N° 3012

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 mai 2020

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LA PROPOSITION DE LOI

visant à préciser le champ dapplication
des arrêtés de catastrophe naturelle et leur financement,

(n° 2893)

PAR M. Loïc PRUDHOMME

Député

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 Voir le numéro : 2893


SOMMAIRE

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Introduction

I. La couveRture des pertes dexploitation en cas dÉpidÉmie ou de pandÉmie : une large faille du systÈme assurantiel mise au jour par la crise du Covid-19

1. Les TPE et les PME, principales victimes économiques de la crise du Covid-19

2. Un risque ignoré ou sous-estimé par des dispositifs dassurance lacunaires ou inadaptés

a. Les entreprises affrontent la crise dans des situations contractuelles variées

b. L’interprétation restrictive des contrats par les compagnies d’assurances

c. Un contentieux qui ne fait que commencer

3. Le manque de solidarité des compagnies dassurances

4. Lenjeu de lévaluation globale des pertes dexploitation

5. Des gestes extracontractuels accordés sous la pression

II. La NÉcessitÉ de garantir une Couverture pÉrenne et Équitablement financÉe contre le risque DÉpidÉmie et de pandÉmie

1. Des objectifs consensuels

2. Des questions subsistent quant aux modalités du futur dispositif

a. Les réflexions en cours

b. Un arbitrage nécessaire entre différentes options

3. Les différents choix possibles

a. Le régime dindemnisation des effets des catastrophes naturelles

b. La gestion de lassurance et de la réassurance des risques attentats et actes de terrorisme

c. Le fonds national de gestion des risques en agriculture

4. Le dispositif proposé

a. Une couverture intégrée au régime dindemnisation des effets des catastrophes naturelles

b. Un financement qui exclut toute hausse des cotisations dassurance

AnnexeS

TRAVAUX DE LA COMMISSION

DISCUSSION GÉNÉRALE

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er [article L. 125-1 du code des assurances] Extension de la garantie contre les effets des catastrophes naturels

Article 2 [article 1er de la loi n° 82-600 du 13 juillet 1982 relative à lindemnisation des victimes de catastrophes naturelles] Extension du champ de lindemnisation des victimes de catastrophes naturelles

Article 3 [article 11 (nouveau) de la loi n° 82-600 du 13 juillet 1982 relative à lindemnisation des victimes de catastrophes naturelles] Rôle de la caisse centrale de réassurance et financement du dispositif

Article 4 Gage

Liste des personnes auditionnées par le rapporteur

 


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   Introduction

La proposition de loi qui fait l’objet de ce rapport s’inscrit dans le contexte très particulier de la crise liée à l’épidémie de Covid-19 et de ses graves conséquences sur l’activité économique. Cette crise a révélé une large faille dans le système assurantiel en matière de garantie contre les pertes d’exploitation dues à des mesures de confinement imposées par une autorité administrative.

De nombreuses voix se sont élevées pour appeler les compagnies d’assurances, peu touchées par les mesures de confinement et par l’effondrement de pans entiers de l’économie, à participer à la solidarité nationale, mais également pour instaurer un nouveau régime de garantie contre les pertes d’exploitation des entreprises induites par une épidémie ou une pandémie.

Il est grand temps que ces discussions, décisives pour les intérêts économiques des petites et moyennes entreprises et des très petites entreprises ainsi que pour l’emploi en France, puissent s’ouvrir au Parlement et déboucher sur des mesures concrètes.

C’est pourquoi il est proposé, dans cette proposition de loi, entre tous les scénarios possibles, un choix clair et pragmatique qui, quel que soit le sort réservé au texte, permettra sans aucun doute de faire avancer la réflexion.

 


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I.   La couveRture des pertes d’exploitation en cas d’ÉpidÉmie ou de pandÉmie : une large faille du systÈme assurantiel mise au jour par la crise du Covid-19

La crise liée à l’épidémie du Covid-19 a fait apparaître une large faille dans le système assurantiel, à savoir l’absence de couverture des pertes d’exploitation des entreprises résultant d’une épidémie ou d’une pandémie.

1.   Les TPE et les PME, principales victimes économiques de la crise du Covid-19

La crise du Covid-19 et les mesures de confinement décidées le 14 mars 2020 ont contraint de nombreuses entreprises à arrêter tout ou partie de leur activité. Ces conditions économiques très dégradées ont entraîné, pour nombre d’entre elles, une forte baisse de leur chiffre d’affaires.

La crise a particulièrement affecté les petites et moyennes entreprises (PME), les très petites entreprises (TPE), certains indépendants et les micro‑entrepreneurs, qui disposent souvent d’une trésorerie limitée. En moyenne, une TPE dispose, par exemple, de trente-cinq jours de trésorerie.

Parmi les secteurs les plus touchés figurent notamment le commerce et l’artisanat, le secteur de l’hôtellerie et de la restauration ainsi que, plus largement, le tourisme.

2.   Un risque ignoré ou sous-estimé par des dispositifs d’assurance lacunaires ou inadaptés

La couverture assurantielle des pertes d’exploitation résultant de la crise du Covid-19 fait l’objet d’une importante controverse. Face à la crise, de nombreuses entreprises se sont tournées vers leur assureur afin d’obtenir la compensation des pertes d’exploitation subies du fait des mesures de confinement. Peu d’entre elles ont obtenu gain de cause.

a.   Les entreprises affrontent la crise dans des situations contractuelles variées

Si toutes les entreprises ont l’obligation de souscrire une assurance multirisques professionnels, les protégeant contre d’éventuels dommages matériels (incendie, vol ou encore bris de machine), la garantie contre les pertes d’exploitation résultant de ces dommages n’est qu’une extension optionnelle du contrat de base. Avant la crise, on estimait qu’environ la moitié des entreprises avaient souscrit une garantie contre les pertes d’exploitation.

Parmi les entreprises ayant souscrit une garantie contre les pertes d’exploitation, on trouve trois types de situation :

– la première situation concerne les contrats qui excluaient explicitement le risque d’épidémie ou de pandémie, lesquels ne peuvent donc pas donner lieu à une indemnisation des pertes d’exploitation résultant de la crise du Covid-19 ;

– la deuxième situation se rapporte aux contrats qui incluaient manifestement le risque de pandémie, ou qui oubliaient de l’exclure, lesquels doivent donner lieu à une indemnisation ;

– la troisième situation, probablement la plus nombreuse, englobe tous les contrats qui comportaient des clauses ambiguës pouvant donner lieu à différentes interprétations et donc faire l’objet de contestations.

b.   L’interprétation restrictive des contrats par les compagnies d’assurances

Les compagnies d’assurances ont adopté une interprétation restrictive des contrats, excluant toute couverture des pertes d’exploitation résultant de la crise du Covid-19. Elles ont engagé une épreuve de force devant les tribunaux et dans les médias en s’appuyant sur des arguments de nature contractuelle mais aussi sur des arguments de principe :

– selon les assureurs, les contrats garantissent, dans l’immense majorité des cas, contre les pertes d’exploitation résultant de dommages matériels, et non contre les pertes sans dommage auxquelles sont confrontées les entreprises en raison des mesures de confinement ;

– si certains contrats d’assurance garantissaient contre les pertes dues à une fermeture administrative pour cause sanitaire, il n’a jamais été question de couvrir les pertes dues à une pandémie mondiale, mais uniquement celles résultant de phénomènes plus localisés (par exemple, une infection à la salmonelle dans un restaurant) ;

– le principe assurantiel ne peut s’appliquer en cas de risque systémique, c’est-à-dire qui affecte tout le monde de manière simultanée ;

– aucune cotisation d’assurance n’a été prélevée pour financer l’indemnisation des pertes d’exploitation résultant d’une pandémie mondiale ;

– les pertes d’exploitation induites par deux mois de confinement, estimées à 60 milliards d’euros, seraient bien trop importantes pour pouvoir être indemnisées sans mettre en danger la viabilité des assureurs.

Cette interprétation restrictive a été soutenue par la présidente de la Fédération française de l’assurance (FFA) lors de son audition devant la commission des finances de l’Assemblée nationale, le 15 avril 2020.

L’attitude des compagnies d’assurances n’est pas sans conséquences. Elle pourrait conduire certaines entreprises qui bénéficiaient jusqu’ici d’une garantie contre les pertes d’exploitation à renoncer à cette couverture au motif qu’elle se révèle inefficace dans les faits.

c.   Un contentieux qui ne fait que commencer

Le 22 mai 2020, le tribunal de commerce de Paris, saisi en référé, a condamné l’assureur AXA à indemniser les pertes d’exploitation d’un restaurateur. AXA a fait appel de cette décision.

Le contentieux lié aux refus des compagnies d’assurances d’indemniser les pertes d’exploitation résultant de la crise ne fait que commencer. Il reviendra à la justice de dire qui des entreprises ou des assureurs a l’interprétation la plus conforme. À l’évidence, il est dans l’intérêt des compagnies d’assurances d’aller au contentieux, qui nécessite du temps et des moyens, ce dont toutes les entreprises ne disposent pas.

3.   Le manque de solidarité des compagnies d’assurances

Au-delà des débats juridiques et contractuels inhérents au fonctionnement du système assurantiel, on peut légitimement contester les arguments avancés par les compagnies d’assurances, dont la santé financière est loin d’être mauvaise.

Malgré l’offensive médiatique menée par les grandes compagnies d’assurances, tout le monde peut constater les montants considérables des bénéfices et des dividendes distribués par certaines d’entre elles ces dernières années. Ainsi, selon les informations publiées par l’Agence France Presse le 6 mars 2020, les bénéfices des entreprises du CAC 40, dans le secteur des banques et assurances, ont atteint 20,1 milliards d’euros en 2019.

Le manque de solidarité des compagnies d’assurances est d’autant plus frappant que, malgré l’appel de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) aux organismes d’assurance sous sa supervision à s’abstenir de distribuer un dividende en 2020 ([1]), certaines de ces compagnies n’ont pas renoncé au versement de dividendes et préféré remettre à plus tard leur décision en la matière.

4.   L’enjeu de l’évaluation globale des pertes d’exploitation

En outre, l’estimation globale des pertes d’exploitation induites par la crise du Covid-19 est loin d’être évidente.

La FFA a très vite avancé le chiffre de 60 milliards d’euros, sans réellement préciser le périmètre et l’intervalle de temps considérés. On peut légitimement douter que cette estimation soit le résultat d’une étude statistique rigoureuse. À l’évidence, l’idée est d’impressionner, en suggérant que les sociétés d’assurance seraient condamnées à la faillite si elles devaient indemniser les pertes dues par la crise actuelle.

La difficulté à obtenir une estimation incontestable transparaît à un autre niveau, celui des pertes du secteur des cafés, hôtels, restaurants et établissements de nuit (CHRD), évaluées entre 7,3 et 9,3 milliards d’euros par une étude commandée par Bercy à BPI France, contre 4 milliards d’euros selon la FFA ([2]).

En tout état de cause, le coût final de la crise ne sera connu qu’a posteriori. Pour de nombreuses entreprises, il sera alors trop tard.

5.   Des gestes extracontractuels accordés sous la pression

Sous la pression de l’opinion publique, les compagnies d’assurances ont été contraintes de réagir. Elles l’ont fait au moyen de mesures extracontractuelles.

À ce jour, les 3,2 milliards d’euros d’aides exceptionnelles revendiquées par les compagnies d’assurances se répartissent entre :

– une contribution de 400 millions d’euros au fonds de solidarité pour les TPE, les indépendants et les micro-entrepreneurs ;

– un programme d’investissements de 1,5 milliard d’euros destiné à soutenir les fonds propres des PME et des entreprises de taille intermédiaire ;

– des mesures d’aide en faveur du secteur de la santé, dont les modalités restent encore à préciser.

Par ailleurs, certaines compagnies d’assurances ont décidé, en ordre dispersé, d’accorder des mesures de compensation extracontractuelles à leurs assurés ou, s’agissant des assureurs mutualistes, à leurs sociétaires.

Il convient de souligner que ces mesures, prises sous la pression et dont certaines s’apparentent à de simples gestes commerciaux, ne sont pas à la hauteur de la situation et que les montants engagés sont faibles au regard des capacités financières des compagnies d’assurances.


— 1 —

II.   La NÉcessitÉ de garantir une Couverture pÉrenne et Équitablement financÉe contre le risque D’ÉpidÉmie et de pandÉmie

Contrairement aux crises ayant eu lieu ces vingt dernières années ([3]), qui ont été ignorées, il faut que la crise du Covid-19 donne lieu à une réaction forte. Face à la multiplication des phénomènes pandémiques, souvent liés à la destruction massive des écosystèmes, il est désormais indispensable de réfléchir à la mise en place, pour l’avenir, d’un système de garantie contre les pertes d’exploitation dues aux épidémies.

1.   Des objectifs consensuels

La mise en place d’une garantie contre les pertes d’exploitation en cas d’épidémie ou de pandémie semble faire l’objet d’un large consensus. Elle répond à une demande largement répandue dans le monde de l’entreprise. La FFA elle‑même est prête à envisager de possibles évolutions.

De fait, la proposition de loi qui fait l’objet de ce rapport n’est qu’une des propositions déposées en ce sens à l’Assemblée nationale ou au Sénat depuis le début de la crise.

Le 22 avril 2020, le ministère de l’économie et des finances, a installé un groupe de travail sur le développement d’une couverture assurantielle des évènements exceptionnels, tels que les pandémies, en faveur des entreprises. Il convient de saluer la mise en place de ce groupe de travail, mais il faut aussi regretter qu’il n’associe pas toutes les oppositions représentées au Parlement, qu’il ne permette pas l’expression des associations de consommateurs et d’usagers et qu’il ne donne pas lieu à l’instauration d’un véritable dialogue entre les entreprises et les compagnies d’assurances.

Les objectifs poursuivis sont clairs. Il s’agit de mutualiser le risque de pertes d’exploitation en cas d’épidémie ou de pandémie, en clarifiant une situation juridique aujourd’hui instable et en garantissant une véritable solidarité entre les entreprises.

Le nouveau dispositif devra ainsi permettre de limiter les dégâts économiques et sociaux subis par les PME, les TPE, les indépendants et les micro‑entrepreneurs, qui sont largement pourvoyeurs d’emplois en France et qui en outre pratiquent des activités non délocalisables.

Toutefois, des questions subsistent sur les modalités de mise en œuvre d’un tel dispositif.

2.   Des questions subsistent quant aux modalités du futur dispositif

L’élaboration d’un système de garantie contre les pertes d’exploitation induites par les épidémies et les pandémies pose plusieurs difficultés.

a.   Les réflexions en cours

Le groupe de travail installé par le ministère de l’économie et des finances travaille sur quatre questions clés, qui sont dépendantes les unes des autres :

– Quels seraient les événements qui entraîneraient le déclenchement du dispositif et selon quels seuils ?

– Quelles seraient les entreprises concernées : toutes les entreprises ou uniquement les petites structures, c’est-à-dire les plus fragiles du point de vue de leur trésorerie ?

– Quel serait le degré de contrainte du futur dispositif : obligatoire dans tous les cas, optionnel, ou encore sous la forme d’une extension obligatoire d’un contrat de base facultatif ?

– Quel financement permettrait d’en assurer la solvabilité ? Afin d’éviter une hausse insupportable des primes d’assurance payées par les personnes physiques et morales, une participation de l’État s’impose, mais sous quelle forme et à quel niveau ?

b.   Un arbitrage nécessaire entre différentes options

Les réflexions en cours se heurtent également à d’autres difficultés.

Pour être efficace, le futur dispositif doit pouvoir être déclenché rapidement, afin de couvrir les pertes des entreprises avant qu’il ne soit trop tard. Or, la couverture des pertes d’exploitation nécessite souvent le recours à des expertises pour chiffrer le montant des pertes, ce qui ralentit l’indemnisation. Pour éviter cet écueil, une possibilité serait de se limiter à une compensation forfaitaire, calculée par exemple comme un pourcentage du chiffre d’affaires, qui ne couvrirait pas l’ensemble des pertes mais permettrait à l’entreprise de survivre à la crise. Dans l’idéal, le dispositif pourrait toutefois concilier une part compensatoire versée immédiatement et une part indemnitaire régularisée a posteriori.

Une autre difficulté réside dans l’absence de modélisation du risque épidémique ou pandémique. Contrairement à d’autres risques, y compris le risque de catastrophes naturelles, pour lesquels de nombreuses données ont été collectées depuis plusieurs décennies, aucune donnée n’est disponible pour alimenter des calculs actuariels en matière de catastrophes sanitaires. La crise du Covid-19 a conduit à démarrer différentes réflexions dans ce domaine, mais il faudra du temps pour sortir des incertitudes actuelles et se forger une réelle expérience.

Enfin, se pose la question de la fréquence à laquelle doivent intervenir les épidémies et les pandémies d’une ampleur telle qu’elles nécessiteraient une garantie particulière : tous les vingt ans ? Tous les trente ans ? Tous les cinquante ou encore tous les cent ans ? Là encore, aucune certitude n’existe.

Or, la légitimité des dispositifs assurantiels dépend en partie de la fréquence avec laquelle il y est fait recours. De ce point de vue, le coût que pourrait représenter une garantie contre les pertes dues aux épidémies et aux pandémies sera d’autant plus supportable que les bénéfices en seront visibles, et donc réguliers.

3.   Les différents choix possibles

En fonction des réponses données aux différentes questions et difficultés que pose la mise en place d’une garantie contre les risques d’épidémie et de pandémie, différentes solutions sont possibles, ayant chacune ses avantages et ses inconvénients.

Une première solution serait de mettre en place un système totalement nouveau avec des caractéristiques inédites adaptées à la couverture recherchée. Cette idée, qui peut paraître séduisante, s’accompagne toutefois de grandes incertitudes, notamment en ce qui concerne l’efficacité du futur régime, le niveau de garantie qu’il permettrait d’offrir, ses modalités de financement qui devraient rester supportables et la nécessité que sa légitimité soit reconnue.

Une autre possibilité consisterait à s’inspirer des dispositifs assurantiels exceptionnels qui existent déjà, à commencer par le régime d’indemnisation des effets des catastrophes naturelles.

a.   Le régime d’indemnisation des effets des catastrophes naturelles

Le régime d’indemnisation des effets des catastrophes naturelles, instauré en 1982, couvre un risque jusqu’alors considéré comme inassurable, comme l’est aujourd’hui le risque d’épidémie ou de pandémie.

Ce régime indemnise les particuliers et les entreprises pour les dommages matériels directs et, le cas échéant, les pertes d’exploitation consécutives aux dommages matériels en cas d’inondation, de sécheresse, de mouvements de terrain, de séismes, d’éruption volcanique, de tsunami ou encore d’avalanche. Les vents cycloniques ne sont inclus qu’au-delà de certains seuils. La neige, la grêle et le gel relèvent de garanties optionnelles.

L’assurance catastrophes naturelles est une extension de garantie obligatoire pour tous les contrats d’assurance dommages particuliers et professionnels et, le cas échéant, pour les contrats d’assurance pertes d’exploitation (qui sont eux-mêmes optionnels).

Le régime donne lieu au paiement d’une prime additionnelle sur tous les contrats d’assurance dommages dont le taux, qui est fixé par voie réglementaire, dépend de la nature des contrats. Actuellement, la surprime s’élève à 6 % des cotisations d’assurance relatives aux garanties contre les dommages causés aux véhicules terrestres à moteur et 12 % des cotisations d’assurance afférentes aux garanties dommages aux biens autres que les véhicules (biens immeubles). Le montant total de cette surprime s’est élevé à 1,6 milliard en 2018 ([4]).

Le régime repose par ailleurs sur la réassurance proposée aux assureurs par la Caisse centrale de réassurance (CCR), qui bénéficie elle-même d’une garantie illimitée de l’État. En 2020, la CCR peut faire face à une sinistralité liée aux catastrophes naturelles de 4,5 milliards d’euros sans faire appel à la garantie de l’État ([5]).

Incontestablement, le régime d’indemnisation des effets des catastrophes naturelles fonctionne de manière satisfaisante. Il permet d’indemniser les dommages et pertes d’exploitation à un coût supportable pour les assurés (le coût de la surprime est lissé sur tous les contrats d’assurance, quelle que soit l’exposition au risque) et pour l’État (la CCR n’a eu recours à la garantie de l’État qu’une seule fois en trente‑huit ans, lors de la tempête de 1999).

On peut légitimement se demander si le régime d’indemnisation des effets des catastrophes naturelles, définies comme des phénomènes faisant intervenir un agent naturel d’une intensité anormale, ne pourrait pas déjà couvrir les risques d’épidémie et de pandémie. Toutefois, en l’état actuel du droit, la garantie ne couvre que les dommages matériels et les pertes d’exploitation résultant de dommages matériels, excluant de fait les pertes d’exploitation sans dommage telles que celles qui résultent des mesures de confinement.

b.   La gestion de l’assurance et de la réassurance des risques attentats et actes de terrorisme

Créé en 2002, à la suite des attentats du 11 septembre 2001, l’organisme de gestion de l’assurance et de la réassurance des risques attentats et actes de terrorisme (GAREAT) est un groupement d’intérêt économique à but non lucratif qui gère l’assurance et la réassurance contre les risques de dommages et de pertes d’exploitation causés par un attentat ou un acte de terrorisme.

Le GAREAT n’est lui-même ni assureur ni réassureur. Les sociétés d’assurance qui proposent de couvrir les risques attentats et actes de terrorisme cèdent la gestion de ces risques au GAREAT et profitent en retour du soutien de l’État, qui accorde au GAREAT une garantie illimitée par le biais de la CCR, ainsi que de réassureurs internationaux.

Le GAREAT est composé de deux sections, l’une qui gère les grands risques (ceux dont les capitaux assurés sont supérieurs à 20 millions d’euros) et l’autre qui gère les risques petits et moyens. Les sociétés d’assurance ont l’obligation d’adhérer à la première section, mais la seconde reste optionnelle.

S’agissant de la création d’une garantie contre les pertes liées aux épidémies et aux pandémies, il pourrait être judicieux de créer une structure analogue au GAREAT, qui serait plus adaptée à la couverture des pertes d’exploitation sans dommage.

c.   Le fonds national de gestion des risques en agriculture

Une autre voie consisterait à s’inspirer du fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA), créé en 2010, qui finance l’indemnisation des calamités agricoles et des pertes économiques liées à l’apparition d’un foyer de maladie animale ou végétale ou à un incident environnemental.

L’originalité du FNGRA réside dans son financement, qui repose à la fois sur des contributions additionnelles prélevées sur les cotisations d’assurance couvrant les dommages relatifs aux bâtiments, au cheptel et aux véhicules agricoles, et sur une subvention de l’État inscrite sur les crédits de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales.

4.   Le dispositif proposé

Il est grand temps que la discussion sur la création d’un régime de garantie contre les pertes d’exploitation induites par les épidémies et les pandémies puisse s’ouvrir au Parlement.

Dans cette perspective, la proposition de loi qui fait l’objet de ce rapport opère, entre tous les scénarios possibles, un choix clair et pragmatique.

Elle écarte la création d’un nouveau régime spécifique aux risques d’épidémie et de pandémie, pour une raison simple : la trop faible fréquence avec laquelle il serait recouru au dispositif d’indemnisation réduirait grandement sa légitimité et conduirait à privilégier une couverture optionnelle à laquelle peu d’entreprises souscriraient.

Pour éviter cet écueil, le texte prévoit d’intégrer la garantie contre les pertes d’exploitation résultant des épidémies et des pandémies dans le régime d’indemnisation des effets des catastrophes naturelles.

a.   Une couverture intégrée au régime d’indemnisation des effets des catastrophes naturelles

La proposition de loi prévoit de modifier le régime existant en y intégrant, en cas d’épidémie ou de pandémie, une garantie contre les pertes d’exploitation sans dommage, en particulier celles qui résulteraient de l’impossibilité de se déplacer librement du fait des mesures de confinement partiel ou total imposées par une autorité administrative.

Cette évolution présenterait plusieurs avantages incontestables et permettrait notamment :

– de s’appuyer sur le régime existant, qui a largement fait ses preuves depuis 1982 et dont le coût est supportable pour les assurés ;

– de faire jouer les mécanismes de réassurance auprès de la CCR ainsi que la garantie illimitée de l’État, qui bénéficieront aux risques d’épidémie et de pandémie au même titre qu’au risque de catastrophe naturelle ;

– de mutualiser les moyens en créant une « cagnotte » commune qui servirait à la fois en cas de catastrophe naturelle et d’épidémie ou de pandémie, de manière alternative.

En tout état de cause, les catastrophes naturelles étant de plus en plus fréquentes en raison du changement climatique, le régime d’indemnisation des effets des catastrophes naturelles pourrait nécessiter une réforme dans les prochaines années. Il semble pertinent de profiter de cette occasion pour y intégrer les risques d’épidémie et de pandémie qui, comme le changement climatique, sont favorisées par la destruction par l’homme des écosystèmes. Ce serait aussi une opportunité pour trouver de nouvelles sources de financement de ce régime.

b.   Un financement qui exclut toute hausse des cotisations d’assurance

S’agissant du financement, la proposition de loi repose sur deux principes clairs. D’une part, afin d’éviter toute hausse des primes d’assurance supportées par les assurés, elle prévoit d’inscrire dans la loi le taux des surprimes jusqu’ici fixé par voie réglementaire.

D’autre part, pour ne pas déséquilibrer le régime existant et contribuer au financement des nouveaux risques d’épidémie et de pandémie, la proposition de loi instaure une nouvelle taxation sur les dividendes, stock-options et autres résultats exceptionnels versés aux actionnaires par les compagnies d’assurances. Une telle mesure se justifie par le fait que ces sommes issues des cotisations des assurés échappent à ce qui devrait être leur destination, à savoir la couverture des risques. Elle permet aussi de ne pas reporter l’intégralité des surcoûts sur l’État, susceptible d’intervenir en dernier recours.

Il est difficile d’estimer a priori combien pourrait rapporter une telle taxation. Néanmoins, rien qu’en comptant les dividendes des sociétés du CAC 40 exerçant des activités dans le secteur de l’assurance versés en 2019 ([6]), elle pourrait rapporter entre 1,1 et 1,2 milliard d’euros par an. Ainsi sur vingt ans, durée qui constitue la fréquence minimale à envisager entre deux épidémies ou pandémies de grande ampleur, et en prenant les estimations les plus modestes, la taxation rapporterait ainsi près de 24 milliards d’euros.

S’agissant des entreprises multinationales du secteur de l'assurance, leur opacité ne permet pas aujourd'hui de détailler la part des dividendes relative à une activité en France. Néanmoins au regard des dividendes totaux versés par celles‑ci des dernières années, il s'agit potentiellement d'une assiette de plusieurs milliards d'euros.

 

 


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   AnnexeS

Annexe 1 : Le fonctionnement du régime d’indemnisation des effets des catastrophes naturelles tel qu’il existe aujourd’hui


Source : Cazaux, Meur-Ferec, Peinturier, 2018.

 

Annexe 2 : Le fonctionnement du régime d’indemnisation des effets des catastrophes naturelles ainsi que des épidémies et pandémies tel qu’il résulterait de la proposition de loi



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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

DISCUSSION GÉNÉRALE

Au cours de sa séance du 27 mai 2020, la commission a examiné la proposition de loi.

M. Loïc Prud’homme, rapporteur. Dès le début du confinement, j’avais proposé que le Gouvernement s’empare de cette question, notamment pour classer la pandémie en catastrophe naturelle, avant que même les questions assurantielles ne fassent l’objet de discussions. Cette proposition de loi est l’occasion de discuter d’un sujet qui fait l’actualité.

La crise sanitaire a fait apparaître des failles dans le système assurantiel, notamment dans la couverture des pertes d’exploitation des entreprises – très petites entreprises (TPE), petites et moyennes entreprises (PME), entreprises de taille intermédiaire (ETI) –, ainsi que des indépendants, qui se trouvent dépourvus face à ce type de risques.

Le contentieux ne fait que commencer : vendredi, le tribunal de commerce de Paris, saisi en référé, a condamné l’assureur AXA à indemniser les pertes d’exploitation d’un restaurateur. La compagnie a fait appel de la décision.

Cette proposition de loi vise à clarifier une situation juridique que l’on pourrait qualifier d’instable ou de floue. Outre la décision du tribunal de commerce de Paris, de nombreux représentants professionnels, notamment l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie, en ont fait état. Cette instabilité tient aussi au fait que les contrats comportent une large part d’incertitude.

Ce texte a aussi une vocation plus politique, que j’assume, celle de débloquer la situation actuelle, en pesant sur le monde de l’assurance pour qu’il regarde plus attentivement comment indemniser justement des milliers de TPE et de PME menacées de disparition, qui se jugent abandonnées par leurs assureurs alors qu’elles ont cotisé pendant de nombreuses années.

La France insoumise n’est pas le seul groupe à s’intéresser à cette question. Plusieurs propositions de loi, dont celle du président Woerth, ont été déposées ces dernières semaines, qui tendent à montrer que le Parlement doit se saisir de ce sujet et examiner comment régler ces questions. Quel que soit le sort que vous réserverez à ma proposition de loi, dont j’espère que la qualité et la pertinence vous convaincront, il s’agit à mes yeux d’une question essentielle et nous devons nous attacher à déboucher sur une réalisation concrète.

Pour dresser un panorama du risque de pandémie, qui a été sinon ignoré du moins sous-estimé, il faut remonter aux alertes du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), de la grippe H1N1 ou du syndrome respiratoire du Moyen-Orient lié à un coronavirus (MERS-COV). Le milieu de l’assurance, notamment, les a ignorés dans les deux décennies précédentes. Or les deux exemples que je viens de citer montrent qu’il s’agit bien d’un risque récurrent, qui n’a rien d’improbable, et la longueur de la période au cours de laquelle il peut survenir n’est pas à ce point démesurée qu’elle en ferait un risque inassurable, par manque de données statistiques probantes.

Rappelons que le risque de catastrophe naturelle avait été lui aussi pendant longtemps qualifié d’inassurable par les assureurs, jusqu’à ce que le dispositif assurantiel relatif aux catastrophes naturelles (CATNAT) ne soit instauré en 1982. La notion d’inassurabilité est très fluctuante : il suffit que l’on décide qu’un risque est assurable pour trouver des solutions pour l’assurer.

Les actuaires disposent de peu de données en raison du manque affligeant sinon désespérant de statistiques sur ces épidémies, également lié à la faiblesse de la recherche publique sur ces questions. Ils doivent pourtant se fonder sur des données « dures » pour parler de probabilités de retour ou de risques. Or ce volet est inexistant.

Les TPE et les PME, notamment l’hôtellerie, la restauration, le commerce, l’artisanat, ont été les premières victimes de ces problématiques. Or ce tissu économique fait la richesse de nos territoires, et surtout pourvoit de nombreux emplois, qui ne sont pas délocalisables.

S’agissant des dispositifs d’assurance actuels, le régime CATNAT couvre le risque de perte d’exploitation en cas de dommages, bien qu’il y ait des discussions juridiques sur l’interprétation des textes. Ce risque fait l’objet d’une cotisation et d’une couverture optionnelles, mais seulement une PME sur deux y souscrit. En revanche, le risque « non-dommage », lié à des problèmes sanitaires ou de fermeture administrative, est très peu couvert. Et lorsqu’il l’est, la garantie est ambiguë et pose des problèmes d’interprétation.

Sur ces registres, les compagnies d’assurances sont immédiatement montées au créneau médiatique, soutenant que ces risques n’étaient pas couverts, car elles sentaient que ce flou pouvait être interprété différemment. La décision de justice de la semaine dernière montre qu’il existe bien une marge d’interprétation.

L’autre enjeu a été de savoir à combien pourraient s’élever les pertes d’exploitation. C’était à qui lançait le chiffre le plus effrayant pour conclure que le risque ne pouvait pas être assuré ni assurable… La Fédération française de l’assurance (FFA) a avancé 50 à 60 milliards d’euros de pertes d’exploitation afin de faire peur à tout le monde et de couper court à la discussion. Cette évaluation doit être rapprochée du chiffre d’affaires du secteur en France : 210 milliards, dont 100 milliards pour AXA, 130 milliards pour Allianz, 70 milliards pour Generali.

Des études demandées par Bercy à Bpifrance sur le secteur des cafés, hôtels, restaurants et discothèques ont estimé que les pertes d’exploitation atteindraient 7,8 à 9 milliards selon les scénarios de reprise d’activité, alors que la FFA fait état de montants proches de 4 milliards. Là encore, les interprétations divergent.

D’autres chiffres peuvent être mentionnés : quand les assureurs prétendent que la couverture des pertes d’exploitation peut les mettre en grave difficulté financière, il est question d’une dizaine de milliards d’euros. Or les cinq plus grosses compagnies d’assurances versent chacune entre 3,5 et 4 milliards de dividendes par an, soit près de 20 milliards au total : cela aussi pourrait être de nature à affecter leur solidité financière…

Pour faire face à cette situation à laquelle nos commerçants, nos artisans, nos restaurateurs, nos hôteliers, et plus généralement les entreprises de notre pays, notamment les plus petites, sont confrontés, plusieurs solutions sont envisageables. La proposition de loi prévoit une extension de la garantie CATNAT, en précisant qu’elle pourrait s’ouvrir à des pertes d’exploitation, y compris sans dommage matériel. On pourrait aussi définir une couverture particulière d’un risque de catastrophe sanitaire, et lui affecter un risque optionnel dans des contrats d’assurance ; c’est un peu le sens de l’amendement du groupe Socialistes et apparentés, sur lequel nous reviendrons. Autre option, la création d’une structure analogue au groupement d’intérêt économique de gestion de l’assurance et de la réassurance des risques attentats et actes de terrorisme (GAREAT), et l’extension de sa couverture au risque sanitaire.

Quels que soient les dispositifs retenus, vos prises de position font du moins apparaître un consensus sur les objectifs : il s’agit d’abord de limiter les dégâts économiques et sociaux subis par les PME et les TPE.

Deuxième objectif : mutualiser le risque en garantissant une solidarité véritable entre les entreprises, qui devrait être l’essence même du métier d’assureur. Or force est de constater une dérive : certains assureurs vendent des contrats d’assurance comme d’autres des boutons de chemise. Cela pose un problème presque philosophique, celui de savoir comment on conçoit la solidarité et le rôle de l’assurance en la matière.

Troisième objectif : offrir des garanties claires pour éviter que les contrats ne soient interprétés au bénéfice de ceux qui ont les meilleurs juristes, afin qu’ils n’aient pas à couvrir les risques.

Enfin, il faut se pencher sur les mécanismes de réassurance, qui concernent tous les risques et toutes les assurances. Le dispositif CATNAT est ainsi couvert par la Caisse centrale de réassurance (CCR), elle-même couverte en dernier recours par une garantie illimitée de l’État. Ce sont précisément ces mécanismes à plusieurs étages qui permettent de rendre assurable un risque jusqu’alors réputé inassurable.

Le mécanisme proposé vise à élargir la notion de catastrophe naturelle aux pandémies et aux épidémies. Cela semble une voie intéressante, puisque le dispositif CATNAT existe d’ores et déjà et dispose d’un mécanisme de réassurance pertinent. Reste à définir une assiette pour financer les conséquences de ces pandémies à la hauteur du risque estimé. Il s’agit de conserver cette mécanique à deux étages, avec la CCR, opérateur institutionnel propriété de l’État, et une garantie illimitée de l’État.

Cet élargissement ne doit toutefois pas passer par un nouvel appel de cotisation qui viendrait s’ajouter à l’actuelle surprime de 12 %. Faire peser de nouvelles charges sur les assurés ne peut être la seule voie – nous pourrons en discuter. Aussi la proposition de loi prévoit-elle que l’extension de garantie soit aussi financée par une taxation des dividendes, des stock-options et des résultats exceptionnels versés aux actionnaires par les sociétés d’assurance.

Ce mécanisme outrepasse le principe de la couverture du risque par les seules primes d’assurance. Nous devons examiner sans a priori ni tabou la façon dont nous pouvons garantir ce risque inédit, collectivement, avec les compagnies d’assurances. Le dispositif se justifie par le fait que les sommes que les compagnies d’assurances versent à leurs actionnaires ne mettent pas en péril leur équilibre financier ; celles-ci doivent revenir à leur destination et au cœur du métier d’assureur, qui consiste à mutualiser un risque pour indemniser quelques-uns d’entre nous lorsque celui-ci survient et qu’il faut faire jouer la garantie. Ces sommes ne doivent pas échapper à la garantie des risques que nous avons à assurer dans le futur.

M. le président Éric Woerth. La proposition de loi que j’avais déposée, avec Damien Abad et Christian Jacob, était de nature différente, même si l’objectif était le même : nous proposions la création d’un nouveau risque – et pas par le biais d’un arrêté, car les sommes en jeu sont considérables : le risque est également systémique pour les assureurs eux-mêmes. C’est donc un enjeu particulièrement lourd.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je vous remercie pour cette proposition de loi, qui porte sur un sujet que les deux derniers projets de loi de finances rectificative ont abondamment traité, même si j’entends que votre réflexion était antérieure. Elle n’en garde pas moins toute son actualité.

Dans les derniers collectifs budgétaires votés, nous avons suivi de très près l’activité des compagnies d’assurances. La représentation nationale a quasi unanimement souhaité que les compagnies d’assurances s’impliquent plus massivement et couvrent bien mieux les pertes d’exploitation des entreprises, tout en comprenant qu’à ce stade, les contrats ne permettaient pas une indemnisation à la hauteur des espérances. Avec le Gouvernement, nous avons demandé aux compagnies d’assurances de s’impliquer davantage.

Des évolutions notables ont été constatées, avec un engagement de plus de 3 milliards d’euros, soit par le Fonds de solidarité, soit par des investissements dans des fonds permettant le développement de PME, soit par d’autres types de soutien.

À l’issue du deuxième PLFR, nous avons finalement décidé de ne pas voter de taxation supplémentaire des compagnies d’assurances, moyennant un suivi strict de leur engagement pour soutenir le tissu économique dans son ensemble. Dans le même temps, par un amendement du président Woerth, nous avons décidé d’amorcer une réflexion sur la possible création d’un nouveau risque, celui de catastrophe sanitaire. Pourquoi avez-vous préféré intégrer la pandémie dans le régime CATNAT ? Ce choix mérite d’être discuté.

Vous proposez de conférer à la CCR un monopole exclusif, dans un secteur très concurrentiel. En avez-vous vérifié la faisabilité juridique ? Si la garantie d’État de la CCR a été jugée compatible avec le droit européen, en ira-t-il de même pour votre proposition ?

Par ailleurs, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) a appelé les compagnies d’assurances à une gestion prudente de leurs fonds. Avez-vous pris en compte cette demande ?

Enfin, comment articulez-vous votre proposition de loi avec la récente décision du tribunal de commerce de Paris, qui a enjoint AXA à indemniser les pertes d’exploitation d’un restaurateur, indépendamment du risque sanitaire, au motif que le contrat n’excluait pas la fermeture administrative ? Il peut s’agir d’une entrée intéressante, afin d’amener les compagnies d’assurances à jouer davantage leur rôle dans cette crise.

En tout état de cause, nous sommes plusieurs à partager la philosophie que vous exprimez. En cela, la discussion de votre proposition de loi est intéressante.

M. Michel Lauzzana. Cette crise d’une ampleur inédite impose la solidarité à tous – entreprises, collectivités territoires, compagnies d’assurances. M. Saint-Martin l’a dit, cette proposition de loi ne peut pas revenir sur les contrats en cours d’exécution ; c’est donc un texte en réponse à l’après-crise que nous examinons.

Votre proposition de loi ne nous semble pas totalement satisfaisante. Pour commencer, le Gouvernement et le groupe La République en marche ont pris des mesures plus efficaces, dans l’urgence comme à long terme. Nous avons sollicité la solidarité des grandes entreprises, des banques, des organisations professionnelles, en particulier des entreprises du secteur de l’assurance, pour établir un état des lieux des efforts consentis.

Lorsque les compagnies d’assurances ont annoncé qu’elles contribueraient à hauteur de 200 millions au Fonds de solidarité, le ministre Bruno Le Maire et notre groupe, considérant cet effort insuffisant, ont immédiatement fait pression sur elles. Le montant a finalement été doublé, pour atteindre 400 millions d’euros. Le secteur assurantiel s’est ensuite engagé à des gestes commerciaux, à hauteur de 1,35 milliard d’euros – 450 millions pour les PME et indépendants, 550 millions pour les particuliers fortement exposés, 150 millions pour les soignants et 200 millions pour l’ensemble des ménages. Enfin, les assureurs sont présents pour la relance, avec un programme d’investissements coordonné par la Caisse des dépôts et consignations, à hauteur de 1,5 milliard à destination des PME et ETI. Au total, ce sont 3,25 milliards que les compagnies d’assurances se sont engagées à mettre sur la table.

De plus, trois des quatre assureurs cotés en bourse ont décidé de suspendre le versement des dividendes. Nous attendons la décision du quatrième.

Notre action pour faire participer les assureurs a donc porté ses fruits, mais nous restons vigilants. Comme vous tous, notamment le groupe Socialistes et apparentés, nous ne nous satisfaisons pas de la prime d’indemnisation en cas de pandémie.

Nous nous demandons si le dispositif de catastrophe naturelle est adapté au risque de catastrophe sanitaire auquel nous sommes confrontés, d’une tout autre ampleur que celles que nous avions connues avec le SRAS et autres. Qui plus est, le régime CATNAT a été pensé pour un risque survenant dans une partie du territoire national seulement, et non sur l’ensemble, ce qui permet de faire jouer une forme de solidarité territoriale. Du coup, même si vous avez prévu une disposition visant à geler les hausses de surprimes, votre proposition de loi ferait peser le risque d’une augmentation massive des coûts pour les assurés – et il pourrait toujours y avoir des hausses dissimulées.

Nous avons pour notre part fait le choix d’une concertation pour définir un nouveau régime, qui garantisse des coûts acceptables aux assurés. Il y a un mois, un groupe de travail a été installé par le ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire, pour définir un cadre assurantiel en cas d’épidémie de grande ampleur. Il est prévu qu’il rende ses propositions d’ici à la fin du mois de juin. Deux députés de notre groupe participent activement à ses travaux, dont Nadia Hai, ici présente.

Nous faisons le choix d’une concertation avec les représentants des assurances, mais aussi avec les grandes et petites entreprises, pour aboutir à un système équilibré et viable, qui n’engendre pas de coûts supplémentaires pour les assurés. N’oublions pas non plus que les assureurs gèrent une bonne partie du patrimoine des Français, soit 1 800 milliards d’assurance-vie. Nous ne devons donc pas déstabiliser ce secteur, même si nous constatons, comme vous, que les bénéfices des entreprises de l’assurance ont bien augmenté.

C’est pourquoi notre groupe ne votera pas ce texte. Je vous propose de nous retrouver à la fin du mois autour des propositions du groupe de travail multilatéral.

Mme Olivia Grégoire remplace M. Éric Woerth à la présidence.

Mme Véronique Louwagie. L’indemnisation des pertes d’exploitation des entreprises, à commencer par les commerces de proximité, les cafés et les restaurants, qui ont fait l’objet d’une longue fermeture administrative, est effectivement une question majeure. La très faible contribution du secteur assurantiel au fonds de solidarité est une réalité indéniable que vous dénoncez à juste titre. Néanmoins, la radicalité de la solution que vous proposez risque de la rendre inapplicable, sinon dangereuse. Votre dispositif n’est‑il pas de nature à entraîner une augmentation massive du coût des polices d’assurance ? Par ailleurs, votre proposition ne fait-elle pas courir le risque d’un effondrement systémique du secteur ?

Cela étant, le statu quo n’est pas tenable. Les députés Les Républicains ont été les premiers à estimer que les assurances ne jouaient pas suffisamment le jeu dans leur soutien aux entreprises et aux acteurs économiques les plus touchés. C’est pourquoi, sur le modèle existant pour les catastrophes naturelles, ils ont proposé la création d’un régime de catastrophe sanitaire, plus équilibré et bordé juridiquement, afin de faciliter l’indemnisation des pertes d’exploitation par les assureurs, lesquels auraient été compensés en partie par l’État. Nous avons d’ailleurs fait voter un amendement imposant au Gouvernement de présenter un rapport sur le sujet.

Lors de son audition par la commission des finances, le 15 avril, la présidente de la fédération française de l’assurance, Florence Lustman, m’a répondu que, depuis 1982, la plus forte indemnisation, liée à la tempête de 1999, s’était élevée à 7 milliards d’euros – je suppose que les compagnies d’assurances ont pu depuis restaurer leurs fonds. J’y vois un bon curseur, au regard duquel le montant de 3 milliards d’euros dont se satisfait le groupe La République en Marche est bien insuffisant. Soulignons tout de même que certains assureurs, comme le Crédit mutuel, ont d’ores et déjà pris à leur charge une partie des pertes, ce que je veux saluer.

Pour ces raisons, nous voterons contre votre proposition de loi, qui se trompe d’objectif et peut être dangereuse.

M. Bruno Duvergé. Je souhaiterais, au nom du groupe MODEM et apparentés, expliquer pourquoi nous ne pouvons pas soutenir la démarche d’Éric Prudhomme et de ses collègues de la France insoumise.

En raison du changement climatique, nous allons connaître de plus en plus de catastrophes naturelles, y compris dans des territoires encore épargnés. Le montant requis pour indemniser ces sinistres – inondations, sécheresses, ouragans, tornades – devrait d’ailleurs doubler d’ici à 2050. Pour ces catastrophes, il existe, depuis 1982, un modèle d’indemnisation qui allie les sociétés d’assurances et la puissance publique. Avec ce système, toute entreprise ayant souscrit la garantie CATNAT, peut être indemnisée, pour peu que la catastrophe ait été dûment reconnue par un arrêté ministériel. Les conditions à remplir pour compenser les pertes d’exploitation sont strictes et souvent liées à un dommage sur les locaux ou les machines. C’est pourquoi, monsieur le rapporteur, vous souhaitez ajouter des dommages non matériels, comme l’activité de l’entreprise, et introduire l’épidémie dans la liste des catastrophes naturelles.

Mais une catastrophe sanitaire n’est pas circonscrite localement, alors que le risque de catastrophe naturelle est défini à l’échelle infradépartementale, sinon communale. Un tel élargissement fragiliserait l’équilibre financier du régime. La sinistralité atteint un total annuel de l’ordre de 1,7 milliard d’euros aujourd’hui, quand les pertes d’exploitation liées à l’épidémie s’élèveraient déjà à 60 milliards d’euros : les ordres de grandeur sont très différents. Non seulement les assureurs augmenteraient leur taux de cotisation, mais il faudrait également augmenter les prélèvements obligatoires, comme le prévoit votre article 4, en augmentant la TVA, cet impôt souvent dénoncé par la gauche, non sans raison, comme le plus injuste.

Si nous comprenons votre objectif et estimons que, de manière générale, le monde de l’assurance n’a pas été à la hauteur de ses responsabilités depuis le début de l’épidémie, nous pensons qu’il vaut mieux travailler à la création d’un régime assurantiel spécifique. Ce travail est en cours et nous devrons veiller à ce qu’il se concrétise. Pour l’instant, nous ne pouvons que nous opposer à votre proposition.

M. David Habib. Malgré deux réserves sur le texte, nous ne pouvons qu’adhérer aux objectifs présentés par M. Prud’homme : limiter les dégâts, mutualiser le risque et offrir des garanties claires. Sa proposition, comme les précédentes, nous permet de revenir sur la question de la garantie des pertes d’exploitation. À ce sujet, nous nous réjouissons que le ministre de l’économie, à la suite de fortes sollicitations, ait décidé d’organiser une réflexion, dont nous espérons des conclusions rapides. Mon groupe a également déposé une proposition de loi, mais en abordant le sujet sous un angle différent.

Lors de la réunion de la mission d’information Covid‑19, les trois représentants des organisations patronales – dont les compagnies d’assurances sont membres – ont mis en avant le ressentiment très fort et l’incompréhension des entreprises à l’égard du monde des assurances. S’agissant des gestes commerciaux promis par la présidente de la fédération française de l’assurance, j’attends encore de trouver, dans ma circonscription, un chef d’entreprise qui en ait bénéficié ! A-t-on vu une compagnie d’assurances suspendre les cotisations sur les flottes automobiles immobilisées ? Quant aux 400 millions d’euros, la contribution demandée à la seule région Aquitaine pour le fonds de solidarité est déjà de 100 millions…

Nous avons déposé un amendement, mais il revient en fait à réécrire cette proposition de loi en reprenant la nôtre. Mais que l’on vote contre, que l’on s’abstienne ou qu’on la soutienne, on peut se réjouir que ce débat ait été ouvert à l’Assemblée. Attachons-nous à le faire fructifier avec la volonté d’aboutir.

M. Charles de Courson. Cette proposition de loi soulève un vrai problème : en l’état actuel de la plupart des contrats d’assurance, le risque de pandémie n’est pas couvert. La plupart, ai-je dit, pas la totalité : le directeur général d’AXA a reconnu, à la suite d’un arrêt du tribunal de Paris, qu’environ deux cents contrats l’intégraient de fait, quand bien même l’interprétation pouvait être discutée.

Cependant, l’approche de nos collègues est erronée : il ne faut pas se brancher sur le dispositif de catastrophe naturelle, il faut créer un risque particulier, la pandémie ayant, par définition, un caractère international. L’idéal serait de trouver un dispositif au minimum européen, afin de mieux répartir les risques entre les pays et de définir un seuil au-delà duquel l’État interviendrait en garantie. Un groupe de travail ayant été créé, il est un peu tôt pour en délibérer. Enfin, faire financer la couverture du risque par un prélèvement sur les bénéfices faits en France me paraît une complète erreur. Certaines sociétés d’assurance n’assurent pas du tout ce type de risques, et cela revient à taxer les bénéfices, par nature fluctuants.

Voilà pourquoi le groupe Libertés et territoires ne votera pas en faveur de cette proposition de loi, quand bien même elle soulève, comme celles que plusieurs groupes ont déposées, un vrai problème de fond.

Mme Sabine Rubin. Je suis ravie de vous entendre admettre la nécessité d’un débat. La législation doit être en phase avec les bouleversements de l’époque. La barre des 200 000 morts a été franchie ; l’impact économique du confinement menace gravement la vie de millions de salariés et la viabilité de milliers de PME ; le PIB va reculer de près de 8 % pour 2020 – 20 % pour le deuxième trimestre ; et 9,6 millions de salariés, au chômage partiel, seront probablement au chômage tout court si l’on ne fait rien dans l’immédiat.

Des mesures d’urgence ont été prises pour soutenir l’économie – report des charges, fonds de 7 milliards pour les TPE et indépendants, garantie d’emprunt –, mais elles sont largement insuffisantes. Le Président de la République a martelé que l’État paierait, mais il y a aussi des acteurs privés qui doivent participer à l’intérêt général et que la loi doit pouvoir contraindre à leur devoir de solidarité ; encore faut-il comprendre ce que ce mot signifie. Le secteur des assurances doit assumer ses responsabilités et le code des assurances s’adapter pour intégrer le risque pandémique, devenu structurel, à croire la communauté scientifique.

Les mêmes objections nous sont régulièrement opposées : le code de l’assurance lui-même se concentrant sur les dégâts matériels ne saurait prendre en considération les risques liés à une pandémie ; le coût trop élevé, de près de 60 milliards, menacerait la survie de la profession. L’effort peut sembler considérable, mais en vérité, il n’en est rien. Les assurances ont pu verser 400 millions au fond interentreprises, geste louable, mais sans rapport avec leurs capacités financières : pratiquement 41 milliards sont engrangés chaque année au titre de l’assurance non-vie ! Le versement par une seule des cinq plus grosses compagnies de 3,5 milliards, de quoi couvrir les pertes d’exploitation de l’hôtellerie‑restauration, indique nettement qu’elles ont les reins suffisamment solides pour assumer une extension du dispositif pour catastrophe naturelle. Une loi est assurément nécessaire, étant donné que la générosité de l’un est largement compensée par l’égoïsme des autres. Si un dirigeant d’assurances prend sur lui de ne pas verser de dividendes à ses actionnaires, qu’en est-il des autres ?

Mme Émilie Cariou. Je m’exprime au nom de Jennifer De Temmerman, qui n’a pu être présente. Si la pandémie modifie terriblement notre quotidien, son coût humain sera probablement plus élevé que le nombre de décès, déjà insupportable. Cette éventualité était annoncée par les scientifiques : la qualité de l’air, la déforestation, la disparition de la biodiversité sont autant de paramètres susceptibles d’influer sur les épidémies d’origine zoonotique. Peut-on pour autant intégrer les pandémies dans le risque catastrophe naturelle ? Nos politiques de prévention et d’indemnisation des catastrophes naturelles ne sont actuellement pas à la hauteur des événements climatiques. Par exemple, dans le Nord, les sinistrés du fait de la sécheresse voient leurs demandes de reconnaissance systématiquement rejetées par d’obscurs arrêtés pris sur la base de données partiellement erronées, sans que les représentants des territoires puissent faire valoir leur situation face à ces décisions technocratiques. Il y a besoin de développer une vraie culture du risque, de réformer le régime catastrophe naturelle, dans un souci d’équité, d’efficacité et de transparence, voire de revoir la notion de catastrophe naturelle et ses manifestations.

Hélas, monsieur Prudhomme, votre proposition de loi ne nous paraît pas satisfaisante. Elle ne comporte ni étude d’impact, ni simulation financière, alors que l’équilibre financier du régime d’indemnisation est nécessaire. Elle présente le risque de faire augmenter les primes d’assurances, même si elle mentionne le gel des taux actuels. À la suite d’une proposition similaire, qui avait fait l’unanimité au Sénat au début de cette année, une mission d’information avait été créée. Il faut résolument s’engager dans une réforme complète du régime CATNAT, créé en 1982, dans un texte structurel qui ne réponde pas à l’émotion du moment.

En revanche, les travaux en cours ne doivent pas nous priver de mener une réflexion sur les mécanismes de fiscalité des assurances, un sujet annexe qui permettrait de financer le fonds de solidarité – et les assureurs ont été en effet particulièrement absents de ce côté-là. Le plan présenté par la fédération française de l’assurance est totalement surfait, dans la mesure où il comporte notamment des aides sur des couvertures d’assurances déjà acquises aux assurés, mais aussi des parts d’investissement qui constituent uniquement des placements pour les sociétés ! Ce plan est insuffisant. Les démarches engagées spontanément par certaines entreprises du secteur mutualiste, comme le Crédit mutuel ou le Crédit agricole, ont conduit à verser 1 milliard d’euros d’indemnisations, selon le Trésor. L’effort consenti par la fédération était donc tout à fait minime au regard de ce que certains assureurs ont déjà fait. Le groupe Écologie Démocratie Solidarité ne peut voter votre proposition, mais revoyons-nous pour définir un nouveau risque et rediscutons de fiscalité lors des prochaines lois de finances.

M. Jean-Paul Dufrègne. Je me réjouis également de l’ouverture de ce débat. Malgré ses lacunes, nous soutiendrons la proposition de loi, car il faut envoyer des signes et faire preuve de notre volonté sur un sujet dont l’actualité nous a montré combien il était essentiel. J’ai bien entendu qu’il faudrait un cadre plus large, européen. Mais si nous attendons que l’Europe règle la question, nous risquons d’attendre longtemps ! Notre pays doit agir et, de ce fait, peut‑être entraîner l’Europe, afin de mettre à contribution les assurances lors de catastrophes sanitaires, en créant un dispositif juridique pérenne cofinancé – idée que notre groupe avait défendue en complément de l’aide exceptionnelle des assurances à laquelle nous appelions. Pour montrer le volontarisme des parlementaires, les membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine voteront la proposition de loi de nos collègues de la France insoumise.

M. Loïc Prud’homme, rapporteur. De fait, vous en avez presque tous convenu, le fonds de 3 milliards d’euros n’est pas clairement à la hauteur ni de la situation, ni des capacités financières du milieu des assurances. Il n’y a d’autant moins de raison d’y donner un satisfecit que certaines contributions ne sont ni plus ni moins que des investissements dans un tissu économique.

Si nous proposons une extension du dispositif catastrophe naturelle et non une garantie spécifique risque sanitaire, monsieur le rapporteur général, c’est parce que personne ne souscrira à une option qui ne jouera qu’une ou deux fois par siècle. Or, grâce à l’extension, la garantie sera optionnelle sur les pertes d’exploitation sans dommages, mais, comme elle sera activée plus régulièrement, elle incitera les assurés à la souscrire. D’où l’intérêt d’intégrer le risque sanitaire au dispositif CATNAT.

Le monopole de la CCR est quasiment de fait, puisqu’elle permet aux assureurs de bénéficier de la garantie de l’État en dernier recours – pour ceux, cette sécurité n’a pas de prix. L’amendement CF6 permettra de clarifier le point soulevé par le rapporteur général.

Concernant la solvabilité du monde de l’assurance, le président de l’ACPR m’a rassuré : malgré les petits gestes des assureurs, elle n’est aucunement mise en péril. Il suffit pour s’en convaincre de regarder les publications de l’ACPR, dont l’accès est libre et public : leurs fonds propres éligibles au capital de solvabilité requis s’élèvent à 313 milliards d’euros ! Il y a de la marge…

Les mutuelles ont fait des gestes commerciaux sans qu’on leur ait demandé quoi que ce soit, monsieur Lauzanna, ce qui tend à prouver qu’il est possible de demander plus. Ma question est bien celle de la couverture extracontractuelle des assureurs.

S’agissant du groupe de travail à Bercy, c’est toujours un peu la même logique : les assureurs veulent bien garantir un risque, pour peu qu’il ne leur coûte pas trop cher et que l’État se porte garant, au cas où ils devraient débourser un petit peu plus que ce qu’ils avaient prévu… C’est toujours la même logique : privatisation des bénéfices et in fine mutualisation des risques, pour notre pomme… J’ai un peu de mal avec cette façon de faire et de concevoir les choses.

À vous entendre, madame Louwagie, notre texte ferait courir un risque systémique aux assurances. Mais c’est oublier que ces sociétés, pour certaines garanties, sont réassurées à plus de 50 %.

M. Charles de Courson. Évidemment ! Mais cela se paie !

M. Loïc Prud’homme, rapporteur. Effectivement, cela a un coût, mais il est lissé. Cela pose la question de la définition du niveau d’indemnisation et de son mécanisme, qui pourrait être mixte : une indemnisation forfaitaire rapide des pertes d’exploitation pour commencer, ce qui permettrait de faire immédiatement face à des situations d’urgence et pour des montants relativement prévisibles, et de provisionner par avance les sommes nécessaires, suivie d’un montant complémentaire, versé après une étude rapide des incidences sur les résultats des entreprises.

Vous avez objecté, monsieur Duvergé, que le risque pandémique ne serait pas circonscrit géographiquement, contrairement au risque catastrophe naturelle. Mais le risque CATNAT lui-même est en train de changer : les aléas seront beaucoup moins circonscrits et il va falloir se mettre en position d’y répondre. J’ai déjà répondu au rapporteur général sur la création d’un risque spécifique : une garantie qui n’est pas mise en jeu régulièrement ne sera pas souscrite. La fréquence de retour n’est estimée pour l’heure qu’à deux fois par siècle, mais nous manquons d’informations scientifiques consolidées et nous aurions besoin d’études actuarielles plus fines. Et lorsque nous nous reprendrons une pandémie similaire dans vingt-cinq ou trente ans, on pleurera de n’avoir rien fait vingt-cinq ans auparavant parce que le risque semblait inassurable… Ce serait bien dommage.

Dans la mesure où les pandémies sont effectivement d’origine zoonotique, madame Cariou, et souvent liées à des perturbations des milieux naturels, il m’a semblé logique de les rapprocher des catastrophes naturelles. Il me semble également nécessaire de réfléchir à d’autres mécanismes fiscaux, en plus de ceux que je propose, pour que les assurances contribuent davantage.

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EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er
[article L. 125-1 du code des assurances]
Extension de la garantie contre les effets des catastrophes naturels

L’article 1er de la proposition de loi prévoit d’étendre le régime d’indemnisation des effets des catastrophes naturelles aux pertes d’exploitation résultant des épidémies et des pandémies.

I.   L’ÉTAT DU DROIT existant

Issu de la loi du 13 juillet 1982 relative à l’indemnisation des victimes de catastrophes naturelles, le régime d’indemnisation des effets des catastrophes naturelles est, dans sa forme actuelle, prévu à l’article L. 125‑1 du code des assurances.

L’article L. 125‑1 du code des assurances prévoit que les contrats d’assurance garantissant contre les dommages causés à des biens ouvrent également droit à une garantie contre les effets des catastrophes naturelles, ceux-ci étant définis comme « les dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante lintensité anormale dun agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages nont pu empêcher leur survenance ou nont pu être prises ».

En outre, si l’assuré est couvert, en plus de son contrat d’assurance dommages, contre les pertes d’exploitation résultant de ces dommages, sa garantie est étendue aux effets des catastrophes naturelles dans les conditions prévues au contrat correspondant.

Autrement dit, le régime d’indemnisation des effets des catastrophes naturelles repose sur une extension de garantie obligatoire pour tous les contrats d’assurance dommages particuliers et professionnels et, le cas échéant, pour les contrats d’assurance pertes d’exploitation.

En application des articles L. 125‑2 et L. 125‑3 du code des assurances, les entreprises d’assurance doivent insérer dans les contrats mentionnés à l’article L. 125‑1 une clause étendant leur garantie aux effets des catastrophes naturelles et ces contrats sont réputés, nonobstant toute disposition contraire, contenir une telle clause.

Toutefois, pour que les contrats d’assurance dommages et pertes d’exploitation ouvrent droit à la garantie contre les effets des catastrophes naturelles, l’état de catastrophe naturelle doit être constaté par un arrêté interministériel, signé par les ministres chargés de la sécurité civile, de l’économie et des finances ainsi que, en tant que de besoin, des outre-mer.

La procédure de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle est enclenchée, dans les communes touchées par un phénomène naturel d’une intensité anormale, par une demande du maire adressé au préfet. Après le traitement de la ou des demandes par les services préfectoraux, le dossier est transmis à une commission interministérielle, prévue par la circulaire n° 84–90 du 27 mars 1984 relative à l’indemnisation des victimes de catastrophes naturelles, qui émet un avis consultatif préalable à la prise de l’arrêté interministériel précité.

L’arrêté interministériel doit être publié au Journal officiel dans un délai de trois mois à compter du dépôt des demandes à la préfecture. Si la durée des enquêtes diligentées par le représentant de l’État dans le département est supérieure à deux mois, l’arrêté est publié au plus tard deux mois après la réception du dossier par le ministre chargé de la sécurité civile.

Une demande de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle n’est recevable que si elle intervient dans un délai de dix-huit mois à compter du début de l’événement naturel qui y donne naissance.

II.   Le dispositif proposÉ

La proposition de loi prévoit d’étendre le régime d’indemnisation des effets des catastrophes naturelles aux pertes d’exploitation induites par les épidémies et les pandémies.

Afin de clarifier une situation juridique aujourd’hui instable, l’article 1er de la proposition de loi prévoit d’inclure explicitement comme faisant partie des effets des catastrophes naturelles « ceux des épidémies et des pandémies reconnues comme telles ».

En outre, l’article 1er propose un cadre spécifique lorsque l’état de catastrophe naturelle est constaté à propos d’une épidémie ou d’une pandémie.

Il étend la couverture contre les pertes d’exploitation aux pertes induites par des « dommages immatériels […] résultant de limpossibilité de se déplacer librement plus de dix jours […] et ayant eu pour cause déterminante lintensité anormale dun agent pathogène, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages nont pu empêcher leur survenance ou nont pu être prises ».

Un amendement déposé par le rapporteur en commission, et redéposé en vue de la séance, vise à préciser la rédaction afin de s’assurer, conformément à la volonté de ses auteurs, que la garantie s’appliquera bien à toutes les entreprises ayant subi un arrêt total mais aussi partiel de leur activité.

Afin d’atténuer le plus possible l’impact économique des catastrophes sanitaires, l’article 1er de la proposition de loi prévoit que les pertes d’exploitation dues à une épidémie ou à une pandémie soient indemnisées même pour les entreprises qui n’ont pas souscrit de contrat d’assurance contre les pertes d’exploitation.

Par ailleurs, pour conserver le caractère exceptionnel du régime d’indemnisation, la proposition de loi précise que l’état de catastrophe naturelle, dans le cas d’une épidémie ou d’une pandémie, ne peut être déclaré que le onzième jour suivant le début des mesures de confinement total ou partiel. Cela signifie, d’une part, que le dispositif s’applique uniquement aux épisodes donnant lieu à un confinement de plus de dix jours et, d’autre part, que son déclenchement est automatique dès lors que le confinement dure plus de dix jours.

S’agissant de la procédure, l’article 1er prévoit que, dans le cas d’une épidémie ou d’une pandémie, l’état de catastrophe naturelle soit constaté, non par un arrêté ministériel selon la procédure de droit commun, mais par un arrêté du Premier ministre, publié au Journal officiel dans un délai d’une semaine à compter du onzième jour de confinement intégral ou partiel.

À l’évidence, la garantie couvre alors les pertes d’exploitation générées par la crise à compter du premier jour de confinement, et non pas à compter de la date de signature de l’arrêté.

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La commission examine l’amendement CF1 de M. David Habib.

M. David Habib. Notre amendement de réécriture permet de corriger deux limites de l’article 1er. En prévoyant une indemnisation automatique sans que l’assuré ait à souscrire une assurance contre le risque de perte d’exploitation, la proposition de loi va entraîner une forte augmentation des primes d’assurance dommages aux biens, en particulier des immeubles et véhicules, dont dépend aujourd’hui la couverture en matière de catastrophe naturelle. Si l’article 3 proscrit une telle augmentation, la mesure, au regard de ses incidences financières, serait certainement contraire à la Constitution.

Par ailleurs, le dispositif utilise une durée de confinement comme référentiel d’application. Or on peut très bien imaginer qu’une épidémie future ou une résurgence de l’épidémie actuelle, dans un contexte où la France serait mieux dotée en équipements de protection individuelle, n’implique pas un confinement de la population, mais uniquement des mesures restrictives : fermeture de lieux publics ou limitation de la mobilité. Dans une telle hypothèse, le mécanisme deviendrait inapplicable.

Ces deux arguments nous amèneraient nous aussi à préférer un texte spécifique sur un risque spécifique, avec un financement peut‑être spécifique. Ce qui n’enlève rien à la pertinence de ceux de M. Prudhomme ; mais nous suivons une autre démarche que la sienne.

M. Loïc Prud’homme, rapporteur. La question centrale, avant même celle du dispositif, est celle du financement – au risque de mettre la charrue avant les bœufs. Je vous ai expliqué pourquoi j’étais réservé quant à la création d’un risque spécifique. Concernant le confinement, j’avais été prudent, en mentionnant qu’il pouvait n’être que partiel. Il n’en demeure pas moins que votre remarque est pertinente et mériterait d’être prise en compte pour rendre le mécanisme réellement opérationnel.

Cela étant, malgré la qualité de votre amendement, j’émettrai un avis défavorable : nos deux dispositifs sont trop divergents. Mais je me permettrai un copier-coller de ce que vous proposez pour le confinement…

M. Michel Lauzzana. Nous sommes tous d’accord sur le besoin de définir un nouveau risque pour être indemnisé en cas de pandémie. En revanche, la majorité des groupes estime que la notion de catastrophe naturelle n’est pas le meilleur cadre, étant donné notamment que les indemnisations y concernent plutôt les dégâts matériels, alors qu’il s’agit ici de pertes d’exploitation. Si le mécanisme de solidarité doit être repensé, il ne peut se calquer sur celui des catastrophes naturelles.

Je ne défends pas du tout les assurances : j’ai même souligné, alors que vous ne parliez que de leur chiffre d’affaires, que leurs bénéfices étaient en hausse. Je n’ai aucun état d’âme là-dessus ; je dis seulement qu’il faut négocier avec elles, sans préjuger, comme vous le faites, du résultat des travaux menés sous la houlette de Bruno Le Maire, avec les PME. Privatisation des bénéfices, mutualisation des risques, dites-vous : on ne fait pas de bonne politique avec des slogans, monsieur le rapporteur ! Attendons et jugeons sur pièces.

La commission rejette l’amendement.

Elle rejette successivement l’amendement rédactionnel CF2 puis l’amendement de précision CF3, tous deux du rapporteur.

Enfin, elle rejette l’article 1er.

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Article 2
[article 1er de la loi n° 82-600 du 13 juillet 1982 relative à lindemnisation des victimes de catastrophes naturelles]
Extension du champ de lindemnisation des victimes de catastrophes naturelles

L’article 2 de la proposition de loi prolonge les modifications proposées par l’article 1er dans le code des assurances et modifie en conséquence l’article 1er de la loi du 13 juillet 1982 relative à l’indemnisation des victimes de catastrophes naturelles.

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La commission rejette l’amendement rédactionnel CF4 du rapporteur.

Puis elle rejette l’article 2.

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Article 3
[article 11 (nouveau) de la loi n° 82-600 du 13 juillet 1982 relative à lindemnisation des victimes de catastrophes naturelles]
Rôle de la caisse centrale de réassurance et financement du dispositif

L’article 3 tire les conséquences de l’extension du régime d’indemnisation des effets des catastrophes naturelles aux pertes d’exploitation résultant des épidémies et des pandémies en modifiant les modalités de financement du régime.

I.   L’ÉTAT DU DROIT

Le régime d’indemnisation des effets des catastrophes naturelles est financé par le paiement d’une prime additionnelle sur les contrats d’assurance dont le taux, qui est fixé à l’article A. 125‑2 du code des assurances (partie réglementaire), dépend de la nature des contrats.

Actuellement, les surprimes s’élèvent à 6 % des cotisations d’assurance relatives aux garanties contre les dommages causés aux véhicules terrestres à moteur et 12 % des cotisations d’assurance afférentes aux garanties dommages aux biens autres que les véhicules (immeubles).

Par ailleurs, le régime d’indemnisation des effets des catastrophes naturelles repose aussi, en application de l’article L. 431‑9 et des articles R. 431‑30 et R. 431‑31 du code des assurances, sur les opérations de réassurance des risques résultant de catastrophes naturelles que la CCR est habilitée à effectuer, avec une garantie illimitée de l’État.

Pour cette garantie, l’État perçoit une rémunération représentant 1,8 % des primes versées par les assureurs à la CCR.

II.   Le DISPOSITIF PROPOSÉ

L’article 3 de la proposition de loi prévoit de conférer à la CCR un monopole juridique sur les activités de réassurance. Toutefois, en raison du risque d’éviction des grandes compagnies d’assurances de la réassurance publique, et compte tenu du monopole de fait de la CCR qui résulte de la garantie illimitée de l’État dont elle bénéficie, il sera proposé par amendement de supprimer cette disposition.

En conséquence, l’article 3 ne fera que préciser explicitement que la CCR est habilitée à pratiquer des opérations de réassurance des risques résultant de catastrophes naturelles, avec la garantie de l’État, y compris en cas d’épidémie ou de pandémie.

Pour tenir compte de l’extension des responsabilités de la CCR, l’article 3 prévoit aussi de soumettre la caisse à un contrôle annuel de ses activités, de ses résultats ainsi que de ses fonds et de ses ratios de solvabilité par le Parlement.

S’agissant du financement du nouveau dispositif, la proposition repose sur deux principes clairs. D’une part, afin d’éviter toute hausse des primes d’assurance supportées par les assurés, elle prévoit d’inscrire dans la loi le taux des surprimes jusqu’ici fixé par voie réglementaire.

D’autre part, pour ne pas déséquilibrer le régime existant et contribuer au financement des nouveaux risques d’épidémie et de pandémie, la proposition de loi instaure une nouvelle taxation sur les dividendes, stock-options et autres résultats exceptionnels versés aux actionnaires par les compagnies d’assurances. Cette mesure se justifie par le fait que ces sommes issues des cotisations des assurés échappent à ce qui devrait être leur destination, à savoir la couverture des risques. Elle permet aussi de ne pas reporter l’intégralité des surcoûts sur l’État, susceptible d’intervenir en dernier recours.

Enfin, pour éviter tout déséquilibre du régime, l’article 3 de la proposition de loi prévoit que la garantie en dernier recours de l’État n’est accessible en cas de pandémie qu’à l’issue d’une estimation par le ministère chargé des finances du volume total des pertes d’exploitation à couvrir et des fonds disponibles pour couvrir ces pertes. Cette analyse devra déterminer le montant des sommes restant à la charge de la CCR et le seuil à partir duquel la garantie de l’État sera mise en jeu, ces montants étant portés à la connaissance du Parlement.

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La commission rejette l’amendement rédactionnel CF5 du rapporteur.

Elle passe ensuite à l’examen de l’amendement CF6 du rapporteur.

M. Loïc Prud’homme, rapporteur. Cet amendement, comme je l’ai annoncé, vise à préciser qu’il n’est pas nécessaire de conférer un monopole juridique à la CCR, puisque celui-ci existe déjà de fait.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’amendement rédactionnel CF7 du rapporteur.

Enfin, elle rejette l’article 3.

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Article 4
Gage

L’article 4 vise à assurer la recevabilité financière de la proposition de loi au regard des dispositions de l’article 40 de la Constitution.

Il a pour objet de gager la proposition de loi par une augmentation à due concurrence de la taxe sur les services numériques prévue à l’article 299 du code général des impôts, dite « taxe GAFA ».

Créée par la loi n° 2019‑759 du 24 juillet 2019 portant création d’une taxe sur les services numériques et modification de la trajectoire de baisse de l’impôt sur les sociétés, cette taxe pèse sur certains services fournis par les grandes entreprises du secteur numérique.

Contrairement aux prévisions initiales qui annonçaient un rendement de 400 à 500 millions d’euros, la taxe n’a rapporté que 350 millions d’euros en 2019. En conséquence des marges d’augmentation subsistent.

En 2020, dans l’attente d’un accord commercial sur la taxation des services numériques à l’échelle internationale, le prélèvement de la taxe prévue à l’article 299 du code général des impôts due pour l’année 2020 a été reporté à la fin de l’année.

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La commission rejette l’amendement de précision CF8 du rapporteur.

Elle rejette l’article 4.

Mme Olivia Grégoire, présidente. La commission ayant rejeté tous les articles de la proposition de loi, il n’y a pas lieu de la mettre aux voix.

M. Loïc Prud’homme. Je ne me formaliserai pas plus que d’habitude de ce rejet article par article : je m’y suis habitué, tout comme vous vous y habituerez, chers collègues, quand viendra votre tour… Je note en tout cas, en vous en remerciant, madame la présidente, que cette discussion a été riche et intéressante, dans le peu de temps que nous avions, et nous sommes d’accord que nous devrons examiner ce sujet dans les prochaines semaines. Je regrette qu’il n’y ait pas de député de l’opposition dans le groupe de travail.

Mme Émilie Cariou. Il y a un sénateur !

M. Loïc Prud’homme. Mais pas de notre groupe… Je me porte candidat, s’il y a une place vacante. Les conclusions du groupe de travail étant attendues à la mi-juin, j’espère que nous aurons l’occasion de reprendre cette discussion au Parlement.

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   Liste des personnes auditionnées par le rapporteur

 

Direction générale du Trésor : M. Lionel Corre, sous-directeur ASSUR.

Association des assureurs mutualistes : Mme Cornélia Federkeil, secrétaire générale ; Mme Ann Steenackers, directrice adjointe de la direction dommages du groupe Covea ; M. Franck Offredi, directeur assurances de Groupama.

Caisse centrale de réassurance : M. Bertrand Labilloy, directeur général.

Autorité de contrôle prudentiel et de résolution : M. Bernard Delas, vice-président ; Mme Véronique Bensaid-Cohen, conseillère parlementaire auprès du gouverneur de la Banque de France.

Fédération française de lassurance : M. Philippe Poiget, délégué général ; M. Stéphane Pénet, délégué général adjoint ; M. Christophe Delcamp, directeur adjoint du département assurances entreprises, agricole et construction ; M. Christian Pierotti, directeur des affaires publiques ; Mme Ludivine Azria, conseillère parlementaire.

Union des métiers et des industries de lhôtellerie : M. Alain Grégoire, président UMIH de la région Auvergne-Rhône-Alpes, en charge du dossier des assurances pour l’UMIH nationale ; Mme Ophélie Rota, directrice de la communication et des relations institutionnelles.

Conférence nationale des très petites entreprises : M. Jean-François Ferrrando, président national ; M. Marc Ladreit de Lacharrière, secrétaire national.

 


([1])  Voir le communiqué de presse de l’ACPR du 3 avril 2020.

([2])  Voir la lettre de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH) à M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances, et M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, 25 mai 2020.

([3])  Notamment le SRAS en 2002-2003, la grippe H1 N1 en 2009-2010, le MERS CoV en 2012.

([4]) Chiffre communiqué par l’ACPR.

([5]) Voir le communiqué de presse publié par la CCR sur la présentation de ses résultats annuels, avril 2020.

([6]) Estimation calculée à partir des données agrégées dans la lettre Vernimmen n° 175 de janvier 2020.