez les arguments pour nous dire « On pensait le faire » ; mais vous le ferez, tout simplement parce qu’il y a une incohérence intellectuelle aujourd’hui !

Mme Véronique Louwagie. Nous devons mettre en place tous les dispositifs possibles car la situation sur le terrain est exceptionnelle, avec des entreprises en tension, qui ont des besoins particuliers. Il faut inciter, mais aussi récompenser. Si les entreprises ont recours à des heures supplémentaires au-delà du plafond annuel de 5 000 euros, ce n’est pas par choix mais parce qu’elles y sont contraintes, d’autant qu’elles n’ont pas toujours le temps de former des travailleurs. De plus, ce dispositif ne serait pas pérenne : il ne vaudrait que pour cette période de crise – ce n’est pas trop demander ! La situation est exceptionnelle et tous les moyens doivent être mobilisés pour aider nos entreprises et pour éviter qu’elles perdent leurs compétences. Je ne comprends pas que l’on se restreigne alors que notre économie est mise à mal.

M. Charles de Courson. Lors de l’examen de la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, nous avons accepté de lever toutes les barrières pour effectuer des heures supplémentaires. Les amendements Woerth et Barrot vont dans le sens de ces mesures d’urgence : il me semble donc tout à fait logique de les adopter. Sinon, avec la très forte progressivité de l’impôt sur le revenu, vous désinciterez par le biais fiscal alors que vous encouragez par le biais du droit du travail : ce n’est pas cohérent !

M. Jean-Noël Barrot. Les primes sont une manière concrète de témoigner de notre gratitude, tandis que les heures supplémentaires sont un outil d’incitation au travail dans les secteurs les plus en tension. Nous sommes peut-être en avance ; ce dispositif prendra tout son sens au moment de la reprise d’activité. J’entends les arguments développés ; je retire mon amendement CF165 mais cela ne nous interdira pas de le redéposer en séance publique pour entendre l’avis des ministres sur ce sujet.

L’amendement CF165 est retiré.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. L’exonération de charges patronales proposée dans vos amendements me dérange plus que la modification du plafond de 5 000 euros. Cette exonération pose un problème de fond : loin d’aider les secteurs en difficulté, elle aide au contraire ceux qui ont la chance de pouvoir encore travailler. Quant au plafond, cela ne concernerait que 5 % des heures supplémentaires : ce n’est donc pas un enjeu, même si je comprends l’objectif politique poursuivi.

M. le président Éric Woerth. Il n’y a pas de cotisations patronales sur le chômage partiel…

La commission rejette l’amendement CF81.

Elle examine, en discussion commune, l’amendement CF63 de M. Fabien Roussel et les amendements identiques CF44 de M. Jean-Louis Bricout et CF59 de Mme Sabine Rubin.

M. Fabien Roussel. Mon amendement CF63 vise à porter le prélèvement forfaitaire unique sur les dividendes à 75 %, en augmentant le taux forfaitaire d’impôt sur le revenu, aujourd’hui fixé à 12,8 %. La distribution de dividendes en période de pandémie fait débat. Le ministre de l’économie a recommandé que les entreprises ne versent pas de dividendes – ce n’est qu’une recommandation – et prévenu qu’il n’accorderait pas de prêt garanti par l’État ni de reports de charges aux entreprises qui en verseraient. Or certaines entreprises préféreront y renoncer pour continuer à distribuer des dividendes : c’est la raison pour laquelle nous proposons de taxer à 75 % les dividendes des entreprises qui feraient ce choix.

M. Jean-Louis Bricout. L’objet de l’amendement CF44 est de supprimer le prélèvement forfaitaire unique, dit flat tax. Cette mesure est symbolique des politiques qui ont été menées jusqu’à présent par ce gouvernement. Les réponses sociales apportées à la crise sont encore faibles. On connaît les dégâts provoqués par la flat tax sur les emplois aidés, la baisse des aides personnalisées au logement, le gel ou la sous-revalorisation des prestations sociales, la réforme du chômage, etc. Cela n’a pas été sans incidences sur la cohésion sociale.

Mme Sabine Rubin. L’amendement CF59 a le même objet. La suppression du prélèvement forfaitaire unique permettrait de dégager 2,5 milliards d’euros, soit trois fois plus que le montant proposé, pour verser des primes non seulement aux soignants mais aussi à ceux qui travaillent en deuxième ligne, dans des secteurs essentiels à la société, c’est-à-dire les caissières, les femmes de ménage, les livreurs, etc. Tout ce chamboulement permet de revoir l’échelle des salaires à l’aune de nouvelles valeurs.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Le prélèvement forfaitaire unique est tout sauf symbolique : en deux ans et demi, il a permis d’attirer des investissements, de stimuler la croissance et d’attirer des emplois sur notre territoire. Si tout n’a pas été parfait ces trois dernières années, il faut noter les bons résultats avant l’arrivée de cette crise, concernant les créations nettes d’emplois, notamment dans l’industrie, et l’amélioration des marges et des capacités d’investissement de nos entreprises, du fait d’une fiscalité plus favorable. En outre, ceux qui pensent que la flat tax à 30 % ramène moins d’argent dans les caisses de l’État ont tort : l’assiette s’étant élargie, l’État a récupéré plus d’argent, même avec un taux plus bas. Le prélèvement forfaitaire unique, cela fonctionne ! Je ne vois donc pas de raison de revenir sur ce dispositif fiscal, aujourd’hui ou après la crise. Avis défavorable.

M. Fabien Roussel. Le monde d’après, il faut le préparer dès maintenant. Nous ne pourrons plus faire comme avant. La flat tax a surtout permis de distribuer des dividendes, et non d’investir et de relocaliser notre industrie. On réclame que la France retrouve sa souveraineté économique et mène une politique ambitieuse de relocalisations : c’est bien la preuve que cela n’a pas fonctionné et qu’il faut revoir complètement notre modèle économique. Et cela commence dès maintenant : pour empêcher les grands groupes de verser des milliards de dividendes – 51 milliards d’euros en 2019 : c’est une sacrée somme ! –, il faut une taxe sur les dividendes suffisamment dissuasive, dont le produit servira exclusivement à relancer notre économie et à soutenir notre tissu économique national.

Mme Christine Pires Beaune. Nous présenterons plusieurs amendements visant les contribuables les plus aisés. Après chaque crise, un effort exceptionnel est demandé à une toute petite partie de la population : tel est le signal que nous devons envoyer, que ce soit à travers la flat tax, le rétablissement d’un ISF corrigé de ses effets pervers, ou encore une contribution exceptionnelle sur l’assurance-vie.

Si je salue les mesures économiques qui ont été mises sur la table par le Gouvernement, ainsi que les mesures sociales que nous serons amenés à voter dans ce PLFR, tout ne peut pas reposer sur la dette : un effort exceptionnel devra être demandé aux personnes les plus aisées et aux entreprises.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Pour financer la première et la deuxième ligne, nous mettons en place un système de primes dans les fonctions publiques d’État et hospitalière. Nous le faisons davantage par du crédit budgétaire que par du transfert de fiscalité, en effet, mais nous le faisons !

Je suis d’accord avec l’analyse de Mme Pires Beaune : une réflexion sur une fiscalité exceptionnelle devra effectivement être menée, mais il serait particulièrement maladroit et contre-productif que cela touche la flat tax, qui porte ses fruits.

La commission rejette l’amendement CF63 puis les amendements identiques CF44 et CF59.

Elle examine l’amendement CF52 de M. Éric Coquerel.

M. Éric Coquerel. La crise actuelle est certes sanitaire, mais c’est aussi une crise de la recherche française et de la souveraineté dans l’approvisionnement en médicaments. Cela fait des années que nous critiquons le crédit d’impôt recherche (CIR), véritable aubaine pour les entreprises qui en bénéficient, au détriment de la recherche publique française. Tous les intervenants dans le domaine de l’immunologie et des épidémies expliquent que cela fait des années qu’il n’y a plus assez d’argent dans la recherche publique fondamentale. Nous proposons donc d’en finir avec les 6 milliards d’euros affectés au CIR pour les réaffecter à une politique publique du médicament et de la recherche.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il est assez ironique, comme j’ai eu l’occasion de le dire au président Mélenchon le mois dernier lors de la discussion d’un amendement identique, de vouloir supprimer une dépense fiscale ayant pour objectif de soutenir, encourager et renforcer le travail de recherche, même si cela concerne davantage, je vous l’accorde, la recherche appliquée. Celle dernière n’en demeure pas moins tout aussi importante pour nos entreprises et attire des emplois sur notre territoire. Le CIR et le crédit d’impôt innovation (CII) ne sont pas réservés aux grands groupes du CAC40 : de nombreuses PME et entreprises de taille intermédiaire en bénéficient. Vous parliez de relocalisations : j’y souscris, et cela passe par nos chercheurs et nos ingénieurs en France.

Mme Sabine Rubin. Cette crise a l’avantage de nous révéler ce dont nous avions l’intuition concernant la recherche : les quelques avancées enregistrées dans la recherche sur le coronavirus sont dues à la recherche fondamentale publique. Nous devrions donc réfléchir, pour le monde d’après, à la nécessité de renforcer les programmes de recherche publique.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je trouve problématique d’opposer recherche fondamentale publique et recherche appliquée, qu’elle soit publique ou privée. Les universités et les laboratoires de recherche bénéficient indirectement, par le biais de projets collaboratifs, du crédit d’impôt recherche. Quand j’ai dit que cela bénéficiait aux PME, vous avez immédiatement répondu en citant des noms de grands groupes : c’est plus par réflexe que le fruit d’une véritable vérification de l’effectivité du crédit d’impôt recherche ! Celui-ci bénéficie majoritairement aux PME et aux ETI de notre pays : il est efficace !

La commission rejette l’amendement CF52.

Puis elle examine l’amendement CF65 de M. Fabien Roussel.

M. Fabien Roussel. Il faudra tout de même revoir l’ensemble de notre politique fiscale, sinon rien ne changera : comptez sur nous pour relancer le débat !

En période de crise, une contribution exceptionnelle a toujours été demandée aux plus riches. Nicolas Sarkozy a lui-même introduit en 2011 une contribution additionnelle à l’impôt sur le revenu, la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, dont le taux est de 3 % pour un revenu fiscal de référence supérieur à 250 000 euros et de 4 % au-delà de 500 000 euros. Nous proposons de porter ces taux respectivement à 8 et 10 %.

M. le président Éric Woerth. À l’époque, nous faisions face à une crise financière : ce n’est pas tout à fait la même chose.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous aurons un débat sur la fiscalité lors de l’examen du projet de loi de finances, mais je refuse de détricoter notre système fiscal aujourd’hui. Surtout, je répète que nous ne financerons pas la reprise par une hausse des prélèvements obligatoires : ce n’est pas la bonne méthode. C’est d’ailleurs la leçon que nous pouvons tirer de la sortie de crise de 2008.

La commission rejette l’amendement CF65.

La commission examine l’amendement CF124 de M. Lionel Causse.

Mme Bénédicte Peyrol. Le présent amendement propose de moduler le mécanisme de la taxe sur les excédents de provisions des entreprises d’assurance dommages.

Ce mécanisme taxe les excédents des provisions au moment où elles sont réintégrées dans leur résultat par les entreprises d’assurance. S’il est parfaitement possible à ces acteurs de sortir de leurs résultats les moyens financiers mis de côté en vue du paiement de l’indemnisation, il est appliqué un taux d’intérêt à cette réintégration pour éviter un effet d’aubaine et traiter les sommes provisionnées de façon excessive comme si elles avaient dû être acquittées au moment de leur provisionnement. Cet amendement propose de faire passer le taux mensuel d’intérêts de 0,40 à 0,50 % en 2020, puis à 0,60 % à en 2021. En accentuant les conséquences financières d’un surprovisionnement, cet amendement doit amener les assureurs à un plus juste provisionnement.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Cet amendement va me donner l’occasion de m’exprimer d’une manière générale sur le secteur assurantiel.

Les assurances doivent jouer un rôle plus important que celui qu’elles ont assumé depuis le début de cette crise : nous sommes nombreux à le penser et nous l’avons dit à la présidente de la Fédération française de l’assurance (FFA), que nous avons auditionnée hier.

Lors de l’examen du premier projet de loi de finances rectificative, il y a un mois, des amendements proposaient, comme le vôtre, de taxer davantage les assurances. Je m’y étais opposé, à la condition que les assureurs s’engagent davantage dans le financement des mesures de protection que nous avons introduites. Ils l’ont fait, certes tardivement, mais ils l’ont tout de même fait, puisqu’ils ont accepté d’abonder le fonds de solidarité à hauteur de 400 millions d’euros, au lieu des 200 millions d’euros initialement prévus. Par ailleurs, ils se sont engagés à investir jusqu’à 3,2 milliards, via leurs fonds d’investissement, tels que les fonds NOV, pour alimenter en fonds propres des secteurs clé, dont celui de la santé.

Je prends donc acte des engagements du secteur assurantiel, et maintiens qu’ils constituent des véhicules plus efficaces et directs qu’une taxe. Votre amendement a le mérite de rappeler que nous attendons beaucoup des assurances, mais je vous invite à le retirer. Nous demanderons au Gouvernement de s’assurer que les assureurs jouent bien leur rôle, au travers d’un reporting très fin.

M. Charles de Courson. Combien cet amendement est-il censé rapporter ?

Mme Bénédicte Peyrol. N’en étant pas l’auteur, je n’ai pas cette information. Peut-être M. le rapporteur général l’a-t-il ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. On estime qu’il rapporterait quelques dizaines de millions d’euros : on est très loin des 3,2 milliards d’euros d’engagements pris par le secteur. D’une manière générale, je préfère les actions volontaires à la coercition. Avant la crise, nous avions procédé de la même manière avec les banques au sujet des frais bancaires : il me paraît toujours préférable de travailler en confiance avec les secteurs concernés et de trouver un accord avec eux, même si cela nécessite parfois que le ministre fasse longuement pression.

M. Gilles Carrez. Je n’ai pas déposé d’amendement sur cette question mais j’aimerais dire un mot de l’assurance-crédit interentreprises pour laquelle l’on constate, comme en 2008, une forme de désengagement – c’est le cas par exemple d’Euler-Hermes. Or il faut que le crédit interentreprises continue de fonctionner. L’article 6 de ce PLFR prévoit certes d’augmenter la garantie publique sur le crédit-export, mais il ne faut pas oublier le crédit interentreprises au niveau national.

M. le président Éric Woerth. Notre groupe a déposé il y a plus d’un mois une proposition de loi d’urgence qui visait à indemniser les pertes d’exploitation. Ceux d’entre nous qui résident dans les régions qui ont été frappées le plus tôt par l’épidémie ont vu les hôtels et les restaurants fermer du jour au lendemain et ont compris que c’était un enjeu essentiel.

Je pense que le secteur des assurances a fait une profonde erreur de communication, car il met plus d’argent sur la table qu’on ne le croit. Les Français ont surtout retenu qu’il n’avait pas pris en charge les pertes d’exploitation, alors qu’on l’attendait là-dessus – même s’il est bien évident qu’il doit faire face à d’autres formes de sinistralité. Même si les assureurs ont fini par s’engager, ils l’ont fait d’une façon un peu dispersée, alors qu’ils auraient dû, comme le groupe Allianz en Allemagne, se concentrer sur les pertes d’exploitation. Cela a fortement nui à leur image.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il faut effectivement prêter attention au désengagement des assureurs-crédit au niveau national. Dans le premier PLFR pour 2020, un amendement gouvernemental avait conduit à remonter de 10 milliards le plafond de la Caisse centrale de réassurance (CCR). Il faudra voir si cette mesure est suffisante. Ce qui est certain, c’est qu’il y a un effet ciseaux et que c’est au moment où les entreprises ont besoin des assureurs-crédit que ceux-ci se désengagent. C’est terrible et c’est là que la réassurance publique doit jouer son rôle. Cela est également vrai pour le crédit-export et c’est pourquoi l’article 6 fait effectivement passer de 2 à 5 milliards le montant de crédit-export garanti par l’État.

M. le président Éric Woerth. Après la crise, nous pourrons très bien demander au secteur de l’assurance de nous faire un point global sur la réalité de la sur-sinistralité en période de crise, qui n’est pas évidente a priori.

Mme Christine Pires Beaune. Nous reconnaissons tous que les assurances font un effort plus important que celui initialement annoncé. Je voterai néanmoins cet amendement, car il ne vise pas la même chose que l’engagement portant sur 3,2 milliards d’euros. Les quelques dizaines de millions d’euros qu’il rapportera pourraient précisément servir à couvrir les pertes d’exploitation. Cet amendement aurait un autre mérite : il éviterait le risque, bien réel, de surprovisionnement.

Mme Véronique Louwagie. Les assurances ont effectivement accru leur effort, par rapport aux 200 millions d’euros initialement annoncés. J’ai demandé à la présidente de la FFA quelle était la catastrophe naturelle la plus importante que les assurances avaient eue à couvrir, et pour quel montant : elle m’a répondu que c’était la tempête de 1999 et qu’elles avaient versé 7 milliards d’euros. Depuis cette date, les compagnies d’assurances ont dû reconstituer leurs réserves et j’imagine qu’elles seraient en mesure de faire face à une catastrophe naturelle de grande ampleur. J’entends bien que l’épidémie que nous connaissons n’est pas une catastrophe naturelle, mais cette somme de 7 milliards d’euros devrait nous servir de référence. En comparaison, la somme annoncée par les assureurs ne me paraît pas suffisante, ce qui doit nous conduire à poursuivre notre discussion avec la FFA.

La commission rejette l’amendement CF124.

Elle examine l’amendement CF60 de M. Coquerel.

Mme Sabine Rubin. Cet amendement vise à renforcer les aides en faveur des plus démunis, à travers trois mesures. Nous proposons, d’abord, la gratuité pour toutes et tous des quantités nécessaires au bien-être pour l’électricité, l’eau et le gaz, dont la consommation augmente en cette période de confinement. Nous proposons, ensuite, la baisse des remboursements des prêts bancaires des particuliers à proportion de la baisse des revenus et l’annulation des frais d’incidents bancaires pour découvert. Nous souhaitons, enfin, que chacun puisse appeler ses proches sans que sa facture de téléphone augmente. Je pense surtout aux personnes incarcérées qui sont privées de visites.

Pour financer ces mesures, nous proposons, une fois de plus, de porter à 0,5 % le taux de la taxe sur les transactions financières (TTF), comme le recommandent de nombreuses associations.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Comme sur les amendements précédents, j’émettrai un avis défavorable, car je suis soucieux de préserver l’efficacité de notre système fiscal, à la fois en matière d’investissement et d’attractivité de l’emploi dans notre pays.

La commission rejette l’amendement CF60.

La commission examine l’amendement CF74 de M. Éric Woerth.

Mme Véronique Louwagie. Cet amendement vise à soutenir les bailleurs de locaux professionnels.

Afin de protéger les locataires et les entreprises, l’ordonnance du 25 mars 2020 a interdit aux bailleurs de locaux professionnels de demander, pendant la durée de la crise, des pénalités financières ou des intérêts de retard. Il importe évidemment de protéger les locataires, mais il ne faut pas oublier les propriétaires de locaux professionnels, sur qui pèse une charge financière importante.

Notre collègue Christophe Naegelen a évoqué tout à l’heure les artisans et les commerçants modestes : pour soutenir ces propriétaires, qui n’ont rien à voir avec les grandes foncières publiques ou la Caisse des dépôts, nous proposons de leur accorder une réduction d’impôt.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Votre amendement est intéressant, mais il me pose deux problèmes. Pour commencer, vous connaissez mon goût modéré pour la dépense fiscale : non seulement la mesure que vous proposez créerait une nouvelle niche, mais elle risquerait de manquer sa cible, puisqu’elle ne s’appliquera qu’avec une année de retard. Mais surtout, vous proposez une réduction d’impôt destinée à compenser un report du paiement du loyer, et non une annulation. Les bailleurs finiront bien par toucher leurs revenus : l’incitation fiscale que vous proposez est donc discutable.

Mme Véronique Louwagie. Il ne s’agit pas d’instaurer une réduction d’impôt sur le report mais sur la charge supplémentaire qu’occasionnera ce report. Si le bailleur reporte des échéances d’emprunts ou l’encaissement de loyers pendant plusieurs mois, il aura des charges. Cette réduction d’impôt porte sur la dépense supplémentaire ainsi occasionnée.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. C’est bien ce que j’avais compris : il s’agit bien de traiter un sujet en cas de report.

M. le président Éric Woerth. Il s’agit d’intérêts. Il s’agit de faire en sorte que les bailleurs, qui apportent un soutien à l’économie, obtiennent une compensation. La mesure ne porte pas sur le loyer lui-même mais sur les intérêts.

La commission rejette l’amendement CF74.

Elle examine l’amendement CF104 de M. Philippe Vigier.

M. François Pupponi. La crise que nous traversons mobilise fortement les travailleurs du secteur sanitaire et médico-social. Cet amendement vise à encourager leurs employeurs à leur verser une prime exceptionnelle, via un dispositif de crédit d’impôt. Les travailleurs du secteur public bénéficieront de primes dont nous parlerons tout à l’heure, mais les personnels des cliniques privées et des EHPAD ont eux aussi été fortement sollicités : il serait normal qu’ils bénéficient d’une prime.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Comme je l’ai dit tout à l’heure, les primes dans le secteur privé existent : elles sont défiscalisées et désocialisées et le dispositif a encore été assoupli dans le cadre de l’urgence sanitaire. Tout employeur privé peut distribuer des primes, avec une exonération de charges sociales et fiscales. En proposant une réduction d’impôt égale à 66 % du montant des primes, vous cherchez en fait à aligner cette fiscalité sur celle qui s’applique aux dons. Un employeur privé peut d’ores et déjà accorder une prime à ses salariés dans les meilleures conditions, sans qu’un accord d’intéressement soit nécessaire.

M. Jean-Louis Bricout. La prime Macron a été mise en place début 2019 en réponse au mouvement des gilets jaunes, en même temps que le CICE était transformé en baisse de charges patronales. Si elle a connu un certain succès, cela s’explique donc en partie par le fait que les entreprises ont reçu à ce moment un double cadeau – quasiment deux fois 20 milliards d’euros. Aujourd’hui, nous ne sommes plus du tout dans le même contexte : certaines entreprises peuvent trouver le moyen de s’arranger de la crise, mais ce n’est pas le cas de toutes, et je ne suis donc pas persuadé que la nouvelle prime fonctionnera aussi bien que la précédente.

Mme Cendra Motin. S’il a été décidé d’exonérer de charges fiscales et sociales la prime exceptionnelle pour 2020, sans condition jusqu’à 1 000 euros, c’est bien pour récompenser ceux qui sont au travail aujourd’hui, en d’autres termes la « deuxième ligne ». Les entreprises concernées sont celles qui continuent à fonctionner, autrement dit qui auront les moyens de la verser. Nous avons même amélioré le dispositif en permettant à celles qui ont signé un accord d’intéressement d’octroyer des primes allant jusqu’à 2 000 euros. De nombreuses entreprises de la grande distribution se sont du reste immédiatement saisies de l’opportunité qui leur était donnée de récompenser ceux qui nous permettent d’aller faire nos courses tous les jours.

Cette semaine, il a été décidé d’étendre ce dispositif aux agents publics de la fonction publique, qu’elle soit hospitalière, d’État ou territoriale, grâce auxquels la France continue de tourner.

M. le président Éric Woerth. Je rappelle que ce sont les employeurs qui payent la prime.

M. Jean-Louis Bricout. Ce n’est pas parce qu’une entreprise continue son activité que sa situation lui permet de verser une prime à ses salariés. Ainsi, les entreprises du bâtiment peuvent continuer à travailler, mais dans des conditions difficiles et en faisant prendre des risques à leurs employés : à mon avis, toutes ces entreprises ne sont pas forcément en mesure de leur verser une prime.

M. Charles de Courson. Des mesures ont été prises pour récompenser les efforts des agents publics du secteur sanitaire et médico-social, mais il me semble que les personnels de certaines cliniques privées se sont tout autant dévoués et que, pour eux, les primes ne sont que facultatives – et il en est de même au sein des EHPAD, qui ne sont pas tous publics. Dans tous ces établissements, ce sont les mêmes personnes qui soignent les mêmes malades : il serait juste qu’ils soient traités de la même manière. Telle était l’idée de l’amendement CF104.

Mme Véronique Louwagie. Effectivement, la mesure proposée permettrait d’équilibrer les droits des employés du secteur médical. Je discutais hier avec un ambulancier d’une entreprise privée : alors qu’il avait transporté des personnes susceptibles d’être atteintes du Covid-19, il ne comprenait pas pourquoi il n’avait pas droit à cette prime. Il faudrait donc un dispositif incitant les employeurs du secteur privé à verser une prime à leurs salariés afin qu’ils puissent être récompensés au même titre que les agents de la fonction publique. Pour ma part, je voterai donc cet amendement.

La commission rejette l’amendement CF104.

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Article additionnel après l’article 1er
Taux réduit de 5,5 % de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) applicable aux masques de protection adaptés à la lutte contre la propagation du virus Covid19

La commission examine l’amendement CF173 de Mme Christine Pires Beaune et, en discussion commune, l’amendement CF1 de M. Marc Le Fur, les amendements identiques CF2 de M. Marc Le Fur, CF61 de M. Fabien Roussel, CF115 de M. Jean-Noël Barrot, CF152 de Mme Sylvia Pinel et CF171 de M. Olivier Faure, l’amendement CF218 du rapporteur général, l’amendement CF210 de M. Christophe Naegelen, l’amendement CF86 de M. Marc Le Fur, et les amendements identiques CF3 de M. Marc Le Fur, CF116 de M. Jean-Noël Barrot, CF149 de Mme Sylvia Pinel et CF172 de M. Olivier Faure.

Mme Christine Pires Beaune. L’amendement CF173 vise à appliquer aux équipements de protection individuelle – notamment les masques et visières – et aux solutions hydroalcooliques le taux réduit de TVA à 5,5 %, au lieu du taux normal à 20 % qui s’applique actuellement. Le Gouvernement a déjà fait un geste en faveur des entreprises qui font des dons de matériels de ce type, en leur permettant de déduire la TVA. C’est très bien, mais ce n’est pas suffisant car les entreprises qui sont obligées d’acheter des équipements de protection individuelle doivent toujours s’acquitter d’une TVA à 20 %.

M. Marc Le Fur. Nous avons une ambition collective gigantesque, celle de voir nos concitoyens pouvoir tous disposer, dans quelques semaines, de masques leur offrant une protection optimale. Or les équipements de protection individuelle sont actuellement soumis au taux normal de TVA à 20 %. Je rappelle que le taux de TVA dépend en principe du caractère plus ou moins indispensable du produit auquel il s’applique : ainsi les produits ordinaires sont taxés à 20 %, l’alimentation à 5,5 % et d’autres produits à 2,1 %, et certains sont complètement exonérés.

Je ne sais pas quel taux est le plus adapté pour les équipements de protection individuelle, c’est pourquoi, en plus de l’amendement CF1 prévoyant une exonération totale de TVA, j’ai prévu des amendements de repli proposant des taux réduits. De même, on peut envisager que certains équipements – à commencer par les masques, mais également les gels et les blouses – bénéficient du taux réduit. En tout état de cause, nous devons nous doter d’un dispositif de TVA constituant une affirmation fiscale de notre ambition collective de protéger nos concitoyens.

M. le président Éric Woerth. Je me demandais d’ailleurs quel était le régime fiscal applicable aux masques importés.

M. Marc Le Fur. Dans ma circonscription, j’ai eu l’occasion d’accompagner le don de 100 000 masques venant de Chine et offerts par l’entreprise Algae. Quand un don est fait à la puissance publique – hôpitaux ou services sociaux –, il ne donne lieu ni à TVA ni à droits de douane : mais cette forme de dérogation oblige à fournir une documentation de vingt-cinq pages – renseignements sur l’entreprise, signature de tous les destinataires du don, par exemple les responsables des hôpitaux concernés. Du coup, des masques se sont trouvés au moins par deux fois bloqués pendant quarante-huit heures à Roissy à cause de ces formalités préalables. Il faut en finir avec cette situation digne de Kafka ! Tel est l’objet de mes amendements CF1, CF2, CF86 et CF3.

M. Fabien Roussel. L’amendement CF61 vise à exonérer de TVA les équipements de protection individuelle – masques, visières, blouses, gel hydroalcoolique – achetés par les employeurs, privés ou publics pour protéger leurs salariés et par les collectivités locales pour protéger leurs administrés. Il faut en effet que la fiscalité soit au niveau de l’effort que la nation doit consentir pour que chacun soit équipé au mieux afin de faire face à l’épidémie.

M. Jean-Noël Barrot. L’amendement CF115 est défendu.

M. François Pupponi. L’amendement CF152 l’est également.

M. Jean-Louis Bricout. L’amendement CF171 vise également à exonérer de TVA les équipements de protection individuelle achetés par les employeurs privés ou publics pour protéger leurs salariés et par les collectivités locales pour protéger leurs administrés.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je partage l’esprit qui vous anime et notamment la volonté exprimée par M. Le Fur d’avoir une affirmation fiscale répondant à l’ambition collective de protection et permettant d’en finir avec Kafka ; je propose un amendement qui va dans le même sens.

En l’état actuel, les équipements de protection individuelle sont soumis au taux de TVA à 20 %, ainsi qu’à des droits de douane s’élevant à 6,3 %, conformément au droit européen. Par exception, il est admis que l’import de masques en vue de dons bénéficie d’une franchise de droits et de taxes. Par ailleurs, un employeur qui fabrique ou achète des masques aux fins de dons peut également déduire la TVA.

Les seuls équipements ne bénéficiant pas de dispositions dérogatoires sont ceux achetés pour être revendus, soumis à la TVA à 20 %. Mon amendement CF218 propose donc l’application d’un taux de TVA réduit à 5,5 %, seulement pour les masques – le cas des gels est un peu différent, leur prix est bloqué –, et de façon limitée dans le temps, jusqu’en 2022 : cette solution de compromis nous donnera le maximum de chances pour faire passer cette mesure au niveau européen. J’invite les auteurs de tous les autres amendements à bien vouloir s’y rallier et à retirer les leurs.

M. le président Éric Woerth. Puisqu’il s’agit d’équipements en lien avec l’univers médical, pourquoi ne pas appliquer le taux réduit de 2,1 %, monsieur le rapporteur général ? Compte tenu des milliards de déficit qu’affichent en ce moment les États membres de l’Union européenne, on peut penser que la Commission serait encline à faire preuve d’une certaine souplesse.

Par ailleurs, si je comprends ce qui justifie d’exclure les gels du dispositif, qu’en est-il des tests de dépistage ? Ils ne seront pas tous distribués gratuitement…

M. Gilles Carrez. L’adoption du taux de 2,1 % me semble parfaitement eurocompatible, puisque ce taux fait partie de ceux qui ont été acceptés dans le cadre communautaire, et il serait logique que les masques soient soumis à ce taux.

M. Marc Le Fur. La proposition du rapporteur général constitue une avancée, et je trouve raisonnable de limiter l’application du dispositif jusqu’à 2022. En revanche, le taux de 5,5 % correspond en principe aux produits alimentaires : pour les médicaments et les équipements médicaux, c’est le taux de 2,1 % qui a vocation à s’appliquer. Pour ce qui est des gels, si je comprends bien, soit leur prix est bloqué, soit ils peuvent bénéficier d’un taux réduit de TVA : pourriez-vous nous expliquer ce qui justifie cette alternative ?

M. Christophe Naegelen. Comme celui du rapporteur général, mon amendement CF210 ne vise que les masques. Dès l’instant où c’est une entreprise qui achète des masques pour ses salariés, elle bénéficie de certains avantages fiscaux. Reste que le port du masque est appelé à se généraliser, y compris en France et pour une durée assez longue : tôt ou tard les particuliers seront amenés à acheter leurs propres masques, qui vont donc devenir un produit de première nécessité. Si, pour ma part, je n’ai pas prévu de limiter l’application de ce dispositif à 2022, c’est parce que l’OMS a prévenu que la pandémie pourrait revenir de façon régulière : que se passera-t-il en 2023 ou en 2025 si les Français doivent se remettre à porter des masques ?

M. Marc Le Fur. Il faut que la gamme des équipements de protection individuelle entrant dans le dispositif soit la plus large possible et qu’elle bénéficie du taux à 2,1 %. Tel est l’objet de mes amendements CF86 et CF3.

M. Jean-Noël Barrot. L’amendement CF116 est défendu.

M. Jean-Louis Bricout. L’amendement CF172 également.

Mme Cendra Motin. Les dispositifs médicaux et le matériel d’aide à la vie se voient appliquer les taux de 20 %, 10 % et 5,5 %, mais jamais le taux de 2,1 %. Faire passer le taux applicable aux masques de 20 % à 5,5 %, comme le propose l’amendement du rapporteur général, constituerait donc déjà une belle avancée, tout en restant cohérent avec ce que nous votons chaque année dans le cadre du PLFSS.

Mme Christine Pires Beaune. L’amendement CF173 visait à faire passer le taux de TVA de 20 % à 5,5 % compte tenu de la nature des produits en question. En l’occurrence, les masques sont essentiels. Mais pourquoi n’en irait-il pas de même avec les gels hydroalcooliques ? Ce n’est pas parce que leur prix de vente est réglementé que leur coût n’est pas important pour les collectivités locales. Le taux de TVA qui leur est appliqué devrait être également de 5,5 %.

M. Charles de Courson. Une baisse du taux à 2,1 % est-elle possible, monsieur le rapporteur général, ou bien, comme je le crains, serait-elle contraire à la directive TVA ? Si c’est possible, seriez-vous d’accord pour voter une telle diminution en séance publique ?

J’ajoute qu’il existe quantité de types de masques et qu’ils ne peuvent pas tous être concernés, d’où la nécessité de l’arrêté prévu par l’amendement CF218.

Mme Patricia Lemoine. Je soutiens la proposition de Mme Pires Beaune : alors que l’on s’apprête à déconfiner les écoles, le gel hydroalcoolique doit bénéficier d’un taux de TVA réduit à 5,5 % au même titre que les masques.

M. Gilles Carrez. L’approche de Mme Pires Beaune me semble en effet la plus cohérente.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous devons faire en sorte d’avoir un taux de TVA le plus bas possible tout en s’assurant de la sécurité juridique. Il me paraît très risqué d’appliquer le taux super-réduit de 2,1 %, applicable notamment aux médicaments remboursés par la sécurité sociale et toléré dans la directive européenne au titre des legs historiques en la matière. Le taux de 5,5 % appliqué aux biens de première nécessité me semble en revanche adéquat et solide juridiquement. Je propose donc de nous en tenir à la TVA à 5,5 % pour les seuls masques et pour une durée précise.

M. de Courson a raison de préciser que tous les types de masques ne sont pas concernés. Mon amendement en fait état : masques FFP, masques à usage médical dits chirurgicaux, ceux qui sont réservés à des usages non sanitaires relevant des deux catégories d’équipement de travail créées par la note interministérielle du 29 mars, et ceux qui seront spécifiquement développés pour l’usage du grand public, notamment ceux dont le port serait rendu obligatoire.

M. le président Éric Woerth. Les dons ne sont pas soumis à TVA ni aux droits de douane. Nous sommes bien d’accord que la TVA ne s’applique pas non plus aux entreprises nationales qui fabriquent des masques pour en faire don et non pour les vendre.

M. Marc Le Fur. Les dons doivent être affectés à des hôpitaux ou à d’autres services publics. C’était la condition posée par l’administration des douanes.

M. le président Éric Woerth. Les fabricants français doivent être en tout cas traités de la même manière.

M. Marc Le Fur. Bien sûr.

Un taux de 2,1 % pourrait être appliqué, même si nous serions limite au regard de la réglementation européenne. L’Europe est en train de s’adapter à la crise, en particulier en termes de liberté budgétaire, et il peut également en être ainsi sur le plan fiscal. J’admets que le passage à 5,5 % est déjà une avancée mais il s’agit en l’occurrence du produit aujourd’hui le plus essentiel pour nos compatriotes. Son taux doit donc être le plus faible possible.

M. le président Éric Woerth. Nous aurons l’occasion d’en reparler longuement demain, en séance publique.

Mme Christine Pires Beaune. Je suis d’accord pour me rallier à l’amendement du rapporteur général mais nous déposerons par cohérence un amendement sur le gel hydroalcoolique. Je ne vois pas pourquoi il y aurait un risque juridique alors que ce produit est essentiel et que les sommes en jeu sont considérables, notamment pour les collectivités locales.

M. le président Éric Woerth. Je souhaite que le ministre réponde aussi en ce qui concerne le taux de TVA appliqué aux tests de dépistage.

Les amendements CF173 et CF1, les amendements identiques CF2, CF61, CF115, CF152 et CF171, les amendements CF210 et CF86 et les amendements identiques CF3, CF116, CF149 et CF172 sont retirés.

La commission adopte l’amendement CF218 (amendement 238).

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*     *

Après l’article 1er

Elle examine les amendements CF87, CF6, CF8 et CF11 de M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Ces amendements concernent l’application des taux de TVA aux gels hydroalcooliques. Je les retire et nous en discuterons demain.

Les amendements CF87, CF6, CF8 et CF11 sont retirés.

La commission examine l’amendement CF36 de Mme Martine Leguille-Balloy.

M. Belkhir Belhaddad. La filière des établissements équestres emploie environ 40 000 personnes. Notre collègue propose d’appliquer un taux de 5,5 % à l’ensemble des prestations facturées à partir de la reprise de l’activité afin de sauver la plupart de ces petites exploitations agricoles en attendant la réforme de la directive européenne.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Compte tenu de nos terres d’élection, vous et moi sommes particulièrement attachés à cette question, mais ce véhicule législatif n’est pas adéquat. Je rappelle que nous avons été condamnés par la Cour de justice de l’Union européenne, en 2012, pour cet usage abusif du taux réduit.

M. le président Éric Woerth. La question de la TVA est essentielle pour cette filière en raison notamment de la directive européenne. Des espoirs existent mais ils sont assez lointains.

La commission rejette l’amendement CF36.

Elle examine l’amendement CF177 de Mme Christine Pires Beaune.

Mme Christine Pires Beaune. Il s’agit encore d’abaisser le taux de TVA afin de soutenir le secteur du BTP, particulièrement touché par la hausse des prix des matières premières, mais également des coûts de main-d’œuvre en raison des mesures de distanciation qui obligent à mettre moins de salariés sur les chantiers. Nous proposons de compenser ces surcoûts en appliquant un taux de 10 % à compter du 1er avril 2020 et jusqu’au trentième jour suivant la levée de l’état d’urgence sanitaire.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je partage votre préoccupation. Il s’agit d’un amendement d’appel qui devra être examiné en présence du ministre en séance publique. Je vous invite donc à le redéposer demain. Je préfère renvoyer à la séance ces sujets sectoriels.

M. Jean-Louis Bricout. C’est en effet une question importante qui, dans mon département, a été posée par la fédération départementale de la Fédération française du bâtiment et la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB). Les surcoûts sont liés à la distanciation sociale, à l’achat des protections mais aussi aux difficultés d’approvisionnement qui donnent parfois lieu à des surenchères. Si des aménagements existent pour les appels d’offres publics, il n’en est pas de même pour les contrats avec le secteur privé.

M. Charles de Courson. Certains chefs d’entreprise du BTP demandent une augmentation des prix pour pouvoir reprendre les travaux compte tenu des surcoûts liés aux mesures de sécurité. La possibilité d’obtenir une révision des prix n’a pas été traitée au fond lors de l’examen des mesures d’urgence. C’est un sujet particulièrement difficile.

M. Gilles Carrez. Je suis très partagé sur la possibilité de recourir à un abattement du taux de TVA dans ce secteur.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous avons tous compris qu’il s’agissait d’un amendement d’appel. L’abattement de TVA n’est certainement pas le bon outil et je suis d’accord, s’agissant du problème de fond, avec M. de Courson : ce sera très compliqué.

Mme Cendra Motin. Nous savons que des promoteurs veulent imposer des règles très drastiques et coûteuses à certaines entreprises sans rien payer en plus, mais cette question ne se pose pas uniquement dans le secteur du bâtiment. L’enjeu de la santé au travail sera essentiel pendant le déconfinement mais aussi pour l’après : comment allons-nous assurer l’effectivité des politiques de santé et de prévention au sein des entreprises ? Au-delà de la question des coûts, il faudra changer les pratiques. Il faut à cet égard saluer l’action menée par les équipes de Muriel Pénicaud et de Laurent Pietraszewski au ministère du travail à travers les guides élaborés avec les professionnels ; mais nous devrons aussi nous interroger, peut-être filière par filière, sur certaines exigences imposées à des sous-traitants. Si elles sont insuffisantes, il conviendra de s’assurer du respect de la sécurité sanitaire ; si elles sont excessives, il conviendra de s’assurer que les coûts induits sont pris en charge par les donneurs d’ordre. Cela me semble plus efficace qu’une modification du taux de TVA.

M. le président Éric Woerth. D’une manière générale, je ne suis pas sûr que la TVA soit un outil formidable dans cette crise, en dehors du cas très exceptionnel des dispositifs médicaux. L’État s’est engagé dans un processus différent en injectant de l’argent pour soutenir les secteurs qui en ont besoin ; ce faisant, on continue à percevoir les produits de la fiscalité, ce qui est plus utile et efficace.

Mme Christine Pires Beaune. Je retire mon amendement.

Je souhaitais appeler l’attention sur ce secteur car il fait partie de ceux qui souffriront plus que d’autres. Des artisans qui se rendent sur un chantier y vont ensemble, dans le même véhicule, ce qui est bien différent que de se rendre au travail dans sa voiture. L’approvisionnement en matière première est aussi une réalité. La TVA n’est peut-être pas le bon levier, mais au moins pourrons-nous en discuter en séance publique.

L’amendement CF177 est retiré.

La commission examine, en discussion commune, les amendements CF51 de M. Éric Woerth et CF20 de M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Tout le monde en convient : les hôtels, les cafés, les restaurants ont beaucoup souffert. Le coût de la redevance audiovisuelle peut être très important. Dans un hôtel de taille moyenne, il peut s’élever à 4 000 ou 5 000 euros par an alors même que personne en ce moment n’y regarde la télévision. L’échéance pour le paiement tombait le 16 avril, autrement dit aujourd’hui. Le Gouvernement a décalé le paiement mais il conviendrait de l’annuler pour ces professionnels. Deux solutions peuvent être envisagées : mon amendement CF51 propose une exonération totale durant la période de confinement à partir de la mi-mars ; celui du président Woerth prévoit une annulation totale sur l’année en fonction de la perte de chiffre d’affaires.

M. le président Éric Woerth. Le Président de la République a proposé un plan spécifique en faveur de ces professions, mais il serait de bonne politique de voter l’un ou l’autre de ces amendements de bon sens, compte tenu des charges indues qui pèsent aujourd’hui sur les professionnels du tourisme.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je suis d’accord avec votre préoccupation. Un report du paiement de la redevance audiovisuelle a en effet été annoncé le 6 avril par M. Gérald Darmanin, qui travaille avec le secrétaire d’État Jean-Baptiste Lemoyne sur la question de l’annulation des charges dans les secteurs de l’hôtellerie, de la restauration et du tourisme. Je vous propose d’attendre la fin de ces travaux, de retirer vos amendements et de les présenter au ministre demain en séance publique.

Les amendements CF51 et CF20 sont retirés.

La commission est saisie de l’amendement CF170 de M. Régis Juanico.

M. Jean-Louis Bricout. Cet amendement vise à soutenir financièrement les clubs sportifs, fortement pénalisés par les conséquences de la crise sanitaire, en supprimant le plafond de deux taxes affectées à l’Agence nationale du sport : le prélèvement sur les paris sportifs en ligne et la taxe dite Buffet.

Un tel déplafonnement s’inscrit dans une logique de financement du sport par les activités sportives. Jusqu’en 2017, un tiers du produit des taxes affectées aux politiques sportives était reversé au budget de l’État, les deux autres tiers étant alloués au budget du sport. Cette proportion s’est désormais inversée : en 2019, sur 387 millions d’euros de recettes attendues, 241 millions, soit 62 %, sont reversés au budget de l’État et seulement 38 % reviennent au sport. Il faut revenir à la répartition antérieure.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je comprends très bien le problème, qui est souvent soulevé par M. Juanico. Hélas, de nombreuses politiques publiques sont affectées par cette crise. Je ne crois pas que le moment soit venu de repenser l’affectation et le plafond des taxes. Nous pourrons en discuter pendant le Printemps de l’évaluation, lors de l’examen des missions et des programmes budgétaires.

M. Charles de Courson. J’ajoute que l’on observe un effondrement des paris sportifs.

M. le président Éric Woerth. Comme des paris hippiques !

M. Charles de Courson. Cet amendement me paraît donc imprudent ; il devrait être retiré. Mieux vaut avoir une réflexion globale sur le secteur.

M. Jean-Louis Bricout. Je comprends qu’il soit urgent d’attendre, mais il s’agit d’une véritable question : les clubs sportifs comme les petites associations vont rencontrer d’importants problèmes de financement.

M. le président Éric Woerth. Avec une récession de 10 %, les problèmes vont se poser partout.

L’amendement CF170 est retiré.

La commission examine, en discussion commune, les amendements CF43 de Mme Christine Pires Beaune, CF145 de M. François-Michel Lambert, CF83 et CF88 de M. Éric Coquerel, CF85, CF53 et CF80 de Mme Sabine Rubin, et CF64 de M. Fabien Roussel.

M. Jean-Louis Bricout. L’amendement CF43 vise à rétablir l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), dont la suppression est un des marqueurs de la politique du Gouvernement. M. le rapporteur général m’opposera sans doute que cette suppression, dont nous connaissons les conséquences sociales, a été efficace, mais le moment paraît opportun pour rétablir cet impôt de solidarité. Jusqu’à présent, le Gouvernement a très largement privilégié une politique de l’offre, au détriment parfois du pouvoir d’achat et d’une relance économique par la demande. Peut-être le moment est-il venu de revenir sur cette politique et de faire en sorte que les gens qui se portent le mieux participent à l’effort de relance.

Mme Sabine Rubin. La suppression de l’ISF n’est pas aussi efficace que vous le dites, monsieur le rapporteur général – nous y reviendrons. Il est nécessaire que la France suive les recommandations pressantes de l’Organisation mondiale de la santé en testant le plus grand nombre possible de personnes suspectées d’être atteintes par le Covid-19. Or nous sommes loin du compte, puisque seulement 30 000 tests quotidiens sont effectués, au lieu des 100 000 nécessaires, selon le président du conseil scientifique.

Par l’amendement CF83, nous proposons de nous donner les moyens, grâce au rétablissement de l’ISF, de tester le plus grand nombre de personnes avant d’envisager tout déconfinement.

M. Éric Coquerel. Hier, le Gouvernement a annoncé, comme il l’avait fait il y a quelques semaines, le versement d’une prime différenciée en lieu et place de l’augmentation généralisée des salaires demandée par l’ensemble des soignants – que nous désignons, à juste titre, comme nos héros. Par l’amendement CF85, nous entendons rappeler qu’il est nécessaire que soit présenté très rapidement un plan d’urgence pour l’hôpital qui prévoie non seulement une revalorisation salariale mais aussi la création de lits, puisqu’on en a supprimé 69 000 depuis 2003, et l’allocation de matériels. Il s’agit de rompre avec les politiques, menées depuis trop longtemps dans ce pays, qui ont fragilisé l’hôpital public. J’ignore si un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale nous sera proposé en urgence – en tout cas, ce n’est pas prévu par le Gouvernement – pour répondre aux exigences exprimées par les soignants depuis un an et demi, mais un tel texte est tout la fois nécessaire et particulièrement légitime.

Mme Sabine Rubin. Par l’amendement CF88, nous proposons que le Gouvernement mène une politique d’aide en faveur du logement des plus démunis, aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé.

M. Éric Coquerel. Monsieur le rapporteur général, vous nous avez indiqué que le changement ne passerait pas par la fiscalité. Vous ne me semblez pas prêt à vous réinventer, comme vous y invite pourtant le chef de l’État ! De fait, il va bien falloir toucher à la fiscalité pour trouver les financements nécessaires, et recourir notamment à l’ISF pour solliciter ceux qui ont le plus profité de la politique du Gouvernement. Cet impôt est un symbole, à cet égard. Son rétablissement ne réglera pas tout à lui seul, mais les 3,5 milliards que sa suppression coûte chaque année à la collectivité seront bien utiles pour financer certaines politiques sociales.

Mme Sabine Rubin. L’État consacre actuellement 24 milliards au financement du chômage partiel à hauteur de 80 % du salaire net. Par l’amendement CF53, nous proposons d’utiliser le produit de l’ISF pour porter ce financement à 100 % du salaire, jusqu’à 4,5 SMIC. Une telle mesure contribuerait à la timide politique de relance mise en œuvre par la majorité.

J’en viens maintenant à l’amendement CF80. Vous prétendez, monsieur le rapporteur général, que la suppression de l’ISF a eu des effets positifs. Mais parlons de ses effets négatifs : je maintiens qu’au-delà du symbole, elle a eu pour conséquence un accroissement des inégalités ainsi qu’un affaiblissement du budget de l’État et qu’elle n’a eu aucune contrepartie positive en matière de création d’emplois. Le rétablissement de cet impôt serait véritablement la marque du monde d’après.

M. Fabien Roussel. L’amendement CF64 tend également à rétablir l’ISF. Après la crise des gilets jaunes, l’engagement a été pris d’évaluer, en 2020, l’utilité d’un éventuel rétablissement de cet impôt. Il nous semble que la survenue de cette pandémie est un argument supplémentaire en faveur de ce rétablissement – mais nous aurons l’occasion d’y revenir plus longuement en séance publique.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Monsieur Coquerel, vous l’avez dit, l’ISF est pour vous un symbole – je comprends, à cet égard, que vous proposiez de le rétablir. La fiscalité est un outil efficace pour financer nos politiques publiques, redistribuer les richesses et encourager, ou décourager, certains comportements ou usages. Nous pourrons donc, et je ne botte pas en touche, en reparler par la suite. Mais je crois profondément que ce n’est pas avec des dispositifs fiscaux que l’on affronte la tempête.

Par ailleurs, se réinventer, ce n’est pas renier ses convictions – et nous n’avons pas les mêmes. Dès lors que nous pensons que certains outils fiscaux ont été efficaces pour renforcer l’attractivité de notre pays, l’investissement et l’emploi, nous sommes en droit de considérer que leur remise en cause n’est pas une bonne idée.

Mme Bénédicte Peyrol. Nous devrons tous nous réinventer, y compris les députés de la majorité. Mais ce n’est pas, me semble-t-il, en mettant l’ISF à toutes les sauces que nous avancerons. Je ne dis pas qu’il ne faudra pas aborder la question de la fiscalité lorsque nous réfléchirons à la relance, et ce dans tous les domaines : social, écologique… Le rapporteur général et la majorité seront au rendez-vous.

Mme Sabine Rubin. Il ne s’agit plus de croire, monsieur le rapporteur général. Les chiffres sont éloquents et ils nous disent que le chemin emprunté jusqu’ici n’est pas le bon. Il faut donc tout remettre à plat. C’est pourquoi nous réaffirmons qu’il faut, à la lumière de cette crise, examiner certaines mesures de façon plus sérieuse que vous ne l’avez fait en balayant ces amendements d’un revers de main.

M. le président Éric Woerth. Nous pouvons ne pas partager les mêmes convictions, mais ces questions sont bien connues.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Un mot de méthode, madame Rubin. Tout d’abord, vous proposez des dispositifs fiscaux pour en fait évoquer des dépenses et des charges ; vos amendements sont donc, intellectuellement, à la limite de la recevabilité. Néanmoins, j’ai pris le soin de vous répondre ; nous pouvons ne pas partager les mêmes convictions. Ensuite, lorsque j’affirme que cette mesure a créé de l’emploi, cela ne relève pas de la croyance puisque, depuis deux ans et demi, les créations nettes d’emploi sont en hausse : le taux de chômage a bien baissé de deux points. Quoi qu’il en soit, ce texte a pour objet, non pas de dresser le bilan de la politique économique et sociale du Gouvernement, mais de tenter de sauver notre économie et nos emplois. Ne me reprochez pas de balayer vos amendements d’un revers de main alors que je prends largement le temps d’y répondre !

La commission rejette successivement les amendements CF43, CF145, CF83, CF88, CF85, CF53, CF80 et CF64.

Elle est ensuite saisie des amendements identiques CF45 de M. Arnaud Viala et CF117 de M. Dino Cinieri.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement CF45 vise à soutenir les acteurs du transport routier, qui sont en difficulté en raison de l’arrêt de pans entiers de l’économie. Il est important d’agir très rapidement en la matière, car il y va de la continuité de la chaîne logistique.

La loi de finances pour 2020 prévoit une augmentation de 2 euros par hectolitre du remboursement partiel de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) sur le gazole acquis en France, pour les conducteurs de véhicules de 7,5 tonnes et plus. Cette augmentation doit prendre effet au 1er juillet prochain, compte tenu des délais de remboursement de la TICPE. Par cet amendement, nous proposons de reporter l’application de cette mesure au 1er janvier 2022, afin d’apporter un soutien simple et immédiat à l’ensemble des acteurs du transport routier, qui en ont vraiment besoin et qui le demandent.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Effectivement, le secteur du transport routier est aux prises avec de sérieuses difficultés, mais il continue de travailler. Toutefois, la mesure que vous proposez n’est pas parfaitement justifiée. Tout d’abord, les entreprises de ce secteur sont en activité, dans des conditions, certes, très difficiles. Ensuite et surtout, les cours du pétrole sont actuellement particulièrement bas, de sorte que cette augmentation de deux centimes n’empêche pas le secteur du transport routier de marchandises de poursuivre son activité. Je vous suggère néanmoins de redéposer cet amendement en séance publique, afin d’appeler l’attention sur les difficultés que rencontre ce secteur dont nous avons grand besoin – il faut d’ailleurs remercier les travailleurs qui continuent de transporter les marchandises.

Mme Cendra Motin. La préoccupation écologique sera l’un des enjeux de l’après-crise et ce serait envoyer un mauvais signal que de revenir sur une mesure qui contribue à la prise de conscience dans ce domaine, surtout à un moment où le prix du pétrole est particulièrement bas. Restons fermes sur ces convictions.

Mme Véronique Louwagie. Monsieur le rapporteur général, un certain nombre des entreprises du secteur continuent de travailler, certes, mais avec une partie de leur flotte. Or, le risque existe, compte tenu de la faiblesse de leur activité, qu’ils ne puissent faire face à leurs engagements concernant l’ensemble de leur flotte et que ce secteur soit en péril. Nous vous offrons le moyen d’agir, en vous proposant d’uniquement reporter – précisément pour tenir compte des enjeux écologiques – l’application de cette mesure.

La commission rejette les amendements identiques CF45 et CF117.

Puis elle examine l’amendement CF121 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Il s’agit d’un amendement d’appel. La crise a également des conséquences budgétaires pour les collectivités locales. Elles ne seront pas toutes en mesure de verser la prime prévue. Les inégalités actuelles vont donc s’aggraver. Mais j’interrogerai le Gouvernement à ce sujet en séance publique.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Dont acte. Nous aurons cette discussion en séance publique. Je rappelle que le montant de la dotation globale de fonctionnement (DGF) a été communiqué pour le bloc communal et les départements et que son niveau global est maintenu en 2020 au niveau de 2019.

La commission rejette l’amendement CF121.

Elle en vient à l’examen, en discussion commune, des amendements CF21 de M. Marc Le Fur, et CF47 et CF49 de M. Éric Woerth.

M. Marc Le Fur. Si tous les secteurs affectés par la crise méritent d’être soutenus, il convient d’accorder une attention particulière aux entreprises qui se sont vu imposer une fermeture administrative, car celle-ci a des conséquences considérables. Par l’amendement CF21, nous proposons donc que l’ensemble des charges dont ces entreprises doivent s’acquitter soient supprimées pendant la période correspondant à cette fermeture.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement CF47 vise à transformer le dispositif de report du paiement des cotisations sociales et des impôts en une annulation. La situation des entreprises est telle qu’il importe de leur permettre de disposer de trésorerie, notamment pour redémarrer leur activité à l’issue de la crise. Or un report ne suffira pas.

M. le président Éric Woerth. L’amendement CF49 est un amendement de repli. Le Gouvernement a décidé un report dans le cadre du premier PLFR pour 2020 – et il fallait le faire. Dans le second, il faut être un peu plus clair. Qui peut penser que, pour un certain nombre de secteurs, le report ne se transformera pas en annulation ?

Lors de la mise en œuvre du prélèvement à la source, il a bien fallu organiser une année blanche. En l’espèce, c’est un peu la même chose : reporter revient à mettre la poussière sous le tapis. Même si l’on donne trois, quatre ou cinq ans aux entreprises pour payer les charges et impôts du passé, il leur sera difficile, le moment venu, de les acquitter en plus des charges et impôts de l’année en cours.

Cet amendement concerne les entreprises qui subissent une rupture très importante de leur chiffre d’affaires, d’au moins 70 %, c’est-à-dire non seulement celles qui ont été fermées administrativement, mais aussi les hôtels, par exemple. J’ai compris que cette mesure pourrait être incluse dans le plan pour la filière du tourisme. Mais pourquoi ne pas adopter les mesures de ce plan dans le cadre de ce PLFR plutôt que de le faire dans un mois ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Prévoir un report avant d’en venir éventuellement à une annulation permet d’identifier, au fur et à mesure que la crise se déroule, les secteurs les plus touchés. Nous avons ainsi d’abord proposé à tous ceux qui en ressentaient le besoin de demander un report de charges et d’impôts, report qui leur a été systématiquement accordé. Ensuite, Gérald Darmanin l’a annoncé, ces charges et impôts seront annulés, à hauteur de 750 millions d’euros à ce stade, pour les secteurs les plus touchés, à savoir ceux de l’hôtellerie, de la restauration, du tourisme et de l’événementiel. S’il apparaît, d’ici quelques semaines, que d’autres secteurs doivent bénéficier d’une telle annulation, le Gouvernement le décidera. Je rappelle que les prochaines échéances d’impôt sur les sociétés sont dans un mois, puis mi-juin, de sorte que nous avons un peu de temps. Il faut surtout avoir une idée précise, forcément a posteriori, des conséquences de la crise pour déterminer qui doit bénéficier d’un report, qui d’une annulation. Le rythme est bon ; il est donc trop tôt pour adopter cet amendement, mais vous avez raison de rester attentif à cette question.

J’ajoute que si nous annulons systématiquement les charges d’un certain nombre de secteurs, ceux des entrepreneurs de ce secteur qui n’avaient pas demandé le report, parce qu’ils n’en éprouvaient pas le besoin, bénéficieront automatiquement de cette annulation. Ce n’est peut-être pas la manière la plus optimisée de procéder… En résumé, le report s’applique potentiellement à tout le monde ; quant aux annulations, elles seront décidées de manière sectorielle en fonction de l’impact de la crise.

M. le président Éric Woerth. Sans doute était-il trop tôt pour prendre une telle mesure dans le premier PLFR, mais, aujourd’hui, nous sommes en mesure d’identifier les secteurs qui ont été très touchés, notamment ceux, en particulier les commerçants, qui n’ont pas le droit d’exercer leur activité. Il conviendrait donc, me semble-t-il, d’afficher la couleur en annonçant clairement les choses. S’il s’agit simplement pour l’État de percevoir les charges et impôts quatre mois plus tard, le plan de 110 milliards du Gouvernement n’est pas un plan de sauvegarde, mais un plan d’aide à la trésorerie. Je comprends bien que l’annulation de ces charges et impôts n’est pas comprise dans les 9 % de déficit public ; je sais l’effort supplémentaire que cela représente.

M. Fabien Roussel. Une fois n’est pas coutume, les communistes soutiennent la proposition d’annuler les cotisations sociales incombant aux entreprises car nous avons été, nous aussi, sollicités par des commerçants et des entrepreneurs qui se sont vu imposer par décret de cesser leur activité et qui ne perçoivent donc aucune recette. Un simple report ne les aiderait pas à reprendre leur activité. Ils souhaitent qu’on leur donne des éléments de confiance : plus tôt on leur annoncera une annulation, mieux ce sera.

M. François Pupponi. Il est urgent que le Gouvernement communique de manière plus précise. Prenons le secteur de l’hôtellerie et de la restauration : certains établissements auront été contraints de fermer pendant quatre mois, voire, dans l’Oise notamment, cinq mois. Les entrepreneurs du secteur ont besoin de savoir dans quelles conditions ils vont pouvoir reprendre leur activité. On ne rouvre pas un hôtel important en quarante-huit heures. Vont-ils pouvoir recruter des saisonniers, par exemple ? Si la saison ne dure que deux mois, ces derniers ne viendront pas travailler car ils ne pourront pas percevoir le chômage à l’issue de leur contrat. Des questions très précises se posent. Les messages du Gouvernement doivent être très clairs pour rassurer les entrepreneurs et les salariés.

Mme Véronique Louwagie. Nous avons la chance, en France, d’avoir de très belles entreprises, dirigées par des battants. Il importe donc qu’on leur envoie des signaux qui leur permettent de préparer la sortie de la crise pour que l’activité redémarre rapidement. Si nous adoptons cet amendement, il sera donné une impulsion qui permettra à la croissance de repartir très vite après la crise ; nous y avons tous intérêt.

M. le président Éric Woerth. Ces dettes fiscales et sociales vont peser sur le bilan des entreprises.

M. Éric Coquerel. Chers collègues Les Républicains, nous partageons votre préoccupation, mais si vous souhaitez que les forces de gauche votent vos amendements, préférez au mot « charges » celui de « cotisations », puisqu’il s’agit d’un salaire différé. En outre, il conviendrait de prévoir une contrepartie à ces annulations : les entreprises pourraient, par exemple, s’engager à ne pas licencier ; mais là, vous ne posez aucune condition. Aussi allons-nous nous abstenir.

Mme Cendra Motin. Je précise tout d’abord qu’il est surtout question des cotisations patronales, précisément pour ne pas priver les salariés de leurs droits.

Ensuite, des discussions ont lieu entre le Gouvernement et les comités de filière qui permettront une parfaite adéquation des dispositifs aux besoins des professionnels. Laissons donc se faire le travail de coconstruction.

M. le président Éric Woerth. Je suis pour ma part convaincu que les comités de filière se satisferaient pleinement d’une annulation de leur dette fiscale et sociale sur la période de la crise… Il n’y a même pas besoin de le leur demander !

Mme Patricia Lemoine. Le groupe UDI, Agir et indépendants soutient ces amendements. Les entreprises comme les salariés doivent retrouver confiance en l’avenir, et l’annulation des charges est de nature à rassurer, à encourager l’investissement et la consommation. Le plus grand danger, c’est que la reprise ne soit freinée par des comportements d’épargne ; c’est cela qu’il faut à tout prix éviter, et c’est tout l’intérêt de ces propositions.

M. Jean-Louis Bricout. Le groupe Socialistes et apparentés soutiendra également ces initiatives : les entreprises ont besoin de visibilité compte tenu des nombreuses incertitudes qui demeurent à l’heure actuelle. Ces mesures enverraient un signal positif dans cette période particulièrement difficile.

La commission rejette successivement les amendements CF21, CF47 et CF49.

La commission en vient à l’amendement CF37 de M. Jean-Baptiste Moreau.

M. Belkhir Belhaddad. Cet amendement vise à ce que les exploitants agricoles ayant fait des efforts d’épargne sous l’empire du dispositif de la déduction pour aléas (DPA), désormais abrogé, puissent l’utiliser dans les conditions simples du dispositif de la déduction pour épargne de précaution (DEP), qui l’a remplacé, sans risquer une remise en cause des sommes rapportées au résultat.

L’utilisation de ces sommes par les exploitants présenterait l’intérêt d’améliorer leur trésorerie et, le cas échéant, d’augmenter leur résultat imposable, source de recettes fiscales précieuses pour l’État.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je comprends bien l’objectif du député Jean-Baptiste Moreau, et j’ai d’ailleurs eu l’occasion de me déplacer dans sa circonscription au sujet de la fiscalité agricole. Je m’interroge cependant sur l’opportunité de sa proposition.

Parmi les modalités d’utilisation de la DPA, certes moins larges que celles de la DEP, figuraient le paiement des cotisations d’assurance pour perte d’exploitation et les aléas sanitaires et économiques. Sans qu’il soit nécessaire d’aligner les modalités de l’ancien dispositif sur le nouveau, les sommes déduites sous le régime antérieur me semblent pouvoir être utilisées au titre de la crise actuelle. Il ne semble donc pas nécessaire de leur appliquer les modalités de la DEP.

J’ajoute que les exploitants bénéficient en outre des reports de charges fiscales et sociales, des prêts garantis – selon des conditions qui pourront être rappelées demain en séance publique –, du fonds de solidarité, qui vient d’être étendu aux groupements agricoles d’exploitation en commun (GAEC), et des avances d’aides de la politique agricole commune (PAC).

Mon avis est donc défavorable.

M. Marc Le Fur. Le nouveau dispositif de couverture des aléas est une des rares actions positives pour l’agriculture entreprises ces trois dernières années. Puisqu’il est beaucoup plus simple et plus favorable aux agriculteurs que l’ancien, je ne vois pas ce qui nous empêche d’utiliser les sommes épargnées antérieurement selon ces règles nouvellement établies.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Le nouveau système est en effet meilleur, tout le monde le reconnaît, mais il n’est pas nécessaire de changer le régime des règles pour pouvoir utiliser les sommes épargnées sous l’empire de l’ancienne DPA dans le contexte actuel.

M. Marc Le Fur. Le régime antérieur était très restrictif et s’en tenir à ses règles sera plus contraignant que d’appliquer le nouveau dispositif.

L’amendement CF37 est rejeté.

La commission est saisie de l’amendement CF126 de M. Lionel Causse.

Mme Bénédicte Peyrol. Nos collègues signataires de cet amendement proposent de rétablir la taxe exceptionnelle sur la réserve de capitalisation des acteurs de l’assurance, fixée à 10 % et payable en deux temps, mise en place sous la présidence de Nicolas Sarkozy.

Les acteurs de l’assurance sont appelés à contribuer plus massivement au soutien à l’économie et cette contribution écarterait tout effet d’aubaine qui nuirait à la crédibilité économique des acteurs de l’assurance - l’immobilisation des Français entraînant mécaniquement une réduction du nombre de sinistres.

Les auteurs de l’amendement recommandent que le produit de cette taxe soit utilisé en soutien des petites et moyennes entreprises touchées par la crise.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je suis défavorable à cet amendement, eu égard aux engagements du secteur de l’assurance que j’ai rappelés dans ce débat, engagements dont nous suivrons l’application avec grande attention.

La commission rejette l’amendement CF126.

Elle est saisie, en discussion commune, des amendements CF66 de M. Fabien Roussel et CF168 de M. David Habib.

M. Stéphane Peu. Le rôle des assurances suscite de l’incompréhension, et parfois de la colère, notamment chez les petits commerçants et artisans qui avaient souscrit des contrats pour pertes d’exploitation et se voient refuser tout remboursement.

Dans le Journal du Dimanche de la semaine dernière, le patron d’Axa expliquait qu’il était hors de question que les assurances couvrent les pertes d’exploitation mais qu’il verserait des dividendes à ses actionnaires… Le pays ne peut pas comprendre une telle attitude.

Je ne pense pas que l’on puisse obtenir le juste concours des assureurs au relèvement économique des secteurs sinistrés avec des incitations ou des génuflexions. Pour les assurances comme pour chaque citoyen, la loi doit fixer les règles.

C’est pourquoi, comme l’avait décidé le gouvernement de François Fillon en 2011, puis, dans une moindre mesure, celui de Jean-Marc Ayrault en 2013, nous demandons l’instauration d’une taxe additionnelle sur la capitalisation des assurances. D’un rendement évalué à 2 milliards d’euros, elle pourrait venir combler les pertes d’exploitation des petits commerçants ayant souscrit de tels contrats. Ce n’est pas aux assurances de décider de ce qu’elles doivent apporter dans cette période, mais au législateur.

M. Éric Coquerel. Ces amendements sont indispensables. Si nous attendons que les assureurs procèdent d’eux-mêmes à ces versements, je crains qu’il ne nous reste que les yeux pour pleurer.

J’ai entendu qu’en dernier ressort, l’État mettrait la main au porte-monnaie si les petites entreprises ne trouvent pas l’écoute suffisante de la part des banques. Il en va de même pour les assurances, il faut les contraindre à contribuer en instaurant une taxe.

M. Jean-Louis Bricout. M. Peu a raison de rapporter l’incompréhension et la colère des petits artisans et commerçants, dont les cotisations en assurances pour pertes d’exploitation s’élèvent à 2 milliards d’euros.

L’amendement CF168 reprend une proposition de loi de notre groupe instaurant une contribution obligatoire exceptionnelle, d’un montant de 500 millions d’euros, incluant les 200 millions déjà prévus au bénéfice du fonds de solidarité.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment. Je rappelle que nous serons très attentifs au respect des engagements financiers des assureurs, à hauteur de 3,5 milliards d’euros.

La commission rejette successivement les amendements CF66 et CF168.

Elle est saisie de l’amendement CF167 de Mme Christine Pires Beaune.

M. Jean-Louis Bricout. Il est proposé d’instaurer un prélèvement exceptionnel de solidarité sur les encours d’assurance-vie, évalués à 1 800 milliards d’euros au début 2020. Une faible mobilisation de ces réserves permettrait de cofinancer les mesures de soutien à destination des entreprises et des ménages en difficulté.

Un prélèvement exceptionnel unique de 0,5 % sur ces encours dégagerait une recette de 9 milliards d’euros. Afin de ne pas pénaliser les ménages de la classe moyenne, il serait limité aux personnes physiques ayant des encours d’assurance vie supérieurs ou égaux à 30 000 euros.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Cet amendement fait porter le fardeau sur les titulaires des contrats : ce n’est pas un bon signal à envoyer aux Français qui souffrent de cette crise et qui ont besoin de stabilité fiscale pour envisager l’avenir.

Je saisis cette occasion pour rappeler que j’avais demandé à la présidente de la Fédération française des assurances de nous décrire les comportements des titulaires d’assurance-vie en monétaire et en unités de compte. J’attends toujours sa réponse.

M. Charles de Courson. Il est incohérent de taxer à 0,5 % les contrats d’assurance-vie et pas le reste du patrimoine…

La commission rejette l’amendement CF167.

Elle est saisie de l’amendement CF169 de M. Boris Vallaud.

M. Jean-Louis Bricout. Il s’agit d’interdire aux entreprises ayant bénéficié de la solidarité nationale dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire de verser des dividendes pour 2020.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement CF169.

*

*     *

 


TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES À L’ÉQUILIBRE DES RESSOURCES
ET DES CHARGES

Article 2
Équilibre général du budget, trésorerie et plafond d'autorisation des emplois

Résumé du dispositif et effets principaux

La prévision de déficit budgétaire de l’État est rehaussée à 183,5 milliards d’euros par le présent article du fait de la révision à la baisse des ressources budgétaires et de l’augmentation des plafonds de dépenses retracées dans le tableau d’équilibre.

Le présent article actualise également le tableau de financement et relève le plafond de la variation nette de la dette négociable de l'État d'une durée supérieure à un an.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

Le présent article révise le tableau d’équilibre et le tableau de financement du budget de l’État, tel qu’ils résultaient de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 (ci-après « LFI 2020 »), modifiée par la loi n° 2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020 (ci-après « LFR-1 2020 »).

Ces révisions sont soumises à d’importants aléas – soulignés par le Haut conseil des finances publiques dans son avis n° HCFP-2020-2 du 14 avril 2020 – en raison du contexte très évolutif lié à la crise du covid-19 et à ses conséquences macroéconomiques.

À noter toutefois que le présent article ne modifie pas le plafond d’autorisation des emplois rémunérés par l’État, exprimé en équivalents temps plein travaillé (ETPT), qui demeure fixé au nombre de 1 943 108, prévu par la LFI 2020.

Contenu de l’article d’équilibre

L’article d’équilibre général est un article obligatoire des lois de finances, en vertu de l’article 34 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Il porte sur les seules finances de l’État et non pas, contrairement à l’article liminaire, sur l’ensemble des finances publiques toutes administrations confondues.

En premier lieu, il comporte un tableau d’équilibre qui présente les ressources et les charges budgétaires du budget général, des budgets annexes et des comptes spéciaux. Les ressources sont indiquées à titre évaluatif. En revanche, s’agissant des charges, ce tableau fixe les plafonds des dépenses du budget général et de chaque budget annexe ainsi que les plafonds des charges de chaque catégorie de comptes spéciaux. Il ressort, par différence entre les ressources budgétaires et les charges budgétaires, une prévision de solde budgétaire de l’État.

En deuxième lieu, il comporte un tableau de financement qui évalue les ressources et les charges de trésorerie. Il ressort notamment de ce tableau un besoin de financement (qui comprend essentiellement le déficit à financer et l’amortissement des dettes arrivant à échéance). Le tableau doit être équilibré par des ressources de financement qui comprennent essentiellement le montant des émissions de dette envisagées.

En troisième lieu, l’article d’équilibre doit fixer le plafond d'autorisation des emplois rémunérés par l’État ainsi que le plafond de la variation nette de la dette négociable d'une durée supérieure à un an.

En résumé, l’article d’équilibre est donc un article qui comporte tout à la fois des évaluations non contraignantes (ressources budgétaires, ressources et charges de trésorerie) et des plafonds nécessitant une autorisation parlementaire (plafond de dépenses, d’emplois et de variation de la dette supérieure à un an). Les plafonds ne peuvent être dépassés sans une autorisation parlementaire, exception faite de certains crédits qui ont un caractère évaluatif (essentiellement la charge de la dette).

La seconde partie d’une loi de finances ne peut être mise en discussion avant l’adoption de la première partie (Conseil constitutionnel, décision n° 79-110 DC du 24 décembre 1979, Loi de finances pour 1980). En effet, la seconde partie a notamment pour objet de répartir les crédits entre les différentes missions. Il convient donc que les plafonds soient fixés avant la répartition des crédits pour ne pas mettre en cause l’équilibre défini.

I.   Le tableau d’Équilibre : une prÉvision de dÉficit budgÉtaire record À 183,5 milliards d’euros

SynthÈse du tableau d’Équilibre consolidÉ

(en milliards d’euros)

Recettes nettes du budget général

Recettes fiscales

250,3

Recettes non fiscales

15,7

Total

266,1

Dépenses nettes du budget général

Crédits de paiement

380,5

Prélèvements sur recettes

64,7

Total

445,1

Solde du budget général

– 179,1

Solde des budgets annexes

– 0,2

Solde des comptes spéciaux

– 4,2

Solde budgétaire de l’État

183,5

Le déficit budgétaire de l’État est désormais évalué à 183,5 milliards d’euros, un niveau jamais atteint. Le déficit budgétaire le plus élevé connu dans le passé est celui afférent à l’année 2009. Il s’était élevé à 138 milliards d’euros. En 2019, il se limitait à 92,7 milliards d’euros.

Chronique des dÉficits budgÉtaires depuis 2010

(en milliards d’euros)

Année

2009

2010*

2011

2012

2013

2014*

2015

2016

2017

2018

2019

Déficit

138,0

113,8

90,7

87,2

74,9

73,6

70,5

69,1

67,7

76,0

92,7

* hors programmes d’investissements d’avenir

La prévision de déficit budgétaire pour 2020 est ainsi dégradée de 90,3 milliards d’euros par rapport à la LFI 2020, dont 15,9 milliards d’euros au titre de la LFR-1 2020 et 74,4 milliards d’euros au titre du présent PLFR.

Solde budgÉtaire de l’État 2020

(en millions d’euros)

LFI 2020

LFR-1 2020

PLFR-2 2020

Total

– 93 134

– 15 910

– 74 420

– 183 464

– 90 330

Elle se décompose en :

– un solde du budget général de 179,1 milliards euros, résultant de la différence entre des recettes nettes de 266,1 milliards d’euros, et des dépenses de 445,1 milliards d’euros (comprenant 380,5 milliards d’euros de dépenses nettes et 64,7 milliards d’euros de prélèvements sur recettes) ;

– un solde des budgets annexes de – 0,2 milliard d’euros ;

– et un solde des comptes spéciaux de – 4,2 milliards d’euros.

DÉcomposition de la prÉvision de solde budgÉtaire 2020

(en millions d’euros)

Solde du budget général

– 179 071

Solde des budgets annexes

– 203

Solde des comptes spéciaux

– 4 190

Solde budgétaire de l’État

 83 464

A.   Le budget gÉNÉral (– 179,1 milliards d’euros)

1.   Des prévisions de recettes en forte baisse (– 41,3 milliards d’euros)

Les recettes nettes du budget général sont désormais prévues à 266,1 milliards d’euros, en baisse de 41,3 milliards d’euros par rapport à la prévision de la LFI 2020.

Les prÉvisions de recettes nettes du budget gÉNÉral de l’État pour 2020

(en millions d’euros)

 

LFI 2020

LFR-1 2020

PLFR-2 2020

Total

Recettes fiscales nettes

293 001

– 10 696

– 32 000

250 305

– 42 696

Recettes non fiscales

14 364

+ 3 536

– 2 150

15 750

+ 1 386

Recettes nettes totales

307 366

– 7 160

– 34 151

266 055

– 41 311

a.   Les recettes fiscales (– 42,7 milliards d’euros)

La baisse principale provient des recettes fiscales, celles-ci étant désormais évaluées à 250,3 milliards d’euros au lieu de 293 milliards d’euros en LFI.

Les prÉvisions de recettes fiscales nettes du budget gÉNÉral pour 2020

(en milliards d’euros)

 

LFI 2020

LFR-1 2020

PLFR-2 2020

Total

Taxe sur la valeur ajoutée

126

– 2,2

– 9,1

114,7

– 11,3

Impôt sur le revenu

75,5

– 1,4

– 4,6

69,5

– 6

Impôt sur les sociétés

48,2

– 6,6

– 12,8

28,7

– 19,4

Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques

14,5

0

– 1,5

13

– 1,5

Autres recettes fiscales nettes

28,8

– 0,4

– 4

24,4

– 4,4

Total

293

– 10,7

– 32

250,3

– 42,7

La baisse de la prévision des recettes fiscales nettes par rapport à la LFI 2020 atteint 42,7 milliards d’euros (soit 14,6 % de la prévision initiale) dont :

– 10,7 milliards d’euros enregistrés dès la LFR-1 2020 ;

– et 32 milliards d’euros au titre du présent PLFR.

Les évolutions de prévisions de recettes reposent principalement sur la révision des hypothèses d’évolution spontanée des différents impôts. Dans une période de récession, les recettes fiscales diminuent mécaniquement, du fait de la contraction de leur assiette.

Toutefois, les effets ne sont pas les mêmes selon les impôts.

La baisse du rendement de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) est corrélée à la baisse des dépenses de consommation consécutive au confinement de la population et à la restriction d’ouverture des commerces. La baisse de prévision de rendement de la TVA atteint désormais 11,3 milliards d’euros par rapport à la LFI, soit près de 9 % de la prévision initiale.

La baisse de l’impôt sur le revenu (IR) est plus modérée, en moyenne, que celle de l’ensemble des recettes fiscales. Cela peut s’expliquer par le fait que les revenus des ménages sont en grande partie préservés en raison du dispositif exceptionnel de renforcement du chômage partiel. Néanmoins, le Gouvernement anticipe des baisses de revenus pour certains ménages et un recours plus accru aux possibilités de modulation du taux de prélèvement à la source. Il révise à la baisse de 6 milliards d’euros la prévision de rendement de l’IR par rapport à la LFI, soit 8 % de la prévision initiale.

À l’inverse, le rendement de l’impôt sur les sociétés surréagit. L’assiette taxable repose en effet sur le bénéfice et celle-ci diminue proportionnellement plus vite que l’activité. La prévision est en baisse de 19,4 milliards d’euros par rapport à la LFI 2020, soit 40 % de la prévision initiale.

De même, la limitation stricte des conditions de circulation devrait conduire à un fléchissement de la consommation de carburant, et donc avoir un effet sur le produit de TICPE en 2020. La prévision est ainsi révisée à la baisse de 1,5 milliard par rapport à la LFI, soit 10 % de la prévision initiale.

À noter qu’à ce stade, le niveau estimé des recettes ne tient pas compte des annulations de dettes fiscales qui pourraient être décidées en soutien à certains secteurs d’activité. Le Haut conseil des finances publiques a ainsi relevé dans son avis qu’« au regard de la fragilité prévisible des entreprises au sortir de la crise, une partie des reports de quelques mois d’échéances fiscales et sociales devrait donner lieu à des abandons de créances, qui ne sont pas inscrits » dans le PLFR.

b.   Les recettes non fiscales (+ 1,4 milliard)

Les recettes non fiscales progresseraient en revanche de 1,4 milliard d’euros par rapport à la LFI pour 2020, malgré la baisse attendue des dividendes. La hausse tient essentiellement à la signature d’une convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) avec l’entreprise Airbus le 29 janvier 2020, prévoyant une amende d’intérêt public de 3,6 milliards d’euros.

Les prÉvisions de recettes non fiscales du budget gÉNÉral pour 2020

(en milliards d’euros)

 

LFI 2020

LFR-1 2020

PLFR-2 2020

Total

Dividendes et recettes assimilées

6,1

– 0,4

– 1,2

4,5

– 1,6

Produits du domaine de l’État

1,4

– 0,1

– 0,5

0,8

– 0,6

Produits de la vente de biens et services

1,8

+ 0,2

0

2,0

+ 0,2

Remboursements et intérêts

1,2

0

0

1,2

0

Amendes, sanctions, pénalités, frais de poursuite

1,6

+ 3,9

0

5,4

+ 3,9

Divers

2,3

+ 0,1

– 0,4

2

– 0,3

Total

14,4

+ 3,5

– 2,1

15,75

+ 1,4

2.   Un important relèvement du plafond de dépenses nettes (+ 42,8 milliards)

Le présent PLFR prévoit un plafond de dépenses nettes du budget général relevé à 380,5 milliards d’euros, soit 42,8 milliards d’euros de plus que prévus en LFI.

Plafond de dÉpenses nettes du budget gÉNÉral de l’État en 2020

(en millions d’euros)

LFI 2020

LFR-1 2020

PLFR-2 2020

Total

337 704

+ 6 250

+ 36 500

380 454

42 750

La hausse du plafond de dépenses tient compte d’annulations de crédits portant sur la charge de la dette à hauteur de 2 milliards d’euros par le présent PLFR. Le PLF 2020 faisait l’hypothèse d’une remontée du taux à 10 ans jusqu’à 0,70 % fin 2020. Le Gouvernement explique dans le projet de loi que les taux de certains emprunts sont indexés sur l’inflation et que l’inflation annuelle au mois de mai, qui sert de référence pour l’indexation budgétaire de la majeure partie de ce type d’emprunts, « est à présent attendue en 2020 à un niveau inférieur d’environ 1 % à celui qui était anticipé en loi de finances initiale pour 2020 ». La charge de la dette se limiterait ainsi à 36,6 milliards d’euros en 2020 au lieu de 38,6 milliards d’euros prévus en LFI et 40,3 milliards d’euros constatés en 2019.

Les ouvertures de crédits supplémentaires sont détaillées à l’état B et s’élèvent à 44,7 milliards d’euros par rapport à la LFI pour 2020. Elles portent exclusivement sur le plan de soutien à l’économie. À ce stade, le Gouvernement ne tire pas encore les conséquences de la crise sur les autres programmes budgétaires.

Il s’agit pour près de la moitié de crédits pour permettre des prises de participations (20 milliards d’euros). Un nouveau programme budgétaire est créé à ce titre pour venir alimenter en recettes le compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État. Il a pour objectif « de soutenir l’économie en renforçant les ressources des entreprises présentant un caractère stratégique jugées vulnérables et dont la situation pourrait s’avérer critique en raison des conséquences économiques de la crise sanitaire résultant du Covid-19 ».

Ces ouvertures visent également à financer la part de l’État dans deux instruments de soutien à l’économie : le chômage partiel (16 milliards d’euros) et le fonds de solidarité pour les entreprises (6,25 milliards). Avec les financements de l’Unédic et des régions, ces dispositifs bénéficient d’une enveloppe de 24 milliards d’euros pour le chômage partiel et 7 milliards d’euros pour le fonds de solidarité.

Enfin, le présent PLFR ouvre 2,5 milliards d’euros de crédits au titre de dépenses accidentelles et imprévisibles.

Mouvements de crÉdits sur les dÉpenses nettes du budget gÉNÉral
(hors mission Remboursements et dÉGRÈvements)

(en millions d’euros)

 

LFR-1

PLFR-2

Total

Dispositif exceptionnel de chômage partiel

+ 5 500

+ 10 500

+ 16 000

Fonds de solidarité pour les entreprises

+ 750

+ 5 500

+ 6 250

Dépenses accidentelles et imprévisibles

+ 2 500

+ 2 500

Renforcement exceptionnel des participations financières*

+ 20 000

+ 20 000

Charge de la dette et trésorerie de l’État

– 2 000

– 2 000

Total

+ 42 750

* Il s’agit d’un versement du budget général qui vient en recettes du compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État.

À noter que pour mesurer la totalité des crédits budgétaires prévus pour le financement du plan de soutien à l’économie, il convient d’ajouter les 925 millions d’euros dont l’ouverture est proposée sur le compte de concours financiers Prêts pour le développement économique et social pour abonder le Fonds de développement économique et social (FDES) (voir supra).

Ce sont donc au total plus de 45 milliards d’euros de dépenses budgétaires supplémentaires qui sont prévues sur le budget de l’État, lesquelles constituent une composante du plan de 110 milliards d’euros de soutien à l’économie.

3.   La hausse des prélèvements sur recettes (+ 1,9 milliard)

Le présent PLFR prévoit une hausse de 1,9 milliard d’euros du prélèvement sur les recettes de l'État au profit du budget de l'Union européenne. Le montant total des prélèvements sur recettes est donc désormais prévu à 64,7 milliards d’euros.

Les prÉLÈvements sur recettes en 2020

(en millions d’euros)

 

LFI 2020

LFR-1 2020

PLFR-2 2020

Total

En faveur de l’Union européenne

21 480

0

+ 1 944

23 424

+ 1 944

En faveur des collectivités territoriales

41 247

0

0

41 247

0

Total

62 727

0

+ 1 944

64 671

+ 1 944

Selon l’exposé général des motifs, la hausse provient de « dépenses de cohésion décidée dans le cadre du plan de soutien européen ».

B.   Les budgets annexes (– 0,2 milliard d’euros)

Le budget de l’État comprend deux budgets annexes : le budget annexe Contrôle et exploitation aériens et le budget annexe Publications officielles et information administrative.

Les budgets annexes

Selon l’article 18 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), « des budgets annexes peuvent retracer, dans les conditions prévues par une loi de finances, les seules opérations des services de l’État non dotés de la personnalité morale résultant de leur activité de production de biens ou de prestation de services donnant lieu au paiement de redevances, lorsqu’elles sont effectuées à titre principal par lesdits services. » Les budgets annexes constituent des missions au sens de la LOLF.

La LFR-1 2020 et le présent PLFR ne modifient pas les ressources et charges du budget annexe Publications officielles et information administrative. Le solde de ce budget annexe est prévu par la LFI 2020 en excédent de 21 millions d’euros.

En revanche, le solde du budget annexe Contrôle et exploitation aériens fait l’objet d’une dégradation de 200 millions d’euros résultant du présent PLFR.

1.   Le budget annexe contrôle et exploitation aériens

Le budget annexe Contrôle et exploitation aériens (BACEA) retrace les activités de la direction générale de l’aviation civile (DGAC), rattachée au ministère de la transition écologique et solidaire (MTES).

Il présente l’équilibre entre des recettes provenant des redevances et de taxes acquittées par les compagnies aériennes d’une part et des dépenses destinées à garantir la sécurité et la sûreté du transport aérien d’autre part ; il finance un opérateur : l’École nationale de l’aviation civile (ENAC).

Ces dernières années, les recettes du budget annexe ont été portées par un trafic aérien en forte croissance en moyenne annuelle de 3 % entre 2008 et 2018, pour atteindre 167,3 millions de passagers au départ des aéroports métropolitains, auxquels s’ajoutent 4,7 millions de passagers empruntant les liaisons entre la métropole et les outre-mer, en 2018.

Le total des recettes du BACEA inscrites à l’État A de la loi de finances pour 2020 ([117]) s’élève à 2 118 millions d’euros, hors fonds de concours. Ce montant est en hausse de 3 millions d’euros par rapport à la loi de finances pour 2019 ([118]).

Au sein de cette masse, les prévisions de recettes d’exploitation ont fait l’objet d’un léger rehaussement par rapport à l’année 2019, de + 0,6 % : au total, il était prévu que soient collectés 2 065 millions d’euros issus des taxes et redevances en 2020.

recettes du budget annexe de l’aviation civile entre 2017 et 2020

(en euros)

Numéro de ligne

Intitulé de la recette

2017

(exécution)

2018

(exécution)

LFI 2019

LFI 2020

7010

Ventes de produits fabriqués et marchandises

809 664

690 616

630 000

630 000

7061

Redevances de route

1 373 682 333

1 351 149 537

1 316 000 000

1 293 000 000

7062

Redevance océanique

13 005 076

12 676 180

13 000 000

13 000 000

7063

Redevances pour services terminaux de la circulation aérienne pour la métropole

216 213 914

213 933 501

211 000 000

214 000 000

7064

Redevances pour services terminaux de la circulation aérienne pour l’outre-mer

32 206 436

33 112 942

28 000 000

31 000 000

7067

Redevances de surveillance et de certification

29 989 377

29 756 520

29 980 000

30 350 000

7068

Prestations de service

4 024 150

11 003 923

1 200 000

1 200 000

7080

Autres recettes d’exploitation

1 831 916

4 046 276

1 800 000

1 800 000

7500

Autres produits de gestion courante

87 611

31 725 810

90 000

90 000

7501

Taxe de l’aviation civile

436 604 533

471 905 095

442 724 426

472 000 000

7502

Frais d’assiette et de recouvrement sur taxes perçues pour le compte de tiers

6 474 458

6 507 238

6 540 000

6 540 000

7600

Produits financiers

430 141

544 652

430 000

430 000

7781

Produits exceptionnels hors cessions

2 316 436

400 704

1 500 000

1 500 000

9700

Produit brut des emprunts

102 602 000

0

59 712 861

50 000 000

9282 puis 7782

Produits de cession des immobilisations affectées à la dette

0

2 038 937

2 000 000

2 000 000

 

Total

2 220 278 045

2 169 491 931

2 114 607 287

2 117 540 000

Source : commission des finances

Les crédits demandés pour l’année 2020 se sont élevés, en loi de finances initiale, à 2 140,8 millions d’euros, en augmentation de 18,8 millions d’euros (+ 0,9 %) par rapport à la loi de finances pour 2019.

Le nombre d’emplois rémunérés par le budget annexe est stable : il a été fixé pour 2020 à 10 544 équivalent temps plein travaillés (ETPT), contre 10 545 ETPT en loi de finances pour 2019.

Évolution des dÉpenses du bacea en crÉdits de paiement

(en millions d’euros)

Programmes

Exécution 2018

LFI 2019

LFI 2020

Évolution 2019-2020

613 – Soutien aux prestations de l’aviation civile

1 517,3

1 507,5

1 501

 6,5

– 0,4 %

612 – Navigation aérienne

606,8

572,2

595,3

+ 23,1

+ 4 %

614 – Transports aériens, surveillance et certification

50

42,3

44,5

+ 2,2

+ 5,2 %

Total

2 174,1

2 122

2 140,8

+ 18,8

+ 0,9

Source : commission des finances.

Le programme 613 Soutien aux prestations de l’aviation civile exerce au bénéfice des programmes opérationnels de la mission Contrôle et exploitation aériens une gestion mutualisée des différentes prestations s’inscrivant dans les domaines des ressources humaines, financiers, de la politique immobilière et des systèmes d’information. Il porte ainsi les actions transversales et structurantes au bénéfice de la DGAC. Doté d’un budget, en 2020, de 1,5 milliard d’euros, ce programme comprend les éléments relatifs au remboursement d’emprunt (122 M€) et aux charges financières (11,2 M€), des dépenses d’exploitation et d’investissement concourant au bon fonctionnement des métiers de l’aviation civile (53 M€) et la dotation pour l’École nationale de l’aviation civile, dont la direction est située à Toulouse (95 M€). Les dépenses de personnel demeurent le premier poste de dépense de ce programme, pour un coût de 1,2 milliard d’euros, soit 57 % du total de la mission.

Le programme 612 Navigation aérienne regroupe les activités de la direction des services de la navigation aérienne (DSNA), service à compétence nationale. La DSNA emploie près de 7 400 personnes sur l’ensemble de ses plateformes d’activité, dont 3 400 contrôleurs aériens et 1 300 personnels de maintenance.

Enfin, le programme 614 Transports aériens, surveillance et certification a pour objet de mettre en œuvre la politique de sécurité, de sûreté et de développement durable, et de vérifier la conformité de l’ensemble des acteurs du secteur aux règlements qui leur sont applicables lorsque ce contrôle relève de la DGAC.

2.   La crise sanitaire liée à la propagation du COVID-19 a un impact considérable sur le secteur du transport aérien

Dans le transport aérien, la crise du coronavirus devrait provoquer, selon les dernières estimations à fin mars de l’association internationale des transporteurs aériens (IATA) relayées par la direction générale du trésor, une perte de chiffre d’affaires de 252 milliards de dollars en 2020. Cela représente une diminution de 44 % par rapport à 2019. Le trafic passager devrait lui baisser de 38 % sur l’année ([119]).

S’agissant plus spécifiquement de la France, l’IATA estime que la crise sanitaire pourrait conduire à une perte de 12 milliards d’euros pour les compagnies aériennes, du fait d’une diminution du trafic passager de 65 millions ([120]).

S’il a pu être considéré que le trafic aérien mondial pourrait suivre une courbe « en V » dans le contexte de la crise sanitaire, avec une forte chute d’activité suivi d’un rebond rapide, un consensus émerge sur une reprise graduelle qui ne retrouverait son rythme d’avant-crise qu’en 2021.

Aussi, des mesures de soutien budgétaire spécifiques pour le transport aérien ont été adoptées.

La Commission européenne a confirmé le 31 mars la compatibilité avec les règles sur les aides d’État, au titre de la compensation des répercussions économiques de la pandémie, du report du paiement par les compagnies aériennes titulaires d’une licence d’exploitation en France des taxes de l’aviation civile et de solidarité sur les billets d’avion. Les paiements exigibles entre mars et décembre 2019 pourront être effectués en 2021 et 2022.

Le secrétaire d’État au transport, M. Jean-Baptiste Djebbari, a déclaré à cette occasion que « cette mesure contribuera dans le contexte de la pandémie de Covid-19 à soulager les tensions en termes de trésorerie auxquelles fait face le transport aérien français ».

Cette mesure de report, tout comme les prévisions du trafic aérien, ont un impact direct sur les ressources du Budget annexe contrôle et exploitation aériens.

Aussi, la loi de finances rectificative du 23 mars 2020 ([121]) a-t-elle révisé les prévisions de la loi de finances initiale comme l’indique le tableau suivant.

estimations actualisÉes des recettes du bacea pour 2020
LFR du 23 mars 2020

(en euros)

Numéro de ligne

Intitulé de la recette

Révision des évaluations pour 2020

7010

Ventes de produits fabriqués et marchandises

– 152 354

7061

Redevances de route

– 312 690 444

7062

Redevance océanique

– 3 143 833

7063

Redevances pour services terminaux de la circulation aérienne pour la métropole

– 51 752 324

7064

Redevances pour services terminaux de la circulation aérienne pour l’outre-mer

– 7 496 832

7067

Redevances de surveillance et de certification

– 7 339 640

7068

Prestations de service

– 290 200

7080

Autres recettes d’exploitation

– 435 300

7500

Autres produits de gestion courante

– 21 765

7501

Taxe de l’aviation civile

– 114 145 313

7502

Frais d’assiette et de recouvrement sur taxes perçues pour le compte de tiers

– 1 581 590

7600

Produits financiers

– 103 988

7781

Produits exceptionnels hors cessions

– 362 750

7782

Produits de cession des immobilisations affectées à la dette

– 483 667

9700

Produit brut des emprunts

500 000 000

 

Total

0

Source : État A de la loi n° 2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020.

Les prévisions de recettes du BACEA issues des taxes et redevances, qui s’élevaient à 2,065 milliards d’euros en loi de finances initiale (v. supra), ont ainsi été réduites de 500 millions d’euros, soit une baisse de 24,1 %. Par conséquent, la loi de finances rectificative a augmenté le montant des emprunts du BACEA de 500 millions d’euros et ouvert des crédits à due concurrence sur le programme 824 du compte de concours financiers « Avances à divers services de l’État ou organismes gérants des services publics ».

Ces prêts additionnels doivent permettre à la DGAC d’assumer ses dépenses, au premier chef de personnel.

3.   Le dispositif proposé

Le présent projet de loi de finances rectificative apporte une nouvelle révision des évaluations de recettes du Budget annexe Contrôle et exploitation aériens, telle que présentée dans le tableau suivant.

estimations actualisÉes des recettes du bacea pour 2020
par le prÉsent projet de loi

(en euros)

Numéro de ligne

Intitulé de la recette

LFI 2020

Révision des évaluations en LFR 1

Révision des évaluations par le présent projet de loi

Total actualisé

7010

Ventes de produits fabriqués et marchandises

630 000

– 152 354

 

477 646

7061

Redevances de route

1 293 000 000

– 312 690 444

– 549 382 227

430 927 329

7062

Redevance océanique

13 000 000

– 3 143 833

– 6 606 167

3 250 000

7063

Redevances pour services terminaux de la circulation aérienne pour la métropole

214 000 000

– 51 752 324

– 115 997 676

46 250 000

7064

Redevances pour services terminaux de la circulation aérienne pour l’outre-mer

31 000 000

– 7 496 832

– 15 753 168

7 750 000

7067

Redevances de surveillance et de certification

30 350 000

– 7 339 640

– 9 352 860

13 657 500

7068

Prestations de service

1 200 000

– 290 200

 

909 800

7080

Autres recettes d’exploitation

1 800 000

– 435 300

 

1 364 700

7500

Autres produits de gestion courante

90 000

– 21 765

 

68 235

7501

Taxe de l’aviation civile

472 000 000

– 114 145 313

– 200 134 847

157 719 840

7502

Frais d’assiette et de recouvrement sur taxes perçues pour le compte de tiers

6 540 000

– 1 581 590

– 2 773 055

2 185 355

7600

Produits financiers

430 000

– 103 988

 

326 012

7781

Produits exceptionnels hors cessions

1 500 000

– 362 750

 

1 137 250

7782

Produits de cession des immobilisations affectées à la dette

2 000 000

– 483 667

 

1 516 333

9700

Produit brut des emprunts

50 000 000

500 000 000

700 000 000

1 250 000 000

 

Total

2 117 540 000

0

 200 000 000

1 917 540 000

Source : commission des finances à partir du présent projet de loi.

Au premier trimestre 2020, les aéroports européens ont perdu 21 % de leur trafic, mais la baisse atteint 59,5 % au mois de mars 2020 par rapport à mars 2019. Le 31 mars 2020 étaient dénombrés seulement 174 000 passagers sur l’ensemble des aéroports européens, contre 5,12 millions un an auparavant (– 96,4 %) ([122]).

En outre, le 8 avril 2020, la Commission européenne a invité les États membres de l’espace Schengen ainsi que les pays qui lui sont associés à prolonger jusqu’au 15 mai 2020 la restriction temporaire des déplacements non essentiels dans l’Union européenne.

De fait, la révision des recettes du budget annexe traduit cette actualisation des prévisions du trafic aérien en termes budgétaires. Elle traduit, en outre, le moratoire mis en place sur les taxes et redevances aériennes, qui créé un besoin de financement à court terme avant remboursement.

La chute du rendement de la taxe de l’aviation civile et des redevances devraient être de 900 millions d’euros par rapport à la loi de finances rectificative du 23 mars 2020.

À cet égard, la ligne relative aux emprunts est accrue de 700 millions d’euros.

C.   Les comptes spÉciaux (– 4,2 milliards d’euros)

Les plafonds de dépenses de trois comptes spéciaux sont également relevés.

Le principal relèvement porte sur le compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État. Le présent PLFR relève les crédits de 20 milliards d’euros, correspondant au montant venant en recettes de ce compte et prélevé sur le budget général. Pour rappel, la LFR-1 2020 avait annulé près de 7 milliards d’euros de crédits en raison de l’annulation de prévisions de recettes pour près de 9 milliards d’euros, le nouveau contexte lié à la crise du covid-19 ayant conduit le Gouvernement à renoncer à certaines cessions.

Deux comptes de concours financiers permettant à l’État d’accorder des prêts font également l’objet de relèvement de crédits. Ainsi, les crédits du compte de concours financiers Prêts pour le développement économique et social sont relevés de 925 millions d’euros pour abonder le Fonds de développement économique et social (FDES) qui permet à l’État d’accorder des prêts à des entreprises.

Mouvements de crÉdits sur les comptes spÉciaux

(en millions d’euros)

 

LFR-1

PLFR-2

Total

Compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État

– 6 980

+ 20 000

+ 13 020

Compte de concours financier Avances à des services de l’État

+ 500

+ 700

+ 1 200

Compte de concours financiers Prêts pour le développement économique et social

+ 925

+ 925

À la suite de ces relèvements (15,1 milliards d’euros) et de l’augmentation des recettes sur le compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État pour un montant net de 11 milliards d’euros (– 9 milliards en LFR-1 et + 20 milliards en PLFR-2), le solde des comptes spéciaux ressort désormais à
– 4,2 milliards d’euros alors qu’il était prévu en quasi-équilibre en LFI 2020.

II.   Le tableau de financement : des Émissions de dette d’un niveau inÉgalÉ

Le besoin de financement de l’État pour 2020 est désormais prévu à 322,6 milliards d’euros alors qu’il était prévu à 230,5 milliards d’euros en LFI.

Ce besoin de financement se décompose en 138,4 milliards d’euros au titre de l’amortissement de la dette (remboursement du capital arrivant à échéance), 183,5 milliards au titre du déficit de l’année à financer et 0,7 milliard d’euros au titre d’autres besoins.

Besoin de financement de l’État en 2020

(en milliards d’euros)

Amortissement de la dette à moyen et long termes

136,2

Amortissement des autres dettes

0,5

Amortissement de la dette reprise de SNCF Réseau

1,7

Déficit à financer

183,5

Autres besoins de trésorerie

0,7

Besoin de financement

322,6

De manière inhabituelle, on observe que le déficit à financer représente un besoin de financement plus important que le remboursement des emprunts arrivant à échéance.

Ce besoin de financement est couvert en quasi-totalité par de nouveaux emprunts :

– 245 milliards d’euros d’émissions de dette à moyen et long termes (nettes des rachats) ;

– et 62,1 milliards d’euros de variation nette de l’encours des titres d’État à court terme.

Le solde est couvert par la variation des disponibilités du Trésor à la Banque de France et des placements de trésorerie de l’État (9 milliards d’euros) et d’autres ressources de trésorerie (6,5 milliards d’euros).

Ressources de financement de l’État en 2020

(en milliards d’euros)

Émissions de dette à moyen et long termes nettes des rachats

245

Variation nette de l’encours des titres d’État à court terme

62,1

Variation des disponibilités du Trésor à la Banque de France et des placements de trésorerie de l’État

9

Autres ressources de trésorerie

6,5

Ressources de financement

322,6

Enfin, l’article d’équilibre du présent PLFR prévoit que le plafond de la variation nette, appréciée en fin d’année et en valeur nominale, de la dette négociable de l’État d'une durée supérieure à un an est fixé à 114,5 milliards d'euros, au lieu de 74,5 milliards d’euros en LFI.

Il est à craindre que l’importance des nouvelles émissions ainsi prévues de dette contribue, au moins provisoirement, à une hausse des taux, compte tenu de l’augmentation très substantielle de l’offre des titres émis par la France et par beaucoup d’autres pays, et ce malgré l’effet atténuateur des programmes d’achat d’actifs de la Banque centrale européenne (BCE).

*

*     *

La commission adopte l’article 2 et l’état A annexé, sans modification.

*

*     *

La commission adopte la première partie du projet de loi de finances rectificative, modifiée.

*

*     *

 

 


   SECONDE PARTIE : MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES
ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

TITRE PREMIER
AUTORISATIONS BUDGÉTAIRES POUR 2020. – CRÉDITS DES MISSIONS

Article 3
Budget général : ouvertures et annulations de crédits

Le présent article procède à l’ouverture de 38,5 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et en crédits de paiement (CP) sur le budget général se décomposant en une ouverture de :

– 2,5 milliards d’euros en AE/CP sur la mission Crédits non répartis ;

– 36 milliards d’euros en AE/CP sur la mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire créée par la loi du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020 (LFR I pour 2020) ([123]).

Il procède parallèlement à l’annulation de 6,2 milliards d’euros se décomposant en une annulation de :

– 2 milliards d’euros sur la mission Engagements financiers de l’État ;

– 4,2 milliards d’euros sur la mission Remboursements et dégrèvements.

Ce PLFR ne procède à aucune ouverture ni aucune annulation de crédits sur les vingt-neuf autres missions du budget général de l’État.

Le total des crédits ouverts sur le budget général par la première LFR pour 2020 et le présent PLFR, net des annulations, s’élèverait à 42,5 milliards d’euros.

 


Ouvertures et annulations de crÉdits du budget gÉnÉral proposÉes par le prÉsent plfr

(en millions d’euros)

Mission

Programme

LFR I

PLFR II

LFR I + PLFR II

Ouvertures

Annulations

Solde

Ouvertures

Annulations

Solde

Ouvertures

Annulations

Solde

Crédits non répartis

P552 « Dépenses accidentelles et imprévisibles » (1)

2 500

+ 2 500

2 500

+ 2 500

Engagements financiers de l’État

P117 « Charge de la dette et trésorerie de l’État » (crédits évaluatifs) (2)

2 000

– 2 000

2 000

– 2 000

Plan d’urgence face à la crise

P356 « Prise en charge du dispositif exceptionnel de chômage partiel à la suite de la crise sanitaire »

5 500

+ 5 500

10 500

+ 10 500

16 000

+ 16 000

P357 « Fonds de solidarité pour les entreprises à la suite de la crise sanitaire »

750

+ 750

5 500

+ 5 500

6 250

+ 6 250

P358 « Renforcement exceptionnel des participations financières de l’État dans le cadre de la crise sanitaire »

20 000

+ 20 000

20 000

+ 20 000

Sous-total (3)

6 250

+ 6 250

36 000

+ 36 000

42 250

+ 42 250

Remboursements et dégrèvements

P200 « Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État »

(crédits évaluatifs)

4 566

+ 4 566

4 238

 4 238

4 566

4 238

+ 328

P201 « Remboursements et dégrèvements d’impôts locaux » (crédits évaluatifs)

598

 598

598

 598

Sous-total (4)

4 566

598

+ 3 968

4 238

 4 238

4 566

4 836

 270

Total (1 + 2 + 3 + 4)

10 816

598

+ 10 218

38 500

6 238

+ 32 262

49 316

6 836

+ 42 480

Notes :

– pour l’ensemble des programmes concernés, tant les ouvertures de crédits que les annulations de crédits sont d’un même montant en AE et en CP ;

– ne figurent que les programmes faisant l’objet d’ouvertures ou d’annulations de crédits.

Source : commission des finances, d’après la première LFR pour 2020 et le présent projet de loi de finances rectificative.


—  1  —

1.   Les ouvertures de crédits

Le présent PLFR propose l’ouverture de 38,5 milliards d’euros en AE et en CP sur le budget général de l’État.

● Il est proposé d’ouvrir 36 milliards d’euros de crédits supplémentaires sur la mission Plan d’urgence face à la crise créée par la première LFR pour 2020.

Le programme « Prise en charge du dispositif exceptionnel de chômage partiel à la suite de la crise sanitaire » fait ainsi l’objet d’un abondement supplémentaire de 10,5 milliards d’euros, portant le montant total de crédits ouverts sur le budget de l’État sur ce programme à 16 milliards d’euros. Le coût global du dispositif, une fois intégré la contribution de l’Unédic, serait de 24 milliards d’euros.

Le programme « Fonds de solidarité pour les entreprises à la suite de la crise sanitaire » fait l’objet d’une ouverture supplémentaire de crédits de 5,5 milliards d’euros, portant la somme des crédits ouverts sur le programme par la première LFR et par le présent PLFR 6,25 milliards d’euros.

Il est renvoyé aux fiches 4 et 5 pour davantage de précisions sur chacun de ces deux dispositifs.

Enfin, il est proposé la création d’un nouveau programme intitulé « Renforcement exceptionnel des participations financières de l’État dans le cadre de la crise sanitaire » qui fait l’objet d’un abondement initial de 20 milliards d’euros. Ces crédits sont destinés à alimenter le compte d’affectation spéciale (CAS) Participation financières de l’État. 20 milliards d’euros ont ainsi été inscrits en recettes de ce CAS.

Ces crédits sont destinés à « soutenir l’économie en renforçant les ressources des entreprises présentant un caractère stratégique jugées vulnérables et dont la situation pourrait s’avérer critique » ([124]).

● Le programme « Dépenses accidentelles et imprévisibles » de la mission Crédits non répartis ferait l’objet d’un abondement de 2,5 milliards d’euros.

Ce programme est explicitement prévu par la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) ([125]). Son article 7 prévoit en effet l’existence d’une mission spécifique comportant les crédits d’une « dotation pour dépenses accidentelles destinée à faire face à des calamités, et pour dépenses imprévisibles ».

Selon le Gouvernement, cet abondement a pour objet principal le financement de la mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire compte tenu de l’incertitude des prévisions de consommation des crédits et donc des risques de dépassements.

2.   Les annulations de crédits

Deux programmes feraient l’objet d’annulations de crédits pour un montant total de 6,2 milliards d’euros en AE et en CP. Chacun de ces programmes porte des crédits évaluatifs, en vertu de l’article 10 de la LOLF.

● Le programme « Charge de la dette et trésorerie de l’État » de la mission Engagements financiers de l’État ferait l’objet d’une annulation à hauteur de 2 milliards d’euros en AE et en CP. Cette baisse s’explique par l’évolution des prévisions d’inflation. En effet, un encours de dette d’un peu plus de 200 milliards d’euros est indexé sur l’inflation hors tabac. Ainsi, la variation de la charge annuelle d’indexation est de l’ordre de plus ou moins 0,2 milliard d’euros pour une variation de plus ou moins 0,1 % de l’inflation en France et en zone euro ([126]). L’inflation annuelle retenue est celle enregistrée au mois de mai. Elle est à présent attendue à un niveau inférieur de 1,0 % au niveau anticipé dans le PLF 2020.

● Le programme « Remboursements et dégrèvements d'impôts d’État » ferait l’objet d’une annulation d’un montant de 4,2 milliards d’euros en AE et en CP.

Cette annulation intervient après une ouverture par la première LFR pour 2020 de 4,57 milliards d’euros sur le même programme. D’après les informations obtenues par le Rapporteur général, ces ouvertures tiraient les conséquences :

– de contentieux à hauteur de 2,6 milliards d’euros ;

– de la mécanique de l’impôt sur les sociétés, à hauteur de 1,1 milliard d’euros environ ;

– de l’augmentation des remboursements et dégrèvements sur l’impôt sur le revenu, liée à une réévaluation du montant restitué des crédits d’impôts, à hauteur de 1 milliard d’euros.

Le Gouvernement est amené à actualiser cette estimation avec un mouvement inverse à celui opéré par la première LFR « en cohérence avec l’ajustement des prévisions de recettes » ([127]). Il en résulterait une dotation du programme inférieure d’environ 300 millions d’euros à celle de la loi de finances initiale.

*

*     *

À l’occasion de l’examen de l’article 3, la commission des finances a adopté :

– deux amendements identiques CF155 de M. Charles de Courson et CF216 rapporteur général (amendement 329), visant à réduire la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles de la mission Crédits non répartis de 880 millions d’euros ;

– un amendement symétrique CF217 (amendement 340) du rapporteur général, visant parallèlement à augmenter de 880 millions d’euros le montant de la dotation du programme « Inclusion sociale et protection des personnes » de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances ([128]). Cette augmentation permet de financer l’aide exceptionnelle de solidarité en faveur des foyers les plus modestes dont le Gouvernement a indiqué devant la commission des finances le mercredi 15 avril 2020 qu’elle était estimée globalement à 880 millions d’euros.

Le montant total des crédits du budget général de l’État serait inchangé. Les ouvertures de crédits sur la mission Crédits non répartis par le présent PLFR seraient ramenées à 1,62 milliard d’euros en AE/CP, pour une dotation totale de 2,94 milliards d’euros en AE et 2,64 milliards d’euros en CP, compte tenu des dotations de la loi de finances initiale.

La dotation de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances serait de 27,2 milliards d’euros en AE/CP, dont 13,3 milliards d’euros en AE/CP sur le programme « Inclusion sociale et protection des personnes ».

*

*     *

La commission examine l’amendement CF73 de M. Éric Coquerel.

M. Éric Coquerel. Nous allons aborder un sujet délicat : les obsèques des victimes du coronavirus, pour lesquelles nous proposons que l’État assure une prise en charge totale. Bien qu’une réponse ait été apportée en ce qui concerne le scandale de Rungis – certains acteurs ont profité de la situation pour se faire de l’argent –, la question de fond demeure. Les familles en situation de précarité sont plus particulièrement touchées, mais notre proposition s’appliquerait à tout le monde, au nom du principe d’égalité. Il faut aller plus loin que la prise en charge par la commune des frais d’obsèques des personnes indigentes et nous pensons que c’est à l’État d’agir.

Le gage concerne les crédits du programme Fonds pour l’accélération du financement des start-up d’État. Le Gouvernement pourra le lever s’il accepte l’amendement et nous pourrons réfléchir à une autre manière de financer la mesure juste et humaine dont nous demandons l’instauration.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Merci d’avoir déposé cet amendement. Au-delà de la souffrance causée par la perte d’un proche, les conditions dans lesquelles il faut enterrer les défunts dans la situation actuelle sont particulièrement douloureuses et complexes. Que peut-on faire ? Je ne sais pas si tout le monde a bien à l’esprit que le décret du 27 mars dernier allège déjà, ce qui était nécessaire, certaines obligations administratives. Par ailleurs, vous avez eu raison de rappeler que les communes peuvent prendre en charge les obsèques. La caisse nationale d’assurance vieillesse et la sécurité sociale peuvent aussi le faire en partie dans certains cas, et des assurances privées sont susceptibles de jouer. Il faut faire attention aux familles qui se trouvent dans les situations les plus précaires, afin de ne pas ajouter à leur peine des difficultés financières. J’espère que les mesures annoncées par le Premier ministre permettront de répondre à certains besoins, même si je suis bien conscient que les assouplissements et les aides ne pourront jamais tout régler.

M. Éric Coquerel. J’invite à réfléchir à cette question sur laquelle nous devrions tous nous retrouver.

Des communes annoncent qu’elles vont acheter des masques pour leur population, mais il y a un risque de rupture d’égalité : plus une commune a des moyens importants, plus elle peut subvenir à ce genre de besoins. Ne faisons pas de même en ce qui concerne les obsèques.

Les sommes mobilisées par l’État face à la crise actuelle sont tellement importantes que cet amendement n’aura que peu d’impact sur le plan budgétaire. En revanche, il apportera beaucoup en matière de simplicité et d’égalité. J’espère que nous arriverons à nous entendre sur ce sujet.

La commission rejette l’amendement CF73.

Elle est saisie de l’amendement CF69 de M. Hervé Pellois.

Mme Cendra Motin. Cet amendement vise à transférer 25,20 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement du programme 215 Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture vers le programme 149 Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture. Il s’agit de penser à l’après en portant la provision pour aléas au niveau qui était le sien en 2019, c’est-à-dire à 200 millions d’euros. Le ministre de l’agriculture et de l’alimentation pourra ensuite affecter ces crédits à des aides à la relance, à des garanties bancaires ou à des subventions aux acteurs de l’animation territoriale.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. S’agissant des surcoûts liés aux conséquences de la crise pour les agriculteurs, le ministre de l’économie et le ministre de l’agriculture ont indiqué que le fonds de solidarité pouvait être mis à contribution. Il a notamment été élargi aux groupements agricoles d’exploitation en commun (GAEC). Je crois que nous sommes au rendez-vous en ce qui concerne le filet de sécurité pour les agriculteurs. Quant à l’après, nous pourrons en reparler lors d’un prochain texte, qui comportera probablement des mesures pour ce secteur.

La commission rejette l’amendement CF69.

Elle aborde l’amendement CF196 de M. Dominique Potier.

Mme Christine Pires Beaune. Cet amendement vise à renforcer l’autonomie de l’agriculture française en matière de production de soja. Nous nous inscrivons dans la lignée du discours du 12 mars dernier : le Président de la République a déclaré qu’il fallait se placer en dehors des règles du marché et acquérir une certaine autonomie en matière de santé mais aussi sur le plan alimentaire. Par ailleurs, les importations de soja se font dans des conditions environnementales que nous n’approuvons pas.

L’amendement tend à créer un fonds de 20 millions d’euros supplémentaires pour la production de soja en France. Nous sommes encore loin de l’objectif de 250 000 hectares en 2025, même si des progrès ont eu lieu. J’ajoute que les crédits du programme 215 Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture seraient réduits de 20 millions d’euros dans le seul but de gager l’amendement – nous ne souhaitons pas, en réalité, que ces moyens soient rognés.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je pense qu’il faudrait des moyens encore plus importants pour répondre à la question de la déforestation liée à l’importation de soja, mais je comprends bien que c’est un amendement d’appel, visant à engager le débat avec le Gouvernement. Cela me paraît néanmoins un peu tôt : il s’agit d’un projet de loi de finances rectificative de crise.

L’amendement CF196 est retiré.

La commission examine l’amendement CF118 de M. François Pupponi.

M. Charles de Courson. Les familles les plus modestes rencontrent des difficultés en raison de la fermeture des cantines. L’amendement CF118 prévoit 200 millions d’euros, gagés par une diminution des crédits de l’action 4 du programme 135 Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat afin d’aider ces familles. Je rappelle que certaines collectivités ne facturent pas plus d’un euro en temps normal le repas pris à la cantine – or on ne se nourrit pas pour ce prix à la maison.

M. le président Éric Woerth. Le Gouvernement vient d’annoncer la création d’une aide sociale dans ce domaine.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Le Premier ministre l’a annoncé hier, en effet. Je crois que cela répond à votre demande : seront notamment concernées les familles dont les enfants fréquentaient des cantines ayant une tarification sociale. Le confinement conduit mécaniquement à une paupérisation accrue de ces foyers. Les mesures prévues par le Gouvernement apporteront une aide plus directe et plus efficace. J’émets donc un avis défavorable à votre amendement.

M. Charles de Courson. Je vais le retirer, mais je le redéposerai en vue de la séance publique. Si j’ai bien compris, il y aura 150 euros par foyer et 100 euros supplémentaires par enfant, mais cela sera-t-il un versement chaque mois ou une fois pour toutes ?

M. le président Éric Woerth. Nous pourrons en reparler en séance.

L’amendement CF118 est retiré.

La commission est saisie de l’amendement CF154 de Mme Sandrine Mörch.

M. Belkhir Belhaddad. Les personnes prostituées dépendent beaucoup, à l’heure actuelle, de la mobilisation d’associations spécialisées. L’amendement CF154 prévoit que l’État contribue à cette action sociale : 10 millions d’euros seront transférés de l’action 7 du programme 135 Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat à l’action 11 du programme 177 Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. C’est un sujet très important : il ne faut laisser personne de côté dans la période que nous traversons. C’est le tissu associatif, vous l’avez dit, qui vient d’abord en aide à ces personnes. Il faut continuer à les accompagner en renforçant les capacités du tissu associatif. Nous l’avons fait dans le cadre du fonds de solidarité et d’autres mesures. Il y a aussi la réserve civique, au sein de laquelle chacun peut s’engager grâce à la plateforme jeveuxaider.gouv.fr. S’agissant plus particulièrement des personnes dépendant de la prostitution, le dispositif d’hébergement d’urgence a été renforcé par l’ordonnance qui a prolongé de deux mois la trêve hivernale, là aussi dans une optique de protection.

La commission rejette l’amendement CF154.

Elle en vient à l’amendement CF82 de Mme Sabine Rubin.

M. Éric Coquerel. Cet amendement pourrait être intitulé « pas de travail sans masque ». De plus en plus de personnes reprennent le travail sans être protégées, y compris lorsque la nature de leur activité les met en contact avec d’autres. C’est encore le cas chez les soignants, qui ont pourtant récupéré beaucoup de masques en faisant appel au système D, à des dotations privées ou de collectivités, plutôt que grâce à l’État, et c’est encore plus vrai ailleurs. Je me suis rendu au centre de rétention administrative du Mesnil-Amelot, dont je demande la fermeture, le plus vite possible, pour des raisons sanitaires : j’ai été frappé de voir que les fonctionnaires de police n’avaient pas un seul masque. Ils étaient exposés à un risque de contamination. Si le travail reprend dans ces conditions dans le bâtiment, le secteur de l’énergie ou les transports, il y aura évidemment une deuxième vague. Il ne faut pas que l’État s’en remette à telle ou telle initiative en ce qui concerne la protection des salariés. Il doit mettre la main à la pâte. C’est pourquoi nous demandons des crédits supplémentaires.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Vous avez raison de signaler ce besoin car il est essentiel. J’ai eu l’occasion d’interroger hier le ministre de l’action et des comptes publics sur la dotation exceptionnelle destinée à Santé publique France, qui permettra de constituer le stock stratégique de masques. Ces derniers arrivent progressivement, comme le rappelle le Gouvernement.

M. Éric Coquerel. Non, ces masques n’arrivent pas. J’ai interrogé M. Véran en ce qui concerne les soignants. Il m’a dit que les masques arrivaient malgré des problèmes de logistique. L’après-midi même, des soignants de Seine-Saint-Denis ont posé la question au chef de l’État, qui a bien été obligé de convenir que ce n’était pas le cas – en tout cas ce n’est pas grâce à l’État, mais au système débrouille. L’État doit s’assurer que ceux qui produisent et qui assurent une activité indispensable à la nation sont protégés d’une manière égale.

La commission rejette l’amendement CF82.

Elle examine l’amendement CF200 de M. Olivier Faure.

M. Jean-Louis Bricout. On ne perçoit que 84 % de son salaire en cas de chômage partiel, hormis au niveau du SMIC – la prise en charge est alors de 100 %. Notre amendement prévoit un taux de 100 % jusqu’à 2,5 SMIC. Les fins de mois peuvent être difficiles car il n’y a pas que les effets du chômage partiel : certains perdent aussi des primes, comme celle de panier dans le bâtiment, et les familles subissent des charges supplémentaires, notamment de nature alimentaire ou en lien avec la continuité pédagogique. Il y a également la question des prêts à rembourser.

M. le président Éric Woerth. L’employeur peut faire ce que vous demandez : certaines grandes entreprises compensent, ce qui me paraît plutôt judicieux quand c’est possible pour elles.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Les autorisations d’engagement pour l’activité partielle sont passées de 100 millions avant la crise à 24 milliards d’euros avec ce texte : des moyens sont mis en œuvre massivement en ce qui concerne l’activité partielle. Par ailleurs, l’État assure une prise en charge intégrale du salaire net à hauteur de 84 % jusqu’à 4,5 SMIC. Dans le cadre de l’activité partielle classique, hors période de crise, la prise en charge de l’État ne va que jusqu’au niveau du SMIC. L’effort est considérable et efficace – plus de 8 millions de salariés bénéficient de ce mécanisme robuste et déjà très onéreux. L’employeur, cela vient d’être dit, peut, le cas échéant, décider de compenser les 16 points restants.

La commission rejette l’amendement CF200.

Elle est saisie de l’amendement CF214 de Mme Ericka Bareigts.

Mme Christine Pires Beaune. Cet amendement prévoit 50 millions d’euros supplémentaires pour assurer la prise en charge du chômage partiel dans le cadre de dispositifs qui en sont exclus aujourd’hui, notamment le volontariat international en entreprise (VIE). Des petites et moyennes entreprises (PME) d’outre-mer emploient des jeunes en VIE. Ces derniers ne peuvent pas bénéficier du chômage partiel alors que ce sont des salariés comme les autres.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. En temps normal, les entreprises pratiquant le VIE perçoivent une indemnité pour rémunérer les volontaires, largement subventionnée par l’État, exonérée de charges sociales et sur laquelle ils n’acquittent pas d’impôt. Dès lors, il est normal que cette indemnité n’ouvre pas droit au dispositif d’activité partielle.

Mme Christine Pires Beaune. Mais de quel revenu les VIE disposent-ils si leur entreprise est fermée ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je n’ai pas eu connaissance de cas où l’indemnité n’était plus payée par les pouvoirs publics pendant la période de confinement. Mais je sais que des contrats n’ont pu commencer, notamment dans l’administration, car les mobilités à l’international sont très contraintes. Les VIE ou VIA qui sont demeurés restent a priori rémunérés.

Mme Véronique Louwagie. On ne peut pas laisser non plus sans solution les catégories qui ne sont pas couvertes par le chômage partiel comme les mandataires sociaux, les présidents de SAS, les gérants minoritaires de SARL ou les conjoints collaborateurs.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Ces cas sont différents, car ils étaient dépourvus de filet de sécurité. Ils ont été intégrés dans les dispositifs selon le principe suivant : contrat de travail vaut ouverture de l’activité partielle ; pas de contrat de travail vaut ouverture du fonds de solidarité. S’agissant des VIE, il est cohérent qu’ils n’aient pas accès à l’activité partielle puisqu’ils continuent d’être indemnisés.

L’amendement CF214 est retiré.

La commission examine l’amendement CF215 de Mme Éricka Bareigts. 

M. Jean-Louis Bricout. Les économies ultramarines ont beaucoup souffert des crises sociales de 2017 et 2018 et du mouvement des gilets jaunes. Il s’agit de créditer de 500 000 euros supplémentaires les fonds servant à financer le chômage partiel.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avec cet amendement d’appel, notre collègue Bareigts entend évoquer les difficultés particulières rencontrées par les territoires ultramarins. Pour compléter la récente audition d’Annick Girardin par la mission d’information, un dialogue avec le Gouvernement en séance publique sera nécessaire.

La commission rejette l’amendement CF215.

Puis elle examine l’amendement CF101 de M. Fabien Roussel.

M. Fabien Roussel. Cet amendement visant à abonder de 5 milliards d’euros le FSE, afin de répondre aux besoins des petites entreprises, a été élaboré avec l’Union des entreprises de proximité, l’U2P. Ces fonds supplémentaires permettraient d’étendre l’éligibilité aux entreprises employant entre 10 et 20 salariés et aux entreprises n’ayant aucun salarié. Nous proposons aussi que l’aide complémentaire de 5 000 euros puisse permettre aux entreprises qui n’ont enregistré aucune recette de régler les frais fixes – loyer, énergie, assurance – dus pour les mois de fermeture administrative.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. L’ensemble des députés ont noté ces difficultés et sont en dialogue avec les représentants de ces entreprises – Olivia Gregoire défendra des amendements en faveur des indépendants.

En ayant porté le fonds de solidarité d’un à sept milliards d’euros, élargi les critères d’éligibilité et augmenté le montant de l’aide supplémentaire, désormais de 5 000 euros, nous couvrons un large éventail de structures et répondons à davantage de besoins. Le FSE, dans sa deuxième version, est correctement calibré.

L’État finance beaucoup mais nous attendons des assureurs qu’ils prennent leur part et que toutes les régions procèdent aux décaissements des montants promis.

J’ai évoqué il y a un mois le principe selon lequel sans recettes, il n’y a pas de charges. La présidente de la fédération française des assurances (FFA) a confirmé que les primes d’assurance étaient reportées. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CF101

Elle est saisie de l’amendement CF122 de M. Charles de Courson

M. Charles de Courson. Il s’agit d’un amendement d’appel. On nous demande d’abonder de 20 milliards d’euros le programme de renforcement exceptionnel des participations financières de l’État, ce qui n’est pas rien ! Mais c’est en vain que l’on interroge le Gouvernement sur l’usage précis de cette somme.

Nous savons, par la presse, que l’État devrait apporter entre 4 et 6 milliards à Air France. Pour Airbus, peut-être pourrait-on restituer les 2 milliards du produit de l’amende ? Mais le Parlement devrait être un minimum respecté et mieux informé. Certes, la tradition veut que le Gouvernement refuse de répondre aux questions des parlementaires, y compris des rapporteurs spéciaux. Monsieur le rapporteur général, avez-vous des informations sur l’ordre de grandeur des enveloppes prévues ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. En ces temps de crise, il est normal que nous ne sachions pas encore précisément à quelles entreprises et sous quelle forme ces fonds seront apportés. Le Gouvernement lui-même l’ignore puisque cela dépendra de la situation des entreprises stratégiques considérées. Vous pourrez poser cette question demain au ministre de l’économie, qui vous répondra le plus précisément possible, dans les limites de ses connaissances actuelles.

M. Gilles Carrez. La seule information dont nous disposons est qu’il s’agira d’entreprises stratégiques, pas forcément publiques. En tant que parlementaires, nous devrions être mieux informés. Ce matin, et à juste titre, Éric Coquerel a demandé si une entreprise de fabrication de pompes à oxygène, dans le domaine sanitaire, était concernée. Nous devrions connaître les lignes directrices. J’estime qu’a minima, le président, le rapporteur général et la rapporteure spéciale sur les participations financières de l’État, Valérie Rabault, devraient être tenus au courant.

Je le dis comme je le pense : mon expérience m’invite à nourrir la plus grande méfiance à l’égard de la gestion de l’Agence des participations de l’État (APE). Sur ces sujets d’une extrême importance, les parlementaires doivent être associés.

M. le président Éric Woerth. Le ministre de l’économie a expliqué qu’il avait donné une liste au Président de la République. Peut-être devrions-nous la demander ?

M. Éric Coquerel. Excellente intervention de Gilles Carrez ! Si Bruno Le Maire n’est pas au courant de la situation de Péters Surgical, c’est que l’entreprise n’est pas sur la liste ! Il est évident que la représentation nationale doit savoir où vont ces aides.

M. le président Éric Woerth. On ne nous prend pas nécessairement pour des ignares… Parfois, les informations ne peuvent pas circuler pour des raisons de confidentialité et de confiance des marchés.

M. Charles de Courson. Le ministre de l’économie a aussi évoqué des nationalisations temporaires. C’est bien le travail du Parlement que d’autoriser le Gouvernement à nationaliser ! Il s’agit quand même d’un sujet majeur, qui mérite d’être débattu devant le Parlement !

M. le président Éric Woerth. Nous en parlerons donc demain en séance publique.

M. Charles de Courson. Ce ne sont pas des prêts que l’État consentira à Air France, mais des fonds propres.

M. le président Éric Woerth. Si j’ai bien compris, il ne s’agira pas que de fonds propres.

M. Gilles Carrez. Et dire qu’il va falloir nationaliser ADP ! (Sourires.)

M. Charles de Courson. Il faut aussi parler d’Airbus. Le Gouvernement doit informer la commission des finances, s’il le faut à huis clos.

Ces 20 milliards d’euros abondent un programme nouveau intitulé Renforcement exceptionnel des participations financières de l’État dans le cadre de la crise sanitaire. Cela signifie que l’on ne peut pas nationaliser une entreprise dans laquelle l’État n’a pas de participations. Il est anormal que le rapporteur général lui-même n’ait aucune information et que nous apprenions tout par la presse ! Le rapporteur général est-il de cet avis ou estime-t-il que ce sont là choses trop sérieuses pour que l’on en débatte avec les parlementaires ?

La commission rejette l’amendement CF122.

Elle examine ensuite l’amendement CF146 de M. François Pupponi. 

M. Charles de Courson. Le Gouvernement a annoncé des programmes sectoriels en faveur des secteurs fermés par décision administrative – hôtellerie, restauration, événementiel, culturel, tourisme. Comment entend-il financer ces programmes ? Avec les 2,5 milliards que nous avons ouverts sur les dépenses accidentelles ? Pouvons-nous obtenir quelques éclaircissements, alors que la décision de fermeture administrative a été prise il y a plus d’un mois ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il est vrai que notre niveau d’information n’est pas celui que nous serions en droit d’attendre dans des temps normaux, mais nous travaillons tous dans l’urgence et ne disposons que de quelques heures pour découvrir les modifications proposées des crédits. Il ne paraît pas incohérent de ne pas disposer des informations que vous me demandez.

M. Charles de Courson. Nous aimerions être un tant soit peu informés. Comment va-t-on financer ces programmes sectoriels ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Les ministres l’ont dit hier lors de leur audition : tout le monde travaille au jour le jour pour construire ces plans sectoriels. Nous ne sommes pas en train de discuter d’un projet de loi de finances initiale, avec des anticipations qui datent de quatre mois ! Tout est créé dans l’urgence et les dispositions de soutien se prennent au fur et à mesure des effets de la crise économique. Je partage votre exigence concernant l’information du Parlement, mais il faut comprendre que le Gouvernement lui-même ne dispose pas de l’ensemble des informations.

La commission rejette l’amendement CF146.

Elle examine l’amendement CF208 de M. Christophe Naegelen.

M. Christophe Naegelen. Monsieur le rapporteur général, vous avez dit que le FSE était à peu près calibré : je ne suis pas tout à fait d’accord avec vous. L’objet de cet amendement est donc d’élargir la base du FSE, qui n’est actuellement ouvert qu’aux entreprises de moins de dix salariés. Des campings et des commerces, qui emploient entre dix et cinquante salariés, ont en effet été obligés de fermer ; pourtant, ils ne bénéficient pas de ce fonds de solidarité. J’interviendrai donc demain pour demander l’élargissement du FSE aux entreprises de moins de cinquante salariés.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Vous voulez élargir les critères du fonds de solidarité, or cette décision est de nature réglementaire et non législative. Toutefois, en passant d’un milliard à sept milliards d’euros, nous répondons à l’objectif du fonds de solidarité d’aider les toutes petites entreprises, comptant moins de dix salariés.

Les PME sont-elles suffisamment accompagnées dans leurs besoins en trésorerie ? Outre les possibilités de reports de charges et le chômage partiel, le prêt garanti par l’État (PGE) est un outil qui carbure ! De très nombreuses PME se voient octroyer des prêts garantis par l’État à 90 %. Les encours déjà accordés à ce titre sont supérieurs à tous ceux accordés lors de la crise de 2008. Cet outil est massivement utilisé par les PME de plus de dix salariés.

Le fonds de solidarité est un filet de sécurité supplémentaire de 7 milliards d’euros pour les toutes petites structures, qui sont particulièrement fragiles dès qu’il leur manque un euro de chiffre d’affaires dans le mois. Pour les PME, qui ont les reins un peu plus solides que les TPE, nous avons prévu les outils adéquats. Je ne pense donc pas que le fonds de solidarité soit mal calibré.

M. Christophe Naegelen. Il existe deux types de PME : celles qui, ayant de la trésorerie, n’ont pas recours au PGE mais voient leur trésorerie fondre parce qu’elles doivent toujours payer leurs charges et rembourser leurs prêts, et celles qui, ayant moins de trésorerie, auront recours au PGE.

Des entreprises ont été obligées de fermer de manière complètement unilatérale alors que certaines auraient pu mettre en place les gestes barrières et fournir des équipements de protection individuelle. Ce faisant, on ne leur a laissé que deux solutions : soit rembourser un crédit, soit voir fondre rapidement la trésorerie qu’elles avaient réussi à constituer sur quelques années.

La commission rejette l’amendement CF208.

Elle en vient à l’amendement CF71 de M. Éric Woerth.

Mme Véronique Louwagie. Cet amendement a pour objet de renforcer le fonds de solidarité. Le dispositif a été assoupli en passant le seuil de diminution de l’activité de 70 % à 50 %, comme nous l’avions d’ailleurs proposé lors de l’examen du premier projet de loi de finances rectificative. Vous avez revu également la période de référence et clarifié la situation en parlant de défiscalisation et de désocialisation : tout cela va dans le bon sens.

Toutefois, de trop nombreuses entreprises ne bénéficient pas du dispositif car les critères sont trop restrictifs. Certes, cela est de nature réglementaire, mais nous sommes ici pour porter la voix des citoyens. Pour vous donner quelques exemples, le bénéfice imposable de l’entreprise doit être inférieur à un seuil de 60 000 euros. Or une entreprise peut compter plusieurs associés gérants. Le seuil de 60 000 euros ne concerne pas uniquement le revenu de l’entreprise : il inclut la rémunération et les charges sociales des gérants, ce qui peut correspondre à un revenu très bas. Certaines entreprises sont donc ainsi exclues du fonds de solidarité. De même, les entreprises dont l’effectif est supérieur à dix salariés ne peuvent pas être retenues. Les entreprises dont le dirigeant est retraité par ailleurs ou a un contrat de travail à temps complet ne bénéficient pas du fonds de solidarité. Nous n’avons pas de solution pour les entreprises nouvelles, créées depuis février 2020. Il en va de même pour les entreprises qui ne sont pas à jour de leurs dettes fiscales et sociales ; et je pourrais vous donner bien d’autres exemples !

Par ailleurs, le montant pose problème : reconnaissez que 1 500 euros pour payer les charges de l’entreprise et pour assurer en partie le revenu du chef d’entreprise, ce n’est pas beaucoup ! L’écart est important avec le soutien accordé aux salariés au titre du chômage partiel, qui va jusqu’à 4,5 SMIC, soit à peu près 5 000 euros. Cette mesure est très bonne et je ne la conteste pas mais il est important de soutenir nos entreprises, qui participent au maillage et à l’aménagement de notre territoire.

Enfin, l’Allemagne a fait le choix d’accorder 50 milliards d’aides directes à ses petites entreprises, ainsi qu’une aide de 15 000 euros par entreprise : nous pourrions nous inspirer d’un dispositif comme celui-ci.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Notre système d’activité partielle est plus protecteur que celui de nos voisins : si nous faisons une comparaison de pays à pays, la France n’a pas à rougir des mesures d’aide destinées à ses entreprises.

Je reste défavorable à vos propositions parce que le fonds de solidarité est devenu massif. La première mouture pouvait sembler un peu légère car elle ciblait les toutes petites entreprises, celles que l’on avait fermées administrativement. En un mois, les critères ont été considérablement étendus, en retenant la moyenne des chiffres d’affaires sur douze mois plutôt que la seule référence aux mois de mars 2019 et 2020, ou encore avec le passage du seuil de 70 % à 50 %. Il y a eu énormément d’avancées, même si ce fonds ne couvrira jamais tous les besoins. De plus, les mesures d’aides à la trésorerie sont cumulables. Il faut éviter de faire du fonds de solidarité le budget général de l’aide aux entreprises. Il importe de conserver sa cible originelle, sous peine de perdre en efficacité.

Mme Bénédicte Peyrol. Le fonds de solidarité a évolué depuis le début, ce que nous avons tous salué. Vous avez évoqué quelques trous noirs, madame Louwagie, comme le cumul emploi-retraite ou le sujet des entreprises qui ont été créées entre le 1er février et le 15 mars. Nous aurons demain l’occasion d’interpeller le ministre sur ces problématiques, dont nous ne contestons pas la réalité.

La commission rejette l’amendement CF71.

Elle est saisie de l’amendement CF178 de Mme Valérie Rabault.

Mme Christine Pires Beaune. Avant de présenter cet amendement, je souhaite revenir très rapidement sur les propos tenus par Charles de Courson. Si nous ne contestons pas être dans une période d’urgence, celle-ci est toujours mauvaise conseillère. Elle ne doit pas être un prétexte pour amoindrir le devoir de contrôle des parlementaires. Je partage donc l’avis de Charles de Courson sur cette fameuse liste : les membres de la commission des finances, sous réserve de confidentialité, devraient avoir accès à ces informations.

L’amendement de Valérie Rabault vise à renforcer les moyens alloués par l’État au fonds de solidarité en le faisant passer de 7 à 8,5 milliards d’euros, afin d’en élargir le périmètre. En effet, certaines professions ne sont pas éligibles, comme les cabinets d’avocats ayant recours aux contrats de collaboration, ou encore les très nombreux artisans qui, bien que travaillant seuls, ont recours à un apprenti.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Les choses sont claires pour les avocats : soit il y a un contrat de collaboration, soit il n’y en a pas. L’éligibilité à l’activité partielle est corrélée à l’existence ou non d’un contrat. Il n’y a donc pas de trous dans la raquette. Les avocats n’ayant pas de contrat peuvent bénéficier du fonds de solidarité, sous réserve du respect des critères, comme la diminution du chiffre d’affaires de 50 %. Aucune profession n’est oubliée par ce dispositif.

La commission rejette l’amendement CF178.

Elle examine les amendements identiques CF155 de M. Charles de Courson et CF216 du rapporteur général.

M. Charles de Courson. Il y a un problème de respect de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Selon son article 7, une dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles peut être constituée pour faire face à des dépenses imprévisibles liées à des calamités. De plus, son article 11 précise que les crédits ouverts sur cette dotation sont répartis par programme, par décret pris sur le rapport du ministre chargé des finances. Je suis donc très étonné que le Gouvernement ouvre 2,5 milliards sur la dotation pour dépenses accidentelles afin de financer les programmes sectoriels – hôtels, cafés, restaurants, etc. – ainsi que le système de solidarité : c’est complètement contraire aux articles 7 et 11 de la loi organique. M. le rapporteur général et moi-même avons donc déposé deux amendements symétriques visant à répartir correctement les 880 millions pour la prime de solidarité, plutôt que d’imputer ces crédits sur les dépenses accidentelles.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il s’agit effectivement d’enlever 880 millions d’euros annoncés hier par le ministre lors de son audition des 2,5 milliards d’euros dans un premier temps, pour pouvoir les affecter à la mission Solidarité, insertion et égalité des chances dans un second temps.

M. Fabien Roussel. Nous sommes surpris de découvrir que l’aide aux plus démunis, à savoir 150 euros par famille bénéficiant des minima sociaux, plus 100 euros par enfant, soit adoptée dans ce PLFR sous cette forme, sans que nous ayons véritablement la possibilité de débattre des questions concernant les publics qui pourraient en bénéficier et les montants qu’il faudrait y affecter. Il est important que nous puissions amender ce dispositif.

M. le président Éric Woerth. On prend sur la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles pour financer cette aide !

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Cela a aussi été fait pour ne pas devoir à nouveau examiner des collectifs budgétaires en urgence pour traiter de cette question. Les crédits du PLFR 1 sont en effet quasiment tous consommés : nous sommes donc obligés de nous retrouver aujourd’hui, en ayant eu seulement quelques heures pour préparer nos amendements et examiner le texte. Cela permet aussi, ce qui n’avait pas été prévu il y a un mois, de disposer d’un coussin un peu plus large pour pouvoir préparer la suite. Les 880 millions en faveur des plus précaires font bien partie des 2,5 milliards à répartir : c’est pourquoi Charles de Courson et moi-même proposons de les retirer, par clarté budgétaire et par passion de la LOLF, afin que chaque crédit du budget de l’État se trouve, dès que possible, à sa bonne place.

M. Fabien Roussel. Pourrons-nous débattre demain, dans l’hémicycle, de l’affectation de ces 880 millions d’euros pour les familles les plus démunies ?

M. le président Éric Woerth. Ce n’est pas le sujet de l’amendement !

M. Fabien Roussel. La démocratie doit jouer son rôle et le Parlement aussi : est-ce que nous pourrons en débattre demain, alors que 10 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté et que le nombre des loyers impayés augmente ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Pour clore la discussion sur ce point, monsieur Roussel, je rappelle que le Premier ministre s’est exprimé hier au sujet de la prime de précarité et que la question des bénéficiaires est d’ordre purement réglementaire : il n’y aura pas de disposition législative visant à préciser ce point. L’objet des amendements que Charles de Courson et moi-même avons présentés, c’est uniquement d’affecter correctement les crédits en vue du versement de cette prime.

Mme Cendra Motin. J’ai été rapporteure des crédits non répartis de la fonction publique et je sais que, si ces crédits procurent de la souplesse au Gouvernement, ils se traduisent par une réduction de la visibilité pour les parlementaires. Il me semble bien préférable, pour la démocratie et pour l’action des députés, que des crédits soient affectés, dès que possible, à une mission bien déterminée, comme le prévoient les deux amendements du rapporteur général.

M. Charles de Courson. Ce que prévoit le projet de loi n’étant pas conforme aux articles 7 et 11 de la loi organique, nous proposons d’y remédier. Par ailleurs, il est nécessaire que les 880 millions d’euros dont il est ici question soient isolés au sein d’un programme afin que nous puissions les suivre, et que le Gouvernement puisse nous faire part de ses intentions.

Monsieur le rapporteur général, seriez-vous d’accord pour que nous déposions un amendement de nomenclature, visant à créer un programme – vraisemblablement au sein de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances ? Pour ma part, je serais disposé à le cosigner en complément de nos deux amendements respectifs.

M. le président Éric Woerth. Ce que je comprends, c’est que l’on prend dans une dotation au moment où on la constitue pour financer le programme d’inclusion annoncé par le Premier ministre.

M. Charles de Courson. Les dépenses accidentelles ne sont pas faites pour cela, monsieur le président.

M. le président Éric Woerth. C’est pourtant bien ce qui est fait…

M. Charles de Courson. À tort ! Mais il nous appartient justement de faire respecter la loi organique, et c’est l’objet de l’amendement de notre rapporteur général, ainsi que du mien.

M. le président Éric Woerth. Pour ma part, je trouve que tout cela est tellement mal fait que je ne prendrai pas part au vote.

M. Charles de Courson. C’est un amendement d’appel !

La commission adopte les amendements identiques CF155 et CF216 (amendement 329).

Elle est saisie de l’amendement CF143 de M. François Pupponi.

M. Charles de Courson. Actuellement, la perte dont doit justifier une entreprise pour bénéficier du fonds de solidarité doit s’élever à 50 % du chiffre d’affaires. Avec l’amendement CF143, nous proposons d’abaisser ce seuil à 30 % pour permettre à un plus grand nombre d’entreprises dans le besoin de bénéficier de subventions – je précise qu’il s’agit d’un amendement d’appel.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je ne reviendrai pas sur les critères relatifs à la baisse de chiffre d’affaires, dont nous avons déjà longuement débattu : le passage de 70 % à 50 % de la baisse de chiffre d’affaires constitue une avancée dont nous devons nous satisfaire.

La commission rejette l’amendement CF143.

Elle examine l’amendement CF135 de Mme Anne-Laure Cattelot.

Mme Cendra Motin. L’amendement CF135 vise à combler un trou dans la raquette évoqué tout à l’heure par Mme Louwagie : il s’agit des retraités qui, pour compléter leurs revenus, ont choisi de continuer une activité d’indépendant ou d’auto-entrepreneur.

Anne-Laure Cattelot, à qui l’on doit cet amendement, m’a cité l’exemple de Chantal, une coiffeuse qui intervient habituellement dans les EHPAD du Nord et qui, dans le contexte actuel, ne peut apporter ce petit moment de réconfort aux personnes âgées, ce qui lui occasionne une perte de revenus. Pour remédier aux situations de ce type, cet amendement propose que les retraités percevant un revenu inférieur ou égal à 800 euros mensuels puissent accéder au fonds de solidarité pour les entreprises.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il s’agit là d’un amendement d’appel, ayant pour objet une disposition de nature plutôt réglementaire ; c’est pourquoi je ne vous proposerai pas de l’adopter. Toutefois, je souscris totalement à la philosophie qui le sous-tend, consistant à donner un coup de pouce aux personnes touchant une petite retraite, souvent incitées à reprendre une activité complémentaire, conformément à la valeur travail que nous avons à cœur d’encourager. Pour la forme, je vais vous demander de retirer cet amendement, mais je vous donne un avis favorable de principe.

L’amendement CF135 est retiré.

La commission est saisie de l’amendement CF136 de Mme Anne-Laure Cattelot.

Mme Cendra Motin. Dans le même esprit que le précédent, l’amendement CF136 a pour objet de répondre à la situation de certaines personnes – souvent des femmes – qui testent une idée de reconversion tout en conservant un emploi salarié à temps partiel de façon à s’assurer un minimum de revenus. Dans le contexte que nous connaissons, ces personnes se trouvent privées d’un revenu sur lequel elles comptaient. Il est donc proposé de leur permettre d’accéder au fonds de solidarité des entreprises, à condition que leur revenu salarial soit inférieur ou égal à 800 euros par mois.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Des évolutions sont déjà venues améliorer la situation des personnes à temps partiel. En la matière, nous devons nous référer à un principe clair, à savoir que le fonds doit bénéficier aux petites entreprises en grande difficulté tandis que l’activité partielle est destinée aux salariés, sans qu’une personne physique puisse cumuler les deux dispositifs. Je vous invite par conséquent à retirer cet amendement ; j’émettrai à défaut un avis défavorable.

M. Marc Le Fur. Puisqu’il est ici question d’entreprises, je ne comprends pas très bien pourquoi il est proposé de prendre en considération les revenus de la personne : faudrait-il, dès lors, prendre en compte le montant de sa retraite, son patrimoine, les revenus du conjoint ? Pour moi, cela ne rime à rien : on considère soit l’entreprise, soit le particulier, et dans le premier cas, qui semble être le plus logique, on n’a pas à prendre en compte les revenus du particulier.

Mme Cendra Motin. J’entends ce que dit M. Le Fur et je vais retirer cet amendement. Cela dit, pour ce qui est des retraités, le cumul entre la retraite et le chômage partiel est possible, et c’est ce qui justifie d’envisager un dispositif calqué sur cette situation – mais nous aurons l’occasion d’en discuter demain avec le ministre.

L’amendement CF136 est retiré.

La commission examine l’amendement CF176 de M. Boris Vallaud. 

M. Jean-Louis Bricout. L’hôpital public et ses personnels se trouvent dans une situation d’urgence, notamment pour ce qui est des dépenses relatives à l’acquisition de matériels de protection tels que les masques, des mesures portant sur les indemnités journalières et le jour de carence, des rémunérations exceptionnelles du personnel soignant et, bien sûr, d’une première tranche de surcoûts liés à la crise. Cet amendement d’appel vise à créer un nouveau programme, intitulé Soutien à l’hôpital public et à ses personnels, doté de 8 milliards d’euros, et à ce que soit envisagée l’adoption d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Les dispositions proposées relèvent du champ des affaires sociales, c’est pourquoi je vous invite à retirer votre amendement. Pour ce qui est d’un éventuel PLFRSS, je rappelle d’une part que l’ONDAM n’est pas un budget limitatif mais simplement un objectif, d’autre part qu’il a été confirmé que 4 milliards d’euros sur un total de 8 milliards d’euros seront bien affectés à Santé publique France, entre autres pour permettre l’acquisition d’un stock de masques.

M. Jean-Louis Bricout. Effectivement, un premier geste a été fait, mais nous sommes loin de répondre à la situation d’urgence dans laquelle se trouve l’hôpital. Cela dit, je retire cet amendement d’appel.

L’amendement CF176 est retiré.

La commission est saisie de l’amendement CF201 de Mme Christine Pires Beaune. 

Mme Christine Pires Beaune. La crise sanitaire que nous traversons a provoqué une crise économique affectant l’économie réelle mais aussi une crise sociale. Si les mesures de chômage partiel qui ont été mises en place sont très bonnes, je le reconnais, c’est tout un pan de la population qui a été oublié par le premier PLFR : il s’agit des plus modestes, dont le Gouvernement a parlé hier. Le présent PLFR ne tenant pas compte de ces annonces récentes, l’amendement CF201 vise à les inscrire dans le projet de loi. Pour cela, il prévoit une mesure d’urgence sociale exceptionnelle (MUSE), consistant dans le versement d’aides aux personnes qui, en raison de la crise, voient s’exacerber les difficultés auxquelles elles sont déjà confrontées habituellement.

Le Gouvernement a cité hier le revenu de solidarité active, mais ce périmètre nous paraît insuffisant. Si les allocataires de l’allocation de solidarité spécifique (ASS) sont concernés, il a laissé de côté les retraités pauvres, c’est-à-dire ceux qui touchent l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), que l’on appelait naguère minimum vieillesse, ainsi que les travailleurs qui, en complément d’un salaire modeste, perçoivent une prime d’activité, et les étudiants.

L’amendement CF201 a donc pour objet de mettre en place une aide pour tous ces publics oubliés, à hauteur d’un montant de 5 milliards d’euros – ce que nous faisons en créant une nouvelle ligne Mesure d’urgence sociale exceptionnelle au sein de la mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire, afin de suivre les crédits correspondants.

Vous allez peut-être me dire, monsieur le rapporteur général, que ces 5 milliards d’euros sont beaucoup par rapport à la somme d’un milliard d’euros évoquée par le Gouvernement et à celle de 880 millions d’euros évoquée par le ministre Darmanin hier. Cependant, il me semble que sur un plan global de plus de 100 milliards d’euros – dont il faut déduire, certes, 40 % de moindres recettes à titre temporaire –, on doit pouvoir consacrer aux publics les plus fragiles un peu plus d’un milliard d’euros…

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Depuis le début de ce mandat, les minima sociaux ont été augmentés. Ainsi, l’allocation de solidarité aux personnes âgées a été augmentée – de 100 euros –, de même que l’allocation adulte handicapé et la prime d’activité. Plutôt que de se demander si les montants des aides sont suffisamment élevés, il faut s’interroger sur le sens de l’annonce qui a été faite hier par le Premier ministre d’allouer ces aides aux foyers les plus précaires. Dans la mesure où nous sommes en présence d’une crise exogène, qui n’est la faute de personne, nous devons nous assurer que son impact sera aussi limité que possible en termes d’emploi et de vie quotidienne de nos concitoyens.

Pour cela, nous nous sommes demandé quels publics se trouvaient le plus fragilisés dans leur quotidien et devaient donc être aidés en priorité. Il s’avère que ce sont ces familles ayant souvent des enfants et qui, avant la crise, pouvaient bénéficier d’une tarification sociale pour la cantine scolaire et d’aides alimentaires associatives – qui se trouvent actuellement réduites pour des raisons d’organisation. Pour ces familles, il a donc été décidé de mettre en place une aide de 150 euros, majorée de 100 euros par enfant.

La question est de savoir si nous comblons bien les besoins des familles que nous avons identifiées comme les plus fragiles, en leur donnant les moyens nécessaires pour continuer à vivre dignement durant la crise. La proposition gouvernementale me semble satisfaisante : nous verrons s’il convient de l’élargir dans le cadre du prochain projet de loi de finances mais, en l’état actuel des choses, elle me paraît bien calibrée.

M. Jean-Louis Bricout. L’effort social me semble insuffisant au regard de l’effort économique qui est consenti. Certes, on se propose d’aider les familles en grande précarité et certains publics tels que les personnes en insertion professionnelle, mais il reste tout un pan de la population qui n’est pas pris en compte. Ces gens, qui vivent à côté de ceux qui vont être aidés, ce sont souvent les travailleurs pauvres des territoires industriels. Ils connaissent également les fins de mois difficiles, et je pense que les laisser de côté pourrait susciter un sentiment d’injustice, voire de colère – il est d’ailleurs permis de penser que ces personnes sont celles que l’on trouvait parmi les rangs des gilets jaunes il y a quelques mois –, que nous ne devons pas sous-estimer.

M. Fabien Roussel. Nous estimons que l’aide en faveur des plus démunis constitue une première réponse, mais une réponse qui se révèle trop faible. Au cours des deux dernières années, ce sont 400 000 personnes supplémentaires qui sont passées sous le seuil de pauvreté, et on compte aujourd’hui 9,4 millions de personnes qui vivent avec moins de 1 000 euros par mois. Le confinement coûte cher aux familles concernées, car le prix du caddie moyen a largement augmenté, ainsi que les factures. Certains bailleurs sociaux affirment constater une augmentation des impayés et les associations caritatives estiment que nous avons aujourd’hui passé la barre des 10 millions de Français vivant sous le seuil de pauvreté, le régime de chômage partiel indemnisé à 84 % ayant fait perdre à de nombreuses personnes 16 % de leur pouvoir d’achat. Quand les deux personnes d’un couple perdent toutes deux 16 % de leur salaire, c’est une perte énorme pour le ménage. Il est nécessaire d’élargir fortement le périmètre de cette aide exceptionnelle, c’est pourquoi demain, en séance publique, nous espérons bien ouvrir le débat afin que l’aide soit portée à 300 euros et concerne un plus grand nombre de personnes.

M. le président Éric Woerth. Je rappelle que, jusqu’au SMIC, le chômage partiel est indemnisé à 100 %.

M. Belkhir Belhaddad. En dépit des mesures ayant été mises en œuvre, certains de nos collègues nous reprochent de ne pas être allés assez loin. Cependant, je rappelle que l’objet des aides mises en place est avant tout de permettre aux personnes concernées de conserver leur dignité durant le temps de la crise, de continuer à s’approvisionner, de payer leurs factures et de nourrir correctement leurs enfants – en effet, depuis le début du confinement, ceux-ci ne peuvent plus se rendre à la cantine de leur établissement scolaire, et prennent donc tous leurs repas au domicile familial : or, si la cantine est gratuite pour les familles les plus précaires, les repas pris à la maison coûtent. Je peux comprendre que vous nous reprochiez de ne pas aller suffisamment loin, mais reconnaissez tout de même que les mesures gouvernementales constituent une avancée significative : ce que vous n’avez pas fait auparavant, nous le faisons !

La commission rejette l’amendement CF201.

La commission examine l’amendement CF205 de M. Christophe Naegelen.

M. Christophe Naegelen. Il convient de créer un programme de substitution si le Gouvernement ne parvient pas à obtenir des assureurs le remboursement de la perte d’exploitation de certaines entreprises à hauteur de 15 % à 20 %, en particulier dans les secteurs de l’hôtellerie et de la restauration. L’effort que les assurances ont déjà consenti n’est pas correctement fléché et devrait l’être sur la perte d’exploitation.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Vous n’avez pas tort mais le nouvel abondement du fonds de solidarité est précieux même si, j’en suis bien d’accord, il ne couvre pas l’ensemble des pertes que vous évoquez.

Je suis certain que nous débattrons longuement de cette question demain.

La commission rejette l’amendement CF205.

Elle examine l’amendement CF198 de Mme Valérie Rabault.

M. Jean-Louis Bricout. Il s’agit d’alimenter un fonds à hauteur d’1,6 milliard pour financer une prime exceptionnelle destinée aux travailleurs à domicile.

Des dispositions existent pour les assistantes maternelles pour lesquelles, dans le cadre du chèque-emploi service universel (CESU), 80 % du salaire sont remboursés aux employeurs.

Les statuts des auxiliaires de vie et des aides à domicile peuvent être en revanche très différents. Certaines sont embauchées par des structures privées ou des associations comme l’ADMR – Aide à domicile en milieu rural – lesquelles peuvent peut-être bénéficier de la prime Macron mais sont aussi très fragilisées.

Les structures qui dépendent des collectivités sont parfois rattachées aux centres communaux d’action sociale (CCAS), à des Syndicats intercommunaux à vocation multiple (SIVOM) ou à des communautés de communes mais, là encore, la situation sera difficile. Outre que certaines ne pourront pas verser la prime dédiée aux emplois publics, il est techniquement difficile voire, me semble-t-il, interdit d’abonder le budget consacré à l’aide à domicile à partir du budget principal d’une commune.

Ces professionnels risquent de passer à côté de la reconnaissance qui leur est due, alors même qu’en temps normal, leurs conditions de travail sont difficiles. Il faut donc trouver une solution.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Parliez-vous du secteur privé, du secteur public ou des deux ?

M. Jean-Louis Bricout. Des deux. Nous sommes en train de passer à côté.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Oui et non en terme de prime car un dispositif est prévu : M. le secrétaire d’État Olivier Dussopt a déclaré hier que la prime sera versée aux personnels de la fonction publique hospitalière et qu’une réflexion est engagée sur le secteur médico-social ; le secteur privé est quant à lui également éligible à l’activité partielle et à la prime Macron. Pourquoi jugez-vous qu’il y aurait exclusion ?

M. Jean-Louis Bricout. Parce que les structures n’ont pas les moyens. Le budget des ADMR est au plus juste et nombre de collectivités ne pourront pas non plus procéder aux financements.

Mme Cendra Motin. Je partage votre constat, monsieur Bricout : les ADMR n’auront pas d’argent à consacrer à des primes. Pourquoi ? Parce que les montants versés notamment par les départements ne sont pas souvent à la hauteur des besoins.

Nous devons travailler – nous avons d’ailleurs commencé – à une reconnaissance salariale de ces professionnels sur le long terme. Le rapport Libault sur la dépendance est très clair – une revalorisation globale des salaires est nécessaire –, tout comme l’a été le ministre Le Maire. C’est ce que nous allons faire.

M. Charles de Courson. Contrairement à ce que vous pourriez croire, les ADMR et d’autres structures ne sont que très peu financées par les conseils départementaux : elles le sont par les caisses de retraite de base et complémentaire, dont les tarifs de prise en charge sont inférieurs à ceux des départements.

Quid, en revanche, des personnels qui interviennent dans le cadre du CESU, à titre personnel ? M. Dussopt n’en a pas fait état. M. le rapporteur général ou d’autres collègues ont-ils des idées ?

Le travail de ces salariés est donc le même mais au sein de structures juridiquement très différentes.

La commission rejette l’amendement CF198.

Elle examine l’amendement CF207 de M. Christophe Naegelen.

M. Christophe Naegelen. Il s’agit d’un amendement d’appel.

Les assureurs et les mutuelles refusent de prendre en charge la part complémentaire obligatoire de l’employeur lors d’un arrêt de travail pour garde d’enfants de moins de seize ans. Le Gouvernement doit donc faire pression pour qu’ils jouent leur rôle.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Des dispositifs sont déjà appliqués.

M. le président Éric Woerth. En effet, la Fédération française de l’assurance nous a dit que des indemnités sont versées en complément de l’assurance maladie.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je vous propose que nous en parlions demain plus précisément.

M. le président Éric Woerth. Elle a même fait part de chiffres considérables puisqu’une grande partie des 3 milliards de mesures exceptionnelles qui ont été prises par les assureurs y est consacrée.

L’amendement CF207 est retiré.

La commission examine l’amendement CF199 de Mme Valérie Rabault.

Mme Christine Pires-Beaune. La filière médico-sociale a toujours été le parent pauvre de la santé, ce qui explique le très mauvais état des EHPAD hospitaliers.

Les personnels soignants qui y travaillent n’ont pas démissionné : ils sont là et eux aussi méritent notre reconnaissance. Cet amendement vise donc à attribuer une prime de 1 000 euros à tous les salariés des EHPAD. Nous proposons également la création d’une ligne spécifique au sein de la mission qui a été créée.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je vous renvoie à nouveau aux échanges que nous avons eus hier avec Olivier Dussopt à propos du secteur médico-social, afin que la prime soit élargie aux personnels des EHPAD. Je crois que les choses avancent.

Comme vous, je considère que le secteur médico-social est trop souvent le parent pauvre de la santé et qu’il ne doit pas être oublié.

La commission rejette l’amendement CF199.

Elle examine l’amendement CF189 de Mme Michèle Victory.

M. Jean-Louis Bricout. Il s’agit de créer un fonds de solidarité pour les intermittents du spectacle et les techniciens, pour tenir compte des annulations de tournages et de festivals.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je vous propose une réponse générale concernant le secteur culturel.

Les dispositifs de droit commun s’appliquent : le fonds de solidarité, le dispositif d’activité partielle, la garantie de l’État, le report des charges fiscales et sociales.

Des actions spécifiques ont également été déployées. Pour le cinéma et l’audiovisuel : suspension par le Centre national du cinéma et de l’image animée des échéances de paiement de la taxe sur les entrées pour le mois de mars, versement anticipé des aides aux salles d’art et d’essai et soutien sélectif à la distribution, versement de subventions aux organisateurs de manifestations annulées, mobilisation, par anticipation, du fonds de soutien pour les exploitants, distributeurs et producteurs. Pour le secteur de la musique : fonds de soutien à destination des professionnels les plus fragilisés financé par le Centre national de la musique, suspension du versement de la taxe sur les billetteries pour le mois de mars. Pour le spectacle vivant : attribution d’une aide d’urgence de 5 millions d’euros. Pour le livre : plan d’urgence financé par le Centre national du livre avec versement des subventions au titre des manifestations annulées et report des échéances de prêts attribués aux auteurs et éditeurs. Pour les arts plastiques : fonds d’urgence de 2 millions d’euros pour les galeries d’art, les centres d’art labellisés et des artistes-auteurs financés par le Centre national des arts plastiques et les directions régionales des affaires culturelles.

Enfin, je rappelle que l’ordonnance du 27 mars 2020 octroie des aides exceptionnelles aux titulaires des droits d’auteur et droits voisins par l’intermédiaire des organismes de gestion collective qui reçoivent des rémunérations en vertu de l’exception pour copie privée.

Je vous accorde que cela ne suffira pas toujours mais nous veillerons à la relance dans l’ensemble de ce secteur car, nous le savons, l’industrie culturelle sera très fortement touchée.

La commission rejette l’amendement CF189.

Elle examine l’amendement CF193 de Mme Hélène Vainqueur-Christophe.

Mme Christine Pires-Beaune. Il s’agit de créer un fonds de 200 millions d’euros pour les collectivités locales d’outre-mer, où il convient également de surveiller le renchérissement des prix.

Par ailleurs, le réseau d’alerte nous permet d’observer quelles collectivités sont dans le rouge et, visiblement, c’est le cas d’un pourcentage important de communes des collectivités d’outre-mer.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Cette crise met encore plus en exergue les problèmes structurels que connaissent les collectivités d’outre-mer.

L’État contribue évidemment à répondre à la crise dans ces territoires – je vous renvoie à l’audition de Mme la ministre Annick Girardin – mais il ne me semble pas pertinent de créer un fonds exceptionnel de soutien.

Nous sommes convenus avec la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de réfléchir, dès après la crise, au financement et à la fiscalité de ces collectivités.

M. Charles de Courson. Nous n’avons pas encore abordé le volet des collectivités territoriales alors qu’une bombe est devant nous, celle des départements, en raison de l’effondrement des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) et de l’augmentation des dépenses sociales : RSA, mesures en faveur des personnes âgées, soutien aux réseaux associatifs de services à domicile ou dans les établissements… En l’état, quasiment aucune disposition n’a été prise.

Le pacte de Cahors a certes été suspendu mais nous n’avons pas abordé les problèmes de fond, par exemple, ceux des collectivités où se trouvent des casinos et qui sont confrontées à l’effondrement de leurs recettes. Même si, en général, elles ne comptent pas parmi les plus pauvres, comment feront-elles ? Quid, également, des recettes liées à la taxe de séjour ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je partage vos inquiétudes. Le pacte de Cahors est en effet suspendu et nous devrons être vigilants. Le président de la délégation aux collectivités de notre assemblée, Jean-René Cazeneuve, suit de près la situation – il a d’ailleurs reçu pour mission d’évaluer les conséquences de la crise pour les collectivités territoriales.

Le projet de loi 3D, « Décentralisation, différenciation et déconcentration », toujours envisagé dans le calendrier de travail législatif, devra quant à lui être réactualisé à l’aune de la crise que nous traversons.

La commission rejette l’amendement CF193.

Elle examine l’amendement CF194 de M. Guillaume Garot.

M. Jean-Louis Bricout. Il s’agit de créer un fonds doté de 150 millions pour la distribution de bons alimentaires, principalement à destination des sans domicile fixe – dont la situation est très délicate en raison de la baisse du nombre de bénévoles – mais aussi pour les familles en grande précarité car les associations caritatives rencontrent parfois de grandes difficultés.

Un fonds de chèques-services d’une valeur de 7 euros par jour et par personne existe pour les produits de première nécessité mais il n’est doté que de 15 millions, ce qui couvre les besoins de 60 000 personnes pour un mois. Nous sommes donc très loin du compte. Il convient d’abonder l’enveloppe dédiée à hauteur de 150 millions.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. La distribution de bons alimentaires sera financée jusqu’à la fin du mois de mai et le ministre Julien Denormandie suit la situation de très près.

Le soutien aux associations est une priorité, notamment à l’endroit de celles qui se consacrent à l’aide aux personnes les plus démunies et aux sans-abris. La distribution de bons alimentaires doit perdurer autant que nécessaire.

Mme Cendra Motin. L’action du Gouvernement s’étend bien au-delà.

Le ministre Denormandie a fait en sorte que de nombreuses places d’accueil de jours soient ouvertes pour tous les sans-abris. Dans mon département, le préfet est très mobilisé pour l’accueil des sans domicile fixe et des demandeurs d’asile. J’ajoute que nous avons créé des centres spécifiques pour accueillir dignement les malades du Covid-19.

La commission rejette l’amendement CF194.

La commission est saisie de l’amendement CF195 de M. Dominique Potier.

Mme Christine Pires Beaune. Notre amendement vise à créer un fonds d’urgence destiné aux agriculteurs afin de leur éviter de faire faillite et de favoriser la continuité de leur activité. Il permettrait de sauvegarder des exploitations fragilisées, je pense en particulier à celles de la filière fromagère « Appellation d’origine protégée » et de la filière laitière qui sont en grande difficulté.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. J’ai déjà répondu au sujet des exploitations agricoles. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CF195.

Elle examine l’amendement CF181 de M. Guillaume Garot.

M. Jean-Louis Bricout. Nous proposons de créer un fonds de soutien doté de 100 millions d’euros à destination des associations d’aide alimentaire. Nous savons que La banque alimentaire doit faire face à une baisse des collectes.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Le Gouvernement, conscient de la nécessité de soutenir les associations, dont nous avons plus que jamais besoin, a déjà pris plusieurs mesures en leur faveur. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CF181.

Elle en vient à l’amendement CF179 de M. Hervé Saulignac.

Mme Christine Pires Beaune. Nous proposons de créer un fonds de soutien en direction des intervenants qui luttent contre les violences conjugales, en hausse pendant le confinement.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. La recrudescence des violences domestiques envers les femmes et les enfants est en effet un grave problème, dont se sont emparés Marlène Schiappa, secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, et Adrien Taquet, secrétaire d’État chargé de la protection de l’enfance.

Les solutions existantes ont été renforcées. La plateforme arrêtonslesviolences.gouv.fr est accessible pendant toute la durée du confinement, sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Le 3919 est le numéro relatif aux violences conjugales et, pour l’enfance en danger, le numéro à privilégier est le 119. En cas d’urgence, c’est le 17 qu’il faut appeler.

La commission rejette l’amendement CF179.

Elle est saisie de l’amendement CF180 de M. Hervé Saulignac.

M. Jean-Louis Bricout. Cet amendement vise à créer un fonds de soutien en direction des acteurs de la lutte contre les violences infantiles doté de 50 millions d’euros. Nous savons que les tensions au sein des familles redoublent en ce moment, surtout dans les petits appartements.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je vous demande de bien vouloir le retirer. Je vous renvoie aux arguments que je viens de donner.

La commission rejette l’amendement CF180.

Elle examine l’amendement CF190 de M. Guillaume Garot.

Mme Christine Pires Beaune. Nous entendons créer un fonds de soutien doté de 50 millions d'euros à destination des festivals, interdits jusqu’au 1er août 2020 – l’Allemagne a retenu pour sa part une interdiction de dix-huit mois. Les annulations ont des conséquences indirectes pour les territoires et certaines collectivités ont maintenu leurs aides.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Le ministère de la culture a créé une cellule qui permet d’accompagner au cas par cas les organisateurs de festivals. Je vous invite à prendre connaissance des précisions données par Franck Riester cet après-midi même. Avis défavorable.

M. Marc Le Fur. Il faut distinguer deux types de festivals : ceux qui ont lieu avant le 15 juillet sont en quelque sorte protégés par l’interdiction ; ceux qui se dérouleront après sont exposés à un risque de faillite. Compte tenu du fort degré d’incertitude, nombreux sont ceux qui ont décidé d’annuler mais ils ne pourront honorer leurs dettes à l’égard des artistes, des sociétés de services, des équipes de sécurité. Les efforts doivent d’abord porter sur ces festivals se déroulant à compter du 15 juillet, si mal servis par le calendrier.

M. le président Éric Woerth. Les festivals ne peuvent se tourner vers les assurances qui ne couvrent pas ces risques, mais à partir du moment où l’État interdit les grands rassemblements, des solutions pourront être trouvées au cas par cas.

La commission rejette l’amendement CF190.

Elle en vient à l’amendement CF209 de Mme Patricia Lemoine.

Mme Patricia Lemoine. L’amendement propose la création d’un nouveau programme Fonds de solidarité à destination des parcs zoologiques ou animaliers doté de 50 millions d’euros. Fermés depuis la mi-mars, ces parcs doivent continuer d’assurer les soins des animaux et l’entretien des installations alors qu’ils resteront fermés au moins jusqu’à la mi-juillet.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Le ministre des comptes publics a répondu sur les réseaux sociaux aujourd’hui même à une question analogue de votre collègue Loïc Dombreval. Il abordera cette problématique demain en séance publique. Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement pour le représenter.

L’amendement CF209 est retiré.

La commission est ensuite saisie de l’amendement CF182 de Mme Michèle Victory.

M. Jean-Louis Bricout. Nous demandons la création d’un fonds de soutien doté de 30 millions d'euros à destination des libraires. Ils sont fragilisés par la crise tout comme les éditeurs, qui sont affectés en outre par les récents soucis judiciaires d’Amazon. Les libraires demandent à pouvoir rouvrir leurs boutiques dès le 11 mai. Les mesures de soutien existantes ne sont pas suffisantes.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. J’ai déjà répondu de manière globale sur tout ce qui se rapporte au secteur culturel. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CF182.

La commission examine l’amendement CF183 de Mme Michèle Victory.

Mme Christine Pires Beaune. Il s’agit ici de demander la création d’un fonds de soutien au spectacle vivant, doté de 20 millions d'euros.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CF183.

Elle est saisie de l’amendement CF137 de Mme Anne-Laure Cattelot.

Mme Cendra Motin. Anne-Laure Cattelot et Olivia Grégoire ont particulièrement à cœur le sort des entrepreneurs qui ont eu le malheur de créer leur société au mauvais moment, après le 1er février 2020. Ils étaient loin de se douter de la survenue d’une telle crise et ils se retrouvent avec des charges auxquelles ils ne peuvent faire face. Nous aimerions qu’ils puissent bénéficier d’aides pour leurs loyers et leurs factures d’eau et d’énergie, puisqu’ils ne peuvent être éligibles au fonds de solidarité.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il paraît effectivement injuste de pénaliser les personnes qui ont créé des entreprises début février – pour celles créées au mois de mars, la crise pouvait peut-être être anticipée. Je vous donnerai la même réponse que celle que j’ai faite pour les retraités qui travaillent. Je suis tout à fait favorable à cette démarche. Je vous demande toutefois de retirer votre amendement pour le représenter en séance demain, en espérant que le Gouvernement s’engagera à trouver une solution par voie réglementaire.

L’amendement CF137 est retiré.

La commission en vient à l’amendement CF139 de Mme Olivia Grégoire.

Mme Cendra Motin. Nous demandons à découpler le report des loyers et des factures d’eau et d’énergie de l’éligibilité au fonds de solidarité. Certaines entreprises, soit qu’elles aient un chiffre d’affaires trop élevé, soit qu’elles n’aient pas de salariés, ne peuvent en effet bénéficier de ce fonds alors même qu’elles sont en difficulté.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Le dispositif comporte en effet un angle mort et il faut que le Gouvernement apporte des corrections par voie réglementaire. Comme pour le précédent amendement, ce sera une demande de retrait.

M. Fabien Roussel. J’ai déposé un amendement allant dans le même sens et il a été balayé d’un revers de main. Je constate que les propositions de la majorité sont plus audibles.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Ce n’est pas du tout mon état d’esprit, monsieur Roussel. Votre amendement était différent. Il ne s’agit pas ici d’ajouter des critères ou d’augmenter les crédits mais d’apporter des correctifs qui relèvent du bon sens.

L’amendement CF139 est retiré.

La commission examine l’amendement CF217 du rapporteur général.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. C’est le pendant de l’amendement que nous avons adopté relatif à la mission Crédits non répartis. Il s’agit de majorer le plafond du programme Inclusion sociale et protection des personnes de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances à hauteur de 880 millions d’euros.

Mme Christine Pires Beaune. Cette démarche me semble incohérente. Pourquoi ne pas consacrer à ces personnes fragiles une ligne budgétaire spécifique au sein de la mission budgétaire Plan d’urgence face à la crise sanitaire nouvellement créée. Cela donnerait plus de lisibilité.

M. le président Éric Woerth. Nous pouvons, y compris avec le présent amendement, demander un suivi particulier.

M. Charles de Courson. Je m’étonne qu’un tel amendement ait été déclaré recevable.

M. le président Éric Woerth. Il y a une bonne raison : le ministre a pris position, de façon précise et claire, en faveur de cette augmentation des crédits de la mission lors de son audition hier.

M. Charles de Courson. Je me félicite de cette jurisprudence.

Il y a en effet deux solutions possibles : insérer ces crédits au sein de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances, ou créer un programme spécial à l’intérieur de la nouvelle mission budgétaire, ce qui faciliterait sans doute les choses en cas de redéploiements entre programmes.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Pour ma part, je trouve qu’il y a du sens à inscrire cette prestation sociale d’appui aux plus fragiles au sein de l’architecture existante des missions et des programmes. Cela n’empêche nullement un suivi particulier des crédits consommés. Des primes exceptionnelles de ce type peuvent être versées à divers moments alors que la nouvelle mission budgétaire a une nature foncièrement conjoncturelle. Le fonds de solidarité n’existait pas avant et n’existera pas après. Nous pourrons en débattre et demander au Gouvernement sa préférence. Je n’ai pas de religion sur le sujet.

La commission adopte l’amendement CF217 (amendement 340).

La commission est saisie de l’amendement CF192 de M. Régis Juanico.

M. Jean-Louis Bricout. Nous proposons de porter la dotation du Fonds pour le développement de la vie associative (FDVA) de 33,1 millions à 100 millions d’euros. Notre pays compte près d’un million et demi d’associations, qui jouent un rôle important d’amortisseur social et d’animation des territoires. Elles ne pourront plus compter autant qu’avant sur l’aide des mécènes et les subventions des collectivités, et beaucoup vont se retrouver en difficulté.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF192.

Elle adopte ensuite l’article 3 et l’état B modifiés.

*

*     *

 

Article 4
Comptes spéciaux : ouvertures de crédits

Résumé de l’article

L’article ouvre des crédits sur les comptes spéciaux suivants :

– sur le compte d’affectation spéciale Participations financières de lÉtat : 20 milliards d’euros de crédits pour financer les prises de participations de l’État dans des entreprises ayant besoin d’être recapitalisées ;

– sur le compte de concours financiers Avances à divers services de lÉtat ou organismes gérant des services publics : 700 millions d’euros de crédits en faveur au budget annexe Contrôle et exploitation aériens, confronté à une sévère chute de ses recettes en lien avec l’arrêt du trafic aérien ;

– sur le compte de concours financiers Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés : 925 millions d’euros de crédits pour financer le Fonds de développement économique et social.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

Le présent article procède à l’ouverture de crédits sur un compte d’affectation spéciale et sur deux comptes de concours financiers, selon la répartition présentée à l’état D annexé au présent PLFR.

I.   le dÉtail des mouvements de crÉdits

A.   La situation actuelle aprÈs l’adoption de la LFR 1 du 23 mars 2020

Seuls un compte d’affectation spéciale (CAS) et un compte de concours financiers (CCF) ont été concernés par des mouvements de crédits votés en LFR 1 :

– le CAS Participations financières de l’État (CAS PFE) : annulation de 6 980 millions d’euros de crédits ;

– le CCF Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics (CCF Avances) : ouverture de 500 millions d’euros de crédits.

Les crédits des autres comptes d’affectation spéciale, comptes de concours financiers et comptes de commerce sont demeurés inchangés par rapport à la LFI pour 2020.

1.   La situation du CAS PFE

Le CAS PFE constitue le véhicule budgétaire enregistrant l’activité de l’État actionnaire dans notre économie : il retrace les acquisitions et les cessions de participations dans les sociétés privées.

La LFR 1 a prévu une baisse des recettes issues des privatisations à hauteur de 8 980 millions d’euros en 2020. En effet, la privatisation du groupe Aéroports de Paris n’est plus apparue opportune dans le contexte de la crise sanitaire et économique, la valorisation boursière du groupe risquant d’être incertaine et volatile durant un certain temps.

Le report de cette opération se traduit donc par de moindres recettes attendues sur le CAS PFE. En contrepartie, des crédits ouverts pour équilibrer le compte en dépenses ([129]) ont été annulés à hauteur de 6 980 millions d’euros.

Au total, le montant des recettes qui ne seront pas perçues (9 milliards d’euros) est supérieur au montant des crédits annulés (7 milliards d’euros), ce qui crée un déséquilibre du CAS PFE de 2 milliards d’euros.

nouvel Équilibre du CAS PFE pour 2020 (LFR 1)

(en millions d’euros)

Produit des cessions, par l’État, de titres, parts ou droits de sociétés détenus directement

12 180

 

P731 – Opérations en capital intéressant les participations financières de l’État

10 180

Annulation de crédits sur le P731

 4 980

Ajustement du  montant des recettes

 8 980

P732 – Désendettement de l’État et d’établissements publics de l’État

2 000

Annulation de crédits sur le P732

 2 000

Total des recettes

3 200

Total des dépenses

5 200

 

 

 

Solde

 2 000

Source : première loi de finances rectificative pour 2020.

Le solde négatif constituait une anticipation de la nécessité d’utiliser les crédits disponibles sur la ligne des opérations intéressant les participations financières de l’État, qui permet de financer des acquisitions de titres, en particulier d’entreprises en difficulté, ayant besoin d’être recapitalisées. Ce solde aurait été équilibré si nécessaire, en cours de gestion, par des versements du budget général retracés en recettes du CAS PFE.

2.   La situation du CCF Avances

Le CCF Avances retrace les avances accordées par l’État à des entités publiques sous statuts divers (services de l’État, établissements publics, sociétés d’économie mixte, etc.). Ses recettes sont constituées des remboursements de ces avances.

Un amendement du Gouvernement adopté lors de la discussion en séance du PLFR 1 à l’Assemblée nationale a donné lieu en mars à l’ouverture de 500 millions d’euros de crédits sur le programme 824. L’unique ligne de ce programme porte sur les avances au budget annexe Contrôle et exploitation aériens (BACEA). Cette ligne a longtemps constitué une facilité d’endettement pour le budget annexe (le stock des avances ayant dépassé le milliard d’euros entre 2011 et 2016) mais le budget annexe était, depuis 2016, en voie de « désendettement » (les avances remboursées étaient supérieures aux avances octroyées).

Dans le contexte de la chute du trafic aérien, les recettes du BACEA (redevances aériennes, taxe d’aviation civile, etc.) ont été estimées en diminution de plusieurs centaines de millions d’euros  une estimation encore largement révisée par le présent PLFR (cf. le commentaire de l’état A). Par conséquent, l’avance au BACEA a été augmentée de 50 à 550 millions d’euros pour 2020 par la LFR 1.

nouvel Équilibre du CCF Avances pour 2020 (LFR 1)

(en millions d’euros)

Remboursement des avances du P821

10 000

 

P821 – Avances à l’Agence de services et de paiement, au titre du préfinancement des aides communautaires de la politique agricole commune

10 000

Remboursement des avances du P823

109,5

P823 – Avances à des organismes distincts de l’État et gérant des services publics

320

Remboursement des avances du P825

15

P825 – Avances à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales

15

Remboursement des avances du P824

122

P824 – Avances à des services de l’État

50

 

 

Ouverture de crédits sur le P824

+ 500

Total des recettes

10 246,5

Total des dépenses

10 885

 

 

 

Solde

 638,5

Source : première loi de finances rectificative pour 2020.

B.   Les ouvertures de crÉdits proposÉEs par le prÉsent PLFR

Le PLFR 2 ouvre 21,6 milliards d’euros de nouveaux crédits sur trois comptes spéciaux :

– le CAS Participations financières de l’État (CAS PFE) : ouverture de 20 milliards d’euros de crédits ;

– le CCF Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics (CCF Avances) : ouverture de 700 millions d’euros de crédits ;

– le CCF Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés (CCF Prêts) : ouverture de 925 millions d’euros de crédits.

Les crédits des autres comptes d’affectation spéciale, comptes de concours financiers et comptes de commerce demeurent inchangés par rapport à la LFI pour 2020. Comparativement aux crédits ouverts par cette dernière, l’augmentation des crédits des CAS résultant de cette ouverture est de 23 % ; celle des crédits des CCF est de 1,3 %.

II.   Le nouvel Équilibre des comptes spÉciaux concernÉs

A.   Le CAS Participations financiÈres de l’État

Conformément à l’annonce faite par le ministre de l’économie et des finances avant la présentation du PLFR 2 ([130]), le CAS PFE dispose désormais de crédits supplémentaires de 20 milliards d’euros sur le programme 731, qui est utilisé pour acquérir des titres de participation dans des sociétés privées.

La politique de l’État actionnaire évolue donc vers de possibles prises de participation, potentiellement massives, dans des entreprises « présentant un caractère stratégique » ([131]) et dont la recapitalisation serait nécessaire.

Cette nouvelle orientation est conforme à la doctrine d’investissement de l’État actionnaire : il peut investir dans les entreprises en difficulté dont la disparition pourrait entraîner un risque majeur sinon systémique pour l’économie.

nouvel Équilibre du CAS PFE pour 2020 (PLFR 2)

(en millions d’euros)

Produit des cessions, par l’État, de titres, parts ou droits de sociétés détenus directement

3 200

 

P731 – Opérations en capital intéressant les participations financières de l’État

5 200

Ouverture de crédits (PLFR)

+ 20 000

Abondement du budget général

+ 20 000

P732 – Désendettement de l’État et d’établissements publics de l’État

0

Total des recettes

23 200

Total des dépenses

25 200

 

 

 

Solde

 2 000

Source : présent projet de loi de finances rectificative pour 2020.

Cette ouverture de crédits est réalisée en miroir de la création du programme 358 Renforcement exceptionnel des participations financières de l’État dans le cadre de la crise sanitaire, également doté de 20 milliards d’euros de crédits.

Le circuit de financement est le suivant : les crédits ouverts sur ce nouveau programme permettent de réaliser un versement ([132]), du même montant, du budget général vers le CAS PFE, et retracé dans les recettes de ce CAS. Ces recettes « font face » aux crédits ouverts sur le CAS PFE, également pour le même montant, qui seront utilisés pour des prises de participation.

Ce circuit est rendu nécessaire par l’application de l’article 21 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), qui dispose que les prises de participation financières doivent être retracées dans le CAS PFE, et non via le budget général.

B.   Le CCF Avances

Les ouvertures de crédits sur la CCF Avances correspondent au même besoin que les ouvertures votées en LFR 1 : le financement du budget annexe Contrôle et exploitation aériens (BACEA), à hauteur de 700 millions d’euros, couvrant une partie de ses nouvelles pertes de recettes (900 millions d’euros – cf. le commentaire de l’état A).

nouvel Équilibre du CCF Avances pour 2020 (PLFR 2)

(en millions d’euros)

Remboursement des avances du P821

10 000

 

P821 – Avances à l’Agence de services et de paiement, au titre du préfinancement des aides communautaires de la politique agricole commune

10 000

Remboursement des avances du P823

109,5

P823 – Avances à des organismes distincts de l’État et gérant des services publics

320

 

 

Ouverture de crédits sur le P823

+ 500

Remboursement des avances du P825

15

P825 – Avances à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales

15

Remboursement des avances du P824

122

P824 – Avances à des services de l’État

50

 

 

Ouverture de crédits sur le P824

+ 200

Total des recettes

10 246,5

Total des dépenses

11 585

 

 

 

Solde

 1 338,5

Source : présent projet de loi de finances rectificative pour 2020.

Une partie de ces avances au BACEA pourrait être remboursée dès 2020. Une des raisons de la chute des recettes du budget annexe repose, en effet, sur le moratoire mis en place sur les taxes et redevances aériennes. La fin de ce moratoire, dont la date est inconnue, devrait se traduire par le retour rapide de recettes permettant au BACEA de faire face à au moins une partie de ses engagements.

C.   Le CCF PrÊts

Ce compte de concours financiers, mobilisé pour permettre des prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés, abrite les crédits du fonds de développement économique et social (FDES), doté de 75 millions d’euros au sein du programme 862 par la LFI 2020.

Ce fonds permet, par l’octroi de prêts remboursables, une participation publique ponctuelle au plan de financement d’entreprises en difficultés, dans l’accompagnement de leur restructuration financière et commerciale.

nouvel Équilibre du CCF prÊts pour 2020 (PLFR 2)

(en millions d’euros)

Remboursement des avances et prêts du P861

0

 

P861 – Prêts et avances pour le logement des agents de l’État

0

Remboursement des prêts du P862

6

P862 – Prêts pour le développement économique et social

75

 

 

Ouverture de crédits sur le P862

+ 925

Remboursement des prêts avances du P868

0

P868 – Prêts et avances pour le développement du commerce avec l’Iran

75

Remboursement des prêts du P829

0

P829 – Prêts à la société concessionnaire de la liaison Paris-CDG Express

450

Total des recettes

6

Total des dépenses

1 525

 

 

 

Solde

 1 519

Source : présent projet de loi de finances rectificative pour 2020.

L’abondement significatif du FDES par le présent PLFR, de 75 millions à 1 milliard d’euros, permettra de soutenir les entreprises en difficulté ne pouvant plus accéder au marché du crédit ou pour lesquelles le dispositif de garantie de l’État aux prêts des entreprises (voir fiche n° 3) s’avère inefficace. Le dispositif concernera donc principalement des entreprises qui ont connu des difficultés avant la crise, mais dont les fondamentaux économiques restent sains.

Dans le passé, le recours aux prêts du FDES a permis d’éviter des situations de sinistre industriel majeures potentiellement plus coûteuses pour la puissance publique. L’augmentation des crédits du FDES dans la lutte contre la crise économique actuelle est donc cohérente avec la logique d’intervention de ce fonds.

Le fonds de développement économique et social et le plan de résistance économique du ministère du Redressement productif

Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, lançait le 13 novembre 2013 un plan de résistance économique dont l’objectif était de faire face à la multiplication des plans sociaux observés dans l’industrie française. La réactivation de cet outil financier répondait notamment aux propositions formulées par la mission d’évaluation et de contrôle (MEC) de l’Assemblée nationale dans un rapport rendu public en octobre 2013, laquelle recommandait de mettre en place un dispositif public d’aide au retournement d’entreprises en difficulté, mais économiquement viables (1).

Dans ce contexte, le montant des autorisations d’engagement (AE) et des crédits de paiement (CP) ouverts par la loi de finances pour 2014, initialement de 10 millions d’euros (soit à un niveau identique aux années précédentes), a été majoré de 300 millions d’euros par amendement gouvernemental afin de « majorer les capacités financières de lÉtat pour soutenir les entreprises qui font face à des enjeux de restructuration […] dans une période où le soutien aux entreprises est capital ».

Le montant des prêts engagés en 2014 s’est ainsi élevé à 114,5 millions d’euros en AE et en CP. La mobilisation du FDES a été ainsi en 2014, un support de renforcement de l’action publique pour le redressement des entreprises : six prêts ont été consentis à des entreprises de tailles et de secteurs diversifiés (énergie renouvelable, logistique, production de biens de consommation, agroalimentaire, etc.). Les prêts ont notamment été mobilisés dans l’accompagnement à la reprise relatif aux dossiers Fagor, Ascometal, Mory-Ducros et Kem-One.

(1)  M. Christophe Castaner et Mme Véronique Louwagie, Prévention et accompagnement par la puissance publique des plans de sauvegarde de l’emploi, rapport d’information de la mission d’évaluation et de contrôle, réalisé au nom de la commission des finances, Assemblée nationale, n° 1399, 2 octobre 2013.

La montée en charge du Fonds, à hauteur d’un milliard d’euros, est inédite dans son intensité.

À titre, de comparaison, le montant des prêts accordés par le FDES a varié au cours des dernières années :

– en 2017, un seul prêt de 132 000 euros a été octroyé à la Nantaise des eaux ;

– en 2018, ont été octroyés deux prêts d’un montant cumulé de 90 millions d’euros aux coopératives actionnaires de Presstalis, un prêt CODEFI, et dix-huit prêts d’un montant cumulé de 1,5 million d’euros environ dans le cadre d’un dispositif spécifique au bénéfice des entreprises du Calaisis ;

– en 2019, un prêt de 16 millions d’euros a été engagé et intégralement décaissé pour l’entreprise Arc, un prêt de 25 millions d’euros engagé dont 15 millions d’euros décaissés au bénéfice de British Steel pour la reprise de l’entreprise Ascoval et un montant de 2 millions d’euros engagé pour l’entreprise TIM.

*

*     *

La commission adopte l’article 4 et l’état D sans modification.

 

*

*     *

TITRE II
DISPOSITIONS PERMANENTES

A. – Mesure fiscale non rattachée

Article 5
Exonération d'impôt sur le revenu et de cotisations et contributions sociales de la prime exceptionnelle spécifiquement versée aux agents des administrations publiques mobilisés dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire afin de tenir compte de leur surcroît de travail significatif durant cette période

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article prévoit l’exonération d’impôt sur le revenu, de cotisations et de contributions sociales des primes exceptionnelles le cas échéant versées en 2020 aux agents des administrations publiques, quel que soit leur statut, mobilisés dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, afin de récompenser ceux d’entre eux qui ont connu un surcroît de travail significatif sur la période.

L’article prévoit également une impossibilité de cumul entre cette prime exceptionnelle versée aux agents des administrations publiques et la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat prévue par l’article 7 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2020 lorsque cette dernière tient compte des conditions de travail particulières liées à l’épidémie de covid-19.

Dernières modifications législatives intervenues

La loi du 24 décembre 2018 portant mesures d’urgence économiques et sociales a créé une prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, versée aux salariés de toutes les entreprises, exonérée d’impôt sur le revenu et de toutes cotisations et contributions sociales, dans la limite de 1 000 euros par bénéficiaire.

L’article 7 de la LFSS pour 2020 a reconduit la possibilité de verser une telle prime exonérée, en la conditionnant à la conclusion d’un accord d’intéressement au sein de l’entreprise. Il a également élargi le champ des bénéficiaires potentiels aux agents publics relevant des établissements publics qui remplissent cette condition.

L’ordonnance du 1er avril modifiant la date limite et les conditions de versement de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat a supprimé la condition relative à la signature d’un accord d’intéressement et a inscrit les « conditions de travail liées à l’épidémie de covid-19 » comme nouveau critère de modulation du montant de la prime attribuée.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   L’État du droit

A.   L’existence d’une prime exonÉRÉe d’impÔts, de cotisations et contributions sociales dans le secteur privÉ

Hors exceptions liées à des situations particulières ([133]), les primes versées par l’employeur sont considérées comme des compléments de rémunération imposables à l’impôt sur le revenu (articles 79 et 82 du CGI) et soumis aux cotisations sociales (article L. 242-1 du code sécurité sociale) et contributions sociales (notamment article 136-1-1 du code de la sécurité sociale pour la contribution sociale généralisée). Une exonération temporaire, dont l’objectif est de renforcer le pouvoir d’achat des ménages, a été créée en 2018.

1.   Une prime exceptionnelle de pouvoir d’achat créée dans le cadre des mesures d’urgence à caractère économique et social

Dans le contexte de la crise des « gilets jaunes », la loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018 portant mesures d’urgence économiques et sociales (MUES) a créé trois dispositifs ayant pour objectif d’accroître le pouvoir d’achat des ménages :

– l’entrée en vigueur anticipée au 1er janvier 2019 de l’exonération fiscale sur les heures supplémentaires, initialement prévue au 1er septembre 2019 et la mise en place d’une exonération fiscale d’impôt sur le revenu de ces mêmes heures supplémentaires, dans une limite annuelle de 5 000 euros ;

– la baisse du taux de CSG de 8,3 % à 6,6 %, applicable aux personnes retraitées dont les revenus de pension, pour une personne seule sans autre source de revenus, sont inférieurs à 2 000 euros nets mensuels en 2019 ;

– une prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, exonérée d’impôt sur le revenu, de toute cotisation sociale et de toute contribution, dans la limite de 1 000 euros par salarié, versée fin 2018 ou début 2019 par l’employeur.

a.   Une prime au champ d’application très large

• Afin de garantir un gain de pouvoir d’achat au plus grand nombre de salariés, la loi MUES a prévu des conditions d’ouverture élargies pour le versement de la prime exonérée : elle pouvait être versée, par l’employeur, aux salariés de toutes les entreprises, y compris des entreprises publiques et des établissements industriels et commerciaux des collectivités territoriales ([134]). A contrario, elle n’était pas ouverte aux agents titulaires et non titulaires des trois fonctions publiques ou employés par un établissement public administratif.

L’exonération portait sur l’impôt sur le revenu, sur toutes les cotisations sociales et contributions d’origine légale ou conventionnelle ainsi que sur plusieurs participations, taxes et contributions.

Prime exceptionnelle de pouvoir d’achat
Contributions et cotisations sur lesquelles portait l’exonération

– cotisations (parts employeur et salariés) de sécurité sociale y compris, le cas échéant la cotisation complémentaire au régime local d’Alsace-Moselle ;

– cotisations (parts employeurs et salariés) aux régimes de retraite complémentaire, y compris l’Association pour la gestion du fonds de financement (AGFF) et l’Association pour l'emploi des cadres (APEC) ;

– cotisations (employeurs et salariés) aux régimes d’assurance chômage y compris Assurance garantie des salaires (AGS) ;

– contribution solidarité autonomie ;

– contribution de versement transport ;

– contribution au dialogue social ;

– contributions dues au Fonds national d’aide au logement (FNAL) ;

– contribution sociale généralisée (CSG) et contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) ;

– taxe sur les salaires ;

– taxe d’apprentissage et contribution supplémentaire à l’apprentissage, contribution unique à la formation professionnelle et à l’alternance ;

– participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue ;

– contribution dédiée au financement du compte personnel de formation ;

– contribution patronale au titre de la formation professionnelle en alternance ;

– participations des employeurs (agricoles et non agricoles) à l’effort de construction ;

– le cas échéant, les contributions résultant d’accords conventionnels de branche.

Afin de ne pas pénaliser les salariés bénéficiaires de certains avantages sociaux, la prime était exclue des ressources prises en compte pour le calcul de la prime d'activité.

• La loi MUES a posé plusieurs conditions au versement de cette prime, tout en permettant une certaine souplesse d’application :

– l’exonération d’impôt et de cotisations sociales était applicable dans la limite de 1 000 euros par salarié : une prime d’un montant supérieur pouvait être versée par l’employeur mais la fraction supérieure à 1 000 euros ne bénéficiait pas des exonérations prévues ;

– afin de cibler le dispositif, seuls les salariés dont la rémunération était inférieure à trois fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) pouvaient toucher cette prime exceptionnelle exonérée, ce qui permettait à 90 % des salariés d’en bénéficier potentiellement ;

– le versement de la prime était limité dans le temps : l’exonération était applicable aux primes versées entre le 11 décembre 2018 et le 31 mars 2019 aux salariés présents le 31 décembre 2018 dans l’entreprise ou à la date du versement de la prime si elle était antérieure au 31 décembre 2018 ;

– l’employeur pouvait verser la prime soit à l’ensemble des salariés de l’entreprise, soit à ceux dont la rémunération était inférieure à un plafond. Ainsi, l’exclusion de certains salariés du dispositif ne pouvait se faire que sur des critères de rémunération, le plafond retenu pouvant être différent de celui de 3 fois le SMIC qui détermine l’éligibilité légale au dispositif ;

– le montant de la prime ne pouvait être modulé entre les bénéficiaires qu’en fonction de trois critères : le niveau de rémunération, la durée de présence effective au sein de l’entreprise en 2018 et la durée du travail prévue par le contrat de travail ;

– pour éviter les effets d’aubaine, cette prime ne pouvait se substituer à aucun autre élément de rémunération (augmentations de rémunération et primes prévues par un accord salarial, le contrat de travail ou les usages en vigueur au sein de l’entreprise) ;

– enfin, le montant de la prime, l’éventuel plafond pour les bénéficiaires et la modulation de son niveau devaient faire l’objet d’un accord d’entreprise. Toutefois, ces critères pouvaient également être fixés par une décision unilatérale de l’employeur prise avant le 31 janvier 2019, sous réserve d’une information du comité social et économique, ou, le cas échéant, du comité d’entreprise, des délégués du personnel ou de la délégation unique du personnel, avant le 31 mars 2019, date de fin du bénéfice de l’exonération.

Ce dispositif était applicable en métropole, en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Saint-Martin, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon.

b.   Un dispositif efficace

• Environ 5 millions de salariés, soit un quart des salariés du secteur privé, travaillant dans 408 000 établissements ont reçu une prime exceptionnelle exonérée au titre de la loi MUES, d’un montant moyen de 400 euros, entre le 11 décembre 2018 et le 31 mars 2019 ([135]). 30 % de ces salariés ont reçu le montant maximal de 1 000 euros, ce qui représente 11 % de l’ensemble des salariés, et moins de 1 % des salariés ayant bénéficié de ce dispositif ont reçu une prime inférieure à 100 euros ([136]).

Il faut également relever que 40 % du montant total des primes versées – soit 2,2 milliards d’euros – l’a été par les entreprises de moins de 50 salariés.

• En l’absence d’effet d’aubaine ou de substitution, l’impact budgétaire pour les finances publiques est supposé nul. En effet, la prime ayant constitué une rémunération additionnelle très spécifique, il est difficile de mesurer le manque à gagner en termes de recettes fiscales par rapport au versement d’une somme équivalente dans une situation sans exonération. Cette comparaison serait, de plus, peu pertinente du fait de l’impact très négatif qu’aurait eu l’assujettissement de la prime à l’impôt et aux cotisations sociales sur le nombre de primes distribuées.

Le rapporteur général de la commission des affaires sociales a cependant mis en exergue un impact négatif de 0,3 % sur l’évolution de la masse salariale, directement lié à l’application de la prime qui aurait eu pour effet de comprimer l’évolution des salaires au premier trimestre 2019. Cette diminution de 0,3 % de la masse salariale aurait représenté une perte d’environ 600 millions d’euros pour la sécurité sociale ([137]).

2.   La reconduction du versement de la prime exceptionnelle par la LFSS pour 2020

Suite aux annonces du Président de la République lors de la conférence de presse du 25 avril 2019 qui a clos le « Grand débat », la prime exceptionnelle a été reconduite en 2020, en la conditionnant à la conclusion d’un plan d’intéressement au sein de l’entreprise.

a.   Une prime élargie à certains agents publics

L’article 7 de la loi du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale prévoit la reconduction du versement de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat en 2020. Cette prime peut être versée à partir du 1er janvier 2020 et jusqu’au 30 juin 2020.

La prime reconduite en 2020 conserve les principales caractéristiques de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat 2018-2019 : mêmes exonérations d’impôt, de cotisations et de contributions sociales, applicables dans la limite de 1 000 euros, aux primes versées aux salariés dont la rémunération est inférieure à 3 SMIC ; modulation du montant de la prime possible sous les mêmes conditions qu’en 2018-2019 ; interdiction de substituer la prime à un élément de rémunération ; accord d’entreprise ou décision unilatérale de l’employeur sous condition pour fixer le montant de la prime, l’éventuel plafond pour les bénéficiaires et la modulation de son niveau ; même application géographique, y compris outre-mer.

Toutefois, l’article 7 de la LFSS pour 2020 élargit le champ des bénéficiaires potentiels de la prime :

– aux salariés mis temporairement à disposition d’une entreprise utilisatrice, au sens de l’article L. 1251-1 du code du travail ;

– à l’ensemble des travailleurs handicapés liés à un établissement ou service d’aide par le travail (ESAT) ;

– aux agents publics relevant d’un établissement public (administratif ou industriel et commercial) au moment du versement de la prime. L’instruction du 15 janvier 2020 relative à l’exonération de primes exceptionnelles précise notamment que l’ensemble des agents des établissements publics sont éligibles quel que soit leur statut (salariés, contractuels de droit public ou privé, fonctionnaires) ([138]).

De plus, l’exclusion de la prime des ressources prises en compte pour le calcul de la prime d’activité est élargie à celles ouvrant droit à l’attribution de l’allocation aux adultes handicapés (AAH).

b.   Une prime conditionnée à la mise en place d’un accord d’intéressement dans l’entreprise

● La principale modification relative à la prime exceptionnelle est celle du conditionnement de son octroi à la mise en œuvre préalable d’un plan d’intéressement dans l’entreprise, dans l’objectif de développer les accords d’intéressement. Ce développement avait déjà été encouragé et facilité par la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises dite loi « PACTE » et par l’article 14 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, qui consacraient notamment la suppression du forfait social sur les sommes versées au titre de l’intéressement pour les entreprises de moins de 250 salariés.

Cette condition implique que le champ des établissements publics concernés soit réduit à ceux qui sont en capacité de conclure ce type d’accords, soit les établissements publics industriels et commerciaux et les établissements publics administratifs lorsqu’ils emploient du personnel de droit privé (article L. 3311-1 du code du travail).

Cette condition relative à l’accord d’intéressement n’est requise ni pour les ESAT, ni pour les associations et fondations à but non lucratif et reconnues d’utilité publique.

● Les accords d’intéressement, conclus entre le 1er janvier 2020 et le 30 juin 2020, peuvent porter sur une durée dérogatoire au droit commun comprise entre une et trois années.

3.   Les modifications apportées par ordonnance pendant la crise sanitaire

Dans le cadre des mesures d’urgence relatives à l’épidémie de covid-19, les conditions de versement de la prime ont été assouplies par l’ordonnance n° 2020-385 du 1er avril 2020 modifiant la date limite et les conditions de versement de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat.

● D’une part, l’ordonnance supprime la mise sous condition de l’octroi de la prime à la signature d’un accord d’intéressement dans l’entreprise. Ainsi, toutes les entreprises peuvent verser cette prime exceptionnelle exonérée dans la limite de 1 000 euros par salarié. Afin de conserver le caractère incitatif de la mise en œuvre d’un accord d’intéressement, le plafond du montant exonéré de la prime versée est relevé à 2 000 euros pour les salariés des entreprises ayant conclu un plan d’intéressement. La possibilité de conclure un accord d’intéressement dans les conditions dérogatoires au droit commun (durée de 1 à 3 ans) est reportée au 31 août 2020.

● D’autre part, l’ordonnance ajoute un nouveau critère de modulation du montant de la prime attribuée dans l’entreprise, celui « des conditions de travail liées à l’épidémie de covid-19 ». Ce critère ne signifie pas que la prime peut être versée uniquement aux salariés particulièrement mobilisés pendant l’épidémie : la prime doit toujours bénéficier à l’ensemble des salariés à l’exception de ceux dont la rémunération est supérieure à un plafond, aucun autre critère ne pouvant servir de base d’exclusion du dispositif ([139]).

En outre, la date limite de versement de la prime a été repoussée au 31 août 2020.

B.   Un rÉgime indemnitaire pluriel dans la fonction publique, imposable et soumis aux cotisations et contributions sociales

En complément du traitement indiciaire de base, l’article 20 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires indique que les fonctionnaires ont droit à une indemnité de résidence, un supplément familial de traitement ainsi que certaines indemnités. L’article précise que ces primes et indemnités, qui constituent le régime indemnitaire du fonctionnaire, peuvent être instituées par voie législative ou réglementaire. Elles représentaient en moyenne 22 % de la rémunération des fonctionnaires en 2017.

Les agents publics non titulaires ou contractuels peuvent également bénéficier du versement de primes ou indemnités. Cependant, à l’exception des primes prévues par voie législative ou réglementaire, l’administration est libre de décider ou non de l’attribution de primes à ses contractuels. La rémunération de l’agent peut être fixée contractuellement par référence à un indice de traitement de la fonction publique, qui peut tenir compte du régime indemnitaire d’un fonctionnaire, ou correspondre à un montant forfaitaire global.

L’article 23 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique a créé une prime de précarité spécifique aux contractuels de la fonction publique dont le contrat à durée déterminée n’est pas renouvelé. Cette prime s’appliquera aux contrats conclus à partir du 1er janvier 2021.

1.   La conciliation de l’existence de régimes indemnitaires divers et du principe d’égalité de traitement des agents d’un même corps

Consacré par le juge administratif puis reconnu comme un principe à valeur constitutionnelle ([140]), l’égalité de traitement des agents d’un même corps ne fait pas obstacle à ce qu’une différence de traitement soit instituée entre les membres d’un même corps si elle est fondée sur l’existence de conditions d’exercice différentes de leurs fonctions ([141]) ou sur des motifs d’intérêt général ([142]), pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l’objet de la norme qui l’établit.

Aussi, le juge administratif reconnaît-il que l’institution, par l’autorité investie du pouvoir réglementaire, de régimes indemnitaires tenant compte de fonctions, de responsabilités ou de sujétions particulières, n’est pas contraire au principe d’égalité de traitement des agents d’un même corps, pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la norme qui l'établit ([143]).

Le principe d’égalité de traitement s’applique uniquement aux membres d’un même corps et non aux fonctionnaires relevant de corps différents ([144]). Il ne s’applique pas non plus entre agents titulaires et agents contractuels ([145]), bien que la Cour de justice de l’Union européenne a considéré qu’à missions équivalentes, un contractuel devait recevoir une rémunération équivalente à celle d’un fonctionnaire ([146]).

2.   La fiscalisation et la « socialisation » des primes et indemnités versées aux fonctionnaires

De manière générale, les primes et indemnités versées aux agents publics sont considérées comme des compléments de rémunération et sont donc, à ce titre, imposables à l’impôt sur le revenu ([147]) et soumises aux cotisations et contributions sociales applicables.

● Plusieurs éléments accessoires du revenu des agents publics sont exonérés d’impôt sur le revenu : les remboursements de frais sur justification, les indemnités représentatives de frais instituées par des textes précisant que cette qualification entraîne une exonération fiscale, ainsi que les prestations familiales (2° et 9° ter de l’article 81 du CGI).

● Les règles applicables en matière d’assujettissement des primes aux cotisations et contributions sociales diffèrent en fonction du statut de l’agent public :

– les primes et indemnités des agents titulaires ne sont pas assujetties aux cotisations de sécurité sociale (ni pour la part employeur, ni pour la part salarié), aux contributions dues au FNAL et à la contribution de versement transport. En revanche, elles sont soumises à la cotisation de retraite complémentaire (taux de 5 %). Elles sont aussi prises en compte dans le calcul de l’assiette de la contribution sociale généralisée (CSG) et de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), dans les mêmes conditions que pour les éléments de rémunération versés dans le secteur privé. Pour rappel, aucune cotisation n’est due au titre de l’assurance chômage pour les agents titulaires de la fonction publique.

– les primes et indemnités des agents non titulaires font partie des éléments de rémunération soumis à l’ensemble des cotisations et contributions sociales, contrairement à la situation des agents titulaires. Elles peuvent être prises en compte dans les cotisations d’assurance chômage lorsque l’employeur public (hors État) a choisi d’adhérer au régime d’assurance chômage pour ses agents non titulaires.

Cotisations salariales du fonctionnaire

Cotisations

Assiette

Taux

Cotisations retraite

 

 

 

– retraite de base

 

Traitement indiciaire + nouvelle bonification indiciaire (NBI)

 

– 11,10 %

 

– retraite complémentaire

Indemnité de résidence + Supplément familial de traitement (SFT) + Primes et indemnités + Avantages en nature dans la limite de 20 % du montant du traitement indiciaire brut

– 5 %

Contributions sociales

 

 

 

– CSG

 

Traitement indiciaire + NBI + Indemnité de résidence + SFT + Primes et indemnités + Avantages en nature

annuel de la sécurité sociale.

– 9,20 % (dont 2,40 % non déductible du revenu imposable)

– CRDS

*après déduction d'un abattement pour frais professionnels de 1,75 % de ce montant dans la limite de quatre fois le plafond

– 0,50 % non déductible du revenu imposable

Cotisations salariales de l’agent public non titulaire

Cotisations

Assiette

Taux

Cotisations retraite

 

 

 

– retraite de base

 

– Traitement indiciaire + indemnité de résidence + supplément familial de traitement (SFT) + primes et indemnités + avantages en nature

– 0,40 %

 

 

– Dans la limite du plafond mensuel de la sécurité sociale, Traitement indiciaire + indemnité de résidence + supplément familial de traitement (SFT) + primes et indemnités + avantages en nature dans la limite

 

– 6,90 %

 

– retraite complémentaire (Ircantec)

– Tranche A : Dans la limite du plafond mensuel de la sécurité sociale, Traitement indiciaire + indemnité de résidence + Primes et indemnités + Avantages en nature

– 2,80 %

 

 

– Tranche B : Part du traitement indiciaire, de l'indemnité de résidence, des primes et indemnités et des avantages en nature, supérieure au plafond mensuel de la sécurité sociale

– 6,95 %

Contributions sociales

 

 

 

– CSG

 

Traitement indiciaire + Indemnité de résidence + SFT + Primes et indemnités + Avantages en nature

– 9,20 % (dont 2,40 % non déductible du revenu imposable)

 

– CRDS

*après déduction d'un abattement pour frais professionnels de 1,75 % de ce montant dans la limite de quatre fois le plafond annuel de la sécurité sociale.

– 0,50 % non déductible du revenu imposable

3.   La coexistence de régimes indemnitaires divers dans les trois versants de la fonction publique

a.   Le déploiement partiel d’un régime indemnitaire commun dans la fonction publique d’État

Le décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 portant création d’un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel (RIFSEEP) dans la fonction publique de l’État a mis en place un nouvel outil indemnitaire de référence, qui a été déployé progressivement dans la fonction publique d’État à partir du 1er janvier 2015. Ce régime comprend :

– une indemnité de fonctions, de sujétions et d’expertise (IFSE), versée mensuellement et liée aux fonctions exercées au sein d’un corps ;

– un complément indemnitaire annuel (CIA), versé annuellement et individuellement au fonctionnaire en tenant compte de son engagement, apprécié lors d’un entretien annuel effectué par le supérieur hiérarchique direct. Une réflexion est en cours pour transformer ce complément en bonus universel applicable à l’ensemble des agents publics et séparé du RIFSEEP.

Si l’objectif du RIFSEEP est d’harmoniser et simplifier l’architecture indemnitaire au sein de la fonction publique, il existe toujours de nombreux corps qui ne relèvent pas de ce régime en raison de la spécificité de leurs missions (notamment pour les militaires, policiers, etc.) ou du retard pris dans la publication des arrêtés les concernant.

b.   Une application complexe du RIFSEEP dans la fonction publique territoriale

Tout régime indemnitaire mis en place dans la fonction publique territoriale est conditionné à la délibération de l’assemblée délibérante de la collectivité territoriale, après avis du comité technique.

Si le RIFSEEP a vocation à être transposé dans la fonction publique territoriale, les collectivités territoriales sont dépendantes du rythme de développement du RIFSEEP au sein de la fonction publique d’État : pour entrer dans le RIFSEEP, un cadre d'emplois de la fonction publique territoriale doit attendre l’adhésion du corps équivalent dans la fonction publique de l’État. Le décret n° 2020-182 du 27 février 2020 relatif au régime indemnitaire des agents de la fonction publique territoriale a cependant permis d’assouplir cette condition pour certains cadres d’emplois non éligibles au RIFSEEP.

Il est également important de souligner qu’en application du principe de libre administration des collectivités territoriales, celles-ci sont libres d’instituer ou non un régime indemnitaire. Elles peuvent également décider de maintenir, à titre individuel, un fonctionnaire dans un régime indemnitaire antérieur plus favorable au RIFSEEP.

c.   Un régime indemnitaire autonome dans la fonction publique hospitalière

La fonction publique hospitalière n’est pas concernée par le nouveau régime indemnitaire RIFSEEP : les primes et indemnités y sont fixées par voie réglementaire.

Ces textes précisent que certaines primes ne s’appliquent qu’aux fonctionnaires : c’est par exemple le cas de la prime de service. D’autres primes peuvent être versées aux agents non titulaires ([148]). En tout état de cause, l’employeur peut toujours fixer une rémunération globale forfaitaire pour le contractuel, équivalente à la rémunération principale et aux primes et indemnités que perçoivent des agents titulaires exerçant les mêmes fonctions et ayant la même expérience.

II.   Le dispositif proposé

A.   L’exonÉration d’impÔt, de cotisations et de contributions sociales de la prime exceptionnelle versÉe par les administrations publiques

Afin de récompenser l’engagement des agents publics particulièrement mobilisés pendant l’épidémie de covid-19 – on pense bien entendu au personnel des établissements publics hospitaliers mais aussi aux agents qui assurent la continuité de certains services publics essentiels, le présent article prévoit l’exonération d’impôt et de toutes cotisations et contributions sociales d’une prime qui serait versée en 2020 par les administrations publiques à ceux de leurs agents particulièrement mobilisés dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.

Les caractéristiques de cette prime sont peu détaillées par le présent dispositif. L’évaluation préalable mentionne que des décrets viendront notamment préciser les modalités de versement des primes exceptionnelles.

1.   Des critères d’éligibilité larges

● La prime exceptionnelle peut être versée par toutes les administrations publiques au sens du règlement (CE) n° 2223/96 du Conseil du 25 juin 1996 relatif au système européen des comptes nationaux et régionaux dans la Communauté :

« Le secteur des administrations publiques (S.13) comprend toutes les unités institutionnelles qui sont des autres producteurs non marchands (point 3.26) dont la production est destinée à la consommation individuelle et collective et dont la majeure partie des ressources provient de contributions obligatoires versées par des unités appartenant aux autres secteurs et/ou toutes les unités institutionnelles dont l'activité principale consiste à effectuer des opérations de redistribution du revenu et de la richesse nationale. ([149]) »

Sont ainsi concernés :

– l’État, ses ministères, et les organismes divers d’administration centrale ;

– les administrations publiques locales (APUL) qui rassemblent les collectivités territoriales et les organismes divers d’administration locale (des établissements publics locaux tels que les centres communaux d’action sociale, des établissements publics d’enseignement – collèges, lycées –, les associations récréatives et culturelles, les chambres consulaires) ;

– les administrations de sécurité sociale (ASSO) constituées des hôpitaux, de l’ensemble des régimes de sécurité sociale, des régimes de retraite complémentaire et de l’assurance chômage.

Les trois versants de la fonction publique sont donc susceptibles d’être concernés.

● Les bénéficiaires potentiels sont les agents de ces administrations publiques, quel que soit leur statut (titulaires ou non titulaires, de droit public ou de droit privé). Ces caractéristiques impliquent que cette prime ne soit pas versée dans le cadre du RIFSEEP dont le champ de bénéficiaires est plus restreint que celui envisagé par la prime exceptionnelle.

Ces agents doivent avoir été « particulièrement mobilisés pendant l’état d’urgence sanitaire » et avoir connu un « surcroît de travail significatif durant cette période ». Contrairement à la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat prévue par l’article 7 de la LFSS pour 2020, le versement de cette prime est donc uniquement lié à la situation sanitaire actuelle que traverse la France.

● La prime est versée au cours de l’année 2020. Elle a, par conséquent, un caractère temporaire.

● Le présent article fait référence à une prime exceptionnelle qui n’est, à ce jour, pas encore créée. Le choix semble avoir été fait de ne pas créer directement cette prime dans la loi puisque le présent article n’institue pas la prime exceptionnelle mais se contente de s’y référer.

Pour plus de clarté et par cohérence, il serait souhaitable que son décret de création soit pris avant le vote du présent projet de loi, afin de caractériser a minima la prime exceptionnelle mentionnée dans le présent article par un renvoi à son décret de création. À défaut, il est possible que le décret soit publié après l’adoption du présent article, au détriment de la bonne information du Parlement.

En effet, le présent article ne précise ni le montant maximal ou minimal de la prime, ni les éventuelles exclusions de son bénéfice en fonction du niveau de rémunération de l’agent considéré. Il n’est pas non plus fait mention de la possibilité de moduler la prime au sein d’une même administration en fonction du degré de mobilisation. Tout au plus, l’évaluation préalable précise que la prime ne pourra pas être versée aux personnels de direction des administrations publiques.

Le ministre de l’Action et des comptes publics et son secrétaire d’État ont cependant apporté plusieurs précisions importantes lors de leur audition par la commission des finances du 15 avril 2020. Ainsi, ils ont annoncé que le montant maximal de cette prime serait de 1 000 euros par bénéficiaire pour les agents de l’État et des collectivités territoriales, soit un montant maximal identique à celui de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat prévue à l’article 7 de la LFSS pour 2020. Pour les agents de l’État, la prime pourra être modulée en fonction du degré de mobilisation des agents. En vertu du principe de libre administration des collectivités territoriales, celles-ci pourront décider de verser cette prime à leurs agents, aucune compensation de l’État n’étant cependant prévue à ce titre.

D’après les informations fournies par le Gouvernement au rapporteur général, pour les agents de l’État, la prime sera versée à ceux qui ont eu un surcroît de travail objectivable, placés en position de télétravail ou assurant leurs missions en « présentiel ». Ce surcroît de travail peut être lié à une participation directe à la gestion de crise, au maintien des missions essentielles de l’État dans des conditions exceptionnelles ou à la réalisation de missions en contact direct avec les usagers, rendues plus complexes par la crise sanitaire. La prime sera modulable en trois tiers en fonction de la durée d’implication du fonctionnaire (330 euros, 660 euros ou 1 000 euros).

Le montant de cette prime atteindra 1 500 euros pour tous les personnels des hôpitaux dans les départements les plus touchés par l’épidémie et pour les personnels qui travaillent dans des services ayant accueilli des malades du coronavirus dans les départements les moins touchés. Tous les autres personnels des hôpitaux se verront verser une prime de 500 euros. Un dispositif similaire est en cours de construction pour les personnels des EHPAD et pour les aides à domicile.

Le ministre de l’Action et des comptes publics a également annoncé que l’impact pour le budget de l’État serait de 300 millions d’euros. D’après les informations transmises au rapporteur général, cette prime concernerait environ 400 000 agents de l’État dont à peu près 15 % seraient des agents contractuels.

Il faut également souligner que le présent article ne prévoit pas formellement la parution des décrets nécessaires au versement de la prime. L’évaluation préalable précise que des décrets viendront notamment préciser les conditions de versement de la prime. Ces conditions de versement devront respecter les règles énoncées par le juge concernant les dérogations possibles au principe d’égalité de traitement des fonctionnaires d’un même corps. D’après les informations fournies au rapporteur général par le Gouvernement, ces décrets devraient paraître d’ici la fin du mois d’avril afin de permettre les premiers versements des primes à la fin du mois de mai.

2.   Une exonération totale d’imposition, et de cotisations et de contributions sociales

De façon analogue à la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat prévue par l’article 7 de la LFSS pour 2020, le I du présent article prévoit que la prime exceptionnelle versée aux agents publics fasse l’objet de trois types d’exonérations :

– une exonération d’impôt sur le revenu : le complément de rémunération issu de la prime exceptionnelle ne sera pas soumis au prélèvement à la source par l’employeur, ce qui implique de paramétrer les logiciels de paie en conséquence, et ne sera pas pris en compte dans le revenu fiscal de référence. Le versement de la prime n’aura donc pas d’impact sur l’évolution du taux moyen ou marginal d’imposition ;

– une exonération de toutes les cotisations et contributions sociales de nature légale et conventionnelle auxquelles sont normalement soumises les primes des agents publics (voir supra I.B.1) : prélèvements sociaux (CSG, CRDS) et cotisations de retraite complémentaire pour les fonctionnaires, auxquels il faut ajouter, pour les agents contractuels, les cotisations de sécurité sociale, la contribution solidarité autonomie, la contribution de versement transport, la contribution FNAL et les cotisations éventuelles aux régimes d’assurance chômage ;

– les participations, taxes et contributions relatives à la formation professionnelle (taxe d’apprentissage, contribution unique à la formation professionnelle et à l’alternance, contribution supplémentaire à l’apprentissage, contribution dédiée au financement du compte personnel de formation pour les titulaires d’un contrat à durée déterminée, taxe sur les salaires) ou à la participation à l’effort de construction dont sont susceptibles d’être redevables les établissements publics industriels et commerciaux.

3.   Autres caractéristiques identiques à la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat

● La prime exceptionnelle est exclue des ressources prises en compte pour le calcul de la prime d’activité et pour l’attribution de l’allocation aux adultes handicapés (alinéa 2 du I).

● La prime s’applique en métropole, en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Saint-Martin, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon (III).

B.   Un dispositif de non-cumul pour les agents publics bÉNÉficiaires de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat

Le champ des bénéficiaires de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat prévue à l’article 7 de la LFSS pour 2020 est particulièrement large : l’ensemble des agents relevant d’un établissement public industriel et commercial ou administratif s’il emploie du personnel de droit privé peut potentiellement bénéficier de cette prime, sans qu’il soit nécessaire, depuis l’ordonnance idoine du 1er avril 2020, que l’établissement ait conclu un accord d’intéressement.

Certains de ces établissements publics étant assimilables à des administrations publiques, certains agents publics peuvent hypothétiquement bénéficier à la fois de la prime exceptionnelle prévue par l’article 7 de la LFSS pour 2020 et de la prime exceptionnelle mentionnée dans le présent article. Le Gouvernement n’a pas pu fournir au rapporteur général d’estimation du nombre de cas de cumul potentiels.

Afin de limiter les différences de traitement et les effets d’aubaine, le II du présent article prévoit une impossibilité de cumul entre ces deux primes lorsque la prime prévue par l’article 7 de la LFSS pour 2020 « tient compte des conditions de travail particulières liées à l’épidémie de covid-19 ». D’après l’ordonnance du 1er avril 2020 modifiant la date limite et les conditions de versement de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, cette prise en compte se traduit par une modulation de la prime attribuée entre les différents agents dans l’établissement public.

A contrario, cela signifie que ces deux primes peuvent se cumuler si le montant de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat prévue par l’article 7 de la LFSS pour 2020 versé à certains agents de l’établissement public n’est pas spécifiquement lié à leurs conditions de travail particulières liées à l’épidémie de covid-19.

C.   L’impact de la mesure

● L’impact budgétaire de cette prime, qui ne relève pas du présent article, dépendra du nombre de primes versées et de leurs montants. Le ministre de l’Action et des comptes publics a précisé lors de son audition par la commission des finances, le 15 avril 2020, que le financement des primes versées aux agents de l’État se ferait en gestion, sur les crédits déjà ouverts, étant entendu qu’une régularisation ultérieure aura lieu dans un prochain projet de loi de finances rectificative.

● L’exonération d’impôt sur le revenu et de cotisations sociales de la prime versée aux agents des administrations publiques particulièrement mobilisés dans le cadre de l’épidémie de covid-19 permet potentiellement un gain de pouvoir d’achat important pour les agents concernés.

Ce gain dépend d’une part du taux marginal d’imposition du contribuable et, d’autre part, du niveau d’assujettissement de cette prime aux cotisations et contributions sociales dans une situation « normale » de versement, ce niveau étant notamment déterminé par le statut de l’agent.

● La prime n’étant pas créée, il n’est pas possible de chiffrer le manque à gagner pour les recettes de l’État et de la sécurité sociale. En effet, ce manque à gagner dépendra nécessairement des caractéristiques spécifiques de la prime, de ses modalités de versement et du nombre de primes versées. Le Gouvernement estime d’ailleurs dans son évaluation préalable que ce manque à gagner sera nul en considérant que les exonérations prévues font partie des caractéristiques intrinsèques de la prime.

S’il est vrai que, contrairement à la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat mise en œuvre dans le secteur privé au sens large, l’existence d’exonérations a un impact moins direct sur le nombre de primes distribuées par les administrations publiques, la comparaison du manque à gagner par rapport à une situation « normale » est complexe à appréhender, du fait de l’absence d’un dispositif analogue autonome. D’après les chiffres fournis par le Gouvernement au rapporteur général, ce manque à gagner est estimé, pour les primes versées aux agents de l’État, à 115 millions d’euros dont :

– 40 millions d’euros d’exonération d’impôt sur le revenu ;

– 45 millions d’euros de cotisations sociales : 25 millions d’euros au titre des cotisations au régime additionnel de la fonction publique, 10 millions d’euros de cotisations des contractuels aux régimes de retraite de base et additionnel, 8 millions d’euros de cotisations à la sécurité sociale hors vieillesse et 2 millions d’euros de cotisations chômage ;

– 30 millions d’euros au titre de la CSG et de la CRDS.

Le manque à gagner lié aux primes distribués aux agents territoriaux dépendra du comportement des collectivités territoriales, notamment du nombre de primes versées et de leur montant.

Enfin, s’agissant de la fonction publique hospitalière, le manque à gagner pour les recettes de l’État et de la sécurité sociale pourrait représenter entre 350 millions d’euros et 400 millions d’euros.

Ce manque à gagner sera atténué, en partie, par le fait que l’État employeur et les administrations publiques ne verseront pas de cotisations sociales employeurs.

Il faut également souligner que l’effet de substitution observé lors du versement de la prime prévue par la loi MUES, qui s’est traduit par une légère compression de l’évolution salariale, ne devrait pas jouer dans le cadre d’une prime versée par les administrations publiques.

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La commission adopte l’article 5 sans modification.

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Après l’article 5

La commission est saisie de l’amendement CF184 de M. Boris Vallaud.

Mme Christine Pires Beaune. Il s’agit d’encourager la reprise d’entreprises industrielles en créant un dispositif fiscalement attractif sous la forme d’un suramortissement.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. C’est un amendement que nous examinons habituellement dans le cadre des projets de loi de finances. Je vous suggère donc de le retirer ; nous en reparlerons à l’issue de la crise.

M. le président Éric Woerth. Il s’agit en effet clairement d’une mesure de relance.

La commission rejette l’amendement CF184.

Puis elle examine l’amendement CF188 de M. Dominique Potier.

M. Jean-Louis Bricout. Dès 2013, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) s’est inquiétée de l’écart croissant des rémunérations entre salariés et dirigeants au sein des entreprises. Pour remédier à cette situation, nous proposons de limiter cet écart à un ratio de 1 à 12 et, afin d’inciter les entreprises à le respecter, de restreindre les charges de personnel déductibles aux seules rémunérations dont le montant est inférieur à un plafond déterminé par l’application de cet écart-type.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Cette question, comme toutes celles qui ont trait aux outils fiscaux, pourra faire l’objet d’un débat intéressant une fois que nous aurons traversé la tempête.

La commission rejette l’amendement CF188.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CF185 de M. Boris Vallaud.

Mme Christine Pires Beaune. Autant l’amendement CF184 concernait, je le reconnais volontiers, l’après-crise, autant le CF185 vise bien à créer un dispositif de soutien pendant la crise puisqu’il consiste en un suramortissement exceptionnel de 40 % pour les biens non utilisés inscrits à l’actif immobilisé et qu’il s’appliquerait entre le 15 mars et le 30 juin 2020. Cette mesure est en quelque sorte le pendant du chômage partiel pour le capital productif.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il s’agit bien, en effet, d’une mesure liée à la crise, mais, du point de vue de la trésorerie, qui doit être notre obsession dans le cadre de ce texte, cet amendement n’apporte rien. Cette piste avait été explorée au début de la crise, mais elle a été abandonnée car elle ne permet pas d’aider les entreprises à payer, à très court terme, leurs charges et les salaires. Nous pourrons néanmoins l’évoquer dans un second temps, car le suramortissement est un dispositif efficace pour soutenir l’investissement. Quoi qu’il en soit, à ce stade, l’avis est défavorable.

La commission rejette l’amendement CF185.

Puis elle examine l’amendement CF93 de M. Philippe Vigier.

M. Charles de Courson. Une grande générosité s’est manifestée pendant la crise, mais les plafonds applicables aux dons ont été maintenus. Par cet amendement, nous proposons de supprimer temporairement, pendant la période de la crise sanitaire, ce plafond qui est actuellement fixé à 20 % du revenu imposable.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Peut-être suis-je trop prudent, mais je crains qu’une telle mesure ne crée un effet d’aubaine et ne favorise les abus. Au demeurant, est-il nécessaire de supprimer ce plafond en ce moment ? Je ne suis pas certain que ce soit la réponse la plus appropriée à la crise. J’émettrai donc un avis défavorable.

M. Charles de Courson. Je précise que la mesure s’appliquerait uniquement pendant la crise et ne concernerait que les dons faits aux structures médico-sociales.

M. le président Éric Woerth. Le ministre a d’ailleurs appelé aux dons.

La commission rejette l’amendement CF93.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CF186 de M. Jean-Louis Bricout.

M. Jean-Louis Bricout. Le sujet paraît anodin, mais il est plus important qu’on ne le croit. Actuellement, le coronavirus circule de billet en billet et de pièce en pièce. Aussi proposons-nous, par cet amendement, un crédit d’impôt pour les commerçants qui s’équipent de terminaux de paiement électronique sans contact. D’autres solutions pourraient être envisagées, notamment l’exonération de frais bancaires pour ce type de paiement. Quoi qu’il en soit, une mesure incitative me paraîtrait de bon aloi. La Corée du Sud désinfecte actuellement l’ensemble de ses billets de banque, sur lesquels le virus survivrait jusqu’à cinq jours.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je n’ai pas changé d’avis depuis le mois dernier : je suis toujours d’accord avec vous sur ce point. Je suis d’ailleurs étonné, et même déçu, que les choses n’aient pas plus avancé, au plan réglementaire, dans ce domaine. Je ne comprends pas pourquoi, par exemple, le plafond du paiement sans contact n’a pas été rehaussé. En tout état de cause, sur ce sujet, un crédit d’impôt n’est pas adapté ; il faut édicter rapidement une réglementation efficace pour favoriser les paiements électroniques sans contact. Je vous suggère donc de redéposer l’amendement en séance publique afin que je réitère mon souhait que des mesures soient prises plus rapidement, car on peut penser que la monnaie fiduciaire favorise la transmission du virus.

M. Marc Le Fur. Je souscris à cet objectif, mais plusieurs commerçants m’ont indiqué que la commission dont ils s’acquittent auprès des banques est plus conséquente pour un paiement sans contact que pour un paiement électronique classique. De ce fait, ils sont modérément partisans du paiement sans contact.

M. le président Éric Woerth. Nous avons pu étudier cette question dans le cadre de la mission d’information sur l’inclusion bancaire. J’observe, par ailleurs, que les plafonds applicables pour les paiements sans contact sont plus élevés dans beaucoup d’autres pays.

La commission rejette l’amendement CF186.

Puis elle examine l’amendement CF95 de M. Bertrand Pancher.

M. Charles de Courson. Cet amendement est né du constat suivant. Certains secteurs de l’industrie agroalimentaire ne parviennent plus à vendre leurs produits. C’est le cas notamment des fromagers. Or, ceux-ci continuent à acheter du lait, en raison du contrat qui les lie aux producteurs. Plutôt que de laisser détruire ces biens alimentaires, pourquoi n’encouragerions-nous pas les entreprises à les donner à des structures médico-sociales, par exemple ? Tel est l’objet de cet amendement, qui tend à déplafonner, pendant la durée de la crise, le crédit d’impôt pour les dons en nature.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je rappelle tout d’abord que la loi de finances pour 2020 a doublé le plafond forfaitaire des versements ouvrant droit au mécénat, qui concerne surtout les TPE, en le portant à 20 000 euros. L’amendement serait intéressant si son champ était circonscrit aux structures de taille moyenne, afin d’éviter, là encore, que les plus grandes d’entre elles profitent d’un effet d’aubaine. Je ne sais pas ce qu’en penserait le Gouvernement, mais peut-être pourriez-vous y retravailler en ce sens d’ici à la séance publique.

M. Jean-Noël Barrot. Peut-être faut-il d’abord s’interroger sur la volonté des entreprises concernées de faire de tels dons. Nous avons essayé, dans ma circonscription, d’organiser une rencontre entre les banques alimentaires et les agriculteurs ou les horticulteurs qui doivent jeter leurs produits, et nous avons du mal à faire accepter à ces derniers l’idée de les donner. Ils nous demandent de rouvrir d’abord les marchés, pour qu’ils puissent écouler leur production. Par ailleurs, si, comme ils le craignent, leur bénéfice n’est pas imposable au titre de l’année 2020, ils ne pourront pas bénéficier de cette déduction fiscale. Il faudrait donc s’assurer qu’elle pourrait être imputée également sur des bénéfices à venir.

M. Charles de Courson. Si je comprends bien, monsieur le rapporteur général, vous n’êtes pas fondamentalement hostile à cette mesure ; vous souhaiteriez qu’elle soit un peu mieux ciblée. Il est tout de même malheureux que, faute de pouvoir livrer, des producteurs de fromages détruisent 80 % de leur production alors qu’ils sont prêts à la donner à des structures locales. Envisagez-vous de déposer un sous-amendement ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je vous suggère de retravailler votre proposition, afin d’éviter qu’elle puisse profiter aux grandes surfaces, et de la redéposer en séance publique.

M. Charles de Courson. Entendu. Mais, dans notre esprit, la mesure ne concernerait que les producteurs, et non les distributeurs.

L’amendement CF95 est retiré.

La commission est saisie de l’amendement CF55 de M. Éric Woerth.

M. le président Éric Woerth. Cet amendement vise à accorder un crédit d’impôt aux banques accordant une remise partielle ou totale des intérêts dus pendant la période de report des échéances de remboursement d’emprunts lorsque ce report est décidé pendant la période de l’état d’urgence sanitaire. Le Président de la République a, à juste titre, appelé les banques à reporter ces échéances – nombre de banques le font automatiquement, du reste. Mais cela a un coût. Nous proposons donc de faire en sorte que ce report d’échéances soit neutre pour le débiteur.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Les reports d’échéances ont été volontairement accordés par le secteur bancaire, sous l’égide de la Fédération bancaire française (FBF), et c’est une bonne chose. Est-il opportun d’accorder un avantage fiscal au titre d’un geste volontaire, censé être désintéressé ? Je n’en suis pas certain.

Au demeurant, l’industrie bancaire en a-t-elle besoin ? En toute objectivité, je ne crois pas. Surtout, dans le contexte actuel de taux bas, les reports d'échéances ne représentent pas un coût net très élevé pour ceux qui les paient. Certes, pour une petite entreprise, chaque euro compte, mais cela ne me paraît pas insurmontable, surtout lorsque, par ailleurs, les aides publiques sont aussi importantes. Avis défavorable, même si je comprends la philosophie qui sous-tend cet amendement.

M. le président Éric Woerth. Philosophie est un grand mot : c’est une mesure pratique, simple. Encore une fois, le Président de la République lui-même a appelé les banques à reporter les échéances. Il ne s’agit pas de donner un avantage aux banques, car le crédit d’impôt couvrirait la remise des intérêts qu’elles accordent.

Mme Véronique Louwagie. Monsieur le rapporteur général, votre argument selon lequel les taux d’intérêt sont actuellement bas ne peut pas être retenu. En effet, le report d’échéances, le plus souvent sur une période de six mois, donne lieu à des intérêts qui sont calculés au taux en vigueur lorsque l’emprunt a été contracté. Or, il y a sept ou dix ans, les taux d’intérêt étaient très élevés. Le dispositif proposé me paraît donc intéressant, car le crédit d’impôt inciterait les banques à réduire ces taux.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous avons évoqué tout à l’heure les accords de place qui doivent être conclus entre le Gouvernement et les fédérations bancaires ; cette question fait partie de celles qui doivent être discutées. Lorsque les taux sont trop élevés, peut-être peut-on plafonner, par exemple, les intérêts dans le cadre des reports d’échéance. En tout état de cause, je ne crois pas que le crédit d’impôt, qui est un dispositif incitatif, soit l’outil approprié. Les banques doivent jouer leur rôle – et, globalement, c’est ce qu’elles font, même si elles peuvent s’améliorer s’agissant du PGE –, y compris en matière de report d’échéances. La puissance publique n’a pas besoin d’offrir un crédit d’impôt aux banques pour les convaincre d’adopter un comportement vertueux dans un moment de crise.

M. le président Éric Woerth. Cela n’a rien à voir avec le comportement des banques, qui ne seraient en rien avantagées par une telle mesure. Celle-ci bénéficierait aux débiteurs, puisque le crédit d’impôt a pour objet d’effacer le coût de la remise des intérêts. Ou alors vous demandez aux banques d’accorder des reports d’échéances sans facturation, mais c’est une autre question.

Mme Bénédicte Peyrol. Avant même l’intervention du Président de la République, de premiers gestes commerciaux avaient été faits sous la forme de reports d’échéances. Cette question a donc fait l’objet d’une des premières alertes lancées dans ma circonscription, où les entrepreneurs se demandent comment, au bout du compte, ils paieront l’ensemble des reports accordés. L’objectif, je le comprends bien, est d’inciter les banques à abandonner les intérêts intercalaires. Il faut, en effet, aller plus loin dans ce domaine, peut-être en imaginant des solutions intermédiaires. Mais je ne suis pas convaincue que le crédit d’impôt soit la solution idoine en la matière.

M. le président Éric Woerth. Sans doute, mais c’est au moins une solution technique opérationnelle. On pourrait envisager une sorte d’obligation bancaire ou d’accord de place qui prévoirait que les intérêts ne sont pas facturés, mais c’est une autre histoire.

La commission rejette l’amendement CF55.

La commission examine l’amendement CF78 de M. Éric Woerth.

Mme Véronique Louwagie. Il est proposé de faire prendre en charge par l’État les intérêts des PGE, sous la forme d’un crédit d’impôt octroyé aux banques.

Les montants en jeu ne seront peut-être pas très élevés, mais tous les dispositifs doivent être activés pour aider nos entreprises à redémarrer. Si les PGE n’engendrent pas de charges financières, ils apporteront une aide réelle aux entreprises. Nous proposons un outil pour que les banques soient incitées à faire des prêts à taux zéro ou à des taux très réduits.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Les PGE ne seront jamais complètement gratuits, puisque la garantie a un coût. Mais nous pouvons imaginer d’appliquer un taux zéro sur leur partie bancaire.

Toutefois, je maintiens que le problème n’est pas le coût du crédit, mais l’accès à celui-ci. Les taux des crédits de trésorerie ou des prêts commerciaux sont bas - même s’ils peuvent augmenter en fonction de la structure bilancielle de l’entreprise. Les entreprises ne souhaitent pas des prêts à taux zéro, mais accéder rapidement et efficacement aux PGE. Mieux vaut donc se concentrer sur les cas de refus de PGE par les banques plutôt que sur le coût du crédit, qui ne semble pas constituer une difficulté pour les entreprises emprunteuses.

M. Charles de Courson. Les banques que j’ai consultées proposent des PGE à taux zéro - l’intérêt de 0,25 % paie la garantie. Mais ce n’est valable que la première année. Or les entreprises ont jusqu’à cinq ans pour rembourser les prêts, et les taux proposés pour les années suivantes varient beaucoup selon les réseaux bancaires. Le représentant d’un grand réseau bancaire m’a expliqué qu’il servait un taux de 0,5 % la deuxième année et 1 % la troisième. Nous devrions travailler sur cette question plutôt qu’à un crédit d’impôt qui, si le taux est de zéro, s’élèvera à zéro.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je suis entièrement d’accord, d’autant que lorsqu’une entreprise souhaitera étaler son crédit sur plusieurs années, le coût de la garantie augmentera aussi, il ne restera pas à 0,25 %. Il faut donc être vigilant lorsque les crédits à court terme deviennent des crédits à moyen terme.

M. Fabien Roussel. Nous avons également déposé un amendement afin d’instaurer la gratuité de la garantie des PGE. Quel montant l’État va-t-il percevoir au titre des intérêts sur ces prêts, et pourquoi l’État ne prend pas cette somme à sa charge ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous devons facturer la garantie pour que les prêts ne soient pas requalifiés en aide d’État et pour financer le fonctionnement de Bpifrance.

Dans le cas des PGE, les crédits remontent directement au budget général de l’État, mais ils abonderont les fonds de garantie dont les entreprises en développement auront besoin pour se refinancer demain. Le coût de cette garantie permet au mécanisme de garantie publique de perdurer.

La commission rejette l’amendement CF78.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CF58 de M. Éric Woerth, CF46 et CF35 de M. Marc Le Fur.

Mme Véronique Louwagie. Nous souhaitons laisser aux collectivités territoriales la liberté de venir en aide aux entreprises en les exonérant de la cotisation foncière des entreprises (CFE) et du versement destiné aux services de mobilité. Nombre de collectivités cherchent à aider les commerces de centre-ville mais n’en ont pas les moyens. Les décisions d’exonérations dérogeraient à la règle d’une délibération avant le 31 octobre de l’année précédente.

M. Marc Le Fur. Les amendements CF46 et CF35 portent sur le versement mobilité, qui représente 7 milliards payés par les entreprises en contrepartie d’un service offert aux salariés et à leurs familles. Or ce service n’a pas été rendu lorsque les salariés étaient confinés, ou de manière très dégradée, car de nombreux services de transport ont dû réduire leur cadencement et leur activité.

L’amendement CF46 supprime le versement mobilité pour toutes les entreprises pendant la période de confinement. Le CF35 concentre l’effort sur les entreprises qui ont fait l’objet d’une décision administrative de fermeture et qui n’ont pas à payer une contribution pour un service qui n’a pas été rendu.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Le meilleur moyen d’aider massivement nos petites entreprises consiste à abonder le fonds de solidarité ! Toutes les collectivités territoriales peuvent apporter leur contribution.

L’exonération de CFE est techniquement compliquée à mettre en place. La CFE étant due pour toute l’année si l’entreprise exerce une activité au 1er janvier, il faudrait que les collectivités exonèrent rétroactivement les entreprises pour l’année 2020, ce qui semble extrêmement complexe alors que des systèmes d’aide directe aux entreprises sont en place.

Quant au versement mobilité, vous demandez finalement une contribution aux autorités organisatrices de la mobilité qui vont déjà subir des pertes de recettes.

M. Marc Le Fur. Le versement mobilité est payé par les entreprises en fonction de leur masse salariale. Les salariés des entreprises qui n’ont pas eu d’activité n’ont pas utilisé le service que rémunère le versement mobilité et celles qui ont eu une activité réduite n’ont pas bénéficié d’un service normal.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Le versement transport est assis sur la masse salariale. En cas d’activité partielle, il n’est pas dû. Cet amendement est satisfait.

M. Marc Le Fur. Reste le cas des entreprises qui ont maintenu leur activité et qui n’ont pas bénéficié d’un service de transports normal.

M. Fabien Roussel. S’agissant de la possibilité pour les collectivités de ne pas percevoir la CFE, le conseil communautaire de l’agglomération dont je fais partie a décidé d’apporter une aide à toutes les entreprises qui en font la demande. Or le préfet ne le permet pas et nous demande d’abonder directement le fonds de solidarité. Ce n’est pas juste ! Le fonds de solidarité est attribué selon des critères décidés au niveau national. Les collectivités, qui se retrouvent privées d’une liberté, risquent de choisir de ne pas abonder ce fonds, ce qui privera les entreprises de leur aide.

M. le président Éric Woerth. Je ne comprends pas que cet amendement n’ait pas le soutien du rapporteur général. Je croyais que vous aviez confiance dans les territoires. Laissez aux élus un peu de souplesse pour aider les entreprises qui ont des difficultés. Le moment est propice pour expérimenter.

Les règles du fonds de solidarité sont fixées de manière centralisée, sans que les élus locaux n’aient aucune influence. Laissez-leur un peu de liberté ! L’État va finir par mourir de cette vision beaucoup trop centralisatrice. Si vous deviez voter au moins un amendement de l’opposition, c’est bien celui-là.

 M. Charles de Courson. Étant décentralisateur, je trouve ces amendements sympathiques. Le rapporteur général a néanmoins raison sur un point : techniquement, c’est un peu tard. Mais il serait possible d’autoriser le remboursement de la CFE pour l’année 2020, ainsi toutes les objections seraient levées. Je ne pense pas que l’exonération du versement mobilité soit une très bonne idée, concentrons-nous sur la CFE.

M. le président Éric Woerth. La complexité n’est un problème que lorsqu’il s’agit de nos amendements, car le Gouvernement aussi met en place des dispositifs très compliqués.

Mme Cendra Motin. Le versement mobilité n’est pas dû lorsque les salariés sont en chômage partiel, au contraire de la participation de 50 % de l’employeur à tout abonnement aux transports publics.

Je salue à cet égard la décision de Valérie Pécresse, présidente de la région Île-de-France, de rembourser le pass Navigo pour le mois d’avril. C’est un exemple de décentralisation qui fonctionne et la preuve que les présidents de région ont les moyens d’agir sur les autorités organisatrices de transport. Tous ne l’ont pas fait, notamment Xavier Bertrand dans les Hauts-de-France.

Les collectivités territoriales auront besoin de moyens pour acheter des masques et du gel hydro-alcoolique, pour équiper les écoles, ne leur retirons pas des ressources.

Enfin, le fonds de solidarité est encadré par une convention. Bercy discute de chaque modification avec Régions de France. Il est faux de dire qu’il est uniquement piloté par l’État et que les régions n’ont pas leur mot à dire.

Mme Véronique Louwagie. Il s’agit uniquement de donner la possibilité aux collectivités d’apporter une aide, de leur faire confiance.

Vous nous dites que notre amendement arrive trop tard. Mais lorsque des territoires sont classés en calamité agricole en juin ou en juillet, nous arrivons à prendre en charge une partie de leur taxe foncière sur le non-bâti. En fait, il est techniquement possible d’agir, ne serait-ce qu’en prévoyant un remboursement.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. J’assume cette position dite centralisatrice : en période de tempête, il nous faut des outils simples et efficaces, et surtout pas des aides territorialisées. Tous les établissements de France doivent pouvoir être aidés. Il suffit de faire une demande à la DGFiP et de remplir les critères ! Le chômage partiel n’est pas non plus très compliqué en comparaison des systèmes proposés par ces amendements.

La centralisation est nécessaire au cœur de la crise. Lorsque viendra le moment de la relance, chaque territoire pourra faire jouer sa connaissance fine du tissu industriel et des besoins locaux. Pour répondre aujourd’hui rapidement à tout le monde, les outils proposés par le Gouvernement sont les plus efficaces. La question n’est pas de savoir de qui émane l’amendement ou qui est plus jacobin que l’autre.

Je rappelle que lorsque nous avons commencé à débattre des impôts de production, certains expliquaient que la CFE et la CVAE étaient compliquées à manier par les collectivités territoriales. Les opinions à cet égard dépendent du contexte.

M. le président Éric Woerth. Nous ne sommes pas d’accord sur ce point. Je crois, moi, à la responsabilité des maires, y compris en temps de crise, et vous vous trompez lourdement en refusant de laisser un minimum de souplesse sur la fiscalité locale. C’est le choix d’un État centralisateur.

La commission rejette successivement les amendements CF58, CF46 et CF35.

La commission examine l’amendement CF57 de M. Hervé Pellois.

Mme Cendra Motin. Le présent amendement vise à soutenir le secteur agricole en exonérant les futurs recrutements de deux impositions de toute nature – la contribution sociale généralisée (CSG) et la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) – et en instituant un mécanisme comparable à celui des travailleurs occasionnels demandeurs d’emploi (TODE).

De nombreux agriculteurs nous ont alertés sur leur difficulté à employer des travailleurs d’autres pays de l’Union européenne car la crise ralentit grandement les flux de personnes. Une plateforme « Des bras pour ton assiette » a été créée, sur laquelle de très nombreux volontaires se sont inscrits. Le dispositif vise à aider les agriculteurs à effectuer leurs récoltes dans cette période charnière.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il s’agit aujourd’hui davantage d’aider les exploitations que de résoudre leurs problèmes de main-d’œuvre. Sans mauvais jeu de mots, le ministre de l’agriculture et de l’alimentation a pris le problème à bras-le-corps avec l’initiative « Des bras pour ton assiette », en en appelant à cette fameuse armée de l’ombre, qui est la meilleure manière de répondre aux besoins que soulève l’amendement. Quant à l’aide aux exploitations, elle se concrétisera dans les mesures que j’ai détaillées.

Je vous suggère donc de retirer l’amendement. À défaut, j’y serai défavorable.

M. Charles de Courson. L’idée mérite d’être travaillée. Dans des secteurs entiers, les récoltes sont devenues impossibles du fait de l’arrêt presque total du recrutement de la main-d’œuvre étrangère. Pour inciter aux recrutements, il faut revenir en arrière sur ce qui a malheureusement été décidé pour le dispositif TODE et consentir des exonérations, comme le prévoit l’amendement. La mesure pourrait aussi être étendue au contrat vendanges car nous avons supprimé les dispositifs qui incitaient au travail les salariés français. Exemple caricatural, la Champagne recrute 55 % d’étrangers pour les vendanges.

Nous devons donc réfléchir à la façon d’inciter les Français à travailler dans les exploitations pour les récoltes et les vendanges.

La commission rejette l’amendement CF57.

Elle examine l’amendement CF62 de M. Fabien Roussel.

M. Stéphane Peu. Face à l’épidémie, le Président de la République et plusieurs membres du Gouvernement ont invité le pays à faire preuve de solidarité. Dans cet esprit, nous proposons que les dispositions votées lors de la précédente loi de finances, visant à exonérer de taxe d’habitation les 20 % de ménages les plus aisés, soient non pas supprimées, car cela pose un problème constitutionnel, mais décalées à 2022. Cette mesure de justice et de solidarité, qui rapporterait 7 milliards à l’État, s’intègre à l’effort qui doit être consenti par tous.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Les débats sur les trois PLF de notre législature ont montré que, parmi les 20 % de Français les plus aisés, certains ne roulent pas vraiment sur l’or.

Nous vivons aujourd’hui une crise non seulement de l’offre, dont témoigne ce texte, mais aussi de la demande, puisque la consommation des Français est mise à l’arrêt. Il serait donc malvenu de détricoter ce qui a été voté en termes de pouvoir d’achat pour l’ensemble des Français, entre autres les mesures relatives à la prime d’activité ou à la taxe d’habitation. L’exonération de taxe d’habitation pour les 20 % de ménages les plus aisés a été votée dans le dernier PLF. La taxe doit être supprimée pour l’ensemble des Français, parce que c’est fortement conseillé d’un point de vue constitutionnel et pour la cohérence de la fiscalité que nous avons mise en œuvre depuis trois ans. Je veux que nous allions au bout de cette démarche. Je serai donc défavorable à l’amendement.

Ma conviction est que nous ne sortirons pas de cette crise en rehaussant immédiatement la fiscalité des ménages, en réponse à ce qu’ils auront subi. Au contraire, en nous appuyant sur ce que nous avons fait depuis trois ans, nous devrons plutôt conforter un rebond de la consommation, en maintenant les mesures d’allégement de la fiscalité.

M. Éric Coquerel. D’après votre réponse à Stéphane Peu, comme celle que vous nous avez apportée s’agissant de l’ISF, il se dessine que vous ne changerez rien. Pourtant, l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) montre que le décile des Français les plus riches a davantage bénéficié des transformations fiscales, qui ont été votre œuvre depuis deux ans et demi, que les Français les plus pauvres, qui, eux, en ont pâti. Or vous comptez continuer dans cette voie. Nous ne sommes pas près de construire le monde d’après, du moins avec vous !

M. Stéphane Peu. Monsieur le rapporteur général, il est proposé non pas de supprimer la mesure, mais de la décaler d’un an, ce qui n’est pas révolutionnaire. Surtout, derrière la crise sanitaire, une énorme crise sociale se dessine. Sans jeter l’opprobre sur les 20 % de ménages les plus aisés qui paient la taxe d’habitation et qui ne seraient pas exonérés, il faut concevoir que leur situation n’a rien à voir avec celle des Français privés d’emploi, mis au chômage partiel, et qui subissent de plein fouet les conséquences sociales de l’épidémie. La solidarité est l’effort consenti par tous, en proportion de ses capacités. Je suis donc étonné que les réflexions ne s’orientent pas vers davantage de solidarité.

La commission rejette l’amendement CF62.

La commission est saisie de l’amendement CF202 de Mme Patricia Lemoine.

Mme Patricia Lemoine. Au titre de la solidarité nationale, l’amendement crée une contribution exceptionnelle à l’impôt sur les sociétés pour les sociétés dont le chiffre d’affaires dépasse un milliard d’euros et dont les bénéfices pour 2020 sont supérieurs de plus de 10 % à ceux réalisés en 2019. Pour moduler la charge financière en fonction du chiffre d’affaires des entreprises, il instaure également une contribution additionnelle pour les sociétés réalisant un chiffre d’affaires égal ou supérieur à 3 milliards d’euros, dont les bénéfices ont également augmenté de 10 % entre 2019 et 2020.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. J’ai compris dans quelles conditions vous proposiez ces contributions exceptionnelles. Les montants évoqués sont d’ailleurs bien pensés. En revanche, le moment n’est pas venu de prévoir une hausse de la fiscalité, tant pour les ménages que pour les entreprises.

Cela ne signifie pas, monsieur Peu, que nous ne voulons pas aider les ménages qui souffriront le plus de la crise – les mesures exposées cette semaine le prouvent. Il s’agit plutôt de ne pas détricoter notre système fiscal. Une réflexion devra probablement être menée après la crise sur ce sujet. Les entreprises qui pourront se le permettre participeront très certainement à l’effort, mais il est trop tôt pour définir par quel biais ou quel outil.

Aidons chacun à sortir vivant et renforcé de cette crise, pour rebondir vite et fort. Les contributions de ceux qui peuvent davantage se le permettre apparaîtront au moment de la reprise, voire un peu plus tard, dans le PLF. Je vous donne donc rendez-vous à ce moment pour débattre de ces sujets.

Aussi, bien que les critères de l’amendement soient intelligemment pensés, je vous suggère de le retirer.

Mme Patricia Lemoine. Je retire l’amendement, mais le présenterai à nouveau demain, afin qu’il devienne un amendement d’appel en vue du futur PLF pour 2021.

L’amendement CF202 est retiré.

La commission examine l’amendement CF175 de Mme Valérie Rabault.

Mme Christine Pires Beaune. Il s’agit de tirer les conséquences de l’annulation des cotisations et contributions sociales devant être acquittées par les entreprises en difficulté sur le budget de la sécurité sociale. Comme nous l’avons défendu dans le cadre du PLF, l’amendement vise à compenser les allégements de contributions à hauteur de 5 milliards d’euros dans ce budget.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Le moment venu, il y aura en effet un débat sur les compensations entre le budget de l’État et celui de la sécurité sociale. La doctrine Charpy-Dubertret partait du principe que cette dernière retrouvait l’équilibre. Manifestement, cela ne sera le cas ni pour la sécurité sociale ni pour l’État. Nous devrons donc discuter de qui financera quoi.

Le Parlement devra tenir ce débat à l’automne, dans le cadre des lois de finances et de financement de la sécurité sociale.

La commission rejette l’amendement CF175.

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B. ‑ Garanties

Article 6
Rehaussement du plafond d’encours maximal de réassurance publique d’opérations d’assurance-crédit export de court terme

Résumé de l’article

L’article augmente le plafond des garanties de l’État aux opérations de réassurance de l’assurance-crédit export, de 2 à 5 milliards d’euros.

L’article 5 première loi de finances rectificative avait augmenté ce plafond de 1 à 2 milliards d’euros.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   L’État du droit

1.   Cap Francexport

Les entreprises françaises qui exportent s’exposent à de nombreux risques commerciaux, contre lesquels elles s’assurent. L’assurance des crédits contractés pour exporter l’activité économique, aussi dénommée assurance-crédit export, permet de se prémunir contre l’interruption ou le non-paiement d’un contrat lié avec une entreprise étrangère, en raison de risques politiques ou commerciaux ([150]).

Les assureurs-crédit se protègent également du risque de défaut des prêts de leurs assurés, via des opérations de réassurance. Cap Francexport, géré par Bpifrance Assurance Export, est un dispositif public de réassurance des opérations d’assurance-crédit export ([151]), portant sur des crédits assurés de moins d’un an. L’objet de cette activité de réassurance publique est de protéger les entreprises françaises exportatrices contre les éventuelles défaillances du marché de l’assurance-crédit, qui pourraient limiter leur développement international. L’offre publique est limitée aux activités d’exportation dans certains pays dont la stabilité économique est dégradée – l’augmentation du risque de défaut de paiement des débiteurs situés dans ces pays est, en effet, susceptible de freiner l’offre privée de réassurance.

Cap Francexport, créé en 2018, disposait avant la crise d’une garantie de l’État permettant de réassurer un encours de crédits d’un milliard d’euros ([152]). Toutefois, en l’absence de carence d’offre privée de réassurance des assureurs-crédit privés, cette solution de réassurance publique n’était que peu utilisée. En outre, seuls 17 pays d’exportation constituaient le périmètre d’éligibilité de l’offre de Bpifrance ([153]). Selon l’évaluation préalable du présent article, depuis le lancement de Cap Francexport, la banque publique n’a ouvert qu’une seule police de réassurance, pour un encours de crédit de 175 000 euros.

2.   La montée en charge du dispositif prévue par la LFR 1

La première loi de finances rectificative du 23 mars 2020 (LFR 1) a étendu le potentiel d’action de Cap Francexport :

– les assurances-crédit éligibles à la réassurance sont celles couvrant les opérations d’exportation de tous les pays étrangers, et non seulement les 17 précités ;

– le plafond de la garantie de l’État sur les encours pouvant être réassurés a été doublé, pour être porté à 2 milliards d’euros.

L’objectif de cette montée en charge est de faire de Cap Francexport un outil de soutien de l’activité des assureurs, susceptibles de se retirer massivement du marché de l’assurance-crédit en raison de la crise économique actuelle. En permettant au marché de l’assurance-crédit de rester fonctionnel, l’activité d’exportation des entreprises françaises est protégée, dans un contexte où le taux de défaillance des clients pourrait augmenter sensiblement. L’exposé des motifs du présent article estime que ce taux « pourrait passer de 2 % à 15 % en France et atteindre jusqu’à 25 % dans certains États de l’OCDE ».

Le recours à un dispositif massif de réassurance des opérations d’assurance-crédit apparaît très opportun, eu égard à l’expérience acquise lors de la crise précédente. L’article 125 de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 avait mis en place un dispositif similaire pour l’assurance-crédit (le « complément d’assurance-crédit », CAP ([154])), géré par la Caisse centrale de réassurance. 1 500 entreprises ont pu bénéficier de ce dispositif, dont l’évaluation ex post a en outre montré qu’il avait été entièrement autofinancé. Selon l’évaluation préalable du présent article, la réassurance étant proposée à titre onéreux, les recettes que l’État en a tiré entre 2009 et 2011 ont plus que couvert le coût de la sinistralité des prêts.

II.   Le dispositif proposé

Le présent article porte de 2 à 5 milliards d’euros le plafond d’encours maximal de réassurance publique d’opérations d’assurance-crédit export.

Selon l’exposé des motifs et l’évaluation préalable de cet article, plusieurs raisons motivent cette hausse sensible du plafond des encours réassurables par Bpifrance :

– la crise actuelle apparaît plus profonde que la crise de 2008 ;

– le montant des encours réassurés en 2009 a atteint près d’un milliard d’euros, dans une crise moins forte et sur un ensemble de pays concernés plus concentré qu’aujourd’hui (tous les pays étrangers étant compris dans le périmètre du présent dispositif) ; l’enveloppe garantie à hauteur de 2 milliards d’euros, prévue par la LFR 1, pourraient donc être insuffisante ;

– la perspective d’un plafond de réassurance trop bas, ou augmentant trop progressivement, pourrait inciter les assureurs-crédit à limiter leurs offres par crainte d’une intervention insuffisante de Bpifrance, à rebours de la philosophie de l’ensemble du dispositif ;

– la hausse importante du plafond est cohérente avec les dispositifs mis en œuvre par nos partenaires commerciaux. L’Allemagne met en œuvre un plan de réassurance de 30 milliards d’euros, soit deux fois plus que la France après prise en compte de la hausse du plafond (10 milliards de garanties apportées à la Caisse centrale de réassurance pour les opérations domestiques et 5 milliards d’euros pour les opérations export).

Cette hausse du plafond est toutefois proposée malgré un taux de sinistralité des crédits export imprévisible. Le risque que la garantie de l’État soit appelée par les assureurs-crédit de façon significative, en cas de défaillances en série, n’est pas à exclure, bien que ce risque soit en partie compensé par la rémunération de l’opération de réassurance. L’impact à terme sur les finances publiques de ce dispositif ne peut être anticipé ; le relèvement proposé des encours garantis par l’État l’expose mécaniquement dans des proportions supérieures à devoir fournir les fonds correspondants au titre d’éventuelles défaillances.

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La commission adopte l’article 6 sans modification.

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Article 7
Modification du régime d’octroi de la garantie de l’État au titre des prêts consentis par les établissements de crédits et les sociétés de financement, à compter du 16 mars 2020 et jusqu'au 31 décembre 2020 inclus, aux entreprises ayant subi un choc brutal en lien avec la crise sanitaire et la contraction de la demande globale

Résumé de l’article

Le présent article modifie à la marge le dispositif de garantie de l’État aux prêts des entreprises prévu à l’article 6 de la loi de finances rectificative du 23 mars 2020 :

– le champ des entreprises bénéficiaires de la garantie, n’est plus celui des « entreprises non financières » mais celui des « entreprises (…) autres que des établissements de crédit et des sociétés de financement » ;

– les entreprises en procédure collective (redressement, rétablissement, sauvegarde, liquidation, etc.) sont désormais éligibles à la garantie, conformément aux lignes directrice de la Commission européennes ;

– une erreur matérielle sur la définition statistique de la « grande entreprise » est corrigée ;

– les relations financières de l’État et de Bpifrance dans la gestion du mécanisme de garantie sont précisées.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   L’État du droit

Le fondement juridique du mécanisme de garantie des prêts des entreprises est l’article 6 de la loi n° 2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020 (LFR 1), précisé par l’arrêté du 23 mars 2020 accordant la garantie de l’État aux établissements de crédit et sociétés de financement.

Le mécanisme de la garantie permet à l’État de partager le risque pris par l’établissement de crédit qui prête à une entreprise. En cas de défaut de cette entreprise, l’État garantit à la banque le paiement d’une partie de la créance détenue sur cette entreprise.

La fiche n° 3 supra présente le fonctionnement et les caractéristiques de cette garantie.

II.   Le dispositif proposé

Le présent article apporte plusieurs modifications au dispositif créant la garantie des prêts de l’État.

L’alinéa 2 apporte une précision juridique. Le champ des entreprises bénéficiaires de la garantie, prévu par l’article 6 de la LFR 1, est celui des « entreprises non financières » immatriculées en France. Cela exclut, selon l’arrêté du 23 mars 2020, les établissements de crédit et les sociétés de financement ainsi que les sociétés civiles immobilières.

L’exclusion des établissements de crédit et des sociétés de financement est cohérente, dans la mesure où ce sont ces entreprises qui sont chargées de distribuer les prêts faisant l’objet de la garantie de l’État visée au présent article. Cette exclusion est maintenue.

En revanche, une analyse plus détaillée montre que certaines entreprises financières ne sont ni des établissements de crédit, ni des sociétés de financement. Selon l’évaluation préalable de l’article, il s’agit par exemple d’établissements de paiement (proposant par exemple des cartes prépayées, sans autre service de type bancaire) ou d’entreprises innovantes dans le domaine des fintechs (Lydia, Paylib, Leetchi, Coinhouse…). Ces entreprises doivent pouvoir bénéficier de la garantie de l’État sur leurs prêts. Par conséquent, cet alinéa substitue au périmètre des « entreprises non financières » celui des « entreprises (…) autres que des établissements de crédit et des sociétés de financement ». Les sociétés civiles immobilières, exclues par l’arrêté du 23 mars 2020, devraient demeurer hors du dispositif de la garantie de l’État sur leurs prêts.

L’alinéa 3 supprime la disposition indiquant que la garantie « ne peut être accordée à des prêts bénéficiant à des entreprises faisant l'objet de l'une des procédures prévues aux titres II, III et IV du livre VI du code de commerce ». Il s’agit des entreprises en procédure collective (redressement, rétablissement, sauvegarde, liquidation, etc.).

Selon l’exposé des motifs du présent article, cet aménagement se justifie notamment par la lecture des lignes directrices temporaires de la Commission européenne, permettant d’aménager l’application des règles relatives aux aides d’État. Ces lignes directrices, adoptées le 19 mars 2020 – concomitamment à l’examen du PLFR 1 au Parlement –, indiquent que la garantie de l’État sur les prêts des entreprises peut porter sur des entreprises en difficulté, à condition qu’elles ne l’aient pas été avant la date du 1er janvier 2020. En creux, il s’agit d’ouvrir le bénéfice d’une telle garantie aux entreprises qui sont en difficulté du fait de la propagation du Covid-19, ce que ne pouvait pas prévoir le cadre fixé par la LFR 1 ([155]).

Selon l’évaluation préalable, la suppression de la présente disposition proposée par l’alinéa 3 n’empêchera pas l’arrêté d’application du présent article d’exclure du bénéfice de la garantie de l’État les entreprises qui étaient en difficulté le 31 décembre 2019 – c’est-à-dire entrées en procédure collective –, et qui le seraient encore au moment de la demande d’octroi de la garantie.

Les alinéas 4 à 6 corrigent une erreur matérielle.

Le principe de cette correction est le suivant : les petites et moyennes entreprises (PME) ainsi que les entreprises de taille intermédiaires (ETI) doivent bénéficier de la garantie de façon automatique, sans contrôle ex ante de l’État ou de Bpifrance. A contrario, les grandes entreprises se voient octroyer la garantie de l’État au cas par cas, par arrêté du ministre de l’économie.

Or, sont considérées comme des grandes entreprises, selon l’Insee, celles qui ont au moins 5 000 salariés ou qui disposent de plus de 1,5 milliard d'euros de chiffre d'affaires. La rédaction actuelle de l’article 6 de la LFR 1 rend ces deux conditions cumulatives, et non alternatives, ce que le présent dispositif corrige.

La conséquence directe que cet aménagement est que le champ des grandes entreprises devant recourir à un arrêté du ministre de l’économie pour bénéficier de la garantie augmente.

Les alinéas 7 à 9 précisent les relations financières de l’État et de Bpifrance dans la gestion du mécanisme de garantie.

Bpifrance effectue cette mission à titre gratuit. L’organisme reverse donc à l’État les primes de garantie (laquelle est, en effet, toujours rémunérée) qu’elle perçoit de la part des établissements prêteurs, lesquels les ont collectées sur le coût du crédit supporté par l’emprunteur (l’entreprise). Le présent article précise que Bpifrance reverse à l’État toutes les « recettes liées à la gestion du dispositif », notamment les commissions de garantie. Cette formulation plus large permet d’intégrer des recettes diverses comme des reversements de trop-perçus par les prêteurs à Bpifrance.

En second lieu, en cas de défaut de l’emprunteur sur le prêt garanti, la garantie est appelée par l’établissement prêteur. Le régime actuel prévoit que Bpifrance procède au paiement des sommes dues au prêteur, puis se fait rembourser par l’État. Le présent article précise le circuit financier de ce remboursement : Bpifrance effectuera par appels de fonds auprès de l’État, ce qui a pour effet que l’État pourra effectuer de tels versements de façon anticipée ; Bpifrance disposera donc déjà des sommes nécessaires au paiement des prêteurs ayant fait appel de la garantie. Le double avantage de cette disposition est de ne pas exposer financièrement Bpifrance et de confirmer le caractère direct de la garantie de l’État, qui est une des conditions de sa reconnaissance sur le plan prudentiel.

L’alinéa 10 permet l’application des dispositions précédentes en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna.

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La commission examine les amendements CF96 et CF98 de M. Fabien Roussel.

M. Fabien Roussel. L’amendement CF96 est défendu. L’amendement CF98 vise à inclure les entreprises qui ont entamé une procédure collective dans le dispositif du PGE.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. L’amendement CF98 est satisfait par le présent texte, qui supprime la partie excluant les entreprises qui ont entamé une procédure collective. Ce PLFR renvoie également à un arrêté, lequel précisera la définition des entreprises dites en difficulté dans le contexte du PGE, pour rester conforme au droit européen tout en élargissant les critères.

Depuis un mois, le sujet des entreprises en difficulté a été soulevé sur tous les bancs de l’hémicycle. Il serait en effet absurde et contraire à l’objectif de ces mesures que les sociétés en procédure de sauvegarde, qui ont entamé une procédure collective et sont en train de remonter la pente, soient condamnées par leur exclusion du PGE.

Nous sommes donc favorables à l’intégration des entreprises en procédure collective à ce dispositif et examinerons demain avec le ministre les tenants et aboutissants de l’arrêté à venir.

La commission rejette successivement les amendements CF96 et CF98.

La commission examine l’amendement CF197 de Mme Laurence Dumont.

M. Jean-Louis Bricout. Il s’agit de porter à 100 % la garantie que l’État accorde aux prêts consentis par les établissements de crédit et les sociétés de financement. Certes, M. Bruno Le Maire a rappelé hier que les banques devaient prendre un minimum de risques, alors que les taux étaient déjà très intéressants. Mais M. le rapporteur général apportera peut-être une autre réponse.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Le ministre a en effet rappelé que si la garantie s’élevait à 100 %, la banque ne prenait plus de risques. Plus exactement, elle ne prend plus que le risque lié au délai de carence, la garantie n’étant pas activée durant les quatre à six premiers mois du prêt, selon les cas.

Les 10 % restants ne déterminent pourtant pas l’accord ou le refus du crédit car, selon le principe du partage de risques en pertes finales, pour un prêt de 100 000 euros, la banque ne risque pas 10 000 euros durant toute la durée du crédit, mais 10 % de la perte finale, laquelle diminue au fur et à mesure des remboursements. Le risque est donc très faible et passer de 90 % à 100 % ne constituerait pas une incitation. En outre, il est normal, en temps de crise, que les banques soient impliquées de la sorte.

Le ministre Bruno Le Maire a souligné le faible coût de la garantie, notamment par rapport à nos voisins allemands. En France, la garantie à 90 % est facturée 0,25 %, ce qui est très peu. Celle des Allemands est parfois supérieure à 3 %. Cela démontre que notre système de partage du risque est déjà très souple.

M. Marc Le Fur. Je suis sensible aux propos du rapporteur général et du ministre sur le fait que les banques doivent participer d’une manière ou une autre car elles constituent le guichet de base. La médiation du crédit par la Banque de France avait bien fonctionné dans la précédente crise, celle de 2008, mais j’en entends moins parler aujourd’hui. Elle avait permis de résoudre des problèmes car la Banque de France possède une certaine autorité sur les banques locales. Il faudrait trouver le moyen de renforcer celle-ci pour mobiliser la médiation du crédit sur les sujets litigieux ou à l’égard de banques frileuses. Je peux en effet témoigner des réussites de cette institution dans la crise de 2008.

M. le président Éric Woerth. La médiation du crédit est très utilisée par les préfets.

M. Charles de Courson. Cinq à dix pour cent des entreprises ne sont pas éligibles au PGE du fait de leur cotation Banque de France. Le ministre l’a dit, il n’est pas raisonnable qu’une banque octroie des prêts garantis à 100 %, qui lui retirent toute responsabilité. Les entreprises cotées 5+ ou plus ne pourraient-elles pas bénéficier d’un régime particulier, avec une garantie de 96 ou 97 % ?

M. le président Éric Woerth. Il existe un fonds de trésorerie pour ces entreprises.

M. Gilles Carrez. Je suis moi aussi favorable au maintien d’une petite quote-part. En pratique, le dispositif fonctionne efficacement et rapidement s’il est bien déconcentré auprès des agences bancaires, lesquelles connaissent leur clientèle et analysent les entreprises.

Un minimum d’analyse est nécessaire, même s’il ne faut pas poser des exigences trop élevées, comme un plan d’affaires sur cinq ans ou des plans de trésorerie que l’entreprise ne sera pas en état d’établir. Si une petite quote-part de responsabilité est maintenue, cette analyse sera bien effectuée puisque le dossier devra être transmis au service du contentieux, si la garantie joue. Cette quote-part constitue donc un garde-fou pour préserver une instruction sérieuse du dossier, qui est indispensable.

À défaut, comme l’ancien secrétaire d’État chargé du budget, Christian Eckert, avait coutume de le dire, ce serait un peu open bar.

M. le président Éric Woerth. Et c’est déjà le cas !

M. Jean-Noël Barrot. Je souscris à ce qui vient d’être dit. Si la garantie de l’État devait passer à 100 %, nous serions conduits soit à imiter l’Allemagne qui, dans le même cas, a relevé le prix de la garantie pour couvrir les défauts – elle est de 3 % dans ce pays, contre 0,25 % en France – soit à plafonner les prêts, pour limiter le risque que ferait courir aux finances publiques une accumulation de défauts des entreprises, contrepartie de cet open bar.

La commission rejette l’amendement CF197.

Elle adopte l’article 7 sans modification.

*

*     *

Après l’article 7

La commission est saisie de l’amendement CF77 de M. Éric Coquerel.

M. Éric Coquerel. Le présent amendement, que nous avions déjà déposé lors du premier PLFR, vise à exclure les entreprises qui ont licencié durant le confinement du soutien financier de l’État. Il revient en partie sur la discussion précédente relative aux critères et aux conditions de l’aide. Dès lors que l’État a déployé un dispositif étendu de chômage partiel, qui a permis aux entreprises d’encaisser le choc, il ne doit pas aider les sociétés qui en ont peut-être profité pour licencier.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous tentons de prendre des mesures de trésorerie pour que les entreprises puissent payer leurs salariés et n’aient pas à licencier. Quand elles ont à le faire, c’est en dernier recours, du fait de charges trop élevées, non pour profiter de la situation. Je comprends donc votre intention, mais nous n’avons pas besoin d’établir une telle conditionnalité. Par ces mesures, nous faisons tout pour éviter la perte d’emplois.

M. Éric Coquerel. Dans un monde idéal, en effet, une entreprise ne licencierait que pour assurer sa viabilité. Malheureusement, les licenciements boursiers montrent que ce n’est pas toujours le cas. La situation de Péters Surgical est révélatrice ; pourtant ses salariés seront licenciés en juin, si l’État n’intervient pas. L’État, qui a instauré des dispositifs de chômage partiel permettant aux entreprises de ne pas licencier pendant le confinement, ne doit pas continuer d’aider celles qui licencient.

La commission rejette l’amendement CF77.

La commission est saisie de l’amendement CF14 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Il vise à demander au Gouvernement de remettre un rapport au Parlement sur la possibilité d’abaisser le seuil d’éligibilité au PGE, de 50 à 30 % de baisse de chiffre d’affaires entre mars 2019 et mars 2020.

M. le président Éric Woerth. L’amendement semble satisfait car un tel critère d’éligibilité concerne le fonds de solidarité, non le PGE.

M. Charles de Courson. Il sera redéposé en séance.

L’amendement CF14 est retiré.

La commission examine l’amendement CF130 de M. Charles de Courson

M. Charles de Courson. Le présent amendement vise à demander un rapport sur l’opportunité de relever de 90 à 95 % le régime de la garantie d’État, pour aider les entreprises fragiles. Paradoxalement, le PGE ne soutient que les plus solides. C’est du moins ce que disent les banques.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. La réponse que j’ai apportée à Mme Dumont pour une garantie d’État à 100 % vaut pour une garantie à 95 %.

La commission rejette l’amendement CF130.

La commission examine l’amendement CF141 de M. Yannick Favennec-Becot.

M. Charles de Courson. La crise touche aussi les bâtiments classés monuments historiques et ouverts au public, dont certains ont des activités économiques. Étant fermés, ils ne touchent aucune recette mais ne sont pas éligibles au PGE. L’amendement vise à rendre éligibles ces établissements. J’espère qu’il bénéficiera du soutien de Gilles Carrez, d’autant qu’il ne s’agit que d’une demande de rapport.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il existe apparemment une inégalité entre ces structures, selon qu’elles sont en société civile immobilière (SCI) ou pas. La demande paraît donc justifiée.

M. Charles de Courson. Je retire l’amendement, que je redéposerai demain.

L’amendement CF141 est retiré.

 

*

*     *

 

Article 8
Augmentation du plafond de garantie par l'État des emprunts de l'Unédic émis en 2020

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article propose d’augmenter de 5 milliards d’euros le plafond de la garantie accordée par l’État à l’Unédic pour les emprunts obligataires qu’elle émettra en 2020. Il passerait de 2 à 7 milliards deuros.

Cette proposition résulte du besoin de financement accru auquel fait face l’Unédic dans la crise sanitaire actuelle lié, d’une part, à des mesures nouvelles qui ont un impact direct sur sa situation financière et, d’autre part, à l’effet mécanique de la dégradation de la conjoncture économique à la fois sur les recettes et sur les dépenses du régime d’assurance chômage.

Dernières modifications législatives intervenues

L’article 199 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 a autorisé le ministre de l’économie et des finances à accorder la garantie de l’État aux emprunts contractés par l’Unédic en 2020 dans la limite de 2 milliards d’euros.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification

I.   L’État du droit

A.   La garantie de L’État sur l’endettement de l’Unédic

1.   L’Unédic : une mission de gestion de l’assurance chômage

L’Unédic est une association chargée par délégation de service public de la gestion de lassurance chômage en France, conformément à l’article L. 5427-1 du code du travail. Elle exerce cette gestion sous la responsabilité des organisations représentatives au plan national et interprofessionnel des salariés (CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT et CGT-FO) et des employeurs (MEDEF, CPME et U2P).

Elles ont la charge de négocier des accords fixant les règles d’application de l’attribution de l’allocation d’assurance, des modalités de son calcul et de son financement ([156]), selon l’article L. 5422-20 du code du travail. Ces règles deviennent applicables une fois qu’elles ont fait l’objet d’un agrément du Premier ministre. En l’absence d’accord ou d’agrément de l’accord, les règles mentionnées ci-dessus sont déterminées par le pouvoir réglementaire.

2.   Les règles d’endettement de l’Unédic

Pour couvrir ses besoins de financement, l’Unédic a recours à des financements bancaires classiques, mais également :

– à des titres de créance négociables de court terme (programme « NEU CP »), d’une maturité inférieure à un an, pour la couverture des besoins de trésorerie ;

– à des titres de créance négociables de moyen terme (programme « NEU MTN ») d’une maturité comprise entre 1 et 7 ans ;

– à des emprunts obligataires à moyen terme (à horizon 10 ou 15 ans) d’une maturité comprise entre 8 et 15 ans.

L’Unédic peut ainsi émettre des obligations dans les conditions de droit commun, fixées par le code monétaire et financier. Elle est en particulier tenue de respecter l’article L. 213-15 de ce code applicable aux associations émettrices d’obligations. En vertu de cet article, dans le cas où les fonds propres d’une association ont diminué de plus de moitié par rapport au montant atteint à la fin de l’exercice précédent l’émission d’une obligation en raison de l’accumulation de déficits, l’association doit reconstituer ses fonds propres au plus tard à la clôture du deuxième exercice suivant celui duquel au cours duquel la constatation des résultats déficitaires est intervenue. À défaut, l’association perd le droit d’émettre de nouveaux titres.

L’Unédic est historiquement dans cette situation. Pour que l’association poursuive l’exercice de ses missions dans de bonnes conditions de financement, l’article 107 de la loi de finances rectificative pour 2004 ([157]) a ainsi exonéré les émissions de titres de l’Unédic de la contrainte légale présentée ci-avant dès lors qu’elles bénéficient de la garantie de l’État. Il résulte de cette disposition que compte tenu de sa situation financière, l’Unédic n’est pas autorisée à émettre des obligations qui ne bénéficient pas de la garantie explicite de l’État. En revanche, elle peut avoir recours à des titres de créance négociable de court ou moyen terme.

3.   La garantie de l’État

● Aux termes de l’article 34 de la loi n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) ([158]), les lois de finances peuvent autoriser l’État à octroyer des garanties et à fixer leur régime. Entre 2010 et 2017, la traditionnelle loi de finances rectificative de fin d’année a autorisé le ministre chargé de l’économie à accorder la garantie de l’État aux emprunts contractés par l’Unédic pour l’année suivante ([159]). En cohérence avec la nouvelle pratique qui a cours depuis 2018 consistant à limiter les dispositions du collectif budgétaire de fin d’année aux seules dispositions de fin de gestion, l’autorisation d’octroi de la garantie de l’État pour 2019 et pour 2020 résulte de dispositions de lois de finances initiales ([160]).

● Au 31 décembre 2018, l’encours de dette garantie par l’État s’élevait à 29,7 milliards d’euros, à un niveau presque trois fois supérieur à celui constaté au 31 décembre 2012.

Encours de la dette de l’Unédic garantie par l’État

(en millions d’euros)

Date

Montant de la dette garantie

31 décembre 2012

9 711

31 décembre 2013

14 826

31 décembre 2014

20 490

31 décembre 2015

23 902

31 décembre 2016

25 522

31 décembre 2017

29 049

31 décembre 2018

29 746

Source : compte général de l’État, de 2012 à 2018.

● Pour l’année 2019, l’article 213 de la loi de finances pour 2019 a autorisé l’État à accorder sa garantie aux emprunts contractés par l’Unédic, en principal et en intérêts, dans la limite d’un plafond global de 2,5 milliards d’euros.

Pour 2020, l’article 199 de la loi de finances pour 2020 a fixé ce plafond à 2 milliards d’euros.

B.   La nÉcessité d’augmenter le plafond de garantie

1.   La situation financière de l’Unédic avant la crise du covid-19

a.   La situation financière en 2018

● Les finances de l’Unédic sont par nature sensibles à la conjoncture économique. En phase de dynamisme économique, les dépenses liées à l’indemnisation du chômage diminuent mécaniquement et ses recettes, assises notamment sur la masse salariale, augmentent. À l’inverse, en phase de contraction de l’économie, les finances de l’assurance chômage subissent un « effet ciseaux » négatif.

Ainsi, la crise de 2009 a entraîné une nette dégradation financière de l’assurance chômage qui, depuis cette année-là, est en déficit.

RÉsultats financiErs de l’Unédic depuis 2008

(en milliards d’euros)

Année

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Résultat

+ 4,6

– 0,6

– 2,8

– 2,4

– 2,7

– 3,8

– 3,7

– 4,3

– 4,3

– 3,4

– 1,8

Source : Unédic.

Le déficit financier de l’Unédic pour 2018 s’est élevé à 1,8 milliard d’euros ([161]). Ses recettes se sont élevées à 38,3 milliards d’euros dont 37,1 milliards d’euros de contributions des employeurs et des salariés (+ 3,8 % par rapport à 2017). Ses dépenses ont été de 40,1 milliards d’euros, dont 33,9 milliards d’euros au titre du versement des allocations, 3,4 milliards d’euros au titre du financement de Pôle emploi et 2,1 milliards d’euros au titre de cotisations aux caisses de retraite complémentaire pour le compte des demandeurs d’emploi.

● L’accumulation des déficits a entraîné la constitution d’une dette, l’Unédic ayant recours aux instruments décrits supra. Au 31 décembre 2018, l’endettement net de l’Unédic s’est élevé à 35,5 milliards d’euros.

Endettement net de l’unédic en fin d’annÉe

(en milliards d’euros)

 

31 décembre 2017

31 décembre 2018

Variation

Emprunts obligataires

– 28,8

– 29,5

– 0,7

Titres négociables à court terme (NEU CP)

– 3,0

– 4,2

– 1,2

Titres négociables à moyen terme (NEU MTN)

– 6,0

– 5,9

+ 0,1

Découverts

Placements

2,0

2,8

+ 0,8

Disponibilités bancaires

2,2

1,2

– 1,1

Total

 33,5

 35,5

 2,0

Source : Rapport financier 2018 de l’Unédic, p. 5.

b.   Une amélioration de la situation financière était attendue dans les années à venir

Avant la crise actuelle, il était prévu que les finances de l’Unédic se redressent progressivement. Le déficit financier était attendu en 2019 au même niveau que celui de 2018, cette stagnation s’expliquant par le contrecoup d’un effet de trésorerie en 2018 qui avait expliqué en partie la nette amélioration entre 2017 et 2018 ([162]). Pour les années 2020 à 2022, le solde financier devait se redresser sous les effets conjugués de la conjoncture économique et de la réforme de l’assurance chômage, comme l’avait décrit M. Joël Giraud à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2020 ([163]).

Selon l’Unédic, cette réforme devait améliorer son solde de 480 millions d’euros en 2020, de 1,8 milliard d’euros en 2021 et de 2,1 milliards d’euros en 2022.

Impact financier de la réforme de l’assurance chÔmage

Soldes nets

(en millions d’euros)

 

2019

2020

2021

2022

Hausse des contributions

0

+ 130

+ 370

+ 370

Moindres dépenses liées aux nouvelles règles d’indemnisation

+ 10

+ 1 170

+ 2 240

+ 2 520

Surcroît de dépenses liées aux nouveaux droits

0

– 440

– 440

– 440

Surcroît de financement de Pôle emploi

0

– 380

– 380

– 400

Impact consolidé sur le solde

+ 10

+ 480

+ 1 790

+ 2 050

Source : commission des finances, d’après données Unédic

Le solde financier de l’Unédic aurait dû être encore légèrement négatif en 2020, avant d’être positif en 2021 (+ 3,0 milliards d’euros), ce qui aurait permis d’entamer le désendettement du régime d’assurance chômage.

Solde et endettement prÉvisionnels de l’UNédic

(en milliards d’euros)

 

2019

2020

2021

2022

Solde prévisionnel

– 1,8

– 0,3

+ 3,0

+ 5,3

dont effet de la réforme 2019

+ 0

+ 0,5

+ 1,8

+ 2,1

Endettement net prévisionnel

– 37,4

– 37,7

– 34,7

– 29,4

Source : commission des finances, d’après données Unédic

L’autorisation donnée au ministre de l’économie et des finances par la loi de finances pour 2020 d’octroyer la garantie de l’État à l’Unédic à hauteur de 2 milliards d’euros aurait permis d’honorer les échéances de titres arrivant à échéance en 2020 à hauteur de 1,5 milliard d’euros et de financer le déficit prévu cette même année à hauteur de 0,5 milliard d’euros.

2.   L’impact de la crise du covid-19 sur les comptes de l’Unédic

La situation financière de l’Unédic sera fortement dégradée par la crise actuelle, à la fois sous l’effet de la dégradation de la conjoncture économique et sous l’effet de mesures nouvelles aux impacts budgétaires massifs pour soutenir les entreprises et les salariés. Selon l’évaluation préalable du présent article, l’ensemble de ces facteurs conduirait à des moindres recettes ou à des dépenses supplémentaires estimées entre 6 et 9 milliards d’euros.

a.   L’impact des mesures d’urgence

● Le dispositif d’activité partielle a été renforcé ([164]). Selon les estimations de l’exposé général des motifs du présent PLFR, le coût global du dispositif serait de 24 milliards d’euros, que l’Unédic supporterait à hauteur d’un tiers, soit 8 milliards d’euros. Dans une note préparatoire à la réunion du bureau de l’association du 26 mars 2020 ([165]), l’Unédic estimait que le coût du dispositif pour l’association serait de 270 à 670 millions d’euros par semaine de confinement.

● Ensuite, par un décret du 27 mars 2020 ([166]), le Gouvernement a reporté au 1er septembre 2020 l’entrée en vigueur initialement prévue au 1er avril 2020 de la réforme des règles de détermination du droit à l’allocation d’assurance prévues par le décret du 26 juillet 2019 relatif au régime d’assurance chômage ([167]). Les règles d’indemnisation actuelles continueront à s’appliquer pour les allocataires dont la fin de contrat de travail ou dont la procédure de licenciement intervient avant le 1er septembre 2020. La mesure devait engendrer des moindres dépenses pour l’Unédic de 250 millions d’euros en 2020, soit environ 30 millions d’euros par mois. Le report de cinq mois de son entrée en vigueur aurait donc un impact de 150 millions d’euros en 2020.

Le Gouvernement a également pris par ordonnance, sur habilitation de la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 ([168]), plusieurs mesures visant à prolonger ou à garantir la continuité des droits des assurés. Ainsi, une ordonnance du 25 mars 2020 ([169]) a prévu que les demandeurs d’emploi qui épuisent leur droit d’allocation à compter du 12 mars 2020 bénéficient d’une prolongation de leurs droits pour une durée déterminée par arrêté et jusqu’à une date qui ne peut être postérieure au 31 juillet 2020. Cette disposition s’applique à l’allocation de retour à l’emploi (ARE), à l’allocation de solidarité spécifique (ASS) et à l’allocation de solidarité spécifiquement destinée aux intermittents du spectacle. Selon l’Unédic, le report des droits des personnes arrivant en fin de droits représente environ 20 millions d’euros au titre du mois de mars et 120 millions d’euros au titre du mois d’avril.

Dernièrement, le décret du 14 avril 2020 portant mesures d’urgence en matière de revenus de remplacement mentionnés à l’article L. 5421-2 du code du travail ([170]) a également suspendu, pour la durée de la crise sanitaire, le délai de 182 jours à l’issue duquel l’allocation devient dégressive pour les assurés percevant une allocation de plus 84,3 euros par jour ([171]). La dégressivité de ces allocations devait produire ses effets à compter du 1er mai.

● Enfin, des mesures exceptionnelles de trésorerie auront un impact infra‑annuel sur les finances de l’assurance chômage. Le réseau des Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) permet aux employeurs de reporter le paiement de leurs cotisations sociales pendant trois mois. Ces reports représenteraient pour l’Unédic un montant de 325 millions d’euros fin mars et de plus de 2 milliards d’euros fin avril.

b.   L’impact de la dégradation de la conjoncture

Au-delà des mesures nouvelles, la dégradation de la conjoncture va avoir des effets mécaniques sur les finances de l’Unédic. S’agissant des dépenses, le nombre de sortie du chômage vers l’emploi va fortement diminuer, tandis qu’il y a un risque d’augmentation du nombre d’entrées de l’emploi vers le chômage. À la date du 25 mars 2020, l’Unédic estimait l’impact des moindres sorties du chômage à 5 millions d’euros au titre du mois de mars et 130 millions d’euros au titre du mois d’avril.

Les recettes de l’assurance chômage dépendent quasiment intégralement de l’activité et en particulier de la masse salariale. Sur les 36,9 milliards d’euros de recettes attendues en 2020 ([172]), l’Unédic devait percevoir :

– 25 milliards d’euros au titre des cotisations employeur assises sur les salaires du secteur privé ;

– 9,3 milliards d’euros au titre d’une quote-part de la contribution sociale généralisée (CSG) également assise sur les salaires du secteur privé ;

– 5,3 milliards d’euros au titre d’une quote-part de la CSG assise sur d’autres revenus d’activité.

Estimation au 25 mars 2020 des effets de la crise sur les finances de l’assurance chÔmage au titre des mois de mars et d’avril 2020

(en millions d’euros)

Impact financier

Au titre de mars

Au titre d’avril*

 

 

 

Financement de l’activité partielle - part Unédic

500 – 1 300

1 100 2 700

 

Dépenses supplémentaires d’allocations – Unédic

Moindre activité des allocataires (cumul emploi/chômage)

370

620

Prolongement des fins de droits

20

120

Moindres sorties vers l’emploi des allocataires

5

130

Nouvelles entrées au chômage indemnisé

0

nc

Intermittents – moindre activité

75

70

Intermittents – prolongement/date anniversaire

< 5

< 10

Report mesures du 1er avril au 1er septembre

0

30

Répercussion des hausses d’allocations sur les versements aux caisses de retraites complémentaires

35

60

 

 

 

Effets sur les recettes – Unédic

Décalages de trésorerie liés à des reports de contributions

325

> 2 000

Manque à gagner / moindres recettes liés…

370 – 510

700 – 1 000

… à l’activité partielle

100240

200500

… aux arrêts maladie

200

400

… à une moindre activité des allocataires (cumul, intermittents, non-sorties vers l’emploi)

70

100

Pôle emploi - pas de régularisation d’acomptes des paiements par avance

0

30

Pôle emploi - pas de notification d’indus

0

25

Source : Unédic, « Continuité et maîtrise du pilotage de l’Assurance chômage, Repères sur les mesures covid-19 et leurs effets », 25 mars 2020 (lien).

Note : il est supposé dans la note de l’Unédic que la période de confinement dure jusqu’à la fin du mois d’avril.

II.   Le dispositif proposé

Pour couvrir ces besoins de financements supplémentaires, l’Unédic peut recourir aux instruments de financement décrits supra. Selon l’association, ces instruments lui permettent d’envisager de mobiliser jusqu’à 9 milliards d’euros ([173]) de liquidités en plus des recettes qui seront perçues d’ici fin juin. Ce montant permettrait de couvrir les besoins connus jusqu’à cette date. L’intégralité de ce besoin de financement ne nécessite pas une augmentation du plafond de la garantie explicite de l’État. Le recours à la garantie de l’État n’est en effet requis que pour les émissions d’emprunts obligataires.

Pour assurer son programme d’émissions, l’Unédic a besoin d’une augmentation du plafond de la garantie explicite de l’État pour 2020 qu’elle estime à 5 milliards d’euros, selon l’évaluation préalable du présent article. L’Unédic a déjà émis à ce jour en 2020 des emprunts nécessitant la garantie de l’État pour un montant atteignant le plafond de 2 milliards d’euros en loi de finances pour 2020.

Le présent article propose donc d’augmenter de 2 à 7 milliards d’euros le plafond du montant des emprunts émis par l’Unédic qui peuvent bénéficier de la garantie explicite de l’État sur autorisation du ministre de l’économie et des finances.

*

*     *

La commission examine l’amendement CF162 de Mme Ericka Bareigts.

Mme Christine Pires Beaune. Bien que les entreprises ultramarines soient confrontées à des problèmes de trésorerie, comme en métropole voire davantage, elles rencontrent des difficultés pour accéder au PGE. L’amendement vise à permettre à l’Agence de services et de paiement (ASP) de payer le chômage partiel directement aux salariés.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Ce serait lourd pour l’ASP. En conséquence, j’émets un avis défavorable. Toutefois, la question relevant du niveau réglementaire, elle pourrait être posée au Gouvernement en séance.

La commission rejette l’amendement CF162.

La commission adopte l’article 8 sans modification.

*

*     *

 

Article 9
Garantie par l’État d’un emprunt de la Collectivité de Nouvelle-Calédonie octroyé par l’Agence française de développement

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article autorise le ministre chargé de l’économie à accorder la garantie de l’État à l’Agence française de développement (AFD) au titre du prêt consenti par cette agence à la collectivité de Nouvelle-Calédonie (CNC) afin de permettre le financement des régimes d’aides aux particuliers et aux entreprises mis en place par ce territoire dans le cadre de la crise économique liée à l’épidémie de Covid-19. La garantie porte sur le principal et les intérêts, dans la limite d’un plafond de 240 millions d’euros en principal.

L’octroi de la garantie est toutefois subordonné à la conclusion d’une convention entre l’État, l’AFD et la CNC prévoyant la mise en place d’un calendrier de réformes, ainsi que des modalités spécifiques de remboursement du prêt octroyé (le principe et les modalités de l’affectation, au profit du remboursement du prêt garanti, d’une fraction des recettes fiscales de la CNC).

Le présent article n’a pas d’impact sur le budget général de l’État, sauf si à terme le remboursement du prêt sous-jacent fait défaut. La garantie sera retracée en tant qu’engagement hors bilan de l’État au sein du compte général de l’État.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification

I.   L’État du droit

A.   LA situation financiÈre difficile de la CollectivitÉ de nouvelle-CalÉdonie

La collectivité de Nouvelle-Calédonie (CNC) est une collectivité d’outre-mer à statut particulier disposant de son propre système fiscal et budgétaire. Elle assure la perception de l’ensemble des impôts sur son territoire, y compris ceux destinés aux provinces, aux communes et aux établissements publics. Par la suite, elle redistribue ces impôts aux collectivités et organismes affectataires selon deux dispositifs :

– une répartition entre les provinces, les communes et la CNC des impôts directs et indirects, des recettes issues de la régie des tabacs (découlant du monopole d’importation de la collectivité) et de certaines contributions budgétaires de l’État. La répartition est effectuée dans le respect d’une clé de répartition encadrée par la loi organique ([174]) et qui s’établit depuis 2014 à 55,5 % pour les provinces, 16,75 % pour les communes et 27,75 % pour la CNC. Le montant réparti s’élève à 128 milliards de francs Pacifique (ou franc CFP) ([175]) en 2020 (soit 1 070 millions d’euros) et 133 milliards de francs CFP en 2019 (soit 1 113 millions d’euros) ;

– un reversement aux provinces, communes, CNC, chambres consulaires et organismes publics des taxes qui leur sont affectées ainsi que des centimes additionnels communaux et provinciaux (les provinces et les communes pouvant percevoir des centimes additionnels à certains impôts). Le montant reversé s’élève à 63,5 milliards de francs CFP en 2020 (soit 531 millions d’euros) et 75,8 milliards de francs CFP en 2019 (634 millions d’euros).

Le budget de la CNC est donc essentiellement un budget de répartition, qui capte l’intégralité des recettes fiscales pour en redistribuer la plus grande partie aux provinces et aux communes. En réalité, le budget propre de la CNC (destiné au financement de ses compétences) s’élève à 60 milliards de francs CFP en 2020 (soit 502 millions d’euros). Les recettes réelles de fonctionnement du budget propre de la CNC sont composées à 70 % des recettes issues du budget de répartition. Il doit être noté que la CNC supporte seule depuis plusieurs années le financement de l’effet cliquet des communes, ce dernier étant destiné à garantir un niveau de recettes de répartition aux communes identique à l’année précédente. Le coût de ce dispositif pour la CNC est estimé à 1,42 milliard de francs CFP en 2020 (soit 12 millions d’euros).

Dans ce schéma budgétaire particulier, si la Chambre territoriale des comptes de Nouvelle-Calédonie notait en 2018 « les efforts de maîtrise des dépenses réalisés depuis deux à trois ans » ([176]), la situation financière de la CNC s’est fortement dégradée au cours des dernières années du fait de difficultés économiques persistances (taux de croissance du PIB inférieur à 1 %).

Ainsi, le budget primitif 2020 de la CNC indiquait que le manque de trésorerie de la collectivité a nécessité, pour la première fois en 2019, « l’ouverture d’une ligne de trésorerie de 5 milliards de francs » CFP (soit 42 millions d’euros) dont elle doit désormais planifier le remboursement pour l’exercice 2020. Ce document précise également que le fonds de roulement de la CNC est désormais « inférieur à 10 jours » et que « le niveau d’endettement propre avoisine les 90 %, seuil prudentiel toléré par les bailleurs de fonds et notamment l’Agence française de développement (AFD) ». Ce seuil est calculé en effectuant le rapport entre l’encours de la dette propre et les recettes réelles de fonctionnement propres de la CNC. Il s’élevait à 91 % à la fin de l’année 2019. Le budget primitif 2020 précise que « dans ce contexte, la Nouvelle-Calédonie ne pourra plus s’endetter davantage et devra s’efforcer à réduire son recours à l’emprunt. Elle s’est d’ailleurs engagée auprès de l’AFD à suivre une trajectoire de maîtrise budgétaire afin de retrouver des marges de manœuvre (un taux d’épargne de 15 % et un endettement inférieur à 90 %) » ([177]).

En effet, le niveau d’endettement ayant dépassé le seuil d’alerte fixé par l’AFD (90 % des recettes réelles de fonctionnement), cette dernière a placé la collectivité en observation, l’obligeant à s’engager vers une trajectoire de redressement budgétaire pour l’octroi de futurs prêts. Fin 2019, l’endettement de la CNC s’élevait en effet à 50,3 milliards de francs CFP (soit 420 millions d’euros) : selon les calculs réalisés par le Rapporteur général, l’AFD constituait à cette date le principal bailleur de fonds de la CNC, avec 30,6 milliards de francs CFP prêtés (soit 256 millions d’euros). La dette de la CNC était également constituée de 9,9 milliards de francs CFP prêtés par la Caisse des dépôts et consignations, 5,3 milliards de francs CFP par la Caisse d’épargne, 2 milliards de francs CFP par Dexia, 1,8 milliard de francs CFP par la Société Générale calédonienne et 0,7 milliard de francs CFP par la Banque européenne d’investissement (BEI).

Afin d’engager une trajectoire de redressement budgétaire en 2020, un transfert d’une partie de certaines taxes affectées aux établissements publics au sein du budget de reversement a été effectué vers le budget de répartition pour un montant de 2,2 milliards de francs CFP (soit 18 millions d’euros). Il a également été décidé de rationaliser certaines dépenses fiscales (900 millions de francs CFP, soit 7,5 millions d’euros), de maîtriser les dépenses de fonctionnement des directions et des services de la CNC (1,5 milliard de francs CFP, soit 12,5 millions d’euros) et de limiter le recours à l’emprunt pour un montant total de 1,9 milliard de francs CFP (soit 16 millions d’euros), permettant à la collectivité d’abaisser son ratio de dette sur recettes réelles de fonctionnement à 87 %.

B.   Les interventions de l’Agence française de dÉveloppement en outre-mer

L’AFD intervient pour le compte de l’État dans le cadre de ses missions fixées par le code monétaire et financier. Aux termes de l’article R. 515-5 de la partie réglementaire de ce code, l’AFD « exerce une mission permanente d’intérêt public […]. Elle peut effectuer les opérations de banque afférentes à cette mission ». En outre, l’article R. 515-12 dispose que « l’agence gère pour le compte de l’État et aux risques de celui-ci des opérations financées sur le budget de l’État » et que « les termes de ces opérations font l’objet de conventions spécifiques signées au nom de l’État par le ou les ministres compétents ».

Dans le cadre de ses missions, l’AFD a progressivement renforcé depuis plusieurs années son intervention auprès des collectivités territoriales d’outre-mer devenant ainsi leur partenaire financier le plus important. En 2018, les engagements financiers nouveaux de l’AFD en outre-mer ont ainsi atteint 1,4 milliard d’euros, soit 12 % de l’activité totale du groupe. Le secteur public demeure le principal bénéficiaire des activités de l’AFD en outre-mer puisque 51 % des activités ultramarines du groupe ont été consacrés au financement de projets publics pour un total de 696 millions d’euros.

En 2018, les engagements financiers nouveaux de l’AFD à destination de la Nouvelle-Calédonie se sont élevés à 175 millions d’euros. L’agence demeure le principal financeur des collectivités calédoniennes : en 2018, deux tiers de ses interventions ont concerné les collectivités territoriales et celles-ci représentent au total près de 50 % des encours. Ainsi, l’AFD a prêté 120 millions d’euros aux collectivités calédoniennes et 33 millions d’euros aux sociétés d’économie mixtes (SEM) locales en 2018. Au-delà de ses financements, l’agence fournit également des actions d’appui, de conseil et de production de connaissances, des actions de formation à destination des communes, la production d’analyses financières et la publication d’études.

II.   Le dispositif proposÉ

La crise économique liée à l’épidémie de Covid-19 n’épargne pas la Nouvelle-Calédonie. Les premières réponses apportées par le législateur ont porté, d’une part, sur l’extension aux collectivités du Pacifique de la garantie accordée par l’État aux banques soutenant la trésorerie des entreprises et, d’autre part, à l’accès au fonds de solidarité à destination des entreprises (FSDE) pour les entreprises de ces territoires. Les provinces de Nouvelle-Calédonie, au même titre que les régions, ont par ailleurs participé au financement du FSDE à hauteur de 109 millions de francs CFP (soit 900 000 euros). Ce montant a été calculé à proportion du PIB de la Nouvelle-Calédonie par rapport au PIB national. À noter également que 19,5 milliards de francs CFP ont été alloués au refinancement des banques par l’institut d’émission d’outre-mer (IEOM) en Nouvelle-Calédonie.

En complément de ces dispositifs nationaux, la CNC a décidé de mettre en place des mesures complémentaires dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’économie calédonienne. Celui-ci prévoit un renforcement du dispositif du chômage partiel avec la création d’une allocation spécifique Covid-19 (100 % du salaire pour les personnes au salaire minimum garanti et 70 % du dernier salaire brut dans la limite de 4,5 fois le salaire minimum garanti), ainsi qu’un report des cotisations sociales et fiscales pour les entreprises calédoniennes en difficulté. Ces mesures induiront mécaniquement une baisse des recettes sociales et fiscales estimées par l’évaluation préalable du présent article à 240 millions d’euros (93 millions d’euros pour les cotisations sociales ; 147 millions d’euros pour les cotisations fiscales) ainsi qu’une hausse des dépenses de la CNC.

Dans ce contexte, et du fait de la situation budgétaire particulièrement contrainte de la CNC (faible trésorerie disponible et fort niveau d’endettement), le présent article dispose que le ministre chargé de l’économie est autorisé à accorder la garantie de l’État à l’AFD au titre du prêt consenti par cette agence à la CNC afin de permettre le financement des reports de paiement d’impositions et de cotisations sociales, des pertes de recettes subies et des hausses de dépenses exposées au titre des régimes d’aides aux particuliers et aux entreprises mis en place du fait de la crise sanitaire liée à la propagation de l’épidémie de Covid-19. Ces pertes de recettes et ce surcroît de dépenses sont évalués sur la base de la législation existante dans la collectivité au 1er janvier 2020.

La garantie peut être accordée jusqu’au 31 décembre 2020. Elle porte sur le principal et les intérêts dans la limite d’un plafond de 240 millions d’euros en principal (soit le montant anticipé des pertes de cotisations sociales et fiscales subies par la CNC du fait de la crise économique et sanitaire). Le prêt ne peut avoir une maturité supérieure à 25 ans ni un différé de remboursement supérieur à 2 ans.

Toutefois, l’octroi de la garantie est subordonné à la conclusion d’une convention entre l’État, l’AFD et la CNC prévoyant, d’une part, la mise en place d’un calendrier de réformes afin de rétablir la situation financière de la collectivité et, d’autre part, le principe et les modalités d’un dispositif spécifique de remboursement du prêt garanti par l’affectation d’une fraction des recettes de la CNC correspondant aux annuités d’emprunt en principal et intérêts. Afin d’illustrer le contenu de la convention, l’évaluation préalable du présent article suggère plusieurs axes de réforme destinés à rétablir la maîtrise financière de la collectivité, tels que :

– la poursuite de la réforme du régime universel d’assurance maladie de la Nouvelle-Calédonie ;

– une diminution du périmètre d’intervention de la CNC dans la sphère publique et une baisse de son effort d’investissement propre prévisionnel ;

– une amélioration de l’autofinancement, par le biais de l’optimisation du levier fiscal et la diminution des niches fiscales, et la recherche de nouvelles marges de manœuvre en fonctionnement (diminution des subventions accordées au secteur public et réduction de la masse salariale).

Pour rappel, le présent article n’a pas d’impact sur le budget général de l’État, sauf si le remboursement du prêt sous-jacent faisait défaut. La garantie sera retracée en tant qu’engagement hors bilan de l’État au sein du compte général de l’État.

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La commission adopte l’article 9 sans modification.

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Après l’article 9

La commission examine l’amendement CF68 de M. Éric Coquerel.

Mme Sabine Rubin. Le ministre de l’économie et des finances et la ministre du travail ont prévenu que l’État n’accepterait pas que les entreprises qui bénéficient de son soutien financier maintiennent leur politique de rémunération des actionnaires. Par cet amendement, nous voulons inscrire cette promesse dans la loi, pour nous assurer qu’elle sera bien suivie d’effets.

De plus, nous considérons que cet engagement ne doit pas se limiter aux garanties bancaires et aux reports d’impôts et de cotisations mais qu’il doit concerner aussi le recours au chômage partiel. On imagine mal en effet qu’une entreprise puisse à la fois verser des dividendes et recourir au chômage partiel, c’est-à-dire à une aide de l’État.

Plus largement, il nous semble indécent d’accorder une aide à des entreprises dans lesquelles l’écart de salaires dépasse un rapport de 1 à 20 ou à des entreprises ayant procédé à des licenciements. Le soutien de l’État doit aller à des entreprises qui donnent des garanties de bonne conduite et des gages de solidarité. Les promesses ne suffisent pas : il faut les inscrire dans la loi. Tel est le sens de cet amendement.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je souscris à la proposition du ministre de l’économie et des finances de ne pas octroyer le PGE et les reports de charges aux entreprises qui réalisent plus d’un milliard et demi de chiffre d’affaires ou qui ont plus de 5 000 salariés, lorsqu’elles continuent de verser des dividendes. En cette période de crise, c’est une décision qui paraît tout à fait saine. Néanmoins, il ne me paraît pas utile d’inscrire cette disposition dans la loi, puisque le ministre refuse de fait ces aides publiques aux grandes entreprises lorsqu’elles versent des dividendes : c’est déjà un critère automatique de refus.

Je ne suis pas favorable, en revanche, à ce que l’on refuse des prêts garantis par l’État aux petites entreprises qui versent des dividendes. Les actionnaires de ces petites structures ne sont pas des grands fonds d’investissement mais des gens dont les dividendes constituent parfois une source de revenus essentielle.

Mme Sabine Rubin. Ce n’est pas que nous ne faisons pas confiance au ministre, mais il nous paraîtrait tout de même utile de le préciser dans la loi pour pouvoir exercer notre mission de contrôle.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je pense vraiment que c’est inutile, car le dispositif est effectif. Il est déjà arrivé au ministre de refuser de signer des octrois de PGE à des entreprises qui avaient distribué des dividendes. C’est de notoriété publique.

M. le président Éric Woerth. Je crois effectivement que les choses sont claires.

M. Charles de Courson. De quoi parle-t-on exactement quand on parle de versement de dividendes ? Entre nous, j’ai trouvé très démagogique l’argument du ministre. Que fait-on par exemple des filiales qui paient des dividendes à leur holding ou de celles qui ne sont pas en France ?

M. Christophe Naegelen. Dans le même esprit, il arrive que des salariés ayant racheté une entreprise aient besoin de ces dividendes parce qu’ils ont fait un LBO (leveraged buy-out). Le versement de dividendes, dans ce cas, sert seulement à rembourser un emprunt. Si vous l’interdisez demain, cette société ne pourra plus faire face à ses créances.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Les choses sont très claires : la remontée de dividendes qui sert à financer une dette senior ne pose aucun problème, puisqu’elle fait partie du mode de financement global de l’entreprise. Nous n’allons pas mettre en danger un mécanisme d’acquisition défini il y a des années. Ce qui est problématique, c’est le versement de dividendes par les grandes entreprises à leurs actionnaires.

M. le président Éric Woerth. Madame Rubin, vous pourrez vous faire préciser les choses par le ministre.

La commission rejette l’amendement CF68.

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Article additionnel après l’article 9
Facilitation technique de l’accès au fonds de solidarité
pour les artistesauteurs

La commission examine l’amendement CF138 de Mme Dominique David.

Mme Cendra Motin. Notre collègue Dominique David nous a alertés dès le début de cette crise sur la situation du monde de la culture. Tout en saluant, comme nous, les avancées annoncées en leur faveur, elle nous a alertés sur la nécessité de prendre en compte les artistes-auteurs qui ne disposent pas toujours d’un numéro SIRET (Système d’identification du répertoire des établissements) : c’est une spécificité de leur statut qui fait qu’ils peuvent être indépendant, salarié et parfois les deux. Ils n’ont souvent pas accès au fonds de solidarité, auquel ils sont pourtant éligibles, parce qu’ils sont dans l’impossibilité de renseigner le numéro SIRET, véritable sésame de ces formulaires.

Avec cet amendement, nous proposons donc d’ajouter à la liste des bénéficiaires une catégorie artiste-auteur qui, lorsqu’elle sera choisie, désactivera automatiquement la case SIRET. Ce sont 270 000 personnes qui, bien souvent, n’entrent pas dans les cases de l’administration. Samantha Bailly, artiste-auteur, nous a dit que la création d’une case artiste-auteur sur le formulaire de la direction générale des finances publiques serait une vraie victoire pour des personnes qui se sentent encore souvent exclues du système.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Ce problème a été pointé il y a déjà plusieurs semaines et la DGFiP a indiqué qu’elle allait le résoudre. Pour maintenir la pression, je propose effectivement d’évoquer cette question, qui relève du domaine réglementaire, demain en séance.

M. Gilles Carrez. Il faut s’assurer que ces personnes ne relèvent pas du régime des intermittents du spectacle.

M. Marc Le Fur. Dans le même ordre d’idées, on me signale également la situation des correspondants de presse, qui ne disposent pas non plus de numéro SIRET.

M. le président Éric Woerth. Il faudra effectivement évoquer de manière globale la situation de ceux qui n’ont pas de numéro SIRET.

La commission adopte l’amendement CF138 (amendement 375).

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Après l’article 9

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF150 de M. Matthieu Orphelin.

La commission examine l’amendement CF212 de Mme Bérangère Abba.

Mme Bénédicte Peyrol. Nous avons évoqué tout à l’heure les 20 milliards de participations financières de l’État en direction des entreprises les plus en difficulté. Cet amendement vise à s’assurer que les entreprises qui bénéficieront de ce soutien intégreront pleinement les objectifs de responsabilité sociale, sociétale et environnementale. Pour nous en assurer, nous proposons que le Gouvernement remette un rapport au Parlement, sur la base de l’action de l’Agence des participations de l’État, détaillant le bon usage des ressources publiques, mais l’objet de cet amendement est surtout d’appeler l’attention du ministre sur cette question.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je loue l’objectif qui consiste à « éco-conditionner » les investissements de l’État. Il importe effectivement de prendre en compte les objectifs de l’accord de Paris et, plus globalement, les objectifs de progrès environnementaux. Nous avions commencé à y travailler sur le plan fiscal ; cela vaut aussi pour les participations de l’État et ce devra être un objectif à long terme.

Cela dit, le sauvetage de certains fleurons de l’industrie française est aujourd’hui une priorité et ce serait pour moi une faute que de conditionner l’aide de l’État et d’introduire des critères trop restrictifs.

Je vous invite donc à retirer votre amendement et à le redéposer demain en séance, afin d’échanger avec le ministre sur ce point. Il pourra prendre des engagements pour l’avenir et nous exposer sa conception de l’État actionnaire de demain. Il est clair, en tout cas, que la participation de l’État doit absolument prendre en compte les enjeux environnementaux et climatiques.

L’amendement CF212 est retiré.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF120 de M. François Pupponi.

La commission examine l’amendement CF134 de Mme Nadia Hai

Mme Bénédicte Peyrol. Cet amendement propose que le Gouvernement remette au Parlement un rapport détaillant sa stratégie en matière de souveraineté industrielle pendant la crise. Chacun sait que notre économie est très fragilisée et que certaines entreprises sont susceptibles d’être l’objet d’offres publiques d’achat (OPA) hostiles.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Là encore, je vous propose d’en discuter directement avec le Gouvernement demain en séance. Le Parlement est effectivement en droit de lui demander des informations sur la souveraineté industrielle de notre pays.

L’amendement CF134 est retiré.

La commission examine l’amendement CF187 de Mme Valérie Rabault.

Mme Christine Pires Beaune. Nous demandons que le Gouvernement remette chaque semaine au Parlement un tableau de bord présentant, pour chaque mission, les besoins budgétaires liés à la crise du Covid-19 et les moyens supplémentaires qu’il accorde à chacune de ces missions.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il me semble qu’avec les informations que le Gouvernement doit déjà remettre au Parlement au sujet de la nouvelle mission budgétaire, d’une part, et les informations recensées et accessibles dans l’application Chorus, d’autre part, nous avons déjà de quoi alimenter le tableau de bord hebdomadaire que vous demandez.

L’amendement CF187 est retiré.

La commission examine l’amendement CF213 de M. Christophe Jerretie.

Mme Cendra Motin. Nous demandons que le Gouvernement remette, dans un délai de trois mois, un rapport présentant de manière détaillée l’estimation des pertes de recettes fiscales liées à la crise. Le ministre a expliqué hier qu’il n’avait pas encore une vision très claire de ces pertes de recettes, même si le prélèvement à la source permet de connaître l’évolution de l’impôt sur le revenu.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Une fois encore, je crois qu’un tel rapport ne serait pas utile, car la commission des finances a déjà les moyens d’accéder à ces informations. Le comité de suivi pourrait en outre, lui aussi, documenter ces pertes de recettes.

L’amendement CF213 est retiré.

La commission examine les amendements CF10, CF12, CF13, CF15, CF17 et CF18 de M. Martial Saddier.

M. Marc Le Fur. Notre collègue Martial Saddier souhaite que le Gouvernement remette au Parlement des rapports détaillés sur un certain nombre de secteurs particulièrement touchés par la crise, tels que l’hôtellerie et la restauration, mais pas seulement. Tel est l’objet de ses amendements.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. M. Saddier demande une série de rapports sectoriels. Le Gouvernement y travaille et il devra effectivement informer le Parlement. Je pense que le prochain collectif budgétaire sera déjà l’occasion pour le Gouvernement de présenter des mesures de relance sectorielles. Il sera utile d’avoir de tels rapports uniquement lorsque nous aurons une vision d’ensemble des mesures prises, secteur par secteur. Mais je comprends le sens de ces amendements, qui veulent appeler notre attention sur un certain nombre de secteurs en difficulté, notamment en montagne.

M. le président Éric Woerth. Parce que toutes les mesures qui sont prises en ce moment le sont dans l’urgence et qu’elles portent sur des milliards d’euros, il est normal que le Parlement demande une totale transparence. Il faudra, à un moment donné, que le Gouvernement rende des comptes sur l’utilisation des crédits et l’efficacité des mesures que nous votons. Je suggère que ces amendements soient retirés pour l’instant, mais qu’ils soient redéposés ultérieurement.

Les amendements CF10, CF12, CF13, CF15, CF17 et CF18 sont retirés.

La commission examine l’amendement CF157 de M. Gilles Lurton.

M. Véronique Louwagie. Notre collègue Gilles Lurton demande que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l’opportunité de créer un fonds de soutien spécifique en faveur du secteur du tourisme, notamment des professionnels des communes littorales. Ce rapport analyserait les conséquences de la crise pour les travailleurs saisonniers de ces communes littorales, qui ont été touchées par la crise à une époque de l’année qui est cruciale pour elles.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Même avis que sur les amendements de M. Martial Saddier : demande de retrait.

M. le président Éric Woerth. Nous pourrions, d’ici à demain, faire une synthèse de toutes ces demandes de rapports adressées au Gouvernement.

L’amendement CF157 est retiré.

La commission examine l’amendement CF84 de M. Éric Woerth.

M. le président Éric Woerth. Cet amendement, que nous avons déjà déposé, avait pour but d’ouvrir un débat sur les assurances – que nous avons déjà eu en partie. Il reprend le contenu d’une proposition de loi déposée par notre groupe il y a un mois : il s’agirait, à terme, d’introduire un nouveau régime de catastrophe naturelle – une catastrophe sans dommages matériels – pour prendre en compte une pandémie comme celle que nous subissons.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Le Gouvernement travaille sur cette question et discute avec les assureurs : des annonces ont été faites.

L’amendement CF84 est retiré.

La commission examine l’amendement CF206 de M. Christophe Naegelen.

M. Christophe Naegelen. Dans le cas où l’on ne parviendrait pas à un accord avec les assureurs, nous proposons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur la possible création d’un fonds de prise en charge des pertes d’exploitation, afin de pallier la carence du secteur assurantiel.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Sur cette demande de rapport, mon avis est le même que précédemment : je vous invite à retirer votre amendement et à échanger avec le Gouvernement demain.

L’amendement CF206 est retiré.

La commission examine l’amendement CF125 de M. Lionel Causse.

Mme Bénédicte Peyrol. Avec cet amendement, nous demandons un rapport sur les bases de calcul ayant servi à l’élaboration des deux lois de finance rectificatives pour 2020 concernant les prélèvements fiscaux et sociaux pesant sur les activités d’assurance dommages, et sur l’évaluation de l’impact de la sinistralité constatée au premier semestre 2020 sur ces prélèvements, avec des éléments de comparaison sur les quinze dernières années et la crise de 2008.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Même avis. Nous pourrions, sur toutes ces questions relatives aux assurances, déposer un amendement commun. Pour ma part, je demanderais volontiers non pas un rapport mais un reporting sur l’investissement du secteur assurantiel en fonds propres. Il est très important que nous puissions suivre, ligne par ligne, les secteurs dans lesquels il investit.

M. le président Éric Woerth. Il faut en tout cas que nous disposions du reporting sur l’état des crédits, qui a été demandé solennellement lors du premier projet de loi de finances rectificative, puis de nouveau par courrier au ministre. Nous devons aussi avoir une information précise sur la sinistralité, dont les assureurs nous disent qu’elle est plus importante en période de crise, ce qui n’est pas intuitif. Nous pourrions déposer un amendement commun demandant un rapport global sur le secteur de l’assurance.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je peux rédiger d’ici demain un amendement demandant un tableau de bord de suivi des engagements de la FFA. Il présenterait les secteurs dans lesquels les assurances se sont engagées à investir, le montant de leur versement, les prises de participation et les indicateurs de sinistralité.

L’amendement CF125 est retiré.

La commission examine l’amendement CF113 de M. François Pupponi.

M. Charles de Courson. Monsieur le rapporteur général, ne pensez-vous pas que l’on pourrait invoquer une responsabilité de l’État du fait des lois ? Puisque c’est une décision administrative qui a interdit à certaines professions d’exercer leur activité, les éléments constitutifs de la responsabilité du fait des lois ne sont-ils pas réunis ? C’est ici une référence à une grande jurisprudence administrative.

Mettons que je sois tenancier d’un restaurant et qu’un arrêté me demande de fermer mon établissement du jour au lendemain. Ne puis-je pas attaquer l’État français en responsabilité ? Nous aurons des contentieux de ce genre, c’est évident. Je voudrais donc savoir si on a déjà réfléchi à cette question. Avez-vous, monsieur le rapporteur général, une position personnelle sur cette question ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il faudrait que le préjudice soit spécial pour que les conditions jurisprudentielles d’engagement de la responsabilité sans faute de l’administration du fait des lois s’appliquent.

M. Marc Le Fur. Nous aurons là une source de contentieux considérable. Notre jurisprudence administrative intègre parfaitement cette responsabilité du fait des lois. Pour l’anecdote, elle remonte aux années 1920, peu après que l’État a interdit la production d’absinthe. Les producteurs ont été ruinés du jour au lendemain et le juge a estimé qu’ils devaient être indemnisés. Nous sommes exactement dans la même logique aujourd’hui, et cela peut représenter un coût énorme pour l’État.

M. le président Éric Woerth. Il y a déjà des recours contre certains arrêtés préfectoraux et des demandes d’indemnisation. Votre amendement, tel qu’il est rédigé, demande un rapport sur l’opportunité de la prise en charge par l’État des pertes d’exploitation.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Sur cette question aussi, je propose que nous échangions directement avec le Gouvernement.

L’amendement CF113 est retiré.

La commission examine l’amendement CF109 de M. François Pupponi.

M. Charles de Courson. Cet amendement vise à demander un rapport sur l’ouverture du fonds de solidarité aux conjoints collaborateurs et aux gérants minoritaires de SARL. Le Gouvernement n’a pas encore tranché sur leur éligibilité. Cette situation n’est pas tenable.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Beaucoup de vos collègues ont déjà sollicité le Gouvernement à ce sujet. Il vous apportera une réponse précise.

L’amendement CF109 est retiré.

La commission en vient à l’amendement CF147 de M. François Pupponi.

M. Charles de Courson. La délégation aux collectivités territoriales commence à aborder l’impact de la crise sanitaire sur les finances locales. La situation reste floue mais je crains que certaines ne se retrouvent en quasi-faillite du fait de l’effondrement de leurs recettes, notamment celles qui sont alimentées par des impôts spéciaux. Je pense aux prélèvements sur les jeux de casino qui vont être nuls pour les communes ou à la chute de 20 % à 25 % du produit des DMTO qui va placer certains départements en déficit de fonctionnement.

Dans un premier temps, j’avais déposé un amendement visant à suspendre la règle d’or pour les départements en 2020 mais, comme il a été déclaré irrecevable, je me suis rabattu sur une proposition de rapport.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je crois vous avoir répondu tout à l’heure au sujet des collectivités territoriales. C’est un enjeu majeur dont la délégation aux collectivités territoriales va se saisir. J’évoquerai ces problématiques dans mon rapport.

M. le président Éric Woerth. L’irrecevabilité de votre amendement, monsieur de Courson, n’était pas motivée par l’article 40. La règle d’or des finances publiques locales ne relève pas d’une loi de finances mais d’une loi de programmation des finances publiques.

L’amendement CF147 est retiré.

La commission examine l’amendement CF151 de M. François Pupponi.

M. Charles de Courson. Nous demandons un rapport relatif à un plan de sauvetage pour les secteurs les plus touchés, qui auront subi quatre mois de fermeture : l’hôtellerie, la restauration, la culture et l’événementiel.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Demande de retrait.

L’amendement CF151 est retiré.

La commission est saisie de l’amendement CF163 de M. Jean-René Cazeneuve.

Mme Cendra Motin. L’objet de cet amendement est d’appeler l’attention du Gouvernement sur la nécessité de permettre aux collectivités territoriales ou aux EPCI d’utiliser les subventions du Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce (FISAC) qu’elles n’auraient pas consommées pour soutenir les entreprises éligibles au fonds de solidarité.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je serais plutôt enclin à soutenir le principe de transférabilité, qui relève du domaine réglementaire.

M. Marc Le Fur. Cette proposition ne m’enthousiasme guère. Si les subventions du FISAC étaient transférées dans un dispositif plus global, elles risqueraient de ne plus être fléchées vers le commerce et l’artisanat.

M. le président Éric Woerth. Les projets des collectivités perdurent même s’ils sont décalés.

M. Charles de Courson. Il serait intéressant de savoir quelles sont les disponibilités du FISAC dont les ressources relèvent, si ma mémoire est bonne, non pas du budget de l’État mais de la Caisse des dépôts et consignations.

L’amendement CF163 est retiré.

La commission examine l’amendement CF105 de M. François Pupponi.

M. Charles de Courson. Je reviens sur la suspension de la règle d’or pour les départements en 2020. Avec l’effondrement des DMTO et l’augmentation des dépenses sociales, plusieurs départements vont se retrouver en déficit de fonctionnement. Cela donne lieu à une procédure lourde alors que l’on peut penser que ces difficultés ne seront que temporaires. Si l’économie repart, les dépenses exceptionnelles vont se réduire et les recettes augmenter.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je vous invite à retirer votre amendement pour le redéposer demain.

L’amendement CF105 est retiré.

La commission est saisie de l’amendement CF166 de M. Jean-René Cazeneuve.

Mme Bénédicte Peyrol. Cet amendement demande un rapport portant sur les moyens de sécuriser juridiquement la contribution des EPCI aux fonds de soutien territoriaux. Il s’agit de s’assurer que les subventions vont bien aux entreprises des territoires concernés et d’encourager la rédaction de conventions-types entre les régions et les collectivités.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Demande de retrait.

L’amendement CF166 est retiré.

La commission en vient à l’amendement CF158 de Mme Stella Dupont.

M. Belkhir Belhaddad. Cet amendement demande au Gouvernement un rapport sur l’opportunité d’instituer une contribution temporaire sur les marges exceptionnelles dégagées par les grandes et moyennes surfaces et les plateformes de e-commerce pendant l’épidémie. Les auteurs de l’amendement, dans les limites de l’article 40 de la Constitution, recommandent vivement que le versement du produit de cette contribution soit ciblé vers les petits commerces grâce à la mise en place d’un mécanisme de solidarité.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Mme Dupont avait déposé un amendement similaire sur le premier PLFR. L’intention qui sous-tend cette proposition est bonne. Si les marges dégagées par les grandes et moyennes surfaces sont plus importantes qu’à l’habitude, on peut en effet s’interroger sur la mise en place d’un mécanisme de redistribution vers les commerces davantage affectés par la crise. Il faudra attendre d’avoir davantage de recul pour disposer de données suffisantes.

Mme Cendra Motin. Si des marges exceptionnelles devaient être constatées, j’aimerais qu’elles soient surtout utilisées au bénéfice de tous ceux qui ont travaillé, en deuxième ligne, pendant la crise. On se rend compte aujourd’hui à quel point les hôtes de caisse, mal payés, sont importants pour nous

L’amendement CF158 est retiré.

La commission examine l’amendement CF9 de M. Martial Saddier. 

M. Marc Le Fur. Cet amendement concerne les entreprises exerçant une activité saisonnière.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Même logique. Retrait.

L’amendement CF9 est retiré.

La commission en vient à l’examen CF106 de M. Philippe Vigier.

M. Charles de Courson. M. Vigier propose que le produit des amendes dressées pour non-respect du confinement – près de 500 000 à ce jour, soit environ 67,5 millions d’euros de recettes – soit versé aux établissements de soins et d’accompagnement.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Comme vous, je suis attaché à l’universalité budgétaire et peu friand de l’affectation des recettes, mais l’idée est séduisante et il serait bon d’afficher que ces amendes servent à financer les services en première ligne. Je vous demande néanmoins de bien vouloir retirer cet amendement.

L’amendement CF106 est retiré.

La commission est saisie de l’amendement CF89 de M. Marc Le Fur. 

M. Marc Le Fur. Cet amendement concerne les sportifs de haut niveau, particulièrement les footballeurs. Dans le cadre du mécanisme de chômage partiel, au-delà des rémunérations supérieures à 4,5 SMIC, les clubs prennent intégralement en charge 84 % de la rémunération. Les salariés ne font, eux, qu’un effort modeste au regard de leur salaire élevé.

En l’absence de recettes et alors que les clubs devront rembourser leurs abonnés, cela peut mettre en cause leur existence. En contrepartie de la solidarité nationale, qui joue pour la partie de rémunération inférieure à 4,5 SMIC, il conviendrait qu’au-delà de 4,5 SMIC, la part contributive des salariés s’accroisse en proportion de leurs rémunérations.

L’exemple a été donné à l’étranger, où de grands joueurs ont accepté une remise sur leur salaire.

M. le président Éric Woerth. Le modèle économique des clubs, qui leur permet d’offrir des rémunérations très élevées, s’effondre dès lors qu’il n’y a plus de droits télévisuels. Peut-être faudrait-il qu’ils reviennent à des salaires équivalant à 4,5 SMIC ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Ce sont des cas spécifiques qui doivent être gérés par filière, tant il est vrai que les rémunérations dépassent rarement les 4,5 SMIC dans d’autres sports. Il faudra à la fois solliciter les sportifs et mutualiser l’effort financier dans le cadre des ligues et des fédérations. Ces professionnels ne seront pas les grandes victimes de cette crise et leur demander de diviser par deux leur salaire, comme l’ont fait certains clubs, n’est pas inacceptable.

M. Belkhir Belhaddad. De manière générale, nous devons avoir un débat public sur la place du sport professionnel, l’éthique dans le football et l’utilisation de l’argent public. Ces clubs bénéficient déjà d’aides pour une grande partie de la masse salariale qui fait tourner ce que nous pourrions appeler des spectacles. Des joueurs étrangers ont donné l’exemple ; peu de footballeurs français ont fait de même.

Au-delà, se pose la question du modèle économique de ces clubs qui s’avère très fragile puisque fondé pour 40 % sur les droits télévisés. Or ces clubs, dans lesquels les collectivités territoriales sont très impliquées, dressent déjà des plans sur la comète avec l’augmentation des droits prévue l’an prochain. Je vois dans cette crise l’opportunité, pour le sport professionnel, de refondre son modèle économique et de faire confiance aux joueurs issus des centres de formation.

M. le président Éric Woerth. Nous sommes d’accord, dans l’ensemble : ce n’est pas supportable et les joueurs doivent faire les efforts nécessaires. Normalement, ils ont mis un peu d’argent de côté : ils devraient pouvoir passer le cap plus facilement que d’autres.

M. Éric Coquerel. J’espère le retrait définitif du projet de réforme des retraites, qui accorde de mirifiques cadeaux aux clubs – cela se compte en dizaines, voire en centaines de millions d’euros pour certains. Alors que les clubs se trouvent aujourd'hui en grande difficulté, la contribution des joueurs proposée par Marc Le Fur me semble assez logique. Nous sommes pour une limitation de l’écart des salaires dans une même entreprise dans un rapport de un à vingt : inutile de vous dire qu’une contribution de ce type-là ne nous dérangerait pas ! Nous voterons donc pour cet amendement.

Mme Cendra Motin. Rappelons tout d’abord que dans les clubs, il n’y a pas que des joueurs payés plus de 10 000 euros par mois. De plus, de nombreux clubs en France, même professionnels, ne donnent pas ce niveau de rémunération à leurs joueurs. L’important, c’est qu’ils soient parvenus à un accord avec les annonceurs, notamment ceux qui payent les droits. Votre demande de rapport est beaucoup plus large parce qu’elle porte sur la fraction du salaire dépassant 4,5 SMIC, peut-être dans l’idée de remettre en question ce mécanisme. Nous avons fait le pari de la confiance dans les entreprises : il ne faut pas abuser de l’argent public et ceux qui peuvent s’en passer doivent faire un effort.

M. Marc Le Fur. À partir du moment où il y a une contribution publique – en l’espèce, le chômage partiel –, qui bénéficie aux joueurs et à leurs employeurs, il me paraît légitime de demander un effort plus conséquent aux plus gros salaires du football. Cela ne relève pas du législatif, raison pour laquelle je demande un rapport. À défaut d’évolution de cette nature, il est à craindre que l’existence même d’un certain nombre de clubs soit remise en cause. Je retire cet amendement mais je le redéposerai demain.

L’amendement CF89 est retiré.

La commission examine l’amendement CF133 de Mme Olivia Grégoire.

Mme Bénédicte Peyrol. Nous avons évoqué tout à l’heure les trous noirs dans le fonds de solidarité – gérant salarié, mandataires sociaux. Mme Grégoire réfléchit aux différentes solutions qui pourraient être apportées, comme débloquer l’épargne retraite dite Madelin. Elle demande donc un rapport dressant un bilan exhaustif des avantages fiscaux liés au plan épargne retraite et présentant les facilités de déblocage de l’épargne par anticipation issues de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Le déblocage du Madelin doit être bien ciblé pour être pertinent et ne pas trop diminuer l’épargne à long terme. Je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, pour le déposer en séance sous la forme d’une disposition législative nouvelle et non sous la forme d’une demande de rapport.

L’amendement CF133 est retiré.

La commission examine l’amendement CF91 de M. Éric Coquerel.

M. Éric Coquerel. L’objet de cet amendement est de demander un rapport sur le rachat de la dette publique française par la Banque centrale européenne. J’apprends à l’instant que le Parlement européen vient de voter contre une telle proposition, ce que je regrette.

En raison des aides versées par l’État, la dette va évidemment augmenter, avec un déficit de 9 % du PIB, de sorte que le ratio de dette atteindra au moins 115 %. Le choix fait par le Gouvernement n’est pas de pallier cette dette par l’impôt, mais j’espère qu’il ne songe pas non plus à la pallier par une baisse des dépenses publiques, alors même que cette crise révèle à quel point elles ont manqué dans certains secteurs.

Il va donc bien falloir trouver une solution. L’Union européenne, au travers de la Banque centrale européenne, prête aux banques, qui elles-mêmes prêtent aux États sous conditions. Notre idée est, à l’inverse, que la Banque centrale européenne rachète directement la dette aux États et la stocke en dette perpétuelle, de façon que les États retrouvent une capacité de contracter de nouveaux emprunts. Il s’agit donc de geler la dette, et pourquoi pas de l’annuler, y compris avec des taux négatifs. Je ne vois pas d’autre solution, sauf à laisser penser que, après la crise, les États et les peuples paieraient pendant des années, par une politique de sur-austérité, pour revenir au pourcentage d’équilibre fixé par les différents traités.

La Réserve fédérale américaine a décidé de racheter la dette des entreprises pour éviter les risques de banqueroute ; la banque centrale anglaise a agi par un prêt direct à l’État : il serait temps que l’on fasse la même chose au niveau européen.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous pourrions avoir un long débat macroéconomique sur ce sujet. Ce serait intéressant, d’ailleurs : comment monétiser ou faire racheter nos dettes ? Outre le fait que les traités européens ne permettent pas de retenir votre proposition, j’ai un problème de fond avec le gel perpétuel de la dette. Cela reviendrait en effet à un effacement de la dette, créant un risque inflationniste assez important. Le débat est intéressant, même s’il repose sur des points de vue économiques différents, cohérents avec nos convictions respectives. Je ne pense pas que cela soit la bonne solution mais vous pourriez redéposer cet amendement pour que le Gouvernement puisse donner son avis et éventuellement accepter la remise d’un rapport.

M. Charles de Courson. Je trouve cette idée géniale : une dette perpétuelle à taux négatif, c’est formidable ! Avec un taux d’intérêt négatif de 1 %, au bout d’un siècle, il n’y aurait plus de dette !

M. Éric Coquerel. Tout à fait ! La monnaie, cela peut se créer, même si cela doit générer de l’inflation. J’ai connu une période où l’inflation était à 14 % et où le partage des richesses se faisait en faveur des revenus du travail… Je ne dis pas qu’il faut revenir à 14 % d’inflation, mais n’en faisons pas forcément un repoussoir. Au nom de la dette, on poursuit des politiques qui nous mènent dans le mur. Vous pouvez vous moquer mais je ne vois pas d’autre solution. De toute façon, vu l’argent que l’on va devoir dépenser, comment imaginer revenir assez vite à un déficit de 2 % ? Je souhaite bien du courage à ceux qui mettront en place ces politiques publiques contraires aux défis imposés par le coronavirus ou la transition écologique !

M. le président Éric Woerth. Personne ne se moque, monsieur Coquerel : la monétisation de la dette est un concept tout à fait digne d’intérêt.

La commission rejette l’amendement CF91.

Elle examine l’amendement CF123 de M. Michel Castellani.

M. Charles de Courson. L’amendement CF123 a pour objet d’associer l’ensemble des citoyens français qui le souhaitent au soutien exceptionnel à l’activité économique. À cette fin, il propose d’explorer la possibilité de mobiliser l’épargne des Français pour soutenir nos petites et moyennes entreprises par le biais de l’émission d’obligations qui leur seraient réservées.

Pour cela, il prévoit que le Gouvernement remette au Parlement, avant le 1er juillet 2020, un rapport sur l’opportunité de créer des obligations assimilables du Trésor réservées aux particuliers et spécifiquement consacrées au rétablissement économique après la crise sanitaire liée au Covid-19.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous avons déjà eu ce débat et j’ai déjà dit que je ferai ce que je peux pour obtenir une note du Trésor sur cette question. Dans l’immédiat, je vous invite à retirer cet amendement.

M. le président Éric Woerth. À chaque sursaut de la dette, on voit surgir une proposition de grand emprunt national. Ce n’est sans doute pas une mauvaise idée, mais la question est complexe ; c’est pourquoi il serait intéressant de disposer d’un rapport sérieux sur ce point.

L’amendement CF123 est retiré.

La commission est saisie de l’amendement CF131 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Le Président de la République a souligné, lors d’une récente allocution télévisée, la nécessité de soutenir les pays africains face au coronavirus, en réduisant leur dette. Nous saluons cette initiative et c’est pourquoi nous demandons qu’un rapport détaille un plan d’aide destiné aux pays les plus pauvres dans leur lutte contre le Covid-19. Ce rapport étudierait notamment la pertinence de l’annulation des dettes contractées par ces pays auprès de la France.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il s’agit là d’un sujet très intéressant, voire passionnant, mais grave et très difficile à résoudre. Le Président de la République et le ministre de l’économie et des finances se sont récemment exprimés sur ce point et la France s’est souvent montrée très active pour solliciter, si ce n’est des annulations, du moins des moratoires de dettes, qu’elle a parfois obtenus – même si ces décisions de principe doivent se traduire dans les faits.

Le Parlement doit examiner dans les mois à venir un projet de loi portant sur l’aide publique au développement qui sera l’occasion de concrétiser cette volonté politique. Je vous invite à retirer votre amendement pour le déposer à nouveau en séance publique demain, afin que le ministre de l’économie vous fasse part de sa position sur ce point – le moment venu, il serait intéressant de connaître également celle du ministre de l’Europe et des affaires étrangères ainsi, bien entendu, que celle du Président de la République. En tout état de cause, nous savons que certaines parties du globe vont souffrir plus que d’autres de la crise, et à voir les sollicitations dont fait déjà l’objet le Fonds monétaire international, il est certain que les besoins d’aide vont être énormes, ce qui va sans doute nécessiter de repenser la conditionnalité de certaines dettes à l’égard des pays les plus pauvres, si l’on veut qu’ils aient la possibilité de rebondir plutôt que de s’enfoncer dans la spirale de la dette après avoir subi de plein fouet la crise sanitaire.

L’amendement CF131 est retiré.

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La commission adopte la seconde partie du projet de loi de finances rectificative pour 2020 modifiée.

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La commission adopte l’ensemble du projet de loi de finances rectificative pour 2020 modifié.

 

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([1])  Laurent Saint-Martin, rapport n° 2761 au nom de la commission des finances sur le projet de loi de finances rectificative pour 2020, XVe législature, 19 mars 2020.

([2]) OCDE, « Coronavirus : l’économie mondiale menacée », prévisions intermédiaires, mars 2020.

([3]) Selon le Haut Conseil des finances publiques (voir ci-après), qui a obtenu copie de la communication de la Commission européenne, le contexte actuel justifie que les programmes de stabilité puissent, cette année, se limiter aux grandes lignes des scénarios macroéconomiques et de finances publiques pour l’année 2020 et, si possible, pour l’année 2021, ainsi qu’indiquer les principales mesures de soutien budgétaire. Le Gouvernement a fait le choix de ne présenter de scénario que pour la seule année 2020 en raison de la forte volatilité des perspectives économiques.

([4]) Il s’agit d’un indicateur théorique de la croissance du PIB pouvant être réalisée sans entraîner de tension inflationniste, compte tenu de la disponibilité des facteurs de production de l’économie. 

([5]) Haut Conseil des finances publiques, Avis n° HCFP-2020-2 relatif aux prévisions macroéconomiques associées au programme de stabilité pour l’année 2020 et au deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2020, 14 avril 2020.

([6]) Insee, Point de conjoncture, 9 avril 2020.

([7]) Insee, Point de conjoncture, 26 mars 2020.

([8]) Banque de France, Point sur la conjoncture française à fin mars 2020, 8 avril 2020.

([9]) Selon l’OFCE, dans son évaluation du 30 mars 2020, l’allongement de la durée du confinement ne produit pas d’effets linéaires : l’impact économique d’un deuxième mois de confinement à la suite d’un premier mois peut être plus positif ou plus négatif. Parmi les motifs de cette non-linéarité, sont cités la perte de productivité en cas de télétravail prolongé, l’épuisement des stocks de produits critiques nécessaires à la production et donc une amplification de la rupture des chaînes de valeurs, l’accommodement des agents économiques à la situation et une organisation agile des entreprises s’adaptant aux contraintes atténuant les effets négatifs du confinement.

([10])  OFCE, « Évaluation au 30 mars 2020 de l'impact économique de la pandémie de COVID-19 et des mesures de confinement en France », Policy Brief, mars 2020.

([11]) Ces données ont été communiquées à la commission des finances par le ministre de l’économie et des finances lors de son audition du 15 avril 2020 sur le présent PFLR.

([12]) Le scénario macroéconomique du Gouvernement est, à ce propos, optimiste : il est fait hypothèse que « nos principaux partenaires adopteraient des mesures de durée et d’ampleur commensurables, aux effets économiques similaires. »

([13]) Banque de France, « La croissance potentielle. Une notion déterminante mais complexe », Focus n° 13, mars 2015.

([14]) Dans son cadrage macroéconomique, le Gouvernement a prévu une hypothèse d’élasticité des prélèvements obligatoires à la dégradation de la conjoncture de 1,1. Cela signifie que la baisse des recettes des prélèvements obligatoires augmente plus que proportionnellement à la baisse de l’activité économique.

([15]) La LFI 2020 et la LFR 1 prévoyaient un déficit structurel de 2,2 points de PIB en 2020, égal au niveau de 2019 connu à l’époque. Le montant du déficit structurel de 2019 a été révisé à 2,0 points de PIB entre la publication de la LFR 1 et la présentation du présent PLFR, ce qui justifie l’actualisation de sa prévision pour 2020.

([16]) Les normes de dépenses de l’État sont des outils de pilotage et de compte rendu de la dépense de l’État définies à l’article 9 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

([17]) Correspondant à une croissance réelle de  8 % et un déflateur de PIB de 1,4 %.

([18]) Avis n° HCFP 2020-2 relatif aux prévisions macroéconomiques associées au programme de stabilité pour l’année 2020 et au deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2020.

([19]) INSEE, Les comptes des administrations publiques 2018, 29 mai 2019.

([20]) Le RESF annexé au PLF 2020 supposait que l’élasticité des prélèvements obligatoires au PIB serait unitaire en 2019, sans pour autant préciser qu’une telle élasticité unitaire s’applique spécifiquement aux recettes des administrations de sécurité sociale. On suppose que la croissance du PIB nominal 2019 a été de 2,8 %, d’après les données publiées par l’INSEE le 25 mars 2020.

([21]) Unédic, « Continuité et maîtrise du pilotage e l’Assurance chômage, repères sur les mesures covid-19 et leurs effets », 25 mars 2020.

([22]) Décret n° 2020-361 du 27 mars 2020 portant modification du décret n° 2019-797 du 26 juillet 2019 modifié relatif au régime d’assurance chômage.

([23]) Ordonnance n° 2020-324 du 25 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière de revenus de remplacement mentionnés à l’article L. 5421-2 du code du travail.

([24]) Exposé général des motifs du projet de loi n° 2758 de finances rectificative pour 2020 enregistré le 18 mars 2020 à la présidence de l’Assemblée nationale, p. 13.

([25]) Arrêté du 30 mars 2020 fixant le montant pour l’exercice 2020 du financement de l’Agence nationale de santé publique.

([26]) Conférence de presse du 15 avril 2020.

([27]) Ordonnance n° 2020-309 du 25 mars 2020 relative à la garantie de financement des établissements de santé et aux régimes complémentaires obligatoires de sécurité sociale.

([28]) Décret n° 2020-327 du 25 mars 2020 portant relèvement du plafond des avances de trésorerie au régime général de sécurité sociale.

([29]) Loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19, article 12.

([30]) Ordonnance n° 2020-330 du 25 mars 2020 relative aux mesures de continuité budgétaire, financière et fiscale des collectivités territoriales et des établissements publics locaux afin de faire face aux conséquences de l’épidémie de Covid-19 et ordonnance n° 2020-391 du 1er avril 2020 visant à assurer la continuité du fonctionnement des institutions locales et de l’exercice des compétences des collectivités territoriales et des établissements publics locaux afin de faire face à l’épidémie de covid-19.

([31]) Il s’agit, aux termes de l’article D. 313-45-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, d’entreprises répondant au moins à un des critères suivants :

- l'entreprise est ou a été bénéficiaire au cours des cinq dernières années d'un soutien public à l'innovation figurant sur une liste fixée par arrêté du ministre chargé de l'économie ;

- le capital de l'entreprise est ou a été au cours des cinq dernières années en totalité ou pour partie détenu par une entité d'investissement ayant pour objet principal de financer ou d'investir dans des entreprises innovantes ;

- l'entreprise est ou a été accompagnée au cours des cinq dernières années par une structure d'accompagnement dédiée aux entreprises innovantes.

([32]) Les primes de garantie sont collectées par l’établissement prêteur auprès de l’emprunteur : elles s’intègrent au coût du crédit. Elles sont collectées par Bpifrance qui les reversent à l’État.

([33]) La FBF représente 340 banques, dont 115 banques étrangères.

([34]) Il s’agit notamment des prêts « Atout », dont l’encours est de 3 milliards d’euros. Il s’agit d’un prêt sur six ans avec un différé de remboursement d’un an, à un taux, plus élevé que le PGE, de 2,5 %.

([35]) Pour une comparaison des dispositifs d’activité partielle français et allemand lors de la crise de 2008, voir la lettre n° 107 de Trésor-Eco « Chômage partiel, activité partielle, Kurzaebeit : quelles différences entre les dispositifs français et allemand ? », novembre 2012.

([36])  Des taux inférieurs peuvent s’appliquer sous condition de revenu fiscal de référence. Voir infra.

([37]) Décret n° 2020-325 du 25 mars 2020 relatif à l’activité partielle.

([38]) Il s’agit de la rémunération brute servant d’assiette à l’indemnité de congés payés : elle intègre non seulement le salaire de base, mais aussi les majorations de salaire pour heures supplémentaires et travail de nuit, les indemnités perçues durant les périodes assimilées à du travail effectif, l’indemnité de congés payés elle-même, les primes d’ancienneté, les primes d’assiduité, les primes d’astreinte, les commissions, les primes d’expatriation et les avantages en nature.

([39]) Arrêté du 26 août 2013 fixant les contingents annuels d’heures indemnisables prévus par les articles R. 5122‑6 et R. 5122-7 du code du travail.

([40]) Arrêté du 31 mars 2020 modifiant le contingent annuel d’heures indemnisables au titre de l’activité partielle pour l’année 2020.

([41])  Loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19.

([42]) Ordonnance n° 2020-346 du 27 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière d’activité partielle.

([43])  11 305 euros pour une part de quotient familial.

([44]) 14 780 euros pour une part de quotient familial.

([45]) Le régime d’équivalence est un régime spécifique dans lequel une durée de travail supérieure à la durée légale peut être instituée. Il est applicable à certaines professions et pour des emplois déterminés comportant des périodes d'inaction.

([46]) Convention État-Unédic du 1er novembre 2014 relative à l’activité partielle.

([47]) Rapport annuel de performance du programme « Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi » annexé au projet de loi de règlement pour 2018.

([48]) Projet de loi de finances rectificative n° 2758 enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 18 mars 2020, p. 35.

([49]) Compte Twitter de Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail.

([50])  Avis n° HCFP-2020-2 relatif aux prévisions macroéconomiques associées au programme de stabilité pour l’année 2020 et au deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2020.

([51])  Avis n° HCFP-2020-1 relatif au premier projet de loi de finances rectificative pour l’année 2020, p. 5.

([52]) Ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 portant création d’un fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation.

([53]) Décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, modifié par le décret n° 2020-394 du 2 avril 2020.

([54]) Exposé général des motifs du premier PLFR pour 2020, p. 7.

([55])  Loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19.

([56]) Assemblée nationale, XVe législature, session ordinaire de 2019-2020, compte rendu intégral, deuxième séance du jeudi 19 mars 2020.

([57]) Décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation.

([58]) Décret n° 2020-394 du 2 avril 2020 modifiant le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation.

([59]) C’est-à-dire au sens de l’article 2 du règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides incompatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité.

([60]) Réponse à la question n° 77 de la « Foire aux questions » dans la version mise à jour le 6 avril 2020 (lien).

([61]) Compte Twitter de M. Bruno Le Maire, 31 mars 2020.

([62])  Réponse à la question n° 77 de la « Foire aux questions » dans la version mise à jour le 6 avril 2020 (lien).

([63]) Les Échos, entretien de MM. Bruno Le Maire et Gérald Darmanin, vendredi 10 avril 2020.

([64]) Communiqué de presse du Gouvernement n° 2119/1009 du 10 avril 2020, « Création par le Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants (CPSTI) d’une aide exceptionnelle à destination de tous les artisans et commerçants ».

([65]) M. Belkhir Belhaddad, avis n° 2304 fait au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi de finances pour 2020, mission Régimes sociaux et de retraite.

([66]) Dossier de presse du ministère de l’économie et des finances « Le fonds de solidarité : quelles démarches pour les entreprises ? », 31 mars 2020.

([67]) Communiqué de presse du Gouvernement du 15 avril 2020, « Engagements des assureurs pour participer à l’effort national de mobilisation face à la crise du covid-19 » (lien).

([68])  Les Échos, entretien de MM. Bruno Le Maire et Gérald Darmanin, vendredi 10 avril 2020.

([69]) Régions de France, communiqué de presse du 10 avril 2020.

([70]) Décret n° 2007-44 du 11 janvier 2007 pris pour l’application du II de l'article 17 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

([71]) Décision n° 2001-448 DC du 25 juillet 2001, Loi organique relative aux lois de finances, Cons. 47.

([72]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

([73]) Données extraites de l’application Chorus le 15 avril 2020.

([74]) Fédération bancaire française, Coronavirus : mobilisation totale des banques françaises  Des modalités simples et concrètes au service des entreprises, 15 mars 2020.

([75]) Ministère de l’action et des comptes publics, communiqué de presse, 3 avril 2020, n° 1006.

([76]) https://www.impots.gouv.fr/portail/node/13467.

([77]) Ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 relative au paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie de covid-19 ; décret n° 2020-378 du 31 mars 2020 relatif au paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie de covid-19.

([78]) Laurent Saint-Martin, Rapport sur le projet de loi de finances rectificative pour 2020, Assemblée nationale, XVe législature,  2761, 19 mars 2020, pages 20 à 25.

([79]) https://ec.europa.eu/info/live-work-travel-eu/health/coronavirus-response/economy_fr

([80]) Conseil de l’Union européenne, Communiqué de presse, 23 mars 2020.

([81]) « The Union and its Member States will do whatever it takes to address the current challenges, to restore confidence and to support a rapid recovery, for the sake of our citizens. » (conclusions du Conseil européen du 17 mars 2020, nous soulignons).

([82]) Conseil européen, Communiqué de presse, 10 avril 2020.

([83]) Handelsblatt, interview, 14 avril 2020.

([84]) Banque centrale européenne, Communiqué de presse, 7 avril 2020.

([85]) Banque centrale européenne, Communiqué de presse, 15 avril 2020.

([86]) Commission européenne, Policy measures taken against the spread and impact of the Coronavirus, 14 avril 2020.

([87]) KfW, Corona-Hilfe (site de la KfW).

([88]) KfW, Corona-Hilfe  KfW-Schnellkredit (site de la KfW).

([89]) KfW, KfW coronavirus aid : loans for companies ­ KfW instant loan (page en anglais du site de la KfW).

([90]) https://www.bundesfinanzministerium.de/Content/EN/Standardartikel/Topics/Priority-Issues/Corona/2020-03-25-combating-the-corona-virus.html.

([91]) https://www.stmwi.bayern.de/soforthilfe-corona/.

([92]) https://www.ihk-nordwestfalen.de/coronavirus/finanzierung/zuschuesse-von-bund-und-land-4745124#titleInText3.

([93]) https://www.bmwi.de/Redaktion/DE/Downloads/J-L/kurzfakten-corona-soforthilfen.pdf?__blob=publicationFile&v=6 ; page 2, question n° 2.

([94]) https://www.bundesfinanzministerium.de/Content/EN/Standardartikel/Topics/Priority-Issues/Corona/2020-03-20-Tax-measures-to-assist-businesses.html.

([95]) Ambassade de France en Italie, service économique régional, La lettre dactualité en Italie ­ édition spéciale Covid-19, 7 avril 2020, page 7.

([96]) Ministero dell’Economia e delle Finanze, Protect health, support the economy, preserve employment levels and income, 19 mars 2020.

([97]) Governo Italiano, Presidenza del Consiglio dei Ministri, Communication sur le Conseil des ministres n° 39, 6 avril 2020.

([98]) Id., conférence de presse vidéo (lien).

([99]) Selon des modalités très voisines du PGE français, puisque sont retenus, s’agissant du niveau de garantie, les mêmes seuils que ceux prévus en France par l’arrêté du 23 mars 2020 pris pour l’application de l’article 6 de la loi de finances rectificative pour 2020.

([100]) Decreto-legge 17 marzo 2020, n° 18, Misure di potenziamento del Servizio sanitario nazionale et di sostegno economico per famiglie, lavoratori et imprese connesse all’emergenza epidemiologica da COVID-19 (20G00034) (lien).

([101]) Direction générale du Trésor, Espagne ­ Covid-19 : Mesures économiques, 1er avril 2020.

([102]) Miniserio de Asuntos Economicos y Transformacion Digital, Medidas adoptadas Covid-19.

([103]) Miniserio de Asuntos Economicos y Transformacion Digital, Noticias ­ El Gobierno activa el segundo tramo de la Línea de Avales, con 20.000 millones de euros destinados íntegramente a pymes y autónomos, 10 avril 2020.

([104]) HM Treasury, How to access government financial support if you or your business has been affected by COVID-19.

([105]) Bank of England, HM Treasury and Bank of England announce temporary extension to Ways and Means facility, communiqué de presse, 9 avril 2020.

([106]) Id., notes 3 et 5.

([107]) New York Times,  How the Fed’s Magic Money Machine Will Turn $454 Billion Into $4 Trillion, article publié le 26 mars 2020. Voir également le podcast de France Culture sur le sujet (« Coronavirus : où vont les milliers de milliards de dollars du plan américain ?, 4 avril 2020).

([108]) U.S. Department of the Treasury, communiqué de presse, 9 avril 2020.

([109]) OCDE, Coronavirus (COVID-19) : Des actions conjointes pour gagner la guerre, tribune de M. Angel Gurría, 20 mars 2020.

([110]) Avis n° HCFP-2020-2 relatif aux prévisions macroéconomiques associées au programme de stabilité pour l’année 2020 et au deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2020, 14 avril 2020.

([111]) Loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19.

([112]) Ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 portant création d’un fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation ; décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation ; modifié par le décret n° 2020-394 du 2 avril 2020.

([113]) Cf. supra, Exposé général, fiche n° 5, Le fonds de solidarité.

([114]) Coronavirus Covid-19, Le fonds de solidarité  Quelles démarches pour quelles entreprises ?, dossier de presse, 31 mars 2020, page 2.

([115]) Ministère de l’action et des comptes publics, FAQ  Fonds de solidarité pour les entreprises, 6 avril 2020, question n° 50, page 8.

([116]) Commission européenne, décision du 30 mars 2020, French Solidarity Fund ­ Scheme for enterprises in temporary difficulties due to COVID-19, sur l’instrument notifié le 25 mars 2020 sous le n° SA. 56823 COVID-19 ; Commission européenne, décision du 2 avril 2020, Fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de COVID-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, sur l’instrument notifié le 31 mars 2020 sous le n° SA. 56887 COVID-19-Modification au SA. 56823. Voir le communiqué de presse de la Commission pour une présentation de la position de celle-ci.

([117]) Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

([118]) Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

([119]) IATA, Deeper revenue hit from COVID-19, press realease n° 18, 24th of March 2020.

([120]) IATA, European airlines revenue losses mount, 26th of March 2020.

([121]) Loi n° 2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020.

([122]) Airports council international (ACI) Europe, Unprecedented impact of pandemic on European airports clear as March passenger, 9th of April 2020.

([123])  Loi n° 2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020 (LFR I pour 2020).

([124]) Présent PLFR, p. 44.

([125])  Loi n° 2001-692 organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

([126]) Projet annuel de performance du programme « Charge de la dette et de la trésorerie de l’État » annexé au PLF 2020, p. 30.

([127]) Présent PLFR, p. 47.

([128]) La recevabilité financière de cet amendement découle de l’application de la doctrine dite de « l’intention claire du Gouvernement ». Le lecteur pourra utilement se référer au rapport d’information n° 4546 de M. Gilles Carrez, La recevabilité des initiatives parlementaires, 22 février 2017, p. 55.

([129]) Ces crédits n’avaient pas pour objet d’être intégralement dépensés : la nature du CAS PFE est de fournir une évaluation de l’ordre de grandeur des acquisitions de participations financières dans certaines sociétés (côté dépenses) ou des cessions de participations (côté recettes). Cette présentation évaluative permet d’éviter de donner des informations au marché sur le programme de cession ou d’acquisition envisagé.

([130]) Les Échos, « Gérald Darmanin et Bruno Le Maire : le plan d'urgence révisé à 100 milliards d'euros », 9 avril 2020.

([131])  Exposé des motifs du présent PLFR pour la création du programme 358 Renforcement exceptionnel des participations financières de l’État dans le cadre de la crise sanitaire.

([132]) Il convient de noter que la description du programme 358 dans le PLFR 2 donne l’impression que les versements du budget général depuis ce programme vers le CAS PFE seront successifs, en fonction des opérations patrimoniales effectivement réalisées. L’état A annexé au présent PLFR indique bien qu’un seul versement, correspondant à la totalité des crédits ouverts sur le programme 358, soit 20 milliards d’euros, est effectué ex ante sur le CAS PFE. Dans le cas contraire, le CAS PFE connaîtrait un solde négatif de 22 milliards d’euros, puisqu’aucune recette ne pourrait encore être inscrite face aux crédits supplémentaires ouverts.

([133]) Notamment en ce qui concerne les primes liées à l’intéressement des salariés, exonérées d’impôt sur le revenu et non assujetties aux cotisations sociales.

([134])  Elle pouvait également être versée aux salariés des sociétés d’économie mixte dans lesquelles les collectivités territoriales ont une participation majoritaire, les salariés non statutaires des chambres de métiers, des chambres d’agriculture, ainsi que les salariés des établissements et services d'utilité agricole de ces chambres, les personnels des chambres de commerce et d’industrie, les fonctionnaires de France Télecom placés hors de la position d’activité dans leurs corps pour assurer les fonctions dans l’entreprise ou dans l’une de ses filiales et les salariés des entreprises de la branche professionnelle des industries électriques et gazières soumis au statut national du personnel des industries électriques et gazières.

([135])  Annexe 9, Fiches d’évaluations préalables des articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020.

([136]) Ibid.

([137])  M. Olivier Veran, rapport sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, tome II, Assemblée nationale, XVe législature, n° 2296, p. 52.

([138]) Instruction n° DSS/5B/2020/11 du 15 janvier 2020 relative à l'exonération de primes exceptionnelles prévue par l’article 7 de la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020.

([139]) Voir notamment l’instruction n° DSS/5B/2020/11 du 15 janvier 2020 relative à l'exonération de primes exceptionnelles prévue par l’article 7 de la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020.

([140]) Cons. constit., déc. n° 76-67 du 15 juillet 1976, Loi modifiant l'ordonnance n° 59-244 du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires

([141]) CE, 16 mai 1980, Chevry et autres

([142]) CE, Sect., 11 juillet 2001, Syndicat départemental CFDT de la direction départementale de l'équipement du Gard.

([143]) Pour une application récente, voir CE, 6 novembre 2019, n° 424391.

([144]) CE, 25 mars 1977, Association générale des attachés d'administration centrale.

([145]) Par exemple, CE, 15 décembre 2004, n° 261215, Chichery.

([146]) CJUE, 20 juin 2019, aff.C-72/18.

([147]) Sont toutefois exonérés d’impôt sur le revenu les remboursements de frais sur justification ainsi que les indemnités représentatives de frais instituées par des textes précisant que cette qualification entraîne une exonération fiscale, ainsi que les prestations familiales.

([148]) Liste de ces primes en annexe de l’instruction n° DGOS/RH4/2015/108 du 2 avril 2015 relative au régime indemnitaire applicable aux agents contractuels des établissements relevant de la fonction publique hospitalière.

([149]) Règlement (CE) n° 2223/96 du Conseil du 25 juin 1996 relatif au système européen des comptes nationaux et régionaux dans la Communauté, annexe A, chapitre 2, S.13, p. 56.

([150])  D’autres types d’assurances existent, comme l’assurance prospection, qui permet à un potentiel exportateur d’engager de premières démarches à l’exportation tout en étant couvert sur le risque commercial pesant sur ces démarches, ou l’assurance contre les risques de change.

([151]) Bpifrance Assurance Export propose également des offres d’assurance-crédit.

([152]) e du 1° de l’article L. 432-2 du code des assurances.

([153]) Cette liste exclut notamment les pays de l’Union européenne et les pays faisant l’objet de sanctions économiques. Elle est constituée des pays suivants : Angola, Azerbaïdjan, Bangladesh, Bénin, Comores, Éthiopie, Guinée, Guinée équatoriale, Kazakhstan, Koweït, Malaisie, Mongolie, Niger, Nigeria, Oman, Ouzbékistan et Panama.

([154]) Ce dispositif a été renforcé par l’article 21 de la loi n° 2009-431 du 20 avril 2009 de finances rectificative pour 2009, qui a créé le Fonds de sécurisation du crédit interentreprises – communément appelé CAP+ et également géré par la Caisse centrale de réassurance – chargé de « garantir, à titre onéreux (…), le risque de non-paiement des encours de crédit client qu'une entreprise a consentis à une petite et moyenne entreprise ou à une entreprise de taille intermédiaire » sur le territoire français. L’article 7 de la LFR 1 de 2020 a également redonné à la Caisse centrale de réassurance les moyens de réassurer les opérations d’assurance-crédit domestiques, en apportant la garantie de l’État sur ses opérations de réassurance à hauteur de 10 milliards d’euros.

([155]) La publication de l’ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020 a toutefois permis d’apporter une souplesse à l’application de ce cadre. En effet l'article 1er de l’ordonnance gèle au 12 mars 2020 l'appréciation de la situation des entreprises ou exploitations agricoles quant au choix de les juger en état de cessation des paiements – état qui doit conduire à l’ouverture d’une procédure collective. Cela signifie que l’aggravation des difficultés des entreprises postérieures au 12 mars et pendant la période correspondant à l'état d'urgence sanitaire majorée de trois mois, n’est pas prise en compte et ne conduit pas à un état de cessation des paiements. Il a été tiré de ce gel des situations des entreprises que celles dont les procédures collectives n’étaient pas closes pendant cette même période sont éligibles à la garantie de l’État.

([156]) À l’exception notable des règles de nature fiscale qui relèvent du domaine législatif.

([157]) Loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004.

([158])  Loi n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

([159]) Loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010, article 97 ; loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011, article 85 ; loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012, article 80 ; loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013, article 75 ; loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014, article 111 ; loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015, article 105 ; loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016, article 122 ; loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017, article 82.

([160]) Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances initiale pour 2019, article 213 ; loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 pour 2020, article 199.

([161]) Rapport financier 2018 de l’Unédic, p. 8.

([162]) L’amélioration de 1,6 milliard du solde financier entre 2017 et 2018 s’explique pour moitié par des effets de trésorerie, notamment liés à l’évolution de la périodicité des paiements de contribution depuis la mise en place de la Déclaration sociale nominative (DSN).

([163]) M. Joël Giraud, Assemblée nationale, tome III du rapport n° 2301 sur le projet de loi de finances pour 2020, octobre 2019, p. 589.

([164]) Voir la fiche 4 « Activité partielle » du présent rapport.

([165]) Unédic, « Continuité et maîtrise du pilotage de l’Assurance chômage, Repères sur les mesures covid-19 et leurs effets », 25 mars 2020 (lien).

([166]) Décret n° 2020-361 du 27 mars 2020 portant modification du décret n° 2019-797 du 26 juillet 2019 modifié relatif au régime d’assurance chômage.

([167]) Décret n° 2019-797 du 26 juillet 2019 relatif au régime d’assurance chômage.

([168]) Loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19.

([169]) Ordonnance n° 2020-324 du 25 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière de revenus de remplacement mentionnés à l’article L. 5421-2 du code du travail.

([170]) Décret n° 2020-425 du 14 avril 2020 portant mesures d’urgence en matière de revenus de remplacement mentionnés à l'article L. 5421-2 du code du travail.

([171]) Article 17 bis du décret  2019-797 du 26 juillet 2019 relatif au régime d’assurance chômage.

([172]) Unédic, Perspectives financières de l’assurance chômage, septembre 2019.

([173]) Note du 25 mars 2020 précitée.

([174]) Loi n° 99-209 organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie. Celle-ci prévoit un minimum de 55,5 % pour les provinces, ainsi qu’un minimum de 16,5 % et un maximum de 18 % pour les communes.

([175]) Le franc pacifique ou franc CFP a cours dans les collectivités françaises de l’océan Pacifique : Nouvelle-Calédonie, Polynésie française et Wallis-et-Futuna.

([176]) Chambre territoriale des comptes de Nouvelle-Calédonie, Nouvelle-Calédonie, Exercices 2012 et suivants, Rapport d’observations définitives, février 2018.

([177]) Budget primitif voté 2020 par le Congrès de Nouvelle-Calédonie.