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N° 3181

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 juillet 2020.

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION SPÉCIALE ([1]), CHARGÉE DEXAMINER LE PROJET DE LOI relatif à la bioéthique, EN DEUXIÈME LECTURE, SUR LE PROJET DE LOI, MODIFIÉ PAR LE SÉNAT, relatif à la bioéthique

 

 

 

Par MPhilippe BERTA, Mme Coralie DUBOST, M. Jean-François ELIAOU, Mme Laëtitia ROMEIRO DIAS, M. Hervé SAULIGNAC et M. Jean-Louis TOURAINE,

 

 

Rapporteurs

 

 

——

 

 

Voir les numéros :

Assemblée nationale :  Première lecture : 2187, 2243 et T.A. 343

 Deuxième lecture : 2658

Sénat :  Première lecture : 63, 237, 238 et T.A. 55 (2019-2020)


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La commission spéciale est composée de :

Mme Agnès Firmin Le Bodo, présidente ;

M. Thibault Bazin, M. Francis Chouat, M. Bruno Fuchs, Mme Monique Limon, vice-présidents ;

Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Aurore Bergé, M. Guillaume Chiche, M. Maxime Minot, secrétaires ;

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur sur le chapitre Ier du titre Ier, sauf larticle 1erA,

Mme Coralie Dubost, rapporteure sur larticle 1erA et sur le chapitre II du titre Ier,

M. Hervé Saulignac, rapporteur sur le titre II,

M. Philippe Berta, rapporteur sur les titres III et IV,

M. Jean-François Eliaou, rapporteur sur le titre V,

Mme Laëtitia Romeiro Dias, rapporteure sur les titres VI et VII;

 

M. Joël Aviragnet, M. Didier Baichère, Mme Valérie Beauvais, M. Olivier Becht, Mme Valérie Boyer, Mme Marine Brenier, M. Xavier Breton, M. Pascal Brindeau, Mme Anne-France Brunet, M. Pierre Cabaré, Mme Josiane Corneloup, Mme Bérangère Couillard, M. Marc Delatte, M. Pierre Dharréville, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Pierre‑Henri Dumont, Mme Nathalie Elimas, Mme Elsa Faucillon, Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel, Mme Camille Galliard-Minier, Mme Annie Genevard, M. Raphaël Gérard, M. Philippe Gosselin, M. Guillaume Gouffier-Cha, M. Brahim Hammouche, M. Patrick Hetzel, M. Cyrille Isaac Sibille, Mme Caroline Janvier, M. Bastien Lachaud, Mme Anne‑Christine Lang, Mme Marie Lebec, Mme Brigitte Liso, M. Jacques Marilossian, M. Didier Martin, Mme Sereine Mauborgne, M. Jean François Mbaye, Mme Emmanuelle Ménard, M. Thomas Mesnier, Mme Danièle Obono, M. Matthieu Orphelin, Mme George Pau-Langevin, Mme Bénédicte Pételle, Mme Sylvia Pinel, Mme Claire Pitollat, M. Jean‑Pierre Pont, Mme Natalia Pouzyreff, Mme Florence Provendier, M. Alain Ramadier, M. Pierre‑Alain Raphan, Mme Marie-Pierre Rixain, Mme Laurianne Rossi, Mme Marie Tamarelle‑Verhaeghe, Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon, M. Pierre Vatin, Mme Michèle de Vaucouleurs, M. Philippe Vigier, M. Guillaume Vuilletet

 

 

 


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SOMMAIRE

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Pages

Avant propos

Les principales modifications apportÉes au projet de loi par la commission spéciale

Commentaires des articles

TITRE Ier  ÉLARGIR LACCÈS AUX TECHNOLOGIES DISPONIBLES SANS SAFFRANCHIR DE NOS PRINCIPES ÉTHIQUES

Chapitre Ier Permettre aux personnes dexercer un choix éclairé en matière de procréation dans un cadre maîtrisé

Article 1er A (supprimé) Absence de droit à lenfant

Article 1er Élargissement de lAMP aux couples de femmes et aux femmes non mariées

Article 1er bis A (supprimé) Extension du périmètre du rapport annuel dactivité de lAgence de la biomédecine

Article 1er bis Rapport relatif à la structuration des centres dassistance médicale à la procréation

Article 2 Assouplissement du don de gamètes et autorisation de leur autoconservation

Article 2 bis Mise en place dun plan de lutte contre linfertilité

Chapitre II Reconnaître et sécuriser les droits des enfants nés dassistance médicale à la procréation

Article 3 Droit daccès aux origines dune personne conçue dans le cadre dune assistance médicale à la procréation par recours à un tiers donneur

Article 4 Établissement de la filiation des enfants nés par recours à lassistance médicale à la procréation par un couple de femmes ou par une femme non mariée

Article 4 bis Interdiction de la transcription totale dun acte de naissance ou dun jugement étranger établissant la filiation dun enfant né dune gestation pour autrui lorsquil mentionne le parent dintention

TITRE II  Promouvoir la solidarité dans le respect de lautonomie de chacun

Chapitre Ier Conforter la solidarité dans le cadre du don dorganes, de tissus et de cellules

Article 5 A (supprimé) Statut de donneur dorgane, de tissus ou de cellules et réaffirmation du principe de neutralité financière

Article 5 (non modifié) Extension du don croisé dorganes à plus de deux paires de donneurs/receveurs pour améliorer laccès à la greffe

Article 6 Extension du bénéfice dun prélèvement de cellules souches hématopoïétiques sur un mineur ou un majeur protégé à ses parents pour accroître les possibilités de greffes intrafamiliales en labsence dautre alternative thérapeutique

Article 7 (non modifié) Renforcement des droits des personnes sous mesure de protection de leurs biens dans lexercice de leur citoyenneté en leur permettant de donner leur consentement au don

Chapitre Ier bis Conforter la solidarité dans le cadre du don du sang

Article 7 bis Levée partielle de linterdiction du don du sang applicable aux majeurs protégés et ouverture du don du sang aux mineurs de 17 ans

Chapitre Ier ter Encadrer les conditions de dons de corps à des fins denseignement médical et de recherche

Article 7 ter Don de corps à des fins denseignement médical et de recherche

Chapitre II Permettre la solidarité dans le cadre de la transmission dune information génétique

Article 8 (non modifié) Réalisation dexamens de génétique sur une personne décédée ou hors détat dexprimer sa volonté au profit de sa parentèle

Article 9 Transmission dune information génétique au profit de la parentèle ou dans les situations de rupture du lien de filiation biologique dans le strict respect de lanonymat des personnes concernées

Titre III  appuyer la diffusion des progrÈs scientifiques et technologiques dans le respect des principes Éthiques

Article 10 Consentement à lexamen des caractéristiques génétiques

Article 11 Garanties entourant le recours à des traitements algorithmiques de données massives en santé

Article 12 Encadrement du recours aux techniques denregistrement de lactivité cérébrale et interdiction des discriminations fondées sur les résultats de ces techniques en matière dassurance

Article 13 Encadrement des dispositifs de neuro-modulation

Titre IV  Soutenir une recherche libre et responsable au service de la santé humaine

Chapitre Ier Encadrer les recherches sur lembryon, les cellules souches embryonnaires et les cellules souches pluripotentes induites

Article 14 Différenciation des régimes juridiques dautorisation sappliquant à lembryon et aux cellules souches embryonnaires

Article 15 Régulation, en recherche fondamentale, de certaines utilisations des cellules souches pluripotentes induites

Article 16 Limite de conservation des embryons proposés à la recherche et non inclus dans un protocole après cinq ans

Chapitre II Favoriser une recherche responsable en lien avec la médecine génomique

Article 17 Utilisation des outils de modification ciblée du génome en recherche fondamentale

Article 18 Développement des « passerelles soin / recherches » par lutilisation facilitée déchantillons conservés à dautres fins

Titre V  Poursuivre lamélioration de la qualité et de la sécurité des pratiques du domaine bioéthique

Chapitre Ier Renforcer la qualité et la sécurité des pratiques

Article 19 Rénovation du régime du diagnostic prénatal permettant de reconnaître la médecine fœtale et de renforcer linformation de la femme enceinte et du couple et prévoyant des recommandations de bonnes pratiques

Article 19 bis A Abrogation du double diagnostic préimplantatoire (DPI-HLA) et demande de rapport sur le sang placentaire

Article 19 bis État des lieux du diagnostic prénatal et du diagnostic préimplantatoire

Article 19 quater (non modifié) Réalisation en première intention dun examen des caractéristiques génétiques chez le nouveau-né dans le cadre du dépistage néonatal pour la recherche danomalies

Article 20 Suppression de lobligation de proposer un délai de réflexion prévue dans le cadre de linterruption médicale de grossesse et encadrement de la réduction embryonnaire

Article 21 (non modifié) Clarification des conditions dinterruption médicale de grossesse pour les femmes mineures non émancipées

Article 21 bis Prise en charge des enfants présentant une variation du développement génital

Article 22 Autorisation de la greffe de tissu germinal pour le rétablissement dune fonction hormonale et clarification du devenir des gamètes et tissus germinaux conservés

Article 22 bis (supprimé) Ouvrir le recueil et la conservation de cellules en vue de ladministration ultérieure dun traitement innovant

Article 22 ter (supprimé) Conservation du sang de cordon ombilical

Chapitre II Optimiser lorganisation des soins

Article 23 Élargissement des missions des conseillers en génétique

Article 24 (non modifié) Garantie dune transmission sécurisée des résultats dexamens génétiques entre laboratoires

Article 25 Aménagement, pour les patients concernés, dune passerelle  entre la génétique somatique et la génétique constitutionnelle

Article 26 Sécurisation de lutilisation du microbiote fécal

Titre VI  Assurer une gouvernance bioéthique adaptée au rythme des avancées rapides des sciences et des techniques

Article 29 A (suppression maintenue) Création de délégations parlementaires à la bioéthique

Article 29 Élargissement des missions du Comité consultatif national déthique des sciences de la vie et de la santé

Article 30 Évolution des compétences et de la composition des organes de lAgence de la biomédecine

Titre VII  Dispositions finales

Article 31 Habilitations à légiférer par voie dordonnance

Article 32 (non modifié) Réexamen de la loi

Article 33 Rapport au Parlement présentant létat des stocks des gamètes en France et les conditions de recours à ces derniers

Article 34 Rapport au Parlement sur lapplication des dispositions encadrant lentretien avec les proches en matière de prélèvements dorganes et de tissus

travaux de la commission spéciale

I. discussion générale

II. examen des articles

Réunion du lundi 29 juin 2020 à 20 heures 30 ()

Avant larticle 1er A

Article 1er A (nouveau) Absence de droit à lenfant

Article 1er Élargissement de lAMP aux couples de femmes et aux femmes non mariées

Réunion du mardi 30 juin 2020 à 17 heures 15 ()

Article 1er (suite) Élargissement de lAMP aux couples de femmes et aux femmes non mariées

Réunion du mardi 30 juin 2020 à 21 heures 30 ()

Article 1er (suite) Élargissement de lAMP aux couples de femmes et aux femmes non mariées

Réunion du mercredi 1er juillet 2020 à 9 heures ()

Article 1er (suite) Élargissement de lAMP aux couples de femmes et aux femmes non mariées

Article 1er bis A Extension du périmètre du rapport annuel dactivité de lAgence de la biomédecine

Article 1er bis Rapport relatif à la structuration des centres dassistance médicale à la procréation

Article 2 (supprimé) Assouplissement du don de gamètes et autorisation de leur autoconservation

Réunion du mercredi 1er juillet 2020 à 15 heures ()

Article 2 bis (supprimé) Mise en place dun plan de lutte contre linfertilité

Avant larticle 3

Article 3 Droit daccès aux origines dune personne conçue dans le cadre dune assistance médicale à la procréation par recours à un tiers donneur

Avant larticle 5 A

Article 5 A (nouveau) Statut de donneur dorgane, de tissus ou de cellules et réaffirmation du principe de neutralité financière

Article 5 Extension du don croisé dorganes à plus de deux paires de donneurs/receveurs pour améliorer laccès à la greffe

Article 6 Extension du bénéfice dun prélèvement de cellules-souches hématopoïétiques sur un mineur ou un majeur protégé à ses parents pour accroître les possibilités de greffes intrafamiliales en labsence dautre alternative thérapeutique

Article 7 Renforcement des droits des personnes sous mesure de protection de leurs biens dans lexercice de leur citoyenneté en leur permettant de donner leur consentement au don

Article 7 bis (nouveau) Levée partielle de linterdiction du don de sang applicable aux majeurs protégés et ouverture du don du sang aux mineurs de dix-sept ans

Article 7 ter (nouveau) Don de corps à des fins denseignement médical et de recherche

Avant larticle 8

Article 8 Réalisation dexamens de génétique sur une personne décédée ou hors détat dexprimer sa volonté au profit de sa parentèle

Article 9 Transmission dune information génétique au profit de la parentèle ou dans les situations de rupture du lien de filiation biologique dans le strict respect de lanonymat des personnes concernées

Réunion du mercredi 1er juillet 2020 à 22 heures 10 ()

Article 4 (précédemment réservé) Établissement de la filiation des enfants nés par recours à lassistance médicale à la procréation par un couple de femmes ou par une femme non mariée

Réunion du jeudi 2 juillet 2020 à 9 heures ()

Article 4 bis (nouveau) (précédemment réservé) Interdiction de la transcription totale dun acte de naissance ou dun jugement étranger établissant la filiation dun enfant né dune gestation pour autrui lorsquil mentionne le parent dintention

Avant larticle 10

Article 10 Consentement à lexamen des caractéristiques génétiques

Article 11 Garanties entourant le recours à des traitements algorithmiques de données massives en santé

Article 12 Encadrement du recours aux techniques denregistrement de lactivité cérébrale et interdiction des discriminations fondées sur les résultats de ces techniques en matière dassurance

Article 13 Encadrement des dispositifs de neuro-modulation

Avant larticle 14

Article 14 Différenciation des régimes juridiques dautorisation sappliquant à lembryon et aux cellules souches embryonnaires

Réunion du jeudi 2 juillet 2020 à 14 heures 30 ()

Article 14 (suite) Différenciation des régimes juridiques dautorisation sappliquant à lembryon et aux cellules souches embryonnaires

Article 15 Régulation, en recherche fondamentale, de certaines utilisations des cellules souches pluripotentes induites

Article 16 Limite de conservation des embryons proposés à la recherche et non inclus dans un protocole après cinq ans

Avant larticle 17

Article 17 (supprimé) Utilisation des outils de modification ciblée du génome en recherche fondamentale

Article 18 Développement des « passerelles soin/recherches » par lutilisation facilitée déchantillons conservés à dautres fins

Avant larticle 19

Article 19 Rénovation du régime du diagnostic prénatal permettant de reconnaître la médecine fœtale et de renforcer linformation de la femme enceinte et du couple et prévoyant des recommandations de bonnes pratiques

Article 19 bis A (supprimé) Abrogation du double diagnostic préimplantatoire (DPI-HLA) et demande de rapport sur le sang placentaire

Article 19 bis (supprimé) État des lieux du diagnostic prénatal et du diagnostic préimplantatoire

Réunion du jeudi 2 juillet 2020 à 21 heures 30 ()

Article 19 quater (nouveau) Réalisation en première intention dun examen des caractéristiques génétiques chez le nouveau-né dans le cadre du dépistage néonatal pour la recherche danomalies

Article 20 Suppression de lobligation de proposer un délai de réflexion prévue dans le cadre de linterruption médicale de grossesse et encadrement de la réduction embryonnaire

Article 21 Clarification des conditions dinterruption médicale de grossesse pour les femmes mineures non émancipées

Article 21 bis Prise en charge des enfants présentant une variation du développement génital

Article 22 Autorisation de la greffe de tissu germinal pour le rétablissement dune fonction hormonale et clarification du devenir des gamètes et tissus germinaux conservés

Article 22 bis (nouveau) Ouvrir le recueil et la conservation de cellules en vue de ladministration ultérieure dun traitement innovant

Article 22 ter (nouveau) Conservation du sang de cordon ombilical

Chapitre II Optimiser lorganisation des soins

Avant larticle 23

Article 23 Élargissement des missions des conseillers en génétique

Article 24 Garantie dune transmission sécurisée des résultats dexamens génétiques entre laboratoires

Article 25 Aménagement, pour les patients concernés, dune passerelle entre la génétique somatique et la génétique constitutionnelle

Article 26 Sécurisation de lutilisation du microbiote fécal

titre VI Assurer une gouvernance bioéthique adaptée au rythme des avancées rapides des sciences et des techniques

Article 29 A (supprimé) Création de délégations parlementaires à la bioéthique

Article 29 Élargissement des missions du Comité consultatif national déthique des sciences de la vie et de la santé

Article 30 Évolution des compétences et de la composition des organes de lAgence de la biomédecine

titre vii Dispositions finales

Article 31 Habilitations à légiférer par voie dordonnance

Article 32 Réexamen de la loi

Article 33 (supprimé) Rapport au Parlement présentant létat des stocks des gamètes en France et les conditions de recours à ces derniers

Article 34 (supprimé) Rapport au Parlement sur lapplication des dispositions encadrant lentretien avec les proches en matière de prélèvements dorganes et de tissu

Titre du projet de loi

 

 


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   Avant propos

 

L’Assemblée nationale est saisie en deuxième lecture du projet de loi relatif à la bioéthique, qui ne contient pas moins de 47 articles restant en discussion. Ceci témoigne d’une large divergence de vues entre les deux chambres du Parlement.

Les points de désaccord concernent des dispositions portées tant par les articles du projet de loi initial – 30 articles sur 32 – que par ceux introduits par l’une ou l’autre des assemblées – huit articles sur les neuf introduits par l’Assemblée, auxquels s’ajoutent neuf articles introduits par le Sénat.

Les trois articles qui ont fait l’objet d’une adoption conforme par le Sénat ne concernent que des sujets plutôt mineurs : l’article 5 bis étend les possibilités d’information relative au don d’organes, l’article 27 met à jour le régime des médicaments de thérapie innovante préparés ponctuellement et l’article 28 dépoussière le code de la santé publique avec diverses mesures de cohérence. Pour sa part, la commission spéciale a adopté quelques articles dans le texte du Sénat. C’est en effet rendre justice au souci de précision rédactionnelle qui anime la seconde chambre. Mais cet effort ne suffira pas à surmonter les profondes divergences de vue entre les deux assemblées.

Les rapporteurs tiennent à souligner que, pour significatif qu’il soit, le nombre d’articles en discussion ne saurait à lui seul incarner les différends. Ils ont donc choisi d’indiquer les « lignes rouges » que l’Assemblée ne pourra franchir sans porter atteinte à la nature ou à l’équilibre du projet de loi.

● La première ligne de fracture concerne l’article principiel adopté par le Sénat, selon lequel « nul n’a de droit à l’enfant ». Cette affirmation, qui repose sur un concept inexistant, est dénuée de portée et peut être source d’insécurité juridique. Elle ne saurait être acceptée par l’Assemblée nationale.

● Sans grande surprise, le deuxième point de divergence porte sur l’assistance médicale à la procréation (AMP). À la lecture du texte adopté par le Sénat, une évidence s’impose : jamais les femmes concernées par les avancées portées par les articles 1er et 2 ne s’y reconnaîtront, jamais elles n’accéderont à la promesse d’une famille complète, unie autour d’un ou plusieurs enfants. Faisant mine de s’inscrire dans une démarche progressiste, le Sénat a en fait déployé de remarquables efforts pour en contrecarrer le cours.

Le Sénat a certes admis le principe de l’ouverture de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes non mariées, écartant les tentatives désespérées de suppression portées par ses membres les plus conservateurs. Mais il a fait de cette ouverture un faux-semblant, en instituant un dispositif parfaitement discriminatoire organisé autour de deux voies d’accès à l’AMP : pour les couples hétérosexuels, un accès fondé sur un critère médical et ouvrant droit à une prise en charge par l’assurance maladie ; pour les couples de femmes et les femmes non mariées, un accès dont le coût restera entièrement à la charge des intéressées. Cette distinction n’est pas seulement une atteinte inacceptable à la solidarité collective : elle reflète l’idée rétrograde qui voudrait que, pour les couples de femmes et les femmes seules, l’AMP soit un élément de confort. C’est ignorer que l’AMP a pour vocation première de répondre à la souffrance de ne pas pouvoir donner d’amour à un enfant – la même souffrance que celle que connaissent les couples hétérosexuels.

Il faut enfin déplorer que, tout à son œuvre de déconstruction, le Sénat ait envoyé un signal malheureux à certaines femmes en réservant le critère médical aux seuls couples hétérosexuels tout en réintroduisant l’interdiction du double don de gamètes.

Avec le rejet de l’article 2, le Sénat est revenu de façon moins contournée sur l’ouverture de l’autoconservation ovocytaire sur indication non pathologique. Cette position est d’autant plus surprenante que sa commission spéciale avait adopté un texte équilibré. Rappelons que l’autoconservation de précaution, qui prend acte du recul de l’âge moyen de la première naissance, permet autant de maîtriser la demande de dons d’ovocytes – utilisation des ovocytes autoconservés ‑ que d’augmenter la réserve d’ovocytes en vue de don si l’autoconservation n’est pas poursuivie.

● Une autre divergence apparaît dans le régime d’accès à leurs origines des personnes issues d’AMP avec tiers donneur.

Là où l’Assemblée défend le principe d’un consentement unique du donneur – il consentira à l’accès à ses données personnelles avant de procéder au don –, le Sénat choisit un double consentement – avant le don pour l’accès à ses données non identifiantes, et au moment où la personne issue de son don en fait la demande pour l’accès à son identité. Le dispositif adopté par le Sénat place les enfants issus de don dans une situation d’inégalité potentielle au regard du droit d’accéder à leurs origines.

Par ailleurs, le Sénat a fait le choix de confier au Conseil national d’accès aux origines personnelles le soin d’accueillir et de prendre en charge les personnes nées d’assistance médicale à la procréation avec don ainsi que des tiers donneurs. L’Assemblée nationale préfère la solution de la commission ad hoc car il convient d’éviter tout parallélisme infondé entre la situation des enfants nés dans le secret et celle des enfants nés d’une AMP avec tiers donneur.

● Le régime d’établissement de la filiation des enfants nés par recours à l’AMP avec tiers donneur dans un couple de femmes est également une ligne de fracture. En effet, l’Assemblée nationale défend le principe d’une filiation établie à l’égard de la femme qui n’a pas accouché reposant sur une reconnaissance conjointe faite lors du consentement à l’AMP devant le notaire, alors que le Sénat choisit la voie d’une adoption simplifiée et accélérée et propose, à cette occasion, d’actualiser le régime de l’adoption. Cette dernière solution fait subsister un temps d’incertitude et de risque, dont pâtissent non seulement la femme n’ayant pas accouché mais surtout l’enfant, l’être le plus vulnérable.

● Un autre sujet de divergence concerne le prélèvement sur les mineurs de cellules souches hématopoïétiques (CSH) issues de la moelle osseuse au profit de leurs parents.

En introduisant la possibilité d’y consentir librement dès l’âge de seize ans, le Sénat s’écarte, sans grande justification, de la logique générale du code de la santé publique qui fait que les droits des mineurs sont exercés par les titulaires de l’autorité parentale.

Par ailleurs, l’Assemblée confie au juge la mission de désigner un administrateur ad hoc chargé de représenter le mineur à la place des parents, d’évaluer la maturité du mineur et d’autoriser le prélèvement de CSH. Cette position est tout à fait cohérente avec la réserve d’interprétation formulée par la France sur l’application de la convention d’Oviedo. Le texte adopté par le Sénat, qui supprime les protections accordées aux mineurs, n’aboutirait qu’à fragiliser cette position.

● S’agissant de la recherche sur l’embryon, le Sénat a adopté des positions bien peu cohérentes.

En premier lieu, la suppression de l’article 17 vise à maintenir l’interdiction de la création d’embryons transgéniques et chimériques, mais on peine à saisir le lien avec les modifications apportées, dans l’article 14, à l’interdiction de créer des embryons pour la recherche.

Limiter cette interdiction à ceux des embryons qui seraient obtenus par fusion de gamètes, c’est en réalité faire table rase de l’interdit en permettant la création d’embryons par tout autre moyen. Certes, ce risque reste hypothétique au regard de l’état des techniques, mais le législateur ne saurait l’ignorer en levant une barrière éminemment symbolique.

A contrario, le Sénat n’admet pas que des recherches recourant à la technique des ciseaux moléculaires puissent être pratiquées sur des embryons qui ne sont plus concernés par un projet parental et qui ont vocation à être détruits. Mais en rétablissant l’interdit général de l’embryon chimérique sans l’assortir d’une définition précise, le Sénat entretient le flou sur l’encadrement des recherches portant sur l’adjonction de cellules souches humaines dans des embryons animaux. Or, ces travaux sont primordiaux si l’on souhaite davantage maîtriser les techniques de dérivation des cellules souches.

En second lieu, le texte transmis par le Sénat aboutit à un fâcheux paradoxe. À la portée devenue plus qu’incertaine de l’interdiction des recherches sur les embryons chimériques animal-homme s’ajoute la remise en question d’un mécanisme de contrôle imaginé par l’Assemblée. Le Sénat a en effet supprimé les pouvoirs de contrôle que l’Assemblée souhaitait donner à l’Agence de la biomédecine (ABM) en cas d’insertion de ces cellules « dans un embryon animal dans le but de son transfert chez la femelle » – les dispositions concernées étant inscrites dans les articles 14 et 15, qui proposent un encadrement des recherches respectivement sur les cellules souches embryonnaires et sur les cellules souches pluripotentes induites. Une telle suppression apparaît particulièrement inopportune.

● Au terme d’un débat nourri, l’Assemblée avait décidé de maintenir le droit existant qui prévoit un encadrement réglementaire du dépistage néonatal. En introduisant l’article 19 quater, le Sénat propose au contraire de systématiser le dépistage de maladies variées à partir de tests exclusivement génétiques. Plusieurs inconvénients rendent très délicat son maintien : l’exclusivité du dépistage par test génétique au détriment d’examens de biologie médicale, l’absence de médiation médicale nécessaire à l’interprétation des résultats, la dérogation au mécanisme d’information de la parentèle en cas de découverte d’anomalie génétique et l’embarrassante exception à l’évaluation médico-économique des produits de santé actuellement exercée par la Haute Autorité de santé.

● Le Sénat a par ailleurs adopté, contre l’avis de sa commission spéciale, des dispositions ouvrant la voie à la conservation autologue de cellules « en vue de l’administration ultérieure d’un traitement innovant », sous une forme très peu encadrée, et à la conservation autologue du sang de cordon ombilical.

Ces deux dispositions ont pour point commun de ne reposer sur aucune indication thérapeutique validée et d’ouvrir la porte à des pratiques commerciales extrêmement lucratives, fondées sur des illusions et rompant avec tout principe de solidarité. Les deux articles ainsi adoptés apparaissent fort éloignés des principes fondamentaux de la bioéthique « à la française », dans lesquels s’inscrivent au contraire tant le projet de loi présenté par le Gouvernement que le texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture.

● Enfin, il est fort regrettable que le projet de création de délégations parlementaires à la bioéthique à l’Assemblée nationale et au Sénat ne puisse aboutir. Sur des enjeux sociétaux aussi importants – qui certes ne font pas nécessairement consensus –, c’est justement par l’écoute et le dialogue que doivent se construire les décisions. Cela aurait dû passer par une réflexion éthique continue, au long cours, conduite par les deux assemblées. Le Sénat en a décidé autrement.

*

Les rapporteurs prennent bonne note du dynamisme des échanges au sein des deux assemblées. Par-delà les lignes de fracture précédemment évoquées, de nombreux sujets animeront les débats de deuxième lecture en séance publique comme ils ont animé ceux de la commission spéciale. Quelques enjeux, soulevés par les parlementaires des deux chambres, ont encore une issue incertaine, notamment parce qu’ils transcendent les clivages partisans.

En matière d’AMP, deux thèmes peuvent être ainsi identifiés. L’ouverture aux femmes non mariées pose d’abord la question de l’accès aux techniques de procréation des femmes ayant malheureusement perdu leur conjoint avec lesquels un projet parental avait été engagé. L’extension plus générale de l’AMP et de l’autoconservation ovocytaire interrogent également l’accessibilité et le maillage territorial des centres d’AMP. En première lecture, à l’Assemblée comme au Sénat, des initiatives parlementaires visant à élargir certaines activités au secteur privé lucratif n’avaient pu prospérer. Ce sujet traverse à nouveau les débats en deuxième lecture.

 


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   Les principales modifications apportÉes au projet de loi par la commission spéciale

 

● La commission a supprimé larticle 1er A.

● La commission est revenue au dispositif de larticle 1er adopté par l’Assemblée en première lecture, avec quelques modifications dont la plus notable concerne la possibilité faite à un couple de femmes, dans le cadre d’une AMP, d’utiliser les gamètes des membres du couple, ou de l’un ou l’autre des membres du couple.

● La commission a supprimé larticle 1er bis A.

● Elle a rétabli larticle 1er bis dans la rédaction adoptée par l’Assemblée en première lecture.

● Elle a rétabli larticle 2 dans la rédaction adoptée par l’Assemblée en première lecture, en y ajoutant la possibilité, pour les femmes qui subissent une ponction d’ovocytes dans le cadre d’une AMP, de réaliser dans le même temps une autoconservation et en prévoyant que ses dispositions s’appliquent au stock actuel de gamètes.

● Elle a rétabli larticle 2 bis dans la rédaction adoptée par l’Assemblée en première lecture, avec quelques modifications rédactionnelles.

● À larticle 3, la commission est revenue sur la proposition du Sénat de subordonner l’accès de la personne née par AMP à l’identité du donneur au consentement exprès de ce dernier et de son conjoint, exprimé au moment de la demande d’accès de la personne née d’un don, car elle ne répond pas à la philosophie du texte issu de l’Assemblée nationale. Le choix d’un consentement irrévocable du donneur, préalablement au don, à communiquer ses données non identifiantes et son identité est en effet une condition essentielle, de nature à sécuriser l’enfant, qui saura qu’à sa majorité, il pourra connaître les données personnelles du donneur. Elle a également rétabli la commission d’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur. Elle a enfin confié à l’Agence de la biomédecine la mission de conserver l’identité des personnes ou des couples receveurs afin de garantir l’effectivité de la réforme et le respect du principe selon lequel le recours aux gamètes d’un même donneur ne peut conduire à la naissance de plus de dix enfants.

● La commission a rétabli larticle 4 dans la rédaction issue de la première lecture à l’Assemblée nationale tout en précisant que la filiation est établie, à l’égard de la femme qui a accouché, par la désignation de la mère dans l’acte de naissance de l’enfant et, à l’égard de la femme qui n’a pas accouché, par la reconnaissance conjointe et en permettant aux couples de femmes qui ont eu recours à une AMP à l’étranger avant l’entrée en vigueur de la loi l’établissement de la filiation à l’égard de la femme qui n’a pas accouché.

● À larticle 4 bis, la commission a supprimé l’article 47-1 que le Sénat avait introduit dans le code civil et a complété l’article 47 pour préciser que la réalité des faits qui sont déclarés dans l’acte de l’état civil est appréciée au regard de la loi française, afin de maintenir un contrôle juridictionnel sur les GPA réalisées à l’étranger.

● La commission a supprimé larticle 5 A introduit par le Sénat, qui créait un statut de donneur d’organe, de tissus ou de cellules.

● À larticle 7 bis, la commission a adopté un amendement réaffirmant l’impossibilité de discriminer les donneurs de sang en fonction de leur orientation sexuelle.

● À larticle 10, la commission a rétabli l’interdiction de tout démarchage publicitaire portant sur l’examen des caractéristiques génétiques constitutionnelles d’une personne.

● La commission a rétabli larticle 14 dans la rédaction issue de la première lecture à l’Assemblée nationale en conservant quelques précisions introduites par le Sénat. Elle a supprimé les modifications apportées par le Sénat à l’article L. 2151‑2 du code de la santé publique. Elle a rétabli la rédaction des critères permettant d’autoriser les recherches sur l’embryon humain, ainsi que celle des critères que doivent respecter les protocoles de recherche sur les cellules souches embryonnaires. Elle est revenue sur la possibilité d’effectuer, à titre dérogatoire, des recherches sur des embryons jusqu’à 21 jours après leur conception et a réintroduit la précision selon laquelle les recherches portant sur l’embryon peuvent avoir pour objet de déterminer les causes de l’infertilité. Elle a de nouveau fixé le périmètre des recherches hautement sensibles soumises à un mécanisme de contrôle renforcé aux protocoles ayant pour objet l’insertion des cellules souches embryonnaires dans un embryon animal dans le but de son transfert chez la femelle.

● La commission a rétabli larticle 15 dans la rédaction issue de la première lecture de l’Assemblée nationale en conservant quelques précisions introduites par le Sénat.

● À larticle 16, la commission a précisé que le consentement donné par les deux membres du couple ou la femme non mariée sur le devenir des embryons s’il n’y a plus de projet parental doit être formalisé par écrit.

● La commission a rétabli larticle 17 dans la rédaction adoptée par l’Assemblée en première lecture.

● À larticle 18, la commission a supprimé l’insertion faite par le Sénat visant à préciser que les personnes faisant l’objet des recherches pourront exercer leur droit à l’effacement de données potentiellement ré-identifiantes ou leur droit d’opposition à l’utilisation de ces données tant que les résultats de la recherche n’ont pas été publiés.

● À larticle 19 bis A, la commission a rétabli les dispositions permettant la pratique du DPI-HLA et a autorisé, pour les seuls DPI-HLA, la réalisation d’une nouvelle stimulation ovarienne afin d’éviter l’implantation d’embryons sains non HLA-compatibles.

● La commission a rétabli larticle 19 bis sous la forme d’une expérimentation législative relative au diagnostic préimplantatoire avec recherche d’aneuploïdies (DPI-A).

● À larticle 21 bis, la commission a adopté plusieurs amendements, dont un amendement du rapporteur facilitant le changement d’état civil des personnes présentant une variation du développement génital.

● La commission a supprimé les articles 22 bis et 22 ter, ouvrant respectivement la voie à la conservation autologue et peu encadrée de cellules « en vue de ladministration ultérieure dun traitement innovant » et à la conservation autologue du sang de cordon ombilical.

 

 


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   Commentaires des articles

TITRE Ier

ÉLARGIR L’ACCÈS AUX TECHNOLOGIES DISPONIBLES
SANS S’AFFRANCHIR DE NOS PRINCIPES ÉTHIQUES

Chapitre Ier
Permettre aux personnes dexercer un choix éclairé en matière de procréation dans un cadre maîtrisé

Article 1er A (supprimé)
Absence de droit à lenfant

Supprimé par la commission

    Résumé du dispositif (introduit par le Sénat en 1ère lecture)

L’article 1er A modifie le code civil pour affirmer que nul n’a de droit à l’enfant.

    Position de la commission

La commission a supprimé cet article.

L’article 1er A est issu de l’adoption par le Sénat, contre l’avis de sa commission spéciale et du Gouvernement, de l’amendement n° 128 de M. de Legge (Les Républicains). Article principiel, il affirme que « nul na de droit à lenfant ».

1.   Le droit en vigueur

La notion de « droit à l’enfant » est insaisissable : seuls en usent ses adversaires.

En droit, elle ne répond à aucune définition juridique et chacun s’accorde à constater qu’il n’existe pas et n’a jamais existé d’obligation positive pour l’État d’assurer à l’un de ses ressortissants le fait d’avoir un enfant.

Toutefois, dans l’esprit de ses contempteurs, elle désigne le principe au nom duquel seraient, d’une part, levées les restrictions juridiques – qu’elles soient fondées sur l’âge, la situation conjugale, l’orientation sexuelle, le décès du partenaire, etc. – à l’accès aux techniques d’assistance médicale à la procréation et de gestation pour autrui pour faire advenir un enfant et, d’autre part, institués des mécanismes juridiques permettant d’établir un lien de filiation entre cet enfant et les personnes qui ont recouru à ces techniques. Dans cette acception, le « droit à l’enfant » devrait plutôt être présenté comme un droit à la parentalité.

Ainsi caractérisé, un « droit à la parentalité » trouve un certain écho dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme sur l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme ([2]) consacrant le droit au respect de la vie privée et familiale. La Cour considère qu’il découle de cette exigence l’interdiction faite à l’État de s’ingérer dans les choix individuels en matière de filiation, même si les solutions qu’elle retient sont différentes selon les situations.

La Cour considère tout d’abord que la notion de vie privée au sens de l’article 8 recouvre le droit au respect des décisions de devenir ou de ne pas devenir parent.

Elle a ainsi admis, dans une affaire d’implantation d’embryon refusée par l’un des membres du couple qui l’avait conçu, que la décision d’un père potentiel d’être ou de ne pas être parent génétique devait être respectée ([3]). Elle a estimé que « la notion de “vie privée”, notion large qui englobe, entre autres, des aspects de lidentité physique et sociale dun individu, notamment le droit à lautonomie personnelle, le droit au développement personnel et le droit détablir et entretenir des rapports avec dautres êtres humains et le monde extérieur, recouvre également le droit au respect des décisions de devenir ou de ne pas devenir parent ».

Après avoir ainsi reconnu la légitimité du désir d’enfant et l’obligation de le protéger, la Cour a prolongé cette logique en reconnaissant la possibilité d’une assistance médicale à la procréation pour un condamné à une longue peine ([4]). La Cour a considéré, en l’espèce, que « larticle 8 est applicable aux griefs des requérants en ce que le refus de linsémination artificielle concerne leur vie privée et familiale, ces notions incluant le droit au respect de devenir parents génétiques » avant de relever que le choix de devenir parent génétique constituait un aspect particulièrement important de l’existence ou de l’identité de l’individu impliquant une marge d’appréciation restreinte de l’État.

La Cour reconnaît également que le droit des couples à concevoir un enfant et à recourir pour ce faire à une assistance médicale à la procréation relève de la protection de l’article 8, « pareil choix constituant une forme dexpression de la vie privée et familiale » ([5]).

La Cour affirme en revanche de manière constante que les dispositions de l’article 8 ne garantissent ni le droit de fonder une famille ni le droit d’adopter ([6]).

En effet, le droit au respect d’une vie familiale ne protège pas le simple désir de fonder une famille : il présuppose l’existence d’une famille ([7]), voire au minimum d’une relation potentielle qui aurait pu se développer, par exemple, entre un père naturel et un enfant né hors mariage ([8]), d’une relation née d’un mariage non fictif, même si une vie familiale ne se trouvait pas encore pleinement établie ([9]), d’une relation entre un père et son enfant légitime, même s’il s’est avéré des années après que celle-ci n’était pas fondée sur un lien biologique ([10]) ou encore d’une relation née d’une adoption légale et non fictive ([11]).

La Cour a en outre conclu, dans l’affaire Paradiso et Campanelli c. Italie, que le retrait et le placement en vue de son adoption d’un enfant né à l’étranger d’une mère porteuse et dépourvu de tout lien biologique avec le couple qui l’avait amené sur le territoire italien en violation de la législation italienne sur l’adoption ne méconnaissait pas l’article 8 en relevant que « la Convention ne consacre aucun droit de devenir parent » ([12]).

La lecture de la jurisprudence de la Cour est rendue plus complexe encore par le fait qu’elle fait également intervenir, dans ce type d’affaires, la vie privée des enfants. La Cour reconnaît ainsi que l’article 8 protège les enfants nés d’une mère porteuse hors de l’État partie à la Convention, lorsque les personnes qui sont légalement les parents en vertu du droit de l’État étranger ne peuvent pas faire transcrire le lien juridique de filiation en droit interne. Elle n’exige pas pour autant des États qu’ils légalisent la gestation pour autrui et reconnaît que ceux-ci peuvent, avant de délivrer les documents d’identité de l’enfant, demander une preuve de filiation pour les enfants nés d’une mère porteuse. En revanche, elle a jugé que le droit de l’enfant au respect de sa vie privée exige que le droit interne rende possible la reconnaissance d’un lien de filiation entre un enfant né à l’étranger d’une gestation pour autrui et le père d’intention lorsqu’il s’agit du père biologique ([13]).

La Cour a ensuite précisé que lorsqu’un enfant est né d’une gestation pour autrui pratiquée à l’étranger, dans une situation où il a été conçu avec les gamètes d’une tierce donneuse, et que la mère d’intention est désignée dans l’acte de naissance légalement établi à l’étranger comme étant la mère légale, le droit au respect de la vie privée de l’enfant requiert également la possibilité d’une reconnaissance en droit interne d’un lien de filiation entre cet enfant et la mère d’intention. Le choix des moyens à mettre en œuvre pour permettre pareille reconnaissance relève de la marge d’appréciation des États. Néanmoins, lorsque le lien entre l’enfant et la mère d’intention s’est concrétisé, les modalités prévues par le droit interne pour permettre la reconnaissance de ce lien doivent garantir « leffectivité et la célérité de leur mise en œuvre » ([14]).

Pour sa part, le Conseil constitutionnel marque une certaine prudence en la matière. On ne trouve en effet, dans sa jurisprudence, qu’une seule mention, dans sa décision relative à la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, pour observer que « les dispositions contestées nont ni pour objet ni pour effet de reconnaître aux couples de personnes de même sexe un “droit à lenfant” » ([15]).

S’il convient de ne pas surinterpréter cette décision, cette mention traduit néanmoins une certaine réserve du juge constitutionnel à l’égard de la reconnaissance d’un « droit à l’enfant ».

2.   La réforme proposée

L’article 1er A, qui pose le principe selon lequel « nul na de droit à lenfant », appelle plusieurs observations.

Tout d’abord, cette affirmation, reposant sur un concept inexistant, risque d’être sans portée juridique. Comme l’a souligné le Conseil d’État dans son étude remise au Premier ministre en vue de la révision de la loi de bioéthique, « linvocation dun “droit à lenfant” est sans portée, une telle notion nayant pas de consistance juridique dès lors quun enfant est une personne, un sujet de droit, et quil ne saurait être envisagé comme lobjet du droit dun tiers » ([16]).

Mais on peut craindre, au contraire, qu’elle soit néanmoins source d’insécurité juridique et qu’ainsi, comme l’a souligné la garde des sceaux Mme Nicole Belloubet lors des débats au Sénat, « introduire dans le texte la rédaction proposée au travers de lamendement limiterait par trop (…) les possibilités offertes en matière de liberté de procréation ». À cet égard, on peut se poser la question de savoir si un tel interdit, de portée très générale, ne remettrait pas en cause l’assistance médicale à la procréation ou certaines de ses modalités.

Enfin, on peut se demander si l’interdiction ainsi posée n’entrerait pas en contradiction avec la jurisprudence dégagée par la Cour européenne des droits de l’homme sur le respect à la vie privée et familiale.

 


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Article 1er
Élargissement de lAMP aux couples de femmes et aux femmes non mariées

Adopté par la commission avec modifications

    Résumé du dispositif initial

L’article 1er étend aux couples de femmes ainsi qu’aux femmes seules l’accès aux techniques d’assistance médicale à la procréation (AMP) ; il supprime en conséquence le critère médical aujourd’hui requis pour en bénéficier. Il lève par ailleurs l’interdiction du double don de gamètes pour permettre notamment à tous les publics, s’ils étaient infertiles, de ne pas se voir refuser l’accès aux techniques de procréation. L’accès à l’AMP repose sur l’évaluation médicale et psychologique des demandeurs, une condition d’âge ainsi que la tenue d’entretiens préalables par une équipe clinicobiologique pluridisciplinaire. Le texte prévoit également l’égalité de prise en charge par l’assurance maladie en cas de recours à l’AMP quel que soit le bénéficiaire.

    Modifications adoptées par l’Assemblée en 1ère lecture

Le texte adopté par l’Assemblée précise que l’AMP résulte d’un projet parental et que son accès ne peut faire l’objet de discrimination d’aucune sorte. L’Assemblée a également supprimé la condition d’évaluation psychologique. Plusieurs modifications ont été apportées s’agissant de la composition de l’équipe clinicobiologique pluridisciplinaire, de la portée des entretiens préalables que celle-ci conduit et de la nature des informations qu’elle produit aux bénéficiaires d’une AMP.

L’Assemblée a par ailleurs précisé les conditions de prise en charge par l’assurance maladie des actes pratiqués en cas d’infertilité.

    Modifications adoptées par le Sénat en 1ère lecture

Le Sénat a rétabli le critère médical d’accès à l’AMP pour les couples formés d’un homme et d’une femme. S’il maintient le principe de l’extension de l’AMP aux couples de femmes ou aux femmes seules, le texte ne prévoit plus de prise en charge par l’assurance maladie des actes d’AMP pour ce public. Le Sénat a par ailleurs rétabli l’interdiction du double don de gamètes.

S’agissant des entretiens préalables réalisés par l’équipe clinicobiologique pluridisciplinaire, le Sénat a estimé nécessaire de conduire une évaluation psychologique et si besoin sociale.

Le Sénat a aussi assoupli les conditions d’âge ouvrant droit à l’AMP en renvoyant leur détermination à des recommandations de bonnes pratiques, alors que le texte initial prévoyait une fixation par décret en Conseil d’État.

    Position de la commission

La commission a adopté 31 amendements visant principalement à rétablir le texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture. Ainsi, dix amendements du rapporteur, l’amendement n° 1312 de Mme Bergé et de nombreux membres du groupe LaREM, l’amendement n° 1042 de Mme Brunet, et des amendements identiques ont rétabli :

 

– l’ouverture de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules dans les mêmes conditions que pour les couples composés d’un homme et d’une femme, y compris dans la prise en charge par l’assurance-maladie ;

– l’autorisation du double don de gamètes ;

– la proposition systématique d’une étude de suivi au couple receveur ou à la femme receveuse ;

– la fixation des conditions d’âge pour bénéficier d’une AMP par décret en Conseil d’État pris après avis de l’Agence de la biomédecine ;

– la composition de l’équipe clinicobiologique chargée des entretiens particuliers avec les demandeurs d’une AMP ;

– l’évaluation médicale des demandeurs, à l’exclusion de la dimension psychologique et sociale introduite par le Sénat ;

– l’interdiction, pour cette évaluation, de débouter le couple ou la femme non mariée en raison de son orientation sexuelle, de son statut matrimonial ou de son identité de genre ;

– l’incitation pour les membres du couple à anticiper et créer les conditions permettant d’informer l’enfant, avant sa majorité, de ce qu’il est issu d’un don ;

La commission a également adopté des dispositions supplémentaires, avec l’avis favorable du rapporteur :

– elle a autorisé le don de gamètes au sein d’un couple de deux femmes, dès lors que l’une d’entre elles est infertile, par dérogation à la règle selon laquelle le bénéfice d’un don de gamètes ne peut être subordonné à la désignation par le couple receveur d’une personne ayant effectué un don en faveur d’un couple tiers anonyme (amendement n° 927 de Mme de Vaucouleurs) ;

– elle a permis à un couple de femmes, dans le cadre d’une AMP, de recourir à l’utilisation des gamètes des membres du couple, ou de l’un ou l’autre des membres du couple (amendement n° 784 de M. Gérard, modifié par le sous-amendement n° 1497 de Mme Vanceunebrock) ;

– elle a permis aux patients qui en font la demande d’obtenir communication écrite des motifs d’un accord, d’un report ou d’un refus d’effectuer une AMP (amendement n° 1120 de Mme Pinel).

L’article 1er étend aux couples de femmes ainsi qu’aux femmes seules l’accès aux techniques d’assistance médicale à la procréation (AMP).

Il supprime à cet effet le critère d’infertilité pathologique ou de transmission d’une maladie d’une particulière gravité qui conditionne actuellement l’accès à l’AMP. Toutes les techniques d’AMP pourront être proposées aux couples formés d’un homme et d’une femme, aux couples formés de deux femmes ainsi qu’aux femmes non mariées. En outre, le projet de loi subordonne l’accès aux techniques d’AMP à une « évaluation médicale et psychologique » réalisée par l’équipe clinicobiologique pluridisciplinaire chargée de l’AMP. Cette évaluation s’insère dans le cadre des entretiens particuliers préalables à la mise en œuvre d’une AMP qui sont habituellement menés pour accompagner les demandeurs dans leur démarche.

Pour les publics déterminés par la loi, l’accès à l’AMP repose sur une condition d’âge ainsi que sur la tenue d’entretiens préalables.

Le texte fixe le principe d’une condition d’âge pour bénéficier d’une AMP mais ne le précise pas pour autant. Les bornes seront fixées par un décret en Conseil d’État, lequel prendra en compte « les risques médicaux de la procréation liés à lâge ainsi que lintérêt de lenfant à naître ».

L’accès aux techniques d’AMP est par ailleurs conditionné à des entretiens préalables :

– les entretiens permettent une rencontre entre les demandeurs et un ou plusieurs médecins de l’équipe. Le texte prévoit en outre l’appel en tant que de besoin à un assistant de service social ;

– les entretiens sont l’occasion de « vérifier la motivation des deux membres du couple ou de la femme non mariée », de leur donner des informations techniques et médicales sur l’AMP (réussite, échec, effets secondaires et risques), de leur remettre un dossier portant sur le cadre législatif et réglementaire de l’AMP, de leur décrire les techniques utilisées et de leur rappeler les dispositions relatives à l’adoption. Le projet de loi précise que les entretiens ont également pour objet de procéder à l’évaluation médicale et psychologique des demandeurs.

Le projet de loi prévoit le recueil par écrit du consentement du couple ou de la femme non mariée à l’issue d’un délai de réflexion d’un mois, la computation du délai débutant après la réalisation de toutes les étapes fixées pour la tenue des entretiens préalables.

Le projet de loi prévoit aussi que l’ensemble des techniques d’AMP disponibles pourra être proposé aux demandeurs : insémination artificielle (avec ou sans donneur selon la situation, fécondation in vitro ou accueil d’embryon). L’équipe clinicobiologique pluridisciplinaire sera chargée d’apprécier le recours à telle ou telle d’entre elles en fonction de la situation là où le droit actuel impose un encadrement strict. Afin que l’AMP reste accessible aux femmes non mariées ou aux couples de femmes pour lesquelles est diagnostiquée une infertilité pathologique, l’article 1er supprime l’interdiction actuelle du double don de gamètes.

Enfin, le texte prévoit la prise en charge de l’AMP par la sécurité sociale quels qu’en soient les demandeurs.

Sans le préciser explicitement, le 1° de l’article L. 160-8 du code de la sécurité sociale permet le remboursement par l’assurance maladie des frais occasionnés par une AMP. Les dépenses que l’assurance maladie prend en charge sont les « frais de médecine générale et spéciale, des frais de soins et de prothèses dentaires, des frais pharmaceutiques et dappareils, des frais dexamens de biologie médicale, y compris la couverture des frais relatifs aux actes dinvestigation individuels, des frais dhospitalisation et de traitement dans des établissements de soins, de réadaptation fonctionnelle et de rééducation ou déducation professionnelle, ainsi que des frais dinterventions chirurgicales, y compris la couverture des médicaments, produits et objets contraceptifs et des frais dexamens et de biologie médicale ordonnés en vue de prescriptions contraceptives ». L’extension de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes non mariées n’impose pas de modifier cet article. En l’absence de précisions contraires, il faut comprendre que l’ouverture de l’AMP à de nouveaux demandeurs implique une prise en charge des frais correspondants par la sécurité sociale.

Tout autre est la couverture des frais restant à la charge des assurés sociaux, représentés par ce qui est communément appelé le « ticket modérateur ». Le droit actuel fixe le principe d’une participation de l’assuré social (article L. 160-13 du code de la sécurité sociale) tout en l’assortissant de dérogations. L’article L. 160-14 du code de la sécurité sociale prévoit à cet effet la possibilité de limiter ou de supprimer le ticket modérateur notamment « pour les investigations nécessaires au diagnostic de la stérilité et pour le traitement de celle-ci, y compris au moyen de linsémination artificielle ». L’accès à l’AMP étant étendu à d’autres indications, il est nécessaire de prévoir explicitement une prise en charge partielle ou intégrale par l’assurance maladie des actes pratiqués au titre de l’AMP. L’article 1er modifie à cet effet l’article L. 160-14 en prévoyant la couverture en tout ou partie du ticket modérateur d’une part pour « les investigations nécessaires au diagnostic de linfertilité », d’autre part pour l’assistance médicale à la procréation.

1.   Les modifications adoptées par l’Assemblée nationale en première lecture

a.   Les modifications apportées par la commission

Outre quelques amendements rédactionnels, plusieurs modifications substantielles ont été apportées par la commission spéciale :

– elle a d’abord précisé les critères d’accès aux techniques d’AMP. Plutôt que de viser l’évaluation médicale et psychologique, le texte prévoit que l’accès aux techniques d’AMP procède des « entretiens particuliers des demandeurs avec les membres de léquipe clinicobiologique pluridisciplinaire » (amendement n° 2020 de Mme Wonner, LaREM). Cette équipe ne sera plus légalement habilitée à procéder à une évaluation « psychologique » mais s’en tiendra à une stricte évaluation médicale (amendements n° 601 de Mme Brunet, LaREM, et identiques). L’amendement n° 2021 de Mme Wonner (LaREM) précise la composition de l’équipe pluridisciplinaire (présence d’un psychiatre, d’un psychologue ou d’un infirmier compétent en psychiatrie) ;

– elle a ensuite adopté deux amendements visant à réaffirmer le principe de non-discrimination dans l’accès à l’assistance médicale à la procréation (amendement n° 2018 de M. Chiche, LaREM) ainsi que dans l’évaluation opérée par l’équipe pluridisciplinaire (amendement n° 1769 de M. Saulignac, SOC) ;

– à l’initiative du rapporteur, elle a introduit la « séparation de corps » comme motif de rupture de parcours d’AMP, maintenant ainsi le droit actuel (amendement n° 2237) ;

– sur proposition du rapporteur, elle a adopté un amendement visant à prévoir la mise en place d’une étude de suivi portant sur l’AMP, le devenir des receveurs et des enfants issus du don (amendement n° 2239) ;

– elle adopté un amendement visant à préciser le principe de gratuité dans le cadre de l’accueil d’embryon par un autre couple ou une femme non mariée : elle a ainsi substitué à la notion d’absence de paiement celle d’absence de contrepartie, dont la portée est plus large (amendement n° 1878 de Mme Vanceunebrock, LaREM) ;

– sur proposition de M. Bazin (LR), la commission a adopté un amendement visant à préciser que, dans le cadre des déplacements d’embryons, l’Agence de la biomédecine délivre une autorisation « préalable » (amendement n° 993). Peu convaincu par l’ajout du qualificatif, le rapporteur avait émis un avis défavorable dans la mesure où le régime d’autorisation implique qu’aucune action ne soit mise en œuvre préalablement à la décision la concernant.

– à l’initiative du rapporteur, elle a adopté deux amendements visant, d’une part, à informer les personnes engagées dans un parcours d’AMP des dispositions prévues en cas de décès (amendement n° 2243) et, d’autre part, à assortir le dossier-guide qui leur est remis d’informations portant sur l’accès aux origines personnelles (amendement n° 2244) ;

– en adoptant l’amendement n° 1918 de Mme Wonner (LaREM), elle a précisé que la décision d’accès à l’AMP doit être prise par le médecin de l’équipe pluridisciplinaire ayant participé aux entretiens préalables avec le couple ou la femme non mariée ;

– elle a enfin prévu une évaluation du nouveau dispositif, qui fera l’objet d’un rapport au Parlement en 2025 (amendement n° 1979 de Mme Tamarelle-Verhaeghe, LaREM).

b.   Les modifications adoptées en séance publique

En séance publique, cet article a fait l’objet de plusieurs modifications significatives.

● Au terme d’un débat nourri, l’Assemblée a adopté l’amendement n° 2123 de M. Gérard (LaREM) tendant à fonder l’AMP sur la notion de projet parental. L’extension des techniques d’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules, qui se traduit par la levée du critère pathologique, en fait désormais une technique destinée à répondre à une demande parentale. Cette ouverture fait également du recours à l’AMP une modalité d’engendrement complémentaire à la procréation charnelle.

● Dans le cadre de l’AMP en appui à une demande parentale exprimée par un couple, l’Assemblée a débattu des modalités de la poursuite du projet en cas de décès d’un des membres du couple. Les débats se sont focalisés sur l’opportunité ou non d’autoriser la procréation « de volonté survivante » ([17]) au profit du membre survivant ainsi que sur le devenir des embryons surnuméraires en cas de décès d’un des membres du couple.

À l’initiative de M. Cazenove (LaREM) et du Gouvernement, l’Assemblée a ainsi adopté respectivement un amendement et deux sous-amendements de portée purement rédactionnelle (amendements n° 2408, 2600 et 2603). Ces amendements ne modifient qu’en apparence l’économie du texte. Leur adoption conduit à préciser, par le biais d’une liste, les différentes situations faisant obstacle à la poursuite d’une AMP. À l’issue d’intenses débats, le choix a été fait de maintenir l’interdiction de la procréation « de volonté survivante » (insémination ou transfert d’embryon). Le rapporteur estime que le maintien de cette interdiction ne se justifie plus à partir du moment où l’AMP peut être accessible aux femmes non mariées et regrette que les amendements qu’il avait présentés en son nom propre n’aient pas été adoptés.

L’Assemblée a par ailleurs adopté l’amendement n° 2053 présenté par Mme Faucillon (GDR) visant à préciser les conditions du devenir des embryons en cas de décès d’un des membres du couple engagé dans un projet parental. Le texte initial de l’article 1er faisait peser sur le membre survivant une responsabilité jugée écrasante en exigeant qu’il se prononce sur le devenir des embryons conservés sans avoir fait le deuil de la perte de son conjoint. L’amendement adopté prévoit qu’une information détaillée est remise au couple avant l’AMP sur les devenirs possibles des embryons en cas de décès de l’un de ses membres (accueil au titre d’un projet parental tiers ou arrêt de la conservation). L’amendement prévoit également qu’en cas de décès « la volonté du couple exprimée en amont » soit respectée. L’exposé des motifs de l’amendement précise en outre qu’il sera mis fin à la conservation de l’embryon si le membre survivant décide finalement de révoquer son consentement à l’accueil par un autre couple ou une femme non mariée ou si les deux membres du couple sont en désaccord quant à son devenir.

Deux amendements n° 126 et 132 présentés par Mme Genevard (LR) ont en outre été adoptés par l’Assemblée. De portée rédactionnelle, ils visent à s’inscrire dans « le registre sémantique constamment retenu pour lembryon humain depuis 1994 » visant à ne pas le réifier. Dans sa rédaction actuelle, le code de la santé publique évoque les couples ayant consenti à l’accueil de l’embryon par un autre couple, ce dernier étant désigné comme étant le couple accueillant l’embryon. Il n’emploie donc pas les termes d’acceptation de l’embryon et encore moins de renonciation. Les amendements visent à aligner la rédaction du projet de loi sur ceux employés par le code de la santé publique en substituant aux termes de renonciation à l’embryon ceux de consentement à « laccueil de lembryon ».

● Sur proposition de M. Mbaye (LaREM), l’Assemblée a adopté un amendement de précision relatif à l’information apportée aux couples ou à la femme non mariée sur l’accès aux origines personnelles lorsqu’ils consentent à l’accueil de leur embryon (amendement n°°2324 rectifié).

● Plusieurs amendements relatifs à la conduite des entretiens préalables à l’AMP ont par ailleurs été retenus par l’Assemblée :

– l’amendement n°°2554 de Mme Tamarelle-Verhaeghe (LaREM) précise que ces derniers pourront être conduits non seulement par des médecins mais aussi par d’autres professionnels de santé membres de l’équipe clinicobiologique pluridisciplinaire ;

– l’amendement n° 2327 de Mme Wonner (LaREM) renvoie à un décret en Conseil d’État la fixation de la composition de l’équipe, ce qui traduit l’idée que les précisions apportées par la commission spéciale ne revêtent pas un caractère exhaustif.

● Trois amendements, adoptés par l’Assemblée, tendent par ailleurs à préciser la nature des informations apportées aux personnes inscrites dans un parcours d’AMP :

– l’amendement n° 2326 de Mme Wonner (LaREM) précise la portée de l’alinéa introduit par la commission spéciale relatif à l’obligation d’information sur l’accès aux origines personnelles. La rédaction de cet alinéa pouvant « laisser croire que les parents eux-mêmes auraient accès » aux origines personnelles, l’amendement n° 2326 précise que seule « la personne majeure issue du don pourra enclencher la procédure » ;

– les débats ayant souligné l’intérêt de lever au plus tôt le secret de la conception dans les familles issues de couples hétérosexuels ayant recouru à une AMP avec tiers donneur, l’amendement n° 2350 rectifié présenté par Mme Wonner (LaREM) prévoit que « les membres du couple sont incités à anticiper et créer les conditions qui leur permettront dinformer lenfant, avant sa majorité, de ce quil est issu dun don ». Selon l’exposé sommaire, l’amendement a pour « motivation principale lintérêt supérieur de lenfant à savoir quil est né dun don » ;

– l’amendement n° 2224 du rapporteur propose qu’une information complète portant sur les bénéfices et les risques d’une AMP soit apportée aux personnes inscrites dans ce parcours.

● À l’initiative de M. Bazin (LR), les conditions de prise en charge des actes pratiqués dans les cas d’infertilité ont été précisées. La rédaction initiale du projet de loi apparaissait en retrait du droit actuel qui prévoit la prise en charge non seulement du diagnostic de l’infertilité mais aussi de son traitement, y compris substitutif. Ce dernier point ne figurant pas dans le texte adopté par la commission, la rédaction a été ajustée suite à l’adoption de l’amendement n° 1839.

● Enfin, un amendement défendu par Mme Tamarelle-Verhaeghe (LaREM) tend à préciser que le rapport d’évaluation portant sur l’article 1er
– exigence introduite à son initiative par la commission spéciale – sera remis avant le 31 décembre 2025 (amendement n° 2544).

2.   Les modifications apportées par le Sénat en première lecture

Les dispositions adoptées par le Sénat, qui modifient substantiellement le texte approuvé par l’Assemblée nationale, constituent un obstacle dirimant. Le Sénat remet en question l’égalité d’accès à l’AMP et de prise en charge par l’assurance maladie. En rétablissant l’interdiction du double don de gamètes, il exclut certaines femmes souffrant d’infertilité du parcours d’AMP alors même que le projet de loi entend précisément consacrer le droit d’accès aux techniques d’AMP pour toutes les femmes. Le retour de l’évaluation psychologique des demandeurs d’AMP associé à l’introduction d’une évaluation sociale – dont on ne distingue que trop bien les contours – constitue une autre pierre d’achoppement.

a.   La remise en question de l’égalité d’accès à l’AMP

● Quatre amendements significatifs ont été adoptés à l’initiative de la rapporteure en commission spéciale ([18]) . Ils tendent à revenir sur l’égalité d’accès aux techniques d’AMP et à la prise en charge par la sécurité sociale.

Le projet de loi lève le critère pathologique afin de permettre l’extension de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes non mariées. Selon l’étude d’impact, « le maintien de ce critère daccès pour les couples hétérosexuels alors quil nexistera pas pour les femmes en couple ou non mariées  bien que certaines dentre elles présenteront de tels problèmes  aboutirait à créer une nouvelle inégalité, source potentielle de contentieux ». Placés sur un pied d’égalité, les projets parentaux pourront également faire l’objet d’une prise en charge par l’assurance maladie, ticket modérateur compris. Ce choix procède de l’application du principe d’égalité. Dans son étude préalable à la révision des lois de bioéthique, le Conseil d’État ([19]) souligne qu’il « paraît exclu, pour des raisons juridiques, détablir un régime différent de prise en charge au regard de la seule orientation sexuelle » et que le « seul critère pertinent serait la visée thérapeutique ». La même étude ajoute que « ce critère apparaît peu adapté dans la mesure où lon observe aujourdhui des prises en charge en AMP de situations qui ne répondent pas à proprement parler à lexigence dune infertilité médicalement constatée, mais qui peuvent être par exemple banalement liées à lâge ». Le rapporteur ajoute que, dans le droit actuel, l’exigence du critère pathologique n’est pas toujours appliquée par les équipes en charge de l’AMP pour la simple raison qu’il peut être difficile de constater le caractère pathologique d’une situation d’infertilité.

Le premier amendement (n° COM-171) rétablit les critères médicaux commandant l’accès aux techniques d’AMP pour les seuls couples formés d’un homme et d’une femme. Le principe de l’extension de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes non mariées est maintenu mais fait l’objet d’un traitement particulier au sein d’un nouvel article du code de la santé publique. Le même amendement modifie par ailleurs la définition des conditions d’âge ouvrant droit à l’AMP. Alors que le projet de loi prévoit une fixation par décret en Conseil d’État pris après avis de l’Agence de la biomédecine, l’amendement instaure un encadrement par des recommandations de bonnes pratiques fixées par voie d’arrêté « afin de ménager plus de souplesse dans lappréciation des situations individuelles ».

Le deuxième amendement (n° COM-181) prévoit une prise en charge par la solidarité nationale pour les seuls couples hétérosexuels sur le fondement des critères médicaux. Il tend donc à revenir sur le remboursement des actes d’AMP aux couples de femmes et aux femmes non mariées.

Le troisième amendement (n° COM-173) vise à coordonner les dispositions relatives à l’accueil de l’embryon avec la rédaction issue de l’amendement n° COM-171.

Le dernier amendement (n° COM-182) vise à revenir sur l’abrogation de l’article L. 2141-7 du code de la santé publique relatif à l’AMP avec tiers donneur.

Selon cet article, l’AMP avec tiers donneur « peut être mise en œuvre lorsquil existe un risque de transmission dune maladie dune particulière gravité à lenfant ou à un membre du couple, lorsque les techniques dassistance médicale à la procréation au sein du couple ne peuvent aboutir ou lorsque le couple […] renonce à une assistance médicale à la procréation au sein du couple ». L’abrogation était commandée par la suppression du critère médical d’accès aux techniques d’AMP et la possibilité d’accéder légalement à toutes les techniques disponibles, l’équipe clinicobiologique pluridisciplinaire étant bien entendu chargée d’apprécier le recours à telle ou telle en fonction de la situation.

L’amendement maintient l’article L. 2141-7 dans sa rédaction actuelle tout en le complétant afin de prévoir la possibilité d’une AMP avec tiers donneur au bénéfice des couples de femmes ou des femmes seules. Le même amendement reprend par ailleurs « une disposition insérée par lAssemblée nationale visant à prévoir un suivi des couples receveurs et des enfants issus du don, afin de disposer de données sur ce sujet ».

● S’agissant du rétablissement du critère médical pour les seuls couples formés d’un homme et d’une femme, le rapporteur fait sien les arguments avancés tant par le Gouvernement dans son étude d’impact que par le Conseil d’État dans son étude : ce critère est dans les faits assez peu opérationnel puisqu’il est difficile de constater le caractère pathologique d’une situation d’infertilité et que les équipes sont souvent amenées à ouvrir l’AMP à des couples qui ne répondent pas strictement à la condition ainsi posée : paradoxalement, son maintien place donc les équipes médicales dans une incertitude juridique regrettable. Par ailleurs, sur un plan strictement constitutionnel, le critère pathologique crée une inégalité entre les projets parentaux au regard de l’objet de la loi.

Le rapporteur souligne en outre que le texte comporte un biais important puisqu’il ne tient pas compte du fait que les couples de femmes et les femmes non mariées pourront certes prétendre à l’AMP mais sans prise en charge au titre de la solidarité collective quand bien même elles seraient affectées par une pathologie de la fertilité – infertilité ou risque de transmission d’une maladie d’une particulière gravité. De surcroît, avec le rétablissement, en séance publique, de l’interdiction du double don de gamètes, certaines de ces femmes n’auraient plus du tout la possibilité d’accéder aux techniques d’AMP (cf. point b. ci-après).

Le texte adopté est ainsi doublement discriminant. Il instrumentalise un critère pathologique – qui ne concernerait que les couples hétérosexuels – en instaurant une hiérarchie entre projets parentaux sans lien avec l’objet de la loi et en empêchant les femmes seules ou membres d’un couple de femmes d’accéder à la solidarité collective, voire à l’AMP elle-même.

● S’agissant de l’assouplissement des conditions d’âge, le rapporteur estime que la rédaction adoptée par l’Assemblée est satisfaisante en ce qu’elle ne fixe pas, dans la loi, des âges précis. Elle est aussi la garantie de l’égalité des règles d’accès aux techniques d’AMP quel que soit le centre auquel s’adressent les demandeurs.

b.   La regrettable interdiction du double don de gamètes

Un amendement visant à rétablir l’interdiction du double don de gamètes a été adopté en séance publique en dépit de l’avis défavorable tant que la commission que du Gouvernement (n° 125 rectifié ter de M. de Legge).

Dans la mesure où l’extension de l’AMP pour les couples de femmes ou les femmes seules est actée, il apparaît nécessaire au rapporteur de prendre en compte l’infertilité des bénéficiaires du parcours d’AMP. L’interdiction du double don de gamètes empêcherait les femmes non mariées ou membres d’un couple de femmes qui souffrent d’infertilité d’accéder à une fécondation in vitro (FIV). Le rapporteur souhaite également rappeler que les couples infertiles actuellement ont accès à un embryon. L’argument selon lequel cette ouverture du double don de gamètes remettrait en cause le lien biologique entre les donneurs et le couple de receveurs ne tient donc pas, compte tenu des pratiques actuelles.

c.   La tenue des entretiens particuliers préalables à l’AMP

Trois amendements ont modifié les conditions dans lesquelles les entretiens particuliers préalables à l’AMP doivent être conduits.

L’amendement n° COM-176 précise la composition de l’équipe clinicobiologique pluridisciplinaire. À l’initiative de la rapporteure, la commission spéciale a souhaité préserver son caractère médical. Le texte adopté précise que les entretiens particuliers sont réalisés par les membres de l’équipe médicale alors que celui de l’Assemblée mentionnait « un ou plusieurs médecins et autres professionnels de santé ». L’amendement supprime par ailleurs la référence à l’« infirmier ayant une compétence en psychiatrie ». Il justifie ces modifications en s’appuyant sur les recommandations de bonnes pratiques en matière d’AMP.

Le rapporteur estime préférable que la loi s’en tienne à une rédaction générale. Le texte devrait pouvoir poser le principe d’une équipe composée de médecins et d’autres professionnels de santé, charge au pouvoir réglementaire d’apporter toutes précisions utiles. Il ne semble donc pas nécessaire que la partie législative du code de la santé publique précise les autres professions concernées sauf à entrer dans un « inventaire à la Prévert » ou à en oublier.

Sur proposition de la rapporteure ([20]), la commission spéciale a précisé que les entretiens particuliers préalables à l’AMP visent à « sassurer de la volonté [de] poursuivre [le] projet parental » alors que le texte adopté par l’Assemblée prévoyait qu’ils permettent de vérifier la motivation des demandeurs. L’amendement adopté rétablit en outre le rappel des possibilités ouvertes par la loi en matière d’adoption.

Pour le rapporteur, ces modifications ne sont pas opportunes. Le droit actuel prévoit déjà que les entretiens préalables doivent notamment « vérifier la motivation de lhomme et de la femme formant le couple » et cette rédaction, issue des premières lois de bioéthique ([21]), ne pose pas de problème particulier d’application. S’assurer de la volonté des demandeurs à poursuivre le projet parental, c’est présupposer que les personnes qui s’engagent dans un parcours ne savent pas ce qu’elles veulent ou sont en état d’incertitude permanent, ce qui n’est pas du tout le cas. La rédaction du Sénat comporte également un risque : celui d’ouvrir la voie à une prise en charge excessivement tatillonne. S’agissant du rappel des possibilités ouvertes par la loi en matière d’adoption, le rapporteur souligne que l’intention est satisfaite par la remise du dossier-guide qui comporte notamment le rappel des dispositions législatives et réglementaires en la matière ainsi que « ladresse des associations et organismes susceptibles de compléter leur information à ce sujet ».

Sur proposition de M. Karoutchi (Les Républicains), la commission spéciale a enfin souhaité réintroduire le caractère psychologique de l’évaluation menée par l’équipe clinicobiologique pluridisciplinaire avant d’accéder à l’AMP. L’amendement adopté prévoit en outre une évaluation sociale ([22]).

S’agissant de la portée de l’évaluation réalisée par l’équipe clinicobiologique pluridisciplinaire, le rapporteur ne partage pas les arguments avancés par le Sénat. Il estime que l’appréciation d’une situation médicale doit suffire à fonder l’accès aux techniques d’AMP. En tant que de besoin, l’équipe peut faire appel à des médecins spécialistes pour vérifier la motivation du couple. L’introduction d’une dimension psychologique ou sociale dans l’évaluation concomitamment à l’extension de l’AMP introduit une stigmatisation regrettable à l’endroit des couples de femmes ou des femmes non mariées. L’accompagnement de la procréation par les voies naturelles repose également sur une appréciation médicale. Personne n’irait arguer d’une évaluation psychologique ou sociale pour s’y opposer sans franchir la limite de l’arbitraire.

d.   La question de l’ouverture de la conservation des embryons aux centres privés

Pas plus que le texte de l’Assemblée, celui adopté par le Sénat ne prévoit de disposition relative à l’ouverture aux centres privés de l’activité de conservation des embryons. Comme pour le don de gamètes, cette activité reste réservée aux seuls établissements publics et privés à but non lucratif.

Le principe de l’extension au secteur privé avait pourtant été acté par la commission spéciale avant que les sénateurs ne reviennent sur cette avancée en séance publique.

À l’initiative de M. Bigot (groupe socialiste et républicain), la commission spéciale avait ainsi élargi à l’ensemble des établissements de santé privés l’activité de mise en œuvre de la procédure d’accueil d’embryons ([23]). Selon le rapport de la commission spéciale, « cette évolution vise à réduire les délais importants constatés dans laccès à cette procédure ». L’exposé sommaire de l’amendement souligne en outre le « problème de cohérence en qui concerne le remboursement du traitement pour les patientes qui leffectuent dans des cliniques privées à létranger » et fait valoir que le « service public nest pas actuellement en capacité de pouvoir répondre à chaque patiente » et que l’impossibilité constatée « sera plus importante compte tenu de louverture de lAMP à de nouveaux bénéficiaires ».

Six amendements identiques adoptés en séance publique, parmi lesquels un amendement du Gouvernement, ont supprimé les dispositions adoptées par la commission spéciale (amendements n° 40 rectifié quinquies, 44 rectifié ter, 52 rectifié, 165, 280 rectifié et 284).

Si le rapporteur est sensible à l’ouverture aux centres privés de l’activité du don de gamètes, il est plus réservé sur la perspective discutée au Sénat, qui envisage une ouverture beaucoup trop large. Il lui paraît préférable de réserver une telle ouverture aux seuls territoires pour lesquels aucune offre n’existe.

e.   Les autres modifications

La commission spéciale du Sénat est revenue sur trois modifications adoptées par l’Assemblée nationale :

– la précision selon laquelle l’évaluation médicale ne peut conduire à débouter un demandeur « en raison de son orientation sexuelle, de son statut marital ou de son identité de genre » a été supprimée ([24]) car elle « semblait jeter le doute sur la capacité des équipes médicales à examiner de manière loyale et impartiale lensemble des demandes ». Selon le Sénat, elle est « en outre inutile dès lors que le code de déontologie médicale comporte déjà un principe général de non-discrimination » ;

– la disposition invitant les couples à « anticiper et créer les conditions qui leur permettront dinformer lenfant, avant sa majorité, de ce quil est issu dun don » a été supprimée en raison de son caractère « ambigu » et d’une « portée normative discutable » ([25]) ;

– la demande d’un rapport d’évaluation de l’article a été jugée inopportune « dès lors que les travaux préparatoires au réexamen général de la loi fourniront de ce point de vue les éléments dévaluation utiles » ([26]).

En séance publique, un amendement n° 303 de la rapporteure a introduit une coordination à l’article 1er, à la suite d’une modification apportée par la commission spéciale à l’article 3. Selon l’exposé sommaire, il « prévoit la possibilité dactualisation des données médicales non identifiantes concernant le couple ou la femme ayant consenti à laccueil dun embryon, auprès des établissements chargés de mettre en œuvre cette procédure daccueil » à l’instar de ce qui est prévu à l’article 3 pour le don de gamètes.

 

 


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Article 1er bis A (supprimé)
Extension du périmètre du rapport annuel dactivité
de lAgence de la biomédecine

Supprimé par la commission

    Résumé du dispositif (introduit par le Sénat en 1ère lecture)

L’article 1er bis A prévoit que le rapport annuel d’activité de l’Agence de la biomédecine qu’elle adresse au Parlement devra établir « la liste des causes et des pathologies qui ont motivé le recours aux techniques de lassistance médicale à la procréation et leur pondération quantitative ».

    Position de la commission

L’article 1er bis A a été supprimé par la commission (amendement n° 1457 du rapporteur et six amendements identiques).

L’article 1er bis A résulte de l’adoption des amendements identiques n° 10 rectifié quinquies de Mme Noël et n° 169 de M. Meurant (les Républicains) pour lesquels le Gouvernement a émis un avis défavorable.

Il vise à modifier l’article L. 1418-1-1 du code de la santé publique, lequel définit les axes du « rapport annuel dactivité [de l’Agence de la biomédecine] qui est rendu public et quelle adresse au Parlement, qui en saisit lOffice parlementaire dévaluation des choix scientifiques et technologiques, au Gouvernement et au Comité consultatif national déthique pour les sciences de la vie et de la santé ».

L’article 1er bis A prévoit que le rapport établira en outre « la liste des causes et des pathologies qui ont motivé le recours aux techniques de lassistance médicale à la procréation et leur pondération quantitative ». L’exposé sommaire des amendements avance deux arguments à l’appui de leur adoption.

En premier lieu, il serait « nécessaire didentifier clairement les causes pathologiques qui motivent le recours à lAMP car elles permettront demprunter de nouvelles pistes dans la recherche sur linfertilité ». Le rapporteur partage cet objectif louable mais considère qu’il aurait pu aussi bien être satisfait :

– en validant le principe des études de suivi proposées aux personnes inscrites dans un parcours d’AMP (article 1er) et aux donneurs de gamètes (article 2 supprimé par le Sénat) ;

– et en ne supprimant pas l’article 2 bis qui vise à mettre en place un plan de lutte contre l’infertilité.

La deuxième raison invoquée à l’appui de l’initiative des sénateurs ne laisse pas d’étonner le rapporteur : il « importe donc de sassurer que les couples homme-femme ne seront pas victimes dune discrimination inacceptable ». Or c’est justement le Sénat qui a introduit une discrimination inacceptable en considérant que le remboursement de l’AMP ne pouvait se justifier que sur une indication médicale et en omettant de prendre en compte l’infertilité des femmes homosexuelles ou non mariées. Par ailleurs, la suppression du critère médical n’aboutit pas à nier les réelles situations d’infertilité pathologique. La rédaction proposée par le Gouvernement et adoptée par l’Assemblée permet de mettre sur un pied d’égalité tous les bénéficiaires d’une AMP au regard de leur prise en charge par la solidarité collective.

Compte-tenu de ces observations, le rapporteur a proposé la suppression de cet article et la commission a suivi cette proposition.

 

 


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Article 1er bis
Rapport relatif à la structuration
des centres dassistance médicale à la procréation

Rétabli par la commission

    Résumé du dispositif (introduit par l’Assemblée en 1ère lecture)

L’article 1er bis prévoit la remise par le Gouvernement au Parlement d’un rapport visant à évaluer la structuration des centres d’assistance médicale à la procréation ainsi que le taux de succès rencontré dans leur activité.

    Modifications apportées par le Sénat en 1ère lecture

Cet article a été supprimé par la commission spéciale du Sénat.

    Position de la commission

La commission a rétabli l’article 1er bis dans la rédaction adoptée par l’Assemblée en première lecture (amendement n° 1185 de M. Berta et cinq amendements identiques).

L’article 1er bis résulte de l’adoption par la commission spéciale de l’amendement n° 1227 présenté par M. Philippe Berta. En séance publique, trois amendements visant à en améliorer la rédaction ont été adoptés à l’initiative du rapporteur.

Il vise à évaluer la structuration des centres d’assistance médicale à la procréation ainsi que le taux de succès rencontré dans leur activité. Il prévoit, pour ce faire, la remise d’un rapport au Parlement dans les douze mois suivant la promulgation de la loi. Ce rapport pourra également aborder l’« opportunité dune évolution structurelle ».

Cet article a été supprimé par la commission spéciale du Sénat à la suite de l’adoption de l’amendement n° COM-157 présenté par la rapporteure. Selon l’exposé sommaire, « lAgence de la biomédecine a dores et déjà, au titre de ses missions, celle dencadrer la structuration et lévaluation des centres dAMP et dassurer linformation du Parlement en formulant des recommandations pour les activités relevant de sa compétence ». En outre, les activités cliniques et biologiques d’AMP sont évaluées par la même agence.

Le rapporteur rappelle tout l’intérêt de dresser un état des lieux de l’ensemble des centres, de leurs disparités, de leurs résultats, et partant, de définir des possibilités d’amélioration.

 


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Article 2
Assouplissement du don de gamètes
et autorisation de leur autoconservation

Rétabli par la commission

    Résumé du dispositif initial

L’article 2 vise à faciliter le don de gamètes en supprimant le consentement du conjoint du donneur si ce dernier est en couple ainsi que la condition d’une procréation préalable.

Il autorise également l’autoconservation de gamètes sur indication non pathologique en vue de la réalisation ultérieure d’une assistance médicale à la procréation. Seul l’acte de prélèvement sera pris en charge par l’assurance maladie, les frais de conservation restant à la charge du bénéficiaire. Le texte apporte enfin quelques précisions sur la durée de conservation des gamètes, les possibilités proposées en cas de renonciation à la conservation des gamètes (don à une autre personne, don en faveur de la recherche ou arrêt de la conservation), en cas d’absence de réponse pendant une durée de dix ans et en cas de décès.

    Modifications apportées par l’Assemblée en 1ère lecture

Les modifications les plus substantielles ont concerné l’autoconservation ovocytaire. Le texte adopté par l’Assemblée prévoit ainsi la possibilité d’effectuer un don partiel de spermatozoïdes au moment du recueil de ces gamètes à des fins autologues. Il interdit toute prise en charge des frais de conservation par l’employeur public ou privé. À l’initiative du rapporteur, le régime applicable en cas d’absence de réponse d’une personne pendant dix ans est aligné sur celui d’une personne décédée pour décider de mettre fin à la conservation des gamètes.

    Modifications apportées par le Sénat en 1ère lecture

Le Sénat a supprimé cet article.

    Position de la commission

La commission a rétabli l’article 2, en adoptant l’amendement n° 1437 du rapporteur, modifié par les sous-amendements n° 1540 de M. Breton, n° 1552 de M. Hetzel et n° 1585 de M. Bazin.

Le texte reprend l’ensemble des dispositions adoptées par l’Assemblée en première lecture et y ajoute :

-          la possibilité, pour les femmes qui subissent une ponction d’ovocytes dans le cadre d’une AMP, de réaliser dans le même temps une autoconservation ;

-          le recueil simultané du consentement relatif au recueil, au prélèvement et à la conservation des gamètes avec la première occurrence de ce consentement sur les modalités à appliquer en cas de fin de conservation ;

-          l’application au stock actuel de gamètes des dispositions du projet de loi relatives à la conservation des gamètes.

L’article 2 poursuit deux objectifs.

Il vise d’abord à assouplir les conditions dans lesquelles le don de gamètes peut être réalisé en supprimant le consentement du conjoint du donneur si ce dernier est en couple et en supprimant la condition d’une procréation préalable. Le principe de gratuité est, quant à lui, maintenu.

Il vise ensuite à autoriser, sous réserve d’un consentement écrit et révocable et de conditions d’âge définies par décret, l’autoconservation de gamètes en vue de la réalisation ultérieure d’une assistance médicale à la procréation (AMP). La poursuite de la conservation est subordonnée au renouvellement d’un consentement écrit chaque année. La durée de la conservation est limitée à dix ans. Hors indications pathologiques, la conservation des gamètes n’est pas prise en charge par la sécurité sociale, l’intention de Gouvernement étant d’autoriser cette pratique sans la favoriser. Par contre, l’acte de prélèvement est pris en charge.

1.   Les modifications apportées par l’Assemblée nationale en première lecture

a.   Les modifications apportées par la commission

Outre sept amendements de nature rédactionnelle, la commission a procédé à des évolutions significatives :

– sur proposition du rapporteur, elle a adopté un amendement visant à prévoir la mise en place d’une étude de suivi portant sur le devenir des donneurs de gamètes (amendement n° 2246) ;

– elle a ouvert la possibilité de consentir d’emblée à un don partiel de gamètes lors de prélèvements réalisés dans le cadre du processus de conservation des gamètes à des fins autologues (amendements identiques n° 1881 et n° 2022) ;

– elle a étendu aux établissements privés à but lucratif la possibilité de proposer le recueil, le prélèvement et la conservation des gamètes à des fins autologues (amendement n° 1695) ;

– elle a précisé que les frais de conservation des gamètes recueillis ou prélevés à des fins autologues – dont le projet de loi exclut la prise en charge par l’assurance maladie – ne peuvent être pris en charge par l’employeur (amendements n° 2023 et n° 984) ;

– elle a enfin réaffirmé l’interdiction de l’importation de gamètes par des entreprises commerciales (amendement n° 2025).

b.   Les modifications apportées en séance publique

Outre cinq amendements de nature rédactionnelle ou de précision, l’Assemblée a adopté, en séance publique, plusieurs modifications substantielles.

Sur proposition du groupe LaREM, l’Assemblée a d’abord précisé la portée du don partiel de gamètes en réservant cette possibilité au don de sperme. Elle a considéré que cette possibilité ne pouvait concerner les ovocytes compte tenu du parcours enduré par les femmes pour obtenir des prélèvements ainsi que des risques de pertes de chance d’aboutir à une naissance (amendement n° 2329).

Elle a ensuite adopté six amendements identiques ([27]) revenant sur l’extension aux établissements privés à but lucratif de la possibilité de proposer le recueil, le prélèvement et la conservation des gamètes à des fins autologues.

Elle a par ailleurs adopté trois amendements visant à préciser le texte de la commission :

– sur proposition des députés du groupe LaREM, l’Assemblée a apporté des précisions sur l’information apportée aux donneurs sur l’accès aux origines personnelles (amendement n° 2328).

– l’interdiction de la prise en charge ou de la compensation des frais liés à l’autoconservation par l’employeur, dont le principe avait été adopté par la commission, a été étendue aux entreprises du secteur public par l’adoption de l’amendement n° 2516 rectifié de Mme Rossi et du sous-amendement n° 2599 du rapporteur. Le texte précise en outre que l’interdiction s’applique à toute prise en charge ou compensation effectuée de « manière directe ou indirecte » ;

– sur proposition du rapporteur, ont été précisées les conditions de l’arrêt de la conservation des gamètes lorsque le donneur ne souhaite plus poursuivre l’autoconservation à des fins autologues (amendement n° 2226). Le cas échéant, le donneur peut décider que ses gamètes fassent l’objet soit d’un don au profit d’une AMP, soit d’un don au bénéfice de la recherche, soit d’un arrêt de conservation. Sans réponse durant dix années civiles consécutives, il est automatiquement mis fin à la conservation des gamètes. Le rapporteur a souhaité aligner le régime de l’arrêt de la conservation des gamètes sur celui prévu en cas de décès en ajoutant que celui-ci est aussi conditionné à l’absence des consentements prévus au titre du don au profit d’une AMP ou de la recherche.

2.   Les modifications apportées par le Sénat en première lecture

L’article 2 a été rejeté par le Sénat lors de l’examen en séance publique, ce qui a privé d’effet toutes les modifications apportées précédemment en commission et en séance publique.

Pour mémoire, on notera l’adoption par la commission spéciale ou en séance publique de plusieurs amendements qui modifient notamment le régime du don de gamètes (rétablissement de l’accord du conjoint, extension au privé lucratif de l’activité de conservation de gamètes en vue de don) ainsi que celui portant sur l’autoconservation (assouplissement des critères d’âge, extension au privé lucratif ou proposition d’autoconservation ovocytaire en cas de prélèvement par ponction d’ovocytes réalisé dans un parcours d’AMP). Le rapporteur se propose d’en faire une présentation synthétique.

a.   Les modifications relatives au régime du don de gamètes

Quatre amendements modifiant le cadre juridique du don de gamètes avaient été adoptés par la commission spéciale.

i.   Le retour à la notion de don de couple

Deux amendements tendaient à redonner une place au conjoint lorsque le donneur de gamètes est membre d’un couple.

L’amendement n° COM-109 de M. Reichardt (Les Républicains) visait à prévoir que le conjoint est informé des dispositions relatives au don de gamètes, notamment l’accès aux origines personnelles. L’amendement n° COM-183 de la rapporteure rétablissait, quant à lui, le consentement du conjoint au don de gamètes lorsque le donneur est en couple. Dans les deux cas, la tonalité du texte adopté par la commission visait à rétablir partiellement la notion de don « de couple à couple » qui a constitué la matrice du don de gamètes lors des premières lois de bioéthique. Cette notion, qui s’accorde sans doute avec une conception traditionnelle de la famille, n’est guère adaptée aux nouvelles configurations familiales. Le rapporteur rappelle ainsi les obstacles pratiques soulignés par l’étude d’impact, notamment l’impossible vérification de « lexistence dun partenaire si le candidat au don ne souhaite pas le mentionner », a fortiori lorsque la communauté de vie est une union libre. Par ailleurs les consentements du donneur et du conjoint ne peuvent être placés sur un pied d’égalité à partir du moment où l’accès aux origines personnelles est en jeu. Il ne s’agit plus seulement de consentir au don mais aussi à l’accès aux données non identifiantes et à l’identité du donneur. En quoi le conjoint est-il concerné par l’accès aux origines personnelles qui revêt un enjeu pour le seul donneur ?

Cette conception de double consentement crée une forme d’insécurité juridique pour les CECOS, qui peuvent faire face à un revirement de ce consentement, dans cette hypothèse, tant de la part du donneur que de sa conjointe ou de son conjoint.

ii.   L’extension des activités de recueil de gamètes en vue du don au secteur privé lucratif

L’amendement n° COM-67 rectifié de Mme Conconne (Socialiste et républicain) autorisait, à titre dérogatoire, des établissements de santé privés lucratifs à pratiquer les activités cliniques et biologiques d’AMP relatives aux gamètes en vue de don sur décision du directeur général de l’agence régionale de santé, en l’absence d’offre disponible au sein du secteur public ou privé à but non lucratif dans un département donné. Selon l’exposé sommaire de l’amendement, cette disposition vise à « permettre, dans les collectivités doutre-mer nayant pas de CECOS, au directeur général de lARS dautoriser un établissement privé à recueillir et conserver des gamètes en vue du don afin que des dons de gamètes puissent avoir lieu au sein même de ces territoires ». L’effet de l’amendement tendrait à diminuer « le besoin dimporter des gamètes (ou au moins, de réduire les besoins dimportations) et daugmenter loffre de gamètes issus de donneurs afro-descendants ». Or, l’exposé sommaire souligne que « le nombre de donneurs afro-descendants en France est déjà très faible et [que] les conditions dappariement des caractéristiques physiques spécifiées par larrêté du 30 juin 2017 relatif aux règles de bonnes pratiques cliniques et biologiques de la PMA entraînent des délais dattente supérieurs de plusieurs années pour les couples afro-descendants désirant avoir recours à la PMA avec tiers donneur ».

iii.   La suppression de l’étude de suivi des donneurs de gamètes

Un amendement présenté par la rapporteure (n° COM-159) supprimait la disposition insérée par l’Assemblée nationale instaurant une étude de suivi des donneurs de gamètes au motif qu’elle serait satisfaite par l’article L. 1418‑1 du code de la santé publique qui prévoit le suivi de l’état de santé des donneurs. On notera que l’article en question ne concerne que l’état de santé des donneuses d’ovocytes. La mesure introduite par l’Assemblée vise tous les donneurs y compris les donneurs de sperme. En outre, elle ne vise pas tant à s’assurer de l’état de santé du donneur qu’à permettre une évaluation du rapport au don à l’aide de données qualitatives portant par exemple sur la motivation du don, l’état d’esprit au regard de la possibilité d’accès aux origines personnelles, la qualité des gamètes ou encore leur évolution dans le temps. Ces études permettraient de mieux cibler les campagnes de dons et d’agir sur les déterminants du don.

b.   Les modifications relatives à l’autoconservation des gamètes

S’agissant de la conservation des gamètes à des fins autologues et sur indication non pathologique, les principales modifications avaient été apportées en commission.

i.   L’assouplissement des conditions d’accès

L’amendement n° COM-162 rectifié de la rapporteure assouplissait les conditions d’accès à cette technique. Le texte prévoyait la fixation de conditions d’âge par décret en Conseil d’État. La rédaction de la commission laissait toute latitude à l’équipe clinicobiologique pluridisciplinaire pour apprécier si l’intéressé remplit les critères d’âge sur la base de recommandations de bonnes pratiques.

ii.   L’information apportée aux personnes candidates à l’autoconservation

Selon l’exposé des motifs, l’amendement n° COM-133 rectifié de M. Karoutchi (Les Républicains) visait « à garantir la pleine information des personnes souhaitant accéder à lautoconservation des gamètes ». Cette information devait porter sur « létat des connaissances scientifiques [relatives au] diagnostic et [au] traitement de linfertilité, la baisse de la fertilité liée à lâge, et les risques de santé liées aux grossesses tardives ». Si le rapporteur partage la nécessité de bien informer les intéressés, il considère que l’intention de la commission sénatoriale était satisfaite par l’alinéa 10 qui prévoit déjà « une information sur les conditions, les risques et les limites de la démarche et de ses suites ». S’agissant de l’état des connaissances scientifiques relatives à l’infertilité, le rapporteur estime que l’intention était satisfaite par l’article 2 bis introduit par l’Assemblée en première lecture, que le Sénat a malheureusement supprimé (cf. commentaire de l’article 2 bis).

iii.   L’extension des activités au secteur privé habilité à exercer le service public hospitalier

En adoptant en séance publique l’amendement n° 252 de M. Milon, le Sénat entendait étendre l’exercice de l’activité d’autoconservation aux établissements de santé habilités à assurer le service public hospitalier, y compris ceux relevant du secteur privé lucratif. Cette adoption faisait notamment suite à la suppression par la commission spéciale de l’encadrement des activités de recueil, de prélèvement et de conservation des gamètes. Elle visait à prévenir l’élargissement du dispositif aux établissements pratiquant des dépassements d’honoraire

En présentant son amendement n° 87 rectifié bis, M. Soilihi visait à permettre à l’ensemble des établissements de santé, publics ou privés, de procéder à la conservation des gamètes. Le dispositif procédait en fait à la suppression malencontreuse d’un alinéa 12 qui prévoyait explicitement que seuls les « établissements publics de santé ou les établissements de santé privés à but non lucratif habilités à assurer le service public hospitalier [pouvaient] procéder au prélèvement, au recueil et à la conservation des gamètes » en vue d’une autoconservation. Pour le rapporteur, cette suppression « sèche » revenait à écarter tout encadrement de ces activités en l’absence d’autorisation spécifique.

iv.   Les autres modifications apportées par le Sénat

● Suivant la proposition de Mme Guillotin (Rassemblement Démocratique et Social Européen), le Sénat a adopté l’amendement n° 120 rectifié qui prévoyait la possibilité de proposer une autoconservation ovocytaire à l’occasion d’une ponction d’ovocytes réalisée dans un parcours d’AMP.

● L’amendement n° COM-140 de la rapporteure apportait des clarifications bienvenues sur la non prise en charge des frais d’autoconservation des gamètes par l’employeur. Remédiant à certaines redondances dans le texte issu de l’Assemblée, la commission spéciale réunissait l’ensemble des dispositions dans un alinéa unique de l’article instituant l’autoconservation.

● L’amendement n° 305 de la rapporteure supprimait la mention de la prise en charge de l’assistance médicale à la procréation insérée dans le présent article, en cohérence avec les modifications apportées à l’article 1, réservant cette prise en charge aux seuls couples formés d’un homme et d’une femme et présentant une infertilité pathologique ou le risque de transmission d’une maladie d’une particulière gravité.

● La commission avait aussi adopté plusieurs amendements précisant les modalités du consentement relatif au devenir de ses gamètes si le bénéficiaire ne souhaite plus poursuivre l’autoconservation :

– l’amendement n° COM-135 rectifié de M. Karoutchi visait à clarifier la possibilité de consentir à ce que les gamètes fassent l’objet d’un don ou d’une recherche en cas de décès.

– l’amendement n° COM-161 de la rapporteure assouplissait les modalités de recueil du consentement. Le texte adopté par l’Assemblée nationale prévoyait une « confirmation par écrit après un délai de réflexion de trois mois à compter de la date du premier consentement ». Le texte adopté par la commission prévoyait une confirmation implicite à l’issue du même délai. Cette disposition, qui a par ailleurs été étendue aux articles 16 et 22, fait perdre de sa portée au consentement, qui, rappelons-le, est un principe cardinal du droit de la bioéthique. Le rapporteur est plutôt d’avis de conserver la rédaction du projet de loi, qui correspond au droit actuel. Il s’agit d’une formalité substantielle qui détermine quand même la destinée d’éléments du corps humain.

– l’amendement n° COM-168 de la rapporteure précisait les conditions dans lesquelles il est mis fin à la conservation des gamètes en cas d’absence de réponses durant 10 années civiles consécutives ou en cas de décès.

● À l’initiative de la rapporteure, la commission avait précisé le régime d’importation et d’exportation des gamètes (amendement n° COM-160). L’Assemblée avait en effet adopté un amendement tendant à préciser que les autorisations de déplacement, dûment délivrées par l’Agence de la biomédecine (ABM), ne peuvent concerner des entreprises commerciales. La commission spéciale du Sénat a estimé que le droit actuel exclut déjà les entreprises commerciales dans la mesure où l’article L. 2141-11-1 du code de la santé publique réserve le déplacement des gamètes aux établissements, organismes, groupements de coopération sanitaire ou laboratoires titulaires d’une autorisation délivrée par l’ABM pour exercer une activité biologique d’assistance médicale à la procréation. L’amendement entendait plutôt préciser la portée des décisions en terme de déplacement de gamètes en prévoyant explicitement que l’autorisation est destinée à permettre la poursuite d’un projet parental par la voie d’une AMP ou la restauration de la fertilité ou d’une fonction hormonale, à l’exclusion de toute finalité commerciale.

Toujours à l’initiative de la rapporteure, le Sénat avait adopté en séance publique un amendement n° 306 précisant que les décisions qui présidaient au déplacement des gamètes pouvaient répondre à la finalité de préservation de la fertilité, et pas seulement de sa restauration.

● La commission avait enfin adopté un amendement prévoyant « une disposition transitoire afin de soumettre au régime mis en place par larticle 2 les gamètes autoconservés dans le cadre des dispositions actuellement en vigueur, cest à dire lors dune démarche de don » (amendement n° COM-164). Rappelons que le troisième alinéa de l’article L. 1244-2 prévoit la possibilité d’autoconserver ses gamètes en échange d’un don. Ce dispositif avait été institué pour favoriser le don d’ovocytes. Cette forme de contrepartie au don ne faisait pas l’unanimité. Pour ainsi dire, elle s’apparentait à une sorte de chantage au don. Toutefois, plutôt que d’envisager l’arrêt pur et simple de la conservation des gamètes recueillis au titre de cette disposition, la commission sénatoriale proposait l’application des règles prévues par l’article 2 qui autorise le don en vue d’une AMP ou et la recherche.

 

 


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Article 2 bis
Mise en place dun plan de lutte contre linfertilité

Rétabli par la commission

    Résumé du dispositif (introduit par l’Assemblée en 1ère lecture)

L’article 2 bis vise à promouvoir la mise en place d’un plan national de lutte contre l’infertilité.

    Modifications apportées par le Sénat en 1ère lecture

Le Sénat a supprimé cet article.

    Position de la commission

La commission a rétabli l’article 2 bis dans la rédaction adoptée par l’Assemblée en première lecture, avec quelques modifications rédactionnelles (amendement n° 655 de Mme Firmin Le Bodo et cinq amendements identiques).

● L’article 2 bis résulte de l’adoption de l’amendement n° 2559 rectifié présenté par Mme Firmin Le Bodo, présidente de la commission spéciale, qui concrétise une position partagée par l’ensemble des groupes de l’Assemblée.

Il vise à promouvoir la mise en place d’un plan national de lutte contre l’infertilité qui « inclurait aussi bien leffort en matière de recherche, la formation spécifique des professionnels de santé que linformation et la communication auprès du grand public, en particulier des plus jeunes ».

Cet article a malheureusement été supprimé par la commission spéciale du Sénat à l’initiative de sa rapporteure, celle-ci jugeant que « la portée normative de cet article daffichage est discutable puisquil se contente de renvoyer la définition de ce plan dactions au pouvoir réglementaire ».

● Le rapporteur ne partage évidemment pas le point de vue des sénateurs. Les débats dans les deux chambres ont souligné la nécessité d’une articulation entre la lutte contre l’infertilité, l’autoconservation ovocytaire et l’inscription dans un parcours d’AMP.

Un effort particulier doit être porté sur la recherche afin de mettre en lumière les causes potentielles d’une situation d’infertilité ou encore la diminution de la qualité du sperme. Des actions doivent être entreprises pour mieux informer nos concitoyens sur la décroissance de la fertilité avec l’âge. Il a été souligné, à maintes reprises, le décalage croissant entre la courbe de fertilité et l’âge moyen auquel le premier enfant est conçu.

Les techniques mises au service de la reproduction ne peuvent résoudre toutes les difficultés. Pour le rapporteur, tout doit être mis en œuvre pour éviter les situations à risque ou les échecs répétés susceptibles d’aggraver la détresse des femmes et de leurs conjoints.

L’Assemblée s’est employée à ce que l’article 2 bis issu de ses délibérations respecte le principe de la séparation des pouvoirs législatif et réglementaire ; ce n’est pas pour autant que cet article est dépourvu de portée normative. Au contraire, il fixe un cap d’autant plus précis qu’il est susceptible d’emporter des conséquences sur le recours aux techniques d’AMP. Le programme fixé par cet article pourra donc faire l’objet d’une évaluation dans la perspective de la prochaine révision des lois de bioéthique.

On notera au demeurant que la commission spéciale du Sénat a adopté un amendement à l’article 2 tendant à informer les bénéficiaires de « létat des connaissances scientifiques [relatives au] diagnostic et [au] traitement de linfertilité, la baisse de la fertilité liée à lâge, et les risques de santé liées aux grossesses tardives ». Une telle information fait justement partie du plan d’actions prévu par l’article 2 bis, et la portée normative de la disposition qui l’institue n’est pas moindre dans l’article adopté par l’Assemblée que dans l’amendement adopté par le Sénat. Le code de la santé publique comprend par ailleurs des dispositions de niveau législatif qui prévoient la mise en place de plans dont le principe s’apparente à celui prévu par l’article 2 bis.

● Le rapporteur est convenu avec la présidente de la commission spéciale qu’il convenait de rétablir cet article dans le texte issu de l’Assemblée, moyennant quelques ajustements rédactionnels.

 

 


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Chapitre II
Reconnaître et sécuriser les droits des enfants nés dassistance médicale à la procréation

Article 3
Droit daccès aux origines dune personne conçue dans le cadre dune assistance médicale à la procréation par recours à un tiers donneur

Adopté par la commission avec modifications

    Résumé du dispositif initial

L’article 3 a pour objet d’autoriser les personnes nées d’assistance médicale à la procréation avec un tiers donneur à accéder aux données non identifiantes ainsi qu’à l’identité de leurs donneurs de gamètes ou d’embryons et instaure, à cet effet, une commission ad hoc.

    Principales modifications adoptées par l’Assemblée en 1ère lecture

L’Assemblée a défini, dans le code civil, la notion de receveur de don de gamètes ou d’embryons. Elle a précisé que la commission ad hoc fait droit aux demandes qui lui sont présentées. Elle a ajouté la possibilité, pour le donneur, d’actualiser ses données non identifiantes. Elle a prévu que le donneur qui souhaite connaître le nombre d’enfants nés grâce à son don ainsi que leur sexe et année de naissance peut s’adresser à la commission d’accès. Elle a supprimé, pour les donneurs relevant du régime actuel, la condition de manifestation de leur consentement à l’accès à leurs données personnelles. Elle a prévu la conservation du stock de gamètes et d’embryons recueillis antérieurement à l’entrée en vigueur du nouveau régime et pour lesquels les donneurs ont donné leur consentement à la transmission de leurs données personnelles et a conforté la possibilité, pour les anciens donneurs, de transférer leurs gamètes ou leurs embryons en cours de conservation dans le stock de gamètes et d’embryons nouvellement constitué.

    Principales modifications adoptées par le Sénat en 1ère lecture

Le Sénat a introduit l’accord exprès du donneur au moment de la demande d’accès à son identité. Il a supprimé la commission ad hoc et a confié ses missions au Conseil national pour l’accès aux origines personnelles (CNAOP). Il a intégré à ces missions la tâche de recontacter les anciens donneurs en cas de demandes d’accès provenant de personnes nées de dons sous l’actuel régime d’anonymat et de les interroger sur leur volonté ou non de communiquer leurs informations personnelles. Il a modifié la liste des données non identifiantes, porté la durée maximale de conservation des données par l’Agence de biomédecine de 80 à 120 ans et supprimé la possibilité pour le donneur d’obtenir des informations sur les enfants issus de ses dons.

 

    Position de la commission

À l’initiative de la rapporteure, la commission a supprimé les modifications introduites par le Sénat aux articles 16-8 du code civil et L. 1211-5 du code de la santé publique qui élargissaient le champ de la dérogation au principe de l’anonymat du don d’un élément ou d’un produit du corps prévue par le présent article aux cas de nécessité médicale (amendement n° 1481) ainsi que la précision selon laquelle les informations médicales non identifiantes peuvent être actualisées par le donneur (amendement n° 1482).

La commission est revenue sur l’introduction, par le Sénat, de l’accord exprès du donneur au moment de la demande d’accès à son identité (amendements n° 1483 de la rapporteure et n° 1052 de Mme Brunet). Elle ajouté que le décès du donneur est sans incidence sur la communication de ses données personnelles (amendement n° 395 de M. Hetzel) et que ces données peuvent être actualisées (amendement n° 1485 de la rapporteure et n° 1353 de M. Martin).

Elle a rétabli la liste des données non identifiantes dans sa rédaction issue de l’Assemblée (amendements n° 1486, 1487 et 1488 de la rapporteure et n° 114 de M. Chiche, n° 1053 de Mme Brunet, n° 1380 de M. Mbaye et n° 137 de Mme Ménard).

Elle a prévu le recueil, par le médecin du CECOS, de l’identité de la personne ou du couple receveur et a confié à l’Agence de la biomédecine la mission de conserver cette donnée afin de garantir l’effectivité de la réforme et le respect du principe selon lequel le recours aux gamètes d’un même donneur ne peut conduire à la naissance de plus de dix enfants (amendement n° 1489 de la rapporteure).

Elle est revenue, à l’initiative de la rapporteure, sur l’introduction par le Sénat du recueil du consentement de l’autre membre du couple lors d’un don de gamètes et lors d’une demande d’accès à l’identité du donneur (amendement n° 1495).

Elle a prévu que le consentement des anciens donneurs à communiquer leurs données personnelles est conservé par l’Agence de la biomédecine (amendement n° 874 de Mme Bannier).

Elle a rétabli la commission ad hoc (amendement n° 1490 de la rapporteure).

Elle a rétabli l’échéance à laquelle les anciens donneurs peuvent se manifester dans sa rédaction issue de l’Assemblée (amendements n° 1494 de la rapporteure et n° 908 de Mme de Vaucouleurs) et a supprimé l’avis de la CNIL sur le décret en Conseil d’État qui fixera les conditions de leur consentement à la communication de leurs données personnelles (amendements n° 1496 de la rapporteure, n° 1408 de Mme de Vaucouleurs et n° 1592 de Mme Brunet).

Elle a rétabli la demande de rapport au Gouvernement d’évaluation du présent article (amendements n° 902 de Mme de Vaucouleurs, n° 955 de M. Minot et n° 1126 de Mme Pinel).

Après avoir réaffirmé le principe de l’anonymat du don de gamètes ou d’embryon, l’article 3 ouvre le droit à toute personne conçue par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur d’accéder, à sa majorité, aux données non identifiantes et à l’identité de ce donneur et en définit les modalités d’accès en :

– subordonnant le don au consentement préalable du donneur à ce que la personne issue de son don puisse accéder à ses données non identifiantes et à son identité ;

– fixant la liste des données non identifiantes (âge, état général du donneur au moment du don, caractéristiques physiques, situation familiale et professionnelle, pays de naissance, motivations du don) ;

– confiant à l’Agence de la biomédecine le soin de conserver les données ainsi recueillies pendant au moins 80 ans ;

– créant une commission d’accès aux données identifiantes et à l’identité du tiers donneur composée de seize membres dont quatre représentants des ministères chargés de la justice et de l’action sociale et de la santé, présidée par un magistrat de l’ordre judiciaire et chargée de statuer sur les demandes d’accès à l’identité et aux données non identifiantes relatives au tiers donneur, de communiquer ces données, d’assurer l’information et l’accompagnement des demandeurs et des tiers donneurs et, pour les donneurs dont les gamètes ont été recueillis ou prélevés dans le cadre juridique actuel, de recueillir leur accord à l’accès aux informations les concernant sous réserve qu’ils se soient manifestés, sur leur initiative, auprès d’elle pour autoriser un tel accès.

Ce même article prévoit par ailleurs qu’un médecin peut accéder aux informations médicales non identifiantes en cas de nécessité médicale – et non plus « thérapeutique » – au bénéfice d’un enfant conçu à partir de gamètes issus de don ou au bénéfice d’un donneur de gamètes.

Il définit enfin un dispositif d’application différenciée dans le temps afin de garantir le respect du consentement du donneur. L’instauration d’un droit inconditionnel pour tout enfant conçu par assistance médicale à la procréation avec un tiers donneur après une certaine date à accéder aux informations personnelles de son donneur impose en effet de détruire le stock de gamètes et d’embryons issus des dons consentis sous le régime actuel.

1.   Les modifications adoptées par l’Assemblée nationale en première lecture

a.   Les modifications apportées par la commission spéciale

Outre des amendements de nature rédactionnelle, la commission a adopté plusieurs amendements afin de préciser le contenu de l’article 3.

En premier lieu, la commission a, à l’initiative de la rapporteure, clarifié la rédaction du nouvel article du code de la santé publique qui ouvre l’accès aux personnes nées par AMP avec tiers donneur aux données personnelles de ce donneur en affirmant que toute personne conçue par AMP avec tiers donneur peut, si elle le souhaite, accéder, à sa majorité, aux données non identifiantes et à l’identité de ce tiers donneur (amendement n° 2295).

En deuxième lieu, la commission a, sur proposition de M. Mbaye et de plusieurs de ses collègues du groupe LaREM, explicitement subordonné le don de gamètes ou d’embryon au consentement du donneur à la communication de ses données personnelles en précisant qu’en cas de refus, il ne peut procéder au don (amendement n° 380).

En troisième lieu, la commission a, à l’initiative de la rapporteure, clarifié les missions de la commission d’accès aux données non identifiantes et à l’identité des tiers donneur (amendement n° 2296). Elle a, en particulier, précisé que cette commission fait droit aux demandes présentées conformément aux conditions définies réglementairement. Ainsi, sous réserve que la personne produise les pièces à joindre à la demande, la commission d’accès fait droit à la demande sans l’apprécier en opportunité. Il en résulte que, si la personne est répertoriée dans le fichier géré par l’Agence de la biomédecine, la commission d’accès transmet les données demandées ; si elle n’est pas répertoriée dans le fichier, la mission de la commission d’accès prend fin. La commission spéciale a également supprimé, pour les donneurs relevant du régime actuel, la condition de manifestation, à leur initiative, de leur consentement à l’accès à leurs données personnelles.

En quatrième lieu, la commission a, sur proposition de la rapporteure, défini, à l’article 16-8-1 du code civil, les receveurs de don de gamètes ou d’embryon comme les personnes qui ont donné leur consentement à l’AMP (amendement n° 2293).

En cinquième lieu, la commission a prévu, à l’initiative de M. Didier Martin et de plusieurs de ses collègues du groupe LaREM, la conservation du stock de gamètes et d’embryons recueillis antérieurement à l’entrée en vigueur du nouveau régime et pour lesquels les donneurs ont donné leur consentement à la transmission de leurs données personnelles (amendement n° 1930).

En dernier lieu, la commission a, sur proposition de Mme Tamarelle-Verhaeghe et de plusieurs de ses collègues du groupe LaREM, prévu que le Gouvernement remette au Parlement, en 2025, un rapport d’évaluation du nouveau dispositif d’accès aux origines, portant notamment sur ses conséquences sur l’évolution du nombre de dons de gamètes et d’embryons (amendement n° 1986).

b.   Les modifications adoptées en séance publique

À l’initiative du groupe LaREM, l’Assemblée a tout d’abord adopté un amendement n° 2330, qui précise que les données non identifiantes relatives aux personnes souhaitant procéder à un don de gamètes ou d’embryon peuvent, après avoir été recueillies, être actualisées par les donneurs, afin de permettre une meilleure prise en charge médicale de la personne issue du don.

Sur proposition de M. Touraine et de plusieurs de ses collègues du groupe LaREM, de M. Didier Martin (LaREM) et de M. Fuchs et de plusieurs de ses collègues du groupe Modem, l’Assemblée nationale a ensuite adopté, contre l’avis de la commission spéciale et du Gouvernement, trois amendements identiques n° 1585, 1730 et 2007, prévoyant que le donneur qui souhaite connaître le nombre d’enfants nés grâce à son don ainsi que leur sexe et année de naissance peut s’adresser à la commission d’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur, qui est chargée de lui donner les informations demandées.

À l’initiative de Mme Bannier (Modem), l’Assemblée nationale a en outre adopté un amendement n° 1192, destiné à étendre à l’identité des personnes conçues par don l’obligation de confidentialité auxquels sont soumis les membres de la commission d’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur.

Sur proposition de la rapporteure, l’Assemblée a adopté un amendement n° 2451 confortant la possibilité, pour les anciens donneurs, de transférer leurs gamètes ou leurs embryons en cours de conservation dans le stock de gamètes et d’embryons nouvellement constitué. Ainsi, les anciens donneurs pourraient consentir à ce que leurs gamètes ou embryons en cours de conservation continuent à être utilisés dans le cadre du nouveau régime, dès lors qu’ils se seraient manifestés auprès des CECOS pour exprimer leur consentement à se soumettre aux nouvelles règles. Ce consentement pourrait être donné avant le jour, fixé par décret, de « bascule » dans le nouveau régime, ce qui éviterait la destruction des gamètes ou embryons donnés.

L’Assemblée a complété l’objet du rapport que devra remettre le Gouvernement au Parlement au sujet des conséquences du dispositif d’accès aux origines sur l’évolution du nombre de dons, en précisant, à l’initiative du groupe LaREM, qu’il devra également porter sur l’évolution du profil des donneurs (amendement n° 2331) et, sur proposition de Mme Bannier et de plusieurs de ses collègues du groupe Modem, qu’il devra aussi traiter de l’efficacité des modalités d’accès aux données non identifiantes et à l’identité des tiers donneurs (amendement n° 1573).

L’Assemblée a enfin adopté plusieurs amendements rédactionnels.

2.   Les modifications apportées par le Sénat en première lecture

a.   Trois modifications majeures adoptées par la commission spéciale

La commission spéciale a procédé à trois modifications d’ampleur de l’article 3.

• En adoptant l’amendement n° COM-264 proposé par la rapporteure, Mme Jourda, la commission a tout d’abord permis au donneur d’accepter ou de refuser l’accès à son identité au moment de la demande exprimée par la personne issue de son don, comme cela avait été envisagé par le Gouvernement dans l’article 3 bis de l’avant-projet de loi, écarté par la suite, au motif que « larticle 3 tel que proposé par le Gouvernement ne respectait pas suffisamment les droits des donneurs » ([28]).

Il en résulte que si l’accès aux données non identifiantes est accepté de manière irrévocable par les futurs donneurs préalablement au don, l’accès à leur identité doit faire l’objet d’un consentement exprès de leur part, exprimé au moment de la demande d’accès de la personne née d’un don. À cet effet, la commission a prévu que l’organisme chargé de l’accès aux origines des personnes conçues par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur traite les demandes d’accès à l’identité des tiers donneurs en les interrogeant pour recueillir leur consentement.

Le Sénat a complété ce dispositif avec l’amendement n° COM-242 proposé par la rapporteure afin de prévoir que le consentement du conjoint du donneur est également recueilli au moment de la demande de levée de l’anonymat. À défaut, il ne peut être fait droit à la demande d’accès à l’identité du donneur.

• À l’initiative de sa rapporteure, la commission a adopté l’amendement n° COM-239, qui vise à supprimer la commission d’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur et à confier ses missions au Conseil national pour l’accès aux origines personnelles (CNAOP), au sein duquel serait constituée une formation spécifique. La rapporteure justifie ce choix par la mutualisation des moyens et la mise en valeur de l’expérience acquise qu’il permettrait et propose que les moyens supplémentaires prévus initialement pour la commission ad hoc soient affectés au CNAOP pour l’aider à développer ses nouvelles compétences.

Ainsi, le CNAOP serait désormais placé auprès du ministre chargé des affaires sociales, comme c’est déjà le cas actuellement, mais également du ministre chargé de la santé.

Par le même amendement, la commission a modifié la composition de l’instance chargée de l’accès aux origines des personnes conçues par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur en :

– supprimant la précision selon laquelle le magistrat de l’ordre judiciaire est chargé de présider cet organisme ;

– substituant aux quatre représentants du ministre de la justice et des ministres chargés de l’action sociale et de la santé « des représentants des ministères concernés », à savoir les ministres chargés des affaires sociales et de la santé ;

– réduisant de quatre à trois le nombre de personnalités qualifiées choisies en raison de leurs connaissances ou de leur expérience dans le domaine de l’assistance médicale à la procréation ou des sciences humaines ou sociales, afin de faire coïncider le nombre de membres et la composition de cette nouvelle formation du CNAOP avec ceux de la formation existante ;

– ôtant la référence à la parité au sein de cet organisme et la possibilité de désigner des suppléants.

La commission spéciale a aussi supprimé l’obligation de confidentialité qui s’imposait aux membres de cet organisme.

Afin de faciliter l’accomplissement de ces nouvelles missions, la commission a conféré une habilitation législative au CNAOP pour qu’il puisse utiliser le numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques du donneur.

• Sur proposition de son président M. Milon et de sa rapporteure Mme Jourda, la commission a enfin adopté deux amendements identiques n° COM-252 et n° COM-265 confiant à l’organisme chargé de l’accès aux origines des personnes conçues par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur la mission de recontacter les anciens donneurs, en cas de demandes d’accès provenant de personnes nées de dons sous l’ancien régime d’anonymat, et de les interroger sur leur volonté ou non de communiquer leurs informations personnelles, sans attendre qu’ils se manifestent spontanément.

b.   Les autres modifications adoptées par le Sénat

• À l’initiative de la rapporteure, la commission spéciale a adopté :

– l’amendement n° COM-234 pour prévoir, à l’article L. 1244-6 du code de la santé publique, que les informations médicales non identifiantes auxquelles peut accéder un médecin, en cas de nécessité médicale, au bénéfice d’une personne conçue à partir de gamètes issus d’un don ou au bénéfice d’un donneur de gamètes peuvent être actualisées par le donneur ou la personne née du don auprès du CECOS ou du centre d’AMP. Parallèlement, elle a supprimé, au sein du chapitre du code de la santé publique consacré à l’accès aux origines des personnes conçues par AMP (article L. 2143-2 du même code), la possibilité, ouverte par l’Assemblée nationale aux donneurs d’actualiser les données non identifiantes transmises lors de leur don ;

– l’amendement n° COM-235 pour viser explicitement le cas où le donneur est un membre survivant du couple dans le cadre de l’article L. 2141-5 du code de la santé publique ;

– l’amendement n° COM-236 pour modifier la liste des données non identifiantes collectées au moment du don et préciser les modalités de leur actualisation. La commission a ainsi supprimé les données relatives à l’état général du donneur au motif que cela créerait une confusion avec les données médicales non identifiantes qui sont accessibles à tout moment par le médecin dans le cadre de l’article L. 1244-6 du code de la santé publique, et a indiqué que la rédaction des motivations du don devrait avoir lieu en concertation avec le médecin pour éviter « toute conséquence négative sur la personne née dune AMP avec donneur après sa majorité » ([29]). Elle a rappelé, à nouveau, qu’en cas d’opposition à la collecte de ces données les personnes ne peuvent procéder au don. Elle a enfin repris l’idée introduite par l’Assemblée nationale de leur possible actualisation en en restreignant toutefois le champ aux seules données relatives à leur situation familiale ou professionnelle et en ajoutant que les tiers donneurs peuvent rectifier l’ensemble de ces données en cas d’inexactitude ;

– l’amendement n° COM-237 pour ajouter que la CNIL serait consultée sur plusieurs décrets en Conseil d’État et porter la durée maximale de conservation des données par l’Agence de biomédecine de 80 à 120 ans ;

– l’amendement n° COM-238 pour supprimer la possibilité offerte par l’Assemblée nationale au donneur d’obtenir des informations sur les enfants nés grâce à ses dons, car elle serait « de nature à créer un lien ambigu entre le donneur et les personnes issues de ses dons et à transformer le caractère purement altruiste du don » et pourrait être « source de déception pour le donneur si aucun enfant nen est résulté » ;

– l’amendement n° COM-241 pour supprimer la demande de rapport au Gouvernement, au motif que « les rapports de lAgence de la biomédecine ou du CNAOP [seraient] suffisants à linformation du Parlement » ([30]).

• Sur proposition de sa rapporteure, la commission a enfin adopté, outre un amendement rédactionnel, plusieurs amendements de coordination :

– deux amendements n° COM-232 et n° COM-233 afin d’étendre aux articles L. 1211-5 du code de la santé publique et 16-8 du code civil la substitution, réalisée à l’article L. 1244-6 du code de la santé publique, de la notion de « nécessité thérapeutique » par celle, plus large, de « nécessité médicale » ;

– l’amendement n° COM-243 afin que les donneurs se manifestent avant l’avant-veille de la date fixée par décret.

• En séance publique, le Sénat n’a adopté qu’un amendement de nature rédactionnelle.

 

 


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Article 4
Établissement de la filiation des enfants nés par recours à lassistance médicale à la procréation par un couple de femmes
ou par une femme non mariée

Adopté par la commission avec modifications

    Résumé du dispositif initial

L’article 4 crée un mode de filiation par déclaration anticipée de volonté permettant aux couples de femmes de devenir légalement les parents de l’enfant issu de l’assistance médicale à la procréation qu’elles auront réalisée ensemble, et ce, dès la naissance.

    Modifications adoptées par l’Assemblée en 1ère lecture

L’Assemblée a réécrit l’article 4 afin de créer, au sein du titre VII du livre Ier du code civil relatif à la filiation, un nouveau chapitre consacré au recours à l’AMP avec tiers donneur qui s’applique à tous les couples, sans distinction selon qu’ils sont composés d’un homme et d’une femme ou de deux femmes, et de remplacer le mécanisme de la déclaration anticipée de volonté par celui de la reconnaissance conjointe faite par les deux mères concomitamment au consentement à l’AMP.

    Modifications adoptées par le Sénat en 1ère lecture

Revenant sur le principe d’une filiation établie sur le fondement de la volonté exprimée par les deux mères, le Sénat a réécrit l’article 4 afin de consacrer le principe selon lequel la mère est la femme qui accouche et d’établir la filiation de l’autre femme par la voie d’une procédure d’adoption simplifiée et accélérée. Il a également étendu aux couples unis par un pacte civil et de solidarité ou en concubinage le recours à l’adoption.

    Position de la commission

La commission a adopté un amendement de la rapporteure (n° 1666) afin de rétablir la rédaction issue de la première lecture à l’Assemblée nationale en y ajoutant :

– la précision selon laquelle la filiation à l’égard de la femme qui accouche est établie selon les règles posées par l’article 311-25 du code civil ([31]) et que celle à l’égard de la femme qui n’a pas accouché est établie par la reconnaissance conjointe anticipée ;

– la mention que le notaire peut recevoir la révocation au consentement à l’AMP ;

– un dispositif qui vise à établir la filiation à l’égard de la femme qui n’a pas accouché dans le cas des couples de femmes qui ont eu recours à une procédure d’assistance médicale à la procréation à l’étranger avant l’entrée en vigueur de la loi.

Après avoir posé le principe d’égalité des effets des modes de filiation et, à travers elle, l’égalité des droits et des devoirs pour tous les enfants dans leurs rapports avec leurs parents, l’article 4 introduit, entre le titre VII du livre Ier du code civil, dévolu à la filiation reposant sur la vraisemblance biologique, et le titre VIII, relatif à la filiation adoptive, un titre VII bis consacré à un nouveau mode d’établissement de la filiation fondé sur la volonté et l’engagement des couples de femmes qui consentent à l’assistance médicale à la procréation à devenir parents de l’enfant qui en est issu par déclaration anticipée de volonté faite devant le notaire. Il prévoit par ailleurs que la femme non mariée qui a un enfant par AMP avec un tiers donneur se voit appliquer les règles de filiation dites de droit commun.

1.   Les modifications adoptées par l’Assemblée nationale en première lecture

a.   Les modifications apportées par la commission spéciale

À l’initiative du Gouvernement et de la rapporteure, la commission spéciale a adopté deux amendements identiques (n° 2266 et n° 2267) qui procèdent à une nouvelle rédaction de l’article 4. Celle-ci :

– crée, au sein du titre VII du livre Ier du code civil relatif à la filiation, un nouveau chapitre consacré au recours à l’AMP avec tiers donneur qui s’applique à tous les couples, sans distinction selon qu’ils sont composés d’un homme et d’une femme ou de deux femmes ;

– remplace le mécanisme de la déclaration anticipée de volonté par celui de la reconnaissance conjointe, faite par les deux mères s’engageant ensemble dans leur projet d’enfant, au même moment que le consentement à l’AMP devant le notaire. Il en résulte que l’acte de naissance de l’enfant portera simplement la mention selon laquelle il a été reconnu par ses deux mères.

b.   Les modifications adoptées en séance publique

Outre quelques amendements rédactionnels et de coordination, l’Assemblée nationale a adopté un amendement n° 2470 proposé par la rapporteure et destiné à clarifier l’exercice de l’autorité parentale par les deux mères.

2.   Les modifications apportées par le Sénat en première lecture

Alors que la commission spéciale n’avait pas modifié l’article 4, le Sénat a, à l’initiative de Mme Primas et de plusieurs de ses collègues du groupe Les Républicains, adopté, avec les avis favorable de sa commission et défavorable du Gouvernement, l’amendement n° COM-67 qui réécrit l’article 4.

Revenant sur le principe d’une filiation établie sur le fondement de la volonté exprimée par les deux mères, cet amendement vise à consacrer le principe selon lequel la mère est la femme qui accouche et à établir la filiation de l’autre femme par la voie d’une procédure d’adoption accélérée.

À cet effet, il insère tout d’abord un nouvel article au sein du titre VII du livre Ier du code civil pour interdire l’établissement légal de deux filiations maternelles ou paternelles à l’égard d’un même enfant.

Il introduit ensuite, entre le titre VII du livre Ier du code civil consacré à la filiation et le titre VIII dédié à la filiation adoptive, un titre VII bis qui regroupe l’ensemble des dispositions relatives à la filiation en cas d’assistance médicale à la procréation avec tiers donneur.

Si aucune modification n’est prévue par rapport au droit existant quant à l’établissement de la filiation à l’égard des couples de sexe différent et à l’égard de la femme – seule ou en couple – qui accouche, l’établissement de la filiation envers la femme qui n’a pas accouché se ferait par la voie de l’adoption.

La procédure serait la suivante : le consentement à une AMP avec tiers donneur vaudrait, pour la femme dont la filiation à l’égard de l’enfant qui en est issu est établie par l’effet de la loi ou par la reconnaissance volontaire, engagement à l’adoption de l’enfant par l’autre femme. Cette dernière s’engagerait à faire une demande d’adoption de l’enfant, sans quoi sa responsabilité pourrait être engagée et l’adoption pourrait être prononcée par le juge à la requête de la première.

Cet amendement modifie enfin les conditions requises pour l’adoption – qu’elle soit demandée en la forme simple ou plénière. Il rend l’adoption possible pour les couples liés par un pacte civil de solidarité ou en concubinage, alors qu’elle est aujourd’hui réservée aux époux. Il permet aussi l’adoption de l’enfant du partenaire de PACS ou du concubin, sur le même modèle que l’adoption de l’enfant du conjoint, c’est-à-dire sans condition d’âge ou d’agrément. Il simplifie et accélère la procédure d’adoption lorsque l’enfant est issu d’une AMP avec tiers donneur en supprimant la condition d’accueil pendant six mois au foyer de l’adoptant et en ramenant de six à un mois le délai dans lequel le juge doit se prononcer.

 

 


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Article 4 bis
Interdiction de la transcription totale dun acte de naissance ou dun jugement étranger établissant la filiation dun enfant né dune gestation pour autrui lorsquil mentionne le parent dintention

Adopté par la commission avec modifications

    Résumé du dispositif (introduit par le Sénat en 1ère lecture)

Créant un article 47-1 au sein du code civil, l’article 4 bis interdit la transcription totale de l’acte de naissance ou du jugement étranger établissant la filiation d’un enfant né d’une gestation pour le compte d’autrui (GPA) sur les registres de l’état civil français concernant le parent d’intention.

    Position de la commission

À l’initiative de la rapporteure, la commission a refusé la création dans le code civil de l’article 47-1 et a complété son article 47 pour préciser que la réalité des faits qui sont déclarés dans l’acte de l’état civil est appréciée au regard de la loi française (amendement n° 1528).

1.   Le droit en vigueur

Fondée sur la protection de l’indisponibilité du corps humain et de l’état des personnes telle qu’elle résulte de la lecture combinée des articles 6 et 1128 du code civil, la prohibition de la gestation pour autrui (GPA) en France est expressément affirmée par les articles 16-7 et 16-9 du même code depuis la loi n° 94-653 du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain et elle est sanctionnée par les articles 227-12 à 227-14 du code pénal.

Se pose néanmoins la question de la situation juridique des enfants conçus dans le cadre de conventions de gestation pour autrui à l’étranger. Si la transcription en France des actes d’état civil dressés à l’étranger n’est pas obligatoire en application de l’article 47 du code civil ([32]), elle est souvent souhaitée par les parents dans l’intérêt de leurs enfants et d’eux-mêmes.

La jurisprudence de la Cour de cassation a beaucoup évolué à ce sujet.

La Cour de cassation a longtemps affirmé que la nullité d’ordre public dont est frappée toute convention portant sur la gestation pour le compte d’autrui, fût-elle licite à l’étranger, interdisait que celle-ci produise effet au regard de la filiation en France. Elle en déduisait que cette nullité faisait obstacle :

– à l’établissement d’un lien de filiation par adoption, car celle-ci serait constitutive d’un « détournement de linstitution de ladoption » ([33]) ;

– à la transcription des actes de naissance établis en application d’un jugement étranger donnant effet à une convention de GPA, car ce jugement serait « contraire à la conception française de lordre public international » ([34]) ;

– à la transcription de l’acte de notoriété constatant la possession d’état d’enfant légitime à l’égard des parents d’intention et à l’établissement d’un lien de filiation paternelle par possession d’état en conséquence d’une telle convention de GPA, « en raison de sa contrariété à lordre public international français » ([35]) ;

– à l’établissement d’un lien de filiation par reconnaissance de paternité faite préalablement à la naissance par le père biologique, car cette naissance est l’aboutissement d’un processus conduit « en fraude à la loi française » ([36]) et qu’en raison de ce caractère frauduleux, la reconnaissance de paternité elle-même doit être annulée ([37]).

Sous l’influence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) ([38]), la Cour de cassation a progressivement infléchi sa jurisprudence : elle a autorisé la transcription partielle de l’acte de naissance en ce qui concerne le père biologique de l’enfant ([39]) et a ouvert la voie de l’adoption pour le conjoint ou la conjointe du père ([40]).

À la suite de ces décisions, Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, a, par une dépêche du 24 juillet 2017, invité le parquet général de la cour d’appel de Rennes à veiller, à l’occasion de l’examen de demandes d’adoption de l’enfant du conjoint formées par des mères d’intention, à ce que le ministère public émette un avis favorable au prononcé de l’adoption, simple ou plénière, dès lors que celle-ci apparaît conforme à l’intérêt de l’enfant et que les conditions en sont remplies.

S’agissant de la reconnaissance du parent d’intention dont la filiation est établie par l’acte étranger, la Cour de cassation s’était, jusqu’à récemment, toujours refusé à transcrire sur les registres français de l’état civil un acte d’état civil étranger qui mentionnerait en qualité de mère une femme qui n’a pas accouché ([41]) ou un second lien de filiation paternelle lorsque l’enfant a déjà un père, sur le fondement de l’article 47 du code civil.

Saisie, en application de la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle ([42]), d’une demande de réexamen portée par les époux Mennesson à laquelle elle a fait droit, la Cour de cassation a saisi la Cour européenne des droits de l’homme d’une demande d’avis, sur le fondement du protocole n° 16 à la Convention ([43]), entré en vigueur le 1er août 2018, pour savoir comment pourrait être établie et inscrite sur les registres de l’état civil français la filiation de ces enfants envers la mère d’intention ([44]).

Dans sa saisine, la Cour de cassation a posé les questions suivantes :

– « en refusant de transcrire sur les registres de létat civil lacte de naissance dun enfant né à létranger à lissue dune gestation pour autrui en ce quil désigne comme étant sa “mère légale” la “mère dintention”, alors que la transcription de lacte a été admise en tant quil désigne le “père dintention”, père biologique de lenfant, un État-partie excède-t-il la marge dappréciation dont il dispose au regard de larticle 8 de la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des libertés fondamentales ? À cet égard, y a-t-il lieu de distinguer selon que lenfant est conçu ou non avec les gamètes de la “mère dintention” ? »

– « dans lhypothèse dune réponse positive à lune des deux questions précédentes, la possibilité pour la mère dintention dadopter lenfant de son conjoint, père biologique, ce qui constitue un mode détablissement de la filiation à son égard, permet-elle de respecter les exigences de larticle 8 de la Convention ? ».

Dans son avis du 10 avril 2019 ([45]), la Cour européenne des droits de l’homme a indiqué que si « le droit au respect de la vie privée de lenfant, au sens de larticle 8 la Convention, requiert que le droit interne offre une possibilité de reconnaissance dun lien de filiation entre lenfant et la mère dintention, désignée dans lacte de naissance légalement établi à létranger comme étant “la mère légale », il ne requiert pas que « cette reconnaissance se fasse par la transcription sur les registres de létat civil de lacte de naissance légalement établi à létranger ; elle peut se faire par une autre voie, telle que ladoption de lenfant par la mère dintention, à la condition que les modalités prévues par le droit interne garantissent leffectivité et la célérité de sa mise en œuvre, conformément à lintérêt supérieur de lenfant », confortant ainsi la solution dégagée par la Cour de cassation.

Par la suite, la Cour européenne des droits de l’homme a considéré que la procédure française de l’adoption de l’enfant du conjoint garantissait l’effectivité et la célérité nécessaires ([46]). Dans les cas d’espèce, les enfants nés du recours à une GPA à l’étranger par des époux hétérosexuels avaient sept et trois ans au moment où ils auraient pu être adoptés, soit bien après la concrétisation du lien entre eux et leur mère d’intention. Pourtant, la Cour, relevant qu’une décision judiciaire d’adoption de l’enfant du conjoint est obtenue, en moyenne, en un peu plus de quatre mois, a jugé que « dans les circonstances de la cause, ce nest pas imposer aux enfants concernés un fardeau excessif que dattendre des requérants quils engagent maintenant une procédure dadoption » afin de concrétiser le lien de filiation.

Dans l’affaire Mennesson, la Cour de cassation a déduit de l’avis rendu par la Cour européenne qu’une GPA réalisée à l’étranger ne fait pas, à elle seule, obstacle à la reconnaissance en France d’un lien de filiation avec la mère d’intention et qu’en l’espèce « sagissant dun contentieux qui perdure depuis plus de quinze ans, en labsence dautre voie ([47]) permettant de reconnaître la filiation dans des conditions qui ne porteraient pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée […] consacré par larticle 8 de la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des libertés fondamentales, et alors quil y a lieu de mettre fin à cette atteinte, la transcription sur les registres de létat civil […] des actes de naissance établis à létranger […] ne saurait être annulée » ([48]).

Dans deux arrêts du 18 décembre 2019 ([49]), la Cour de cassation a étendu cette solution aux couples d’hommes en jugeant que le recours à une GPA légalement réalisée à l’étranger ne faisait pas, à elle seule, obstacle à la transcription totale de l’acte de naissance des enfants désignant le père biologique et le père d’intention, dès lors que l’acte est probant au sens de l’article 47 du code civil c’est-à-dire régulier, exempt de fraude et conforme au droit de l’État dans lequel il a été établi. La Cour de cassation a considéré que sa jurisprudence du 5 juillet 2017 ne pouvait trouver à s’appliquer « lorsque lintroduction dune procédure dadoption savère impossible ou inadaptée à la situation des intéressés ».

2.   Le dispositif introduit par le Sénat en première lecture

Issu de l’adoption par la commission spéciale du Sénat, sur avis favorable de sa rapporteure, de l’amendement n° COM-99 présenté par M. Retailleau et plusieurs membres du groupe les Républicains, l’article 4 bis crée un article 47-1 dans le code civil, afin d’interdire la transcription totale de l’acte de naissance ou du jugement étranger établissant la filiation d’un enfant né d’une gestation pour le compte d’autrui lorsqu’il mentionne comme mère une autre femme que celle qui a accouché ou deux pères.

Considérant que les derniers arrêts de la Cour de cassation conduisaient « à faire perdre toute consistance à la prohibition de la GPA en France », la commission spéciale du Sénat a en effet estimé « justifié de cantonner par la loi la transcription dun acte de naissance dun enfant issu dune GPA à létranger à la transcription de la filiation biologique » ([50]).

Modifié en séance publique par l’amendement n° 333 de la rapporteure, afin d’exclure du champ de l’interdiction les jugements d’adoption étrangers, cet article vise donc « à faire obstacle aux dernières évolutions de la jurisprudence de la Cour de cassation », afin de « donner une portée pleine et entière à linterdiction de la GPA » ([51]).

L’introduction d’un article 47-1 dans le code civil a été confirmée par le Sénat en séance publique avec le rejet d’un amendement du Gouvernement destiné à supprimer le nouvel article 47-1 et à compléter l’article 47 du code civil.

Réaffirmant son soutien exprimé à l’Assemblée nationale à la solution reposant sur la transcription partielle de l’acte de naissance étranger pour le parent biologique et sur l’adoption par le parent d’intention, la garde des sceaux a indiqué au Sénat que « le Gouvernement approuvait et approuve toujours cet équilibre, qui permet à la fois un contrôle du juge français sur les GPA réalisées à létranger et une protection des intérêts et des droits en présence, notamment, bien sûr, ceux de lenfant.[…] Je comptais adresser aux procureurs, mais aussi aux consulats, une circulaire pour [en] assurer la bonne application », avant d’ajouter que le Gouvernement ne pouvait se résoudre à l’état du droit tel qu’issu de l’arrêt de la Cour de cassation du 18 décembre 2019 car « il supprime notamment tout contrôle juridictionnel sur les GPA réalisées à létranger. Cest la raison pour laquelle le Gouvernement vous propose de revenir à la situation antérieure. Le passage par la procédure dadoption me paraît indispensable en ce cas, car seule lintervention du juge dans le cadre de la procédure dadoption permet dopérer un contrôle dans lintérêt de lenfant, notamment de sassurer de labsence de trafic denfants ».

Aussi, partant du constat que la Cour de cassation a modifié son interprétation de l’article 47 du code civil sur la régularité des actes de l’état civil étranger, en se fondant sur une appréciation de la conformité à la réalité au regard non plus de la loi française – ce qui signifie que l’acte de naissance qui désigne la mère d’intention comme mère n’est pas conforme à la réalité, puisque, en droit français, la mère est celle qui accouche – mais de la loi étrangère, le Gouvernement proposait de compléter l’article 47 afin de préciser que la réalité des faits qui sont déclarés dans l’acte de l’état civil est appréciée au regard de la loi française.

Cependant, suivant l’avis défavorable émis par la commission spéciale, le Sénat n’a pas adopté l’amendement défendu par le Gouvernement.

Cet article 4 bis s’inscrit à rebours de l’article 4 bis adopté par l’Assemblée nationale à l’initiative de M. Jean-Louis Touraine et de plusieurs de ses collègues LREM (amendement n° 1591) avant d’être supprimé par cette même Assemblée dans le cadre d’une seconde délibération demandée en application de l’article 101 du Règlement par le Gouvernement (amendement n° 1).

L’amendement n° 1591 prévoyait en effet que tout jugement étranger, rendu antérieurement ou postérieurement à la naissance d’un enfant né dans le cadre d’une convention de GPA conclue dans un État où cette pratique n’est pas expressément interdite, est de plein droit assimilé à un jugement ayant les mêmes effets, en droit français, qu’un jugement d’adoption plénière et le rendait exécutoire.

Par ailleurs, la mise en œuvre de l’article 4 bis ne serait pas sans soulever de difficultés au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, en particulier lorsque l’adoption par le parent d’intention n’est pas possible. La Cour européenne a jugé que le lien de filiation doit pouvoir être établi à l’égard du parent d’intention. Or, la Cour de cassation, dans l’arrêt Mennesson du 4 octobre 2019, a estimé que lorsque la filiation n’est plus possible dans des conditions respectant les droits garantis par la Convention, la transcription de l’acte de naissance étranger à l’égard du parent d’intention est la seule manière de reconnaître à l’état civil français le lien de filiation établi à l’étranger. Dans certains cas, les juges devraient donc écarter le nouvel article 47-1 au motif que son application n’est pas compatible avec la Convention européenne des droits de l’homme.

Il apparaît enfin que l’introduction de dispositions spécifiques réglementant une situation particulière – les conventions de gestation pour autrui – dans un chapitre relatif aux dispositions générales applicables à l’ensemble des actes de l’état civil pourrait être une source d’incohérence et d’illisibilité.

 

 


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TITRE II

Promouvoir la solidarité dans le respect
de l’autonomie de chacun

Chapitre Ier
Conforter la solidarité dans le cadre du don dorganes, de tissus et de cellules

Article 5 A (supprimé)
Statut de donneur dorgane, de tissus ou de cellules
et réaffirmation du principe de neutralité financière

Supprimé par la commission

    Résumé du dispositif (introduit par le Sénat en 1ère lecture)

L’article 5 A vise à affirmer le principe d’un statut de donneur d’organe, de tissus ou de cellules et à rappeler l’exigence de neutralité financière du don.

    Position de la commission

La commission a supprimé cet article (amendements n° 155 de Mme Ménard et n° 1085 de M. Lachaud).

L’article 5 A résulte de l’adoption, par la commission spéciale du Sénat, de l’amendement n° COM-141 présenté par son rapporteur.

Il vise à affirmer le principe d’un statut de donneur d’organe en prévoyant l’attribution d’une distinction honorifique. Le Sénat justifie cet ajout en précisant que la proposition avait été envisagée par le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE) en vue de développer le don d’organe en France, en particulier le don du vivant.

Cet amendement rappelle également le principe de neutralité financière du don.

À l’occasion de l’examen en première lecture par l’Assemblée nationale, des amendements relatifs au statut de donneur d’organe avaient été déposés sans être discutés soit en raison de leur irrecevabilité au titre de l’article 40, soit parce qu’ils n’ont pas été soutenus.

● S’il comprend bien évidemment l’intention de ses collègues sénateurs, le rapporteur souligne d’abord que l’exposé sommaire de l’amendement se réfère au don d’organes, mais que son dispositif prévoit que l’attribution de la distinction concerne aussi le don de tissus et de cellules.

● Le rapporteur estime également que l’attribution d’une distinction honorifique contrevient au principe d’anonymat du don, voire au principe de gratuité.

Le premier alinéa de l’article L. 1211-5 du code de la santé publique dispose qu’« aucune information permettant didentifier à la fois celui qui a fait don dun élément ou dun produit de son corps et celui qui la reçu ne peut être divulguée ». Cette prescription s’oppose à l’attribution de la distinction qui impliquerait en outre que le don soit porté à la connaissance d’autres acteurs que le corps médical. Or, le droit civil n’admet qu’une seule dérogation : la nécessité thérapeutique.

L’article L. 1211-4 du code de la santé publique prohibe tout paiement « quelle quen soit la forme […] à celui qui se prête au prélèvement déléments de son corps ou à la collecte de ses produits ». Si la formulation du code de la santé publique évoque le « paiement », ce dernier terme ne saurait se réduire à une dimension monétaire. Cette interprétation serait par trop restrictive. En effet, les termes employés par le code de la santé publique évoquent le paiement « quelle quen soit la forme ». Ils épousent même la définition du Littré pour lequel le paiement est « Ce quon donne pour acquitter une dette ». Au sens large, le paiement peut se matérialiser de différentes manières : depuis la remise d’une monnaie sonnante et trébuchante jusqu’à un échange de biens ou de services constitutifs du troc et assimilables à un paiement. De ce point de vue, l’attribution d’une distinction, même à titre honorifique, constituerait une entorse aux règles consacrant l’extra-patrimonialité du corps humain. Pour le rapporteur, il n’est pas souhaitable d’introduire une exception.

● Le rapporteur est aussi réservé sur l’affirmation, par le deuxième alinéa de l’article, du principe de neutralité financière du don.

Le droit de la bioéthique intègre déjà le principe de neutralité financière.

Il résulte d’abord des principes généraux du don qui sont l’objet des articles L. 1211-1 à L. 1211-8 du code de la santé publique. L’article L. 1211-4 prohibe toute forme de paiement « à celui qui se prête au prélèvement déléments de son corps ou à la collecte de ses produits », mais prévoit cependant que « les frais afférents au prélèvement ou à la collecte sont intégralement pris en charge par létablissement de santé chargé deffectuer le prélèvement ou la collecte ».

La neutralité financière résulte aussi des dispositions de la Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine, dite convention d’Oviedo, signée et ratifiée par la France. Si celle-ci prévoit que le corps humain et ses parties ne doivent pas être source de profits, elle admet néanmoins la neutralité financière. Le guide d’application par le Conseil de l’Europe prévoit ainsi le remboursement des frais de voyage ou équivalents qui ont été engagés en raison du don, et l’indemnisation qui vise à compenser la perte de revenus en lien avec le don.

Selon l’exposé sommaire de l’amendement adopté par le Sénat, l’affirmation du principe par l’article 5 A vise à « donner toute la visibilité nécessaire [au principe] et en faire une priorité dans la politique de promotion du don » car « les dispositions [légales et réglementaires] sont trop peu connues et les démarches demeurent trop souvent complexes pour les donneurs ». Le rapport de la mission d’information sur la révision de la loi relative à la bioéthique adopté par l’Assemblée nationale avait soulevé ces difficultés et s’il avait mis en évidence « lopportunité de quelques ajustements », ce n’était que pour appeler à des changements « administratifs et organisationnels » plutôt qu’à des évolutions d’ordre législatif. Notre droit inclut déjà tous les éléments permettant de garantir la neutralité financière du don. L’ajout d’une mention supplémentaire n’apparaît donc pas opportun.

Enfin, le rapporteur craint que l’adjectif « financière » ne restreigne la portée du principe de neutralité du don. L’absence de gains ou de pertes financières pour le donneur est évidemment un principe structurant du droit de la bioéthique. Mais la neutralité impose également que l’état de santé du donneur ne se dégrade pas alors même qu’il a consenti à un geste important. C’est la raison pour laquelle la mission de suivi des donneurs assurée par l’Agence de la biomédecine et restreinte aujourd’hui au don d’organe, est étendue par le projet de loi au don des cellules souches hématopoïétiques.

 

 


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Article 5 (non modifié)
Extension du don croisé dorganes à plus de deux paires de donneurs/receveurs pour améliorer laccès à la greffe

Adopté sans modification par la commission

    Résumé du dispositif initial

L’article 5 apporte deux modifications relatives aux dons croisés et aux neufs comités d’experts chargés d’informer les donneurs et d’autoriser les opérations de prélèvement.

S’agissant du don croisé, l’article prévoit qu’il pourra concerner jusqu’à quatre paires de donneurs et de receveurs dans un délai de vingt-quatre heures, les opérations de greffe étant réalisées consécutivement aux prélèvements.

S’agissant des comités d’experts, l’article vise à permettre à l’Agence de la biomédecine de compléter leur composition, en cas d’indisponibilité d’un ou de plusieurs de leurs membres, en désignant des experts inscrits sur une liste nationale.

    Modifications apportées par l’Assemblée en 1ère lecture

L’Assemblée a souhaité ne pas fixer dans la loi la limitation de la chaîne de dons croisés à quatre paires de donneurs et de receveurs. Elle a renvoyé la fixation de cette limite à un décret en Conseil d’État pris après avis de l’Agence de la biomédecine.

    Modifications apportées par le Sénat en 1ère lecture

Le Sénat a réintroduit dans la loi le nombre maximal de paires de donneurs-receveurs pouvant être impliquées dans un don croisé d’organes, et l’a fixé à six.

    Position de la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

L’article 5 apporte deux modifications relatives au don d’organes.

Il modifie les conditions dans lesquelles un don croisé d’organes pourra être entrepris.

Le droit actuel prévoit que l’on puisse associer deux paires « donneur-receveur » vivants, lorsque le don d’organe est impossible au sein de chaque paire, dans un cadre appelé « don croisé ». Pour éviter le risque de rétractation d’un donneur après la greffe de son proche, les actes de prélèvement et de greffe doivent être « engagés de façon simultanée ».

Le projet de loi initial prévoit que le don croisé pourra concerner jusqu’à quatre paires de donneurs et de receveurs. Il met également fin à l’exigence de simultanéité des opérations de prélèvement et de greffe en prévoyant d’une part que les opérations de greffe se déroulent dans un délai de vingt-quatre heures, d’autre part que les opérations de greffe sont réalisées consécutivement aux prélèvements. Pour prévenir une rupture de l’enchaînement des opérations (par exemple rejet à la suite d’une transplantation), le chaînage des dons pourra être sécurisé par le prélèvement d’organe sur un donneur décédé.

Cet article fluidifie par ailleurs les modalités de recours aux neufs comités d’experts chargés d’informer les donneurs et d’autoriser les opérations de prélèvement. Il permet à l’Agence de la biomédecine de compléter leur composition, en cas d’indisponibilité d’un ou de plusieurs de leurs membres, en désignant des experts inscrits sur une liste nationale. Cette possibilité n’existe aujourd’hui qu’en cas d’urgence vitale.

1.   Les modifications apportées par l’Assemblée nationale en première lecture

● Outre deux amendements rédactionnels, la commission a adopté un amendement présenté par M. Touraine (LaRem) visant à ne pas fixer dans la loi la limitation de la chaîne de dons croisés à quatre paires de donneurs et de receveurs. Elle a choisi de renvoyer la fixation de cette limite à un décret en Conseil d’État pris après avis de l’Agence de la biomédecine (amendement n° 1693) considérant que des évolutions organisationnelles ou médicales sont susceptibles d’intervenir avant la prochaine révision de la loi de bioéthique.

● En séance publique, cinq amendements ont été adoptés à l’initiative du rapporteur, parmi lesquels un amendement de fond et quatre amendements de pure coordination.

Complétant la modification votée par la commission, l’amendement n° 2188 prévoit l’information systématique du Parlement chaque fois que le nombre de paires « donneur – receveur » d’une chaîne de don croisé évoluera.

Si l’état des connaissances permet d’étendre le nombre de paires de donneur-receveur dans un don croisé, il importe d’y associer le Parlement. Cette association peut prendre deux modalités :

– une information du Parlement en vue de la prochaine révision de la loi de bioéthique, au motif qu’il appartient au législateur de procéder à une évolution du cadre législatif dans le cadre usuel du processus de révision. C’est le choix opéré par le Gouvernement dans le projet de loi qu’il a déposé ;

– une information systématique du Parlement après que le pouvoir exécutif aura décidé d’étendre le périmètre de la chaîne. C’est le choix défendu par le rapporteur lorsque la commission a débattu du renvoi au décret de la « longueur » de la chaîne de dons. Dans ce cas de figure, l’information du Parlement lui est apportée a posteriori mais cela ne bride pas pour autant son initiative : il lui serait toujours possible, dans le cadre d’une future révision des lois de bioéthique, de fixer à nouveau dans la loi le nombre de paires intervenant dans la chaîne.

2.   Les modifications apportées par le Sénat en première lecture

● Outre un amendement de coordination, la commission a adopté un amendement présenté par son rapporteur (n° COM-142). Il vise à réintroduire dans la loi le nombre maximal de paires de donneurs-receveurs pouvant être impliquées dans un don croisé d’organes et à le fixer à six.

Cette rédaction, qui se veut équilibrée, s’appuie sur les données issues de l’étude d’impact et « au vu des expériences internationales ». Selon l’exposé sommaire, la taille souhaitable « se situerait entre 4 et 6 paires, avec un nombre moyen de 4,6 paires rapporté dans lexpérience américaine ».

● En séance publique, le Sénat a adopté un amendement rédactionnel.

 

 


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Article 6
Extension du bénéfice dun prélèvement de cellules souches hématopoïétiques sur un mineur ou un majeur protégé à ses parents pour accroître les possibilités de greffes intrafamiliales en labsence dautre alternative thérapeutique

Adopté par la commission avec modifications

    Résumé du dispositif initial

L’article 6 vise à développer la pratique du don de cellules souches hématopoïétiques (CSH) dans le cadre intrafamilial, qu’il s’agisse de personnes mineures (possibilité de don des CSH issus de la moelle osseuse aux parents) ou de personnes majeures faisant l’objet de mesures de protection (possibilité de don des CSH issus de la moelle osseuse ou du sang périphérique aux parents et assouplissement du cadre pour les personnes ne faisant pas l’objet d’une mesure de protection avec représentation à la personne).

    Modifications apportées par l’Assemblée en 1ère lecture

Trois amendements de nature rédactionnelle ont été adoptés.

    Modifications apportées par le Sénat en 1ère lecture

Le Sénat a décidé qu’un mineur âgé de seize ans peut consentir lui-même au prélèvement de CSH issus de la moelle osseuse.

Il a aussi ajouté les enfants dans la liste des membres de la famille qui peuvent bénéficier d’un don de cellules souches hématopoïétiques de la part d’une personne majeure faisant l’objet d’une mesure de protection juridique avec représentation à la personne.

    Position de la commission

À l’initiative du rapporteur, la commission a supprimé la disposition adoptée par le Sénat permettant à un mineur âgé de seize ans de consentir lui-même au prélèvement de CSH issus de la moelle osseuse au bénéfice de ses parents (amendement n° 1465).

L’article 6 vise à développer la pratique du don de cellules souches hématopoïétiques (CSH) dans le cadre intrafamilial, qu’il s’agisse de personnes mineures ou de personnes majeures faisant l’objet de mesures de protection.

 S’agissant des mineurs, seul le don des CSH issues de la moelle osseuse est concerné par les modifications.

Le don issu de la moelle osseuse n’est actuellement autorisé, à titre exceptionnel, qu’au bénéfice des cousins germains, oncles et tantes du donneur, en l’absence de solution thérapeutique appropriée. Le recueil du consentement est effectué devant le juge judiciaire et le prélèvement est subordonné à l’autorisation d’un comité d’experts.

Aux termes du projet de loi, le bénéfice de ce don est étendu aux parents. L’article 6 prévoit à cet effet que le recueil du consentement est effectué par le juge judiciaire, qui désigne un administrateur ad hoc chargé de représenter le mineur. Cet administrateur ne pourra être ni un ascendant ni un collatéral des parents ainsi que du mineur. Enfin, il appartiendra au juge judiciaire d’autoriser le prélèvement après avis du comité d’experts précité.

 Pour les majeurs protégés, les régimes relatifs au prélèvement de cellules hématopoïétiques issues de la moelle osseuse ou du sang périphérique sont harmonisés et étendus aux parents. En cohérence avec les évolutions récentes du droit civil et les modifications proposées par l’article 7 du projet de loi, la procédure dépend de la faculté ou non de la personne majeure à exprimer son consentement.

Lorsque le receveur est le père, la mère ou la personne chargée de la mesure de protection, un administrateur ad hoc est désigné afin de représenter le majeur protégé.

Si la personne majeure est estimée apte à exprimer son consentement par le juge judiciaire, le prélèvement est autorisé par le comité d’experts.

Si la personne majeure n’est pas estimée apte à exprimer son consentement, il appartient au juge judiciaire d’autoriser le prélèvement après recueil de l’avis du majeur protégé, de la personne chargée de la mesure de protection, et de l’administrateur ad hoc lorsque c’est le cas. Le comité d’experts émet par ailleurs un avis.

1.   Les modifications adoptées par l’Assemblée nationale en première lecture

L’Assemblée n’a procédé qu’à des modifications mineures avec l’adoption, par la commission spéciale, de trois amendements de nature rédactionnelle.

2.   Les modifications adoptées par le Sénat en première lecture

Le Sénat a apporté deux modifications substantielles relatives au don de CSH effectué, d’une part par des mineurs, d’autre part par des majeurs faisant l’objet d’une mesure de protection avec représentation à la personne.

● En adoptant l’amendement n° COM-248 du rapporteur, la commission spéciale a décidé qu’à partir de l’âge de seize ans, un mineur pourrait consentir lui-même au prélèvement de CSH issues de la moelle osseuse ([52]).

Présenté comme concernant les dons effectués au bénéfice d’un des parents du mineur, le dispositif conduit toutefois à ce que cette possibilité soit applicable aux dons bénéficiant à tous les receveurs familiaux.

Cette disposition présente plusieurs difficultés.

Tout d’abord, le choix opéré par le Sénat, qui ne porte que sur les dons de CSH, s’écarte de la logique générale du code de la santé publique relative aux mineurs. L’article L. 1111-2 dispose que les droits des mineurs sont exercés par les « titulaires de lautorité parentale ». Il prévoit aussi le droit des mineurs à recevoir une information et à « participer à la prise de décision les concernant […] dune manière adaptée […] à leur degré de maturité ». La rédaction issue de l’Assemblée instaure par ailleurs une protection renforcée, via la désignation d’un administrateur ad hoc et l’autorisation du juge judiciaire, lorsque le bénéficiaire du prélèvement est l’un de ses parents.

Par ailleurs, la portée de la disposition adoptée par le Sénat doit être appréciée différemment selon la situation rencontrée :

– lorsque le prélèvement est opéré au profit d’un membre de la famille autre que les parents, le fait que le mineur puisse consentir personnellement à partir de 16 ans peut être lu comme lui permettant de mieux maîtriser son destin puisque le droit actuel prévoit que ce consentement est exprimé par les personnes investies de l’autorité parentale ;

– lorsque le prélèvement est opéré au profit d’un des parents, la protection renforcée, via la nomination d’un administrateur ad hoc, disparaît. Il en résulte un affaiblissement de la protection.

En adoptant la rédaction proposée par le Gouvernement, l’Assemblée a souhaité préserver la logique consistant à tenir compte de la maturité du mineur tout en lui conservant la protection due au titre de son état de minorité, donc, concrètement, à solliciter son avis sans lui laisser la responsabilité du consentement. La protection des intérêts du mineur nécessite toujours qu’un médiateur s’interpose entre le mineur et le bénéficiaire du don, en la personne soit des titulaires de l’exercice de l’autorité parentale (hypothèse du don intrafamilial) soit de l’administrateur ad hoc (hypothèse du don au profit des parents). Le texte adopté par le Sénat affaiblit cette protection en supprimant le médiateur pour le mineur âgé d’au moins 16 ans.

Pour le rapporteur, l’âge fixé par la loi pour exprimer un consentement autonome est au nombre des dispositions visant à ce qu’un mineur ne fasse pas l’objet de pressions familiales, quel que soit le bénéficiaire du prélèvement. Le législateur ne peut considérer que ce risque est nul à partir de seize ans. Le texte adopté par l’Assemblée apporte les garanties nécessaires pour éviter que le consentement du mineur ne puisse être vicié. Il permet aussi de tenir compte de l’avis d’un mineur de moins de seize ans si son degré de maturité le permet. Aux yeux du rapporteur, le texte issu de l’Assemblée présente un équilibre satisfaisant.

La remise en question de cette protection fragiliserait enfin la position de la France à l’égard de la convention d’Oviedo.

Rappelons que l’article 6 de la convention prévoit qu’une intervention ne peut être effectuée sur une personne inapte à consentir que pour son bénéfice direct. C’est notamment le cas des mineurs au regard des dispositions du droit civil. Seules deux dérogations sont possibles : la recherche médicale (article 17) et le prélèvement de tissus régénérables (article 20) telles que les CSH.

L’article 20 de la convention ne permet de prélever des tissus régénérables sur un mineur que lorsque le receveur est un frère ou une sœur du donneur. Rappelons que la France a formulé une réserve estimant que le receveur pourrait être un cousin ou une cousine germaine, un oncle ou une tante, un neveu ou une nièce. Estimant que le risque est bénin d’un point de vue médical, la France a toutefois assorti cette réserve de garanties particulières.

Pour le cercle familial hors parents, ces garanties passent par l’expression du consentement par les personnes investies de l’autorité parentale et l’appréciation du caractère libre et éclairé du consentement par le juge judiciaire. On notera que l’élargissement du prélèvement de CSH aux parents s’inscrit tout à fait dans le cadre des garanties offertes à l’appui de la réserve d’interprétation.

Or, l’amendement adopté par le Sénat amoindrit la protection pour les mineurs âgés d’au moins seize ans dans ces deux cas de figure.

● En séance publique, l’amendement n° 309 du rapporteur a été adopté avec l’avis favorable du Gouvernement. Il vise « à ajouter les enfants dans la liste des membres de la famille qui peuvent bénéficier dun don de cellules souches hématopoïétiques de la part dune personne vivante majeure faisant lobjet dune mesure de protection juridique avec représentation à la personne ». Cette extension ne pose pas de difficulté particulière en ce qu’elle ne remet pas en question les garanties prévues par le texte adopté par l’Assemblée.

 

 


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Article 7 (non modifié)
Renforcement des droits des personnes sous mesure de protection de leurs biens dans lexercice de leur citoyenneté en leur permettant de donner leur consentement au don

Adopté sans modification par la commission

    Résumé du dispositif initial

L’article 7 assouplit plusieurs dispositions du code de la santé publique qui fixent le régime applicable aux personnes majeures protégées du don d’organes (prélèvement sur une personne vivante, prélèvement post mortem, greffe en domino) et du don de tissus, cellules ou tout produit du corps humain. Relèveront donc du droit commun du don des éléments et produits du corps humain, les majeurs protégés dont la protection juridique est limitée aux biens ou qui bénéficient d’une assistance.

    Modifications apportées par l’Assemblée en 1ère lecture

Aucune modification n’a été apportée en première lecture.

    Modifications apportées par le Sénat en 1ère lecture

Le Sénat a adopté un amendement tendant à ne pas appliquer le droit commun du prélèvement post mortem, qui repose sur le consentement présumé, aux majeurs faisant l’objet d’une protection juridique avec représentation à la personne.

    Modifications apportées la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

En cohérence avec le droit civil, qui privilégie l’autonomie du majeur protégé et la recherche de son consentement, l’article 7 modifie plusieurs dispositions du code de la santé publique qui fixent le régime applicable aux personnes majeures protégées du don d’organes (prélèvement sur une personne vivante, prélèvement post mortem, greffe en domino) et du don de tissus, cellules ou tout produit du corps humain. Les interdictions et les encadrements ne s’appliqueront qu’aux personnes majeures faisant l’objet de mesures de protection avec représentation à la personne. Relèveront donc du droit commun du don des éléments et produits du corps humain, les majeurs protégés dont la protection juridique est limitée aux biens ou qui bénéficient d’une assistance.

1.   Les modifications adoptées par l’Assemblée nationale en première lecture

L’Assemblée nationale a adopté cet article sans modification, ni en commission spéciale, ni en séance publique.

2.   Les modifications adoptées par le Sénat en première lecture

● Outre un amendement de coordination, la commission a adopté l’amendement n° COM-249 de son rapporteur. Il vise à ne pas appliquer le droit commun du prélèvement post mortem (présomption de consentement) aux majeurs faisant l’objet d’une protection juridique avec représentation à la personne. Le rapport sénatorial considère « que leur consentement éclairé ne pouvait pas être présumé et qu’effectuer des prélèvements dans ces conditions ne serait pas respectueux de leur personne ».

● En séance publique, un amendement rédactionnel a été adopté.

 

 


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Chapitre Ier bis
Conforter la solidarité dans le cadre du don du sang

Article 7 bis
Levée partielle de linterdiction du don du sang applicable aux majeurs protégés et ouverture du don du sang aux mineurs de 17 ans

Adopté par la commission avec modifications

    Résumé du dispositif (introduit par le Sénat en 1ère lecture)

L’article 7 bis ouvre le don du sang aux majeurs faisant l’objet d’une mesure de protection juridique autre qu’avec représentation à la personne, en cohérence avec l’article 7 du projet de loi.

Il ouvre également le don du sang aux mineurs de plus de dix-sept ans.

    Position de la commission

La commission a adopté les amendements identiques n° 873 du rapporteur et n° 510 de M. Minot réaffirmant l’impossibilité de discriminer les donneurs de sang en fonction de leur orientation sexuelle, précisant ainsi la portée de l’article L. 1211-6-1 du code de la santé publique. Elle a également adopté deux amendements rédactionnels du rapporteur.

L’article 7 bis résulte de l’adoption, par la commission spéciale du Sénat, de l’amendement n° COM-250 du rapporteur. Il ouvre le don du sang à certains majeurs protégés ainsi qu’aux mineurs de plus de dix-sept ans.

L’article L. 1221-5 du code de la santé publique interdit actuellement le prélèvement du sang en vue d’une utilisation thérapeutique pour autrui aux personnes mineures ainsi qu’aux personnes majeures faisant l’objet « dune mesure de protection légale ». Un tel prélèvement n’est possible sur les mineurs qu’à titre exceptionnel, pour un motif d’urgence ou « lorsquil na pu être trouvé de donneur majeur immunologiquement compatible », sous réserve du consentement écrit « des titulaires de lautorité parentale » et de l’absence de refus du mineur concerné.

● Le du présent article modifie l’article L. 1221-5 du code de la santé publique.

Il substitue à la notion de « protection légale » celle de « protection juridique avec représentation à la personne », par parallélisme avec les évolutions apportées par l’article 7 du projet de loi au don d’organes, de tissus et de cellules. Cette mesure s’inscrit en cohérence avec l’évolution du droit civil, qui privilégie l’autonomie du majeur protégé et la recherche de son consentement. Une telle ouverture était recommandée par nos collègues Caroline Abadie et Aurélien Pradié dans leur rapport sur les majeurs protégés ([53]). Relèveraient donc désormais du droit commun du don du sang les majeurs protégés faisant l’objet d’une protection juridique limitée aux biens ou bénéficiant d’une assistance.

L’article 7 bis reprend par ailleurs une disposition de la proposition de loi visant à la consolidation du modèle français du don du sang, déposée par notre collègue Damien Abad et adoptée à l’unanimité le 11 octobre 2018 par l’Assemblée nationale ([54]). Il modifie l’article L. 1221-5 du code de la santé publique afin d’ouvrir aux mineurs de plus de dix-sept ans la possibilité de donner leur sang. Dix-sept ans est l’âge minimal fixé par la directive européenne 2004/33/CE ([55]).

Pour les mineurs de plus de dix-sept ans, le prélèvement ne pourra être opéré que si l’une des personnes investies de l’autorité parentale ou le représentant légal y consent expressément par écrit.

● Le adapte l’article L. 1271-2 du code de la santé publique relatif aux sanctions pénales liées au don du sang aux modifications apportées par le 1°.

En particulier, pour les mineurs de plus de dix-sept ans, le non-respect du consentement du dépositaire de l’autorité parentale ou du représentant légal serait passible de cinq ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende, identique aux sanctions pénales applicables en cas de non-respect du consentement de la personne majeure.

● Le rapporteur juge bienvenu cet article, sous réserve d’y apporter quelques précisions relatives aux enjeux sanitaires de l’ouverture du don du sang aux mineurs, au principe de laquelle il est pleinement favorable. Le rapport d’Olivier Véran sur la filière sang de 2013 ([56]) soulignait à ce propos que « de lavis majoritaire des professionnels de la transfusion sanguine, il semble que cela nirait pas sans risques, les jeunes étant plus susceptibles de présenter un malaise que leurs ainés, ce qui est déjà observé chez les jeunes majeurs. En loccurrence, la sécurité du donneur doit primer. Mais le risque de malaise est-il corrélé à lâge ou à des caractéristiques physiques ? Lâge est-il le critère le plus à même danticiper les risques ? ». Il conviendrait que des travaux scientifiques entreprennent de répondre à ces questions médicales, celles-ci n’étant cependant pas susceptibles de remettre en cause l’intérêt de la mesure ici proposée.

Dans la continuité de sa position exprimée lors des débats sur la proposition de loi précitée, le rapporteur souhaite réaffirmer vigoureusement la nécessité de mettre fin aux discriminations liées à l’orientation sexuelle du donneur, en précisant la portée de l’article L. 1211-6-1 du code de la santé publique. La rédaction de celui-ci est très claire : depuis la loi de 2016 de modernisation de notre système de santé, il prévoit que « Nul ne peut être exclu du don de sang en raison de son orientation sexuelle » ; malheureusement, ses modalités d’application, fixées par voie réglementaire, s’écartent sensiblement du principe qui a été acté par le législateur.

Depuis juillet 2016, les hommes pouvaient donner leur sang s’ils n’avaient pas eu de relation sexuelle avec des hommes au cours des douze derniers mois ([57]). Depuis le 2 avril 2020, date d’entrée en vigueur de l’arrêté du 17 décembre 2019 fixant les critères de sélection des donneurs de sang, ce délai a été réduit de douze à quatre mois. Selon le communiqué de presse publié par le ministère des Solidarités et de la Santé, « cette décision est une première étape, la cible fixée étant lalignement à terme des critères pour tous les donneurs, la disparition de la référence à lorientation sexuelle au profit de la recherche dun comportement individuel à risque ». Pour le rapporteur, cet engagement doit être salué, mais devrait être dès aujourd’hui inscrit dans le marbre de la loi. Il fait sienne l’analyse d’Olivier Véran dans le rapport précité : « lerreur consiste à se limiter à la sexualité, alors même que cest le comportement sexuel qui peut être à risque, quelle que soit lorientation sexuelle par ailleurs ».

 

 


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Chapitre Ier ter
Encadrer les conditions de dons de corps à des fins
denseignement médical et de recherche

Article 7 ter
Don de corps à des fins denseignement médical et de recherche

Adopté par la commission avec modifications

    Résumé du dispositif (introduit par le Sénat en 1ère lecture)

L’article 7 ter définit un régime juridique du don de corps à des fins d’enseignement médical et de recherche, qui ne fait aujourd’hui l’objet d’aucun encadrement législatif.

Les centres susceptibles de bénéficier de tels dons devront désormais être titulaires d’une autorisation délivrée par le ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche. Les conditions d’ouverture, d’organisation et de fonctionnement de ces établissements seront définies par décret en Conseil d’État.

    Position de la commission

La commission a tout d’abord expressément exclu du champ du don du corps à la science les mineurs et les majeurs faisant l’objet d’une mesure de protection juridique avec représentation à la personne (amendement n° 1462 du rapporteur).

Elle a précisé que le décret prévu par le présent article devra encadrer les conditions d’inhumation ou de crémation des corps ayant fait l’objet d’un tel don, notamment la question de la restitution des cendres à la famille. Ce décret devra également préciser les conditions de prise en charge financière du transport des corps (amendement n° 1464 du rapporteur).

L’article 7 ter résulte de l’adoption par le Sénat, en séance publique, de l’amendement n° 331 du Gouvernement ([58]).

Contrairement au don dorganes post mortem à des fins thérapeutiques ou scientifiques, pour lequel le principe est celui du consentement présumé, cest une démarche personnelle et volontaire, matérialisée par la carte de donneur, qui sous-tend le don de corps à la science. Cette démarche trouve son fondement dans le principe de liberté des funérailles consacré par la loi du 15 novembre 1887.

● Alors que le prélèvement d’organes à des fins thérapeutiques ou scientifiques est précisément encadré par le code de la santé publique, ce dernier ne contient actuellement aucune disposition relative au don du corps à la science. Celui-ci est uniquement encadré par la partie réglementaire du code général des collectivités territoriales.

L’article R. 2213-13 de ce code prévoit en effet qu’un établissement de santé, de formation ou de recherche ne peut accepter de don de corps que si l’intéressé en a fait la déclaration écrite en entier, datée et signée de sa main. Cette déclaration peut contenir notamment l’indication de l’établissement auquel le corps est remis.

Une copie de la déclaration doit être adressée à l’établissement auquel le corps est légué, et cet établissement doit délivrer à l’intéressé une carte de donateur, que celui-ci s’engage à porter en permanence. L’exemplaire de la déclaration qui était détenu par le défunt est remis à l’officier d’état civil lors de la déclaration de décès.

Après le décès, le transport du corps vers l’établissement de santé doit être déclaré préalablement auprès du maire de la commune du lieu de décès ou de dépôt. L’autorisation est ensuite subordonnée à la production d’un extrait du certificat de décès attestant que le décès ne pose pas de problème médico-légal et n’est pas causé par une maladie contagieuse. Les opérations de transport doivent être achevées dans un délai de vingt-quatre heures à compter du décès, ce délai étant porté à quarante-huit heures lorsque ce dernier survient dans un établissement de santé public ou privé disposant d’équipements permettant la conservation des corps. L’établissement auquel le corps a été donné assure à ses frais son inhumation ou sa crémation.

●En pratique, vingt-sept facultés de médecine acceptent actuellement le don de corps. En 2017, ces 27 centres de dons ont reçu les corps de 3 400 donateurs.

L’actualité a mis en exergue l’insuffisance de l’encadrement de ces centres : une enquête de presse publiée en novembre 2019 a conduit à la fermeture administrative provisoire du centre du don des corps de l’Université Paris Descartes, le plus grand centre d’anatomie européen et le seul centre universitaire du don des corps en Ile-de-France. Une mission de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGAESR) y a été diligentée. La mission, dans une synthèse publiée en juin 2020 ([59]), considère qu’au-delà du seul cas de ce centre, il est aujourd’hui indispensable de renforcer le régime juridique applicable à cette activité. Elle préconise à cette fin une saisine conjointe du comité consultatif national d’éthique (CCNE) par les ministres chargés de la santé, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Elle insiste également sur la nécessité d’ouvrir un chantier national pour uniformiser les règles de gestion entre les centres, rappelant que « la définition des grands principes de gestion ou des principaux éléments de procédure ne peut être laissée à la main de chaque centre, comme cest le cas aujourdhui par exemple sur ce qui peut ou pas être demandé aux donateurs et aux familles ».

● L’article 7 ter modifie le titre VI du livre II de la première partie du code de la santé publique relatif au don et à lutilisation des éléments et produits du corps humain, dans sa partie législative, et le dédie au don de corps à des fins d’enseignement médical et de recherche. Il crée un nouvel article L. 1261-1 au sein de ce même code.

L’article L. 1261-1 nouveau du code de la santé publique vise à encadrer non le don de corps en lui-même mais les centres de dons de corps.

Il dispose qu’une personne peut consentir à donner son corps après son décès à des fins d’enseignement médical et de recherche, et que ce consentement doit être donné de manière écrite et expresse, reprenant ainsi les grandes lignes de ce que prévoit aujourd’hui le code général des collectivités territoriales. Il précise que les dispositions de l’article 225-17 du code pénal relatives à l’intégrité du cadavre ne sont pas applicables à ces recherches ni à ces enseignements.

Les centres devront désormais être titulaires d’une autorisation délivrée par le ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche. Les conditions d’ouverture, d’organisation et de fonctionnement de ces établissements seront définies par décret en Conseil d’État.

● L’article 7 ter ne prévoit pas que le don du corps serait réservé aux personnes majeures. Au contraire, la loi du 15 novembre 1887 sur la liberté des funérailles dispose que « tout majeur ou mineur émancipé, en état de tester, peut régler les conditions de ses funérailles » et le livre II de la première partie du code de la santé publique précise les règles applicables aux mineurs et aux majeurs faisant lobjet de mesures de protection légale en ce qui concerne le don et lutilisation des éléments et produits du corps humain. Il conviendrait de faire de même pour le don de corps à la science. En effet, celui-ci suppose que lintéressé renonce à son droit à la protection de son corps contre les atteintes à lintégrité physique après son décès. Il convient donc que le régime du don de corps assure une protection forte en matière de consentement. Cest pourquoi le rapporteur considère quil est nécessaire de sen tenir au droit en vigueur, en excluant les mineurs du don de corps à la science, ainsi que les majeurs faisant lobjet dune protection juridique avec représentation à la personne.

● L’article 7 ter tend à clore un débat sémantique ouvert par l’article R. 2213-13 du code général des collectivités territoriales. Celui-ci emploie en effet à la fois les mots « don » et « legs » pour qualifier une même démarche, un même acte. L’article 7 ter fait le choix du registre lexical du « don ».

Le legs est une disposition testamentaire qui prend effet au jour du décès du testateur, tandis que la donation prend en principe effet du vivant du donateur, au jour de la donation. Comme le souligne Bérengère Gleize dans un article intitulé « Le don de corps à la science, aspects juridiques », « Plusieurs arguments sopposent […] à une qualification en termes de don. Dabord, le caractère révocable du don de corps à la science : il est toujours possible de revenir sur le consentement exprimé en déchirant et en jetant sa carte de donneur. Ensuite, lobjet de lopération, qui ne peut être qualifié de bien présent”, puisquil nexiste pas au moment de lacte. Comme la souligné un auteur, le cadavre nadvient quavec le décès ; il en est en quelque sorte le résultat » ([60]).

Interrogé par le rapporteur à ce sujet, le Gouvernement a au contraire souligné que si le terme « legs » pouvait sembler préférable de prime abord, il serait toutefois source d’amalgame et de contradiction. Il serait ainsi dangereux de transposer des termes relevant du champ lexical du droit patrimonial de la famille à un domaine régi par le principe de non-patrimonialité du corps humain, posé aux articles 16-1 ([61]) et 16-5 ([62]) du code civil. Ce principe de non-patrimonialité s’applique aussi au cadavre : en donnant son corps à la science, un individu ne réalise pas un acte patrimonial. Dès lors, son acte ne peut être qualifié de legs au sens juridique du terme. Le rapporteur partage pleinement cette analyse.

● D’autres questions juridiques relatives au don de corps à la science mériteraient d’être traitées. Le rapport d’information fait au nom de la mission d’information sur la révision des lois de bioéthique par les députés Alain Claeys et Jean Léonetti ([63]) soulignait déjà que « toutes les conséquences du principe de respect du corps humain après la mort nont pas été tirées » en ce domaine.

La première de ces questions est celle de la restitution des cendres du défunt. Actuellement, tous les centres n’acceptent pas de rendre les cendres à la famille. Peut-être faudrait-il instaurer une obligation de restitution des cendres, notamment dans le cas où le défunt l’a expressément souhaité. Une telle obligation pourrait être justifiée notamment à la lumière du principe de respect de la vie privée et familiale consacré par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales – c’est par exemple sur le fondement de la Convention que la France a été condamnée pour restitution tardive d’un corps après une autopsie ([64]).

L’autre question est celle des frais de transport du corps du domicile à l’établissement bénéficiaire. Le rapport parlementaire précité rappelait ainsi que « létablissement assure à ses frais linhumation ou la crémation du corps. Pour le ministère de la santé, les établissements sont également redevables des frais de transport du corps à partir du domicile. Cependant de nombreux établissements semblent mettre à contribution les donateurs en leur facturant des frais de participation ou des frais de dossier forfaitaires, qui en réalité correspondent aux frais de transport du corps du domicile du donateur à létablissement ». Interrogé à ce sujet par le rapporteur, le Gouvernement a estimé que ce point « mériterait en effet dêtre précisé car en létat du code général des collectivités territoriales, chaque centre applique une politique différente ».

Ces deux points pourraient utilement être clarifiés.

 


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Chapitre II
Permettre la solidarité dans le cadre de la transmission
dune information génétique

Article 8 (non modifié)
Réalisation dexamens de génétique sur une personne décédée ou hors détat dexprimer sa volonté au profit de sa parentèle

Adopté sans modification par la commission

    Résumé du dispositif initial

L’article 8 autorise la réalisation d’un examen des caractéristiques génétiques d’une personne qui ne peut exprimer son consentement, dans son intérêt ou dans l’intérêt de sa parentèle (y compris, dans ce dernier cas, lorsqu’elle est décédée). Le dispositif repose sur le consentement présumé de la personne concernée, l’entourage du patient pouvant cependant faire valoir un droit d’opposition.

    Modifications apportées par l’Assemblée en 1ère lecture

Aucune modification n’a été apportée en première lecture.

    Modifications apportées par le Sénat en 1ère lecture

Outre une harmonisation rédactionnelle, le Sénat a inséré un nouvel article L. 1243-8-1 dans le code de la santé publique afin d’harmoniser les pratiques de conservation des échantillons biologiques par l’application de règles de bonnes pratiques.

    Position de la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

L’article 8 vise à actualiser le régime de réalisation des examens des caractéristiques génétiques ou d’identification par empreintes génétiques.

Il prévoit que cet examen ou cette identification peut être autorisé à des fins médicales et dans son intérêt lorsque la personne est hors d’état d’exprimer sa volonté. La recherche du consentement, aujourd’hui limitée à la famille, aux proches ou à la personne de confiance, est étendue aux personnes chargées d’une mesure de protection avec représentation à la personne, en cohérence avec le droit civil et les évolutions opérées à l’article 7.

Il ouvre également la possibilité d’effectuer un examen des caractéristiques génétiques sur des personnes hors d’état d’exprimer leur consentement ou décédées dans l’intérêt de la parentèle et à des fins médicales. Le dispositif repose sur le consentement présumé de la personne concernée, l’entourage du patient pouvant cependant faire valoir un droit d’opposition.

La mise en œuvre de l’examen s’inscrit dans un cadre médical ainsi que dans le respect des principes généraux des droits du patient. Ces derniers peuvent décider pour eux-mêmes d’être tenus dans l’ignorance du diagnostic mais ce refus ne fait pas obstacle à la réalisation de l’examen dès lors qu’un membre de la famille y consent.

Informés de l’existence d’un résultat, les membres de la famille peuvent en connaître le sens sur simple demande. Toutefois, la nature de l’anomalie et les risques associés ne peuvent être abordés que dans le cadre d’une consultation de génétique.

Cette nouvelle procédure implique une adaptation des principes généraux des droits des patients afin de permettre la transmission d’informations relatives à l’état de santé d’un patient décédé (article L. 1110-4 du code de la santé publique) et l’accès à son dossier médical (article L. 1111-7 du même code). Elle nécessite enfin de prévoir une base légale pour permettre de recourir aux examens des caractéristiques génétiques dans le cadre des autopsies médicales.

1.   Les modifications adoptées par l’Assemblée nationale en première lecture

Le texte du projet de loi a fait l’objet d’ajustements mineurs avec l’adoption d’amendements rédactionnels ou de coordination, tant en commission qu’en séance publique.

2.   Les modifications adoptées par le Sénat en première lecture

● En commission, deux amendements ont été adoptés à l’initiative du rapporteur.

L’amendement n° COM-223 « procéd[e] à [trois] corrections et harmonisations rédactionnelles ». L’une d’entre elles vise à retenir les termes de « mesure de protection juridique avec représentation à la personne » en lieu et place de « mesure juridique de protection à la personne ».

La rédaction initiale n’avait pas échappé à votre rapporteur qui avait alors interrogé le Gouvernement sur sa portée. Il lui avait été alors répondu que « le souci de protection des majeurs protégés a incité le Gouvernement à retenir ici une rédaction plus large, qui permet dinterroger la personne chargée dune mission de représentation mais également dassistance du majeur protégé, lorsque le majeur est devenu hors détat dexprimer sa volonté. Il sagit ici de recueillir un témoignage, qui doit être recherché auprès de toutes personnes qui a pu recueillir la volonté du majeur (y compris la personne de confiance) ».

Interrogé à nouveau sur l’évolution opérée par le Sénat, le Gouvernement a estimé que « la rédaction issue du Sénat correspond à lidée de ne faire intervenir dans les décisions médicales que les personnes chargées dune mission de représentation en matière personnelle et non les personnes chargées dune mission de représentation aux biens, ni les personnes chargées dune mesure dassistance, puisque ces dernières ne peuvent prendre de décision en matière personnelle lorsque le majeur nest pas apte à exprimer sa volonté ». Il a par ailleurs été indiqué au rapporteur que « la rédaction adoptée par le Sénat correspond à celle qui fait lobjet dun projet dordonnance harmonisant le code de la santé publique et le code civil (en cours dexamen par le Conseil dÉtat) ». Le Gouvernement a enfin souligné que « la précédente rédaction, issue de la lecture à lAssemblée, aurait comme conséquence quelle imposerait de vérifier labsence dopposition auprès de toutes les personnes chargées dune mesure de protection juridique à la personne, y compris celles qui nexercent quune mesure dassistance et qui nauraient, de ce fait, aucune connaissance de la position de la personne concernée ».

Prenant acte des nouveaux arguments, le rapporteur n’émet donc pas de réserve sur l’harmonisation rédactionnelle opérée par le Sénat.

L’amendement n° COM-185 tend à insérer un nouvel article L. 1243-8-1 au sein du code de la santé publique, en vue d’harmoniser les pratiques de conservation des échantillons biologiques par l’application de règles de bonnes pratiques.

● En séance publique, cet article n’a fait l’objet d’aucune modification.

 

 


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Article 9
Transmission dune information génétique au profit de la parentèle ou dans les situations de rupture du lien de filiation biologique dans le strict respect de lanonymat des personnes concernées

Adopté par la commission avec modifications

    Résumé du dispositif initial

L’article 9 modifie le régime juridique de l’information de la parentèle par les patients faisant l’objet d’un examen des caractéristiques génétiques. Ce régime est modifié pour tenir compte de différentes situations (majeur protégé, personne hors d’état d’exprimer sa volonté ou décès d’un patient ayant consenti à un test génétique avant l’annonce du résultat des tests ou avant d’avoir pu informer sa parentèle).

Cet article vise à permettre ‑ sans la rendre obligatoire ‑ la transmission d’information portant sur une anomalie génétique grave dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur ou d’un accouchement sous X.

    Modifications apportées par l’Assemblée en 1ère lecture

L’Assemblée a instauré une obligation de transmission d’informations génétiques dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur.

    Modifications apportées par le Sénat en 1ère lecture

Plusieurs amendements ont été adoptés afin de :

– préciser le cadre de droit commun qui prévoit l’obligation d’information de la parentèle en cas de découverte d’une anomalie génétique grave (notamment communication à la parentèle des coordonnées du médecin prescripteur) ;

– compléter le dispositif d’information lorsqu’est découverte une anomalie génétique alors que les personnes intéressées sont impliquées dans une AMP (communication aux médecins consultés par celles-ci des coordonnées du médecin prescripteur) ;

–  faire évoluer le dispositif d’information en cas d’accouchement sous X (mécanisme d’obligation d’information et autorisation d’accès et de consultation du répertoire national d’identification des personnes physiques).

    Position de la commission

La commission a adopté un amendement rédactionnel n° 1467 du rapporteur.

L’article 9 vise à rassembler, au sein d’une nouvelle section du code de la santé publique, l’ensemble des articles ayant trait à l’information de la parentèle par les patients faisant l’objet des examens des caractéristiques génétiques.

L’obligation d’information de la parentèle par le patient est maintenue. Le dispositif est toutefois complété afin d’assurer l’effectivité de la transmission d’information, d’une part lorsque le patient est un majeur protégé ou hors d’état d’exprimer sa volonté, d’autre part lorsque le patient qui avait consenti à un test génétique décède avant l’annonce de son résultat ou avant d’avoir pu informer sa parentèle.

Cet article vise enfin à permettre la transmission d’information portant sur une anomalie génétique grave dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur ou d’un accouchement sous X. Cette procédure demeure une faculté pour le patient et fait intervenir, au côté du médecin prescripteur, soit le centre d’assistance médicale à la procréation (AMP), soit le Conseil national pour l’accès aux origines personnelles (CNAOP) dont les missions sont étendues à cet effet, afin de préserver tant le principe de l’anonymat que celui du secret médical.

1.   Les modifications adoptées par l’Assemblée nationale en première lecture

Outre quelques amendements de nature rédactionnelle, la commission a procédé à une modification substantielle en adoptant l’amendement n° 1252 de M. Berta (Modem). Elle a en effet étendu aux enfants issus du don et aux tiers donneurs l’obligation de transmission d’informations génétiques les concernant. Le médecin prescripteur est investi de l’obligation de saisir le centre d’AMP aux fins d’information soit du tiers donneur, soit des enfants issus du don.

L’Assemblée a ensuite adopté sans modification le texte issu de la commission.

2.   Les modifications adoptées par le Sénat en première lecture

● La commission a adopté six amendements présentés par son rapporteur, l’un d’entre eux étant de portée rédactionnelle.

Deux amendements visent à modifier le cadre de droit commun qui prévoit l’obligation d’information de la parentèle en cas de découverte d’une anomalie génétique grave :

– l’amendement n° COM-186 vise à s’assurer que la personne ayant fait l’objet d’un examen génétique communique à sa parentèle les coordonnées de son médecin prescripteur lorsqu’elle procède elle-même à leur information. L’exposé sommaire de l’amendement souligne que cette transmission permettra au médecin prescripteur d’« être sollicité sur lanomalie génétique en cause par le médecin qualifié en génétique qui sera consulté par lapparenté » ;

– l’amendement n° COM-188 tend à préciser le dispositif relatif à transmission d’information lorsque le patient qui avait consenti à un test génétique décède avant l’annonce de son résultat ou avant d’avoir pu informer sa parentèle. Selon son exposé sommaire, l’amendement n° COM-188 « tend à préciser que le médecin ne peut procéder à linformation de la parentèle de lexistence dune information médicale dordre génétique pouvant les concerner (…) dans les cas où la personne sétait auparavant opposée à être informée du résultat ou sétait opposée à ce que les membres de sa famille potentiellement concernés bénéficient de cette information ».

L’amendement n° COM-227 tend à préciser le dispositif d’information lorsqu’est découverte une anomalie génétique alors que les personnes intéressées sont impliquées dans une AMP. Il prévoit que le responsable du centre d’AMP devra transmettre au tiers donneur ou à la personne issue du don qui a choisi d’aller en consultation de génétique médicale les coordonnées du médecin prescripteur afin de permettre à son médecin de connaître l’anomalie qu’il convient de rechercher.

Deux amendements tendent enfin à préciser le dispositif d’information en cas de découverte d’une anomalie génétique dans le cadre de l’accouchement dans le secret :

– l’amendement n° COM-189 étend aux personnes nées sous le secret ou aux parents de naissance l’obligation de transmission d’information portant sur l’existence d’une anomalie génétique. Avec l’adoption de cet amendement, qui se conjugue à l’évolution opérée par l’Assemblée nationale s’agissant de l’AMP, le régime de l’accouchement dans le secret tend ainsi à se rapprocher du droit commun de l’obligation d’information de la parentèle.

– l’amendement n° COM-224 autorise le CNAOP à consulter le répertoire national d’identification des personnes physiques afin d’accomplir sa mission d’information.

● En séance publique, cet article a fait l’objet d’un amendement de nature rédactionnelle.

 


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Titre III

appuyer la diffusion des progrÈs scientifiques et technologiques dans le respect des principes Éthiques

Article 10
Consentement à lexamen des caractéristiques génétiques

Adopté par la commission avec modifications

    Résumé du dispositif initial

L’article 10 ajoute à la liste des informations qui doivent être fournies à une personne avant son consentement à l’examen de ses caractéristiques génétiques la possibilité de révélation de découvertes génétiques incidentes dès lors qu’elles présentent une utilité au plan médical pour la personne elle-même ou pour les membres de sa famille ainsi que le droit de refuser la révélation de ces informations.

    Principales modifications adoptées par l’Assemblée en 1ère lecture

L’Assemblée nationale a interdit tout démarchage publicitaire portant sur l’examen des caractéristiques génétiques constitutionnelles d’une personne.

    Principales modifications adoptées par le Sénat en 1ère lecture

Le Sénat a supprimé l’interdiction posée par l’Assemblée nationale.

    Position de la commission

La commission a rétabli, contre l’avis du rapporteur, la prohibition supprimée par le Sénat (amendements n° 938 de M. Brindeau et n° 1132 de Mme Pinel).

Alors que l’article 16-10 du code civil prévoit que l’examen des caractéristiques génétiques d’une personne ne peut être entrepris qu’à des fins médicales ou de recherche scientifique, l’article 10 du projet de loi propose de le compléter afin de permettre, sous réserve d’un consentement libre et éclairé, d’informer la personne, à l’occasion d’un examen génétique réalisé pour une autre finalité, de découvertes génétiques incidentes utiles au plan médical, c’est-à-dire dont la connaissance lui permettrait – ou aux membres de sa famille – de bénéficier de mesures de prévention ou de soin.

1.   Les modifications adoptées par l’Assemblée nationale en première lecture

Tandis que la commission spéciale n’avait adopté qu’un amendement rédactionnel, l’Assemblée nationale a, sur proposition de MM. Brindeau et Lagarde (UDI) et contre l’avis du Gouvernement et de la commission, adopté l’amendement n° 2583 qui interdit tout démarchage publicitaire portant sur l’examen des caractéristiques génétiques constitutionnelles d’une personne.

2.   Les modifications adoptées par le Sénat en première lecture

S’interrogeant sur l’opportunité et l’effectivité de l’interdiction posée par l’Assemblée nationale – en particulier en l’absence de sanctions pénales –, la commission spéciale l’a supprimée sur proposition de M. Amiel (LREM – amendement n° COM-83).

Aucune modification n’a été apportée en séance publique.

 

 


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Article 11
Garanties entourant le recours à des traitements algorithmiques
de données massives en santé

Adopté par la commission avec modifications

    Résumé du dispositif initial

L’article 11 propose un cadre juridique pour l’utilisation d’un traitement algorithmique de données massives lorsqu’est réalisé un acte à visée préventive, diagnostique ou thérapeutique, afin de garantir l’intervention d’un professionnel de santé.

    Principales modifications adoptées par l’Assemblée en 1ère lecture

L’Assemblée nationale a clarifié les conditions d’adaptation des paramètres d’un traitement algorithmique de données massives pour des actes à visée médicale en précisant que le paramétrage ne peut être réalisé sans l’intervention d’un professionnel de santé.

    Principales modifications adoptées par le Sénat en 1ère lecture

Le Sénat a réécrit l’article 11 afin de prévoir que :

– le professionnel de santé, avant de recourir à un traitement algorithmique, en informe au préalable le patient et lui explique, sous une forme intelligible, la manière dont ce traitement sera mis en œuvre ;

– la saisie d’informations relatives au patient dans le traitement algorithmique se fait sous le contrôle du professionnel de santé qui a recours au traitement ;

– aucune décision médicale ne peut être prise sur le seul fondement d’un traitement algorithmique ;

– les concepteurs du traitement algorithmique s’assurent de la transparence du fonctionnement de l’outil pour ses utilisateurs.

    Position de la commission

À l’initiative du rapporteur, la commission a adopté une nouvelle rédaction de l’article 11 (amendement n° 1469) afin de :

– clarifier le périmètre des dispositifs visés par l’article 11 en visant les traitements algorithmiques entraînés à partir de données massives ;

– obliger le professionnel de santé à informer le patient avant l’utilisation d’un traitement algorithmique et à l’avertir de l’interprétation qui en résulte ;

– garantir que les résultats issus de ce dispositif sont validés par un professionnel de santé ;

– prévoir la traçabilité des actions et des données afin d’éviter que le dispositif ne fonctionne comme une « boîte noire ».

Afin d’éviter une déshumanisation de la relation de soin entre le patient et le médecin et la dépossession de ce dernier de son autonomie décisionnelle, l’article 11 du projet de loi crée un cadre juridique pour l’utilisation d’un traitement algorithmique de données massives lors de la réalisation d’un acte à visée préventive, diagnostique ou thérapeutique.

À cet effet, l’article 11 prévoit qu’en cas de recours à un traitement algorithmique de données massives pour des actes à visée médicale, le professionnel de santé qui communique les résultats de ces actes informe le patient de l’utilisation et des modalités d’action de ce traitement. Il ajoute que le paramétrage de ce traitement est réalisé avec l’intervention d’un professionnel de santé et qu’il peut être modifié par ce dernier. Il assure enfin la traçabilité des actions et des données de ce traitement algorithmique et précise que les informations qui en résultent sont accessibles aux professionnels de santé concernés.

1.   Les modifications adoptées par l’Assemblée nationale en première lecture

À l’initiative de son rapporteur, la commission spéciale a clarifié les conditions d’adaptation des paramètres d’un traitement algorithmique de données massives pour des actes à visée préventive, diagnostique ou thérapeutique en précisant que le paramétrage ne peut être réalisé sans l’intervention d’un professionnel de santé (amendement n° 2322).

Aucune modification n’a été apportée en séance publique.

2.   Les modifications adoptées par le Sénat en première lecture

Sur proposition de son rapporteur, la commission spéciale a adopté cinq amendements présentés comme ayant pour objet de renforcer « les garanties offertes au patient lors de lutilisation dun traitement algorithmique à des fins médicales » ([65]) :

– l’amendement n° COM-256 réécrit le dispositif relatif à l’information du patient afin de prévoir que le professionnel de santé, avant de recourir à un traitement algorithmique, en informe au préalable le patient et lui explique, sous une forme intelligible, la manière dont ce traitement sera mis en œuvre, en précisant que seules l’urgence et l’impossibilité d’informer peuvent y faire obstacle ;

– l’amendement n° COM-257 substitue à l’alinéa relatif au paramétrage du traitement algorithmique un nouvel alinéa qui prévoit que la saisie d’informations relatives au patient dans le traitement algorithmique se fait sous le contrôle du professionnel de santé qui a recours au traitement ;

– l’amendement n° COM-258 ajoute qu’aucune décision médicale ne peut être prise sur le seul fondement d’un traitement algorithmique ;

– l’amendement n° COM-259 réécrit l’alinéa relatif à la traçabilité des actions du traitement algorithmique afin de prévoir que ses concepteurs s’assurent de la transparence du fonctionnement de l’outil pour ses utilisateurs ;

– l’amendement n° COM-260 renvoie à un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), les modalités d’application de l’article 11.

Aucune modification n’a été apportée en séance publique.

 

 


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Article 12
Encadrement du recours aux techniques denregistrement de lactivité cérébrale et interdiction des discriminations fondées sur les résultats de ces techniques en matière dassurance

Adopté par la commission avec modifications

    Résumé du dispositif initial

L’article 12 étend le champ de l’encadrement du recours aux techniques d’enregistrement de l’activité cérébrale en donnant une définition plus large des techniques visées et en interdisant l’emploi de l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle dans le domaine de l’expertise judiciaire. Il renforce l’interdiction des discriminations fondées sur les données issues de l’enregistrement de l’activité cérébrale, en particulier en matière de prévention et de couverture des risques.

    Principales modifications adoptées par l’Assemblée en 1ère lecture

L’Assemblée a précisé le champ de cet encadrement en visant expressément les techniques d’imagerie et d’exploration de l’activité cérébrale et a interdit le recours, à des fins judiciaires, aux techniques d’enregistrement de l’activité cérébrale et aux explorations dont la liste sera fixée par décret en Conseil d’État.

    Principales modifications adoptées par le Sénat en 1ère lecture

Le Sénat a rétabli les dispositions actuelles du code civil relatives aux techniques d’enregistrement de l’activité cérébrale.

    Position de la commission

Contre l’avis du rapporteur, la commission a rétabli la rédaction adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale (amendement n° 437 de M. Eliaou).

L’article 12 modifie l’article 16-14 du code civil, qui avait été introduit sur l’initiative de M. Leonetti, rapporteur de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique à l’Assemblée nationale en 2011, afin de mieux encadrer l’usage des techniques d’imagerie cérébrale ([66]). Élargissant le champ des techniques concernées en visant « les techniques d’enregistrement de l’activité cérébrale », il interdit par ailleurs l’emploi de l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle dans le domaine de l’expertise judiciaire.

Ce même article modifie également l’article 225-3 du code pénal afin d’affermir l’interdiction des discriminations fondées sur les données issues de l’enregistrement de l’activité cérébrale, en particulier dans le domaine assurantiel.

1.   Les modifications adoptées par l’Assemblée nationale en première lecture

Alors que la commission spéciale n’avait apporté aucune modification au projet de loi initial, l’Assemblée nationale a, sur proposition de M. Eliaou (LREM), avec l’avis favorable du Gouvernement et du rapporteur mais contre l’avis de la commission spéciale, adopté les amendements n° 2489 et 2490, qui substituent aux termes « enregistrement de l’activité cérébrale » les termes « imagerie et exploration de l’activité cérébrale », afin de couvrir sans ambiguïté l’ensemble des techniques dont l’usage doit être réservé à des fins médicales, de recherche ou d’expertise judiciaire.

L’Assemblée a également adopté, à l’initiative de M. Eliaou, les amendements n° 2494 et 2493 afin de préciser que l’interdiction relative au recours à ces techniques dans le cadre d’expertises judiciaires vise les explorations dont la liste est définie par décret en Conseil d’État et les techniques d’enregistrement de l’activité cérébrale.

L’Assemblée a en outre adopté un amendement n° 2495 de M. Eliaou pour interdire les discriminations fondées sur les données issues de l’enregistrement de l’imagerie et de l’exploration cérébrale.

L’Assemblée a enfin adopté, sur avis favorable du Gouvernement, un amendement n° 2608 de coordination du rapporteur, sous-amendé par M. Eliaou (sous-amendement n° 2623), afin de viser les techniques d’imagerie et d’exploration de l’activité cérébrale.

2.   Les modifications adoptées par le Sénat en première lecture

Sur proposition de son rapporteur M. Henno, la commission spéciale du Sénat a adopté un amendement n° COM-261 qui, en supprimant le I et le III de l’article 12, maintient en l’état actuel le cadre juridique posé par l’article 16-14 du code civil.

Le rapporteur a en effet considéré que l’extension des techniques entrant dans le champ d’application de l’article 16-14 du code civil par l’inclusion des notions d’« enregistrement » ou d’« exploration » de l’activité cérébrale « pourrait conduire à interdire des dispositifs de neuro-modulation non invasifs utilisés à des fins paramédicales » et « être contraire au droit de lUnion européenne, en ce quelle constituerait un obstacle à la libre circulation dun produit sans justification de santé publique » ([67]).

S’appuyant sur l’étude préparatoire à la révision de la loi de bioéthique menée par le Conseil d’État en 2018 ([68]) qui estimait que « la modification des dispositions actuellement en vigueur nest pas nécessaire » ainsi que sur le constat dressé par la chancellerie de « ne pas avoir connaissance de recours abusifs aux techniques dimagerie cérébrale par les juridictions pénales », il a jugé inutile d’exclure le recours à l’imagerie fonctionnelle dans le domaine de l’expertise judiciaire.

En séance publique, le Sénat a, suivant l’avis favorable du Gouvernement, adopté un amendement n° 315 du rapporteur, de coordination avec l’article 225-3 du code pénal, afin de viser les discriminations fondées sur des données issues de techniques d’imagerie cérébrale.

 

 


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Article 13
Encadrement des dispositifs de neuro-modulation

Adopté par la commission avec modifications

    Résumé du dispositif initial

L’article 13 confère au ministre chargé de la santé le pouvoir d’interdire un dispositif de neuro-modulation qui présenterait un danger grave ou une suspicion de danger grave pour la santé humaine.

    Principales modifications adoptées par l’Assemblée en première lecture

L’Assemblée n’a adopté que des amendements rédactionnels.

    Principales modifications adoptées par le Sénat en première lecture

Le Sénat a élargi le champ de l’interdiction aux dispositifs ayant pour effet de modifier l’activité cérébrale et en a exclu les dispositifs médicaux.

    Position de la commission

À l’initiative du rapporteur, la commission a supprimé l’exclusion des dispositifs médicaux introduite par le Sénat (amendement n° 1471).

L’article 13 permet l’interdiction par décret, pris après avis de la Haute Autorité de santé, d’un dispositif de neuro-modulation qui présenterait un danger grave ou une suspicion de danger grave pour la santé humaine.

1.   Les modifications adoptées par l’Assemblée nationale en première lecture

LAssemblée nationale a adopté, sur proposition du rapporteur, deux amendements rédactionnels, le premier (n° 2323) en commission spéciale et le second (n° 2262) en séance publique.

2.   Les modifications adoptées par le Sénat en première lecture

Au Sénat, la commission spéciale a adopté, sur proposition de son rapporteur M. Henno, l’amendement n° COM-262 qui élargit le champ de l’interdiction aux dispositifs ayant non plus « pour objet » mais « pour effet » de modifier l’activité cérébrale et qui exclut du champ de la nouvelle disposition les dispositifs médicaux. Selon le rapporteur, ces derniers relevant des « pouvoirs de police de lAgence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé », il conviendrait de « ne pas prévoir deux pouvoirs de police concurrents » ([69]).

Aucune modification n’a été apportée en séance publique.

 


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Titre IV

Soutenir une recherche libre et responsable
au service de la santé humaine

Chapitre Ier
Encadrer les recherches sur lembryon, les cellules souches embryonnaires
et les cellules souches pluripotentes induites

Article 14
Différenciation des régimes juridiques dautorisation sappliquant à lembryon et aux cellules souches embryonnaires

Adopté par la commission avec modifications

    Résumé du dispositif initial

L’article 14 vise à clarifier le régime juridique des recherches portant sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires.

Il établit d’abord une distinction entre les recherches portant sur l’embryon non destiné à naître (« recherche sur l’embryon humain ») et celles portant sur l’embryon, avant ou après son transfert, effectuées dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation (AMP) qui répondent aux conditions fixées pour les recherches impliquant la personne humaine (RIPH).

Le projet de loi maintient le régime d’autorisation pour les recherches sur l’embryon humain mais consacre le régime de déclaration pour les recherches portant sur les cellules souches embryonnaires humaines. Pour ces dernières, l’article 14 prévoit une faculté d’opposition aux protocoles de recherche avec un mécanisme renforcé pour les recherches hautement sensibles (différenciation des cellules en gamètes et agrégation de ces cellules avec des cellules précurseurs de tissus extra‑embryonnaires).

Enfin, le projet de loi prévoit pour la première fois une durée maximale de culture des embryons in vitro destinés à la recherche. Celle-ci est fixée à 14 jours.

    Modifications apportées par l’Assemblée en 1ère lecture

L’Assemblée a précisé que les recherches portant sur l’embryon peuvent avoir pour objet de déterminer les causes de l’infertilité.

Elle a étendu le périmètre des recherches hautement sensibles soumises à un mécanisme de contrôle renforcé aux protocoles ayant pour objet l’insertion des cellules souches embryonnaires « dans un embryon animal dans le but de son transfert chez la femelle ».

Elle a assoupli le régime de conservation des cellules souches embryonnaires en le soumettant à déclaration.

 

L’Assemblée a enfin adopté un amendement visant à préciser que, dans le cadre des recherches impliquant la personne humaine, « aucune intervention ayant pour objet de modifier le génome des gamètes ou de lembryon ne peut être entreprise ».

    Modifications apportées par le Sénat en 1ère lecture

Le Sénat a souhaité réserver l’interdiction de toute création d’embryons pour la recherche aux seuls embryons issus de la fusion de gamètes.

Il a parallèlement assoupli le régime d’autorisation des recherches sur l’embryon en modifiant les critères à respecter par les protocoles de recherche et a admis, à titre dérogatoire, la possibilité d’effectuer des recherches sur des embryons jusqu’à 21 jours.

Le Sénat a également assoupli les critères à respecter pour les recherches portant sur les cellules souches embryonnaires.

Il a interdit toute recherche visant à insérer des cellules souches embryonnaires humaines dans un embryon animal. De ce fait, le texte en navette perpétue le droit existant – qui n’interdit pas formellement la conduite de recherches relatives aux chimères animal-homme – tout en écartant les protocoles afférents du contrôle effectué par l’Agence de la biomédecine.

Enfin, le Sénat a supprimé l’alinéa introduit par l’Assemblée précisant que les recherches sur l’embryon peuvent porter sur les causes de l’infertilité.

    Position de la commission

Outre quelques amendements rédactionnels, la commission a procédé à plusieurs modifications, sur propositions du rapporteur, parfois rejointes par celles d’autres députés :

– elle a rétabli l’interdiction de toute création d’embryons à des fins de recherche prévue à l’article L. 2151‑2 du code de la santé publique (amendements n° 1505 du rapporteur, n° 442 de M. Breton, n° 458 de M. Hetzel, n° 1092 de Mme Ménard et n° 1293 de M. Bazin) ;

– elle a rétabli dans la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture les deuxième et troisième critères permettant d’autoriser les recherches sur l’embryon humain (respectivement, amendements n° 1506 du rapporteur, n° 1095 de Mme Ménard et n° 1301 de M. Bazin, puis n° 1507 du rapporteur et n° 1097 de Mme Ménard), ainsi que les critères devant être respectés par les protocoles de recherche sur les cellules souches embryonnaires (amendements n° 1511 du rapporteur et n° 1319 de M. Bazin) ;

– elle est revenue sur la possibilité d’effectuer, à titre dérogatoire, des recherches sur des embryons jusqu’à 21 jours après leur conception (amendements n° 1508 du rapporteur, n° 224 de M. Bazin, n° 340 de M. Breton, n° 421 de M. Hetzel, n° 1149 de Mme Ménard et n° 1310 de M. Delatte) ;

– elle a réintroduit la précision selon laquelle les recherches portant sur l’embryon peuvent avoir pour objet de déterminer les causes de l’infertilité (amendement n° 1510 du rapporteur) ;

– elle a de nouveau fixé le périmètre des recherches hautement sensibles soumises à un mécanisme de contrôle renforcé aux protocoles ayant pour objet l’insertion des cellules souches embryonnaires « dans un embryon animal dans le but de son transfert chez la femelle » (amendement n° 1513 du rapporteur) ;

 

– elle a supprimé la précision introduite par le Sénat selon laquelle les gamètes dérivés de cellules souches embryonnaires ne peuvent servir à féconder un autre gamète, issu du même procédé ou obtenu par don (amendement n° 1514 du rapporteur).

L’article 14 vise à clarifier le régime juridique des recherches portant sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires.

À des fins de clarté, il identifie d’abord par un article spécifique du code de la santé publique le régime juridique des recherches portant sur les gamètes destinés à constituer un embryon ou sur un embryon destiné à naître. Ces recherches effectuées dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation (AMP) ressortissent à un nouvel article L. 2141-3-1 et répondent aux conditions fixées pour les recherches impliquant la personne humaine (RIPH) ; ces travaux se distinguent de ceux qui portent sur des embryons surnuméraires, donnés à la recherche, qui n’ont pas vocation à être implantés et qui font systématiquement l’objet d’une destruction.

Le projet de loi établit ensuite une summa divisio entre le régime des recherches applicables aux embryons, soumises à autorisation, et celui portant sur les cellules souches embryonnaires, fondé sur une simple déclaration.

Il précise chacun des deux régimes juridiques :

– s’agissant des recherches portant sur l’embryon, le texte prévoit une durée légale de culture des embryons in vitro destinés à la recherche. La limite au-delà de laquelle l’embryon fait l’objet d’une destruction est de 14 jours
– aujourd’hui, les embryons sont cultivés pendant une durée maximale de 7 jours, qui résulte d’une recommandation du CCNE. Par ailleurs, est repris le principe d’interdiction du transfert à des fins de gestation des embryons surnuméraires donnés à la recherche et manipulés dans ce cadre ;

– s’agissant des recherches portant sur les cellules souches embryonnaires, le projet de loi tempère le régime de déclaration en investissant le directeur général de l’Agence de la biomédecine d’une faculté d’opposition aux protocoles de recherche – particulièrement ceux portant sur les recherches hautement sensibles – ainsi que d’une faculté d’opposition ou d’interdiction des travaux.

1.   Les modifications adoptées par l’Assemblée nationale en première lecture

● La commission a procédé à plusieurs modifications :

– sur proposition du rapporteur, elle a précisé que les recherches sur l’embryon peuvent porter sur les causes de l’infertilité (amendement n° 2223) ;

– elle a adopté deux amendements identiques, dont un du rapporteur, visant à préciser le régime de déclaration des recherches hautement sensibles sur les cellules souches embryonnaires. Pour celles-ci, la faculté d’opposition du directeur général de l’Agence de la biomédecine est assortie de la publicité de l’avis émis par le conseil d’orientation de l’Agence. Alors que le texte initial réserve ces dispositions aux recherches portant sur la différenciation des cellules en gamètes et l’agrégation de ces cellules avec des cellules précurseurs de tissus extra‑embryonnaires, les amendements les étendent aux recherches portant sur l’« insertion des [cellules souches embryonnaires] dans un embryon animal dans le but de son transfert chez la femelle » (amendements n° 2224 et n° 2027) ;

– elle a adopté deux amendements identiques, dont un du rapporteur, visant à soumettre la conservation des cellules souches embryonnaires à un régime de déclaration et non plus d’autorisation (amendements n° 2252 et n° 2028).

● En plus de quelques amendements de portée rédactionnelle, l’Assemblée a adopté un amendement présenté par M. Chiche au nom du groupe LaREM (n° 2332) visant à préciser que, dans le cadre des recherches portant sur un embryon à naître, « aucune intervention ayant pour objet de modifier le génome des gamètes ou de lembryon ne peut être entreprise ». Cette disposition permet de lever quelques craintes mais n’était pas indispensable pour le rapporteur dans la mesure où les recherches portant sur l’embryon destiné à être détruit au bout de 14 jours et celles portant sur un embryon destiné à naître sont bien soumises à deux régimes distincts.

2.   Les modifications adoptées par le Sénat en première lecture

Outre quelques amendements de coordination, le Sénat a adopté plusieurs évolutions significatives, à l’initiative de la rapporteure lors de l’examen du texte en commission. Ces évolutions portent respectivement sur les recherches effectuées dans le cadre d’une AMP, sur celles portant sur l’embryon humain voué à la destruction et sur celles portant sur les cellules souches embryonnaires.

a.   Les recherches effectuées dans le cadre d’une AMP

S’agissant des recherches effectuées sur les gamètes ou l’embryon avant ou après transfert en vue d’une gestation dans le cadre d’une AMP, la commission a adopté l’amendement n° COM-192 destiné à « prévenir, sur le plan de la terminologie, toute confusion entre les essais cliniques réalisés sur des personnes relevant du cadre des recherches impliquant la personne humaine et les recherches menées sur un gamète ou un embryon dans le cadre dune procédure dassistance médicale à la procréation ». Cette disposition ne soulève pas d’opposition de la part du rapporteur.

b.   Les recherches menées sur l’embryon ne faisant pas l’objet d’un projet parental

● Deux amendements participent de la distinction entre les recherches menées sur l’embryon dans le cadre de l’AMP et celles portant sur les embryons non destinés à être implantés.

La commission a d’abord adopté l’amendement n° COM-226 qui atténue la portée des interdits prévus par le code de la santé publique portant sur les recherches sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires. Le premier alinéa de l’article L. 2151-2 prohibe « la conception in vitro dembryon ou la constitution par clonage dembryon humain à des fins de recherche ». Le second alinéa du même article, qui est modifié par l’article 17 du projet de loi, prévoit l’interdiction de « la création dembryons transgéniques ou chimériques ». La modification approuvée par la commission, qui porte sur le premier alinéa de l’article L. 2151‑2, vise à limiter l’interdiction de la conception in vitro d’un embryon humain à ceux qui seraient obtenus par fusion de gamètes. Cette précision législative n’interdit pas la possibilité de concevoir des embryons à des fins de recherche dès lors qu’ils ne résultent pas d’une fusion de gamètes. En d’autres termes, cette rédaction revient à autoriser la création d’« entités embryoïdes reconstituées par assemblage de cellules dorigines diverses » ([70]) autrement appelées « modèles embryonnaires à usage scientifique ».

L’amendement n° COM-225 vise à préciser que l’interdiction du transfert à des fins de gestation porte bien évidemment sur les embryons sur lesquels une recherche a été conduite. Cette précision apparaît utile au rapporteur.

● Deux amendements tendent à modifier les critères permettant d’autoriser les recherches sur l’embryon humain. Le texte déposé par le Gouvernement et approuvé par l’Assemblée prévoit qu’une telle recherche ne peut être engagée que si trois conditions sont cumulativement respectées : pertinence scientifique, finalité médicale et impossibilité d’effectuer des recherches alternatives (par exemple sur des embryons animaux).

L’amendement n° COM-193 tend à compléter le critère de finalité : à la finalité médicale, l’amendement ajoute l’objectif d’amélioration de la connaissance de la biologie humaine, « plus pertinent en matière de recherche fondamentale ». Cette modification souhaite s’inscrire dans le droit fil des évolutions opérées par le législateur lors des précédentes révisions des lois de bioéthique. Toutefois, ajouter une telle précision fragiliserait la portée de la notion de « finalité médicale », qui, au terme des travaux parlementaires, englobe un large panel de recherches. Cela fragiliserait également le contrôle exercé par l’Agence de la biomédecine. Le rapporteur estime donc que cette précision n’est pas nécessaire pour favoriser la recherche fondamentale : l’adoption en 2013 du critère de « finalité médicale » avait justement pour but d’ouvrir plus largement le champ des recherches possibles. En 2004, la finalité exigeait des « progrès thérapeutiques majeurs » ; en 2011 le législateur avait retenu le critère de « progrès médicaux majeurs », « un rapport de lOffice parlementaire dévaluation des choix scientifiques et technologiques (OPESCT) [ayant] souligné la nature restrictive du caractère “thérapeutique” en relevant quune telle visée nadmettait pas les recherches à visée cognitive, insusceptibles dans un premier temps de conduire à des progrès thérapeutiques » ([71]). Le même rapport dénonçait aussi l’attitude consistant « à laisser croire à des progrès thérapeutiques majeurs », même au stade de l’essai clinique, pour les recherches sur les cellules souches, et concluait à la nécessité de ne pas susciter des espoirs parfois insuffisamment étayés ; la loi du 6 août 2013 a finalement retenu la notion de finalité médicale. Le rapport de M. Touraine portant sur la révision de loi sur la bioéthique rappelle enfin que « la substitution du critère “médical” au critère “thérapeutique” semble avoir aussi été motivée pour lever les blocages constatés lors de “la soumission de projets très fondamentaux”, dont on ne peut anticiper leur application dans la mise au point de thérapie » ([72]).

L’amendement n° COM-194 tend à préciser le troisième critère relatif à la démonstration de l’absence de méthodologie alternative au recours aux embryons humains. Selon l’exposé sommaire, l’amendement prévoit que la « méthode alternative au recours aux embryons nest recevable que sil est démontré quelle présente une pertinence scientifique comparable avec lembryon humain ». Comme pour l’amendement précédent, le rapporteur ne partage pas la position exprimée par les sénateurs. Cette évolution ne sécurise pas davantage les protocoles de recherche – peut-être même les fragilise-t-elle puisqu’elle ne repose plus seulement sur l’existence ou l’absence d’une méthode alternative, mais sur l’appréciation comparée de sa pertinence scientifique. Ainsi, le texte issu du Sénat contraint l’évaluation de l’Agence de la biomédecine et favorise l’émergence de contentieux, alors que la rédaction issue des délibérations de l’Assemblée préserve pleinement la capacité d’appréciation de l’Agence.

L’amendement n° COM-195 prévoit la possibilité d’effectuer des recherches sur les embryons surnuméraires jusqu’à 21 jours au lieu de 14. Cette extension n’est effectuée qu’à titre dérogatoire afin de conduire des protocoles de recherche « spécifiquement dédiés à létude des mécanismes de développement embryonnaire au stade de la gastrulation ». Cette évolution est doublement motivée : par l’intérêt scientifique majeur au regard de « lenjeu du contrôle de la différenciation des cellules souches embryonnaires humaines et des retombées médicales » et par « le souci de ne pas prendre de retard dans la compréhension des étapes du développement embryonnaire ». S’il comprend le souhait de ses collègues sénateurs, le rapporteur estime qu’une telle autorisation, même à titre dérogatoire, est prématurée. Il faut déjà considérer l’avancée opérée par le projet de loi : celui-ci fixe une limite légale alors qu’il n’existe actuellement qu’une limitation d’usage ; la limite de quatorze jours est retenue dans la quasi-totalité des autres pays, comme le rapporteur a eu l’occasion de le souligner à l’occasion des débats en première lecture ; de surcroît, fixer une limite à quatorze jours tout en permettant son franchissement, fût-ce à titre dérogatoire, c’est fragiliser considérablement la portée de l’interdit. Le rapporteur considère que le texte adopté par l’Assemblée nationale se caractérise par un certain équilibre. La limite de quatorze jours n’est pas applicable aux embryons animaux auxquels il est envisagé d’adjoindre des cellules souches humaines précisément pour étudier les étapes du développement embryonnaire et effectuer des tests de pluripotence. Il convient, à tout le moins, de commencer par des travaux sur l’embryon animal.

● Un dernier amendement ([73]) supprime l’alinéa prévoyant la possibilité de mener des recherches sur les embryons en vue d’étudier les causes de l’infertilité, qui a été introduit par l’Assemblée à l’initiative du rapporteur. Le Sénat considère que la disposition n’ouvre pas de nouvelles voies de recherche et poursuit un « objectif daffichage ». La distinction entre « l’affichage » et le souci de précision juridique cher à la Haute Assemblée étant parfois ténue, le rapporteur maintient qu’il est utile de faire figurer cette précision dans la loi. Combien de citoyens savent-ils aujourd’hui que des recherches portant sur les causes de l’infertilité peuvent être conduites ?

c.   Les recherches portant sur les cellules souches embryonnaires

Le régime de déclaration des recherches portant sur les cellules souches embryonnaires a fait l’objet de trois modifications.

● L’amendement n° COM-197 de la rapporteure complète les critères que doivent respecter tous les protocoles de recherche portant sur des cellules souches embryonnaires. Le projet de loi prévoit l’inscription dans une finalité médicale et la pertinence scientifique. Comme pour la recherche sur l’embryon, l’amendement prévoit que les recherches pourront aussi porter sur l’amélioration de la connaissance de la biologie humaine. Pour les mêmes raisons que celles exposées ci-avant, le rapporteur juge inutile l’ajout de ce critère.

● Deux amendements modifient les dispositions relatives aux protocoles portant sur les recherches hautement sensibles impliquant les cellules souches embryonnaires.

L’amendement n° COM-201 revient d’abord sur une précision majeure introduite par l’Assemblée nationale en séance. Estimant que la constitution d’embryons chimériques résultant de l’insertion de cellules souches embryonnaires humaines dans un embryon animal constituait une « ligne “rouge” » à ne pas franchir, la commission a souhaité interdire ces expérimentations. Parallèlement, la commission a entendu davantage encadrer les expériences chimériques réalisées à partir de cellules souches pluripotentes induites (CSPi). Elle proposait donc un encadrement de ces dernières recherches à l’article 15 (cf. commentaire de l’article 15) combiné à des interdits de principe à l’article 17. Cet édifice a été remis en question avec la suppression de l’article 17 par le Sénat en séance publique.

De fait, le texte en navette ne comporte plus aucune disposition explicite relative aux recherches impliquant des chimères animal-homme. En prétendant par ailleurs rétablir l’interdiction de la conception d’embryon chimérique, à travers la suppression de l’article 17, le texte adopté par le Sénat ne parvient qu’à entretenir le flou actuel qui avait été souligné tant par le Conseil d’État que par les travaux parlementaires (cf. commentaire de l’article 17).

C’est notamment pour sortir de cette ornière que le projet de loi proposait une rédaction plus précise.

En maintenant l’état actuel du droit, le texte adopté par le Sénat n’interdit pas formellement les recherches impliquant les chimères animal-homme. Pire, en retirant celles-ci du dispositif de contrôle renforcé applicable aux recherches sensibles, le texte fait l’impasse sur tout mécanisme de régulation.

Le rapporteur estime que les travaux portant sur l’adjonction de cellules humaines dans un embryon animal présentent un intérêt particulier pour la recherche fondamentale. Ces travaux doivent pouvoir concerner autant les cellules souches pluripotentes induites (CSPi) que les cellules souches embryonnaires. Les mécanismes du développement embryonnaire, qui peuvent influer sur l’expression de certains gènes, ne peuvent être reproduits à partir des CSPi. Il convient donc de valider les conclusions des travaux portant sur les CSPi en les comparant à l’étalon de référence des recherches portant sur les cellules souches embryonnaires, comme cela a maintes fois été précisé dans les travaux préparatoires. À cet effet, ces recherches, qui font l’objet d’une déclaration auprès de l’ABM doivent être permises tout en relevant du régime des protocoles hautement sensibles.

C’est pourquoi le rapporteur entend revenir sur l’édifice bancal adopté par le Sénat aux articles 14, 15 et 17.

En séance publique, le Sénat a adopté l’amendement n° 135 rectifié quater de M. de Legge précisant que les gamètes dérivés de cellules souches embryonnaires ne peuvent servir à féconder un autre gamète, issu du même procédé ou obtenu par don. Mme Imbert, rapporteure, a eu l’occasion de souligner le caractère redondant de cette disposition dans la mesure où la commission spéciale avait adopté un amendement de précision sur son initiative (cf. amendement n° COM-226). Cette précision complémentaire fragilise même la portée de l’interdiction de toute création d’embryons à des fins de recherche. En proscrivant notamment la fécondation d’un gamète issu de la différenciation de CSH avec un autre gamète issu du même procédé, le texte adopté par le Sénat engendre une certaine confusion. Il ne prohibe pas explicitement la possibilité de féconder un gamète issu d’une différenciation de CSH avec un gamète issu d’un autre procédé, par exemple d’une différenciation de CSPi. Fidèle à la position déjà exprimée, le rapporteur n’estime donc pas utile l’ajout d’une telle disposition puisque le droit actuel, qui n’est pas modifié par le texte, prévoit d’ores et déjà une interdiction de principe.

 


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Article 15
Régulation, en recherche fondamentale, de certaines utilisations
des cellules souches pluripotentes induites

Adopté par la commission avec modifications

    Résumé du dispositif initial

L’article 15 vise à encadrer certaines recherches portant sur les cellules souches adultes dont la pluripotence est induite par une reprogrammation « forcée ».

Sur le modèle du cadre retenu pour les recherches hautement sensibles portant sur les cellules souches embryonnaires, l’article 15 prévoit que les protocoles ayant pour objet la différenciation des cellules souches en gamètes ou « lagrégation de ces cellules avec des cellules précurseurs de tissus extra-embryonnaires » feront l’objet d’une déclaration auprès de l’Agence de la biomédecine (ABM), son directeur général disposant d’une faculté d’opposition après avis public de son conseil d’orientation.

L’interdiction et la suspension des recherches peuvent être décidées par le directeur général de l’ABM en cas non-respect des exigences, après avis du conseil d’orientation de l’ABM.

    Modifications apportées par l’Assemblée en 1ère lecture

À l’instar de l’évolution opérée à l’article 14, l’Assemblée a étendu le périmètre de la déclaration aux protocoles ayant pour objet leur « insertion dans un embryon animal dans le but de son transfert chez la femelle ».

    Modifications apportées par le Sénat en 1ère lecture

Le Sénat a précisé l’interdiction de toute création d’embryons pour la recherche à partir de gamètes artificiels.

Il a interdit toute recherche visant à insérer des cellules souches pluripotentes induites dans un embryon animal. De ce fait, le texte en navette perpétue le droit existant – qui n’interdit pas formellement la conduite de recherches relatives aux chimères animal-homme – tout en écartant les protocoles afférents du contrôle effectué par l’Agence de la biomédecine.

Le Sénat a enfin aggravé les pénalités applicables en cas de non-respect du cadre légal des recherches impliquant des cellules souches.

    Position de la commission

Outre un amendement rédactionnel, la commission a procédé à trois modifications, sur proposition du rapporteur :

– par parallélisme avec une modification apportée à l’article 14, elle a supprimé la précision introduite par le Sénat selon laquelle les gamètes dérivés de cellules souches embryonnaires ne peuvent servir à féconder un autre gamète, issu du même procédé ou obtenu par don (amendement n° 1516) ;

 

– elle a rétabli le périmètre des recherches hautement sensibles soumises à un mécanisme de contrôle renforcé pour y inclure les protocoles ayant pour objet l’insertion des cellules souches embryonnaires « dans un embryon animal dans le but de son transfert chez la femelle » (amendement n° 1517) ;

– elle est revenue aux peines encourues en cas de non-respect du cadre légal des recherches impliquant des CSPi humaines et des cellules souches embryonnaires humaines qui avaient été prévues en première lecture (amendement n° 1518).

L’article 15 vise à encadrer certaines recherches portant sur les cellules souches adultes dont la pluripotence est induite (CSPi ou iPS en anglais) par une reprogrammation « forcée ». Aujourd’hui, aucun texte n’encadre ces recherches, qui sont susceptibles de soulever des enjeux éthiques.

Les recherches sur les CSPi ayant pour objet la différenciation des cellules souches en gamètes ou « lagrégation de ces cellules avec des cellules précurseurs de tissus extra-embryonnaires » feront ainsi l’objet d’une déclaration auprès de l’Agence de la biomédecine (ABM).

Une faculté d’opposition est accordée au directeur général de l’ABM éclairé par un avis public rendu par son conseil d’orientation.

L’interdiction et la suspension des recherches pourront être décidées par le directeur général de l’ABM en cas non-respect des exigences, après avis du conseil d’orientation de l’ABM.

1.   Les modifications adoptées par l’Assemblée nationale en première lecture

Outre plusieurs amendements de nature rédactionnelle, la commission a adopté deux amendements identiques, dont un du rapporteur, visant à soumettre à déclaration auprès de l’Agence de la biomédecine les protocoles de recherche portant sur les cellules souches pluripotentes induites ayant pour objet leur « insertion dans un embryon animal dans le but de son transfert chez la femelle » (amendements n° 2226 et n° 2029).

L’Assemblée a ensuite adopté sans modification le texte issu de la commission.

2.   Les modifications adoptées par le Sénat en première lecture

a.   L’interdiction en trompe-l’œil des recherches portant sur les chimères animal-homme

En adoptant deux amendements identiques n° 57 rectifié et 245 rectifié bis visant à écarter les recherches portant sur les chimères animal-homme du régime de déclaration auprès de l’Agence de la biomédecine tout en supprimant l’article 17 du projet de loi, le Sénat a entendu interdire toute recherche en la matière. En réalité, le texte issu de ses délibérations ne fait qu’entretenir le flou actuel, ce qu’avait souligné le Conseil d’État dans son étude préalable à la révision de la loi relative à la bioéthique (cf. commentaire de l’article 17).

Le projet de loi visait en effet à clarifier la rédaction du code de la santé publique, sujette à interprétation, et à sécuriser les recherches portant sur l’embryon animal. À l’appui de cette intention, on rappellera que l’article 15 modifie l’intitulé du chapitre consacré aux recherches en y désignant expressément l’embryon « humain », impliquant ainsi que le champ d’intervention dudit chapitre n’inclut pas l’encadrement des recherches portant sur l’embryon animal.

En maintenant l’état actuel du droit, le texte adopté par le Sénat n’interdit pas formellement les recherches impliquant les chimères animal-homme. Pire, en retirant celles-ci du dispositif de contrôle effectué par l’Agence de la biomédecine, le texte fait l’impasse sur tout mécanisme de régulation.

L’adoption de ces amendements remet par ailleurs en question la position dégagée par la commission spéciale qui validait la possibilité de constituer des chimères animal-homme à des fins de recherche. Estimant que la constitution d’embryons chimériques résultant de l’insertion de cellules souches embryonnaires humaines dans un embryon animal constituait une « ligne rouge » à ne pas franchir, la commission souhaitait réserver la possibilité de mener des recherches sur des chimères animal-homme aux seules CSPi.

Deux verrous avaient notamment été fixés avec l’amendement n° COM-199 de la rapporteure portant sur les recherches ayant pour objet l’« insertion dans un embryon animal dans le but de son transfert chez la femelle ».

L’amendement prévoyait d’abord que les embryons animaux ne pouvaient donner lieu à une parturition et précisait à cet effet que la gestation serait interrompue dans un délai approuvé par l’Agence de la biomédecine au regard des délais gestationnels propres à l’animal concerné.

Il prévoyait en outre une limite de 50 % à la proportion de cellules humaines insérées dans l’embryon animal « afin déviter au mieux une propagation de cellules humaines dans le cerveau de lorganisme animal en formation ».

Le rapporteur entend naturellement revenir sur le texte adopté par le Sénat, les travaux portant sur l’adjonction de cellules humaines dans un embryon animal présentant un intérêt particulier pour la recherche fondamentale. Il souligne par ailleurs que la limite de 50 % proposée par le Sénat présente d’évidentes difficultés d’application. Car on ne peut contrôler a priori la dynamique de la division cellulaire.

b.   Les autres modifications apportées en séance publique

Outre un amendement de coordination et un amendement rédactionnel, le Sénat a procédé à deux évolutions restrictives.

À l’instar de l’évolution opérée à l’article 14, le Sénat a adopté l’amendement n° 84 rectifié quater de M. Chevrollier visant à préciser que les gamètes dérivés de CSPi ne peuvent servir à féconder un autre gamète, issu du même procédé ou obtenu par don. Cette précision complémentaire fragilise la portée de l’interdiction de toute création d’embryons à des fins de recherche. En proscrivant notamment la fécondation d’un gamète issu de la différenciation de CPSi avec un autre gamète issu du même procédé, le texte adopté par le Sénat engendre une certaine confusion. Il ne prohibe pas explicitement la possibilité de féconder un gamète issu d’une différenciation de CPSi avec un gamète issu d’un autre procédé, par exemple d’une différenciation de CSH. Fidèle à une position déjà exprimée, le rapporteur n’estime pas utile l’ajout d’une telle disposition puisque le droit actuel, qui n’est pas modifié par le texte, prévoit d’ores et déjà une interdiction de principe.

Un autre amendement porté par M. Chevrollier (n° 253 rectifié bis) vise à aggraver les peines encourues en cas de non-respect du cadre légal des recherches impliquant des CSPi humaines et des cellules souches embryonnaires humaines. Estimant que les sanctions sont déjà dissuasives, le rapporteur entend revenir sur cette modification, suivant d’ailleurs l’avis de la rapporteure du Sénat qui a souligné que « lAgence de la biomédecine confirme quaucune infraction na été sanctionnée » et que « les chercheurs sont très conscients de la gravité des infractions et de leurs sanctions ».

 

 


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Article 16
Limite de conservation des embryons proposés à la recherche et non inclus dans un protocole après cinq ans

Adopté par la commission avec modifications

    Résumé du dispositif initial

L’article 16 vise à modifier les conditions de conservation des embryons surnuméraires conçus en vue d’une assistance médicale à la procréation (AMP) :

– en tirant les conséquences de l’extension de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules ;

– en sécurisant les conditions dans lesquelles le consentement à la poursuite du projet parental est recueilli (consentement écrit faisant l’objet d’une confirmation écrite dans un délai de trois mois) ;

– en précisant les conditions dans lesquelles d’autres finalités peuvent être assignées aux embryons lorsqu’il n’y a plus de projet parental. À cet effet, les dispositions relatives à la recherche sont modifiées pour tenir compte de la réglementation européenne applicable aux médicaments de thérapie innovante ;

– en précisant qu’il est mis fin à l’arrêt de la conservation des embryons confiés à la recherche sans avoir été inclus dans un protocole au bout d’une durée de cinq ans. Ces dispositions s’appliquent aux embryons confiés à la recherche avant et après la promulgation de la loi.

    Modifications apportées par l’Assemblée en 1ère lecture

L’Assemblée nationale a adopté un amendement visant à préciser les conditions du devenir des embryons confiés à la recherche ou faisant l’objet d’un accueil en cas de décès d’un des membres du couple.

    Modifications apportées par le Sénat en 1ère lecture

S’agissant de la poursuite ou non du projet parental, le Sénat a prévu que le silence de la personne à l’issue du délai de trois mois vaut confirmation du consentement initialement donné par écrit.

Le Sénat a complété les dispositions relatives au devenir des embryons en cas de décès d’un des membres du couple en les étendant à l’arrêt de la conservation.

Le Sénat a enfin porté à dix ans la durée au terme de laquelle il est mis fin à la conservation des embryons confiés à la recherche sans avoir été inclus dans un protocole.

    Position de la commission

La commission a précisé que le consentement donné par les deux membres du couple ou la femme non mariée sur le devenir des embryons s’il n’y a plus de projet parental doit être formalisé par écrit (amendement n° 813 de M. Bazin).

L’article 16 vise d’abord à modifier l’article L. 2141-4 du code de la santé publique qui régit les conditions de conservation des embryons surnuméraires conçus en vue d’une assistance médicale à la procréation (AMP).

Il tire les conséquences de l’extension de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules opérée par l’article 1er du projet de loi et prévoit une consultation annuelle des bénéficiaires de l’AMP pour déterminer la poursuite du projet parental, et partant la conservation des embryons. La fin du projet parental pourra se traduire, comme c’est déjà le cas aujourd’hui, par l’accueil de l’embryon par un autre bénéficiaire d’une AMP, par un don en faveur de la recherche ou par l’arrêt de la conservation. Le consentement est effectué par écrit et doit ensuite faire l’objet d’une confirmation écrite dans un délai de trois mois.

Les dispositions en faveur de la recherche sont modifiées :

– pour tenir compte de la réglementation européenne applicable aux médicaments de thérapie innovante applicables aux cellules dérivées d’embryon ;

– afin de prévoir l’arrêt de la conservation des embryons destinés à la recherche mais qui n’auraient pas été inclus dans un protocole à l’issue d’un délai de cinq ans suivant le consentement donné à cette nouvelle finalité.

– afin de prévoir l’arrêt de la conservation des embryons confiés à la recherche et conservés depuis plus de cinq ans avant la promulgation de la loi qui et n’ont pas été intégrés dans un protocole de coopération à moins qu’ils ne présentent un intérêt particulier.

1.   Les modifications adoptées par l’Assemblée nationale en première lecture

La commission a adopté plusieurs amendements de nature rédactionnelle sur proposition du rapporteur.

En séance publique, l’Assemblée nationale a adopté l’amendement n° 2054 présenté par M. Dharréville visant à préciser les conditions du devenir des embryons en cas de décès d’un des membres du couple. Le texte fait peser sur le membre survivant une responsabilité jugée écrasante en exigeant qu’il se prononce sur le devenir des embryons conservés sans avoir fait le deuil de la perte de son conjoint. L’amendement prévoit donc que la volonté du couple sur le devenir des embryons puisse être exprimée avant que le décès de l’un des deux membres ne survienne. Une modification similaire a été adoptée à l’article 1er (cf. commentaire de l’article 1er). Cette évolution concerne le don d’embryon à un autre couple ou à une femme non mariée ainsi que le don d’embryon à la recherche.

2.   Les modifications adoptées par le Sénat en première lecture

Les évolutions les plus significatives ont été adoptées en commission.

Considérant que l’obligation de confirmation écrite après trois mois du consentement donné en matière de devenir des embryons « savère lourde à gérer pour les centres et fragilise les possibilités dorienter les gamètes vers le don ou la recherche si la personne ny donne finalement pas suite », les sénateurs ont adopté l’amendement n° COM-202 de la rapporteure qui tend à instaurer une présomption de confirmation du consentement. En effet, le dispositif prévoit que le consentement est réputé confirmé à l’issue du délai de trois mois, l’intéressé disposant d’une faculté de révocation par écrit dans le cadre de ce délai. Des dispositions similaires ont par ailleurs été introduites aux articles 2 et 22 qui concernent le devenir des gamètes recueillis dans le cadre d’une autoconservation. Le rapporteur est sensible à cette démarche de simplification proposée par la rédaction du Sénat.

La commission a également adopté l’amendement n° COM-84 rectifié présenté par le groupe La République en marche tendant à compléter le régime du devenir des embryons en cas de décès d’un des membres du couple. Le texte de l’Assemblée prévoit que la volonté du couple est exprimée sur l’accueil par un autre bénéficiaire inscrit dans un parcours d’AMP ou sur la recherche. Le texte adopté par les sénateurs étend cette possibilité à l’arrêt de la conservation en cas de décès.

Un amendement présenté par la rapporteure (n° COM-203) tend à allonger le terme auquel est arrêtée la conservation des embryons confiés à la recherche. Le texte issu de l’Assemblée fixait une durée de cinq ans pour les embryons destinés à la recherche mais qui n’auraient pas été inclus dans un protocole ; cette durée s’applique aux embryons confiés à la recherche après la promulgation de la loi ; une disposition similaire prévoit l’arrêt de la conservation des embryons confiés à la recherche avant la promulgation de la loi et qui n’ont pas été intégrés dans un protocole de coopération sauf intérêt particulier. L’amendement adopté par la commission spéciale du Sénat, qui recueille la faveur du rapporteur, double la durée de conservation dans les deux cas de figure, au motif que :

– « une durée de conservation de cinq ans ne permet pas de tenir compte des contraintes qui caractérisent aujourdhui le montage et la mise en œuvre dun protocole de recherche, opérations qui peuvent nécessiter bien plus de cinq ans, en particulier lorsquune autorisation de recherche fait lobjet dune contestation en justice ».

– « certaines pathologies à révélation tardive ou bien rares nécessitent que le délai de conservation soit rallongé afin de laisser aux chercheurs la possibilité de mettre en place des recherches sur ces pathologies ».

● Le Sénat a adopté sans modification le texte issu de la commission.

 

 


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Chapitre II
Favoriser une recherche responsable en lien avec la médecine génomique

Article 17
Utilisation des outils de modification ciblée du génome
en recherche fondamentale

Rétabli par la commission

    Résumé du dispositif initial

L’article 17 autorise le recours aux techniques de modification ciblées du génome des embryons faisant l’objet d’une recherche (de type Crispr-Cas9).

Il maintient l’interdit des chimères homme-animal qui résulte de la modification d’un embryon humain par adjonction de cellules provenant d’autres espèces.

Il met fin aux restrictions de finalités opposables aux recherches portant sur les maladies en alignant la rédaction du quatrième alinéa de l’article 16-4 du code civil sur celle de la convention d’Oviedo.

    Modifications apportées par l’Assemblée en première lecture

L’Assemblée nationale n’a apporté aucune modification au texte du projet de loi.

    Modifications apportées par le Sénat en première lecture

Le Sénat supprimé cet article.

    Position de la commission

À l’initiative du rapporteur, la commission a rétabli l’article 17 dans la rédaction adoptée par l’Assemblée en première lecture (amendement n° 1519).

L’article 17 autorise les recherches sur l’embryon in vitro impliquant une modification ciblée du génome dans les conditions rappelées par l’article 14 du projet de loi (interdiction du transfert à des fins de gestation, arrêt de la conservation au bout d’une durée de quatorze jours).

L’article maintient l’interdit des chimères homme-animal, qui résultent de la modification d’un embryon humain par adjonction de cellules provenant d’autres espèces. L’article 15 précisant par ailleurs que le code de la santé publique ne s’applique qu’à l’embryon humain, l’article 17 ouvre donc la possibilité de constituer des chimères animal-homme, entendues comme résultant de l’adjonction de cellules souches humaines à un embryon animal.

Il met fin aux restrictions de finalités opposables aux recherches portant sur les maladies, en alignant la rédaction du quatrième alinéa de l’article 16-4 du code civil sur les stipulations de la convention d’Oviedo.

1.   Les modifications adoptées par l’Assemblée nationale en première lecture

L’Assemblée a adopté l’article 17 sans modification.

2.   Les modifications adoptées par le Sénat en première lecture

Le Sénat a rejeté cet article en séance publique, repoussant ainsi les avancées prévues par le projet de loi et faisant fi des modifications apportées par sa commission spéciale.

● Est ainsi remise en question la possibilité de recourir aux techniques de modification ciblée du génome des embryons humains faisant l’objet d’une recherche (de type Crispr-Cas9).

S’agissant des recherches sur les chimères, la suppression de l’article a pour conséquence de maintenir le flou encadrant les recherches portant sur l’adjonction de cellules humaines à des embryons animaux sans les interdire formellement. Cette indétermination avait été soulignée tant dans l’étude du Conseil d’État que dans le rapport de la mission d’information sur la révision de la loi relative à la bioéthique. Le projet de loi tenait compte de ces conclusions convergentes et visait à sécuriser les recherches portant sur l’embryon animal tout en maintenant l’interdit portant sur les chimères humain-animal.

Si le code de la santé publique proscrit les recherches portant sur les chimères humain-animal – principe sur lequel le projet de loi n’entendait nullement revenir –, l’interdiction de toute recherche portant sur les chimères animal-homme n’est pas évidente, l’encadrement prévu par ledit code ne visant que l’embryon humain.

L’interdit de l’embryon chimérique, introduit par le Sénat lors de l’examen de la dernière loi de bioéthique, ne revêt pas une portée telle qu’il s’applique aux embryons animal-homme. Le compte-rendu des travaux en commission ([74]) ou en séance ([75]) est particulièrement sibyllin et si le rapport de la commission suggère que l’embryon « [mélange ] des cellules animales et des cellules humaines », tout concourt à conclure que l’interdit ne s’applique qu’aux embryons humains.

Ces dispositions s’insèrent en effet dans le code de la santé publique dont la vocation est de rassembler toutes les dispositions relatives à la santé humaine, et dans un chapitre qui a vocation à réguler la recherche sur l’embryon humain.

L’article L. 2151-2, qui porte le principe d’interdiction des embryons chimériques, comporte un premier alinéa qui interdit la conception in vitro ou par clonage d’embryon humain. Le second alinéa n’emploie pas l’adjectif « humain » mais l’argument selon lequel il faudrait en déduire qu’il s’applique aussi aux embryons animaux est réversible : aucune autre disposition du chapitre ne contient de référence aux recherches sur les embryons animaux. Par ailleurs, les autres articles emploient indifféremment les expressions « embryon humain » ou « embryon », mais ce n’est que pour désigner un seul et même objet de recherche : l’embryon humain ; il en est ainsi de l’article L. 2151-5 qui traite des recherches sur l’embryon et qui encadre les protocoles impliquant un embryon humain. Enfin, les recherches portant sur l’embryon animal ne relèvent pas du code de la santé publique mais du code rural et de la pêche maritime, qui ne comporte pas de mesures similaires interdisant les chimères animal-homme.

C’est précisément pour sortir de cette ornière que le projet de loi proposait une rédaction plus précise. L’intitulé du chapitre relatif aux recherches sur l’embryon est modifié par l’article 15 pour préciser l’embryon « humain ». Cette simple modification rend encore plus inopérante l’approche du Sénat, l’article L. 2151-2 relevant désormais d’un chapitre à l’intitulé plus qu’explicite.

En maintenant l’état actuel du droit, le texte adopté par le Sénat n’interdit pas formellement les recherches impliquant les chimères animal-homme. Pire, en retirant celles-ci du dispositif de contrôle renforcé applicable aux recherches sensibles, le texte fait l’impasse sur tout mécanisme de régulation.

On rappellera en outre que la réintroduction des termes « embryons chimériques », qui résulte de la suppression sèche de l’article 17, n’est pas sans poser des difficultés d’interprétation. Aucune définition ne vient à l’appui d’une notion qui fait plus appel à l’imaginaire qu’à la rigueur juridique. Le texte adopté par l’Assemblée reprenait, quant à lui, une définition claire : la modification d’un embryon humain par adjonction de cellules provenant d’autres espèces.

La suppression de l’article 17 aboutit enfin à maintenir les restrictions de finalités opposables aux recherches portant sur les maladies alors que le projet de loi visait à aligner la rédaction du quatrième alinéa de l’article 16-4 du code civil sur les stipulations de la convention d’Oviedo.

● La suppression de l’article 17 revient par ailleurs sur la position dégagée par la commission spéciale du Sénat.

Avait notamment été adopté l’amendement n°°COM-200 de son rapporteur délimitant le champ des recherches menées sur l’embryon humain. Le texte adopté par la commission maintenait la possibilité d’effectuer une modification ciblée du génome sur l’embryon humain à des fins de recherche. S’agissant des embryons chimériques, il n’en autorisait la création à des fins de recherche que pour les seuls embryons animaux auxquels étaient adjoints des cellules souches pluripotentes induites d’origine humaine dans les conditions résultant de l’article 15 tel qu’adopté par la commission (pas de parturition, limite de 50 % à la proportion de cellules humaines insérées dans l’embryon animal).

Ces évolutions ne recueillent pas plus l’adhésion du rapporteur, qui considère que sont nécessaires les recherches relatives à la modification d’un embryon animal par adjonction de cellules souches embryonnaires humaines. En effet, le caractère instable des cellules souches pluripotentes induites, qui subissent une reprogrammation forcée, nécessite d’avoir un étalon de référence pour éviter toute conclusion erronée.

Par ailleurs, en réintroduisant une disposition applicable aux embryons animaux dans un titre du code de la santé publique exclusivement consacré à l’embryon humain, le texte adopté par la commission entretenait la confusion à laquelle le projet de loi entendait remédier. Rappelons en effet que l’article 15 du projet de loi modifie l’intitulé du titre V du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique, dans lequel s’insèrent les modifications opérées par l’article 17, afin de viser explicitement les embryons et les cellules souches humaines.

 

 


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Article 18
Développement des « passerelles soin / recherches » par lutilisation facilitée déchantillons conservés à dautres fins

Adopté par la commission avec modifications

    Résumé du dispositif initial

L’article 18 vise à assouplir la mise en œuvre des recherches portant sur l’utilisation secondaire des prélèvements biologiques et nécessitant le recours à des tests génétiques.

Le consentement implicite ne s’appliquera plus à une recherche en particulier mais concernera un programme de recherches, l’intéressé disposant toujours d’une faculté d’opposition après avoir été dûment informé. L’article 18 assouplit également les modalités du consentement applicables aux majeurs protégés.

Il précise les conditions dans lesquelles les recherches peuvent être conduites lorsqu’il est impossible d’informer les intéressés (personne non retrouvée, décédée ou hors d’état d’exprimer sa volonté).

Il prévoit enfin les modalités d’information et de prise en charge de l’intéressé lorsque les recherches font apparaître des caractéristiques génétiques présentant un risque pour sa santé.

    Modifications apportées par l’Assemblée en première lecture

L’Assemblée nationale a précisé qu’en cas de découvertes de caractéristiques génétiques incidentes, l’intéressé serait prévenu par le seul médecin détenteur de son identité.

    Modifications apportées par le Sénat en première lecture

Le Sénat a apporté trois modifications :

– il a précisé qu’en application du règlement général sur la protection des données, l’intéressé dispose du droit à l’effacement de données et du droit d’opposition à l’utilisation de ces données ;

– il a étendu l’information sur les caractéristiques génétiques incidentes aux membres de la famille de l’intéressé ;

– il a enfin précisé les conditions dans lesquels un majeur protégé pouvait exercer son opposition à une recherche.

    Position de la commission

La commission a supprimé l’insertion faite par le Sénat relative à l’application du règlement général sur la protection des données (amendement n° 1520 du rapporteur).

L’article 18 vise à assouplir la mise en œuvre des recherches portant sur l’utilisation secondaire des prélèvements biologiques et nécessitant le recours à des tests génétiques. Dérogatoires au droit commun des recherches impliquant la personne humaine, ces recherches reposent sur le consentement implicite de l’intéressé.

L’article prévoit que le consentement implicite ne s’appliquera plus à une recherche en particulier mais concernera un programme de recherches. L’intéressé pourra bien évidemment s’opposer à ces tests génétiques sur la base d’une information adéquate.

Parallèlement, l’article aligne les modalités du consentement applicables aux majeurs protégés, dans un sens moins restrictif, comme le font d’autres articles du projet de loi.

Le texte clarifie en outre les circonstances dans lesquelles des recherches peuvent être engagées alors qu’il s’est révélé impossible d’informer les intéressés. Le droit actuel ne prévoit que le cas des personnes non retrouvées ; le projet de loi autorise l’engagement des recherches sur des personnes décédées ou hors d’état d’exprimer leur volonté. Il précise parallèlement le rôle du comité de protection des personnes au regard de ces nouvelles dispositions.

Sont enfin explicitées les modalités d’information de l’intéressé lorsque les recherches font apparaître des caractéristiques génétiques présentant un risque pour sa santé.

1.   Les modifications adoptées par l’Assemblée nationale en première lecture

● Outre deux amendements de coordination et de nature rédactionnelle, la commission a précisé les modalités d’information de la personne lorsque les recherches font apparaître des anomalies génétiques présentant un risque pour sa santé. Le projet de loi prévoit que la personne concernée par la recherche est informée par le médecin détenteur de son identité ou par le responsable de la recherche ; or, ce dernier ne dispose d’aucune information sur l’identité de l’intéressé. La commission a donc adopté deux amendements identiques, dont un du rapporteur, tendant à supprimer l’obligation faite au responsable de la recherche de contacter l’intéressé (amendements n° 517 et n° 2227).

● En séance publique, l’Assemblée a adopté un amendement rédactionnel.

2.   Les modifications adoptées par le Sénat en première lecture

● La commission a adopté quatre amendements parmi lesquels un « amendement dharmonisation rédactionnelle et de coordination ».

La commission a retenu l’amendement n° COM-206 du rapporteur visant à préciser que les personnes faisant l’objet des recherches pourront exercer leur droit à l’effacement de données potentiellement ré-identifiantes ou leur droit d’opposition à l’utilisation de ces données tant que les résultats de la recherche n’ont pas été publiés. Le rapporteur estime que ces précisions sont inutiles car elles n’apportent rien qui ne soit d’ores et déjà couvert par le Règlement général sur la protection des données (RGPD). Décliner les obligations du RGPD dans chaque texte, c’est affaiblir sa portée pratique. Par exemple, mentionner un droit d’opposition à l’utilisation des données pourrait laisser penser que, lorsque la précision n’est pas apportée, le RGPD ne s’applique pas.

La commission a par ailleurs adopté l’amendement n° COM-55 rectifié de M. Bigot (groupe socialiste et républicain) visant à étendre l’information sur les caractéristiques génétiques incidentes dans le cadre de recherches à finalité scientifique aux membres de la famille de l’intéressé. Si le rapporteur partage le souci exprimé par ses collègues sénateurs, il rappelle que l’information de la parentèle portant sur la découverte de caractéristiques génétiques incidentes doit être conciliée avec le droit, pour l’intéressé, de ne pas être informé lui-même de ces découvertes. Par ailleurs, d’un point de vue pratique, il faudrait que l’intéressé donne au médecin détenteur de son identité toutes les informations permettant de contacter sa parentèle, ce qui aurait sans doute pour effet d’alourdir le cadre imposé aux chercheurs.

À l’initiative du rapporteur, la commission a enfin adopté l’amendement n° COM-207 visant à préciser que la personne faisant l’objet d’une mesure de protection juridique avec représentation à la personne exprime seule son opposition « dans la mesure où son état le permet », en cohérence avec les dispositions de l’article 459 du code civil. Cette précision fait sens pour le rapporteur.

● En séance publique, le texte de la commission a été adopté sans modification.

 


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Titre V

Poursuivre l’amélioration de la qualité et de la sécurité
des pratiques du domaine bioéthique

Chapitre Ier
Renforcer la qualité et la sécurité des pratiques

Article 19
Rénovation du régime du diagnostic prénatal permettant de reconnaître la médecine fœtale et de renforcer linformation de la femme enceinte et du couple et prévoyant des recommandations de bonnes pratiques

Adopté par la commission avec modifications

    Résumé du dispositif initial

L’article 19 vise à réformer le cadre juridique du diagnostic prénatal (DPN) pour le conformer à la réalité de la prise en charge des femmes enceintes :

– l’objet du DPN est élargi à la prise en charge des parents, du fœtus et de l’embryon dans le cadre de la médecine fœtale. En outre, les pratiques médicales ne prenant plus seulement appui sur l’échographie, il est désormais fait référence plus globalement à l’imagerie ;

– l’information du résultat des examens initiaux est étendue aux deux membres du couple, ainsi que la prise en charge par les centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal (CPDPN) en cas de risque avéré alors qu’elle concerne aujourd’hui exclusivement la femme enceinte ;

– l’information de la femme enceinte et du couple est particulièrement renforcée dès lors qu’un examen a pu révéler des caractéristiques génétiques fœtales incidentes.

L’article 19 prévoit en outre la mise en place de recommandations de bonnes pratiques destinées à guider la prise en charge des femmes enceintes, et plus globalement du couple, dans le cadre d’un DPN.

    Modifications apportées par l’Assemblée en 1ère lecture

L’Assemblée nationale a retenu le terme de « médecine fœtale » et en a proposé une définition plus conforme à la réalité des pratiques.

Elle a précisé que, dans l’ensemble du parcours d’accompagnement prénatal, l’information est d’abord apportée à la femme enceinte et si, elle le souhaite, à l’autre membre du couple.

Le texte a été enrichi d’une disposition relative à l’information du tiers donneur si les examens révèlent des caractéristiques génétiques fœtales sans relation avec l’indication de l’examen.

 

    Modifications apportées par le Sénat en 1ère lecture

Le Sénat a apporté deux précisions importantes.

Il a élargi le champ de la définition de la médecine fœtale pour prévoir explicitement la prise en charge in utero de pathologies ou malformations susceptibles d’entraver le développement du fœtus ou de l’embryon.

Il a systématisé la remise aux parents, par le médecin du CPDPN, de la liste d’associations spécialisées en cas de risque avéré d’affection détectée sur le fœtus ou l’embryon.

    Position de la commission

La commission a retenu la rédaction issue du Sénat à l’exception de la précision relative à la remise obligatoire, par le médecin du CPDPN, d’une liste des associations spécialisées en cas de suspicion d’une affection sur le fœtus ou l’enfant à naître (amendement n° 1420 du rapporteur).

L’article 19 vise à réformer le cadre juridique du diagnostic prénatal (DPN) pour le conformer à la réalité de la prise en charge des femmes enceintes.

Il modifie l’article L. 2131-1 du code de la santé publique sur trois points :

– l’objet du DPN est élargi à la prise en charge des parents, du fœtus et de l’embryon dans le cadre de la médecine fœtale. En outre, les pratiques médicales ne prenant plus seulement appui sur l’échographie, il est désormais fait référence plus globalement à l’imagerie ;

– l’information du résultat des examens initiaux est étendue au couple ainsi que la prise en charge par les centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal (CPDPN) en cas de risque avéré alors qu’elle concerne aujourd’hui exclusivement la femme enceinte ;

– l’information de la femme enceinte et du couple est particulièrement renforcée dès lors qu’un examen a pu révéler des caractéristiques génétiques fœtales incidentes.

L’article 19 tend ensuite à insérer un nouvel article L. 2131-1-2 prévoyant la mise en place de différentes recommandations de bonnes pratiques destinées à guider la prise en charge des femmes enceintes, et plus globalement du couple, dans le cadre d’un DPN. Ces recommandations existant déjà pour la plupart des items mentionnés, elles feront l’objet d’une mise à jour.

1.   Les modifications adoptées par l’Assemblée nationale en première lecture

● Outre quelques amendements rédactionnels, la commission a procédé à deux types de modifications.

Un débat approfondi a porté sur la place faite au conjoint dans les différentes étapes de la prise en charge anténatale. La commission a tenu à ce que l’annonce des résultats soit réservée à la femme enceinte, qui pourra ensuite informer son conjoint, qu’il s’agisse :

– des examens initiaux sur la seule femme enceinte qui pourra, si elle le souhaite, informer son conjoint (amendement n° 950 de M. Bazin, LR) ;

– de la prise en charge par les CPDPN en cas de risque avéré (amendement n° 2430 du rapporteur) ;

– de l’information sur les caractéristiques génétiques fœtales incidentes. Le projet de loi prévoit l’information du couple et l’opposition conjointe de ses deux membres à la révélation d’une telle information ; le texte de la commission prévoit que l’opposition ne peut être formulée que par la femme enceinte (amendement n° 2429 du rapporteur) ;

Par ailleurs, à l’initiative du rapporteur, la commission a prévu un dispositif d’information du tiers donneur si les examens révèlent des caractéristiques génétiques fœtales sans relation avec l’indication de l’examen (amendement n° 2255).

● En séance publique, l’Assemblée a adopté deux amendements significatifs présentés par le rapporteur.

L’amendement n° 2175 propose une nouvelle définition de la médecine fœtale visant à clarifier une ambiguïté quant à l’articulation entre médecine fœtale et diagnostic prénatal. La rédaction adoptée regroupe sous le terme de « médecine fœtale » l’ensemble des actes visant à poser un diagnostic, procéder à l’évaluation pronostique et, le cas échéant, traiter une affection d’une particulière gravité chez l’embryon ou le fœtus.

L’amendement n° 2176 tire les conséquences du choix laissé à la femme enceinte d’informer son partenaire en matière d’annonce des premiers résultats. Il étend la position adoptée par la commission aux étapes ultérieures de la prise en charge.

2.   Les modifications adoptées par le Sénat en première lecture

Plusieurs modifications ont été apportées par les sénateurs tant en commission qu’en séance publique.

La définition de la médecine fœtale a été modifiée avec l’adoption de l’amendement n° COM-165 de la rapporteure. Le périmètre est élargi à la prise en charge in utero de pathologies ou malformations susceptibles d’entraver le développement du fœtus ou de l’embryon. La définition est donc étendue aux affections susceptibles d’avoir un impact sur le devenir du fœtus ou de l’enfant à naître qui font aujourd’hui l’objet d’une prise en charge par les CPDPN.

L’amendement n°°COM-169 a été adopté pour remédier à une ambiguïté du texte issu de l’Assemblée nationale au sujet des examens révélant des caractéristiques génétiques fœtales incidentes. Ce texte pouvait laisser entendre que « seule la femme enceinte pourrait sopposer à la communication de résultats des examens réalisés dans la démarche de diagnostic prénatal, en loccurrence concernant les caractéristiques génétiques du fœtus, voire quelle pourrait sopposer à leur communication à son conjoint ». À l’instar de la rédaction du III de l’article L. 2131-1, le Sénat a ouvert la possibilité à chacun des deux membres du couple de s’opposer à la communication de ces résultats qui peuvent, s’agissant de caractéristiques génétiques, avoir des implications pour ces deux membres. Cette rédaction ne revient pas sur la communication des résultats en priorité à la femme enceinte. Elle est par ailleurs conforme au droit du patient à ne pas être tenu informé des résultats le concernant.

En séance publique, le Sénat a modifié un alinéa relatif à l’information du couple lorsque le résultat des examens met en lumière un risque avéré. Au-delà de la délivrance d’informations sur les caractéristiques de l’affection suspectée, les moyens de la détecter et les possibilités de prévention, de soin ou de prise en charge, il est proposé aux futurs parents « une liste des associations spécialisées et agréées dans laccompagnement des patients atteints de laffection suspectée et de leur famille ». Le Sénat, sur proposition de Mme Guidez (Union centriste), a systématisé la remise de la liste de ces associations par le médecin du CPDPN en remplaçant le mot « proposée » par le mot « remise » (amendement n° 1 rectifié quinquies). Des amendements similaires avaient été débattus à l’Assemblée. Le rapporteur avait alors émis un avis défavorable dans la mesure où le médecin du centre ne dispose pas forcément de la documentation.

 

 


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Article 19 bis A
Abrogation du double diagnostic préimplantatoire (DPI-HLA)
et demande de rapport sur le sang placentaire

Rétabli par la commission

    Résumé du dispositif (introduit par l’Assemblée en 1ère lecture)

L’article 19 bis A résulte de l’adoption d’un amendement de Mme Genevard (LR), qui abroge la technique du diagnostic préimplantatoire de type HLA (DPI‑HLA) et prévoit la remise par le Gouvernement d’un rapport sur les progrès réalisés dans la collecte et le stockage d’unités de sang placentaires.

    Modifications apportées par le Sénat en 1ère lecture

Le Sénat a supprimé cet article.

    Position de la commission

La commission a rétabli l’article 19 bis A dans une rédaction différente de celle adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture : elle maintient l’existence du DPI-HLA et permet d’autoriser, pour les seuls DPI-HLA, le recours à une nouvelle stimulation ovarienne et d’éviter ainsi l’implantation d’embryons sains non HLA compatibles (amendement n° 1484 du rapporteur).

● L’article 19 bis A résulte de l’adoption de l’amendement n° 191 présenté par Mme Genevard (LR). Il supprime le recours possible à la technique du diagnostic préimplantatoire de type HLA (DPI-HLA) et prévoit la remise par le Gouvernement d’un rapport des progrès réalisés dans la collecte et le stockage d’unités de sang placentaires.

● Le Sénat a supprimé cet article « en considérant que [la] technique [du DPI-HLA] introduite en 2004 pouvait dans certaines situations certes exceptionnelles mais strictement encadrées sur le plan éthique apporter une solution à des familles et sauver la vie denfants atteints de maladies rares ».

● En séance publique, le rapporteur avait émis un avis défavorable à l’adoption de l’amendement de Mme Genevard. Si le DPI-HLA n’a pas concerné un grand nombre de personnes, le rapporteur reste convaincu de l’intérêt d’en maintenir le cadre législatif compte tenu des pathologies concernées (anémie de Fanconi, drépanocytoses ou thalassémie). Même s’il n’existe plus en France aucune équipe susceptible de proposer cette technique, le maintien de l’article donne une base juridique à la prise en charge par la sécurité sociale des familles qui y recourent à l’étranger.

Le rapporteur souligne par ailleurs qu’il avait déposé un amendement en première lecture ([76]) faisant sienne une remarque formulée par le Conseil d’État dans son étude préalable à la révision de la loi relative à la bioéthique. Parmi les raisons invoquées pour expliquer le faible recours au DPI-HLA, l’étude relève que « le point le plus sensible est lié à la condition posée au dernier alinéa de larticle L. 2141‐3 du code de la santé publique, qui interdit au couple de recourir à une nouvelle stimulation ovarienne dès lors quil dispose dembryons sains, même si ces derniers ne sont pas HLA‐compatibles. Or, la probabilité de disposer dun embryon à la fois sain et HLA‐compatible est très faible (de lordre de 10 %) […] », ce qui conduit souvent à donner de faux espoirs aux couples. Le rapporteur avait donc proposé de supprimer cette condition et de permettre une nouvelle stimulation ovarienne afin de tenter d’obtenir des embryons HLA-compatibles. Il n’avait pas pu défendre son amendement, celui-ci étant tombé en raison de l’adoption de l’amendement n° 191 de Mme Genevard.

En préconisant par ailleurs de développer de façon très importante les banques d’unités de sang placentaire, cet article soulève un autre point important. Le rapporteur avait eu l’occasion de souligner que « compte tenu de la variété très importante de ces groupes tissulaires, la chance de trouver, dans la population, deux personnes non apparentées mais compatibles, varie, selon les spécificités, de un sur un million à un sur dix millions » et que « laugmentation du nombre dunités de sang placentaire ne permettrait donc pas forcément den trouver qui soient compatibles avec les enfants concernés ». Enfin, les conditions de recueil et de conservation des unités de sang placentaire sont strictement encadrées, et cette activité nécessite des personnels spécifiquement formés et des structures adaptées.

 

 


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Article 19 bis
État des lieux du diagnostic prénatal et du diagnostic préimplantatoire

Rétabli par la commission

    Résumé du dispositif (introduit par l’Assemblée en 1ère lecture)

L’article 19 bis résulte de l’adoption d’un amendement du rapporteur. Il prévoit qu’un état des lieux du diagnostic prénatal (DPN) et du diagnostic préimplantatoire (DPI) sera effectué par l’Agence de la biomédecine (ABM) avant la prochaine révision de la loi de bioéthique.

    Modifications apportées par le Sénat en 1ère lecture

Le Sénat a supprimé cet article.

    Position de la commission

Contre l’avis du rapporteur, la commission a rétabli cet article sous la forme d’une expérimentation législative relative au diagnostic préimplantatoire avec recherche d’aneuploïdies (DPI-A) (amendement n° 853 de M. Saulignac).

● L’article 19 bis résulte de l’adoption de l’amendement n° 2260 présenté par le rapporteur. Il prévoit qu’un état des lieux du diagnostic prénatal (DPN) et du diagnostic préimplantatoire (DPI) sera effectué par l’Agence de la biomédecine (ABM) avant la prochaine révision de la loi de bioéthique. L’ABM avait réalisé des travaux similaires sur le DPN en 2007.

Cet article a été supprimé par le Sénat au motif que « lAgence de la biomédecine réalise, dans son rapport médical et scientifique, des rapports dactivité ciblés sur le diagnostic préimplantatoire dune part et le diagnostic prénatal dautre part, qui comportent de nombreuses données ».

● Le rapporteur ne partage pas l’avis du Sénat dans la mesure où l’objet de l’article n’est nullement redondant avec le rapport produit par l’ABM. Il ne s’agit pas de produire des données statistiques sur le DPN et le DPI mais de présenter des données qualitatives sur la prise en charge. En première lecture, le rapporteur avait eu l’occasion de préciser que l’objet du rapport « permettrait dévaluer les conditions de mise en œuvre et de formuler des recommandations pertinentes sur linformation des femmes, sur la formation des professionnels, mais aussi […] sur lharmonisation des procédures ou encore sur la concertation avec le monde du handicap ».

 

 


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Article 19 quater (non modifié)
Réalisation en première intention dun examen
des caractéristiques génétiques chez le nouveau-né
dans le cadre du dépistage néonatal pour la recherche danomalies

Adopté sans modification par la commission

    Résumé du dispositif (introduit par le Sénat en 1ère lecture)

L’article 19 quater vise à proposer aux parents, dans le cadre du dépistage néonatal, la recherche en première intention, par le biais d’un examen des caractéristiques génétiques, d’anomalies génétiques ciblées pouvant être responsables d’une affection d’une particulière gravité susceptible de mesures de prévention ou de soins.

    Position de la commission

Contre l’avis de son rapporteur, la commission a adopté cet article sans modification.

L’article 19 quater résulte de l’adoption, par la commission spéciale du Sénat, de l’amendement n° COM-198 de la rapporteure.

Il propose aux parents, dans le cadre du dépistage néonatal, la recherche en première intention, par le biais d’un examen des caractéristiques génétiques, d’anomalies génétiques ciblées pouvant être responsables d’une affection grave susceptible de mesures de prévention ou de soins. En séance publique, cet article a fait l’objet d’un amendement de suppression présenté par le Gouvernement mais qui n’a pas été adopté.

Le dépistage néonatal ne fait l’objet d’aucun encadrement législatif. Prévu par les articles R. 1131-21 et R. 1131-22 du code de la santé publique, le dépistage néonatal est destiné à identifier « des maladies à expression néonatale, à des fins de prévention secondaire ». Au sens de l’Organisation mondiale de la santé, la prévention secondaire vise « à diminuer la prévalence dune maladie dans une population ». Elle recouvre l’ensemble des actes « destinés à agir au tout début de lapparition du trouble ou de la pathologie afin de sopposer à son évolution, ou encore pour faire disparaître les facteurs de risque ».

L’article R. 1131-21 prévoit qu’un arrêté fixe la liste des maladies faisant l’objet du dépistage. L’arrêté du 22 janvier 2010 prévoit que ces maladies sont la phénylcétonurie, l’hyperplasie congénitale des surrénales, l’hypothyroïdie, la mucoviscidose et la drépanocytose.

Les tests pratiqués consistent en des examens de biologie médicale dont la portée est encadrée par un arrêté du 22 février 2018. Selon l’arrêté précité, le dépistage concerne ainsi les « maladies à forte morbi-mortalité, dont les manifestations et complications surviennent dès les premiers jours ou les premières semaines de vie et peuvent être prévenues ou minimisées par un traitement adapté si ce dernier est débuté très précocement ». Enfin, comme pour la surdité, ces examens constituent un programme de santé national au sens de l’article L. 1411-6 du code de la santé publique.

Le dispositif adopté par le Sénat mérite plusieurs observations.

● Il présente d’abord une difficulté d’articulation des normes. Il prévoit la mise en place de tests particuliers par la voie législative bien que le cadre et la définition du dépistage néonatal relèvent aujourd’hui du niveau réglementaire. La rédaction issue du Sénat tend ainsi à « tordre » la portée actuelle du dépistage néonatal. Par ailleurs, le dépistage néonatal ne concerne pas que les maladies génétiques mais également les maladies congénitales.

● La définition retenue par le Sénat conduit à une systématisation des tests génétiques.

Le texte emploi le terme de « recherche danomalies génétiques » avant de viser expressément « lexamen des caractéristiques génétiques ». L’exposé sommaire vise quant à lui l’« examen ciblé de génétique moléculaire » qui relève de la catégorie des examens des caractéristiques génétiques plus communément appelés « tests génétiques ». L’article proposé tend ainsi à faire prévaloir le recours à des examens génétiques alors que le cadre réglementaire actuel prévoit des examens biologiques.

Or, en l’absence de définition légale du diagnostic prénatal, la simple mention « dans le cadre du dépistage néonatal » n’est pas suffisante pour inclure, au même niveau normatif, l’examen biologique.

● En visant la « recherche en première intention danomalies génétiques pouvant être responsables dune affection grave justifiant de mesures de prévention ou de soins », le texte donne une base légale à la mise en place d’un dépistage généralisé des maladies d’origine génétique.

Le dépistage néonatal concerne aujourd’hui les « maladies à expression néonatale », donc vise à détecter les maladies survenant dans les premiers jours suivant la naissance. Le texte issu du Sénat inclut ces maladies mais il englobe également celles à apparition tardive. Il étend donc considérablement le champ du dépistage néonatal alors que celui-ci vise, dans un premier temps, à prendre en charge le cas des nourrissons souffrant de « maladies à forte morbi-mortalité dont les manifestations et complications surviennent dès les premiers jours ou les premières semaines de vie » comme le rappelle l’arrêté du 22 février 2018 précité. Dans le texte issu du Sénat, le caractère « néonatal » du dépistage est profondément transformé pour faire uniquement référence au moment où celui-ci est pratiqué et plus aux maladies ciblées.

Ce texte ne propose pas non plus de garde-fous quant à la notion « danomalies génétiques pouvant être responsables dune affection grave justifiant de mesures de prévention ou de soins ». L’emploi des termes « pouvant être responsables » pose deux questions.

S’agit-il de rechercher uniquement une anomalie portée par un allèle dominant ou d’identifier également des anomalies génétiques portées par un allèle récessif ? L’identification et l’information de « porteurs sains », susceptibles de transmettre l’anomalie génétique à leur descendance sans pour autant développer la maladie, ne risque-t-elle pas de susciter des choix de vie ou de procréation ?

Par ailleurs, le simple fait de découvrir une anomalie génétique n’entraîne pas automatiquement l’apparition de la maladie. Ainsi que l’a souligné le rapport de la mission d’information sur la révision de la loi sur la bioéthique, « des personnes porteuses dune même variation génétique peuvent avoir des trajectoires de vie différentes : développement de la maladie à un stade précoce, développement à un stade plus tardif ou maintien du caractère asymptomatique pendant toute la vie. La littérature scientifique montre aussi que des variants pathogènes prédisposant à une maladie peuvent, avec lévolution des connaissances scientifiques, être finalement considérés comme bénins ». Le dépistage de l’anomalie ne risque-t-il pas de causer à la personne concernée une inquiétude latente préjudiciable à sa qualité de vie ?

● Le dispositif adopté par le Sénat va à l’encontre de la démarche générale applicable aux programmes de dépistage. Le Gouvernement a opportunément affirmé à l’appui de l’amendement de suppression qu’il a défendu au Sénat que « le seul fait quun test soit disponible et réalisable ne justifie ni sa prescription ni sa réalisation ». Il doit s’inscrire dans le cadre des « critères de pertinence des programmes nationaux de dépistage en population générale » et « il revient à la Haute Autorité de santé (HAS), en liaison avec lAgence de la biomédecine, de travailler sur ces sujets pour étudier les perspectives, notamment thérapeutiques, qui peuvent exister une fois que ces tests ont été réalisés, pour examiner la pertinence de ces tests et pour ouvrir les débats sur des questions qui, à ce stade, ne sont pas expertisées ».

● Par ailleurs, la simple mention visant à déroger aux dispositions tant du droit civil que du code de la santé publique sur la transmission de l’information génétique pose une difficulté majeure. L’intention du Sénat est sans doute de faciliter l’information portant sur l’existence d’une anomalie mais cela introduit un fâcheux précédent :

– en ne prévoyant pas de médiation médicale ou d’interprétation des résultats par un médecin qualifié en génétique au bénéfice des parents ;

– en ne prévoyant pas plus d’accroche avec le dispositif d’information de la parentèle introduit par l’article 9 du projet de loi, qui fait également appel à un médecin qualifié en génétique.

● Une dernière remarque concerne la prise en charge du coût des examens des caractéristiques génétiques. La rédaction est sans doute justifiée par la nécessité d’assurer la recevabilité de l’amendement au titre de l’article 40 de la Constitution.

L’article prévoit une possibilité de « prise en charge, totale ou partielle, par lorganisme complémentaire dassurance maladie des titulaires de lautorité parentale ». La formulation permet sans doute d’éviter une censure par le Conseil constitutionnel. Une obligation de prise en charge par ces organismes, partielle ou totale, constituerait une limitation sérieuse à la liberté d’entreprendre. Le Conseil constitutionnel n’admet une telle limitation que si elle est justifiée par une exigence constitutionnelle ou par un motif d’intérêt général. Or, le texte ne répond à aucune de ces deux exigences. Par suite, la formulation retenue par le Sénat ne modifie aucunement le droit actuel puisque ces organismes disposent déjà de la faculté de proposer un remboursement en tout ou partie, indépendamment des choix faits pour l’assurance maladie obligatoire. Surtout, cette disposition n’entrainerait-elle pas un risque rupture d’égalité, elle aussi susceptible de censure par le Conseil constitutionnel ?

 

 


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Article 20
Suppression de lobligation de proposer un délai de réflexion prévue dans le cadre de linterruption médicale de grossesse et encadrement de la réduction embryonnaire

Adopté par la commission avec modifications

    Résumé du dispositif initial

L’article 20 a pour objet :

– de supprimer l’obligation de proposer un délai de réflexion d’une semaine prévue dans le cadre de l’interruption de grossesse pour motif médical (IMG) lié à l’état de santé du fœtus ;

– de mettre en place un cadre juridique pour les interruptions volontaires partielles de grossesse multiple.

    Modifications apportées par l’Assemblée en 1ère lecture

L’Assemblée a simplifié la composition de l’équipe pluridisciplinaire chargée d’examiner la demande d’interruption volontaire partielle de grossesse multiple.

    Modifications apportées par le Sénat en 1ère lecture

Le Sénat a précisé la composition de l’équipe pluridisciplinaire chargée d’examiner la demande d’interruption volontaire partielle de grossesse multiple. Il a précisé que l’avis de cette équipe pluridisciplinaire est bien consultatif, comme pour les IMG.

Il a ouvert la possibilité, dans tous les cas de demande d’IMG ou d’interruption volontaire partielle de grossesse multiple et sur demande de la femme, d’associer une sage-femme de son choix plutôt qu’un médecin de son choix à la concertation.

Il a également précisé qu’une interruption volontaire partielle de grossesse multiple peut être entreprise si le caractère multiple de la grossesse met en péril le développement des embryons ou des fœtus, plutôt que l’état de santé de ceux-ci.

    Position de la commission

La commission a adopté un amendement de précision n° 466 rectifié de M. Hetzel, revenant à la rédaction de l’Assemblée nationale pour ce qui concerne le critère de réalisation d’une interruption volontaire partielle de grossesse multiple relatif aux embryons et aux fœtus.

● L’article 20 supprime l’obligation, instaurée en 2011, de proposer à la femme un délai de réflexion d’une semaine dans le cadre de l’interruption médicale de grossesse (IMG) motivée par une pathologie fœtale.

Pour mémoire, l’article L. 2213-1 du code de la santé publique qui régit l’IMG distingue en effet :

– l’IMG motivée par une pathologie maternelle, si « la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme » ;

– l’IMG motivée par une pathologie fœtale, s’il existe « une forte probabilité que lenfant à naître soit atteint dune affection dune particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic ».

La composition de l’équipe pluridisciplinaire chargée d’examiner la demande de la femme, notamment, diffère selon le type d’IMG.

Par ailleurs, dans le cas d’une IMG motivée par une pathologie fœtale, le même article L. 2213-1 prévoit que « la femme se voit proposer un délai de réflexion dau moins une semaine avant de décider dinterrompre ou de poursuivre sa grossesse », hors urgence médicale. Cette précision avait été apportée lors des débats parlementaires sur la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique ([77]), sur le modèle du délai de réflexion d’une semaine qui était alors prévu en cas d’interruption volontaire de grossesse (IVG) ([78]).

L’obligation de proposer un tel délai de réflexion suscite des difficultés à la fois juridiques et pratiques. Elle ne prend pas en compte la spécificité de ces IMG, et en particulier le long processus préalable qui a conduit à la confirmation diagnostique de la pathologie fœtale. Par ailleurs, la loi n’indique pas le point de départ de ce délai de réflexion d’une semaine : le délai court-il à partir de l’annonce du diagnostic de l’anomalie fœtale ou à compter de l’expression par la femme de son souhait de recourir à une IMG ? Dans la pratique, ce délai constitue une contrainte inutile aussi bien pour la femme que pour l’équipe du centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal, alors que l’IMG est en général pratiquée au moins une semaine après l’annonce du diagnostic de l’anomalie fœtale.

Le présent article supprime donc cette obligation de proposer un délai de réflexion.

● L’article 20 créé également un cadre juridique pour l’interruption volontaire partielle de grossesse multiple, suivant ainsi une recommandation du Comité consultatif national d’éthique.

L’interruption volontaire partielle de grossesse multiple consiste, en cas de grossesse multiple, à interrompre le développement d’un ou plusieurs embryons ou fœtus sans interrompre le processus de développement des autres embryons ou fœtus. Elle ne correspond ni à une IVG, ni à une IMG.

L’interruption volontaire partielle de grossesse multiple vise à diminuer les risques liés aux grossesses multiples tant pour la femme enceinte que pour les enfants à naître. Cette pratique s’est pour le moment développée en dehors de tout cadre juridique. Pour pallier ce vide juridique, le présent article complète l’article L. 2213- 1 du code de la santé publique relatif à l’IMG.

Plusieurs conditions doivent être remplies pour pratiquer une telle interruption volontaire partielle de grossesse multiple :

– le caractère multiple de la grossesse doit « mettre en péril » la santé de la femme, des embryons ou des fœtus ;

– la réalisation de l’interruption volontaire partielle de grossesse multiple doit intervenir avant la fin de la douzième semaine de grossesse, ce terme étant aligné sur celui de l’IVG ;

– une équipe pluridisciplinaire dont la composition est quasiment identique à celle prévue pour l’IMG motivée par une pathologie maternelle doit rendre un avis ;

– deux médecins membres de cette équipe doivent attester que les conditions médicales, notamment obstétricales et psychologiques, sont réunies, sur le modèle de ce qui est prévu pour l’IMG ;

– aucun critère relatif aux caractéristiques des embryons ou fœtus, y compris leur sexe, ne peut être pris en compte pour sélectionner les embryons ou fœtus dont le développement sera interrompu.

En séance publique, le Gouvernement a précisé qu’une grossesse multiple assortie d’une forte probabilité que l’un des enfants à naître soit atteint d’une affection d’une particulière gravité reconnue incurable au moment du diagnostic ne relève pas de l’interruption partielle de grossesse ainsi encadrée mais bien des règles en vigueur relatives à l’IMG.

1.   Les modifications apportées par l’Assemblée nationale en première lecture

En séance publique, l’Assemblée nationale a adopté un amendement n° 1084 de Mme Brunet (LaREM) simplifiant la composition de l’équipe pluridisciplinaire chargée d’examiner la demande d’interruption volontaire partielle de grossesse multiple.

Le texte initial prévoyait que cette commission soit composée d’au moins :

– un médecin qualifié en gynécologie-obstétrique, membre d’un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal ;

– un médecin choisi par la femme ;

– un médecin qualifié en psychiatrie ou, en l’absence d’un médecin psychiatre, un psychologue (contrairement à la composition de l’équipe pluridisciplinaire pour une IMG motivée par une pathologie maternelle qui mentionne « une personne qualifiée tenue au secret professionnel qui peut être un assistant social ou un psychologue »).

Dans un objectif de simplification, le texte issu de l’Assemblée nationale prévoit que cette équipe est celle d’un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal qui se sera adjoint, lorsqu’il l’estime nécessaire, le concours d’un psychiatre ou, à défaut d’un psychologue ([79]).

2.   Les modifications apportées par le Sénat en première lecture

La commission spéciale a apporté plusieurs modifications à cet article.

● Dans le cadre d’une IMG motivée par une pathologie maternelle, un médecin membre de l’équipe pluridisciplinaire doit être choisi par la femme. Dans le cadre d’une IMG motivée par une pathologie embryonnaire ou fœtale, la femme peut choisir un médecin associé à la concertation.

Un amendement n° COM-208 du rapporteur a été adopté afin de permettre à la femme de désigner une sage-femme de son choix plutôt qu’un médecin dans ces deux cas de figure, rappelant que « bien souvent, le suivi de la grossesse peut être assuré par une sage-femme qui a connaissance du contexte clinique dans lequel sinscrit la grossesse et de la situation de la femme, et qui bénéficie donc de la confiance de cette dernière ».

● Un amendement n° COM-210 du rapporteur a logiquement ouvert la même possibilité – désigner un médecin ou une sage-femme de son choix – à la femme demandant une interruption volontaire partielle de grossesse multiple (la possibilité de faire intervenir un médecin de son choix avait été supprimée lors de la simplification opérée à l’Assemblée nationale).

Composition de l’équipe pluridisciplinaire chargée d’examiner la demande

IMG motivée par une pathologie maternelle

Au moins quatre personnes :

- un médecin qualifié en gynécologie-obstétrique, membre d’un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal,

- un praticien spécialiste de l’affection dont la femme est atteinte,

- un médecin ou une sage-femme (modification apportée par le Sénat), choisi par la femme ;

- une personne qualifiée tenue au secret professionnel qui peut être un assistant social ou un psychologue.

IMG motivée par une pathologie fœtale

Équipe pluridisciplinaire d’un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal.

Un médecin ou une sage-femme (modification apportée par le Sénat), choisi par la femme peut, à la demande de celle-ci, être associé à la concertation.

Interruption volontaire partielle de grossesse multiple

Rédaction initiale du projet de loi :

Au moins :

- un médecin qualifié en gynécologie-obstétrique, membre d’un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal ;

- un médecin choisi par la femme ;

- un médecin qualifié en psychiatrie ou, en l’absence d’un médecin psychiatre, un psychologue.

Rédaction issue de lAssemblée :

Équipe pluridisciplinaire d’un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal qui se sera adjoint, lorsqu’il l’estime nécessaire, le concours d’un psychiatre ou, à défaut d’un psychologue.

Rédaction issue du Sénat :

Équipe pluridisciplinaire d’un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal qui se sera adjoint, lorsqu’il l’estime nécessaire, le concours d’un psychiatre ou, à défaut d’un psychologue.

Un médecin ou une sage-femme choisi par la femme peut, à la demande de celle-ci, être associé à la concertation.

● La commission spéciale a précisé, en adoptant un amendement n° COM-209 du rapporteur, que l’avis de l’équipe pluridisciplinaire est consultatif, comme pour les IMG. Pour mémoire, ce sont in fine deux médecins de cette équipe qui sont chargés d’attester que les conditions pour réaliser l’intervention sont réunies, sur l’avis de l’équipe pluridisciplinaire.

● Enfin, la commission spéciale a adopté un amendement n° COM-85 de Mme Schillinger (LaREM) précisant qu’une interruption volontaire partielle de grossesse multiple peut être entreprise lorsque le caractère multiple de la grossesse met en péril « le devenir » des embryons ou des fœtus, et non pas leur santé, puisqu’ils sont, au moment de la pratique médicale, sains. Le rapporteur a indiqué lors du débat en commission que « le risque de grande prématurité est accru et peut avoir des conséquences à long terme sur létat de santé de lembryon ou du fœtus, avec un risque de mortalité périnatale ou de séquelles neuro-développementales. »

Cet amendement a également remplacé la référence aux critères relatifs aux caractéristiques des embryons ou fœtus par une référence aux caractéristiques « du ou des enfants à naître », puisque ce sont effectivement les caractéristiques qui concernent l’enfant à naître qui sont visées.

● En séance publique, cet article n’a fait l’objet d’aucune modification.

 

 


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Article 21 (non modifié)
Clarification des conditions dinterruption médicale de grossesse pour les femmes mineures non émancipées

Adopté sans modification par la commission

    Résumé du dispositif initial

L’article 21 a pour objet de rendre plus lisibles les conditions juridiques de l’interruption de grossesse pour motif médical pour les femmes mineures non émancipées.

    Modifications apportées par l’Assemblée en 1ère lecture

L’Assemblée a adopté des amendements de précision et a renuméroté, pour plus de clarté, des dispositions introduites par cet article dans le code de la santé publique. Elle a également adopté un amendement maintenant un article renvoyant à un décret en Conseil d’État la définition des conditions d’application du chapitre du code de la santé publique consacré à l’interruption de grossesse pour motif médical.

    Modifications apportées par le Sénat en 1ère lecture

Au Sénat, la commission a supprimé la mention d’une clause de conscience spécifique à l’IMG, pour ne maintenir dans la loi que le principe selon lequel tout refus de pratiquer une IMG s’accompagne d’une obligation de référer la femme souhaitant bénéficier d’une IMG à un praticien susceptible de réaliser l’intervention.

    Position de la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

● L’article 21 procède à une réécriture globale de l’article L. 2213-2 du code de la santé publique, qui applique à l’interruption médicale de grossesse (IMG) motivée par une pathologie fœtale ou maternelle un certain nombre de dispositions relatives à l’interruption volontaire de grossesse (IVG).

En effet, la rédaction actuelle de cet article, qui procède uniquement par renvoi, manque aujourd’hui de cohérence.

Il renvoie par exemple à l’article L. 2212-9 du même code, qui impose d’informer la femme sur la contraception après une IVG, ce qui n’est évidemment pas pertinent dans le cadre d’une IMG.

A contrario, il ne renvoie pas à l’article L. 2212-7 relatif à l’interruption de grossesse pour une femme mineure, qui dispose que dans ce cas spécifique, le consentement d’un des titulaires de l’autorité parentale doit être recueilli, mais que si la femme désire garder le secret et refuse, malgré les démarches en ce sens du médecin ou de la sage-femme, de consulter le titulaire de l’autorité parentale, elle doit alors se faire accompagner dans cette démarche par « la personne majeure de son choix ». En l’absence de disposition spécifique, c’est donc le droit commun concernant la santé de la femme mineure et l’information de ses parents, défini à l’article L. 1111-5 du code de la santé publique et qui contient des dispositions similaires ([80]), qui s’applique aujourd’hui.

Le présent article clarifie cette situation en adaptant au cas de l’IMG les principes inscrits à l’article L. 1111-5 précité. Il prévoit donc que dans le cas d’une IMG pour une femme mineure non émancipée :

– le consentement de l’un des titulaires de l’autorité parentale doit être recherché par le médecin ;

– dans le cas où la femme mineure souhaite garder le secret, le médecin doit s’efforcer, dans l’intérêt de celle-ci, d’obtenir son consentement pour que les parents soient consultés, ou de vérifier que la femme mineure a elle-même informé ses parents ;

– si elle refuse d’effectuer cette démarche ou de donner son consentement au médecin pour consulter ses parents, elle doit se faire accompagner dans sa démarche par la personne majeure de son choix.

● Par ailleurs, l’article 21 reproduit explicitement dans le chapitre du code de la santé publique consacré à l’IMG des dispositions d’ores et déjà applicables à cette opération mais définies par renvoi aux dispositions applicables à l’IVG : elles prévoient que l’IMG ne peut avoir lieu que dans un établissement de santé, public ou privé, et que la clause de conscience s’applique à l’IMG.

Il conserve également la disposition actuelle prévoyant que l’IMG ne peut être pratiquée que par un médecin – ce qui n’est pas le cas pour l’IVG.

1.   Les modifications apportées par l’Assemblée nationale en première lecture

À l’initiative du rapporteur, la commission spéciale a renuméroté, pour plus de clarté, les articles du code de la santé publique concernés par l’article 21, et a maintenu l’article du même code renvoyant à un décret en Conseil d’État la définition des conditions d’application du chapitre du code consacré à l’IMG ([81]).

En séance publique, l’Assemblée nationale a adopté un amendement de précision n° 2059 du rapporteur visant à établir clairement que la femme mineure non émancipée peut demander une IMG pour les mêmes raisons médicales que n’importe quelle femme, qu’elle soit mineure émancipée ou majeure, c’est-à-dire pour les motifs prévus par l’article L. 2213‑1 dont l’article 20 du projet de loi réécrit intégralement les dispositions.

Elle a également adopté un amendement rédactionnel n° 1896 de M. Bazin (Les Républicains).

2.   Les modifications apportées par le Sénat en première lecture

Le Sénat a modifié les dispositions relatives à la clause de conscience pour l’IMG.

● Le nouvel article L. 2213-4 du code de la santé publique, issu des travaux de l’Assemblée, reproduit les dispositions de l’article L. 2212-8 du code de la santé publique relatives à la clause de conscience pour l’IVG.

Son premier alinéa dispose donc qu’un médecin n’est jamais tenu de pratiquer une IMG mais qu’il doit informer, sans délai, l’intéressée de son refus et lui communiquer immédiatement le nom de praticiens susceptibles de réaliser cette intervention. Son deuxième alinéa prévoit qu’aucune sage-femme, aucun infirmier, aucun auxiliaire médical n’est tenu de concourir à une IMG.

En revanche, il n’applique pas à l’IMG les dispositions qui prévoient aujourd’hui qu’un établissement de santé privé peut refuser que des IVG soient pratiquées dans ses locaux.

● La commission a adopté l’amendement n° COM-211 du rapporteur, remaniant les dispositions du présent article relatives à la clause de conscience en s’appuyant sur les clauses de conscience générales qui existent par ailleurs dans le code de la santé publique :

– l’article R. 4127-47, qui reprend l’article 47 du code de déontologie médicale, prévoit ainsi que « hors le cas durgence et celui où il manquerait à ses devoirs dhumanité, un médecin a le droit de refuser ses soins pour des raisons professionnelles ou personnelles » ;

– les sages-femmes et les infirmiers bénéficient de la même clause de conscience générale en vertu respectivement de l’article R. 4127-328 et de l’article R. 4312-12.

La commission a ainsi supprimé la mention selon laquelle « un médecin nest jamais tenu de pratiquer une interruption de grossesse pour motif médical », pour ne maintenir que le principe selon lequel tout refus de pratiquer une IMG s’accompagne d’une obligation de référer la femme souhaitant bénéficier d’une IMG à un praticien susceptible de réaliser l’intervention.

Elle a également supprimé l’alinéa relatif à la clause de conscience spécifique à l’IMG pour les autres professionnels de santé.

● En séance publique, cet article n’a fait l’objet d’aucune modification.

 


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Article 21 bis
Prise en charge des enfants présentant
une variation du développement génital

Adopté par la commission avec modifications

    Résumé du dispositif (introduit par l’Assemblée en 1ère lecture)

L’article 21 bis a pour objet d’améliorer la prise en charge des enfants présentant une variation du développement génital (VDG).

Il instaure un principe d’orientation systématique des enfants présentant une variation du développement génital vers les centres spécialisés, afin qu’ils puissent être pris en charge après concertation des équipes pluridisciplinaires de ces centres.

Il prévoit par ailleurs la remise d’un rapport au Parlement sur ce sujet.

    Modifications apportées par le Sénat en 1ère lecture

Le Sénat a précisé que le diagnostic et la prise en charge de variations du développement génital doivent être réalisés conformément aux recommandations de bonnes pratiques élaborées, après concertation entre parties prenantes, par la Haute Autorité de santé.

Le Sénat a par ailleurs intégré dans le dispositif tous les centres de référence des maladies rares compétents pour la prise en charge des enfants présentant une variation du développement génital.

    Position de la commission

La commission a adopté l’amendement n° 1693 du rapporteur facilitant le changement d’état civil des personnes présentant une variation du développement génital :

– il permet, d’une part, de consacrer au niveau législatif la pratique ouverte actuellement par la voie de circulaire autorisant l’officier de l’état civil à reporter, au-delà de cinq jours après la naissance, l’indication du sexe, en cas d’impossibilité pour le médecin de le déterminer dans ce délai. Au-delà des cinq jours, l’ajout de la mention du sexe sera réalisé par l’officier de l’état civil sur instruction du procureur de la République, sans procédure judiciaire. Le prénom pourra être rectifié, si nécessaire ;

– il permet, d’autre part, la rectification de la mention relative au sexe qui aurait été inscrite par erreur parce que le sexe n’était pas déterminable dans le délai légal de trois mois. Cette procédure est strictement réservée aux personnes présentant une variation du développement génital.

La commission a supprimé la précision selon laquelle le diagnostic et la prise en charge d’une variation du développement génital doivent être réalisés conformément à des recommandations de bonnes pratiques élaborées, après concertation entre les parties prenantes, par la Haute Autorité de santé (amendements n° 1436 du rapporteur, n° 535 de M. Gérard et n° 797 de M. Marilossian).

Elle a aussi adopté, avec l’avis favorable du rapporteur, l’amendement n° 776 de M. Gérard visant à rappeler l’obligation faite aux équipes médicales d’informer les parents et le cas échéant, le mineur, de la possibilité d’accéder à un programme de préservation de la fertilité.

 

Enfin, elle a précisé le champ du rapport du Gouvernement au Parlement sur la prise en charge, en France, des personnes présentant des variations du développement génital (amendements n° 1109 de Mme Obono et n° 779 de M. Gérard).

● L’article 21 bis procède d’un amendement ([82]) adopté en séance publique à l’initiative de M. Gérard et des membres du groupe LaREM, modifié par des sous-amendements identiques de M. Touraine et Mme Vanceunebrock-Mialon (LaREM) et de Mme Petit (Modem et apparentés).

● Selon la définition qu’en donne le Conseil d’État dans son étude sur la révision de la loi de bioéthique, les variations du développement génital (VDG) renvoient à des situations médicales congénitales caractérisées par un développement atypique du sexe chromosomique (ou génétique), gonadique (c’est‐à‐dire des glandes sexuelles, testicules ou ovaires) ou anatomique (soit le sexe morphologique visible) ([83]).

La classification des anomalies des organes génitaux selon les chromosomes
retenue par le corps médical depuis la Conférence de Chicago de 2005

Le corps médical parle de « désordre du développement sexuel (DSD) » et distingue cinq groupes de patients en fonction de leur profil chromosomique.

1) Le premier groupe, le 46, XX Disorder of Sex Development (DSD), concerne les enfants - génétiquement des filles - qui naissent avec des organes génitaux anormaux. Ces filles sont « virilisées », elles ont un développement inhabituel du clitoris et ne possèdent pas d’ouverture du vagin au périnée. Pour ce groupe, l’hyperplasie congénitale des surrénales (HCS) est la principale cause de ces anomalies.

2) Le deuxième groupe, beaucoup plus hétérogène, concerne les enfants 46, XY DSD qui naissent avec un profil génétique de garçon. Plusieurs situations existent au sein de ce groupe, distinctes les unes des autres :

- les anomalies de la stéroïdogenèse sont des anomalies de la fabrication des hormones. Elles peuvent mener à des sujets garçons présentant des organes génitaux insuffisamment formés sur le plan masculin ;

- la dysplasie (dysgénésie gonadique) concerne les garçons nés avec des gonades malformées qui ne fabriquent pas ces hormones en quantité suffisantes ;

- certains enfants naissent avec des testicules normaux, qui fabriquent ces hormones en quantité suffisante, mais leur corps ne possède pas les récepteurs permettant de répondre à cette stimulation hormonale (anomalie 5-alpha réductase) ou possèdent des récepteurs aux androgènes ne permettant pas aux hormones de transformer le petit garçon sur le plan masculin. Lorsque l’insensibilité aux androgènes est complète, les enfants sont entièrement féminins extérieurement mais portent intérieurement des testicules et fabriquent des hormones masculines qui sont totalement inopérantes ;

 

- les anomalies du contrôle de ces hormones au niveau central (déficit en gonadotrophines) ;

- enfin, il existe une catégorie d’enfants dont on ignore les raisons pour lesquelles ils naissent avec des organes génitaux incomplètement formés.

3) Le troisième groupe concerne les enfants qui naissent avec des « ensembles » chromosomiques (« mosaïques ») qui ne sont pas habituels dans l’un ou l’autre sexe. L’anomalie la plus couramment rencontrée est la 45, X/46, XY, c’est-à-dire des enfants qui ont plusieurs groupes de chromosomes et dont les organes génitaux ne sont pas bien formés.

4) Le quatrième groupe, très rare (300 à 400 cas connus à ce jour) concerne les enfants Ovo-testicular DSD (autrefois appelés « hermaphrodites vrais ») chez lesquels cohabitent les structures masculines et féminines.

5) Le cinquième et dernier groupe concerne les enfants qui fabriquent des hormones normales, qui ont des chromosomes normaux, mais présentent des malformations graves de la partie inférieure du corps. On ne reconnaît plus chez eux de structure génitale (DSD non-hormonales). Ces DSD non-hormonales correspondent principalement aux exstrophies vésicales, exstrophies du cloaque, certaines malformations cloacales et les aphallies.

Source : Sénat, Rapport d’information fait au nom de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes sur les variations du développement sexuel : lever un tabou, lutter contre la stigmatisation et les exclusions, février 2017, par Mmes Maryvonne Blondin et Corinne Bouchoux, sénatrices.

Comme l’a souligné le rapporteur dans le cadre de ses travaux pour l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), il n’existe pas de registre national qui fasse état de l’incidence des VDG dans la population. Une tentative de quantification à partir des données médico-administratives de sécurité sociale a été proposée mais les médecins s’accordent sur le caractère imprécis de la méthode, dû à l’hétérogénéité des pratiques de codage à l’hôpital. Des estimations peuvent être données, appuyées par des données d’incidence obtenues à l’étranger. Alors que l’hypospade et la cryptorchidie de tous types anatomiques sont fréquents et concerneraient, respectivement, une naissance sur 300 et une sur 100, l’hyperplasie congénitale des surrénales est plus rare : une naissance sur 14 000. La dysgénésie gonadique mixte concernerait une naissance sur 10 000 et le trouble ovotesticulaire, une sur 100 000.

Comme le rappelle le Conseil d’État dans son étude précitée, si certains traitements font consensus car ils doivent permettre d’éviter des complications susceptibles d’engager le pronostic vital de l’enfant (notamment les traitements hormonaux pour traiter certains cas d’hyperplasie congénitale des surrénales), « dautres actes médicaux, notamment les chirurgies effectuées sur des enfants en bas âge et visant à corriger lapparence des organes génitaux, sont plus controversés ». Ces actes dits « dassignation sexuée » sont régulièrement contestés par des associations, mais également par plusieurs autorités nationales et internationales telles que la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT, la Commission nationale consultative des droits de l’Homme ([84]), l’Organisation Mondiale de la Santé ([85]), le Parlement européen ([86]) et l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe ([87]).

La licéité de ces actes repose à la fois sur la nécessité médicale et sur l’expression d’un consentement. L’article 16-3 du code civil dispose en effet qu’« il ne peut être porté atteinte à lintégrité du corps humain quen cas de nécessité médicale pour la personne ou à titre exceptionnel dans lintérêt thérapeutique dautrui. Le consentement de lintéressé doit être recueilli préalablement hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il nest pas à même de consentir. »

Comme le mentionne l’étude du Conseil d’État précitée, même si, dans le cas d’un acte pratiqué sur un mineur, le consentement est celui des titulaires de l’autorité parentale, cette autorité parentale ne confère pas aux parents un pouvoir discrétionnaire de décision s’agissant des actes médicaux effectués à l’égard de leur enfant, puisque tout acte portant atteinte à l’intégrité corporelle de l’enfant doit bien répondre à une nécessité médicale.

Cette même étude conclut que « lacte médical ayant pour seule finalité de conformer lapparence esthétique des organes génitaux aux représentations du masculin et du féminin afin de favoriser le développement psychologique et social de lenfant ne devrait pas pouvoir être effectué tant que lintéressé nest pas en mesure dexprimer sa volonté et de participer à la prise de décision ».

● L’article 21 bis crée un article L. 2131-6 nouveau au sein du code de la santé publique.

Celui-ci prévoit une orientation systématique des enfants présentant une variation du développement génital vers les centres de référence des maladies rares du développement génital. Cette disposition s’inscrit dans la continuité de l’étude du Conseil d’État qui proposait « dorienter les familles des nouveau‐nés présentant les variations les plus marquées vers un nombre limité détablissements disposant de compétences pluridisciplinaires en la matière », proposition qui a été reprise par le rapport précité de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur la révision de la loi relative à la bioéthique. Pour mémoire, le centre de référence actuel, dénommé « Centre de référence médico‑chirurgical du développement génital du fœtus à l’adulte (DEV-GEN) », est constitué d’un site coordonnateur à Lyon et de trois sites constitutifs à Paris‑Bicêtre, Lille et Montpellier ([88]).

Les auditions menées par le rapporteur dans le cadre de ses travaux pour l’OPECST montrent qu’actuellement, plus de la moitié des enfants concernés ne seraient jamais renvoyés vers ces centres spécialisés, et seraient notamment pris en charge dans d’autres structures publiques ou privées, même si cette estimation demanderait à faire l’objet d’études plus poussées.

Les conditions de mise en œuvre de cette disposition sont renvoyées à l’article L. 1151‑1 du code de la santé publique, qui prévoit qu’un arrêté conjoint des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale peut être pris après avis de la Haute Autorité de Santé afin de soumettre certaines prises en charge à des règles relatives à la formation et la qualification des professionnels ou de déontologie, aux conditions techniques de leur réalisation ou à des règles de bonnes pratiques. Selon les informations transmises par le Gouvernement au rapporteur, un arrêté est ainsi prévu pour définir les conditions de prise en charge des enfants présentant une variation du développement génital.

L’article 21 bis dispose par ailleurs que la prise en charge d’un enfant présentant une variation du développement génital est assurée après concertation des équipes pluridisciplinaires spécialisées des centres de référence des maladies rares du développement génital. Pour le rapporteur, cette formulation renvoie de façon insuffisamment claire à des réunions de concertation pluridisciplinaires entre les différents centres – ce qui est bien l’intention du législateur – et non à une concertation des équipes pluridisciplinaires spécialisées au sein d’un même centre. Il conviendrait de le préciser afin de supprimer toute ambiguïté.

Cette concertation doit permettre d’établir le diagnostic et les propositions thérapeutiques possibles – y compris l’abstention thérapeutique – ainsi que leurs conséquences prévisibles. En application du principe de proportionnalité prévu à l’article L. 1110-5 du code de la santé publique, ces propositions ne doivent pas faire courir de risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté.

L’équipe du centre de référence chargée de la prise en charge de l’enfant doit assurer une information complète ainsi qu’un accompagnement psycho-social approprié de l’enfant et de sa famille. Lors de l’annonce du diagnostic, le médecin doit informer les parents de l’enfant de l’existence d’associations spécialisées.

Enfin, le consentement du mineur doit systématiquement être recherché, s’il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision.

● L’article 21 bis prévoit également la remise au Parlement d’un rapport présentant des éléments chiffrés dans un délai d’un an à compter de la publication de l’arrêté définissant les conditions de prise en charge des enfants présentant une variation du développement génital. Ce rapport doit notamment permettre au Parlement de disposer d’éléments chiffrés quant au nombre de personnes concernées chaque année. Il pourra faire l’objet d’un débat au Parlement.

● En commission spéciale, à l’initiative de son rapporteur, le Sénat a adopté un amendement n° COM-263 précisant que le diagnostic et la prise en charge d’une variation du développement génital sont réalisés conformément aux recommandations de bonnes pratiques élaborées, après concertation entre parties prenantes, par la Haute Autorité de santé.

● La commission a intégré dans le dispositif tous les centres de référence des maladies rares compétents pour la prise en charge des enfants présentant une variation du développement génital. Dans son rapport, elle a indiqué que cela visait à inclure notamment le centre de référence des maladies rares endocriniennes de la croissance et du développement (CERMERCD), qui s’occupe de cas d’hyperplasie congénitale des surrénales.

En effet, au côté des « centres de référence médico-chirurgical du développement génital du fœtus à l’adulte (DEV-GEN) », d’autres centres de référence prennent en charge certaines des anomalies du développement génital, notamment dans le cadre du réseau « FIRENDO » qui se consacre aux maladies rares endocriniennes. C’est principalement le cas des centres de référence des maladies endocriniennes de la croissance et du développement, mais cela peut également être le cas des centres de référence des maladies rares de la surrénale ou des centres de référence des pathologies gynécologiques rares. Le rapporteur regrette cette dispersion des compétences et invite à une rationalisation de cette prise en charge lors de la prochaine campagne de labellisation des centres de référence des maladies rares – ces centres étant aujourd’hui labellisés jusqu’en 2022 –. Le choix opéré par le Sénat apparaît cependant susceptible de réunir l’ensemble des centres de référence concernés.

Le rapporteur souligne que ces « centres de référence compétents » ne doivent pas être confondus avec les centres de compétences, qui dépendent fonctionnellement des centres de référence.

La commission spéciale du Sénat a également étendu à dix-huit mois le délai de remise du rapport au Parlement « afin de permettre aux centres de référence davoir un regard sur une année complète dactivité ». Elle a supprimé la possibilité que le rapport remis au Parlement fasse l’objet d’un débat parlementaire ([89]).

Elle a par ailleurs procédé à des précisions rédactionnelles.

En séance publique, le Sénat a apporté une précision rédactionnelle ([90]).

● Pour le rapporteur, il est inutile de préciser que le diagnostic et la prise en charge d’une variation du développement génital doivent être réalisés conformément aux recommandations de bonnes pratiques élaborées, après concertation entre les parties prenantes, par la Haute Autorité de santé. En effet, l’article 21 bis prévoit déjà que ce diagnostic et cette prise en charge s’effectuent « dans les conditions prévues à larticle L. 1151‑1 », qui prévoit la possibilité de soumettre certains actes à des règles de bonnes pratiques. La précision introduite par le Sénat n’ajoute donc rien à l’édifice protecteur que souhaite le législateur. Par ailleurs, la précision apportée par le Sénat manque de souplesse et risquerait de complexifier l’application du présent article, en particulier au vu de la grande hétérogénéité des situations potentiellement couvertes par cet article.

● Le rapporteur considère également qu’il est impératif de travailler sur la question de la déclaration à l’état civil du sexe de ces enfants, qui fait intégralement partie de leur prise en charge. Cette question avait été soulevée en première lecture à l’Assemblée.

En effet, la circulaire du 28 octobre 2011 relative aux règles particulières à divers actes de l’état civil relatifs à la naissance et à la filiation prévoit que « lorsque le sexe dun nouveau-né est incertain, il convient déviter de porter lindication “de sexe indéterminé” dans son acte de naissance. Il y a lieu de conseiller aux parents de se renseigner auprès de leur médecin pour savoir quel est le sexe qui apparaît le plus probable compte tenu, le cas échéant, des résultats prévisibles dun traitement médical. Ce sexe sera indiqué dans lacte, lindication sera, le cas échéant, rectifiée judiciairement par la suite en cas derreur. Si, dans certains cas exceptionnels, le médecin estime ne pouvoir immédiatement donner aucune indication sur le sexe probable dun nouveau-né, mais si ce sexe peut être déterminé définitivement, dans un délai dun ou deux ans, à la suite de traitements appropriés, il pourrait être admis, avec laccord du procureur de la République, quaucune mention sur le sexe de lenfant ne soit initialement inscrite dans lacte de naissance. Dans une telle hypothèse, il convient de prendre toutes mesures utiles pour que, par la suite, lacte de naissance puisse être effectivement complété par décision judiciaire. »

Comme le souligne le Conseil d’État dans son étude précitée, la formulation retenue dans cette circulaire « laisse penser que la possibilité de surseoir à la déclaration du sexe est subordonnée à la mise en œuvre future de traitements médicaux ». La place donnée à la décision du médecin dans cette circulaire pose également question.

Le Conseil d’État souligne également que « cette possibilité de reporter la mention du sexe mériterait de figurer au niveau législatif dans la mesure où les dispositions de la circulaire pourraient être regardées comme dérogeant à celles de larticle 55 du code civil, et donc comme entachées dillégalité ».

Alors que la proposition d’étendre le délai de déclaration du sexe à l’état civil est régulièrement présentée comme une solution, le professeur Claire Bouvattier, auditionnée par le rapporteur lors des travaux qu’il a conduits sur le sujet dans le cadre de l’OPECST, a souligné que ce délai permet de mobiliser rapidement les professionnels de santé concernés pour établir un diagnostic, et qu’il est en tout état de cause difficile de « laisser rentrer les parents à la maison » sans avoir attribué un sexe, même provisoire, à l’enfant. Également auditionnée par le rapporteur, Mme Laurence Brunet, juriste, auteure, dans un ouvrage à paraître, d’un chapitre intitulé « La mention du sexe à lacte de létat civil : enjeux et chausse-trappes », a souligné que la problématique ne résidait en effet pas seulement dans la question du délai pour déclarer le sexe à l’état civil mais également – et peut-être avant tout – dans les difficultés posées par la procédure de rectification du sexe à l’état civil, complexe et insuffisamment claire.

 

 


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Article 22
Autorisation de la greffe de tissu germinal pour le rétablissement dune fonction hormonale et clarification du devenir des gamètes et tissus germinaux conservés

Adopté par la commission avec modifications

    Résumé du dispositif initial

L’article 22 a pour objet de compléter les finalités du prélèvement et de la conservation des tissus germinaux pour y ajouter le rétablissement d’une fonction hormonale.

Il précise également les conditions de destruction des gamètes et tissus germinaux conservés dans ce cadre.

    Modifications apportées par l’Assemblée en 1ère lecture

La commission spéciale a précisé que les professionnels de santé chargés du suivi d’une personne pour laquelle un risque d’altération prématurée de sa fertilité est identifié ou une prise en charge médicale susceptible d’altérer sa fertilité est envisagée, ont l’obligation, dès la consultation au cours de laquelle est annoncée la proposition médicale, d’informer cette personne des possibilités d’autoconservation de ses gamètes ou tissus germinaux ainsi que des conditions, risques, limites et conséquences de cette autoconservation.

Elle a également adopté un amendement du rapporteur précisant, au sein des dispositions transitoires prévues à cet article, que les gamètes ou tissus germinaux qui seront déjà conservés à la date de publication de la présente loi ne seront détruits, en cas de décès d’une personne majeure, que si celle-ci n’a pas préalablement consenti à ce que ses gamètes fassent l’objet d’un don ou à ce que ses gamètes ou tissus germinaux fassent l’objet d’une recherche.

En séance publique, l’Assemblée a adopté une disposition assimilant, pour les majeurs protégés, le recueil et la conservation des gamètes ou tissus germinaux aux actes qui impliquent un consentement strictement personnel, et ne peuvent donc donner lieu à représentation. Elle a également adopté un amendement permettant que les gamètes ou tissus germinaux conservés d’une personne mineure qui vient à décéder puissent faire l’objet d’une recherche, dans les mêmes conditions que celles aujourd’hui prévues pour les gamètes ou tissus germinaux conservés de personnes majeures.

    Modifications apportées par le Sénat en 1ère lecture

La commission spéciale a adopté, outre un amendement rédactionnel, de nombreux amendements du rapporteur. Ces amendements portent notamment sur le prélèvement et la conservation de gamètes et de tissus germinaux de patients mineurs afin de :

– prévoir que dans l’année où elle atteint l’âge de la majorité, la personne dont les gamètes ou les tissus germinaux sont conservés reçoit une information par l’équipe pluridisciplinaire du centre où sont conservés ses gamètes ou ses tissus germinaux sur les conditions de cette conservation et les suites de la démarche ;

– préciser que le consentement de la personne mineure doit être systématiquement recherché si elle est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision ;

 

– préciser qu’il ne peut être mis fin à la conservation des gamètes ou des tissus germinaux d’une personne mineure, même émancipée, qu’en cas de décès.

Elle a également précisé les conditions d’utilisation ou de destruction des gamètes et tissus germinaux pour les personnes majeures, et allégé la procédure de confirmation du consentement.

Elle a par ailleurs adopté un amendement précisant que la modification de la mention du sexe à l’état civil ne fait pas obstacle à l’application du présent article.

    Position de la commission

La commission a adopté plusieurs amendements du rapporteur, rétablissant en partie la rédaction issue de la première lecture à l’Assemblée nationale.

Elle a ainsi supprimé la précision selon laquelle une étude de suivi est systématiquement proposée aux personnes dont les gamètes ou les tissus germinaux sont conservés dans ce cadre (amendement n° 1425). Elle est également revenue sur :

–  la précision selon laquelle le consentement de la personne à ce que ses gamètes ou tissus germinaux fassent l’objet d’un don ou de recherches dans le cas de son décès ou d’absence de réponse doit être recueilli en même temps qu’est effectué l’acte de recueil et de prélèvement des gamètes ou des tissus (amendement n° 1428) ;

– l’allongement de dix à vingt ans de la durée de conservation des gamètes et tissus germinaux (amendement n° 1428 également) ;

– la simplification de la procédure de consentement (amendement n° 1427).

L’article 22 a pour objet de compléter les finalités du prélèvement et de la conservation des tissus germinaux pour y ajouter le rétablissement d’une fonction hormonale.

En effet, le recueil et la cryoconservation de gamètes et de tissus germinaux de personnes atteintes d’une pathologie menaçant leur fertilité ou exposées à des traitements potentiellement stérilisants n’est aujourd’hui ouvert, aux termes de l’article L. 2141-11 du code de la santé publique, que pour des fins procréatrices, c’est-à-dire pour la préservation ou la restauration de la fertilité ou la réalisation d’une assistance médicale à la procréation.

Le présent article étend l’objet du recueil et de la cryoconservation au rétablissement d’une fonction hormonale. Il s’agit notamment de permettre la greffe de tissus ovariens pour rétablir la fonction endocrine, afin d’éviter aux patientes concernées la prise de traitements hormonaux substitutifs.

L’article 22 précise également les conditions de destruction des gamètes et tissus germinaux conservés dans ce cadre, des dispositions de niveau législatif étant apparues préférables à des dispositions règlementaires.

Dans le cas où les gamètes ou tissus germinaux d’une personne mineure sont conservés, ce sont les parents qui seront contactés chaque année par écrit pour recueillir les informations utiles à la conservation, notamment un éventuel changement de coordonnées. Il ne pourra être mis fin à la conservation des gamètes ou tissus germinaux d’un mineur ou d’une mineure qu’en cas de décès.

Dans le cas où les gamètes ou tissus germinaux d’une personne majeure sont conservés, cette personne sera consultée chaque année et devra consentir par écrit à la poursuite de cette conservation. La personne pourra consentir par écrit à ce que ces gamètes fassent l’objet d’un don ou d’une recherche ou à ce qu’ils soient détruits. Les gamètes et tissus germinaux seront détruits si la personne majeure n’a pas répondu durant dix années consécutives.

L’article 22 précise qu’en ce qui concerne les gamètes et tissus germinaux conservés à la date de publication de la loi, il sera mis fin à leur conservation en cas de décès de la personne.

1.   Les modifications apportées par l’Assemblée nationale en première lecture

a.   Les modifications apportées par la commission

Outre de nombreux amendements rédactionnels du rapporteur, la commission a adopté, avec l’avis favorable du rapporteur et l’avis défavorable du Gouvernement, un amendement n° 1786 de M. Gérard et de membres du groupe La République en marche, prévoyant l’information systématique de la personne, lors de l’annonce de la proposition médicale, sur cette possibilité ainsi que les risques et les limites de la démarche.

Avec l’amendement n° 1882 adopté à l’initiative du rapporteur, elle a également précisé, au sein des dispositions transitoires, que les gamètes ou tissus germinaux conservés à la date de publication de la loi ne seront détruits, en cas de décès d’une personne majeure, que si celle-ci n’a pas préalablement consenti à ce qu’ils fassent l’objet d’un don ou d’une recherche.

b.   Les modifications apportées en séance publique

En séance publique, l’Assemblée nationale a adopté, outre un amendement rédactionnel, deux amendements identiques n° 1450 et n° 1613 de Mme Brulebois (LaREM) et Mme Anthoine (Les Républicains), avec l’avis défavorable de la commission, et l’avis favorable du Gouvernement, renvoyant à l’article 458 du code civil les conditions d’expression du consentement des majeurs protégés. Cette modification permet d’assimiler le recueil et la conservation des gamètes ou tissus germinaux aux actes qui impliquent « un consentement strictement personnel » ne pouvant donner lieu à représentation, alors que le projet de loi soumettait cette démarche au consentement du mandataire ou de la personne chargée de représenter le majeur protégé en matière personnelle.

L’Assemblée a également adopté un amendement n° 2060 du rapporteur, avec l’avis favorable du Gouvernement, visant à permettre que les gamètes ou tissus germinaux d’une personne mineure décédée puissent faire l’objet d’une recherche, avec le consentement des titulaires de l’autorité parentale. La recherche sur ces tissus pourrait en effet permettre des avancées très importantes.

2.   Les modifications apportées par le Sénat en première lecture

● La commission spéciale du Sénat a adopté de nombreuses modifications à l’initiative du rapporteur, notamment relatives au prélèvement et à la conservation des gamètes et tissus germinaux des personnes mineures.

Elle a ainsi enrichi les conditions d’information des patients mineurs, en prévoyant que dans l’année où elle atteint l’âge de la majorité, la personne dont les gamètes ou les tissus germinaux sont conservés reçoit une information par l’équipe pluridisciplinaire du centre où sont conservés ses gamètes ou ses tissus germinaux sur les conditions de cette conservation et les suites de la démarche ([91]). Elle a supprimé la précision apportée par l’Assemblée nationale selon laquelle le patient est systématiquement informé de cette possibilité de conservation lors de la consultation d’annonce de la proposition médicale.

Elle a précisé que le consentement de la personne mineure doit être systématiquement recherché si elle est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision ([92]).

Elle a indiqué expressément qu’il ne peut être mis fin à la conservation des gamètes ou des tissus germinaux d’une personne mineure, même émancipée, qu’en cas de décès, disposition qui n’apparaissait plus qu’implicitement dans le texte adopté par l’Assemblée nationale ([93]).

● La commission a adopté une disposition ([94]) prévoyant qu’une étude de suivi est systématiquement proposée aux personnes dont les gamètes ou les tissus germinaux sont conservés dans ce cadre, sous réserve de leur consentement (ce consentement étant exprimé à la majorité lorsque la personne était mineure lors du recueil ou du prélèvement). En effet, selon le rapporteur, « les seules données existantes, retracées par lAgence de la biomédecine dans son rapport médical et scientifique, sont relatives aux personnes ayant ensuite recours à une procédure dassistance médicale à la procréation. Un suivi plus large des patients après guérison permettrait dévaluer le réel impact des traitements reçus ou de la maladie sur le fonctionnement des gonades et de la fertilité pour mieux cibler les indications de cette conservation ».

● La commission a également précisé les conditions d’utilisation ou de destruction des gamètes et tissus germinaux pour les personnes majeures ([95]) :

– en prévoyant que le consentement de la personne à ce que ses gamètes ou tissus germinaux fassent l’objet d’un don ou de recherches dans le cas de son décès ou d’absence de réponse est recueilli simultanément à l’acte de recueil et de prélèvement des gamètes ou des tissus ;

– en portant à vingt ans et non plus à dix le délai au-delà duquel, en l’absence de réponse, les gamètes ou tissus germinaux doivent être conservés ;

– en prévoyant une limite d’âge, fixée par un arrêté du ministre chargé de la santé, après avis de l’Agence de la biomédecine, au-delà de laquelle la conservation n’est plus justifiée. Actuellement, l’article R. 2141-17 du code de la santé publique prévoit qu’il est mis fin à la conservation des gamètes si la personne n’ayant pas répondu à la consultation « nest plus en âge de procréer ».

● La commission a allégé la procédure de confirmation à trois mois du consentement à la poursuite ou non de la conservation, l’absence de révocation par écrit du consentement dans ce délai valant désormais confirmation ([96]).

Elle a également adopté un amendement n° COM-17 du groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste précisant que la modification de la mention du sexe à l’état civil ne fait pas obstacle à l’application du présent article.

Elle a enfin adopté une précision rédactionnelle ([97]) relative à l’application de l’article 22 aux majeurs protégés.

● En séance publique, cet article n’a fait l’objet d’aucune modification.

 

 


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Article 22 bis (supprimé)
Ouvrir le recueil et la conservation de cellules en vue de ladministration ultérieure dun traitement innovant

Supprimé par la commission

    Résumé du dispositif (introduit par le Sénat en 1ère lecture)

L’article 22 bis prévoit d’ouvrir le recueil et la conservation de cellules à toute personne dont la prise en charge médicale est susceptible de provoquer une dégénérescence cellulaire, afin de lui permettre de bénéficier ultérieurement de l’administration d’un traitement innovant autologue. Il vise à prendre en compte le développement des thérapies géniques et cellulaires, notamment en oncologie, et en particulier l’émergence des « CAR-T cells ».

    Modifications apportées la commission

La commission a supprimé cet article (amendement n° 1430 du rapporteur).

L’article 22 bis a été introduit par le Sénat en séance publique suite à l’adoption de l’amendement n° 21 rect. bis de Mme Berthet (Les Républicains), avec l’avis défavorable de la commission et du Gouvernement.

Il crée un article L. 1243-2-2 nouveau dans le code de la santé publique.

● L’article 22 bis vise à prendre en compte le développement des thérapies géniques et cellulaires, notamment en oncologie, et en particulier l’émergence des « CAR-T cells » (pour « cellules T porteuses d’un récepteur chimérique – Chimeric Antigen Receptor »).

Comme le rappelle la Haute Autorité de santé, les « CAR-T cells » sont des thérapies géniques innovantes utilisées pour le moment en oncohématologie. Ces traitements sont fabriqués « à partir des lymphocytes T du patient qui, une fois modifiés génétiquement et réinjectés, sont capables de reconnaitre et de détruire spécifiquement les cellules cancéreuses. Ils sont administrés en une injection unique » ([98]). En France, deux traitements de ce type ont obtenu en 2018 une autorisation de mise sur le marché, et la Haute Autorité de santé a rendu en 2019 un avis favorable à leur remboursement, en soulignant à la fois les espoirs pouvant être placés dans ces thérapies et l’absence à ce stade de données relatives à leur efficacité et leur sécurité à moyen et long terme.

L’article 22 bis vise à améliorer l’efficacité de ces thérapies innovantes en permettant le recueil et la conservation de cellules (et notamment de cellules mononucléées du sang périphérique, qui contiennent les lymphocytes T) dès les premiers stades de la maladie.

Il prévoit ainsi que toute personne dont la prise en charge médicale est susceptible de provoquer une dégénérescence cellulaire peut bénéficier, après avis d’une équipe médicale pluridisciplinaire, du recueil et de la conservation de ses cellules, en vue de l’administration ultérieure, à son bénéfice, d’un médicament de thérapie innovante. Il détaille les modalités de consentement à ce recueil et à cette conservation (I).

L’article précise que ni ce recueil ni cette conservation ne pourront donner lieu à une prise en charge par l’assurance maladie.

Les modalités d’application de cet article, notamment les conditions spécifiques d’éligibilité des patients et les procédés de conservation et de stockage des cellules, sont renvoyées à un décret (II).

● Autoriser le stockage systématique de cellules lymphocytaires T est-il nécessaire, voire seulement pertinent ?

Selon les auteurs de l’amendement dont cet article est issu, « un prélèvement et une conservation des cellules intervenant dans les premiers stades de la maladie, très vite après le diagnostic, au moment le plus favorable pour le patient, pourrait permettre de préserver la qualité des cellules prélevées et ainsi une meilleure réussite du traitement ». Le rapporteur considère qu’il s’agit d’une ineptie. Ainsi, aucune donnée scientifique étayant cette affirmation n’a été portée à la connaissance du rapporteur. Au contraire, l’intérêt de conserver des lymphocytes T en vue d’une éventuelle utilisation ultérieure autologue ne fait aujourd’hui l’objet d’aucun consensus thérapeutique. Un communiqué de la Société internationale de thérapie génique et cellulaire datant d’août 2019 ([99]) a ainsi rappelé la faible probabilité que des patients atteints de cancer puissent en pratique être éligibles à ces thérapies, et la probabilité encore plus faible que des individus en bonne santé puissent en bénéficier, même si leurs proches sont atteints d’un cancer. Ce même avis mettait en garde contre le développement en cours d’une offre privée de conservation de ces cellules qui n’offre actuellement que des promesses irréalisables, soulignant notamment l’impossibilité technique à l’heure actuelle pour des biobanques privées de réaliser des prélèvements qui pourraient réellement être utilisés pour fabriquer des « CAR-T cells » par la suite.

Quel est aujourd’hui l’état du droit, et qu’apporterait cet article additionnel ?

Le prélèvement de cellules mononucléées du sang périphérique, qui incluent les lymphocytes T, en vue de la fabrication d’un médicament de thérapie innovante de type « CAR-T cells », est déjà possible sur le fondement des articles L. 1241-1 et L. 1242-1 du code de la santé publique, ce dernier mentionnant notamment les conditions de prélèvement des cellules « à fins dadministration autologue ou allogénique ». Les établissements autorisés peuvent donc d’ores et déjà prélever des cellules dans le propre intérêt du donneur. L’objectif thérapeutique de ce prélèvement doit toutefois être clairement établi.

La conservation des préparations de thérapie cellulaire est quant à elle encadrée par l’article L. 1243-2 du code de la santé publique. Celui-ci prévoit que ces préparations ne peuvent être conservées que pour des « indications thérapeutiques reconnues ».

En l’état actuel de notre législation, rien n’empêche donc aujourd’hui un établissement dûment autorisé de prélever et de conserver des cellules d’un patient en amont d’un traitement qui pourrait s’avérer délétère pour ses cellules, puis de développer des médicaments de thérapie innovante à partir des cellules ainsi conservées. Toutefois, il faut que l’intérêt de cette pratique ait été validé, soit dans le cadre d’une autorisation d’essai clinique, soit dans le cadre d’une autorisation de mise sur le marché, comme pour tout médicament de thérapie innovante, conformément au droit européen en vigueur ([100]).

En l’état actuel des connaissances scientifiques, le cadre légal ainsi défini apparaît tout à fait satisfaisant : il permet les opérations concernées, dans le cadre d’indications thérapeutiques déterminées ; il ne fait pas obstacle à ce que les personnes bénéficient des progrès à venir de la science ; il les protège contre le développement de pratiques commerciales éloignées de l’éthique car fondées en partie sur des illusions.

La Société francophone de greffe de moelle et de thérapie cellulaire a d’ailleurs affirmé au rapporteur sa ferme opposition à cet article 22 bis, qui, selon elle, conduirait « à des congélations cellulaires en labsence dindication thérapeutique validée » et introduirait « une logique de commercialisation de produits de thérapie cellulaire ».

Le rapporteur estime enfin que la disposition de l’article 22 bis qui précise que le recueil et la conservation des cellules ne sont pas pris en charge par l’assurance maladie est évidemment inacceptable, même si l’on peut penser qu’elle ne visait qu’à assurer la recevabilité financière de l’amendement – auquel tant la commission spéciale que le Gouvernement étaient opposés. Si jamais l’utilité thérapeutique d’un tel procédé était prouvé, pourrait-on décemment accepter qu’il soit réservé aux plus aisés de nos concitoyens ?

 

 


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Article 22 ter (supprimé)
Conservation du sang de cordon ombilical

Supprimé par la commission

    Résumé du dispositif (introduit par le Sénat en 1ère lecture)

L’article 22 ter prévoit d’autoriser les femmes accouchant en France à faire procéder à la conservation par des banques dédiées du sang et des tissus du cordon ombilical, à leur frais, en vue d’une utilisation autologue.

    Position de la commission

La commission a supprimé cet article (amendements n° 1431 du rapporteur et n° 470 de M. Hetzel).

L’article 22 ter a été introduit par le Sénat en séance publique suite à l’adoption de l’amendement n° 23 de Mme Procaccia (Les Républicains), avec l’avis défavorable de la commission et du Gouvernement.

1.   Le cadre du prélèvement, de la conservation et de l’utilisation du sang de cordon

a.   Le sang de cordon

Le sang de cordon est le sang contenu dans le cordon ombilical et le placenta lors de l’accouchement. Les cellules du sang de cordon sont précieuses, car elles contiennent un nombre important de cellules souches hématopoïétiques, qui sont capables de s’auto-renouveler et de donner naissance à l’ensemble des cellules du sang. Lors d’une greffe, elles peuvent donc reconstituer la totalité des cellules circulantes du sang : globules blancs, globules rouges et plaquettes. Les cellules souches hématopoïétiques du sang de cordon sont identiques à celles contenues dans la moelle osseuse après la naissance.

Les cellules souches hématopoïétiques peuvent être conservées après congélation. Elles peuvent contribuer à soigner des cancers du sang comme des leucémies ou des lymphomes, mais également certaines maladies génétiques, en particulier des aplasies médullaires comme l’anémie de Fanconi, des hémoglobinopathies ou certains déficits immunitaires ([101]). Depuis le début des années 1990, des banques d’unités de sang placentaire se sont donc développées afin de permettre la réalisation de tels greffons.

b.   Le cadre juridique applicable depuis la loi de bioéthique de 2011

● Jusqu’à la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique, le sang issu du cordon ou du placenta ne bénéficiait pas d’un encadrement autre que celui qui régit les résidus opératoires. Cette loi a permis de mieux encadrer ces prélèvements.

L’article L. 1241-1 du code de la santé publique dispose depuis 2011 que le prélèvement de cellules hématopoïétiques du sang de cordon et du sang placentaire ainsi que de cellules du cordon et du placenta ne peut être effectué que sous trois conditions :

– à des fins scientifiques ou thérapeutiques ;

– en vue d’un don anonyme et gratuit ;

– à la condition que la femme, durant sa grossesse, ait donné son consentement par écrit au prélèvement et à l’utilisation de ces cellules, après avoir reçu une information sur les finalités de cette utilisation.

Le principe général est donc celui de l’anonymat du don, qui empêche tout don dédié. La loi ne ménage qu’une seule exception à ce principe, au profit des frères et sœurs de l’enfant né si une nécessité thérapeutique existe au moment du prélèvement.

L’article L. 1243-2 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la loi de bioéthique de 2011, dispose que seules peuvent être préparées, conservées, distribuées ou cédées les cellules du sang de cordon et du sang placentaire ainsi que les cellules du cordon et du placenta prélevées dans ces conditions. Le fait de procéder à des prélèvements de telles cellules ou tissus dans tout autre cadre est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende par l’article 511-7 du code pénal.

● En pratique, l’Agence de la biomédecine pilote le réseau français de sang placentaire, qui regroupe les cinq banques de conservation françaises – qu’elles appartiennent à l’EFS ou à des structures hospitalières – ainsi que les vingt-huit maternités associées à ces banques. Selon l’Agence, les besoins en unités de sang placentaire sont aujourd’hui plutôt restreints, et l’attention se porte davantage sur la qualité des greffons sélectionnés (et notamment la richesse en cellules de ceux-ci) et la diversité des profils recueillis en terme de groupes tissulaires.

c.   Les enjeux éthiques de la conservation du sang de cordon

● À partir des années 1990, la possibilité d’une conservation autologue a été autorisée notamment par l’Allemagne, le Danemark, les Pays-Bas, la Pologne et le Royaume-Uni, le Canada et les États-Unis. Des banques de sang de cordon « autologues » se sont alors développées : créées à des fins commerciales, elles ne conservent les cellules ou tissus qu’au bénéfice de l’enfant qui vient de naître ou de ses proches. Selon les pays, le coût d’une conservation de sang de cordon sur une durée de vingt ans varie de 1 000 à 3 500 euros.

À l’inverse, en France, le législateur de 2011 a inscrit « les cellules du sang de cordon et du sang placentaire dans le cadre des grands principes de la bioéthique et notamment du consentement libre et éclairé, de lanonymat du don et de légal accès au soin » et a « interdi[t] la constitution de banques de sang de cordon et de sang placentaire autologues », comme l’indiquent les travaux préparatoires ([102]). Saisi par la société Cryo-Save France d’une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a considéré que ce choix ne constituait nullement une atteinte à la liberté individuelle ([103]).

Pourquoi un tel choix ? Comme le soulignait le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) dans son avis n° 74 du 12 décembre 2002, les banques de sang de cordon autologues s’inscrivent « dans les promesses dune médecine qui pourrait substituer les cellules souches du cordon à celles de la moelle et qui utiliserait les propriétés éventuellement multipotentes de ces cellules souches dans lobjectif dune médecine de réparation ». Le CCNE s’inquiétait alors d’une vision « excessivement utilitariste, utopiste et commerciale » d’une telle conservation autologue, soulignant tant l’absence de justification d’une telle thérapie sur le plan scientifique que les dangers que font peser de telles pratiques sur les principes de solidarité, de justice et d’équité. Il soulignait également la culpabilisation qu’une telle offre induirait pour les parents : « cette offre privée pourrait leur donner le sentiment, sils refusent, de ne pas avoir fait tout ce quil y a de mieux pour leur enfant (…). En focalisant lattention sur les pathologies possibles, langoisse, la culpabilité des parents pourrait être accrue à lidée dun échec, dun défaut ou dun accident dans la conservation de léchantillon ».

Il soulignait également que de telles banques privées entreraient en concurrence avec les banques publiques de sang de cordon, et que ces banques privées « ne pourront pas sintégrer dans un système allogénique et resteront donc dans le domaine du commerce et de la promesse douteuse ». Lors du débat autour de l’amendement dont est issu l’article 22 ter, le rapporteur a souligné de même que la constitution de banques privées risquerait « de détourner des sangs de cordon des banques publiques allogéniques, avec pour conséquence un nombre insuffisant de greffons et un amoindrissement de leur diversité » ([104]).

● L’évolution des connaissances médicales et scientifiques sur l’utilisation autologue de ces cellules n’est pour le moment pas venu infirmer cet avis du CCNE. En effet, rien ne prouve aujourd’hui l’utilité thérapeutique d’une administration autologue de cellules du sang de cordon.

Cet avis a d’ailleurs été confirmé par le CCNE dans un avis n° 117 du 23 février 2012, qui affirme que « les autogreffes de sang placentaire comme substitut de la moelle osseuse gardent, encore aujourdhui, des indications rarissimes sinon nulles, donc assez exceptionnelles pour effacer le bien fondé de bio banques créées à ce seul effet. Leur caractère privé à but lucratif les incite trop souvent à des publicités non fondées sur des faits scientifiques avérés et, partant, souvent mensongères ».

Dans le même sens, un avis publié le 16 mars 2017 par le conseil d’orientation de l’Agence de la biomédecine affirme qu’« aucune donnée scientifique ne permet de penser quil est utile de conserver le sang de cordon de son enfant dans une perspective de médecine régénérative. Ce domaine est encore au stade de la recherche et aucune application ne peut être envisagée avant de nombreuses années. Autrement dit, rien aujourdhui ne permet denvisager un traitement efficace et sans danger de maladies telles que, par exemple, certaines maladies neurologiques ou cardiaques, chez lenfant devenu adulte à laide de ses cellules de sang de cordon (…). Lutilisation autologue du sang de placentaire dans le cadre de la greffe de cellules souches hématopoïétiques na pas dintérêt car il ne peut y avoir daction greffon anti-leucémie qui est une part essentielle de laction thérapeutique de la greffe de cellules souches hématopoïétiques dans le cadre des hémopathies malignes. Pour ce qui est des hémoglobinopathies, les CSH de sang de cordon comportent lanomalie et donc ne peuvent être utilisées en autologues ». La probabilité qu’un enfant à naître ait besoin de ses propres cellules du cordon pour un usage thérapeutique est ainsi estimé à 1/20 000.

Le Conseil de l’Europe a également considéré que « largumentation clinique en faveur de la conservation du sang de cordon en vue dune transplantation autologue est très faible et sans fondement scientifique » et s’est opposé « au recours aux banques de sang de cordon pour usage intrafamilial à titre dassurance biologique pour lenfant ou sa famille immédiate » ([105]).

Suite au dépôt d’une proposition de loi en 2009 sur le sujet, la Société française de greffe de moelle et thérapie cellulaire, la Société française d’hématologie, le Collège national des gynécologues et obstétriciens français et le Collège national des sages-femmes s’étaient également vivement opposés au développement de sociétés à but lucratif proposant la conservation de sang de cordon à visée autologue ([106]).

2.   Le dispositif adopté par le Sénat

Le du présent article supprime la visée du don anonyme et gratuit qui conditionne aujourd’hui le prélèvement de cellules hématopoïétiques du sang et de cellules du cordon et du placenta, dont le régime est défini par le dernier alinéa de l’article L. 1241-1 du code de la santé publique.

Le modifie l’article L. 1245-2 du même code, afin de soumettre le sang et les tissus de cordon ombilical à un régime spécifique et d’autoriser leur prélèvement en vue d’une éventuelle utilisation ultérieure, au bénéfice de l’enfant ou d’un tiers, après avoir informé la femme des modalités de sa conservation.

Il précise que les frais relatifs aux actes liés à la conservation et à l’acheminement du sang du cordon ombilical et des tissus du cordon ombilical ne peuvent faire l’objet d’une prise en charge par l’assurance maladie.

Le créé un nouvel article L. 1245-2-1 au sein du même code. Il prévoit que le sang et les tissus de cordon ombilical peuvent être prélevés en vue de leur conservation dans des banques respectant des conditions sanitaires prévues par l’Agence de la biomédecine, « à des fins scientifiques ou en vue dune éventuelle utilisation thérapeutique autologue ou allogénique ultérieure ». Les conditions d’application de cet article seraient précisées par décret en Conseil d’État.

 

 


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Chapitre II
Optimiser lorganisation des soins

Article 23
Élargissement des missions des conseillers en génétique

Adopté par la commission avec modifications

    Résumé du dispositif initial

L’article 23 a pour objet d’étendre les missions des conseillers en génétique à la prescription de certains examens de génétique.

    Modifications apportées par l’Assemblée en 1ère lecture

L’Assemblée nationale a adopté en séance publique un amendement permettant au conseiller en génétique de communiquer les résultats d’un examen de génétique aux personnes concernées, sous réserve que ces résultats ne révèlent aucune anomalie génétique et que cette communication soit réalisée en accord avec le médecin sous la responsabilité duquel le conseiller en génétique intervient.

    Modifications apportées par le Sénat en 1ère lecture

Le Sénat a ouvert la possibilité aux conseillers en génétique d’annoncer le résultat d’un examen de génétique, que ce résultat comporte ou pas l’annonce d’une anomalie génétique, tout en maintenant la condition que cette communication soit réalisée en accord avec le médecin sous la responsabilité duquel il intervient.

    Position de la commission

À l’initiative du rapporteur, la commission a rétabli la version initiale du texte présenté par le Gouvernement, qui prévoyait que la communication à la personne concernée des résultats des examens éventuellement prescrits par un conseiller en génétique soit toujours faite par un médecin (amendement n° 1432).

● L’article 23 a pour objet d’étendre les missions des conseillers en génétique à la prescription de certains examens de génétique.

Pour mémoire, la profession de conseiller en génétique a été créée par la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, afin de délester les médecins ayant choisi la spécialité de génétique médicale d’une partie des missions d’information des personnes – toujours plus nombreuses – confrontées à un examen de génétique.

Les conseillers en génétiques ont donc notamment pour mission de traduire les données de la génétique en informations compréhensibles pour les patients, d’évaluer et de gérer les risques associés à la réalisation des examens génétiques ainsi que de réaliser des arbres généalogiques ([107]).

● Le présent article reconnaît à ces professionnels un droit de prescription, sous l’autorité d’un médecin qualifié en génétique, alors qu’actuellement, l’article L. 1132-1 du code de la santé publique prévoit que les conseillers en génétique peuvent exercer uniquement sur prescription médicale.

Il dispose que le conseiller en génétique peut prescrire certains examens de biologie médicale : les examens des caractéristiques génétiques et les diagnostics prénataux et préimplantatoires. Un décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Académie nationale de médecine, précisera les conditions dans lesquelles les conseillers en génétique pourront prescrire ces examens.

La nécessité d’étendre les missions des conseillers en génétique avait été soulignée à plusieurs reprises, notamment par l’Agence de la biomédecine ([108]), le Conseil d’État ([109]) et le Comité consultatif national d’éthique ([110]).

1.   Les modifications apportées par l’Assemblée nationale en première lecture

● À l’Assemblée nationale, la commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur.

● En séance publique, avec l’avis défavorable de la commission et un avis de sagesse du Gouvernement, l’Assemblée a adopté un amendement n° 2510 de Mme Mauborgne (LaREM) qui ouvre au conseiller en génétique la possibilité de communiquer les résultats d’un examen de génétique aux personnes concernées, sous réserve que ces résultats ne révèlent aucune anomalie génétique et que cette communication soit réalisée en accord avec le médecin sous la responsabilité duquel intervient.

2.   Les modifications apportées par le Sénat en première lecture

● La commission spéciale du Sénat, a adopté un amendement n° COM-212 élargissant l’ouverture adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture, en donnant la possibilité aux conseillers en génétique d’annoncer le résultat d’un examen de génétique, que ce résultat comporte ou non l’annonce d’une anomalie génétique, la condition subsistant toutefois que cette communication soit réalisée avec l’accord du médecin généticien.

Comme votre rapporteur lors du débat à l’Assemblée nationale, la rapporteure du Sénat a souligné que l’amendement adopté par l’Assemblée aurait pour effet « de créer une asymétrie entre les patients appelés pour le rendu de leurs résultats entre ceux convoqués pour une consultation avec un conseiller en génétique, qui anticiperont un diagnostic rassurant en labsence danomalie génétique, et ceux convoqués pour une consultation avec un médecin généticien, qui sattendront demblée à un diagnostic problématique ».

● En séance publique, cet article n’a fait l’objet d’aucune modification.

 

 


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Article 24 (non modifié)
Garantie dune transmission sécurisée des résultats dexamens génétiques entre laboratoires

Adopté sans modification par la commission

    Résumé du dispositif initial

L’article 24 sécurise la transmission aux prescripteurs des résultats des examens des caractéristiques génétiques par les laboratoires qui les réalisent.

    Modifications apportées par l’Assemblée en 1ère lecture

L’Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

    Modifications apportées par le Sénat en 1ère lecture

Le Sénat a adopté un amendement rédactionnel.

    Position de la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

● L’article 24 permet la transmission directe des résultats d’examen des caractéristiques génétiques du laboratoire spécialisé qui a réalisé l’examen au médecin qui l’a prescrit, sans l’intermédiation du laboratoire qui a effectué le prélèvement.

Il procède pour cela à une réécriture intégrale de l’article L. 1131-1-3 du code de la santé publique et prévoit que, par dérogation au droit commun de la biologie médicale, la communication du résultat d’un examen des caractéristiques génétiques au prescripteur est faite directement par le laboratoire spécialisé autorisé par l’agence régionale de santé. Si un autre laboratoire de biologie médicale est intervenu pour transmettre l’échantillon, il est informé de la communication des résultats par le laboratoire autorisé.

L’article 24 étend par ailleurs ces principes à la transmission des résultats des examens de biologie médicale destinés à établir un diagnostic prénatal.

● L’Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

La commission spéciale du Sénat a adopté un amendement rédactionnel n° COM-213 de la rapporteure. En séance publique, cet article n’a fait l’objet d’aucune modification.

 

 


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Article 25
Aménagement, pour les patients concernés, dune passerelle
entre la génétique somatique et la génétique constitutionnelle

Adopté par la commission avec modifications

    Résumé du dispositif initial

L’article 25 a pour objet d’étendre aux examens des caractéristiques génétiques résultant d’altérations somatiques les garanties prévues par la loi en matière de diagnostic génétique constitutionnel, en particulier en ce qui concerne l’information préalable des personnes concernées et la prise en charge dans le cadre d’une consultation dédiée.

    Modifications apportées par l’Assemblée en 1ère lecture

En séance publique, l’Assemblée a adopté un amendement du rapporteur clarifiant la définition de la notion de « caractéristiques génétiques somatiques ».

Elle a également adopté deux amendements identiques visant à préciser que le dispositif d’encadrement des examens des caractéristiques génétiques s’envisage dans l’intérêt non seulement des patients mais également de leur parentèle.

    Modifications apportées par le Sénat en 1ère lecture

Le Sénat a adopté un amendement visant à préciser que les examens de génétique somatique consistent à rechercher « en première intention » des caractéristiques génétiques ni héritées ni transmissibles.

Il a également adopté un amendement supprimant la précision apportée par l’Assemblée nationale selon laquelle les examens de génétique somatique ne sont réalisés qu’à partir de cellules autres que les cellules germinales.

    Position de la commission

À l’initiative du rapporteur, la commission a précisé la définition de la génétique somatique (amendement n° 1767).

● L’examen des caractéristiques génétiques constitutionnelles, c’est-à-dire héritées ou acquises à un stade précoce du développement prénatal, transmissibles à la descendance et qui peuvent concerner d’autres personnes au sein de la parentèle, est aujourd’hui rigoureusement encadrée par le code civil, et notamment par ses articles 16-10 à 16-13. Ainsi :

– l’article 16-10 dispose que « lexamen des caractéristiques génétiques dune personne ne peut être entrepris quà des fins médicales ou de recherche scientifique. Le consentement exprès de la personne doit être recueilli par écrit préalablement à la réalisation de lexamen, après quelle a été dûment informée de sa nature et de sa finalité. Le consentement […] est révocable sans forme et à tout moment » ;

– les articles 16-11 et 16-12 détaillent les conditions de l’identification d’une personne par ses empreintes génétiques ;

– l’article 16-13 ajoute que « nul ne peut faire lobjet de discriminations en raison de ses caractéristiques génétiques ».

Cependant, ces dispositions ne s’appliquent pas à la réalisation des examens des caractéristiques génétiques somatiques, qui ne sont ni héritées ni transmissibles, mais acquises par certaines cellules de l’organisme au cours de la vie. En effet, ces examens relèvent aujourd’hui du droit commun des examens de biologie médicale. Ces analyses d’altérations génétiques somatiques à partir de cellules issues de tissus tumoraux sont de plus en plus utilisées pour définir une prise en charge thérapeutique ciblée sur le profil génétique de certaines tumeurs.

Or, une analyse génétique somatique peut de facto apporter incidemment des informations relatives à la génétique constitutionnelle de la personne.

● L’article 25 du projet de loi vise à entourer des mêmes garanties les découvertes incidentes qui pourraient survenir en matière de génétique constitutionnelle lors d’un examen de génétique somatique.

Il insère à cet effet deux nouveaux articles dans le code de la santé publique.

Le nouvel article L. 1130-1 définit l’examen des caractéristiques génétiques constitutionnelles. Il précise que cet examen est soumis aux dispositions des articles 16-10 à 16-13 du code civil, mais aussi à celles des dispositions du code de la santé publique qui édictent les modalités de l’information de la personne concernée, de réalisation de l’examen et de conservation ou de transformation des éléments et produits du corps humain prélevés, ainsi qu’aux dispositions encadrant les recherches impliquant la personne humaine.

Le nouvel article L. 1130-2 prévoit que lorsque les résultats des analyses génétiques somatiques sont susceptibles de révéler des caractéristiques génétiques constitutionnelles ou rendent nécessaires un examen de ces caractéristiques, la personne concernée doit être invitée à se rendre chez un médecin qualifié en génétique afin d’être prise en charge dans les conditions fixées par le code de la santé publique pour les examens des caractéristiques génétiques. Le nouvel article L. 1130-2 prévoit également que la personne doit être informée de la possibilité de cette orientation préalablement à la réalisation de l’analyse génétique somatique.

Un décret en Conseil d’État devra préciser les modalités d’application de cet article, et notamment les conditions dans lesquelles pourront être prescrits les examens des caractéristiques génétiques somatiques.

1.   Les modifications apportées par l’Assemblée nationale en première lecture

● En séance publique, l’Assemblée nationale a adopté un amendement n° 2061 du rapporteur – avec l’avis favorable du Gouvernement – clarifiant la définition de la notion de « caractéristiques génétiques somatiques » qui n’apparaît pas en tant que telle dans la rédaction initiale de l’article 25, mais seulement de manière allusive et imparfaite à travers la référence à des « caractéristiques génétiques acquises ultérieurement ». Le texte adopté par l’Assemblée définit ainsi l’examen des caractéristiques génétiques somatiques comme « lanalyse des caractéristiques génétiques qui ne sont ni héritées ni transmissibles, à partir de cellules autres que les cellules germinales ». L’Assemblée a parallèlement adopté un amendement de cohérence découlant de cette nouvelle définition.

● Elle a également adopté deux amendements identiques n° 2193 du Gouvernement et n° 2335 de M. Marilossian (LaREM) précisant que le dispositif d’encadrement des examens des caractéristiques génétiques s’envisage dans l’intérêt non seulement des patients mais aussi de leur parentèle.

2.   Les modifications apportées par le Sénat en première lecture

● La commission spéciale a adopté, outre un amendement rédactionnel, deux amendements de la rapporteure :

– l’amendement n° COM-214 précise que les examens de génétique somatique consistent à « rechercher en première intention » des caractéristiques génétiques ni héritées ni transmissibles ;

– l’amendement n° COM-215 supprime la précision selon laquelle les examens de génétique somatique ne sont réalisés qu’à partir de cellules autres que les cellules germinales. La rapporteure a en effet souligné que « certaines tumeurs germinales peuvent résulter daltérations de ces cellules à partir desquelles un examen des caractéristiques génétiques somatiques pourra, à titre exceptionnel, être envisagé ».

● En séance publique, cet article n’a fait l’objet d’aucune modification.

 

 


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Article 26
Sécurisation de lutilisation du microbiote fécal

Adopté par la commission avec modifications

    Résumé du dispositif initial

L’article 26 a pour objet de créer un cadre juridique spécifique au recueil des selles destinées à la préparation du microbiote fécal utilisé à des fins thérapeutiques, qui est un médicament, mais également d’encadrer les étapes de collecte, contrôle, de conservation, de transport ainsi que les modalités de traçabilité des selles collectées.

La collecte de selles d’origine humaine doit être déclarée auprès de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Les activités de collecte, de contrôle, de conservation et de transport doivent être réalisées en conformité avec des règles de bonnes pratiques. L’ASNM dispose du pouvoir de suspendre ou d’interdire les activités susmentionnées en cas de méconnaissance des dispositions établies ou en cas de risque pour la santé publique.

L’article 26 élargit également la liste des produits à finalité sanitaire entrant dans le champ de compétence de l’ANSM afin d’y inclure les selles collectées destinées à la fabrication d’un médicament.

    Modifications apportées par l’Assemblée en 1ère lecture

L’Assemblée a procédé à diverses modifications rédactionnelles et a renforcé le contrôle de la collecte par l’ANSM en instaurant un régime d’autorisation en lieu et place de la déclaration.

    Modifications apportées par le Sénat en 1ère lecture

Le Sénat a précisé certaines garanties dont doit être entourées la transplantation de microbiote fécal et a adopté le principe d’un défraiement du donneur.

    Position de la commission

À l’initiative du rapporteur, la commission a supprimé la notion d’indemnisation introduite par le Sénat (amendement n° 1768).

Afin de rééquilibrer la flore intestinale altérée d’un patient, il peut être procédé à une transplantation du microbiote fécal. L’article 26 a pour objet :

– de créer un cadre juridique spécifique au recueil des selles destinées à la préparation du microbiote fécal utilisé à des fins thérapeutiques. La collecte fera ainsi l’objet d’une déclaration auprès de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) ;

– d’encadrer les étapes de collecte, contrôle, de conservation, de transport ainsi que les modalités de traçabilité des selles collectées avec la mise en place de recommandations de bonnes pratiques.

L’article 26 donne en outre compétence à l’ANSM pour suspendre ou interdire les activités précitées en cas de méconnaissance des dispositions établies ou en cas de risque pour la santé publique.

Enfin, il élargit la liste des produits à finalité sanitaire entrant dans le champ de compétence de l’ANSM afin d’y inclure les selles collectées destinées à la fabrication d’un médicament.

1.   Les modifications adoptées par l’Assemblée nationale en première lecture

● Outre des amendements rédactionnels, la commission a adopté l’amendement n° 2262 du rapporteur visant à soumettre à autorisation les activités de collecte de selles en lieu et place d’une simple déclaration à l’ANSM. Cette évolution est principalement motivée par les risques encourus par les patients au regard de la mise en œuvre des traitements.

● En séance publique, l’article 26 a fait l’objet de quatre amendements rédactionnels. L’Assemblée a par ailleurs adopté deux amendements du rapporteur :

– l’amendement n° 2181 prévoit que les règles de bonnes pratiques relatives à la collecte, au contrôle, à la conservation, à la traçabilité et au transport des selles destinées à la fabrication du microbiote fécal sont également applicables dans le cadre des recherches impliquant la personne humaine ;

– l’amendement n° 2182 prévoit que l’importation de selles destinées à la préparation de microbiote fécal sera soumise à l’autorisation de l’ANSM, par cohérence avec la modification intervenue en commission.

2.   Les modifications adoptées par le Sénat en première lecture

● À l’initiative de son rapporteur, la commission spéciale a adopté l’amendement n° COM-217 disposant que « la transplantation de microbiote fécal seffectue dans lintérêt du receveur et est soumise aux principes éthiques du bénévolat et de lanonymat du don ». L’amendement prévoit que « les règles danonymat du don ne sont pas applicables lorsque le don est intrafamilial ».

● Outre un amendement rédactionnel, le Sénat a adopté, en séance publique, l’amendement n° 22 rectifié de Mme Darcos, qui vise à préciser que le donneur peut être défrayé pour les dépenses qu’il expose au titre de sa participation aux opérations de collecte, tant au stade des essais cliniques qu’en vue d’une utilisation des selles à des fins thérapeutiques.

 


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Titre VI

Assurer une gouvernance bioéthique adaptée
au rythme des avancées rapides des sciences
et des techniques

Article 29 A (suppression maintenue)
Création de délégations parlementaires à la bioéthique

Suppression maintenue

    Résumé du dispositif (introduit par l’Assemblée en 1ère lecture)

L’article 29 A crée, dans chacune des deux assemblées, une délégation parlementaire à la bioéthique.

    Principales modifications adoptées par le Sénat en 1ère lecture

Le Sénat a supprimé cet article.

    Position de la commission

La commission a maintenu la suppression de cet article.

En première lecture à l’Assemblée nationale, la commission spéciale a adopté, à l’initiative de la rapporteure Mme Romeiro Dias, et de M. Hetzel (LR), un nouvel article 29 A qui crée une délégation parlementaire à la bioéthique au sein de chacune des deux assemblées (amendements n° 2432 et 1116).

En séance publique, l’Assemblée a adopté, contre l’avis de la commission spéciale et avec un avis de sagesse du Gouvernement, l’amendement n° 1785, proposé par Mmes Ménard et Thill (non inscrites), qui prévoit que cette délégation parlementaire comprendra deux membres n’appartenant à aucun groupe politique.

En première lecture au Sénat, la commission spéciale a adopté deux amendements identiques de la rapporteure Mme Jourda (n° COM-244) et du groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste (n° COM-18) pour supprimer l’article 29 A. Elle a en effet considéré que « lOffice parlementaire dévaluation des choix scientifiques et technologiques et les commissions permanentes remplissaient déjà pleinement la mission » de suivi des lois en matière de bioéthique. La rapporteure a en outre souligné que « la création dune délégation relevant du règlement de chaque assemblée, il est tout à fait loisible à lAssemblée nationale de créer sa propre délégation à la bioéthique sans quune disposition spécifique soit votée dans le présent projet de loi, qui aurait pour seul effet dimposer cette création au Sénat ».

 


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Article 29
Élargissement des missions du Comité consultatif national déthique des sciences de la vie et de la santé

Adopté par la commission avec modifications

    Résumé du dispositif initial

L’article 29 étend le champ des avis que peut rendre le Comité consultatif national d’éthique (CCNE), lui confie l’organisation de débats publics réguliers sur la bioéthique en lien avec les espaces de réflexion éthique régionaux et simplifie son organisation.

    Principales modifications adoptées par l’Assemblée en première lecture

L’Assemblée a précisé que les modalités de désignation fixées par décret en Conseil d’État ne concernent pas les parlementaires membres du CCNE et que le député et le sénateur siégeant en son sein sont issus, l’un de la majorité, l’autre de l’opposition.

    Principales modifications adoptées par le Sénat en première lecture

Le Sénat a supprimé la précision relative à l’appartenance à la majorité ou à l’opposition du député et du sénateur.

    Position de la commission

La commission a modifié la composition du CCNE pour y inclure six représentants d’associations de malades et d’usagers du système de santé, d’associations de personnes handicapées, d’associations familiales et d’associations œuvrant dans le domaine de la protection des droits des personnes (amendement n° 645 de Mme Faucillon).

L’article 29 élargit les missions du Comité consultatif national d’éthique des sciences de la vie et de la santé (CCNE) en étendant le champ de ses avis et en lui confiant l’organisation de débats publics réguliers sur les questions soulevées par la bioéthique en lien avec les espaces de réflexion éthique régionaux. Il réforme par ailleurs son organisation en modifiant ses modalités de constitution et en harmonisant la durée du mandat de ses membres.

1.   Les modifications adoptées par l’Assemblée nationale en première lecture

Alors qu’aucun amendement n’avait été adopté par la commission spéciale, l’Assemblée nationale a adopté, en séance publique, contre l’avis de la commission spéciale et avec un avis de sagesse du Gouvernement, l’amendement n° 2337 de M. Freschi (LaREM) pour prévoir que le député et le sénateur siégeant au sein du CCNE sont issus l’un, de la majorité et l’autre, de l’opposition.

L’Assemblée nationale a également adopté, à l’initiative de la rapporteure :

– un amendement n° 2309 de coordination avec la création des délégations parlementaires à la bioéthique, qui prévoit que seront désormais consultées, par le CCNE, avant l’organisation des états généraux de la bioéthique, les délégations à la bioéthique et non plus les commissions chargées des affaires sociales et l’OPECST ;

– un amendement n° 2270 qui précise que les modalités de désignation fixées par décret en Conseil d’État ne concernent pas les parlementaires membres du CCNE, les règles générales de désignation des parlementaires membres d’organismes extra-parlementaires étant fixées par la loi n° 2018-699 du 3 août 2018 ;

– deux amendements rédactionnels.

2.   Les modifications apportées par le Sénat en première lecture

Au Sénat, la commission spéciale a adopté deux amendements identiques de la rapporteure Mme Imbert (n° COM-218) et du groupe socialiste et républicain (n° COM-61) pour supprimer la précision, introduite par l’Assemblée nationale, relative à l’appartenance à la majorité ou à l’opposition du député et du sénateur.

La commission a également adopté, à l’initiative de la rapporteure, l’amendement n° COM-229 de coordination avec la suppression des délégations parlementaires à la bioéthique.

Aucune modification n’a été apportée en séance publique.

 

 


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Article 30
Évolution des compétences et de la composition des organes
de lAgence de la biomédecine

Adopté par la commission avec modifications

    Résumé du dispositif initial

L’article 30 prévoit une évolution des missions de l’Agence de la biomédecine ainsi que de la composition de ses conseils d’administration et d’orientation.

    Principales modifications adoptées par l’Assemblée en 1ère lecture

L’Assemblée a rétabli la compétence de l’Agence en matière de nanobiotechnologies et lui a confié la mission d’élaborer des règles d’attribution des gamètes et des embryons.

    Principales modifications adoptées par le Sénat en 1ère lecture

Le Sénat a rétabli la mission de l’Agence dans l’élaboration d’un référentiel permettant d’évaluer la qualité des tests génétiques en accès libre, a restauré le principe d’équilibre au sein de son conseil d’administration et a précisé que son rapport annuel comporte une analyse des décisions d’opposition à certains protocoles de recherche sur les cellules souches ainsi qu’« une évaluation » des modifications législatives et réglementaires qui pourraient être envisagées dans les domaines relevant de sa compétence.

    Position de la commission

À l’initiative de la rapporteure, la commission a supprimé la mission de l’Agence dans l’élaboration d’un référentiel permettant d’évaluer la qualité des tests génétiques en accès libre, par cohérence avec la suppression de l’article 10 bis votée par le Sénat en séance publique (amendement n° 1474). Elle a également, sur proposition de la rapporteure, supprimé les ajouts du Sénat relatifs au contenu de son rapport annuel (amendement n° 1477), rétabli les dispositions relatives à la composition de son conseil d’administration (amendement n° 1476) et corrigé les coordinations rédactionnelles faites par le Sénat (amendement n° 1475). Elle a enfin rétabli la mission d’information de l’Agence en matière de neurosciences (amendement n  1283 de Mme Ménard).

L’article 30 confie de nouvelles compétences à l’Agence de la biomédecine en matière de :

– gestion des traitements de données relatifs aux tiers donneurs dans le cadre du droit des enfants conçus par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur d’accéder à leurs origines reconnu par l’article 3 du projet de loi ;

– mise en œuvre d’un suivi de l’état de santé des donneurs de cellules souches hématopoïétiques ;

– réception des déclarations de protocoles de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines et sur les cellules souches pluripotentes induites.

Ce même article supprime par ailleurs certaines de ses missions relatives au suivi des activités liées aux nanobiotechnologies, à l’élaboration d’un référentiel permettant d’évaluer la qualité des tests génétiques en accès libre et à l’information du Parlement et du Gouvernement sur le développement des neurosciences.

Il revoit enfin la composition de ses organes de gouvernance afin, d’une part, de permettre la représentation d’autres associations que celles d’usagers du système de santé comme les associations de promotion du don et de donneurs et, d’autre part, de supprimer, au sein de son conseil d’administration, la parité entre les représentants institutionnels et non institutionnels et, au sein de son conseil d’orientation, la représentation à parts égales entre les représentants institutionnels, les experts scientifiques, les personnalités qualifiées et les représentants d’associations.

1.   Les modifications adoptées par l’Assemblée nationale en première lecture

À l’initiative de la rapporteure (amendement n° 2433) et de M. Raphan et de plusieurs de ses collègues du groupe LaREM (amendement n° 1622), la commission spéciale a rétabli la compétence de l’Agence de la biomédecine en matière de nanobiotechnologies.

En séance publique, outre deux amendements rédactionnels, l’Assemblée nationale a adopté, sur la proposition de la rapporteure, l’amendement n° 2308 pour préciser que l’Agence de la biomédecine élabore des règles d’attribution des gamètes et des embryons afin de participer à l’objectif d’harmonisation des pratiques des Centres d’études et de conservation des œufs et du sperme.

2.   Les modifications apportées par le Sénat en première lecture

La commission spéciale du Sénat a procédé à plusieurs modifications de l’article 30 en adoptant :

– deux amendements identiques de la rapporteure Mme Imbert (n° COM-219) et du groupe socialiste et républicain (n° COM-78) pour rétablir la mission de l’Agence de la biomédecine dans l’élaboration d’un référentiel permettant d’évaluer la qualité des tests génétiques en accès libre, par coordination avec l’article 10 bis introduit par la commission spéciale afin d’autoriser et d’encadrer le recours aux tests génétiques à visée généalogique ;

– l’amendement n° COM-222 de la rapporteure rétablissant le principe de parité, au sein du conseil d’administration de l’Agence, entre le collège des représentants de l’État et des institutions et le collège des personnalités qualifiées, des représentants d’associations et des représentants du personnel ;

– l’amendement n° COM-221 de la rapporteure pour préciser que le rapport annuel de l’Agence comporte une analyse des décisions d’opposition à certains protocoles de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines et les cellules souches pluripotentes induites, par coordination avec les dispositions adoptées aux articles 14 et 15 ;

– l’amendement n° COM-81 du groupe socialiste et républicain pour indiquer que le rapport annuel de l’Agence comporte « une évaluation » des modifications législatives et réglementaires qui pourraient être envisagées dans les domaines relevant de sa compétence, afin de tenir compte de l’évolution des connaissances et des techniques, ainsi que la liste des demandes d’autorisation relevant de sa compétence et susceptibles de justifier une adaptation du cadre juridique en vigueur ;

– l’amendement n° COM-220 de la rapporteure procédant à diverses coordinations et corrections rédactionnelles.

En séance publique, le Sénat n’a adopté, à l’initiative de la rapporteure, qu’un amendement de portée rédactionnelle.

 

 


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Titre VII

Dispositions finales

Article 31
Habilitations à légiférer par voie dordonnance

Adopté par la commission avec modifications

    Résumé du dispositif initial

L’article 31 vise à permettre au Gouvernement, grâce à quatre habilitations distinctes, de prendre par ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi afin :

– d’adapter, pour Saint-Pierre-et-Miquelon, Mayotte, Wallis-et-Futuna, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, les dispositions de la présente loi relative à la bioéthique ainsi que celles des ordonnances destinées à mettre en conformité le code de la santé publique avec plusieurs règlements européens ;

– de modifier le code de la santé publique en vue de l’entrée en application des règlements européens relatifs aux dispositifs médicaux et aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro ;

– de mettre en cohérence la législation en matière de médicaments avec le règlement européen sur les médicaments de thérapie innovante ;

– d’assurer la cohérence des textes issus de la présente loi.

    Principales modifications adoptées par l’Assemblée en 1ère lecture

L’Assemblée nationale a adopté un amendement rédactionnel.

    Principales modifications adoptées par le Sénat en 1ère lecture

Le Sénat a supprimé l’habilitation à légiférer par ordonnance sur les investigations cliniques dans le domaine des dispositifs médicaux.

    Position de la commission

À l’initiative de la rapporteure, la commission a rétabli l’habilitation supprimée par le Sénat (amendement n° 1478).

En première lecture, l’Assemblée nationale n’a adopté, sur la proposition de la rapporteure, qu’un amendement de nature rédactionnelle.

Au Sénat, la commission spéciale a adopté l’amendement n° COM-231 du rapporteur M. Henno pour supprimer l’habilitation à légiférer par ordonnance sur les investigations cliniques dans le domaine des dispositifs médicaux compte tenu « des enjeux attachés à ce sujet sur le plan de la sécurité sanitaire » et du fait que ce sujet « qui nécessitera une modification de la loi Jardé, mérite dêtre débattu au sein du Parlement » ([111]).

 

 


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Article 32 (non modifié)
Réexamen de la loi

Adopté sans modification par la commission

    Résumé du dispositif initial

L’article 32 prévoit une clause de réexamen de la loi qui sera issue du présent projet dans un délai maximal de sept ans.

    Principales modifications adoptées par l’Assemblée en 1ère lecture

L’Assemblée nationale a ramené ce délai de sept à cinq ans.

    Principales modifications adoptées par le Sénat en 1ère lecture

Le Sénat a procédé à des modifications de nature rédactionnelle.

    Position de la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

1.   Les modifications adoptées par l’Assemblée nationale en première lecture

Alors que la commission spéciale n’avait pas modifié l’article 32, l’Assemblée nationale a adopté, en séance publique, deux amendements identiques de la rapporteure (n° 2307) et de M. Touraine et de plusieurs de ses collègues du groupe LaREM (n° 1599) pour ramener le délai entre deux examens d’ensemble de la loi de bioéthique de sept à cinq ans.

Par cohérence, l’Assemblée a également adopté deux amendements identiques présentés par la rapporteure (n° 2615) et M. Touraine et plusieurs de ses collègues du groupe LaREM (n° 2617) pour ramener le délai d’évaluation par l’OPECST de la loi bioéthique de six à quatre ans.

Il s’agit ainsi de permettre un réexamen de la loi de bioéthique plus fréquent et mieux adapté à la célérité des évolutions technologiques.

2.   Les modifications apportées par le Sénat en première lecture

La commission spéciale n’a adopté qu’un amendement de la rapporteure Mme Jourda, de nature purement rédactionnelle.

Aucune modification n’a été apportée en séance publique.

 

 


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Article 33
Rapport au Parlement présentant létat des stocks des gamètes en France et les conditions de recours à ces derniers

Rétabli par la commission

    Résumé du dispositif (introduit par l’Assemblée en 1ère lecture)

L’article 33 prévoit la remise d’un rapport au Parlement sur l’état des stocks de gamètes en France et les conditions de recours à ces gamètes.

    Principales modifications adoptées par le Sénat en 1ère lecture

Le Sénat a supprimé cet article.

    Position de la commission

À l’initiative de la rapporteure, la commission a rétabli cet article dans la rédaction adoptée par l’Assemblée en première lecture (amendement n° 1479).

L’article 33 est issu de l’adoption par l’Assemblée nationale, suivant l’avis favorable de la commission spéciale et l’avis de sagesse du Gouvernement, de l’amendement n° 1037 de M. Minot et de plusieurs de ses collègues du groupe Les Républicains. Il prévoit la remise, dans un délai de deux ans, d’un rapport au Parlement « présentant létat des stocks des gamètes et France et les conditions des recours à ces dernières ».

Considérant que l’Agence de la biomédecine remet chaque année au Parlement les données relatives à l’assistance médicale à la procréation et au don de gamètes, la commission spéciale du Sénat a supprimé cet article, sur la proposition de la rapporteure Mme Imbert (amendement n° COM-156).

 

 


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Article 34
Rapport au Parlement sur lapplication des dispositions encadrant lentretien avec les proches en matière de prélèvements dorganes et de tissus

Rétabli par la commission

    Résumé du dispositif (introduit par l’Assemblée en 1ère lecture)

L’article 34 prévoit la remise d’un rapport au Parlement sur l’application des dispositions encadrant l’entretien avec les proches en matière de prélèvement d’organes et de tissus.

    Principales modifications adoptées par le Sénat en 1ère lecture

Le Sénat a supprimé cet article.

    Position de la commission

À l’initiative de la rapporteure, la commission a rétabli cet article dans la rédaction adoptée par l’Assemblée en première lecture (amendement n° 1480).

L’article 34 est issu de l’adoption, par l’Assemblée nationale, suivant les avis favorables du Gouvernement et de la rapporteure mais contre l’avis de la commission spéciale, de l’amendement n° 1593 de M. Touraine et de plusieurs de ses collègues (LaREM).

Il vise à évaluer la mise en œuvre de l’arrêté du 16 août 2016 portant homologation des règles de bonnes pratiques relatives à l’entretien avec les proches en matière de prélèvement d’organes et de tissus. Il prévoit à cet effet la remise d’un rapport au Parlement, dans un délai d’un an suivant la promulgation de la loi, afin d’apprécier l’organisation des prélèvements au sein des établissements.

Partant du constat que l’application du plan 2017-2021 pour la transplantation d’organes ne permettra pas d’atteindre l’objectif de 7 800 greffes, l’auteur de l’amendement a en effet considéré qu’un rapport permettrait d’améliorer le taux de prélèvement et de « nourrir les réflexions autour de lélaboration dun nouveau plan pour les greffes, applicable à partir de 2021 ».

Considérant que cette évaluation relève déjà de la compétence de l’Agence de la biomédecine, la commission spéciale du Sénat a supprimé cet article, sur la proposition de son rapporteur M. Henno, (amendement n° COM-230).

 

 


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   travaux de la commission spéciale

I.   discussion générale

Lors de sa réunion du lundi 29 juin 2020, la commission spéciale commence lexamen, en deuxième lecture, du projet de loi, modifié par le Sénat, relatif à la bioéthique (n° 2658). Elle procède en premier lieu à la discussion générale ([112]).

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur du chapitre Ier du titre Ier, sauf larticle 1er A. Nous reprenons, pour une deuxième lecture, ce texte de progrès, que beaucoup d’entre nous sont fiers de porter. Entre autres avancées importantes, il ouvre l’accès à l’assistance médicale à la procréation (AMP) à des couples de femmes et à des femmes seules, sans retirer aucun droit à personne. Je me réjouis de constater que nous partageons avec le Sénat certains points de convergence qui étaient encore inimaginables il y a peu. Le texte issu du Sénat conserve en effet l’ouverture de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules, ce qui témoigne d’un certain degré de consensus social sur ce sujet.

Sur plusieurs points néanmoins, il nous faudra réaffirmer les choix faits par notre assemblée en première lecture. Je pense d’abord à la prise en charge de l’ensemble des actes d’AMP par l’assurance maladie, pour toutes les personnes qui y ont accès. Il s’agit d’une question d’égalité et de non-discrimination. Le critère de fertilité ne peut naturellement pas commander ce remboursement, alors même qu’il ne recouvrait pas, depuis longtemps, l’ensemble des recours à l’AMP par des couples de sexe différent.

Dans le même esprit, nous devrons rétablir l’accès de l’ensemble des personnes susceptibles de s’engager dans un parcours d’AMP au double don de gamètes. L’interdiction de ce double don priverait nécessairement les femmes non mariées ou en couple homosexuel qui souffrent d’infertilité d’accéder à la maternité. Là encore, nous devrons chasser la discrimination.

L’évaluation psychologique ou sociale, particulièrement stigmatisante pour les femmes souhaitant bénéficier d’une AMP, devra être retirée. Il y va de la dignité des femmes.

Il nous incombera aussi de rétablir l’article 2, qui permet une autoconservation des gamètes, donc une certaine liberté pour les femmes choisissant leur moment et leurs modalités de procréation. De façon regrettable, le Sénat avait supprimé cette autoconservation.

Sur tous ces sujets, j’encouragerai un retour à la rédaction adoptée en première lecture. Le texte doit toutefois faire encore l’objet d’évolutions au cours de cette deuxième lecture, dans la perspective d’un processus plus humain, plus ouvert, plus inclusif. Nous serions dans l’erreur si nous ne prenions pas davantage en compte les demandes de la société et celles des personnes pour qui les parcours d’AMP sont souvent semés d’embûches.

Je souhaite que nous ayons à nouveau un débat sur l’AMP « de volonté survivante », concernant les femmes qui, après avoir perdu leur conjoint ou leur conjointe, souhaitent néanmoins poursuivre leur projet parental. Il ne me semble pas raisonnable d’ajouter à la douleur du deuil que vivent ces femmes celle de renoncer aux gamètes de leur conjoint, alors que l’AMP est désormais ouverte aux femmes seules. Le Conseil d’État nous y incite fortement, de même que le respect de l’autonomie des femmes.

Dans un domaine comparable, les personnes transgenres susceptibles de porter un enfant devraient entrer dans le champ des personnes susceptibles d’avoir recours à l’AMP. Les amendements qui visaient à supprimer cette discrimination ont curieusement été jugés irrecevables. Je le regrette profondément, en rappelant les présentations justes, élégantes et généreuses de notre collègue Raphaël Gérard lors de l’examen en première lecture.

Je défendrai enfin l’extension aux établissements privés, sous certaines conditions, des activités de prélèvement, de recueil, de conservation et de don de gamètes. Il existe aujourd’hui des carences importantes dans le maillage territorial et des délais insupportables dans certaines zones, qui sont à l’origine de discriminations injustifiées. Nous devons les corriger, du moins dans les territoires ultramarins et certaines zones de métropole, en ouvrant ces activités à davantage d’établissements.

Il nous faut progresser encore davantage dans la direction de l’humanisme, de la justice, de l’égal accès à la parentalité. Vous le voyez, très loin d’être une quête d’un faux droit à l’enfant, il s’agit de lutter contre les discriminations et d’établir un droit complémentaire des enfants, y compris celui de pouvoir naître dans des familles diverses mais qui ont toutes beaucoup d’amour à leur donner.

Mme Coralie Dubost, rapporteure de larticle 1er A et du chapitre II du titre Ier. Le texte contient des engagements importants, que nous devons concrétiser collectivement, aussi rapidement que possible. J’espère que le Sénat fera de même.

Ce projet de loi est attendu par un grand nombre denfants et dadultes, qui combattent pour la reconnaissance et laccès à leur histoire, à leurs origines. Il est aussi attendu par un grand nombre de femmes qui luttent, parfois depuis des années, pour leurs projets parentaux. Nous leur devons une réponse, de manière claire et urgente. Nous devons ouvrir la procréation médicalement assistée (PMA) pour toutes, établir le socle juridique de leur filiation avec leur enfant et garantir aux personnes nées par don un accès à leurs origines personnelles, pour leur dignité.

S’agissant des articles 3 et 4, ainsi que, désormais, des articles 1er A et 4 bis, dont je suis rapporteure, le Sénat a apporté des modifications substantielles.

Je proposerai évidemment la suppression de larticle 1er A, introduit pour affirmer dans le code civil que « nul na de droit à lenfant ». Cette affirmation, qui repose sur un concept juridique inexistant, est dépourvue de portée juridique. Néanmoins, elle risquerait dêtre source dune insécurité juridique. On peut se demander si un tel interdit, de portée très générale, ne remettrait pas en cause lassistance médicale à la procréation elle-même ou certaines de ses modalités. Linterdiction ainsi posée pourrait entrer en contradiction avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de lhomme sur le respect de la vie privée et familiale. À lheure où nous le renforçons, il serait dommage de lui porter atteinte dans le même temps. Je veux aussi affirmer que ce texte na jamais ni évoqué ni sous-entendu de droit à lenfant. Il ny a rien de tel dans le code civil. Cette affirmation a contrario, portée par le Sénat, qui est de nature strictement politique, vise à stigmatiser le recours à lAMP, dune manière totalement abstraite. Ladopter nuirait au principe et à la volonté de ce projet, qui veut le meilleur pour les familles et pour les enfants. Jespère que nous nous entendrons tous sur ce point.

Pour ce qui concerne l’article 3, relatif au droit d’une personne conçue dans le cadre d’une AMP par recours à un tiers donneur d’accéder à ses origines, le Sénat a procédé à trois modifications majeures.

Il a d’abord prévu le principe de double consentement du donneur : avant son don pour l’accès à ses données non identifiantes, et lors de la demande de l’enfant issu du don pour l’accès à son identité. Je vous proposerai de revenir sur ce point. Un consentement irrévocable du donneur, préalablement au don, à communiquer ses données non identifiantes et son identité est une condition essentielle, de nature à sécuriser l’enfant. Celui-ci saura qu’il pourra, à sa majorité, s’il le souhaite, connaître les données personnelles du donneur.

Ce sera aussi une sécurité pour les parents, qui, nous l’espérons pour les générations à venir, accompagneront l’enfant dans cette démarche. Outre le fait qu’il permet de garantir à l’enfant l’accès à ses origines personnelles, cette solution couvre l’hypothèse d’un décès du donneur, qui ne fait pas obstacle à la communication de son identité à la personne née de son don. L’accord du donneur à cette communication dans un mouvement de double consentement pourrait y porter atteinte.

Le Sénat a aussi supprimé la commission daccès aux données non identifiantes et à lidentité du tiers donneur, pour confier lensemble de ses missions au Conseil national pour laccès aux origines personnelles (CNAOP) au sein duquel serait constituée une formation spécifique. Là encore, je proposerai de revenir sur cette modification en rétablissant la commission ad hoc dont la création, plutôt que le recours au CNAOP, a été justifiée dès la première lecture par la différence de situation juridique et psychologique entre les enfants qui sont issus dun don de gamètes et ceux qui ont été confiés à leur naissance. Il convient de ne pas instaurer de parallélisme entre la situation de ces enfants, au risque de fragiliser les procédures dAMP avec tiers donneur et daccouchement dans le secret.

La troisième modification proposée par le Sénat consiste à confier à l’organisme chargé de l’accès aux origines personnelles des enfants conçus par AMP avec tiers donneur la mission de contacter les anciens donneurs en cas de demande d’accès provenant de personnes nées de don sous l’actuel régime de l’anonymat total, et de les interroger sur leur volonté ou non de communiquer leurs informations personnelles sans attendre qu’ils se manifestent spontanément. Je vous propose de conserver cette proposition, qui s’inscrit dans la logique d’un accès facilité des personnes issues de don à leurs origines. Au moment où nous créons l’accès aux origines personnelles, il est bon de donner à ce droit la force d’une unité et d’une cohérence, quelle que soit l’année de la naissance.

Enfin, je présenterai un amendement à l’article 3, qui prévoit le recueil par le médecin du centre d’étude et de conservation des œufs et du sperme humains (CECOS) de l’identité de la personne ou du couple receveur, ainsi que la transmission et la conservation de ces données dans le registre placé sous la responsabilité de l’Agence de la biomédecine (ABM) afin de nous assurer de l’effet de la réforme, conformément au souhait que vous aviez évoqué lors des débats en première lecture.

Quant à l’article 4, relatif à la filiation des enfants nés d’un couple de femmes ou d’une femme non mariée par recours à l’AMP avec tiers donneur, le Sénat est revenu sur la quasi-totalité du dispositif, notamment sur le principe d’une filiation établie sur le fondement de la volonté exprimée par les deux mères, en consacrant le principe selon lequel la mère est la femme qui accouche et en établissant la filiation de l’autre femme par une procédure d’adoption accélérée. Cela n’est pas acceptable. Aussi, je vous propose de revenir à l’article 4, tel qu’adopté par l’Assemblée, en y apportant quelques modifications majeures, que je présenterai.

M. Hervé Saulignac, rapporteur sur le titre II. Malgré le contexte sanitaire, il était important que nous puissions poursuivre l’examen de ce texte à l’Assemblée, en espérant que les droits qu’il créera puissent devenir réalité dès 2021. Moins médiatisé que le titre Ier et l’ouverture de la PMA à toutes les femmes, le don d’organes n’en est pas moins un sujet majeur. Chaque année, les nouveaux patients en attente de greffe, inscrits sur le registre national, sont plus nombreux. Soixante ans après les premières transplantations d’organes, seuls 6 105 patients ont pu être greffés en 2017 quand plus de 28 000 personnes étaient en attente d’un organe, dont près de 19 000, d’un rein.

Le texte modifié par le Sénat est tout à fait satisfaisant sur plusieurs points, même si des désaccords subsistent. À ce stade, jinsisterai dabord sur les points positifs. Dans de nombreux articles, léquilibre trouvé au Sénat sinscrit dans le prolongement de celui que nous avions dessiné en première lecture. Le Sénat est allé plus loin que lAssemblée sur de nouveaux sujets, en adoptant deux articles additionnels importants, lun, qui étend le don du sang aux mineurs de 17 ans et à certains majeurs protégés, lautre, qui est relatif au don du corps à la science. Celui-ci, issu dun amendement gouvernemental, fait suite à un scandale macabre impliquant le centre du don des corps de luniversité Paris Descartes voilà quelques mois.

Pour ces deux articles 7 bis et 7 ter, je souhaite que cette deuxième lecture soit l’occasion d’aller plus loin encore dans l’affirmation de nos valeurs fondamentales.

S’agissant du don du sang, je souhaite que la pratique rejoigne enfin le droit pour ce qui concerne les discriminations faites aux hommes homosexuels. Je rappelle qu’en 2016, la loi a adopté un principe très clair selon lequel « nul ne peut être exclu du don de sang en raison de son orientation sexuelle ». Dans la pratique, chacun le sait, un délai d’abstinence spécifique demeure, qui est aujourd’hui de quatre mois alors qu’il s’établissait à un an jusqu’à avril 2020. Ce progrès n’empêche pas qu’une discrimination injustifiée subsiste. Le temps est venu de la faire cesser.

Comment expliquer qu’un homme en couple avec un autre homme depuis de nombreuses années n’ait pas le droit de donner son sang s’il a eu un rapport sexuel avec son conjoint dans les quatre derniers mois ? Le ministre des solidarités et de la santé, Olivier Véran, qui avait fait la même analyse il y a quelques années, notait que « l’erreur consiste à se limiter à la sexualité, alors même que c’est le comportement sexuel qui peut être à risque, quelle que soit l’orientation sexuelle par ailleurs. »

Certains argueront peut-être que cette précision relève du niveau réglementaire, d’autres que cet alignement finira par arriver un jour. Rien ne doit conduire le législateur à se censurer devant une discrimination si évidente. Si la sécurité des receveurs doit naturellement être la priorité – il ne peut y avoir de droit à donner son sang –, cette décision doit s’appuyer sur des principes et sur des faits scientifiques. Une note publiée en avril par Santé publique France a estimé que l’alignement des critères des donneurs homosexuels sur ceux des donneurs hétérosexuels comporterait un risque supplémentaire d’infection tout à fait marginal. Il correspondrait à plus de 3 000 donneurs supplémentaires. Il est donc temps de mettre fin à cette discrimination, en adoptant l’amendement à l’article 7 bis que je défendrai avec de nombreux collègues.

L’article 7 ter, issu d’un amendement du Gouvernement, comble un vide juridique inquiétant. Alors que la loi encadre strictement le don d’organes, elle ne dit rien sur le don du corps à la science. Le Gouvernement propose de mieux encadrer et de mieux surveiller les centres du don des corps rattachés aux universités de médecine. Cela est évidemment une bonne chose, mais il faut aller au-delà de simples ajustements administratifs. Aujourd’hui, le droit ne prévoit aucune disposition pour le devenir des corps et le respect qui leur est dû, alors même que, selon l’article 16-1-1 du code civil, « le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort. » En particulier, j’ai découvert lors de mes travaux que tous les centres n’acceptent pas de rendre les cendres du défunt à la famille. Je proposerai un amendement allant dans le sens d’une clarification.

De nouveaux débats nous attendent. Ceux que nous avons eus en première lecture ont été intenses et nourris. Je souhaite évidemment que nos travaux se poursuivent avec le même enthousiasme et le même respect.

M. Philippe Berta, rapporteur sur les titres III et IV. Je me félicite du retour de ce texte pour une deuxième lecture avant l’été, car nous avons pris d’importants engagements, que nous devons concrétiser collectivement, aussi rapidement qu’un travail législatif approfondi et sérieux le permet. Je continue à regretter l’amalgame temporel d’une éthique sociétale avec une éthique scientifique, qui exige une récurrence d’analyse bien plus courte.

Les titres III et IV ont trait, d’une part, à l’articulation entre nos principes éthiques et les progrès scientifiques et, d’autre part, aux recherches portant sur les embryons et les cellules souches.

S’agissant de la diffusion des progrès scientifiques dans le respect des principes éthiques, je ne reviendrai pas sur l’article 10 relatif aux tests génétiques, que je vous proposerai d’adopter conforme.

En revanche, je proposerai une nouvelle rédaction de l’article 11 relatif à l’utilisation de l’intelligence artificielle dans le domaine médical, afin non seulement de clarifier le périmètre du dispositif visé, à savoir les traitements algorithmiques dont l’apprentissage est réalisé à partir de données massives, mais aussi de maintenir l’obligation d’informer le patient avant l’utilisation d’un tel traitement dans le cadre de sa prise en charge médicale, ou encore de garantir que les résultats issus de ce dispositif seront validés par un professionnel de santé. Il s’agira également de prévoir la traçabilité des actions et données, pour éviter que le dispositif ne fonctionne comme une boîte noire.

Pour larticle 12 relatif à lenregistrement de lactivité cérébrale, je proposerai une rédaction de compromis, afin de dépasser les querelles sémantiques stériles.

Le titre IV comprend les articles 14 à 18, qui ont pour objet la réorganisation, la clarification et lamélioration de lencadrement législatif de différents types de recherches, notamment celles sur les gamètes ou les embryons, quelles soient conduites dans le cadre dun processus dassistance médicale à la procréation ou, hors AMP, sur des embryons nayant pas vocation à être implantés.

À ce sujet, je rappelle que toute création d’embryon à des fins de recherche est strictement interdite. Il s’agit d’un principe fondamental, inscrit dans la convention d’Oviedo sur les droits de l’homme et la biomédecine, que le projet de loi tend à clarifier et à solidifier. Les recherches sont donc conduites sur des embryons qui ont été conçus en vue d’une AMP mais qui ne font plus l’objet d’un projet parental. Le texte fixe une limite de conservation de ces embryons à quatorze jours, c’est-à-dire qu’il est mis fin à leur développement in vitro dans le cadre d’une recherche au plus tard le quatorzième jour après leur constitution.

Les recherches sur les cellules souches embryonnaires, qui ne sont pas des embryons et n’ont nullement vocation à le devenir, ne relèvent pas des mêmes enjeux éthiques. Quant aux cellules souches pluripotentes induites, dites cellules IPS, il s’agit de cellules adultes que l’on a reprogrammées génétiquement pour les rendre pluripotentes et non totipotentes, c’est-à-dire capables de se multiplier à l’infini et de se différencier dans différents types cellulaires. Elles composent un organisme adulte tout en étant incapables de redonner un individu.

Sur ces deux derniers types de recherches, les articles 14 et 15 prévoient un mode d’encadrement similaire, avec une déclaration à l’Agence de la biomédecine pour les recherches hautement sensibles. Je reviendrai sur certains ajustements introduits par le Sénat dans ces deux articles, qui tendent à déséquilibrer le dispositif et à imposer des limites inadéquates.

Ce n’est toutefois pas le cas pour l’article 16, qui prévoit les modalités de consentement quant au devenir des embryons et que je proposerai d’adopter conforme.

Enfin, le Sénat a décidé de supprimer l’article 17, qui modifie l’article L. 2151-2 du code de la santé publique et l’article 16-4 du code civil pour sécuriser les recherches effectuées dans un cadre in vitro, impliquant une modification ciblée du génome, redéfinir et interdire strictement la modification d’un embryon humain par adjonction de cellules provenant d’autres espèces et mettre fin aux restrictions de finalité de ces recherches portant sur les maladies. Par cette suppression, le Sénat a déséquilibré l’architecture de l’encadrement de ces différentes recherches. Je proposerai donc de rétablir l’article 17.

L’importance du titre IV tient à ce qu’il établit l’équilibre entre progrès de la science et respect de nos principes éthiques.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur sur le titre V. Certains des articles dont je suis rapporteur ont donné lieu à des débats passionnés au Sénat, comme cela avait été le cas à l’Assemblée. Sur de nombreux sujets d’une grande importance, je vous proposerai toutefois de revenir à la rédaction du texte issu de l’Assemblée. C’est notamment le cas pour ce qui concerne le dépistage néonatal.

Alors que nous avions fait le choix de maintenir le juste équilibre du droit existant, le Sénat l’a bouleversé, en introduisant un article 19 quater tendant à systématiser le dépistage de maladies à partir de tests exclusivement génétiques. Ceci n’est pas souhaitable.

Contre l’avis de sa commission, le Sénat a également adopté les articles 22 bis et 22 ter, qui ont pour point commun de ne reposer sur aucune indication thérapeutique validée, et d’ouvrir la porte à des pratiques commerciales extrêmement lucratives, fondées sur des illusions et rompant avec tout principe de solidarité, puisqu’elles ne seraient pas remboursées.

Larticle 22 bis propose ainsi de systématiser lautoconservation des cellules, en amont de certains traitements, ce qui, médicalement, pose problème. Pourtant, en létat actuel du droit, rien nempêche un établissement autorisé de prélever et de conserver les cellules dun patient, à partir desquelles il développera des médicaments de thérapie innovante. Toutefois, il faut que lintérêt de cette pratique ait été validé. La Société francophone de greffe de moelle et de thérapie cellulaire a dailleurs réaffirmé sa ferme opposition à larticle 22 bis, qui « introduirait une logique de commercialisation de produits de thérapie cellulaire ».

Pour ce qui concerne la conservation du sang de cordon, c’est encore pire. Des banques privées de sang de cordon existent déjà dans certains pays, tels le Royaume-Uni ou le Canada. Selon les pays, le coût d’une conservation de sang de cordon sur vingt ans varie de 1 000 à 3 500 euros. Aujourd’hui, aucune donnée scientifique ne montre qu’il est utile de conserver le sang de cordon de son enfant dans une perspective de médecine régénérative.

Mais quel parent qui aurait les moyens de payer ces sommes ne le ferait pas, si on lui faisait croire – alors même qu’aucune pathologie n’a été déterminée pour laquelle cette conservation serait utile – que cela pourra un jour sauver son enfant ? Pire encore, cela détournerait ces dons des banques publiques allogéniques, avec pour conséquence une diminution du nombre de greffons et de leur diversité pour les malades qui en ont vraiment besoin.

Ces trois articles additionnels ne s’inscrivent pas dans la philosophie humaniste et scientifique qui doit sous-tendre ce projet.

Sur d’autres sujets, j’espère que la deuxième lecture nous permettra d’améliorer encore le texte. C’est notamment le cas de l’article 21 bis relatif à la prise en charge des enfants présentant une variation du développement génital. Comme je m’y étais engagé lors de nos débats en première lecture, j’ai étudié ce sujet sensible dans le cadre de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST). J’ai auditionné des médecins spécialistes du sujet, des associations de patients et des juristes, ce qui m’a permis de voir comment l’article 21 bis pouvait être précisé et amélioré.

En particulier, une difficulté est liée à l’inscription du sexe à l’état-civil pour la prise en charge de ces enfants. Lors de la première lecture, en séance, nous avions principalement évoqué le délai de déclaration à l’état-civil, dont l’allongement peut faire peser une pression moindre pour l’assignation d’un sexe. Dans mes auditions, j’ai noté que le principal problème était la difficulté à rectifier éventuellement le sexe à la suite de la première déclaration. Je présenterai donc un amendement visant à répondre à ces deux questions.

Enfin, je me réjouis de la suppression par le Sénat de l’article 19 bis A, malencontreusement adopté par notre assemblée en première lecture. Cela ne réglera malheureusement pas les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre du double diagnostic préimplantatoire (DPI-HLA). J’ai donc déposé un amendement afin de rendre véritablement possible la pratique de cette technique, qui doit évidemment rester limitée à des situations exceptionnelles.

Sur ce sujet comme sur les autres, je ne doute pas que les débats que nous aurons seront aussi passionnés et passionnants qu’ils l’ont été en première lecture.

Mme Laëtitia Romeiro Dias, rapporteure des titres VI et VII. Le Sénat a apporté de nombreuses modifications aux articles 29 A à 34. Je ne détaillerai que les plus significatives.

Le Sénat a tout simplement supprimé l’article 29 A, qui crée la délégation parlementaire à la bioéthique. Convaincue, comme nombre d’entre vous, de l’intérêt de cette délégation, je vous en propose le rétablissement. La délégation permettra d’exercer une veille permanente, à même de conduire une réflexion continue sur les sujets liés à la bioéthique, de favoriser l’appropriation par les parlementaires de ces sujets complexes, d’accroître leur expertise en la matière, d’être saisie de projets ou de propositions de loi ayant un lien avec la bioéthique et d’assurer le suivi de l’application de la loi.

À l’article 30, relatif à l’Agence de la biomédecine, le Sénat a procédé à plusieurs modifications, parmi lesquelles l’introduction d’une logique de pondération au sein du conseil d’administration de l’Agence, entre le collège des représentants de l’État et des institutions et le collège des personnalités qualifiées, des représentants d’associations et des représentants du personnel. Il a également introduit dans le rapport annuel de l’Agence une analyse des décisions d’opposition à certains protocoles de recherche sur les cellules souches ainsi qu’une évaluation des modifications législatives et réglementaires qui pourraient être envisagées dans les domaines relevant de sa compétence.

Je vous proposerai de revenir sur ces modifications, d’une part, en rétablissant les dispositions relatives à la composition du conseil d’administration de l’Agence de la biomédecine dans la rédaction issue de l’Assemblée nationale en première lecture, afin de garder une forme de flexibilité et d’éviter la rigidification voulue par le Sénat ; d’autre part, en supprimant les ajouts au rapport annuel de l’Agence, qui s’avèrent redondants.

S’agissant de l’article 31, le Sénat a supprimé l’habilitation à légiférer par ordonnance sur les investigations cliniques dans le domaine des dispositifs médicaux. Je vous propose de revenir sur ce point, car il m’apparaît justifié, au regard des délais et du caractère particulièrement technique de la matière, de recourir à une telle habilitation pour adapter le code de la santé publique au règlement européen relatif aux dispositifs médicaux.

Je propose d’adopter conforme l’article 32 relatif au délai de réexamen des lois de bioéthique.

Enfin, le Sénat a supprimé les demandes de rapports que l’Assemblée nationale avait prévues aux articles 33 et 34. Je vous propose de les rétablir, car nous devons pouvoir disposer d’un état des lieux du stock de gamètes ainsi que d’un bilan de l’organisation des prélèvements d’organes et de tissus.

Mme Aurore Bergé. Au nom du groupe La République en marche, je suis très heureuse que ce texte revienne aussi vite pour être examiné par notre commission spéciale en deuxième lecture. Il n’est pas un projet pour plus tard mais un projet d’avenir, pour toutes les familles, qui leur donne la possibilité même d’exister. Il pose aussi la question de l’avenir de notre recherche.

En poursuivant la révision des lois de bioéthique, nous nous interrogeons à nouveau sur une question essentielle : le progrès scientifique est-il conciliable avec nos principes éthiques ? Cette procédure nous permet d’adapter notre droit avec mesure, recul et expertise, dans l’intérêt de la personne humaine.

Le texte que nous avons adopté en première lecture a étendu des droits existants et en a accordé de nouveaux. Dans notre commission spéciale, personne n’a cédé aux postures faciles. Des différences existent, bien sûr, mais le cadre intense et respectueux de nos débats a été essentiel, pour aboutir à un texte équilibré.

Le Sénat a toutefois choisi d’opérer un retour en arrière, fragilisant de fait l’équilibre sage que nous avions atteint. Que dirait-on d’une société qui ne crée de droits nouveaux que pour les plus riches ? Un droit qui ne serait accessible qu’à quelques-unes, en raison de leurs revenus, n’est pas un droit effectif. Nous devons rétablir la prise en charge de la PMA par l’assurance maladie.

Quant à l’ouverture de la PMA à toutes les femmes, elle doit se faire sans aucune distinction, ni d’orientation sexuelle, ni de statut matrimonial. Le critère d’infertilité pathologique, introduit au Sénat, recrée une injustice dans un droit nouveau, d’autant que les protocoles d’aide médicale à la procréation n’ont jamais guéri l’infertilité.

Avec ce texte, nous posons aussi des limites. Nous disons avec fermeté ce que nous ne souhaitons pas ouvrir. Nous l’avons d’ailleurs clairement redit, s’agissant de la gestation pour le compte d’autrui (GPA).

En ce qui concerne la PMA post mortem et le diagnostic préimplantatoire des aneuploïdies (DPI-A), nous avons fait le choix, après des débats nourris, de prendre en compte, au-delà de l’intérêt individuel, leur incidence sur l’ensemble de la société.

Cet équilibre me semble essentiel. Nul doute que de nouveaux débats s’ouvriront sur ces sujets. Je reste très attachée à la ligne de crête que nous avons trouvée en première lecture, qui permet d’éviter toute dérive marchande du corps humain et de prévenir de toute dérive eugénique.

M. Marc Delatte. Notre monde est en pleine mutation avec l’accélération des connaissances et les réalités sociales d’aujourd’hui. Il nous rappelle combien éthique et juridique sont indissociables, et nous interroge sur notre propre humanité et notre relation au vivant. Le champ des possibles s’élargit et de nouveaux espoirs se font jour. En qualité de législateurs, avec vigilance et responsabilité, il nous faut donc répondre à des enjeux complexes dans le respect des invariants éthiques.

Dès janvier 2018, de nombreux acteurs se sont mobilisés pour participer au débat, sous l’égide du Comité consultatif national d’éthique (CCNE). Ils ont éclairé le travail parlementaire, du simple citoyen aux sociétés savantes. La qualité des débats, dans nos différences d’appréciation, vous honore, chers collègues.

Si l’ouverture de l’AMP sans discrimination répond à un projet parental, un projet d’amour, d’autres enjeux appellent à légiférer. Ainsi, concernant le don de sang, s’il faut rappeler le principe absolu de non-discrimination, il est également important de ménager la compétence du ministère des solidarités et de la santé, en renvoyant au pouvoir réglementaire, si des circonstances exceptionnelles le justifiaient. De même, la baisse de 25 % des greffes lors du confinement, au-delà des solidarités qui, partout, ont fleuri, nous conforte dans le choix de favoriser le recours au don croisé d’organes.

Faire confiance à la communauté médicale, c’est lui donner des possibilités de recherche dans le cadre d’une finalité médicale, car il ne faut pas insulter l’avenir. Sans créer un fol espoir, il faut encadrer les travaux de recherche, pour éviter toute dérive eugéniste.

Soumettre à simple déclaration la recherche sur les cellules souches pluripotentes quand la recherche sur les embryons surnuméraires reste soumise à autorisation est essentiel. Lever l’interdiction de recherche sur des embryons transgéniques ouvre des voies de recherche, tout en interdisant tout clonage reproductif, dans le respect de la convention d’Oviedo.

L’intelligence artificielle a été un soutien essentiel lors de la crise sanitaire. Elle doit rester un outil soumis à la garantie humaine, nécessitant le consentement éclairé du patient.

Ne nourrissons pas pour autant un sentiment de toute-puissance, car une société n’est digne qu’à travers la reconnaissance de ses fragilités. Aujourd’hui, l’éthique est mise au défi de la dimension internationale et de la mondialisation des pratiques. Réviser la loi tous les cinq ans, face à l’accélération des connaissances, ne doit pas faire l’économie d’un débat futur sur l’intérêt d’une éthique européenne commune.

Mes chers collègues, soyons fiers du travail accompli et réaffirmons, comme en première lecture, notre adhésion au projet de loi relatif à la bioéthique.

M. Thibault Bazin. Jinterviens en tant quorateur du groupe Les Républicains mais je nai pas la prétention dexprimer lensemble des opinions de mes collègues. Mon objectif nest que de soulever les enjeux éthiques quimpliquent, selon moi, les mesures proposées. Les questions abordées touchant à lintime, aux valeurs et aux convictions de chacun, les députés LR auront à nouveau une liberté absolue de vote. Chacun sexprimera en conscience sur ces sujets.

Permettez-moi de vous faire part de ma sidération devant le choix du Gouvernement et de sa majorité, dans le contexte actuel, d’inscrire en priorité la révision des lois de bioéthique à l’ordre du jour de notre assemblée. Cela participera-t-il à l’unité nationale, revendiquée par le Président de la République ? J’en doute. Le projet de loi divise les Français. Selon un récent sondage, 70 % d’entre eux ne sont pas favorables à son inscription à l’ordre du jour.

Est-il la préoccupation majeure des Français ? J’en doute aussi : il l’est pour 1 % des Français, selon ce même sondage.

Est-ce pour le Gouvernement un moyen de faire diversion, alors que la crise économique inquiète, que le Ségur de la santé engendre des mécontentements légitimes, que la commission d’enquête révèle une mauvaise gestion du risque épidémique depuis 2012 ? Les Français ne sont pas dupes. Avec un délai aussi court entre les examens en commission et en séance, répétant les erreurs du passé, vous ne créez pas les conditions d’un débat apaisé.

Pourtant, ne devrions-nous pas rechercher le consensus autour de principes bioéthiques qui rassemblent les Français, et réfléchir à rendre encore plus effectifs, demain, les principes de gratuité, de consentement libre et éclairé ainsi que de respect dû au corps humain et à la dignité de chaque personne ?

Cela demande du temps et du respect, y compris des parlementaires. Nous venons de vivre une crise inédite, qui a posé des questions éthiques. Au lieu de nous précipiter à examiner ce projet de loi relatif à la bioéthique, ne devrions-nous pas prendre du recul ?

D’une part, la pénurie de ressources – masques, blouses, gants, réactifs – durant la crise du covid-19 devrait nous faire réfléchir sur le monde d’après. Le Comité consultatif national d’éthique avait d’ailleurs évoqué l’enjeu national des priorités à définir, quand les ressources sont limitées. Les motifs thérapeutiques primeront-ils demain ? Ferons-nous prévaloir l’éthique de la vulnérabilité dans l’examen des changements souhaités par votre majorité ? Ainsi, les dispositions de votre projet pourraient accroître des tensions marchandes, augmentant par exemple le risque de rendre ineffectif le principe de gratuité.

D’autre part, la crise sanitaire que nous venons de vivre a souligné notre attachement aux libertés et au respect de la vie privée. Les dispositions de ce projet de loi relativiseront-elles la notion de consentement libre et éclairé ?

Enfin, cette réflexion sur le monde d’après nous appelle à nous interroger sur notre rapport à la nature humaine, au temps et au travail. À l’heure où l’écologie devient une préoccupation pour un nombre croissant de Français, ne devrions-nous pas mieux respecter la nature humaine, en privilégiant la procréation naturelle, plutôt qu’artificielle, dans nos politiques publiques, en particulier la politique familiale ?

Nous avions évoqué ces enjeux il y a neuf mois. Depuis octobre, quelles mesures ont été prises pour préserver la fertilité, améliorer la politique familiale, sanctionner le tourisme procréatif ou transplantatoire ? Rien ou presque. En bioéthique, c’est pourtant l’effectivité des principes qui compte.

En conclusion, il me reste à espérer que nous fassions preuve d’audace afin de tenter de réguler des techniques qui, dans leurs excès, peuvent se révéler irrespectueuses de la dignité humaine. Surtout, il faut que nous ayons la volonté indéfectible de défendre les plus vulnérables et de leur donner la priorité. Jusqu’à maintenant, la France avait toujours su défendre une certaine idée de la personne humaine. Il faudrait que nos débats, dans le respect, lui permettent de garder ce cap essentiel d’une bioéthique exigeante, ce que ne fait pas ce texte, pour l’instant.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés se félicite du retour de ce projet de loi en deuxième lecture, malgré le contexte actuel. Conscient des priorités, la poursuite de la révision des lois de bioéthique lui apparaît comme une nécessité absolue au regard de l’attente qu’elle suscite tant dans la société civile que dans la communauté scientifique que nous devons soutenir et sécuriser, sans nous immiscer dans son fonctionnement.

Retrouver les avancées de la première lecture, comme l’ouverture de l’AMP à toutes les femmes, alors que certaines sont contraintes de se rendre dans les pays voisins de la France aux législations plus ouvertes, ou l’autoconservation ovocytaire, nécessaire dans une société où les femmes, qui doivent avoir une bonne connaissance de l’évolution naturelle de leur fertilité, s’engagent plus tardivement dans la maternité, nous semble nécessaire.

Ce texte permettra également à chaque enfant né d’un don d’accéder, à sa majorité et s’il le souhaite, à ses origines.

Si elles ne satisfont pas tout le monde, ces évolutions sociales et naturelles doivent être accompagnées par le législateur compte tenu de son devoir vis-à-vis des générations à naître, dont chaque membre doit se retrouver dans notre belle devise : son inscription à l’état-civil doit lui apporter égale reconnaissance et protection quel que soit son mode de conception, ce qui implique notamment de sécuriser l’établissement des filiations.

Si la première partie du projet de loi consacrée à la PMA monopolise l’attention, il traite également de la transcription dans notre droit de progrès et de découvertes scientifiques : je pense notamment aux articles favorisant, dans un cadre strict, les avancées concernant les cellules-souches embryonnaires.

Nos débats sur cette question ont mis en lumière la robustesse de nos garde-fous qui ne font pas obstacle à une recherche ambitieuse et éthique. Le groupe MODEM accordera donc un grand intérêt aux dépistages néonataux, notre assemblée ayant, en première lecture, choisi le statu quo et le Sénat ayant proposé des avancées notables que nous chercherons à maintenir et à compléter compte tenu de leur potentiel thérapeutique et médical. Notre ambition en la matière demeure intacte : mieux dépister et mieux diagnostiquer pour que chacun dispose des mêmes chances dès la naissance.

Notre groupe participera pleinement au débat qui s’ouvre aujourd’hui, avec le même mot d’ordre qu’à l’automne dernier : respect, en particulier des opinions, de la dignité et du droit républicain.

M. Alain David. Le groupe Socialistes et apparentés porte un regard ambivalent sur le projet de loi qui nous revient du Sénat : s’il regrette de nets reculs, en particulier s’agissant du titre premier, il se réjouit de certains de ses apports sur d’autres.

Conforme à sa philosophie ouverte, il pourrait cependant se montrer plus ambitieux sur certains sujets. Si nous nous sommes félicités de l’égalité de prise en charge des tentatives de PMA par la sécurité sociale, nous ne pouvons que regretter la réintroduction d’un critère d’infertilité pathologique qui aurait pour conséquence une inégalité devant le projet parental. Or nous devons assurer à toutes et à tous un égal accès à la PMA : nous proposerons d’atteindre cet objectif par voie d’amendement.

Nous regrettons également la suppression en séance publique au Sénat de lexpérimentation relative au diagnostic préimplantatoire des aneuploïdies, dans la mesure où une analyse chromosomique nous permet aujourdhui de déterminer la viabilité des embryons : nous devons donc y recourir largement – nous proposerons des amendements en ce sens – afin de réduire drastiquement le nombre dinterruptions médicales de grossesse, de fausses couches ou de grossesses gémellaires tout en améliorant le taux de réussite des fécondations in vitro (FIV).

Par ailleurs, le projet de loi initial prévoyait l’autoconservation des gamètes pour les femmes – seulement à partir de 30 ou 32 ans – comme pour les hommes : nous soutenons cette avancée et regrettons sa suppression par le Sénat. Restant fidèles à l’ouverture d’esprit montrée par le projet de loi, nous proposerons d’ouvrir l’autoconservation dès l’âge de 18 ans.

Enfin, il faut répondre à la question de la PMA post mortem : dès lors qu’une femme seule peut y recourir grâce à un tiers donneur, rien ne justifie qu’une veuve dont le défunt mari a autorisé l’usage de ses gamètes ne puisse poursuivre son projet parental. Les législations de pays frontaliers inspireront nos propositions en matière de délais : il serait injuste qu’une femme endeuillée doive donner ou détruire les embryons conçus avec son compagnon. Nous débattrons donc de plusieurs situations envisageables.

Les difficultés, accrues au cours du confinement, désormais bien identifiées et rencontrées par un trop grand nombre de femmes en matière d’accès à l’IVG ainsi qu’à l’IMG le montrent : il y a urgence à agir. Ce texte constitue à cet égard une occasion unique. Les avancées possibles y trouveront, je l’espère, un écho afin de répondre à leur détresse.

M. Pascal Brindeau. Il y a quelque chose de choquant et même dindécent à ce que le Gouvernement et la majorité choisissent de réinscrire ce projet de loi alors que nous sortons à peine de la crise sanitaire et que ses conséquences économiques et sociales frappent extrêmement durement nos entreprises, nos artisans, nos commerçants, nos salariés qui sinquiètent pour leur emploi.

Parmi les dispositions très discutées de ce texte, l’extension de l’AMP aux femmes seules et aux couples de femmes n’est en rien une mesure bioéthique : elle traduit un choix politique destiné à satisfaire des groupes d’intérêts particuliers, sûrement pas l’intérêt général. L’examen de ce projet de loi aurait dû avoir lieu voilà plus de deux ans, mais il a été différé sous prétexte de concertation supplémentaire sur un certain nombre d’éléments. Or rien aujourd’hui n’a changé, et l’état du droit n’empêche pas le développement de la recherche dans nombre de domaines. Un choix politique fait donc que ce texte n’a rien à voir avec les débats propres aux lois de bioéthique telles que nous les concevons depuis 1996.

D’ailleurs, le contraste est assez fort entre la volonté affirmée d’ouvrir des droits nouveaux au nom de l’égalité sociale, et les restrictions de liberté que nos concitoyens ont connues pendant l’état d’urgence, et que le Gouvernement s’apprête d’ailleurs à prolonger au nom de la sécurité sanitaire.

La crise a montré que le politique doit primer sur une espèce de scientisme généralisé imposant de suivre toute nouvelle forme d’expérimentation. Nous avons vu les pouvoirs publics, et le Gouvernement le premier, justifier leurs décisions politiques en se retranchant derrière de pseudo-avis scientifiques. Or, sur chaque sujet – le port du masque, les tests, l’efficacité de la chloroquine –, ils se sont révélés si contradictoires et polémiques qu’on voit bien qu’à la fin, c’est le politique qui doit décider.

Le Sénat a certes pu apporter des éléments qui vont dans le bon sens, mais je continue à considérer qu’il n’était pas nécessaire d’inscrire ce débat à l’ordre du jour maintenant.

Mme Sylvia Pinel. L’épidémie de Covid-19 aura eu des conséquences importantes sur tous les pans de notre société, dont celle de retarder l’adoption de ce projet de loi et donc l’accès à une demande légitime et de longue date : l’ouverture des techniques d’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules.

Les rendez-vous sur les sujets de bioéthique sont si rares et espacés – la dernière révision remonte à neuf ans – que nous courons à chaque fois le risque d’adopter un texte trop rapidement obsolète, tant les techniques scientifiques et médicales évoluent rapidement. Aussi était-il nécessaire, en dépit du contexte exceptionnel, de procéder à la deuxième lecture de ce texte dans notre assemblée, d’autant plus que le Sénat nous en a transmis une version bien différente de celle adoptée ici en première lecture.

Je ne peux ainsi que regretter les mesures qu’il a introduites s’agissant de l’ouverture de l’AMP, qui n’assurent pas suffisamment l’égalité d’accès de toutes les femmes. J’ai bon espoir que nos travaux permettent de revenir sur la non-prise en charge par la sécurité sociale pour toutes les femmes ainsi que sur le maintien du strict critère médical et pathologique. L’infertilité ou l’incapacité d’avoir des enfants est un sujet très complexe, qui ne peut être réduit à des considérations médicales. Elle nécessite, en revanche, d’organiser une véritable politique de lutte au travers des campagnes nationales d’information et de prévention. Tel sera l’objet d’un amendement transpartisan que vous défendrez, madame la présidente, et que nous soutiendrons.

Il est également impératif de revenir sur l’interdiction du double don de gamètes. On ne peut ouvrir l’accès à l’AMP sans garantir et améliorer son efficacité. C’est d’autant plus vrai que l’épidémie de Covid-19 l’a brutalement interrompue, allongeant encore davantage les délais.

Le texte ne traite pas suffisamment des enjeux relatifs à la qualité des techniques. L’AMP peut être un véritable parcours du combattant, une épreuve faite de souffrance, de douleur et de déception, et il ne faut donc pas passer à côté d’une occasion d’améliorer l’accès à cette assistance en réduisant notamment les inégalités territoriales. Notre groupe fera des propositions en ce sens.

S’agissant des modes de filiation, les dispositions introduites au Sénat sont incohérentes avec l’ambition du texte. Nous reviendrons sur l’extension du droit commun aux couples de femmes, à laquelle je suis favorable.

Il nous faudra également poursuivre nos discussions sur la recherche sur l’embryon, les cellules-souches ou encore les tests génétiques. Une attention particulière doit enfin être portée aux conditions d’accès aux interventions volontaires ou médicales de grossesse, la crise sanitaire ayant, encore une fois, mis en lumière leurs difficultés à cet égard.

Nous espérons sincèrement que nos débats seront, comme en première lecture, dignes, respectueux et à la hauteur des enjeux afin que nous puissions avancer ensemble en veillant toujours à ce que l’humain et le patient restent au centre de notre réflexion.

M. Bastien Lachaud. Je me réjouis que le projet de loi relatif à la bioéthique revienne en deuxième lecture, car il est attendu par nombre de nos concitoyens.

Il va nous falloir revenir sur l’œuvre réactionnaire du Sénat : le texte qu’il a adopté n’est pas acceptable, et d’abord au regard du déremboursement de la PMA pour les couples de femmes et les femmes célibataires. Une telle discrimination selon l’orientation sexuelle est une honte ! Nous serons nombreux, je pense, à voter pour le rétablissement de l’égalité entre tous les couples.

Le Sénat a également supprimé les garanties de non-discrimination fondée sur le genre ou l’orientation sexuelle lors de l’entretien avec le médecin, et jugé bon d’inscrire dans la loi que nul n’aurait de droit à l’enfant. C’est bien inutile puisque personne ne prétend qu’un tel droit existe et que celui-ci n’est inscrit nulle part. Contrairement à sa tradition, le Sénat fait bavarder la loi.

Revenir sur les absurdités que le Sénat a introduites ne sera pas suffisant. La question de la PMA a longuement occupé nos débats ; or elle a trait à l’égalité et non à la bioéthique, à laquelle nous devrions consacrer plus de temps. Mais puisque le Gouvernement a décidé de l’intégrer au projet de loi relatif à la bioéthique, il ne faut pas nous arrêter en chemin. Nous devons ouvrir à toutes les femmes la possibilité de recourir à cette technique, et, surtout, consacrer l’égalité.

L’égalité doit être notre boussole ; la simple application des principes républicains doit nous guider. L’égalité est une idée très simple, que tout le monde comprend ; le principe est énoncé dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : la loi est la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. Aussi n’est-il pas utile d’inventer des circonvolutions, des dérogations et des systèmes complexes – et surtout payants – qui constituent autant d’occasions de limiter l’accès à la PMA.

Les couples hétérosexuels peuvent d’ores et déjà y recourir ; il s’agit juste de l’ouvrir à toute personne en capacité de porter un enfant. La PMA avec don de gamètes existe déjà ; il suffit de l’étendre à toutes les personnes en faisant la demande. La filiation sécurisée avec un parent qui n’est pas le parent biologique existe déjà ; il suffit de l’étendre à toutes les personnes engagées dans un parcours de PMA.

L’égalité simplifie la loi comme la vie de tout le monde. Elle vaut pour les couples de femmes, les femmes célibataires mais aussi pour les personnes transgenres qui demeurent victimes d’une discrimination. Dans un rapport récemment publié, le Défenseur des droits rappelle s’être déjà prononcé en faveur de l’autoconservation des gamètes des personnes transgenres dans la perspective d’un futur projet parental. Quel sens y aurait-il à autoriser une personne à conserver ses gamètes pour lui interdire de s’en servir ensuite ? Les hommes transgenres doivent également pouvoir accéder à la PMA : pourquoi la leur interdire alors qu’avant leur changement de genre à l’état-civil ils y avaient droit ? Pourquoi les contraindre à choisir entre un état-civil correspondant à leur identité de genre et la possibilité de porter un enfant ?

Il nous faudra également revenir sur les personnes intersexes : depuis la première lecture, le CCNE a rendu un avis allant dans le sens d’une interdiction des opérations non consenties, qui sont des mutilations. Je regrette que nombre de nos amendements sur ce point aient été déclarés irrecevables alors que tant l’avis du CCNE que le rapport de la fondation Jean Jaurès, en lien avec la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH), et celui de l’OCDE ont été publiés depuis la première lecture. De simples questions de procédure devraient-elles nous empêcher de revenir sur ces sujets alors que nous devrions pleinement en débattre ?

M. Guillaume Chiche. C’est avec soulagement que les députés du groupe Écologie démocratie et solidarité retrouvent les travaux de la commission spéciale, réclamés tant sur nos bancs que dans la société civile. L’urgence est bien réelle.

À la faveur de l’épidémie, chaque Française et chaque Français a été amené à s’interroger sur l’essentiel : l’accès aux soins ou aux techniques médicales dont font partie l’IVG ou la PMA, l’émancipation et la construction des enfants au sein des familles, l’adversité comme les inégalités accentuées par le confinement, qu’il a fallu surmonter. Le projet de loi doit traiter un certain nombre de ces sujets, d’abord en accordant le même droit à la PMA prise en charge par la sécurité sociale à toutes les personnes. Les femmes en couple hétérosexuel accèdent depuis maintenant plus de trente-cinq ans à cette technique, qui aide à faire naître plus de 24 000 enfants chaque année. Les autres n’en ont pas le droit parce que célibataires ou en couple lesbien, et elles en souffrent car elles ont de l’amour à donner à un enfant.

Leur souffrance est telle qu’elles sont prêtes à partir à l’étranger – au Portugal ou aux Pays-Bas –, à se surendetter, à mettre en jeu leur propre santé et celle de leur future progéniture pour subir des actes médicaux ; elles pratiquent parfois des PMA dites artisanales, en s’inséminant, en dehors de tout cadre médical, du sperme acheté sur internet ou en trouvant un géniteur d’un soir. Elles peinent ensuite à se voir reconnaître comme parent de leur enfant, l’exposant ainsi à l’insécurité juridique la plus totale. Tous ces risques sont absolument insupportables. En ce mois des fiertés, nous devons apporter aux femmes et aux hommes transgenres, ainsi qu’à leurs enfants, la même sécurité et la même considération qu’aux autres, sans hiérarchie aucune.

Je ne peux, à cet instant, m’empêcher d’avoir une pensée pour toutes les personnes que j’ai rencontrées, dont le parcours de PMA s’est interrompu brutalement durant la période de confinement et qui ont ainsi perdu toute chance de fonder une famille. Elles ne forment pas, cher collègue Brindeau, un groupe d’intérêt particulier ; ce sont simplement des êtres humains. Pour la bonne tenue de nos échanges, il serait bon de ne pas employer des expressions qui renvoient aux heures les plus sombres de notre histoire.

La deuxième lecture que nous entamons doit nous permettre de débattre de sujets non consensuels qui sont au cœur de l’humanité. Je pense à la nécessité d’offrir un mode d’établissement de la filiation digne pour chaque enfant, indépendamment de son mode de procréation – charnelle, médicalement assistée ou en gestation pour autrui.

Il sera également nécessaire d’assurer la plus forte probabilité de succès aux techniques médicales de procréation en autorisant le DPI-A et la réception des ovocytes de la partenaire (ROPA). L’humain devra être placé au centre de notre réflexion, et nous devrons nous en remettre à son jugement éclairé et indépendant pour maîtriser de bout en bout nos capacités de procréation. Cela supposera d’autoriser l’autoconservation des ovocytes et la PMA post mortem.

Au sein des nombreux sujets à traiter, notre boussole devra être celle de l’égalité et du libre arbitre, composantes fondamentales de notre démocratie.

M. Olivier Becht. Le groupe Agir ensemble se réjouit que ce texte revienne aujourd’hui en deuxième lecture.

J’entends dire que ce ne serait pas le bon moment, qu’il faudrait se concentrer sur les sujets sanitaires, économiques et sociaux. Permettez-moi de ne pas être d’accord. Si l’urgence sanitaire, économique et sociale doit mobiliser nos énergies, le Parlement doit néanmoins continuer à travailler parce que le monde ne s’est pas arrêté de tourner pendant la crise du coronavirus et que nous vivons des révolutions technologiques majeures. Elles touchent à l’intelligence artificielle, aux nanotechnologies, aux biotechnologies et aux neurotechnologies, et peuvent changer la conception même que nous avons de l’être humain. Il est donc nécessaire qu’en tant que législateurs, nous accordions le droit aux évolutions de la technique et que nous posions les barrières adaptées à notre société : c’est ce qu’on appelle l’éthique, raison d’être de ce projet de loi.

Je suis stupéfait de voir comment, dans notre pays, on peut débattre de manière totalement polémique et irrationnelle des effets des systèmes de télécommunications de cinquième génération – allant jusqu’à raconter qu’ils auraient propagé le Covid-19 – et s’intéresser si peu à la connexion du cerveau humain à la machine – des techniques d’imagerie pourraient demain lire dans les pensées et être utilisées comme moyen de preuve contre soi-même devant la justice –, à l’utilisation de l’intelligence artificielle dans les décisions de santé ou à certaines applications neurotechnologiques permettant de stimuler de certaines facultés cérébrales. Ce sont autant de sujets qui me paraissent aussi importants que ceux que soulève la PMA. Celle-ci représente certes une avancée importante de ce projet de loi relatif à la bioéthique, mais ce n’est pas la seule.

Nous ne serons pas toujours d’accord, y compris au sein de notre groupe où nous respecterons la liberté de vote et de conscience, mais nous devons être heureux de discuter de sujets d’une telle importance. Je suis persuadé que nous saurons le faire dans le respect mutuel et en garantissant au mieux les intérêts de la personne humaine. C’est notre devoir,

M. Pierre Dharréville. Il est bon que nous puissions aller au bout de ce débat en faisant perdurer l’atmosphère d’écoute et la profondeur qui ont prévalu en première lecture.

Toutes et tous, nous ne pouvons qu’être saisis d’une forme de vertige devant les questions qui nous sont posées de manière un peu radicale : qui sommes-nous ? Quels humains voulons-nous être ? De tels questionnements devraient nous assaillir beaucoup plus largement que sur le seul sujet de ce texte, car nous y sommes renvoyés lorsque nous parlons de climat, de santé ou de travail. Notre réflexion dans ce débat est guidée par le respect de tout humain et de tout l’humain, les deux étant inséparables. Il y a là un chemin de crête à trouver pour répondre le mieux possible à toutes ces questions.

Nous sommes face à des responsabilités importantes, la première étant d’écarter la loi de l’argent, de l’empêcher de s’insinuer partout – dans les processus de décision, dans le développement de certaines possibilités –, car cela fait de nous de simples marchandises. Nous devons à tout prix écarter l’argent du champ de la bioéthique. C’est la raison pour laquelle nous sommes très attachés au respect du don dans toutes ses dimensions.

Nous sommes évidemment favorables à la reconnaissance et à l’accompagnement des évolutions des structures familiales, comme à la réaffirmation du droit de toutes les femmes d’accéder à une assistance possible à la réalisation de leur projet familial. La société se doit de les accompagner au mieux. Il faut aller au bout de l’avancée en cours, car elle répond à des désirs et à des attentes, tout en faisant, sur ce sujet comme sur tous les autres, un sensible travail d’élucidation du sens.

Nous devons aussi évaluer des questions lourdes liées à la génétique, à l’utilisation des données et à ces fameux tests qui se développent. Nous ne devons pas nous arroger le droit de décider qui a le droit de vivre en édictant une sorte de norme, car cela nous entraînerait sur des terrains extrêmement glissants – et dangereux.

Le pouvoir acquis par l’humanité sur la vie elle-même interroge notre devenir. Cette question essentielle est revenue en force à la faveur des événements qui nous ont touchés durant cette crise. Ne faire de l’humain ni une marchandise ni une machine, nous avons tous en tête cette quête d’humanité.

M. Maxime Minot. Mon collègue Thibault Bazin a bien indiqué qu’il défendait une position ne reflétant pas celle de l’intégralité de notre groupe. Je regrette de ne disposer que d’une minute pour faire entendre une voix parmi les 25 % de notre formation qui ne s’opposent ni à l’extension de la PMA pour toutes ni au projet de loi dans son ensemble. Je suis très heureux de l’examiner en deuxième lecture.

Je m’interroge sur la possibilité d’une pénurie de gamètes, beaucoup craignant tant une monétarisation que des pressions exercées sur les donneurs en cas de don dirigé. Il suffirait de s’inspirer de ce que prévoit la loi en matière de don d’organes entre vivants. Que penseriez-vous, mesdames, messieurs les rapporteurs, d’un dispositif par lequel un couple proposerait un donneur qui alimenterait la banque de son don, ce qui réduirait les délais d’attente et augmenterait significativement les dons ?

M. Patrick Hetzel. Alors que le pays vient de traverser une crise sanitaire très importante, le Gouvernement considère comme prioritaire l’adoption par le Parlement de son projet de loi relatif à la bioéthique qui franchit beaucoup de lignes rouges. Nous allons connaître une crise économique et sociale sans précédent depuis la Seconde guerre mondiale, et il choisit de faire passer en force ce texte qui rompt des équilibres éthiques fondamentaux, qui touche à l’essence même de notre humanité.

Alors que le pays a besoin de concorde et de sérénité, le Gouvernement prend le risque fou de diviser et de créer des tensions inutiles. Pratiquant la politique politicienne, il est prêt à tout pour ressouder une majorité à la dérive, sans respecter la volonté de nos concitoyens extrêmement nombreux à considérer que ce sujet n’est pas prioritaire au regard de la crise sociale et économique.

M. Xavier Breton. Nous sommes d’accord que ce texte n’est pas prioritaire lorsque 1 % seulement des Français considèrent l’extension de la PMA comme une urgence. Il va, en outre, les diviser alors que nous devrions être rassemblés pour faire face à la crise sanitaire et à la très dure crise économique et sociale des prochains mois.

Le manque de courage de l’exécutif, j’allais dire sa lâcheté, s’illustre en ce qu’il cède aux caprices du lobby de ce 1 %, sans doute surreprésenté et influent.

Le Président de la République n’a pas dit un mot, le 14 juin, sur l’extension de la PMA alors que le décret portant convocation du Parlement en session extraordinaire date du lendemain.

Par ailleurs, les ministres sont absents ce soir, alors qu’ils devraient nous expliquer quelle démarche les a conduits à réinscrire dans l’urgence ce texte à notre ordre de jour, un texte qui sera débattu dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire pendant lequel les libertés, notamment celle de manifester, sont très strictement limitées. Encore une preuve de la lâcheté de l’exécutif !

Mme Emmanuelle Ménard. Malgré 95 000 faillites annoncées cette année, une dette publique représentant 120 % du PIB, et sans doute 800 000 à 1 million de suppressions demplois cette année, malgré une crise économique dune ampleur inconnue succédant à la crise sanitaire, vous préférez faire passer coûte que coûte votre projet de loi relatif à la bioéthique ! Peut-être pensez-vous que le « monde daprès » dont rêvent les Français ressemble à celui que vous nous concoctez, qui sera peuplé denfants sans père ? Si ce projet loi est censé susciter une attente, sachez que sept Français sur dix considèrent quil devrait être suspendu ou retiré afin que priorité soit donnée à la gestion des conséquences de la crise du coronavirus.

On les comprend : comment vouloir d’un monde où on crée légalement, de manière institutionnelle et délibérée, des enfants sans père ? Vous qui invoquez à tout bout de champ le principe de précaution, vous l’oubliez quand il s’agit des enfants. Osez nous dire qu’un enfant n’a pas besoin de père ! Osez affirmer une telle monstruosité ! Vous exigez la parité, sauf pour la filiation, et l’égalité, sauf pour les enfants dont certains connaîtront leur père, et d’autres non.

Lorsqu’au nom de ce même principe d’égalité, l’on vous soupçonne de vouloir imposer demain la GPA, vous jurez vos grands dieux qu’il n’en est rien, mais ce ne sont que mensonges !

Mme Agnès Thill. Nous voici réunis pour l’examen de ce projet de loi, bien que sept Français sur dix ne veuillent pas de son retour en urgence en pleine crise sanitaire, bien que les deux tiers des Français le considèrent comme une manœuvre de diversion ou une tactique électorale, bien que 53 % des électeurs d’En marche ! le considèrent comme un retour au monde d’avant.

En pleine crise sanitaire, alors que l’attention des Français se porte sur bien d’autres préoccupations prioritaires, vous nous présentez à nouveau ce projet de loi contre lequel des milliers de Français ont manifesté. Si vous voulez vraiment faire preuve de courage, demandez à la nation de s’exprimer par référendum sur ce sujet, plutôt que sur la laine de verre !

Un élément fondamental nous différencie : vous pensez que le père est une fonction ; nous pensons qu’il est un homme – je sais, c’est fou ! Vous nous construisez un monde dont une majorité d’individus ne veulent pas !

Mme Nathalie Elimas. Je me réjouis de la deuxième lecture de ce projet de loi relatif à la bioéthique. Hasard du calendrier, la mission d’information sur la politique familiale a commencé ses travaux l’année dernière, au moment où nous débutions l’examen de ce texte ; cette année, nous y revenons au moment où la mission va remettre son rapport. Celle-ci a consacré toute une partie de ses auditions aux nouvelles familles et donc au sujet complexe de la filiation.

Pour moderniser notre politique familiale, nous devons impérativement tenir compte des évolutions de notre société, au premier rang desquelles les profondes transformations des modèles familiaux depuis un siècle, afin que toutes les familles, sans exception, soient reconnues et soutenues. J’estime que l’ouverture de l’assistance médicale à la procréation aux couples de femmes ou aux femmes seules est un progrès. Cependant, j’appelle à prêter une attention particulière à ces dernières, compte tenu de la difficulté sociale dans laquelle se trouvent de nombreuses familles monoparentales dans notre pays.

Mme Sereine Mauborgne. Je me félicite que l’on reprenne ce texte : il n’y a pas de hiérarchie entre les sujets au Parlement. Les Françaises et les Français qui peinaient à réaliser leur projet familial n’ont pas cessé de souffrir pendant la crise sanitaire. Leur ouvrir de nouveaux droits n’en retirera à personne. La famille et le foyer ont, au contraire, été mis en avant comme des priorités pour tous les Français pendant la crise.

Je suis ravie de reprendre ces débats car ils touchent à des sujets d’avenir, tels que la génétique ou l’évolution technologique sans cesse croissante, qui interrogent les législateurs que nous sommes.

 

 

 

 

 


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II.   examen des articles

La commission spéciale procède, en deuxième lecture, à lexamen des articles du projet de loi, modifié par le Sénat, relatif à la bioéthique (n° 2658) lors de ses réunions du lundi 29 juin, mardi 30 juin, mercredi 1er juillet et jeudi 2 juillet 2020.

Réunion du lundi 29 juin 2020 à 20 heures 30 ([113])

titre premier

élargir L’ACCÈS AUX TECHNOLOGIES DISPONIBLES SANS S’AFFRANCHIR DE NOS PRINCIPES ÉTHIQUES

Chapitre premier
Permettre aux personnes d’exercer un choix éclairé en matière de procréation
dans un cadre maîtrisé

Avant l’article 1er A

La commission examine les amendements identiques n° 860 de M. Xavier Breton et n° 883 de M. Patrick Hetzel.

M. Xavier Breton. Nous avons demandé pourquoi il n’y avait pas de représentant du Gouvernement à la tribune ce soir, mais nous n’avons pas obtenu de réponse.

L’amendement n° 860 a pour objet de supprimer l’intitulé du titre Ier. Voilà bien de la littérature ! Quand on précise « sans s’affranchir de nos principes éthiques », c’est précisément qu’il y a transgression.

Le premier principe remis en cause est celui de la gratuité : l’extension de l’assistance médicale à la procréation entraînera un business de la PMA – de nombreuses sociétés capitalistes sont déjà à l’affût. Le deuxième concerne l’anonymat du don de gamètes, qui sera levé, contredisant ainsi l’un de nos principes éthiques fondamentaux. Le troisième principe à pâtir sera la liberté du consentement. L’autoconservation des ovocytes se fera parfois sous la pression des entreprises, qui ont intérêt à ce que les femmes procréent le plus tardivement possible, comme cela se passe aux États-Unis.

Ce sont autant de principes éthiques qui sont remis en cause, alors même que le titre Ier prétend en assurer le respect. Nous vous proposons de supprimer ce titre mensonger.

M. Patrick Hetzel. En effet, le titre est erroné : c’est clairement une fake news et le franchissement de lignes rouges. On va vers une marchandisation du corps, car la gratuité du don ne sera plus garantie. Avec des titres qui ne posent plus des notions juridiques mais relèvent davantage de la communication, le Gouvernement fait de l’enfumage, ce contre quoi nous nous insurgeons.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Il est parfaitement légitime que certains veuillent faire entendre leur différence. Nos collègues Républicains ont indiqué qu’il n’existe pas une bioéthique unique, universelle dans le temps et dans l’espace ; toutefois, on ne peut pas nier que les progrès introduits dans ce texte reposent sur des valeurs éthiques. Même si ces valeurs ne sont pas partagées par tous, ce sont bien « nos » principes éthiques. Il est donc légitime de maintenir ce titre. Avis défavorable.

M. Guillaume Chiche. Le groupe EDS s’opposera à cet amendement précisément pour les trois raisons évoquées par notre collègue Breton. Il ne s’agit pas de permettre le développement d’un business, mais de donner les mêmes droits à toutes les personnes en capacité de porter un enfant. Il ne s’agit pas non plus de supprimer l’anonymat prévalant entre le donneur et le receveur, mais de donner la possibilité à l’enfant né d’un don d’accéder à l’identité ou aux informations non identifiantes d’un donneur, s’il le souhaite, possibilité qui n’est en rien donnée aux parents. Par ailleurs, nous avions bien identifié, en première lecture, la pression que pourraient exercer les entreprises, raison pour laquelle nous avions adopté un amendement pour condamner fermement toute incitation ou tout concours financier des entreprises en vue de l’autoconservation des ovocytes.

En réalité, les trois points que vous avez formulés reflètent la situation actuelle : cest labsence dencadrement législatif du recours à la PMA qui mène un certain nombre de familles dans des situations désastreuses. Une attitude éthique consiste justement à sécuriser les parents en facilitant les projets parentaux.

M. Patrick Hetzel. Nous sommes là pour faire du droit. Or un tel intitulé, cest de lautopromotion gouvernementale. Cest dailleurs totalement mensonger ! Ce nest pas comme cela que vous apaiserez les débats ! Si vous voulez que cela se passe correctement, il faut renvoyer ce texte : ce nest pas le moment ! Le pays traverse une crise incroyable, et vous passez un texte qui intéresse moins de 1 % de nos concitoyens : cest tout de même hallucinant !

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Plusieurs centaines de femmes ont été pénalisées pendant le confinement parce qu’elles n’ont pu avoir accès à la PMA, ou bien parce qu’elles attendaient l’ouverture du droit à la PMA. Il serait déraisonnable de les pénaliser davantage.

Ce texte aborde aussi le sujet de la transplantation d’organes. Près d’un millier de Français ont été privés d’accès à la transplantation ; certains sont décédés pendant cette période. Trouvez-vous raisonnable de ne pas étudier les moyens d’amplifier l’accès au don d’organes et à la transplantation ? Je comprends que l’on essaie de reporter aux calendes grecques une mesure dont on ne veut pas – c’est de bonne guerre –, mais il n’est pas raisonnable de retarder l’adoption d’un texte qui répond à une urgence sanitaire : notre pays a le plus grand besoin des progrès apportés par ce projet de loi.

Quant au titre, est-il mensonger ? Non !

La commission rejette les amendements 860 et 883.

Elle est saisie des amendements identiques n° 36 de Mme Emmanuelle Ménard et n° 164 de M. Thibault Bazin.

Mme Emmanuelle Ménard. Le titre Ier a pour conséquence de priver un enfant de son père. Une telle volonté nétant, par définition, pas éthique, il convient de modifier le titre pour que celui-ci colle à la réalité. On ne peut évidemment pas qualifier déthique un projet de loi qui prive un enfant de père et qui, au nom de légalité, consacrera demain la GPA et la marchandisation des ventres des femmes. Si louer un ventre ou priver délibérément, légalement, un enfant de son père est éthique, cest que nous navons pas la même définition de ce mot !

J’ai entendu ce soir, à plusieurs reprises, certains députés expliquer que ce texte ne retirait aucun droit à quiconque. C’est faux : vous enlevez à l’enfant le droit d’avoir un père, et cela n’a décidément rien d’éthique !

M. Thibault Bazin. La sémantique est très importante et un titre ne doit pas dire l’inverse des effets que pourraient avoir les dispositions du texte. Nous devons vérifier que le contenu ne s’affranchit pas de nos principes éthiques. Vous déposez vous-mêmes des amendements, preuve que la question peut se poser.

C’est pourquoi nous vous proposons de supprimer les mots « sans s’affranchir de nos principes éthiques » afin de rendre le titre plus cohérent avec le texte. Enfin, monsieur le rapporteur, vous évoquez l’urgence sanitaire mais, même en cas d’urgence, il est toujours essentiel, pour un pays comme le nôtre, de rechercher la dignité.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. C’est bien ce que nous faisons : nous recherchons la dignité pour toutes les femmes, de façon égale et sans discrimination. Je respecte parfaitement la revendication par certaines ou certains de principes éthiques différents, mais je ne vous permets pas de nier que cette loi soit rédigée au nom des principes éthiques de non-discrimination, d’égal accès et d’égalité pour toutes les femmes.

Par ailleurs, il serait dangereux d’indiquer que tout enfant qui naît a le droit à disposer d’une mère et d’un père à tout moment de sa vie. Cela ne peut figurer dans notre droit, vous le savez bien.

Vous avez toute liberté de préférer ne pas appliquer l’extension de la PMA à toutes les femmes, mais vous n’avez pas le droit de l’interdire à l’immense majorité des Français qui considèrent qu’il s’agit d’une question de justice. Oui, nous maintenons que la rédaction de cette loi repose sur des principes éthiques.

Mme Agnès Thill. Dans ce cas, il conviendrait de définir le mot « éthique », qui signifie « intérêt supérieur de l’individu ». Vous parliez de dignité, mais où est la dignité de l’homme quand il est réduit à ses gamètes ? Où est la dignité de la femme quand elle est réduite à son orientation sexuelle ou matrimoniale ? Où est la dignité de l’enfant ? La convention internationale des droits de l’enfant reconnaît à celui-ci le droit de connaître ses parents biologiques dès la naissance. Ce titre ne convient pas en l’état.

M. Guillaume Chiche. Chers collègues, il faut que vous arriviez à définir ce qui est éthique ou moral. Le désir d’une femme de fonder une famille contrevient-il à votre éthique ? Certaines femmes souffrent tellement de ne pouvoir transmettre leur amour à un enfant qu’elles se rendent à l’étranger pour avoir recours à une pratique médicale non encore autorisée en France. Elles prennent des risques financiers, juridiques, sanitaires pour elles, pour leur progéniture, dans le seul but d’accomplir leur volonté de fonder une famille : si cela vous semble amoral, dites-le ! Selon moi, l’éthique républicaine consiste à permettre à toutes les personnes, sans aucune hiérarchie, de pouvoir le faire et surtout de garantir la sécurité de tous, adultes comme enfants.

M. Pascal Brindeau. En droit, comme en politique et en morale, quand un concept s’entend de manière naturelle, il n’est pas besoin d’insister dessus. Vouloir absolument inscrire dans le titre Ier que l’on respecte des principes éthiques et interdire à quiconque d’exprimer tout désaccord à ce sujet démontre que l’extension de la PMA n’est pas une question éthique. Ce n’est qu’une question politique : assumez-le !

M. Xavier Breton. En répondant à une revendication des adultes, pour qui l’enfant est un produit destiné à satisfaire leurs désirs, vous privez délibérément un enfant de son père. C’est bien un point de divergence avec nous qui défendons les enfants parce qu’ils sont les plus vulnérables, et ont le droit d’avoir un père et une mère. La convention internationale des droits de l’enfant reconnaît expressément le droit de ne pas être séparé de ses parents. Le rôle des États est d’y veiller, de manière très prudente et sans s’immiscer dans la vie des familles.

Assumez cette divergence de conception : vous vous placez du côté de la volonté de certains adultes, nous nous plaçons du côté de la vie et du parcours des enfants.

La commission rejette les amendements n° 36 et 164.

Elle examine les amendements identiques n° 861 de M. Xavier Breton et n° 884 de M. Patrick Hetzel.

M. Xavier Breton. Dans la même logique, il s’agit de revenir sur l’intitulé du chapitre 1er. Faut-il que vous ne soyez pas convaincus de la solidité de vos dispositifs pour que, dans l’intitulé, vous éprouviez le besoin de préciser que le choix doit être « éclairé » et le cadre « maîtrisé » ! Si vraiment le choix était éclairé et le cadre maîtrisé, cela irait de soi et il ne serait pas nécessaire de l’écrire. Cette surenchère dans les intitulés montre que le texte est loin d’être parfait.

M. Patrick Hetzel. On nous parle de cadre maîtrisé : il ne l’est pas ! Toutes les garanties ne sont pas données pour assurer l’intérêt supérieur de l’enfant. Les désirs des adultes priment sur tout le reste.

Nous sommes totalement opposés à ce texte gouvernemental, parce qu’il ne garantit pas l’intérêt supérieur de l’enfant. C’est un problème de fond, l’une des lignes rouges sur lesquelles nous ne pouvons pas transiger. Ne vous inquiétez pas, le Conseil constitutionnel réglera cela si, par malheur, ce texte devait être adopté. On ne peut pas laisser cela dans un texte de loi parce que c’est un mensonge, ni plus ni moins !

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Toute thérapeutique doit être proposée au malade de façon éclairée par le médecin : c’est un devoir. Il n’est donc pas anormal de préciser que l’AMP est pratiquée par une équipe médicale après que la femme a été éclairée sur les conditions qui l’entourent. Puisque l’on s’assure que l’acte est bien pratiqué à l’issue d’une réflexion, vous devriez être satisfaits. Je vous demande donc de bien vouloir retirer vos amendements.

Mme Emmanuelle Ménard. Vous parlez d’un texte fondé sur un principe de non-discrimination. Or vous créez une discrimination entre les enfants qui auront un père et une mère, les enfants qui auront deux mères et ceux qui n’auront qu’une mère.

Par ailleurs, je n’ai jamais parlé de droit au père : j’ai dit que vous organisez la naissance d’enfants sans père, ce qui, pour moi, n’est pas éthique. Contrairement à ce que vous prétendez, les actions en recherche de paternité et de maternité attestent du droit de l’enfant à avoir un père et une mère. Si un enfant n’a pas son père, c’est en raison d’une impossibilité de fait, ou d’un choix de sa part, mais la loi autorise l’action en recherche de paternité, et c’est un droit.

M. Pascal Brindeau. Vous dites que le terme « éclairé » relève de l’obligation d’informer le patient sur un dispositif médical pour éclairer son consentement. Or vous avez passé votre temps, en première lecture, à nous expliquer que l’AMP n’est pas un dispositif thérapeutique ou médical. Vous ne pouvez pas démontrer que les couples hétérosexuels ayant recours à l’AMP sont vraiment malades ou ont vraiment une cause pathologique d’infertilité. En réalité, cette technique permet d’accéder à la parentalité par d’autres biais que le simple rapport sexuel. Cela n’a rien à voir avec un dispositif médical ! La notion de « choix éclairé » n’a donc rien à faire dans le titre.

M. Thibault Bazin. Le problème des titres n’est pas propre à ce projet de loi : la mode est au marketing politique. L’exemple de la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi ELAN, est édifiant : non seulement il n’y a pas eu d’élan pour le logement, mais nous avons subi une baisse de l’offre et nous devrions même connaître une année noire ! De même, les événements récents ont montré que la loi renforçant la sécurité intérieure n’avait pas vraiment atteint son but. Quant à la loi pour une immigration maîtrisée, les chiffres de l’année ne sont pas forcément bons. Peut-être devrions-nous réfléchir à ce décalage entre les titres des lois et les faits.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Nous faisons référence à « nos » principes éthiques, car nous respectons la légitimité d’autres principes. Nous choisissons donc modestement de ne traiter que les principes qui nous animent et nous paraissent souhaitables pour la justice et l’égalité entre toutes les femmes.

Quant à la question médicale, même si la grossesse non pathologique ne relève pas de la thérapeutique, elle est organisée et suivie par des médecins. On parle d’une parturiente plutôt que d’une patiente, mais il est raisonnable de prévoir qu’elle doit disposer de toutes les informations avant qu’un acte médical soit pratiqué : c’est la condition nécessaire pour établir une confiance réciproque entre l’équipe soignante et la femme.

La commission rejette les amendements n° 861 et 884.

Elle examine lamendement n° 166 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Il s’agit de proposer un intitulé plus sobre et plus cohérent. Monsieur le rapporteur, vos propos laissent penser que la France aurait des principes éthiques à géométrie variable. Je n’ai pas l’impression que ce soit cela, la bioéthique à la française. Nous sommes un pays uni, qui peut se rassembler autour de principes éthiques communs, même si nous pouvons avoir des valeurs différentes. Ce sont les médecins qui auront à se prononcer sur l’accès d’une personne à l’assistance médicale à la procréation, selon sa situation. Si celle-ci est très âgée ou si le médecin peut déterminer, en fonction des éléments en sa possession, que l’AMP n’a aucune chance d’aboutir, il doit avoir la possibilité de dire non. Nous devons réfléchir à sa place et définir le cadre adéquat.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Un médecin qui ne souhaite pas pratiquer une interruption volontaire de grossesse (IVG) a le droit de s’y soustraire au nom de ses principes éthiques, mais il a le devoir de conseiller à la femme qui souhaite y recourir la consultation d’un autre médecin, car il doit respecter ses principes éthiques à elle. Il peut bien y avoir coexistence de principes éthiques différents dans la même communauté humaine, dans le même pays, les uns n’empiétant pas sur les autres.

Vous nous prêtez comme objectif d’autoriser l’accès à l’AMP. C’est un peu réducteur ! Cela va plus loin : nous voulons autoriser toutes les variétés d’AMP pour toutes les femmes, avec une prise en charge intégrale par la sécurité sociale. Notre titre mérite donc d’être maintenu tel qu’il est.

Mme Agnès Thill. Y a-t-il des gens qui ne font pas un choix éclairé en matière de procréation ? Surtout, quest-ce quun choix éclairé ? Sil y a un choix, cest quil y a un projet qui repose sur une idée, avec un début et une fin. Or, pour moi, un enfant, ce nest pas une idée ; il ne nous appartient pas ; il a un début et une fin qui nous dépassent complètement. Ce terme me pose donc un problème éthique.

La commission rejette lamendement n° 166.

Elle examine lamendement n° 165 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Je vous propose l’intitulé suivant : « Élargir l’accès à la procréation médicalement assistée ». Cela correspond à la réalité de votre projet, que l’on peut respecter même si nous le combattons.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. L’intitulé que vous proposez est trop réducteur, car ce chapitre ne traite pas que de l’AMP.

M. Xavier Breton. Cette proposition de rédaction concerne le chapitre qui porte bien sur lassistance médicale à la procréation. Elle ne concerne pas lensemble du titre, qui traite effectivement dautres sujets, comme lautoconservation des ovocytes. Nous pouvons donc tous nous ranger derrière sa proposition.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. L’autoconservation des ovocytes figure bien dans le même chapitre, alors que ce n’est pas de l’AMP.

La commission rejette lamendement 165.

Elle est saisie de lamendement n° 59 de Mme Annie Genevard.

M. Thibault Bazin. Avec tout le respect que je vous dois, monsieur le rapporteur, je pense que votre argument n’est pas exact : l’autoconservation des gamètes n’a de sens que si l’on entend recourir à une AMP.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Votre amendement est en contradiction totale avec l’objet de la loi bioéthique. Même le groupe des sénateurs Républicains a dépassé cette question ! C’est un combat d’arrière-garde. Je peux comprendre que vous vouliez revenir très loin en arrière, mais, à ce point, cela n’est pas possible. Non, cette disposition ne se limite pas aux couples formés d’une femme et d’un homme ; nous l’étendons même aux femmes seules.

La commission rejette lamendement 59.

Article 1er A (nouveau)
Absence de droit à lenfant

La commission examine les amendements identiques n° 1458 de la rapporteure, n° 100 de M. Guillaume Chiche, n° 485 de M. Maxime Minot, n° 790 de M. Jacques Marilossian, n° 1036 de Mme Anne-France Brunet, n° 1111 de Mme Sylvia Pinel, n° 1148 de Mme Danièle Obono, n° 1261 de M. Jean-Louis Touraine et n° 1369 de M. Jean-François Mbaye.

Mme Coralie Dubost, rapporteure sur larticle 1er A. Pour reprendre vos propres mots, monsieur Bazin, les sénateurs ont choisi de faire du marketing politique, dont vous nous avez dit toute la nocivité pour la loi. Je ne doute donc pas que vous voterez la suppression ici proposée.

Les sénateurs Républicains ont créé, dans le titre VII sur la filiation du code civil, un pseudo-principe selon lequel nul n’aurait de droit à l’enfant – comme si ce projet de loi prévoyait un droit à l’enfant ! C’est totalement erroné en droit, cela crée de l’incertitude et est contraire aux principes éthiques de notre code civil. Pour éviter toute source d’insécurité juridique, il faut supprimer cette erreur manifeste.

M. Guillaume Chiche. Il faut supprimer l’article visé pour trois raisons. Premièrement, le projet de loi ne vise absolument pas à créer un droit à l’enfant. Deuxièmement, cette notion n’a aucune consistance, aucun fondement juridique. Troisièmement, la naissance d’un enfant n’est jamais garantie lorsqu’on recourt à l’AMP. La probabilité d’obtenir une grossesse au bout de six inséminations avec tiers donneur ou au bout de quatre fécondations in vitro – soit le nombre maximal de tentatives prises en charge par la sécurité sociale – n’est que de 60 %.

Nous parlons bien du droit daccès à une pratique médicale. Il ne sagit en aucun cas de garantir le succès de cette dernière. Par ailleurs, je vous encourage à aller à la rencontre de femmes qui se sont engagées dans ce parcours : elles sont nombreuses à essuyer échec sur échec, à enchaîner les tentatives, perdant chaque fois un peu plus de chances davoir un enfant.

M. Maxime Minot. Le Sénat a effectivement souhaité inscrire dans le code civil un article affirmant : « Nul n’a de droit à l’enfant. » Cela nous semble superfétatoire, d’autant que, comme vient de le dire Guillaume Chiche, les couples ou les femmes seules qui s’engagent dans un parcours d’assistance médicale à la procréation savent à quel point le chemin est difficile, et que le succès n’est pas garanti. Il n’est nullement question de droit à l’enfant dans le projet de loi, et cette notion n’a pas lieu d’être. Qui plus est, ajouter un tel article, au détour d’une révision des lois de bioéthique, nous semble jeter le doute sur la sincérité des couples ou des femmes seules qui s’engagent dans un tel parcours.

M. Jacques Marilossian. Je le dis clairement d’emblée, nous sommes tous d’accord pour considérer que l’enfant n’est pas un objet. Il est un sujet de droit, pas un objet de droit. Dès lors, l’inscrire dans la loi n’a pas de sens sur le plan juridique.

L’aide médicale à la procréation est un parcours du combattant et les couples ne sont pas certains que leur démarche aboutisse. Les techniques de PMA sont longues, difficiles, parfois même douloureuses ; je le sais pour l’avoir expérimenté. Elles débouchent souvent sur des naissances prématurées et connaissent de nombreux échecs. Cela vaut pour les couples hétérosexuels, cela vaudra aussi pour les couples de femmes ou pour les femmes seules. Imaginer, dès lors, que les couples de femmes ou les femmes seules passeront par la PMA pour avoir un enfant comme elles se procureraient un objet est totalement faux. Imaginer que la PMA serait une baguette magique qui, dans une démarche consumériste, donnerait des enfants à des parents forcément homosexuels l’est tout autant. Au contraire, les couples de femmes ou les femmes seules ne veulent pas qu’on leur donne un enfant : ces personnes veulent faire un don d’amour, comme les couples hétérosexuels, quitte à affronter le long parcours de la PMA.

Mme Anne-France Brunet. Je suis, moi aussi, tout à fait favorable à la suppression de cet article et, à travers elle, à celle du concept de droit à l’enfant dans le texte. Un couple hétérosexuel ou un couple de femmes peuvent faire mûrir un projet parental mais n’ont pas droit à un enfant. L’enfant est une personne, un sujet de droit : il ne saurait être envisagé comme l’objet du droit d’un tiers.

Mme Sylvia Pinel. L’amendement no 1111 va dans le même sens que les précédents : il faut supprimer l’article 1er A, introduit par le Sénat, car, d’un point de vue juridique, il ne me semble ni pertinent ni inopérant de parler de « droit à l’enfant ». Un enfant est une personne, c’est-à-dire un sujet de droit, et ne peut donc être reconnu comme l’objet du droit d’une autre personne.

M. Bastien Lachaud. Nul n’a parlé d’un droit à l’enfant, et cet article, ajouté par le Sénat, n’a aucune portée juridique. Son seul effet est de rendre la loi bavarde, alors que, normalement, l’un des rares intérêts du Sénat est de fournir le concours de ses qualités légistiques, notamment en évitant ce bavardage. Cela est d’autant plus inquiétant que, dès 1991, le Conseil d’État, dans le cadre de son étude annuelle, avait dénoncé le fait que la loi était bavarde ; il y était revenu en 2006 car il avait constaté que le bavardage continuait et mettait en péril la sécurité juridique de notre système.

L’article 1er A n’apporte rien. Ce n’est qu’une provocation laissant accroire que le projet de loi porte l’idée d’un droit à l’enfant, ce qui n’est absolument pas le cas. Il faut évidemment le supprimer.

M. Jean-Louis Touraine. Je me joins au concert. Nous devons supprimer cet article, pour deux raisons. Premièrement, sur la forme, il nest pas possible juridiquement de traiter une personne, sujet de droit, comme lobjet du droit dun tiers. Deuxièmement, sur le fond, les chances de succès dune fécondation in vitro sont faibles : une sur cinq seulement à chacune des tentatives, et 60 % environ au total en les répétant. On est donc très loin dun droit à lenfant. Laisser entendre dans la loi que quiconque pourrait revendiquer un droit à lenfant naurait pas de sens.

M. Jean-François Mbaye. Même si nous nous intéressons ici à la conception et à la venue au monde d’enfants conçus par la mise en œuvre de techniques médicales, la procréation – surtout lorsqu’elle implique seulement un couple qui, par le processus naturel, décide d’avoir un enfant – est avant tout une affaire privée, relevant du droit à fonder une famille. Par ailleurs, en droit français, le droit à l’enfant n’existe pas. En introduisant cet article, les sénateurs ont essayé de donner corps à ce qu’ils présentent fallacieusement comme étant la volonté de la majorité et du Gouvernement de créer un droit à l’enfant. Je me félicite que bon nombre de nos collègues soient aux antipodes de la position des sénateurs, et je souhaite que nous effacions du texte cette aberration juridique.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Avis favorable. Il importe de faire la différence entre avoir un enfant et être parent.

Mme Emmanuelle Ménard. Il n’y a pas de droit à l’enfant, nous sommes d’accord, tout comme il n’a jamais existé d’obligation positive pour l’État d’assurer à l’un de ses ressortissants d’avoir un enfant. C’est pourtant ce que revendiquent ceux qui souhaitent légaliser la PMA pour les couples de femmes et les femmes seules, ou encore la GPA. Au nom de ce désir d’enfant, qui se transforme en droit à l’enfant, on lève les restrictions, de quelque ordre que ce soit, pour atteindre une sorte de « droit à la parentalité » – l’expression est de vous, monsieur Touraine –, qui implique de facto le droit à l’enfant. L’article introduit par le Sénat relatif à l’impossibilité du droit à l’enfant n’est donc pas inutile, loin de là. Je propose toutefois une modification visant à réaffirmer pleinement que le droit à l’enfant n’existe pas. C’est l’objet d’un amendement qui vient après, mais dans la mesure où vous allez certainement voter la suppression de l’article, il va tomber.

Les choses bien énoncées ont le mérite d’être claires, et c’est particulièrement important dans ce projet de loi. S’il ne consacre pas le droit à l’enfant, pourquoi ne pas inscrire la garantie que nous proposons, ne serait-ce que pour protéger l’avenir, en particulier celui de nos enfants – qui, je le répète, sont des sujets et non pas des objets ?

En ce qui concerne les chiffres communiqués par M. Chiche et M. Touraine, selon l’Agence de la biomédecine, le taux de succès est non pas de 60 %, mais de 16,9 %…

M. Jean-Louis Touraine. C’est pour chaque tentative !

Mme Emmanuelle Ménard. …ce qui justifie, à mes yeux, que le recours à la PMA ne soit pas systématique, mais qu’il faille, au contraire, envisager d’autres solutions.

M. Pascal Brindeau. Je ne sais pas si le Sénat a entendu faire une opération de marketing politique. En revanche, il a souhaité, tout simplement, mettre votre majorité devant les conséquences de ses actes. Que vous le vouliez ou non, et même si vous niez que c’est là votre intention, en ouvrant cette technique médicale au-delà de ce pour quoi elle a été créée, c’est-à-dire tenter de pallier l’infertilité au sein d’un couple hétérosexuel ayant la capacité de procréer par gamètes mâles et femelles, vous entrez dans la parentalité de volonté, défendue de manière très cohérente par Jean-Louis Touraine. Or cette parentalité de volonté s’apparente à un droit à l’enfant, que ce concept existe ou pas juridiquement. Si c’est d’un acte d’amour qu’il s’agit, il existe déjà une procédure ouverte à tous, quel que soit le statut des personnes et leur orientation sexuelle : l’adoption.

M. Xavier Breton. Cette discussion est très importante. Elle renvoie à la notion de projet parental – vous vous souvenez de l’amendement, honteusement adopté en première lecture, qui réduisait l’enfant au produit de la volonté des adultes. « Nul n’a de droit à l’enfant », lit-on dans cet article. Qui peut s’opposer à cette phrase ? Le fait même que vous le fassiez montre bien qu’en fait, dans votre logique, l’enfant est uniquement le produit de la volonté des adultes. C’est tout à fait révélateur de nos différences de conception : vous défendez la volonté des adultes, censés pouvoir utiliser toutes les techniques pour satisfaire leur désir ; nous privilégions la protection de l’enfant, qui n’a pas à devenir un produit et ne se réduit pas à la seule volonté de ses parents. Celui-ci n’est pas seulement un projet, il a une vie par lui-même. Nous assumons cette différence et ne sommes qu’à demi étonnés, malheureusement, que vous refusiez d’inscrire dans la loi l’idée selon laquelle nul n’a de droit à l’enfant.

M. Thibault Bazin. La sémantique a son importance. L’expression « assistance médicale à la procréation » traduit bien le fait que des médecins interviennent dans le processus de procréation ; ce n’est pas seulement une assistance technique. Les sénateurs, au-delà des autres dispositions, qu’ils ont maintenues pour partie, ont senti le besoin de réaffirmer, avant toute chose, le principe essentiel de la non-reconnaissance d’un droit à l’enfant, quand bien même il faudrait peut-être, sur le plan juridique, améliorer la rédaction.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Il y a déjà l’article 16 du code civil !

M. Thibault Bazin. Les sénateurs ont senti le besoin dinscrire dans le texte la phrase en question parce que, dès lors que le critère thérapeutique est supprimé, il y a le risque quaucune demande dAMP, même celles nayant aucune chance daboutir, ne puisse plus être refusée par le médecin – avec tous les litiges que cela pourrait entraîner. Jaurais aimé connaître lavis des ministres sur ce point ; ce sera pour la semaine prochaine. Il faut mesurer soigneusement les conséquences du projet de loi. Or, de fait, la question se pose : les médecins pourront-ils dire non ? Peu importe, à cet égard, la situation personnelle des demandeurs, lintervention des médecins dans le processus de procréation concerne aussi bien les personnes hétérosexuelles que les personnes homosexuelles.

Vous avez dit, avec raison, que le processus d’AMP est long et difficile, qu’il y a beaucoup d’échecs. Un médecin pourra-t-il refuser une AMP, notamment s’il estime que, compte tenu des éléments portés à sa connaissance, elle ne pourra pas aboutir ? En définitive, ce n’est pas tant le droit absolu à l’enfant qui est en jeu que le droit absolu à l’AMP. Tel est l’objet de l’article : il faut maîtriser ce risque. Quand on fait de la bioéthique, il est important également de maîtriser les risques.

M. Patrick Hetzel. J’ai relu les débats au Sénat : M. Patriat s’y est félicité que le texte consacre un droit au désir d’enfant. C’est parce que de tels arguments ont été avancés que la majorité du Sénat a tenu à inscrire clairement dans le texte que « Nul n’a de droit à l’enfant. » Vous devez assumer politiquement le fait que, dès lors que vous défendez un amendement visant à rayer ces mots, vous acceptez l’inverse – autrement dit, vous voulez créer un droit à l’enfant.

Vous devriez être honnêtes avec nos concitoyens ; cest vraiment la moindre des choses. Or vous avancez masqués. Le pire, cest que vous nassumez pas ce que vous faites. Faire de la politique, cest assumer ses idées et les défendre clairement. Vous essayez denfumer nos concitoyens, mais ils ne le supportent pas – et ils vous lont fait savoir pas plus tard quhier.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Monsieur Hetzel, nous avions dit que nos débats devaient rester sereins…

Mme Agnès Thill. Que dire après cette brillante intervention de M. Hetzel ? Arrêtons de berner les gens : avoir accès à cette technique d’AMP, ce n’est rien d’autre, in fine, que s’offrir un enfant. Il faut faire la différence entre avoir un enfant et être parent, dites-vous. Nous ne pensons pas la même chose. Selon vous, être parent, c’est une fonction. D’ailleurs, le Président de la République lui-même l’a dit à la présidente : « Votre problème, c’est que vous pensez que le père est un homme. » Allez donc dire à nos concitoyens que le père est une fonction ! Faites un référendum pour savoir ce qu’ils en pensent. Je vous assure que, dans les 171 villages de ma circonscription, les gens pensent que le père est un homme. Être un père, être une mère, ce ne sont pas des fonctions.

M. Bastien Lachaud. J’ai un peu de mal à suivre le débat, et j’aurais aimé que Mme Thill et certains de nos collègues des Républicains nous donnent des précisions. Si je comprends bien, madame Thill, vous dites que la PMA, c’est le droit à l’enfant, et que vous êtes opposé à celui-ci. Dans ce cas, il faut interdire toute pratique de PMA, y compris pour les couples hétérosexuels. Est-ce bien là ce que vous vouliez dire ?

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Une fois n’est pas coutume, je vais aller dans le sens de M. Lachaud.

Vous nous avez incités collectivement, cher monsieur Hetzel, à assumer nos idées ; je vous invite à faire de même. À vous entendre, ce nest pas « nul na de droit à lenfant » que vous voulez inscrire, cest « nul na de droit au projet parental ». Vous niez, en creux, et jai dailleurs trouvé cela très surprenant, lidée dun projet parental, y compris dans la procréation charnelle. Or, bien sûr, il y a un projet avant la conception ; cest même pour cela quil y a conception, que celle-ci se passe sous la couette ou par AMP. Je ne pense pas que vous ayez envie dinscrire dans le texte le refus du projet parental, mais cest bien ce que vous pensez.

Je réitère mon avis favorable aux amendements de suppression, qui conduisent à réaffirmer quil sagit ici non pas davoir un enfant, mais bien dêtre parent. Nous réfutons totalement, sagissant de lenfant, le champ lexical de la possession et de lobjet. Par ailleurs, je suis défavorable aux amendements suivants, défendus incidemment à loccasion de certaines interventions et qui tomberont du fait de ladoption des amendements de suppression.

La commission adopte les amendements 1458, 100, 485, 790, 1036, 1111, 1148, 1261, 1281 et 1369.

En conséquence, larticle 1er A est supprimé et les amendements no 37 de Mme Emmanuelle Ménard, no 471 de M. Xavier Breton, no 473 de M. Patrick Hetzel, no 167 de M. Thibault Bazin, no 29, no 1304 et no 1305 de Mme Annie Genevard, no 363 de M. Patrick Hetzel et no 280 de M. Xavier Breton tombent.

Article 1er
Élargissement de lAMP aux couples de femmes et aux femmes non mariées

La commission examine les amendements de suppression no 38 de Mme Emmanuelle Ménard, no 168 de M. Thibault Bazin, no 282 de M. Xavier Breton, no 365 de M. Patrick Hetzel, no 563 de Mme Agnès Thill, no 936 de M. Pascal Brindeau et no 1171 de Mme Josiane Corneloup.

Mme Emmanuelle Ménard. L’amendement no 38 tend à la suppression de l’article 1er. Je n’ai pas besoin de rappeler que l’ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules divise le pays – on l’a vu il y a quelques mois, avec les manifestations qu’elle a suscitées. Elle soulève des questions éthiques importantes, auxquelles nul ne peut répondre à ce jour, et elle prend en compte le seul intérêt des adultes, sans examiner l’intérêt supérieur de l’enfant.

Dans l’organisation légale de la PMA pour les couples de femmes et les femmes seules, l’enfant serait légalement privé de son père et de lignée paternelle. Le préjudice résultant de la privation de père est pourtant reconnu et indemnisé par la Cour de cassation, même lorsque le père est décédé avant la naissance et que l’enfant ne l’a donc jamais connu.

Le projet de loi, en son article 1er, méconnaît en outre l’article 7 de la convention internationale des droits de l’enfant – ratifiée par la France –, qui prévoit l’obligation d’enregistrer l’enfant dès sa naissance, c’est-à-dire d’établir un acte de naissance conforme à la réalité, qui relate l’événement de la naissance en indiquant quand, où et de qui l’enfant est né. L’indication de parents d’intention, dans le cadre de la PMA, méconnaît le droit de l’enfant, car elle le prive d’un acte conforme à la réalité pour établir un acte conforme aux désirs des adultes, ce qui est totalement différent.

Le projet de loi méconnaît également l’article 7 de la convention en ce qu’il prive l’enfant du droit d’être élevé, dans la mesure du possible, par ses parents. Lorsqu’on parle des parents, on vise évidemment ceux dont la réunion des gamètes a permis à l’enfant d’être conçu. C’est le sens des actions en recherche de maternité ou de paternité dans le droit français, dont je parlais tout à l’heure.

Enfin, nombre de pédopsychiatres insistent sur les conséquences importantes de la privation légale de père dans le processus de construction de l’enfant et de son psychisme. Les parlementaires ne peuvent, à mon avis, assumer la responsabilité d’un tel bouleversement anthropologique, dont on est encore absolument incapable de mesurer les conséquences.

M. Thibault Bazin. En première lecture, j’avais posé des questions concernant les externalités négatives des changements proposés – souvent, dans les débats, on n’évoque que les externalités positives. Je me permets de vous les poser de nouveau, car je n’ai pas été rassuré s’agissant des risques éthiques.

Premièrement, avant denvisager une extension de lassistance médicale à la procréation, ne devrions-nous pas attendre des études sérieuses en la matière ? Je ne suis pas le seul à poser la question ; même le Conseil dÉtat et le CCNE lont fait.

Deuxièmement, qu’en est-il de la médecine ? On a bien vu, avec la crise sanitaire, que les moyens humains et financiers dont elle dispose ne sont pas extensibles et qu’elle a déjà du mal à faire face aux défis auxquels elle est confrontée.

Troisièmement, quel est l’avenir de la relation médicale si les moyens ne sont plus concentrés sur la réponse aux situations pathologiques ? Le Comité consultatif national d’éthique a dit que la définition des priorités était un enjeu important. En cessant de le faire, on risque de créer des injustices, surtout en cas de pénurie des moyens.

Quatrièmement, ne crée-t-on pas une inégalité majeure, à terme, entre les enfants ?

Enfin, n’ouvre-t-on pas la porte à la GPA ? L’inégalité entre les couples de femmes et les couples d’hommes n’aboutira-t-elle pas inéluctablement à la légalisation de cette dernière, peut-être à l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité ?

Pour toutes ces raisons, il faut être extrêmement prudent.

M. Xavier Breton. Ne risquons-nous pas, en effet, de créer des inégalités majeures entre les enfants – entre ceux qui auront un père et une mère, ceux qui auront deux mères et ceux qui auront une mère seule ? Les uns auront une ascendance fondée biologiquement, les autres non. Il est important que nous ayons des réponses sur ce point, car nous entendons parler d’égalité, mais c’est de l’égalité entre les adultes qu’il s’agit ; nous parlons quant à nous des enfants. C’est affaire de choix : vous vous intéressez à la volonté des individus adultes de fabriquer un enfant, quand nous sommes dans une logique de protection de l’enfant. Selon nous, celui-ci doit avoir un père et une mère qui l’élèvent et lui donnent toutes ses chances dans la vie.

M. Patrick Hetzel. L’article 1er modifie en profondeur l’assistance médicale à la procréation, puisqu’il supprime le but thérapeutique sur lequel est fondée l’intervention médicale. Cet article, qui ouvre l’AMP aux couples de femmes et aux femmes célibataires, est à mettre en relation avec l’article 4, qui opère une réforme profonde du droit de la filiation, dont la portée – nous l’avons dit en première lecture – n’est absolument pas maîtrisée.

Larticle 1er rompt avec le droit jusqualors applicable à lassistance médicale à la procréation, alors même que, depuis 1994, les législateurs successifs ont toujours considéré quil y avait là un équilibre et quil ne fallait pas aller au-delà. De surcroît, vous supprimez le père du modèle légal de la filiation pour linsémination artificielle avec donneur, comme sil nexistait pas, ce qui revient à nier une réalité biologique. Vous devez assumer cette démarche.

Avec cet article, l’intérêt supérieur de l’enfant ne serait pas préservé. C’est la raison pour laquelle nous demandons sa suppression. Vous êtes en train de faire voler en éclats l’équilibre qui prévalait depuis plusieurs décennies. Selon nous, il doit être préservé. C’est une autre ligne rouge.

Mme Agnès Thill. Larticle 1er élargit laccès à lAMP aux couples de femmes et aux femmes non mariées. Associé à larticle 4, qui procède à une réforme du droit de la filiation dont la portée nest pas maîtrisée, il rompt en profondeur avec le droit jusqualors applicable à la procréation médicalement assistée.

Depuis l’adoption des premières lois de bioéthique, en 1994, le droit français se caractérise par une constante recherche d’équilibre entre les nécessités du progrès scientifique et technique et la préservation des valeurs humaines et sociales fondamentales ; cet article s’en éloigne. Cette recherche d’équilibre repose sur l’idée que tout ce qui est techniquement possible n’est pas toujours socialement ou éthiquement souhaitable. C’est une véritable question, que je vous invite à vous poser. Ainsi, s’agissant de l’AMP, les législateurs successifs ont fait le choix d’encadrer strictement les conditions d’accès, fondées sur l’intérêt supérieur de l’enfant, au sens de l’article 3 de la convention internationale des droits de l’enfant du 20 novembre 1989, que vous semblez nier, et d’interdire rigoureusement les techniques susceptibles de porter atteinte aux valeurs sociales fondamentales. Par ailleurs, l’article L. 2141-2 du code de la santé publique réserve le recours à l’AMP à un couple formé d’un homme et d’une femme, vivants et en âge de procréer.

En ouvrant lAMP aux couples de femmes et aux femmes seules, larticle 1er rompt léquilibre fragile qui avait été trouvé. Sil convient de reconnaître que la notion dégalité se trouve au fondement de cette disposition, car elle donne la possibilité à tous les couples, hétérosexuels et homosexuels, de satisfaire un désir denfant, celle-ci ne sen heurte pas moins à plusieurs limites. Si, en effet, on permet aux femmes homosexuelles de recourir à la médecine pour procréer en se fondant sur légalité, il paraît nécessaire den faire autant pour les hommes, et nous voilà arrivés à la GPA, interdite en France au nom du principe dindisponibilité du corps humain. En outre, louverture de lAMP aux couples de femmes remet en question tout notre droit de la filiation en la détachant de toute référence à lengendrement.

M. Pascal Brindeau. Je demande, moi aussi, la suppression de cet article, car il ne s’agit pas là d’une question de bioéthique. Nous ne sommes pas en train d’interroger la technique de l’AMP pour savoir si elle constitue un danger pour le corps de la femme, si elle présente plus d’avantages que d’inconvénients d’un point de vue purement médical ; tout cela a été vu lorsque l’AMP a été inscrite dans les lois de bioéthique. Ce que vous proposez, c’est de transformer une technique médicale en une technique sociale d’accès à la parentalité. D’ailleurs, c’est le code de la sécurité sociale qui sera modifié, et cette décision politique emportera des conséquences sur le code civil, au regard du droit de la filiation.

L’extension de la PMA n’a donc rien à faire dans un projet de loi relatif à la bioéthique. Si vous souhaitez avoir ce débat, il faut transférer ces dispositions dans un autre texte élargissant l’AMP aux femmes seules et aux femmes en couple homosexuel et faisant toute la lumière sur le basculement que cela représente en matière de droit de la filiation.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Avis défavorable. Dans tout ce que j’ai entendu, je crains qu’il n’y ait eu une confusion entre, d’une part, le désir d’enfant, et, d’autre part, le droit à l’enfant. Le désir d’enfant est quelque chose de souhaitable, qu’il faut encourager et qui a d’ailleurs permis à beaucoup d’entre nous de naître, mais il ne débouche absolument pas, pour quelque raison que ce soit, sur un droit à l’enfant. De la même façon, j’ai entendu Mme Ménard faire la confusion entre parents et géniteurs. Là encore, ce sont deux choses différentes – être parent, d’ailleurs, c’est beaucoup plus. J’observe également une confusion entre l’AMP avec tiers donneur et la GPA, laquelle suppose une femme porteuse. On ne saurait glisser ainsi de l’une à l’autre : ces deux pratiques sont fondamentalement différentes. Je voudrais donc, pour la clarté de nos débats, qu’on n’entretienne pas, volontairement ou involontairement, la confusion sur ces questions.

Quant au coût de l’extension de l’AMP, il n’est pas du tout inquiétant. Il a été évalué à 15 millions d’euros ; rapporté à un objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) de 205 milliards, c’est totalement négligeable. On ne peut pas utiliser l’argument du coût pour interdire l’extension de l’AMP aux femmes en couple et aux femmes seules.

Enfin, je suis d’accord avec M. Breton qu’il faut avant tout protéger les enfants. C’est bien sûr notre devoir, et notre préoccupation première. C’est précisément la raison pour laquelle nous nous attachons à suivre toutes les études en sciences humaines portant sur la question : nous voulons être sûrs d’offrir aux enfants les meilleures chances possibles. Depuis près de deux ans que le CCNE s’est prononcé, des dizaines d’études, dans plusieurs pays, ont été publiées – Mme Susan Golombok, par exemple, que nous avons auditionnée ici même, a une équipe très performante. Parmi toutes ces études, qui les ont suivis pendant vingt-cinq ans, pas une seule n’a montré le moindre inconvénient pour les enfants nés dans ces conditions. Ce sont des enfants ardemment désirés, très aimés, qui reçoivent beaucoup d’attention : ils ont tout ce qu’il faut pour bien se développer. Il n’y a donc pas d’inquiétude à avoir. Nous avons attendu d’avoir toutes ces données pour étendre, dans notre pays, l’AMP aux couples de femmes homosexuelles et aux femmes seules.

M. Patrick Hetzel. Monsieur Touraine, vous souhaitez que nos débats soient clairs. Or, tout à l’heure, vous nous avez dit quelque chose d’inexact : le droit de l’enfant à avoir à la fois un père et une mère existe bel et bien, à travers l’action en recherche de paternité ou de maternité, même si cette recherche peut se révéler impossible et que les enfants peuvent renoncer à la mener. Un enfant a donc juridiquement le droit d’avoir un père et une mère ; ne nous dites pas le contraire, car ce serait nier la réalité.

Mme Monique Limon. Faire famille signifie accueillir un enfant – qu’on soit en couple homme-femme, en couple femme-femme ou encore femme non mariée – et lui permettre, tout simplement, de vivre en sécurité et entouré d’amour. C’est pourquoi l’accès à la PMA pour les couples de femmes et les femmes non mariées est important. Il faut également que la PMA puisse être réalisée en France. On l’a dit, c’est une démarche complexe, parfois douloureuse : il est inutile d’ajouter une angoisse supplémentaire liée à la nécessité d’aller la faire ailleurs. Il vaut mieux sécuriser et accompagner ces femmes pour que l’enfant à naître soit accueilli dans les meilleures conditions possibles.

La commission rejette les amendements n° 38, 168, 282, 365, 563, 936 et 1171.

La commission examine lamendement n° 169 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Il sagit de préserver la place qui est faite aux médecins intervenant dans lAMP dans le code de la santé publique. Quen sera-t-il de la relation médicale si les moyens ne sont plus concentrés sur la réponse aux situations pathologiques ? Sil ny a plus de critères objectifs, si la médecine ne procède quà une évaluation subjective de la souffrance des personnes qui ne sont pas affectées de pathologies les empêchant davoir un enfant, ne risque-t-on pas dengendrer de linjustice ? Comment les médecins vont-ils pouvoir gérer ces demandes ?

Dans le domaine de la bioéthique, le rôle de la loi est d’encadrer les techniques médicales pour éviter les dérives et permettre au médecin d’assurer sa mission. Le but thérapeutique, inscrit dans le code de la santé publique, constitue une limite nécessaire, à la fois fiable, objective et légitime, pour permettre l’assistance médicale à la procréation.

Le rapporteur parle souvent de l’AMP, sans distinction. Du point de vue sémantique, il importe de distinguer l’AMP sans tiers donneur, qui fonctionne plutôt bien, de celle qui se pratique avec tiers donneur. C’est cette dernière qui est susceptible de provoquer des tensions ; elle soulève des questions beaucoup plus complexes, en matière notamment de gamètes et d’anonymat, qui nécessitent une réflexion quant aux risques encourus.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Nous avons déjà débattu de ces questions il y a près dun an, et nous les avons résolues. Vous avez le droit de ne pas vouloir évoluer à leur propos, mais vos amis Républicains du Sénat lont fait : tous ont accepté que la procréation médicalement assistée devait être étendue aux couples de femmes et aux femmes seules. Vous voulez revenir en arrière, et pas seulement dun an, mais jusquau moment où lAMP avec tiers donneur a été établie.

Je sais bien quil existe encore des courants de pensée qui refusent lutilisation dun tiers donneur, mais ils sont extrêmement marginaux ; ils représentent un conservatisme que je respecte mais que la société française contemporaine a rejeté depuis de très longues années. La pratique du tiers donneur est banale, acceptée et reconnue, à la fois dans les couples hétérosexuels lorsque lhomme nest pas fertile, et dans les couples homosexuels en labsence dhomme. Le principe même nest donc plus en débat en 2020 et vous devez accepter que notre société ait couramment admis cette pratique, comme vos amis Républicains du Sénat nous y exhortent.

M. Thibault Bazin. Vous me faites dire des choses que je nai pas dites. Quand jexpose que lAMP sans tiers donneur ne pose pas les questions danonymat et de pénurie de gamètes que soulève lAMP avec tiers donneur, je ne remets pas en cause le principe, je minterroge. Dans un système où nos ressources médicales sont limitées et où des risques de pénurie existent, quels seront les critères retenus ? Pour éviter que ce soit la jungle, il faut répondre à des questions de fond : qui sera prioritaire, et qui pourra voir sa demande acceptée ? Le médecin aura-t-il le pouvoir de refuser lorsque certains éléments ne seront pas réunis ?

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Nous aborderons plus tard l’équipe médicale clinicobiologique qui auditionne les couples ou les femmes seules et décide avec eux de l’opportunité de la PMA.

Quoi qu’il en soit, il ne doit pas y avoir de pénurie. Vous m’accorderez que les gamètes masculins ne sont pas une denrée rare. La seule raison qu’il puisse y avoir à une pénurie, c’est l’absence de campagne de collecte de gamètes digne de ce nom. Comme on fait appel aux donneurs de sang, il suffit de faire une campagne, et vous verrez un grand nombre de donneurs se présenter – plus de 90 % des hommes français ne savent pas qu’ils peuvent donner des spermatozoïdes. J’appelle une telle campagne de mes vœux depuis de nombreux mois, et j’espère qu’elle sera faite avant la promulgation de la loi.

M. Guillaume Chiche. Réintroduire le caractère pathologique de l’infertilité constatée par un diagnostic médical serait précisément revenir sur le droit existant pour les couples hétérosexuels. Dans la majorité des cas où l’AMP est prescrite et prise en charge par la sécurité sociale, les gamètes de l’homme et les ovocytes de la femme vont très bien, mais la fécondation ne se fait pas ; c’est la raison pour laquelle on recourt à une assistance médicale.

Selon l’Académie de médecine elle-même, de la chirurgie plastique à la médecine sportive, nombreux sont les actes et les missions qui peuvent être confiés au médecin sans que la finalité soit de corriger un état pathologique ou de se substituer à une fonction défaillante. Soigner, c’est certes prévenir, diagnostiquer et traiter, mais c’est aussi considérer les personnes dans leur entièreté physique, psychique, morale, culturelle et sociale. La souffrance ressentie du fait d’une infécondité ou consécutive à des orientations personnelles – qui ne sont pas choisies – doit être également reconnue et prise en compte. C’est pourquoi nous devons disposer d’une aide à la procréation médicalement assistée pour toutes les personnes en capacité de porter un enfant, avec une prise en charge par la sécurité sociale.

M. Patrick Hetzel. M. Touraine a fait référence au point de vue des sénateurs LR, qui serait différent de celui défendu par M. Bazin. Or il ny avait pas dunicité de leur position, tout comme il ny a pas dunicité de celle des députés LR. Je ne peux pas vous laisser dire cela. Certains sénateurs – et pas des moindres – se trouvent exactement sur la même ligne que celle défendue par M. Bazin.

Mme Agnès Thill. À partir du moment où l’on retire la notion d’infertilité, on ouvre la porte à tout le monde : aux femmes en couple lesbien, aux femmes seules, mais aussi aux couples hétérosexuels, qui pourront demander l’AMP par choix. On me dit que déjà, dans 5 % des cas, aucune infertilité n’est décelée. Mais la science ne sait pas tout – quelle suffisance il y aurait à l’affirmer ! Si les deux personnes ont chacune tout pour fonctionner, il y a forcément quelque chose qu’on ignore, fût-ce psychologique.

Mme Emmanuelle Ménard. En 1994, on a introduit le don de gamètes dans la loi en pensant majoritairement que seul compterait lamour et que le recours à un tiers donneur ne poserait pas de problème tant quil y avait de lamour dans le foyer et le couple parental. Depuis, les enfants qui sont nés dune PMA avec tiers donneur ont grandi, et ils ont expliqué que ce nétait pas si simple. Contrairement à ce que vous avez dit, monsieur le rapporteur, de nombreuses études montrent lexistence de certains désordres médicaux chez les personnes concernées. Juste avant le confinement, un article publié dans un journal grand public belge, LÉcho, faisait état de ce que 50 % des enfants nés de PMA avec tiers donneur souffriraient de mal-être.

Vous dites aussi que l’absence de campagnes sur le don de gamètes explique le faible nombre d’hommes qui donnent leurs spermatozoïdes. Or l’Agence de la biomédecine lance régulièrement de telles campagnes. Seulement, pour un homme, donner ses gamètes n’est pas un geste anodin ; c’est une grande responsabilité aux implications fortes, et cela peut apparaître à certains comme un acte contre nature.

Suivant lavis défavorable du rapporteur, la commission rejette lamendement n° 169.

Elle est saisie de lamendement n° 901 de Mme Michèle de Vaucouleurs.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Cet amendement vise à rétablir les dispositions adoptées par l’Assemblée nationale ouvrant l’AMP aux couples composés de deux femmes et aux femmes seules, en réponse à un projet parental. En conséquence, l’article L. 2141-2 introduit par le Sénat, indiquant que l’AMP a pour objet de remédier à l’infertilité d’un couple formé d’un homme et d’une femme, serait supprimé.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je propose, juste après, lamendement  1438, qui est un peu plus complet. Je suggère donc que vous retiriez le vôtre.

Lamendement  901 est retiré.

La commission est saisie des amendements identiques n° 896 de Mme Michèle de Vaucouleurs et n° 964 de M. Bastien Lachaud.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Il s’agit, dans la même optique, de supprimer l’alinéa 3 introduit par le Sénat qui, en limitant l’accès à la PMA aux couples rencontrant des difficultés médicales pour avoir un enfant, empêche de fait les couples de femmes et les femmes seules d’y recourir et ainsi de fonder une famille.

M. Bastien Lachaud. La distinction opérée dans l’alinéa 3 rompt toute la philosophie initiale d’égalité devant la parentalité entre couples hétérosexuels, couples homosexuels et femmes seules, ce qui revient à essentialiser la parentalité alors que celle-ci est avant tout un phénomène social. Nous souhaitons donc le supprimer.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Si lon adopte mon amendement, vos intentions, que je partage, seront satisfaites. Je vous propose donc de retirer les vôtres.

M. Bastien Lachaud. Je ne suis pas défavorable à l’idée de retirer le mien. J’ai déposé un sous-amendement sur l’amendement n° 1438 ; j’espère qu’il sera considéré avec bienveillance par M. le rapporteur.

Les amendements  896 et 964 sont retirés.

La commission examine, en discussion commune, les amendements n° 1438 rectifié du rapporteur, n° 486 de M. Maxime Minot, n° 1312 de Mme Aurore Bergé, n° 1112 de Mme Sylvia Pinel, les amendements identiques n° 101 de M. Guillaume Chiche et n° 1034 de Mme Anne-France Brunet, lamendement n° 749 de Mme Elsa Faucillon, les amendements identiques n° 102 de M. Guillaume Chiche, n° 817 de M. Hervé Saulignac et n° 1180 de M. Didier Martin, et lamendement n° 1370 de M. Jean-François Mbaye.

Lamendement n° 1438 rectifié fait lobjet des sous-amendements n° 1565 et n° 1567 de M. Thibault Bazin, n° 1575 de M. Bastien Lachaud, et n° 1568, n° 1569 et n° 1570 de M. Thibault Bazin.

Lamendement n° 1312 fait lobjet des sous-amendements identiques n° 1498 de M. Thibault Bazin et n° 1525 de M. Patrick Hetzel, n° 1500 de M. Thibault Bazin, n° 1527 de M. Patrick Hetzel, et n° 1502, n° 1503 et n° 1504 de M. Thibault Bazin.

Lamendement n° 1180 fait lobjet du sous-amendement n° 1573 de Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Il s’agit, par l’amendement n° 1438 rectifié, de rétablir la rédaction adoptée en première lecture par notre assemblée, et de réaffirmer ainsi que l’AMP est ouverte aux couples de sexes différents comme aux couples de femmes et aux femmes seules, et qu’elle vise à répondre à un projet parental.

Le Sénat a souhaité distinguer l’accès à l’AMP pour les couples infertiles d’une part, et pour les couples de femmes et les femmes non mariées d’autre part. Cette distinction ne nous paraît pas justifiée puisqu’elle aboutirait à priver les couples de femmes et les femmes seules d’une prise en charge par l’assurance maladie.

Par ailleurs, cet amendement vise à affirmer qu’aucune différence de traitement n’est admissible, ni en raison du statut matrimonial, ni de l’orientation sexuelle, ni de l’identité de genre. Une rédaction qui oublierait l’une de ces mentions ferait apparaître une discrimination. À cet égard, je renvoie à la discussion en première lecture, lors de laquelle notre collègue Raphaël Gérard avait relayé les associations représentatives pour dire à quel point la discrimination envers les personnes transgenres était mal vécue, et le sentiment de relégation et de marginalisation aussi fort que celui qu’avait pu ressentir dans le passé les personnes homosexuelles. Il est important d’éliminer toutes ces discriminations.

M. Thibault Bazin. Je vous propose, par le sous-amendement n° 1565, de supprimer la première phrase du deuxième alinéa de l’amendement du rapporteur, puis par le n° 1567 d’empêcher les femmes seules d’accéder à la PMA, et par le n° 1568 de supprimer le quatrième alinéa.

M. Maxime Minot. L’amendement n° 486 vise à revenir au texte du projet de loi initial, qui prévoit d’ouvrir l’assistance médicale à la procréation aux couples de femmes et aux femmes non mariées, sans distinction au regard de l’orientation sexuelle ou du statut matrimonial des demandeurs. Distinguer deux régimes, l’un pour les couples hétérosexuels, l’autre pour les couples de femmes et les femmes non mariées, pourrait avoir pour conséquence de rendre ce droit non effectif par une priorité induite en faveur des couples hétérosexuels. De même, cette distinction interdit la prise en charge des frais médicaux par la sécurité sociale pour les couples de femmes et les femmes seules. Cet amendement vise donc à restaurer l’égalité entre tous les demandeurs de PMA.

Mme Aurore Bergé. L’amendement n° 1312 est l’amendement du groupe La République en marche ; il reprend strictement la rédaction adoptée en première lecture, qui permettait d’aboutir à un équilibre. Ce n’est pas tout à fait la même que celle que vous proposez, même si nos deux amendements visent le même objectif.

Nous proposons de supprimer ce qui a été introduit par le Sénat, qui opère à nouveau une distinction empêchant de consacrer l’accès à l’AMP pour toutes. Nous réaffirmons ainsi qu’il ne peut en aucun cas y avoir une discrimination et une distinction en fonction du statut matrimonial ou de l’orientation sexuelle, et donc qu’aucune priorisation ne peut s’effectuer sur la base de ces critères.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Avis défavorable. Madame Bergé, jadhère tout à fait à ce que vous venez de dire, mais je pense que si lon traque les discriminations sagissant du statut matrimonial et de lorientation sexuelle, nous devons aller jusquà écarter celles portant sur lidentité de genre, faute de quoi les difficultés perdureront pour les personnes concernées. Il faut que nous nous attachions à éliminer lensemble de ces discriminations.

M. Thibault Bazin. Je ne comprends pas l’argumentaire que vous utilisez pour combattre l’amendement de votre groupe parlementaire. Finalement, les désaccords perdurent au sein de la majorité et, neuf mois et un confinement plus tard, il n’y a toujours pas de projet qui fasse consensus. Cela montre qu’il faut prendre le temps de discuter et de regarder exactement quelles sont les modifications apportées, pour ne pas faire d’erreur. C’est le sens de mon sous-amendement n° 1498.

M. Patrick Hetzel. Nos sous-amendements identiques tendent à supprimer la première phase du deuxième alinéa, car elle introduit une logique qui fait perdre à la PMA son but thérapeutique. Depuis la loi de bioéthique de 1994, on parle de procréation médicalement assistée. Dès lors que l’on parle de projet parental et que l’on supprime cette référence au but thérapeutique, on sort de la procréation médicalement assistée et on entre dans un nouveau paradigme. Il faut alors le dire clairement.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. La PMA na jamais eu de but thérapeutique. Elle ne guérit pas linfertilité, elle ne fait que la compenser. Il ne sagit pas dune application thérapeutique, comme peut lêtre, par exemple, une opération sur les trompes. Par ailleurs, la PMA peut dores et déjà être pratiquée dans des cas où il ny a absolument pas dinfertilité. Pendant la période de confinement où ces opérations ont été arrêtées, un nombre notable de personnes en couple hétérosexuel et inscrites pour une PMA ont eu un début de grossesse dans des conditions naturelles, prouvant bien quil ny avait pas dinfertilité médicalement établie.

On ne peut pas s’en tenir à cette logique thérapeutique ni restreindre la PMA à certaines conditions, pas plus qu’il ne doit y avoir de hiérarchisation des critères : toutes les demandes de PMA doivent être traitées à égalité d’accès.

Enfin, les nuances de point de vue existant au sein de notre groupe parlementaire sont tout de même bien moindres que celles qui s’expriment au sein des Républicains, députés comme sénateurs. Vous avez insisté sur ces divergences, et l’immense différence entre le texte de la commission et celui de la séance plénière suffit à les illustrer.

Il peut y avoir débat pour savoir si l’accès des personnes transgenres à la PMA est légitime ou s’il faut maintenir une forme de discrimination envers ces personnes. En première lecture, la particularité avait été relevée de ce qu’une femme devenue homme pouvait enfanter. Le fait d’être transgenre, pour autant que les conditions soient remplies d’un point de vue anatomique, ne doit pas représenter en soi un obstacle à l’accord pour une PMA. C’est important pour les personnes transgenres, qui vivent cette situation comme une discrimination spécifique à leur encontre.

Avis défavorable aux sous-amendements.

M. Thibault Bazin. J’ai bien compris que vous étiez favorable à ce que les femmes devenues hommes puissent accéder à l’AMP.

Mon sous-amendement n° 1500 propose de ne pas autoriser l’accès à l’AMP aux femmes seules – que le texte désigne d’ailleurs par les termes discutables de femmes non mariées. Je m’interroge sur la multiplication des situations de vulnérabilité que pourrait susciter cette ouverture, et en premier lieu le fait d’élever seule un enfant. Le Conseil d’État, lui-même, a jugé « excessif de donner à une personne la puissance extrême d’imposer à une autre l’amputation de la moitié de son ascendance ». Il y a aussi la vulnérabilité matérielle à laquelle sont majoritairement exposées les familles monoparentales, qui constituent un quart de la population pauvre. Vous nous avez déjà opposé que les femmes seules qui choisissaient l’AMP étaient des femmes qui en avaient les moyens, mais nul n’est à l’abri d’un accident de la vie et on ne peut méconnaître les risques auxquels on expose un enfant qui n’a qu’une seule lignée parentale. Nous avons envers eux une responsabilité.

C’est une question qu’il est d’autant plus nécessaire d’aborder que nous évoquerons demain les adaptations à apporter à notre politique familiale.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Vous citez l’avis du Conseil d’État, mais il est important de ne pas le tronquer. Non seulement le Conseil d’État ne s’oppose pas à l’accès à la PMA pour les femmes seules, mais il considère même légitime de permettre à toutes les femmes veuves d’utiliser les gamètes de leur défunt compagnon ou les embryons conçus à partir de ces derniers.

Par ailleurs, il est très différent dêtre une famille monoparentale selon que cest une situation subie ou choisie, et on a trop tendance à ne considérer que le cas de ces familles monoparentales précaires qui subissent cette situation et nont pas toujours, malgré tout lamour quelles leur offrent, les moyens dassurer des conditions déducation optimale à leurs enfants.

Nous parlons ici de cas dans lesquelles la femme seule aura longuement mûri son projet parental, au sein de son propre environnement familial où l’enfant trouvera des référents féminins et masculins.

Votre crainte n’est donc pas justifiée, et les études montrent que les enfants nés de femmes seules se développent aussi bien que les enfants ayant eu soit deux mères, soit une mère et un père. Avis défavorable.

M. Patrick Hetzel. L’argumentation du Conseil d’État se limite aux cas des veuves, c’est-à-dire à une situation découlant bien d’un accident de la vie. Nous attirons, nous, l’attention sur le fait que l’ouverture de la PMA aux femmes seules pose d’emblée la question de l’altérité : il est très différent d’avoir deux parents ou de n’en avoir qu’un et, contrairement à ce que vous affirmez, la plupart des psychologues disent que la confrontation à une forme d’altérité est essentielle pour la construction de son identité. Vous ne pouvez balayer cela d’un revers de la main.

Mme Agnès Thill. Le rapporteur fait la distinction entre la monoparentalité subie et la monoparentalité voulue : mais le divorce, par exemple, me paraît une situation voulue…

Par ailleurs, puisque laccès à la PMA pour toutes est un droit non opposable, nous allons en effet au-devant de situations de grande vulnérabilité. On peut être cadre supérieure et tout perdre quelques années après – le covid vient de nous le rappeler. Les gens déménagent, connaissent le chômage, meurent. On ne peut faire des lois qui ne sadaptent quà linstant t et ne prennent pas en compte le temps long.

M. Patrick Hetzel. Le principe de non-discrimination doit être un principe général qui s’impose de lui-même. Vouloir l’inscrire dans l’article pourrait laisser penser qu’en réalité son application pose problème. Le sous-amendement n° 1527 propose donc de supprimer l’alinéa 3.

Mme Sylvia Pinel. L’amendement n° 1112 vise à réintroduire la notion de « projet parental », afin de ne pas faire de distinction entre les couples hétérosexuels infertiles et les couples de femmes. L’amendement prévoit cependant de maintenir le fait qu’une AMP peut également avoir pour objet de répondre à une infertilité biologiquement ou médicalement constatée.

M. Guillaume Chiche. L’accès à la PMA ne doit faire l’objet d’aucune hiérarchisation des projets parentaux ni d’aucune discrimination liée à l’orientation sexuelle, au statut matrimonial ou à l’identité de genre.

L’amendement n° 101 propose donc d’autoriser l’accès à la PMA pour toutes les personnes en mesure de porter un enfant, c’est-à-dire de permettre l’accès à la PMA aux hommes transgenres, qui ont changé d’état civil pour avoir une identité de genre qui leur corresponde mais sont aptes à la gestation. Il y a quelques années encore, on imposait aux hommes transgenres de se faire stériliser pour obtenir leur identité masculine. Fort heureusement, cette règle archaïque a disparu et nous devons poursuivre cette avancée en leur ouvrant l’accès à l’aide médicale à la procréation.

Mme Anne-France Brunet. L’amendement n° 1034 modifie les conditions d’accès à l’assistance médicale à la procréation. Le recours à l’AMP procède avant tout d’un projet parental et de l’échange de volontés, et les critères médicaux ne peuvent à eux seuls déterminer son emploi. L’AMP doit être ouverte aux couples hétérosexuels et homosexuels, ainsi qu’aux femmes non mariées, dans le respect du principe d’égalité. Aucune différence de traitement ne doit exister au regard du statut matrimonial, de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre des demandeurs.

M. Pierre Dharréville. L’amendement n° 749 entend revenir sur la décision prise par le Sénat de réintroduire le critère d’infertilité comme condition d’accès à la PMA et donc de refuser la prise en charge par l’assurance maladie des demandes de PMA qui ne seraient pas fondées sur un critère médical.

Les sénateurs ont ainsi institué une rupture d’égalité entre les femmes et les hommes qui désirent mener à bien une procréation médicalement assistée. Nous déplorons cette nouvelle écriture, contraire à l’égalité des droits et nous pensons injuste de créer deux catégories de bénéficiaires, a fortiori lorsque l’une des catégories se trouve exclue de toute prise en charge par la sécurité sociale. C’est non seulement contraire à la philosophie qui anime la rédaction de ce projet de loi mais cela risque, en outre, de favoriser la prise en charge des couples hétérosexuels atteints d’une pathologie, rendant ainsi caduque l’effectivité du nouveau droit octroyé aux couples de femmes et aux femmes seules.

M. Guillaume Chiche. L’amendement n° 102 est un amendement de repli qui propose de revenir à la version initiale du texte adoptée en première lecture.

Mme Marie-Noëlle Battistel. L’amendement n° 817 vise à revenir sur la décision du Sénat d’exclure les couples de femmes et les femmes non mariées de l’accès à l’AMP, excluant ainsi de facto les couples hétérosexuels fertiles.

Introduire une différence d’accès à l’AMP entre, d’une part, les couples hétérosexuels et, d’autre part, les couples de femmes crée une rupture d’égalité, qui fait risquer une censure par le Conseil constitutionnel.

Sur le fond, la distinction entre couples fertiles et infertiles est bien moins binaire que ce que l’on peut penser. L’infertilité d’un couple se caractérise par « l’absence de grossesse après douze à vingt-quatre mois de rapports sexuels complets, réguliers (deux à trois fois par semaine) et sans contraception ». Nous sommes à l’évidence ici dans l’ordre du déclaratif, et opérer dans la loi une distinction entre couples fertiles et infertiles est dès lors sans effet réel.

Un tiers des couples ayant recours à l’AMP aujourd’hui n’ont en réalité pas d’infertilité pathologique diagnostiquée, mais une infertilité déclarée, constatée de fait par les couples, suite à l’absence de grossesse malgré des tentatives répétées – j’en profite pour rectifier ici les propos de Mme Thill : selon l’INSERM, ce ne sont pas 5 % mais 15 % des couples qui ne parviennent pas à concevoir d’enfant pour des raisons inexpliquées.

Enfin, il peut exister des raisons, légitimes d’accorder aux couples hétérosexuels fertiles un accès à l’AMP : certains couples fertiles peuvent connaître des difficultés à concevoir dues à d’autres raisons que la fertilité, et il faut en tenir compte.

M. Didier Martin. L’amendement n° 1180 propose le rétablissement du texte voté en première lecture par l’Assemblée nationale.

Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel. Le sous-amendement n° 1573 propose d’étendre le principe de non-discrimination à l’identité de genre.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je suis défavorable aux amendements et sous-amendements qui reviennent sur les avancées que nous avons adoptées en première lecture. Nous ne souhaitons pas que laccès à lAMP pour toutes les femmes soit remis en cause.

Par ailleurs, j’émets un avis favorable sur les amendements ou sous-amendements proposant d’ouvrir l’accès à l’AMP aux personnes transgenres.

C’est tout l’esprit de l’amendement n° 1438 rectifié que je vous propose.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Le groupe du Mouvement démocrate et apparentés est favorable à l’amendement n° 1312, qui ne mentionne pas les personnes transgenres, question sur laquelle nous n’étions pas parvenus à une position consensuelle lors de la première lecture.

M. Bastien Lachaud. Je voulais défendre le sous-amendement n° 1575 à l’amendement du rapporteur. Il propose d’ouvrir l’accès à la procréation médicalement assistée aux hommes transgenres. En effet, depuis 2016, le changement de genre à l’état civil n’est plus subordonné à la stérilisation, ce qui fait qu’il existe des hommes transgenres portant un enfant sans avoir eu recours à la PMA.

La PMA avec don de gamètes est déjà pratiquée par des couples hétérosexuels comprenant un homme trans, comme pour n’importe quel autre couple hétérosexuel. Le rapport du Conseil d’État souligne d’ailleurs que la plupart des pays d’Europe n’ont pas défini l’identité des personnes qui pouvaient ou non concevoir un projet parental grâce à la PMA, ce qui permet de ne pas créer de discrimination supplémentaire.

Le projet de loi, tel qu’il est rédigé, conduirait à introduire une discrimination fondée sur le sexe inscrit à l’état civil : un homme transgenre n’ayant pas fait son changement à l’état civil aurait accès aux techniques d’AMP tandis que celui qui l’aurait fait n’y aurait pas accès. Il est inconcevable qu’une loi défendant l’égalité introduise en réalité des discriminations nouvelles.

Mme Emmanuelle Ménard. Il faut absolument refuser cette fiction qui voudrait qu’une personne puisse utiliser son sexe biologique d’origine tout en étant désignée comme étant du sexe opposé ou en étant intersexe. Cela rend le processus de transidentité dans son ensemble totalement ambigu et contradictoire. On ne peut pas avoir tout et son contraire ; on ne peut être homme et enfanter comme une femme. L’utilisation de son appareil génital de naissance ou même de ses gamètes de naissance implique, me semble-t-il, d’être désigné, dans le processus médical qui suit et vis-à-vis de l’enfant qui pourrait être conçu, par ce sexe de naissance. On ne peut pas tout mélanger, être un jour homme, un jour femme, un jour les deux : pour l’enfant à naître, cela induit une situation bien trop ambiguë.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je suis d’autant plus favorable au sous-amendement de M. Lachaud que ce sont des situations qui existent déjà, que cela soit légal ou non. La question est de savoir si nous laissons perdurer des discriminations contre les personnes transgenres qui, dans la réalité, deviennent déjà parents sans les conséquences que vous craignez ; on le sait, car ce sont des situations suivies, encadrées et documentées.

La commission rejette successivement les sous-amendements n° 1565, 1567, 1575, 1568 à 1570, lamendement n° 1438 rectifié et lamendement n° 486.

Elle rejette successivement les sous-amendements n° 1498, 1525, 1500, 1527 et 1502 à 1504.

Elle adopte lamendement n° 1312.

En conséquence, les amendements n° 1112, 101, 1034, 749, 102, 817, 1370, ainsi que le sous-amendement n° 1573 tombent.

Les amendements n° 785 de M. Raphaël Gérard, n° 973 de Mme Nadia Ramassamy, n° 564 et n° 566 de Mme Agnès Thill, n° 1015, n° 1394, n° 43 et n° 44 de Mme Emmanuelle Ménard, les amendements identiques  283 de M. Xavier Breton, n° 366 de M. Patrick Hetzel et 565 de Mme Agnès Thill, les amendements  1007 de Mme Martine Wonner, n° 818 de M. Hervé Saulignac, les amendements identiques  1151 de Mme Danièle Obono et 1154 de M. Bastien Lachaud ainsi que le sous-amendement n° 1574 de M. Raphaël Gérard, les amendements identiques  1162 de M. Bastien Lachaud et 1177 de Mme Danièle Obono, les amendements n° 1024 de Mme Nadia Ramassamy, n° 40 de Mme Emmanuelle Ménard, n° 810 de M. Thibault Bazin et n° 1416 de M. Hervé Saulignac tombent également.

Réunion du mardi 30 juin 2020 à 17 heures 15 ([114])

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Mes chers collègues, il nous reste 1 200 amendements à examiner, dont nous devrons achever l’examen au plus tard jeudi matin.

M. Patrick Hetzel. Ces délais extrêmement contraints ne doivent pas nous empêcher d’avoir un vrai débat. Il est d’ailleurs regrettable que nous ne puissions pas examiner le texte en présence du Gouvernement, comme ce fut le cas en première lecture. Afin de nous permettre de travailler correctement, compte tenu du délai très resserré de dépôt des amendements, pouvez-vous vous engager, madame la présidente, à ce que le texte consolidé soit publié sur le site de l’Assemblée, au fur et à mesure de nos débats ? À défaut, nous ne pourrions pas déposer les amendements en temps et en heure pour la séance. C’est une question méthodologique essentielle.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Nous mettrons à votre disposition un texte consolidé une fois par jour ; il ne pourra toutefois pas l’être sur le portail Eloi. La parole ne sera pas bridée, mais gardons à l’esprit que nous devrons avoir achevé nos travaux jeudi matin.

Article 1er (suite)
Élargissement de lAMP aux couples de femmes et aux femmes non mariées

La commission examine, en discussion commune, les amendements n° 1444 et n° 1445 du rapporteur, n° 820 de M. Hervé Saulignac, n° 103 de M. Guillaume Chiche, n° 1273 de Mme Laëtitia Romeiro Dias, n° 1113 de Mme Sylvia Pinel, n° 1045 de Mme Anne-France Brunet, n° 1348 et n° 1350 de M. Didier Martin, n° 967 de Mme Danièle Obono et n° 966 de M. Bastien Lachaud.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur sur le chapitre Ier du titre Ier, à lexception de larticle 1er A. Je veux dire à quel point nous sommes reconnaissants à nos collègues qui n’appartiennent pas à la commission de nous rejoindre pour nous apporter leurs réflexions. Cela étant, je rappellerai, sous votre autorité, madame la présidente, que seuls les membres de la commission ont le droit de vote.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Faites-moi confiance pour y veiller.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Nous avons rencontré des difficultés hier, madame la présidente ; c’est pourquoi je me permets de le rappeler.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. On l’a fait remarquer à la personne qui a voté.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je vais présenter une série d’amendements qui ont trait à la procréation médicalement assistée (PMA) de volonté survivante, question sur laquelle nous étions très partagés en première lecture et qu’il nous faut à présent trancher. Considérons le cas d’une femme qui développe avec son conjoint un projet parental. Les conditions naturelles de procréation n’étant pas remplies, ils décident de congeler les spermatozoïdes du mari ou du compagnon, ou de développer des embryons par fécondation in vitro, avant de les congeler. Peu avant le transfert à la femme des spermatozoïdes ou des embryons, l’homme décède subitement, soit du fait d’une maladie, qui a motivé la congélation des spermatozoïdes, soit accidentellement. La femme, devenue veuve, doit-elle interrompre ou poursuivre son projet parental ?

Cette question en soulève plusieurs autres. Son mari ou son compagnon avait pu lui signifier – la future loi contiendra une disposition à ce sujet – son désir de prolonger le projet, donc l’enfantement, même s’il était victime d’un accident mortel. Si elle souhaite interrompre le projet, ce qui est son droit le plus absolu, tout s’arrête. En revanche, si elle désire le poursuivre, devons-nous faire droit à sa demande ? D’un côté, il faut prendre en compte l’intérêt de cette femme, de ce couple, qui a demandé la poursuite du projet parental. De l’autre côté, nous nous demandons, tous ensemble, si l’intérêt de l’enfant sera préservé, si l’enfant sera bien accueilli. D’aucuns peuvent craindre que ce soit l’enfant du deuil. Faut-il fixer des délais pour éviter des répercussions négatives sur le développement de l’enfant ?

Il me paraît nécessaire de respecter le choix fait par une femme libre, en attendant peut-être quelques mois après le décès, afin qu’elle ne soit pas soumise à une émotion envahissante. Ce qui est en jeu, c’est l’autonomie de la femme. Je vous rappelle que nos prédécesseurs, en 1975, ont accordé aux femmes la libre disposition de leur corps et de l’interruption de grossesse. En 2020, nous devons nous demander s’il convient de leur offrir la disposition de la poursuite d’un projet de grossesse et la possibilité de faire un choix.

Les autres solutions qui s’offrent à nous consistent soit à exprimer une interdiction absolue, soit à demander à la femme de faire don de ses embryons ou de ses spermatozoïdes, afin que les enfants naissent dans une autre famille. Comme nous allons accorder l’accès aux origines, dix-huit ans plus tard, un enfant pourra venir voir cette femme et lui dire : je n’ai pas eu le droit de naître auprès de toi, je suis né ailleurs, mais je viens te dire que je suis bien là, avec tes ovocytes et les spermatozoïdes de ton mari. La femme peut aussi, pour elle-même, demander à bénéficier d’un don de spermatozoïdes. Forcer une femme qui a perdu son conjoint à se séparer des gamètes ou des embryons conçus avec celui-ci et à entamer un nouveau cycle de procréation en tant que femme non mariée représente cependant une violence qui peut sembler peu acceptable quand elle s’ajoute à un deuil éprouvant.

Je vous rappelle, mes chers collègues, que les positions du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) et, surtout, du Conseil d’État sont constantes en la matière. Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d’État estime qu’il est paradoxal de maintenir l’interdiction de l’assistance médicale à la procréation (AMP) « à laide des gamètes dun homme décédé ou des embryons conservés par un couple dont lhomme est décédé […] alors que le législateur ouvre lAMP aux femmes non mariées. […] Dans un souci de cohérence densemble de la réforme, le Conseil dÉtat recommande au Gouvernement dautoriser le transfert dembryons et linsémination post mortem dès lors que sont remplies les deux conditions suivantes : dune part, une vérification du projet parental afin de sassurer du consentement du conjoint ou du concubin décédé ; dautre part, un encadrement dans le temps (délai minimal à compter du décès et délai maximal) de la possibilité de recourir à cette AMP. » C’est la raison pour laquelle l’amendement que je vous propose rend possible l’AMP dans une période comprise entre six mois et dix-huit mois après le deuil, ce qui permet d’inscrire la poursuite du projet parental et la succession dans une durée raisonnable.

Le Conseil d’État nous invite à la cohérence. Je vous suggère donc d’être cohérents : dans la mesure où nous autorisons une femme seule à développer une PMA, n’interdisons pas à une veuve d’y recourir. Je vous rappelle que notre assemblée s’était prononcée en ce sens il y a neuf ans. La solution avait ensuite été écartée, parce qu’une femme seule n’avait pas la possibilité, à l’époque, de bénéficier d’une AMP. On considérait qu’une veuve étant une femme seule, on ne pouvait pas faire d’exception à la règle.

L’amendement n° 1444 concerne l’accueil des spermatozoïdes et des embryons, tandis que l’amendement n° 1445 est un amendement de repli, pour le cas où certains souhaiteraient que seuls les embryons puissent être l’objet du prolongement du projet parental. En effet, l’embryon atteste une volonté encore plus forte de réalisation d’une grossesse.

Mme Marie-Noëlle Battistel. L’amendement n° 820 du groupe Socialistes et apparentés vise également à permettre au membre survivant du couple, si cette personne est en capacité de porter un enfant, de poursuivre le projet parental, comme l’ont successivement recommandé l’Agence de la biomédecine, le Conseil d’État et la mission d’information de notre assemblée pour la révision de la loi relative à la bioéthique. Peut-on ouvrir la PMA à une femme seule et refuser à une femme veuve de poursuivre son projet ? Ne serait-il pas traumatisant de demander à une femme endeuillée de donner ou de détruire les embryons conçus avec son compagnon, tout en lui proposant de poursuivre son parcours avec un tiers donneur ? Il n’en reste pas moins que ce droit doit être encadré. Plusieurs délais sont possibles. La loi espagnole, par exemple, limite ce transfert à une période de six mois suivant le décès. La législation belge n’autorise le transfert qu’au cours d’une période comprise entre six mois et deux ans à compter du décès. Notre amendement s’inspire de la loi belge, en retenant les mêmes délais, pour permettre à la femme veuve de faire son deuil avant de décider si elle souhaite aller au terme de la PMA entamée avec son compagnon décédé, détruire les embryons ou les donner à un couple ayant besoin d’un double don.

M. Guillaume Chiche. Nous avons longuement débattu de ce sujet en première lecture, qui touche l’intime et la douleur. Nous parlons d’une femme, en couple hétérosexuel ou lesbien, qui porte un projet parental avec son conjoint ou sa conjointe et qui est confrontée au décès de la personne avec laquelle elle a structuré ce projet. Ici encore, il me paraît essentiel de ne pas chercher à hiérarchiser les projets parentaux, qui se valent absolument tous. La personne qui a perdu son conjoint a trois choix, en l’état actuel du projet de loi : faire don des embryons à la science, à des fins de recherche – ils seront ensuite détruits ; demander leur destruction immédiate ; en faire don pour un autre projet parental.

Il faudrait y ajouter la possibilité de poursuivre son propre projet parental. À défaut, la veuve se trouverait face à un choix cornélien et douloureux. Elle pourrait être amenée à faire don d’un embryon à une autre femme, alors qu’elle aurait voulu le conserver, et se trouver, dix-huit ans après, face à une personne, née de ce don, qui aura eu accès à son identité et souhaitera la contacter, pour la remercier, lui demander des explications… Peut-être cette femme lui confierait-elle qu’elle aurait aimé mener ce projet parental à son terme et en être acteur de bout en bout, mais que la loi ne le permettait pas.

Alors que le projet de loi propose l’ouverture de la PMA aux femmes célibataires, nous interdirions à une veuve de poursuivre le projet parental avec les embryons constitués avec son conjoint ou sa conjointe, tout en l’autorisant à faire un don et à y recourir pour elle-même, dans le cadre d’un nouveau projet parental, dans la douleur. Pour éviter cela, cet amendement vous propose d’autoriser la poursuite du projet parental.

Mme Laëtitia Romeiro Dias. Maintenir l’interdit de la PMA de volonté survivante aux couples engagés dans une AMP alors que nous venons d’ouvrir la possibilité aux femmes non mariées d’accéder à ces techniques de procréation est proprement contradictoire et injuste. Au décès de son partenaire s’ajouterait, pour la femme veuve, la douleur de devoir donner à une autre femme ses propres embryons ou de les voir détruire, quand bien même elle désirerait poursuivre ce projet parental. Le texte, en l’état, ne prend pas en considération la volonté des membres du couple, ni ne tient compte de la longueur et de la complexité du parcours qui doit être suivi. La veuve se voit contrainte de détruire ou d’abandonner des embryons issus de son propre corps. Si elle désire être mère, elle devra se tourner vers un tiers donneur. Hier, Pascal Brindeau parlait d’« indécence » ; personnellement, c’est ici que je la vois. Je ne parle même pas de l’appel des juges – notamment du Conseil d’État –, qui nous invitent à changer les règles applicables en la matière.

Par cet amendement, je propose que l’on permette à la femme de disposer des embryons issus de son corps, à deux conditions : son conjoint a donné son accord à la poursuite d’un projet parental dans le cas où il décéderait ; cette femme décide, dans un délai strictement encadré, que les conditions sont réunies pour poursuivre ce projet. Les cas d’espèce nous montrent que la réflexion individuelle aboutit à des conclusions différentes selon les femmes. Permettons-leur simplement de mener cette réflexion intime au lieu de décider pour l’ensemble d’entre elles.

Mme Sylvia Pinel. Nous traitons d’une question sensible, qui renvoie à des situations personnelles difficiles. L’amendement n° 1113 précise la portée du consentement des conjoints engagés dans un parcours d’AMP. Il vise à permettre l’ouverture de l’AMP post mortem, en respectant la volonté du conjoint survivant et le consentement du conjoint décédé, tout en prévoyant des délais, pour préserver le libre arbitre du conjoint désirant continuer l’AMP. Il concerne seulement les embryons, qui sont l’expression de la volonté forte de mener à bien le projet parental. Le principal apport de ces amendements sera, à mon sens, la sécurisation juridique. En effet, le Conseil d’État nous a invités à légiférer en la matière. À l’heure actuelle, il appartient aux juges de trancher cette délicate question et, en l’absence de texte, leurs interprétations peuvent diverger.

M. Didier Martin. Par les amendements n° 1348 et n° 1350, nous souhaitons faire confiance à ces femmes qui viennent de perdre leur conjoint. Nous nous plaçons dans l’hypothèse où les deux membres du couple avaient formulé le désir que le projet parental se poursuive en cas de décès accidentel du conjoint. Nous estimons que la veuve est capable de décider de continuer ce parcours. En effet, à nos yeux, ces femmes ne sont pas sous influence ou, si elles le sont, nous considérons qu’elles gardent toute leur capacité de discernement. C’est également une question de cohérence puisqu’une femme placée dans cette situation serait conduite, si elle désirait être mère, à recourir au don d’un tiers, ce qui serait parfaitement illogique. Autorisons ces femmes à recueillir le fruit d’un amour et à faire en sorte que la figure du père ne disparaisse pas complètement. Je rappelle que le Conseil d’État et la Cour de cassation ont autorisé la restitution du matériel génétique à des femmes qui, par la suite, sont allées réaliser une PMA à l’étranger. Soyons logiques et faisons confiance aux femmes, tout en leur offrant un accompagnement personnel et le soutien de l’équipe pluridisciplinaire. L’amendement n° 1350 autorise l’AMP dans une période comprise entre six mois et deux ans après le deuil.

Mme Anne-France Brunet. Faut-il faire ou non obstacle à l’insémination ou au transfert d’embryon lorsque l’un des deux membres du couple est décédé ? Peu de choix s’offrent au conjoint survivant : soit faire un don, à la science ou en vue d’un autre projet parental, soit demander la destruction du matériel génétique. Il faut prendre en compte le niveau d’avancement du projet. Si l’embryon existe déjà, cela montre que les conjoints ont exprimé une volonté très forte, et il convient alors d’autoriser la poursuite de la démarche engagée, après s’être assuré de l’effectivité du consentement. C’est la conclusion à laquelle je suis parvenue après avoir entendu un certain nombre de couples. En revanche, je suis peu favorable à l’insémination après le décès d’un membre du couple.

M. Bastien Lachaud. Les amendements n° 967 et n° 966 ont pour objet d’autoriser la poursuite par une femme d’une PMA post mortem et l’utilisation des gamètes de son compagnon plutôt que ceux d’un donneur anonyme. Ce serait une mesure d’humanité. Nous pouvons avoir toute confiance dans les femmes qui se sont lancées dans cette procédure pour la mener à son terme. L’amendement n° 967 propose d’autoriser la PMA dans un délai de six mois à trois ans après le décès, le temps de laisser le deuil se faire tout en évitant que la procédure soit trop tardive.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Avis favorable sur tous les amendements. Nous sommes en effet appelés par le Conseil d’État à la cohérence. Je vous remercie d’avoir souligné que cette mesure s’articulerait de façon logique avec les dispositions du projet de loi. Cela étant, je vous propose de retirer vos amendements au profit de celui que j’ai présenté, car il comprend tous les éléments d’encadrement que nous sommes conviés à définir. Il s’agit, premièrement, de la fixation de délais : la PMA serait autorisée à partir de six mois après le décès, pour ne plus être en période de deuil, et pas au-delà de dix‑huit mois, pour ne pas retarder indûment la réalisation du projet parental et des actes de succession. Deuxièmement, mes amendements n’autorisent qu’une seule grossesse, ce qui ne veut pas dire un seul enfant – ce peut être une grossesse gémellaire. En revanche, on ne va pas garder des spermatozoïdes et des embryons pour fonder une famille de plusieurs enfants. Troisièmement, l’Agence de la biomédecine devra donner au préalable son autorisation après avoir entendu la femme. Quatrièmement – je sais que certains d’entre nous attachent à cette question une importance particulière –, c’est le moyen de ne pas contribuer à la multiplication d’embryons maintenus à l’état congelé, dont un certain nombre ne seront, in fine, pas réimplantés.

M. Thibault Bazin. Nous avons beaucoup parlé des femmes endeuillées. De fait, même après six mois, le deuil n’est pas toujours fait. Cela étant, il nous appartient aussi de nous interroger sur les enfants et de nous poser une question fondamentale : peut-on naître d’une personne décédée un à trois ans plus tôt ? C’est techniquement possible, mais est-ce souhaitable ? Monsieur le rapporteur, vous employez beaucoup d’euphémismes, mais, en réalité, vous voulez aller plus loin que le CCNE, qui souhaitait réserver cette possibilité aux couples auparavant engagés dans une procédure d’AMP ayant conduit à la cryoconservation d’embryons que vous appelez « surnuméraires ».

Pourquoi le choix avait-il été fait dès l’origine de ne pas permettre une utilisation post mortem des paillettes de sperme conservées par congélation dans l’azote liquide ? Pour citer l’ancien président de la Fédération nationale des centres d’études et de conservation des œufs et du sperme humains (CECOS), le principal argument était de « ne pas faire un orphelin médicalement assisté ». Il faut respecter certaines limites infranchissables, comme la mort. Les experts psychiatres sont hostiles à l’idée qu’un enfant aurait été, à l’origine, celui d’un mort. Ce principe avait été gravé dans le marbre des premières lois de bioéthique de 1994. Le débat n’a d’ailleurs pas été rouvert en 2004 et en 2011. Certains membres du CCNE considèrent même que contribuer délibérément à la naissance d’un enfant orphelin de père au motif qu’il est le fruit d’un projet parental reviendrait à ériger cette notion en un impératif supérieur à l’intérêt de l’enfant et ferait prévaloir la souffrance de la mère sur celle de l’enfant à venir. Plus grave, peut-être, la volonté du couple de procréer au-delà de la mort risquerait d’être dictée par un désir illusoire de survie à travers l’enfant et ne ferait qu’enfermer la femme dans son deuil et son passé. Il faut être prudent. Mesurons les risques pour la construction de l’enfant, et les pressions possibles sur la femme endeuillée, même six mois plus tard. Ce qui est techniquement possible ne me semble pas ici souhaitable, car cette extension serait un peu exorbitante des capacités humaines.

Mme Annie Genevard. Une femme seule et une femme veuve ne sont pas dans une situation identique. La différence fondamentale tient au deuil, que la veuve doit assumer, comme devra le faire l’enfant à naître. Je conteste donc l’argument de l’égalité entre la femme seule et la femme veuve. Ensuite, vous recourez systématiquement à l’idée que le Conseil d’État suggère et que les députés obtempèrent. Ce n’est pas exactement dans cet ordre que les choses doivent se faire. Par ailleurs, ni le rapporteur, ni les auteurs des amendements n’ont parlé de l’enfant : vous n’avez fait référence qu’aux adultes. Or, il me paraît essentiel de poser en préalable l’intérêt de l’enfant, qui doit être supérieur à toute autre considération. Enfin, vous avez justifié le recours à l’AMP post mortem par le fait que, si l’on n’implantait pas l’embryon, il serait perdu ou donné à une autre femme. Or, le rapporteur vient de nous expliquer qu’une seule grossesse serait autorisée si son amendement était adopté : la question des embryons surnuméraires se posera donc de toute façon. J’ajoute que les États généraux de la bioéthique, en 2011, avaient conclu au maintien de l’interdiction de cette pratique pour éviter la conception délibérée d’un enfant orphelin de père. Pour l’ensemble de ces raisons, je ne suis pas favorable à l’adoption de ces amendements.

M. Patrick Hetzel. C’est un sujet extrêmement grave. Nul ne conteste le caractère dramatique des situations que vous avez évoquées, monsieur le rapporteur. Cela étant, il me semble que vous apportez, par votre démonstration, des arguments très forts pour que l’on arrête de fabriquer des embryons surnuméraires et que l’on congèle des gamètes plutôt que des embryons. C’est ce que je retiens de votre démonstration et c’est d’ailleurs la voie que suivent nos collègues allemands, qui sont extrêmement prudents à l’égard des embryons surnuméraires. Pourquoi n’empruntons-nous pas cette direction ?

Il faut poser clairement les termes du débat concernant l’AMP post mortem : un enfant peut-il être un médicament pour soulager un deuil ?

Mme Annie Genevard. Bonne question !

M. Patrick Hetzel. Peut-on concevoir délibérément un orphelin ? Je pense, pour ma part, que c’est une injustice terrible, parce qu’on le sait et qu’on le crée ainsi : il ne deviendra pas orphelin par accident. Je voudrais alerter les membres de la commission sur un risque considérable, celui de la toute-puissance de la veuve. Elle pourrait en effet décider de donner au monde un orphelin de père. Comme l’a rappelé à juste titre Annie Genevard, ce n’est pas la même chose de permettre à une femme seule d’avoir un enfant et d’autoriser une femme veuve, qui fait face à une situation dramatique, de recourir à une AMP. Il faut porter un peu plus d’attention à la charge émotionnelle et psychologique qu’on va faire peser sur cet enfant. On ne peut pas traiter cette question de manière anodine. Pour moi, c’est encore une ligne rouge que l’on risque de franchir. Attention à ce que nous sommes en train de faire. Tout cela me paraît très démiurgique.

M. Hervé Saulignac. Je voudrais d’abord rappeler que nous parlons de situations extrêmement marginales : on relève un cas par an, peut-être même moins. Par ailleurs, le Conseil d’État ne dit pas ce qu’on a à faire ou à ne pas faire. Il affirme qu’aucun obstacle juridique ne s’oppose plus à la levée de l’interdiction. Il nous appartient donc de décider. La question qui se pose est de savoir au nom de quel principe moral on peut interdire l’accomplissement d’un projet parental. Je n’entends pas d’arguments très convaincants. D’abord, vous faites fi d’une réalité : en la circonstance, une femme subit un drame, qu’on prolonge en lui interdisant de donner la vie. Les opposants aux amendements évoquent des risques. Il est certain qu’une femme veuve n’est pas dans la même situation qu’une femme seule, mais ce qui compte par-dessus tout, c’est que c’est une femme libre. Qu’elle soit veuve ou seule, il lui appartient de décider de sa capacité à concevoir un enfant. Je ne vois pas au nom de quoi le législateur déciderait que, par principe, un enfant ne devrait pas naître. Il est faux de dire qu’il n’aura pas de père : il sera orphelin de géniteur, mais je ne vois pas pourquoi la mère ne rencontrerait pas, dans le cadre d’un projet de vie personnel, un homme ou une femme qui assumerait, au long de sa vie, le rôle du père. J’entends des arguments fictionnels qui, à mon sens, ne correspondent pas à la réalité que vivent certaines femmes. Le groupe Socialistes et apparentés ne s’opposera pas à ce qu’elles puissent poursuivre leur projet parental.

Mme Michèle de Vaucouleurs. La procréation post mortem a deux inconvénients majeurs. D’une part, elle conduit à établir la filiation plusieurs mois ou plusieurs années après le décès. D’autre part, le deuil devient, de fait, impossible. Au même titre qu’une femme recherchant une procréation naturelle, une femme qui avait manifesté, avant le décès de son conjoint, le souhait de recourir à l’AMP devrait avoir le droit de vivre son deuil de manière pleine et entière sans avoir à gérer le poids du statut de l’embryon ou des gamètes. Le don d’embryon est assez rare mais, lorsqu’il est consenti, il est altruiste et réfléchi, et constitue une façon de poursuivre un projet d’amour et de vie, sans subir les inconvénients qu’on vient d’évoquer.

Mme Agnès Thill. S’agissant de la PMA post mortem, je voudrais rappeler que le seul fait de porter le prénom d’un membre décédé de sa famille peut être très dur pour un enfant. Dans certains cas, il faut savoir dire « je ne sais pas », faire valoir le principe de précaution et donc ne pas prendre de décision irréversible. On doit alors s’abstenir.

Mme Emmanuelle Ménard. Je voudrais d’abord signaler que les attachés parlementaires qui essaient de suivre cette réunion en télétravail n’ont pas accès au texte et aux amendements. Il serait bien d’y remédier.

Ces situations dramatiques montrent bien le caractère paradoxal de votre texte. En toute conscience, comment pourrait-on refuser à une femme dont le conjoint vient de décéder la possibilité de poursuivre une PMA qui avait été décidée à deux, alors que vous accordez à une femme seule la possibilité d’y accéder ? Ce ne serait pas logique. Si nous étions conséquents avec nous-mêmes, nous devrions donc autoriser la PMA post mortem, mais on voit aussi les problèmes que cela poserait, d’abord pour l’enfant – je remercie Mme Genevard d’avoir évoqué l’intérêt supérieur de l’enfant dans ce domaine, ce que personne n’avait fait avant elle.

Vous imaginez bien le poids qui va peser sur les épaules de l’enfant lorsqu’il se rendra compte que sa conception a été réalisée après le décès d’un de ses parents. Où est son intérêt dans cette affaire ? On va lui faire porter le deuil de son père – cela me paraît un poids insupportable pour un enfant. Mais il y a aussi la mère : on ne peut pas négliger les pressions psychologiques qui pourraient s’exercer sur elle, notamment du côté de la famille du conjoint décédé, laquelle pourrait être tentée de peser pour que l’enfant imaginé, et parfois fantasmé, naisse coûte que coûte. Compte tenu de ces difficultés et de ces problèmes de cohérence, la PMA ne devrait être autorisée, selon moi, ni post mortem ni pour les femmes seules.

Autre incohérence, vous soumettez la volonté de la femme à l’accord donné, avant son décès, par le conjoint. C’est faire fi un peu rapidement de la volonté de la femme alors qu’il n’est question, par ailleurs, que de liberté de disposer de son corps. La femme peut avorter sans que le père puisse s’y opposer. Il n’y a aucune logique dans cette affaire. Pourquoi soumettrait-on en l’espèce sa volonté au consentement du conjoint ?

M. Xavier Breton. Je regrette l’absence du Gouvernement – nous discutons d’un projet de loi, et il aurait donc été intéressant d’avoir son éclairage. Ce n’est pas une discussion normale : elle est bâclée.

L’insémination et le transfert d’embryons post mortem posent un dilemme éthique. Il n’y a pas de bonne réponse : soit on sacrifie un projet de maternité, soit on fait naître un enfant orphelin de père, ce qui est douloureux dans les deux cas. Nous sommes face à une impasse éthique. Sa cause est l’existence, en France, d’embryons surnuméraires, à portée de main, si j’ose dire, de parents potentiels.

Ceux qui défendent ces amendements ont un parti pris, qui est la défense des adultes – de la veuve, et non de l’orphelin. Nous sommes, pour notre part, du côté des enfants les plus fragiles, les plus faibles, alors que vous êtes du côté de la toute-puissance de la volonté des adultes.

Ce texte n’aura pas seulement un effet domino, qui fera passer de la PMA à la GPA, mais aussi un effet mikado : si l’on touche à un élément, on touche aussi à autre chose. En adoptant la PMA pour les femmes seules, on est amené à se poser la question des veuves.

Dernière remarque, M. Chiche a dit qu’il ne fallait pas établir de hiérarchie entre les projets parentaux, qui auraient tous la même valeur. Quid, alors, d’un projet parental entre trois adultes ? Certains y sont favorables. Si on ne hiérarchise pas, on peut arriver à ce genre d’impasses. J’aimerais connaître l’opinion du rapporteur.

M. Bruno Fuchs. Je retirerai les amendements n° 1020 et n° 1021, déposés plus loin dans le texte, puisque nous avons maintenant le débat sur ce sujet.

C’est une question douloureuse, à laquelle il n’existe pas, en effet, de bonne solution. Néanmoins, je trouve que ces dispositions sont mal nommées : elles sont « pro vita », et non post mortem. Nous permettrons, je l’espère, de donner la vie dans le cadre d’un projet familial conçu avant la mort de l’un des conjoints.

Il a été question de l’enfant, mais il n’existera pas si l’on ne donne pas à la mère cette possibilité. Une femme en souffrance pourra donner la vie alors que la mort est intervenue précédemment. Croyez-en mon expérience : arriver à donner la vie quand il y a eu la mort est extrêmement beau. C’est vers cela qu’il faut aller.

La veuve pourra choisir d’interrompre le projet : elle ne sera pas obligée de continuer. Elle sera libre de son choix.

Je rappelle aussi que le destin, et non des choix délibérés, provoque dès à présent de telles situations. Des dizaines de milliers d’enfants naissent orphelins de père, celui-ci étant décédé pendant la grossesse.

Puisqu’on ne sait pas, comme l’a dit Mme Thill, je pense que le législateur ne doit pas interférer dans les décisions des citoyens : laissons les veuves décider en leur âme et conscience ce qu’il convient de faire des projets décidés avant la mort de leur conjoint.

M. Jean-François Mbaye. La question de la procréation post mortem recouvre deux aspects différents, qui ne doivent pas être confondus : l’insémination et le transfert d’embryons.

M. Bazin a tort de dire que le débat n’a jamais été rouvert. Bien que notre droit positif ait toujours été intransigeant en la matière – le code de la santé publique interdit la PMA post mortem –, plusieurs instances se sont prononcées entre 1994 et 2004 – le CCNE, l’Agence de la biomédecine mais aussi le Conseil d’État –, et l’ouverture de la PMA post mortem était initialement prévue en 2010. On n’a jamais voulu l’autoriser depuis l’affaire Pirès, en 1996, mais la manière dont on considère ce sujet a évolué.

Je répète la question qui a été posée en première lecture dans l’hémicycle : que direz-vous à une veuve qui pourra, à la suite de ce texte, s’adresser à un CECOS pour obtenir des embryons – elle sera une femme seule – alors que son compagnon décédé lui a donné son consentement ?

Mme Coralie Dubost. C’est un débat très sensible, qui remue beaucoup de collègues, dans un sens comme dans l’autre.

En effet, on ne peut pas comparer la situation d’une femme seule, qui choisit son projet seule, et celle d’une veuve, qui a perdu le compagnon avec lequel elle s’était engagée dans un projet parental. Mais on peut le prendre en compte si celui-ci a été fait en ayant conscience des conséquences si l’homme venait à disparaître pendant le processus d’AMP, dès le consentement au don. Sur ce point, j’aimerais que l’amendement du rapporteur soit retravaillé d’ici à la séance : il faudrait que le consentement à la PMA post mortem soit donné dès le consentement à l’AMP et devant un notaire, car les conséquences sont lourdes.

Néanmoins, elles ne sont pas impossibles. Quand les responsabilités sont prises en toute conscience, il faut aussi respecter la volonté de l’homme : s’il a fait ce choix avec sa femme, s’il l’a sentie capable de faire face, pourquoi faudrait-il aller dans le sens contraire ? Et en quoi, s’il y a un récit des origines, cela empêcherait-il quelqu’un de se construire ?

Il existe, par ailleurs, des PMA qui réussissent mais où l’homme disparaît au cours de la grossesse. On n’interrompt pas une PMA pour cette raison, même si c’est possible du point de vue des délais. Pourquoi faudrait-il, en l’espèce, interrompre un projet parental décidé en toute conscience ?

J’insiste vraiment sur les conditions du consentement, monsieur le rapporteur. Je pense qu’il faut aller plus loin en la matière, mais je suis favorable à votre amendement.

Mme Camille Galliard-Minier. Ces amendements permettront d’assurer une cohérence, que nous devons absolument aux femmes endeuillées : cohérence avec le projet parental, qui sera l’une des conditions de la PMA post mortem, avec le projet de loi, qui va ouvrir la PMA aux femmes non mariées, avec les pays voisins, notamment la Belgique et l’Espagne, et avec les avis du Conseil d’État et de l’Agence de la biomédecine. Au nom de cette cohérence, je voterai sans difficulté pour la PMA post mortem.

M. Jean-François Eliaou. Je vais redire ce que j’avais déclaré dans l’hémicycle, en première lecture, sur ce sujet extrêmement sensible.

Ce sont des situations très compliquées. On pourrait très bien envisager d’accepter, par cohérence, cet amendement. Je suis gêné, néanmoins, par la pression que peut exercer sur la femme l’entourage familial, y compris la belle-famille, en disant : « j’ai perdu mon enfant, fais-m’en un ». Les femmes sont capables de résister à toutes les pressions, c’est vrai. Il ne s’agit pas de les infantiliser, mais il faut prendre en considération les pressions, y compris pour l’homme, lorsque nous légiférons.

Un autre point qui me gêne est que le pourcentage de réussite d’une fécondation in vitro, donc la probabilité d’une grossesse, dans cette situation, sont faibles. Je crains une sorte de double peine, très lourde psychologiquement pour la femme et pour son entourage.

Mais ce qui me gêne le plus est l’idée de fixer dans la loi un délai. Comment pourrions-nous décider, en tant que législateur, au bout de combien de temps le deuil est terminé et à partir de quand on ne peut plus faire une PMA avec les embryons – qui ne sont pas « surnuméraires » comme cela a été dit. Le problème est celui du délai : je ne me vois pas le fixer dans la loi.

Mme Sereine Mauborgne. Nous devons protéger d’éventuels conflits juridiques avec la famille du défunt les femmes qui se feraient implanter des embryons – quand on connaît les problématiques liées à la fin de la vie, on peut imaginer assez aisément qu’il y en aura. Je voterai contre ces amendements.

Mme Monique Limon. Si je considère l’intérêt supérieur de l’enfant, comme je le fais tout le temps, il me semble que même s’il y a eu un échange entre la mère et le père, avant le décès de ce dernier, et même si les gamètes ont été prélevés de son vivant et conservés, on empêcherait les futurs nouveaux nés d’avoir un point d’appui paternel vivant, dans la lignée de leur filiation. D’un point de vue éthique, ce serait tout simplement inacceptable. Par conséquent, je voterai contre ces amendements.

M. Jacques Marilossian. Je voudrais apporter une précision technique qui me paraît importante pour assurer la clarté du débat et pour éclairer le vote de chacun : l’amendement n° 1444 n’a pas été déposé par les membres du groupe La République en Marche, mais uniquement par le rapporteur, me semble-t-il. J’imagine que c’est une erreur administrative.

Nous avons déjà débattu en première lecture de la PMA post mortem. Nous avons voté différemment, selon nos convictions personnelles et dans un respect mutuel, et non en fonction des étiquettes partisanes. En commission puis en séance, nous avons rejeté deux fois de telles dispositions.

Ce n’est pas une affaire de justice, de liberté, d’égalité, de décence, de morale, de technique ou même d’humanité : il s’agit tout simplement du sens de la vie. Le législateur ne peut pas s’exempter de cette préoccupation. Je peux comprendre la déception d’une femme qui vient de perdre son compagnon alors qu’elle avait un projet parental avec lui, mais je crois utile de rappeler que ce projet était celui de deux parents vivants. Créer un enfant alors que le père est mort reviendrait à franchir une frontière ontologique. Avant la mort du mari ou du compagnon, le projet n’était pas de créer un orphelin.

Je crois que nous ne devons pas voter ces amendements autorisant la conception post mortem. Je vous invite à faire preuve de prudence, d’équilibre, et à ne pas oublier que l’éthique est un devoir de sens qui s’impose à nous.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Il n’y a aucune consigne de vote, pour aucun des amendements, ici ou sur les boucles Telegram. Chacun se prononce en son âme et conscience quand il s’agit de bioéthique.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Notre collègue signalait simplement que la liste des signataires faisait référence aux membres du groupe La République en Marche.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. C’est erroné. Il y a aussi des erreurs sur les boucles Telegram.

Nous sommes tous d’accord sur le fait qu’il n’est pas question, avec la PMA de volonté survivante, d’enfants du deuil.

Je voudrais dire très courtoisement à M. Bazin et à M. Hetzel – ce dernier est allé jusqu’à évoquer la toute-puissance de la veuve – que ce qui nous différencie est le respect de l’autonomie des femmes et de leur liberté de choix : je ne me sens pas autorisé à décider à leur place.

Mme Genevard, qui est partie, a dit regretter que l’on fasse référence à l’avis du Conseil d’État. J’entends cette remarque mais nous allons examiner dans quelques minutes un amendement de Mme Genevard, n° 66, qui se base sur le Conseil d’État pour essayer de nous convaincre.

J’ai parlé de l’intérêt de l’enfant : je regrette que cela n’ait pas été entendu par tous. Certains peuvent penser que l’intérêt de l’enfant est de ne pas naître : c’est leur point de vue, mais je trouve curieux que les mêmes estiment souvent que l’intérêt d’un enfant ayant un handicap mortel est de naître. Il y a une certaine contradiction.

Les psychologues sont très partagés, pour une bonne raison : il n’existe de série statistique dans aucun pays, car ces cas sont rares. Ils ne sont pas étudiés en tant que tels. Les seules séries publiées, dans les journaux de sciences humaines, concernent des personnes dont le père est décédé dans les semaines suivant leur conception – ils sont en beaucoup plus grand nombre, notamment dans les périodes de guerre. Les études sont très réconfortantes en ce qui concerne les enfants : il n’y a pas de difficultés recensées.

La femme choisira, madame Ménard, son conjoint ne décidera pas à sa place : vous avez mal compris ce dont il est question. Le conjoint se contentera de dire en amont, lorsqu’il est encore vivant, s’il refuse ou non. S’il a refusé, rien ne se fera. Sinon, la femme sera totalement libre de prolonger le parcours de procréation. Elle seule décidera.

Il serait en effet intéressant, madame Dubost, de préciser encore davantage les conditions d’expression du consentement au moment du don des spermatozoïdes ou de la production des embryons. Je vous suggère, si la commission vote pour le progrès qui lui est proposé, de déposer un amendement à ce sujet en séance publique.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. L’erreur matérielle qui a été signalée est réparée.

La commission rejette successivement les amendements n° 1444, 1445, 820, 103, 1273, 1113, 1045, 1348, 1350, 967 et 966.

Elle examine, en discussion commune, les amendements n° 1012 de Mme Martine Wonner et n° 821 de M. Hervé Saulignac.

M. Guillaume Chiche. Je vais défendre l’amendement n° 1012, qui tend à autoriser la PMA post mortem, pour répondre à certaines remarques. Vous avez dit que personne, parmi ceux qui veulent autoriser cette évolution, ne s’intéresse à l’intérêt supérieur de l’enfant, mais c’est totalement erroné. Je pense aux enfants issus d’une PMA et d’un don qui vont se demander s’ils n’avaient pas fait l’objet d’un projet parental, dont l’aboutissement a finalement été interdit par la loi, avec le conjoint ou la conjointe décédé. Cela représente une charge très lourde pour ces enfants. Je pense qu’il faut privilégier la conduite de tous les projets parentaux de bout en bout, en s’en remettant à l’appréciation de la femme lorsque son conjoint défunt avait donné son consentement.

Mme Marie-Noëlle Battistel. L’amendement n° 821 permet de prolonger le débat précédent. Beaucoup ont douté de la confiance que l’on pourrait avoir en la femme endeuillée. Elle jugera elle-même si elle assume de poursuivre le projet de couple. Par cohérence avec l’ouverture de la PMA aux femmes seules, il est pertinent et quasiment nécessaire, à nos yeux, d’en donner aussi la possibilité aux veuves. Nous regrettons que la commission l’ait refusé.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. J’émets un avis favorable à ces amendements, en précisant que celui de M. Saulignac me paraît mieux convenir car il est un peu plus détaillé.

M. Bastien Lachaud. Je ne pense pas, vu la teneur de nos débats, qu’il soit bon que quelqu’un qui a déposé un amendement et qui est le seul représentant de son groupe ne puisse pas réintervenir après le rapporteur. Lorsqu’il est question de sujets aussi sensibles, il serait utile, madame la présidente, pour la clarté des débats, que vous autorisiez ces prises de parole. Nous pouvons intervenir sur tous les amendements si vous voulez : cela rallongera d’autant nos échanges sans contribuer à leur clarté. Vous devriez autoriser quelques prises de parole qui ne feront que simplifier nos travaux.

J’ai entendu qu’une femme pourrait être sous influence, qu’elle ne serait pas capable de décider sereinement. Si nous avions écouté ces voix, les femmes n’auraient toujours pas le droit de vote, parce qu’elles seraient toujours sous l’influence du curé, du mari ou du père.

M. Jacques Marilossian. Cela n’a rien à voir !

M. Bastien Lachaud. Nous devrions faire un peu plus confiance aux femmes et à leur indépendance.

La PMA et le projet parental sont des actes d’amour. Si l’homme a clairement donné son accord, avant sa mort, qui sommes-nous pour dire que le projet de deux adultes consentants doit s’arrêter alors qu’ils avaient décidé qu’il continue ? Nous devrions adopter ces amendements.

La commission rejette successivement les amendements n° 1012 et 821.

Elle est saisie des amendements identiques n° 284 de M. Xavier Breton et n° 367 de M. Patrick Hetzel.

M. Xavier Breton. Parmi les situations faisant obstacle à l’insémination ou au transfert des embryons, le projet de loi mentionne la signature d’une convention de divorce ou de séparation de corps par consentement mutuel, qui met fin à la communauté de vie. L’amendement n° 284 tend à ajouter la rupture d’un pacte civil de solidarité (PACS), celui-ci impliquant également une communauté de vie aux termes de l’article 515-1 du code civil.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je suis malheureusement obligé d’émettre un avis défavorable : la dissolution du PACS n’implique pas nécessairement la fin du projet parental. Un PACS peut être dissous à l’occasion du mariage du couple. C’est seulement en cas de rupture de la communauté de vie qu’il y a un obstacle à la PMA entre les deux personnes concernées.

La commission rejette les amendements. n° 284 et 367

Elle en vient à lamendement n° 965 de Mme Danièle Obono.

M. Bastien Lachaud. Nous demandons la suppression de l’alinéa 10 : la cessation de la communauté de vie ne doit pas arrêter automatiquement et à elle seule un projet d’AMP. La communauté de vie est établie, selon la jurisprudence, par un faisceau d’indices. Elle suppose le plus souvent que les conjoints partagent une résidence et des conditions matérielles d’existence. Or les formes des couples évoluent : les personnes sont de plus en plus indépendantes à mesure que le patriarcat recule. La communauté de vie ne doit plus être une nécessité. Tout le monde connaît, dans son entourage, des couples qui ont fait le choix de ne pas vivre sous le même toit. Cela implique, selon la jurisprudence, une cessation de la communauté de vie.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je suis tout aussi opposé que vous au patriarcat et au non-respect de l’autonomie des femmes, vous l’avez compris, mais je ne peux pas accepter votre amendement. Il s’agit de projets parentaux reposant sur le consentement d’un couple, sur une sorte de contrat qui engage les deux partenaires à égalité, sans hiérarchie. La fin de la communauté de vie entraîne la fin du processus d’AMP, s’il n’a pas commencé ; si les gamètes ou les embryons ont été implantés, on laisse la grossesse se poursuivre.

La commission rejette lamendement n° 965.

La commission est saisie de lamendement n° 32 de Mme Annie Genevard.

M. Thibault Bazin. Il y a un problème d’interprétation : il faut combler une lacune du texte en précisant que la rupture du PACS, comme celle du couple formé par des concubins ou des personnes mariées, fait obstacle à un processus d’AMP déjà engagé. Tel est l’objet de notre amendement.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Vous aurez toute liberté de déposer en séance un amendement précisant que vous visez la dissolution du PACS par rupture de la communauté de vie. Dans la rédaction actuelle, vous n’écartez pas le cas où la dissolution du PACS résulterait d’un mariage, et vous interdirez pourtant la poursuite du projet parental. Je suis obligé d’émettre un avis défavorable.

La commission rejette lamendement n° 32.

Elle examine, en discussion commune, lamendement n° 1446 du rapporteur, faisant lobjet des sous-amendements n° 1614 et n° 1613 de Mme Emmanuelle Ménard, et lamendement n° 1417 de M. Hervé Saulignac.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Il est important, pour les personnes concernées et pour le développement de l’AMP dans notre société, de réaliser des études de suivi. Il faudrait en faire la proposition à tous les couples receveurs et à toutes les femmes receveuses, qui pourront y consentir, par écrit, ou non. Mon amendement tend à rétablir la rédaction adoptée en première lecture à l’Assemblée.

Mme Emmanuelle Ménard. Les deux sous-amendements ont le même objectif. La PMA pour les femmes seules, qu’elles soient célibataires ou veuves, n’est pas souhaitable pour de nombreuses raisons, notamment sociales et financières, qui ont été rappelées hier lors de la discussion générale. La première raison est liée à la suppression du père : on ne peut pas faire naître délibérément un enfant sans père, cela serait contraire à son intérêt.

Certains de nos collègues ont invoqué la cohérence avec des États voisins. Cela signifierait, par exemple, la PMA sans limite d’âge – par exemple à 68 ans, pour une femme, en Espagne –, le choix des donneurs et l’achat de gamètes. Non, nous ne cherchons pas à être cohérents avec de tels pays, mais au contraire à nous démarquer d’eux. La France doit être tout à fait indépendante en matière de bioéthique.

Mme Marie-Noëlle Battistel. S’agissant de la cohérence avec des pays étrangers, je pense que vous n’avez pas totalement compris nos propos. Il a été question de cohérence avec l’évolution du texte, qui ouvre la PMA aux femmes seules. Les exemples offerts par d’autres pays ont été évoqués s’agissant de l’encadrement de la décision – je pense notamment aux délais. Il ne s’agit pas de se mettre en cohérence avec d’autres pays.

L’amendement n° 1417, relatif aux études de suivi, va dans le même sens que celui du rapporteur.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Madame Ménard, je crois vous avoir entendu dire que vous n’imaginiez pas qu’une femme seule puisse bénéficier d’une PMA, ce qui va à l’encontre de l’objet même de ce projet de loi. Vos sous-amendements en contredisent tous les articles : j’y suis donc défavorable.

Nous reviendrons ultérieurement sur l’encadrement des questions d’âge.

Madame Battistel, l’amendement n° 1417 est très proche du mien, qui prévoit qu’ « Une étude de suivi est proposée […] » alors que le vôtre prévoit que celle-ci « […] peut être proposée […] », ce qui ne crée dans les deux cas aucune obligation pour la femme de l’accepter : elle peut simplement bénéficier d’un tel suivi.

La commission rejette successivement les sous-amendements n° 1614 et n° 1613.

Puis elle adopte lamendement n° 1446.

En conséquence, lamendement n° 1417 tombe.

Elle est ensuite saisie, en discussion commune, de lamendement n° 175 de M. Thibault Bazin, et des amendements identiques n° 285 de M. Xavier Breton et n° 368 de M. Patrick Hetzel.

M. Thibault Bazin. À partir de 38 ans, les taux de grossesse en AMP chutent : alors qu’ils sont supérieurs à 25 % avant 37 ans, ils passent à 12 % à 38 ans, à 9 % à 40 ans, à 5 % à 42 ans puis à un pourcentage encore plus faible au-delà de 43 ans ; les risques pour la santé de la femme augmentent également avec l’âge.

C’est pourquoi la Sécurité sociale a fixé comme limite d’âge à la prise en charge d’une fécondation in vitro à 43 ans, limite que l’amendement n° 175 tend à inscrire dans la loi afin d’éviter que des femmes puissent y avoir accès au-delà de cet âge même si elles ne seraient alors pas prises en charge par l’assurance-maladie.

M. Xavier Breton. La première phrase de l’alinéa 12 prévoit que « L’accès à l’assistance médicale à la procréation est possible selon des conditions d’âge encadrées par une recommandation de bonnes pratiques fixée par arrêté du ministre […] ».

L’amendement n° 285 tend à inscrire dans la loi un verrou en matière d’âge de la procréation en rédigeant ainsi ce même alinéa : « L’homme et la femme formant le couple doivent être vivants, en âge de procréer et consentir préalablement au transfert des embryons humains ou à l’insémination. » En effet, on ne peut pas renvoyer à un arrêté ministériel le soin de fixer ces conditions d’âge. C’est au législateur qu’il revient de le faire.

M. Patrick Hetzel. Il faut absolument préciser les choses et donc revoir la rédaction de l’alinéa 12, sans quoi les risques de dérives seraient réels. Plusieurs collègues ont fait référence aux exemples étrangers : nous considérons pour notre part qu’il n’est pas raisonnable du tout d’autoriser une femme âgée de 68 ans à accéder à une PMA.

Même si l’espérance de vie de nos concitoyens augmente, le fait qu’une mère donne naissance à un enfant à un tel âge est-il conforme à l’intérêt supérieur de celui-ci ? Monsieur le rapporteur, si vous refusez ces amendements identiques, vous rendrez en réalité possibles, de manière subreptice, des dérives – certes conformes à votre tendance libertaire. Une nouvelle ligne rouge serait ainsi franchie.

Notre rôle ne consiste pas à imiter systématiquement ce qui se fait à l’étranger. Certains pays connaissent de telles dérives, comme la marchandisation du corps. Nos valeurs et notre vision de l’éthique, qu’il ne faut pas confondre avec la technique, sont différentes.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Avis défavorable. L’âge limite actuel de 43 ans se fonde sur des recommandations de l’Agence de la biomédecine formulées après une concertation menée avec l’ensemble des professionnels concernés qui me semblent bien plus habilités que d’autres à le fixer.

M. Patrick Hetzel. Pas plus que le législateur.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. S’agissant de cet âge, si. L’âge est l’un des critères devant être pris en compte : en raison de certaines pathologies, certaines femmes ne peuvent sans danger enfanter à 42 ans, contrairement à d’autres.

Une interprétation, qui doit plus être du ressort des professionnels que du législateur, est donc nécessaire. Ainsi, les bornes d’âge sont fixées après concertation avec l’Agence de la biomédecine et en fonction de différents critères.

Monsieur Bazin, si vous souhaitez imposer une limite d’âge aux femmes, vous laissez en la matière toute liberté aux hommes : je laisse chacun interpréter comme il le souhaite cette différence de traitement.

La commission rejette successivement lamendement n° 175 puis les amendements n° 285 et 368.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements identiques n° 1447 du rapporteur, qui fait lobjet du sous-amendement n° 1615 de Mme Emmanuelle Ménard, et n° 1114 de Mme Sylvia Pinel, ainsi que les amendements identiques n° 286 de M. Xavier Breton et n° 369 de M. Patrick Hetzel, et lamendement n° 370 de Hetzel.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. L’amendement n° 1447 vise à rétablir la rédaction de la première phrase de l’alinéa 12 adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale. Cette rédaction stabilisée évitera les risques de contentieux et pourra être adaptée en fonction des bornes d’âge estimées par l’Agence de la biomédecine : faire figurer celles-ci dans la loi serait trop rigide.

Mme Emmanuelle Ménard. Le sous-amendement n° 1615 tend à ajouter la notion de vraisemblance biologique de l’homme et de la femme selon laquelle il convient, dans son intérêt, de ne pas priver l’enfant de parents capables de s’occuper de lui et de subvenir à tous ces besoins.

En Espagne, une femme peut accéder à la PMA jusqu’à l’âge de 68 ans. En Italie, plusieurs femmes âgées de plus de 60 ans ont été dans ce cas. En Inde, une femme de 74 ans – c’est-à-dire ayant plutôt atteint l’âge biologique d’être grand-mère – a accouché de jumelles après une FIV. Où est la vraisemblance biologique ?

Mme Sylvia Pinel. L’amendement identique n° 1114 tend à rétablir la rédaction adoptée par l’Assemblée de la disposition encadrant les conditions d’âge pour bénéficier d’une AMP : elle prévoit qu’elles soient fixées par décret en Conseil d’État après avis de l’Agence de la biomédecine.

La version issue du Sénat prévoit qu’elles soient encadrées par une recommandation de bonnes pratiques, ce qui ne nous parait pas approprié et nuit à l’objectif de réduction des inégalités d’accès à l’AMP selon les centres et selon les territoires.

M. Xavier Breton. L’amendement n° 286 tend à rédiger ainsi la première phrase de l’alinéa 12 : « L’âge limite de la femme pour bénéficier d’une assistance médicale à la procréation est fixé à quarante-trois ans. »

Si l’on s’inscrit dans la vraisemblance de la filiation, celle des âges doit être prise en compte, si l’on ne veut pas en arriver aux inepties des pays voisins. Comme vous considérez les couples de femmes ou les femmes seules, donc loin de toute vraisemblance, votre avis sera sans doute défavorable.

Effectivement, cet âge limite ne concerne que la femme, dans la mesure où il s’agit, non pas du don de gamètes, qui placerait de ce point de vue hommes et femmes sur un pied d’égalité, mais de grossesse et d’accouchement. Or vous n’êtes pas sans savoir, monsieur le rapporteur, qu’une des différences radicales entre les premiers et les secondes est que seules ces dernières peuvent porter un enfant et accoucher : l’égalité ne saurait donc exister en la matière, puisque nous débattons d’une technique susceptible d’entraîner une grossesse puis un accouchement.

M. Patrick Hetzel. Le législateur doit fixer des limites : en l’espèce, l’amendement identique n° 369 tend à en fixer une en matière d’âge.

À partir de 38 ans, les taux de grossesse en AMP chutent : alors qu’ils sont supérieurs à 25 % avant 37 ans, ils passent à 12 % à 38 ans, à 9 % à 40 ans, puis à 5 % à 42 ans, raison pour laquelle la Sécurité sociale a fixé une limite d’âge à la prise en charge d’une AMP à 43 ans, que nous proposons d’inscrire dans la loi.

Bien entendu, en cas d’évolution des données, cette limite est susceptible de varier lors des prochaines révisions de lois de bioéthique. Ne pas fixer de limites en la matière mettrait en péril non seulement les enfants susceptibles de naître dans ces conditions, mais également les mères concernées.

L’amendement n° 370 est un amendement de repli. Si les textes n’imposent pas de limite d’âge supérieure pour une personne candidate à l’adoption, en réalité elle s’avère impossible au-delà de 40 ans. Cette limite prévaut aussi dans les conseils de famille.

On pourrait donc établir un parallélisme parfait entre la PMA et l’adoption en retenant l’âge de 40 ans.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Mme Ménard insiste avec constance sur la notion de vraisemblance biologique d’où elle déduit qu’un couple de femmes ne peut accéder à la PMA, ce qui est contraire à l’objet de cette loi. À l’origine, d’ailleurs, c’était la conception des CECOS : les enfants des bénéficiaires de dons devaient être perçus comme si leur père avait été le géniteur. Ne revenons pas en arrière alors qu’on accepte depuis trente ans maintenant que des enfants naissent sans tenir compte de cette notion ancienne !

Ceux qui craignent que la France compte, comme l’Italie, son Docteur Antinori doivent faire confiance aux professionnels de notre pays qui travaillent tous sous le contrôle de l’Agence de la biomédecine, ce qui leur interdit d’autoriser des grossesses pour des femmes âgées car ce serait contraire à leur intérêt, eu égard aux risques majeurs que cela représenterait pour leur santé, et à celui de l’enfant. Cet encadrement présente toutes les garanties nécessaires.

Monsieur Breton, l’inégalité entre les hommes et les femmes repose sur les gamètes, car l’horloge biologique est plus sévère avec celles-ci dans la mesure où le temps passant, les ovocytes sont moins susceptibles de fécondité et donnent davantage d’anomalies chromosomiques, et donc, potentiellement, de malformations à la naissance. Si la qualité des spermatozoïdes des hommes baisse en qualité lorsqu’ils atteignent un âge avancé, cette tendance ne présente pas autant d’inconvénients radicaux que pour les femmes.

L’âge doit cependant entrer en ligne de compte pour les unes comme pour les autres en tant que parents : c’est ce que demande l’Agence de la biomédecine qui, compte tenu du remboursement par l’assurance-maladie, n’envisage des PMA que pour des femmes âgées de moins de 43 ans et des hommes de moins de 59 ans. Avis défavorable donc, sur cette série d’amendements.

M. Thibault Bazin. Monsieur le rapporteur, dans le texte adopté par le Sénat, la première phrase de l’alinéa 12 est ainsi rédigée : « L’accès à l’assistance médicale à la procréation est possible selon des conditions d’âge encadrées par une recommandation de bonnes pratiques fixée par arrêté du ministre en charge de la santé après avis de l’Agence de la biomédecine […]. » Au prétexte que vous ne voulez pas fixer un âge dans la loi, vous proposez d’en revenir au texte adopté par l’Assemblée. Mais quelle est donc votre motivation profonde dans la mesure où précisément le Sénat n’a pas fixé d’âge limite d’accès à l’AMP ? Souhaitez-vous en revenir systématiquement à la première version ?

M. Pascal Brindeau. Monsieur le rapporteur, vous venez de nous indiquer que l’assurance-maladie avait fixé un âge limite pour bénéficier du remboursement d’une AMP : 43 ans pour les femmes et 59 ans pour les hommes. Or cet organisme ne suit pas uniquement les préconisations des scientifiques et des médecins. Je n’ai pas vraiment d’avis sur la borne de 43 ans – peut-être est-elle trop précoce ; en revanche j’en ai un – très tranché – sur le fait que vous déniez le droit au législateur d’en fixer une.

Une telle démarche nous conduirait à suivre en permanence des avis scientifiques. Notre rôle de législateur se limiterait donc en définitive à enregistrer la pensée scientifique. Or cela va à l’encontre de l’équilibre de la République et de ses pouvoirs.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Curieusement, nous n’avions prévu aucune borne d’âge : en fixer une, monsieur Bazin, va à l’encontre de ce que les représentants de votre groupe viennent de dire. J’ai proposé un compromis consistant à prévoir qu’un décret en Conseil d’État fixe les limites d’âge après avis de l’Agence de la biomédecine.

Monsieur Brindeau, le rôle de chacun doit être respecté : celui du législateur est de légiférer, et celui des agences compétentes et des spécialistes est de fournir les éléments permettant de guider l’action publique. Or tous les professionnels s’élèvent contre notre sacralisation de l’âge, qui n’est selon eux qu’un critère parmi d’autres. Ainsi, deux femmes de 42 ans peuvent être très différentes : laissons les professionnels estimer laquelle est susceptible de bénéficier d’une AMP.

La commission rejette le sous-amendement n° 1615.

Puis elle adopte les amendements identiques n° 1447 et n° 1114.

En conséquence, les amendements n° 286 de M. Xavier Breton, n° 369 et n° 370 de M. Patrick Hetzel, n° 53 de Mme Marie-France Lorho, n° 104 de M. Guillaume Chiche, n° 943 de M. Maxime Minot, n° 1037 de Mme Anne-France Brunet et n° 46 de Mme Emmanuelle Ménard tombent.

La commission examine ensuite lamendement n° 66 de Mme Annie Genevard.

M. Thibault Bazin. L’amendement n° 66 vise à compléter l’article L. 2141-2 du code de la santé publique afin qu’il prenne en considération tous les critères, et pas seulement celui lié à l’âge, déterminant l’accès à l’AMP.

L’article se contente en effet d’indiquer que le couple doit être en âge de procréer. Le caractère imprécis de la condition a suscité un contentieux récent que le Conseil d’État a clos en retenant comme limite supérieure l’âge de 59 ans pour un homme, celle de 42 ans étant communément admis pour les femmes.

Ce faisant, la haute juridiction a précisé que s’agissant de l’homme, la condition d’âge « […] revêt, pour le législateur, une dimension à la fois biologique et sociale » et qu’elle est « justifiée par des considérations tenant à l’intérêt de l’enfant, à l’efficacité des techniques mises en œuvre et aux limites dans lesquelles la solidarité nationale doit prendre en charge le traitement médical de l’infertilité ».

L’amendement vise donc à insérer ces deux dernières considérations en complétant la seconde phrase de l’alinéa 12.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. La solution de compromis que j’ai proposée d’un décret en Conseil d’État pris après avis de l’Agence de la biomédecine permet de laisser une marge d’interprétation s’agissant des critères supplémentaires intervenant dans les décisions en matière d’AMP. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement n° 66.

Elle est ensuite saisie de lamendement n° 567 de Mme Agnès Thill.

Mme Agnès Thill. L’alinéa 12 prévoit que « L’accès à l’assistance médicale à la procréation est possible selon des conditions d’âge encadrées par une recommandation de bonnes pratiques fixée par arrêté du ministre en charge de la santé après avis de l’Agence de la biomédecine. Elles prennent en compte les risques médicaux de la procréation liés à l’âge ainsi que l’intérêt de l’enfant à naître. » Or rien n’est précis et on ne sait notamment pas ce que recouvre l’intérêt de l’enfant. Notre amendement vise à compléter l’alinéa 12 par la phrase suivante : « L’homme et la femme formant le couple doivent être vivants, en âge de procréer et consentir préalablement au transfert des embryons humains ou à l’insémination. » Cela permettra d’éviter les abus.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. L’adoption de l’amendement aurait pour conséquence de limiter l’AMP aux couples de sexe différent.

En outre, il est primordial de comprendre que pour les femmes encore plus que pour les hommes, il n’existe pas de couperet tombant entre 42 et 43 ans, même si la fécondité diminue très régulièrement depuis l’âge de 30 ans. Il nous faudra donc réintroduire dans notre texte ce que nos amis sénateurs ont malheureusement omis : l’éducation des jeunes filles et des jeunes hommes. Ils doivent comprendre qu’il ne faut pas attendre la quarantaine pour commencer à procréer. Il faut y penser plus tôt, le taux de succès d’une AMP à cet âge étant déjà très faible.

Avis défavorable.

La commission rejette lamendement n° 567.

Elle examine ensuite lamendement n° 568 de Mme Agnès Thill.

Mme Agnès Thill. L’amendement vise, dans la même lignée, à compléter l’alinéa 12 par la phrase suivante : « L’âge limite de la femme pour bénéficier d’une assistance médicale à la procréation est fixé à quarante-trois ans. »

En effet, à partir de 38 ans, les taux de grossesse en AMP chutent : supérieurs à 25 % avant 37 ans, ils passent à 12 % à 38 ans, puis à 9 % à 40 ans et à 5 % à 42 ans. C’est pourquoi la Sécurité sociale a fixé comme limite d’âge à la prise en charge d’une FIV à 43 ans : il convient donc d’inscrire clairement cette limite d’âge dans la loi. Tel est le sens de cet amendement de repli.

En France, si une femme a moins de 43 ans, l’AMP est remboursée à 100 % jusqu’à la quatrième tentative. La commission nationale de médecine et biologie de la reproduction avait indiqué en 2004 que « pour des raisons associant l’efficacité des techniques d’AMP et l’intérêt de l’enfant, il est recommandé de ne pas accéder à une demande d’AMP lorsque l’âge de la femme est supérieur à 42 ans révolus et – ou – l’âge de l’homme est supérieur à 59 ans révolus. » Nous parlons donc bien des deux sexes.

Suivant lavis défavorable du rapporteur, la commission rejette lamendement n° 568.

Elle est ensuite saisie de lamendement n° 68 de Mme Annie Genevard.

M. Thibault Bazin. L’amendement n° 68 porte sur l’évolution des techniques médicales. En effet, la vitrification des ovocytes, par exemple, ou les recommandations en matière de transfert évoluent. Il vise à ce que le rapport annuel de l’Agence de la biomédecine comprenne une description de l’état de ces techniques, précisant notamment « […] si, au regard du développement de la technique de conservation des ovocytes et du transfert unique d’embryon, la conservation des embryons humains conserve une suffisante justification dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation. »

Grâce à l’évolution des techniques, peut-être pourra-t-on éviter la congélation en grand nombre d’embryons surnuméraires et donc certaines questions éthiques.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Votre amendement, monsieur Bazin, est satisfait par le rapport annuel médical et scientifique de l’Agence de la biomédecine qui donne toutes les indications nécessaires, y compris sur les avancées en matière de vitrification des ovocytes, sur les quelques dizaines de milliers d’embryons congelés ainsi que sur le nombre de ceux qui sont détruits faute de projet parental.

La vitrification peut, dans certains cas – mais dans certains cas seulement –, se substituer à la congélation des embryons. Dans nombre d’autres, c’est impossible et il faut recourir à la congélation : ne pas le faire serait cause de difficultés tant pour les femmes que pour les équipes médicales concernées. Pour autant, la vitrification des ovocytes est désormais une technique plus courante.

L’importance du stock d’embryons conçus, et donc congelés, s’explique en outre par le succès beaucoup trop faible des FIV.

Je ne peux donc pas imaginer, monsieur Bazin, que vous ne serez pas à nos côtés pour inciter à l’approfondissement de la recherche sur les embryons, à l’utilisation des embryons surnuméraires dans le cadre de PMA de volonté survivante, au développement des dons d’embryons, et au dépistage préimplantatoire des aneuploïdies (DPI-A) qui permet de ne conserver que les embryons qui ne sont pas malformés. Tout cela contribuerait à réduire le stock d’embryons congelés dans notre pays.

Avis défavorable.

La commission rejette lamendement n° 68.

Elle est ensuite saisie de lamendement n° 927 de Mme Michèle de Vaucouleurs.

Mme Michèle de Vaucouleurs. L’amendement, qui aurait pu être placé à l’article 3, traduit une crainte liée au stock de gamètes et tend à autoriser le don de gamètes dirigé entre deux femmes d’un même couple si l’une d’elle souffre d’infertilité. Elle pourrait alors bénéficier d’un don d’ovocyte de sa conjointe, dans le respect de conditions définies par décret.

Le fait de déroger à l’anonymat du don et d’autoriser un don dirigé ne soulève pas dans ce cas les réserves habituelles : il semble en effet dommage qu’une femme ne pouvant porter un enfant ait recours à un double don alors que sa conjointe aurait pu lui faire don d’un ovocyte.

Eu égard au risque de pénurie de gamètes, autoriser un don dirigé de gamètes au sein des couples de femmes permettrait de limiter le recours au stock disponible.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je suis favorable à votre amendement. Vous avez tout à fait raison : en période de pénurie d’ovocytes, une telle pratique, dite « réception des ovocytes de la partenaire » (ROPA), qui consiste à utiliser les gamètes d’une femme et l’utérus de sa compagne, revêt une importance particulière.

Par ailleurs, cette pratique est vitale pour certaines femmes, dans la mesure où, sans elle, leur projet ne pourrait pas se réaliser, du fait de certaines maladies ou d’une trop grande différence d’âge entre les partenaires.

Pour nombre de femmes, comme pour les centres chargés du recueil des ovocytes, la ROPA présente un avantage très substantiel.

M. Marc Delatte. La ROPA est une technique d’AMP consistant, dans les couples de femmes, à féconder l’ovocyte d’une des femmes puis à faire porter l’enfant par l’autre. Or cela va à l’encontre de l’esprit même de la loi et de l’ouverture de l’AMP sans discrimination Dans la mesure où cette méthode peut être assimilée à une marchandisation du corps de la femme, cela va même à l’encontre des principes éthiques.

Nous ne cautionnerons donc pas cet amendement.

M. Thibault Bazin. Monsieur le rapporteur de la majorité, le cocktail que vous préconisez, à base de PMA post-mortem, de ROPA – qui peut conduire à des dérives et contrevient au principe de gratuité du don – et de DPI-A, montre dans quel monde vous voulez nous emmener. J’apprécie votre franchise. Il reste que la constitution d’embryons surnuméraires pour la recherche va augmenter considérablement les risques de dérives, notamment eugéniques ou marchandes. Nous craignons donc le pire.

Vous dites qu’il faut voter en son âme et conscience. Que chacun ait bien conscience que vous réintroduisez tous ces risques, qui s’étaient éloignés après l’examen du texte par le Sénat. Nous nous efforçons de les écarter en commission ; j’espère qu’il en ira de même en séance publique. Je suis néanmoins très inquiet.

Mme Aurore Bergé. Nous avions déjà eu un tel débat lors de la première lecture.

L’amendement m’interpelle à plus d’un titre, notamment parce qu’il rompt avec certains de nos principes, notamment avec celui d’anonymat – et de désintérêt – du don et avec celui, que nous avons voté, de non-discrimination, dont découlait l’impossibilité de voir certains candidats devenir prioritaires dans le recours et l’accès à l’AMP. Or avec le don dirigé, certains couples deviendront prioritaires par rapport à d’autres qui ne pourront pas en bénéficier.

Certes, le don de gamètes doit être encouragé, mais vous nous avez à plusieurs reprises rassurés sur l’improbabilité d’une pénurie, perspective qu’une ou plusieurs campagnes d’information éloigneraient plus encore.

Si cet amendement est adopté, une femme seule se retrouvera en bas de la liste, ce qui est contraire à notre volonté initiale visant à ne pas établir de priorité entre un couple hétérosexuel, un couple de femmes, et une femme seule. Certaines femmes accéderaient plus rapidement que d’autres à l’AMP, ce qui me pose un problème éthique.

M. Patrick Hetzel. La ROPA provoquera un éclatement de la maternité. De fait, l’enfant ne pourra plus désigner sa mère puisque, dans ce cadre, le don d’ovocytes est destiné à assurer aux deux femmes un lien génétique ou biologique avec l’enfant. Ce lien est-il établi dans l’intérêt supérieur de ce dernier ? Je n’en suis pas certain, dès lors qu’on le prive d’une maternité lisible. On joue là avec le biologique ; c’est une transgression. Assumez-vous que des enfants se retrouvent dans une telle situation ? Là encore, vous franchissez une ligne rouge.

Monsieur Touraine, avez-vous reçu mandat de l’ensemble de la majorité pour vous engager dans cette voie ou est-ce une position personnelle ? À cet égard, l’absence du Gouvernement est un problème majeur, car nous ne connaissons pas sa position sur le sujet. Il s’agit pourtant de son texte. Comment pouvons-nous avoir un débat serein dans ces conditions ? Madame la présidente, vous devriez exiger que les ministres soient présents pour s’expliquer sur leurs intentions.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Monsieur Hetzel, je rappelle que nous discutons d’un amendement déposé par Mme de Vaucouleurs. Quant au Gouvernement, il était présent lors de la première lecture et il s’est exprimé à ce sujet.

Mme Laurence Vanceunebrock. On a dit que cette mesure donnerait la priorité aux couples de femmes. Mais, actuellement, un couple hétérosexuel qui a recours à la PMA sans tiers donneur – ce qui serait le cas d’un couple de femmes recourant à la ROPA – bénéficie de délais raccourcis qui s’expliquent précisément par l’utilisation des gamètes du couple. Ne pas autoriser cette procédure augmenterait les délais pour tous, puisque ces femmes s’ajouteraient à la liste de celles qui demandent des ovocytes alors qu’elles peuvent procéder autrement.

M. Xavier Breton. S’agissant du don dirigé en général, il est intéressant de noter que le pilier corporel, biologique – que vous évacuez en n’envisageant la filiation que sous l’angle affectif – retrouve ici de l’importance. Le problème, c’est que vous en faites une option. Nous estimons, quant à nous, que le biologique est un des trois piliers de la filiation et qu’il ne peut dépendre du bon vouloir des adultes.

Quant à l’amendement de Mme de Vaucouleurs, il vise un cas particulier de don dirigé. On ne peut, certes, pas méconnaître la douleur de la femme infertile, mais lorsque nous légiférons, nous devons faire abstraction de l’émotion et nous en tenir, en la matière, à notre vision de la filiation. Or, dans le cadre de ce don dirigé, le pilier biologique est envisagé comme une option. Telle n’est pas notre conception. C’est pourquoi je voterai contre l’amendement.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je m’étonne que l’amendement de Mme de Vaucouleurs soit aussi mal compris. J’ai entendu parler de « marchandisation », d’« eugénisme », de « dérives »… On peut toujours brandir des mots qui provoquent l’effroi en espérant convaincre nos collègues de voter contre l’amendement, mais ces phénomènes n’ont strictement rien à voir avec la ROPA ! Je veux moi-même combattre de telles pratiques et c’est précisément la raison pour laquelle je suis favorable à la ROPA, car celle-ci est un moyen d’éviter qu’elles ne se développent.

Cette mesure, dites-vous, ne serait pas conforme à l’esprit du projet de loi. Au contraire ! Par principe, j’y insiste, la fécondation in vitro doit être réalisée en priorité à partir des ressources du couple, et ce pour une raison évidente : il s’agit d’éviter d’appauvrir les banques de dons. La ROPA est donc conforme à l’esprit de la procréation médicalement assistée et doit donc être encouragée.

M. Hetzel demande instamment de connaître l’avis du Gouvernement, peut-être parce qu’il estime que le législateur que nous sommes n’est pas apte à décider par lui-même. Je lui propose donc de lui communiquer cet avis, qu’il ne manquera pas de suivre systématiquement et, ainsi, de voter chacun des articles du projet de loi.

M. Patrick Hetzel. Je ne peux pas vous laisser dire n’importe quoi : je n’ai jamais dit cela !

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Ce n’est pas moi qui ai parlé d’eugénisme, de marchandisation et de dérives.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. S’il vous plaît, messieurs !

M. Patrick Hetzel. Vous vous livrez en permanence à la provocation !

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. C’est vrai, et vous en êtes responsable.

J’ajoute qu’il existe une pénurie d’ovocytes dans notre pays. Ce n’est pas un risque, c’est une réalité et elle perdurera. Je n’ai jamais prétendu le contraire. Si la pénurie de gamètes masculins peut être évitée, à condition que nous menions des campagnes de sensibilisation, la pénurie d’ovocytes ne peut pas l’être : nous en manquerons, c’est certain. Vous avez ainsi désormais le choix : soit vous privez les femmes d’accès à l’AMP, soit vous acceptez que celles qui le peuvent contribuent à limiter cette pénurie.

M. Patrick Hetzel. Je demande la parole pour un fait personnel, madame la présidente.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Non, monsieur Hetzel. Le fait personnel est partagé : chacun porte sa part de responsabilité.

La commission adopte lamendement n° 927.

(Applaudissements sur plusieurs bancs.)

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Ces applaudissements ne sont pas nécessaires.

M. Xavier Breton. Je souhaiterais, madame la présidente, que nous ayons un peu de tenue durant ces débats. On en est maintenant à applaudir l’adoption d’amendements…

Nous sommes confrontés, me semble-t-il, à un véritable problème d’organisation : le Gouvernement étant absent, nous ne percevons plus la cohérence du texte. Nous sommes complètement perdus ! Le projet de loi a été examiné en première lecture et voté par l’Assemblée, à la lumière des explications du Gouvernement. Puis, le Sénat en a adopté une autre version, et nous nous retrouvons face à une majorité ballottée entre les propositions du rapporteur et les positions qu’essaient de tenir les orateurs du groupe majoritaire. Je crains donc pour la suite de nos débats, car nous allons aborder des sujets de plus en plus sensibles. Si un texte d’une telle importance est ainsi conçu sous le coup de l’émotion, sans aucune cohérence, il risque d’être marqué par la précipitation, dont témoigne d’ailleurs le calendrier de sa discussion, et d’être parfaitement illogique et illisible.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Mes chers collègues, je vous demande de respecter les choix de chacun et de vous abstenir d’applaudir ou de hurler lorsqu’un amendement est adopté ou rejeté.

La commission examine les amendements identiques n° 350 de M. Fabien Di Filippo, n° 968 de M. Xavier Breton et n° 970 de M. Patrick Hetzel.

M. Fabien Di Filippo. J’espère que, cette fois, le rapporteur ne feindra pas de ne pas comprendre ce qu’on lui dit. Lorsque Patrick Hetzel estime que, le texte ayant été modifié par le Sénat, il serait intéressant de bénéficier de l’éclairage du Gouvernement, il n’annonce pas du tout qu’il est prêt à suivre tous les avis de celui-ci. De même, le rapporteur feint d’ignorer le lien entre la pénurie de gamètes, qu’il contribue à aggraver, et le risque d’une dérive vers la marchandisation et l’eugénisme.

L’amendement n° 350, qui tend à supprimer les alinéas 13 à 57, s’inscrit dans une logique : il découle de notre opposition à la marchandisation du corps humain. Dès lors que l’on aggrave la pénurie de gamètes – que le rapporteur vient de reconnaître –, on s’expose au risque de voir se développer des achats massifs de gamètes à l’étranger ou sur internet, risque que le CCNE a souligné dans un avis après avoir constaté de telles dérives dans des pays voisins. Vous vous en lavez les mains en affirmant que ce n’est pas autorisé par le texte mais, de facto, vous nous emmenez vers cette prochaine étape. Si nous voulons éviter d’en arriver là, il faut voter cet amendement.

M. Xavier Breton. J’applaudis aux propos de notre collègue Di Filippo : l’amendement n° 968 est défendu.

M. Patrick Hetzel. Le fait que nous ne connaissions pas la position du Gouvernement pose un problème de méthode. Vous imaginez bien qu’il ne s’agit nullement pour nous d’adopter systématiquement son point de vue. Je déplore que le rapporteur, qui feint de ne pas comprendre, cherche en permanence à provoquer les membres de l’opposition. Sans doute faut-il y voir une manifestation de sa dérive libertaire ; en tout cas, ce n’est pas très sérieux.

L’amendement n° 970 vise également à supprimer les alinéas 13 à 57. Nous souhaitons, en effet, en rester au droit en vigueur. Le paradigme qui a toujours dominé jusqu’à présent et qui gouverne encore le droit actuel peut être résumé par l’adage romain selon lequel « mater semper certa est » : la mère est toujours certaine. Or, de fait, le texte marque une rupture avec ce paradigme, et vous faites partie, monsieur le rapporteur, de ceux qui l’assument explicitement. On estime que le biologique n’a plus de sens : on opte pour une autre vision. Ce faisant, on franchit une ligne rouge.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Oui, il y a une rupture, il faut le reconnaître. En l’espèce, nous proposons qu’il y ait deux mères : forcément, l’une accouchera, l’autre non. Mais d’autres ruptures sont intervenues depuis l’Antiquité, dont nous nous accommodons fort bien. Ainsi, le père n’a plus le droit de vie et de mort sur ses enfants. Il faut accepter cette évolution. C’est ce que l’on appelle le progrès, le progrès sociétal. Vous pouvez ne pas y croire mais, en définitive, il me semble que les enfants soient aujourd’hui mieux pris en compte que dans l’Antiquité.

Quant à la pénurie de gamètes, elle n’aboutit à la marchandisation que dans les pays où leur vente est autorisée. Dès lors qu’en France, celle-ci est non seulement interdite mais pénalisée, la pénurie peut avoir pour conséquence une non-satisfaction des couples ou la décision pour eux de se rendre à l’étranger, mais elle ne peut pas aboutir à la marchandisation. S’agissant des spermatozoïdes, la pénurie peut être évitée si l’on mène, enfin, des campagnes de sensibilisation de grande ampleur. En revanche, il est évident que la pénurie d’ovocytes sera un véritable problème, et je reconnais que l’extension du recours à la PMA ne peut que l’accroître si nous ne nous efforçons pas simultanément de développer le recueil des gamètes. Avis défavorable.

M. Pascal Brindeau. Je souhaite revenir sur la justification de la ROPA par le rapporteur – au moins, avec lui, nous ne sommes pas surpris ni déçus du voyage ! Le fait de considérer qu’un enfant peut avoir deux mères marque une rupture anthropologique. Selon notre rapporteur, la logique du recours à l’AMP conduit à privilégier les ovocytes de l’une des deux mères. Mais il se fracasse sur une réalité qui n’a pas changé depuis l’Antiquité : pour qu’un enfant naisse, un gamète masculin est de toute façon nécessaire, et il le sera tout autant dans le cadre d’une ROPA. Son raisonnement ne tient donc pas davantage que lorsqu’il prétend que la parenté de volonté permet qu’un enfant puisse avoir deux mères, y compris biologiquement. Il faut, en tout état de cause, un père.

M. Didier Martin. Nous qui sommes les promoteurs de la maternité pour toutes, nous ne pouvons pas suivre nos collègues, qui cherchent, par cet amendement, à siphonner l’article 1er. Mais puisqu’on nous a opposé l’argument naturaliste, je ferai remarquer que, dans le cadre de la ROPA, l’enfant aura authentiquement deux mères : l’une aura accouché
– l’adage « mater semper certa est » n’est pas remis en cause –, l’autre aura donné son ovocyte.

La commission rejette les amendements n° 350, 968 et 970.

Puis elle examine les amendements identiques n° 1593 du rapporteur, n° 1 de Mme Annie Genevard, n° 170 de M. Thibault Bazin, n° 289 de M. Xavier Breton, n° 372 de M. Patrick Hetzel, n° 569 de Mme Agnès Thill, n° 937 de M. Pascal Brindeau et n° 1374 de M. Jean-François Mbaye.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. L’amendement n° 1593 est de cohérence : puisque nous avons rétabli les alinéas 3 à 5, nous proposons de supprimer les alinéas 13 et 14, qui n’ont plus lieu d’être.

M. Thibault Bazin. Il est intéressant d’examiner la conjugaison des différentes dispositions issues des modifications apportées au texte du Sénat. Ainsi, une première ligne rouge a été franchie avec l’autorisation de la ROPA. Celle-ci s’apparente, je n’y reviens pas, à la gestation de l’une pour le compte de l’autre. Surtout, qu’est-ce qui empêchera, demain, que les ovocytes qu’un homme transgenre aura autoconservés, comme l’y autorisera l’article 2, avant sa transition puissent être utilisés par l’autre membre du couple dans le cadre d’une ROPA ? Force est de constater que l’on est en train de franchir des lignes rouges éthiques. Il conviendrait, une fois de plus, de s’interroger sur l’intérêt de l’enfant, car c’est bien là l’essentiel selon nous.

M. Xavier Breton. À l’instar du rapporteur, mais pour des raisons opposées, nous proposons de supprimer les alinéas 13 et 14, dont nous estimons qu’ils rompent avec le droit qui s’applique actuellement, droit qui est fondé sur la vraisemblance de la filiation. Il importe en effet que l’enfant puisse construire son identité à partir d’une filiation vraisemblable. Peut-être discuterons-nous ultérieurement de la question de savoir s’il existe ou non des études portant sur la réaction des enfants nés de PMA réalisées par un couple de femmes ou par une femme seule. En tout cas, le CCNE a estimé, en 2017, que l’on ne pouvait se prévaloir d’aucune étude fiable à ce sujet.

M. Patrick Hetzel. Le projet de loi a trait, d’une part, à l’ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules et, d’autre part, aux sujets de bioéthique. De fait, la première est avant tout une question sociétale ; elle ne soulève pas de problème technique. On veut ainsi faire passer au forceps un texte de nature sociétale pour tenter de ressouder une majorité qui, par ailleurs, est en train de voler en éclats. Cette opération de politique politicienne doit être dénoncée ici. Au lieu de traiter les problèmes sociaux et économiques majeurs provoqués par la crise du covid-19, on se consacre à un sujet sociétal qui n’est jugé important que par 1 % de nos concitoyens. Quel décalage considérable avec les préoccupations du pays !

De surcroît, les conditions dans lesquelles se déroule le débat sont tout de même assez lunaires, reconnaissez-le. Ni le ministre de la santé ni aucun de ses trois secrétaires d’État n’est fichu d’être présent à l’Assemblée nationale ! Le Gouvernement n’est pas prêt à débattre en commission avec nous de ce sujet : c’est un problème.

Mme Agnès Thill. Il convient de supprimer les alinéas 13 et 14, qui marquent une rupture profonde avec le système de filiation qui prévalait jusqu’à présent. Si le lien biologique est si important pour les femmes, comment peut-on en priver l’enfant côté donneur ?

M. Pascal Brindeau. Il faut en effet supprimer ces alinéas ainsi, du reste, que les alinéas 3 à 5, qui visent à étendre l’AMP, pour les extraire du projet de loi de bioéthique et apaiser ainsi le débat. La majorité promeut une parentalité de volonté ? Dont acte : admettons qu’elle corresponde à une orientation politique, philosophique, qu’elle juge majoritaire dans le pays. Mais, dans ce cas, cette question doit faire l’objet d’un débat global, qui inclue notamment la question de l’adoption. Il ne me paraît, en effet, ni moral ni éthique de privilégier une technique médicale pour favoriser l’accès à la parentalité d’une femme seule ou d’un couple de femmes, en omettant la possibilité qu’elles ont d’adopter un enfant.

M. Jean-François Mbaye. L’amendement n° 1374 est de cohérence. Il s’agit en effet de rétablir la rédaction de l’article 1er telle qu’issue de son adoption par l’Assemblée nationale en première lecture. Les modifications apportées par le Sénat visent en effet à distinguer dans la loi selon que l’assistance médicale à la procréation est employée par un couple hétérosexuel ou par un couple formé de deux femmes ou par une femme non mariée. Le recours à la PMA étant universel, il convient de supprimer les alinéas 13 et 14.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Monsieur Hetzel, je comprends que vous puissiez considérer qu’il existe d’autres priorités que l’examen de ce projet de loi. Mais, je le répète, beaucoup considèrent que certains des dispositifs qu’il comporte représentent une urgence sanitaire ; je pense en particulier aux transplantations. Ne méconnaissons pas ces besoins.

Monsieur Breton, en 2017, le CCNE a considéré qu’il ressortait de l’ensemble des études dont il disposait, et qui étaient antérieures à 2016, qu’il n’y avait pas d’inconvénient pour les enfants mais il émettait des réserves quant au nombre d’enfants suivis et à la durée d’observation. Au cours des cinq dernières années, ces études ont été complétées – je vous renvoie notamment aux travaux de l’école de Cambridge. Si par exemple vous interrogez le professeur Jean-François Delfraissy, il vous répondra que nous disposons désormais d’études plus complètes, qui sont rassurantes sur le devenir de ces enfants.

Mme Aurore Bergé. Les différents amendements dont nous discutons ont, certes, le même objet, mais ils obéissent à des motifs contraires. Aussi suis-je assez réservée quant à la suppression des alinéas 13 et 14. De surcroît, l’alinéa 14 consacre tout de même le droit pour tout couple formé de deux femmes ou pour toute femme non mariée d’avoir accès à l’AMP. Si l’enjeu de cette suppression est simplement la cohérence de la rédaction, je préfère que nous procédions à cette coordination en séance publique plutôt que de le faire maintenant, au risque de supprimer des alinéas essentiels.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Nous pouvons rassurer Mme Bergé : le contenu de ces deux alinéas a été réintégré en totalité aux alinéas 3 à 5. Leur suppression ne présente donc aucun risque. En revanche, nous fragiliserions le texte si nous laissions deux dispositions ayant exactement le même sens à quelques lignes d’intervalle.

M. Jean-François Mbaye. J’ai entendu les arguments d’Aurore Bergé ; je retire donc l’amendement n° 1374. Je l’avais déposé dans un souci de cohérence car, dès lors que la technique de la procréation médicalement assistée est universelle, il n’y a pas lieu de mentionner la distinction qui figure aux alinéas 13 et 14.

Lamendement n° 1374 est retiré.

M. Xavier Breton. Je m’étonne d’une telle improvisation. L’alinéa 14 est tout de même important, puisqu’il précise que « tout couple formé de deux femmes ou toute femme non mariée […] a accès à l’assistance médicale à la procréation ». Certains d’entre nous veulent le supprimer, de même que le rapporteur ; la porte-parole du groupe majoritaire est, quant à elle, d’un avis contraire. Il s’agit de la mesure la plus médiatique du texte et nous sommes en pleine improvisation. Je ne peux donc que déplorer à nouveau l’absence du Gouvernement, qui pourrait nous éclairer et redonner un peu de cohérence à nos débats.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Cela s’appelle un débat, monsieur Breton. Les avis peuvent être différents, y compris au sein d’un même groupe.

La commission rejette les amendements n° 1593, 1, 170, 289, 372, 569 et 937.

Elle est ensuite saisie des amendements n° 573, n° 574, n° 575, n° 576 et n° 577, tous de Mme Agnès Thill.

Mme Agnès Thill. L’AMP pour les femmes célibataires fait l’économie du couple et prive l’enfant de parents. Il n’est pas question, ici, de leur sexualité, mais de l’importance de la parité au sein d’un couple pour l’épanouissement des enfants. Faut-il rappeler que l’article 7 de la Convention internationale des droits de l’enfant de l’Organisation des Nations unies, ratifiée par la France en 1990, garantit le droit pour tout enfant, « dans la mesure du possible, de connaître ses parents et d’être élevé par eux » ?

En outre, nombre d’études prouvent que les familles monoparentales sont financièrement plus précaires : plus de quatre familles monoparentales sur dix vivent sous le seuil de pauvreté et plus de 2,8 millions d’enfants sont en situation de pauvreté. De fait, ces familles vivent avec un seul revenu. Alors que le Gouvernement travaille à l’élaboration de mesures destinées à venir en aide à ces familles, il paraît contradictoire de prévoir, dans ce projet de loi, d’étendre la procréation médicalement assistée aux femmes célibataires et de créer ainsi des situations de vulnérabilité.

Enfin, ne risque-t-on pas d’introduire une inégalité majeure entre les enfants, certains ayant ab initio un seul parent ? J’ajoute que l’absence de père et la carence d’image paternelle sont des questions que les experts psychiatres et psychologues évoquent avec les équipes éducatives des collèges et des écoles. Il suffit, du reste, d’observer une classe de collège pour s’apercevoir que les familles monoparentales sont dans une situation difficile.

Suivant lavis défavorable du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements n° 573 à 577.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements identiques n° 929 de M. Xavier Breton et n° 932 de M. Patrick Hetzel, ainsi que lamendement n° 578 de Mme Agnès Thill.

M. Xavier Breton. Nous proposons de réserver l’assistance médicale à la procréation aux couples formés d’un homme et d’une femme, en cas d’infertilité, dans un but thérapeutique.

Vous n’envisagez que l’égalité entre les individus adultes, vous plaçant toujours du côté de leur bon vouloir et de leur toute-puissance. Nous nous plaçons du côté des enfants. Or, le texte créera une inégalité entre ceux qui auront la chance d’avoir un père et ceux qui n’auront pas cette chance. Certes, pour vous, ce n’en est pas une, puisque vous autorisez délibérément la fabrication d’enfants qui auront soit deux mères, soit une mère seule. Mais il s’agit bien d’une loi d’inégalité, que nous combattons.

M. Patrick Hetzel. À la différence d’une partie de la majorité, nous considérons que le projet d’ouvrir l’assistance médicale à la procréation aux couples de femmes et aux femmes seules crée une situation inédite puisque, dans le premier cas, la vraisemblance biologique disparaît et, dans le second, l’enfant se trouve privé ab initio de l’un des deux parents. Il ne s’agit pas de contester la capacité de ces parents de donner de l’amour à des enfants, mais on voit bien que, ce qui domine, c’est le désir des adultes, au détriment des enfants. Nous souhaitons, quant à nous, préserver le plus faible, c’est-à-dire l’enfant. C’est pourquoi nous proposons de maintenir le droit actuel en matière d’accès à l’AMP.

Mme Agnès Thill. Il convient de réserver l’AMP aux couples formés d’un homme et d’une femme, en cas d’infertilité, dans un but thérapeutique. Le problème est que vous ne pouvez pas concevoir la différence sans y voir une inégalité. Or, il n’y a aucune inégalité dans une différence de fait. En revanche, l’absence de père crée une inégalité entre les enfants. Vous semblez penser qu’il est indifférent de ne pas avoir de père. Est-ce à dire que celui-ci est inutile ? Sachez, en tout cas, que des enfants souffrent de l’absence de père. Du reste, une étude nous apprend que, tenus par une dette existentielle, les enfants nés par PMA n’osent pas réclamer leurs droits. Comment, en effet, ces enfants pourraient-ils critiquer ceux qui les élèvent, qui les aiment, sans éprouver une forme de culpabilité ?

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Avis défavorable. Ces amendements visent à revenir sur l’ouverture de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules.

Mme Anne-France Brunet. Nos collègues de l’opposition refusent une réalité : des couples de femmes et des femmes seules ont des enfants et on leur a fait courir un risque incroyable en les obligeant à aller à l’étranger pour bénéficier d’une PMA. Je suis scandalisée qu’on n’accepte pas cette réalité.

La commission rejette les amendements n° 929 et 932 puis lamendement n° 578.

Puis, suivant lavis défavorable du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements n° 571 et n° 572 de Mme Agnès Thill.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements n° 42 de Mme Emmanuelle Ménard et n° 579 de Mme Agnès Thill.

Mme Emmanuelle Ménard. L’amendement n° 42 est de coordination : il s’agit d’être en cohérence avec notre volonté de supprimer la PMA pour les femmes seules et les couples de femmes. Au-delà de l’intérêt de l’enfant, qui n’est pas le moindre des arguments, nous ne répéterons jamais assez que vous allez créer, quoi que vous en disiez, une inégalité entre les enfants : certains auront un père et une mère, d’autres auront deux mères et d’autres encore n’auront qu’une mère – sans parler de ceux nés par gestation pour autrui (GPA), qui auront deux pères.

Puisque l’intérêt supérieur de l’enfant ne semble pas vous importer plus que cela, je rappellerai simplement ce qu’en pensent les Français. En juin 2019, un sondage révélait que 82 % d’entre eux estiment que le père et la mère ont des rôles différents et complémentaires dans l’éducation des enfants, que 83 % d’entre eux sont favorables à ce que les enfants nés par PMA aient le droit d’avoir un père et une mère. Enfin, cerise sur le gâteau, si j’ose dire, 12 % des Français estiment que les débats autour de la PMA permettent de les rassembler. De fait, je le rappelle, seulement 1 % d’entre eux juge ce projet de loi prioritaire après la crise sanitaire que nous venons de traverser.

Mme Agnès Thill. Ouvrir l’AMP aux femmes célibataires, c’est faire l’économie du couple et priver l’enfant de parents. La convention internationale des droits de l’enfant, ratifiée par la France en 1990, garantit pourtant le droit pour tout enfant, dans la mesure du possible, de connaître ses parents et d’être élevé par eux. En outre, de nombreuses études montrent que les familles monoparentales sont financièrement plus précaires. Actuellement, plus de 40 % d’entre elles vivent sous le seuil de pauvreté et plus de 2,8 millions d’enfants sont en situation de pauvreté. De fait, ces familles ne vivent qu’avec un seul revenu. Alors que le Gouvernement envisage de prendre des mesures pour venir en aide aux familles monoparentales, il paraît contradictoire de prévoir, par ce projet de loi, d’élargir la procréation médicalement assistée aux femmes célibataires et de créer ainsi des situations de vulnérabilité. On m’opposera qu’au début de la procédure d’AMP, la situation financière est parfaite, mais rien ne dure en ce bas monde.

S’agissant de l’accès des femmes seules à l’assistance médicale à la procréation, il importe de considérer la situation de grande précarité dans laquelle elles peuvent se trouver, ainsi que le montrent les études récentes. Enfin, nous introduisons une inégalité majeure entre les enfants, certains d’entre eux ayant ab initio un seul parent.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Ces amendements sont défendus en cohérence avec la proposition de Mmes Ménard et Thill de supprimer l’accès à la PMA des femmes seules et des couples de femmes. Par cohérence, nous sommes défavorables à ces amendements.

M. Guillaume Chiche. Je précise que le sondage d’opinion auquel Mme Ménard a fait référence a été réalisé par l’IFOP mais a été commandité par La Manif pour tous.

M. Patrick Hetzel et M. Xavier Breton. Et alors ?

La commission rejette successivement les amendements n° 42 et 579.

Réunion du mardi 30 juin 2020 à 21 heures 30 ([115])

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Mes chers collègues, nous reprenons l’examen du texte avec la suite des amendements à l’article 1er.

M. Thibault Bazin. Madame la présidente, alors que l’objectif est de finir l’examen des amendements jeudi à treize heures, pourriez-vous nous garantir que cela ne se finira pas comme le projet de loi portant réforme des retraites et que c’est bien le texte modifié par notre commission que nous examinerons en séance, quitte à prendre une ou deux demi-journées de plus ? Et surtout, la date limite de dépôt des amendements est proprement scandaleuse ; pourrions-nous avoir un délai raisonnable d’au moins vingt-quatre heures ? Si nous voulons un débat apaisé, encore faut-il qu’il puisse se dérouler dans de bonnes conditions. Enfin, le ministre de la santé ayant changé depuis la première lecture du texte, il serait intéressant pour notre commission que lui ou l’un de ses trois secrétaires d’État nous rejoigne, pour le cas où l’avis du Gouvernement aurait évolué depuis la première lecture.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Les débats sont apaisés, pour peu que tout le monde veuille qu’ils le soient… Si nous avons fixé l’objectif de jeudi midi, qui n’est pas une fin en soi, c’est précisément pour nous laisser le temps de déposer les amendements et éviter certaines dérives. Rappelons tout de même qu’il s’agit d’une deuxième lecture. Les ministres pourront se rendre disponibles sans aucun doute avant la fin de l’examen, qui devra démarrer dans l’hémicycle lundi. Plus nous avancerons rapidement, tout en débattant, plus nous aurons de temps pour déposer les amendements.

Article 1er (suite)
Élargissement de lAMP aux couples de femmes et aux femmes non mariées

La commission examine les amendements n° 994 et n° 995 de M. Bruno Fuchs.

M. Bruno Fuchs. Je propose par ces amendements de remplacer le terme de « femme non mariée » par la formulation beaucoup plus pratique de « femme seule ». D’ailleurs, nous-mêmes utilisons exclusivement cette formulation. C’est pourquoi je vous propose de favoriser le terme usuel et non le terme juridique.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je partage tout à fait votre point de vue : comme tout le monde, j’utilise systématiquement le terme de « femme seule ». Néanmoins, comme nous l’avait expliqué Mme la garde des sceaux, nous sommes contraints, pour des questions de cohérence, d’utiliser la terminologie du code civil, dans la mesure où c’est celle qui ouvre la possibilité pour le conjoint ignorant que sa conjointe a recours à une AMP de ne pas reconnaître l’enfant qui en est issu. C’est une question de sécurité juridique. Avis défavorable.

M. Pascal Brindeau. Sans vouloir être taquin, ne faudrait-il pas également préciser « non pacsée » et « non en situation de concubinage » ?

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Justement non. De tous les moyens de « faire couple », seul le mariage induit la présomption de paternité.

M. Pascal Brindeau. La présomption de paternité dans le cas d’un couple de femmes ou d’une femme seule, est-ce vraiment le sujet ?

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Nous avons besoin de catégories bien définies : les femmes mariées, dont le mari est présumé père, quelle que soit la vraisemblance de sa paternité ; les couples hétérosexuels, pour lesquels il doit y avoir une démarche de reconnaissance de la part du père ; les femmes seules et les couples de femmes, qui elles aussi doivent faire la démarche.

La commission rejette successivement les amendements n° 994 et 995.

Puis elle examine lamendement n° 62 de Mme Annie Genevard.

M. Thibault Bazin. Cet amendement est purement rédactionnel : l’accès à l’assistance médicale à la procréation ne saurait être considéré comme un droit opposable aux équipes la pratiquant. Il est dès lors important de signifier que cet accès suppose une autorisation de prise en charge donnée après les entretiens prévus à l’article L. 2141‑10 du code de la santé publique.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Il ne s’agit pas de donner une banale autorisation : nous parlons ici d’une prise en charge médicale. L’évaluation médicale a pour but de prévenir les complications que la procédure pourrait causer. Demande de retrait ; sinon, avis défavorable.

La commission rejette lamendement n° 62.

Elle examine lamendement n° 996 de M. Bruno Fuchs.

M. Bruno Fuchs. Je propose de réintroduire dans la loi le principe d’égalité entre les personnes et couples ayant recours à l’AMP, qui a été supprimé au Sénat. On ne peut pas accorder un droit aussi important sans nous assurer que son ouverture soit uniforme et non attachée d’aucune discrimination.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je suis évidemment favorable au principe de non‑discrimination ; mais votre amendement perd une partie de son sens, l’alinéa précédent ayant été supprimé. Par ailleurs, l’accès des couples et des femmes seules à l’AMP devra nécessairement faire l’objet de différences dans le délai de prise en charge médicale, notamment en fonction des techniques utilisées ou des indications médicales faisant suite aux entretiens préalables. Je vous suggère de retirer votre amendement, au demeurant satisfait.

Lamendement n° 996 est retiré.

La commission en vient à lexamen, en discussion commune, de lamendement n° 1179 de Mme Danièle Obono et de lamendement n° 122 de M. Guillaume Chiche.

Mme Danièle Obono. Mon amendement n° 1179 rejoint l’amendement n° 927 de Mme de Vaucouleurs, adopté cet après-midi. Il vise à autoriser la pratique de la réception des ovocytes de la partenaire (ROPA) dans le cadre du parcours de PMA des couples de lesbiennes. Les arguments du Gouvernement, qui s’y était opposé, ne tenaient pas la route et traduisaient une forme de condescendance malvenue.

M. Guillaume Chiche. L’amendement n° 122 vise également à autoriser la ROPA en faisant abstraction du critère d’infertilité pathologique. Dans un couple de femmes qui auraient une grande différence d’âge, cela augmenterait les chances de succès de l’aide médicale à la procréation.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Avis favorable. Cela permettra d’appliquer la ROPA aux différentes variétés de femmes.

M. Thibault Bazin. Nous revenons à la ROPA. Je veux bien que nous refassions le débat, parce qu’il me semble que vous avez franchi une ligne rouge et que nous rectifierons cela en séance. Si nous votons contre ces amendements, est‑ce que cela annule l’adoption de l’amendement n° 927 ? Le texte aura un problème de cohérence, si pour la même chose on dit oui à un endroit et non à un autre…

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Le principe est le même, à ceci près que dans le cas présent, l’application est plus large.

M. Thibault Bazin. Par ailleurs, le fait que vous parliez de « variétés de femmes » me pose question. Il s’agit bien d’une gestation pour le compte d’une autre femme. Normalement, le don est anonyme : lors d’un PMA, on ne connaît pas les donneurs de gamètes. Ce don orienté constituerait un changement de paradigme majeur, lourd de conséquences, y compris pour l’enfant, que l’on ne mesure pas. Je repose ma question de cet après-midi : un homme transgenre, qui aurait autoconservé ses ovocytes, pourrait-il donner ses gamètes à l’autre membre du couple ?

M. Patrick Hetzel. Ces amendements remettent en cause un principe jusqu’à présent fondamental : l’anonymat du don. Qui plus est, si ce n’est pas la femme qui subit une stimulation ovarienne qui porte l’enfant, l’autre femme fait bien une gestation pour autrui. Si nous poursuivons dans cette logique, vous nous ramenez par une porte détournée de la gestation pour autrui dans le texte. Il faut l’assumer. Le Gouvernement est-il oui ou non favorable à l’introduction d’une forme de gestation pour autrui dans le droit français ? Nous aimerions qu’il réponde à ces questions fondamentales.

M. Pascal Brindeau. Le rapporteur vient de répondre à M. Bazin que ces amendements avaient une visée plus large que l’amendement n° 927. S’ils étaient adoptés, nous aurions, à deux endroits du texte, exactement le même dispositif juridique.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Non, non !

M. Pascal Brindeau. Expliquez-moi pourquoi ! Qui plus est, je partage totalement l’avis de mon collègue : vous inscrivez bel et bien dans le droit positif la gestation pour autrui.

Mme Aurore Bergé. Si j’avais des réserves concernant l’amendement n° 927, cet après-midi, elles sont encore plus grandes à l’égard de ces amendements, qui suppriment tout critère d’infertilité. La stimulation ovarienne n’est pas un acte médical anodin. Sans être favorable à l’amendement n° 927, je pouvais en comprendre la logique : dans un même couple une femme peut faire don de ses ovocytes à l’autre, en cas d’infertilité. Mais quel est l’argument dans le cas présent, si ce n’est celui du lien biologique de chacune avec l’enfant ? Cela m’étonne puisque c’est l’inverse de ce que nous défendons dans le projet de loi, où le donneur n’a pas de lien avec l’enfant. Aussi bien du point de vue de la cohérence de nos arguments, de la question de l’AMP et des donneurs, que de la question médicale, retirer tout critère d’infertilité revient à franchir une barrière dangereuse et ne répond pas à nos critères éthiques. Enfin, cela pose la question de la marchandisation du corps. Pourrait-on me dire clairement quelles sont les garanties pour prévenir toute dérive en la matière ?

Mme Agnès Thill. Mes collègues ont été très clairs. Une femme portera pendant neuf mois un enfant qui n’a absolument rien d’elle : cela s’appelle bien de la GPA ! Le Gouvernement veut-il inscrire la GPA dans le texte ou non ? Cette loi va‑t‑elle jusque-là ou non ? Nous connaissons très bien le risque de dérive à la prochaine étape. Mais visiblement, nous y sommes déjà !

Mme Emmanuelle Ménard. Il est tout à fait possible de distinguer la PMA thérapeutique de celle qui ne l’est pas ; le projet de loi prévoit d’ailleurs que la conservation des ovocytes soit prise en charge pour raisons médicales et qu’elle ne le soit pas dans les autres cas. Je rejoins mes collègues : que vous l’admettiez ou non, il s’agit d’un premier pas vers la GPA. Or vous savez bien qu’au nom de l’égalité – ce maître mot qui revient depuis le début des discussions – si la GPA est autorisée entre femmes, elle le sera entre hommes…

M. Jacques Marilossian. Entre hommes, ce sera plus difficile… (Sourires.)

Mme Emmanuelle Ménard. … pour un couple d’hommes. Vous aurez beau dire non, au nom de l’égalité, des couples d’hommes iront devant les tribunaux. Vous mettez le petit doigt dans l’engrenage, et c’est terminé.

Mme Laurence Vanceunebrock. Le Gouvernement et la majorité ne veulent en aucun cas emprunter le chemin de la GPA. En l’occurrence, il ne s’agit pas d’une GPA, dans la mesure où la gestation ne se fait pas pour autrui, mais à l’intérieur d’un couple.

Mme Agnès Thill. C’est la même chose !

Mme Laurence Vanceunebrock. Cela n’a rien à voir, madame Thill !

Aurore Bergé disait ne pas comprendre que l’on autorise le don d’ovocytes à sa compagne. Mais quand, dans un couple hétérosexuel, l’homme a des problèmes de fertilité, que ses spermatozoïdes ne sont pas très sportifs, il n’y a rien d’étonnant à ce qu’ils soient prélevés. Pourquoi ne pas le permettre à un couple de femmes, par parallélisme ?

Mme Michèle de Vaucouleurs. Je suis très attachée au critère d’infertilité. En revanche, madame Thill, vous confondez un peu tout, en parlant de GPA au prétexte que les gamètes ne seraient pas ceux de la femme. Cela n’a pas de sens et ne correspond pas du tout à la réalité.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je redis que je suis favorable à ces amendements, qui ne dupliquent en rien l’amendement n° 927 : celui-ci s’adressait aux femmes infertiles ; ceux-là concernent les couples de femmes ou les femmes seules, qui ne souffrent pas forcément d’infertilité.

Monsieur Bazin, si un homme transgenre veut donner ses gamètes, il ne peut être discriminé au motif qu’il serait transgenre. Vous n’avez pas le monopole de la ligne rouge : chacun la trace où il veut. La mienne, c’est celle de la discrimination, que vous essayez de franchir en permanence, en mettant de côté les femmes seules ou non mariées, les femmes en couple, les personnes transgenres, et demain les personnes intersexes.

L’anonymat du don comporte énormément de dérogations : pour la moelle osseuse, étant donné que c’est souvent quelqu’un de la famille qui donne ; parfois pour le sang ; très souvent pour les organes à partir de donneur vivant. Dans tous ces cas, la connaissance du donneur n’a rien de choquant.

Enfin, cela n’a aucun sens de comparer la pratique en question à de la GPA. La femme du couple n’est pas une femme porteuse, par définition extérieure au couple, puisque la gestation s’effectue pour autrui, pour quelqu’un d’autre ou pour un couple différent. Dans le cas présent, il s’agit d’un don à l’intérieur du couple. Bannissez ce terme de GPA, tout comme celui de marchandisation du corps. Il n’y a, dans ce cas, pas davantage de marchandisations qu’entre un mari et une femme qui enfantent. On a parfois entendu parler de contrats entre mari et femme, pour que la femme se laisse convaincre d’avoir un enfant : ce n’est pas très bien, c’est vrai, mais cela se passe au sein du couple. Il y a, en réalité, beaucoup moins de marchandisation avec la ROPA qu’il n’y en a dans certains couples hétérosexuels. (Protestations sur certains bancs.) Personne ne voudra se faire payer pour faire une ROPA, puisque ce sont deux personnes volontaires. Évitons les discriminations. Vous avez le droit d’être favorables ou défavorables, mais pas pour de mauvaises raisons.

La commission rejette successivement les amendements n° 1179 et 122.

Elle examine ensuite lamendement n° 822 de M. Hervé Saulignac.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Il s’agit de permettre à tout couple pris en charge dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation de recourir à ses propres gamètes.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Avis favorable.

La commission rejette lamendement n° 822.

Elle examine les amendements identiques n° 924 de Mme Michèle de Vaucouleurs et n° 1038 de Mme AnneFrance Brunet.

Mme Michèle de Vaucouleurs. L’amendement n° 924 vise à supprimer l’alinéa 16. Limiter la PMA à la condition que les gamètes proviennent au moins de l’un des membres du couple empêche les couples présentant une double infertilité d’avoir accès à une PMA et de fonder une famille. Le double don n’étant pas autorisé en France, de nombreux couples, quelle que soit leur orientation sexuelle, se rendent à l’étranger pour en bénéficier.

Mme Anne-France Brunet. L’amendement n° 1038 vise à supprimer l’obligation d’utiliser des gamètes de l’un des membres du couple, au moins, pour une FIV. En imposant que l’embryon résulte du processus de fécondation des gamètes d’au moins un des membres du couple, l’alinéa 16 exclut de nombreux couples confrontés à une double infertilité. Les faits montrent que les couples ne sont généralement pas favorables à accueillir un embryon provenant d’un autre projet. Imposer que l’enfant soit toujours issu biologiquement de l’un des deux membres du couple repose sur une conception de la famille largement dépassée.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je vous suggère de retirer vos amendements au profit de mon amendement n° 1448, qui vise à rétablir le texte complet adopté en première lecture qui ouvrait l’accès au double don.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Pourriez-vous m’expliquer en quoi votre amendement apporte quelque chose de plus que le mien ?

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. L’amendement n° 1448 permettra de rétablir la possibilité du double don de gamètes et donc d’apporter une solution aux couples de femmes victimes de stérilité, par exemple, qui ont besoin de gamètes masculins et d’ovocytes. Le vôtre se limitait à supprimer l’alinéa relatif au don de gamètes.

Les amendements n° 1448 et n° 924 sont retirés.

La commission est saisie de lamendement n° 72 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Je souhaite mettre un terme à la création d’embryons surnuméraires, qui sont ensuite congelés. Au 31 décembre 2016, on comptait en France plus de 223 000 embryons humains congelés. La congélation avait été permise par le législateur en 1994, pour éviter aux femmes les prélèvements contraignants d’ovocytes à répétition, les ovocytes non fécondés étant alors difficiles à conserver. La congélation d’embryons humains suscite des interrogations éthiques : en différant la naissance d’un enfant parfois des années après sa conception, elle provoque des situations sans issue pour certains couples, qui ne savent pas quelle décision prendre les concernant, des drames, lorsque l’homme décède avant le transfert, ou des litiges en cas de désaccord du couple sur le devenir de ces embryons. La vitrification, méthode de congélation ultra‑rapide des ovocytes, permet désormais de les conserver dans de bonnes conditions et rend inutile la multiplication d’embryons en surnombre.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Les deux méthodes sont utiles, nécessaires et bénéfiques et l’une ne peut pas forcément se substituer à l’autre. C’est le même cas de figure avec les cellules-souches induites les cellules-souches embryonnaires : on ne peut pas utiliser les unes à la place des autres. La vitrification se développe largement et elle peut, dans certains cas, limiter le recours aux embryons congelés. Néanmoins, on ne peut pas, dans l’état actuel des choses, se passer de cette dernière possibilité, pour éviter de refaire des stimulations et de produire des embryons à chaque tentative, sachant qu’il n’y a qu’entre 16 et 24 % de chances de succès à chaque implantation. Il n’en reste pas moins que j’ai évoqué tout à l’heure les moyens pour limiter le nombre d’embryons surnuméraires. Nous allons discuter prochainement de la demande qui sera faite aux familles pour connaître d’emblée les conditions dans lesquelles elles veulent ou non conserver leurs embryons. Il faudrait effectivement mettre un peu d’ordre dans ces pratiques, car il n’est pas satisfaisant de laisser s’accumuler pendant des années dans nos laboratoires un tel nombre d’embryons surgelés sans aucune destinée – projet parental, don ou utilisation pour la recherche. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement n° 72.

Elle examine ensuite les amendements identiques n° 1448 du rapporteur et n° 1115 de Mme Sylvia Pinel.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Nous proposons de rétablir le double don de gamètes voté en première lecture, que les sénateurs ont malencontreusement retiré du texte. Tout semble indiquer que l’accueil d’embryons est quelque chose de différent, de plus difficilement vécu par les couples concernés que le double don de gamètes : certains couples demandent un double don mais ne sont pas du tout désireux d’accueillir un embryon à la place. Je cite simplement un article de Dominique Mehl et Martine Gross : « Sur le plan psychologique, les deux démarches ne semblent pas équivalentes. Alors que l’embryon donné a déjà une histoire, l’embryon issu d’un double don commence son histoire avec le ou les parents qui le souhaitent. »

M. Thibault Bazin. On peut certes penser que, quand le lien biologique est possible, les parents ne rechercheront qu’un seul don de gamètes, mais le texte ne subordonne le double don à aucun critère d’infertilité. Avec un tel élargissement, on risque donc d’accélérer la pénurie de gamètes et d’ouvrir la porte à leur marchandisation, peut-être même au choix des gamètes. Or, dans l’intérêt de l’enfant, il faut dans la mesure du possible éviter la rupture du lien biologique. Quand existe un problème d’infertilité pour les deux, une possibilité existe : le don d’embryons.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. La demande émane de tout le monde, que ce soit l’Agence de la biomédecine, le Comité consultatif national d’éthique, etc. Le double don est évidemment indiqué quand les deux parents sont infertiles : cela n’a pas de sens de le demander si l’un des deux a des gamètes disponibles. Il n’y a pas de concurrence avec d’autres dispositifs : le double don intervient seulement quand les deux personnes ne peuvent ni l’une ni l’autre offrir des gamètes susceptibles d’enfanter. Si l’un des deux a des gamètes fertiles, il préférera évidemment utiliser ceux-là plutôt que d’attendre des mois ou des années. Si la demande est unanime, c’est qu’il y a une raison : l’accueil d’embryons est quelque chose de très différent qui n’est pas du tout souhaité ni accepté par certains couples, qui n’ont alors d’autre solution que le double don de gamètes.

M. Patrick Hetzel. Nous sommes en train de rédiger un texte de loi. Or il y a un décalage entre ce que vous dites et ce que prévoit votre amendement. Si vous ne précisez pas explicitement que le double don de gamètes ne sera possible qu’en cas de double infertilité, rien n’interdira juridiquement un double don même sans double infertilité.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Lorsque quelqu’un est admis en réanimation avec un respirateur, c’est généralement parce qu’il en a besoin… Je ne connais guère de réanimateur qui accepterait de mettre en coma thérapeutique un patient qui respire parfaitement bien. De la même façon, je ne connais personne qui ira demander des gamètes ailleurs si l’un des parents potentiels en dispose. C’est du reste déjà prévu dans les textes puisque le devoir, pour toute fécondation in vitro, commande d’abord de recourir aux gamètes des parents. C’est la raison pour laquelle nous avons introduit la ROPA : nous cherchons, par cohérence, à utiliser en priorité les gamètes disponibles dans le couple. C’est ce qui est demandé dans tous les textes, il n’y a pas besoin d’être redondant.

Mme Agnès Thill. Si la notion d’infertilité n’est pas écrite noir sur blanc, ce double don revient à accepter ce que nous disions sur la ROPA, à savoir que la femme aura un double don.

M. Pascal Brindeau. Vous êtes tout sauf convaincant, monsieur le rapporteur. Quand vous dites que le couple favorisera forcément ses propres gamètes, vous partez de l’hypothèse qu’aucun couple dans le monde ne sera jamais tenté de choisir la couleur des yeux, par exemple, de leur futur enfant par donneur. Or c’est malheureusement une réalité. En ne l’excluant pas juridiquement, vous ouvrez une porte à ces dérives.

Mme Aurore Bergé. Il n’est pas du tout question ici de sélection des qualités de l’enfant à naître. Le double don de gamètes permet simplement à un couple, hétérosexuel ou homosexuel, quand les deux ne peuvent en fournir eux-mêmes, d’avoir accès à d’autres gamètes, tandis que le don d’embryons peut être beaucoup plus difficile à accepter, voire psychologiquement douloureux, car il suppose un autre projet parental. Il est donc important de revenir au point d’équilibre que nous avons adopté en première lecture.

Mme Michèle de Vaucouleurs. La suppression de cette possibilité de double don revient de fait à interdire à une femme seule infertile de recourir à une PMA.

La commission adopte les amendements identiques n° 1448 et 1115.

En conséquence, lamendement n° 278 de M. Thibault Bazin, les amendements identiques n° 825 de M. Hervé Saulignac et n° 1351 de M. Didier Martin, ainsi que les amendements n° 635 de Mme Agnès Thill, n° 54, n° 59 et n° 56 de Mme Emmanuelle Ménard tombent.

La commission en vient aux amendements identiques n° 173 de M. Thibault Bazin et n° 379 de M. Patrick Hetzel.

M. Thibault Bazin. Mon amendement n° 173 propose d’insérer l’alinéa suivant : « Dans le cas d’un couple de femmes, le don d’ovocyte de la compagne est interdit. » Autrement dit, on ferait match nul, si vous me permettez l’expression…

Il serait bon que vos exposés des motifs correspondent au contenu de vos amendements. Quand vous prétendez que le cadre est maîtrisé, celui-ci n’apparaît pas : vous élargissez, mais sans fixer aucune condition. C’est très clair sur la ROPA et j’espère que les présents de ce soir ratifieront le tir de cet après-midi…

M. Patrick Hetzel. L’article 16-8 du code civil dispose que le don d’éléments du corps doit être anonyme : « Aucune information permettant d’identifier à la fois celui qui a fait don d’un élément ou d’un produit de son corps et celui qui l’a reçu ne peut être divulguée. Le donneur ne peut connaître l’identité du receveur ni le receveur celle du donneur. En cas de nécessité thérapeutique, seuls les médecins du donneur et du receveur peuvent avoir accès aux informations permettant l’identification de ceux-ci. » Ce que vous nous proposez traduit une rupture avec ce principe, la pratique permettant à une femme d’accueillir un ovocyte de sa compagne contrevient à cet article. Ce n’est pas un changement mineur, mais bien un véritable changement de paradigme. Encore faut-il l’assumer.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Monsieur Bazin, on ne peut dans un même texte défendre des notions opposées à quelques alinéas de distance. La ROPA a été introduite dans cet article, nous n’allons pas l’interdire quelques lignes plus loin.

Les dérogations existantes à l’article cité par M. Hetzel sont nombreuses, pour tous les dons du vivant de toutes les parties du corps humain – rein, poumon, foie, peau, moelle osseuse, etc. – et nous nous inscrivons dans ce cadre dérogatoire. La règle générale est certes basée sur l’anonymat comme sur la gratuité, et même la gratuité connaît elle aussi des dérogations : chaque année, le ministère signe un document indiquant que le don du sang est gratuit mais, comme nous n’avons pas assez de produits dérivés du sang en France, nous en achetons aussi à l’étranger, où ils sont issus de prélèvements sur des donneurs rétribués. Notre code pose des règles générales auxquelles nous souscrivons tous, mais il nous a fallu, par nécessité et pragmatisme, introduire des dérogations au cours des décennies récentes ; il n’y a guère de raisons que les gamètes échappent à ce paradigme.

Mme Coralie Dubost. Il me semble en outre malvenu d’introduire à l’article 16-8 du code civil une distinction en fonction de l’orientation sexuelle. Ces articles sont des articles principiels et nous ne saurions établir, surtout de la manière dont c’est rédigé, une telle discrimination.

M. Pascal Brindeau. Monsieur le rapporteur, votre argument est un peu facile : certes, on ne peut inscrire une chose et son contraire dans deux alinéas successifs, mais c’est tout de même vous qui avez ouvert l’accès à la ROPA en cas d’infertilité, et élargi un peu plus loin le dispositif… Revenons à la question de fond : assumez-vous ou pas l’ouverture de la ROPA dans la loi de bioéthique ? Vous l’assumez, mais nous aimerions savoir si le Gouvernement en fera autant.

La commission rejette les amendements n° 173 et 379.

Puis elle examine lamendement n° 174 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Dans le cas d’un couple de femmes, il serait bon de préciser que l’enfant à naître est issu de l’ovocyte de celle qui porte l’enfant et d’un gamète d’un donneur. Cela permettrait de répondre aux conditions que vous avez posées, monsieur le rapporteur : lorsqu’il n’y a pas de problème de fertilité pour l’une d’entre elles, c’est celle qui a les ovocytes qui doit porter l’enfant, sans qu’il soit besoin de recourir à la médecine.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Une femme infertile en couple hétérosexuel aurait le droit de bénéficier d’un don d’ovocytes, une femme infertile dans un couple homosexuel ne l’aurait pas ? Je suis évidemment opposé à une telle discrimination.

La commission rejette lamendement n° 174.

Puis elle examine les amendements n° 823 et n° 824 de M. Hervé Saulignac.

Mme Marie-Noëlle Battistel. L’amendement n° 823 prévoit que, dans le cadre de l’attribution et de la mise à disposition de gamètes ou d’embryons pour la réalisation d’une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur, l’appariement des caractères phénotypiques ne peut se faire qu’avec l’accord du couple receveur ou de la femme receveuse.

Il apparaît surprenant qu’en amont d’une tentative d’AMP avec don, un appariement des caractères phénotypiques soit effectué en tenant compte notamment des caractéristiques physiques et des groupes sanguins du couple receveur, et ce sans qu’il en soit informé ou qu’il puisse s’y opposer.

L’appariement des caractères phénotypiques consiste à rechercher un donneur dont les caractéristiques sont les plus proches du couple receveur. S’il est fait sur le groupe sanguin, il l’est également sur la couleur de la peau, des cheveux et des yeux, pour éviter une trop grande différence physique entre l’enfant et ses parents.

Ce faisant, il pénalise les couples receveurs dont l’origine ethnique est telle que les donneurs font défaut et qui font face à des délais bien plus longs que les autres couples avant de pouvoir accéder à la PMA avec don de gamètes. Pour cette raison, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) a recommandé un encadrement de cette pratique.

L’amendement n° 824 ne varie que sur l’accord, qui serait donné par écrit.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Il est en effet hors des temps présents d’exiger cet appariement entre le géniteur et le couple receveur, d’autant plus dommageable pour certains groupes minoritaires, d’origine asiatique ou d’Afrique subsaharienne, pour lesquels il y a très peu de donneurs dans les banques de gamètes en France. Ces personnes sont condamnées à attendre, et souvent sans jamais avoir satisfaction, pour obtenir les gamètes nécessaires, alors que nombre d’entre elles sont tout à fait disposées à accueillir un enfant qui ne leur ressemblera pas tout à fait mais à qui elles consacreront beaucoup d’amour et d’attention. Avis très favorable.

M. Patrick Hetzel. Quand nous avons auditionné les CECOS sur l’appariement, ils nous ont expliqué que l’objectif était de parvenir à une vraisemblance biologique, dans l’intérêt supérieur de l’enfant. On peut en avoir des conceptions diverses, mais c’était le principal argument. Lorsque l’on propose de genre d’amendements, on ne se préoccupe que des adultes, et bien peu de ce que cela va produire sur les enfants.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. C’est précisément le contraire !

M. Patrick Hetzel. C’est ce qui explique nos réserves à l’idée de faire voler en éclats le principe de l’appariement. Des psychologues ont indiqué que sa disparition pouvait engendrer dans certains cas des souffrances chez l’enfant.

M. Pascal Brindeau. C’est assez cohérent avec la conception philosophique du rapporteur et d’une partie de la majorité : faire à tout prix faire exploser l’idée de la vraisemblance biologique… J’alerte tout de même nos collègues sur le fait qu’en soumettant au consentement l’appariement phénotypique, ils ouvrent la voie au choix du phénotype par les futurs parents. L’amendement permet de renoncer à la vraisemblance biologique, mais demain les gens pourront demander un appariement phénotypique pour leur enfant. C’est ce que vous êtes en train de construire.

Mme Elsa Faucillon. Il faut faire attention aux arguments qu’on utilise : la plupart du temps, ces gens ne font pas leur marché… Ils cherchent simplement, au prix de gros efforts et parfois de bien des douleurs, à avoir un enfant.

Je trouve ces amendements très mesurés, par le fait qu’ils permettent le choix là où pendant très longtemps a prévalu la culture du secret : l’appariement garantit une vraisemblance dont le but reste avant tout de préserver le secret. Notre collègue permet un pas vers le choix, alors qu’elle aurait pu proposer la suppression de l’appariement, dont j’ai appris l’existence en première lecture et qui m’a tout d’abord choquée. D’un côté, vous vous dites opposés à l’eugénisme et, de l’autre, vous défendez une technique dont le but est de garantir à tout prix la vraisemblance biologique entre les parents et l’enfant alors même que les gamètes des premiers ne sont pas engagés. Ces amendements permettent de sortir de la culture du secret pour aller vers une culture du choix, à mes yeux plus juste.

M. Guillaume Chiche. Je partage totalement les propos de Mme Faucillon. L’attachement à la vraisemblance biologique est lié à une notion de réalité biologique qui est un fantasme de notre code civil et dont le seul objectif est de maintenir les enfants dans l’inconnu, voire le mensonge. La loi que nous sommes en train d’élaborer s’inscrit en faux, notamment dans sa partie relative à l’accès aux origines, par rapport à cette doctrine. Il n’est plus fondé de procéder au tri des gamètes pour organiser une correspondance physique entre des personnes ayant un projet parental et leurs enfants.

Ce que je retiens de l’audition des CECOS, c’est que l’appariement lui-même organise la pénurie de gamètes pour certaines personnes et qu’en le supprimant nous pouvons régler le problème en très grande partie.

Mme Anne-France Brunet. Je trouve ces amendements intéressants. Cela étant, il me semble normal qu’un couple souhaite un enfant ayant des caractéristiques en adéquation avec les siennes, dans l’intérêt même de l’enfant. Encore faudrait-il organiser la plus grande fluidité dans les échanges entre les CECOS, afin qu’un couple d’origine asiatique, par exemple, puisse facilement accéder aux données des CECOS d’autres régions s’il ne trouve pas de gamètes conformes à ses attentes dans la sienne.

Mme George Pau-Langevin. Il est tout à fait normal que les parents aient le choix : dans les projets d’adoption, beaucoup de parents préfèrent avoir un enfant qui ne leur ressemble pas du tout physiquement que de ne pas en avoir. Bon nombre d’enfants asiatiques, des enfants haïtiens sont ainsi adoptés par des parents européens qui sont très heureux de les avoir. Ce n’est pas quelque chose de rédhibitoire ; il faut que les gens aient le choix.

Mme Sylvia Pinel. Je soutiendrai ces amendements car j’en ai déposé un très semblable un peu plus loin, qui tombera probablement. Dans le cadre de l’ouverture de l’AMP aux couples de femmes ou aux femmes seules, l’argument de la ressemblance biologique n’a pas vraiment de sens. En outre, lorsqu’on applique la technique de l’appariement, les délais varient en fonction des stocks de gamètes disponibles ; à en croire l’Agence de la biomédecine, le délai moyen pour bénéficier d’un don d’ovocyte pour lesquels les critères d’appariement entre la donneuse et la receveuse correspondent, varie d’un à trois ans. Il est donc important de permettre à ces couples et à ces femmes seules de renoncer, si évidemment ils le souhaitent, à l’appariement.

M. Jean-François Eliaou. Je voudrais relever l’incohérence du discours de certains de nos collègues : ils sont hostiles à l’idée de pouvoir sélectionner des embryons sur la couleur des yeux, le sexe et autre, et en même temps favorables à un rapprochement phénotypique, autrement dit à une sélection pour que l’enfant ressemble à ses parents !

Ajoutons que, dans la procédure d’adoption, on ne choisit pas l’enfant qu’on adopte, et la culture du secret est rompue en raison justement de la différence phénotypique importante entre les parents et l’enfant. Et celle-ci est acceptée non seulement par les parents et les enfants mais aussi par la société, et il est très important que la société, qui doit être inclusive, l’accepte.

M. Xavier Breton. L’adoption est une démarche différente : il s’agit de donner des parents à un enfant tandis que, dans la PMA, il s’agit de donner un enfant à des parents. On ne peut donc pas faire de parallélisme.

Cette question voit, une fois de plus, s’apposer nos conceptions de la filiation. Pour vous, la filiation, ce sont des cases à cocher, des options pour les adultes, sans souci de l’intérêt de l’enfant. La vraisemblance biologique est un point important. J’ai entendu le mot d’eugénisme, mais l’eugénisme vise à l’amélioration de l’espèce ; en l’occurrence il s’agit seulement d’avoir une vraisemblance, et l’on est loin de procédures d’amélioration.

Pour vous, la fin justifie les moyens : pour éviter la pénurie, vous êtes prêts à utiliser tous les moyens, peu importent les effets. C’est une logique purement utilitariste.

Enfin, soyons prudents, des professionnels travaillent sur ces questions, notamment dans les CECOS. Le Gouvernement pourrait nous dire, en tant qu’exécutif, en lien avec les professionnels, pourquoi cela existe, comment c’est pratiqué, de façon à nourrir le débat ; nous sommes à nouveau, avec ces amendements, sous le coup de l’émotion, et cela nous empêche de légiférer sereinement.

Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. Je crains que nous soyons tentés par la confusion en appariant – pardonnez-moi le jeu de mots – l’adoption et la PMA, autrement dit deux procédés tout à fait différents. Sauf erreur de ma part, les parents ont déjà le choix : lors d’un entretien dans les CECOS, tout n’est pas que biologique. Remettre systématiquement en question les compétences des professionnels me pose question ; leur expérience dans ce domaine mérite d’être entendue. Je ne crois pas que tout doive être inscrit dans la loi, dès lors que, dans la pratique, on est à même, au moment de l’échange avec les futurs parents, de mesurer ce qui leur semble meilleur pour l’enfant, une ressemblance ou non, en sachant que celle-ci peut en effet présenter un intérêt pour l’enfant. Je suis inquiète par cette façon de toujours légiférer sans tenir compte des compétences des professionnels.

Mme Coralie Dubost. Je partage le même objectif que ces amendements, qui est de signifier aux professionnels qui pratiquent l’AMP que l’appariement a été mis en place à une époque où la vraisemblance, le « ni vu ni connu » étaient importants ; mais cela ne relève pas du domaine législatif, et encore moins de celui des articles 16 et suivants du code civil. J’ai partagé, en sympathie, les préoccupations des personnes engagées dans une démarche d’AMP et gênées par cet appariement, mais c’est du ressort réglementaire ; un arrêté du ministre de la santé précise qu’outre l’appariement résultant d’un facteur de risque, un appariement entre le couple receveur et le donneur ou la donneuse de gamètes qui prendrait en compte les caractéristiques physiques et les groupes sanguins du couple receveur peut être proposé dans la mesure du possible, mais seulement si le couple le souhaite. C’est la liberté du couple qui prévaut ; il n’y a aucune obligation et ces amendements sont donc superfétatoires. À mon sens de juriste, on se trompe en voulant introduire ces mesures au niveau législatif, car cela donnerait, en creux, du poids à l’idée d’appariement qui, pour l’heure, n’existe pas dans la loi et ne doit pas y apparaître. Peut-être pourrons-nous interroger les ministres en séance sur les circulaires ou les bonnes pratiques à renforcer, mais l’inscrire dans la loi serait une véritable erreur.

M. Jean-François Mbaye. Je soutiens l’amendement n° 824 car notre collègue Hervé Saulignac pose un principe clair : le choix laissé au couple receveur d’accepter ou non le rapprochement phénotypique.

Je ne suis pas d’accord avec Coralie Dubost : ces amendements n’ont rien de superfétatoire. Les lois de révision qui viennent encadrer la modernisation des techniques de procréation ne peuvent avoir de sens que si elles se concrétisent dans des mesures juridiques.

Mme Agnès Thill. L’appariement n’a pas forcément pour but de maintenir le secret, mais j’ai entendu des propos qui peuvent choquer : vous estimez que nous sommes dans la culture du choix mais, lorsqu’il s’agit d’enfants que l’on va faire naître, comprenez que cela passe difficilement…

M. Bruno Fuchs. Cet amendement est structurant. Certains parlent d’efficacité. Il ne s’agit pas d’entrer dans une logique d’efficacité, mais d’affirmer clairement dans la loi que chaque citoyen, chaque binôme ou plus, peut librement choisir ses actes et sa vie. Nous ouvrons des possibilités et mettons un terme à la culture du secret.

M. Thibault Bazin. Ce débat montre que rien n’est simple et que de bonnes intentions peuvent parfois engendrer des externalités négatives. Il faut analyser ces amendements au regard des autres dispositions du projet de loi pour en mesurer les effets. Qui décide ? Qui conservera les gamètes ?

L’amendement n° 823 dispose que l’appariement ne peut se faire qu’avec l’accord du couple receveur ou de la femme receveuse. Il faut donc une décision du couple. L’amendement n° 824 prévoit quant à lui que le couple receveur ou la femme receveuse peuvent renoncer par écrit à ce que soit pratiqué un appariement de leurs phénotypes avec celui du donneur. Mais cela transfère le choix au médecin ou au centre.

Nous avons beaucoup parlé des professionnels, des parents, mais quels sont les effets potentiels de l’appariement sur l’enfant ? Vous ne l’analysez pas.

Enfin, M. Chiche a parlé de « fantasme du code civil ». Je suis un peu perdu : non seulement le code civil a eu le mérite d’assurer une filiation dans l’intérêt de l’enfant, mais le deuxième alinéa de l’article L. 2141‑3 que ces amendements proposent d’insérer ne font pas partie du code civil – nous l’aborderons à l’article 4 – mais du code de la santé publique…

Vous nous proposez des modifications incomplètes. Vous prévoyez la possibilité d’un renoncement à l’appariement en raison d’une pénurie de gamètes ayant les mêmes caractères phénotypiques, mais vous laissez le médecin dans l’incertitude : comment fait-il ? Sur quelle base travaille-t-il ? Ces questions ne sont pas anodines. Sans parler des effets potentiels sur l’enfant.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Il y a plusieurs décennies, lors de la création des CECOS, la doxa était claire : il fallait faire « comme si », dissimuler le recours au tiers donneur, et donc ne jamais dire à l’enfant qu’il était issu d’un don. Certains en sont restés à cette époque. On allait jusqu’à apparier les groupes sanguins… ce qui allongeait davantage encore les délais d’attente pour les groupes les plus rares.

Or, tous les psychologues le soulignent désormais, une telle attitude est très néfaste pour le développement de l’enfant. En outre, avec la génétique, ce dernier peut immédiatement savoir s’il est, ou non, issu de ses parents.

Au contraire de ce que vous affirmez, l’amendement est l’illustration de la défense de l’intérêt de l’enfant, et non de celui des adultes. Il est dans l’intérêt de l’enfant d’avoir accès à ses origines – c’est même un droit affirmé au niveau européen. Si nous ne voulons pas être condamnés, nous devons donner ce droit aux enfants, alors que certains pères croient qu’il est dans leur intérêt de dissimuler leur stérilité en faisant croire à leur enfant qu’ils sont leur géniteur…

M. Mbaye et M. Fuchs l’ont rappelé, cette modification est structurante car l’appariement est malheureusement toujours pratiqué et les couples qui le souhaitent ne peuvent pas demander le non-appariement. Nous leur offrons cette liberté, sans empêcher ceux qui le souhaitent de continuer à le demander.

La commission adopte lamendement n° 823.

En conséquence, lamendement n° 824 tombe.

La commission passe à lamendement n° 784 de M. Raphaël Gérard, qui fait lobjet du sous-amendement n° 1497 de Mme Laurence Vanceunebrock.

Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel. Raphaël Gérard a effectué un important travail afin de lutter contre les discriminations et pour les droits des transsexuels. Son amendement n° 784 vise à permettre l’utilisation des gamètes dans un couple sans discrimination d’identité de genre. Il s’agit de pouvoir disposer librement de ses gamètes dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation (AMP).

Ainsi, un couple pourra utiliser en priorité ses gamètes : dans un couple constitué d’une femme transsexuelle et d’une femme, l’utilisation des spermatozoïdes de la première permettra de réaliser une PMA avec les gamètes du couple, au même titre qu’un couple hétérosexuel. En l’état actuel du droit, rien ne l’empêche, mais nous souhaitons l’inscrire dans la loi afin d’éviter toute discrimination – notamment dans les CECOS – et ne pas hiérarchiser les PMA.

Mme Laurence Vanceunebrock. Ce débat portant sur l’extension d’une technique médicale faisant appel au don de gamètes amène souvent à s’interroger sur le stock de gamètes disponible. Quand, pour différentes raisons, un couple devant recourir à une PMA détient déjà des gamètes, il semble incohérent de faire appel à un don. Mon sous-amendement n° 1497 vise à permettre l’utilisation des ovocytes de la compagne lorsque c’est possible, à tout le moins pour les couples de femmes. Pourquoi empêcher un tel couple d’utiliser le matériel directement disponible en exigeant le recours à un don d’ovocytes ? La femme pouvant porter l’enfant devrait avoir la possibilité d’utiliser les ovocytes de sa compagne, comme c’est le cas chez nos voisins. Interdire cette pratique aboutit à des complications et à une multiplication, injustifiée, des demandes de gamètes.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je suis favorable au sous-amendement et à l’amendement.

La commission adopte le sous-amendement n° 1497.

Puis elle adopte lamendement n° 784 ainsi sous-amendé.

Elle examine ensuite lamendement n° 590 de Mme Agnès Thill.

Mme Agnès Thill. Que prévoit l’alinéa 17 ? Il s’agit de prélever l’ovule d’une femme et les spermatozoïdes d’un homme, de congeler le tout sous forme embryonnaire, en attendant que la femme – ou peut-être une autre – veuille bien se faire implanter l’embryon pour qu’il reprenne le cours de son développement jusqu’à la naissance. Comment allez-vous expliquer à des enfants qu’ils ont été congelés pendant plusieurs années avant leur naissance parce que ce n’était pas le bon moment ? C’est une absurdité vis-à-vis des enfants – notre seule préoccupation devrait être leur intérêt –, mais également une profonde injustice envers les femmes. Après des années de lutte pour que la naissance d’un enfant ne vienne pas les pénaliser dans leur vie professionnelle, vous voudriez tout détruire et revenir en arrière, en permettant aux patrons de faire pression sur elles pour qu’elles congèlent leurs embryons et reportent leur grossesse. Quel recul !

Vous justifiez ce retour en arrière au nom des droits des femmes : j’admire votre technique rhétorique ! Vous seriez capable de nous vendre le retour de l’esclavage au nom du droit des esclaves à avoir un travail ! Et vous vous étonnez que plus personne n’ait confiance dans le monde politique !

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Mon avis est bien sûr défavorable. Avec tout le respect que je voue aux embryons humains, il ne s’agit pas de conservation ou de congélation d’enfants, mais bien d’embryons ! Il serait dangereux de congeler les enfants…

M. Xavier Breton. Nos débats dérivent. Il y a un problème d’organisation. Notre collègue Coralie Dubost a dû rappeler qu’un précédent amendement n’était pas à sa place dans le code civil, mais qu’il devait s’insérer dans le code de santé publique. Elle a précisé qu’un arrêté organise les modalités d’appariement. Elle joue le rôle du Gouvernement, absent !

Un sous-amendement vient d’être défendu – je ne suis pas sûr que nous ayons tous compris son contenu. Mais il concerne les personnes transgenres et j’imagine donc bien ce qu’il recouvre… Le rapporteur a donné un avis favorable sans autre forme d’explication. Le Gouvernement est absent et le groupe majoritaire est complètement à la dérive. Quelles sont les conséquences de cette disposition ? Où est la cohérence ? Nous allons de dérapage en dérapage !

La commission rejette lamendement n° 590.

La réunion, suspendue à vingt-trois heures dix, est reprise à vingt-trois heures vingt.

La commission en vient à la discussion commune des amendements n° 591 de Mme Agnès Thill et des amendements identiques n° 472 de M. Xavier Breton et n° 474 de M. Patrick Hetzel.

Mme Agnès Thill. Depuis 1994, la fécondation in vitro a entraîné la constitution d’un nombre important et croissant d’embryons congelés. Ces embryons, dits surnuméraires, suscitent la convoitise des chercheurs. Lorsque ces bébés-éprouvette, comme on les surnomme, ne font plus partie d’un projet parental, ils deviennent des matériaux de recherche convoités. Selon l’Agence de la biomédecine, sur plus de 220 000 bébés-éprouvette surnuméraires congelés, 31 % ne font plus l’objet d’un projet parental. Ils peuvent alors servir aux pires expérimentations scientifiques, comme la modification génétique d’embryons humains, avec l’utilisation de techniques qui ouvrent la possibilité de donner naissance à des bébés génétiquement modifiés. C’est ce qu’a fait le chercheur chinois He Jiankui en novembre 2018, en fabriquant les premières jumelles génétiquement modifiées, auxquelles il avait tenté d’insérer une mutation afin de les rendre résistantes au VIH.

C’est aussi ce que permettait le projet de loi tel qu’adopté par l’Assemblée nationale en première lecture. En remplaçant « la création d’embryons transgéniques ou chimériques est interdite » par : « la modification d’un embryon humain par adjonction de cellules provenant d’autres espèces est interdite », il conservait l’interdiction de créer des chimères homme-animal – ce que certains scientifiques sont déjà arrivés à faire – mais ouvrait la possibilité de créer des embryons transgéniques – des bébés génétiquement modifiés.

Quant aux chimères homme-animal elles-mêmes, elles finiront bien par être autorisées dans un futur projet de loi, au nom du progrès scientifique ou médical… Autoriser la congélation d’embryons, c’est ouvrir la voie à leur manipulation scientifique. Ni un quelconque « projet parental », ni un prétendu « droit à l’enfant » ne peuvent le justifier. Cette pratique est immorale, contraire à tout humanisme, et doit être interdite par la loi. D’où la rédaction de l’alinéa 17, telle que proposée par mon amendement n° 591.

M. Xavier Breton. Le stock de dizaines de milliers d’embryons surnuméraires pose des problèmes éthiques insurmontables. Nous pourrions nous inspirer de ce que font d’autres pays, notamment l’Allemagne, pour limiter cette production surnuméraire qui suscite la convoitise de la recherche. C’est ce que propose l’amendement n° 472 en rédigeant ainsi l’alinéa 17 : « Ne peuvent être conçus que le nombre limité d’embryons que l’équipe de procréation médicalement assistée et les candidats à la procréation médicalement assistée ont convenu d’implanter pour la tentative en cours. La conception d’embryons en surnombre et leur conservation sont interdites, à moins que, à titre exceptionnel, l’implantation projetée ne puisse avoir lieu immédiatement ».

Les nouvelles techniques de conservation – congélation, vitrification – des gamètes se sont améliorées, notamment pour les ovocytes. Elles devraient nous permettre de surmonter les problèmes éthiques.

M. Patrick Hetzel. Les nouvelles techniques médicales permettent de conserver les gamètes, tant spermatozoïdes qu’ovocytes. Il n’y a donc plus lieu de procéder à une conservation systématique des embryons, d’autant que leur conservation est à l’origine de graves difficultés pour les couples, qui s’inquiètent du devenir de leurs embryons, et de litiges. Mon amendement n° 474 vise à y mettre fin.

Les lois de bioéthique doivent s’attacher à maintenir des marqueurs éthiques très clairs. En Allemagne, la conservation d’un embryon est interdite pour des raisons historiques : les procès de Nuremberg ont malheureusement illustré les dérives possibles…

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Il est commode de ne sélectionner que les exemples qui nous arrangent… Vous faites référence à un seul pays, en oubliant tous les pays européens et américains où l’utilisation des embryons congelés est aussi intensive que chez nous, sinon plus. Nous sommes tous d’accord : si nous le pouvions, il faudrait davantage limiter le nombre d’embryons surnuméraires congelés.

Je le répète, il s’agit d’embryons. Dans son amendement, Mme Thill ne parle plus d’enfants congelés, mais de « bébés-éprouvette surnuméraires congelés ». Ce ne sont pas des bébés-éprouvette, je suis navré, mais des embryons de quelques jours. Utilisons les termes appropriés…

Mme Agnès Thill. Dites-nous comment on les nomme !

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Il ne s’agit pas uniquement de sémantique : ce que l’on imagine en entendant parler de bébé-éprouvette est très différent d’un embryon de quatre cellules.

Vous estimez que les équipes ne devraient pas produire plus de d’embryons congelés que ce qu’elles prévoient d’implanter. Mais c’est le cas ! Simplement, elles savent qu’une minorité d’entre eux permettra de développer une grossesse. Elles sont donc obligées d’en produire un nombre relativement important et de multiplier les tentatives. Faute de quoi, il faudrait à nouveau produire des ovocytes chez la femme et réaliser des ponctions, avec tous les risques que cela comporte.

Lorsque le projet du couple a abouti, restent ce que l’on appelle les embryons surnuméraires. Mais ils n’ont pas été produits dans ce but et, malheureusement, environ la moitié présentent des anomalies chromosomiques – des aneuploïdies – qui les rendent non viables.

M. Fabien Di Filippo. L’amendement de M. Breton soulève un problème concret, très important, qui transcende nos divergences. D’une part, votre projet de loi aggrave la pénurie de gamètes pour les personnes souhaitant recourir à une PMA et, d’autre part, on stocke et on congèle de plus en plus d’embryons surnuméraires en sachant que l’immense majorité ne pourra donner la vie. Il faut donc limiter drastiquement le nombre de ces embryons pour permettre à davantage de PMA d’aboutir et pour limiter leur stockage. C’est une solution de bon sens !

La commission rejette successivement lamendement n° 591, puis les amendements identiques n 472 et 474.

Elle passe à lamendement n° 75 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Je me suis déjà exprimée sur les embryons surnuméraires avant la suspension. Les pays voisins ne sont pas toujours des exemples à suivre – ainsi pour l’âge maximal de recours à une PMA. Mais l’Allemagne montre la voie en ce qui concerne la limitation des embryons surnuméraires, en limitant la congélation des embryons.

L’implantation d’embryons congelés n’est pas sans poser de problèmes, ni sans conséquences médicales importantes. Leur développement pendant la grossesse serait plus rapide, entraînant des taux plus importants de pré-éclampsie. Une étude suédoise a démontré le lien entre le transfert d’embryons congelés et le risque de diabète de type 1 pour l’enfant à naître. Une étude danoise souligne que le risque de développer un cancer infantile est plus de deux fois plus élevé pour un enfant né de fécondation in vitro avec congélation des embryons.

Monsieur le rapporteur, vous avez affirmé que la vitrification ne pouvait pas se substituer à la congélation. Mais quand on propose aux femmes de congeler leurs ovocytes, on leur explique aussi que la vitrification des ovocytes fonctionne très bien. Nous pourrions limiter davantage le nombre d’embryons congelés. Nous pourrions même décider d’arrêter la conservation et la congélation : c’est un choix politique et, évidemment, éthique.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Avis défavorable. Votre proposition aboutirait à l’arrêt de la majorité des fécondations in vitro.

M. Xavier Breton. Il ne s’agit pas de limiter les fécondations in vitro, mais de ne pas faire plus d’embryons que nécessaire afin de limiter le stockage de dizaines de milliers d’embryons congelés, qui pose des problèmes éthiques et suscite la convoitise de la recherche.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. L’amendement de Mme Ménard dispose qu’« il est interdit de tenter la fécondation d’un nombre d’ovocytes pouvant rendre nécessaire la conservation d’embryons, dans l’intention de réaliser ultérieurement leur projet parental ». En pratique, les équipes sont obligées de conserver des embryons supplémentaires qui permettront les réimplantations ultérieures, sachant que 20 % seulement des premières tentatives sont fructueuses.

La commission rejette lamendement n° 75.

Elle examine ensuite en discussion commune les amendements n° 26 de Mme Annie Genevard et n° 171 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. L’accès à l’AMP pour les femmes seules pose des questions spécifiques, en particulier pour l’enfant – le Conseil d’État le reconnaît. Certes, un enfant peut devenir orphelin d’un de ses parents du fait d’un accident de la vie, mais l’élargissement de l’AMP aux femmes seules crée ab initio une vulnérabilité potentielle pour l’enfant. Ne s’agit-il pas d’un préjudice pour ce dernier, rendu possible par l’État ?

Avoir un seul parent – et non deux – rend plus vulnérable. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la politique familiale que vous menez depuis deux ans et demi se concentre sur les familles monoparentales, dont la vulnérabilité matérielle est supérieure.

En première lecture, vous l’avez assuré, les femmes seules qui veulent accueillir un enfant en ont les moyens matériels puisqu’elles y ont bien réfléchi. Mais elles ne sont pas à l’abri d’un accident de la vie… Avant d’ouvrir l’AMP aux femmes seules, vérifions que c’est bien dans l’intérêt de l’enfant. Mon amendement n° 171 est plus complet que l’amendement n° 26, car il vise les femmes seules aux alinéas 32, 35 et 41. Si la commission ne souhaite pas élargir l’AMP aux femmes seules, je lui conseille donc de le voter !

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je vous rassure, monsieur Bazin : mon avis est défavorable sur les deux amendements, contraires à notre objectif.

La commission rejette successivement les amendements n° 26 et 171.

Puis elle se saisit des amendements identiques n° 298 de M. Xavier Breton, n° 381 de M. Patrick Hetzel et n° 589 de Mme Agnès Thill.

M. Xavier Breton. Mon amendement n° 298 vise à supprimer la notion de projet parental à l’alinéa 17. Bien sûr, la procréation implique le projet de parents, mais on ne peut réduire l’enfant à cette seule dimension, marque d’une volonté toute puissante des adultes sur sa vie. Cette notion souligne combien votre projet de loi est bâti autour des adultes, sans prendre en compte l’enfant et la défense de son intérêt.

M. Patrick Hetzel. Mon amendement n° 381 a le même objet. En ouvrant la PMA aux couples de même sexe – en espèce, les femmes –, on fragilise l’ensemble du dispositif. Les juristes le soulignent, il suffira d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) pour que le principe d’égalité, et d’équité, entre couples de même sexe ouvre la porte à la gestation pour autrui.

D’ailleurs, contrairement à ce que certains affirment, la ROPA, qui a fait l’objet d’un amendement adopté par la commission, est une forme de GPA. Dans l’hémicycle également, un amendement avait été adopté, qui légalisait la GPA sur le sol français.

Ce projet de loi n’est qu’une étape. Vous jouez pleinement de l’effet domino et de l’effet mikado : vous touchez à de nombreuses dispositions du droit français, tout en introduisant une modification fondamentale de paradigme. Certains d’entre vous l’assument mais, pour notre part, nous considérons qu’une telle évolution n’est pas souhaitable, et nous la combattons fermement. Je me souviens parfaitement des propos de Mme Taubira lors des débats relatifs au mariage pour tous : « Soyez pleinement rassurés : la PMA, jamais ! ». Les propos n’engagent donc que ceux qui les prononcent…

Mme Agnès Thill. Votre « projet parental » n’est rien d’autre qu’une idée, avec un début et une fin. Or un enfant n’est pas une idée et n’a ni début ni fin – sinon des début et fin qui nous dépassent.

En faisant prévaloir la seule volonté des personnes, quel que soit leur sexe, cette référence au projet parental ouvre inéluctablement la porte à la légalisation de la gestation pour autrui. Il convient donc de supprimer cette notion, ce que propose mon amendement n° 589, afin de respecter l’interdiction de la GPA en France et de protéger l’intérêt supérieur de l’enfant.

La PMA pour toutes vous sert de camouflage ; vous êtes bien contents que les Français ne le sachent pas !

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Le projet parental est central dans le projet de loi. Si vous vous opposez à ce dernier, vous récusez le projet parental, c’est cohérent. À l’inverse, nous souhaitons que le texte prospère et le projet parental en est le socle.

J’ai peur que vos amendements ne conduisent à l’inverse de ce que vous souhaitez : en supprimant la mention du cadre de conservation des embryons, vous ne donnez aucune borne à cette conservation. En outre, vous retirez la possibilité pour les couples d’être informés de la possibilité de don d’embryon surnuméraire à un autre couple, qui évite pourtant la conservation « vaine » – si vous me permettez l’expression – de leurs embryons.

Enfin, la pratique actuelle est déjà fondée sur l’expression du projet parental, sans qu’à un seul instant ait été ouverte la possibilité de recourir à une GPA. C’est un fantasme que vous nourrissez, mais qui n’est pas alimenté par le projet de loi.

Mme Emmanuelle Ménard. Qui peut prévoir que seules les femmes aisées vont demander l’AMP ? Qui peut savoir si seules les femmes extrêmement bien entourées par leur famille, leurs amis ou leur milieu professionnel vont demander l’AMP ? Personne. Une femme seule, sans ressources, pourra parfaitement faire la même démarche.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Et alors ?

Mme Emmanuelle Ménard. À son corps défendant, elle fragilisera l’enfant à naître. Considérons l’intérêt supérieur de l’enfant, qui est de ne pas le faire naître dans un foyer monoparental. Le faire naître dans un tel foyer, c’est lui enlever une chance dès le départ.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Nous y reviendrons, mais une équipe clinicobiologique est dévolue à cette mission. Il ne s’agira pas d’une PMA « artisanale », telle celles qui se pratiquent actuellement faute de cadre juridique. Elle sera encadrée par des médecins, décidée et réalisée par une équipe composée de plusieurs d’entre eux et de personnels paramédicaux, qui évaluera la situation. Faites confiance à ces équipes, elles n’entameront pas de PMA dans des conditions impossibles !

M. Guillaume Chiche. Madame Ménard, vos propos me laissent perplexe. Les droits, en l’espèce celui de l’accès à une pratique médicale, ne sont pas ouverts dans notre pays en fonction du portefeuille, de la condition sociale ou de la qualité de l’entourage : le principe d’égalité républicaine nous oblige à donner le même droit à toutes les femmes, indépendamment de leur situation matrimoniale, sociale ou de leur orientation sexuelle.

Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. Soyons vigilants lors de nos débats sur la PMA : certains parlent du droit des femmes, mais il ne s’agit pas de cela.

La commission rejette les amendements n° 298, 381 et 589.

Elle en vient aux amendements 83 et n° 84 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. L’amendement n° 83 prévoit qu’aucun embryon surnuméraire ne peut être créé et l’amendement de repli n° 84 en autorise deux au maximum.

Les embryons humains ne sont pas des matériaux biologiques comme les autres, ce sont des enfants à naître. À ce titre, il convient de les traiter avec le plus grand des respects et d’éviter une congélation inutile et parfois lourde de conséquences, même pour les couples qui devront prendre des décisions à leur égard. Je souhaite que l’on remette les choses dans leur contexte : il ne s’agit ici ni du droit de la mère, ni du droit du père, ni du droit des parents quels qu’ils soient, père ou mère, mais du droit des enfants – des enfants à naître.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. L’embryon n’est ni un enfant ni un enfant à naître, mais une potentialité d’être humain, ce qui n’est pas la même chose. Ne revenons pas sur ce qui a été défini par le Comité national d’éthique.

L’interdiction de la création surnuméraire d’embryons aurait pour résultat soit l’arrêt des fécondations in vitro, soit la maltraitance des femmes en les obligeant à subir une demi-douzaine de ponctions ovocytaires. Défavorable.

M. Xavier Breton. Monsieur le rapporteur, vous mélangez volontairement ponction ovocytaire et fabrication d’embryons. Avec la technique de la vitrification des ovocytes, une seule ponction ovocytaire permet de fabriquer plusieurs embryons. Votre argument ne tient pas. C’est pourquoi on peut se retrouver tout à fait dans l’amendement de Mme Ménard.

La commission rejette successivement les amendements n° 83 et 84.

La commission examine lamendement n° 969 de M. Bastien Lachaud.

Mme Danièle Obono. Actuellement les stimulations hormonales sont fréquentes dans les protocoles de PMA, y compris lorsque l’infertilité n’est pas ovarienne, ce qui est généralement le cas dans les couples de femmes, puisqu’on est face à une infertilité du couple, non des femmes du couple.

Notre amendement vise à donner aux femmes ayant recours à une insémination artificielle, que ce soit avec le sperme du conjoint ou d’un donneur, l’assurance de pouvoir choisir le degré de médicalisation du processus dans lequel elles s’engagent.

Les protocoles d’insémination impliquent le plus souvent un traitement hormonal pour la femme, préalablement à l’insémination proprement dite, dans le but de stimuler les ovaires pour obtenir plus d’ovocytes et de maximiser les chances pour le couple de concevoir un enfant.

On peut se poser la question de l’utilité d’une stimulation ovarienne pour une personne qui ovule de façon non pathologique, voire au-dessus de la moyenne. En effet, l’infertilité peut être liée exclusivement à l’homme sans pour autant que ce protocole soit révisé. Elle peut également toucher la femme sans que cela ne concerne son ovulation. C’est d’autant plus le cas pour les couples de lesbiennes.

Or les traitements hormonaux ne sont pas anodins, leur administration quotidienne par voie intramusculaire est douloureuse et les effets secondaires sont nombreux et redoutés par les patientes. Nous proposons donc, en raison du principe de consentement libre et éclairé de la patiente, que les femmes aient la possibilité de ne pas consentir à cette étape du protocole quand elle n’est pas dictée par une nécessité médicale, et ce sans que cela ne perturbe ou n’entrave leur prise en charge par le corps médical.

Cet amendement est issu d’une proposition du Planning familial.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Il est clair que la stimulation hormonale, comme tout acte médical, ne doit pas être faite lorsque ce n’est pas nécessaire. Mais ce n’est pas au législateur de définir les indications et de faire les prescriptions. Si nous avons le devoir peut-être de contribuer à la rédaction des bonnes pratiques cliniques, ensuite cela doit être transmis par la voie professionnelle et contrôlé par les organismes habilités à le faire pour s’assurer qu’il n’y a pas d’abus ou d’insuffisances de telle ou telle pratique. Demande de retrait. À défaut, avis défavorable.

Mme Danièle Obono. Je pense que votre argumentation ne tient pas, car ces pratiques ont bel et bien lieu, et c’est précisément la raison pour laquelle l’amendement a été proposé. Il ne s’agit pas de dire au corps médical et aux équipes ce qu’il faut faire, mais de savoir jusqu’où on pousse ces pratiques, surtout lorsqu’elles ne sont pas nécessaires.

La commission rejette lamendement n° 969.

Puis elle est saisie des amendements identiques n° 85 de Mme Emmanuelle Ménard, n° 176 de M. Thibault Bazin, n° 290 de M. Xavier Breton et n° 598 de Mme Agnès Thill.

Mme Emmanuelle Ménard. La recherche scientifique sur les embryons pose un certain nombre de problèmes éthiques. C’est d’ailleurs ce qu’avait su clarifier la loi du 29 juillet 1994, qui a posé à l’article L. 2151‑5 du code de la santé publique le principe d’interdiction de toute recherche sur l’embryon en ces termes : « La conception in vitro d’embryons humains à des fins d’étude, de recherche ou d’expérimentation est interdite. Toute expérimentation sur l’embryon est interdite. » L’objectif était alors de rendre conforme notre droit au principe du respect de l’être humain dès le commencement de sa vie, principe toujours consacré à l’article 16 du code civil.

Par ailleurs, aucun élément scientifique ne permet actuellement d’affirmer que la recherche sur les cellules-souches embryonnaires est utile dans le traitement des maladies graves. En revanche, les cellules-souches adultes ont conduit à des résultats tangibles qui sont transférables au travail clinique.

Par souci de prudence, il convient donc de supprimer ce dispositif afin de ne pas encourager la recherche sur les embryons et les cellules embryonnaires, surtout quand on sait que la recherche offre d’autres possibilités, notamment via les cellules dites IPS (Induced pluripotent stem cells – cellules-souches pluripotentes induites). Je sais, monsieur le rapporteur, que vous ne serez pas d’accord, mais je tiens à le réaffirmer. Il convient en revanche d’encourager les recherches alternatives sur les cellules-souches humaines non embryonnaires, par exemple sur le cordon ombilical ou les cellules IPS.

M. Thibault Bazin. Mon amendement n° 176 est défendu.

M. Xavier Breton. Même chose pour le n° 290.

Mme Agnès Thill. Le n° 598 également.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je ne reviens pas sur la très grande différence entre les cellules-souches pluripotentes induites et les cellules-souches embryonnaires, les unes et les autres ayant des propriétés très intéressantes mais étant très différentes et non substituables l’une à l’autre.

Je rappelle que ce n’est pas la recherche qui provoque la destruction des embryons, mais que c’est parce que certains embryons sont destinés à la destruction qu’on autorise à les utiliser à des fins de recherche. Si nous voulons améliorer le taux de succès des fécondations in vitro, il n’y a pas d’autres moyens que d’améliorer notre connaissance du développement initial de ces embryons dont la majorité, dans les conditions naturelles, y compris chez la femme in vivo, sont destinés à ne pas prospérer. Il est fondamental de comprendre quels sont les obstacles au développement initial de ces embryons.

En France, la recherche est autorisée et réalisée sur le nouveau-né et sur le fœtus humain. Il n’y a donc rien de choquant à ce qu’elle soit autorisée sur l’embryon dans les mêmes conditions, encadrées, très rigoureusement limitées et avec un contrôle parfait de l’Agence de la biomédecine. Je vous engage, au contraire, à développer davantage d’incitations à la recherche sur l’embryon pour permettre d’avoir moins de créations d’embryons surnuméraires à l’avenir.

La commission rejette les amendements n° 85, 176, 290 et 598.

Elle examine, en discussion commune, les amendements n° 86 de Mme Emmanuelle Ménard, n° 600, n° 601 et n° 602 de Mme Agnès Thill.

Mme Emmanuelle Ménard. Mon amendement n° 86 propose une nouvelle rédaction de l’alinéa 18 en rappelant que toute expérimentation sur l’embryon est interdite et qu’à titre exceptionnel, l’homme et la femme formant le couple peuvent accepter que soient menées des études sur leurs embryons. Mais la décision doit être exprimée par écrit et ces études doivent avoir une finalité médicale sans porter atteinte à l’embryon.

Mme Agnès Thill. Mon amendement n° 600 vise à interdire la recherche sur des embryons issus de PMA non thérapeutiques. Dans ce projet de loi, nombreuses sont les interrogations sans réponse et nombreux les dangers ouverts, notamment sur la recherche sur les embryons, la bioéthique et la reproduction humaine. La vie humaine étant un sujet bien trop sérieux, la représentation nationale ne peut pas et n’a pas le droit de laisser des situations moralement inacceptables se créer. La recherche sur les embryons en fait partie. En l’occurrence, les embryons non susceptibles d’être transférés ou conservés ne peuvent pas faire l’objet de recherches. Je vous propose donc d’inscrire dans la loi que les embryons humains ne doivent pas être étudiés ou faire l’objet d’expériences en laboratoire. Sinon, tout sera possible et toutes les folies seront autorisées.

L’amendement n° 601 vise également à interdire purement et simplement la recherche sur des embryons non transférés ou conservés. La représentation nationale ne peut pas tolérer que les expériences en laboratoire soient réalisées sur des embryons humains. Il convient d’avoir à l’esprit ce que font d’autres pays comme l’Allemagne. Quand on passe les bornes, il y a plus de limites… La porte ouverte par ce projet de loi est dangereuse et nous ne pouvons pas nous taire et laisser agir sans rien faire.

L’amendement n° 602 a le même objet.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Pour les raisons déjà développées, avis défavorable.

M. Patrick Hetzel. Monsieur Touraine, vous nous avez dit que l’embryon n’est ni un enfant, ni un enfant à naître, mais une potentialité d’être humain, ajoutant que c’est ainsi que l’a défini le Comité consultatif national d’éthique. Or ce n’est pas ce qu’il a dit. Il indique en effet que « L’embryon ou le fœtus doit être reconnu comme une personne humaine potentielle qui est ou a été vivante et dont le respect s’impose à tous. » Il est important pour nos débats de ne pas s’enfermer dans une vision unilatérale. En tant que professeur de médecine, vous avez évidemment une connaissance ; en tant que parlementaires, nous sommes amenés à vérifier les choses. En l’occurrence, la définition que vous avez donnée n’est pas la même que celle que l’on retrouve dans les textes.

La commission rejette successivement les amendements n° 86, 600, 601 et 602.

Elle en vient à lamendement n° 599 de Mme Agnès Thill.

Mme Agnès Thill. Il s’agit d’interdire la recherche sur les embryons issus de PMA non thérapeutiques.

Rien dans ce projet de loi n’interdit la recherche sur les embryons et la PMA, à l’origine, est censée aider les couples infertiles ou ayant des difficultés à concevoir un enfant. La PMA est là pour soigner l’infertilité : c’est son essence même.

Dès lors, la recherche sur ces embryons destinés à une fécondation in vitro est autorisée ; c’est seulement dans ce cadre précis que la recherche doit être effectuée. Des embryons humains ne peuvent pas et ne doivent pas faire l’objet d’une recherche en laboratoire. Les expériences sur les embryons humains sont interdites et doivent le rester, sauf si l’on entend laisser la porte ouverte à toutes les folies de nos savants et à jouer un film de science-fiction.

Suivant lavis défavorable du rapporteur, la commission rejette lamendement n° 599.

Elle passe à lamendement n° 90 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Dans la rédaction actuelle de l’alinéa 19, l’embryon est considéré comme un simple amas de cellules que l’on peut congeler et stocker, en niant le fait qu’il s’agit d’un enfant en devenir, en puissance, à naître. D’ailleurs cette logique se confirme puisqu’il est question de la « qualité » de l’embryon. Cela laisse évidemment penser, une nouvelle fois, qu’il s’agit d’une chose, d’un produit ordinaire que l’on pourrait jeter ou échanger comme l’on jette ou échange une machine défectueuse. Tel n’est évidemment pas le cas puisqu’un embryon humain permettra à des parents d’accueillir neuf mois plus tard un bébé dans leur famille. C’est parce que l’embryon humain n’est pas une chose qu’il a été protégé dans sa dignité intrinsèque, qu’il ne peut être ni acheté ni vendu. L’expression « qualité de l’embryon » est par ailleurs problématique car elle est trop floue juridiquement. Cette conception de l’embryon implique des risques évidents de dérives eugénistes, contraires à l’esprit même d’une science éthique.

J’invite tous les parlementaires de cette salle à regarder la vidéo d’une jeune maman de vingt-six ans, Alice, qui a accouché il y a quatre mois d’un petit garçon trisomique, Isaac. C’est un témoignage absolument bouleversant qui nous fait prendre un peu de distance par rapport à cette discussion, notamment sur l’embryon et l’enfant à naître.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Personne ici n’imagine réifier les embryons et tout le monde a du respect pour cet être humain potentiel en devenir qu’il peut représenter. Cependant, si un embryon n’est pas une chose, ce n’est pas non plus un enfant. Si c’était un enfant, l’interruption volontaire de grossesse (IVG) serait bien évidemment interdite. Le fait qu’elle soit autorisée montre que notre société ne considère l’embryon ni comme une chose ni comme un enfant déjà né. Il faut admettre cela. Pendant qu’on produit ces embryons et qu’on les congèle, il peut survenir des problèmes techniques. Dans ces cas-là, il sera impossible de réimplanter et de développer ces embryons.

Nous inscrivons dans la loi ce qui est pratiqué depuis six ans et qui n’a jamais posé de problème. Il n’y a en aucun cas un manque de respect pour l’embryon humain. La description que vous en avez faite tout à l’heure n’a pas lieu d’être.

La commission rejette lamendement n° 90.

Elle examine ensuite lamendement n° 177 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Ce qui interpelle à l’alinéa 19, c’est la notion de « qualité » dont on nous a dit, en première lecture, que c’était le terme générique. Or cela veut à la fois tout dire et ne rien dire, et fait craindre une dérive eugénique. Afin de rassurer tout le monde, et sans supprimer cette mention, je vous propose de substituer aux mots : « un problème de qualité affecte ces embryons », les mots : « ces embryons sont endommagés ». Cela permettrait de limiter la non-utilisation des embryons conservés pour une nouvelle tentative de fécondation in vitro aux cas où les embryons seraient endommagés. Évidemment, s’ils sont endommagés, on ne va pas les utiliser. Je crois que cette rédaction correspondrait davantage à l’esprit qui est le nôtre.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Malheureusement, le terme « endommagés » ne couvre pas tous les cas de défaillance. Prenons l’exemple très courant d’une famille où il y a une maladie génétique, et où le diagnostic préimplantatoire montre qu’un quart des embryons a cette anomalie génétique, qui va aboutir à une maladie mortelle dans l’enfance : ces embryons ne seront pas implantés. On ne dit pas qu’ils sont endommagés, mais qu’ils n’ont pas la qualité qui leur permettra de développer un enfant viable. Il faut en rester à ce qualificatif qui peut-être ne vous paraît pas très joli, mais qui correspond à la diversité des cas d’anomalies embryonnaires.

La commission rejette lamendement n° 177.

Puis elle examine les amendements identiques n° 291 de M. Xavier Breton et n° 374 de M. Patrick Hetzel.

M. Xavier Breton. Le débat sur l’embryon, chose ou personne, pourrait nous occuper toute la nuit et au-delà. Cela dit, on peut se retrouver sur le fait qu’il doit être considéré comme une personne humaine ou comme une vie à naître et qu’en ce sens il doit être protégé. Or la notion de qualité montre bien que l’embryon est considéré comme une chose, un matériau, un produit. Je dirai de ma voiture, mais pas d’une personne, qu’elle a un problème de qualité. On pourrait au moins être d’accord sur le fait que la notion de qualité appliquée à l’embryon pose un problème et qu’il convient de trouver la meilleure rédaction possible. C’est pourquoi mon amendement n° 291 propose la notion de « qualité cellulaire » afin de ne pas l’assimiler à une voiture ou un réfrigérateur.

M. Patrick Hetzel. Effectivement, il faut qualifier la qualité. C’est pourquoi je propose moi aussi, par mon amendement n° 374, d’ajouter le mot « cellulaire ». Les professionnels que nous avons interrogés nous ont parlé de critères morphologiques liés aux cellules, c’est-à-dire précisément le nombre de cellules, la symétrie cellulaire, la vitesse de division, etc. Si l’on ne parle pas de qualité cellulaire, on risque d’aller vers de l’eugénisme, ce que personne ici ne souhaite.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Le mot « qualité » n’est en rien injurieux : je connais dans cette salle des parlementaires de très grande qualité… Parler de « qualité cellulaire » est en revanche très réducteur. Dans de nombreux cas, cette qualité est appréciée en biologie moléculaire et non en biologie cellulaire. On ne peut pas réduire les anomalies rencontrées à des problèmes de défaut de qualité cellulaire. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements n° 291 et 374.

Puis elle passe à lamendement n° 587 de Mme Agnès Thill.

Mme Agnès Thill. Il s’agit de supprimer l’alinéa 21 afin d’interdire que les embryons conservés soient accueillis par un autre couple ou une autre femme non mariée dans les conditions prévues à l’article L. 2141-6 du code de la santé publique, y compris s’agissant des deux membres d’un couple, en cas de décès de l’un d’eux.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Vous préférez maintenant détruire des embryons plutôt que de leur donner une chance de se développer… Avis défavorable.

La commission rejette lamendement n° 587.

Puis elle est saisie des amendements n° 93 et n° 80 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. À la fin du mois de décembre 2016, il y avait en France plus de 223 000 embryons humains congelés. Et il s’agit bien d’enfants à naître, même si cette expression ne vous convient pas, qui attendent d’être accueillis au sein d’une famille. (Exclamations sur certains bancs.) M. le rapporteur a expliqué tout à l’heure que chacun avait le droit d’avoir une ligne rouge et de la placer là où il le souhaite !

M. Thibault Bazin. Il est malin, notre rapporteur !

Mme Emmanuelle Ménard. Je lui retourne le compliment : sa ligne rouge, c’est la non-discrimination ; la nôtre, c’est la dignité. Pour moi, un embryon n’est pas un amas de cellules quelconque, il a le droit à sa dignité, c’est une possibilité d’enfant à naître. Il a donc droit à notre respect. Je comprends que qualifier l’embryon d’enfant à naître puisse poser problème à beaucoup, car au vu du sort auquel sont promis la plupart, il est plus facile de les considérer comme quelque chose de tout à fait impersonnel, davantage comme un objet qu’un sujet.

Vous m’avez dit tout à l’heure, monsieur le rapporteur, que si l’embryon était un enfant, l’IVG serait interdite. Ce n’est pas tout à fait vrai, parce que, dans le code de la santé publique, le livre II sur l’interruption volontaire de grossesse commence bien par l’article L. 2111-1 qui précise : « Comme il est dit à l’article 16 du code civil ci-après reproduit : “La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie.” » Ensuite, chacun met sa ligne rouge où il veut. Je pense que l’embryon a le droit à toute notre considération et toute la dignité qui doit lui être réservée.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Vos amendements conduiraient à une limitation du transfert d’embryons aux couples de sexe différent, ce qui va à l’encontre du projet de loi. Avis défavorable, par cohérence.

La commission rejette successivement les amendements n° 93 et 80.

Elle en vient à lamendement n° 375 de M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Je propose de substituer aux mots : « ou une autre femme non mariée », les mots : «, à l’exception de leur propre fratrie, ». S’agissant des possibilités de transfert, il faut introduire une limite tenant à la famille, faute de quoi nous allons nous retrouver face à certaines difficultés. Ce point n’a pas été suffisamment abordé.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Défavorable, car cela aboutit à supprimer la possibilité pour une femme non mariée de recevoir des embryons.

La commission rejette lamendement n° 375.

Elle aborde ensuite lamendement n° 178 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Le devenir des embryons humains est une décision grave qui doit être pensée par les couples lors d’une démarche en vue d’une AMP. Cette décision ne concerne pas que le « membre survivant », pour prendre l’expression du rapporteur. Je vous propose donc d’inciter les couples à réfléchir à sa volonté en cas de décès d’un des membres en complétant l’alinéa 21 par la phrase suivante : « Lors d’une démarche en vue d’une assistance médicale à la procréation, ils sont incités à faire part de leurs volontés communes quant au devenir de l’embryon. » Nous parlons bien du devenir de l’embryon et non des gamètes.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. La rédaction que vous aviez proposée en première lecture est désormais satisfaite puisque les deux membres d’un couple précisent par écrit s’ils souhaitent le transfert des embryons, éventuellement en cas de décès de l’un d’entre eux. Les membres du couple sont l’un et l’autre informés. Vous pouvez donc retirer votre amendement sans que cela nuise à la satisfaction de l’idée que vous défendez.

M. Thibault Bazin. L’alinéa 21 mentionne que les deux membres du couple ou la femme non mariée peuvent consentir par écrit à ce que les embryons conservés soient accueillis par un autre couple ou une autre femme non mariée, tandis que je propose qu’ils y soient incités. Vous me direz que je joue avec les mots, mais ce n’est pas la même démarche. Ce n’est pas la même chose qui d’avoir une possibilité théorique ou d’y être incité. Si les couples y sont incités, cela veut dire que les équipes qui les accueillent en vue d’une PMA leur en parlent ; sinon cela reste une possibilité théorique.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Les équipes qui réalisent les AMP ont une obligation d’information. À l’issue de celle-ci, les personnes décident de la destinée de l’embryon. Vous pouvez donc considérer que votre amendement est satisfait.

M. Thibault Bazin. La nuit porte conseil : je le retire.

Lamendement n° 178 est retiré.

La commission examine lamendement n° 377 de M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Il s’agit de compléter l’alinéa 21 par les mots : « Ils sont incités à laisser des directives anticipées sur le devenir de l’embryon humain. » On ne peut pas considérer que cette décision ne concernerait que le membre survivant. Le devenir des embryons humains est une décision grave qui doit être pensée par les couples lors d’une démarche en vue d’une AMP. Il est donc proposé d’inciter le couple à réfléchir à sa volonté, en cas de décès de l’un de ses membres, avant même que l’embryon ne soit réalisé. C’est donc un amendement de précision et de clarification, et par voie de conséquence de sécurisation juridique.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Le terme de « directives anticipées » risque d’induire malheureusement beaucoup moins de précision sur le devenir de l’embryon humain : les directives anticipées ne recueillent guère d’adhésion parmi la population. Très peu de personnes les remplissent pour elles-mêmes, et je crains qu’elles ne le fassent encore moins pour leurs embryons. Cette solution serait plus dissuasive qu’incitative.

Je vous suggère de retirer votre amendement, sachant que les équipes qui s’occupent de ces femmes ou de ces couples ont le devoir de les informer. Chacun peut donc très clairement indiquer la destinée qu’il veut accorder à ses embryons.

La commission rejette lamendement n° 377.

Puis elle est saisie des amendements n° 81 et n° 94 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Ce sont des amendements de cohérence avec les modifications que je suggérais pour les alinéas 16 et 17 de l’article 1er.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Par cohérence, avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements n° 81 et 94.

Puis elle adopte lamendement de coordination n° 1449 du rapporteur.

La commission étudie lamendement n° 82 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il s’agit d’un amendement de cohérence vis-à-vis des modifications que je suggérais aux alinéas 16 et 17 de l’article 1er.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Par cohérence, avis défavorable.

La commission rejette lamendement n° 82.

Puis elle en vient aux amendements n° 604 et n° 603 de Mme Agnès Thill.

Mme Agnès Thill. L’amendement n° 604 vise à maintenir le pouvoir du juge en matière de consentement à la PMA. En effet, le consentement ne justifie pas l’acte en droit français : il peut y avoir des pressions, des abus.

L’amendement n° 603 vise, à la première phrase de l’alinéa 24, à substituer aux mots : « ou la femme non mariée doivent préalablement donner leur consentement devant notaire », les mots : « doivent préalablement donner leur consentement devant un juge ».

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. La mesure que vous proposez exclut évidemment les femmes seules et se limite aux couples homme-femme. On ne peut donc pas retenir vos amendements.

La commission rejette successivement les amendements n° 604 et 603.

Elle examine ensuite lamendement n° 31 de Mme Annie Genevard.

M. Thibault Bazin. Avant la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018‑2022 et de réforme pour la justice, l’accueil d’embryons supposait une autorisation du couple par le président du tribunal de grande instance. Cette exigence, posée depuis les lois de 1994, permettait de faire de l’accueil d’embryons une sorte d’adoption prénatale. Cet amendement de Mme Genevard et de nombreux collègues vise donc à réinstaurer cette règle importante.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. La loi de 2019 spécifie que l’autorisation se fait désormais devant notaire.

La commission rejette lamendement n° 31.

Puis elle se saisit, en discussion commune, de lamendement n° 628 de Mme Agnès Thill et des amendements identiques n° 96 de Mme Emmanuelle Ménard et n° 179 de M. Thibault Bazin.

Mme Agnès Thill. Le droit de la procréation médicalement assistée, qui était auparavant entre les mains des juges et de l’officier d’état civil, est désormais exclusivement entre celles des notaires. Ce sont eux qui recueilleront le consentement au recours aux tiers donneurs, dans le cas d’un couple de femmes mariées ou non. C’est un pas de plus vers la déjudiciarisation de tous les actes importants qui touchent au droit de la famille, amorcée il y a bien longtemps. Mon amendement n° 628 propose que la reconnaissance conjointe anticipée soit du ressort du juge.

Mme Emmanuelle Ménard. Mon amendement n° 96 va dans le même sens. Il est regrettable que le Gouvernement évince ici le juge même si l’on comprend bien qu’il obéit à une certaine logique de désengorgement des tribunaux. Cette mesure est contraire à l’intérêt de l’enfant puisque le juge peut ordonner une enquête, apprécier la qualité d’un témoignage, ce qui n’entre pas dans les attributions d’un notaire. Il serait donc le plus à même pour apprécier le consentement des deux membres du couple.

Je regrette à ce propos qu’un de mes amendements, relatif à la clause de conscience des notaires, ait été déclaré irrecevable.

M. Thibault Bazin. Mon amendement n° 179 a le même objet. L’intervention possible du juge, sur le plan symbolique, a le mérite de maintenir l’embryon dans le registre de l’humain et non du simple don. Car on ne donne que des choses. Cette modification, si elle a permis d’alléger le travail des magistrats, n’en est pas moins regrettable : l’intervention d’une personne neutre, sans rapport avec son client comme l’est un notaire, est fondamentale dès lors que le point d’équilibre qui nous rassemble est l’intérêt de l’enfant.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je répète que la procédure de recueil du consentement devant le notaire résulte de l’application de la loi du 23 mars 2019. Avis défavorable.

La commission rejette successivement lamendement n° 628, puis les amendements identiques n° 96 et 179.

Elle examine les amendements identiques 295 de M. Xavier Breton et n° 378 de M. Patrick Hetzel.

M. Xavier Breton. L’amendement n° 295 est défendu.

M. Patrick Hetzel. Le recueil du consentement doit être possible devant le juge aux affaires familiales de la commune de résidence et pas seulement devant le notaire. S’il est légitime que ce dernier perçoive des honoraires, c’est dans le second cas la logique de service public qui prévaut. En rester à la seule première possibilité, c’est ne retenir que celle de la « chosification » et de la marchandisation, que vous condamnez par ailleurs. Soyez donc cohérents !

Je ne comprends pas que vous vous situiez dans la seule logique budgétaire. Le rapporteur spécial du budget de la mission « Justice » que je suis peut vous confirmer que la part que représentent ces activités est marginale. Vous jouez avec le feu !

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Une réforme de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice n’a rien à voir avec une loi relative à la bioéthique. Vous l’avez votée, elle s’applique.

M. Patrick Hetzel. Justement non, nous ne l’avons pas votée !

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Libre à vous de la réformer ultérieurement… Avis défavorable.

La commission rejette les amendements n° 295 et 378.

Elle examine lamendement n° 588 de Mme Agnès Thill.

Mme Agnès Thill. Il s’agit de compléter l’alinéa 25 par la phrase suivante : « Dans le cas d’un couple de femmes, le don d’ovocyte de la compagne est interdit. »

L’article 16-8 du code civil dispose que le don des éléments du corps doit être anonyme : « Aucune information permettant d’identifier à la fois celui qui a fait don d’un élément ou d’un produit de son corps et celui qui l’a reçu ne peut être divulguée. Le donneur ne peut connaître l’identité du receveur ni le receveur celle du donneur. En cas de nécessité thérapeutique, seuls les médecins du donneur et du receveur peuvent avoir accès aux informations permettant l’identification de ceux-ci. »

La pratique qui consisterait, pour une femme, à accueillir un ovocyte de sa compagne reviendrait donc à contourner cette interdiction.

Il est important de savoir ce que signifie un double don d’ovocytes dans les couples de femmes : un homme donne son spermatozoïde, une femme donne un ovule et la deuxième femme porte l’embryon qui en résulte. Cela doit rester prohibé par la loi.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Avis défavorable, car cela serait contradictoire avec ce que nous avons adopté : le don d’ovocytes pour un couple de femmes.

La commission rejette lamendement n° 588.

Elle examine lamendement n° 70 de Mme Annie Genevard.

M. Thibault Bazin. Annie Genevard, qui préside en ce moment la séance publique, tient particulièrement à ce que son amendement soit défendu.

Il s’agit de substituer au mot « médicale » le mot « thérapeutique », beaucoup plus précis : il implique le soin, la prévention ou le traitement, alors que « médical » ne fait référence qu’à l’activité d’un médecin. Si un médecin doit pouvoir accéder à certaines informations, il faut en circonscrire les modalités, mieux que ne le fait le projet de loi.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Le mot juste est bien « médicale » et non « thérapeutique », qui s’applique à un traitement. En l’occurrence, l’AMP ne guérit pas l’infertilité ; c’est un acte médical, à la différence par exemple d’une opération sur l’utérus ou les trompes d’une femme stérile, qui est bel et bien un acte thérapeutique. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement n° 70.

Elle examine les amendements identiques n° 297 de M. Xavier Breton et n° 380 de M. Patrick Hetzel.

M. Xavier Breton. L’alinéa 28 dispose : « L’accueil de l’embryon est subordonné à des règles de sécurité sanitaire. Ces règles comprennent notamment des tests de dépistage des maladies infectieuses. » Mon amendement n° 297 vise à préciser qu’ils sont effectués sur « la femme qui accueille ».

M. Patrick Hetzel. L’amendement n° 380 a le même objet. Pour éviter toute ambiguïté, il convient en effet de préciser qu’ils s’appliquent à la parturiente et non à l’embryon.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Cet alinéa subordonne l’accueil de l’embryon à des règles de sécurité sanitaire, mais les tests de dépistage des maladies infectieuses concernent bien évidemment les couples. Avis défavorable.

M. Xavier Breton. Ce n’est pas explicite.

La commission rejette les amendements n° 297 et 380.

Elle examine lamendement n° 1040 de Mme Anne-France Brunet.

Mme Anne-France Brunet. Cet amendement permet aux établissements publics et privés à but non lucratif ou lucratif de conserver des embryons au nom du principe d’égalité. Actuellement, des établissements privés réalisent ce type de conservation : plus de 60 % des fécondations in vitro ont lieu dans des centres privés à but lucratif. Les compétences en matière de recueil ou de transfert sont identiques, que l’on soit dans le privé ou dans le public, de même que les procédures d’autorisation et de contrôle par l’ARS, ainsi que la tarification.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Si nous nous limitions aux centres publics, la carence serait significative. Par l’amendement n° 1450, je vous proposerai plus loin qu’une telle extension soit possible à tous les centres privés en tenant compte des disparités territoriales, autrement dit en fonction des circonstances, en particulièrement dans les zones où les établissements publics ne sont pas assez nombreux.

Je vous prie de bien vouloir retirer votre amendement.

M. Patrick Hetzel. En l’état, seuls les établissements publics et privés à but non lucratif peuvent pratiquer ces activités. Cet amendement est très intéressant en ce qu’il les ouvrirait aux établissements à but lucratifs. Ce qui supposerait que vous assumiez une véritable marchandisation car, que vous le vouliez ou non, les établissements privés à but lucratif poursuivent des objectifs financiers, alors que les établissements à but non lucratif assurent des missions de service public. Si vous adoptez de tels amendements, vous ne pourrez pas indéfiniment nier toute volonté de marchandisation et protester d’une logique de gratuité et d’anonymat !

M. Thibault Bazin. La ministre Buzyn nous avait expliqué il y a quelques mois en commission que, compte tenu de la pénurie à court terme et des tensions suscitées par l’extension de l’accès à l’AMP, et de la programmation de la levée de l’anonymat, l’un des garde-fous pour éviter les dérives marchandes consisterait à confier la conservation des embryons à des centres publics ou privés à but non lucratif – ce qui s’apparente à de la gestion de la pénurie.

L’extension à des centres privés à but lucratif risque de privilégier les objectifs financiers et d’entraîner de grandes dérives. Regardez ce qui se passe dans d’autres pays, où les tarifs passent l’entendement ! Il me paraît essentiel de maintenir ce garde-fou, comme nous l’avions fait en première lecture en le rétablissant en séance publique après de longs débats.

Mme Emmanuelle Ménard. Les enjeux financiers sont en effet colossaux et grande est la tentation d’ouvrir le marché, si j’ose dire, à des centres privés à but lucratif, ce qui reviendrait à ouvrir grand la porte à la marchandisation des gamètes et des corps que tout le monde dénonce ici et, donc, au risque évident d’apparition de véritables catalogues d’enfants et d’eugénisme.

M. Xavier Breton. Face à une situation de pénurie, la fin justifie une fois de plus les moyens, n’importe quels moyens… Nous savons que les établissements privés à but lucratif s’inscrivent dans une logique de rentabilité et de productivité et qu’ils se dirigeront vers ce business de la procréation. En première lecture, nous avions appelé la majorité à faire preuve d’un peu plus de sagesse. Souhaitons qu’elle en sera convaincue aussi ce soir, même en l’absence de ministres !

Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. Les centres d’études et de conservation des œufs et du sperme humains nous ont alertés sur le risque d’une telle ouverture au secteur privé à but lucratif. Les CECOS sont en nombre suffisant, il n’y a pas de problème de maillage territorial ; cette mission de service public doit rester confiée au service public.

M. Guillaume Chiche. La navette parlementaire favorise les cheminements intellectuels. Je ne suis pas exagérément méfiant à l’endroit des acteurs économiques privés à but lucratif et je note que c’est habituellement aussi le cas de l’opposition de droite. Mais la singularité du sujet vous amène à changer de position…

L’enjeu du maillage territorial est bien réel et il convient d’assurer de la manière la plus simple et la plus efficace la conservation des gamètes. Je rappelle également que 60 % des fécondations in vitro en France sont réalisées dans des centres privés à but lucratif et je ne crois pas que cela ait pour autant exacerbé une quelconque commercialisation ou marchandisation. Il s’agit simplement de s’appuyer sur l’ensemble des outils existants afin de répondre à une nécessité.

M. Philippe Vigier. Je suis favorable à ce que les structures d’accueil soient les plus nombreuses possible. C’est mal connaître le maillage de notre territoire que de prétendre que les familles désireuses de s’engager dans cette démarche y aient partout un accès aisé : dans ma région par exemple, le premier centre est à 120 kilomètres.

Par ailleurs, les chefs de service d’hôpitaux publics qui pratiquent la PMA nous demandent de faire en sorte que les établissements privés à but non lucratif ou lucratif puissent le faire.

Enfin, je ne pense pas que les établissements privés à but lucratif soient en la matière motivés par un enrichissement. Depuis combien de temps l’assurance maladie couvre-t-elle des femmes qui ont effectué une PMA à l’étranger ? C’est là qu’est le problème, et cela fait des années que cela dure. Faisons donc en sorte d’optimiser les possibilités pour les couples qui s’engagent dans cette démarche !

Mme Aurore Bergé. Cet amendement ne concerne pas les gamètes, mais les embryons. Il faut donc nous montrer encore plus précautionneux quant à leur conservation.

Nos règles éthiques, fondamentales, reposent sur la gratuité du don et la non-commercialisation du corps humain ; c’est la raison pour laquelle nous avons jusqu’à aujourd’hui exclu le secteur privé à but lucratif. L’adoption de cet amendement serait risquée : je ne vois pas pourquoi des établissements privés à but lucratif renonceraient à ce qui reste leur raison d’être, c’est-à-dire la recherche du profit. Je ne pense pas qu’il soit souhaitable de franchir cette ligne rouge, avec tous les risques de glissement qui pourraient en découler par la suite pour d’autres éléments du corps humain. Nous avions trouvé un équilibre en première lecture ; le fragiliser, à plus forte raison sur la question des embryons, serait franchie une ligne éthique fondamentale de cette commission spéciale.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je réitère mon souhait de retrait.

Avec mon amendement, les ARS auront le choix selon les zones concernées : j’appelle en particulier votre attention sur les territoires ultramarins, où les carences sont encore plus flagrantes que chez M. Vigier. Ce serait une injustice que de pénaliser ainsi les femmes qui y vivent.

Par ailleurs, but lucratif ou non lucratif, le problème n’est pas là : il s’agit de savoir si cette opération relève ou non d’une mission de service public, or, aujourd’hui, tous les centres privés ont une mission de service public. En l’occurrence, il suffira de préciser que l’établissement privé, dès lors qu’il y aura eu accord de l’ARS, sera investi d’une mission de service public dans le domaine de la procréation, ce qui signifie absence de dépassements d’honoraires et de quelque commercialisation que ce soit. Et vos craintes n’auront plus de raison d’être.

La commission rejette lamendement  1040.

Elle examine ensuite lamendement  971 de Mme Danièle Obono.

Mme Danièle Obono. Si les établissements privés à but non lucratif permettent aujourd’hui de combler les failles dans le maillage territorial des établissements publics, nous souhaitons que seuls ces derniers puissent collecter des gamètes et que l’État garantisse l’ouverture d’un plus grand nombre d’établissements publics. Le caractère sensible des données qu’ils peuvent contenir doit nous inciter à la prudence.

Suivant lavis défavorable du rapporteur, la commission rejette lamendement n° 971.

Elle examine lamendement n° 1039 de Mme Anne-France Brunet.

Mme Anne-France Brunet. Les chefs de service d’hôpitaux publics demandent eux-mêmes que les établissements privés à but lucratif puissent procéder à ces activités. Ils ne pratiquent pas de dépassements d’honoraires ; parfois même, leurs tarifs sont moins élevés que dans le service PMA de l’hôpital public. La pénurie oblige les femmes à attendre en moyenne plus de deux ans et finalement à se rendre à l’étranger, sans encadrement, où les risques sont importants en raison des doubles ou triples implantations, ce qui n’est pas acceptable. On se retrouve un peu dans le même cas qu’avec les IVG.

Toutefois, monsieur le rapporteur, je retire mon amendement, conformément à votre souhait, afin de le retravailler.

Lamendement n° 1039 est retiré.

La commission examine lamendement n° 972 de M. Bastien Lachaud.

Mme Danièle Obono. Après l’alinéa 29, nous proposons d’insérer les mots « collecter ou utiliser » après le mot « conserver » afin que ces deux étapes échappent à toute commercialisation ou spéculation et que les établissements privés ne puissent intervenir dans le processus de l’AMP et de l’autoconservation. Si le secteur public ne peut pas s’en occuper, cela signifie qu’on ne se donne pas les moyens de le renforcer, ce qui nous paraît très grave.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Même si nous le regrettons tous, de très vastes zones dans les territoires ultramarins ne comptent aucun hôpital public. Un tel amendement pénaliserait leurs habitants. Peut-être aurons-nous un jour, dans un monde idéal, des hôpitaux publics tous les cent mètres en métropole et outre-mer ; en attendant, le principe de réalité nous impose de répondre aux besoins de ces femmes.

J’ajoute que votre amendement est d’ores et déjà satisfait puisque seuls les établissements publics et privés à but non lucratif, en l’état actuel du texte, peuvent exercer ces activités. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement n° 972.

Elle examine, en discussion commune, les amendements n° 1450 du rapporteur et n° 826 de M. Hervé Saulignac.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. L’amendement n° 1450 vise à étendre, à titre dérogatoire, la conservation des embryons aux centres privés en cas de carence dans l’offre de soins constatée par le directeur général de l’ARS. Celui-ci doit pouvoir déterminer si des zones sont insuffisamment pourvues d’établissements publics et s’adresser si besoin est aux établissements privés sous sa juridiction pour leur confier une autorisation spécifique, qui fera l’objet de contrôles, dans le cadre d’une mission de service public temporaire. Ce qui exclut tout risque de commercialisation et de dérives.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Dans le même sens, l’amendement n° 826 institue un régime dérogatoire si aucun organisme ou établissement de santé public ou privé à but non lucratif habilité à assurer le service public hospitalier n’assure cette activité dans le département. Le directeur général de l’ARS peut alors autoriser, en dernier recours, un établissement de santé privé à but lucratif à la pratiquer.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Avis favorable à cet amendement qui a le même objectif que le mien.

M. Xavier Breton. Encore une fois, la fin justifie les moyens : la pénurie autorise le recours à toutes les solutions.

Par ailleurs, tel qu’ils sont rédigés, ces amendements se bornent à autoriser la conservation des embryons, sans aucune référence à une mission de service public ou à quelque garantie que ce soit en matière de tarification. C’est une ouverture pure et simple aux établissements privés à but lucratif, limitée pour l’instant aux zones en situation de carence, mais qui ne manquera pas de se développer par la suite.

M. Thibault Bazin. Vous faites du teasing, monsieur le rapporteur ! Vous nous avez annoncé un amendement ; je m’attendais à ce qu’il reprenne ce que vous nous aviez annoncé, mais ce n’est pas vraiment le cas. J’étais sensible à votre argumentation à propos des DOM-TOM mais il n’en est pas question. Rappelons à ce propos que, l’an dernier, dix-neuf demandes de transfert d’embryons seulement ont été enregistrées.

Par ailleurs, la notion de « carence » et la formule « dans l’intérêt de la population » me paraissent assez floues.

Je vous propose donc de retirer votre amendement et de le retravailler pour la séance publique, afin qu’il corresponde davantage à ce que vous nous avez décrit et que vos garde-fous soient effectifs. (Sourires.)

Mme Michèle de Vaucouleurs. Je suis un peu sur la même ligne que M. Bazin : cet amendement mériterait d’être retravaillé et davantage encadré en affirmant la mission de service public et l’encadrement de la tarification. Je le voterai alors volontiers en séance publique ! (Sourires)

Mme Danièle Obono. Cet amendement et les justifications avancées par le rapporteur sont en effet assez problématiques. En outre-mer, les infrastructures hospitalières sont systématiquement défaillantes ; et au lieu de leur donner les moyens de répondre à leurs missions, vous voulez les abandonner au secteur privé à but lucratif ou non, ce qui est inacceptable ! Il ne s’agit pas de rêver d’un monde idéal mais de mettre ici et maintenant des réponses sur la table et de donner au secteur de la santé les moyens qui s’imposent, comme le demandent les professionnels et comme le Ségur est censé le faire.

Les arguments de nos collègues sont justes : de dérogations en dérogations, le service public est de plus en plus fragilisé et le secteur lucratif privilégié.

M. Marc Delatte. Depuis 2004, seuls les établissements publics et privés à but non lucratif sont autorisés à pratiquer cette activité très spécialisée où l’offre de soins n’est pas en défaut. Rien ne justifie la remise en cause d’un tel équilibre.

L’offre de soins d’AMP en vue de dons est assurée par des établissements publics à La Réunion et, pour la zone Antilles-Guyane, le CECOS de Guadeloupe permet à la population d’accéder à l’AMP dans les conditions d’appariement et de caractéristiques physiques donneurs-receveurs prévues par les bonnes pratiques.

J’ajoute que l’absence de centres assurant la conservation des embryons en vue de leur accueil au sein d’un territoire n’implique pas le déplacement du couple receveur en outre-mer dans la mesure où des accords sont déjà prévus avec d’autres CECOS.

Mme Aurore Bergé. La beauté de ce texte fait que, pour la première fois, je suis d’accord avec Mme Obono… Ce n’est pas parce que les centres publics ne seraient pas suffisamment organisés pour permettre d’accompagner toutes les femmes ou les couples qui souhaiteraient recourir à l’AMP que le secteur privé devrait s’emparer de cette activité. Il est de notre responsabilité de faire en sorte que l’ensemble de nos structures publiques soient en mesure de l’assurer, avec un maillage territorial adapté. C’est à cela que l’État et le législateur doivent s’attacher, avant de chercher à confier cette responsabilité au secteur privé, avec tous les risques de dérives qui pourraient en résulter.

La commission rejette successivement les amendements n° 1450 et 826.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Nous avons examiné 255 amendements en huit heures vingt-cinq ; il en reste 1 054. Je vous laisse calculer combien de temps sera nécessaire pour achever l’examen du texte. Réponse demain matin à neuf heures !

Réunion du mercredi 1er juillet 2020 à 9 heures ([116])

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Mes chers collègues, nous poursuivons l’examen des amendements à l’article 1er du projet de loi relatif à la bioéthique.

Article 1er (suite)
Élargissement de lAMP aux couples de femmes et aux femmes non mariées

La commission examine les amendements identiques n° 1451 du rapporteur et n° 946 de M. Maxime Minot.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.

M. Maxime Minot. Cet amendement vise à supprimer l’article L. 2141-7 du code de la santé publique relatif aux conditions d’accès à l’assistance médicale à la procréation (AMP). Le fondement médical conditionnant l’accès au processus doit être abandonné afin de laisser place au désir de réaliser un projet parental.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Avis favorable.

M. Xavier Breton. Compte tenu de l’objet de ces amendements, peut-être conviendrait-il de retirer de l’appellation même « AMP » la référence à une pratique médicale.

Les exposés sommaires de ces amendements sont édifiants : « Le fondement médical conditionnant l’accès au processus doit être abandonné afin de laisser place au désir de réaliser un projet parental. » C’est bien là le cœur de la démarche : seul le désir des adultes compte ; à aucun moment l’intérêt de l’enfant n’est considéré. Vous consacrez, dans ce texte, la toute-puissance de la volonté des adultes ; nous entendons protéger le plus vulnérable, en l’occurrence l’enfant.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Au moins aurez-vous remarqué qu’il est question du désir de réaliser un projet parental, non du droit. Cela vous choque peut-être mais la procréation, qu’elle soit naturelle ou médicalement assistée, est souvent précédée par un désir d’enfant de la part des parents !

M. Thibault Bazin. Je cite l’article L. 2141-7 du code de la santé publique : « L’assistance médicale à la procréation avec tiers donneur peut être mise en œuvre lorsqu’il existe un risque de transmission d’une maladie d’une particulière gravité à l’enfant ou à un membre du couple, lorsque les techniques d’assistance médicale à la procréation au sein du couple ne peuvent aboutir ou lorsque le couple, dûment informé dans les conditions prévues à l’article L. 2141-10, renonce à une assistance médicale à la procréation au sein du couple. » Cela n’a rien à voir avec l’égalité d’accès aux techniques d’assistance médicale à la procréation ; il s’agit de garde-fous. Je ne comprends donc pas pourquoi vous souhaitez abroger cet article, qui encadre d’indications éthiques le recours à l’AMP.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Le maintien de cet article ne serait pas compatible avec les dispositions que nous avons adoptées. Je peux concevoir que, pour vous, cela représente un recul, mais ce n’est que la conséquence cohérente de tout ce que nous avons décidé hier.

La commission adopte les amendements n° 1451 et 946.

En conséquence, lamendement n° 65 de Mme Annie Genevard tombe.

La commission examine lamendement n° 180 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Avec les dispositions que vous nous proposez, il sera possible de faire appel à un don de gamètes en cas de problème de fertilité, mais quand il n’y en a pas, il faut privilégier le recours aux gamètes d’au moins l’un des membres d’un couple.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. J’aimerais offrir, de temps en temps, quelques satisfactions à M. Bazin, mais nous ne pouvons pas interdire le double don de gamète alors que nous venons de l’autoriser !

M. Patrick Hetzel. Nous avons là une nouvelle illustration de votre méthode de démantèlement méthodique des garde-fous posés dans les précédentes lois de bioéthique. Nous sommes opposés au double don de gamètes parce qu’il procède d’une vision radicalement différente de celle qui prévalait depuis les lois de 1994, et qu’il en remet en cause les équilibres.

M. Xavier Breton. Je regrette à nouveau l’absence du Gouvernement : celui-ci serait à même d’assurer la cohérence avec les textes existants, d’autant que son rôle exécutif lui donne une connaissance de la pratique. Les amendements qui nous sont présentés s’inscrivent tous dans une logique militante et ne s’appuient ni sur l’une, ni sur l’autre. Le texte final sera complètement décousu et aura des incidences que nul ne mesure. Madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, si vous en avez le pouvoir, demandez la présence d’un représentant du Gouvernement pour que nous puissions faire un travail sérieux !

La commission rejette lamendement n° 180.

Elle examine ensuite lamendement n° 71 de Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Cet amendement vise à empêcher que des embryons conçus en France circulent en dehors des frontières nationales pour permettre la poursuite d’un projet parental qui ne respecterait pas les règles s’imposant dans notre pays.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Votre amendement est déjà satisfait puisque l’importation de gamètes sur notre sol doit respecter l’ensemble des dispositions du code civil et du code de la santé publique. Par ailleurs, le déplacement d’embryons, y compris pour des personnes qui sortent de notre territoire national afin de poursuivre leur projet d’AMP à l’étranger, doit s’inscrire dans le cadre du projet parental de la personne concernée et est soumis à l’autorisation de l’Agence de la biomédecine. Cette dernière respecte évidemment tous les dispositifs légaux et éthiques auxquels nous sommes tous attachés.

Je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, avis défavorable.

M. Patrick Hetzel. Vous dites que tout cela se fait sous le contrôle de l’Agence de la biomédecine et en fonction des lois en vigueur, mais notre objectif est précisément de faire modifier la loi ! Le critère proposé par Mme Genevard mérite d’y figurer. Nous nous insurgeons contre le développement de la marchandisation du corps, y compris en Europe, car ce n’est pas la vision française. Plus que jamais, nous devons réaffirmer notre spécificité : pas de marchandisation, anonymat du don, respect de la vie avant tout, telles sont les règles qui doivent s’imposer et figurer explicitement dans la loi.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. C’est déjà le cas ! Il n’est pas possible, pour quelque couple ou femme que ce soit, de s’exonérer de ces règles qui sont très largement contrôlées, et pas seulement par l’Agence de la biomédecine. Si elles étaient transgressées, cela serait pénalement sanctionné. La marchandisation est interdite en France, mais si vous voulez faire respecter ce principe dans d’autres pays, même européens, alors vous sortez de notre cadre. Les dérives sont impossibles en France, et si des couples français veulent se rendre à l’étranger en emportant des gamètes français, ils sont obligés de respecter les règles. L’amendement de Mme Genevard est satisfait.

Mme Annie Genevard. Même s’ils ont dépassé la limite d’âge ?

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. C’est la même chose.

La commission rejette lamendement n° 71.

Elle est saisie de lamendement n° 488 de M. Maxime Minot.

M. Maxime Minot. Il s’agit d’un amendement de bon sens, puisqu’il vise à permettre aux femmes qui auraient été contraintes d’aller à l’étranger pour recourir à la PMA de la poursuivre sur le territoire national après l’adoption de la loi. Cela concerne bien évidemment les femmes seules et les couples de femmes. Les règles législatives n’étant pas les mêmes dans tous les pays, il convient de ne pas pénaliser les femmes qui auraient déjà entrepris ce parcours.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Votre amendement est satisfait puisque, la loi une fois promulguée, le code de la santé publique autorisera l’AMP pour les projets parentaux des femmes seules et des couples de femmes. La conception des embryons respecte tous les principes, notamment ceux du code civil, et il n’y a pas d’obstacle à l’importation de leurs embryons. Tous ceux d’entre nous qui ont pu travailler avec ou dans l’Agence de la biomédecine savent à quel point celle-ci est attentive au respect de la loi, en particulier pour toutes les questions relatives à la procréation ou à la génétique. Il y a vraiment un souci très important d’application des textes et il n’y aura aucune transgression des principes éthiques ; en revanche, toutes les dispositions de la loi nouvelle seront appliquées dès le lendemain de sa promulgation.

Lamendement n° 488 est retiré.

La commission examine lamendement n° 1452 du rapporteur.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. S’agissant de la composition de l’équipe clinicobiologique, les sénateurs ont modifié le texte que nous avions adopté en première lecture, après l’avoir collectivement mûrement réfléchi. Il mérite d’être rétabli, car il autorise une relative souplesse. On ne peut pas envisager que la composition de l’équipe soit strictement identique pour tous les couples de femmes, dans tous les centres. En revanche, il faut garantir la présence d’au moins un médecin, parfois plusieurs, et la possibilité de rencontrer d’autres professionnels de santé. Notre rédaction me paraît préférable à celle des sénateurs.

M. Thibault Bazin. Monsieur le rapporteur, soyons sérieux ! Déjà, votre proposition de substituer aux mots « les membres » les mots « un ou plusieurs médecins et autres professionnels de santé » ne correspond pas exactement à l’exposé sommaire de l’amendement. Surtout, la rédaction issue du Sénat est très large, car elle suppose des entretiens avec plusieurs personnes ; au contraire, avec votre formulation, les entretiens pourraient se dérouler avec une seule et même personne, alors même que l’on connaît l’importance d’avoir une équipe pluridisciplinaire.

Mme Annie Genevard. L’entretien est déterminant, car il vise à la fois à informer les parents et à vérifier leur capacité à accueillir un enfant ; il doit donc être le plus efficient possible. Or votre formulation ne permet pas un entretien de qualité. Nous devons en rester à la disposition adoptée par le Sénat. Je ne vois d’ailleurs pas en quoi elle vous dérange.

M. Xavier Breton. « Un ou plusieurs médecins et autres professionnels de santé », cela peut sembler beaucoup plus large mais aussi signifier une seule personne. À la limite, pour vous, si l’entretien était supprimé, ce serait aussi bien car le désir des adultes ne doit souffrir d’aucune entrave. Si nous voulons conserver à cet entretien son caractère collectif, pluridisciplinaire, de façon à ce qu’il éclaire utilement le choix qui va être fait, il faut revenir à la formulation du Sénat – à moins que vous ne considériez que tout ce que fait le Sénat n’est qu’absurdité juridique. Elle a le mérite d’être très précise et de s’énoncer clairement.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. À votre tour de faire preuve de sérieux, monsieur Bazin ! La formulation que nous proposons – relisez-la – permet la consultation d’un seul médecin ou de plusieurs, et d’autres professionnels de santé. Tout est possible ! Si vous allez visiter des centres, vous verrez les circonstances du dialogue et l’hétérogénéité des personnes reçues. Il est des cas où tout est déjà décidé au préalable, et l’entretien, sous forme de dialogue, se déroule de façon relativement aisée. D’autres cas, en revanche, sont beaucoup plus complexes et nécessitent de s’adjoindre d’autres professionnels de santé. C’est pourquoi il est particulièrement important d’élargir l’équipe susceptible d’intervenir dans l’entretien. Contrairement à ce que vous craignez, nous offrons introduisons davantage de possibilités.

Pour comprendre cet amendement, il faut appréhender la modification de l’alinéa 35 dans son ensemble, qui se poursuit avec le prochain amendement. Les sénateurs ont prévu la présence d’un psychiatre ou d’un psychologue spécialisé en psychiatrie : c’est très bloquant, très inhibiteur. Dans nombre de cas, l’entretien ne pourra pas avoir lieu, car il sera impossible de tous les réunir. De plus, c’est totalement inutile pour les trois quarts des femmes qui consultent dans ces centres. Nous ne pouvons pas créer des systèmes qui ne fonctionnent pas en pratique.

La commission adopte lamendement n° 1452.

Elle examine lamendement n° 1453 du rapporteur.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Dans un souci de souplesse et de pragmatisme, nous proposons de prévoir la présence d’un psychologue ou d’un infirmier ayant une compétence en psychiatrie plutôt que d’un psychologue spécialisé en psychiatrie ou psychologie de l’enfant et de l’adolescent. Cette disposition doit être applicable dans tous les centres. Si l’on ajoute des entraves à l’entretien alors que les centres sont déjà en nombre insuffisant et que les listes d’attente y sont parfois longues, on va rendre l’AMP irréalisable. C’est peut-être le vœu de certains d’entre vous concernant les femmes seules ou les couples de femmes, mais vous la rendriez irréalisable par la même occasion pour les couples hétéroparentaux puisqu’il n’y a pas d’inégalité d’accès. Je vous suggère donc d’adopter cette simplification en revenant à la rédaction qui avait été proposée par Mme Wonner en première lecture et qui donnait toute satisfaction.

Mme Emmanuelle Ménard. J’ai le sentiment qu’avec ce texte, vous nivelez par le bas. Parce qu’on n’a pas les moyens de faire quelque chose d’optimal, on baisse le niveau d’exigence. Comme on n’aura pas les moyens d’avoir un psychologue spécialisé en psychiatrie ou psychologie de l’enfant et de l’adolescent, on opte pour un psychologue ou un infirmier ayant une compétence en psychiatrie. Parce qu’on n’a pas les moyens de constituer une équipe médicale pluridisciplinaire, on écrit « un ou des médecins »… On n’a pas les moyens, donc on ne fait pas ou on fait moins bien. Ce n’est vraiment pas une bonne chose, ni pour les couples ou les personnes qui souhaitent procéder à une PMA, ni pour les enfants à naître de cette pratique.

Mme Annie Genevard. Tout est fait pour affaiblir cette phase préalable, qui est tout à fait indispensable. Vous réduisez le nombre d’interlocuteurs susceptibles de prendre part à cet entretien, et réduisez la compétence spécifique de certains d’entre eux. Vous avez d’ailleurs expliqué que les trois quarts des couples n’en auraient pas besoin. Nous considérons, au contraire, que 100 % des couples doivent passer par cet entretien.

M. Thibault Bazin. Monsieur le rapporteur, vous nous avez dit hier que nous utilisions des mots pour faire peur. Aujourd’hui, c’est vous qui le faites en donnant une vision caricaturale de nos amendements : ils ne visent pas à réduire à néant l’ensemble de l’AMP ! Le Sénat a ajouté cette précision parce qu’il a considéré que l’intérêt de l’enfant à naître peut nécessiter l’intervention d’un spécialiste en psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent. Selon vous, l’exigence éthique doit s’adapter aux moyens, mais il n’est pas anodin de faire intervenir quelqu’un qui n’aura pas forcément les compétences requises. Avec ce raisonnement, on peut aller très loin dans la diminution de nos exigences éthiques ! Il ne faut pas faire l’économie de l’intérêt de l’enfant.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Madame Ménard, les psychologues et les infirmiers en psychiatrie apprécieront votre jugement selon lequel on nivelle par le bas en faisant appel à eux !

Madame Genevard, je crains que vous ne vouliez créer un parcours du combattant pour les femmes concernées. C’est la même logique qui, en 1975, avait fait ajouter dans la très belle loi de Simone Veil tout un tas de dispositions qui, en pratique, s’étaient révélées tellement imbéciles qu’on a été obligé de les retirer les unes après les autres. Dans le même esprit aujourd’hui, vous voulez humilier les femmes et rendre leur parcours plus difficile en les obligeant à se soumettre à des entretiens. Ne pensez-vous pas qu’une femme réfléchit avant de s’engager dans le long parcours de l’AMP ?

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo.  Monsieur le rapporteur, chers collègues, je vous engage à faire attention aux mots que vous employez, car les mots ont un sens. Et si je peux me permettre, une femme n’est pas forcément humiliée quand elle a un entretien avec un psychologue.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. L’intérêt de l’enfant suppose que les entretiens soient effectués dans des conditions sereines, avec des personnes très compétentes, bien encadrées par un texte précis. C’est la raison pour laquelle je vous propose de revenir au texte que nous avions adopté en première lecture.

La commission adopte lamendement n° 1453.

(Mme Monique Limon remplace Mme Agnès Firmin Le Bodo à la présidence.)

La commission examine lamendement n° 181 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Il est proposé, si la demande émane d’une femme célibataire, de faire intervenir un professionnel inscrit sur la liste mentionnée au deuxième alinéa de l’article L. 411-2 du code de l’action sociale et des familles, afin de tenir compte de la fragilité potentielle des familles monoparentales.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. La consultation obligatoire par un assistant social me paraît peu souhaitable. Je vous propose de retirer votre amendement ; à défaut, avis défavorable.

M. Xavier Breton. Le rapporteur a fait la comparaison avec la loi relative à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) de 1975, en dénonçant les contraintes qui y avaient été inscrites. En fait, il s’agissait de rechercher l’équilibre entre deux principes qui peuvent être contradictoires : la liberté de la femme et la protection de l’enfant à naître.

Aujourd’hui, la logique est celle de l’oubli de la protection de la vie à naître et du seul souci de la liberté de la femme, au nom de laquelle il faudrait supprimer toutes les contraintes. De nouveau se présentent deux notions potentiellement contradictoires : le désir des adultes d’accomplir un projet parental et l’intérêt de l’enfant. L’entretien vise précisément à les concilier.

Ce que vous nous dites, c’est que, dans vingt ans, il n’y aura plus aucun entretien, parce que vous ne considérez que le seul désir des adultes. Aucun obstacle, aucune entrave à la toute-puissance de la volonté des individus, telle est la logique qui sous-tend ces dispositions. Vos explications, monsieur le rapporteur, sont très éclairantes.

M. Patrick Hetzel. Alors qu’un texte de loi doit trouver un équilibre entre les aspirations individuelles et l’intérêt général, un glissement progressif est en train de s’opérer en faveur des premières. L’adulte est considéré comme celui à qui il revient de décider, sans que soient installés les garde-fous nécessaires à la protection de celui qui est faible et vulnérable. L’intérêt de ce dernier doit être pris en considération ex ante, ce que propose l’amendement de M. Bazin en fixant des limites pour assurer la protection du plus vulnérable.

Mme Agnès Thill. Il ne s’agit pas là de limites qui empêchent mais de limites qui protègent. Puisqu’il s’agit d’un droit non opposable, il paraît indispensable de protéger l’enfant à venir. Ayons toujours pour boussole le seul intérêt supérieur de l’enfant : le défendons-nous si nous ne prévoyons aucune évaluation pour s’assurer que l’enfant ne sera pas en situation de vulnérabilité à l’instant de sa naissance ?

M. Guillaume Chiche. Je suis particulièrement heurté par l’orientation de cet amendement. Alors que l’objet de ce projet de loi est de donner les mêmes droits à toutes les personnes, vous proposez de les faire passer sous les fourches caudines de l’appréciation de la situation sociale – trop pauvres, elles ne devraient pas pouvoir accéder à l’aide médicale à la procréation. Je ne peux pas entendre que, dans notre République, l’on se fie à l’épaisseur du porte-monnaie pour accorder un droit. Il est profondément choquant de vouloir établir un régime singulier pour les femmes seules qui décideraient de mener à bien un projet parental en ayant recours à l’aide médicale à la procréation. Ces femmes ne sont pas folles et il n’y a pas besoin de garde-fous pour apprécier leur situation sociale. Elles doivent tout simplement bénéficier des mêmes droits que les autres.

M. Bastien Lachaud. Cet amendement est profondément discriminatoire. Une femme seule qui en aurait les moyens pourrait accéder au processus de PMA, tandis qu’une femme jugée trop pauvre ne le pourrait pas : cela en dit long sur votre vision de la société !

Que faites-vous des 3 millions d’enfants qui vivent sous le seuil de pauvreté ? Le problème n’est pas qu’il existe des familles monoparentales ; le problème est que notre société organise la pauvreté dans laquelle elles vivent, par l’absence d’aides sociales, par la cherté des loyers et de la nourriture. Au lieu d’empêcher les femmes d’accéder à la PMA, monsieur Bazin, vous feriez mieux d’œuvrer pour une amélioration de la situation de ces 3 millions d’enfants pauvres !

Mme Annie Genevard. Je voudrais inviter mes collègues de la majorité à la cohérence. M. Chiche vient de parler de l’égalité des droits. Or j’ai encore en mémoire les propos de la garde des sceaux, dont je regrette qu’elle ne soit pas là : ce n’est pas une loi d’égalité des droits, elle l’a dit et redit à l’envi. L’égalité des droits, cela veut dire « même situation, mêmes droits ». Un couple de femmes et un couple hétérosexuel ne sont pas dans la même situation, et on ne peut pas revendiquer ce que vous demandez au nom de l’égalité des droits.

Par ailleurs, pendant deux ans et demi, la ministre des solidarités et de la santé nous a parlé de la fragilité des familles monoparentales, au point que la politique familiale de votre majorité semblait se limiter à la prise en charge de ces familles, au point même que l’on en venait à se demander s’il existait d’autres familles que les familles monoparentales. Et vous nous dites à présent que la monoparentalité n’est pas un problème ?

Mme Emmanuelle Ménard. On a l’impression que le désir d’enfant occulte tout le reste. Et c’est précisément parce que ce peut être le cas qu’il importe que les couples ou les femmes qui veulent avoir recours à la PMA passent un entretien. Cela n’a rien d’humiliant. Des familles expliquent qu’elles n’ont pas eu conscience, au moment où elles ont recouru à une PMA, que cela serait si difficile à vivre pour leur enfant. Elles regrettent de n’avoir pas eu plus d’informations à ce sujet au moment où elles ont pris leur décision.

Lorsque des parents souhaitent adopter un enfant, ils passent un entretien pour vérifier que celui-ci pourra être accueilli dans de bonnes conditions, et cela ne choque personne. Pourquoi ne prendrait-on pas les mêmes précautions avec une femme seule qui souhaite recourir à la PMA ? Si on va au bout de votre logique, il faudrait proposer qu’une femme seule qui se trouve en dessous du seuil de pauvreté et qui veut recourir à la PMA bénéficie d’une allocation ! Aujourd’hui, 3 millions d’enfants vivent en dessous du seuil de pauvreté en France. Avec ce texte, vous allez encore ajouter à cette pauvreté, ce qui n’est pas très responsable pour des législateurs.

M. Didier Martin. Je suis choqué par les propos qui viennent d’être tenus. À vous entendre, les pauvres ne devraient pas avoir d’enfants, parce qu’ils n’ont pas les moyens de les éduquer. On est de retour au XVIIe siècle, dans le monde de Jonathan Swift !

On parle sans cesse de l’intérêt supérieur de l’enfant, mais les enfants qui vont naître dans une famille homoparentale ou d’une femme seule auront un parent, détenteur de l’autorité parentale. Or, selon le code civil, celle-ci a pour finalité de protéger l’enfant « dans sa sécurité, sa santé et sa moralité », d’« assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne ». Cela s’appliquera aussi aux enfants nés de PMA.

Pourquoi faudrait-il évaluer psychiquement et socialement les femmes qui envisagent de recourir à la PMA ? Quand nous marions des gens dans nos mairies, nous le faisons parce qu’ils ont le désir de fonder une famille, et peut-être d’avoir des enfants. Nous ne les soumettons pas à des tests psychologiques pour savoir s’ils sont en mesure d’élever ces enfants. Nous leur faisons confiance, en nous fondant sur leur désir et sur la déclaration qu’ils font en présence de deux témoins. Cessons de stigmatiser les candidats à la PMA et faisons-leur confiance, d’autant qu’ils seront encadrés par une équipe pluridisciplinaire, ce qui n’est pas le cas des couples hétérosexuels qui se présentent à la mairie.

M. Pascal Brindeau. Vous êtes choqué, vous parlez de stigmatisation, mais je ne vois pas bien le rapport entre l’article du code civil que vous citez et l’AMP.

Mes chers collègues, si vous souhaitez vraiment qu’il n’y ait plus aucune discrimination, aucun obstacle au projet parental, revisitez le droit de l’adoption. Les amendements que nous examinons ne font que transposer les démarches qu’ont à subir les futurs parents qui souhaitent adopter : ils ont, eux aussi, des entretiens d’évaluation psychologique et des entretiens avec les travailleurs sociaux – qu’ils décrivent effectivement comme potentiellement traumatisants. Je ne vois pas pourquoi le parcours de l’AMP n’obéirait pas aux mêmes règles que celui de l’adoption, puisque les obligations des parents envers l’enfant sont les mêmes.

M. Marc Delatte. Nous avons tous, en tant qu’élus de terrain, le souci des plus fragiles, notamment des femmes seules en situation de grande pauvreté. Et nous examinons une loi de bioéthique, qui doit être fondée sur les principes de solidarité, d’équité et de justice. Or la solidarité consiste à aider ces personnes à réaliser leur projet parental.

Par ailleurs, en ces temps où la communauté médicale est en souffrance, il faut faire confiance aux soignants et aux équipes pluridisciplinaires qui accompagnent ces femmes. Dans une logique d’égalité et d’extension des droits, l’ouverture de l’AMP ne doit pas être contrariée par le problème de la pauvreté. Au contraire, nous devons tout faire pour aider les personnes en difficulté à réaliser leur projet dans les meilleures conditions possibles.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Monsieur Breton, je suis d’accord avec vous, nous avons deux visions des choses, qui sont toutes deux respectables, mais difficilement conciliables. Vous, vous dénoncez la toute-puissance des femmes et nous, nous leur accordons notre confiance.

De la même façon, monsieur Bazin, alors que vous voulez mettre des garde-fous pour vous assurer que les professionnels de santé ne sombrent pas dans la folie, nous pensons qu’il faut faire confiance aux équipes qui prennent en charge les femmes désirant une AMP, sous le contrôle de l’Agence de la biomédecine.

Madame Genevard, il y a une immense différence entre les familles monoparentales subies et les familles monoparentales choisies, pour lesquelles l’AMP est le fruit d’un long cheminement. Vous voulez faire croire qu’on va créer un nombre considérable de familles monoparentales, où les enfants seront extrêmement malheureux et où ils vivront dans la plus grande précarité. Or ce n’est pas ce qui se passe dans les pays qui nous ont devancés.

Animé par l’intérêt supérieur de l’enfant, j’invite l’auteur de cet amendement à le retirer.

M. Thibault Bazin. Vous êtes en train de caricaturer mon amendement : ce n’est pas parce qu’on fait intervenir une assistante sociale qu’elle va nécessairement s’opposer à la PMA.

La commission rejette lamendement n° 181.

Elle est saisie de lamendement n° 182 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Cet amendement vise à favoriser la collégialité.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. La crise sanitaire a montré que l’excès de bureaucratie et de procédures limite notre réactivité et pénalise nos concitoyens. Rendre la collégialité obligatoire, c’est risquer de retarder de plusieurs années le projet parental de certaines femmes. Il est des cas où un collège de plusieurs médecins est nécessaire, mais il en est d’autres ou un médecin qui suit une femme depuis de nombreuses années peut assurer lui-même son suivi.

Avis défavorable.

La commission rejette lamendement n° 182.

Elle examine les amendements identiques n° 301 de M. Xavier Breton et n° 384 de M. Patrick Hetzel.

M. Xavier Breton. Cet amendement est important, puisque les alinéas 36 et suivants prévoient ce que devront faire les médecins au cours de l’entretien : s’assurer de la volonté des deux membres du couple ou de la femme non mariée, procéder à une évaluation médicale, informer les futurs parents, notamment. Tout cela ne concerne que les adultes et il manque un point essentiel : l’intérêt de l’enfant à naître.

Monsieur le rapporteur, vous venez de dire qu’il ne faut pas mettre de freins au désir parental. Et, ici encore, vous ne prenez en compte que la volonté des adultes. Si vous vous souciez, ne serait-ce qu’un peu, de l’intérêt de l’enfant, il faut écrire que le premier devoir du ou des médecins est de « tenir compte de l’intérêt de l’enfant à naître ».

M. Patrick Hetzel. La loi doit être explicite et indiquer clairement la volonté du législateur. Si l’on considère qu’il faut protéger le faible et que l’intérêt supérieur de l’enfant doit absolument être pris en compte, alors il faut l’écrire. Tout ce qui n’est pas clairement écrit donne lieu à des interprétations. Or s’il est un sujet dont nous ne souhaitons pas qu’il se prête à l’interprétation, c’est bien celui de l’intérêt supérieur de l’enfant : cela doit être gravé dans le marbre, c’est-à-dire dans la loi. Que les choses soient claires, rejeter cet amendement serait un acte politique extrêmement fort. Il signifierait que, pour vous, la volonté des adultes prime sur l’intérêt supérieur de l’enfant.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Nul plus que moi, et depuis très longtemps, ne privilégie en toutes circonstances l’intérêt supérieur de l’enfant. Ce qui importe, ce ne sont pas les déclarations d’amour, mais les actes d’amour. Ce qui importe, ce n’est pas que l’intérêt supérieur de l’enfant soit mentionné à cet alinéa, mais que toute la loi, de la première à la dernière ligne, privilégie l’intérêt supérieur de l’enfant. Le mentionner ici, ce serait insulter l’équipe médicale, qui est animée principalement par l’intérêt supérieur de l’enfant. Ce principe est déjà inscrit dans plusieurs articles de notre loi, mais je ne pense pas qu’il faille le faire ici, car vous donneriez des directives à une équipe dont c’est déjà la motivation première. J’émettrai donc un avis défavorable sur cet amendement.

Mme Annie Genevard. Rappeler l’intérêt supérieur de l’enfant serait insulter l’équipe médicale ? Parfois, je me demande si vous réalisez ce que vous dites, monsieur le rapporteur ! Cela va peut-être de soi, mais cela va mieux en le disant. L’équipe médicale a affaire à des adultes, mais elle doit être rappelée en permanence à la finalité de la démarche, qui est effectivement de concevoir un enfant dans le strict respect de son intérêt supérieur.

M. Bastien Lachaud. Le rapporteur a raison, l’équipe médicale a évidemment en tête l’intérêt de l’enfant à naître. L’ajouter ici aurait pour seul effet d’introduire une forme d’arbitraire. Nous n’avons manifestement pas tous la même conception de l’intérêt de l’enfant à naître et j’imagine qu’il en est de même des médecins. En fonction du médecin qui recevra les familles, les réponses ne seront pas les mêmes. Je pense donc que nous n’avons aucun intérêt à inscrire ce critère ici.

Mme Agnès Thill. J’ai un profond respect pour tous les médecins, mais nul n’est parfait en ce bas monde. On a déjà vu des médecins perdre la tête et se placer dans une situation délictueuse ! En Chine, on modifie le génome humain : est-ce dans l’intérêt de l’enfant ? Les médecins peuvent dépasser les limites ! Tout à l’heure, vous avez repoussé le principe de la collégialité, en disant qu’on manquait de personnel médical ou administratif. Bientôt, une seule personne pourra prendre des décisions pour la fin de vie ! La collégialité est essentielle !

Mme Coralie Dubost. Madame Thill, l’exemple de la Chine montre précisément combien l’intérêt supérieur de l’enfant peut être interprété de manières diverses : dans la culture chinoise, l’amélioration du génome est dans l’intérêt de l’enfant.

Je préconise de rejeter cet amendement, parce que l’intérêt de l’enfant est une notion juridique fragile, qui est issue de la jurisprudence et qui est encore en cours de construction. Elle n’a pas à être manipulée par le corps médical, non pas parce que celui-ci n’en serait pas capable, mais parce qu’elle relève du judiciaire. Elle peut être utile au magistrat pour apprécier une situation ayant trait à l’état civil, à la parentalité ou à l’autorité parentale mais il serait dangereux, compte tenu de la définition très subjective de cette notion, de la placer entre les mains du corps médical. Ce serait faire porter aux médecins une responsabilité qui n’est pas la leur. Ils en ont déjà suffisamment, alors épargnons-les.

M. Guillaume Chiche. Même si l’exécutif a voulu en donner une autre interprétation, en tant que parlementaire, j’ai toujours considéré que cette loi avait vocation à mettre fin à des discriminations et à des inégalités, et donc à établir l’égalité des droits.

Je ne vois pas ce qui justifie de parler de l’intérêt de l’enfant à naître dans le cadre de l’aide médicale à la procréation. On peut tout au plus parler de l’enfant qui sera potentiellement mis au monde, mais on n’a aucune assurance quant au succès de l’AMP. Demander à une équipe médicale de se positionner sur quelque chose qui, potentiellement, n’existera pas, est un non-sens absolu. C’est la raison pour laquelle nous nous opposerons à cet amendement.

M. Xavier Breton. Je salue votre cohérence, cher collègue : vous dites que c’est une loi d’égalité des droits, vous le revendiquez. Et c’est d’ailleurs pourquoi nous allons passer inéluctablement de la PMA à la GPA, dans une logique d’égalité des droits.

Tout l’enjeu de notre débat, c’est de savoir qui doit définir l’intérêt supérieur de l’enfant. L’intervention de notre collègue Bastien Lachaud est très intéressante : il dénonce l’arbitraire, mais pour lui, l’arbitraire ce sont les autres. Les seules personnes capables de définir l’intérêt de l’enfant, de votre point de vue, ce sont les adultes désireux de devenir parents. Nous pensons que l’intérêt de l’enfant doit parfois être évalué par d’autres personnes que les parents eux-mêmes, car il peut arriver que ces derniers n’aient pas la capacité d’élever un enfant. Cela doit évidemment se faire avec beaucoup de précautions, comme lorsqu’on retire un enfant à ses parents parce qu’il est maltraité.

Je regrette, mais les adultes qui ont un projet parental ne peuvent pas, à eux seuls et dans leur toute-puissance, définir l’intérêt de l’enfant. La société doit, elle aussi, vérifier qu’ils en seront capables, et c’est en ce sens que nous parlons de garde-fous – et non pour désigner des personnes folles. Dans votre conception, qui promeut la toute-puissance de l’individu, l’État n’est plus qu’un prestataire de services. Alors que vos politiques ont toujours une dimension sociale, vous l’évacuez totalement sur ce sujet : vous remboursez la PMA à tout le monde, y compris aux plus riches, et vous ne prenez pas en compte la situation des personnes en difficulté.

Mme Emmanuelle Ménard. La notion d’intérêt de l’enfant n’est pas issue de la jurisprudence, mais de la convention internationale des droits de l’enfant, qui a été ratifiée par la France et qui a une valeur supranationale. Il n’est pas vrai que cette notion est vague et privée de contenu ! Le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant signifie, au minimum, le respect de ses droits. Or, avec ce texte, vous allez priver l’enfant, soit d’un père, soit du droit de mener une action en recherche de paternité. On voit bien que l’intérêt de l’enfant n’est pas une priorité pour vous. Le rapporteur parle depuis hier de lignes rouges. Notre ligne rouge, c’est l’intérêt supérieur de l’enfant, et parce que nous considérons qu’il n’est pas suffisamment garanti par ce texte, nous souhaitons y introduire explicitement des garde-fous.

M. Patrick Hetzel. Madame Dubost, vous dites que l’intérêt supérieur de l’enfant est une notion juridique et qu’il ne faut pas embêter les médecins avec cela. Mais lorsque la société met à disposition des moyens publics – parce que c’est bien de cela qu’il s’agit – pour permettre à des gens de réaliser leur désir d’enfant, il faut aussi que cette société rappelle que cela ne peut se faire qu’en respectant l’intérêt supérieur de l’enfant.

En refusant de l’inscrire dans la loi, vous montrez que ce qui prime pour vous, c’est le désir de l’adulte, la toute-puissance de celui-ci. Votre vision des choses n’est pas équilibrée. Il faut protéger le plus faible, et il faut le dire explicitement. Dire à des médecins que le législateur souhaite, en tout état de cause, que l’intérêt supérieur de l’enfant soit respecté, c’est la moindre des choses. Il est clair que nous avons deux visions radicalement différentes sur ce point.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Mes chers collègues vous venez de faire la démonstration que bien qu’étant tous animés du désir de garantir l’intérêt supérieur de l’enfant, nous ne le concevons pas tous de la même façon. Le Conseil d’État a probablement raison de dire que l’intérêt de l’enfant est une notion « difficile à manier lorsqu’il s’agit d’envisager, de manière générale et abstraite, la situation d’enfants qui ne sont pas encore conçus ». Pour Mme Ménard, l’intérêt supérieur de l’enfant, c’est d’avoir un père et une mère ; pour d’autres, c’est de grandir dans une famille qui pourvoit à tous ses besoins, affectifs, matériels et sanitaires, et qui lui donne les possibilités de son épanouissement. Parce que nous avons des conceptions très différentes de ce qu’est l’intérêt supérieur de l’enfant, il serait vain d’inscrire ce principe dans la loi, surtout à cet endroit.

La commission rejette les amendements n° 301 et 384.

(Mme Agnès Firmin-Le Bodo remplace Mme Monique Limon à la présidence.)

La commission examine les amendements identiques n° 1454 du rapporteur et n° 1371 de M. Jean François Mbaye.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Cet amendement vise à rétablir la rédaction de l’alinéa 37 que nous avions adoptée ensemble lors de l’examen du texte en première lecture.

Les sénateurs, estimant sans doute que les personnes qui s’engagent dans un parcours d’AMP n’ont pas suffisamment réfléchi à leur projet, proposent qu’on les incite à emprunter d’autres voies. Nous sommes nombreux à considérer que ce n’est pas ainsi que les choses doivent se passer. Les nombreuses auditions que nous avons menées nous ont montré que le recours à l’AMP est toujours le fruit d’une mûre réflexion. L’équipe médicale doit pousser l’entretien jusqu’au point où elle est sûre de la volonté des impétrants de poursuivre leur projet parental, mais il ne semble pas souhaitable de faire peser sur elle une responsabilité plus lourde encore.

M. Jean François Mbaye. Mon amendement vise, lui aussi, à rétablir la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale. Il est important de respecter la volonté des couples qui font cette démarche et il ne paraît pas raisonnable de prévoir dans la loi une information préalable qui pourrait s’apparenter à une tentative de dissuasion de recourir à la PMA, alors même que cette possibilité est offerte par la loi et que la décision de ces couples est le fruit d’une longue réflexion.

Il ne me paraît pas inutile de faire un parallèle avec l’interruption volontaire de grossesses (IVG). Au-delà de leurs différences, ces deux démarches ont un point commun : elles procèdent, avant toute chose, de la volonté de ceux qui y recourent. Imaginez une femme qui aurait décidé, au terme d’une réflexion longuement mûrie, de procéder à une IVG, et à qui l’on proposerait de confier son enfant aux services sociaux ! La réécriture par le Sénat des dispositions relatives aux entretiens particuliers m’a fait froid dans le dos.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Avis favorable.

M. Thibault Bazin. Je ne vois pas ce que la réécriture de l’alinéa 37 par le Sénat a de choquant. Il est précisé que l’équipe médicale doit « s’assurer de la volonté des deux membres du couple ou de la femme non mariée à poursuivre leur projet parental par la voie de l’assistance médicale à la procréation, après leur avoir dispensé l’information prévue au 3° et leur avoir rappelé les possibilités ouvertes par la loi en matière d’adoption ».

Vous proposez de remplacer « volonté » par « motivation », mais que nous dit le dictionnaire ? La motivation est la force qui pousse à agir ; la volonté est l’intention ferme de faire ou de ne pas faire quelque chose, la détermination. Très sincèrement, la rédaction du Sénat me paraît plus appropriée et c’est pourquoi je voterai contre ces amendements.

M. Jacques Marilossian. Indiquer que le médecin doit rappeler « les possibilités ouvertes par la loi en matière d’adoption » me semble stigmatiser inutilement les couples de femmes ou les femmes non mariées qui font le choix de l’AMP, puisque cela revient à insister sur une solution alternative au moment même où ces personnes s’engagent, après mûre réflexion, dans une démarche complexe.

Les techniques d’aide médicale à la procréation ont des probabilités de succès faibles et seulement une fécondation in vitro sur quatre et une insémination artificielle sur six sont couronnées de succès. Il peut arriver à une équipe d’AMP de refuser à un couple d’entreprendre cette démarche, pour des raisons tenant au nombre de tentatives, à l’âge ou à la maladie. Il y a toujours une évaluation pluridisciplinaire des couples avant toute démarche d’AMP.

La fin de l’alinéa 37 me semble à la fois inutile, blessante et inopportune. Je propose donc, soit de supprimer cet alinéa, soit de revenir au texte adopté en première lecture à l’Assemblée nationale.

M. Xavier Breton. L’objet de ces amendements est évidemment de supprimer tout ce qui peut entraver la volonté des adultes. Le parallèle que notre collègue Jean François Mbaye a fait entre l’assistance médicale à la procréation et l’IVG est intéressant : il a raison de dire que l’un des points communs de ces deux démarches, c’est la volonté de ceux qui y recourent. Mais il oublie qu’il y en a un deuxième : une vie à naître, qui doit être protégée par la loi. Alors qu’il faudrait trouver un équilibre, vous ne tenez compte, à chaque fois, que de la volonté des adultes.

Mme Annie Genevard. Monsieur le rapporteur, j’ai parfois l’impression que vous avez la tentation de rejeter systématiquement tous les apports du Sénat.

Une démarche d’AMP peut rencontrer des échecs, parfois successifs, ce qui peut être très douloureux. Pour répondre à cette douleur, je ne vois pas ce qu’il y a d’anormal à dire à un couple qu’il existe une autre possibilité d’être parents. Ce n’est pas infamant. L’adoption n’est pas une réponse qui aurait moins de valeur que l’AMP ; c’est une autre réponse. Il ne s’agit évidemment pas de l’imposer, mais seulement de la rappeler. La rédaction du Sénat me paraît intéressante et plus riche que la vôtre. Je ne comprends pas pourquoi vous la refusez.

M. Pascal Brindeau. On voit bien que la démarche du rapporteur et de la majorité est uniquement politique et qu’elle consiste à satisfaire les femmes qui demandent à accéder à l’AMP le plus vite possible, et avec le moins de contraintes possible. Le rapporteur a d’ailleurs indiqué qu’il fallait réduire au maximum les procédures administratives. J’aimerais tellement que vous mettiez autant d’entrain à faciliter les démarches des personnes qui souhaitent adopter, dans ce texte ou dans un autre !

La commission adopte les amendements n° 1454 et 1371.

En conséquence, lamendement n° 791 de M. Jacques Marilossian tombe.

La commission examine lamendement n° 1026 de Mme Martine Wonner.

M. Guillaume Chiche.  Cet amendement a pour objet de supprimer l’évaluation médicale, psychologique et sociale des demandeurs d’AMP, introduite par le Sénat. Cette disposition a pour effet de complexifier la procédure actuelle, y compris pour les couples hétérosexuels. C’est un mauvais signal, à l’heure où nous ouvrons cette pratique médicale aux couples de femmes et aux femmes non mariées, d’introduire une telle évaluation.

En revanche, il paraît opportun d’offrir à ces mêmes demandeurs la possibilité de bénéficier, s’ils en expriment le besoin, d’un accompagnement par un psychiatre, un psychologue ou un psychanalyste.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je ne pense pas non plus qu’il convienne d’imposer aux demandeurs l’évaluation sociale et psychologique proposée par le Sénat.

Madame Genevard, nous ne récusons pas tout ce que les sénateurs nous ont adressé. Il nous est, par exemple, suggéré d’ouvrir la PMA aux femmes seules ou aux couples de femmes, et nous en sommes d’accord.

Mme Annie Genevard. Certes, mais pas selon les mêmes conditions !

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Vous avez raison : nous souhaitons, pour notre part, que toutes les femmes soient prises en charge par la sécurité sociale et qu’il n’y ait pas de discrimination entre elles.

Par ailleurs, lorsque nous aborderons l’examen de l’article 2, vous pourrez constater que nous proposons d’intégrer dans le texte les éléments développés par la commission spéciale du Sénat, même si, en séance publique, la Haute assemblée a supprimé cet article.

Si l’évaluation sociale et psychologique ne nous paraît pas souhaitable, l’évaluation médicale nous semble devoir être maintenue. C’est pourquoi je demande le retrait de cet amendement au profit du suivant. À défaut, l’avis sera défavorable.

M. Guillaume Chiche. J’entends vos arguments, monsieur le rapporteur, mais n’étant pas le premier signataire de cet amendement je souhaite qu’il soit soumis au vote de notre commission.

M. Bastien Lachaud. Le groupe La France insoumise soutiendra cet amendement. Il est important que les couples de femmes ou les femmes non mariées qui se lancent dans une procédure d’AMP puissent, si elles le souhaitent, bénéficier d’un accompagnement psychologique, ce que ne prévoit pas l’amendement du rapporteur, qui maintient uniquement l’évaluation médicale. Je m’interroge d’ailleurs sur la nature de celle-ci, étant donné que le critère d’infertilité est supprimé.

Je suis donc très dubitatif sur la rédaction de l’amendement du rapporteur et lui préfère nettement celle-ci.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Bien évidemment, l’évaluation médicale implique l’identification de tous les problèmes, psychologiques ou autres, qui peuvent être détectés chez le couple concerné et, par conséquent, la mise en place d’un accompagnement, comme cela se fait dans tous les services médicaux de tous les hôpitaux de France. L’amendement qui suit correspond mieux à la réalité.

La commission rejette lamendement n° 1026.

Elle examine les amendements identiques n° 1455 du rapporteur, n° 107 de M. Guillaume Chiche, n° 792 de M. Jacques Marilossian, n° 857 de M. Hervé Saulignac, n° 1041 de Mme Anne-France Brunet, n° 1118 de Mme Sylvia Pinel et n° 1372 de M. Jean-François Mbaye.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Comme je viens de l’indiquer, l’amendement n° 1455 vise à supprimer, à l’alinéa 38, les mots «, psychologique et, en tant que de besoin, sociale, » et à laisser à l’équipe médicale le soin de définir l’accompagnement opportun.

M. Jacques Marilossian. Les mots qui ont été ajoutés par le Sénat stigmatisent, une fois encore, les couples de femmes qui choisissent l’aide médicale à la procréation. Rappelons que toutes ces techniques ont des probabilités de succès très faibles et que, pour beaucoup de couples, ce processus est long, difficile, complexe, douloureux. Il y a souvent de la prématurité, de nombreux échecs.

L’extension de l’AMP est un droit d’accès à une pratique dont le succès n’est jamais garanti. Si les parents peuvent être accompagnés dans leur projet parental, il peut arriver à une équipe d’AMP de refuser d’engager le couple dans cette démarche, pour les raisons qui ont été évoquées tout à l’heure, notamment l’âge ou la maladie. L’évaluation pluridisciplinaire a toujours lieu, et ces mots inopportuns doivent être supprimés de l’alinéa 38.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Il ne nous paraît pas non plus nécessaire d’ajouter une évaluation psychologique obligatoire, qui serait source de délais, d’inquiétude et d’éventuelles discriminations susceptibles de porter atteinte à la liberté de procréation.

Mme Anne-France Brunet. La réalisation d’une PMA est déjà précédée d’un entretien avec l’équipe médicale pour permettre aux demandeurs de démontrer la viabilité de leur projet parental. Ladite équipe est donc en droit de refuser le projet qui lui est présenté. L’évaluation sociale prévue à l’alinéa 38 constitue potentiellement un critère discriminant et stigmatisant. Elle risque d’introduire implicitement un biais pécuniaire dans l’accès à la PMA.

Mme Sylvia Pinel. L’amendement vise à rétablir la version adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture. Nous avons eu des débats sur l’opportunité d’introduire une évaluation psychologique et sociale des personnes candidates à la PMA. Cette possibilité avait été rejetée, car des entretiens seront effectués par des équipes médicales pluridisciplinaires à même d’évaluer le projet parental. Parce que cet argument reste valable, il est pertinent de supprimer l’évaluation psychologique et sociale prévue par cet alinéa.

Par ailleurs, le critère financier ne doit pas être au cœur de l’accès à la PMA. Les familles modestes sont tout aussi en mesure de procurer amour et stabilité à un enfant que celles dont la situation est aisée.

M. Jean-François Mbaye. Les entretiens et évaluations préalables au recours à la PMA ne doivent pas constituer un chemin de croix pour les intéressés. Ils doivent plutôt permettre d’accompagner ces derniers au mieux dans leur démarche.

Aux yeux de certains de mes collègues et de moi-même, le fait de préciser qu’une évaluation psychologique et sociale peut être effectuée en amont du recours à une PMA sous-entend qu’une sanction pourrait être prononcée à l’endroit de celles et ceux qui n’auraient pas rempli un certain nombre de critères fixés de manière arbitraire. Ce n’est pas ce que nous souhaitons, et c’est pour cette raison que je propose de supprimer ces critères d’évaluation au bénéfice du seul critère médical, comme le prévoyait l’article 1er après son adoption par notre assemblée en première lecture.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. L’avis est favorable.

M. Thibault Bazin. Si l’on regarde l’apport du Sénat avec bienveillance, il n’y a pas de discrimination, et ce d’autant moins qu’il concerne aussi les couples hétérosexuels. Surtout, l’évaluation psychologique et sociale n’est menée qu’en cas de besoin, et peut être perçue positivement, comme un accompagnement spécifique, voire un soutien dans la démarche.

M. Pascal Brindeau. Je ne pense pas qu’il y ait de divergence de fond sur les objectifs poursuivis. L’un des arguments avancés pour défendre ces amendements consiste à faire valoir que l’équipe pluridisciplinaire et le médecin pourront toujours convaincre la personne ou les futurs parents du besoin d’un accompagnement psychologique ou social. En réalité, en supprimant ces mentions du texte, chers collègues, vous faites porter au médecin ou à l’équipe médicale la responsabilité de proposer, voire d’imposer aux intéressés un tel accompagnement. L’objectif du Sénat est précisément de protéger le médecin et l’équipe pluridisciplinaire en prévoyant le panel d’accompagnement possible. En aucun cas il ne s’agit d’ajouter des contraintes ou de rendre l’accompagnement systématique.

M. Patrick Hetzel. Quand on examine un texte, il faut toujours à un moment considérer l’ensemble des dispositions en vigueur.

Les couples qui ont un projet parental peuvent se trouver dans différentes situations : l’AMP est une voie envisageable, mais il y en a d’autres, comme l’adoption, et on ne peut les traiter l’une sans l’autre. Dans le cas de l’adoption, il s’agit de donner des parents à un enfant, tandis qu’avec l’AMP, on va donner un enfant à des parents.

Or la situation me paraît déséquilibrée : ce qui se pratique aujourd’hui pour l’adoption devrait aussi être pratiqué pour l’AMP. C’est la raison pour laquelle ces amendements de suppression n’ont pas vraiment de sens.

M. Bastien Lachaud. Les amendements presque similaires que le groupe La France insoumise avait déposés n’ayant pas été jugés recevables, et je le regrette, nous soutiendrons ceux qui viennent d’être présentés.

Monsieur le rapporteur, si l’évaluation médicale contient une partie psychologique, quelle différence cela fait-il de supprimer le mot ? Votre proposition se distingue-t-elle vraiment de celle du Sénat ?

Mme Emmanuelle Ménard. Je ne pense pas que l’évaluation prévue soit humiliante ou stigmatisante, contrairement à ce qui a été dit par l’un de nos collègues. Nous sommes dans une situation où la société est sollicitée pour apporter son concours à la réalisation d’un projet de naissance. Il est dès lors justifié d’accompagner les personnes intéressées.

Je rejoins d’ailleurs notre collègue qui faisait un parallèle avec l’adoption : pourquoi une telle évaluation serait-elle bénéfique et utile dans ce dernier cas et pas dans celui d’une PMA ? Cessez donc de considérer cette évaluation comme une espèce de brimade contre les candidats à la PMA, chers collègues ; il s’agit bien plutôt d’un accompagnement. Il me semble du moins que c’est dans cet esprit que le Sénat a rédigé l’alinéa.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Monsieur Lachaud, je suis sûr que vous avez bien compris la différence entre une évaluation systématique imposée à toutes les femmes sur le plan psychologique et social, que nous récusons, et ce que nous appelons de nos vœux, à savoir une évaluation médicale globale de chaque femme concernée, avec, le cas échéant, adresse à un spécialiste et mise en place d’un accompagnement si le besoin est identifié.

La commission adopte les amendements n° 1455, 107, 792, 857, 1041, 1118 et 1372.

En conséquence, lamendement n° 606 tombe.

La commission examine ensuite, en discussion commune, lamendement n° 108 de M. Guillaume Chiche et les amendements identiques n° 856 de M. Hervé Saulignac, n° 947 de M. Maxime Minot, n° 1005 de Mme Danièle Obono, n° 1231 de Mme Anne-France Brunet, n° 1256 de Mme Sylvia Pinel et n° 1373 de M. Jean-François Mbaye.

M. Guillaume Chiche. L’amendement n° 108 vise à préciser que l’évaluation médicale effectuée dans le cadre de l’aide médicale à la procréation ne peut conduire à débouter un couple de femmes ou une femme non mariée en raison de son orientation sexuelle, de son statut matrimonial ou de son identité de genre. Il s’agit de permettre à toutes les personnes en capacité de porter un enfant d’accéder à une aide médicale à la procréation.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Le projet de loi prévoit que les couples et les femmes seules souhaitant bénéficier d’une assistance médicale à la procréation doivent passer une évaluation médicale et psychologique. La suppression de la condition d’infertilité, donc la nécessité de démontrer la mise en place d’un projet parental, explique ce renforcement des pouvoirs des équipes médicales.

Toutefois, il conduit à donner une place importante à la subjectivité du médecin et donc à sa capacité de juger arbitrairement des couples ou des femmes seules. Ainsi, dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d’État a souligné que la disposition conférant aux médecins le pouvoir de refuser ou de différer la pratique de l’AMP était de nature à créer un contentieux contre cette décision. Il indique même que le médecin pourrait demander un ajournement s’il estime qu’un délai de réflexion supplémentaire est requis.

Par conséquent, il nous paraît nécessaire de garantir que l’orientation sexuelle, le statut marital ou l’identité de genre du ou des parents n’entrent pas en ligne de compte. C’est l’objet de l’amendement n° 856.

M. Maxime Minot. Il s’agit de lutter contre toute forme de discrimination en précisant l’objectif de cette fameuse évaluation médicale préalable obligatoire : vérifier les motivations des demandeurs, et seulement cela. Toutes les femmes qui désirent recourir à la PMA doivent avoir la possibilité de le faire, quelles que soient leur identité de genre ou leur orientation sexuelle. Il me paraît essentiel de gommer de potentielles discriminations.

M. Bastien Lachaud. Il n’est pas possible de laisser un pouvoir discrétionnaire à l’équipe médicale, en particulier parce que les formations médicales les plus anciennes ne comportaient pas de volet sur la lutte contre les discriminations.

Mme Anne-France Brunet. Le processus de PMA ne doit pâtir d’aucune discrimination relative au statut marital, à l’orientation sexuelle ou à l’identité de genre du demandeur.

Mme Sylvia Pinel. Il s’agit de rétablir la version que nous avions adoptée ici même en première lecture et dont l’objectif est de lutter contre les discriminations en raison de l’orientation sexuelle, du statut marital ou de l’identité de genre.

M. Jean-François Mbaye. L’objectif de l’évaluation est non pas d’approuver ou de sanctionner un choix, mais d’accompagner le projet parental. Dans le prolongement de l’amendement que j’ai défendu tout à l’heure, il s’agit de rétablir les dispositions visant à empêcher toute discrimination qui découlerait de l’orientation sexuelle, du statut marital ou de l’identité de genre des personnes souhaitant recourir à la PMA.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je suis favorable à l’amendement n° 108 qui tend à rétablir la rédaction initiale. Les termes « statut matrimonial » me semblent plus pertinents que ceux de « statut marital ».

Mme Annie Genevard. Prenons le cas de figure où une évaluation est négative, c’est-à-dire que la capacité à concevoir un enfant par PMA n’est pas reconnue au couple demandeur. Si l’on adopte cet amendement, et que le couple concerné est homosexuel, il pourra toujours se prévaloir de cette disposition en arguant du fait qu’il subit de la part de l’équipe pluridisciplinaire une discrimination liée à son orientation sexuelle. Vous créez ainsi toutes les conditions d’un contentieux et vous invalidez le principe même de l’évaluation d’un couple de femmes voulant réaliser une AMP.

M. Pascal Brindeau. Cet amendement crée une suspicion de traitement inégalitaire en raison de l’orientation sexuelle de la part du médecin ou de l’équipe pluridisciplinaire.

Le rapporteur parlait d’insulte faite au corps médical au sujet d’amendements visant à encadrer l’entretien d’évaluation et l’accompagnement, mais c’est exactement la même chose qui est proposée ici. En outre, un refus d’AMP par une équipe risque d’ouvrir systématiquement un contentieux.

M. Xavier Breton. Au travers de ces amendements s’exprime très clairement une méfiance vis-à-vis de l’équipe médicale, avec une disposition qui s’assimile à une forme de censure.

Il faut, par ailleurs, être prudent avec l’introduction de la notion d’identité de genre dans notre droit. Nous avons eu des débats surréalistes en première lecture : plus personne n’y comprenait rien, toutes les combinaisons imaginables ont été passées en revue et nous étions complètement perdus. Si nous pourrions être d’accord au sujet de l’orientation sexuelle et du statut marital, nonobstant la méfiance induite envers l’équipe médicale, la notion d’identité de genre est plus dangereuse sur le plan juridique. Je regrette à cet égard l’absence du Gouvernement, qui aurait pu nous éclairer sur l’introduction de cette notion à cet endroit du projet de loi.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Madame Genevard, nous ne faisons pas de discrimination positive : les droits des couples homoparentaux ne sont pas supérieurs à ceux des couples hétéroparentaux, ils sont identiques. Par conséquent, s’il y a impossibilité médicale d’AMP, ce n’est pas discriminer que de l’interdire aux uns et aux autres.

En revanche, si une équipe privilégiait l’une ou l’autre catégorie de couples, ce que je n’ose imaginer, il y aurait alors discrimination, et légitimité à poursuivre l’équipe fautive devant la justice, comme cela s’est passé pour l’adoption à l’encontre de familles homoparentales qui ont été récusées. Les équipes médicales étant très respectueuses de l’égalité des droits de l’ensemble des demandeurs, de telles situations ont peu de chance de se produire, mais c’est pour se prémunir contre elles qu’il convient d’inscrire dans la loi l’interdiction de discriminer, et je tiens à remercier tous les auteurs de ces amendements de les avoir rédigés.

La commission adopte lamendement n° 108.

En conséquence, les amendements identiques n° 856, 947, 1005, 1231, 1256 et 1373 tombent.

La commission examine lamendement n° 534 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. De nombreuses études scientifiques exposent que l’utilisation des techniques de PMA génère des troubles de santé chez les enfants ainsi conçus et présentent des risques médicaux importants pour les femmes qui y ont recours. Certains me reprochaient hier de ne pas donner mes sources : elles sont, cette fois, toutes précisées dans l’exposé sommaire.

Il est, par conséquent, nécessaire que les candidates à la PMA soient informées de ces risques. Un défaut d’information, alors qu’une littérature scientifique sérieuse et documentée est disponible à la suite de la publication de plusieurs études menées dans des pays différents, serait de nature à engager la responsabilité des médecins qui n’auraient pas averti leurs patientes des dangers de ces techniques.

C’est pour ces raisons que je propose une nouvelle rédaction de la fin de l’alinéa 39. Pour qu’il n’y ait pas de malentendu, je précise que ce n’est en rien discriminatoire ou stigmatisant. C’est ne pas donner cette information qui le serait puisque cela créerait une inégalité entre les personnes ayant un projet parental.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Vous sous-entendez que l’information appropriée n’est pas donnée par les équipes clinicobiologiques, alors que c’est leur devoir. C’est d’ailleurs le devoir des soignants envers toute femme enceinte, et pas seulement dans le cas d’une AMP, car toute grossesse présente un risque. Cela intervient parfois même avant la grossesse, puisque la contraception peut être prescrite pour raison médicale. Tout ce qui touche à la procréation doit naturellement être et est effectivement l’objet de précisions sur les méthodes alternatives existantes, sur les modalités de suivi, sur les moyens de prévenir les risques inhérents à cet acte.

Par ailleurs, il ne revient pas aux équipes médicales de vanter la valeur des conseillers conjugaux que vous mentionnez dans votre exposé sommaire. Chacun, selon ses convictions ou ses souhaits, peut y faire appel ou solliciter les méthodes alternatives que vous appelez de vos vœux, mais cet accompagnement ne relève pas du champ médical. Nous inscrivons dans la loi ce que l’équipe clinicobiologique doit apporter à toutes les femmes bénéficiant d’une AMP.

Par conséquent, l’avis est défavorable.

La commission rejette lamendement n° 534.

Elle est saisie de lamendement n° 73 de Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. L’alinéa 40 prévoit l’obligation d’informer le couple « de l’impossibilité de réaliser un transfert des embryons conservés en cas de rupture du couple, ainsi que des dispositions applicables en cas de décès d’un des membres du couple ». Cette formulation me paraît inutilement compliquée ; d’ailleurs, je ne la comprends pas. Je propose donc de la simplifier pour écrire « en cas de rupture du couple ou de décès d’un des membres du couple ».

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. La mort de l’un des deux membres du couple n’est pas assimilable à une rupture, ce qui justifie la distinction des deux membres de la phrase. Par ailleurs, des dispositions autres que l’impossibilité de réaliser un transfert des embryons s’appliquent en cas de décès d’un des membres du couple. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement n° 73.

Elle est saisie de lamendement n° 97 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. L’amendement vise à insérer, à l’alinéa 41, les termes « précis et compréhensible » après le mot « dossier-guide ». Il s’agit à nouveau de s’assurer que les personnes qui auront recours à la PMA seront parfaitement informées. Le sujet est suffisamment compliqué pour justifier cette précision.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur.  Il faut faire confiance aux équipes qui conçoivent le dossier-guide ; elles ont suffisamment de savoir-faire pédagogique pour rédiger des textes intelligibles. Votre proposition est pleine de bon sens mais je ne vois pas en quoi inscrire une telle précision dans un texte législatif pourrait leur être utile. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement n° 97.

Elle examine les amendements identiques n° 303 de M. Xavier Breton et n° 386 de M. Patrick Hetzel.

Mme Annie Genevard. L’amendement de M. Breton vise à offrir aux candidats à la PMA l’information la plus éclairée qui soit.

M. Patrick Hetzel. Je tiens à saluer ce que nous vivons depuis lundi soir, à savoir une distanciation gouvernementale d’une partie du groupe La République en marche, même si je n’approuve pas ce qui motive celle-ci sur le fond. Par rapport à la première lecture, de nouvelles lignes rouges sont franchies, notamment sur la méthode de réception des ovocytes de la partenaire (ROPA). Il y a une dérive dont nous devons prendre acte.

L’amendement n° 386 vise à garantir l’information la plus complète aux personnes qui se lancent dans le processus de PMA, notamment sur les risques associés à la stimulation ovarienne et à la ponction ovocytaire. Une fois encore, ces techniques ne sont pas sans incidence pour les parturientes et les enfants à naître.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Parmi les couples qui entament une difficile procédure de fécondation in vitro, je doute qu’il y en ait un seul qui ne soit pas informé des chances de succès, de la nécessité de devoir répéter les tentatives et de tous les risques que celles-ci comportent pour la femme. Vous avez raison, tous ces éléments doivent être indiqués aux demandeurs, et c’est d’ailleurs déjà le cas. Ils doivent toutefois être inscrits, non pas dans la loi, mais dans les guides de bonnes pratiques, où ils doivent être très précisément détaillés. Il n’est pas nécessaire de déployer dans ce texte un inventaire à la Prévert de la totalité de ce qu’on peut imaginer au sujet de toutes ces techniques.

Il faut évidemment toujours s’assurer que les femmes entendent bien le message, car une chose est d’informer, une autre est que ce soit compris, entendu et intégré par les personnes concernées. C’est plutôt sur ce point que nous devrions porter notre attention.

Je ne m’attacherai pas aux digressions vers lesquelles vous voulez m’entraîner, monsieur Hetzel, et je m’en tiendrai aux amendements, qui me paraissent devoir être retirés car ils ne relèvent pas du domaine de la loi.

La commission rejette les amendements n° 303 et 386.

Elle est saisie de lamendement n° 98 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Toujours afin de s’assurer que les personnes ayant recours à la PMA sont parfaitement informées, nous souhaitons que le dossier-guide comporte un recueil des conclusions des dernières études diligentées à travers le monde sur les risques et les désordres médicaux engendrés par cette technique chez les enfants ainsi conçus et les femmes y ayant recours.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. À nouveau, madame Ménard, si je partage votre objectif, il ne me paraît pas pertinent d’introduire ces éléments dans la loi. Et d’expérience, je peux vous dire que tous les guides qui sont remis, aussi complets soient-ils, ne valent jamais un bon dialogue entre l’équipe médicale et les patientes. Malgré la diffusion de ces documents, le taux de non-observance constaté est de 50 % ; il chute à 20 % lorsqu’il y a un dialogue au moment de la consultation.

Vous avez raison, les guides de bonnes pratiques doivent comporter les éléments que vous mentionnez. Il est toutefois inutile de le préciser dans la loi. En revanche, nous devons toujours insister sur la nécessité du dialogue indépendamment des textes écrits remis aux patientes. L’avis est défavorable.

La commission rejette lamendement n° 98.

Elle examine les amendements identiques n° 304 de M. Xavier Breton, n° 387 de M. Patrick Hetzel et n° 815 de M. Thibault Bazin.

M. Patrick Hetzel. Les risques d’insuccès ne sont pas les seuls à devoir faire l’objet d’une information. Il y a aussi des risques médicaux pour les enfants, qui sont souvent négligés. Il pourrait donc être pertinent de préciser que les techniques naturelles de procréation peuvent aussi constituer une alternative à l’AMP.

M. Thibault Bazin. Nous proposons d’inclure dans le dispositif d’information un descriptif sommaire des méthodes alternatives, dont les résultats encourageants, supérieurs à ceux de la PMA, permettent de restaurer la fertilité féminine et masculine et d’éviter les fausses couches, en particulier dans le cas des fausses couches à répétition, qui sont une véritable souffrance pour les femmes.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je salue l’inventivité de vos propositions, mais je ne suis pas sûr qu’elles répondent toujours à la demande des femmes seules ou des couples de femmes qui désirent une AMP. Ce sont des pistes intéressantes, qui témoignent de la variété de ce qui est actuellement produit autour de la procréation. Pour autant elles n’ont pas leur place dans cette loi. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements identiques n° 304, 387 et 815.

Elle examine lamendement n° 1042 de Mme Anne-France Brunet. 

Mme Anne-France Brunet. Le secret entourant les dons de gamètes peut avoir des conséquences catastrophiques sur le développement, l’équilibre familial et l’intégration sociale d’enfants qui, lorsqu’ils sont nés de couples hétérosexuels, n’apprennent que très tardivement qu’ils sont issus d’un don.

Cet amendement vise à inciter les parents – hétérosexuels ou homosexuels – à créer les conditions favorables à l’information du jeune enfant issu d’un don sur les circonstances de sa naissance. Il ne prévoit aucune mesure coercitive à l’endroit des parents et a comme motivation principale l’intérêt supérieur de l’enfant.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je regrette que nos collègues du Sénat aient retiré cet alinéa de l’article 1er que nous avions adopté en première lecture. Il est important que les enfants puissent avoir accès à leurs origines, et donc, en premier lieu, savoir qu’ils sont nés d’un tiers donneur. Demain, ils le sauront inévitablement lorsque leurs parents seront des couples de femmes ou des femmes seules ; mais, aujourd’hui, en France, la majorité des enfants nés d’un don l’ignorent.

Au nom de cette doxa privilégiant le secret, beaucoup d’enfants n’ont fait cette découverte que très tardivement et dans des conditions très douloureuses, qui ont évidemment fissuré le ciment familial. Au contraire, lorsqu’on explique tôt au jeune enfant qu’il est issu d’un tiers donneur, il l’accepte sans difficulté et cela ne remet guère en cause le respect qu’il a pour ses parents. C’est Marcel Pagnol qui l’a dit : le père, c’est celui qui aime, pas celui qui a donné ses spermatozoïdes. Avis très favorable.

Mme Emmanuelle Ménard. Je ne suis pas fondamentalement opposée à cet amendement, mais je m’interroge sur votre cohérence. Depuis tout à l’heure, vous refusez tous nos amendements portant sur l’information à fournir aux femmes en matière de risques des techniques de PMA, au motif qu’ils n’auraient pas leur place dans la loi, mais vous acceptez ici d’y inscrire une disposition relative à l’information des enfants au sujet de leur conception. Il y a bien deux poids, deux mesures.

Sur le fond, par ailleurs, cet amendement introduit une forme de discrimination envers les couples hétérosexuels, puisque, sous prétexte que le recours à un tiers donneur est une évidence chez les couples homosexuels, vous allez obliger les parents hétérosexuels à transmettre également cette information qui, pour le coup, n’a rien d’évident.

Mme Annie Genevard. Lors de nos auditions, un célèbre pédopsychiatre a insisté sur la liberté qui devait être laissée aux couples d’informer ou non leur enfant qu’il est issu d’un don ; dans le cas d’un couple hétérosexuel, cette liberté doit leur être garantie. Je crains que cette disposition, si elle était adoptée, ne restreigne la liberté des couples hétérosexuels.

M. Fabien Di Filippo. Je rejoins le rapporteur sur un point : la vie nous apprend que nos géniteurs ne peuvent pas ou ne veulent pas toujours être nos parents.

Ce qui nous pose problème en l’occurrence, c’est moins le fait que les enfants doivent absolument être élevés par un papa ou une maman, mais que des enfants grandissent sans avoir la possibilité de savoir qui est leur père. Ce n’est pas acceptable. On ne peut faire ce genre de révélation à un adolescent ou à un jeune adulte qui s’est déjà construit. C’est un poids beaucoup trop lourd à porter.

Mme Agnès Thill. Nous sommes en train de légiférer uniquement pour satisfaire les désirs individuels d’une catégorie minoritaire de personnes, ce qui me pose un problème. Quand il légifère, le législateur doit en effet considérer le corps social dans son ensemble, car si l’on prend en compte les désirs des uns et des autres, chacun tirera la couverture à soi, et la loi du plus fort l’emportera. Je ne veux pas d’une société gouvernée par les désirs individuels.

En l’occurrence, une minorité peut-elle ici imposer ses règles aux autres, qui n’avaient rien demandé et voient leur liberté remise en question ?

M. Patrick Hetzel. On nous avait assuré en première lecture que ce texte de loi ne changerait strictement rien aux droits actuels des couples hétérosexuels. Or cet amendement modifie la donne pour ces derniers, ce qui n’était pas annoncé. Il faut le dire clairement.

Camille Galliard-Minier. Ce texte ne modifie en rien les droits des couples hétérosexuels, puisque cet amendement ne les oblige à rien mais les incite à informer leurs enfants : je connais les dégâts causés par la découverte de son adoption plénière portée en mention marginale sur son acte de naissance intégral, que l’on se procure, par exemple, au moment de se marier.

Nous souhaitons simplement éviter les dégâts que peuvent causer dans une famille les secrets liés à la naissance. Les opposants à ce texte se targuent de porter les intérêts de l’enfant, tandis que nous ne défendrions que les parents : on voit ici que ce n’est pas toujours le cas.

M. Pierre Dharréville. Je regrette que notre débat n’ait pas la même richesse que celui que nous avons eu en première lecture, car les sujets que nous abordons sont complexes et méritent un peu de dialectique. Si je mesure les conséquences que peuvent avoir sur les enfants les secrets de famille, il me semble que les parents en ont aussi conscience et que le plus important est surtout de les aider à réfléchir sur la meilleure façon d’aborder ces questions, dans l’intérêt de l’enfant. C’est la raison pour laquelle je ne formulerais pas nécessairement l’amendement tel qu’il l’est. Tout cela mérite, selon moi, davantage de nuances.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Madame Ménard, il n’y a pas deux poids et deux mesures, mais comprenez qu’il est plus raisonnable que les risques associés à la procréation médicalement assistée figurent dans les guides de bonnes pratiques plutôt que dans la loi, qui ne peut tous les recenser.

Cet amendement, quant à lui, anticipe sur le droit pour l’enfant d’accéder à ses origines, que nous allons voter – nous y sommes quasiment contraints par les règles européennes qui mentionnent le droit de l’enfant à connaître ses origines. Pour cela, il est préférable qu’en amont les parents aient informé l’enfant des conditions de sa naissance, ce que nous leur recommandons. Ainsi, lors de sa majorité, il pourra, s’il le souhaite, obtenir les informations qu’il désire.

Par ailleurs, vous parlez de discrimination envers les couples hétérosexuels : ce sont les enfants de ces couples hétérosexuels qui sont aujourd’hui discriminés, puisqu’ils ne sont pas informés, dans la majorité des cas, du don dont ils sont issus. Il est donc important que nous incitions les parents, sans les y obliger, à informer les enfants. Nous sommes toujours les garants de l’intérêt supérieur de l’enfant et, en cas de conflit entre l’intérêt supérieur de l’enfant et l’intérêt supérieur des parents, nous privilégions systématiquement l’intérêt supérieur de l’enfant.

La commission adopte lamendement n° 1042.

Elle examine les amendements identiques n° 305 de M. Xavier Breton et n° 388 de M. Patrick Hetzel.

Mme Annie Genevard. L’amendement n° 305 propose que les deux membres du couple soient informés de l’existence et du devenir des embryons dits surnuméraires et qu’une preuve écrite de cette information soit conservée dans le dossier.

M. Patrick Hetzel. Nous sommes un certain nombre à être très réticents vis-à-vis de la conservation d’embryons surnuméraires, sachant que dans les pays où elle n’a pas cours, la PMA fonctionne néanmoins. Nous souhaitons donc à tous le moins que cette conservation soit formalisée.

Le nombre des embryons surnuméraires est énorme – 230 000 – et plusieurs questions éthiques se posent les concernant, sachant qu’ils sont voués soit à la destruction, soit à alimenter la recherche, soit encore à faire l’objet de dons.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Le devenir des embryons ne me semble pas devoir relever du dossier-guide destiné à informer les parents de ce qui les attend quand ils s’engagent dans un parcours d’AMP. Ils sont informés de l’existence et du devenir des embryons surnuméraires dès lors qu’ils recourent à une fécondation in vitro, mais les embryons surnuméraires n’ont rien à voir avec le parcours de l’AMP habituelle.

Le code de la santé publique prévoit d’ailleurs que les couples dont les embryons sont conservés sont consultés chaque année sur le point de savoir s’ils maintiennent leur projet parental. Le devenir de ces embryons surnuméraires est ainsi décidé dans ce dialogue entre l’équipe médicale et les parents qui ont donné les gamètes à l’origine de l’embryon. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements n° 305 et n° 388.

Elle est saisie de lamendement n° 183 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Dans la législation actuelle, il est précisé que le consentement ne peut être confirmé qu’à l’expiration d’un délai de réflexion d’un mois à l’issue du dernier entretien. Cela est supprimé dans la version du projet de loi que vous nous proposez : ne serait-il pas pertinent de le conserver ?

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Il apparaît, selon les réponses données par le Gouvernement, que la notion de « dernier entretien » n’était pas un repère fiable. On ne sait jamais s’il s’agit du dernier entretien, car une demande d’information complémentaire nécessitant un nouvel entretien est toujours possible. C’est le terme des étapes prévues – évaluation, information et remise d’un dossier-guide – qui constitue un repère objectif. Je vous invite donc à retirer votre amendement.

La commission rejette lamendement n° 183.

Elle est saisie de lamendement n° 1352 de M. Didier Martin.

M. Didier Martin. Il s’agit de mettre fin à l’obligation d’appariement entre le couple ou la femme non mariée et le tiers donneur sur la base de leur apparence physique ou de leur origine ethnique.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Nous avons mis fin, hier, à l’obligation d’appariement ; votre amendement est donc satisfait.

Lamendement n° 1352 est retiré.

La commission est saisie de lamendement n° 184 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. L’alinéa 48 semble permettre que l’AMP puisse être réalisée par un autre médecin que celui qui a participé aux entretiens lorsque les demandeurs ne remplissent pas les conditions prévues. Il est préférable de le reformuler car, quand les conditions ne sont pas réunies, il convient de s’assurer que l’AMP ne sera pas mise en œuvre, y compris sur d’autres sites.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. La formulation que vous proposez prête encore plus à confusion, car vous ne mentionnez plus la nécessité de l’interaction entre le médecin et les demandeurs. Pour que ce refus soit opposable et accepté, il faut bien qu’à un moment ou à un autre, les demandeurs voient un médecin et échangent avec lui.

Je vous suggère donc de retravailler cet amendement pour que nous le réexaminions en séance.

Lamendement n° 184 est retiré.

La commission examine lamendement n° 1008 de M. Bastien Lachaud.

M. Bastien Lachaud. L’objectif de cet amendement est d’encourager la pluridisciplinarité et surtout la collégialité de l’avis. La formulation actuelle du projet de loi laisse à penser qu’un médecin seul, certes après concertation, va pouvoir décider de la possibilité pour des couples de recourir ou non à l’aide médicale à la procréation. Cela revient à conférer un très grand pouvoir à une seule personne, avec très peu de garanties, pour décider de l’avenir d’une famille. Nous proposons donc que la décision soit prise collégialement par l’ensemble des membres du centre.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Avis défavorable. La décision du médecin doit évidemment s’appuyer sur la concertation qu’il mène avec l’ensemble de l’équipe clinicobiologique, mais votre amendement ajoute plus de confusion qu’il n’en enlève puisque tous les membres de l’équipe, contrairement au médecin qui prend la décision, n’ont pas assisté à l’ensemble des étapes.

Il faut bien qu’à un moment donné, tous les éléments soient synthétisés par une personne, en l’occurrence le médecin responsable, d’ailleurs investi de toute la confiance de la femme concernée. Cette pratique doit être pérennisée, non seulement parce qu’elle donne aujourd’hui satisfaction aux parturientes mais aussi parce qu’elle permet le bon fonctionnement d’une équipe où tout le monde coopère, sous l’égide d’un médecin responsable.

La commission rejette lamendement n° 1008.

Elle est saisie de lamendement n° 1218 de Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe.

Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. Les professionnels des CECOS nous ont signalé le manque d’harmonisation des entretiens et de l’évaluation médicale entre les différents services de PMA, et donc le risque de vagabondage des futurs parents. Nous proposons donc de compléter l’article L. 2141 du code de la santé publique en créant un référentiel national fixant des indicateurs d’appréciation des critères d’évaluation. Certains professionnels estiment manquer de critères objectifs pour ajourner ou non une demande, et un référentiel permettrait que leurs décisions soient davantage éclairées. Faut-il le répéter, une démarche de PMA est bien différente d’une conception naturelle, et ces techniques contraignantes et difficiles peuvent avoir un impact non seulement sur les couples mais aussi sur la structure familiale future.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Au-delà des bonnes pratiques, la décision relève aussi du colloque singulier entre le médecin et les demandeurs, et votre proposition me semble difficile à mettre en œuvre, car elle pourrait conduire le médecin qui prend la décision à appliquer des critères pas toujours adaptés aux parcours sur lesquels il est amené à se prononcer. Par ailleurs, l’édiction de critères peut potentiellement conduire à des discriminations difficilement justifiables. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement n° 1218.

Elle est saisie de lamendement n° 1010 de M. Bastien Lachaud.

M. Bastien Lachaud. Il s’agit de permettre que les décisions de refus puissent faire l’objet d’un recours devant le juge.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Votre amendement est déjà satisfait par les dispositions applicables aux litiges médicaux. Comme toute décision administrative, celle qui conduit à un refus de pratiquer une AMP peut être contestée, d’abord devant une commission de recours amiable, puis devant un tribunal spécialisé. Demande de retrait.

M. Bastien Lachaud. La loi étant souvent bavarde, autant qu’elle soit bavarde ici aussi.

La commission rejette lamendement n° 1010.

Suivant lavis défavorable du rapporteur, elle rejette lamendement n° 185 de M. Thibault Bazin.

La commission examine lamendement n° 389 de M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Il s’agit de réintroduire dans le texte la référence au juge aux affaires familiales de la commune de résidence, en plus du notaire.

Le code civil précise que l’action en recherche de paternité consiste à apporter la preuve que l’homme est bien le géniteur. Si une action en recherche de paternité est engagée, c’est précisément que l’homme qui en fait l’objet n’avait pas de projet parental. Le juge pourra néanmoins déclarer qu’en tant que géniteur, il est également le père de l’enfant.

Sur une question comme celle-ci, il est regrettable que le Gouvernement ne soit pas là pour nous éclairer, car nous sommes en train de jouer les apprentis sorciers. Vous pouvez faire de belles déclarations et citer Pagnol, monsieur le rapporteur, ce qui vaut, en matière de recherche de paternité, c’est le code civil !

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Pour de multiples raisons, la loi de 2019 portant réforme de la justice a confié au notaire le soin de recueillir les consentements. En voulant que le juge s’en charge, vous transgressez la loi. Libre à vous de réformer la justice plus tard si vous le souhaitez, mais, en l’espèce, nous appliquons la loi que vous avez votée et qui a été promulguée l’an dernier. Avis défavorable.

M. Bastien Lachaud. Je suis d’accord avec M. Hetzel. Pourquoi le notaire aurait-il seul la capacité de recueillir le consentement, alors que passer devant un juge est, non seulement plus simple, mais gratuit ?

Cela implique certes de modifier la loi portant réforme de la justice, mais comme nous avons voté contre cette loi, nous serons cohérents et soutiendrons cet amendement.

M. Pascal Brindeau. L’argumentation du rapporteur ne tient pas : dans le texte que nous examinons, nous modifions des dispositions du code de la santé publique et du code civil ; au nom de quel principe ne pourrions-nous pas modifier la loi sur la justice, si le législateur en décide ainsi ?

M. Maxime Minot.  Pour une fois, je suis d’accord avec M. Hetzel qui nous propose un amendement de bon sens.

Nous sommes ici pour lutter contre les discriminations et permettre à toutes les femmes d’accéder à la PMA. Or passer devant un notaire à un coût, ce qui peut être discriminant. Je voterai cet amendement.

La commission rejette lamendement n° 389.

Elle examine les amendements identiques n° 123 de M. Guillaume Chiche, n° 948 de M. Maxime Minot et n° 1119 de Mme Sylvia Pinel.

M. Guillaume Chiche. Notre amendement vise à permettre aux demandeurs qui le souhaitent de renoncer à un appariement fondé sur leur apparence physique ou leur origine ethnique. Cette pratique a conduit à un allongement des délais, lorsque peu de donneurs compatibles sont disponibles, en particulier pour certaines ethnies ou lorsque la liste des critères est longue. Aucune femme ne doit renoncer à son projet parental à cause de ses caractéristiques physiques ou de son origine ethnique.

M. Maxime Minot. Dans la mesure où l’on craint une pénurie de donneurs, il paraît sage que les demandeurs puissent renoncer par écrit à un appariement avec le donneur ou la donneuse.

Mme Sylvia Pinel. Nous avons adopté hier soir un amendement allant dans ce sens et permettant de renoncer par écrit à l’appariement afin d’éviter l’allongement des délais, qui peuvent, dans certains centres, varier de un à trois ans.

M. Jean-Louis Touraine.  En effet, nous avons voté hier un amendement pour permettre à ceux qui le souhaitent de renoncer à l’appariement. Vos amendements sont donc satisfaits.

M. Guillaume Chiche. Dans ce cas, je ne comprends pas pourquoi ces amendements n’ont pas été soumis à discussion commune, hier.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Si nous les examinons maintenant, c’est parce que vous avez choisi de les faire porter sur l’alinéa 49. Il s’agissait hier d’un autre alinéa, mais la disposition que vous proposez a bien été introduite dans le texte. Il n’est pas nécessaire de la répéter.

M. Maxime Minot.  Pour montrer que la droite n’est pas sectaire – du moins en ce qui me concerne –, je retire mon amendement.

Les amendements n° 123, 948 et 1119 sont retirés.

La commission examine lamendement n° 1120 de Mme Sylvia Pinel. 

Mme Sylvia Pinel. Pour éviter toute discrimination, les décisions des centres d’AMP doivent être plus transparentes et le traitement des demandes harmonisé. En cas de refus ou de report, la communication des motivations permettra d’écarter tout risque de contentieux. L’objectif est aussi d’éviter le nomadisme des patients entre des centres aux pratiques diverses.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Trop souvent en France, les décisions ne sont pas argumentées. Il est souhaitable que les personnes aient communication par écrit de la décision motivée. Un arrêté, qui fixe les bonnes pratiques dans ce domaine, le prévoit déjà, mais l’inscrire dans la loi serait utile. Avis favorable.

Mme Annie Genevard. Que les médecins aient à justifier leur décision par écrit en choisissant les mots adéquats pour éviter un recours, voire une mise en cause judiciaire pour discrimination, me semble de nature à restreindre la liberté médicale. Je ne comprends pas votre avis, monsieur le rapporteur, vous qui avez souvent plaidé pour le respect de la liberté médicale, prôné la confiance et alerté sur la tendance à tout encadrer.

M. Guillaume Chiche. Il ne s’agit pas ici d’opposer le corps médical et les patients, mais les personnes engagées dans le parcours particulièrement éprouvant et douloureux de l’AMP doivent disposer d’informations éclairées et étayées pour accepter une décision de refus ou de report. Pour la bonne conduite du projet, fournir un maximum d’explications à un couple hétérosexuel, lesbien ou à une femme célibataire est constructif.

M. Bastien Lachaud. Dans notre pays, le droit écrit a toujours été le moyen de faire reculer l’arbitraire, les inégalités et l’injustice. Les médecins sauront trouver les mots pour justifier le refus.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. La confiance que je prône dans le corps médical n’est pas incompatible avec le souhait que toutes les décisions soient expliquées. La médecine n’est pas seulement question d’expertise, elle est aussi l’art de la pédagogie. Au service des patients, elle a le devoir de toujours expliquer. Le patient devra supporter les conséquences de la décision ; la moindre des choses est qu’il dispose de tous les éléments qui la justifient. Et comme l’a dit M. Lachaud, l’écrit a toujours permis de faire reculer l’arbitraire.

La commission adopte lamendement n° 1120.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements identiques n° 1456 du rapporteur, n° 793 de M. Jacques Marilossian et n° 1313 de Mme Aurore Bergé, et lamendement n° 1003 de Mme Danièle Obono.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Il convient de revenir sur l’inégalité de traitement réservée aux couples de même sexe ou aux femmes non mariées dans l’accès au remboursement des actes pratiqués dans le cadre d’une AMP. J’y vois la marque d’un déficit de solidarité.

M. Jacques Marilossian. Le Conseil d’État, dans son étude de 2018 sur la révision de la loi de bioéthique, notait : « il paraît exclu, pour des raisons juridiques, d’établir un régime différent de prise en charge au regard de la seule orientation sexuelle ». En introduisant cette disposition, les sénateurs semblent penser que certains couples chercheraient à employer des techniques d’AMP pour avoir un enfant, comme d’autres s’achèteraient un objet. J’estime que cette disposition viole l’égalité entre citoyens.

Mme Aurore Bergé.  Il s’agit de supprimer cette disposition et de rétablir la prise en charge intégrale des actes d’AMP pour toutes et tous. Un droit qui serait suspendu à la capacité financière des femmes seules et des couples lesbiens ne serait pas effectif.

M. Bastien Lachaud. Avec ces alinéas discriminatoires, qui créent des citoyens à deux vitesses, nous sommes bien au cœur de l’œuvre réactionnaire du Sénat ! Il convient de les supprimer et de rétablir l’égalité d’accès à l’AMP par la prise en charge de l’assurance maladie. C’est l’objet de l’amendement n° 1003.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. C’est l’honneur de notre assemblée que de rétablir cette égalité d’accès. Les sénateurs devront bien s’y habituer, car il n’y a aucune raison que les femmes seules, les couples lesbiens et les couples hétérosexuels sans infertilité médicalement prouvée ne bénéficient pas de la prise en charge par la solidarité nationale.

M. Thibault Bazin.  C’est avant tout une question de principe. La sécurité sociale prendrait en charge un acte qui n’est pas lié à la pathologie, ce qui pose la question de l’adhésion, rien moins que certaine, des assurés à un tel remboursement. Ne sommes-nous pas en train de dévoyer les principes de la sécurité sociale ? Pourquoi prendrait-elle en charge des actes pratiqués à la demande de personnes non malades ? Si cette incohérence existe, c’est que vous avez souhaité supprimer le critère thérapeutique.

M. Patrick Hetzel. Vous voulez changer de paradigme. Vous bousculez le schéma actuel selon lequel une AMP est décidée lorsqu’une infertilité est constatée, ce qui déclenche une prise en charge par la sécurité sociale. La question suscite pourtant bien des débats parmi nos concitoyens et mérite une attention particulière, dans un contexte où les ressources sont rares. C’est une nouvelle ligne rouge qui est franchie. Il n’y a plus de limite !

M. Fabien Di Filippo. Lors du dernier quinquennat, la gauche, à laquelle certains de vous appartenaient, a créé le concept d’infertilité sociale. La prise en charge des dépenses qui visent à surmonter une infertilité sociale constitue une aide sociale. Ce que vous appelez une avancée sociétale est une dérive, et pour nos finances publiques et pour l’égalité entre citoyens !

Mme Annie Genevard.  Ce serait faire injure à l’intelligence des sénateurs que de laisser croire que leur position serait dictée par de basses considérations matérielles et la volonté de faire des économies ! Ils questionnent simplement la finalité de la PMA. Jusqu’à présent, la PMA à la française consistait à répondre à l’impossibilité de concevoir par les voies naturelles. En envisageant la prise en charge par l’assurance maladie de tous les actes, vous changez le statut de la PMA.

Mme Emmanuelle Ménard. Le Sénat est cohérent puisqu’il souhaite réserver la PMA, et sa prise en charge, aux couples infertiles. Mais pardonnez-moi de revenir à d’autres réalités : le déficit de l’assurance maladie est abyssal, et alors que la Cour des comptes tablait avant la crise sur un déficit de 5,4 milliards d’euros – avec un manque de moyens criant, dénoncé quotidiennement par le personnel hospitalier –, on annonce désormais qu’il atteindra 52,2 milliards ! Or le coût de l’ouverture de la PMA ne sera pas de 15 millions, comme vous le soutenez, mais dépassera les 100 millions par an – je tiens les chiffres à votre disposition.

Mme Agnès Thill.  Il ne s’agit pas là d’un acte médical mais de la satisfaction d’un désir. Inutile de préciser qu’il nous est rigoureusement impossible de creuser de 200 à 300 millions d’euros supplémentaires le déficit de 52,2 milliards pour rembourser un acte de convenance !

M. Jean-François Eliaou. Qui dit mieux, à 400 millions d’euros ?

M. Pascal Brindeau. À partir du moment où l’AMP devient un instrument social d’accès à la parentalité et que vous supprimez le critère thérapeutique, pathologique ou médical – les termes sont discutables –, vous ne pouvez pas faire supporter à la branche maladie le coût de ces actes. Les sénateurs sont parfaitement cohérents et n’ont introduit, avec cette disposition, aucune discrimination.

M. Guillaume Chiche.  Il s’agit de consacrer un droit réel, et non formel, en prévoyant la prise en charge intégrale des actes liés à une AMP sans considération du statut matrimonial ou de l’orientation sexuelle des personnes concernées. Dans tous les cas, lorsque l’on pratique une AMP, on ne traite pas une pathologie, on la contourne techniquement – l’enfant conçu, la personne demeure infertile. En outre, la sécurité sociale prend déjà en charge des actes de médecine sportive ou de chirurgie qui ne relèvent pas du traitement d’une pathologie.

Mme Sereine Mauborgne.  Les actes remboursés par la sécurité sociale peuvent, en effet, être à visée thérapeutique, de diagnostic ou de prévention – vaccination, sport-santé, soins dentaires. Par ailleurs, le constat d’infertilité ne repose pas sur une preuve médicale. Enfin, s’il fallait aller au bout de votre logique, il faudrait demander aux personnes qui concevraient naturellement un deuxième enfant de rembourser les actes d’AMP ayant permis la naissance de l’aîné. Quel cynisme !

Mme Marie-Noëlle Battistel. Pour 15 % des couples ayant recours à l’AMP, l’infertilité n’est pas expliquée. Faudrait-il alors revenir sur la prise en charge de ces actes ?

Mme Anne-France Brunet. Il convient de garantir l’égalité entre toutes les femmes susceptibles de concevoir par PMA et, a fortiori, l’égalité entre les enfants qui en seront issus. Ces enfants de la nation auront des devoirs mais aussi des droits : pourquoi introduire une discrimination fondée sur le statut matrimonial ou l’orientation sexuelle de leurs parents ?

M. Didier Martin.  L’AMP est un acte médical, et comme tous les actes médicaux, doit être prise en charge par la sécurité sociale. La droite, qui était contre le remboursement de la contraception et de l’IVG, exprime ici l’une de ses constantes.

M. Pierre Dharréville.  Si l’on ouvre ce droit, il faut l’ouvrir jusqu’au bout. Il doit être plein et entier, sans biais hypocrite.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. L’AMP n’est pas un acte thérapeutique. Cette technique est proposée aux couples non stériles qui ne parviennent pas à procréer et aux couples dont l’un des membres est porteur d’une maladie transmissible.

La branche maladie de la sécurité sociale, qui devrait être nommée assurance santé, ne prend pas en charge seulement des actes thérapeutiques, mais aussi l’IVG, les actes de médecine préventive – vaccination, sport-santé –, la chirurgie reconstructive, et ce, depuis des dizaines d’années. Nous ne sommes donc pas en train de changer de paradigme !

Il me semble que ce n’est pas pour diminuer le déficit de la sécurité sociale que certains députés et sénateurs refusent la prise en charge de certains actes d’AMP, mais simplement pour rendre plus difficile le recours à ces techniques. De la même manière, les nostalgiques du temps où l’IVG était interdite ont refusé sa prise en charge.

La commission adopte les amendements identiques n° 1456, 793 et 1313.

En conséquence, lamendement n° 1003 tombe ainsi que lamendement n° 119 de Mme Emmanuelle Ménard.

La commission est saisie de lamendement n° 1004 de M. Bastien Lachaud, qui fait lobjet du sous-amendement n° 1610 de Mme Agnès Thill. 

M. Bastien Lachaud.  Nous proposons de rétablir la version initiale du texte en ce qui concerne la prise en charge par la sécurité sociale de la PMA, sans distinction fondée sur l’orientation sexuelle, le genre ou le statut matrimonial.

Mme Agnès Thill. Mon sous-amendement permet de relancer le débat sur le remboursement de la PMA, très problématique. « Elles font ce qu’elles veulent mais ce n’est pas moi qui paye », m’a dit l’un de mes villageois. C’est ainsi que cette disposition peut être ressentie, et je doute qu’elle fasse plaisir à beaucoup ! Nous vous avions bien dit qu’il n’était pas urgent de discuter de ce projet de loi et que ce débat allait diviser la société ! Alors que beaucoup de gens sont dans une situation précaire, nous traitons d’une minorité. Et nous ne pouvons pas davantage creuser le déficit de la sécurité sociale en remboursant cet acte de convenance !

M. Jean-Louis Touraine. Le coût de l’ouverture de l’AMP représente 0,007 % des dépenses de l’assurance maladie, ne parlez donc pas du déficit ! Avis défavorable sur le sous-amendement. L’amendement de M. Lachaud est satisfait.

La commission rejette successivement le sous-amendement n° 1610 et lamendement n° 1004.

Elle est saisie des amendements identiques n° 109 de M. Guillaume Chiche, n° 949 de M. Maxime Minot et n° 1121 de Mme Sylvia Pinel. 

M. Guillaume Chiche. Il s’agit de supprimer, à l’alinéa 57, la mention du I de l’article L. 2141-2 du code de la santé publique, afin que tous les actes de PMA soient pris en charge à 100 %.

M. Maxime Minot.  Nous proposons de supprimer les conditions auxquelles est soumis le remboursement par la sécurité sociale.

Mme Sylvia Pinel.  Amendement en cohérence avec le rétablissement de la disposition adoptée en première lecture.

M. Jean-Louis Touraine.  Ces amendements sont satisfaits.

Les amendements n° 949 et 1121 sont retirés.

La commission rejette lamendement n° 109.

Elle examine lamendement n° 1043 de Mme Anne-France Brunet. 

Mme Anne-France Brunet. Je propose que le Gouvernement remette un rapport d’évaluation au Parlement, avant le 31 décembre 2025, sur les dispositions de l’article 1er. Ce rapport s’intéressera notamment aux conséquences de l’ouverture de l’AMP à toutes les femmes sur l’évolution des dons, la prise en charge par l’assurance maladie et les CECOS.

M. Jean-Louis Touraine.  Avis favorable.

Mme Annie Genevard.  La PMA est un projet de société, c’est même, comme l’a dit la garde des sceaux, une révolution. Mais c’est aussi un marché : aux États-Unis, le secteur privé de la PMA, en plein essor, attire les fonds d’investissement. C’est bien sous cet angle qu’il faut envisager la question : quand on sait que 50 % des PMA sont pratiquées dans des cliniques à but lucratif, le remboursement des actes par la sécurité sociale garantit la bonne santé économique du secteur. Il ne faut pas être naïf, des intérêts financiers très puissants sont à l’œuvre sur ce qui est devenu, dans de nombreux pays, un marché fort lucratif !

M. Xavier Breton. Je soutiendrai cet amendement, car tous les rapports qui peuvent contribuer à nourrir le débat sont intéressants. Ils permettent, en outre, aux parlementaires d’exercer leur contrôle et d’interroger le Gouvernement du moment, l’actuel se désengageant de la discussion en n’assistant pas à nos réunions.

M. Guillaume Chiche. Ce rapport, qui sera remis en 2025 à la veille de la prochaine révision de la loi de bioéthique donnera des indications précieuses pour aller plus avant ou revenir sur des dispositions inopérantes. Madame Genevard, je ne pense pas qu’il faille craindre une course à la marchandisation ou une recherche du profit. Les cliniques privées officient aux côtés des hôpitaux publics, elles font partie intégrante de notre système de soins ; il serait bien difficile de s’en priver du fait des difficultés d’accès à la médecine dans de nombreux territoires.

Mme Laëtitia Romeiro Dias.  Je soutiendrai, à l’article 29 A, un amendement rétablissant les délégations parlementaires à la bioéthique, qui seront à même d’évaluer et de mener la réflexion sur les sujets de bioéthique. J’espère donc que cet amendement ne sera pas voté.

M. Patrick Hetzel. Lorsque nous travaillons sur un texte issu du Sénat, l’absence du Gouvernement est un problème. Si le ministre de la santé ne peut se déplacer, trois secrétaires d’État peuvent le remplacer. Nous réclamons leur venue depuis lundi, mais la majorité est à la dérive, en distanciation gouvernementale pré-remaniement. Connaître le point de vue de l’exécutif serait pourtant éclairant : le débat part dans tous les sens et les lignes rouges sont franchies, méthodiquement, les unes après les autres. Faut-il penser que, dans ce pays, le Gouvernement ne gouverne plus ?

Mme Aurore Bergé. Le Gouvernement gouverne et les législateurs légifèrent. Il est de notre responsabilité de légiférer, par nous-mêmes, en deuxième lecture, en affrontant les débats qui traversent chacun des groupes. Votre souhait d’entendre, voire de suivre, l’avis du Gouvernement sera transmis aux ministres, mais je n’ai pas l’impression que nous fassions mal la loi parce que nous la faisons uniquement entre parlementaires.

M. Bastien Lachaud. Pour une fois, je rejoins Mme Bergé et je me réjouis que les parlementaires puissent faire la loi sans être sous la coupe du ministre. En revanche, j’aimerais avoir la garantie que le Gouvernement n’arrivera pas en séance avec une série d’amendements susceptibles de détricoter notre texte.

Mme Annie Genevard. C’est ce qu’il risque de se passer, suscitant colère et irritation. Ce qui me frappe, c’est que nos débats sont moins riches et perdent beaucoup, en matière d’argumentation et de confrontation de points de vue, avec l’absence du Gouvernement. La vision du médecin qu’est le ministre de la santé et de la juriste qu’est la garde des sceaux manquent et déséquilibrent le débat.

M. Thibault Bazin. Le Sénat a modifié certaines dispositions du texte suivant l’avis de sagesse émis par le Gouvernement. C’est la preuve d’un cheminement et de la recherche d’un équilibre. Or il ne semble pas que nous prenions le chemin d’un accord puisque vous rétablissez systématiquement toutes les dispositions que les sénateurs ont touchées. Nous arrivons au terme de l’examen de l’article 1er. En discussion générale, des modifications ont été annoncées. Je m’étonne de ne pas voir d’amendement du rapporteur à l’article 4. Est-ce à dire que le texte du Sénat est parfait ou que vous comptez les déposer juste avant la réunion ? Cela nuirait à un climat apaisé de nos débats.

La commission adopte lamendement n° 1043.

La commission adopte larticle 1er modifié.

Article 1er bis A
Extension du périmètre du rapport annuel dactivité de lAgence de la biomédecine

La commission examine les amendements de suppression n° 1457 du rapporteur, n° 110 de M. Guillaume Chiche, n° 829 de M. Hervé Saulignac, n° 950 de M. Maxime Minot, n° 1046 de Mme Anne-France Brunet, n° 1122 de Mme Sylvia Pinel et n° 1376 de M. Jean-François Mbaye. 

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Monsieur Bazin, nous avions de bonnes raisons d’espérer que les sénateurs rejoignent nos positions, mais le texte issu de la commission au Sénat a été complètement modifié en séance publique. Dès lors qu’elles ont été supprimées, il est normal que nous souhaitions rétablir les dispositions essentielles du projet de loi.

Avec l’article 1er bis A, les sénateurs veulent que le rapport d’activité de l’Agence de la biomédecine comporte une liste des causes et des pathologies qui ont motivé le recours aux techniques de l’AMP. Je partage leur objectif, très louable, de poursuivre la recherche clinique et d’améliorer la satisfaction des personnes concernées, mais cela ne nécessite pas de supprimer, comme ils l’ont fait, les articles 2, sur l’assouplissement du don de gamètes et 2 bis, relatif au plan de lutte contre l’infertilité.

L’exposé des motifs de l’amendement adopté au Sénat se conclut avec une phrase qui ne manque pas de m’interpeller : « Il importe donc de s’assurer que les couples homme-femme ne seront pas victimes d’une discrimination inacceptable ». Dans ce cas, pourquoi avoir refusé le remboursement de l’AMP pour les femmes seules ou en couple ?

Mme Marie-Noëlle Battistel. L’amendement n° 829 vise lui aussi à supprimer l’article. En souhaitant exclure d’office les couples de femmes et les femmes non mariées de la prise en charge par l’assurance maladie, le Sénat a également fait sortir du dispositif un tiers de couples hétérosexuels n’ayant pas de problème de fertilité diagnostiqué et qui avaient jusqu’à présent accès à l’AMP. Par cohérence avec le projet consistant à faire prendre en charge par l’assurance maladie l’AMP pour les couples hétérosexuels, les couples de femmes et les femmes non mariées, il convient de supprimer cet article.

Mme Anne-France Brunet. L’amendement n° 1046 a également pour objet de supprimer l’article 1er bis A. Lister les causes pathologiques permettant d’avoir recours à une AMP risque de créer une discrimination vis-à-vis des couples de femmes et des femmes non mariées pour la prise en charge par la sécurité sociale.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Avis favorable à tous ces amendements.

M. Thibault Bazin. Monsieur le rapporteur, nous sommes ici entre députés. Il est inutile d’interpeller les sénateurs, ils ne peuvent pas vous répondre.

En lisant les exposés sommaires de vos amendements, j’ai l’impression qu’on s’éloigne des dispositions de l’article 1er bis A. Il s’agit seulement de recenser les causes qui motivent le recours à l’AMP, ce qui peut être intéressant. Je ne vois pas l’intérêt de supprimer un article qui apporte quelque chose.

Vous avez évoqué le fameux amendement transpartisan invitant le Gouvernement à concevoir un plan de lutte contre la fertilité. Or il n’est pas nécessaire de voter cette disposition pour que le Gouvernement avance. D’ailleurs, voilà neuf mois que nous nous sommes promis d’agir : le Gouvernement aurait eu le temps de concevoir ce bébé. Il n’en a rien été. Il y a certes eu la crise sanitaire, mais plusieurs mois s’étaient écoulés entre la première lecture et le début de cette crise.

La commission adopte les amendements n° 1457, 110, 829, 950, 1046, 1122 et 1376.

En conséquence, larticle 1er bis A est supprimé et les amendements n° 120 et n° 124 de Mme Emmanuelle Ménard tombent.

Article 1er bis
Rapport relatif à la structuration des centres dassistance médicale à la procréation

La commission examine, en discussion commune, lamendement  827 de M. Hervé Saulignac, faisant lobjet des sous-amendements identiques n° 1571 de M. Xavier Breton et n° 1572 Hetzel, ainsi que les amendements identiques n° 828 de M. Hervé Saulignac, n° 1016 de M. Bastien Lachaud, n° 1123 de Mme Sylvia Pinel, n° 1183 de M. Didier Martin, n° 1185 de M. Philippe Berta et n° 1377 de M. Jean-François Mbaye.

Mme Marie-Noëlle Battistel. L’amendement n° 827 vise à rétablir l’article 1er bis, en ajoutant que le rapport devra préciser les raisons supposées des échecs de l’assistance médicale à la procréation et les dispositions qui pourraient être prises pour les éviter. Il s’agit surtout d’un amendement d’appel, destiné à contourner l’application de la règle de l’entonnoir et à appeler l’attention du Gouvernement sur le diagnostic préimplantatoire des aneuploïdies, qui éviterait de nombreux échecs de l’assistance médicale à la procréation passant par la fécondation in vitro.

La science permet de savoir, par le biais d’une analyse chromosomique, si les embryons sont viables ou s’il y a un risque de fausse couche. Or, en l’état, la loi ne permet pas de procéder à ces examens. Ainsi, même si seulement un embryon sur dix prélevé est viable, tous ont vocation à être implantés.

Le cadre actuel, défini par la loi de bioéthique de 1994 relative au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain, à l’assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal, autorise la pratique du diagnostic génétique préimplantatoire à la seule fin d’éviter la transmission d’une maladie génétique ou chromosomique reconnue d’une particulière gravité pour l’enfant à naître et incurable au moment du diagnostic. Cette partie est bien encadrée et n’a pas donné lieu à des dérives. La mesure proposée serait donc de nature, à terme, à éviter des interruptions médicales de grossesse (IMG), à diminuer le taux de fausses couches, à promouvoir le transfert mono-embryonnaire au bout de cinq ou six jours, à réduire le taux de grossesses gémellaires, et, par conséquent, à améliorer le taux de réussite de la fécondation in vitro.

M. Xavier Breton. Le sous-amendement n° 1571 complète cette demande de rapport au Parlement, afin que soient également étudiés les conditions et les critères d’appariement des gamètes par les CECOS. Le don est anonyme et gratuit. Le choix des gamètes est donc fait par les médecins des CECOS, qui procèdent ensuite à l’appariement entre les gamètes du receveur et du donneur. Il me paraît important que nous ayons aussi une étude sur les critères retenus dans ces appariements, de façon à éviter tout risque d’eugénisme, c’est-à-dire toute méthode qui viserait à améliorer l’espèce humaine en se fondant sur la génétique. Il faut faire la transparence sur cette question.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je suis défavorable aux sous-amendements : ils visent à insérer, dans cette demande d’un rapport élaboré par les centres d’AMP, des éléments relevant des CECOS, alors qu’il s’agit d’instances totalement différentes. Même si, par ailleurs, il est tout à fait souhaitable de demander un rapport aux centres d’AMP, on ne saurait leur demander de fournir ces éléments, qu’ils ne produisent pas et auxquels ils n’ont pas accès.

M. Bastien Lachaud. L’amendement n° 1016 vise à rétablir l’article 1er bis dans sa version initiale, et donc à demander un rapport au Gouvernement sur la structuration des centres d’assistance médicale à la procréation. Il est essentiel pour le Parlement d’être éclairé non seulement sur leur structuration, mais aussi sur les taux de réussite. Il faut être en mesure d’évaluer si l’accès aux techniques d’AMP se fait de façon égale ou si certains territoires sont structurellement défavorisés par des taux de réussite moindres, et savoir s’il est envisageable de faire évoluer la structuration de ces centres. Il convient, en outre, d’évaluer l’opportunité de créer une banque nationale des CECOS, dont l’objectif serait d’augmenter les possibilités d’appariement entre la ou les personnes faisant la PMA et les donneurs de gamètes partout sur le territoire.

M. Didier Martin. L’amendement n° 1183 vise lui aussi à demander au Gouvernement un rapport sur la structuration des centres d’assistance médicale à la procréation, sur leurs taux de réussite respectifs et sur l’opportunité d’une évolution structurelle.

M. Philippe Berta. Nous souhaitons, nous aussi, par l’amendement n° 1185, rétablir l’article pour obtenir un rapport. On s’aperçoit que, dans la centaine de centres de PMA existant en France, le taux de succès varie de 10 % à 25 %. Il y a donc manifestement matière à réflexion et à réorganisation. Certains centres ne pratiquent probablement pas assez de PMA pour garder un niveau de qualité suffisant.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Comme je l’ai dit, je suis défavorable aux sous-amendements. Je le suis également à l’amendement n° 827.

Avis favorable, en revanche, sur les amendements identiques, qui visent à rétablir la demande de rapport que M. Berta avait fait introduire en première lecture. Ce rapport très instructif et bénéfique pour l’évolution du fonctionnement des centres d’AMP – il me semble que nous pouvons tous nous rejoindre sur ce point – sera remis dans un délai de douze mois.

M. Patrick Hetzel. Je pourrais entendre que vous ne soyez pas d’accord avec ce que nous proposons, mais vous ne sauriez vous contenter de répondre qu’on ne peut pas demander cela aux CECOS. Ces données doivent bel et bien figurer dans le rapport gouvernemental.

M. Xavier Breton. Nous n’avons pas parlé d’un rapport remis par les CECOS ; il s’agit bien d’un rapport du Gouvernement faisant le point sur l’appariement. Les amendements sont traités avec partialité : ceux qui émanent de la majorité sont acceptés, quand les nôtres reçoivent des réponses erronées.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Vous n’êtes pas sans savoir que le mode de fonctionnement des CECOS n’a rien à voir avec celui des établissements qui organisent les AMP. Il paraît donc difficile d’englober, dans un même rapport, la totalité de ces éléments. Par exemple, les CECOS sont organisés au niveau départemental, et présentent donc une grande diversité, alors que les centres d’AMP sont soumis à l’autorité des agences régionales de santé, ce qui fait que leur gestion est beaucoup plus coordonnée. Je peux comprendre que vous souhaitiez demander des comptes aux CECOS – c’est aussi mon cas, d’ailleurs –, mais, en pratique, cela ne peut être fait dans le cadre que vous proposez.

La commission rejette successivement les sous-amendements identiques n° 1571 et 1572 et lamendement n° 827, puis adopte les amendements identiques n° 828, 1016, 1123, 1183, 1185 et 1377.

En conséquence, larticle 1er bis est ainsi rétabli.

Article 2 (supprimé)
Assouplissement du don de gamètes et autorisation de leur autoconservation

La commission examine, en discussion commune, lamendement  1437 rectifié du rapporteur, faisant lobjet des sous-amendements n° 1529, 1541, 1594, 1577, 1578, 1579, 1531, 1543, 1595, 1580, 1553, 1606, 1616, 1560, 1532, 1544, 1581, 1596, 1555, 1562, 1535, 1547, 1599, 1582, 1584, 1534, 1546, 1598, 1533, 1545, 1583, 1597, 1618, 1585, 1536, 1548, 1600, 1537, 1549, 1586, 1601, 1539, 1551, 1603, 1538, 1550, 1587, 1602, 1588, 1589, 1540, 1552, 1604, 1590, 1625 et 1626, les amendements identiques n° 640 de M. Pierre Dharréville, n° 832 de M. Hervé Saulignac, n° 910 de Mme Michèle de Vaucouleurs, n° 1047 de Mme Anne-France Brunet, n° 1124 de Mme Sylvia Pinel, n° 1205 de M. Didier Martin et n° 1378 de M. Jean-François Mbaye, ainsi que les amendements n° 1219 de Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, n° 831 et n° 830 de M. Hervé Saulignac, n° 1400 de Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel et n° 1396 de Mme Anne-France Brunet.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. L’amendement n° 1437 rectifié vise à rétablir l’article 2, malencontreusement supprimé en séance publique au Sénat. Cet article est relatif au don de gamètes et à leur autoconservation à des fins non pathologiques. Si je vous suggère de rétablir les éléments importants qu’il comportait, je reconnais volontiers que nos amis sénateurs, lors de l’examen en commission, avaient proposé des réflexions pertinentes. Certaines d’entre elles sont intégrées dans mon amendement, ce qui explique de légères différences par rapport à la rédaction d’il y a neuf mois.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Nous abordons maintenant les sous-amendements à l’amendement n° 1437 rectifié.

M. Xavier Breton. Le sous-amendement n° 1529 vise à préciser que le donneur doit avoir procréé, exigence qui existait jusqu’à la révision des lois de bioéthique de 2011. De fait, il n’est pas anodin de donner ses spermatozoïdes sans avoir déjà procréé, et donner ses ovocytes sans avoir procréé présente des inconvénients. D’une part, le donneur ne peut comprendre pleinement la portée de son geste : c’est le fait d’avoir déjà procréé qui lui permet vraiment de consentir en connaissance de cause. D’autre part, la démarche peut avoir des conséquences psychologiques graves pour le donneur, allant de la préoccupation jusqu’au fantasme nourri à propos des enfants issus du don, notamment s’il n’a pas d’autres enfants.

M. Patrick Hetzel. Le sous-amendement n° 1541 identique est défendu.

Mme Emmanuelle Ménard. Le sous-amendement n° 1594 est aussi identique. Imaginez une personne ayant donné ses gamètes alors qu’elle n’avait pas eu d’enfant, notamment parce qu’elle était jeune à ce moment-là, et qui, à la suite d’un accident ou d’une maladie, se retrouve dans l’impossibilité de procréer. Cela peut induire chez elle un trouble, susciter des questionnements, voire créer la velléité de retrouver les enfants nés de son don, ce qui est évidemment impossible. En introduisant la condition, pour le donneur, d’avoir lui-même procréé avant le don, on lui apporterait en réalité une garantie supplémentaire : cela lui éviterait notamment de souffrir de certains troubles.

M. Thibault Bazin. La formulation que je propose à travers le sous-amendement n° 1577 est très légèrement différente de la précédente, tout en participant de la même philosophie. Si l’enfant issu d’un don et ayant été privé d’un second parent, dans le cas de l’AMP pour les femmes seules, ou d’un père, dans le cas de l’AMP pour un couple de femmes, cherche à connaître ses origines une fois devenu majeur – dans l’hypothèse où vous rétabliriez la levée de l’anonymat, programmée à 18 ans –, je pense que le fait d’avoir déjà procréé permettrait au donneur de mieux aborder cette situation.

Le sous-amendement n° 1578 porte sur un autre sujet. Si l’homme est le receveur, il est déjà arrivé que l’on demande à la femme de faire un don d’ovocytes. Je vous propose de préciser qu’un couple receveur ne peut pas être en même temps donneur. Il s’agit d’éviter les pressions et de garantir le principe de la gratuité du don, auquel nous sommes tous attachés. Toute demande de contrepartie, de compensation, d’échange doit être interdite.

Le sous-amendement n° 1579 vise à préciser que le don est totalement gratuit. En effet, on sait bien qu’il existe des stratagèmes pour donner des compensations, des gratifications. Pour éviter toute pression et toute dérive, je propose de préciser que le don est gratuit.

M. Xavier Breton. Le sous-amendement n° 1531 est important : il s’agit de préciser que le conjoint du donneur doit consentir formellement. Le don de gamètes n’est pas anodin, il a un impact sur la vie de couple du donneur, et cela d’autant plus que des mécanismes permettant de lever l’anonymat seront prévus. Les deux membres du couple doivent être partie prenante de ce choix.

M. Patrick Hetzel. Le sous-amendement n° 1543 est identique. La recherche de paternité, par exemple, peut avoir des incidences sur le conjoint du donneur. Pour des raisons de cohérence et de sécurisation juridique, nous proposons que le consentement de celui-ci soit obligatoire.

Mme Emmanuelle Ménard. Le sous-amendement n° 1595 est aussi identique. L’accord formel du conjoint me semble absolument essentiel dans le cas d’un don de gamètes, car les conséquences pour le couple peuvent être extrêmement sérieuses, voire graves. Cela rejoint une idée que nous développons depuis le début de l’examen du projet de loi, à savoir la nécessité de l’information la plus large possible. En l’occurrence, nous proposons d’aller plus loin qu’une simple information, puisqu’il s’agirait de recueillir l’accord du conjoint. Si la levée de l’anonymat est votée un peu plus loin dans le texte, les conséquences du don de gamètes pour le conjoint qui n’aurait pas donné son accord – et qui pourrait même, par conséquent, ne pas avoir été informé – pourraient se révéler extrêmement graves. C’est donc une mesure de précaution que nous vous proposons.

M. Thibault Bazin. Le sous-amendement n° 1580 va dans le même sens que les précédents, mais je souhaite préciser qu’il peut s’agir « d’un couple marié, pacsé ou en concubinage au moment du don ».

M. Xavier Breton. Le sous-amendement suivant est, d’une certaine manière, de repli. Il y a un instant, j’évoquais le consentement des deux membres du couple ; le sous-amendement n° 1553 vise à recueillir le consentement du conjoint seulement dans le cas d’un mariage – lequel, on le sait, impose un devoir de loyauté entre les époux.

Mme Emmanuelle Ménard. Le sous-amendement n° 1606 est identique. Demander l’accord de l’époux ou de l’épouse en cas de don de gamètes est effectivement une question d’honnêteté.

M. Guillaume Chiche. Le sous-amendement n° 1616 vise, quant à lui, à s’opposer à l’obligation de recueillir le consentement du conjoint lors d’un don de gamètes. Le donneur doit être seul maître de son corps. Un tiers, même s’il s’agit du conjoint, et quel que soit le cadre juridique de leur union, ne doit pas pouvoir altérer son choix, étant entendu par ailleurs que l’enfant né du don n’a évidemment aucun droit, ni patrimonial ni héréditaire, sur le donneur ou son conjoint.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Le sous-amendement n° 1560 de M. Hervé Saulignac vise à rétablir l’article 2 en ouvrant l’autoconservation dès l’âge de 18 ans, comme l’avait décidé la commission spéciale au Sénat.

M. Xavier Breton. Le sous-amendement n° 1532 tend à insérer les mots : « Lorsque des raisons médicales l’exigent », le prélèvement et la conservation des gamètes ne pouvant se faire, selon nous, que pour des raisons médicales.

M. Patrick Hetzel. Le sous-amendement n° 1544 est identique. Il s’agit d’éviter toute marchandisation. Si on va au-delà des raisons médicales, des pressions peuvent s’exercer, notamment de la part de certains employeurs. Nous ne serons pas à l’abri de voir se développer des pratiques allant à l’encontre des principes éthiques de base.

M. Thibault Bazin. Le sous-amendement n° 1581 est aussi identique. Il s’agit là d’un sujet délicat, avec des conséquences, des externalités qu’on ne peut pas imaginer, notamment sur les comportements : est-ce que l’autoconservation encouragera à procréer plus tard, alors que la fertilité baisse ? Il faut être extrêmement prudent. Les raisons médicales sont un bon critère pour permettre le prélèvement et l’autoconservation. Quand on visite les centres, on mesure d’ailleurs qu’il y a davantage de gamètes autoconservés pour des raisons médicales que de gamètes faisant l’objet d’un don. Cela dit, peut-être faudrait-il élargir le champ des raisons médicales aux situations avérées de ménopause précoce, ou encore de réserves ovocytaires très faibles.

Mme Emmanuelle Ménard. Tout a été dit : le sous-amendement identique n° 1596 vise à rappeler l’exigence de raisons médicales, qui restent un critère essentiel pour justifier le prélèvement et la conservation de gamètes.

M. Xavier Breton. Le sous-amendement n° 1555 a pour objet de spécifier, notamment au dixième alinéa de la rédaction proposée par le rapporteur pour l’article 2, que ce sont bien des femmes qui sont concernées.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Le sous-amendement n° 1562 de M. Hervé Saulignac est défendu.

M. Xavier Breton. Avec le sous-amendement n° 1535, nous abordons la question importante de la possibilité de donner les ovocytes autoconservés, avec tous les risques de pressions, notamment d’ordre économique, que cela comporte. Il faut être aussi clair et rigoureux que possible pour les éviter. Nous vous proposons donc la suppression du onzième alinéa.

M. Patrick Hetzel. Le sous-amendement n° 1547 est identique. Le risque est d’évoluer progressivement vers une marchandisation, comme le font craindre certaines déclarations, y compris de la part du rapporteur qui évoquait qu’il faudrait non pas financer le don, certes, mais le dédommager – la somme de 1 000 euros avait été avancée. Compte tenu de la situation sociale de notre pays, 1 000 euros, c’est la rémunération d’un certain nombre de personnes. Il y a là des glissements possibles ; pour les éviter, nous proposons la suppression du onzième alinéa.

Mme Emmanuelle Ménard. Le sous-amendement identique n° 1599 vise lui aussi à supprimer l’alinéa 11 de l’amendement du rapporteur. L’alinéa en question a pour objet de permettre à la femme qui autoconserve ses ovocytes de les donner. Compte tenu de la pénurie actuelle d’ovocytes, cette femme risque fort de subir des pressions de la part de couples en attente d’ovocytes. À terme, cette pression pourrait être d’ordre financier. Or nous sommes extrêmement vigilants à l’égard du risque de marchandisation du corps ou d’éléments qui en sont issus.

M. Thibault Bazin. Le sous-amendement n° 1582 vise à préciser le onzième alinéa en ajoutant à la notion de « risques » celle de « responsabilités ».

Le sous-amendement n° 1584 est important à mes yeux : il s’agit de rendre effectif le principe du consentement libre et éclairé. En l’occurrence, il me paraît indispensable que la liberté du consentement de la personne souhaitant procéder à l’autoconservation soit appréciée sérieusement par une équipe clinicobiologique pluridisciplinaire comprenant en particulier un psychologue.

M. Xavier Breton. Le sous-amendement n° 1534 a pour objet de rendre le consentement aussi éclairé que possible en prévoyant que l’équipe clinico-biologique pluridisciplinaire informe des taux de réussite d’une insémination artificielle et d’une fécondation in vitro, en fonction de l’âge de la femme ainsi que des risques médicaux. En effet, la diminution du taux de naissances vivantes commence à l’âge de 30 ans, et il est plus marqué encore à partir de 38 ans. Il est nécessaire que l’intéressée soit informée de la manière la plus précise des chances de succès des différentes techniques d’AMP en fonction de l’âge, mais aussi des risques inhérents aux grossesses tardives.

M. Patrick Hetzel. Le sous-amendement n° 1546 est identique. Le consentement libre et éclairé nous paraît essentiel, et il faut le préciser dans le texte. Avec M. le rapporteur, il y a deux poids, deux mesures : lorsque cela va dans son sens, il considère que la loi peut être bavarde ; dans le cas contraire, il s’agit de précisions inutiles. Faites preuve d’un peu de cohérence ! Si vous acceptez les précisions, vous devez accepter celle-ci, qui vise à définir les conditions dans lesquelles le consentement est effectivement libre et éclairé.

Mme Emmanuelle Ménard. Le sous-amendement n° 1598 est aussi identique. Il s’agit, encore une fois, de rappeler l’exigence d’une information aussi complète que possible, comme nous le recommandons depuis le début de la discussion, dans le but d’obtenir un consentement libre et éclairé.

Le taux de réussite de la fécondation in vitro n’est pas constant : il baisse à partir de 30 ans, la diminution est encore plus marquée à partir de 38 ans et, à partir de 44 ans, presque aucune FIV avec ovocytes propres n’aboutit à une naissance. Il est important de donner ces informations pour que les femmes ayant recours aux fécondations in vitro aient bien conscience des risques encourus, mais aussi pour éviter les déceptions. Elles doivent savoir qu’il ne s’agit pas d’un mode de procréation miracle.

M. Xavier Breton. Avec le sous-amendement n° 1533, nous souhaitons toujours faire en sorte que, dans la démarche d’autoconservation des ovocytes, le consentement de la personne soit libre et éclairé. Dans son avis n° 126 du 15 juin 2017, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) indiquait : « Il ne faudrait pas que cette technique pallie les difficultés matérielles et se substitue à la recherche par la société de moyens permettant aux femmes, selon leur désir et leur choix de vie, de procréer naturellement et plus tôt, sans considérer comme inéluctable d’avoir à différer l’âge de la maternité. Différer un projet de grossesse à un âge tardif – connaissant les risques des grossesses tardives – peut difficilement être considéré comme participant à l’émancipation des femmes face aux limites biologiques. Outre le mésusage et les pressions socioprofessionnelles auxquels cette technique peut exposer, le bénéfice escompté au regard des moyens médicaux et économiques qui devraient être déployés apparaît très faible. »

M. Patrick Hetzel. Le sous-amendement n° 1545 est identique. Nous voulons prévoir trois entretiens séparés par un intervalle minimal d’un mois. Le droit notarié, par exemple, s’agissant de l’achat de biens, impose des délais. Et là, alors que nous parlons de l’humain, d’êtres en devenir, il n’y aurait pas de délai minimal ? Vous avouerez que c’est paradoxal. On traiterait donc un objet avec plus d’égards qu’un être humain ? Ce n’est pas ainsi que nous envisageons la question. C’est pourquoi nous pensons qu’il faut poser des garde-fous.

M. Thibault Bazin. Le sous-amendement identique n° 1583 est défendu.

Mme Emmanuelle Ménard. Le sous-amendement n° 1597 est identique. À vous entendre, l’autoconservation ovocytaire permettrait aux femmes de se libérer de nombreuses contraintes matérielles dues au manque de temps, à la vie professionnelle, à l’âge, etc. Elle est présentée comme un outil de libération de la femme : celle-ci maîtriserait, pour son plus grand épanouissement, son corps et sa fertilité. Pourtant, dans les faits, il semble que ce soit tout l’inverse. Suivant cet objectif, c’est justement le corps de la femme qui passe après sa carrière, par exemple. Force est de reconnaître qu’en matière de libération de la femme, on peut faire mieux.

M. Guillaume Chiche. Le sous-amendement n° 1618 vise à étendre les activités de don et d’autoconservation de gamètes à l’ensemble des centres d’AMP qui pratiquent d’ores et déjà les activités de conservation de gamètes dans le cadre de l’aide médicale à la procréation intraconjugale. Cette extension est souhaitable, et même indispensable. Toute restriction du nombre de centres autorisés à pratiquer l’autoconservation de gamètes risque d’allonger significativement les délais de prise en charge. Rappelons que l’ensemble des centres d’AMP, qu’ils soient publics ou privés, à but lucratif ou non, sont soumis aux mêmes exigences, et que celles-ci sont très strictes. Les centres d’AMP privés, comme les centres publics, ont pour obligation de soumettre régulièrement leurs résultats à l’évaluation de l’Agence de la biomédecine. Enfin, le rapport de la Cour des comptes d’octobre 2019 relatif au coût de l’AMP a souligné que celui-ci était plus faible dans le secteur privé que dans le secteur public.

M. Thibault Bazin. Le sous-amendement n° 1585 est défendu.

J’entends déjà l’avis du rapporteur sur le sous-amendement qui vient d’être présenté par M. Chiche : il est déjà satisfait par l’amendement n° 1437 rectifié, puisque c’est précisément l’objet du grand changement opéré au quinzième alinéa. De fait, monsieur le rapporteur, vous ne revenez pas au texte adopté par l’Assemblée, qui était beaucoup plus sage, beaucoup plus éthique. Vous supprimez une barrière extrêmement importante qu’avait posée la ministre Agnès Buzyn : vous voulez que les centres privés à but lucratif puissent intervenir dans le prélèvement et la conservation des gamètes, alors qu’on sait – vous nous l’avez vous-même dit hier – qu’il va y avoir une pénurie de gamètes. On voit bien les risques de dérives marchandes, liées à la hausse de la demande d’AMP avec tiers donneur, combinée à la baisse prévisible du nombre de donneurs du fait de la levée programmée de l’anonymat. Si l’on veut éviter pareille dérive, il faut conserver cette barrière éthique. Même Agnès Buzyn en avait fait une ligne rouge. Celles que vous dessinez de votre côté sont bien loin des nôtres.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Chers collègues, nous poursuivrons l’examen de ces amendements et sous-amendements en discussion commune à quinze heures.

Réunion du mercredi 1er juillet 2020 à 15 heures ([117])

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Nous poursuivons la discussion des sous-amendements à l’amendement n° 1437 rectifié de M. Jean-Louis Touraine, rapporteur.

Je rappelle qu’ont déjà été défendus les sous-amendements identiques n° 1529, n° 1541 et n° 1594, les sous-amendements n° 1577, n° 1578 et n° 1579, les sous-amendements identiques n° 1531, n° 1543 et n° 1595, le sous-amendement n° 1580, les sous-amendements identiques n° 1553 et n° 1606, les sous-amendements n° 1616 et n° 1560, les sous-amendements identiques n° 1532, n° 1544, n° 1581 et n° 1596, les sous-amendements n° 1555 et n° 1562, les sous-amendements identiques n° 1535, n° 1547 et n° 1599, les sous-amendements n° 1582 et n° 1584, les sous-amendements identiques n° 1534, n° 1546 et n° 1598, les sous-amendements identiques n° 1533, n° 1545, n° 1583 et n° 1597 ainsi que les sous-amendements n° 1618 et n° 1585.

Par rapport au moment où cette discussion commune a commencé, en fin de matinée, je constate désormais que ne sont pas soutenus les sous-amendements n° 1600, n° 1586, n° 1601, n° 1603, n° 1587, n° 1602, n° 1588, n° 1589 et n° 1604, ainsi que les amendements n° 1219 et n° 1400.

La commission examine les sous-amendements identiques n° 1536 de M. Xavier Breton et n° 1548 de M. Patrick Hetzel, les sous-amendements identiques n° 1537 de M. Xavier Breton et n° 1549 de M. Patrick Hetzel, les sous-amendements identiques n° 1539 de M. Xavier Breton et n° 1551 de M. Patrick Hetzel, les sous-amendements identiques n° 1538 de M. Xavier Breton et n° 1550 de M. Patrick Hetzel, les sous-amendements identiques n° 1540 de M. Xavier Breton et n° 1552 de M. Patrick Hetzel, ainsi que les sous-amendements n° 1590 de M. Thibault Bazin, n° 1625 et n° 1626 de Mme Agnès Thill.

M. Xavier Breton. Le sous-amendement n° 1536 est important, puisqu’il tend à préciser que les ovocytes sont conservés dans un établissement situé en France. En effet, nous avons bien perçu, ce matin, la tentation de créer un business de la procréation, notamment en offrant la possibilité de conserver ces ovocytes à des établissements privés à but lucratif, business qui, nous le savons, existe dans des pays voisins dont les pratiques séduisent certains de nos collègues. Nous devons impérativement maintenir l’exigence éthique qui fait la fierté de notre pays.

M. Patrick Hetzel. Il s’agit, là encore, d’une ligne rouge. Nous voulons éviter toute forme de marchandisation. C’est pourquoi le sous-amendement n° 1548 vise à préciser que l’établissement dans lequel sont conservés les ovocytes doit se situer sur le territoire national. De fait, la France n’aurait aucun moyen d’intervenir sur le territoire de pays étrangers dans lesquels les principes éthiques auxquels nous sommes attachés pourraient ne pas être respectés.

M. Xavier Breton. Le sous-amendement n° 1537 est défendu.

M. Patrick Hetzel. Le sous-amendement n° 1549 a pour objet de préciser que la recherche doit avoir une finalité thérapeutique. Si nous ne prévoyions pas de garde-fous, tout deviendrait possible.

M. Xavier Breton. Le sous-amendement n° 1539 tend à supprimer les vingt-troisième et vingt-quatrième alinéas de l’amendement du rapporteur.

M. Patrick Hetzel. Le sous-amendement n° 1551 est défendu.

M. Xavier Breton. Le sous-amendement n° 1538 vise à ramener le délai durant lequel les gamètes sont conservés de dix à cinq années consécutives.

M. Patrick Hetzel. Les embryons surnuméraires sont actuellement au nombre de 230 000, ce qui soulève des questions éthiques mais aussi des problèmes d’ordre logistique. C’est pourquoi nous proposons, par le sous-amendement n° 1550, un délai de conservation des gamètes de cinq ans, délai qui nous paraît préférable à celui de dix ans.

M. Xavier Breton. Le sous-amendement n° 1540 est très important. Ouvrir au secteur privé à but lucratif la conservation des embryons et des gamètes créerait une brèche dans le refus du business de la procréation. On peut entendre l’argument du maillage territorial, mais on sait fort bien que cette exception pourrait être ultérieurement étendue et favoriser ainsi des dérives marchandes contraires aux principes éthiques dont notre pays s’enorgueillit.

M. Patrick Hetzel. Nous sommes opposés au business de la procréation qui existe dans certains pays étrangers et aux dérives eugénistes qui accompagnent parfois cette marchandisation. Aussi proposons-nous, par le sous-amendement n° 1552, que la conservation des embryons ne puisse être confiée à des établissements privés.

M. Thibault Bazin. Le sous-amendement n° 1590 est défendu.

Mme Agnès Thill. Les sous-amendements n° 1625 et n° 1626 tendent à rappeler que le don est gratuit. On peut en effet se demander si les donneurs feront toujours un don par pure abnégation. Actuellement déresponsabilisés, les hommes sont obligés d’abandonner leur progéniture, ce qui est contre-nature et explique le manque de dons masculins. Or les statistiques montrent que les donneurs de sperme ne seront pas assez nombreux pour répondre à l’accroissement prévisible de la demande. Dès lors, comment les médecins pourront-ils hiérarchiser les demandes de PMA en attente ? Il est très douteux que les campagnes publicitaires envisagées persuadent les hommes de donner leur sperme. C’est pourquoi la gratuité, c’est-à-dire l’absence de rétribution de quelque nature qu’elle soit, doit être inscrite dans la loi.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. En ce qui concerne les sous-amendements n° 1529 et identiques, la condition de procréation antérieure n’est plus opposable aux donneurs majeurs depuis la loi de 2011. La suppression de cette condition, qui conduisait à sélectionner des donneurs plus âgés et à diminuer leur nombre, a, du reste, recueilli une adhésion assez générale. Il ne paraît donc pas opportun de revenir à un état antérieur du droit. Bien entendu, mon avis vaut également pour la condition de procréation antérieure par les voies naturelles. J’ajoute que ces sous-amendements sont contradictoires avec la crainte, exprimée par leurs auteurs, d’une pénurie de gamètes : de fait, plus on multiplie les entraves au don, moins on aura de gamètes.

Les sous-amendements n° 1531 et identiques et n° 1580 visent à conserver ce qu’il faut bien appeler un archaïsme de notre droit, puisque la France est le seul pays d’Europe dans lequel on réclame encore l’accord du conjoint pour le don de gamètes. Or ce don relève d’un choix personnel. Bien entendu, rien n’interdit à un homme ou à une femme d’en parler à son conjoint – c’est même plutôt à recommander –, mais il serait totalement inapproprié d’en faire une obligation légale. Par ailleurs, le don de couple à couple n’existe plus.

Pour ce qui est du sous-amendement n° 1560, le Gouvernement semble envisager, en tenant compte des meilleures pratiques médicales, de mener une réflexion sur l’âge à partir duquel il faudra ouvrir l’autoconservation des ovocytes en dehors des cas d’infertilité. Je crois que la fixation des conditions d’âge doit relever de l’Agence de la biomédecine, qui les déterminera en fonction de plusieurs critères, afin de tenir compte de la diversité des situations dans lesquelles les femmes peuvent se trouver à un même âge.

En ce qui concerne les sous-amendements n° 1579, n° 1625 et n° 1626, rien ne présage une remise en cause de la gratuité du don, dont le principe, inscrit à l’article L. 1211‑4 du code de la santé publique, est garanti par l’ensemble des principes applicables aux dons et produits du corps humain.

S’agissant des sous-amendements n° 1532 et identiques, le dispositif d’autoconservation des gamètes pour des raisons médicales existe déjà et a fait l’objet de discussions dans le cadre de ce projet de loi.

Le sous-amendement n° 1555 repose sur l’idée selon laquelle que l’horloge biologique ne concerne que la femme. Permettez-moi de m’inscrire en faux contre cette idée : certes, il existe des différences entre les femmes et les hommes, mais, à partir d’un certain âge, la fertilité des hommes diminue également et ils risquent davantage de transmettre des anomalies génétiques.

Le sous-amendement n° 1562 soulève des questions intéressantes sur les modalités de fixation de l’âge, qui pourrait gagner à se faire sur la base de recommandations de bonnes pratiques. Je crains toutefois que la distinction entre un âge de prise en charge du procédé par l’assurance maladie et un âge d’ouverture de l’autoconservation des ovocytes soit peu lisible pour les personnes qui y auront recours.

Je m’opposerai également aux sous-amendements n° 1535 et identiques, qui visent à supprimer les conditions de consentement au don des ovocytes en vue de leur autoconservation. Je pense, au contraire, qu’il est crucial de conserver la capacité pour les personnes qui s’engagent dans un parcours d’AMP de prendre conscience de leur démarche par le biais de leur consentement.

Quant aux sous-amendements n° 1534 et identiques, ils me paraissent satisfaits, puisque mon amendement prévoit que l’intéressée, en l’occurrence une femme qui conserve ses ovocytes, soit informée de l’ensemble des risques et des limites de la démarche. Cette remarque vaut pour également les sous-amendements n° 1533 et identiques, n° 1582 et n° 1584.

S’agissant des sous-amendements n° 1536 et identiques, les activités liées à l’AMP font l’objet d’une autorisation et les établissements et organismes concernés sont obligatoirement situés en France. L’intention de leurs auteurs est donc satisfaite et la précision inutile.

En ce qui concerne les sous-amendements n° 1537 et identiques, l’ajout du terme « thérapeutique » est restrictif. Les recherches en question relèvent soit des programmes de recherche portant sur les collections d’échantillons biologiques soit des recherches impliquant la personne humaine en vue du développement des connaissances biologiques ou médicales.

S’agissant des sous-amendements n° 1538 et identiques, nous reprenons la borne de dix ans actuellement présente dans le droit et qui permet de tenir compte de la potentielle longueur des parcours d’AMP.

Quant aux sous-amendements n° 1539 et identiques, ils sont mal situés et manquent leur objet, puisqu’ils supprimeraient la possibilité de mettre fin à la conservation des gamètes en cas de décès de la personne. Outre le fait qu’ils soient mal placés dans le texte, qui justifierait à lui seul un avis défavorable, je suis évidemment défavorable au déremboursement des actes liés à la préservation de la fertilité et à l’AMP puisque nous voulons permettre à toutes les femmes, et non seulement aux plus riches d’entre elles, d’accéder à la conservation autologue de leurs gamètes.

J’ai exposé, s’agissant des sous-amendements n° 1585 et n° 1590, les raisons pour lesquelles il faut étendre, sous la condition d’un strict encadrement, les activités de don aux établissements privés lorsque la carence territoriale le rend nécessaire. En outre, mon amendement n° 1437 rectifié précise qu’il doit s’agir d’établissements privés habilités à assurer le service public hospitalier. Cette activité est ainsi soumise à une autorisation spécifique de l’agence régionale de santé et les actes sont pratiqués en dehors de tout dépassement d’honoraires et de toute commercialisation, autrement dit exactement dans les mêmes conditions qu’à l’hôpital public. On a d’ailleurs fait remarquer tout à l’heure que le coût était bien souvent moindre pour les femmes.

La commission en vient à lexamen, dans le cadre de la discussion commune avec lamendement n° 1437 rectifié, des amendements identiques n° 640 de M. Pierre Dharréville, n° 832 de M. Hervé Saulignac, n° 910 de Mme Michèle de Vaucouleurs, n° 1047 de Mme Anne-France Brunet, n° 1124 de Mme Sylvia Pinel, n° 1205 de M. Didier Martin et n° 1378 de M. Jean-François Mbaye, ainsi que des amendements n° 831 et n° 830 de M. Hervé Saulignac et n° 1396 de Mme Anne-France Brunet.

Mme Elsa Faucillon. L’amendement n° 640 est défendu.

Mme Marie-Noëlle Battistel. L’amendement n° 832 vise à rétablir l’article 2 tel qu’il a été adopté en première lecture par notre assemblée. En effet, même si notre groupe déplore que l’autorisation de l’autoconservation des gamètes pour les femmes ne soit possible qu’à partir de 30 ou 32 ans, il soutient sans équivoque cette avancée.

Mme Anne-France Brunet. Nous proposons également par l’amendement n° 1047 de rétablir l’article 2, qui vise à ouvrir et à encadrer le droit à l’autoconservation des gamètes en dehors des cas autorisés sur prescription médicale. Cette disposition est fondamentale si nous ne voulons pas que les femmes qui souhaitent autoconserver leurs gamètes se rendent à l’étranger.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Il nous paraît sage de rétablir l’article 2 tel qu’il a été adopté par l’Assemblée en première lecture, en attendant de connaître l’avis du Gouvernement sur les nouvelles ouvertures proposées par M. le rapporteur. D’où l’amendement n° 910.

Mme Sylvia Pinel. Mon amendement n° 1124 vise également à rétablir l’article 2. En première lecture, nous avions salué l’adoption de l’article 2, qui tendait à autoriser l’autoconservation des gamètes, en particulier des ovocytes. Outre qu’il permet de prévenir l’infertilité féminine, il assure l’égalité entre les hommes, qui peuvent d’ores et déjà conserver leurs gamètes, et les femmes. Cet article est également important en ce qu’il encadre le don de gamètes en l’assortissant de conditions relatives à l’âge du donneur, à son information, au consentement, à l’étude de suivi, etc. L’étude d’impact souligne l’importance de l’autoconservation. J’ajoute que cette disposition permet de prévenir les dérives qui ont pu être évoquées au cours des débats.

M. Didier Martin. L’amendement n° 1205 vise également à rétablir la rédaction de l’article 2 tel qu’il a été adopté par l’Assemblée. Il s’agit d’autoriser l’autoconservation des gamètes et, surtout, d’encadrer les modalités de cette autoconservation.

M. Jean-François Mbaye. L’article 2 est important puisqu’il tend à encadrer l’autoconservation des gamètes en prévoyant une information sur les risques et les limites de la démarche. Il s’agit bien ici d’une avancée sociétale, puisque cet article offre la possibilité à davantage de personnes de donner leurs gamètes et permet à qui le souhaite de procéder à la conservation de ses gamètes pour la réalisation d’un projet parental ultérieur. Dès lors qu’elle est entourée de garanties, il est difficilement compréhensible que l’on empêche la consécration de cette pratique. C’est pourquoi notre amendement n° 1378 propose de rétablir l’article 2 tel que notre assemblée l’avait voté.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Par les amendements n° 831 et n° 830, nous proposons de rétablir l’article tel qu’il avait été adopté par la commission spéciale, afin d’autoriser l’autoconservation des gamètes dès l’âge de 18 ans.

Mme Anne-France Brunet. Par l’amendement n° 1396, nous proposons que tous les établissements privés, soumis à l’autorisation des ARS, puissent recueillir des gamètes, les conserver et les utiliser dans le cadre des circuits de dons. Les chefs de service PMA du secteur public comme du secteur privé que nous avons auditionnés sont unanimes sur ce point – le professeur Fréour, par exemple, nous l’a indiqué de manière très explicite. Les centres privés réalisent plus de 60 % des fécondations in vitro ; leurs compétences sont donc reconnues. Qui plus est, le coût du recueil des gamètes étant encadré par la sécurité sociale, il ne faut pas fantasmer sur les bénéfices qu’ils pourraient en tirer. Sortons de ces querelles de clochers entre privé et public.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je préfère évidemment mon amendement n° 1437 rectifié qui, en rétablissant l’article 2, offre la possibilité aux femmes qui en ont besoin d’obtenir l’autoconservation de leurs ovocytes dans un cadre strict à même d’éviter toute dérive. Cependant, j’y ai ajouté quelques éléments complémentaires qui ont été inspirés par la réflexion menée par nos collègues sénateurs en commission : possibilité de mener à bien une autoconservation ovocytaire lorsqu’une ponction d’ovocytes est réalisée dans le cadre d’une AMP ; ouverture aux établissements de santé privés à but lucratif, sous le contrôle de l’ARS, en l’absence d’organisme ou d’établissement de santé public ou privé à but non lucratif assurant cette activité dans un département ; ajout du recueil simultané du consentement pour l’autorisation de prélèvement des gamètes et de celui relatif aux modalités d’absence de poursuite de leur conservation ; enfin, application du nouveau régime de conservation au stock de gamètes existant.

Je vous propose donc de retirer vos amendements au profit du mien, qui est un peu plus complet.

Mme Annie Genevard. Tout d’abord, l’autoconservation des gamètes n’est pas une avancée pour les femmes : si l’on exige d’elles qu’elles diffèrent une grossesse pour que celle-ci ne nuise pas à leur carrière professionnelle, c’est un recul. Ensuite, on ne saurait invoquer l’égalité des droits entre hommes et femmes, car la grossesse n’est pas comparable à ce qu’est la procréation pour un homme. Par ailleurs, il ne me semble pas que l’autoconservation soit une réponse à l’infertilité : mieux vaut informer davantage les femmes sur leur période de fécondité que d’attendre qu’elles soient infertiles pour leur proposer une PMA ! Enfin, vous affirmez, monsieur le rapporteur, que tout est fait pour éviter les dérives. Il est toujours intéressant, à cet égard, d’observer ce qu’il se passe aux États-Unis : le chiffre d’affaires des cliniques de fertilité s’y élevait, en 2017, à une dizaine de milliards de dollars. C’est un marché, et l’ouverture aux établissements privés à but lucratif en fera fatalement un marché en France ! C’est un risque de dérive contre lequel il faut se prémunir.

Mme Sylvia Pinel. Par comparaison avec mon amendement n° 1124, qui vise à rétablir strictement la rédaction adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale, le vôtre, monsieur le rapporteur, soulève trois questions. En effet, vous proposez de supprimer le 8°, qui précisait que les frais relatifs à la conservation des gamètes ne peuvent être pris en charge par l’employeur ou par toute personne ou structure avec laquelle la personne concernée serait dans une situation de dépendance économique. Cet alinéa me paraît pourtant de nature à lutter contre les dérives. De même, vous proposez de supprimer le 2°, qui interdit l’importation de gamètes pour les entreprises commerciales, et le 5°, qui proscrit la prise en charge ou la compensation par les entreprises publiques ou privées des frais liés à l’autoconservation des gamètes de leurs salariées.

Ces trois points me paraissent très importants. C’est pourquoi le rétablissement de la rédaction adoptée par l’Assemblée en première lecture me paraît préférable à l’adoption de votre amendement, à moins que vous ne nous rassuriez en nous expliquant la manière dont ces questions seront réglées, sans doute par voie réglementaire.

Mme Elsa Faucillon. Il me paraît important de rétablir la cohérence du texte : si nous ouvrons la PMA à toutes les femmes, il faut autoriser l’autoconservation des ovocytes. Il est vrai, madame Genevard, que l’on ne peut comparer la situation des hommes à celle des femmes en matière de procréation, mais il y va, pour les uns comme pour les autres, du droit à disposer de son corps. Sous cet aspect, l’égalité doit être garantie ; or, en l’état actuel des choses, elle ne l’est pas.

Par ailleurs, je souhaiterais, comme Mme Pinel, interroger le rapporteur sur la disposition relative à l’interdiction pour une entreprise de prendre en charge l’autoconservation des gamètes d’une de ses employées. Cet élément me paraît essentiel si nous voulons nous prémunir contre les dérives possibles ; il s’agit, pour nous, d’un préalable. C’est pourquoi nous voterons pour les amendements visant à rétablir l’article 2 tel qu’il a été adopté par l’Assemblée en première lecture.

M. Thibault Bazin. Monsieur le rapporteur, je ne veux pas jouer au Calimero, mais il me semble que vous n’avez pas émis d’avis sur tous les sous-amendements, en tout cas pas sur tous les miens. Cela étant, je présume que cet avis est défavorable puisque c’est systématiquement ce que vous répondez sur mes amendements…

Nous ne remettons nullement en cause la cause les compétences techniques des centres d’AMP privés, qui sont remarquables. Néanmoins, on peut faire le choix éthique de ne pas leur confier certaines activités. En outre, votre rédaction ne me paraît pas suffisamment claire sur ce point. En effet, parmi les établissements privés, certains participent au service public, d’autres peuvent réaliser le prélèvement, le recueil et la conservation des gamètes dans un cadre non libéral tout en exerçant parallèlement d’autres activités dans un cadre libéral. Or, dans un contexte de pénurie de gamètes, l’établissement qui dispose d’un stock pourrait être tenté de réguler lui-même le marché. C’est pourquoi je suis inquiet, d’autant plus que la carence d’établissements publics dans un département que vous avez évoquée n’apparaît pas dans la rédaction de l’article 2 que vous nous proposez d’adopter.

Enfin, le prélèvement d’ovocytes est un acte lourd. Dès lors, je m’interroge : doit-on encourager la réalisation de tels actes sans raison médicale ?

M. Patrick Hetzel. Notre rapporteur nous propose de rétablir l’article 2 dans une nouvelle rédaction. Or le compte rendu des débats du Sénat montre que si nos collègues sénateurs ont supprimé l’article 2, c’est parce qu’ils ont été convaincus par le Conseil d’État : dans son étude du 28 juin 2018 sur la révision de la loi bioéthique, celui-ci note qu’un « consensus se dégage pour considérer que le dispositif actuel d’autoconservation contre don est contraire au principe de gratuité du don » en ce qu’il consiste « à inciter à donner ses ovocytes en créant une forme de contrepartie au don. » Quant à l’Académie de médecine, elle juge, relève le Sénat, ce dispositif « médicalement et éthiquement inacceptable » et estime même qu’il peut être perçu comme un chantage ou un leurre, par le fait qu’il donne des chances extrêmement minces aux donneuses de pouvoir obtenir une grossesse avec les ovocytes conservés sans s’exposer à plus de deux cycles de stimulation et qu’il conduit à rémunérer le don.

Si nous nous opposons au rétablissement de l’article 2, c’est parce qu’il pose des problèmes éthiques et franchit des lignes rouges. De fait, non seulement le don n’est plus gratuit, mais le dispositif pourrait s’apparenter, à croire l’Académie de médecine, à un chantage et à un leurre. C’est du lourd, monsieur le rapporteur ! Je m’étonne que vous balayiez avec tant de légèreté des arguments de fond aussi forts.

Mme Agnès Thill. Qu’est devenue la gratuité du don ? L’autoconservation ovocytaire n’est pas un progrès. Quant à l’ouverture aux établissements privés à but lucratif des dons en vue d’une AMP en l’absence d’établissements publics exerçant cette activité dans le département considéré, elle peut aboutir à des dérives. Nous devons nous prémunir contre les dangers que représente cette possibilité offerte aux établissements privés à but lucratif, dont l’objectif est de faire du profit.

Mme Danièle Obono. Nous avions également déposé un amendement visant à rétablir, au moins en partie, l’article 2. Je souscris aux remarques de mes collègues Faucillon et Pinel. Ainsi, il nous paraît problématique de permettre à des établissements privés de combler les failles des infrastructures hospitalières. Nous devrions plutôt donner au service public les moyens de répondre à ces besoins. Par ailleurs, le maintien de la non-couverture par la sécurité sociale des frais d’autoconservation crée une inégalité sociale. C’est pourquoi je m’abstiendrai sur le vote de l’amendement du rapporteur.

Mme Aurore Bergé. Il est important de rétablir larticle 2, qui offre aux femmes la possibilité de réaliser lautoconservation de leurs ovocytes tout en interdisant, grâce à un amendement adopté par notre commission en première lecture, la prise en charge par les entreprises des frais liés à cette opération, afin déviter que des pressions puissent être exercées sur les salariées pour quelles diffèrent leur grossesse. Jajoute que vous défendrez ultérieurement, madame la présidente, un amendement transpartisan visant à développer les campagnes dinformation sur l’infertilité, afin d’éviter que les grossesses n’interviennent trop tard.

Cependant, il me semble important que l’équilibre auquel nous étions parvenus en première lecture soit respecté et donc que l’article 2 ne permette pas l’ouverture à des centres privés à but lucratif. En effet, si nous l’autorisions, nous nous exposerions au risque que l’hôpital public délaisse cette activité et que se développent certaines dérives. J’invite donc mes collègues à voter deux des sous-amendements à l’amendement n° 1437 rectifié du rapporteur : le sous-amendement n° 1585, qui écarte les établissements à but lucratif de la conservation des gamètes, et les sous-amendements identiques n° 1540 et n° 1552, qui excluent ces mêmes établissements de la conservation des embryons.

Oui à la nouvelle liberté accordée aux femmes, mais il ne faut pas que les centres privés puissent s’en saisir demain car des dérives seraient alors possibles. J’ajoute que si nous rétablissons la possibilité pour l’assurance maladie de prendre en charge les frais, ce n’est certainement pas pour que les centres privés viennent s’engouffrer dans la brèche.

M. Xavier Breton. Nous avons entendu le rapporteur défendre son amendement, puis Aurore Bergé inviter ses collègues à adopter certains sous-amendements, mais quelle est la position du Gouvernement sur ces sujets ? Nous avons manifestement besoin de la connaître pour émettre un vote éclairé. En première lecture, nous avons eu avec lui des débats très riches, y compris en commission spéciale. Je comprends que la majorité souhaite revenir sur les modifications apportées par le Sénat. Encore faut-il, chers collègues, que vous accordiez vos violons car, pour l’instant, nous entendons quelques fausses notes et dissonances. Je souhaiterais donc que le chef d’orchestre intervienne pour ramener un peu d’harmonie dans tout cela.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Madame Genevard, il ne s’agit évidemment pas de différer les grossesses pour des raisons de convenance liées à la carrière professionnelle. Je rappelle, à cet égard, que nous souhaitons que les employeurs ne puissent pas prendre en charge la conservation des ovocytes. Par ailleurs, le système américain est si différent du nôtre que la comparaison n’est pas opportune. Ainsi, le service public est très peu développé aux États-Unis, où il n’existe pas d’équivalent de nos ARS. Or, il est évident qu’en l’absence d’un contrôle exercé par un tel organisme public, toutes les dérives commerciales sont possibles.

Mme Annie Genevard. Si les ARS avaient été efficaces, cela se saurait !

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Parfois, elles le sont trop et les contrôles sont abusifs.

Madame Pinel, la disposition ayant trait aux frais relatifs à la conservation des gamètes et celle qui exclut toute finalité commerciale ne sont pas supprimées ; elles sont simplement déplacées et se trouvent désormais respectivement au quatorzième alinéa et au 1° du IV de l’amendement.

Monsieur Bazin, le quinzième alinéa de mon amendement fait bien référence aux établissements privés habilités à assurer le service public hospitalier.

Monsieur Hetzel, nous nous proposons précisément de corriger le droit actuel que vous critiquez – certes, peut-être pas exactement dans le sens que vous souhaitez. Le Conseil d’État ne voit aucun obstacle à cette disposition. Quant à l’Académie de médecine, je vous saurais gré de produire un document officiel dans lequel elle critiquerait – et non l’un de ses membres, en fût-il le président – la formulation retenue. Il se trouve que j’en ai discuté avec plusieurs académiciens qui non seulement estiment que ce texte leur convient, mais qui nous reprochent d’être trop prudents !

Mme Aurore Bergé. Nous avons bien retrouvé dans votre amendement la question des frais relatifs à la conservation des gamètes, qui ne peuvent pas être pris en charge par une entreprise. Mais d’autres questions se posaient sur la finalité à but commercial. Pourriez-vous nous préciser où ce point apparaît dans votre amendement ?

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Au 1° du IV !

Mme Elsa Faucillon. En première lecture, nous avions précisé que les entreprises publiques et privées, ainsi que les personnes morales de droit privé ne pouvaient prendre en charge ou compenser de manière directe ou indirecte l’autoconservation des gamètes de leurs salariés. Or je ne retrouve pas cela dans votre amendement, monsieur le rapporteur.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. C’est au quatorzième alinéa.

Mme Elsa Faucillon. Dont acte.

La commission rejette successivement les sousamendements identiques n° 1529, n° 1541 et n° 1594, les sousamendements n° 1577, n° 1578 et n° 1579, les sousamendements identiques n° 1531, n° 1543 et n° 1595, le sous-amendement n° 1580, les sousamendements identiques n° 1553 et n° 1606, les sousamendements n° 1616 et n° 1560, les sousamendements identiques n° 1532, n° 1544, n° 1581 et n° 1596, les sousamendements n° 1555 et n° 1562, les sousamendements identiques n° 1535, n° 1547 et n° 1599, les sousamendements n° 1582 et n° 1584, les sousamendements identiques n° 1534, n° 1546 et n° 1598, les sousamendements identiques n° 1533, n° 1545, n° 1583 et n° 1597, ainsi que le sous-amendement n° 1618.

La commission adopte le sous-amendement n° 1585.

Elle rejette successivement les sousamendements identiques n° 1536 et n° 1548, les sousamendements identiques n° 1537 et n° 1549, les sousamendements identiques n° 1539 et n° 1551, ainsi que les sousamendements identiques n° 1538 et n° 1550.

La commission adopte les sousamendements identiques n° 1540 et n° 1552.

Elle rejette le sous-amendement n° 1590 ainsi que les sousamendements n° 1625 et n° 1626.

La commission adopte enfin lamendement n° 1437 rectifié, sous-amendé.

En conséquence, larticle 2 est ainsi rétabli et les amendements n° 640, n° 832, n° 910, n° 1047, n° 1124, n° 1205, n° 1378, n° 831, n° 830 et n° 1396 tombent.

Article 2 bis (supprimé)
Mise en place dun plan de lutte contre linfertilité

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques n° 834 de M. Hervé Saulignac, n° 655 de Mme Agnès Firmin Le Bodo, qui fait lobjet du sous-amendement n° 1563 de Mme Laurence Vanceunebrock, n° 877 de Mme Géraldine Bannier, n° 1014 de Mme Danièle Obono, n° 1193 de M. Didier Martin et n° 1379 de M. JeanFrançois Mbaye, les amendements identiques n° 261 de M. Thibault Bazin, n° 341 de M. Xavier Breton et n° 422 de M. Patrick Hetzel, ainsi que les amendements n° 260 de M. Thibault Bazin, n° 1017 de Mme Laurence Vanceunebrock et n° 1125 de Mme Sylvia Pinel.

M. Hervé Saulignac. L’ouverture de la PMA à toutes les femmes ne doit pas être un prétexte pour abandonner ce combat très important qu’est la lutte contre l’infertilité. L’amendement vise à alerter le Gouvernement sur l’urgence qu’il y a à prendre des mesures très fortes et coordonnées en ce sens. L’âge moyen de la première grossesse est passé de vingt-quatre ans en 1975 à plus de vingt-huit ans en 2015, soit à une période de la vie où la fécondabilité féminine est en baisse. Un plan national de lutte contre l’infertilité incluant plusieurs volets en matière de recherche, de formation et de communication auprès du grand public, en particulier des plus jeunes, est nécessaire. D’où l’amendement n° 834.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Mon amendement n° 655 vise à rétablir l’article 2 bis, tel qu’il était issu de notre travail transpartisan en première lecture.

Mme Laurence Vanceunebrock. Le sous-amendement n° 1563 vise à préciser l’article 2 bis, dont les objectifs sont partagés par tous. Si un grand plan de lutte contre l’infertilité est absolument nécessaire, il doit être développé selon des axes clairement définis. C’est pourquoi je vous propose d’inscrire dans le texte le fait que l’éducation du public doit se faire dès la scolarité. Plusieurs médecins spécialistes m’ont alertée sur le besoin de développer une culture forte à ce sujet, avec un ancrage chez les plus jeunes, pour faire rapidement évoluer la situation. Par ailleurs, une déclinaison locale doit être prévue dès le départ. Les derniers mois ont montré l’implication des structures locales de santé, notamment des ARS. Enfin, le caractère interministériel de la création et de la mise en œuvre du plan est largement plébiscité ; aussi paraît-il surprenant que le secrétariat d’État chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes ne soit pas impliqué.

Mme Géraldine Bannier. L’amendement n° 877 vise à rétablir l’article 2 bis.

Mme Danièle Obono. Nous souhaitons également, par notre amendement n° 1014, rétablir la disposition adoptée en première lecture. Les études montrent une hausse de l’infertilité des couples. C’est un problème de santé publique qui risque de prendre de l’ampleur dans les années à venir. Il est donc primordial de coordonner les recherches sur les causes de l’infertilité.

M. Didier Martin. Le rétablissement de l’article 2 bis tel que le propose mon amendement n° 1193 permettrait d’instaurer une culture de la prévention, afin de mieux informer la population générale et les professionnels sur les enjeux liés à la fertilité.

M. Jean-François Mbaye. La sensibilisation aux questions d’infertilité nous semble indispensable. Tout doit être fait pour diffuser l’information. Tel est l’objet de mon amendement n° 1379.

M. Thibault Bazin. Mon amendement n° 261 me semble satisfait par l’adoption de l’amendement précédent. Je le retire.

M. Xavier Breton. Nous devons être plus volontaristes et mieux afficher notre priorité, car il ne suffit pas de nous retrouver dans un consensus mou autour d’un rapport. D’où mon amendement n° 341.

M. Patrick Hetzel. L’amendement n° 422 a le même objet. Nous devons nous préoccuper de la lutte contre l’infertilité, en essayant d’identifier ses causes, de sorte que l’AMP ne soit pas la seule solution offerte aux couples, mais que les choses soient davantage traitées en amont.

M. Thibault Bazin. Je retire mon amendement n° 260. Nous pourrons peut-être retravailler l’amendement transpartisan d’ici à la séance.

Mme Sylvia Pinel. L’amendement n° 1125 est défendu.

Les amendements n° 261, n° 260 et n° 1017 sont retirés.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je souhaite exprimer mes très sincères remerciements à vous tous, pour le travail considérable que vous avez effectué : vous avez non seulement essayé de rétablir l’équilibre trouvé en première lecture, mais aussi réfléchi aux possibilités d’application et d’extension de l’article. Néanmoins, je crois plus raisonnable d’adopter l’amendement transpartisan remarquablement défendu par notre présidente en première lecture : après avoir consulté tous les groupes et chacun de ceux qui s’impliquaient dans la révision de la loi de bioéthique, elle avait réussi à trouver les termes opportuns pour dessiner un équilibre, dont on sait qu’il n’est pas toujours facile à établir.

Je ne comprends pas que les sénateurs n’aient pas perçu l’intérêt de cet article. Peut‑être aurions‑nous dû leur faire savoir le travail commun qu’il avait représenté pour nous et quelles étaient les nécessités pour l’avenir. Chacun sait que la fertilité masculine a considérablement diminué du fait de la dégradation de notre environnement, et à un degré moindre la fertilité féminine. La connaissance de ce phénomène doit se développer et arriver aux oreilles des jeunes filles et des jeunes hommes très tôt : il faut qu’ils sachent, avant même leur majorité, qu’il ne faut pas différer les grossesses à l’âge de quarante ans sous peine d’accroître considérablement les risques d’infertilité, mais aussi de malformations ou d’anomalies chez l’enfant.

Il faut éviter les dérives conduisant à retarder la première grossesse. Les nouveaux moyens à disposition ne doivent pas être utilisés à cette fin. Mais, plus que ces nouveaux moyens de procréation, c’est en réalité l’accès de la contraception à tous – un très grand progrès, en ce qu’il a permis, plus qu’aucun autre progrès médical, une émancipation des femmes – qui a eu pour effet collatéral de retarder les grossesses à un âge beaucoup plus risqué.

Madame Vanceunebrock, vos demandes sont en large partie satisfaites.

Je vous suggère de voter l’amendement transpartisan en l’état, dans le même élan d’unanimité qu’en première lecture, ce qui enverra un message fort : informer correctement les jeunes générations sur l’hypofertilité s’apparente presque à un devoir national.

M. Thibault Bazin. On a eu tendance à caricaturer la suppression du Sénat, qui n’est pas contre un plan sur la fertilité. Si nous en étions arrivés en première lecture à cet amendement, c’est parce que l’autoconservation peut conduire à reporter des grossesses à un âge où la fertilité a beaucoup diminué. Cette possibilité nouvelle ne doit pas être une incitation à repousser les grossesses. Il y a besoin d’une politique familiale très forte, mais aussi d’un plan spécifique de préservation de la fertilité, qui ne concerne pas que la communication, mais aussi la recherche sur les causes multiples de l’infertilité. Par son vote, le Sénat voulait dire qu’il n’y avait pas besoin de l’article 2 bis pour que le Gouvernement mette en œuvre des actions. Je ne vais pas attaquer le Gouvernement en lui demandant ce qu’il a fait depuis neuf mois, d’autant que nous avons changé de ministre, mais je n’aimerais pas que l’on se fasse plaisir en rétablissant un article qui nous rassemble, mais qui ne serait pas suivi d’effets. Il y a un vrai besoin d’évaluation de l’action du Gouvernement. Encore faudrait-il qu’il se présente à notre contrôle…

Le sous-amendement n° 1563 est retiré.

La commission adopte lamendement n° 834 et les amendements identiques.

En conséquence, larticle 2 bis est rétabli et les amendements n° 341, n° 422 et n° 1125 tombent.

(La réunion, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt.)

M. Patrick Hetzel. Madame la présidente, manifestement, nous ne sommes pas encore à la moitié des amendements. Pour avoir le débat serein et apaisé que vous appeliez de vos vœux lundi, il va nous falloir plus de temps en commission. Ne peut-on pas, comme lors de la première lecture, décaler l’examen en séance d’une semaine ? Ce sont des sujets de fond, des sujets très lourds de conséquences, que nous ne pouvons pas examiner à marche forcée. Il faut qu’il y ait un vrai temps pour le débat, sauf si votre logique est de l’escamoter, ce qui se passe déjà en partie, dans la mesure où le Gouvernement ne daigne pas se présenter en commission. Vous prenez une grande responsabilité : notre pays mérite que l’on traite ces sujets de manière différente, surtout vu la crise que nous avons traversée et celle que nous allons traverser, d’un point de vue social et économique.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Le débat est serein, si tout le monde y met du sien. J’assume ma responsabilité. Nous irons jusqu’au bout des amendements ; encore faut-il que chacun fasse en sorte que l’on puisse discuter, de façon raisonnable et raisonnée. Pour ce qui est du décalage de l’examen du texte en séance, vous savez très bien qu’il ne me revient pas de le décider. Nous allons faire notre travail, en examinant les amendements. S’il faut aller jusqu’à vendredi soir, nous irons jusqu’à vendredi soir, mais je ne crois pas que ce serait raisonnable. Chacun devra assumer ses responsabilités ; pour ma part, j’assumerai les miennes.

Avant l’article 3

La commission examine les amendements identiques  862 de M. Xavier Breton et n° 885 de M. Patrick Hetzel.

M. Xavier Breton. L’amendement n° 862 vise à mettre un peu plus de sobriété dans l’intitulé des chapitres du projet de loi, qui ressemblent plus à une déclamation qu’à un objet juridique. Nous ne devons pas faire des slogans, mais du droit.

M. Patrick Hetzel. Mon amendement n° 885 tend également à supprimer la division et l’intitulé du chapitre II du titre Ier, mais j’aimerais revenir sur un élément de fond. Nous voudrions adhérer au titre du chapitre II, mais hélas ! quand on voit le contenu de l’article, on se rend compte que cela relève plutôt de l’infox. Vous nous faites du marketing politique, mais le contenu est en décalage avec le packaging… Nos concitoyens méritent qu’on leur présente la réalité de la situation.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Avis défavorable. « Reconnaître et sécuriser les droits des enfants nés d’assistance médicale à la procréation » : je ne sais où vous voyez de l’incantatoire. Nous ne faisons que résumer dans ce titre ce qui se passe dans les articles 3 et 4.

La commission rejette les amendements n° 862 et 885.

Chapitre II
Reconnaître et sécuriser les droits des enfants nés dassistance médicale
à la procréation

Article 3
Droit daccès aux origines dune personne conçue dans le cadre dune assistance médicale à la procréation par recours à un tiers donneur

La commission examine lamendement n° 608 de Mme Agnès Thill.

Mme Agnès Thill. L’amendement vise à rétablir l’article 3 du projet de loi, qui permet aux personnes nées d’AMP avec tiers donneur d’accéder aux informations non identifiantes relatives au tiers donneur et à l’identité de ce dernier, ainsi que la gestion centralisée des données relatives aux donneurs, aux dons et aux enfants nés de dons par l’Agence de la biomédecine.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Demande de retrait : nous allons revenir à la rédaction votée en première lecture, mais en y intégrant quelques modifications apportées par le Sénat.

Lamendement n° 608 est retiré.

La commission est saisie de lamendement n° 1481 de la rapporteure.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. L’amendement a pour objet de maintenir en l’état la rédaction des articles principiels 16-8 du code civil et L. 1211-5 du code de la santé publique qui prévoient qu’il ne peut être dérogé au principe de l’anonymat du don d’un élément ou d’un produit de son corps, quel qu’il soit, qu’en cas de nécessité thérapeutique. Compte tenu du caractère absolu du principe de l’anonymat, il convient en effet de ne pas étendre le champ de ses exceptions du caractère thérapeutique au caractère médical.

La commission adopte lamendement n° 1481.

Elle examine lamendement n° 878 de Mme Géraldine Bannier.

Mme Géraldine Bannier. Il s’agit de préciser sur le dossier médical partagé la conception par tiers donneur, accompagnée d’une mention indiquant si l’intéressé est ou n’est pas informé de sa conception par tiers donneur dans des conditions définies par décret, afin d’assurer un meilleur suivi, en prenant mieux en compte les antécédents médicaux, et d’éviter à ces enfants d’avoir à raconter à chaque fois leur histoire…

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Nous avions eu ce débat en première lecture. Les donneurs doivent répondre à un questionnaire de quatorze pages et ils sont sélectionnés précisément parce qu’ils ne sont pas porteurs de certaines maladies génétiques. Si toutefois l’évolution de la santé du donneur devait révéler une maladie génétique, sachez qu’il nous sera proposé à l’article 9 de voter l’obligation d’informer la parentèle de toute maladie génétique. Par ailleurs, on mettrait le médecin dans une position délicate vis-à-vis du secret médical, puisqu’il n’est pas censé cacher à son patient des informations dont il a connaissance. Tant que l’enfant est mineur, ces informations appartiennent à la relation parent‑enfant : nous avons fait le choix de ne pas forcer les parents à la révéler durant la minorité, mais nous incitons énormément à ce qu’ils le fassent au moment opportun. Nous avons franchi un grand cap avec cet article 3 qui garantit un accès aux origines personnelles dès la majorité ; passer par le dossier médical partagé n’est pas une solution adéquate.

Mme Géraldine Bannier. En ce cas, peut‑être faudrait‑il réfléchir à une circulaire informant les praticiens sur la question des antécédents, qui peut être traumatisante pour des enfants nés par tiers donneur.

Lamendement n° 878 est retiré.

La commission examine lamendement n° 494 de M. Maxime Minot.

M. Maxime Minot. Il s’agit de permettre aux personnes conçues par don de gamètes et d’embryon de bénéficier d’une bonne prise en charge médicale, étant précisé que le titulaire du dossier médical partagé est celui qui décide quels sont les médecins qui peuvent accéder à l’information – en l’hypothèse, il s’agirait des parents pendant la minorité de l’enfant, puis de la personne conçue par don de gamètes ou d’embryon elle-même. La mention de la conception avec tiers donneur sur le dossier médical partagé présente un véritable intérêt pour le médecin qui interroge presque systématiquement son patient sur ses antécédents médicaux. La mention du mode de conception sous forme de document pourrait être dévolue aux parents de l’enfant ou au médecin du centre d’AMP, mentionné au futur article L. 2143‑3 du code de la santé publique, qui recueille l’identité de chaque enfant né de chaque tiers donneur.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Pour les mêmes raisons que précédemment, avis défavorable.

La commission rejette lamendement n° 494.

Elle examine lamendement n° 1482 de la rapporteure.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Nous proposons de supprimer la précision introduite par le Sénat selon laquelle les informations médicales non identifiantes peuvent être actualisées par le donneur : l’actualisation des données médicales du donneur, à son initiative, est prévue dans l’arrêté relatif aux règles de bonnes pratiques en matière d’assistance médicale à la procréation.

La commission adopte lamendement n° 1482.

Puis elle est saisie de lamendement n° 186 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Nous avons évolué sur l’anonymat du don, parce que les personnes nées avec tiers donneur ont exprimé le besoin de le lever pour leur construction personnelle. Cet article concernant des enfants qui n’auront pas de père ou de deuxième parent, on ne sait pas quels seront les effets de cette mesure dans dix-huit ans. La conjugaison de l’élargissement de l’accès à l’AMP et de la levée programmée de l’anonymat à dix-huit ans peut avoir des conséquences pour l’enfant, qui ne recherchera peut-être pas seulement son donneur mais autre chose, surtout si, à la suite d’un accident de la vie, cet enfant, qui n’aurait qu’une maman, se retrouvait orphelin. Comme les donneurs n’auront pas forcément procréé, peut-être rechercheront-ils eux aussi autre chose s’il venait, dix-huit ans après leur don, à y avoir une prise de contact.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Monsieur Bazin, avec vos hypothèses, vous devriez écrire des scénarios. Il y aurait peut-être un très joli film, un roman ou une série à faire ! La situation que vous décrivez n’est assurément pas la plus probable. Il n’y a pas de confusion entre le donneur et le parent. La parenté génétique ne fonde pas la parentalité ni de relation familiale. Le projet d’une femme seule est parfaitement assumé ; nous en avons débattu à l’article 1er. Demande de retrait ; sinon, avis défavorable.

M. Thibault Bazin. Mes hypothèses n’ont rien d’une fiction, puisqu’elles vont devenir une réalité pour des personnes issues de tiers donneur.

Mme Annie Genevard. L’histoire que vient de raconter M. Bazin est intéressante ! Tout ce dont nous discutons s’incarne dans des situations, dans la vraie vie. Cette hypothèse n’est certes pas la plus probable, mais elle peut malheureusement arriver.

Madame la rapporteure, vous dites qu’il n’y a pas de confusion entre donneur et père, mais comment expliquez-vous que la recherche d’identité du donneur, par le biais de tests génétiques, devienne de plus en plus fréquente ? C’est une réalité sociétale, qui dit quelque chose.

M. Patrick Hetzel. En matière de storytelling, la majorité a quelque expérience et n’a rien à envier à M. Bazin, madame la rapporteure…

Sur le fond, vous êtes suffisamment fine juriste pour avoir conscience du fait que notre code civil permet la recherche de parentalité ; et dès lors que cette possibilité est offerte, comment voulez-vous empêcher que certains ne s’en saisissent ? En droit positif, il suffit qu’il existe un géniteur, c’est-à-dire une personne ayant apporté un patrimoine génétique, pour que la justice permette qu’il soit reconnu comme le père. Se fondant sur cette donnée objective, M. Bazin s’efforce avec son amendement de trouver une solution.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Lorsque j’évoquais le talent d’écriture de M. Bazin, il fallait y voir un compliment de ma part !

Nous avons déjà largement débattu en première lecture des questions juridiques qui sont ici évoquées, mais je maintiens que vous faites erreur en évoquant l’hypothèse d’une recherche de parentalité. En première lecture, nous avions fait en sorte que l’article 342-10 du code civil, rédigé sur le modèle de l’article 311-20 du même code – un article datant de juillet 1994 – bloque toute possibilité de recherche de parentalité avec le donneur, que ce soit pour le couple hétérosexuel, le couple homosexuel ou la femme seule : dans les trois cas, le donneur doit signer un formulaire de consentement au don, ce qui lui permet de bénéficier de la protection actuellement offerte par l’article 342-9 du code civil, dont les premiers alinéas sont ainsi rédigés : « En cas de procréation médicalement assistée avec tiers donneur, aucun lien de filiation ne peut être établi entre l’auteur du don et l’enfant issu de la procréation. Aucune action en responsabilité ne peut être exercée à l’encontre du donneur. »

Pour ce qui est l’interrogation formulée par Mme Genevard, je précise que ce n’est pas une identité familiale qui est recherchée par les personnes issues d’un don, mais un récit des origines et de l’héritage génétique. Certes, l’identité familiale est importante dans la construction de l’identité individuelle, mais elle n’est pas tout. Pour ce qui est de la part génétique ne relevant de l’identité familiale, il y a besoin d’un récit des origines, ce qui explique que certaines personnes issues d’un don – pas toutes – souhaitent accéder aux données identifiantes ou non identifiantes.

La commission rejette lamendement n° 186.

Elle examine lamendement n° 835 de M. Hervé Saulignac.

Mme Marie-Noëlle Battistel. L’amendement n° 835 vise à garantir aux donneurs qui hésiteraient à faire un don, suite à la possible levée de l’anonymat, que l’accès à leur identité n’autorisera aucune recherche visant à établir un lien de filiation.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Cet amendement étant déjà satisfait par le code civil, je vous invite à le retirer.

Lamendement n° 835 est retiré.

La commission est saisie de lamendement n° 925 de Mme Michèle de Vaucouleurs.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 10. Un donneur ne peut s’entendre qu’en tant que personne physique et le fait qu’il soit ou non en couple ne change rien à cette réalité. Il s’agit donc bien d’un don qui engage une seule personne, et non le couple.

S’il apparaît assez logique que les membres d’un couple puissent avoir un échange sur cette question, il n’appartient pas au législateur d’interférer sur la nature de ce qu’ils souhaitent ou non partager.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Je partage votre analyse, mais je vais présenter prochainement un amendement de réécriture qui satisfera votre préoccupation. Je vous invite donc à retirer votre amendement.

Lamendement n° 925 est retiré.

La commission examine lamendement n° 1302 de Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Au regard des conséquences du don de gamètes, il nous semble nécessaire qu’une personne ait expérimenté la paternité ou la maternité avant de faire don de ses gamètes.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. À mon sens, chacun doit pouvoir être libre de donner des gamètes : qu’elle ait ou non déjà procréé, toute personne peut légitimement avoir envie de faire profiter d’autres personnes de cette possibilité. Le guide des bonnes pratiques prévoit d’ailleurs que si le donneur n’a pas déjà procréé, une partie de ses gamètes peut être conservée pour sa propre procréation. J’émets donc un avis défavorable à cet amendement.

La commission rejette lamendement n° 1302.

Elle est saisie, en discussion commune, des amendements n° 913 de Mme Annie Genevard et n° 1236 de M. Thibault Bazin.

Mme Annie Genevard. Alors que le projet de loi présenté par le Gouvernement prévoyait le droit, pour l’enfant né d’un don de gamètes devenu majeur, d’accéder à ses origines, le Sénat a conditionné cet accès au consentement exprès du donneur exprimé lors de la demande d’accès. L’amendement n° 913 vise donc à rétablir la rédaction initiale, en faisant de cet accès un droit inconditionnel.

La rédaction que nous avions adoptée en première lecture est plus conforme à l’intérêt de l’enfant que ne l’est le texte adopté par le Sénat. Dans l’arrêt Mandet, rendu le 14 janvier 2016, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a reconnu que l’intérêt supérieur de l’enfant, envisagé de manière générale et abstraite, était toujours de connaître la vérité sur ses origines.

M. Thibault Bazin. Je ne m’oriente pas vers une carrière de scénariste, mais je remercie Mme la rapporteure pour ses encouragements.

En bioéthique plus qu’en tout autre domaine, il est important de se poser des questions, notamment sur l’impact que des modifications législatives peuvent avoir sur les enfants concernés. Si l’on voit bien l’intérêt des dispositions contenues par l’article 3 pour ceux qui ont déjà deux parents, dont un père, il paraît bien difficile de mesurer les conséquences de ces dispositions sur ceux qui n’auront qu’un parent.

Si, demain, une personne issue du don de tiers donneur et n’ayant qu’un seul parent entre en contact, une fois devenue majeure, avec son donneur, et s’ils souhaitent tous deux faire reconnaître une forme de filiation entre eux, quelle suite sera donnée à leur demande ? Faudra-t-il encore faire évoluer les lois de bioéthique pour répondre aux besoins de ces personnes qui auront été privées d’une deuxième parentèle ? Toutes ces questions méritent, à mon sens, que l’on s’interroge sur les possibles conséquences des dispositions contenues dans le texte. D’où mon amendement n° 1236.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. J’entends ce que vous dites, monsieur Bazin, mais je pense que la préoccupation que vous exprimez résulte d’une confusion persistante de votre part entre la filiation – un lien de droit entre l’enfant et ceux qui, responsables de sa venue au monde, vont être liés à lui par des obligations réciproques tout au long de leur vie – et la relation familiale. En dehors du cadre de l’AMP, l’enfant de deux parents par procréation charnelle conservera sa filiation avec chacun de ses deux parents, quand bien même l’un d’eux serait complètement démissionnaire : dans la construction d’une identité, ce qui relève du lien juridique et ce qui relève de la relation sont deux choses tout à fait différentes.

En admettant qu’un de vos scénarios – il me tarde de voir la série ! – se réalise un jour et qu’un enfant devenu adulte et son donneur se rencontrent, par hasard ou non, et se découvrent des affinités, la relation amicale qui pourrait exister entre eux n’enlèverait rien à la parentalité des personnes ayant voulu et assumé la venue au monde d’un enfant, et au lien juridique qu’elles ont avec lui.

Je pense que nous sommes tous d’accord pour réécrire une partie de l’article 3 afin de prévoir l’accès de la personne adulte issue d’un don aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur et de rétablir les dispositions relatives au recueil du consentement du don dans leur rédaction issue de l’Assemblée nationale. Je vous invite donc à retirer votre amendement au bénéfice de ceux que je porte afin de supprimer le principe du double consentement introduit par le Sénat, qui crée une insécurité juridique à la fois pour le donneur et pour l’enfant. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. Patrick Hetzel. Madame la rapporteure, vous ne pourrez jamais garantir l’irresponsabilité juridique des donneurs vis-à-vis des enfants. J’en veux pour preuve une décision de justice de la CEDH du 16 juin dernier : la Cour a estimé que la prescription qui ferme l’action en recherche de paternité est contraire à la vie privée de la personne qui tente d’établir l’identité de son père biologique, laquelle a été reconnue comme étant un intérêt vital, protégé par la Convention, et qui ne disparaîtra pas avec l’âge. Si une personne voulait retrouver son père biologique, la Cour estime qu’elle en aurait le droit, et cela pourrait avoir des conséquences en termes de responsabilité de ce père biologique envers son enfant. Vous ne pouvez pas balayer d’un revers de la main un argument juridique comme celui-ci.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Vous soulevez effectivement une question intéressante, à ceci près que la décision de la Cour européenne des droits de l’homme que vous citez a été rendue au sujet d’un père biologique, autrement dit d’une personne ayant causé la venue au monde d’un enfant ; elle ne porte pas sur le fondement et l’établissement de la filiation, mais sur le mode de preuve de la paternité. Or, dans le cas qui nous occupe, il n’y a pas de possibilité d’établir la filiation dès son origine – dès le projet, avant même l’insémination – entre le donneur et l’enfant, dans la mesure où le don suppose précisément que le donneur s’est définitivement défait de toute possibilité d’établir un jour une relation de parentalité. Ce principe est consacré par le code civil et ne sera jamais remis en cause, en vertu de l’indisponibilité de l’état des personnes, qui empêche toute modification à effet rétroactif.

La commission rejette successivement les amendements n° 913 et 1236.

Elle examine les amendements n° 593, n° 633, n° 631 et n° 632 de Mme Agnès Thill.

Mme Agnès Thill. L’amendement n° 593 vise à ne pas distinguer les modalités d’accès aux données non identifiantes et à l’identité du donneur et à ne pas imposer un âge pour accéder à ces informations.

Pourquoi le législateur souhaite-t-il poser ces conditions à la levée d’anonymat des donneurs ? Il est évident qu’il ne s’agit pas de garantir le bien des enfants, mais de rassurer les couples ou femmes seules « receveurs » et les donneurs de gamètes. Les contrats qu’ils signent continueront de l’emporter sur les préoccupations identitaires de l’enfant conçu, et les droits de cet enfant resteront ainsi subordonnés à la volonté d’adultes.

Le principe d’accès aux origines de l’enfant doit être le fondement pour tout enfant, qu’il soit ou non né d’un don. Il s’agit ainsi de considérer l’accès aux origines, entendu comme l’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur, comme un droit universel pour l’ensemble des personnes nées de don – sinon, cela constitue une véritable inégalité entre les enfants, organisée avant leur naissance.

Les amendements n° 633, n° 631 et n° 632 visent à supprimer le critère de majorité pour l’accès aux données identifiantes et non identifiantes du donneur. L’article 3 ne permet pas de protéger les droits des personnes nées de tiers donneurs ; l’alinéa 11 méprise la volonté que peuvent avoir ces personnes d’entreprendre une quête de leurs origines jusqu’à ce qu’elles aient dix-huit ans et, lorsqu’elles sont majeures, fait dépendre leur droit du bon vouloir d’un tiers, ce qui est contraire aux principes contenus dans toutes les conventions internationales de protection des droits de l’homme, qui font reposer ceux-ci sur la dignité humaine et non sur la volonté d’un autre. Je propose donc de supprimer le critère de majorité pour l’accès aux données, qu’elles soient identifiantes ou non, du donneur.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Nous poursuivons le même objectif : faire en sorte que la personne adulte issue d’un don puisse avoir accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur. Cependant, vous y ajoutez la suppression de la condition de l’accès à la majorité de la personne, ce qui me semble peu prudent : j’estime qu’il vaut mieux attendre que l’enfant soit devenu adulte, qu’il se soit construit, et qu’en attendant, ses parents puissent lui parler. Je suis donc défavorable à ces amendements.

La commission rejette successivement les amendements n° 593, 633, 631 et 632.

M. Patrick Hetzel. Madame la présidente, je découvre que Mme la rapporteure vient de déposer, durant cette réunion, un amendement réécrivant totalement l’article 4, portant sur la filiation. C’est un scandale pur et simple, car nous n’aurons pas le temps de rédiger des sous-amendements. Ce n’est pas sérieux ! Vous ne pouvez pas nous obliger à travailler dans ces conditions ! En première lecture, nous avons eu seulement quarante-huit heures pour travailler sur cet article, largement modifié par le Gouvernement, et vous vous apprêtez à nous soumettre au même traitement une seconde fois ! Je n’imaginais pas que nous puissions nous retrouver dans une telle situation. Je demande donc une suspension de séance et la réunion de la conférence des présidents, afin qu’on reporte l’ensemble des débats !

Mme Elsa Faucillon. Une fois n’est pas coutume, je suis d’accord avec notre collègue Hetzel pour protester contre le procédé qui consiste à réécrire complètement un article au dernier moment, procédé utilisé à plusieurs reprises par la majorité ces derniers temps – c’est arrivé il y a peu dans le cadre d’une proposition de loi, émanant pourtant de la majorité, relative aux directeurs d’école. Je ne sais pas si le Gouvernement est à l’initiative de ces manœuvres – c’est parfois le cas –, mais je rejoins mes camarades de l’autre bord (Sourires) : son absence commence vraiment à poser problème. Si c’est pour que le Gouvernement arrive en séance publique avec des amendements qui procèdent à des réécritures complètes parce que la majorité n’aura pas réussi à donner au texte la cohérence souhaitée, ça commence à bien faire… S’il y a en ce moment des négociations en vue de la réécriture du texte, il faut nous en informer, mais une chose est sûre, on ne peut pas travailler dans ces conditions !

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Je propose de suspendre la séance et de réunir le bureau.

(La réunion, suspendue à seize heures cinquante-cinq, reprend à dix-sept heures cinq.)

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Mes chers collègues, tout problème ayant une solution, le bureau s’est réuni, en présence d’un représentant de chaque groupe, et a décidé de poursuivre l’examen des amendements à l’article 3. L’amendement de la rapporteure à l’article 4 est en ligne et nous allons réserver l’examen de l’article 4 : nous y viendrons après avoir examiné la partie pour laquelle M. Saulignac est rapporteur – sans doute pas avant la réunion de vingt et une heures trente.

M. Patrick Hetzel. Je vous remercie pour la bonne volonté dont vous avez fait preuve, madame la présidente, et je ne vous mets nullement en cause. Cependant, vous conviendrez que travailler dans de telles conditions est un peu baroque : alors que nous débattons du texte, nous sommes censés travailler en même temps à la rédaction de sous-amendements à l’amendement de la rapporteure réécrivant l’article 4 ! C’est proprement incroyable.

J’aurais souhaité que nous disposions d’au moins un peu de temps pour rédiger nos sous-amendements, car ce dont il est question en ce moment, c’est de la filiation, qui n’est pas un sujet sans importance. Vous avez fait l’effort d’essayer de trouver une solution, madame la présidente, mais on ne peut pas dire que les conditions sont réunies pour travailler en toute sérénité. Tout cela n’est pas très sérieux. Nos collègues de la majorité ont beau répéter que la bioéthique est un sujet important, j’ai l’impression que tout est fait pour bâcler le sujet.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Monsieur Hetzel, nous sommes en deuxième lecture et nous sortons d’une réunion du bureau dont la décision a été acceptée par tout le monde. Nous devons tous être constructifs ; et à chaque fois que vous avez souhaité déposer des sous-amendements, vous avez montré que vous étiez capable de le faire… Vous en aurez la possibilité, puisque nous n’aborderons pas l’examen de l’article 4 avant la réunion de vingt et une heures trente. Je conçois que ce n’est pas toujours facile, mais suivons l’exemple des soignants durant la crise de la covid : soyons souples et agiles !

M. Pascal Brindeau. Si l’amendement de Mme la rapporteure n’avait consisté qu’à rétablir la rédaction adoptée par notre assemblée en première lecture, nous aurions pu admettre le procédé, même s’il nous laisse en effet peu de temps pour rédiger d’éventuels sous-amendements. Mais il va bien plus loin qu’une simple réécriture, puisqu’il procède à des ajouts, notamment sur la façon dont les parents vont attribuer le nom de famille à l’enfant, etc.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. N’allons pas ouvrir le débat : le bureau s’est réuni et a pris une décision qu’il nous revient désormais d’appliquer en reprenant l’examen du texte. En retardant la reprise de nos travaux, vous réduisez d’autant le temps dont vous disposez pour rédiger vos sous-amendements.

M. Pascal Brindeau. Je maintiens que plusieurs dispositions ont été ajoutées à l’article 4, par exemple celles relatives à la PMA à l’étranger, qui ne sont pas anodines.

La commission se saisit des amendements identiques n° 1483 de la rapporteure et n° 1052 de Mme Anne-France Brunet.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. L’amendement n° 1483 a pour objet de revenir sur le principe du double consentement introduit par le Sénat, qui présente le risque d’exposer la personne née d’un don à un refus d’accès à l’identité du donneur. Ce principe, qui prévoit un premier consentement au moment du don et un second au moment où l’enfant devenu adulte souhaite accéder à l’identité du donneur et à ses données non identifiantes, présente un risque élevé de rupture de l’égalité entre les personnes issues de don.

Je préfère la solution figurant dans le texte originel et adoptée lors de la première lecture à l’Assemblée nationale : elle respectueuse des donneurs, puisqu’ils sont parfaitement informés du cadre de la réforme avant de faire un don et donc en mesure de faire un choix libre et éclairé. Par ailleurs, les enfants bénéficient de la même sécurité juridique.

Mme Anne-France Brunet. L’amendement n° 1052 vise à rétablir le texte du projet de loi du Gouvernement, qui prévoit que c’est au moment du don que le donneur consent à l’accès à ses données non identifiantes et à son identité. Il y va de l’intérêt de l’enfant et de l’égalité entre tous les enfants. Prévoir que le donneur ne donne son consentement que lors de la demande d’accès à son identité par une personne née de son don devenue majeure n’exclut pas un éventuel refus du donneur, et risque donc de rompre l’égalité entre les personnes nées de don. L’autre risque est celui d’un décès du donneur, qui empêcherait également l’enfant d’accéder aux informations souhaitées.

La commission adopte les amendements identiques n° 1483 et 1052.

En conséquence, les amendements identiques n° 309 de M. Xavier Breton et n° 391 de M. Patrick Hetzel, les amendements identiques n° 131 de Mme Emmanuelle Ménard et n° 899 de Mme Michèle de Vaucouleurs, ainsi que lamendement n° 135 de Mme Emmanuelle Ménard et lamendement n° 594 de Mme Agnès Thill tombent.

La commission en vient à lamendement n° 187 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Comme l’a fait valoir la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) lors de son audition devant la commission spéciale à l’Assemblée nationale, la terminologie « données non identifiantes » est trop floue, d’où cet amendement de précision dont objet est d’insérer, après le mot : « identifiantes », les mots : «, y compris indirectement, ». Comme on a pu le constater récemment au sujet de l’application StopCovid, les Français sont très attentifs au respect des recommandations de la CNIL.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. La précision proposée ne me paraît pas utile. Je vous invite à retirer votre amendement ; à défaut j’émettrai un avis défavorable.

La commission rejette lamendement n° 187.

Elle est saisie, en discussion commune, des amendements n° 113 de M. Guillaume Chiche, n° 1200 de M. Didier Martin et n° 898 de Mme Michèle de Vaucouleurs.

M. Guillaume Chiche. L’amendement n° 113 vise à supprimer l’exigence de consentement du tiers donneur pour que l’enfant né de ce don puisse, à sa majorité, avoir accès à ses origines personnelles. Dès lors que le tiers donneur consent au don, il consent à ce que ses données non identifiantes ainsi que son identité puissent être communiquées aux enfants issus de ce don – à leur majorité et s’ils le souhaitent.

M. Didier Martin. L’amendement n° 1200 vise à permettre à l’ensemble des enfants issus d’une AMP d’avoir accès, à partir de leur majorité, aux données non identifiantes ainsi qu’à l’identité du tiers donneur. Il est donc proposé qu’au moment du don, le tiers donneur consente à la révélation de ses données non identifiantes et de son identité à la demande de l’enfant devenu majeur.

Mme Géraldine Bannier. L’amendement n° 898 vise à garantir à toutes les personnes conçues par assistance médicale à la procréation l’accès aux données identifiantes du tiers donneur, à leur majorité s’ils en font la demande, afin de ne pas créer une profonde inégalité au détriment des enfants issus de dons, parfois au sein d’une même famille. Cet amendement est en fait très proche de l’amendement n° 1483 de la rapporteure, adopté il y a quelques instants.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Nous poursuivons effectivement le même objectif. C’est pourquoi, dans la mesure où l’amendement n° 1483 a été adopté, je vous invite à retirer ces trois amendements qui se trouvent satisfaits.

Les amendements n° 113, 1200 et 898 sont retirés.

La commission examine lamendement n° 634 de Mme Agnès Thill.

Mme Agnès Thill. Cet amendement vise à ne pas distinguer les modalités d’accès aux données non identifiantes et à l’identité du donneur. Le principe d’accès aux origines de l’enfant est fondamental pour tout enfant né ou pas d’un don. Il s’agit de considérer l’accès aux origines, entendu comme l’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur, comme un droit universel pour l’ensemble des personnes majeures nées de don.

Les enfants nés de PMA ont le droit d’accéder aux données identifiantes de leur parent biologique. Il est légitime de reconnaître à tout individu né d’une PMA le droit de ne pas souhaiter accéder aux informations concernant ses origines, mais on ne peut pas pour autant lui supprimer ce droit. Même si cette disposition conduit à une diminution des dons de gamètes, le droit de l’enfant doit primer sur le droit à l’enfant.

Par son chapitre Ier sur la PMA pour toutes, la loi de bioéthique augmente les situations de violation objective des droits des enfants. Par son chapitre II, elle console les enfants nés d’un don en leur promettant qu’ils auront peut-être accès à l’identité de leur père biologique à leurs dix-huit ans. Certains connaîtront cet homme, d’autres non, sans aucune égalité entre les enfants. Oseraient-ils demander plus, oseraient-ils demander les mêmes droits que les autres, que la réponse serait toujours la même : « Vous êtes en vie grâce à la PMA, votre seul droit est d’en être reconnaissants et de nous en remercier ».

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Votre amendement étant satisfait, je vous invite à le retirer ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Mme Agnès Thill. Je le maintiens.

La commission rejette lamendement n° 634.

Elle est saisie de lamendement n° 392 de M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Pourquoi l’amendement n° 391 est-il tombé, ainsi que les suivants ?

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Parce que l’alinéa 12 a été supprimé.

M. Patrick Hetzel. L’amendement n° 392 vise à modifier la rédaction de la fin de l’alinéa 13 afin de conditionner le don à l’accord préalable du donneur de communiquer non seulement des données non identifiantes, mais aussi son identité. Selon plusieurs décisions rendues par la Cour européenne des droits de l’homme, le droit de connaître son ascendance se trouve dans le champ d’application de la notion de vie privée, qui englobe des aspects importants de l’identité personne, notamment l’identité des géniteurs.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Votre proposition est déjà satisfaite par mon amendement n° 1483 visant à supprimer le double consentement. Je vous invite par conséquent à retirer votre amendement ; j’émettrai à défaut un avis défavorable.

M. Patrick Hetzel. Je le maintiens.

La commission rejette lamendement n° 392.

Elle examine les amendements identiques n° 188 de M. Thibault Bazin et n° 393 de M. Patrick Hetzel.

M. Thibault Bazin. J’ai une nouvelle histoire à raconter à Mme la rapporteure…

Le don de gamètes est susceptible d’avoir un impact sur la vie du couple du donneur, surtout dans la perspective éventuelle de la levée de l’anonymat à la majorité de l’enfant issu du don : on ne peut exclure qu’un enfant vienne un jour frapper à la porte du couple afin d’entrer en contact avec son donneur. Si le conjoint n’a pas été informé du don, une telle situation peut être à l’origine de graves tensions intrafamiliales, au sein du couple ou entre le donneur et les autres enfants.

Je suis convaincu que, si vous levez l’anonymat, vous devez maintenir le consentement obligatoire du conjoint, de manière à préserver pour l’avenir la paix sociale au sein des familles. Tel est l’objet de l’amendement n° 188.

M. Patrick Hetzel. Mon amendement n° 393 va dans le même sens. On ne peut pas faire comme le don de gamètes était anodin : un tel acte a des conséquences sur la vie de l’enfant à naître, mais peut aussi en avoir sur la vie du donneur et de sa famille si l’enfant issu de don se met à la recherche de ses origines. Ce n’est pas de la science-fiction ; il faut impérativement que le consentement du conjoint du donneur soit requis, et l’intégrer dans notre droit positif.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Vos amendements me semblent révélateurs d’une confusion persistante entre le donneur et l’hypothèse d’une filiation : je ne vois pas en quoi la révélation d’un don, dès lors qu’il n’y a pas de parentalité, serait de nature à perturber l’intimité d’un couple et à y mettre en péril la bonne entente. Par ailleurs, le fait d’être en couple avec une personne n’a jamais conféré aucun droit de propriété sur les gamètes de son conjoint, concubin ou pacsé. Ne serait-ce que pour cette raison, j’émets un avis défavorable à ces amendements.

Mme Annie Genevard. Nous avons tous lu dans la presse, au cours des dernières années, des reportages sur des personnes qui, apprenant qu’elles avaient été conçues grâce à un tiers donneur, avaient souhaité recourir à un test génétique afin de retrouver d’autres enfants issus du même don, reconstituant ainsi des fratries – les personnes concernées parlent elles-mêmes de leurs demi-frères et de leurs demi-sœurs.

Le lien familial que vous déniez, les personnes nées d’un don peuvent être désireuses de le recréer et, lorsqu’elles y parviennent, le vivent souvent très bien. Mais que peut ressentir le conjoint d’un donneur lorsqu’il apprend, à l’occasion de la démarche d’un enfant à la recherche de ses origines, que son conjoint a effectué un don sans l’en informer ? Il me paraît normal que le consentement du conjoint du donneur soit requis, car cela permet de s’assurer qu’il est parfaitement informé de la situation.

M. Fabien Di Filippo. La distinction stricte entre la biologie et la parentalité, à laquelle vous vous référez constamment, trouve ses limites dans cette réalité : toute personne, pour se construire, a envie et besoin de savoir d’où elle vient. Je ne prétends pas qu’il faille avoir été élevé par ses deux parents : c’est la vie qui choisit. Mais on a besoin de savoir d’où on vient.

Ce qui risque de provoquer des perturbations au sein du couple, ce n’est pas que l’une des deux conjoints ait fait un don, mais bien le fait qu’un enfant se présente, et qui demande à voir son papa ! Vous aurez beau soutenir que le fait d’avoir donné un gamète ne suffit pas à faire d’un homme un père ; pour l’enfant concerné, la ressemblance physique avec son géniteur et le fait de savoir qu’il s’agit de son père biologique le pousseront à le considérer comme son père. Cette situation est perdant-perdant à tous points de vue : pour l’enfant, qui aura dû grandir et se construire sans savoir qui est son père, mais aussi parce qu’elle constitue un véritable repoussoir juridique pour les personnes qui seraient disposées à faire un don afin d’accompagner un projet de procréation médicalement assistée.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Je le répéterai aussi souvent que nécessaire : vous continuez à confondre parenté et parentalité. Nous avons fait beaucoup d’auditions en première lecture, nous avons reçu beaucoup de documentation, notamment des témoignages d’enfants issus de tiers donneurs, de parents receveurs de dons, de donneurs eux-mêmes. Il en ressort que pas un seul enfant issu d’une AMP avec tiers donneur n’a fait état d’une confusion entre donneur et parent. Il faut en finir avec cette légende. C’est clair dans le code civil, comme c’est clair dans la tête des familles qui vivent cette situation : je suis navrée de vous le dire, mais il n’y a plus que pour vous que cela ne l’est pas…

La commission rejette les amendements n° 188 et 393.

Elle est saisie des amendements n° 394, n° 395 et n° 396 de M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Dans les décisions rendues par la Cour européenne des droits de l’homme que j’ai évoquées tout à l’heure, le terme utilisé pour désigner le donneur est celui de biological father, c’est-à-dire le père biologique, et non le géniteur. Dès lors, quand vous assurez au donneur qu’aucun lien de filiation ne sera établi entre lui et l’enfant, c’est une promesse fallacieuse, impossible à tenir à long terme. Avec la PMA sans père que vous êtes en train d’organiser, ce sont des bombes juridiques à retardement que vous préparez ! Afin de limiter les effets des situations qui pourraient se présenter à l’avenir, nous vous proposons de compléter l’alinéa 13 de l’article 3 : l’amendement n° 394 précise que le consentement est irrévocable, l’amendement n° 395 que le décès du tiers donneur est sans incidence sur la communication des données non identifiantes et de l’identité du donneur. Enfin, l’amendement n° 396 vise à donner à l’enfant issu d’un don d’embryon la possibilité d’accéder à des données non identifiantes concernant chacun des membres du couple et à leur identité.

Je le répète, madame la rapporteure : entre ce que vous nous dites et les principes affirmés par les plus hautes juridictions européennes, il y a un écart que rien ne justifie.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. La décision de la Cour européenne des droits de l’homme n’a pas grand-chose à voir avec ces trois amendements. Votre amendement n° 394 ne me paraît plus nécessaire dès lors que nous avons supprimé le double consentement du don ; je vous suggère donc de le retirer. Je suis par contre ravie de vous donner un avis favorable sur l’amendement n° 395 afin de rendre la mesure plus explicite ; et si nous l’adoptons, votre amendement n° 396 ne sera plus nécessaire.

M. Thibault Bazin. J’aimerais vraiment que nous puissions aborder la question de la femme seule car, avec la levée de l’anonymat, il y aura peut-être, au-delà de l’accès aux origines, la quête d’autre chose. Vous êtes très clairs, je suis d’accord, sur la question de la filiation, en bloquant la recherche en paternité ; mais le droit est une chose et la psychologie en est une autre. Une personne pourrait réellement être demain en souffrance de n’avoir qu’une seule parentèle.

M. Fabien Di Filippo. Si je suis le seul, ou si je suis parmi les rares, avec quelques autres ici, à confondre les notions de père biologique et de parent, comment expliquez-vous qu’autant de gens sur terre cherchent à connaître leurs origines biologiques à tout prix ? C’est bien qu’il y a besoin de connaître sa filiation et de savoir d’où l’on vient pour se construire. Je ne vous dis pas que tout le monde a grandi avec deux parents, mais seulement que vous privez artificiellement un enfant de l’existence d’un de ses deux parents, de la possibilité de le connaître au moment où il se construit.

Les amendements n° 394 et n° 396 sont retirés.

La commission adopte lamendement n° 395.

Puis elle examine les amendements identiques n° 1485 de la rapporteure et n° 1353 de M. Didier Martin.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Rétablissement du texte adopté en première lecture.

M. Didier Martin. L’amendement n° 1353, déjà proposé et adopté en première lecture, permet l’actualisation des données non identifiantes du donneur, à la discrétion de ce dernier, afin d’obtenir des informations sur la possible survenue de pathologies et de problèmes médicaux après le don, qui pourraient être importants pour l’enfant issu du don.

Mme Annie Genevard. C’est tout de même laissé à l’appréciation du donneur. L’actualisation est utile en cas de problèmes médicaux, mais si rien ne l’y incite ou ne l’y oblige, à quoi cela sert-il ?

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Cela ne concerne pas les données médicales mais les données non identifiantes : situation professionnelle, évolution de la situation de vie, motivations du don, etc. La donnée médicale, je l’ai dit, est renseignée de deux façons : à l’origine avec une très forte sélection – je vais demander au ministère de nous apporter en séance les quatorze pages du questionnaire –, et dans la partie dont M. Berta est le rapporteur. Nous votons seulement sur le fait qu’à chaque découverte génétique sur un état de santé, la parentèle doit être informée.

La commission adopte les amendements identiques n° 1485 et 1353.

Elle examine ensuite lamendement n° 596 de Mme Agnès Thill.

Mme Agnès Thill. Le principe d’accès aux origines de l’enfant doit être le fondement pour tout enfant, né ou pas d’un don. Il s’agit ainsi de considérer l’accès aux origines, entendu comme l’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur, comme un droit universel pour l’ensemble des personnes majeures nées de don. Tout citoyen français a un numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques (RNIPP), communément appelé numéro de sécurité sociale, permettant au Conseil mentionné à l’article L. 2143‑6 de pouvoir toujours communiquer avec le donneur.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Les données non identifiantes et l’identité du donneur constituent à notre sens une liste suffisante. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette lamendement n° 596.

Puis elle examine lamendement n° 1027 de M. Bruno Fuchs.

M. Bruno Fuchs. Cet amendement vise à ce que la liste des données non identifiantes ne soit pas incluse dans la loi mais définie par décret en Conseil d’État, en tenant compte des données scientifiques nationales et internationales. Le retour d’expérience des familles et des enfants issus de don ou de tiers donneurs n’est pas suffisamment éclairant pour établir cette liste de façon définitive. La figer dès à présent dans la loi obligerait à attendre cinq ans pour proposer un cadre plus adapté aux besoins des intéressés.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Votre amendement est satisfait par un processus en deux temps : les grandes caractéristiques, identifiantes et non identifiantes, sont définies par le législateur, mais la fin de l’article 3 dispose que leur nature est précisée par un décret en Conseil d’État.

Lamendement n° 1027 est retiré.

La commission est saisie en discussion commune des amendements n° 836 de M. Hervé Saulignac et n° 136 de Mme Emmanuelle Ménard, des amendements identiques n° 1486 de la rapporteure, n° 114 de M. Guillaume Chiche, n° 1053 de Mme Anne-France Brunet et n° 1380 de M. Jean-François Mbaye ainsi que de lamendement n° 1202 de M. Didier Martin.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Le recueil de l’état de santé des donneurs au moment du don présente un intérêt limité dans la mesure où la plupart sont en bonne santé au moment de leur don. En revanche, il est utile de recueillir les antécédents médicaux du donneur ou de ses proches parents – par exemple si sa sœur ou sa mère a eu un cancer du sein –, tels qu’il les déclare au moment de son don. Tel est l’objet de l’amendement n° 836.

Mme Emmanuelle Ménard. L’amendement n° 136 va dans le même sens en proposant de rétablir l’alinéa 16 dans la rédaction suivante : « 2° Leur état de santé précis à la date du don ». Au lieu de préférer des éléments subjectifs fournis par le donneur, il me semble plus intéressant de collecter des données médicales objectives qui, par la suite, pourront être pertinentes lorsque l’enfant sera né.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. L’amendement n° 1486 a pour objet de rétablir l’état général du donneur parmi les données non identifiantes.

M. Guillaume Chiche. L’amendement n° 114 vise le même objectif.

Mme Anne-France Brunet. L’amendement n° 1053 tend à rétablir la possibilité d’avoir des informations concernant l’état général du donneur : cela peut avoir un impact important pour l’enfant et permettre aux équipes médicales de diagnostiquer d’éventuelles maladies.

M. Didier Martin. L’amendement n° 1202 propose d’ajouter à l’alinéa 16 qu’au moment du recueil du consentement sont également établies les données concernant l’état général de santé telles que les donneurs le décrivent au moment du don, ce qui correspond à la rédaction adoptée en première lecture.

M. Jean-François Mbaye. Mon amendement n° 1380 a le même objet. Même si ces données ne sont que déclaratives, elles complètent utilement les données du document qui sera transmis à la personne issue de PMA.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Les amendements nos 836 et 136 présentent un problème de rédaction car ils ne précisent pas s’il s’agit du parent génétique ou juridique. Ils ne sont pas non plus nécessaires dans la mesure où c’est déjà couvert par les propositions sur l’état général. Sur le fond, l’idée de prendre des renseignements sur leurs proches parents – j’imagine génétiques – se heurte au secret médical. Par ailleurs, on ne peut pas inclure des éléments sur les données chirurgicales ou autres, qui seraient plus identifiantes.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Il n’était pas du tout dans notre intention de rompre le secret médical.

La commission rejette successivement les amendements n° 836 et 136.

Puis elle adopte les amendements identiques n° 1486, 114, 1053 et 1380.

En conséquence, lamendement n° 1202 tombe.

Ensuite de quoi, la commission examine les amendements identiques n° 1487 de la rapporteure et n° 137 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. L’amendement n° 1487 a pour objet de supprimer la précision introduite par le Sénat selon laquelle les motivations du don sont rédigées en concertation avec le médecin : elle est à mes yeux largement inutile.

Mme Emmanuelle Ménard. Une fois n’est pas coutume, je suis d’accord avec Mme Dubost. La commission sénatoriale a introduit le contrôle de la rédaction des motivations afin « d’éviter dans la mesure du possible toute rédaction qui pourrait avoir un impact négatif sur la personne née d’une AMP avec donneur après sa majorité ». Un tel contrôle me paraît abusif : c’est une forme de censure, qui plus est en contradiction avec la philosophie de la loi : ou bien l’on considère que le donneur est responsable et conscient de la portée de son geste pour accomplir son don, et aucun contrôle de la rédaction de ses motivations ne peut être envisagé ; ou bien l’on considère qu’il est irresponsable et que la motivation de son don est biaisée, et le CECOS devrait alors refuser de recevoir son don.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Je rejoins – qui l’eût cru ? – les propos de Mme Ménard : un tel contrôle est exagérément instrusif.

La commission adopte les amendements identiques n° 1487 et 137.

Puis elle examine les amendements identiques n° 496 de M. Maxime Minot, n° 837 de M. Hervé Saulignac et n° 1032 de M. Bruno Fuchs.

M. Maxime Minot. L’amendement n° 496 propose de compléter l’alinéa 20 en insérant : « Tout autre élément ou information qu’il souhaiterait laisser ». S’il est nécessaire d’encadrer le recueil des données sur les donneurs de gamètes ou d’embryons, il n’y a aucune raison de le verrouiller en en dressant une liste exhaustive, sans permettre aux intéressés de laisser d’autres informations. C’est une option que nous ouvrons, et non une obligation.

Mme Marie-Noëlle Battistel. L’amendement n° 837 vise à ne pas limiter la liste des données non identifiantes sur les tiers donneurs. Il n’y a aucune raison de verrouiller le type de données recueillies puisque la commission pourra de toute façon statuer sur le caractère non identifiant de certaines données.

M. Bruno Fuchs. Mon amendement n° 1032 a le même objet. La levée de l’anonymat change le profil des donneurs : dès lors, il me paraît naturel de permettre à un donneur, au moment de son don, d’apporter quelques éléments contextuels que l’on pourrait retrouver dix-huit ou vingt-cinq ans plus tard, alors que sa situation aura pu totalement changer, plutôt que de simples éléments non identifiants et totalement impersonnels.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Nous en avions débattu en première lecture. Pour une première levée partielle de l’anonymat au bénéfice de l’enfant, avec l’accès aux données non identifiantes, qui sont très larges, l’essentiel y est. En outre, « tout élément », ce n’est pas défini. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements n° 496, 837 et 1032.

Ensuite de quoi, elle examine les amendements identiques n° 316 de M. Xavier Breton et n° 398 de M. Patrick Hetzel.

M. Xavier Breton. L’amendement n° 316 est défendu.

M. Patrick Hetzel. L’un des risques possibles – certaines évolutions à l’étranger vont dans ce sens –, c’est la tentation du « bébé zéro défaut ». Pour éviter ce danger, l’amendement n° 398 tend à préciser que les informations recueillies doivent uniquement permettre de renseigner l’enfant issu du don à sa majorité.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Ces amendements sont satisfaits par le texte car les informations recueillies ne peuvent être transmises qu’à la personne issue de don à sa majorité. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette les amendements n° 316 et 398.

La commission examine lamendement n° 1488 de la rapporteure.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Cet amendement a pour objet de supprimer deux dispositions introduites au Sénat : l’impossibilité de procéder au don en l’absence de consentement à la transmission des données non identifiantes et la possibilité de modifier ces données.

La commission adopte lamendement n° 1488.

Puis elle examine lamendement n° 1489 de la rapporteure.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Cet amendement a un double objet. Tout d’abord, il prévoit le recueil, par le médecin du CECOS, de l’identité de la personne ou du couple receveur, ainsi que la transmission et la conservation de ces données dans le registre placé sous la responsabilité de l’Agence de la biomédecine (ABM), qui contiendra également les données relatives aux tiers donneurs, à leurs dons et aux personnes nées à la suite de ces dons. L’intégration de ces données au registre est à notre sens la seule manière de s’assurer de l’effectivité de la réforme prévue au présent article. Ces informations permettront de limiter les erreurs et de dépasser l’absence éventuelle d’information de l’enfant sur les modalités de sa conception. Elles feront l’objet de la plus grande vigilance par l’ABM.

La seconde mesure consiste à prévoir une autre finalité du traitement de données confié à l’ABM : s’assurer du respect du principe selon lequel le recours aux gamètes d’un même donneur ne peut délibérément conduire à la naissance de plus de dix enfants.

La commission adopte lamendement n° 1489.

Elle examine ensuite lamendement n° 838 de M. Hervé Saulignac.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Le projet de loi ouvre la possibilité, pour les personnes nées par une PMA avec tiers donneur, d’accéder à leurs origines et c’est une excellente chose. Cependant, cela ne sera possible que pour les personnes auxquels leurs parents auront dit la vérité. Cet amendement vise à permettre aux personnes conçues par don de gamètes et d’embryon de disposer, si elles en font la demande auprès de la commission mentionnée, d’accéder au consentement au don du ou des parents, dans l’éventualité où il y en aurait eu un. Il est donc proposé que l’ABM conserve copie du consentement et informe les personnes qui en feront la demande de l’existence éventuelle d’un consentement signé par leurs parents. Cela va dans le même sens que l’amendement de la rapporteure.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Je comprends votre objectif et je me suis moi-même posé la question, mais nous nous heurtons à un obstacle : le consentement au don est un acte médical et l’enfant ne peut juridiquement y avoir accès.

Lamendement n° 838 est retiré.

La commission est saisie des amendements identiques n° 497 de M. Maxime Minot et n° 1087 de M. Bruno Fuchs.

M. Maxime Minot. L’amendement n° 497 vise à permettre aux personnes conçues par don de disposer à leur majorité d’un document officiel au sujet de leur conception avec donneur, en prévoyant qu’une copie de tous les consentements au don soit archivée par l’ABM. En effet, le droit de connaître l’ensemble de ses origines personnelles est consacré notamment par la Convention européenne des droits de l’homme et la jurisprudence qui en découle. Mais pour faire valoir ce droit, les personnes concernées doivent pouvoir savoir si elles ont été conçues par don. Il est donc proposé que l’ABM conserve copie du consentement et informe les personnes qui en feront la demande de l’existence éventuelle d’un consentement signé par leurs parents.

M. Bruno Fuchs. L’amendement n° 1087 a également pour objet de confirmer cette première étape très importante qui permet de lever toute ambiguïté pour l’enfant.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Pour les mêmes raisons que précédemment, ce n’est pas possible à ce jour. Je comprends la préoccupation, quand des parents n’ont jamais révélé à l’enfant son mode de conception, et c’est justement la raison pour laquelle nous avons créé cette commission qui répondra à tout enfant devenu majeur à la question de savoir s’il a été conçu par AMP avec tiers donneur ou non. Pour que la culture change, que nous sortions du secret, c’est aussi une responsabilité gouvernementale, en matière de communication, et médicale, en matière d’accompagnement au moment de l’AMP, qui doit être l’occasion d’inciter des parents : nous avons intégré à l’article 1er le livret qui explique tout cela.

Mme Annie Genevard. M. Lachaud avait déposé un amendement très intéressant, qu’il n’a malheureusement pas pu défendre, proposant que ces données soient conservées sur un serveur français situé en France. La question de la souveraineté numérique en matière de données de ce type est importante – nous avons eu l’occasion de nous la poser à propos de l’application Zoom, par exemple.

La commission rejette les amendements identiques n° 497 et 1087.

Elle en vient à lamendement n° 900 de Mme Michèle de Vaucouleurs.

Mme Michèle de Vaucouleurs. L’amendement n° 900 est défendu.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Demande de retrait.

Lamendement n° 900 est retiré.

La commission examine, en discussion commune, lamendement n° 1490 de la rapporteure, qui fait lobjet des sous-amendements  1607 et n° 1608 de M. Patrick Hetzel, ainsi que lamendement n° 1381 de M. Jean-François Mbaye.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. L’amendement n° 1490 vise au rétablissement de la rédaction du texte issu de la première lecture à l’Assemblée nationale quant à l’organe auquel sont confiées les missions d’accueil et de prise en charge des personnes nées d’AMP avec don ainsi que des tiers donneurs.

Nous préférons revenir à la commission ad hoc, solution confirmée par le Conseil d’État, plutôt que de confier ces missions au Conseil national d’accès aux origines personnelles (CNAOP) comme le propose le Sénat. Les confier au CNAOP impliquerait de garantir une parfaite étanchéité entre les missions d’accompagnement des personnes issues d’un accouchement dans le secret et de celles issues d’une AMP avec père donneur. Ce n’est pas du tout le même questionnement de vie, les mêmes circonstances, les mêmes besoins, ni pour les enfants ni pour le donneur ou la mère qui aurait accouché sous le secret. Ces différences à la fois juridiques, psychologiques, relationnelles requièrent des compétences différentes ; la commission ad hoc, par la diversité de son collège, ministères, magistrats, professionnels de santé, accompagnants, associations, nous paraît mieux à même d’apporter les réponses appropriées aux personnes concernées par le don.

M. Jean-François Mbaye. L’objectif de mon amendement n° 1381 est le même : rétablir la commission ad hoc chargée de transmettre aux personnes issues d’un don de gamètes les informations relatives au donneur. Le Sénat lui a préféré un CNAOP aux compétences élargies ; cette substitution ne me semble pas opportune dans la mesure où les deux catégories de personnes auxquelles il est fait référence, celles issues d’un don de gamètes et celles nées sous X, ne sont pas comparables et encore moins assimilables. Pour ne citer qu’un aspect de la question, l’accompagnement des demandeurs ne peut évidemment pas être le même.

Je retire mon amendement au bénéfice de celui de la rapporteure, de même que mes amendements n° 1384, n° 1385, n° 1386 et n° 1387, que son adoption fera tomber.

Lamendement n° 1381 est retiré, ainsi que les amendements n° 1384, n° 1385, n° 1386 et n° 1387.

M. Patrick Hetzel. Mon sous-amendement n° 1607 tend à compléter l’alinéa 14 par la formule : « nommés sur avis conforme des présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat ». Si nous voulons que les choses se passent bien, une concertation entre les deux chambres du Parlement serait utile.

Le sous-amendement n° 1608 propose que la commission d’accès aux données non identifiantes inclue deux représentants de l’Union nationale des associations familiales.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Je ne vois pas en quoi il serait utile d’avoir un avis des présidents des chambres sur des représentants d’associations civiles, alors que la commission est placée sous l’égide du ministre de la santé. Les présidents des chambres peuvent désigner des personnalités, mais qu’ils donnent un avis sur des personnes désignées me semble déplacé.

Avis également défavorable au sous-amendement n° 1608.

La commission rejette successivement les sous-amendements n° 1607 et 1608.

Puis elle adopte lamendement n° 1490.

En conséquence, les amendements n° 116 de M. Guillaume Chiche, n° 952 de M. Maxime Minot, n° 1055 de Mme Anne-France Brunet, n° 117 de M. Guillaume Chiche, n° 954 de M. Maxime Minot, n° 1402, n° 1403 et n° 1404 de Mme Anne-France Brunet, n° 650 de M. Pierre Dharréville, n° 139 de Mme Emmanuelle Ménard, n° 318 de M. Xavier Breton, n° 400 de M. Patrick Hetzel, n° 140 de Mme Emmanuelle Ménard, n° 189 de M. Thibault Bazin, n° 141 de Mme Emmanuelle Ménard et n° 1405 de Mme Anne-France Brunet tombent.

La commission est saisie de lamendement n° 399 de M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Il s’agit de préciser l’alinéa 25 par la phrase : « Si cette personne est un majeur protégé, elle effectue elle-même sa demande. »

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Cette précision n’est pas utile car c’est déjà prévu dans la loi.

Lamendement n° 399 est retiré.

La commission examine lamendement n° 840 de M. Hervé Saulignac.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Cet amendement vise à prévoir la possibilité de transmettre des données non identifiantes concernant le donneur aux parents qui en feraient la demande. Une enquête menée récemment au sein de la fédération des CECOS et destinée aux donneurs de gamètes et aux couples receveurs a mis en évidence qu’environ 70 % des donneurs et des professionnels des CECOS sont favorables à la transmission des données non identifiantes aux couples. Près de 50 % des couples receveurs souhaitent obtenir ces données issues du donneur. Concernant les antécédents médicaux du tiers donneur, ils sont 95 % à souhaiter y avoir accès.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Je comprends la demande des couples receveurs qui se disent qu’avec des informations non identifiantes sur le donneur – après le don, s’entend –, il leur serait plus facile de raconter l’histoire à leur enfant, mais c’est beaucoup trop tôt pour cela : nous faisons déjà un saut de géant en consacrant l’accès aux origines personnelles au bénéfice de l’enfant, et de lui seul. Votre amendement introduirait une confusion du fait que donneur et receveur ne doivent, dans l’éthique à la française, ne jamais posséder d’informations les uns sur les autres. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette lamendement n° 840.

Puis elle examine lamendement n° 1060 de Mme Anne-France Brunet.

Mme Anne-France Brunet. La maturité des enfants au même âge est différente, certains ont des besoins que d’autres n’éprouvent que cinq ou dix ans plus tard. Il me semble judicieux d’autoriser, sous condition, l’accès aux informations non identifiantes pour les personnes mineures. Le présent amendement vise donc à permettre aux enfants d’accéder, en s’adressant à la commission ad hoc, à des données relatives au tiers donneur avant leur majorité, si l’accord écrit de leurs parents est transmis à la commission avec leur demande.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Nous avons fait le choix de la majorité, car nous voulions que la personne soit suffisamment construite et pour laisser la possibilité aux parents de leur parler avant. Je suis d’autant plus défavorable à cet amendement qu’il ne comporte aucune précision sur l’âge.

Lamendement n° 1060 est retiré.

La commission est saisie de lamendement n° 1080 de M. Bruno Fuchs.

M. Bruno Fuchs. Cet amendement est très voisin de l’amendement n° 840 défendu par Mme Battistel. La rapporteure a parlé d’un saut de géant, il ne doit donc pas être difficile de faire un tout petit pas, afin justement d’assurer différentes étapes pour que le saut de géant ne se fasse pas dans le vide ou l’inconnu… J’ajoute que le droit belge reconnaît l’accès aux origines pour les parents uniquement. Nous, c’est l’inverse : nous ne le reconnaissons qu’aux seuls enfants. Je pense que ce doit être pour les deux, étant entendu qu’il s’agit de données non identifiantes.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Les Belges n’ont pas nos fameux articles 16 et suivants du code civil, et particulièrement l’article 16-8 : « Aucune information permettant d’identifier à la fois celui qui a fait don d’un élément ou d’un produit de son corps et celui qui l’a reçu ne peut être divulguée. Le donneur ne peut connaître l’identité du receveur ni le receveur celle du donneur. » C’est l’éthique à la française. Pour ce saut de géant qu’est la levée partielle de l’anonymat au bénéfice de l’enfant, qui n’est pas lui-même le receveur mais est issu du don, il faut consacrer d’abord une stabilité auprès de l’enfant, et non regarder aux parents en priorité.

M. Thibault Bazin. Je suis ravi, madame la rapporteure, de vous entendre tenir cette argumentation et j’espère que vous la maintiendrez sur d’autres amendements que nous vous soumettrons : ce n’est pas parce que cela se fait à l’étranger qu’il faut suivre des pratiques moins-disantes éthiquement.

M. Bruno Fuchs. Mon argumentation, monsieur Bazin, n’est pas fondée sur ce qui se passe en Belgique : j’ai seulement pris cet exemple pour illustrer le propos.

La commission rejette lamendement n° 1080.

Elle examine, en discussion commune, les amendements identiques n° 750 de M. Jean-Louis Touraine et n° 1099 de M. Bruno Fuchs, les amendements n° 841 de M. Hervé Saulignac et n° 751 de M. Jean-Louis Touraine, ainsi que les amendements identiques n° 115 de M. Guillaume Chiche, n° 951 de M. Maxime Minot et n° 1382 de M. Jean-François Mbaye.

M. Jean-Louis Touraine. Je vais retirer mon amendement n° 750, qui visait à rétablir l’alinéa 26 dans la rédaction de notre assemblée, en vue de le réécrire pour la séance. Je précise que je retire aussi l’amendement de repli n° 751.

M. Bruno Fuchs. Je vais en faire de même avec le mien, n° 1099.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Retrait également du n° 841.

M. Guillaume Chiche. Mon amendement n° 115 ouvre la possibilité au tiers donneur de s’adresser à la commission pour connaître le nombre d’enfants nés grâce au don qu’il a effectué, leur année de naissance et leur sexe.

M. Maxime Minot. Le n° 951, identique, vise à rétablir la rédaction adoptée par notre assemblée en première lecture.

M. Jean-François Mbaye. Mon amendement n° 1382 a le mérite d’être très clair : « Le tiers donneur qui souhaite connaître le nombre d’enfants nés grâce à son don ainsi que leur sexe et leur année de naissance s’adresse à la commission prévue à l’article L. 2143-6. » Les auditions devant notre commission et les entretiens que nous avons eus avec des associations de donneurs nous ont bien montré que la volonté d’en savoir plus sur les enfants issus d’un don ne procède pas nécessairement d’une envie de vivre une parentalité par procuration. Ce serait méconnaître les raisons qui motivent ces personnes à donner leurs gamètes. En revanche, leur ouvrir la possibilité d’accéder à ces informations nous paraît parfaitement légitime dans la mesure où celles-ci ne permettent pas de déterminer l’identité des personnes issues du don.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Pour ma part, je considère que le don est un acte désintéressé et que le donneur n’est pas fondé à en récupérer quelque fruit que ce soit. Cela reviendrait à créer un lien avec les enfants issus du don alors que le code civil dit qu’il ne peut pas y en avoir. Toutefois, parce que ce don permet à des familles de se construire, il faudra peut-être trouver un jour le moyen de reconnaître cette générosité – j’en ai longuement discuté avec M. Touraine. Mais sans recréer du lien là où l’on s’acharne à dire qu’il n’y en a pas.

M. Thibault Bazin. Une fois n’est pas coutume, je suis d’accord avec la rapporteure. La bioéthique à la française comporte un principe fort : l’anonymat du don. La seule entorse acceptable est la possibilité pour les enfants nés à partir d’un don d’accéder à leurs origines. La modification proposée dans ces amendements ne me paraît pas opportune. Ne nous aventurons pas sur ce chemin : nous ne savons pas jusqu’où il peut nous mener.

M. Pierre Dharréville. Je comprends la logique de ces amendements qui procèdent d’une forme de cohérence. Les modifications introduites par l’article 3 créent une sorte d’appel d’air. Dès lors qu’une personne issue d’un don peut, à sa majorité, accéder à l’identité du tiers donneur, celui-ci pourrait avoir envie d’être préparé à être contacté. J’estime toutefois que cette possibilité nouvelle viendrait mettre en question la nature même de l’acte : un don est un don, point barre. Il n’appelle pas, à mon sens, de reconnaissance particulière, madame la rapporteure.

M. Patrick Hetzel. Derrière tout cela se posent des questions anthropologiques fondamentales. Nous voyons bien que nous glissons progressivement vers une logique de contre-don qui va à l’encontre des principes constitutifs du don à la française que sont la gratuité et l’anonymat. Aller sur cette pente induit un risque de marchandisation, même si je ne doute pas de vos bonnes intentions.

Mme Emmanuelle Ménard. Je comprends parfaitement que le donneur veuille être informé, ne serait-ce que pour se préparer à une éventuelle prise de contact si son identité est révélée. Je proposerai à l’alinéa 63 de l’article 3 l’amendement suivant : « Dès lors que l’enfant issu d’un don de gamètes a pris connaissance de l’identité du donneur, ce dernier est informé par l’Agence de la biomédecine ». Préférons cette solution d’équilibre et n’allons pas jusqu’à l’informer du nombre d’enfants issus de son don, de leur année de naissance et de leur sexe.

M. Marc Delatte. Le don est purement désintéressé, il est autotélique. Il ne faut pas mélanger la parentalité, qui renvoie aux soins et à l’éducation, et la notion dont on entend souvent parler de « père biologique », qui est un bel oxymore. Cela ne me paraît pas aller dans l’esprit de cette loi de bioéthique : rappelons qu’il s’agit de donner des droits à l’enfant.

M. Thibault Bazin. Moi aussi, je suis pour l’autotélisme : activité entreprise sans autre but qu’elle-même !

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Un mot de plus pour enrichir vos scénarios, monsieur Bazin !

Monsieur Dharréville, il me semble au contraire que refuser ces amendements est cohérent avec la logique de l’article 3. Le donneur est une personne adulte, majeure, qui fait un choix ; l’enfant issu d’une AMP, lui, n’a rien choisi. Lui donner, une fois majeur, la possibilité d’accéder à l’identité du donneur, c’est lui permettre de construire le récit de ses origines. Et si la Cour constitutionnelle et la Cour européenne des droits de l’homme nous disent que s’il y a nécessité de consacrer ce droit d’accès aux origines, c’est que cette connaissance est d’un intérêt fondamental, vital, dans la construction de l’identité du sujet.

Les amendements n° 750, n° 1099, n° 841, n° 751 et n° 115 sont retirés.

La commission rejette les amendements n° 951 et n° 1382.

Elle examine ensuite lamendement n° 839 de M. Hervé Saulignac.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Cet amendement à l’alinéa 26 va dans le même sens que celui déposé à l’alinéa 25 : je pense qu’il subira le même sort.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Je vous le confirme.

La commission rejette lamendement n° 839.

Lamendement n° 1383 de M. Jean-François Mbaye est retiré.

La commission en vient à lamendement n° 1103 de M. Bruno Fuchs.

M. Bruno Fuchs. Je retire cet amendement qui visait à modifier la rédaction issue du Sénat.

Lamendement n° 1103 est retiré.

Les amendements n° 903 et n° 904 de Mme Michèle de Vaucouleurs sont retirés.

La commission examine lamendement n° 874 de Mme Géraldine Bannier.

Mme Géraldine Bannier. Pour les tiers donneurs qui n’étaient pas soumis aux nouvelles dispositions au moment de leur don, sont évoquées à l’alinéa 33 les conditions qui entourent leur accord pour l’accès aux données non identifiantes ainsi que leur transmission à l’Agence de la biomédecine, mais rien n’est dit de leur conservation. Il me paraît nécessaire de pallier ce manque en précisant qu’elles devront être conservées conformément à ce qui est précisé à l’alinéa 24.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Avis favorable.

La commission adopte lamendement n° 874.

Les amendements n° 1054 de Mme Anne-France Brunet et n° 905 de Mme Michèle de Vaucouleurs sont retirés.

La commission est saisie de lamendement n° 876 de Mme Géraldine Bannier.

Mme Géraldine Bannier. Nous avons adopté le principe selon lequel le décès d’un tiers donneur devait être sans incidence sur la communication des données non identifiantes et l’identité du donneur aux enfants nés d’un don. Il m’apparaît important de recueillir et d’enregistrer l’accord des proches directs d’un tiers donneur décédé non soumis aux nouvelles dispositions au moment de son don qui se manifestent à leur initiative pour autoriser la communication de ces données. Cela va dans le sens de ce que prescrit la Convention européenne des droits de l’homme.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Autant je suis favorable à ce que nous allions au-delà de la rédaction initiale en autorisant les donneurs relevant de l’ancien régime à donner leur consentement pour l’accès à ces données, autant il me paraît délicat d’en faire de même pour les donneurs décédés qui, par définition, ne peuvent plus donner leur consentement… Avis défavorable.

Lamendement n° 876 est retiré.

La commission en vient à lamendement n° 500 de M. Maxime Minot.

M. Maxime Minot. Il s’agit de supprimer l’alinéa 40.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Il me paraît utile de renvoyer à un décret en Conseil d’État pour préciser la nature des données non identifiantes. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement n° 500.

Elle adopte ensuite lamendement rédactionnel n° 1491 de la rapporteure.

Lamendement n° 1388 de M. Jean-François Mbaye est retiré.

La commission est saisie de lamendement n° 401 de M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Il s’agit de supprimer les alinéas 61 à 63 qui permettent la communication des données et de l’identité du tiers donneur à la majorité de l’enfant conçu par assistance médicale à la procréation, bouleversant totalement l’édifice normatif construit à partir 1994. Il faut faire disparaître cette référence.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Cette suppression irait à rebours de l’esprit même de la réforme : nous réaffirmons le principe de l’anonymat tout en le levant partiellement dans l’intérêt de l’enfant.

La commission rejette lamendement n° 401.

Elle examine ensuite les amendements n° 142 et n° 143 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il est compliqué de faire cohabiter deux principes par définition incompatibles : l’anonymat du don, fondateur dans le droit français, et le droit de connaître ses origines. Ces difficultés, l’alinéa 63 ne les résout pas : nous proposons donc de le supprimer dans l’amendement n° 142.

Quant à l’amendement n° 143, il propose une solution d’équilibre : comme je le disais, il ne me semble pas aberrant qu’un donneur soit informé du fait qu’une personne issue de son don a pris connaissance de son identité, ne serait-ce que pour lui permettre de se préparer à l’éventualité d’une prise de contact.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Avis défavorable à l’amendement n° 142. Le principe de l’anonymat du don ne fait pas obstacle, selon nous, à l’accès de la personne majeure née d’une AMP à des données non identifiantes ou à l’identité du tiers donneur, dans les conditions prévues par le code de la santé publique. L’enfant n’est pas le receveur.

La solution que vous préconisez dans l’amendement n° 143 n’est pas bête, mais je vous demande de bien vouloir le retirer car je n’ai pas étudié ses implications légistiques. Il importerait, entre autres, de préciser que l’information ne peut nullement porter sur l’identité de la personne issue du don.

Mme Emmanuelle Ménard. J’accepte de le retirer pour le retravailler en ce sens.

Lamendement n° 143 est retiré.

La commission rejette lamendement n° 142.

Elle examine ensuite les amendements identiques n° 144 de Mme Emmanuelle Ménard, n° 402 de M. Patrick Hetzel et n° 1061 de Mme Anne-France Brunet.

Mme Emmanuelle Ménard. L’adoption des alinéas 67 et 68 aboutirait à supprimer 12 000 embryons humains issus de dons relevant des dispositions antérieures à cette loi. En première lecture, les propos de la garde des sceaux selon lesquels il serait anxiogène pour les personnels des CECOS de devoir gérer deux régimes juridiques distincts avaient choqué plus d’un.

M. Patrick Hetzel. L’amendement n° 402 a le même objet. Nous sommes tous d’accord ici pour dire qu’il est nécessaire de prendre en considération la dignité de l’embryon humain. Nous ne pouvons accepter qu’un trait de plume dans la loi aboutisse à la destruction de 12 000 embryons. Cela mériterait à tout le moins une autre approche.

Mme Anne-France Brunet. Je retire mon amendement n° 1061.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. L’enjeu est d’apporter des certitudes aux donneurs. Ce dispositif d’application différenciée dans le temps a été considéré par le Conseil d’État, dans son avis sur le projet de loi, comme « de nature à garantir le respect du consentement du donneur, ce qui suppose de s’assurer qu’aucun donneur ne soit exposé au risque que son identité, ou des informations non identifiantes le concernant, soient révélées sans qu’il y ait préalablement consenti ». Il est matériellement impossible de faire coexister un stock relevant du régime antérieur de l’anonymat absolu et un autre de l’anonymat partiel au bénéfice de l’enfant. Nous n’avons pas le choix.

Lamendement n° 1061 est retiré.

La commission rejette les amendements n° 144 et n° 402.

Elle examine lamendement n° 595 de Mme Agnès Thill.

Mme Agnès Thill. Cet amendement vise à restreindre les délais entre la destruction des stocks de gamètes et la mise en place de la formation compétente au sein du Conseil national pour l’accès aux origines personnelles ayant pour fonction de recueillir les consentements des anciens donneurs pour la transmission de leurs données non identifiantes et identifiantes. Confier au pouvoir réglementaire le soin de fixer le moment où le stock de gamètes sera détruit peut représenter un risque. Laisser un délai de réflexion trop important aux anciens donneurs conduirait à priver de nombreuses personnes de l’accès à leurs origines.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Avis défavorable. Il faut laisser le pouvoir réglementaire établir des décrets correspondant à ce qu’il est possible de mettre en œuvre.

Lamendement n° 595 est retiré.

Lamendement n° 906 de Mme Michèle de Vaucouleurs est retiré.

La commission adopte lamendement rédactionnel n° 1492 de la rapporteure.

Elle examine ensuite lamendement n° 842 de M. Hervé Saulignac.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Il serait dommage de détruire le stock existant de gamètes sans prendre la peine d’essayer de solliciter l’avis des donneurs quant à leur souhait de maintenir ou non leur don après le vote de la présente loi. La présente disposition propose d’accorder un délai de cinq ans pour tenter de les contacter à cette fin. Mme la rapporteure laissait entendre que cela relevait du décret, mais je vous invite à y rester attentifs.

Sur lavis défavorable de la rapporteure, la commission rejette lamendement n° 842.

Elle en vient à lamendement n° 1028 de Mme Danièle Obono.

Mme Danièle Obono. Nous souhaitons élargir les délais entre la constitution de la commission ayant pour fonction de recueillir le consentement des anciens donneurs et anciennes donneuses et la destruction des stocks. Laisser au pouvoir réglementaire le soin de fixer le moment où ces stocks seront détruits peut présenter un risque si le délai retenu est trop proche de la constitution de la commission. Il serait pertinent de laisser un laps d’une dizaine d’années permettant aux donneuses et donneurs de prendre le temps de se prononcer sur la transmission de leurs données.

Sur lavis défavorable de la rapporteure, la commission rejette lamendement n° 1028.

Elle examine les amendements identiques n° 145 de Mme Emmanuelle Ménard et n° 190 de M. Thibault Bazin.

Mme Emmanuelle Ménard. Il s’agit là encore d’empêcher la destruction de 12 000 embryons. Je sais que le Gouvernement établit une distinction entre les embryons. Est-ce à dire que seuls ceux qui font l’objet d’un projet parental méritent de vivre et que les autres ne seraient qu’un amas de cellules sans identité ? On en revient toujours à la ligne rouge évoquée hier par Jean-Louis Touraine ; mais tout le monde ne la place pas au même endroit. Pour notre part, nous considérons tout embryon comme un enfant en devenir.

M. Thibault Bazin. L’alinéa 68 met sur un même plan gamètes et embryons. Il importe de les distinguer car l’impact éthique de leur destruction n’est pas le même. Les implications du consentement du donneur sont aussi à différencier.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Pour les raisons que j’ai déjà exposées, avis défavorable. Je vous invite à faire part de vos remarques au ministre en séance.

La commission rejette les amendements n° 145 et 190.

Elle en vient à lamendement n° 191 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Les couples dont les embryons humains sont conservés ont pu choisir de les donner à un autre couple. Il paraît logique de prévoir de recueillir leur accord avant qu’ils ne fassent l’objet d’une destruction car celle-ci va à l’encontre du choix fait devant notaire.

Sur lavis défavorable de la rapporteure, la commission rejette lamendement n° 191.

Elle est saisie de lamendement n° 403 de M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. J’estime moi aussi qu’il importe de recueillir l’accord des couples donneurs avant la destruction des embryons qu’ils destinaient à un autre couple. Les arguments consistant à dire que cela soulève des difficultés matérielles, comme l’envoi de courriers en nombre, ne tiennent pas au regard des enjeux éthiques soulevés par le respect dû à l’embryon.

Sur lavis défavorable de la rapporteure, la commission rejette lamendement n° 403.

Elle examine lamendement n° 1062 de Mme Anne-France Brunet.

Mme Anne-France Brunet. Le présent amendement vise à autoriser tous les enfants nés d’un don de gamètes à saisir la commission pour accéder à leurs origines personnelles, y compris ceux nés avant la promulgation de la présente loi, même si les données identifiantes sont partielles, comme nous l’ont précisé les responsables des CECOS lors des auditions.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Votre amendement me semble satisfait par l’alinéa 72, qui garantit de meilleures conditions puisqu’il prévoit de recueillir le consentement des donneurs.

Lamendement n° 1062 est retiré.

Lamendement n° 907 de Mme Michèle de Vaucouleurs est retiré.

La commission examine lamendement n° 1495 de la rapporteure.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Cet amendement vise à revenir au texte issu de la première lecture à l’Assemblée nationale. Il ne prévoit pas de recueillir le consentement de l’autre membre du couple pour le don de gamètes et l’accès à l’identité du donneur. Faire un don de gamètes est une décision individuelle. Le consentement au don et à l’accès à son identité est une question strictement personnelle qui n’a pas à dépendre, juridiquement, du choix de l’autre membre du couple. L’information du partenaire est légitime, mais elle relève de la sphère privée et non de la loi. Il faut également sécuriser le don de gamètes en permettant au seul donneur de révoquer son consentement jusqu’à ce qu’elles soient utilisées.

La commission adopte lamendement n° 1495.

En conséquence, les amendements n° 502 et n° 1410 de M. Maxime Minot, n° 843 et n° 1411 de M. Hervé Saulignac, n° 1201 et n° 1204 de Mme Martine Wonner et n° 1286 de M. Jean-Louis Touraine tombent.

La commission examine les amendements identiques n° 1494 de la rapporteure et n° 908 de Mme Michèle de Vaucouleurs.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Il s’agit de rétablir la rédaction de la première lecture s’agissant de la date limite accordée aux anciens donneurs pour se manifester.

Mme Michèle de Vaucouleurs. L’amendement n° 908 est défendu.

La commission adopte les amendements n° 1494 et 908.

Elle est ensuite saisie des amendements identiques n° 1496 de la rapporteure, n° 1408 de Mme Michèle de Vaucouleurs et n° 1592 de Mme Anne-France Brunet.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Il s’agit là encore de rétablir la rédaction adoptée par notre assemblée en première lecture.

Mme Michèle de Vaucouleurs. L’amendement n° 1408 est défendu.

Mme Anne-France Brunet. Tout comme l’amendement n° 1592.

La commission adopte les amendements n° 1496, 1408 et 1592.

Lamendement n° 1409 de Mme Michèle de Vaucouleurs est retiré.

La commission adopte ensuite lamendement rédactionnel n° 1493 de la rapporteure.

Puis elle est saisie des amendements identiques n° 902 de Mme Michèle de Vaucouleurs, n° 955 de M. Maxime Minot et n° 1126 de Mme Sylvia Pinel.

Mme Géraldine Bannier. L’amendement n° 902 vise à rétablir une disposition votée par notre assemblée en première lecture.

M. Maxime Minot. Par notre amendement n° 955, identique, nous demandons que soit rétablie la disposition prévoyant que le Gouvernement remette au Parlement, en 2025, un rapport d’évaluation portant sur les dispositions de l’article 3. Celui-ci accordera une attention particulière à l’impact de la communication des données et de l’obligation qui incombe aux donneurs de transmettre leur identité. L’objectif est de disposer d’une étude fiable sur les effets des changements législatifs. Notons qu’aucun recul du nombre de donneurs n’a été signalé dans les pays ayant modifié leur législation en ce sens.

Mme Sylvia Pinel. L’amendement n° 1126 a le même objet. Il paraît en effet important de disposer d’une évaluation de ces nouveaux droits.

M. Jean-François Mbaye. L’amendement n° 1387 a été retiré.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. C’est ballot…

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Avis favorable. Et ce rapport ne pourra que nourrir le projet d’écriture de M. Bazin…

La commission adopte les amendements n° 902, 955 et 1126.

Puis elle adopte larticle 3 modifié.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, présidente. Nous allons faire une pause avant d’examiner l’article 5. Je rappelle que le bureau de la commission a décidé de réserver l’article 4 et l’article 4 bis.

(La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante, est reprise à dix-neuf heures.)

TITRE II

Promouvoir la solidaritÉ dans le respect de lautonomie de chacun

Chapitre Ier
Conforter la solidarité dans le cadre du don dorganes, de tissus et de cellules

Avant l’article 5 A

La commission examine lamendement n° 886 de M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Il s’agit de supprimer la division et l’intitulé du titre II. Si on peut être d’accord pour dire qu’il faut promouvoir la solidarité dans le respect de l’autonomie de chacun, il y a un décalage entre cette belle proposition et le contenu des articles suivants.

M. Hervé Saulignac, rapporteur. Il y a deux façons de rédiger un titre : soit on s’en tient au sujet, soit on essaie d’exprimer son contenu. C’est la seconde qui a été retenue ici. Je peux comprendre que vous soyez opposé à ce titre, mais je considère qu’il reflète son contenu. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement n° 886.

Puis, suivant lavis défavorable du rapporteur, la commission rejette lamendement n° 887 de M. Patrick Hetzel.

Article 5 A (nouveau)
Statut de donneur dorgane, de tissus ou de cellules
et réaffirmation du principe de neutralité financière

La commission est saisie des amendements identiques n° 155 de Mme Emmanuelle Ménard et n° 1085 de M. Bastien Lachaud.

Mme Emmanuelle Ménard. L’amendement n° 155 tend à supprimer l’article 5 A. Ajouter à l’article L. 1231-1 A du code de la santé publique que le don d’organes, de tissus ou de cellules pourrait ouvrir droit à une distinction honorifique me semble totalement déplacé. On ne cesse de répéter que le don quel qu’il soit est gratuit, désintéressé de toute récompense, y compris une marque de reconnaissance de la nation. La récompense ultime, c’est de savoir que l’on a fait ce que l’on avait à faire, rien de plus.

Par ailleurs, le terme « neutralité financière » est ambigu : une neutralité n’empêche pas une compensation de quelque nature que ce soit. Si l’idée était de rappeler que le don est gratuit, ce principe est déjà satisfait par notre droit.

Mme Danièle Obono. Nous pensons que la gratuité du don doit rester totale. Une distinction honorifique à destination des donneuses et donneurs est une contrepartie qui me semble inutile, voire dangereuse. Les personnes qui procèdent à des dons n’ont pas besoin d’une quelconque félicitation de la société pour s’apercevoir de la justesse de leur acte. Ce statut ne saurait constituer une motivation et la seule sensation de faire une chose qui va dans le sens du progrès humain suffit à donner de la force à l’acte. Voilà pourquoi notre amendement n° 1085 propose également de supprimer l’article 5 A.

M. Hervé Saulignac, rapporteur. Je partage pleinement vos arguments et je suis favorable à ces deux amendements.

Le Sénat a certainement procédé d’une bonne intention, mais distinguer, c’est un peu identifier ; dès lors, c’est porter atteinte, d’une certaine manière, à un principe fondamental auquel nous ne devons en aucun cas déroger, celui de l’anonymat.

Le principal don d’organe de son vivant concerne le rein au bénéfice d’un proche, un parent, un enfant. On ne réclame pas un titre ou une distinction quand on a pu sauver son enfant.

La commission adopte les amendements n° 155 et 1085.

En conséquence, larticle 5 A est supprimé.

Article 5
Extension du don croisé dorganes à plus de deux paires de donneurs/receveurs pour améliorer laccès à la greffe

La commission examine lamendement n° 914 de Mme Annie Genevard.

M. Thibault Bazin. La pratique actuelle des dons croisés d’organes, couplée à la possibilité du don affectif, fait courir un risque significatif de trafic d’organes ou de rupture dans ces chaînes. Elle est actuellement limitée à deux paires de donneurs-receveurs. Le présent amendement vise à étendre cette limitation à quatre paires et non à six comme le prévoit le projet de loi. Une chaîne de six paires nous paraît en effet plus risquée qu’une chaîne de quatre paires.

M. Hervé Saulignac, rapporteur. Votre exposé sommaire fait état d’un risque significatif de trafic d’organes, risque que je n’ai pas identifié.

Je rappelle que le droit actuel prévoit que l’on puisse associer deux paires de donneurs vivants et de receveurs dans le cadre du don croisé qui existe déjà mais qui fonctionne mal, pour plusieurs raisons.

En première lecture, l’Assemblée a souhaité ne pas fixer dans la loi la limitation de la chaîne de dons croisés à quatre paires, comme le prévoyait le texte initial. Nous avions adopté un amendement de notre collègue Jean-Louis Touraine renvoyant la fixation de cette limite à un décret et prévoyant un mécanisme d’information au Parlement. Il se trouve que le Sénat a souhaité donner, d’une certaine manière, davantage de pouvoir au législateur et a porté à six le nombre de paires possibles dans le cadre du don croisé.

J’insiste sur le fait que c’est seulement une possibilité : dans les pays plus avancés que nous en matière d’expérimentation du don croisé, comme les États-Unis et le Royaume Uni, où il n’y a pas de limitation, on observe que le nombre moyen s’élève à 4,6 paires ; au-delà, cela devient très compliqué et l’on ne voit pas comment, dans la pratique, on pourrait aller jusqu’à six paires. Je vous propose donc d’en rester à la version du Sénat. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement n° 914.

Elle passe à lamendement n° 915 de Mme Annie Genevard.

M. Thibault Bazin. Il est important de garantir la liberté de chacun des donneurs, mais surtout de permettre que leur consentement puisse être révoqué à tout moment. Nous essayons, avec cet amendement d’appel, de poser la question du principe du consentement au don libre et éclairé. On voit bien que dans le don croisé on est déjà à mi-chemin, et que plus le délai sera long plus il risque d’y avoir des entorses à ce principe.

M. Hervé Saulignac, rapporteur. La simultanéité est un obstacle au principe du don croisé – c’est précisément ce qui explique qu’il fonctionne si mal. Aussi le corps médical réclame-t-il d’assouplir le délai de prélèvement et de le porter à vingt-quatre heures pour permettre d’accéder à des dons croisés plus efficaces. Je rappelle que depuis 2014, le dispositif tel qu’il existe en France n’a donné lieu qu’à douze greffes rénales, ce qui est extrêmement faible. Le maintien de cette condition très stricte empêcherait le développement des chaînes de dons croisés, alors que c’est l’objectif du projet de loi. Vous comprendrez donc que je ne peux qu’émettre un avis défavorable sur votre amendement.

La commission rejette lamendement n° 915.

Puis elle adopte larticle 5 sans modification.

Article 6
Extension du bénéfice dun prélèvement de cellules-souches hématopoïétiques sur un mineur ou un majeur protégé à ses parents
pour accroître les possibilités de greffes intrafamiliales
en labsence dautre alternative thérapeutique

Suivant lavis défavorable du rapporteur, la commission rejette lamendement n° 916 de Mme Annie Genevard.

La commission en vient à lamendement n° 197 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. L’alinéa 6 de l’article 6 permet le prélèvement sur un mineur au bénéfice de sa mère ou de son père. Comme je l’ai dit en première lecture, il me semble qu’une vigilance est nécessaire, plusieurs intervenants nous ayant alertés, lors des auditions en commission spéciale, sur le fait qu’il ne fallait pas forcer le consentement du mineur, et sur les risques possibles de contentieux intrafamiliaux, de pressions, de « droit de puissance des parents », pour prendre leurs termes. Le code de Nuremberg rappelle l’importance de la validité du consentement. C’est pourquoi je vous propose une phase expérimentale de trois ans pour en faire une évaluation, en particulier sur le consentement exprimé, avec cet administrateur ad hoc désigné par le tribunal.

M. Hervé Saulignac, rapporteur. Je partage votre appel à la vigilance, comme tout le monde ici : on ne peut exclure des risques de pression s’agissant d’un enjeu aussi vital au sein d’une famille.

Le texte présente des garanties très importantes : le recueil du consentement devant le juge judiciaire ; un administrateur ad hoc qui a vocation à préserver les intérêts de l’enfant ; un comité d’experts enfin, qui accorde son autorisation. J’ajoute qu’en tout état de cause le refus du mineur fait obstacle au prélèvement.

Le Sénat a allégé ces garanties pour les mineurs, et je pense que c’est une erreur ; nous y reviendrons tout à l’heure.

Le risque, même s’il existe toujours et si l’on ne peut jamais totalement l’évacuer, a été réduit au strict minimum grâce aux dispositions qui ont été prévues.

Enfin, je vous fais remarquer que l’on ne peut pas inscrire une expérimentation dans le code de la santé publique.

Pour l’ensemble de ces raisons, j’émets un avis défavorable sur votre amendement.

M. Thibault Bazin. Comme on ne peut pas inscrire une expérimentation dans le code de la santé publique, je retire mon amendement.

Lamendement n° 197 est retiré.

La commission en vient à lamendement n° 1465 du rapporteur.

M. Hervé Saulignac, rapporteur. Le Sénat a souhaité qu’un mineur puisse consentir lui-même, à partir de l’âge de seize ans, au prélèvement de cellules-souches hématopoïétiques issues de la moelle osseuse. Or l’âge de dix-huit ans fixé par la loi pour exprimer un consentement autonome garantit que le mineur ne fera pas l’objet de pressions familiales. Le législateur ne peut donc pas considérer que ce risque est nul à partir de l’âge de seize ans.

Je vous propose donc de supprimer l’alinéa 8, autrement dit de rétablir la rédaction issue de la première lecture à l’Assemblée nationale, plus protectrice des intérêts de l’enfant.

M. Thibault Bazin. Je soutiendrai pleinement votre amendement, d’autant qu’il n’est pas évident de consentir, à l’âge de seize ans, au prélèvement de cellules-souches hématopoïétiques issues de la moelle osseuse. Et ceux qui connaissent un peu le sujet savent que ce genre de prélèvement n’est pas anodin.

La commission adopte lamendement n° 1465.

Puis elle est saisie de lamendement n° 198 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Je retire cet amendement d’appel, car j’ai bien noté qu’on ne pouvait pas inscrire des expérimentations dans le code de la santé publique.

Lamendement n° 198 est retiré.

La commission adopte larticle 6 amendé.

Article 7
Renforcement des droits des personnes sous mesure de protection
de leurs biens dans lexercice de leur citoyenneté en leur permettant de donner leur consentement au don

La commission examine lamendement n° 199 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Je reviens sur la notion de consentement. Je vous propose, à l’alinéa 1 de l’article 7, de compléter le I par les mots : « sans l’accord exprès de la personne protégée, et sans l’autorisation du juge des tutelles l’ayant préalablement auditionnée », car cela me semble mieux à même de garantir ce consentement et de s’assurer de son respect. La double condition cumulative garantirait le respect des volontés et des droits des personnes protégées en vertu de la convention internationale des droits des personnes handicapées, en particulier de son article 12.

M. Hervé Saulignac, rapporteur. Avis défavorable.

Le projet de loi élargit à toutes les personnes représentées aux biens le droit commun du don, ce qui constitue un progrès. Par conséquent, une personne qui serait sous sauvegarde de justice, sous curatelle ou sous tutelle aux biens doit pouvoir donner son sang ou un organe. C’est un progrès en matière d’autonomie, et je crois qu’il fallait le faire.

En revanche, pour toutes les personnes faisant l’objet d’une protection à la personne, c’est-à-dire qui ne bénéficient malheureusement pas de leurs facultés de consentement, nous faisons le choix le plus protecteur en n’autorisant le don qu’à titre très exceptionnel – c’est le cas par exemple pour le don de cellules-souches hématopoïétiques –, avec une procédure qui doit passer par le juge des tutelles. On ne saurait en aucun cas l’envisager pour le don d’organe de son vivant, bien plus lourd de conséquences. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement n° 199.

Puis elle examine lamendement n° 1089 de Mme Danièle Obono.

Mme Danièle Obono. L’article 7 permet à des personnes faisant l’objet d’une mesure de protection juridique avec représentation d’exprimer leur consentement en matière de don d’organes, de tissus et de cellules. Permettre ce don de leur vivant, mais l’interdire une fois qu’elles sont décédées n’a pas de sens. Les personnes qui ne font pas l’objet d’une mesure de protection peuvent, après leur décès, faire don de leurs organes, tissus et cellules. Si le respect de la personne décédée est évidemment une de nos préoccupations majeures, aucune distinction ne peut être faite dans la mort entre les personnes ayant fait l’objet de mesures de protection juridique et les autres.

M. Hervé Saulignac, rapporteur. Je rappelle que tout un chacun est présumé consentant, mais peut déclarer de son vivant son refus. Le consentement au don d’organes après la mort obéit à cette règle du consentement présumé, mais tout un chacun doit pouvoir exprimer son opposition au consentement : c’est le principe cardinal du droit du don.

Le projet de loi interdit aux majeurs protégés à la personne de donner leurs organes de leur vivant, par le fait qu’elles sont les plus vulnérables et incapables de décider pour elles-mêmes et donc de consentir. Le Sénat a adopté un amendement visant à ne pas appliquer le droit commun du prélèvement post mortem aux majeurs faisant l’objet de cette mesure de protection juridique avec représentation à la personne. Par cohérence avec ce que nous avons décidé pour le don du vivant, force est de considérer que leur consentement éclairé ne pouvait pas être présumé ; dès lors, effectuer des prélèvements dans ces conditions ne serait pas, d’une certaine manière, respectueux de leur personne.

Je comprends votre raisonnement, madame Obono, qui se fonde sur un principe d’égalité ; mais nous devons aller au bout de notre démarche et conserver cette notion de consentement au cœur de toutes nos réflexions. Par conséquent, le doute doit profiter à la personne, en l’absence de capacité à exprimer son consentement. Je vous demande de retirer votre amendement. À défaut, avis défavorable.

La commission rejette lamendement n° 1089.

Puis elle adopte larticle 7 sans modification.

Chapitre Ier bis (nouveau)
Conforter la solidarité dans le cadre du don de sang

Article 7 bis (nouveau)
Levée partielle de linterdiction du don de sang applicable aux majeurs protégés et ouverture du don du sang aux mineurs de dix-sept ans

La commission est saisie de deux amendements identiques, n° 873 du rapporteur, qui fait lobjet du sous-amendement  1559 de M. Marc Delatte, et n° 510 de M. Maxime Minot.

M. Hervé Saulignac, rapporteur. Le don de sang des hommes homosexuels a fait débat en première lecture ; nous avions même adopté un amendement en commission qui ensuite n’a pas été retenu en séance publique.

Depuis la loi de 2016 de modernisation de notre système de santé, le code de la santé publique prévoit que « nul ne peut être exclu du don de sang en raison de son orientation sexuelle. » Ce principe, fixé par le législateur, n’a jamais été suivi d’effets réglementaires. Aujourd’hui, certains sont exclus du don de sang. Certes, des avancées ont eu lieu, y compris cette année puisque la période d’abstinence qui s’impose pour un homme homosexuel a été ramenée à quatre mois ; reste qu’elle existe toujours, et la discrimination demeure. Il est temps d’en finir avec le « dernier mètre » qu’il nous reste à parcourir pour atteindre cet alignement du droit commun à l’égard de tout un chacun.

Jentends bien les engagements pris par les ministres successifs, et notamment par la précédente ministre de la santé. Mais nous ne pouvons nous nourrir éternellement dengagements que personne nest capable de fixer dans un calendrier. Si lon me disait que cet alignement sur le droit commun devenait réel avant la fin de cette année, je retirerais mon amendement. Mais jai peine à le croire.

Je vous propose de mettre un terme à cette discrimination et d’inscrire dès aujourd’hui dans le marbre de la loi un droit identique à tous, quelle que soit l’orientation sexuelle. Je rappelle que la seule personne qui a fait l’objet d’un diagnostic au VIH dans le cadre du don de sang ces dernières années était un donneur homme hétérosexuel… Preuve que c’est la pratique et non l’orientation sexuelle qui constitue le seul et unique risque, et que c’est là-dessus qu’il nous faut travailler. Après ces multiples tentatives que d’autres ont faites avant moi, j’espère que vous finirez par ouvrir ce droit nouveau.

M. Marc Delatte. Je partage l’avis du rapporteur sur la non-discrimination ; nous avions abordé ce sujet lors de la discussion d’une proposition de loi défendue par M. Damien Abad. Le Gouvernement a ramené cette période d’abstinence de douze à quatre mois, et il est normal qu’il n’y ait pas de non-discrimination. Il faut toutefois savoir que le don de sang n’est pas un droit et que la sécurité sanitaire est un principe nécessaire.

Tout en posant pour absolu ce principe de non-discrimination, mon sous-amendement n° 1559 ménage, pour des motifs de recevabilité constitutionnelle, la compétence du ministère de la santé en renvoyant au pouvoir réglementaire le soin de définir et de réviser ces critères afin qu’ils tiennent compte, notamment lorsque des circonstances exceptionnelles comme une épidémie le justifient, de l’évolution des connaissances et des dispositifs de sécurisation ainsi que des risques sanitaires.

M. Maxime Minot. Mon amendement, identique à celui de M. Saulignac, a été cosigné par de nombreux députés du groupe Les Républicains, dont notre président Damien Abad – qui peuvent par ailleurs être opposés à la PMA pour tous. Il vise à uniformiser les règles applicables aux donneurs de sang. Alors que nous en manquons cruellement, il est juste incroyable de refuser le sang de donneurs au motif qu’ils ont des pratiques homosexuelles. On ne peut pas discriminer une personne sur son orientation sexuelle. J’ai repris cet amendement de M. Saulignac parce qu’il est de bons sens et qu’il gomme enfin une discrimination qui dure depuis des années, voire des décennies.

M. Hervé Saulignac, rapporteur. Je ne peux qu’être favorable à l’amendement de M. Minot.

Je ne porterai pas le même avis sur le sous-amendement de M. Delatte, qui, je dois le dire, m’a quelque peu choqué. J’ai eu beau chercher quelle était sa valeur ajoutée par rapport au cadre légal, je ne l’ai pas trouvée. La question n’est pas celle de l’intérêt de telle ou telle catégorie ou communauté ; ce qui doit nous interpeller, c’est le fait qu’une exclusion reste fondée, en tout cas dans la pratique, sur une orientation sexuelle, ce qui revient, d’une certaine manière, à la pénaliser. Ce n’est plus possible en 2020.

Je peux parfaitement comprendre que certains collègues ici ne souhaitent pas, pour des motifs de sécurité sanitaire, accepter cet alignement sur le droit commun ; ce qui me choque, c’est que vous donniez en quelque sorte une base juridique à une exclusion aujourd’hui pratiquée au mépris de ce que l’on a voté en 2016. Il faut mesurer la portée de ce sous-amendement : ce n’est pas le statu quo, mais bel et bien une forme de régression – et il ne manquera pas d’être interprété comme tel par bon nombre de gens.

Je préférerais, chers collègues signataires de ce sous-amendement, que vous le retiriez et que vous votiez contre mon amendement, parce que les conséquences ne seraient pas les mêmes. Le signal que vous envoyez est particulièrement inquiétant et sera très mal interprété. Je peux admettre que vous disiez que, par solidarité avec le Gouvernement, la main doit être laissée à la voie réglementaire. Notre assemblée ne sortirait-elle pas grandie en prenant une décision dès aujourd’hui ? Nous sommes souvent nombreux à regretter, quelle que soit notre obédience, la faiblesse du pouvoir législatif ; mais lorsque le pouvoir législatif peut enfin s’exercer pour créer un droit nouveau, pourquoi devrait-il s’en remettre au règlement – et j’ai la faiblesse de penser qu’il s’agit plus de l’administration que du ministre lui-même. Contribuons à faire en sorte que l’Assemblée se grandisse dans cette séquence qui, symboliquement, nous permettrait d’enregistrer un droit nouveau : ce serait, me semble-t-il, une avancée considérable.

M. Guillaume Chiche. Il faut prendre le don de sang pour ce qu’il est : un geste altruiste et de solidarité. Il faut saluer l’engagement de tous ceux qui entrent dans cette démarche. Nous ne pouvons plus accepter que les personnes qui souhaitent donner leur sang se voient opposer un questionnaire sur leur orientation sexuelle, ou sur le genre de leur partenaire sexuel. Elles comprennent très bien, au détour d’un formulaire, que les règles ne sont pas les mêmes suivant leur orientation sexuelle. C’est une discrimination, mais également une forme d’humiliation, que nous ne pouvons plus tolérer.

Certes, donner son sang n’est pas un droit. Mais c’est une liberté, et elle doit pouvoir s’exercer de la même manière pour tout le monde. Il y a moins de quarante-huit heures, le ministère des solidarités et de la santé faisait appel à la population pour que tout le monde donne son sang, car les réserves sont tombées en dessous des seuils d’alerte. Nous devons dès aujourd’hui mettre fin aux discriminations, aux humiliations et permettre à tout un chacun de répondre à cet objectif sanitaire.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Nous avons effectivement là une occasion unique. Nous devons être clairs sur cette question : il faut faire confiance aux gens et à leur capacité à faire preuve d’honnêteté. Dès lors qu’un homme assure n’avoir pas pris de risques, il n’y a pas lieu de douter davantage de sa parole par comparaison avec celle d’un autre.

Mme Aurore Bergé. Je vous remercie, monsieur Saulignac, d’avoir déposé cet amendement car nous sommes très nombreux à vouloir mettre fin à ce qui nous paraît être une discrimination qui n’a aucun sens. Ce qui compte, ce n’est pas l’orientation sexuelle, mais les pratiques sexuelles qui peuvent être à risques. J’espère que nous sommes tous convaincus ici que l’on ne peut plus continuer à penser que telle orientation sexuelle est potentiellement porteuse de risques.

Si nous avons présenté un sous-amendement, c’est parce que nous avons des divergences quant aux modalités pour y parvenir. Plusieurs associations, et notamment Aides qui milite le plus sur cette question, nous ont alertés pour que cet amendement ne soit pas voté en l’état. Il faut dès aujourd’hui mettre fin à une discrimination tout veillant à ce que les modalités ne mettent pas en danger les malades qui attendent ces transfusions vitales. C’est la raison pour laquelle nous présentons ce sous-amendement. Je vous invite à lire les éléments très complets que nous a envoyés l’association Aides.

Mme Danièle Obono. Nous sommes plusieurs dans notre groupe à soutenir l’amendement de M. Saulignac. Il faut mettre un point final à une discrimination implicite, l’argument de la sécurité sanitaire laissant entendre que les personnes homosexuelles sont à risques. Cette discrimination, qui était une conséquence de la pandémie du sida, n’est plus d’actualité ; reste que le soupçon demeure. Je comprends l’argumentation de certaines associations : elles craignent que si des problèmes surviennent, ceux-ci ne soient immédiatement imputés aux personnes homosexuelles. Mais c’est à nous qu’il revient de donner des garanties contre les risques, quels qu’ils soient, sans discriminer personne.

Mme Elsa Faucillon. J’ai cosigné l’amendement du rapporteur car la discrimination sur les donneurs de sang n’a que trop duré. J’ai été surprise par la lettre envoyée par les membres de l’association Aides ; je l’ai lue attentivement car je respecte profondément leur travail, leurs engagements et leurs combats. Malheureusement, les précautions qu’ils nous enjoignent de prendre ne mettent pas fin à la discrimination. Peut-être aurions-nous pu, comme le suggère notre collègue Saulignac, rappeler que le danger en matière de don du sang ne tient pas à l’orientation sexuelle, mais aux pratiques à risques, et que celles-ci peuvent être le fait d’homosexuels comme d’hétérosexuels ou de bisexuels. Et sitôt qu’il y a risque, des précautions s’imposent, qui sont détaillées non dans la loi, mais dans le règlement : ainsi, il est tout à fait normal, lorsque vous avez été transfusé, que vous ne puissiez donner votre sang pendant un certain nombre d’années, et le questionnaire continuera à mentionner les pratiques risquées. Mais il est impensable que l’orientation sexuelle par elle-même soit considérée comme une pratique risquée. Il faut aider la société à sortir de cette discrimination ; or j’ai l’impression que ces associations ne le souhaitent à aucun prix, de peur que cela ne se retourne contre les homosexuels.

M. Hervé Saulignac, rapporteur. Le débat, apaisé, arrive à son terme et nous allons bientôt passer au vote. Je remercie celles et ceux, sur tous les bancs, qui ont cosigné mon amendement ainsi que les députés du groupe Les Républicains qui ont déposé un amendement identique.

Madame Bergé, vous avez été saisie par une association que je respecte parfaitement, mais un très grand nombre m’ont également contacté, sans compter de nombreux messages individuels, pour me presser de mettre fin à cette discrimination.

J’ai tout d’abord pensé que ce sous-amendement proposait une méthode, un chemin adapté. J’ai donc cherché où était la différence entre ce qu’il contient et la situation actuelle, mais je n’ai rien trouvé. C’est déjà un arrêté du ministre de la santé qui fixe les critères d’exclusion du don du sang – et l’actuelle exclusion des hommes homosexuels y est déjà justifiée par la nécessité de protéger le receveur, ce qui est d’ailleurs discutable. Les critères sont déjà régulièrement révisés et le Gouvernement s’est engagé à faire disparaître la référence à l’orientation sexuelle au profit de la recherche d’un comportement individuel à risque – mais quand ?

Non seulement votre sous-amendement n’apporte absolument rien mais il envoie un signal particulièrement néfaste en donnant à cette exclusion une base juridique. Je préfère encore que vous votiez contre mon amendement !

J’entends évidemment la nécessité de protéger les receveurs, mais le traumatisme du sang contaminé remonte à près de quarante ans ; depuis, les techniques de dépistage ont considérablement évolué. Selon le dernier bulletin épidémiologique de Santé publique France, d’avril dernier, le risque de transfuser des produits contaminés par le VIH est devenu tout à fait marginal. S’il faut attendre qu’il soit totalement réduit à zéro pour ouvrir ce droit, nous le l’ouvrirons jamais ! Il est un moment où notre responsabilité en tant que députés nous commande de faire preuve de courage et de ne pas nous en remettre à la voie réglementaire.

Je demande à M. Marc Delatte de retirer son sous-amendement ; à défaut de quoi, j’émets un avis très défavorable.

La commission rejette le sous-amendement  1559.

Elle adopte les amendements identiques  873 et n° 510.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels  1460 et n° 1461 du rapporteur.

Enfin, elle adopte larticle 7 bis modifié.

Chapitre Ier ter (nouveau)
Encadrer les conditions de dons de corps à des fins denseignement médical et de recherche

Article 7 ter (nouveau)
Don de corps à des fins denseignement médical et de recherche

La commission adopte lamendement rédactionnel  1463 du rapporteur.

Elle examine lamendement n° 1462 du rapporteur.

M. Hervé Saulignac, rapporteur. Il convient d’exclure du don de corps à la science les mineurs et les majeurs qui font l’objet d’une mesure de protection juridique avec représentation à la personne, en cohérence avec les dispositions régissant les dons d’organes du vivant.

La commission adopte lamendement n° 1462.

Elle examine lamendement  1090 de M. Bastien Lachaud.

Mme Danièle Obono. Cet amendement vise, après l’alinéa 5, à insérer un nouvel alinéa tendant à garantir aux personnes faisant don de leur corps à la science ou à la recherche médicale que celui-ci sera traité avec respect et dignité. La presse a révélé au début de l’année les conditions scandaleuses dans lesquelles étaient utilisés les corps dans l’université Paris-Descartes.

M. Hervé Saulignac, rapporteur. Sur le fond, je suis d’accord avec vous, notamment sur à la nécessité de respecter pleinement les corps.

J’ai découvert avec stupeur que la question du don de corps à la science n’avait été traitée dans aucune loi de bioéthique et qu’il a fallu le récent scandale touchant l’université Paris-Descartes pour qu’une inspection soit diligentée et nous invite à construire un cadre éthique national rendant impossible la terrible dérive macabre que nous avons observée.

Reste que l’article 16-1-1 du code civil dispose que le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort : « Les restes des personnes décédées, y compris les cendres de celles dont le corps a donné lieu à crémation, doivent être traités avec respect, dignité et décence. » Votre amendement est donc déjà satisfait par un principe, certes plus général, mais beaucoup plus fort, puisqu’ancré dans le code civil. Certes, ce principe n’a pas été respecté à Paris-Descartes, mais l’article 7 ter essaie précisément de décliner ce principe général et d’apporter des réponses pratiques. Je vous invite donc à retirer votre amendement.

La commission rejette lamendement n° 1090.

Elle examine lamendement n° 1464 du rapporteur.

M. Hervé Saulignac, rapporteur. Cet amendement s’inscrit dans la suite de notre échange précédent. À mon sens, deux questions juridiques importantes se posent s’agissant du don de corps à la science, car les différents centres n’appliquent pas les mêmes règles. Ainsi, tous n’acceptent pas de rendre les cendres à la famille ; sans doute faudrait-il instaurer une obligation de restitution, notamment dans le cas où le défunt l’a expressément souhaité. L’autre question concerne les frais de transport du corps du domicile à l’établissement bénéficiaire : j’ai découvert que de nombreux établissements mettaient à contribution les donateurs, à qui l’on facture des frais de dossiers forfaitaires – qui correspondent en fait aux frais de transport !

Cet amendement propose donc de mettre fin à cette hétérogénéité et de renforcer les principes éthiques en vigueur.

La commission adopte lamendement n° 1464.

Elle adopte larticle 7 ter modifié.

Avant l’article 8

La commission examine lamendement n° 888 de M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Je propose de supprimer la division et l’intitulé du chapitre II du titre II, qui ne relèvent moins du droit que du marketing politique.

M. Hervé Saulignac, rapporteur. La notion de marketing est parfois très subjective ! Avis défavorable.

La commission rejette lamendement n° 888.

Chapitre II
Permettre la solidarité dans le cadre de la transmission dune information génétique

Article 8
Réalisation dexamens de génétique sur une personne décédée ou hors détat dexprimer sa volonté au profit de sa parentèle

La commission examine lamendement  804 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Il s’agit d’un amendement de précision (Sourires) que j’avais déjà déposé en première lecture.

Les ayants droit ayant déjà un accès au dossier, il convient de préciser que ce sont les nouvelles informations non contenues dans le dossier médical de la personne décédée, soit les résultats des nouveaux examens, qui doivent leur être communiqués.

M. Herve Saulignac, rapporteur. Une précision s’impose à condition d’être utile (Sourires) et ce n’est pas en l’occurrence le cas. Le projet de loi reprend une formulation déjà existante ; que l’information soit ou non nouvelle importe peu. Avis défavorable, comme en première lecture…

La commission rejette lamendement n° 804.

Elle examine lamendement n° 156 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Cet amendement vise à supprimer les alinéas 5 et 6, qui me semblent nier le principe même du consentement, comme si le corps de la personne décédée était un bien collectif et ne lui appartenait plus.

M. Hervé Saulignac, rapporteur. La réalisation des examens post mortem est susceptible d’augmenter considérablement les chances de la parentèle. Or elle est pour l’heure impossible, alors qu’elle pourrait sauver des vies – dans le cas de pathologies cardiaques d’origine génétique, par exemple.

Le principe du consentement reste fondamental puisqu’un examen des caractéristiques génétiques ne pourra être effectué que si la personne n’a pas fait connaître son opposition.

De mon point de vue, cet article constitue par conséquent un réel progrès et je ne peux qu’être défavorable à cet amendement.

M. Thibault Bazin. Nos concitoyens sont interpellés par cette possibilité d’examiner les caractéristiques génétiques d’une personne décédée ; il est essentiel de s’assurer qu’il n’y a pas de dérive, que les corps sont respectés. Il serait sans doute opportun, d’ici la séance publique, de sécuriser le dispositif.

M. Patrick Hetzel. Je partage l’avis de mon collègue. Nos concitoyens sont parfois choqués par la façon dont les choses peuvent se dérouler. Les conditions de prélèvement d’ADN sur des personnes décédées peuvent être très délicates, et pas toujours très respectueuses. Prenons garde à ne pas aller trop loin. Il y va de la dignité de nos morts.

M. Hervé Saulignac, rapporteur. Je partage assez largement vos inquiétudes. Nous voyons bien quels risques pourraient présenter ces pratiques, dont je rappelle qu’elles ne seront possibles qu’à des fins exclusivement médicales. Peut-être cette condition devra-t-elle être encore précisée.

J’ajoute que la règle du consentement présumé demeure : si la personne s’y est opposée de son vivant, en aucun cas ces examens ne pourront être réalisés. Ce dispositif me semble donc relativement sécurisé, même si j’entends votre souhait qu’il le soit le plus possible. Avis défavorable.

M. Philippe Berta. Un prélèvement d’ADN n’est en rien intrusif : il suffit de couper quelques cheveux pour disposer du profil génétique complet par PCR. Un défunt, si l’on pouvait lui poser la question, ne serait-il pas heureux de contribuer à une médecine prédictive pour sa famille ou ses descendants ?

La commission rejette lamendement n° 156.

Elle examine lamendement n° 200 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. La garantie de l’utilité de cet examen supposerait peut-être qu’il soit seulement entrepris lorsque le médecin suspecte fortement une anomalie génétique. D’où l’adverbe que mon amendement propose d’ajouter à l’alinéa 7.

M. Hervé Saulignac, rapporteur. Est-ce à dire que l’on pourrait suspecter légèrement ? À partir de quand une suspicion devient-elle forte ? J’ai beaucoup de mal à répondre à cette question… Qu’importe que les soupçons soient plus ou moins forts : nous parlons d’affections graves et le médecin doit éliminer toutes les possibilités avant de procéder à un test génétique. C’est seulement à partir au moment où il soupçonne réellement la présence d’une anomalie, que le test peut avoir lieu. Je vous invite à retirer votre amendement.

La commission rejette lamendement n° 200.

Elle adopte ensuite larticle 8 sans modification.

Article 9
Transmission dune information génétique au profit de la parentèle ou dans les situations de rupture du lien de filiation biologique dans le strict respect de lanonymat des personnes concernées

La commission adopte lamendement de coordination  1467 du rapporteur.

Elle adopte ensuite larticle 9 modifié.

M. Patrick Hetzel. Le dérouleur de la séance précise que la discussion de l’article 4 est réservée à la fin de nos travaux. Est-ce bien le cas ou commençons-nous son examen dès vingt et une heures trente ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo. Le bureau a en effet décidé que nous commencerons la réunion de ce soir par la discussion de l’article 4. Nous allons remettre le dérouleur d’Eloi dans le bon ordre.

Nos travaux reprendront à vingt et une heures trente.

Réunion du mercredi 1er juillet 2020 à 22 heures 10 ([118])

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Mes chers collègues, nous reprenons nos travaux par l’examen de l’article 4, que nous avions réservé. Je remercie Mme la garde des sceaux de sa présence ce soir.

M. Patrick Hetzel. Tout en regrettant que la réunion commence avec retard, nous saluons le fait quun membre du Gouvernement se déplace enfin, après quarante-huit heures de débat, ce qui nous permettra de lui poser des questions sur la filiation. Cela étant, nous déplorons une nouvelle fois que Mme Dubost ait déposé un amendement de réécriture globale – qui porte, en loccurrence, sur larticle 4. Manifestement, en raison de difficultés internes, la majorité peine à rendre ses arbitrages. Les conditions dun débat serein ne sont pas réunies.

M. Xavier Breton. Je remercie Mme la garde des sceaux qui témoigne, par sa présence, de la haute idée quelle se fait de ses fonctions, ce qui nest pas le cas, malheureusement, de ses collègues du Gouvernement. Nous avons posé des questions essentielles, sur les premiers articles, sans savoir quelle était la position du Gouvernement. Par ailleurs, je regrette les conditions dans lesquelles nous allons débattre. Larticle 4, relatif à la filiation, constitue le socle juridique de lextension de lassistance médicale à la procréation (AMP). En première lecture, un amendement du Gouvernement nous avait été soumis à la dernière minute, sans que lon connaisse lavis du Conseil dÉtat, alors que, sur des questions telles que la filiation, il faut agir avec prudence. La filiation est le fondement de notre société ; la famille en est la cellule de base. Nous sommes à nouveau confrontés à limprovisation. La majorité est tiraillée entre les revendications militantes et ultras dun lobby surreprésenté en son sein et la nécessité de trouver un équilibre juridique. Nous regrettons vivement les conditions dans lesquelles le débat sengage.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. J’ai décidé de commencer avec un peu de retard, le temps que l’administration traite les sous-amendements
– qui sont aussi nombreux que les amendements déposés sur l’article…

Mme Aurore Bergé. Nous étions parvenus, en première lecture, à débattre dans la sérénité. Je souhaite que nous poursuivions dans cette voie, en maintenant l’équilibre qui avait été trouvé. Il ne me paraît pas utile de tenir le type de propos que nous venons d’entendre : nous ne représentons aucun lobby, ou alors dites clairement les choses. J’approuve sans réserve ce texte et suis très fière que nous introduisions la PMA pour toutes, si c’est à cela que vous faites référence. Aucun lobby n’est représenté ici. Nous souhaitons simplement que le projet de loi soit adopté dans la sérénité. Tel est notre objectif partagé, du moins je l’espère. Je remercie la garde des sceaux de sa présence.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Comme vous le savez, le rapporteur peut déposer un amendement à tout moment. Je regrette que vous n’en ayez pas eu connaissance plus tôt, mais vous connaissez comme moi la procédure qui est habituellement suivie. Cela ne vous a toutefois pas empêchés de déposer de nombreux sous-amendements, ce dont je me réjouis, car cela nous permettra de débattre de manière approfondie de cet article, comme nous l’avons fait pour le précédent. J’espère que nous pourrons nous concentrer sur le fond.

Article 4 (précédemment réservé)
Établissement de la filiation des enfants nés par recours à lassistance médicale à la procréation par un couple de femmes ou par une femme non mariée

La commission est saisie de lamendement n° 1030 de M. Bastien Lachaud.

Mme Danièle Obono. Tous les amendements que nous avons déposés tomberaient en cas d’adoption de l’amendement de la rapporteure. Ne disposant pas des moyens d’un grand groupe, nous n’avons pu le sous-amender. Nous nous sommes inscrits dans une démarche constructive, qui nous a conduits à voter le texte en première lecture, tout en soulignant ses manques. Loin de moi l’envie de polémiquer pour rien, mais il me semble que la présence de la ministre s’explique avant tout par des désaccords internes au groupe majoritaire, qui se répercutent sur la qualité du travail. Ce n’est pas une méthode acceptable.

Nous avons déposé un amendement de suppression de l’article, car nous jugeons très problématique le système de filiation qu’il institue. Il consacre en effet un recul important pour les couples homosexuels qui ont recours à l’assistance médicale à la procréation. Il exclut l’établissement d’une filiation doublement maternelle ou paternelle envers un enfant, tout en autorisant l’adoption. Nous y voyons une provocation à l’encontre des couples de même sexe. Cet article doit être réécrit. Nous avions déposé des amendements pour améliorer la rédaction votée en première lecture. Nous ne pouvons les présenter, mais j’interviendrai sur certains sous-amendements.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. La présence de la garde des sceaux n’est en rien la marque d’un désaccord. Nous allons d’ailleurs vous présenter une position commune. Je ne peux qu’émettre un avis défavorable sur votre amendement, puisque vous entendez supprimer le dispositif de filiation dans son ensemble, qui tire les conséquences de l’ouverture de l’AMP aux couples de femmes. Or, il est indispensable de présenter un mode de filiation pour les enfants issus de l’AMP avec tiers donneur.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Je ne suis ici qu’en raison du respect que je dois au Parlement et du caractère éminemment sensible de la question de la filiation. Je partage l’avis de la rapporteure sur cet amendement.

Mme Elsa Faucillon. Madame la rapporteure, vous aviez défendu, en première lecture, l’article 4, que j’avais voté. Je comprendrais que vous proposiez une nouvelle rédaction afin de recueillir l’approbation du plus grand nombre possible de parlementaires. Or, vous savez comme moi que le texte que vous proposez n’obtiendra pas une majorité au Sénat. Comprenez que nous nous interrogions : qu’est-ce qui a motivé la modification d’une disposition qui avait été largement approuvée, y compris au sein de votre majorité ?

M. Xavier Breton. Allons-nous suivre la méthode déjà retenue lors du débat sur l’autoconservation des ovocytes ? Le rapporteur – que je ne mets pas en cause – avait en effet apporté une réponse globale aux dizaines de sous-amendements présentés. Pourrons-nous, cette fois-ci, compte tenu du dépôt tardif de l’amendement, étudier chaque sous-amendement séparément ? C’est un vrai problème. Si une réponse globale était apportée aux soixante-seize sous-amendements, cela nuirait gravement à la qualité de nos débats. Je n’imagine pas Mme la garde des sceaux subir cette présentation et devoir se contenter d’une réponse finale. Allons-nous faire un travail sérieux ou bâcler l’étude de la question essentielle de la filiation ?

M. Patrick Hetzel. Il y a en effet un problème de méthode. Il ne vous a pas échappé que le texte sur lequel nous travaillons a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 5 février 2020. Or, la rapporteure dépose le 1er juillet, à seize heures cinquante, un amendement qui réécrit totalement l’article 4, ce qui nous oblige à rédiger des sous-amendements entre seize heures cinquante et vingt et une heures trente. Vous avouerez que ce sont des conditions de travail particulièrement inhabituelles. Une nouvelle fois, je tiens à protester contre les conditions d’examen d’un article qui touche à la filiation et, plus généralement, d’un texte qui modifie profondément l’accès à la PMA et traite de sujets de fond en matière de bioéthique. La majorité prend ici, une nouvelle fois, une responsabilité très forte. La nation est bafouée par votre manière de faire.

Mme Annie Genevard. On sétait émus du fait que ce projet de loi était le premier texte inscrit à lordre du jour après la crise sanitaire. Je minterroge à présent sur leffet du contexte politique : le remaniement ministériel, qui est imminent, risque de suspendre nos travaux. Ne voyez là nulle intention désobligeante, madame la garde des sceaux : je vous souhaite dêtre présente pour continuer lexamen du texte. Il nen reste pas moins que cette suspension serait fâcheuse.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Monsieur Breton, à la suite de la présentation de tous les sous-amendements, Mme la rapporteure vous répondra aussi précisément que possible.

M. Xavier Breton. C’est scandaleux ! On bafoue le travail parlementaire ! Tout cela parce que vous êtes sous l’influence d’un lobby et que vous êtes incapables de résister !

La commission rejette lamendement n° 1030.

Elle examine, en discussion commune, lamendement n° 1666 de la rapporteure, qui fait lobjet des sous-amendements n° 1715 de Mme Annie Genevard, n° 1668 de M. Hervé Saulignac, n° 1732 de M. Thibault Bazin, n° 1690 de M. Guillaume Chiche, n° 1754 de Mme Emmanuelle Ménard, n° 1717 de Mme Annie Genevard, n° 1670 de M. Hervé Saulignac et n° 1669 de M. Raphaël Gérard, des sous-amendements identiques n° 1720 de M. Xavier Breton, n° 1726 de M. Patrick Hetzel et n° 1746 de M. Thibault Bazin, des sous-amendements n° 1749, n° 1750 et n° 1751 de Mme Emmanuelle Ménard, n° 1733 de M. Thibault Bazin, n° 1694 de Mme Agnès Thill et n° 1734 de M. Thibault Bazin, des sous-amendements identiques n° 1721 de M. Xavier Breton et n° 1727 de M. Patrick Hetzel, des sous-amendements n° 1755 et n° 1752 de Mme Emmanuelle Ménard, des sous-amendements identiques n° 1673 de M. Xavier Breton et n° 1682 de M. Patrick Hetzel, des sous-amendements identiques n° 1674 de M. Xavier Breton, n° 1683 de M. Patrick Hetzel et n° 1706 de Mme Agnès Thill, des sous-amendements n° 1736 et n° 1735 de M. Thibault Bazin, des sous-amendements identiques n° 1737 de M. Thibault Bazin et n° 1758 de Mme Emmanuelle Ménard, des sous-amendements identiques n° 1675 de M. Xavier Breton, n° 1684 de M. Patrick Hetzel, n° 1702 de Mme Agnès Thill et n° 1738 de M. Thibault Bazin, des sous-amendements identiques n° 1676 de M. Xavier Breton, n° 1685 de M. Patrick Hetzel et n° 1713 de Mme Agnès Thill, du sous-amendement n° 1691 de M. Guillaume Chiche, des sous-amendements identiques n° 1678 de M. Xavier Breton, n° 1687 de M. Patrick Hetzel et n° 1716 de Mme Agnès Thill, des sous-amendements identiques n° 1677 de M. Xavier Breton et n° 1686 de M. Patrick Hetzel, des sous-amendements n° 1714 de Mme Agnès Thill, n° 1741 de M. Thibault Bazin, n° 1762 de M. Xavier Breton, n° 1679 de M. Jean-Louis Touraine, n° 1757 de Mme Emmanuelle Ménard, n° 1739 et n° 1740 de M. Thibault Bazin, des sous-amendements identiques n° 1722 de M. Xavier Breton et n° 1728 de M. Patrick Hetzel, des sous-amendements n° 1747 et n° 1742 de M. Thibault Bazin, des sous-amendements identiques n° 1723 de M. Xavier Breton et n° 1729 de M. Patrick Hetzel, des sous-amendements n° 1718 de Mme Annie Genevard, n° 1748, n° 1743, n° 1744 et n° 1745 de M. Thibault Bazin et n° 1761 de M. Xavier Breton, des sous-amendements identiques n° 1688 de Mme Agnès Thill, n° 1719 de Mme Annie Genevard et n° 1766 de M. Thibault Bazin, des sous-amendements n° 1692 de M. Guillaume Chiche, n° 1753 de M. Patrick Hetzel et n° 1756 de M. Xavier Breton, des sous-amendements identiques n° 1725 de M. Xavier Breton et n° 1731 de M. Patrick Hetzel, des sous-amendements identiques n° 1724 de M. Xavier Breton et n° 1730 de M. Patrick Hetzel, des sous-amendements n° 1760, n° 1763 et n° 1764 de Mme Emmanuelle Ménard et n° 1711 de Mme Laurence Vanceunebrock, ainsi que les amendements n° 912 de Mme Michèle de Vaucouleurs et n° 1143 de M. Bruno Fuchs.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Je présenterai mon amendement, puis répondrai aux arguments développés dans vos sous-amendements.

M. Xavier Breton. Un par un !

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Ne me donnez pas d’ordre ! Je répondrai à tous vos arguments de fond, vous pouvez avoir confiance en moi : vous savez que je l’ai toujours fait, et je continuerai ainsi. Je n’ai nul doute quant au fait que Mme la garde des sceaux agira de même. Depuis le début, vous critiquez le fait que le texte ait été réinscrit à l’ordre du jour rapidement. Par ailleurs, vous semblez mettre en cause le règlement de l’Assemblée, qui permet au rapporteur de déposer un amendement quand il le souhaite. Je suis prête à discuter du fond avec vous. Je répondrai à toutes vos questions.

Loin de procéder à une réécriture totale, l’amendement n° 1666 reprend très largement la rédaction de la première lecture. Les dispositions relatives à la reconnaissance conjointe anticipée, pour les couples de femmes, et au consentement au don, pour les couples et la femme non mariée qui recourent à une PMA avec tiers donneur, ne sont pas modifiées. Nous avons longuement débattu en première lecture de ces dispositions, que certains d’entre vous ont votées.

Pourquoi avons-nous apporté des changements ? Parce que nous avons écouté les critiques que vous avez émises en première lecture. Madame Genevard, vous regrettiez que, du fait de la reconnaissance conjointe anticipée, la filiation de la femme ayant accouché ne soit plus établie par sa désignation dans l’acte de naissance de l’enfant. Nous rétablissons cette procédure. Pour les couples de femmes, la reconnaissance conjointe anticipée permettra à chacune d’elles de reconnaître l’autre comme mère de l’enfant à naître aux stades de l’insémination, de la grossesse et de l’accouchement. À la suite de l’accouchement, le nom de la mère gestatrice sera mentionné dans l’acte de naissance, ce qui établira le lien de maternité. L’autre mère pourra reconnaître l’enfant auprès de l’officier d’état-civil, munie de la reconnaissance conjointe anticipée. Ainsi, chacune des deux mères le sera de façon divisible, et l’effet juridique de l’accouchement sera rétabli. Par ailleurs, nous continuons à garantir – ce qui était une préoccupation de la garde des sceaux – la sécurité juridique et la responsabilité entre les mères dès l’origine du projet. Cette rédaction, qui nous paraît plus équilibrée, prend en considération les observations de tous les parlementaires. Non seulement nous ne bâclons pas le travail mais nous vous écoutons et proposons une solution susceptible de recueillir votre assentiment, alors que nous nous apprêtons à franchir ce grand pas.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la rapporteure, je partage pleinement votre point de vue. En première lecture, nous nous sommes efforcés détablir un certain nombre de garanties : offrir de nouveaux droits, notamment aux femmes homosexuelles, apporter la sécurité juridique aux deux mères et définir une procédure simple. Le Sénat est revenu sur un dispositif que nous avons voulu équilibré et juridiquement solide, en imposant la voie de ladoption pour la femme qui naccouche pas. Le Gouvernement ne peut laccepter, car cela ne répond pas aux objectifs de sécurité juridique et dégalité des droits entre les enfants. Le contrôle du juge na, dans cette hypothèse, ni justification, ni intérêt ; il noffre pas la même sécurité juridique aux enfants et aux mères, notamment à celle qui na pas accouché. Cest pourquoi le Gouvernement est favorable à lamendement de Mme la rapporteure, qui a pour objet de revenir au dispositif de la reconnaissance conjointe adopté en première lecture par votre assemblée. Le Gouvernement est également favorable à la clarification proposée par lamendement. Lors du débat en première lecture, nous avions beaucoup discuté de laccouchement, lequel déclenche, de manière évidente, la filiation de la mère gestatrice : cétait implicite, mais ce sera désormais écrit noir sur blanc. Il est essentiel de maintenir la reconnaissance conjointe, car elle assurera légalité de la filiation à légard des deux mères. Les parlementaires ont été écoutés, ce qui a conduit à un dispositif de filiation qui me semble simple, sûr et équilibré. Je ne peux donc quêtre favorable à lamendement.

M. Xavier Breton. Peut-on poser des questions sur l’amendement ? Si ce n’était pas possible, nous demanderions une suspension de séance pour discuter de notre méthode de travail, car cela pose un problème de fond. Si on présente soixante-seize sous-amendements à la suite, tout le monde sera perdu.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Nous suspendons la séance pour réunir le bureau.

(La réunion, suspendue à vingt-deux heures trente, est reprise à vingt-deux heures quarante-cinq.)

Mme Michèle de Vaucouleurs. L’amendement n° 912 vise à revenir au texte adopté en première lecture, qui était le fruit d’un compromis satisfaisant, et qui apportait des améliorations sensibles au projet de loi initial.

M. Bruno Fuchs. L’amendement n° 1143 a été déposé avant celui de la rapporteure. Il nous paraît opportun de débattre de ce dernier, en nous réservant la possibilité d’amender le texte en séance. Je retire l’amendement.

Lamendement n° 1143 est retiré.

Mme Annie Genevard. Madame la rapporteure, vous avez rappelé que tous les enfants dont la filiation est légalement établie ont les mêmes droits et les mêmes devoirs dans leurs rapports avec leurs parents. Il me semble que cette mention est inutile, dans la mesure où, depuis la loi du 3 janvier 1972, les dispositions que le code civil consacre à la filiation permettent d’assurer une parfaite égalité des filiations. Pourquoi inscrire à nouveau ce principe ? Vous savez que le bavardage de la loi n’est jamais souhaitable.

Mme Marie-Noëlle Battistel. L’amendement de la rapporteure constitue une avancée, même s’il ne conduira toujours pas à l’application du droit commun aux couples de femmes et aux femmes non mariées, que nous avions demandée en première lecture. Pourtant, les dispositions légales en vigueur le permettraient, qu’il s’agisse du don avec tiers donneur, de la PMA, de la double filiation sans lien biologique, ou encore de la mention « mère et mère », introduite par la loi sur le mariage pour tous ouvrant l’adoption aux couples homosexuels.

Le sous-amendement n° 1668 vise à étendre la filiation de droit commun aux nouveaux publics – couples de femmes ou femmes non mariées – ayant recours à une AMP avec tiers donneur. Il permet d’assurer la conservation absolue des droits des couples composés d’un homme et d’une femme ayant déjà accès à l’AMP avec tiers donneur. Il maintient également l’application des règles de contentieux de la filiation pour tous les parents, qu’ils soient célibataires ou qu’ils appartiennent à un couple hétérosexuel ou homosexuel.

M. Thibault Bazin. Madame la rapporteure, votre amendement, qui réécrit totalement larticle 4, ne nous permet pas de discuter des propositions du Sénat, dont certaines étaient très intéressantes. Comme en première lecture, nous traitons de la filiation en examinant un amendement de dernière minute, sans connaître lavis du Conseil dÉtat. Or, ce nest pas un sujet anodin : il sagit doffrir un cadre protecteur aux enfants. La rédaction du Sénat aurait mérité, à mon avis, plus dégards. On aurait pu passer en revue les mesures quil avait proposées et, éventuellement, les amender. Par ailleurs, lajout dun dispositif de reconnaissance conjointe rétroactive des PMA réalisées à létranger est très inquiétant. On pourrait craindre que ce soit un cheval de Troie nous menant à la GPA.

L’alinéa 7 de votre amendement tend à abroger les articles 310 et 358 du code civil. Le premier pose le principe de l’égalité des droits entre les enfants. On peut donc se demander si cela ne conduira pas à des filiations moins protectrices que d’autres. Le droit de la filiation ne sera-t-il pas le même pour tous ? Son but n’est-il pas de protéger l’enfant en tenant compte de son intérêt supérieur ? Je vous propose de ne pas abroger ces articles du code civil, afin de ne pas bouleverser le droit de la filiation.

M. Guillaume Chiche. La proposition qui nous est faite est nettement préférable à celle du Sénat, qui reposait, s’agissant des couples lesbiens, sur l’adoption intrafamiliale pour la conjointe, et à celle que nous avions adoptée en première lecture, car elle se rapproche du régime de droit commun qui s’applique aux couples hétérosexuels recourant à l’AMP.

Vous restez néanmoins dans un entre-deux. Nous avions évoqué en première lecture une égalité, en matière d’établissement de la filiation, entre les deux femmes d’un couple lesbien et entre les couples hétérosexuels et les couples lesbiens recourant à l’AMP.

Mon sous-amendement n° 1690 vise à étendre le régime de droit commun à ces derniers couples. La femme ayant accouché établira la filiation, en ce qui la concerne, par l’accouchement. Sa conjointe, en cas de mariage, bénéficiera d’une présomption de comaternité, comme il existe une présomption de paternité pour le mari au sein d’un couple hétérosexuel. Si les deux femmes ne sont pas mariées, la conjointe pourra établir la filiation en apportant la preuve du consentement au don réalisé devant un notaire.

Mme Emmanuelle Ménard. L’introduction de la reconnaissance conjointe pose un problème. La reconnaissance a pour effet d’établir la filiation du déclarant à l’égard de l’enfant naturel. Ce que vous proposez aura des effets juridiques différents. La reconnaissance peut actuellement être contestée, mais la reconnaissance conjointe ne pourra pas l’être. On ne peut pas utiliser un mécanisme qui existe déjà en droit pour désigner autre chose, selon un régime juridique différent. C’est important pour la lisibilité et la compréhension de la loi.

Celle-ci sera complètement illisible si la reconnaissance conjointe anticipée, faite par les deux femmes, a pour effet d’établir la filiation à l’égard de la seconde femme et non de la première. Elles accompliront le même acte juridique, mais il n’aura pas les mêmes conséquences. Il est bon de lier la maternité de la première femme à l’accouchement, comme le prévoit le droit commun – il s’agira de la mère désignée dans l’acte de naissance –, mais je pense qu’il faut assumer la différence en ce qui concerne la seconde femme.

Il faut une procédure spécifique, car le droit commun ne suffit pas. Puisque l’utilisation du terme de reconnaissance rendrait le droit de la filiation illisible, je vous propose, par mon sous-amendement n° 1754, la solution de la filiation adoptive.

Mme Annie Genevard. Nous abordons le cœur de l’article 4, à savoir l’établissement du mode de filiation pour les deux femmes.

Je voudrais d’abord remercier Mme la rapporteure. J’avais beaucoup insisté en première lecture sur la spécificité de la mère qui accouche, sur la dimension charnelle de la filiation, et je vous remercie d’avoir ouvert la porte à ces considérations.

J’avais souhaité en corollaire, pour la deuxième femme, que l’on trouve dans les dispositions légales existantes de quoi reconnaître la filiation par la voie adoptive, de sorte qu’on ne modifie pas le droit de la filiation. Sous cet angle, je conteste la solution que vous proposez.

Il me semble par ailleurs, comme vient de le souligner Mme Ménard, que l’expression « reconnaissance conjointe » n’est pas adaptée. La reconnaissance est fondée, sinon sur la vérité biologique – c’est le cas pour la mère qui accouche –, du moins sur la vraisemblance de la réalité décrite, en ce qui concerne le père. Je crois qu’il faudrait parler de « déclaration conjointe » et non de « reconnaissance conjointe » si votre amendement devait être adopté. C’est l’objet de mon sous-amendement n° 1717.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Le sous-amendement n° 1670 vise à simplifier et à sécuriser la filiation pour les couples de femmes ayant eu recours à la PMA avant l’entrée en application du texte que nous examinons. Elles pourront signer ensemble devant un notaire un consentement a posteriori au don, sous réserve de la production de preuves révélant le lien de filiation entre l’enfant et sa deuxième mère.

La liste des preuves demandées sera fixée par décret, mais on peut imaginer qu’elles se rapprochent de celles déjà demandées pour la possession d’état – notamment que la deuxième mère traite l’enfant comme le sien, qu’elle pourvoie à son éducation ou à son entretien, que son entourage la considère comme la mère.

Cette mesure permettra de sécuriser la filiation des enfants qui n’ont pas pu être adoptés par leur seconde mère et dont les familles n’ont actuellement aucun moyen de faire reconnaître la filiation – je pense en particulier aux couples non mariés.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Je vais donner la parole à la rapporteure pour ce premier ensemble de sous-amendements.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Mon amendement tend à créer, au sein du code civil, l’article 6-2 suivant. « Tous les enfants dont la filiation est légalement établie ont, dans leurs rapports avec leurs parents, les mêmes droits et les mêmes devoirs, sous réserve des dispositions particulières du chapitre II du titre VIII du livre Ier. La filiation fait entrer l’enfant dans la famille de chacun de ses parents. ». Il s’agit de remplacer les articles 310 et 358 actuels. On introduirait ces dispositions plus haut dans le code, d’une manière principielle. Par ailleurs, la rédaction proposée n’est pas une innovation par rapport à la première lecture.

Mme Annie Genevard. Vous supprimez ces dispositions pour les introduire ailleurs ?

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Oui, je trouve qu’il est beaucoup plus intéressant que cela figure au début de code, afin de poser les choses très clairement, pour l’ensemble des enfants.

Mme Annie Genevard. Je retire donc mon sous-amendement n° 1715.

Le sous-amendement n° 1715 est retiré.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Si j’avais proposé de rétablir strictement ce que nous avons adopté en première lecture, monsieur Bazin, nous n’aurions pas davantage discuté des mesures prévues par le Sénat…

Nous avons parlé de l’adoption en première lecture. Je ne pense pas que cela reflète la réalité. Dans le cas de l’adoption, il y a eu une première filiation, avec la mère qui a accouché, mais elle a choisi de s’en détacher et une autre filiation se construit ensuite. En l’espèce, il ne s’agira pas d’une deuxième filiation, mais de la première. Celles qui vont être liées à l’enfant ont causé sa venue au monde. C’est pour cela que nous souhaitons que ces dispositions figurent dans le titre VII.

Le Sénat a adopté des mesures très intéressantes visant à simplifier la procédure d’adoption. J’ai choisi de ne pas les conserver, dans mon amendement, parce que Mme Limon a déposé une proposition de loi, disponible en ligne – ou elle le sera très prochainement – qui prévoit exactement les mêmes dispositions. Nous pourrons en discuter dans le cadre d’un texte consacré à l’adoption. Ce serait un peu hors du champ de la bioéthique : nous avons dit que nous n’irions pas, dans le cadre du présent projet de loi, au-delà des conséquences de la filiation pour les couples de femmes auxquelles nous ouvrons la PMA.

Nous ne retiendrons pas la solution de l’adoption, simple ou plénière, car cela ne correspond pas à la réalité de la venue au monde de l’enfant, je l’ai dit. Par ailleurs, nous avons choisi en première lecture de supprimer la référence aux conditions garantissant le secret qui figure à l’article 311-20 du code civil pour les PMA avec tiers donneur concernant les couples hétérosexuels. Pourquoi ferait-on du « maquillage » pour les couples de femmes qui auraient recours à une PMA avec tiers donneur ?

Quant à la reconnaissance, elle ne peut pas être contestée non plus dans le cas d’un couple hétérosexuel ayant recours à la PMA. La filiation, entre l’enfant issu d’une PMA avec tiers donneur et le père, ne pourra pas être brisée dès lors qu’il y a un consentement au don, à moins de démontrer que l’enfant n’est pas issu d’une PMA… C’est même la filiation paternelle la plus solide du code civil. Les conditions d’établissement et de contestation de la filiation seront exactement les mêmes. Je ne vois donc pas d’anomalie.

Je vous remercie, monsieur Chiche, d’avoir salué les avancées réalisées avec la garde des sceaux. Nous avons fait l’effort de prendre en considération l’ensemble des remarques concernant la référence à l’accouchement, le rapprochement avec le droit commun et l’égalité entre les couples. Nous sommes allés le plus loin possible dans le cadre d’un texte relatif à la bioéthique. Si on voulait aller au-delà – je réponds ainsi à Mme Battistel –, il faudrait entamer une grande réforme de la filiation, alors que nous souhaitons simplement tirer les conséquences d’une AMP avec tiers donneur. La solution qui vous est proposée est celle qui prend le plus en compte les préoccupations de tous.

S’agissant de la reconnaissance conjointe rétroactive, vous souhaitez simplement que l’on passe devant un notaire. Mon amendement prévoit aussi une inscription en marge de l’acte de naissance de l’enfant sur instruction du procureur de la République. Il y aura ainsi des garanties beaucoup plus solides pour l’enfant.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. L’article 6-2 du code civil posera clairement le principe de l’égalité entre les enfants, dans un seul article, principiel, ce qui permettra la suppression d’autres dispositions établissant la même égalité.

Comme l’a également dit la rapporteure, il nous semble difficile, dans le cadre du projet de loi relatif à la bioéthique, d’appliquer aux enfants nés à la suite d’une PMA le droit conçu pour la filiation charnelle dans le cas des couples hétérosexuels. Cela créerait une insécurité juridique pour les enfants.

Les termes de « reconnaissance » et de « reconnaissance conjointe » ne produisent pas tout à fait les mêmes effets : la reconnaissance peut être contestée au motif qu’elle ne correspondrait pas à la vérité biologique ; la reconnaissance conjointe est fondée sur le projet parental.

M. Xavier Breton. Je remercie Mme la rapporteure et Mme la garde des sceaux pour leurs réponses. J’aimerais poser trois questions très précises et très importantes qui concernent l’établissement de la filiation. Votre amendement prévoit-il une stricte égalité dans ce domaine, que les femmes accouchant à la suite d’une AMP avec tiers donneur soient en couple avec un homme ou avec une femme ? Y aura-t-il une différence à l’intérieur d’un couple, et laquelle le cas échéant, entre la femme qui accouche et celle qui n’accouche pas ? Enfin, la législation en vigueur sera-t-elle modifiée, toujours en ce qui concerne l’établissement de la filiation, pour les couples composés d’un homme et d’une femme qui ont recours à l’AMP avec tiers donneur et, si oui, quelle serait la modification apportée ?

Mme Monique Limon. Je confirme les propos de Mme la rapporteure au sujet de la proposition de loi relative à l’adoption, qui sera en ligne le 6 juillet prochain. La première partie de ce texte vise à faciliter et à sécuriser l’adoption dans l’intérêt supérieur de l’enfant. L’article 1er tend à valoriser l’adoption simple et l’article 2 a pour objet de déconnecter l’adoption du statut matrimonial.

M. Patrick Hetzel. Ma question s’adresse à Mme la garde des sceaux. Lors de nos débats en première lecture, vous avez déclaré en commission et en séance publique que ce n’est pas l’accouchement qui fait la filiation, revenant ainsi sur le principe pluriséculaire, voire plurimillénaire, selon lequel mater semper certa est. Compte tenu des modifications proposées par Mme la rapporteure, êtes-vous toujours dans cette optique ?

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Y aura-t-il une égalité entre les femmes gestatrices, quelle que soit leur orientation sexuelle ? Oui, c’est précisément l’un des objectifs. Pour une femme ayant porté la grossesse à la suite d’une PMA avec tiers donneur, qu’elle soit en couple hétérosexuel ou homosexuel ou qu’elle soit seule, hétérosexuelle ou homosexuelle, c’est par la mention de son nom dans l’acte de naissance que la filiation va s’établir. Il y aura une référence à l’article 311‑25 du code civil.

Existera-t-il une égalité au sein dun couple de femmes ? Il y a une différence de situation : lune porte lenfant, lautre non. Létablissement de la filiation traduira cette différence de situation, mais il ny aura pas de différence de traitement entre les deux femmes dans la mesure où chacune pourra établir la filiation dune façon certaine et sécurisée dès le projet parental par la reconnaissance conjointe, qui prendra effet, après laccouchement, devant lofficier détat civil. Cela sécurisera la situation pour lenfant dans lhypothèse où une des deux femmes ne remplirait son devoir, de la même façon que pour un homme qui, dans le cadre dune PMA hétérosexuelle, aurait fait établir sa filiation a posteriori.

Y aura-t-il un changement pour les couples hétérosexuels ayant effectué une PMA avec tiers donneur ? Non. La reconnaissance conjointe anticipée ne sera pas appliquée car l’homme bénéficie déjà d’une base pour la reconnaissance de sa paternité. Si celle-ci était contestée, on passerait alors par le consentement au don – dans le cas d’une PMA avec don de gamètes masculins. S’agissant d’un couple de femmes, c’est la reconnaissance conjointe qui sera utilisée.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Je ferai les mêmes réponses que Mme la rapporteure. Quelle que soit leur orientation sexuelle, il existera une égalité entre les femmes qui accouchent. Il y aura une différence entre la femme qui accouche et celle qui n’accouche pas : la reconnaissance établit la filiation pour la deuxième mère. Enfin, les couples hétérosexuels conserveront leurs droits.

L’accouchement est une condition de l’établissement de la filiation – je n’ai jamais pu dire autre chose, monsieur Hetzel. La nouvelle rédaction qui vous est proposée le dit expressément, mais c’était déjà prévu implicitement. Ce qui est important est que les deux femmes deviennent mères à égalité et au même moment, l’une par l’accouchement et l’autre par la reconnaissance conjointe.

Mme Agnès Firmin Le Bodo. Nous en venons à un deuxième ensemble de sous-amendements.

Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel. Le sous-amendement n° 1669 tend à compléter la reconnaissance conjointe anticipée (RCA) proposée par la rapporteure, qui se limite à la PMA avec tiers donneur. Dans le cas d’un couple constitué d’une femme et d’une femme trans, il n’y a pas de donneur : ce sont les gamètes du couple qui sont utilisés. Nous proposons d’étendre la RCA aux couples de femmes n’ayant pas recours au don. Si ce n’était pas le cas, il y aurait une aberration : un couple qui utilise ses propres gamètes, sans avoir recours à un tiers donneur, serait obligé d’adopter son enfant.

M. Xavier Breton. Le sous-amendement n° 1720 tend à supprimer l’alinéa 17.

J’en profite pour relever qu’il y a une différence à l’intérieur d’un couple de femmes, s’agissant de l’établissement de la filiation, entre celle qui accouche et celle qui n’accouche pas. J’entends que la sécurisation sera la même, mais il y a bien une différence. Je ne vais pas m’en plaindre mais j’imagine que cela devrait faire réagir ceux qui s’inscrivent dans une logique militante.

M. Patrick Hetzel. Contrairement à ce qui a été dit, la rédaction proposée par Mme la rapporteure contient des bombes juridiques à retardement.

La Cour européenne des droits de l’homme a rendu, il y a quinze jours, un arrêt selon lequel la prescription qui ferme l’action en recherche de paternité est contraire à la vie privée de la personne qui tente d’établir l’identité de son père biologique – cela constitue, selon la Cour, un intérêt vital protégé. D’où mon sous-amendement n° 1726. On notera que la CEDH parle de biological father, c’est-à-dire de père biologique, et non de géniteur.

Cet arrêt est susceptible de permettre une action en responsabilité. Vous allez répondre que lalinéa 18 lexclut, à lencontre du donneur, mais ce que vous voulez inscrire dans notre droit positif est en contradiction avec larrêt de la CEDH. Comment analysez-vous cet arrêt et son incidence potentielle sur notre droit ?

M. Thibault Bazin. Mon sous-amendement n° 1746 vise à supprimer l’alinéa 17.

Je ne comprends pas pourquoi vous ne conservez pas l’interdiction explicite des deux filiations paternelles à l’égard d’un même enfant posée par le Sénat dans l’article 310-1-1 qu’il a introduit dans le code civil.

Par ailleurs, je m’interroge sur la filiation au sein d’un couple de femmes. Pour celle qui accouche, il était nécessaire de maintenir le principe actuel de filiation par procréation charnelle qui fonctionne efficacement. Mais pour la deuxième femme, pourquoi être revenu sur la solution du Sénat consistant à prévoir un consentement à l’adoption ? Celle-ci décide de devenir mère en même temps que la femme qui accouche, ce qui est une forme de filiation élective. Or la filiation élective, c’est l’adoption, qui existe déjà dans notre droit.

Enfin, il me semble que vous n’avez pas pris en compte tous les effets de la suppression de la section III du chapitre Ier du titre VII du livre Ier pour les couples hétérosexuels. Prenons le cas d’un homme marié dont la femme aurait reçu des ovocytes dans le cadre d’une PMA. Aujourd’hui, sa filiation est établie par présomption de paternité. Mais avec votre nouvelle rédaction de l’article 311‑20, devenu article 342-10, qu’en sera-t-il ? Le mot « paternité » figure dans la rédaction actuelle de l’article 311-20 mais il est totalement absent de l’article 342‑10.

Il faudra éclaircir tous ces points d’ici à la séance.

Mme Emmanuelle Ménard. Le sous-amendement n° 1749 vise à assouplir un principe d’interdiction de reconnaissance de filiation entre le donneur et l’enfant majeur en introduisant la notion d’accord explicite et préalable au don du donneur et de la volonté de l’enfant majeur issu de ce don.

Le sous-amendement n° 1750 apporte une nuance à un principe d’interdiction d’une reconnaissance de filiation qui pourrait être préjudiciable à l’enfant.

Le n° 1751 vise à supprimer l’alinéa 18. Vouloir protéger le donneur est une chose, toutefois il serait regrettable que cela se fasse au détriment de l’intérêt de l’enfant puisque cet alinéa le prive d’une possibilité d’action en recherche de paternité à l’égard son géniteur.

Madame la rapporteure, vous dites que pour un couple de femmes, la filiation est établie à l’égard des deux femmes par la reconnaissance conjointe mais vous dites aussi que la filiation pour celle qui a accouché découle de l’accouchement – vous avez même ajouté, madame la ministre, « sans accouchement, il ne peut évidemment pas y avoir de filiation ». À quoi sert donc la reconnaissance conjointe pour la femme qui a accouché ? Pourquoi cette même reconnaissance conjointe a-t-elle une portée différente pour chacune des deux femmes ? Dès lors qu’il y a une différence, en quoi prévoir l’adoption poserait-il un problème ? Cette solution préserve les droits de l’enfant tout en évitant d’obstruer toute possibilité d’exercer son droit de rechercher sa filiation paternelle.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. La reconnaissance conjointe a un double effet. Le premier est d’apporter une sécurité pour les deux mères : elle permet, comme pour le consentement au don et les PMA dans un couple hétéroparental, l’engagement des responsabilités de chacune à l’égard de l’autre. Le deuxième est d’apporter des garanties à la mère non gestatrice car, dans l’état actuel du droit, elle ne dispose d’aucune base légale pour faire établir sa filiation. Au moment de la naissance de l’enfant, elle pourra désormais se tourner vers l’officier d’état-civil pour se faire reconnaître en tant que mère.

Quant aux sous-amendements visant à supprimer tout ou partie de l’article 311-19, devenu 342-9 j’y serai défavorable. Cela renvoie à la discussion sur l’éthique à la française que nous avons eue : il ne saurait y avoir de confusion entre parenté génétique et parentalité. C’est l’un des grands apports des lois de 1994 que d’avoir posé cette différence entre le géniteur et le père.

Monsieur Bazin, le fait que les gamètes soient mâles ou femelles n’a pas d’incidence. La rédaction de l’article 342-9 est parfaitement claire : « En cas d’assistance médicale à la procréation nécessitant l’intervention d’un tiers donneur, aucun lien de filiation ne peut être établi entre l’auteur du don et l’enfant issu de l’assistance médicale à la procréation. ». L’auteur du don peut être une femme ou un homme. Cela ne change donc rien en termes de sécurisation ou de contestation. Quant à la nature élective de la filiation, elle vaut également au père : la reconnaissance de l’enfant à l’état-civil suppose une démarche volontaire. Le mariage est une forme de reconnaissance anticipée.

Madame Fontaine-Domeizel, je ne sais si le sous-amendement que vous avez défendu est une réaction aux modifications introduites à l’article 1er en deuxième lecture. La transparentalité pose certes des questions en matière de filiation mais la rédaction de votre sous-amendement reviendrait à prévoir des AMP sans tiers donneur alors que l’objet de l’article 4 tel que nous voulons le rétablir vise l’AMP avec tiers donneur.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Dans de très nombreux pays du Conseil de l’Europe, la PMA dans les couples de même sexe est instituée, parfois depuis longtemps. Il me semble que jamais la CEDH n’a remis en cause cet état de fait. Je relirai avec beaucoup d’attention l’arrêt que vous évoquez, monsieur Hetzel, mais je ne crois pas que l’on puisse y voir un quelconque frein à ces dispositifs. Je me souviens qu’en première lecture, vous aviez fait référence à un arrêt de la Cour de cassation en matière de responsabilité civile et qu’il n’avait pas la portée que vous aviez bien voulu lui donner.

Mme Annie Genevard. J’évoquerai un autre arrêt de la CEDH, l’arrêt Mandet contre France du 14 janvier 2016, qui a très clairement rappelé que la primauté de l’intérêt supérieur de l’enfant conduisait nécessairement à ce que sa filiation soit établie par rapport à la vérité biologique. J’aimerais avoir votre avis sur ce point, madame la garde des sceaux.

Nous avons fait un pas très important, et je vous en remercie, madame la garde des sceaux : vous avez rappelé qu’il était évident que l’accouchement déclenchait la filiation, chose qui n’avait pas la même force d’évidence lors la première lecture. Au fond, ce que vous voulez, c’est que la filiation ait la même solidité pour les deux membres d’un couple de femmes. Pour celle qui accouche, la cause est entendue. Pour la deuxième, la filiation adoptive aurait la même valeur ; la seule différence, c’est qu’elle ne serait pas établie « en même temps » – et j’entends bien que cela vous chatouille. Vaut-il la peine pour une simple question de chronologie de bousculer tout le droit de la filiation en introduisant la reconnaissance conjointe qui n’est pas fondée sur la vérité biologique ?

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Madame Genevard, nous ne bousculons en rien le droit de la filiation puisque celle-ci peut être établie en dehors de la vérité biologique depuis 1994 dans le cas des PMA avec tiers donneur pour les couples hétérosexuels.

Mme Annie Genevard. C’est une question de vraisemblance.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Aujourd’hui, il s’agit d’étendre le mécanisme prévu pour ces couples en introduisant, pour apporter une sécurité juridique aux couples de femmes, la notion de reconnaissance conjointe puisque le titre VII du code civil ne prévoit pas de comaternité.

Quant à l’arrêt de la CEDH Boljević c. Serbie, il ne concerne nullement une AMP avec tiers donneur mais deux messieurs présumés avoir procréé avec madame.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Dans une PMA avec tiers donneur au sein d’un couple de femmes homosexuelles, on ne peut en aucun cas faire référence à la vérité biologique. Il est très important dans ce cas de ne pas faire semblant et d’établir la filiation selon un mode spécifique. Nous avons choisi des procédures simples, sécurisantes, et les plus proches du droit commun. L’adoption allongerait les délais et nécessiterait l’intervention d’un juge alors que la reconnaissance conjointe répond parfaitement aux objectifs recherchés. Elle vient sceller le projet parental qui ne saurait reposer sur la vraisemblance biologique puisqu’elle n’existe pas. Ajoutons que lorsque deux femmes procèdent à une reconnaissance conjointe anticipée devant le notaire, elles ne savent pas forcément laquelle des deux portera l’enfant à naître.

M. Thibault Bazin. Le sous-amendement n° 1733 me donne l’occasion de me lancer dans une autre histoire, madame la rapporteure, la recherche de l’homme. Ce projet de loi modifie le code civil, qui structure la société. Ce n’est pas rien. Rien ne devait être modifié pour les couples hétérosexuels mais ce n’est pas ce que nous constatons. Dans l’actuel article 311-20, l’homme est cité : « la paternité est judiciairement déclarée ». Dans le 342-10, que vous lui substituez, il n’y a ni homme ni paternité. Dans le 342-11, nous avons les « couples de femmes », « l’autre femme », « l’une des deux femmes » ; dans le 342-12, « les femmes ». Dans le 342-13, je crois avoir trouvé l’ombre d’une présence masculine : « celui » ! Toute référence au père a disparu. Le parallélisme des formes voudrait que lorsqu’il est fait mention de la femme d’un côté, il soit fait mention de l’homme de l’autre, pour un couple hétérosexuel, bien sûr.

Aujourd’hui, la loi prévoit le recueil devant notaire du consentement du couple hétérosexuel en cas de PMA avec tiers donneur. Me confirmez-vous que demain, ces papas devront aussi faire une reconnaissance conjointe ? Le texte n’est pas très clair.

Mme Agnès Thill. L’article 4 remet en cause tout le droit de la filiation. Mon sous-amendement n° 1694 propose la rédaction suivante pour le dix-neuvième alinéa : « Art. 34210. – Les époux ou les concubins qui, pour procréer, recourent à une assistance médicale nécessitant l’intervention d’un tiers donneur, doivent préalablement donner, dans des conditions garantissant le secret, leur consentement à un notaire, qui les informe des conséquences de leur acte au regard de la filiation. Il les informe également des dispositions du chapitre III du titre IV du livre Ier. » Nous entendons prendre en compte la levée de l’anonymat prévu à l’article 3.

La nouvelle procédure de reconnaissance conjointe pour les couples de femmes ayant recours à une AMP à l’étranger avant l’entrée en vigueur de la loi ouvre le problème de la rétroactivité de la loi en matière de filiation.

Par ailleurs, comme Annie Genevard, j’estime qu’il faudrait parler de « déclaration conjointe » plutôt que de « reconnaissance conjointe ».

Enfin, je suis de ceux qui pensent que rien ne remplace un père, ni X, ni Y, ni Z. Par conséquent, l’adoption est préférable. Vous disiez qu’elle était hors du champ de la bioéthique mais c’est la PMA qui l’est. Elle ne correspond à aucune avancée scientifique, elle n’est ni éthique, ni bio, elle est politique et rien d’autre !

M. Thibault Bazin. Avec ce sous-amendement n° 1734, je reprends là où je métais arrêté en défendant le précédent. Avec larticle 342-13, vous évoquez le cas de la femme qui, après avoir consenti à lassistance médicale à la procréation, fait obstacle à la remise à lofficier de létat civil de la reconnaissance conjointe, dans le cas dun couple hétérosexuel. Jaimerais comprendre : cette reconnaissance conjointe vient-elle sajouter au recueil du consentement ? Si oui, cela signifie que létablissement de la filiation pour les couples hétérosexuels va être modifié.

M. Xavier Breton. Mon sous-amendement n° 1721 prévoit que le consentement à un acte de filiation a lieu devant un juge et non pas un notaire.

Je voudrais remercier la rapporteure d’avoir établi une distinction au sein d’un couple de femmes entre celle qui accouche et celle qui n’accouche pas. Autrement dit, pour l’une, la filiation passera par le corps, pour l’autre, par un autre mode.

Je vous demandais s’il y avait une stricte égalité, dans le cadre d’une PMA avec tiers donneur, entre une femme en couple avec un homme et une femme en couple avec une femme ? Vous m’avez répondu que oui. Mais je m’interroge toujours. Je lis en effet à l’article 342-11 dans la rédaction que vous proposez : « Lors du recueil du consentement prévu à l’article 342-10, le couple de femmes reconnaît conjointement l’enfant. », preuve qu’il y a bien une différence dans la manière dont la filiation est établie entre couples homme-femme et couples de femmes. Pour ma part, cela me semble logique mais j’imagine que cela pourrait faire réagir les tenants d’une égalité absolue.

M. Patrick Hetzel. Mon sous-amendement n° 1727 est identique.

En fait, en France, certains enfants sont privés de droits en raison de leur mode de conception. Depuis que les différences entre enfants nés hors mariage et dans le mariage ont été abolies, l’action en recherche de paternité ou de maternité est ouverte à tous, à la seule condition que la prescription soit respectée. Ils ont le droit de rechercher juridiquement leur filiation biologique s’ils le souhaitent, en particulier pour faire établir un lien de filiation avec leur géniteur – c’est l’article 327 du code civil.

Or, les enfants issus d’une PMA avec tiers donneur sont privés de ce droit. Vous précisez à l’alinéa 18 de votre amendement, dans l’article 342-9, qu’« aucun lien de filiation ne peut être établi entre l’auteur du don et l’enfant issu de l’assistance médicale à la procréation ». Ils sont donc très clairement victimes d’une discrimination fondée sur le mode de conception. Autrement dit, alors que vous prétendez à travers ce projet de loi lutter contre les discriminations, vous en introduisez de nouvelles à l’égard d’enfants par définition incapables de défendre leurs droits.

Mme Emmanuelle Ménard. Il n’est pas vrai que ces nouvelles dispositions ne changent rien au droit de la filiation. Tout votre système est fondé sur le principe que le géniteur n’est pas un père. La prochaine fois qu’un homme fera l’objet d’une action en recherche de paternité, il pourra dire qu’il n’est que le géniteur. Ce n’est pas un fantasme : la Cour de cassation a été déjà été saisie à plusieurs reprises de questions prioritaires de constitutionnalité dans lesquelles des hommes se plaignaient d’une paternité imposée au prétexte qu’ils n’étaient que des géniteurs. Voilà une fois de plus l’enfant laissé pour compte, conséquence logique d’une filiation conçue comme une affaire de volonté entre adultes. C’est une régression majeure.

Quant à mon sous-amendement n° 1755, il vise à faire intervenir le juge dans le recueil du consentement. Ses pouvoirs sont différents de ceux du notaire. Il peut procéder à des investigations, qui peuvent être nécessaires.

Le sous-amendement n° 1752 précise que l’enfant pourra, s’il le souhaite, accéder aux données non identifiantes et à l’identité de ce tiers donneur dès ses seize ans et non plus à sa majorité. Il est en effet dans son intérêt de le faire le plus tôt possible. L’adolescent peut disposer d’une carte Vitale à cet âge et donc avoir accès à son dossier médical partagé. Mieux vaut lui donner officiellement une information qu’il pourrait sinon découvrir par hasard.

M. Xavier Breton. Le sous-amendement n° 1673 vise à compléter l’alinéa 19 par les deux phrases suivantes : « Ce consentement a une durée de validité de trois ans. Chaque année, pendant la durée de validité, les deux membres du couple doivent confirmer au juge, avec copie au médecin traitant de l’équipe clinicobiologique pluridisciplinaire du centre d’assistance médicale à la procréation, qu’ils maintiennent leur volonté de devenir les parents de l’enfant issu de l’assistance médicale à la procréation. »

M. Patrick Hetzel. En matière d’adoption, le titulaire d’un agrément doit confirmer tous les ans qu’il maintient son projet d’adoption. Il paraît opportun, par respect du parallélisme des formes, de prévoir la même disposition pour les couples ayant signé un consentement.

Dès lors que le Gouvernement a entendu instituer un mode de filiation fondé sur la seule volonté concordante des membres d’un couple d’avoir un enfant, le fait qu’elle soit potentiellement fluctuante fait naître des inquiétudes.

Un couple n’est en outre pas non plus à l’abri d’une désunion, d’autant que ces parcours d’AMP, dont la réussite est au demeurant limitée, sont réputés éprouvants pour les couples.

Prenons un couple non marié qui, ayant signé un consentement devant notaire, se séparerait au cours de la procédure d’AMP – laquelle risque, d’ailleurs, d’être d’autant plus longue que les délais d’attente de spermatozoïdes le seront. Comment le médecin traitant et le notaire auront-ils connaissance de cette séparation qui remet en cause la commune volonté ?

Cette séparation aura pourtant des conséquences graves, notamment sur le lien de filiation de l’éventuel enfant à naître : il sera possiblement l’enfant des deux femmes ou celui d’une seule, si celle-ci a continué son parcours d’AMP en dépit de leur séparation.

C’est pourquoi il nous paraît nécessaire de donner à ce consentement, comme dans le cadre de l’adoption, une durée de validité, et de prévoir que cette volonté devra être confirmée chaque année afin que l’on soit sûr d’accorder un maximum de garanties et de préserver l’intérêt supérieur de l’enfant. Tel est l’objet du sous-amendement n° 1682.

M. Xavier Breton. Le sous-amendement n° 1674 vise à compléter l’alinéa 19 par la phrase suivante : « Le juge envoie copie de ce consentement à l’Agence de la biomédecine. »

Cela permettrait aux personnes conçues par don de gamètes et d’embryons de disposer, à leur majorité, d’un document officiel au sujet de leur conception avec donneur en prévoyant qu’une copie de tous les consentements au don soit archivée par l’Agence de la biomédecine.

M. Patrick Hetzel. Le sous-amendement n° 1683 est défendu.

Nous nous interrogeons sérieusement au sujet de la chronologie. Vous avez très clairement indiqué, madame la ministre, que l’accouchement constituera, pour la gestatrice, l’élément attestant de sa filiation vis-à-vis de l’enfant.

Notre collègue Annie Genevard vous a interrogée sur le point de savoir si dans ce cas, en vue de sécuriser, au sein d’un couple de femmes, la filiation de celle qui n’accouche pas, il ne faudrait pas procéder par filiation adoptive, solution qui ne produirait en outre pas le bouleversement que vous envisagez. On pourrait ainsi sécuriser les choses sans bouleverser toute la structure de notre code civil.

Pourquoi avez-vous juridiquement opté pour une autre solution ?

M. Agnès Thill. Le sous-amendement n° 1706 tend à ce que le notaire envoie une copie du consentement à l’Agence de la biomédecine – qui l’archiverait – afin de permettre aux personnes conçues par don de gamètes et d’embryons de disposer à leur majorité d’un document officiel relatif à leur conception avec donneur.

Si je vous remercie, madame la rapporteure, de reconnaître la filiation par l’accouchement de l’une des deux femmes, je m’interroge sur l’utilité pour celle-ci de la reconnaissance conjointe car dans ce cas, il y a reconnaissance tout court, ce qui implique la filiation adoptive.

M. Thibault Bazin. Le sous-amendement n° 1736 est défendu.

Le sous-amendement n° 1735 propose de fixer une durée de validité du consentement en prévoyant également que : « Chaque année, pendant la durée de validité, les deux membres du couple doivent confirmer au notaire, avec copie au médecin traitant de l’équipe clinicobiologique pluridisciplinaire du centre d’assistance médicale à la procréation, qu’ils maintiennent leur volonté de devenir les parents de l’enfant issu de l’assistance médicale à la procréation. »

Une telle confirmation annuelle de cette volonté s’impose parce qu’un couple n’est jamais à l’abri d’une séparation.

Le sous-amendement n° 1737 vise à supprimer l’alinéa 20 qui abandonne l’enfant à un statut fragile en lui interdisant les actions en recherche de paternité même quand il n’a qu’un seul parent.

Si nous avons été très nombreux cet après-midi à vouloir permettre aux enfants issus d’une PMA avec tiers donneur d’accéder à leurs origines, j’ai l’impression que nous faisons le chemin inverse quand il n’y a qu’un seul parent. La disposition visée ne leur serait-elle pas dommageable ?

Mme Emmanuelle Ménard. L’alinéa 20 institue une différence de traitement entre les enfants nés d’une PMA et les autres : les premiers ne pourraient pas contester leur filiation, contrairement aux seconds. Créer une nouvelle inégalité ne reflétant certainement pas votre volonté, il convient donc de le supprimer, comme je le propose par le sous-amendement n° 1758.

M. Xavier Breton. L’alinéa 20 prévoit que le consentement donné à une AMP interdit toute action aux fins d’établissement ou de contestation de la filiation. Or ce n’est pas le consentement qui établit la filiation, mais la mention de la mère dans l’acte d’état civil, la reconnaissance ou la reconnaissance conjointe.

Le sous-amendement n° 1675 tend, ce qui serait juridiquement beaucoup plus solide, à rédiger ainsi le début de l’alinéa 20 : « L’établissement du lien de filiation à l’égard de l’enfant issu d’une aide médicale à la procréation dans les conditions du présent chapitre interdit toute action […]. »

M. Patrick Hetzel. Lorsque le Sénat a réécrit l’article 4 au travers d’un amendement, il poursuivait deux objectifs : insérer un nouvel article au sein du titre VII du livre Ier du code civil visant à interdire explicitement l’établissement de deux filiations maternelles ou paternelles à l’égard d’un même enfant, et créer un titre VII bis regroupant les dispositions applicables à la filiation en cas de recours à l’AMP avec tiers donneur, qui ont représenté pour les couples hétérosexuels moins de 10 % du total des AMP pratiquées.

Le Sénat a ainsi tenté de trouver un équilibre par rapport à notre code civil. Pourquoi donc voulez-vous absolument revenir sur les modes de filiation, la filiation étant un instrument permettant de déterminer un certain nombre d’obligations légales qu’un adulte a vis-à-vis d’un enfant et que ce dernier aura plus tard vis-à-vis dudit adulte ?

L’établissement et la preuve de la filiation doivent donc se faire dans les conditions les plus claires, les plus objectives et les plus factuelles possibles. Je considère que votre amendement, Madame la rapporteure, constitue une régression par rapport à la clarté de la rédaction sénatoriale.

Le sous-amendement n° 1684 est défendu.

M. Agnès Thill. Le sous-amendement identique n° 1702 précise que ce n’est pas le consentement qui établit la filiation mais, comme le précise l’article 325 du code civil, la mention de la mère dans l’acte d’état civil, la reconnaissance ou la reconnaissance conjointe.

M. Thibault Bazin. Le sous-amendement n° 1738 est également identique.

Madame la rapporteure, votre proposition fait s’établir la filiation de façon identique, simultanée et presque indivise au sein des couples de femmes.

En cas de conflit, la gestatrice pourra-t-elle encore, en l’absence de l’accord de sa partenaire, accoucher dans le secret, compte tenu de l’indivisibilité de la filiation et l’engagement pris de remettre la reconnaissance conjointe à l’officier d’état-civil ?

Ne faudrait-il pas revoir ces dispositions afin de mieux protéger la femme enceinte qui dispose aujourd’hui de droits, notamment celui, que vous évoquez sans cesse, d’interrompre sa grossesse, dont elle peut user en particulier au cours d’une AMP ?

M. Xavier Breton. Le sous-amendement n° 1676 vise à compléter l’alinéa 20 par la phrase suivante : « L’objet de la preuve de l’action en contestation de paternité est alors bien la preuve que l’enfant n’est pas issu de l’assistance médicale à la procréation et non la preuve que le mari ou l’auteur de la reconnaissance n’est pas le père. »

Dans la section III du chapitre III du titre VII du livre Ier du code civil, l’article 322 alinéa 2 dispose que « La paternité peut être contestée en rapportant la preuve que le mari ou l’auteur de la reconnaissance n’est pas le père. ». Or, dans une AMP avec donneur de sperme, l’auteur de la reconnaissance n’est pas le père.

Cette preuve que le père légal n’est pas le père biologique ne suffirait pas à démontrer que l’enfant n’est pas issu de l’AMP : il faudrait encore prouver que l’enfant a été conçu charnellement avec un autre homme que le père légal, donc que le père biologique n’est pas le tiers donneur, dont l’identité n’est pas connue par les parents, mais l’amant de la mère.

M. Patrick Hetzel. Ne disposant de la nouvelle rédaction de l’article 4 que depuis quelques heures seulement, nous sommes obligés d’utiliser les sous-amendements, tel celui que je défends sous le numéro 1685, afin qu’un débat minimal ait lieu sur les nombreuses questions qui se posent, dont la moindre n’est pas la sécurisation juridique de la filiation des enfants issus d’une PMA et dont une partie de la majorité semble se désintéresser.

Avec cette même rédaction, l’on se situe dans un monde d’adultes gouverné par leur volonté, sans qu’à aucun moment on se situe dans un autre au sein duquel l’intérêt supérieur de l’enfant serait respecté.

Nous cherchons à établir un parallèle avec l’adoption, car celle-ci permettrait de sécuriser les choses et d’écarter les logiques différant de celles retenues jusqu’ici dans le code civil. Pourquoi la seconde filiation ne retiendrait-elle pas celle de la filiation adoptive ?

M. Agnès Thill. Le sous-amendement identique n° 1713 vise à compléter l’alinéa 20 par la phrase suivante : « L’objet de la preuve de l’action en contestation de paternité est alors bien la preuve que l’enfant n’est pas issu de l’assistance médicale à la procréation et non la preuve que le mari ou l’auteur de la reconnaissance n’est pas le père. »

À la section III du chapitre III du titre VII du livre Ier du code civil, l’article 322 alinéa 2 dispose que « La paternité peut être contestée en rapportant la preuve que le mari ou l’auteur de la reconnaissance n’est pas le père. ». Or, dans une AMP avec donneur de sperme, l’auteur de la reconnaissance n’est pas le père.

Cette preuve que le père légal n’est pas le père biologique ne suffirait pas à démontrer que l’enfant n’est pas issu de l’AMP : il faudrait encore prouver que l’enfant a été conçu charnellement avec un autre homme que le père légal, et donc apporter la preuve que le père biologique n’est pas le tiers donneur, dont l’identité n’est pas connue par les parents, mais un homme tiers ayant eu des relations avec la mère.

M. Guillaume Chiche. Le sous-amendement n° 1691 vise, à la première phrase de l’alinéa 21, à supprimer les mots : « En cas de décès », c’est-à-dire à autoriser la poursuite du projet parental en cas de décès d’un des membres du couple.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Monsieur Chiche, n’ayant pas adopté l’AMP du projet survivant à l’article 1er, nous ne pouvons pas en tirer de conséquences à l’article 4. Avis défavorable, donc.

Monsieur Bazin, l’un de vos sous-amendements nous a fait quitter le monde de la série pour celui de la science-fiction : même si vous n’êtes pas familier de ces sujets, le parcours d’une femme en AMP est si difficile – le nombre de piqûres, l’acte chirurgical de prélèvement, le taux d’échec élevé, etc. – que les cas d’avortement ou d’accouchement dans le secret relèvent de l’infinitésimal. S’ils devaient se produire, la loi supplétive et particulière protectrice des femmes s’appliquerait – nous l’avions vu en première lecture.

Le cas de l’amant est déjà réglé, et exactement de la même façon que pour les hétérosexuels, car l’alinéa 20 précise que « Le consentement donné à une assistance médicale à la procréation interdit toute action aux fins d’établissement ou de contestation de la filiation à moins qu’il ne soit soutenu que l’enfant n’est pas issu de l’assistance médicale à la procréation ou que le consentement a été privé d’effet. »

On sous-entend que si l’enfant n’est pas issu de l’AMP, c’est qu’il est le fruit d’une procréation charnelle. Ce qui vaut pour une PMA menée au sein d’un couple d’hétérosexuels vaudra pour une PMA menée dans un couple lesbien. L’alinéa 20 ne fait donc que retranscrire une disposition du code civil remontant à 1994 et qui fonctionne très bien.

Monsieur Bazin, votre souffrance causée par la disparition de l’homme – du mâle – de ce même code est sans objet car il n’a pas disparu, la phrase suivante étant : « Sa paternité est judiciairement établie ».

S’agissant de l’article 342-13, le régime de responsabilité défini pour l’homme avec le consentement au don se retrouvera pour la femme avec la reconnaissance conjointe : dans ce dernier cas, les deux figurent sur le même acte notarié. Dans les deux cas, une action en responsabilité est possible.

Lorsque dans un couple hétérosexuel l’homme vient à se défiler, la paternité pourrait être établie de manière forcée sur la base du consentement au don qui servirait de preuve. Dans un couple de femmes, la même démarche pourrait être suivie en utilisant alternativement le consentement au don ou la reconnaissance conjointe, ce dernier mécanisme étant plus rapide.

Il est hors de question de revenir sur la loi de programmation de la justice, ni sur la substitution du notaire au juge : je suis donc défavorable aux sous-amendements le proposant.

Nous avons, à l’article 3, débattu de l’abaissement du seuil d’âge de 18 à 16 ans pour l’accès aux origines personnelles : ce sujet n’a pas sa place à l’article 4. Je ne vois pas en outre pour quelle raison on opérerait une confusion entre la filiation et la connaissance de ces mêmes origines.

S’agissant de la durée de la validité du consentement, les cas de séparation sont d’ores et déjà prévus par l’article 311-20 du code civil et repris aux articles 342 et suivants. Si vous avez consenti au don avec tiers donneur et qu’en définitive vous souhaitez vous rétracter, ce qui est toujours possible avant l’insémination, il faut le signifier au médecin.

La création d’un registre des consentements au don tenu par l’Agence de la biomédecine reviendrait à étendre son champ de compétences, ce qui n’est pas l’objet du projet de loi. Est-ce par ailleurs conforme à sa vocation de tenir un registre notarial ?

S’agissant des actions de recherche en paternité, nous avons un désaccord. Nous tenons à ce qui avait été établi en 1994 par les lois Veil et qui peut se résumer ainsi : la filiation n’est jamais établie entre un donneur et un enfant issu d’une AMP. Il ne sert à rien de retourner le raisonnement et d’affirmer que l’on priverait ainsi l’enfant d’une action en recherche de paternité. Il ne s’agit en effet pas d’une paternité mais d’un don. Il n’existe en outre aucune discrimination : l’enfant ainsi né dispose d’un père ou d’une mère ayant signé soit un consentement au don soit une reconnaissance conjointe anticipée.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. S’agissant du dernier point évoqué par Mme la rapporteure, vous avez, monsieur Hetzel et madame Thill, employé le mot « discrimination » qui me semble erroné. En effet, depuis 1994, le droit positif en matière de PMA avec tiers donneur repose sur une filiation issue d’un don : nous ne situons pas dans le cadre d’un autre mode d’établissement de filiation. Des règles spécifiques s’appliquent dans ce cas, mais elles ne résultent pas du projet de loi relatif à la bioéthique.

Monsieur Hetzel, vous êtes revenus sur la rédaction du Sénat pour expliquer qu’il aurait sans doute mieux valu passer par l’adoption plutôt que par la RCA. Je le répète : l’adoption, dont on ne comprend ce qu’elle viendrait faire dans ce cas, est un processus plus long et placé sous le contrôle du juge. C’est bien parce que nous avons voulu un processus simple et facile vecteur du projet parental que nous avons mis en place la RCA.

Madame Thill, vous avez repris des idées assez proches. Je rappelle qu’une reconnaissance conjointe est nécessaire car la reconnaissance simple ne permet pas d’établir un deuxième lien de filiation maternelle. L’article 320 du code civil s’y oppose. La création de ce nouveau mécanisme nous permet de le dépasser, le caractère conjoint de la reconnaissance fondant l’établissement de la filiation sur le projet parental et non sur la vraisemblance biologique.

Monsieur Breton, vous vous interrogez sur le consentement qui interdit l’action en recherche de paternité : il faut conserver cette règle qui existe depuis 1994 car elle évite qu’une action ne soit introduite contre le donneur, et ce même dans le cas où la filiation ne serait pas établie à l’égard du parent qui n’est pas le parent biologique.

Monsieur Bazin, depuis 1994, aucune femme n’a accouché sous X – procédure qui subsistera nonobstant le projet de loi dont nous débattons – à l’issue d’une AMP. Dans cette hypothèse néanmoins, la mère qui n’a pas accouché pourrait aller reconnaître l’enfant, qui serait alors inscrit sous son seul nom à l’état-civil. Rien ne l’interdit.

M. Xavier Breton. Le sous-amendement n° 1678 me donne l’occasion de revenir sur l’égalité, du point de vue de l’établissement de la filiation, entre femmes accouchant au terme d’une AMP avec tiers donneur selon qu’elles vivent en couple avec un homme ou avec une femme.

L’alinéa 22 prévoit que lors du recueil du consentement prévu à l’article 342-10 du code civil, le couple de femmes reconnaît conjointement l’enfant, instituant ainsi un mécanisme spécifique d’établissement du mode de filiation pour les couples de femmes qui n’a pas d’équivalent pour les couples hétérosexuels : il n’existe donc pas, de ce point de vue, de stricte égalité entre femmes.

M. Patrick Hetzel. Madame la rapporteure, madame la garde des Sceaux, pour quelles raisons juridiques revenez-vous sur la rédaction du Sénat pourtant à mon sens relativement équilibrée ?

Le sous-amendement n° 1687 est défendu.

Mme Agnès Thill. Le sous-amendement n° 1716 vise à établir le lien de filiation avec la femme qui n’accouche pas, par le biais de l’adoption simple. Cette solution clarifie la situation de l’enfant à l’égard de la femme qui partage la vie de sa mère, sans le priver définitivement de la possibilité d’établir une filiation paternelle. En outre, l’adoptante pourra être investie de l’autorité parentale à l’égard de l’adopté, et ainsi participer à sa vie quotidienne. Le lien de filiation avec la mère qui accouche est quant à lui établi conformément à l’article 311-25 du code civil. Le droit actuel est maintenu pour les couples homme-femme.

M. Xavier Breton. Le sous-amendement n° 1677 est de repli. Il propose d’établir un lien de filiation avec l’autre membre du couple par le recours à l’adoption plénière.

M. Patrick Hetzel. Vous l’aurez compris, nous sommes attachés au principe de l’adoption, qu’elle soit plénière ou simple. Le code civil dispose que tous les enfants ont les mêmes droits, quel que soit leur mode de filiation. L’adoption ne peut donc pas être considérée comme un mode de filiation dégradé. Pourquoi n’utiliserait-on pas ce dispositif dans le cadre d’une AMP pour un couple de même sexe ? Il a le mérite d’exister et nous éviterait de réécrire une partie de notre code civil. C’est l’objet du sous-amendement n° 1686.

Mme Agnès Thill. Le sous-amendement n° 1714 propose d’établir le lien de filiation avec l’autre membre du couple – homme ou femme – par le recours à l’adoption plénière. En effet, conformément à l’article 358 du code civil, l’adopté en forme plénière a les mêmes droits que l’enfant dont la filiation est établie par l’un des modes du titre VII du livre Ier.

Dans le cas où le couple homme-femme recourt à une donneuse d’ovocytes, l’homme du couple est le père biologique de l’enfant. Le lien de filiation avec l’enfant est alors établi par présomption de paternité si le couple est marié ou par reconnaissance si le couple ne l’est pas.

M. Thibault Bazin. Votre amendement me satisfait sur un point, madame Dubost : il modifie l’article 310-1, mais oublie l’article 310-2. C’est une bonne nouvelle car ce dernier mentionne les père et mère ! N’y touchez pas !

M. Xavier Breton. L’inscription dans notre droit de la reconnaissance conjointe va avoir des conséquences délétères. Certes, cette reconnaissance établit une différence entre la femme qui accouche et celle qui n’accouche pas, mais elle crée surtout une différence entre les femmes, selon leur appartenance à un couple homme-femme ou à un couple de femmes.

Dans le cas précis de l’enfant né par AMP d’un couple de femmes, le sous-amendement n° 1762 vise donc à inscrire le principe de l’adoption dès l’article 342-11 du code civil.

M. Jean-Louis Touraine. Le sous-amendement n° 1679 propose détendre le dispositif prévu par lamendement de Mme la rapporteure à tous les couples recourant à une AMP avec tiers donneur. Il sagit davoir une seule modalité détablissement du lien de filiation pour tous ceux qui réalisent une AMP avec tiers donneur. Ce dispositif est simple et universel ; il permet de sécuriser pleinement la filiation de lenfant à légard de ses deux parents. Cest une modalité unique qui ne tient pas compte de lorientation sexuelle des parents et évite ainsi toute discrimination entre enfants de couples de femmes et enfants de couples de sexes différents. On peut dailleurs noter que le Conseil dÉtat avait souligné quune option de cet ordre garantissait le mieux les droits des enfants.

Mme Emmanuelle Ménard. Le sous-amendement n° 1757 vise à supprimer l’alinéa 23, contradictoire avec l’économie générale de la réécriture de cet article. En effet, la reconnaissance conjointe ne peut pas avoir l’effet d’établir la filiation pour l’une des femmes et non pour l’autre.

Madame la rapporteure, vous avez expliqué que la PMA avec tiers donneur dans un couple de femmes n’était pas une paternité, mais un don. Ôtez-moi d’un doute, ce projet de loi donne bien la possibilité à l’enfant né d’un don d’accéder à l’identité du donneur ? Vous ne pourrez donc jamais empêcher ces enfants d’établir des liens avec leur géniteur, et je suis sûre que nous rencontrerons des cas où le donneur deviendra le père parce que l’enfant sera en manque de père. Ce « géniteur », comme vous l’appelez, reste le père biologique de l’enfant. Il pourra même, dans certains cas, reconnaître l’enfant, qui le reconnaîtra aussi comme père. Comment dire alors qu’il n’y a pas de paternité, mais seulement un don ? Cela ne colle pas à la réalité !

M. Thibault Bazin. Le sous-amendement n° 1739 vise à inclure les pactes civils de solidarité (PACS) à l’alinéa 23 de votre amendement qui comprend la cessation de la communauté de vie, la fin du mariage, mais pas celle du PACS. Pourquoi ? Il faut que toutes les ruptures, quel que soit leur statut juridique, entraînent la fin du projet parental – sauf si l’on rompt un PACS pour se marier, bien sûr.

Le sous-amendement n° 1740 vise quant à lui à respecter notre droit de la filiation : la femme qui accouche est reconnue comme mère et la deuxième femme du couple peut procéder à l’adoption. Nous conservons ainsi l’esprit de votre amendement, tout en prenant en compte le souhait du Sénat, en vue de préparer un consensus entre nos deux chambres.

Pour conclure, j’ai l’impression que notre collègue Touraine prépare notre code civil à la GPA. Mais, au moins, il est cohérent, ce que je salue !

M. Xavier Breton. Nous ne pouvons pas avoir de débats de fond, c’est regrettable… Je m’associe aux remerciements de M. Bazin à l’égard de notre collègue Touraine. Nous ne sommes pas d’accord, mais je lui reconnais le mérite de la cohérence. Il plaide pour une seule modalité d’établissement de la filiation en cas d’AMP, sans tenir compte de l’orientation sexuelle des parents, afin d’éviter toute discrimination envers les enfants des couples de femmes. Ce n’est pas votre choix, mais contrairement à ce que vous avez affirmé avec assurance, madame la rapporteure, il n’y aura pas de stricte égalité dans l’établissement de la filiation. Cela constitue une discrimination très dangereuse, liée à la situation dans laquelle se trouvent les femmes. Le sous-amendement n° 1722 propose d’y remédier.

M. Patrick Hetzel. La rapporteure a qualifié de science-fiction l’une des hypothèses développées par notre collègue Thibault Bazin. Pourtant, il arrive que des femmes avortent après PMA en cas d’erreur d’éprouvettes – lorsque la femme a été inséminée par un autre embryon que celui conçu avec son conjoint. Comme l’explique le professeur Dominique Royère, responsable procréation à l’Agence de la biomédecine dans une interview en 2014, en sept ans, la France a recensé une quinzaine d’erreurs pour environ cent mille gestes. Certes, c’est marginal, mais ce n’est pas de la science-fiction. Il s’agit d’inséminations, de fécondations in vitro ou d’implantations d’embryons. Les couples ont pu être informés assez tôt par l’équipe médicale pour que leur soit proposée une interruption volontaire de grossesse.

C’est bien la preuve que l’intention ne fait pas tout : quand des adultes sont privés contre leur volonté du lien biologique, ils peuvent décider d’avorter, voire préférer ne pas avoir d’enfants. Contrairement à ce que vous nous affirmez en permanence, le lien biologique n’est donc pas négligeable ! Le sous-amendement n° 1728 vise à le maintenir.

M. Thibault Bazin. Le sous-amendement n° 1747 peut faire consensus. Il nous a fallu neuf mois pour vous convaincre que la filiation à l’égard de la femme qui accouche doit être établie selon le droit commun. Vous êtes attachés à la reconnaissance conjointe devant notaire. Mais l’adoption simple par la seconde femme a notre préférence, car elle ne fait pas obstacle à l’établissement de la filiation paternelle. En effet, la filiation adoptive simple ne remplace pas la filiation d’origine ; elle s’y ajoute. Cela permettrait de conserver notre droit de la filiation, tout en élargissant l’AMP aux couples de femmes. La proposition du Sénat, très aboutie, mériterait le débat.

Le sous-amendement n° 1742 propose une évaluation des conséquences pour les enfants nés par procréation médicalement assistée, à partir de l’expérience des pays où la procédure est légalisée.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Monsieur Breton, l’égalité entre gestatrices, quelle que soit l’orientation sexuelle du couple, est lié à la rédaction de l’article 311-25. Le nom de la mère est mentionné dans l’acte de naissance.

Les articles 342-9 et suivants, objets de mon amendement, visent quant à eux l’engagement conjoint contractuel. Un homme marié bénéficie par l’effet de la loi d’une présomption de paternité. Si, pour se rassurer, il décide malgré tout de faire une reconnaissance prénatale, rien ne s’y oppose. Mais, lorsque l’enfant naît, la présomption de paternité prime, sous l’effet de la loi. La situation sera identique avec la reconnaissance conjointe. Les mères gestatrices sont donc placées à égalité, quelle que soit l’orientation sexuelle du couple.

Je ne suis pas d’accord avec vous concernant l’adoption. La filiation du titre VII vise ceux qui ont causé la venue au monde de l’enfant, alors que l’adoption est une deuxième filiation. Cela ne veut pas dire qu’elle est moins digne – ce n’était absolument pas mon propos – ou moins importante. Mais nous souhaitons que l’enfant puisse retracer toute son histoire.

En outre – vous le savez puisque le Sénat y a travaillé –, l’adoption impose des conditions de mariage aux couples de femmes. L’attribution de l’autorité parentale est compliquée dans le cas d’une adoption simple – elle est réalisée au bénéfice d’une seule – et, en cas d’adoption plénière, les liens avec la mère gestatrice sont brisés. C’est pourquoi nous avons écarté cette solution, impraticable.

Monsieur Touraine, nous avons choisi en première lecture de ne pas retenir la reconnaissance conjointe pour tous les couples qui font une procédure d’AMP car l’article 311-20 du code civil fonctionne bien et il est suffisant pour les couples hétérosexuels. En cas de PMA avec tiers donneur, nous nous sommes limités à supprimer les conditions qui garantissent le secret, afin de mettre fin à la culture du secret. Nous ne souhaitons pas imposer de nouvelles modalités aux couples hétérosexuels qui font une PMA avec tiers donneur.

Monsieur Bazin, on peut parfaitement se dépacser et continuer une vie commune. Pourquoi dans ce cas stopper le projet parental ? Ce ne serait pas pertinent.

Monsieur Hetzel, les cas que vous évoquez sont probablement très anxiogènes pour les personnes qui nous écoutent. Mais il s’agit de PMA sans tiers donneur qui deviennent des PMA avec tiers donneur, et d’erreurs médicales, qui ne relèvent pas du champ qui nous occupe. Il est donc normal que le couple ait le choix, d’autant qu’il n’a pas consenti au don.

Mme Annie Genevard. Notre débat se concentre sur les modalités de filiation pour la femme qui n’accouche pas. M. Bazin l’a rappelé, il a fallu neuf mois pour que nous tombions d’accord concernant la femme qui accouche. L’un de vos collaborateurs, madame la ministre, parlait de l’« amendement Genevard ». J’en suis très fière.

Je ne désespère pas que, dans le temps qui nous reste pour adopter ce projet de loi, nous parvenions à un accord concernant le mode d’établissement de la filiation de la femme qui n’accouche pas. Vous proposez la reconnaissance conjointe. Cette solution ne nous convient pas car elle modifie le droit actuel de la reconnaissance, fondée sur la vraisemblance.

Il n’est pas possible de traiter de la même façon l’homme et la femme, le père et la mère, car la vraisemblance biologique s’applique au père, mais ne peut s’appliquer à la femme qui n’accouche pas – un enfant n’est jamais le produit biologique de deux femmes.

Madame la rapporteure, madame la garde des Sceaux, madame la présidente, ne peut-on y réfléchir sérieusement et profiter de l’occasion que nous fournit la proposition de loi de Mme Limon pour améliorer le cadre légal de l’adoption, notamment traiter le problème du délai qui sépare le moment entre lequel la première femme accouche et la seconde peut établir le lien de filiation ? L’adoption peut fournir une solution, à condition de combler ce vide juridique qui insécurise la femme qui n’accouche pas – je le comprends.

En l’état actuel de la rédaction du projet de loi et de vos propositions, la commission mixte paritaire ne sera pas conclusive. En conséquence, l’Assemblée nationale aura le dernier mot. Ne serait-il pas infiniment plus satisfaisant de trouver une solution qui convienne à tout le monde ?

M. Xavier Breton. Avant de défendre le sous-amendement n° 1723, je reviens sur les propos de la rapporteure. Elle estime que la reconnaissance conjointe est un engagement contractuel. Mais comment un contrat pourrait-il avoir des effets sur la filiation ? En la matière, la loi, et non le contrat, fixe les principes. Dans le cas contraire, cela signifie que vous considérez l’enfant comme un produit. (Exclamations)

C’est vous qui avez utilisé le terme de contrat, madame la rapporteure ! Or vous êtes fine juriste et connaissez l’importance des mots : soit vous revenez sur votre analyse et nous en resterons là, soit vous maintenez l’expression, et nous saurons que la notion de contrat prévaut…

Mon sous-amendement vise l’alinéa 30 qui dispose que « celui qui, après avoir consenti à l’AMP, ne reconnaît pas l’enfant qui en est issu, engage sa responsabilité envers la mère et envers l’enfant ». Dans votre rédaction, on ne sait pas si le pronom démonstratif « celui » vise l’homme ou la femme. Dans le code civil, « celui » est parfois neutre. En l’espèce, on peut deviner qu’il s’agit d’un homme puisque l’alinéa suivant parle de « paternité » – même si nous sommes parfois un peu perdus entre la paternité et la maternité… Je propose de préciser qu’il s’agit des couples composés d’un homme et une femme et de remplacer « celui » par « l’homme ».

M. Patrick Hetzel. Mme la rapporteure estime que la reconnaissance conjointe est un engagement contractuel. Mais comment un tel engagement, conjoint, pourrait-il avoir des effets en matière de filiation ? Il ne s’agit pas d’un engagement contractuel – les deux femmes ne s’engagent pas l’une envers l’autre – mais d’une reconnaissance – un acte unilatéral de chacune des femmes – qui présente la particularité d’être conjointe.

La loi, et non le contrat, prévoit les effets de la reconnaissance conjointe sur la filiation. En outre, cette reconnaissance n’a pas les mêmes effets pour la seconde femme. Pour cette dernière, elle institue la filiation, alors que pour celle qui accouche, la filiation est établie par sa désignation dans l’acte de naissance. Contrairement à ce que vous affirmez, la situation n’est donc pas identique. J’ai défendu le sous-amendement n° 1729.

Mme Annie Genevard. Le point a été soulevé sur le ton de l’humour par Thibault Bazin. J’observe également que l’amendement de M. Touraine fait disparaître la femme au profit du « parent ». Votre rédaction, madame la rapporteure, peine à désigner l’homme. Il s’agit probablement d’une erreur rédactionnelle : par parallélisme de forme, et pour des raisons sémantiques et grammaticales, comme pour la femme, il faut réintroduire l’homme. C’est l’objet du sous-amendement n° 1718.

M. Thibault Bazin. Le sous-amendement n° 1748 concerne également l’alinéa 30 et il est similaire à celui de mes collègues. Il vise à mentionner explicitement « l’homme » dans votre amendement.

Le sous-amendement n° 1743 modifie quant à lui l’alinéa 32. Nous progressons : en une nuit, nous allons réécrire tout le code civil et le droit de la filiation – vous imaginez le bricolage… Que se passe-t-il lorsqu’une femme seule accède à l’AMP puis, au cours de sa grossesse, se met en couple ? Si le désir d’être parent est partagé, si j’ai bien compris, l’autre parent devra passer par l’adoption.

Au fil de nos débats, je me demande si la situation la plus protectrice de l’enfant ne serait pas le mariage. L’AMP avec tiers donneur a d’importantes conséquences pour l’enfant. L’ouverture du mariage aux couples de même sexe en 2013 faisait d’ailleurs suite à une attente forte.

L’amendement n° 1744 vise à supprimer les alinéas 34 à 38, qui nous semblent surprenants puisqu’ils évoquent la tierce opposition en cas de dol ou de faute imputable : si le conjoint s’implique, de telles dispositions ne sont-elles pas hors sujet ?

L’amendement n° 1745 est de cohérence. Il propose de supprimer les alinéas 39 à 41 en cas d’adoption des sous-amendements précédents.

M. Xavier Breton. Le sous-amendement n° 1761 pose le principe de l’adoption de l’enfant par la mère qui n’a pas accouché, tout en permettant aux parents d’exercer conjointement l’autorité parentale sur l’enfant.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Si le mot « contractuel » vous déplaît, nous pouvons parler d’acte unilatéral, de reconnaissance volontaire. Mais il existe d’autres contrats auxquels la loi attribue des effets sur la filiation : le mariage crée une présomption de paternité qui protège l’homme. Il n’est pas choquant de transposer cette logique aux couples homoparentaux.

L’engagement des futures mères est scellé par cette reconnaissance volontaire. En droit romain, la filiation était un acte de volonté, il n’y avait pas de filiation biologique systématique et un père pouvait choisir l’enfant qu’il souhaitait. La filiation a évolué depuis, mais le mode volontaire d’établissement de la filiation ne dégrade pas la filiation biologique, ce ne sont que des modalités différentes.

Nous ne faisons pas disparaître du code civil la mention de l’homme : nous reprenons la rédaction des lois de bioéthique de 1994. C’est le texte en vigueur pour les couples hétérosexuels depuis vingt-cinq ans.

M. Thibault Bazin. Les mots ont disparu…

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Non, l’article 311-20 prévoit : « Celui qui, après avoir consenti à l’assistance médicale à la procréation, ne reconnaît pas l’enfant qui en est issu engage sa responsabilité envers la mère et envers l’enfant. En outre, sa paternité est judiciairement déclarée. » Nous remplaçons uniquement « déclarée » par « établie » ; nous n’avons pas touché à l’homme dans ce texte.

Mme Annie Genevard. Il faut oser le dire !

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Une mère qui ne transmettrait pas la RCA et disparaîtrait après l’accouchement de sa compagne engagerait évidemment sa responsabilité, et la filiation pourrait être établie judiciairement, comme dans les cas d’AMP avec tiers donneur pour les couples hétérosexuels.

Nous avons déjà longuement débattu de la question de l’adoption. Quant à l’autorité parentale, elle sort du champ des lois de bioéthique. Il serait intéressant d’engager une grande réforme du droit de la famille, mais ce n’est pas l’objet de ce texte.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame Genevard, vous estimez que le délai est le seul problème posé par l’adoption pour l’établissement de la filiation de la femme qui n’accouche pas. Ce n’est pas seulement cela. Nous avons estimé que la reconnaissance conjointe anticipée permettait de partager le projet parental, avant de savoir laquelle des mères portera biologiquement l’enfant. C’est afin de caractériser ce projet parental conjoint, dans le cas des couples de femmes homosexuelles, que nous avons envisagé cette reconnaissance anticipée. Ce n’est pas qu’une question de délai, c’est une autre manière d’établir la filiation.

Mme Agnès Thill. Par le sous-amendement n° 1688, nous souhaitons supprimer la nouvelle procédure de reconnaissance conjointe rétroactive pour les couples de femmes ayant eu recours à une AMP à l’étranger avant l’entrée en vigueur de la loi à venir.

La reconnaissance conjointe ne peut être assimilée à un contrat. La norme ne doit pas être issue du contrat, mais de la loi. En droit français, le consentement ne justifie pas l’acte. La ministre peut-elle nous donner son analyse de l’arrêt de la CEDH Boljević c. Serbie du 16 juin 2020 ? Je crains que ce projet de loi ne constitue une bombe à retardement : les enfants exerceront des requêtes, et ils obtiendront gain de cause.

Mme Annie Genevard. Lamendement n° 1666 prévoit quun couple de femmes ayant eu recours à une AMP à létranger avant la promulgation de la loi pourra faire établir la filiation à légard de la femme qui na pas accouché, en déposant une reconnaissance conjointe de lenfant devant notaire. Cette disposition donne un effet rétroactif à des dispositions très lourdes de conséquences. De plus, elle reconnaît des effets en droit à une situation délibérément créée. Par le sousamendement n° 1719, je vous propose de supprimer ce dispositif inapproprié.

M. Thibault Bazin. Le sous-amendement n° 1766 est identique. Le code civil actuel encadre l’AMP aux articles 311-19 et 311-20, qui mentionnent le terme « homme ». Vous les abrogez pour créer les articles 342-9 à 342-13, dans lesquels ce terme n’apparaît pas.

Les alinéas 44 à 46 de l’article 4 valident a posteriori un acte illégal, ce qui peut se comprendre puisque nous légalisons cette pratique. Mais comment nous assurer que celle qui n’a pas accouché a bien été une mère depuis le recours à l’AMP ?

De plus, ce précédent risque de constituer un cheval de Troie pour la reconnaissance des GPA, au nom d’une demande d’égalité. Ce combat contre les discriminations est le fil rouge de M. Touraine, mais discriminer, c’est traiter de manière différente des situations identiques. Dans ce cas, les situations sont différentes.

M. Guillaume Chiche. Si nous décidons d’autoriser l’AMP pour les femmes célibataires et les couples de femmes lesbiennes, c’est notamment parce que certaines décident d’y recourir à l’étranger. Les enfants nés ainsi ne peuvent faire établir de lien de filiation avec la conjointe.

La rapporteure propose de leur offrir cette possibilité en présentant une reconnaissance conjointe au notaire, qui la transmettrait au procureur. Passer par le juge servirait cet objectif en réduisant les délais et en garantissant limpartialité, et les voies de recours seraient améliorées. Cest lobjet du sous-amendement n° 1692.

M. Patrick Hetzel. Lalinéa 44 va régulariser rétroactivement un comportement illégal pour établir une double filiation. En légalisant la transgression de la loi, par effet domino, vous encouragez à franchir toutes les lignes rouges. Cest pourquoi, par le sous-amendement n° 1753, je propose de récrire cet alinéa.

Certes, nous tenons à l’intérêt supérieur de l’enfant, et le problème est réel. Mais le véhicule législatif que vous utilisez est un encouragement à la transgression.

M. Xavier Breton. La rapporteure a qualifié le mariage de contrat, mais certains considèrent qu’il s’agit plutôt d’une institution. On peut considérer qu’il est de plus en plus contractuel et que son aspect institutionnel s’estompe, mais il est révélateur de ne le considérer que comme un contrat. À nos yeux, il conserve des aspects institutionnels, c’est la conception de la famille que nous défendons, notamment avec les sous-amendements n° 1756, 1725 et 1724.

M. Patrick Hetzel. Par le sous-amendement n° 1731, nous proposons que la femme qui n’a pas accouché puisse présenter une requête en adoption simple. Nous considérons également que la reconnaissance doit avoir lieu devant un juge, et non un notaire. Le droit en vigueur prévoit le recours au notaire, mais il faut au moins offrir la possibilité de recourir au juge.

Le sous-amendement n° 1730 est défendu.

Mme Emmanuelle Ménard. Je souhaite aussi que le recueil du consentement se fasse devant le juge car il dispose de pouvoirs, notamment d’investigation, dont est dépourvu le notaire. Le recours au juge semble donc plus pertinent dans l’intérêt de l’enfant.

Si le recours au notaire était maintenu, il est important de prévoir une clause de conscience, au même titre que le personnel médical. Enfin, le passage devant le notaire soulève des aspects financiers qui n’existent pas avec un juge.

Je propose aussi de remplacer la reconnaissance conjointe par l’adoption simple, qui permet de ne pas mentir à l’enfant sur ses origines et de préserver la vraisemblance biologique.

Enfin, je signale une erreur matérielle : au quarante-quatrième alinéa, le mot « de » a été accidentellement répété.

Tels sont les objets des sous-amendements n° 1760, 1763 et 1764.

Mme Laurence Vanceunebrock. Mon sous-amendement n° 1711 porte sur la filiation tardive. La solution retenue est celle que j’ai défendue en première lecture, après l’avoir présentée au cabinet de la ministre de la justice. Dans les familles qui se sont construites avant ce texte, la seconde mère de l’enfant n’a aucune reconnaissance juridique. L’amendement de la rapporteure apporte une solution attendue par une grande partie de ces familles.

Je propose de le compléter pour les couples ayant réalisé une PMA à l’étranger avant la publication de la loi, qui se sont séparés depuis et qui ne peuvent s’accorder sur une reconnaissance conjointe de l’enfant. Même en cas de conflit entre les parents, il est impératif de prévoir une solution pour les mères d’intention n’ayant pas accouché.

À défaut, il existera une discrimination entre les familles qui pourront enfin connaître la sécurité et celles qui feront encore face aux difficultés que nous connaissons. Ainsi, la compagne de seconde noces peut adopter l’enfant sans que la seconde mère ne puisse intervenir. En cas d’accident de la vie empêchant la mère de s’occuper de son enfant, la mère sociale ne peut prétendre à l’autorité parentale, et l’enfant peut lui être retiré. Enfin, en cas de décès, de nombreuses difficultés surviennent en matière successorale ou de libéralités, du fait de l’absence de liens de droit.

L’amendement n° 1666 devrait apporter une solution pour la majorité des familles concernées. Mais il serait dommage d’organiser un dispositif d’établissement de la filiation pour certaines mères, sans la prévoir pour celles qui sont en situation de conflit, d’autant que des solutions existent.

Ce sous-amendement prévoit ainsi qu’en cas de conflit, le juge interviendra pour déterminer la filiation en appliquant les règles de la possession d’état, dispositif juridique permettant de reconnaître la filiation d’après un faisceau d’indices clair et bien encadré.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Il n’y a pas de discrimination entre enfants dans le cadre de la reconnaissance conjointe avec effet rétroactif.

L’arrêt de la CEDH du 16 juin 2020 porte sur des faits d’adultère, il n’y est pas question de PMA.

Mme Agnès Thill. Il aborde la distinction entre géniteur et père.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Mais en cas de PMA avec tiers donneur, la filiation entre le donneur et l’enfant est proscrite. Il est inutile de tenter de créer des amalgames avec une affaire d’adultère.

C’est pour vérifier que la seconde mère est présente depuis le recours à l’AMP que nous avons prévu l’intervention du procureur. Et la reconnaissance conjointe rétroactive ne fonctionne que pour des femmes qui s’entendent toujours. Même si elles ne vivent plus ensemble, elles doivent être d’accord pour faire établir la double filiation devant le notaire. C’est une bonne chose pour les enfants, et l’intervention du procureur doit assurer qu’il n’y a pas d’erreur avant l’inscription en marge de l’acte de naissance.

En revanche, aucune solution n’est proposée pour les femmes séparées lorsque la mère gestatrice s’opposerait à une reconnaissance conjointe rétroactive devant le notaire. Nous avons longuement réfléchi à la possibilité d’une reconnaissance judiciaire, forcée par le juge, mais nous n’avons pas trouvé de rédaction satisfaisante à ce stade. Je propose le retrait des sous-amendements n° 1692 et n° 1711 pour trouver d’ici à la séance publique un système abouti et solide.

La reconnaissance conjointe rétroactive va permettre de reconnaître les enfants nés de PMA dans des couples homoparentaux avant 2020. Une analogie peut être faite avec la reconnaissance, en 1972, de la filiation pour les enfants adultérins. Il n’était pas heureux d’opérer une distinction entre enfants adultérins, légitimes et naturels, mais établir leur filiation était un progrès à l’époque, et cette reconnaissance a été accordée à tous ceux qui étaient déjà nés.

Lamendement n° 1692 est retiré.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. L’arrêt de la CEDH Boljević c. Serbie du 16 juin 2020 concerne une recherche en paternité dans le cadre classique. Il ne s’applique pas dans le cas d’un don, par définition altruiste, et réalisé pour qu’une autre filiation puisse se construire. Il n’est pas possible, en cas de don, d’établir la filiation avec le donneur.

Mme Emmanuelle Ménard. La CEDH considère dans cet arrêt que la loi qui oppose la prescription doit être écartée. Elle pourrait aussi décider d’écarter la loi que nous allons voter.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Non, la situation n’est pas comparable. Lorsqu’il y a un don, il est impossible d’établir la filiation.

L’établissement rétroactif du lien de filiation est possible en cas d’accord des deux femmes qui maintiennent un projet parental commun. Il se construit sous le contrôle de l’autorité judiciaire pour que la situation soit sécurisée.

La rétroactivité pose un problème en cas d’atteinte aux droits d’une personne, le consentement des deux femmes permet d’éviter cet écueil. Nous n’avons pas trouvé de solution qui ne pose pas de problème constitutionnel, nous continuons d’essayer mais nous ne sommes pas sûrs d’y parvenir.

La commission rejette successivement tous les sous-amendements à lamendement n° 1666 (sous-amendements n° 1668, 1732, 1690, 1754, 1717, 1670, 1669, 1720, 1726, 1746, 1749, 1750, 1751, 1733, 1694, 1734, 1721, 1727, 1755, 1752, 1673, 1682, 1674, 1683, 1706, 1736, 1735, 1737, 1758, 1675, 1684, 1702, 1738, 1676, 1685, 1713, 1691, 1678, 1687, 1716, 1677, 1686, 1714, 1741, 1762, 1679, 1757, 1739, 1740, 1722, 1728, 1747, 1742, 1723, 1729, 1718, 1748, 1743, 1744, 1745, 1761, 1688, 1719, 1766, 1753, 1756, 1725, 1731, 1724, 1730, 1760, 1763, 1764 et 1711).

Elle adopte lamendement n° 1666 et larticle 4 est ainsi rédigé.

Tombent en conséquence, les amendements n° 912 de Mme Michèle de Vaucouleurs, n° 844 de M. Hervé Saulignac, n° 1398 de Mme Anne-France Brunet, n° 1033 et n° 1077 de Mme Danièle Obono, n° 1031 de M. Bastien Lachaud, n° 1696 de la rapporteure, n° 130 de M. Guillaume Chiche, les amendements identiques n° 504 de M. Maxime Minot, n° 752 de M. Jean-Louis Touraine, n° 1029 de Mme Danièle Obono, n° 1056 de Mme Anne-France Brunet, n° 1127 de Mme Sylvia Pinel, n° 1195 de M. Yannick Favennec Becot, n° 1251 de Mme Martine Wonner et n° 1389 de M. Jean-François Mbaye, lamendement n° 1697 de la rapporteure, les amendements identiques n° 128 de M. Guillaume Chiche et n° 956 de M. Maxime Minot, les amendements n° 1222 de M. Yannick Favennec Becot, n° 1083 de Mme Danièle Obono, n° 1019 de Mme Laurence Vanceunebrock, n° 1698 de la rapporteure, n° 858 de M. Hervé Saulignac, les amendements identiques n° 1699 de la rapporteure et n° 1390 de M. Jean-François Mbaye, les amendements identiques n° 146 de Mme Emmanuelle Ménard et n° 609 de Mme Agnès Thill, les amendements n° 147 et n° 148 de Mme Emmanuelle Ménard, n° 1128 de Mme Sylvia Pinel, n° 1203 de M. Yannick Favennec Becot, les amendements identiques n° 192 de M. Thibault Bazin, n° 930 de M. Xavier Breton et n° 933 de M. Patrick Hetzel, les amendements n° 150 de Mme Emmanuelle Ménard, n° 610 de Mme Agnès Thill, n° 1078 de M. Bastien Lachaud, n° 193 et n° 194 de M. Thibault Bazin, n° 149 de Mme Emmanuelle Ménard, n° 1081 de Mme Danièle Obono, n° 536 de M. Guillaume Chiche, n° 1023 de Mme Martine Wonner, n° 195 de M. Thibault Bazin, n° 1700 et n° 1701 de la rapporteure, n° 814 de M. Thibault Bazin, les amendements identiques n° 1703 de la rapporteure et n° 1057 de Mme Anne-France Brunet, les amendements n° 1129 de Mme Sylvia Pinel, n° 505 de M. Maxime Minot, n° 1415 de M. Hervé Saulignac, n° 151 de Mme Emmanuelle Ménard, n° 1413 de M. Hervé Saulignac, n° 1343 de M. Raphaël Gérard, n° 1018 de Mme Laurence Vanceunebrock, n° 1704 de la rapporteure, n° 1058 de Mme Anne-France Brunet, les amendements identiques n° 512 de M. Xavier Breton, n° 524 de M. Patrick Hetzel et n° 1341 de M. Thibault Bazin, lamendement n° 782 de M. Raphaël Gérard, les amendements identiques n° 264 de M. Thibault Bazin, n° 342 de M. Xavier Breton et n° 423 de M. Patrick Hetzel, ainsi que les amendements n° 1414 de M. Hervé Saulignac, n° 597 de Mme Agnès Thill, n° 1705, n° 1707, n° 1708, n° 1709, n° 1710 et n° 1712 de la rapporteure et n° 760 de M. Guillaume Chiche.

Réunion du jeudi 2 juillet 2020 à 9 heures ([119])

La commission spéciale poursuit lexamen, en deuxième lecture, du projet de loi, modifié par le Sénat, relatif à la bioéthique (n° 2658) (M. Philippe Berta, Mme Coralie Dubost, M. Jean-François Eliaou, Mme Laetitia Romeiro Dias, M. Hervé Saulignac et M. Jean-Louis Touraine, rapporteurs).

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Chers collègues, je vous propose de reprendre nos travaux.

M. Bastien Lachaud. Il nous reste plus de six cents amendements…

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Non, cinq cent quatre‑vingt‑trois, monsieur Lachaud ! (Sourires.)

M. Bastien Lachaud. Pouvez‑vous nous en dire plus sur l’ouverture de nouvelles séances et la fin de nos travaux ?

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Nous aimerions bien terminer cette nuit. Une convocation va vous être adressée, ouvrant les séances de cet après-midi et ce soir.

Article 4 bis (nouveau) (précédemment réservé)
Interdiction de la transcription totale d’un acte de naissance ou d’un jugement étranger établissant la filiation d’un enfant né d’une gestation pour autrui lorsqu’il mentionne le parent d’intention

La commission examine les amendements identiques n° 121 de M. Guillaume Chiche, n° 753 de M. JeanLouis Touraine et n° 1130 de Mme Sylvia Pinel.

M. Guillaume Chiche. L’amendement vise à supprimer l’article 4 bis concernant les enfants nés de GPA à l’étranger et l’établissement de leur filiation. Cet article introduit une nouvelle mécanique, qui fragilise cet établissement. Si cette pratique n’est pas légalisée sur le territoire national et que le projet de loi ne le propose absolument pas, les enfants qui naissent par ce mode de procréation légal à l’étranger ne doivent pas souffrir du choix de leurs parents. Nous devons apporter le maximum de sécurité juridique et favoriser pleinement la transcription de la filiation entre les acteurs du projet parental et les enfants.

M. Jean-Louis Touraine. Les sénateurs ont introduit l’article 4 bis afin d’interdire la transcription dans l’état civil d’un acte ou d’un jugement étranger reconnaissant un enfant né dans le cadre d’une convention de gestation pour autrui, qui mentionne comme mère une femme autre que celle qui a accouché ou deux pères. Si la GPA est bien interdite en France, il n’en est pas moins problématique de proscrire la reconnaissance légale de l’existence d’un enfant en France, au motif qu’il serait né d’une GPA à l’étranger, dans un pays où la pratique est légale. Les enfants n’ont pas à être responsables de leur mode de procréation. Aussi cet article semble‑t‑il constituer une atteinte disproportionnée au principe d’intérêt supérieur de l’enfant. L’article 4 bis prend par ailleurs à contresens les récentes observations judiciaires, selon lesquelles une GPA réalisée à l’étranger ne saurait faire à elle seule obstacle à la reconnaissance en France d’un lien de filiation intégral.

M. Philippe Vigier. L’article introduit au Sénat entraînera une trop grande insécurité juridique.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Je partage votre objectif de supprimer larticle 47-1 que le Sénat propose dintroduire dans le code civil, afin dinterdire la transcription totale de lacte de naissance ou du jugement étranger établissant la filiation dun enfant né dune gestation pour le compte dautrui, lorsquil mentionne comme mère une autre femme que celle qui a accouché ou deux pères. Il apparaît en effet que la mise en œuvre dun tel article 47-1 risquerait de soulever de gros problèmes dinconventionnalité avec la jurisprudence de la CEDH, en particulier lorsque ladoption par le parent dintention nest pas possible.

La CEDH a jugé que le lien de filiation doit pouvoir être établi à l’égard du parent d’intention. Or la Cour de cassation, dans l’arrêt Mennesson du 4 octobre 2019, a estimé que lorsque la filiation n’est plus possible dans des conditions respectant les droits garantis par la Convention, la transcription de l’acte de naissance étranger à l’égard du parent d’intention est la seule manière de reconnaître à l’état civil français le lien de filiation établi à l’étranger. Dans certains cas, les juges devraient donc écarter ce nouvel article au motif que son application ne serait pas compatible avec la Convention européenne des droits de l’homme.

Il apparaît par ailleurs que l’introduction de dispositions spécifiques réglementant une situation particulière – les conventions de gestation pour autrui – dans un chapitre relatif aux dispositions générales applicables à l’ensemble des actes de l’état civil pourrait être une source d’incohérence et d’illisibilité.

Toutefois, on ne peut laisser en l’état la jurisprudence de la Cour de cassation, après son revirement du 18 décembre 2019, au risque de favoriser le trafic d’enfants. Aussi, je vous proposerai dans un amendement de compléter l’article 47 du code civil, afin de préciser que la réalité des faits qui sont déclarés dans l’acte d’état civil est appréciée au regard de la loi française et non de la loi étrangère, comme l’avait proposé la Cour de cassation le 18 décembre 2019. Il s’agit ainsi, en maintenant un contrôle juridictionnel sur les GPA réalisées à l’étranger, de lutter contre les trafics d’enfants. Retrait ou avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Au départ, nous n’étions pas favorables à l’idée d’introduire dans cette loi relative à la bioéthique des dispositions sur la GPA, considérant que cela ne relevait pas de son champ. Lorsque nous avons commencé les débats, la jurisprudence de la Cour de cassation nous semblait cohérente avec nos positions : transcription à l’état civil de l’acte de naissance étranger à l’égard du père et lien de filiation à l’égard du parent d’intention par la voie de l’adoption. Cette solution équilibrée avait d’ailleurs été jugée valide par la Cour européenne des droits de l’homme.

Mais les arrêts du 18 décembre dernier ont modifié cette situation, puisque la Cour de cassation a ordonné la transcription totale des actes de l’état civil étranger établis à la suite d’une convention de GPA, même à l’égard de la mère d’intention. Ce revirement de jurisprudence, sur lequel je n’ai pas à porter de jugement, fragilise, semble‑t‑il au Gouvernement, l’interdit de la GPA en France et facilite son recours à l’étranger, au détriment de l’adoption. Ce mécanisme nous inquiète, notamment parce que la Cour de cassation ne vient plus exiger le contrôle judiciaire de l’intérêt de l’enfant, avant d’établir la filiation. Elle va interdire de vérifier dans quelles conditions l’enfant a été remis à ses parents d’intention, s’il a bien été issu d’une convention de GPA, s’il n’est pas victime d’un trafic, si la mère porteuse a réellement consenti à se séparer de son enfant et s’il ne s’agit pas, en réalité, d’un contournement des règles de l’adoption internationale. Il nous semble que le système qui découle de la dernière jurisprudence laisse trop d’incertitudes par rapport à l’intérêt de l’enfant.

Face à ces risques, nous avons jugé opportun de prévoir une disposition législative dans ce projet de loi. Pour éviter la règle de l’entonnoir, j’ai été favorable, au Sénat, à l’amendement présenté par Bruno Retailleau, non que sa rédaction me convenait, mais parce que j’en avais besoin sur le plan de la procédure pour proposer un texte correspondant à notre volonté. Il est important de revenir à l’état du droit antérieur, afin de rétablir l’intervention du juge par la procédure de l’adoption. C’est la raison pour laquelle je suis défavorable aux amendements de suppression, mais que je serai favorable à la réécriture de Mme la rapporteure.

M. Thibault Bazin. Je suis défavorable aux amendements de suppression. Parce que notre droit a été fragilisé, nous avons besoin d’introduire l’interdiction de la transcription totale de l’acte de naissance ou du jugement étranger établissant la filiation d’un enfant né d’une gestation pour le compte d’autrui, lorsqu’il mentionne le parent d’intention. Nos collègues ne semblent pas avoir lu l’alinéa 3, lequel précise que les dispositions de l’article ne font pas obstacle à la transcription partielle de l’acte ou du jugement établissant la filiation. Cet article vise à donner une portée pleine et entière à l’interdiction de la GPA, prohibée en France par l’article 16‑7 du code civil – ces articles 16 et suivants qui vous tiennent à cœur, madame la rapporteure, et qui sont sanctionnés par les articles 227‑12 et 227‑13 du code pénal. Ne soyons pas hypocrites ! Dès lors qu’on légalise la PMA pour les couples de femmes, il y a un risque supplémentaire de faciliter demain la GPA pour répondre au désir d’enfant des couples d’hommes ou des hommes seuls, revendiquant une égalité, même si les situations sont différentes. En bioéthique, ce qui compte, ce sont les effets. Notre droit doit fortement décourager nos ressortissants d’avoir recours à la GPA à l’étranger.

M. Patrick Hetzel. Madame la ministre, vous dites avoir soutenu l’amendement du président du groupe LR au Sénat pour ouvrir un débat à l’Assemblée nationale et proposer un texte conforme à la volonté du Gouvernement. Est‑ce que cela veut dire que vous allez nous proposer un amendement ? Je ne l’ai pas vu. C’est donc Mme Dubost qui défendra l’amendement gouvernemental ?

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Je suis rapporteure ! J’ai le droit de déposer un amendement !

M. Patrick Hetzel. Mme la garde des sceaux ayant mentionné un texte conforme à la volonté du gouvernement, je voulais être sûr qu’il n’y ait pas d’amendement gouvernemental. Je note que Mme Dubost retranscrit la volonté du Gouvernement.

Il ne faut pas créer d’appel d’air. De toute évidence, les orateurs qui m’ont précédé, à l’exception de M. Bazin, n’ont pas lu l’alinéa 3.

M. Bastien Lachaud. Cest un sujet complexe, qui divise. La GPA est interdite sur le sol français, et il faut éviter toute décision législative ou jurisprudentielle qui favoriserait son recours à létranger. Larticle 4 bis nous semblant une bonne manière de limiter les recours à la GPA à létranger, nous voterons contre les amendements de suppression. Quant à lamendement de Mme Dubost, il me semble bien sibyllin et je doute de sa capacité à atteindre son but.

Mme Laurence Vanceunebrock. Il me semble nécessaire, au contraire, de supprimer cet article. La Cour européenne des droits de l’homme rappelait l’obligation faite aux États de proposer une possibilité de reconnaissance d’un lien de filiation avec le parent d’intention de l’enfant né d’une GPA à l’étranger. Si une marge d’appréciation est laissée aux États concernant le mode d’établissement de la filiation, il ne paraît pas opportun de circonscrire cette possibilité à la voie de l’adoption qui ne présente pas toutes les garanties de sécurité juridique et de célérité suffisantes pour l’enfant et sa famille. Le groupe de La République en marche s’était en outre accordé en première lecture sur l’idée que le sujet de la GPA ne devait pas figurer dans le texte, pour ne pas alimenter les parallèles entre PMA pour toutes et GPA.

Mme Emmanuelle Ménard. Je ne reviens pas sur l’aspect juridique du sujet. La GPA, c’est bien la marchandisation des corps. C’est le fait d’aller louer un ventre à l’étranger. C’est aller acheter un bébé à l’étranger. À l’étranger, parce que c’est interdit aujourd’hui en France et j’espère que ce le sera toujours demain. Dites‑moi où est l’intérêt supérieur de l’enfant dans cette histoire ? Et où sont les droits des femmes, dont on nous parle sans arrêt ? Ils sont bafoués et niés ! Or, au nom de l’égalité, la PMA pour toutes conduira demain à la GPA. C’est une ligne rouge que nous ne pouvons pas franchir.

Mme Aurore Bergé. En première lecture, nous avions clairement dit que nous ne souhaitions pas que la GPA soit intégrée d’une quelconque manière dans ce projet de loi, pour éviter tout parallèle avec l’ouverture de la PMA pour toutes, qui n’introduit pas un tiers de façon aussi engageante que la GPA. Mais il me semble important de suivre l’avis de la ministre et de la rapporteure, de manière à rétablir le contrôle du juge, grâce auquel nous pourrons vérifier si la GPA a bien été réalisée et dans quelles conditions, de manière à ce qu’il n’y ait pas seulement une retranscription de l’acte en droit français, ce qui reviendrait à réduire le contrôle sur ce type d’actes, quand nous avons absolument besoin de vérifier la véracité de ce qui s’est passé. Je voterai contre ces amendements.

M. Pierre Dharréville. Je rappelle de nouveau l’opposition farouche de notre groupe à la GPA et à l’instrumentalisation du corps des femmes. Tout ce qui pourrait être considéré comme une forme d’assouplissement de l’existant serait problématique et enverrait un signal grave. En l’état actuel des choses, nous avons le sentiment qu’il n’était pas nécessaire de changer les règles.

La commission rejette les amendements n° 121, 753 et 1130.

Elle examine, en discussion commune, les amendements n° 637 et n° 636 de M. Guillaume Chiche, ainsi que lamendement n° 1528 de la rapporteure.

M. Guillaume Chiche. Cette loi est une loi d’égalité. Je ne pense pas qu’ouvrir la PMA à toutes, au nom de l’égalité, nous conduise sur la voie de la GPA, qui reste interdite à tous. Par ailleurs, nos compatriotes qui ont recours à la gestation pour autrui à l’étranger, de manière légale, sont à plus de 90 % des couples hétérosexuels. Vous avez pointé depuis le début l’intérêt supérieur de l’enfant. Or vous voulez le plonger dans une insécurité juridique pour dissuader des adultes d’aller recourir à une GPA et les contraindre à une seule voie pour établir la filiation, celle de l’adoption. Hier cependant, nous estimions tous que le véhicule de l’adoption n’apportait pas les garanties nécessaires en matière de sécurité juridique pour les enfants. Mme Genevard disait vouloir avancer très vite sur cette question, par le biais d’une proposition de loi. Aujourd’hui, les juges se fondent essentiellement sur la disposition que vous proposez de maintenir, chère rapporteure, pour expliquer que, lorsqu’il s’agit d’un couple d’hommes, la réalité voulant qu’un enfant soit né d’un homme et d’une femme, on ne peut pas établir la filiation, ce qui conduit la majorité des personnes ayant recouru à la GPA à ne pas pouvoir établir leur filiation dans des délais corrects pour assurer la sécurité juridique des enfants.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. L’amendement reprend une position partagée avec le Gouvernement. Monsieur Hetzel, vous ne pouvez pas préjuger du fait qu’un rapporteur dépose un amendement uniquement pour venir étayer une position gouvernementale. C’est parfois aussi simplement parce que nous avons trouvé un point d’accord. L’article 47‑1 introduit par le Sénat dans le code civil pose d’autant plus de difficultés qu’il comporte une erreur juridique, en confondant ce qui relève de la transcription, qui est un mode de publicité d’un acte, et ce qui relève de l’établissement du lien de filiation. Qui plus est, comme je vous le disais, il risque de mettre à mal le contrôle du juge. C’est pourquoi je propose de compléter l’article 47 par : « Celle-ci est appréciée au regard de la loi française. »

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. La différence entre PMA et GPA, c’est que, pour la PMA, il y a une filiation qui n’est pas effacée. Dans le cadre de la GPA, le contrat évince la femme qui a accouché. C’est ce qui justifie le contrôle du juge. Je suis favorable à l’amendement présenté par Mme la rapporteure, qui reprend celui que j’avais présenté au Sénat. Il s’agit de revenir à la solution équilibrée dégagée par la jurisprudence de la Cour de cassation et validée par la Cour européenne des droits de l’homme, avec une solution fondée sur une adoption, dont la célérité va être accentuée, notamment grâce au travail de Monique Limon dans sa proposition de loi. L’ouverture de l’adoption à tous les couples permet de garantir la conventionnalité de ce dispositif à l’égard de tous les enfants.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. En première lecture, j’avais déjà indiqué que j’étais gênée par l’assimilation de plein droit d’un jugement étranger. Un tel systématisme empêche d’apprécier les conditions particulières. Sur le fond, je suis absolument favorable à l’objectif d’établir la double filiation de l’enfant, dans des conditions permettant de garantir son intérêt. L’arrêt Mennesson est venu apporter des précisions en matière de célérité, que la proposition de loi déposée par Mme Limon permettra de garantir, en préservant la situation juridique des enfants. Je ne trouve pas cohérent de changer le système de filiation pour un enfant né d’une GPA ou d’une PMA à l’étranger, dans un chapitre qui tire les conséquences de l’AMP. En revanche, il est nécessaire de clarifier le doute introduit par les revirements de jurisprudence, notamment de décembre, et de lisser la situation. Nous devons garantir une double filiation établie dans de bonnes conditions, tout en préservant les principes éthiques français.

M. Bastien Lachaud. Compléter l’article 47 par : « Celle-ci est appréciée au regard de la loi française. » permettrait, selon Mme la rapporteure, de revenir sur la jurisprudence de la Cour de cassation. Je ne comprends pas bien. Est-ce à dire que la Cour de cassation a pris une décision en dehors du cadre de la loi française ou qu’elle a interprété la loi française de manière très extensive ? En quoi la nouvelle rédaction empêchera la Cour de cassation de produire la même jurisprudence ?

M. Thibault Bazin. L’amendement donne l’impression que le juge va vérifier que la GPA est éthique. Votre rédaction me semble trop générale. Si le juge vérifie que la GPA est conforme aux engagements internationaux de la France, cela signifie‑t‑il que la GPA peut être éthique ? Les engagements internationaux de la France ne se limitent pas au trafic d’enfants. J’espère qu’elle s’est également engagée à ne pas valider la GPA en soi. Par principe, la GPA n’est pas éthique. Monsieur Chiche, peu importe qu’il s’agisse d’un couple de même sexe ou de sexes différents, on ne peut pas accepter qu’une femme fasse l’objet d’un contrat, pas plus qu’un enfant. Par ailleurs, la GPA ne risque‑t‑elle pas d’exposer l’enfant à la blessure d’abandon, du fait de sa séparation avec la femme qui l’a porté ?

M. Patrick Hetzel. Madame la garde des sceaux, des agences de GPA, notamment en Ukraine, prospectent sur le sol français, en arguant que l’acte de naissance ukrainien est intégralement transcrit en France. Y a‑t‑il, en France, des actes de naissance mentionnant deux femmes ? De la même manière, il semblerait que cette transcription intégrale, qui a fait suite aux derniers arrêts de la Cour de cassation, que vous ne souhaitez évidemment pas commenter, vienne aussi d’instructions données par le Quai d’Orsay. Il y aurait donc une intervention du Gouvernement pour aller dans ce sens ! Le message de l’agence de prospection montre que le business se développe, et l’amendement de Mme Dubost contribuera à son développement. C’est un appel d’air assez incroyable.

Mme Emmanuelle Ménard. Premièrement, on ne plonge pas l’enfant dans l’insécurité juridique : il a un acte de naissance étranger, les personnes figurant sur cet acte exercent l’autorité parentale et peuvent même saisir la justice en tant que représentants légaux de l’enfant – qui possède par ailleurs la qualité d’héritier et la nationalité française. En revanche, l’absence de transcription permet d’exprimer la réprobation du droit français à la GPA subie par l’enfant, qui méconnaît ses droits.

Pour ce qui est de la proposition de Mme la rapporteure, elle ne me paraît pas recevable, car le projet de loi dont nous débattons a précisément pour objet de faire évoluer la loi française : si le texte est adopté, la loi permettra que deux femmes figurent sur un acte de naissance. Dès la promulgation de cette nouvelle loi, on pourra admettre des actes de naissance visant des parents d’intention. L’amendement de Mme Dubost entre en contradiction avec le projet de loi dans son ensemble, car la réalité visée à l’article 47 du code civil présente un caractère objectif et ne peut être appréciée au regard de la loi française, ce qui la rendrait subjective.

M. Jean-Louis Touraine. J’entends les points de vue exprimés par Mme la ministre et Mme la rapporteure, mais je suis d’accord avec M. Chiche pour considérer que l’amendement n’est pas en adéquation avec le but recherché. Ne confondons pas, comme le fait M. Bazin, autorisation de la GPA et reconnaissance des enfants. Ceux qui, depuis le début de l’examen de ce texte, invoquent en permanence l’intérêt supérieur de l’enfant, démontrent une fois de plus que l’intérêt de l’enfant est pour eux infiniment moins important que leur propre idéologie.

Il est faux de dire que la reconnaissance des enfants va induire une augmentation du nombre de recours à la GPA : de très nombreux pays ont légiféré en ce sens sans qu’il y ait eu une GPA de plus au cours des années suivantes. Je pense qu’il n’est pas sain de continuer ce bras de fer avec la Cour de cassation et, sur le plan international, il serait curieux de voir le législateur français se battre contre les juges de son propre pays pour interdire à ses propres enfants la reconnaissance de leur parentalité.

Mme Monique Limon. Je rappelle que ce qui nous guide aujourd’hui, sur le plan juridique comme sur le plan humain, c’est bien évidemment l’intérêt supérieur de l’enfant. Il ne s’agit pas de légaliser la GPA, comme on l’a dit et répété à de multiples reprises, mais simplement de sécuriser les enfants qui se trouvent aujourd’hui en France, ainsi que leur filiation, car on ne peut pas faire comme si ces enfants n’existaient pas ni faire abstraction des textes existants. Ma proposition de loi, déposée le 30 juin dernier et qui, je l’espère, sera rapidement inscrite à l’ordre du jour, vise à simplifier l’adoption afin de permettre aux parents qui vont élever, éduquer et aimer ces enfants, de pouvoir les adopter le plus simplement et le plus sûrement possible.

M. Marc Delatte. Je rappelle que la GPA reste en France un interdit éthique. Nous devons à mon sens évoluer vers un conseil européen d’éthique ayant vocation à répondre aux questions de cette nature, et ne pas perdre de vue que la marchandisation concerne des pays, telle l’Ukraine, où la pauvreté incite des femmes à s’y résoudre.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Je remercie M. Lachaud pour sa question sincère au sujet de la jurisprudence de la Cour de cassation. L’arrêt Mennesson était vraiment un cas d’espèce, car les procédures d’adoption étaient devenues incroyablement longues – parfois plus de quinze ans –, ce qui n’était évidemment pas acceptable. En généralisant le mécanisme de la transcription de l’acte de naissance, la décision rendue par la Cour en décembre 2019 l’a également banalisé, ce qui constitue un risque. Ainsi, dans le cas d’une adoption internationale – je prends à dessein cet exemple pour dépassionner le débat – ayant donné lieu à un jugement à l’étranger, le juge français ne pourrait plus vérifier que la mère d’origine dans le pays étranger a effectivement donné son consentement : si nous avions affaire à un trafic d’enfants, rien ne permettrait de le savoir. C’est ce qui explique ma réticence à consacrer la récente jurisprudence de la Cour de cassation – qui, en réalité, avait certainement pour intention d’inciter le législateur français à apporter une réponse juridique à la question de la double filiation des enfants nés de GPA à l’étranger, ce qu’on peut comprendre.

En tout état de cause, nous devons faire preuve de la plus grande prudence sur ce sujet extrêmement technique qu’est la transcription de l’état civil. Dès lors que le juge n’est plus en mesure de procéder à des vérifications et de porter une appréciation au regard des règles françaises, on prend un grand risque sur le plan juridique, car cela revient à se conformer à la loi du pays étranger, qui n’apporte pas forcément les mêmes garanties aux femmes qu’en France.

L’article 47 du code civil est ainsi rédigé : « Tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. » C’est le mot « réalité » qui pose problème, car on ne sait pas s’il s’agit de la réalité au regard de la loi étrangère ou au regard de la loi française : c’est pourquoi je vous propose, avec l’amendement n° 1528, de préciser que c’est au regard de la loi française.

En adoptant cet amendement, nous nous préserverons de certaines situations ; cependant, cela n’exclut pas de considérer avec toute l’attention qu’elle mérite la proposition de loi de Mme Limon, qui permettra d’assurer une double filiation dans des conditions honorables aux enfants issus de GPA à l’étranger, car ces enfants ont droit à une double filiation en France au sens de la Convention européenne des droits de l’homme.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Je veux dire à M. Bazin que la jurisprudence de la Cour de cassation a en réalité été construite pour simplifier la situation. Mme la rapporteure et moi considérons cependant que cette simplification a des effets excessifs, notamment dans l’automaticité de la transcription. C’est pourquoi il nous a semblé important que le législateur puisse revenir à l’état antérieur sur ce point.

M. Hetzel m’a demandé s’il y avait déjà eu des transcriptions intégrales d’actes d’état civil : la réponse est oui, puisque la jurisprudence de décembre 2019 de la Cour de cassation rend précisément possibles ces transcriptions intégrales – et c’est la règle qui s’impose actuellement. C’est pour cette raison que nous souhaitons pouvoir réintervenir, non pas pour faciliter cette pratique, mais pour encadrer, dans le respect de la loi française, la question de la transcription des actes civils.

Enfin, je veux dire à M. Touraine que, si je respecte la position de chacun, surtout sur les questions très sensibles que nous évoquons actuellement, je considère cependant que nous ne nous battons pas contre les juges de notre propre pays. Je suis convaincue que la dernière jurisprudence de la Cour de cassation constituait un appel au législateur : la Cour a interpellé le Parlement afin qu’il précise ses intentions sur la GPA – s’il ne réagissait pas à l’orientation donnée par la Cour, cela revenait à valider implicitement sa jurisprudence.

La commission rejette successivement les amendements n° 637 et n° 636.

Elle adopte lamendement n° 1528.

En conséquence, les amendements n° 265 de M. Thibault Bazin, n° 343 de M. Xavier Breton, n° 424 de M. Patrick Hetzel, et les amendements n° 1235 et n° 1249 de Mme Martine Wonner tombent.

Larticle 4 bis est ainsi rédigé.

M. Thibault Bazin. Madame la garde des sceaux, comment peut-on admettre que se tienne à l’espace Champerret à Paris, les 5 et 6 septembre prochains, le salon « Désir d’enfant », qui va être l’occasion de promouvoir la GPA et de mettre en relation des Français avec des agences étrangères spécialisées dans cette pratique ? Je sais que vous avez les moyens de vous opposer à l’organisation de cet événement et j’espère que vous le ferez.

Titre III

appuyer la diffusion des progrès scientifiques et technologiques dans le respect des principes éthiques

Avant l’article 10

La commission examine les amendements identiques n° 866 de M. Xavier Breton et n° 889 de M. Patrick Hetzel.

M. Xavier Breton. L’intitulé du titre III de ce texte, « Appuyer la diffusion des progrès scientifiques et technologiques dans le respect des principes éthiques », nous semble aussi pompeux qu’inutile – le « respect des principes éthiques » va de soi –, c’est pourquoi nous proposons de supprimer la division et l’intitulé du titre III. Tel est l’objet de l’amendement n° 866.

M. Patrick Hetzel. Je me permets de revenir un instant sur la retranscription des actes de naissance d’enfants nés de GPA à l’étranger, sujet sur lequel nous sommes passés très vite. Contrairement à ce qu’affirme le Gouvernement, la retranscription crée un appel d’air, et certains juristes soulignent que les choses sont facilitées par la législation française. L’amendement de Mme Dubost qui vient d’être adopté risque ainsi d’être interprété comme une nouvelle ouverture de la situation en France, ce qui ne correspond pas du tout à l’intérêt supérieur de l’enfant et ouvre la voie à la marchandisation des corps et aux situations horribles qu’elle entraîne. Pour nous, le fait de payer une femme pour qu’elle porte l’enfant de quelqu’un d’autre revient à pratiquer un esclavage des temps modernes. Continuant le combat que nous menons au nom des valeurs humaines, nous trouvons abject que certains puissent défendre cette pratique.

M. Philippe Berta. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements n° 866 et 889.

Article 10
Consentement à lexamen des caractéristiques génétiques

La commission est saisie de lamendement n° 1224 de M. Bruno Fuchs.

M. Bruno Fuchs. L’amendement n° 1224 vise à rendre possible la réalisation par des particuliers de tests génétiques n’ayant pas pour fin la recherche scientifique ou un examen médical. On estime que, chaque année, près de 100 000 Français se procurent un test ADN à visée généalogique et font analyser leurs gènes. Nous proposons de régulariser cette pratique, aujourd’hui considérée illégale et sanctionnée de 3 750 euros d’amende et d’un an de prison.

Par ailleurs, depuis la crise du covid-19, les données récoltées dans le cadre de cette activité sont conservées par des sociétés chinoises ou américaines, ce qui constitue un enjeu de souveraineté nationale car, pour les Français qui font pratiquer ce type de test, cela revient en fait à ce qu’ils envoient leurs données personnelles à l’étranger, où elles sont gardées durant des décennies par des sociétés qui les commercialisent.

Quand le législateur refuse de s’attaquer à la situation actuelle, il fait comme s’il s’accommodait, par exemple, du travail au noir. Rendre possible le recours aux tests en France permettrait de protéger les données des utilisateurs français qui y auraient recours, grâce à un encadrement légal plus protecteur. C’est ce que nous proposons avec l’amendement n° 1224.

M. Philippe Berta, rapporteur. Je vais faire une réponse d’ensemble à tous les amendements qui visent à élargir les finalités des tests génétiques pour autoriser le recours aux tests génétiques dits « récréatifs » destinés à parfaire les connaissances généalogiques, mais aussi parfois à obtenir des informations relatives à la santé, ce qui est beaucoup plus discutable.

En 1994, le législateur avait considéré qu’il fallait circonscrire le recours aux tests génétiques aux seuls champs médicaux et de recherche, afin d’éviter toute possibilité d’étude génétique à des fins industrielles, commerciales ou de convenance. En tant que rapporteur, je suis convaincu qu’il faut maintenir cette prohibition car les tests récréatifs, auxquels de plus en plus de Français ont recours sur internet sans savoir le plus souvent qu’ils encourent une amende de 3 750 euros, présentent plusieurs dangers.

Tout d’abord, ces tests, essentiellement proposés par quatre sociétés dans le monde, présentent des biais importants. Si le recours à l’intelligence artificielle est susceptible d’améliorer les choses au cours des années à venir, pour le moment les résultats obtenus sont de piètre qualité, ce qui n’est d’ailleurs pas surprenant puisque les bases de données utilisées sont insuffisantes, à la fois en nombre d’entrées et en générations.

Ensuite, depuis que le recours aux tests génétiques s’est généralisé, les groupes « not parent expected » (NPE), composés de personnes ayant découvert que celui qu’elles avaient toujours considéré comme leur père n’est pas leur père biologique, se sont multipliés sur Facebook. Chaque situation de ce type comporte le risque de voir une famille exploser, ce que personne ne peut souhaiter.

Enfin, il faut que les personnes qui ont recours à ces tests aient bien conscience du fait qu’elles donnent leurs données génétiques à quatre sociétés privées, qui peuvent ensuite en faire ce qu’elles veulent. Elles doivent également savoir qu’elles ne transmettent pas seulement leurs données génétiques, mais aussi celles des autres membres de leur famille, auxquels elles sont liées génétiquement ; or, elles n’ont pas obtenu pour cela le consentement de chacune des personnes concernées – oncles, cousins, etc. – qui peuvent être nombreuses.

Enfin, l’utilisation des données ainsi récoltées par les entreprises étrangères qui proposent ces tests n’est pas encadrée, comme l’a souligné la CNIL. Je termine par cette information : le laboratoire pharmaceutique britannique GlaxoSmithKline, GSK, a récemment racheté l’Américain 23andMe, leader mondial de cette activité, ce qui lui donne aujourd’hui accès aux données de santé recueillies par cette société.

Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable.

M. Pierre Dharréville. Je suis tout à fait d’accord avec ce que vient de dire M. le rapporteur. Les données génétiques sont très proches de la personne humaine elle-même, et qu’il puisse être fait commerce de ces données pour des utilisations que nous ne connaissons pas est très préoccupant, d’autant que, considérées dans leur ensemble, les données génétiques constituent un patrimoine commun de l’humanité, qui ne devrait pas pouvoir être utilisé par des sociétés privées à des fins discutables. À mon sens, nous devrions mener une campagne d’information afin d’ouvrir les yeux de nos concitoyens sur la réalité de ce commerce.

Mme Agnès Thill. Pour ma part, je veux revenir sur la question des enfants nés à l’étranger d’une GPA, qui a été balayée d’un revers de la main, comme s’il s’agissait d’une broutille…

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Non, madame Thill, c’est terminé, nous sommes passés à autre chose.

M. Patrick Hetzel. Je salue l’intervention de notre rapporteur sur la question des tests génétiques, dont il a parfaitement exposé les enjeux. Nos concitoyens doivent avoir conscience qu’en transmettant leurs données génétiques à des entreprises privées, de surcroît étrangères, ils entrent dans une logique où l’aspect récréatif peine à masquer la véritable nature de cette activité, d’ordre commercial. Je souhaite, moi aussi, que nos concitoyens soient informés sur les risques énormes qu’ils prennent en communiquant leurs données sans savoir où elles vont ni à quelles fins elles seront utilisées.

M. Berta a évoqué l’un des leaders du secteur, mais plusieurs sociétés se partagent aujourd’hui ce qui est un marché extrêmement lucratif, et nous devons faire preuve de vigilance à l’égard d’une activité qui pourrait avoir une incidence sur le patrimoine génétique de l’humanité.

M. Philippe Berta, rapporteur. Si l’amendement de M. Fuchs ne constitue pas une solution satisfaisante, il a le mérite de soulever une question sur laquelle il conviendrait de lancer rapidement une réflexion nationale afin de déterminer par quels moyens – la mise en place d’une structure nationale, ou peut-être un partenariat public-privé – nous pourrions encadrer ce phénomène.

La commission rejette lamendement n° 1224.

Elle examine les amendements identiques n° 1147 de Mme Natalia Pouzyreff et n° 1229 de M. Bruno Fuchs.

Mme Natalia Pouzyreff. En vertu de l’article 16-10 du code civil, « l’examen des caractéristiques génétiques d’une personne ne peut être entrepris qu’à des fins médicales ou de recherche scientifique. » Or, cet article est en décalage avec la réalité, puisqu’on estime que 100 000 à 200 000 Français recourent chaque année à des tests génétiques visant à rechercher leurs origines familiales ou géographiques.

Avec l’amendement n° 1147, nous proposons de légaliser cette pratique, afin de mieux l’encadrer et d’éviter que des tests ne soient effectués pour rechercher des prédispositions à certaines maladies, par exemple, ce qui pourrait ouvrir la porte à une forme d’eugénisme. Dans les faits, les sanctions prévues ne sont jamais appliquées, ce qui montre bien que la loi n’est pas adaptée. Enfin, j’insiste sur la nécessité de rétablir la souveraineté nationale sur les données génétiques des citoyens français, qui ne devraient pas pouvoir être commercialisées par des firmes étrangères.

M. Bruno Fuchs. Si je partage une grande partie des propos qui ont été tenus par le rapporteur, celui-ci me semble perdre de vue le fait que cette activité existe et qu’elle est pratiquée massivement par les Français, ce qui nécessite de l’encadrer. À défaut, il me paraît nécessaire d’appliquer plus strictement les sanctions prévues par le code pénal, dont l’article 226‑25 indique que « le fait de procéder à l’examen des caractéristiques génétiques d’une personne à des fins autres que médicales ou de recherche scientifique, ou à des fins médicales ou de recherche scientifique, sans avoir recueilli préalablement son consentement dans les conditions prévues par l’article 16-10 du code civil, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. » En résumé, soit on se conforme à la loi existante et on poursuit les gens qui pratiquent ces tests, soit, prenant acte de la banalisation des tests, on décide de les encadrer.

M. Philippe Berta, rapporteur. Il faudrait effectivement trouver une solution à la française, mais je suis défavorable à ces amendements.

M. Jean-Louis Touraine. J’entends l’embarras du rapporteur, et je suis d’accord avec Mme Pouzyreff pour estimer qu’on ne peut ni laisser une loi être transgressée en permanence et dans les proportions où elle l’est actuellement, ni laisser partir à l’étranger une partie du patrimoine et de la richesse de notre pays sans aucun contrôle, car cela présente de grands risques à court terme. L’une des solutions, apparaissant en filigrane dans l’intervention du rapporteur, consisterait à développer une activité de ce type en France, en la confiant à des laboratoires français qui l’exerceraient en étant strictement contrôlés et encadrés par des conseillers en génétique, eux-mêmes chargés de veiller à ce que les tests soient prescrits, réalisés et rendus aux personnes dans des conditions conformes à la loi. Nous éviterions ainsi les dérives qui ont été évoquées.

Mme Emmanuelle Ménard. Je partage en partie ce qu’a dit le rapporteur, à une réserve près. Vous connaissez mon attachement aux intérêts de la France et des Français, mais j’estime que prétendre que des sociétés françaises préserveraient mieux les intérêts des Français est faire preuve d’une grande naïveté. En réalité, il sera impossible d’interdire qu’une société dont le siège social est en France soit détenue par des capitaux majoritairement étrangers.

Par ailleurs, la réussite des tests dépendant de la taille de la base de données, on ne pourra pas empêcher les Français d’envoyer leurs données à des sociétés étrangères disposant de bases plus importantes, dans l’espoir d’obtenir ainsi de meilleurs résultats.

M. Bastien Lachaud. Je n’ai moi aussi qu’une nuance à apporter à ce qu’a dit le rapporteur. Si l’on fait confiance à des sociétés françaises, le plus simple serait qu’elles soient publiques et qu’elles s’intègrent à un pôle public du médicament, ce qui permettrait d’exercer un véritable contrôle sur les données recueillies en excluant l’entrée de capitaux étrangers.

Mme Aurore Bergé. En matière de bioéthique, il n’est guère pertinent de comparer ce qui se fait en France et dans d’autres pays : ce qui compte, c’est ce que nous voulons faire dans notre pays, et le fait que des Français contournent le droit national ne justifierait pas pour autant que nous autorisions des pratiques jusqu’alors interdites.

Sur le fond, je partage complètement le point de vue du rapporteur : nous prendrions un risque excessif en autorisant l’activité consistant à effectuer ces tests génétiques. Nous venons de permettre, à l’article 3, un accès aux origines dans des conditions extrêmement précises et encadrées, et nous nous contredirions en autorisant, quelques articles plus loin, un accès aux origines non contrôlé, se faisant sur la base de tests qui ne sont pas fiables ! Pour ma part, j’estime qu’il serait vraiment prématuré d’appliquer aujourd’hui la solution préconisée par ces amendements.

La commission rejette les amendements n° 1147 et 1229.

Elle est saisie de lamendement n° 157 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Cet amendement vise à préciser que l’examen des caractéristiques génétiques ne peut avoir ni finalité ni conséquence eugéniste – j’aurais dû ajouter « ou marchande ». La recherche génétique peut engendrer un certain nombre de dérives. Les derniers débats à l’Assemblée nationale avaient d’ailleurs suscité de vives réactions lorsque certains affirmaient vouloir « traquer les embryons porteurs d’anomalies ».

Parce qu’une société où l’on veut éliminer le plus faible, ou celui qui est différent, est une société en danger, il convient de rappeler que la recherche scientifique ne doit pas servir des fins eugénistes.

M. Philippe Berta, rapporteur. Nous n’avons manifestement pas la même définition du mot « eugénisme » qui, pour moi, ne peut faire référence qu’à une politique d’État et ne saurait s’appliquer à des cas particuliers.

Sur le fond, la précision que vous voulez apporter n’est pas utile : cette interdiction est déjà posée par les articles 16 à 16-9 du code civil, parmi lesquels l’article 16-4 dispose que « toute pratique eugénique tendant à l’organisation de la sélection des personnes est interdite ». Je suis donc défavorable à cet amendement.

La commission rejette lamendement n° 157.

Suivant lavis défavorable du rapporteur, la commission rejette lamendement n° 91 de Mme Annie Genevard.

Elle est saisie des amendements identiques n° 938 de M. Pascal Brindeau et n° 1132 de Mme Sylvia Pinel.

Mme Agnès Thill. L’amendement n° 938 vise à rétablir le principe posé en première lecture à l’Assemblée nationale, selon lequel les tests génétiques dits « récréatifs » ne peuvent faire l’objet de publicité. J’espère qu’on ne va pas me répondre que cela se fait dans d’autres pays, car ce n’est pas une raison pour que cela se fasse chez nous !

Mme Sylvia Pinel. L’amendement n° 1132 vise à rétablir une disposition adoptée à l’Assemblée nationale, mais supprimée au Sénat, qui a pour objet l’interdiction de tout démarchage publicitaire sur les tests génétiques. Il est pourtant important de renforcer notre législation en matière d’interdiction de tels tests sans caractère médical.

Comme a déjà pu le dire en 1995, dans son avis n° 46, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE), un test génétique est particulièrement intrusif. Il est une porte d’entrée dans l’intimité d’une personne, ce qui justifie que ces examens génétiques soient encadrés. Ainsi, en France, les tests génétiques sont faits uniquement sur prescription médicale dans des laboratoires autorisés par les ARS, et interprétés et rendus par des praticiens agréés. Pourtant, de nombreuses personnes font pratiquer ce genre de tests chaque année en recourant pour cela aux services d’entreprises privées étrangères sur internet, et ces personnes ne sont absolument pas accompagnées lors de la réception des résultats. De plus, la réalisation de tests génétiques à l’étranger induit le stockage des données génétiques de milliers de Français en dehors de notre pays, avec tous les risques de dérives que cela implique quant à leur conservation et à leur utilisation.

M. Philippe Berta, rapporteur. Je vous rappelle que la publicité en faveur de tests génétiques commerciaux disponibles en accès libre relève de pratiques commerciales trompeuses, punies d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 300 000 euros.

Des actions d’information et de sensibilisation du grand public sur les risques encourus sont en cours de préparation par le Gouvernement. Par ailleurs, il revient aux organismes compétents, tel le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), d’agir afin de faire cesser la diffusion de telles publicités.

J’ajoute que poser une interdiction sans l’assortir de sanctions n’a pas une grande portée. Pour ces raisons, je vous demande de bien vouloir retirer ces amendements.

M. Patrick Hetzel. Les débats que nous avons sur cette question montrent qu’elle n’est pas anodine et que les choses doivent changer. Il faudrait insister auprès du Gouvernement sur la nécessité de mettre en œuvre une véritable politique publique afin d’alerter nos concitoyens sur les risques qu’ils prennent lorsqu’ils ont recours à de tels tests, car à l’heure actuelle la plupart d’entre eux ne le réalisent pas. Pour l’instant, le Gouvernement laisse faire, ce qui est bien dommage.

M. Bastien Lachaud. J’avoue ne pas comprendre la position du rapporteur : il dit être d’accord sur le principe mais, invoquant l’absence de sanctions, demande le retrait des amendements… Pourquoi ne pas avoir déposé un amendement visant à rétablir ce qui avait été adopté en première lecture à l’Assemblée nationale ? Pourquoi ne pas proposer un sous-amendement visant à instituer une sanction, ce qui permettrait d’adopter ces amendements dès maintenant ?

M. Thibault Bazin. Je soutiens ces amendements. J’ai été choqué de voir, sur des médias très regardés, de la publicité pour une activité censée être interdite. Si on la voit moins aujourd’hui sur les chaînes d’information en continu, cette publicité se fait encore en toute impunité sur les réseaux sociaux. Nous devons renforcer l’arsenal législatif afin d’être en cohérence avec l’interdiction en vigueur. Les risques liés à ces tests, notamment en termes de paix sociale, sont beaucoup plus importants que les bénéfices qu’on peut en tirer, d’autant que leurs résultats sont peu fiables.

M. Pierre Dharréville. Notre groupe est favorable à ces amendements. Certes, on pourrait mettre en place des sanctions, mais le simple fait d’inscrire dans la loi l’interdiction de la publicité pourrait inciter les pouvoirs publics à intervenir davantage pour faire respecter cette interdiction.

Le recours à ce type de tests renvoie à une conception biologisante de l’être humain et des origines. Nous sommes loin d’avoir épuisé le débat sur ces questions, mais je suis tenté de résumer la situation en une phrase : la vraie nature de l’homme, c’est sa culture. De ce point de vue, les débats que nous avons eus jusqu’à présent me semblent avoir mis en évidence des incohérences dans la conception de la bioéthique que veut affirmer ce texte.

M. Jean-François Eliaou. Je suis résolument opposé à la publicité pour les tests génétiques et, après avoir vu des spots publicitaires sur la chaîne BFM TV, j’ai adressé deux courriers de protestation au CSA, malheureusement restés sans suite. Il me semble qu’inscrire dans la loi l’interdiction de la publicité marquerait bien l’opposition du législateur français à ce type de pratiques dans notre pays.

M. Bruno Fuchs. J’avais déposé des amendements similaires en première lecture. Il me semble qu’on peut difficilement dire que recourir à ces tests présente un danger grave en termes de fiabilité et de conséquences potentielles sur les familles, prévoir dans le code pénal une interdiction assez lourdement sanctionnée et, à côté de cela, ne rien faire pour interdire les publicités visant à promouvoir ces pratiques commerciales. Les amendements proposés pourraient apporter la cohérence qui fait actuellement défaut dans ce domaine.

Mme Emmanuelle Ménard. Je soutiens également les amendements visant à interdire la publicité, car on ne peut braver les interdits au vu et au su de tout le monde en diffusant des publicités sur des médias aussi regardés que les chaînes d’information en continu. De même, comme l’a dit M. Bazin, il est impensable que puissent se tenir en France des salons commerciaux qui permettent de contourner l’interdiction légale de la GPA dans notre pays. Confronté en permanence à des incitations implicites à enfreindre la loi, diffusées par des sociétés qui agissent en toute impunité, le citoyen français ne sait plus vraiment ce qui est autorisé et ce qui ne l’est pas. Nous devons mettre fin à cette situation.

Mme Aurore Bergé. Si l’on considère que ces tests font courir un risque important, il ne faut pas accepter des publicités incitant nos concitoyens à les utiliser. Peut-être le dispositif mérite-t-il d’être précisé mais il serait intéressant que notre commission l’adopte, quitte à le retravailler d’ici à la séance. Il est important de poser un interdit et c’est le bon moment pour le faire.

M. Philippe Berta, rapporteur. Le cadre juridique existe déjà, avec une peine de deux ans de prison et 300 000 euros d’amende. Notre difficulté est de faire appliquer la loi, non de la changer.

La commission adopte les amendements n° 938 et 1132.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements n° 1357 de M. Didier Martin et n° 1233 de M. Bruno Fuchs.

M. Didier Martin. Je vous propose d’adopter la rédaction de la commission du Sénat, qui a mis en place l’encadrement de ces tests génétiques tout en maintenant les interdictions du code civil.

M. Bruno Fuchs. La levée de l’interdiction des tests, qui existent dans la pratique, a été suggérée par le Conseil d’État dans son étude « Révision de la loi de bioéthique : quelles options pour demain ? » de juin 2018. L’amendement propose d’encadrer ces pratiques et notamment de sécuriser le consommateur par une information en français sur les risques, les conséquences potentielles de la réalisation d’un test, comme la découverte de correspondances génétiques indiquant des liens biologiques précédemment inconnus, ou à l’inverse l’absence de correspondance génétique révélant l’inexistence de liens biologiques.

M. Philippe Berta, rapporteur. Dans la mesure où ma position consiste à maintenir le principe d’interdiction, je n’ai pas à retenir des données sénatoriales. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements n° 1357 et 1233.

Puis elle adopte larticle 10 modifié.

La suppression de larticle 10 bis est maintenue.

La suppression de larticle 10 ter est maintenue.

Article 11
Garanties entourant le recours à des traitements algorithmiques de données massives en santé

La commission est saisie, en discussion commune, des amendements n° 745 de M. Guillaume Chiche et n° 1469 du rapporteur.

M. Guillaume Chiche. L’amendement n° 745 vise à mieux encadrer l’utilisation d’un traitement algorithmique de données massives dans le champ de la santé et à garantir l’expression du consentement du patient. Il se fonde sur les rapports et recommandation de la CNIL, du CCNE, du Défenseur des droits et du rapport de notre collègue Jean-Louis Touraine remis dans le cadre de l’élaboration du présent projet de loi.

La décision médicale ne doit pas se fonder exclusivement sur un traitement automatisé de données, conformément aux dispositions des articles 22 du Règlement général sur la protection des données (RGPD) et de l’article 47 de la loi Informatique et libertés. Ainsi, l’amendement précise le cadre du recueil du consentement libre et éclairé du patient lors du recours à un algorithme pour des actes à visée préventive, diagnostique et thérapeutique. Il s’agit de garantir les principes fondateurs de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé figurant aux articles L. 11112 et L. 11114 du code de la santé publique.

Enfin, l’amendement vise à renforcer l’interdiction des discriminations fondées sur les données issues de l’usage de traitement algorithmique de données massives en santé en adaptant et complétant l’article 2253 du code pénal.

Cet amendement m’a été proposé par l’interassociative lesbienne, gaie, bi et trans.

M. Philippe Berta, rapporteur. L’amendement n° 1469, reprenant en partie celui de M. Chiche et qui a reçu l’accord du Gouvernement, poursuit plusieurs objectifs : clarifier le périmètre des dispositifs visés par l’article 11, en précisant qu’il s’agit de traitements algorithmiques à partir de données massives ; maintenir l’obligation d’informer le patient avant l’utilisation d’un traitement algorithmique dans le cadre de sa prise en charge médicale ; garantir que les résultats issus de ce dispositif sont validés par un professionnel de santé ; et prévoir la traçabilité des actions et des données afin d’éviter que le dispositif ne fonctionne comme une pure et simple boîte noire.

M. Thibault Bazin. Ces amendements, en prévoyant la traçabilité, me semblent aller dans le bon sens. Je me demande s’il ne faudrait pas aller plus loin en créant des référentiels de bonnes pratiques et en introduisant la participation active des associations représentant les usagers. Comme pour les médicaments mis sur le marché, ne serait-il pas nécessaire de prévoir une certification pour l’utilisation des traitements de données massives existants et à venir ? Il faut rassurer les patients comme les professionnels de santé.

M. Philippe Berta, rapporteur. Nous n’en sommes pas à ce stade. C’est aux professionnels de s’organiser et de réfléchir à la mise en place d’un label.

La commission rejette lamendement n° 745.

Puis elle adopte lamendement n° 1469.

En conséquence, les amendements n° 201 de M. Thibault Bazin, n° 1315 de M. Marc Delatte, n° 649 de Mme Elsa Faucillon, n° 275 de M. Thibault Bazin, n° 158 de Mme Emmanuelle Ménard, n° 1093 de M. Bastien Lachaud, n° 652 de Mme Elsa Faucillon et n° 479 de Mme Marine Brenier tombent.

La commission adopte ensuite larticle 11 modifié.

Article 12
Encadrement du recours aux techniques denregistrement de lactivité cérébrale et interdiction des discriminations fondées sur les résultats de ces techniques en matière dassurance

La commission est saisie de lamendement n° 159 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Cet amendement de suppression est en réalité un amendement d’appel, car, contrairement à ce que dit l’exposé des motifs du projet de loi, très peu de précisions sont données quant aux finalités du recours aux techniques d’enregistrement de l’activité cérébrale humaine.

M. Philippe Berta, rapporteur. Avis défavorable. L’article 12 a pour objet de renforcer la lutte contre les discriminations fondées sur les données issues de l’enregistrement de l’activité cérébrale, en particulier en matière de prévention et de couverture de risque.

La commission rejette lamendement n° 159.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements n° 437 de M. Jean-François Eliaou et n° 1470 du rapporteur.

M. Jean-François Eliaou. L’important est de bien comprendre la différence entre l’imagerie, c’est-à-dire la description anatomique des structures du cerveau et du système neurologique, et les explorations fonctionnelles, qui montrent l’activité du cerveau. Cet amendement, conforme à celui que j’ai déposé en première lecture dans une rédaction en accord avec le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, vise à bien différencier les deux pour prévenir l’utilisation des explorations fonctionnelles dans un cadre judiciaire, en raison des dérives que l’on peut imaginer en termes de recherche de la vérité. Elles restent possibles pour des visées médicales et de recherche.

M. Philippe Berta, rapporteur. L’amendement n° 1470 a pour objet de rétablir l’interdiction de l’usage de l’imagerie par résonance magnétique (IRM) fonctionnelle à des fins judiciaires, dans une rédaction qui doit permettre d’éviter les querelles sémantiques. Il apparaît en effet préférable de retenir les termes d’« imagerie cérébrale », plutôt que ceux d’« enregistrement de l’activité cérébrale » ou d’« imagerie ou exploration de l’activité cérébrale », trop vastes et qui pourraient nuire à des activités très légitimes de neuro-modulation.

Cette mesure, recommandée par le CCNE et l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), a pour objet d’éviter le détournement ou la surinterprétation des usages de cette technique à des fins judiciaires, comme les détecteurs de mensonge qui peuplent de nombreuses séries télévisées.

Mme Aurore Bergé. Peut-on nous réexpliquer la différence entre ces amendements des deux rapporteurs afin d’éclairer notre vote ?

M. Philippe Berta, rapporteur. Cela a fait l’objet d’une longue discussion avec le Gouvernement. J’ai moi-même évolué dans ma position et me suis rangé à l’avis du Gouvernement qui propose de retenir le terme d’« imagerie », et non « enregistrement », lequel couvre bien plus de choses et détruirait un champ d’activité de dispositifs médicaux qui ont besoin de l’accès à certaines formes d’enregistrement de l’exploration cérébrale.

M. Jean-François Eliaou. Avec le ministère de l’enseignement supérieur d’alors, je considère que le terme d’« imagerie » est trop englobant. Nous préférions parler d’imagerie d’un côté et d’exploration fonctionnelle de l’autre – qui n’est pas seulement l’électroencéphalogramme que tout le monde connaît mais aussi l’enregistrement de l’activité du cerveau par des techniques d’imagerie. En effet, l’exploration fonctionnelle peut se faire de façon électrique mais également par imagerie. Il convient donc de bien séparer les choses, au moment où l’on veut utiliser ces techniques dans un cadre judiciaire.

Je prends un exemple. Quelqu’un qui se met tout nu dans la rue commet un délit. Il est appréhendé par la police et un scanner est pratiqué pour voir s’il a quelque chose, par exemple une tumeur, au cerveau ; c’est normal. Mais si on cherche par l’imagerie à savoir s’il dit ou non la vérité, cela pose un problème. La description anatomique du cerveau est une bonne chose dans tous les cas de figure, y compris judiciaires, mais l’enregistrement de l’exploration du cerveau avec des techniques d’imagerie me pose problème pour la recherche de la vérité judiciaire.

La commission adopte lamendement n° 437.

En conséquence, lamendement n° 1470 tombe.

La commission adopte larticle 12 modifié.

Article 13
Encadrement des dispositifs de neuro-modulation

La commission est saisie de lamendement n° 1471 du rapporteur.

M. Philippe Berta, rapporteur. Cet amendement a pour objet de supprimer l’exclusion, souhaitée par le Sénat, des dispositifs médicaux du champ de l’article 13. Cette exclusion n’apparaît en effet pas pertinente, ceux-ci étant couverts par les dispositions des articles L. 5211-1 et suivants du code de la santé publique.

La commission adopte lamendement n° 1471.

Puis elle examine lamendement n° 160 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Je souhaite ajouter à la première phrase de l’alinéa 4, après la première occurrence du mot « santé », les mots « et pour la dignité ». La question de la dignité humaine est tout aussi importante que celle de la santé. Il convient donc de se doter d’un garde-fou contre les risques encourus par la santé et par la dignité humaine avec ce genre de techniques.

M. Philippe Berta, rapporteur. Avis défavorable. Nous sommes sur un chapitre de santé où il n’est nullement question de la dignité.

La commission rejette lamendement 160.

Ensuite de quoi, la commission examine lamendement n° 202 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. L’alinéa 4 de cet article 13 dispose : « Art. L. 11514. – Les actes, procédés, techniques, méthodes et équipements, à l’exception des équipements relevant des dispositifs médicaux au sens de l’article L. 52111, ayant pour effet de modifier l’activité cérébrale et présentant un danger grave ou une suspicion de danger grave pour la santé humaine peuvent être interdits par décret. »

Ces « actes, procédés, techniques, méthodes et équipements » pourraient, dès lors qu’il s’agit de neuro-modulation, ne pas respecter la dignité d’une personne. On pourrait prendre le pouvoir sur une personne avec ces appareils. Il faudrait donc ajouter, comme le propose cet amendement : « ou ne garantissant pas le respect de la dignité humaine ». C’est une affaire de santé mais aussi de respect de la dignité de la personne.

M. Philippe Berta, rapporteur. Avis défavorable pour les mêmes raisons que précédemment.

M. Bastien Lachaud. Je partage les inquiétudes de M. Bazin et je ne vois pas en quoi cette précision relative à la dignité humaine poserait problème. Par le passé, des procédés médicaux n’ont pas respecté la dignité humaine. Cet ajout ne gêne en rien l’exercice de la médecine ou de la recherche.

M. Patrick Hetzel. Dans un texte de bioéthique, c’est un débat qu’il faut avoir. Les dix règles formalisées dans le cadre du procès de Nuremberg ont plus que jamais du sens, avec les dérives scientistes, y compris dans le domaine médical, comme cela a du sens de rappeler la dignité humaine, qui doit être le primat de tout. Il faut trouver un équilibre face à une science qui cherche à s’imposer partout. La science est synonyme de progrès mais ce progrès ne peut se faire au détriment du respect de la dignité humaine. Le rappeler ne nuit pas.

Mme Agnès Thill. Je ne vois pas en effet au nom de quoi on ne pourrait ajouter la notion de dignité humaine. On ne la rappelle jamais assez et au contraire, ne pas l’indiquer c’est l’oublier et passer outre, surtout dans ces pratiques où l’on peut vouloir aller toujours plus loin.

Mme Emmanuelle Ménard. Dissocier la santé de la dignité humaine n’est pas défendable : les deux sont intimement liées. Au passage, je ne peux m’empêcher de faire remarquer que, quand je parle de dignité humaine, personne ne réagit, mais quand c’est M. Bazin, tout le monde se saisit du sujet.

M. Philippe Berta, rapporteur. Je partage entièrement ce que j’entends là, bien évidemment, mais la dignité humaine est déjà un principe constitutionnel qui s’impose à nous.

La commission rejette lamendement n° 202.

Elle examine ensuite lamendement n° 919 de Mme Annie Genevard.

M. Thibault Bazin. La neuro-simulation est un moyen d’aider des personnes souffrant de certaines pathologies. C’est aussi un moyen qui peut améliorer les performances humaines, dans une perspective transhumaniste. Mme Genevard propose donc d’ajouter un alinéa ainsi rédigé : « Les actes, procédés, techniques, méthodes et équipements ayant pour objet de modifier l’activité cérébrale dans un but d’amélioration de l’individu et dépourvus de justification thérapeutique sont interdits. »

M. Philippe Berta, rapporteur. Avis défavorable. Je me méfie de ce mot « transhumanisme », véritable tarte à la crème. Je sais à qui on le doit et qui l’exploite. L’objet de la médecine n’est pas d’améliorer l’homme ; il est déjà bien compliqué de le réparer, ce qui est notre objet au quotidien.

La commission rejette lamendement n° 919.

Elle adopte ensuite larticle 13 modifié.

M. Guillaume Chiche. Madame la présidente, je crois comprendre que l’article 1er du projet de loi tel qu’il résulte des travaux de la commission nous a été envoyé dans une version provisoire, ce qui ne permet pas de commencer à rédiger des amendements en vue de la séance, alors que nos équipes attendent de pouvoir le faire.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. La limite pour le dépôt des amendements sera a priori repoussée à vendredi dix-sept heures, vu que nous n’aurons pas fini aujourd’hui à dix-sept heures. Vous avez reçu les articles 1er et 1er bis, nous allons continuer d’avancer comme cela. Nous allons essayer de mettre à votre disposition l’article 2 dans la journée.

M. Guillaume Chiche. Les versions des articles que nous avons reçues ne changeront pas d’ici à la séance ?

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Il est exact que seul le « texte adopté par la commission » final fait foi. Nous avons choisi cette méthode pour vous permettre d’avancer.

M. Bastien Lachaud. Je rejoins les préoccupations de M. Chiche. Nous ne sommes pas dans les meilleures conditions pour examiner un texte aussi important et nous regrettons que l’ordre du jour ait été établi en vue de comprimer les débats dans des délais qui ne permettent pas un examen serein.

Mme Elsa Faucillon. Nous faisons partie des personnes qui souhaitaient l’examen de ce texte en juillet et nous l’assumons, mais si, alors que chacun se dépêche pour déposer des amendements avant dix-sept heures vendredi, on nous annonçait, lundi, que l’examen en séance est finalement reporté à jeudi ou vendredi prochain pour cause de remaniement, nous serions un peu en colère. Peut-être faudrait-il obtenir des réponses. Je me fiche des scoops mais il ne faut pas que le texte en pâtisse, que nous nous précipitions alors même qu’il n’y a pas lieu de le faire.

M. Patrick Hetzel. Si le phénomène évoqué par Mme Faucillon devait intervenir, il conviendrait de rouvrir le délai de dépôt d’amendements. Vous ne prendrez aucun risque sur la durée des débats en séance puisque ce sera en temps programmé, mais cela améliorerait le travail, qui se déroule dans des conditions difficilement soutenables.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Nous allons travailler avec le calendrier tel qu’il a été fixé et non à partir de politique-fiction. La limite est repoussée de vingt-quatre heures. Si un changement intervenait, la Conférence des présidents se réunirait et définirait les nouvelles modalités d’examen du texte en séance publique.

M. Thibault Bazin. Si nous finissons l’examen du texte cette nuit très tard, même le report que vous évoquez ne permettra pas de garantir des conditions raisonnables. Il vaudrait mieux, vu l’importance du texte, se donner un délai d’au moins quarante-huit heures une fois l’examen achevé.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Plus on perd de temps à discuter de cela, moins on avance. En fonction de l’heure à laquelle nous terminerons ce soir, le délai pourra être repoussé à samedi matin.

Titre iv

Soutenir une recherche libre et responsable au service de la santé humaine

Chapitre Ier
Encadrer les recherches sur l’embryon, les cellules souches embryonnaires et les cellules souches pluripotentes induites

Avant l’article 14

La commission est saisie des amendements identiques n° 867 de M. Xavier Breton et n° 890 de M. Patrick Hetzel.

M. Xavier Breton. Il s’agit de nouveau de rechercher la sobriété dans les titres. Il nous est proposé, au titre IV, de « Soutenir une recherche libre et responsable au service de la santé humaine ». Les titres ne sont pas faits pour être des slogans mais pour indiquer un objet juridique. Une loi, y compris dans ses titres, doit être rédigée dans un souci de précision et non dans une optique marketing de nouveau monde.

M. Patrick Hetzel. Le Gouvernement doit comprendre qu’il ne faut pas faire de fake news avec des textes de loi.

M. Philippe Berta, rapporteur. Avis défavorable. Le titre correspond tout à fait, à mes yeux de scientifique, à l’objectif poursuivi.

La commission rejette les amendements n° 867 et 890.

Elle examine ensuite lamendement n° 1079 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il s’agit également de modifier l’intitulé du titre IV. Si le législateur adopte des lois de bioéthique, c’est pour que la recherche soit encadrée et non pas « libre ». Quant au terme « responsable », en droit il implique le devoir de réparation des dommages causés : on voit mal comment on pourrait réparer des recherches sur les embryons humains. Être responsable implique aussi de mesurer les conséquences de ses actes, or la recherche sur l’embryon ne le permet pas. Il convient de supprimer ces deux termes.

M. Philippe Berta, rapporteur. Je suis en l’occurrence particulièrement attaché au mot « libre » car je ne connais pas un collègue impliqué dans la recherche en génétique ou en reproduction qui ne soit pas en permanence victime d’intimidations judiciaires – et l’on sait parfaitement d’où cela vient. Avis défavorable.

M. Thibault Bazin. Si l’on n’a rien à se reprocher, monsieur le rapporteur, pourquoi aurait-on peur d’actions en justice ? Cet argument me laisse pantois. Nous sommes dans un État de droit, et cela consiste à pouvoir intenter des actions en justice.

M. Philippe Berta, rapporteur. Aucune de ces attaques judiciaires n’a jamais abouti ; c’est une simple volonté de nous empêcher de chercher, d’avancer, qui n’a d’autre effet que de risquer de faire prendre à la France un retard conséquent dans les acquis de la recherche, dont nos enfants ont tant besoin.

La commission rejette lamendement n° 1079.

Puis elle examine les amendements identiques n° 868 de M. Xavier Breton et n° 891 de M. Patrick Hetzel.

M. Xavier Breton. Le titre du chapitre Ier n’est pas, cette fois, un slogan, il est au contraire plutôt sobre : « Encadrer les recherches sur l’embryon, les cellules souches embryonnaires et les cellules souches pluripotentes induites ». Quand vous voulez rédiger des titres objectifs, vous le pouvez ! Le problème, c’est qu’est prévue la recherche sur les embryons. La question de ce qu’est l’embryon travaille l’humanité depuis des millénaires et ce n’est pas aujourd’hui que nous pourrons apporter une réponse. Dans le doute, nous appelons à la prudence et c’est pourquoi nous ne souhaitons pas que des recherches soient effectuées sur l’embryon.

M. Patrick Hetzel. On nous dit qu’il s’agit d’encadrer des recherches sur l’embryon, les cellules souches embryonnaires et les cellules souches pluripotentes induites, mais c’est ce que faisaient déjà les lois précédentes. En fait, on va vers un système de plus en plus libéral où les recherches seront de moins en moins encadrées.

Monsieur le rapporteur, vous avez dit « nous les chercheurs », à plusieurs reprises. Or, avec tout le respect que je vous dois, nous sommes quelques-uns ici à être des universitaires. Évidemment, il ne s’agit pas d’être schizophrène, mais, dans cette salle, vous vous exprimez en tant que député de la nation et pas au nom des chercheurs. Si nous prenons la parole comme représentant d’une corporation, nous ne sommes plus dans notre rôle de législateur. Nous devons être très au clair sur ces questions.

M. Philippe Berta, rapporteur. Tout va bien, je suis au clair avec moi-même. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements  868 et n° 891.

Article 14
Différenciation des régimes juridiques dautorisation sappliquant à lembryon et aux cellules souches embryonnaires

La commission examine les amendements identiques n° 203 de M. Thibault Bazin, n° 322 de M. Xavier Breton et n° 404 de M. Patrick Hetzel.

M. Thibault Bazin. Je vous rassure : je ne défendrai à cet article que les amendements les plus importants pour moi.

L’article 14 vise à distinguer les recherches sur les embryons humains et sur les cellules souches embryonnaires, comme s’il s’agissait de deux choses totalement différentes. Ainsi, il prévoit de passer la recherche sur les cellules souches embryonnaires du régime d’autorisation encadrée à la simple déclaration à l’Agence de la biomédecine. Cela ne me semble pas éthique. Je ne comprends pas pourquoi on redescend à un simple régime de déclaration. Si une cellule souche embryonnaire n’est pas un embryon humain en soi, le législateur ne peut oublier qu’elle en émane et que son prélèvement en provoque la destruction. C’est pourquoi mon amendement vise à supprimer l’article 14.

M. Xavier Breton. Une cellule souche embryonnaire n’est pas un embryon humain en soi, certes. Mais elle en émane et il y a eu destruction de l’embryon pour opérer ce prélèvement. C’est pourquoi il ne faut pas faire de pseudo-distinctions.

M. Patrick Hetzel. On voit bien qu’il y a un glissement progressif. Mais on ne peut pas balayer d’un revers de main la question de la dignité que l’on doit aux embryons humains et aux cellules souches embryonnaires.

Que se passera-t-il si des chercheurs transgressent cette déclaration simple à laquelle nous ne sommes pas favorables ? Rien, et c’est bien là le problème. Des droits et des obligations doivent être prévus. C’est pourquoi nous défendrons des amendements qui préciseront que les recherches qui auront fait l’objet d’une déclaration simple devront être interrompues en cas de transgression. Il conviendra également de rappeler aux équipes qu’elles ne peuvent pas agir comme s’il n’y avait plus de règles. Le rôle du législateur consiste à fixer des limites. Avec l’article 14, des lignes rouges sont susceptibles d’être franchies. Nous serons donc très vigilants au cours de la discussion.

M. Philippe Berta, rapporteur. Cet article vise à clarifier le régime juridique des recherches portant sur l’embryon d’une part, et les cellules souches embryonnaires d’autre part. Une cellule souche embryonnaire n’a aucune vocation ni aucune possibilité de redonner un individu. Elle n’est pas totipotente, mais juste pluripotente.

Les cellules souches embryonnaires utilisées dans les laboratoires du monde entier depuis des décennies sont des lignées cellulaires qui pour certaines ont été établies il y a fort longtemps et qui de façon totalement contrôlée – je peux vous assurer que les contrôles de l’Agence de la biomédecine sont sérieux – pourront être utilisées dans un laboratoire puis, à la vue de tout le monde et de façon déclarative, être transmises à un autre laboratoire pour faire des études. L’intérêt de ces cellules souches embryonnaires est précisément de permettre de faire des études sans avoir à utiliser d’embryons supplémentaires.

L’article 14 établit d’abord une distinction entre les recherches portant sur l’embryon surnuméraire non destiné à naître, et qui a été donné à la recherche après consentement de la famille, et celles portant sur l’embryon destiné à naître – il s’agit par exemple de recherches effectuées dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation qui, elles, répondent aux conditions fixées pour les recherches impliquant la personne humaine.

Les enjeux et les interrogations éthiques ne sont pas les mêmes dans ces différents cas et c’est pour cela que le projet de loi, dans le texte adopté par l’Assemblée nationale comme dans celui du Sénat, prévoit que les recherches sur les embryons sont soumises à l’autorisation de l’Agence de la biomédecine, tandis que les recherches sur les cellules souches font l’objet d’une simple déclaration auprès de cette même Agence.

Sur ce sujet, je voudrais faire deux rappels simples. Une cellule souche embryonnaire n’est pas un embryon, ce sont des lignées cellulaires qui sont dans l’incapacité de redevenir un embryon. S’agissant de la recherche sur l’embryon, hors des cas de recherche dans le cadre d’une PMA qui font l’objet d’un statut différencié comme je l’ai expliqué, l’embryon n’a pas vocation à naître et il doit même être obligatoirement détruit. Nous aurons l’occasion d’y revenir plus loin. Ces recherches se font sur des embryons surnuméraires qui ne font plus l’objet d’un projet parental. Elles sont mieux définies et mieux encadrées par le dispositif prévu par le projet de loi. Nous ne devons pas nous priver des progrès majeurs de la thérapie cellulaire, qui n’apparaissent pas clairement aux yeux de certains, mais qui font l’objet de 400 essais cliniques en Europe et un peu plus de 600 aux États-Unis.

Pour toutes ces raisons, j’émettrai un avis défavorable à ces amendements de suppression de l’article, aux amendements de rédaction globale et aux amendements supprimant les alinéas centraux du dispositif.

La commission rejette les amendements n° 203, n° 322 et n° 404.

Puis elle est saisie, en discussion commune, des amendements identiques n° 204 de M. Thibault Bazin, n° 324 de M. Xavier Breton et n° 406 de M. Patrick Hetzel, des amendements identiques n° 205 de M. Thibault Bazin, n° 325 de M. Xavier Breton et n° 407 de M. Patrick Hetzel, des amendements identiques n° 323 de M. Xavier Breton et n° 405 de M. Patrick Hetzel, et de lamendement n° 1309 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. L’amendement n° 204 est défendu.

M. Xavier Breton. Je vous propose, par l’amendement n° 324, de revenir à la rédaction qui avait été retenue par le législateur de 2004. On voit bien que, de révision en révision des lois de bioéthique, un glissement progressif se fait vers un moins-disant éthique dont le seul but est l’absence de freins à la recherche.

Le rapporteur ne prend pas en compte le fait qu’au départ, il y a destruction d’un embryon. Ce n’est pas parce que la cellule souche embryonnaire n’est pas un embryon en elle-même et qu’elle ne pourra jamais le devenir qu’elle ne provient pas de la destruction d’un embryon. Ce n’est pas non plus parce qu’un embryon ne fait plus partie d’un projet parental qu’il doit être détruit. On sait bien qu’en France, la législation est très permissive pour la production d’embryons surnuméraires. La logique est ici encore de constituer des stocks d’embryons qui pourront ensuite servir à la recherche.

M. Patrick Hetzel. La question de fond est de savoir où l’on fixe la barre éthique. La communauté des chercheurs rappelle fort légitimement que les règles sont différentes dans d’autres pays et que la France est en train de se faire dépasser sur certains sujets par la communauté internationale.

La tentation est celle du moins-disant éthique. Si l’on est sous la pression permanente des chercheurs, on oublie le fond qui est précisément qu’à aucun moment nous ne devons aller vers un moins-disant éthique. Or lorsqu’on remplace une autorisation préalable par une simple déclaration, on a le sentiment que les digues sont sur le point de céder, ce qui pose un vrai problème.

M. Thibault Bazin. L’amendement n° 205 est défendu.

M. Xavier Breton. En 2011, la recherche sur l’embryon était le grand sujet. La question était de savoir s’il fallait l’interdire pour protéger la vie à naître, conformément à l’article 16 du code civil, tout en permettant des dérogations, ou bien si on pouvait l’autoriser sous conditions. À l’époque, les débats ont été intenses, et finalement nous en sommes restés à une interdiction sauf dérogations.

Deux ans plus tard, au mépris des textes prévoyant que sur des questions bioéthiques l’évolution de la législation devait être précédée d’états généraux, le gouvernement de l’époque a institué un régime d’autorisation. Aujourd’hui, on va passer de l’autorisation à un simple système de déclaration. Autrement dit, chaque révision des lois de bioéthique donne lieu à un moins-disant éthique.

M. Patrick Hetzel. Mon amendement n° 407, qui est un amendement de repli par rapport à l’amendement n° 406, propose d’en revenir à l’article L. 2157-5 du code de la santé publique tel qu’il a été adopté en 2007.

Le bilan de la législation en la matière montre une dérive vers une chosification de l’embryon humain. Or on peut s’interroger sur la légitimité de certaines recherches. On nous a fait miroiter beaucoup de choses. La relecture des débats depuis 1994 fait apparaître un profond décalage entre les promesses de la communauté scientifique et la réalité. Elle souhaite être le moins entravée possible, en France comme à l’échelle internationale. Notre rôle de législateur est de trouver le bon équilibre.

M. Xavier Breton. Effectivement, il faut mettre en perspective l’évolution de notre législation en matière de recherche sur l’embryon avec les résultats obtenus. Or force est de constater qu’ils ne sont pas au rendez-vous. C’est pourquoi l’amendement n° 323 propose qu’une évaluation soit faite, dressant un bilan de quinze ans de recherche. Le seul essai clinique qui avait été initié en France a été arrêté, son pilote ayant pris depuis une autre voie de recherche dont il dit lui-même qu’elle peut indifféremment être menée avec des cellules souches embryonnaires ou des cellules souches alternatives dites IPS. Dans le monde, il n’y a pas de traitement de thérapie cellulaire à base de cellules souches embryonnaires mis sur le marché pour soigner un ensemble de patients atteints d’une même pathologie. En trente ans, seulement trois essais cliniques de phase 1 ont abouti. On peut vraiment s’interroger sur ces évolutions législatives, alors même qu’il n’y a aucun résultat concret en matière de recherche.

M. Patrick Hetzel. Depuis deux décennies, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques n’a pas dressé un bilan de ce qui a été fait en matière de recherches sur l’embryon et sur les cellules souches en France. Comme l’a dit M. Breton, on ne sait pas quels ont été les résultats des travaux annoncés par la communauté scientifique. Il n’y a aujourd’hui que des travaux très partiels et épars et pas de travaux de synthèse sur cette question. Il est paradoxal de légiférer alors que nous ne disposons pas des éléments en amont permettant de prendre les décisions qui s’imposent.

M. Thibault Bazin. L’amendement n° 1309 est défendu.

M. Philippe Berta, rapporteur. La recherche en biologie a besoin de temps long. Si l’on n’a pas compris cela pendant la phase pandémique, on ne le comprendra jamais. C’est un combat que nous avons aussi vis-à-vis de nos autorités administratives.

Je le répète une fois encore, les embryons utilisés à des fins de recherche sont ceux qui ne font plus l’objet d’un projet parental et qui étaient destinés à la destruction. Ils seront détruits après avoir intégré une activité de recherche préalable. Je précise que cela concerne une très faible fraction des embryons qui sont destinés à la destruction.

Par ailleurs, c’est être déconnecté de la réalité que de dire que les biothérapies, les thérapies cellulaires et les thérapies géniques n’avancent pas. Je rappelle que ces thérapies cellulaires donnent enfin de vraies options possibles – je pense notamment aux cancers à travers les CAR-T cells (pour « lymphocytes T porteurs d’un récepteur chimérique »). Heureusement, les choses avancent, mais cela prend bien sûr du temps. Nous souhaiterions tous pouvoir être soignés plus rapidement.

Le projet de loi permet avant tout de mettre en cohérence le droit existant en matière de recherche sur l’embryon et sur les cellules souches embryonnaires. J’ai entendu le mot de permissivité : si vous saviez à quel point ce n’est pas le cas ! L’ensemble des professionnels, qu’ils fassent de la thérapie cellulaire, qu’ils travaillent sur les cellules souches embryonnaires ou sur les embryons, sont soumis à des contraintes administratives que vous n’imaginez pas et à des contrôles récurrents qu’ils admettent et avec lesquels ils vivent.

Il me semble avoir déjà expliqué l’utilité et l’importance cruciale de l’utilisation de ces différents matériels pour la recherche. Lors de nos précédents échanges, nous avons eu l’occasion de revenir sur de multiples exemples de résultats déjà obtenus et de tout ce que nous pouvons espérer obtenir dans ces champs d’investigation que représentent les recherches sur les embryons et les cellules souches embryonnaires.

S’agissant des amendements identiques n° 204, n° 324 et n° 406, vous mentionnez encore une fois dans votre rédaction « lorsque l’homme et la femme qui forment le couple », ce qui est en contradiction totale avec le début du texte que notre commission a adopté. Cela suffit à prouver le caractère inopérant de votre rédaction globale dans l’économie générale du présent projet de loi.

En ce qui concerne les amendements identiques n° 205, 325 et 407, il me semble utile de rappeler que tout l’intérêt de l’article 14 est justement de différencier les statuts juridiques des recherches portant sur les embryons de celles portant sur des cellules souches embryonnaires puisque les enjeux éthiques ne sont nullement identiques.

Enfin, s’agissant des amendements identiques n° 323 et n° 405, et de l’amendement n° 1309 qui va dans le même sens, suspendre les recherches reviendrait à pénaliser la recherche française dans un domaine pourtant hautement stratégique. Je plaide pour que nous soyons convaincus du caractère stratégique des aspects santé qui sont de l’ordre de notre souveraineté, comme nous le montre tous les jours l’expérience du covid-19, et fondamentaux du point de vue des progrès médicaux.

Avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.

(Mme Monique Limon remplace Mme Agnès Firmin Le Bodo à la présidence.)

Mme Agnès Thill. Monsieur le rapporteur, vous dites que la nature d’un être et le respect qu’on lui doit ne dépendent pas du projet d’autrui sur cet être et que tous les embryons à l’origine font l’objet d’un projet parental puisqu’on ne peut concevoir des embryons que dans le cadre d’une PMA, et que les embryons surnuméraires étaient destinés à la destruction. Votre distinction suppose que l’embryon mériterait d’abord un respect en raison du projet parental dont il est l’objet, puis qu’il ne le mériterait plus puisque le projet parental aurait disparu, enfin qu’il le mériterait à nouveau s’il était accueilli par un autre couple. Cet impact donné au projet parental n’est pas tenable puisqu’il est à double tranchant. L’embryon est le plus petit individu humain, le plus vulnérable, et il n’existe pas seulement en fonction du projet ou de l’absence de projet le concernant. Le rôle du législateur est de faire respecter tout le monde, que l’embryon soit destiné à un projet ou non, à commencer par le plus faible, qui dépend totalement des autres et qui est donc plus vulnérable.

Je vous remercie pour la réponse que vous pourrez me donner par rapport à ce projet parental.

M. Didier Martin. Il y a plus de 200 000 embryons congelés. Moins de 20 000 ont été destinés à la recherche et 3 000 seulement ont été utilisés.

La recherche sur l’embryon est indispensable. La ministre Agnès Buzyn nous l’a expliqué ici même s’agissant de la recherche sur les cancers pédiatriques, ou sur l’efficacité des techniques sur la fécondité. Le bien-fondé de la recherche est donc tout à fait évident. Le régime de l’autorisation pour faire de la recherche sur les embryons et celui de la déclaration pour faire de la recherche sur les cellules souches embryonnaires fixent un cadre juridique protecteur. Ce débat passionnant ne date pas d’hier. Il remonte non pas à deux décennies mais à vingt-cinq siècles, depuis Galien jusqu’au grand acte transgressif de Vésale au XVIe siècle qui a été le premier à disséquer le corps humain. La démarche scientifique va à son rythme, avec ses méthodes et ses moyens. Nous ne pouvons pas l’entraver en limitant cette recherche nécessaire.

M. Jean-François Eliaou. À l’origine, il y a dans tous les cas de figure destruction de l’embryon, de ce groupe de cellules – je n’aime pas le mot « amas », plus péjoratif – pour en faire des lignées cellulaires. Comme il est extrêmement long et compliqué de faire des lignées cellulaires, la tendance est le plus souvent d’utiliser des lignées de cellules souches embryonnaires. On devrait tous se féliciter que l’on sanctuarise la recherche sur l’embryon, qui nécessitera une autorisation tandis qu’une déclaration suffira pour les lignées embryonnaires. Dans un laboratoire, on travaille d’ailleurs la plupart du temps sur des lignées cellulaires et non l’embryon, dont l’utilisation est très difficile.

M. Philippe Berta, rapporteur. L’embryon est utilisé pour générer assez régulièrement, mais parfois sur des temps très longs, de nouvelles lignées de cellules souches, parce que les cultures cellulaires évoluent et perdent leurs caractéristiques. Le scientifique doit pouvoir être certain, à tout moment, de travailler sur des cellules qui ont encore cette caractéristique de cellule souche embryonnaire puisque c’est son matériel d’étude. Je précise une fois encore que ce sont des embryons pour lesquels il n’y a plus de projet parental, qu’ils ne seront pas congelés indéfiniment et qu’ils sont destinés à la destruction.

M. Thibault Bazin. Monsieur le rapporteur, ce que vous décrivez n’apparaît pas dans le texte. Ne faudrait-il pas l’amender pour que cela soit bien clair ?

Il n’y a pas, d’un côté, ceux qui sont contre la recherche, et de l’autre ceux qui y sont favorables. Nous devons réfléchir aux conditions les plus éthiques en fonction de l’évolution des connaissances et des techniques, et peu importe qu’il y ait ou non un projet parental. Des lignées de cellules souches embryonnaires existent déjà ; il faut les privilégier dans la mesure du possible.

La question que pose ce texte, c’est la différenciation réglementaire et législative entre les embryons et les cellules souches embryonnaires humaines. Aujourd’hui, la recherche est possible ; elle est soumise à autorisation à la fois pour les embryons et les cellules souches embryonnaires humaines. En passant à un régime de déclaration pour la recherche sur ces dernières, on a le sentiment, vu de l’extérieur, d’une sorte de facilitation. Or il existe à Bordeaux une entreprise qui développe des recherches sur les cellules IPS. J’ai l’impression que ce qu’on permet dans le texte en ce qui concerne les IPS sur les gamètes, c’est justement ce qu’il ne faudrait pas faire. Je ne comprends pas les stratégies des différents pays, ni celles d’entreprises qui viennent en France et qui développent des lignées d’IPS. Ont-ils raison ou tort ? Nous avons une stratégie. Mais qui a raison ? Qu’est-ce qui est le plus éthique ?

Mme Monique Limon, présidente. Il serait bon de s’en tenir à des interventions d’une minute, sachant que la question des IPS sera abordée à l’article 15.

Mme Michèle de Vaucouleurs. La crise mondiale qui sévit nous montre qu’il est nécessaire d’assurer notre souveraineté. Ce projet de loi vise à simplifier les choses, non à les déréguler. On continue à encadrer, à procéder par autorisation lorsque c’est nécessaire. Je n’ai pas le sentiment que nos chercheurs qui travaillent sur les cellules souches ou les embryons font les zouaves. Ils ont besoin de ce temps long. Il ne s’agit pas ici de révolutionner les choses, seulement d’encadrer et d’accorder la souplesse nécessaire pour assurer notre souveraineté.

M. Guillaume Chiche. Les débats sur l’encadrement des travaux de recherche concernant les embryons et les cellules souches sont passionnants mais sensibles. Je suis atterrée par vos propos, madame Thill. Vous considérez l’embryon comme le plus petit être humain qui soit. Ce n’est pas vrai. En disant cela, vous mettez en porte-à-faux les femmes qui recourent à une interruption volontaire de grossesse, vous laissez penser qu’elles mettent fin à une vie, ce qui n’est pas du tout le cas. Après la crise épidémique difficile que nous venons de traverser, au cours de laquelle l’accès à l’IVG a été très compliqué, il est dangereux de revenir sur la définition de l’embryon en le qualifiant de plus petit être humain qui soit. Vous êtes la seule à le présenter de la sorte ; c’est une dérive proprement obscurantiste qui n’élève jamais le débat.

Mme Emmanuelle Ménard. J’ai dû m’absenter quelques instants pour me rendre dans l’hémicycle afin de voter un amendement sur les chambres de commerce et d’industrie, ce qui m’a empêché de défendre un amendement prévoyant un moratoire d’au moins un an en matière de recherche sur l’embryon.

Vous établissez une distinction entre les embryons selon qu’ils font, ou non, l’objet d’un projet parental. Or cette approche me gêne beaucoup : elle n’est pas liée à l’embryon en tant que tel, mais à la destination qu’on lui applique. Quoi qu’on en dise, la destination naturelle de l’embryon est de devenir un enfant. Or on se place une fois de plus du côté de la volonté de l’adulte et du projet qu’on lui fait porter. L’embryon en lui-même a une existence propre.

M. Marc Delatte. Il est important de rappeler l’avis 129 du Comité consultatif national d’éthique qui propose de ne plus soumettre la recherche sur l’embryon et celle sur les lignées de cellules souches embryonnaires au même régime juridique puisque les enjeux éthiques associés à ces deux types de recherche s’avèrent très différents. Il considère qu’il est légitime de ne pas soumettre les cellules souches embryonnaires humaines au régime juridique de l’autorisation mais à une simple déclaration quand l’embryon reste soumis à autorisation dans le cadre de l’Agence de la biomédecine.

Il est important enfin de rappeler les trois prérequis sur l’autorisation des recherches : la pertinence scientifique et la qualité de l’équipe, la finalité médicale et l’absence d’alternative, et ce dans l’esprit de la convention d’Oviedo sur les interdits éthiques.

La commission rejette successivement les amendements identiques n° 204, 324 et 406, les amendements identiques n° 205, 325 et 407, les amendements identiques n° 323 et 405, et lamendement n° 1309.

Puis elle examine les amendements identiques n° 326 de M. Xavier Breton, n° 408 de M. Patrick Hetzel, n° 805 de M. Thibault Bazin et n° 1084 de Mme Emmanuelle Ménard.

M. Xavier Breton. Minimiser le nombre d’embryons, comme le font le rapporteur ou M. Martin, montre que des questions éthiques se posent. Or j’ai l’impression qu’il n’y en a pas pour mon collègue Chiche. On ne peut pas dire que l’IVG, ce n’est pas mettre fin à une vie. La question est de savoir de quelle vie il s’agit. En l’absence de réponse claire et définitive pour savoir si l’embryon est ou non une personne humaine, ayons au moins une attitude prudente et considérons l’embryon comme une personne humaine de telle sorte que le respect qui lui est dû ne dépende pas de la volonté d’autrui. En disant cela, certes on ne résout pas la question de la définition de l’embryon, mais on s’accorde pour dire qu’il y a une interrogation éthique sur l’embryon. Les options radicales empêchent le débat et le questionnement éthique que nous devons partager sur ce sujet si sensible.

M. Patrick Hetzel. Lorsque nous cherchons à maintenir un certain nombre de garde-fous, nous nous opposerions à la communauté des chercheurs ! Universitaire, je suis très attaché à la recherche mais elle doit être encadrée et c’est le rôle du législateur de le faire.

Vous mentionnez des avancées en matière de thérapies cellulaires, monsieur le rapporteur, mais d’autres pays ont fait des choix différents des nôtres en travaillant sur les cellules IPS. Libéraliser les règles, cela revient à privilégier une orientation, en l’occurrence les travaux sur les cellules souches embryonnaires, en risquant de laisser de côté la voie des IPS, qui a pourtant donné des résultats comme l’attestent les travaux prometteurs d’une start-up bordelaise. Il ne faut pas avoir une vision unilatérale des choses, bien au contraire.

M. Thibault Bazin. Les premiers alinéas de l’article 14 reprennent quasiment mot pour mot un certain nombre d’éléments que le Gouvernement avait introduits au dernier moment dans un article additionnel à la loi de modernisation du système de santé de 2016, alors que ce texte ne traitait absolument pas de questions bioéthiques. Vous vous inscrivez donc dans la continuité de la majorité socialiste, laquelle avait supprimé dans la loi du 6 août 2013 des conditions de la recherche sur l’embryon qui comportaient pourtant deux garanties : ne pas porter atteinte à ce dernier et une recherche menée à son bénéfice. Pour éviter les dérives, ne devrait-on pas revenir au régime de la loi de 2011 et supprimer les réformes votées en dehors des lois bioéthiques ?

Mme Emmanuelle Ménard. Selon M. Chiche, défendre l’embryon reviendrait à remettre en cause l’IVG ; or, c’est le contraire, la loi sur l’IVG étant une loi d’exception. L’article L. 2211-1 du code de la santé publique dispose : « Comme il est dit à l’article 16 du code civil ci-après reproduit : “La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie”. » Selon l’article suivant, « Il ne saurait être porté atteinte au principe mentionné à l’article L. 2211-1 qu’en cas de nécessité et selon les conditions définies par le présent titre. » Les positions défendues par Mme Thill sont sans cesse attaquées mais il faut revenir à la raison et à la vérité de la loi.

Mon amendement n°1084 vise à supprimer l’alinéa 1, qui soulève beaucoup de questions auxquelles on ne répond pas. Des recherches « pourront être réalisées sur un embryon (…) avant ou après son transfert » mais conduiront-elles à une sélection des embryons implantés et sur quels critères ? Des embryons seront-ils détruits ou pourraient-ils être abîmés avant leur implantation ou après leur transfert ? La modification de gamètes ou d’embryons créera-t-elle des embryons génétiquement modifiés ?

M. Philippe Berta, rapporteur. Les biologistes n’ont jamais eu besoin de qui que ce soit pour s’imposer eux-mêmes des moratoires – je renvoie à la conférence d’Asilomar sur les premières données en biologie moléculaire : tout a été arrêté pendant un an avant que les études ne reprennent. Ne vous inquiétez pas : nous avons affaire à une communauté particulièrement responsable – en tout cas dans les régimes démocratiques.

La création d’une cellule IPS consiste à prendre n’importe quelle cellule et à lui injecter quatre gènes – Sox2, Oct3/4, KLF4 et c-MYC – afin qu’elle revienne à l’état souche. Nous souhaitons tous ardemment que ce soit la solution, or, tel n’est pas encore le cas pour différentes raisons, en particulier parce que le gêne c-MYC est oncogène. Il y a donc un risque que l’injection de ces cellules à un patient favorise le développement d’une tumeur. C’est pourquoi des recherches parallèles sont menées sur les cellules souches embryonnaires. Elles restent nécessaires tant que nous n’aurons pas acquis la certitude scientifique que les premières pourront se substituer aux secondes.

Je répète qu’il n’a jamais été question de créer des embryons pour la recherche. Il me semble que vous confondez deux types d’embryons : l’embryon « à visée PMA », qui fera l’objet d’un diagnostic préimplantatoire dès lors que les parents sont porteurs d’une pathologie génétique comme, par exemple, la mucoviscidose, afin de réimplanter un embryon sain, et la recherche sur de très rares embryons surnuméraires. Il n’a jamais été envisagé de procéder à une modification génétique de gamètes ou d’embryons à réimplanter.

Je rappelle que le paragraphe I de l’article 14 a été voté dans les mêmes termes par l’Assemblée nationale et par le Sénat. Il permet de clarifier le régime juridique des recherches portant sur les gamètes destinées à constituer un embryon ou sur un embryon destiné à naître en les identifiant au sein d’un nouvel article du code de la santé publique, car la loi de 2016 était très ambiguë.

Il existe donc bien deux régimes juridiques distincts : les recherches portant sur les embryons à naître, impliquant la personne humaine, et celles portant sur les embryons surnuméraires, destinés à la destruction. Il fallait séparer ces deux régimes et c’est précisément ce que fait le texte.

Avis défavorable.

M. Guillaume Chiche. Je suis d’accord avec vous, monsieur Hetzel, des questions éthiques se posent et je ne veux pas opposer science et convictions.

Madame Ménard, vous avez jugé bon de prendre la défense de notre collègue Thill mais ce n’est pas la personne que j’attaque : ce sont les propos. M. Xavier Breton considère également que l’embryon est une personne humaine ou porteuse de vie humaine, or, ce genre de propos insinue que les femmes recourant à l’IVG mettraient fin à une vie humaine, ce qui est inacceptable.

La commission rejette les amendements 326, 408, 805 et 1084.

Elle examine les amendements identiques  327 de M. Xavier Breton, n° 409 de M. Patrick Hetzel et n° 806 de M. Thibault Bazin.

M. Xavier Breton. Je n’ai jamais dit, monsieur Chiche, que l’embryon était une personne humaine mais que la question se pose. Dans le doute, j’en appelle à ce qu’il soit considéré comme tel. En revanche, les femmes qui avortent mettent bien un terme, oui, à une vie humaine, dont il reste à savoir en effet si elle constitue ou non une personne. L’article 16 du code civil garantit d’ailleurs le respect de l’être humain « dès le commencement de la vie » et la seule vocation de l’embryon est bien de devenir une personne humaine.

Un autre principe existe aussi, celui de la liberté de la femme. Ce sont ces deux principes qu’il convient de concilier et c’est précisément ce à quoi visent nos débats, à la fois passionnants et douloureux.

M. Patrick Hetzel. La Convention internationale des droits de l’enfant ne pose aucun seuil à partir duquel définir l’enfance. Plus précisément, rien n’indique que l’enfance commencerait à partir de la naissance. Son Préambule dispose qu’« en raison de son manque de maturité physique et intellectuelle, [l’enfant] a besoin d’une protection spéciale… ». Lors de sa ratification, la France a précisé : « Le Gouvernement de la République déclare que la présente Convention, notamment l’article 6, ne saurait être interprétée justement comme faisant obstacle à l’application des dispositions de la législation française relative à l’interruption volontaire de grossesse. » Selon la cour d’appel de Lyon, cette réserve démontre a contrario que « ladite Convention est susceptible de concerner le fœtus ». Nous sommes donc bien dans un droit d’exception, même si personne ne le remet en cause. Pour un certain nombre de pays, la vie ne commence pas avec la naissance. C’est aussi une réalité juridique.

M. Thibault Bazin. Monsieur le rapporteur, ce n’est pas parce que le Sénat n’est pas revenu sur ce paragraphe I que c’est de bonne politique. Il me semble d’ailleurs que nous essaierons ensemble de modifier les alinéas 6, 10, 18 et 19 pour supprimer des dispositions sénatoriales risquées. En tout cas, il faut distinguer recherche observationnelle et recherche interventionnelle.

L’amendement n° 806 est défendu.

M. Philippe Berta, rapporteur. Nous ne nous comprenons pas : de tels embryons ne font pas l’objet de recherches. Les rares embryons surnuméraires qui en font l’objet n’ont aucune vocation à être réimplantés pas plus qu’à être créés pour la recherche. En l’occurrence, c’est de diagnostic qu’il s’agit, afin de rechercher des pathologies génétiques existantes dans le couple concerné.

Mme Emmanuelle Ménard. Je rejoins M. Bazin à propos de la recherche observationnelle mais je voudrais m’assurer que les embryons qui font l’objet de recherches et d’études ne sont jamais réimplantés et sont détruits.

M. Philippe Berta, rapporteur. En effet.

La commission rejette les amendements  327, n° 409 et n° 806.

Elle examine lamendement  807 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Par l’amendement n° 807, je propose que les recherches sur l’embryon humain destiné à être implanté dans le cadre d’une AMP soient observationnelles et non interventionnelles.

M. Philippe Berta, rapporteur. Dans la majorité des cas d’AMP, votre amendement est satisfait puisque la recherche est purement observationnelle sur les embryons à réimplanter.

En revanche, chaque année, deux cents ou trois cents couples souhaitant avoir des enfants sont porteurs d’une mutation génétique et l’embryon risque de développer une pathologie. Dans ces cas-là, nous sommes dans le domaine de l’interventionnel puisque l’une de ses cellules est prélevée – ce qui n’emporte aucune conséquence pour lui – et l’on vérifie la présence ou non, par exemple, d’une mucoviscidose.

La commission rejette lamendement 807.

(La réunion, suspendue à douze heures, est reprise à douze heures dix.)

Suivant lavis défavorable du rapporteur, la commission rejette lamendement  808 de M. Thibault Bazin.

Elle examine lamendement  1291 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Il précise que les recherches « sont menées au bénéfice » de l’embryon.

M. Philippe Berta, rapporteur. Avis défavorable, cet amendement étant satisfait.

La commission rejette lamendement  1291.

Elle examine lamendement  809 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Le régime de recherches biomédicales adopté par la loi du 26 janvier 2016 était non interventionnel et observationnel. Il a ainsi donné une base légale à un décret du 11 février 2015 cantonnant ce régime aux recherches observationnelles. Le Conseil constitutionnel, saisi de ces recherches biomédicales en AMP, les avait validées. Comment vous situez-vous par rapport à son jugement ?

M. Philippe Berta, rapporteur. Votre amendement renvoie au 3° de l’article L. 11211 du code de la santé publique définissant dans le cadre de la recherche impliquant la personne humaine – la fameuse RIPH – les recherches non interventionnelles comme celles ne comportant aucun risque ni contrainte, dans lesquelles tous les actes sont pratiqués et les produits utilisés de manière habituelle.

La problématique est donc la même que celle de votre amendement n° 807 visant à restreindre les recherches sur l’embryon à l’observationnel. Ceci n’est pas souhaitable tant pour l’avenir de la recherche sur les embryons, dont c’est la finalité, que pour celui de la médecine pour les embryons destinés à la PMA. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement  809.

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques n° 337 de M. Xavier Breton et n° 418 de M. Patrick Hetzel, ainsi que les amendements identiques n° 300 de M. Xavier Breton et n° 383 de M. Patrick Hetzel.

M. Xavier Breton. Je me permets de défendre à la fois les amendements n° 337 et n° 300.

Le premier vise, après l’alinéa 1, à insérer l’alinéa suivant : « La création de gamètes à partir de cellules souches embryonnaires ou à partir de la dérivation de cellules somatiques est interdite. » Le second dispose que : « La création de gamètes à partir de cellules souches embryonnaires humaines ou à partir de la dérivation de cellules somatiques est interdite. »

Nous savons en effet qu’il serait possible de fabriquer des gamètes de manière artificielle, in vitro. Or, la recherche sur les cellules souches n’est pas exempte d’interrogations éthiques lorsqu’il s’agit de les différencier en gamètes. L’article 16-4 du code civil dispose que « Nul ne peut porter atteinte à l’intégrité de l’espèce humaine » et l’article 16-2 : « Le juge peut prescrire toutes mesures propres à empêcher ou faire cesser une atteinte illicite au corps humain ou des agissements illicites portant sur des éléments ou des produits de celui-ci, y compris après la mort. »

M. Patrick Hetzel. Les différentes techniques rendent possibles un certain nombre de choses et il convient donc de repréciser certains éléments pour éviter de potentielles dérives. Il s’agit de ne pas franchir une ligne rouge éthique. Tel est le sens des amendements n° 418 et n° 383.

M. Philippe Berta, rapporteur. Dans le texte issu du Sénat, l’alinéa 27 prévoit que les protocoles de recherche sur les cellules souches embryonnaires peuvent avoir pour objet la différenciation des cellules souches embryonnaires en gamètes. Ce type de protocole fait d’ailleurs l’objet d’un régime spécifique de déclaration auprès de l’Agence de la biomédecine. La mise en place de ce régime est au cœur de l’équilibre proposé par l’article 14, avec quoi vos amendements n° 337 et n° 418 entrent en contradiction.

Il en est de même pour les cellules souches pluripotentes induites – les fameuses IPS – pour lesquelles vos amendements n° 300 et n° 383 visent à exclure le protocole impliquant la différenciation de ces cellules en gamètes.

Sur le fond, vos amendements soulèvent un problème pour les recherches portant sur la gamétogénèse et nuiraient à la compréhension des mécanismes responsables de l’infertilité. Il importe aussi bien, pour la médecine, de comprendre comment se différencient un ovule et un spermatozoïde. Il ne convient pas en effet d’interdire la possibilité de mener in vitro les principales étapes de la spermatogénèse et de l’ovogénèse alors qu’environ un couple sur dix rencontre des problèmes d’infertilité dans notre pays. Vous me comprendrez, puisque notre objectif commun est bien de comprendre les bases de la fertilité et de l’infertilité afin que n’ayons plus à discuter de procréation médicalement assistée dans les années à venir.

Toutefois, cela soulève des questions éthiques. Que ce soit pour les cellules souches embryonnaires ou les cellules IPS, la différenciation en gamètes fait l’objet d’un régime d’encadrement spécifique avec déclaration obligatoire à l’Agence de la biomédecine, à quoi s’ajoute un système de contrôle, notamment à travers l’avis public du conseil d’orientation de l’Agence.

Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements identiques n° 337 et 418, puis les amendements identiques n° 300 et 383.

Elle examine les amendements identiques  338 de M. Xavier Breton et n° 419 de M. Patrick Hetzel.

M. Xavier Breton. Au regard des enjeux de ces recherches – modification de gamètes destinés à devenir un embryon ou d’un embryon destiné à être implanté – qui pourraient aller, dans quelques années, jusqu’à la naissance de bébés génétiquement modifiés par la technique de la FIV à trois parents ou de CRISPR-Cas9, la France est en droit de savoir quels travaux ont été menés sur les gamètes ou les embryons depuis trois ans.

Nous proposons qu’une mission d’information soit constituée afin de faire un état des lieux et des recherches qui ont été menées depuis 2016 en application du V de l’article L. 21515 du code de la santé publique. Les recherches biomédicales menées dans le cadre de l’AMP seraient suspendues.

M. Patrick Hetzel. Nous constatons les possibles dérives d’une utilisation de la technologie CRISPR-Cas9, comme en atteste un article du généticien Gaëtan Burgio, de l’université de Canberra, paru dans la revue Nature le 25 juin dernier, évoquant un « chaos chromosomique ». Nous devons être plus que jamais précautionneux sur ces questions car c’est l’évolution du patrimoine génétique de l’humanité qui est en jeu.

M. Philippe Berta, rapporteur. Je vais tenter de réfuter cette figure du scientifique apprenti sorcier.

Les recherches sur les embryons destinés à être implantés sont totalement encadrées en France. Le nouvel article L. 2141-3-1 précise qu’aucune intervention ayant pour objet de modifier le génome des gamètes ou de l’embryon ne peut être entreprise. Il n’a jamais été et il ne sera jamais question de faire des enfants génétiquement modifiés. Ne marchons pas sur la tête ! Avis défavorable.

La commission rejette les amendements  338 et 419.

Elle examine lamendement  1088 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Nous sommes dans notre rôle de législateur, monsieur le rapporteur, en proposant un encadrement législatif. La bioéthique est un sujet suffisamment sérieux pour que nous nous dotions de quelques garde-fous et garanties. Il ne me paraît pas utile de montrer du doigt certains députés qui, peut-être, seraient plus précautionneux que d’autres.

Je souhaite que l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) donne une autorisation expresse « et motivée ». En effet, les recherches menées dans le cadre de l’AMP peuvent concerner des embryons qui ne font plus l’objet de projets parentaux. Or, cette forme la plus jeune de l’être humain peut être destinée à en devenir un à part entière et il convient donc de se montrer particulièrement précautionneux.

M. Philippe Berta, rapporteur. Je suis très fier de mon pays, à l’origine d’un Comité consultatif national d’éthique qui a servi de modèle. J’ai moi-même été membre d’un comité consultatif de protection des personnes et je partage vos préoccupations éthiques.

En l’occurrence, la précision que vous proposez est superflue et s’appliquerait aux recherches effectuées dans le cadre d’une PMA ainsi qu’à celles visées dans le premier alinéa de l’article L. 1125-3 du code de la santé publique. Avis défavorable.

Mme Agnès Thill. Je viens d’entendre des propos sur la création par des apprentis sorciers de bébés génétiquement modifiés et M. le rapporteur rappeler la loi française en assurant que cela n’existera jamais chez nous. Méfions-nous de cet adverbe ! Des politiques, des scientifiques ont dit « Jamais ! » il y a quelques mois ou quelques années. J’ai aussi entendu : « Cela se fait dans d’autres pays, d’autres pays ont légiféré », ou « Jamais la PMA, jamais la GPA » ! Je vous invite à faire preuve de beaucoup plus de prudence. Tout est vrai jusqu’à ce que le contraire soit démontré !

La commission rejette lamendement  1088.

La commission est saisie des amendements identiques n° 347 de M. Xavier Breton et n° 428 de M. Patrick Hetzel.

M. Xavier Breton. La suppression par le Sénat des mots : « impliquant la personne humaine » dans le second alinéa de l’article L. 1125-3 du code de la santé publique crée une ambiguïté. En effet, les recherches menées sur l’embryon pourraient ainsi échapper au cadre plus protecteur des recherches impliquant la personne humaine. C’est pourquoi nous proposons de supprimer l’alinéa 3.

M. Patrick Hetzel. Monsieur le rapporteur, vous avez raison d’affirmer que la loi française interdit de concevoir des bébés génétiquement modifiés. Pourtant, en 2016, l’Agence de la biomédecine a autorisé, par exemple, un protocole de recherche du professeur Julie Steffann consistant à expérimenter une « FIV à trois parents ». Certes, le processus ne sera pas mené à son terme. Mais on s’aperçoit que tout dépend, en fait, de l’interprétation que l’Agence de la biomédecine fait de la loi et des autorisations qu’elle accorde ou non. C’est une question que nous ne pouvons pas écarter, car notre rôle de législateur est de poser des garde-fous.

M. Philippe Berta, rapporteur. Comme je ne voudrais pas que M. Hetzel effraie tout le monde avec la FIV à trois parents, je vais vous expliquer en quoi cela consiste. Cette recherche porte, en fait, sur une pathologie génétique qui affecte les petites machines respiratoires de nos cellules, appelées mitochondries. Il arrive en effet que le génome de ces mitochondries subisse des mutations – c’est, hélas, très fréquent – qui peuvent être à l’origine de pathologies très graves. Le protocole en question consiste donc à prélever les mitochondries malades de l’ovocyte – car ce sont celles de la mère qui seront transmises à l’enfant –, à les remplacer par des mitochondries saines, puis à réaliser une fécondation in vitro. Voilà en quoi consistait cette expérimentation qui a, du reste, me semble-t-il, réussi. Cette technique, qui n’est malheureusement pas passée dans la pratique, permettrait de remédier à des centaines de pathologies très lourdes.

J’en viens à l’objet des amendements en discussion. L’alinéa 3 est issu d’un amendement de la rapporteure au Sénat. Il est vrai que, dès les travaux de la mission d’information sur la révision de la loi relative à la bioéthique, nous avions perçu un certain malaise provoqué par l’emploi des mots « impliquant la personne humaine » pour désigner des études qui portent, non pas sur une personne humaine, mais sur un embryon, qui relève d’un statut ad hoc. Il me semble donc que la démarche de notre collègue sénatrice est la bonne et que cet alinéa doit être maintenu.

Je tiens toutefois à rassurer les auteurs de ces amendements : il s’agit là d’un enjeu de terminologie. Au plan purement juridique, ces recherches s’inscrivent bien dans les conditions qui sont fixées par le titre II du livre Ier de la première partie de la partie législative du code de la santé publique. C’est d’ailleurs dans cette même optique que le présent projet de loi prévoit d’identifier clairement les recherches portant sur les embryons destinés à être implantés dans la même partie du code de la santé publique.

Je demande donc le retrait de ces amendements ; sinon, jy serai défavorable.

M. Thibault Bazin. Il est toujours intéressant d’examiner la manière dont peuvent se conjuguer les différentes dispositions d’un projet de loi, en l’espèce l’extension de l’accès à l’AMP aux couples de femmes et l’apparition de nouvelles techniques telles que la FIV à trois parents. Certes, nous avons vu que, pour la majorité, l’extension de l’accès à l’AMP impliquait la disparition du lien biologique, mais il ne faudrait pas qu’un couple de femmes puisse être tenté de recourir à ces techniques afin que chacune apporte quelque chose à l’enfant à naître. Pourriez-vous me rassurer sur ce point, monsieur le rapporteur ? La barrière éthique permet-elle bien d’éviter ce type de manipulations inutiles au plan médical ?

Mme Coralie Dubost. Monsieur Bazin, n’ayez pas peur de l’extension de l’accès à la PMA aux couples de femmes. Dans ses explications, le rapporteur a bien montré que ces recherches ont pour objectif d’éviter la transmission de pathologies graves et qu’elles sont donc menées dans l’intérêt de l’enfant. Cessons de mélanger les genres !

M. Thibault Bazin. Nous sommes d’accord ! (Sourires.)

Mme Coralie Dubost. Je savais que cela vous ferait sourire… Le chapitre de la PMA est clos. Il faut se féliciter que la science et la médecine permettent de tels progrès.

La commission rejette les amendements  347 et n° 428.

(Mme Agnès Firmin Le Bodo remplace Mme Monique Limon à la présidence.)

La commission examine lamendement n° 1086 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Cet amendement a trait à lorganisation du texte. Lalinéa 4 de larticle 14 vise à placer la recherche sur lembryon dans le titre IV du code de la santé publique, relatif à lAMP. Ce choix obéit à une certaine logique dans la mesure où cette recherche devrait avoir pour seule finalité daméliorer laide médicale à la procréation. Néanmoins, il soulève un problème éthique et juridique, car la protection des embryons et des gamètes relève du titre V du même code, intitulé : « Recherche sur lembryon et les cellules-souches embryonnaires ». Il me semble donc nécessaire de conserver la rédaction en vigueur.

Suivant lavis défavorable du rapporteur, la commission rejette lamendement 1086.

Elle est ensuite saisie des amendements identiques n° 1505 du rapporteur, n° 442 de M. Xavier Breton, n° 458 de M. Patrick Hetzel, n° 1092 de Mme Emmanuelle Ménard et n° 1293 de M. Thibault Bazin.

M. Philippe Berta, rapporteur. Il s’agit de supprimer l’alinéa 6. En effet, la modification apportée par le Sénat, qui porte sur le premier alinéa de l’article L. 2151-2, vise à prévoir explicitement l’interdiction de la conception in vitro d’un embryon humain par fusion de gamètes. Or, cette précision législative revient à autoriser la création de « modèles embryonnaires à usage scientifique » et, partant, à franchir l’interdiction de toute conception d’embryons à des fins de recherches. Il est donc proposé de s’en tenir à l’interdiction en vigueur, qui concerne tous les embryons, quel que soit leur mode de conception.

M. Patrick Hetzel. Notre analyse est identique à celle du rapporteur : il convient de supprimer l’alinéa 6 afin de maintenir un véritable garde-fou.

Mme Emmanuelle Ménard. L’alinéa 6 autoriserait la création d’embryons à des fins de recherche alors qu’elle n’est actuellement autorisée que dans le cadre de l’AMP. Cette disposition contrevient ainsi à l’article 18 de la convention d’Oviedo, qui stipule que « la constitution d’embryons humains aux fins de recherche est interdite ».

M. Thibault Bazin. Une fois n’est pas coutume, le Sénat est ici, non pas réactionnaire, mais extrêmement permissif. Mais il n’est pas possible d’accepter la création de modèles embryonnaires à des fins de recherche. C’est pourquoi il faut supprimer l’alinéa 6. Je me réjouis, monsieur le rapporteur, que vous souhaitiez maintenir cette interdiction. Mais, par cohérence, il faudra supprimer l’alinéa 27 de l’article 14 et l’alinéa 6 de l’article 15, qui contreviennent également à la convention d’Oviedo – nous y reviendrons.

La commission adopte les amendements identiques n° 1505, n° 442, n° 458, n° 1092 et n° 1293.

En conséquence, lamendement n° 1296 de M. Thibault Bazin tombe.

La commission examine lamendement n° 1299 de M. Thibault Bazin.

M. Philippe Berta, rapporteur. À l’instar des amendements n° 337 et suivants, sur la forme, cet amendement est contradictoire avec le texte et, sur le fond, il ne peut que nuire à la recherche et aux espoirs de progrès thérapeutiques. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement  1299.

Puis, suivant lavis défavorable du rapporteur, elle rejette lamendement n° 1300 de M. Thibault Bazin.

La commission est saisie des amendements identiques n° 531 de M. Xavier Breton et n° 533 de M. Patrick Hetzel.

M. Xavier Breton. Il s’agit d’amendements très importants. Actuellement, l’article L. 2151-2, alinéa 2, du code de la santé publique interdit la création d’embryons chimériques. Toutefois, il n’interdit pas explicitement l’introduction dans des embryons humains existants de cellules animales, et réciproquement. Or, ce flou juridique permet que soient désormais menées des recherches comme l’insertion de cellules souches pluripotentes induites (IPS) humaines dans des embryons animaux pour obtenir des organes humains développés à partir de cellules souches pluripotentes humaines chez l’animal. Certaines d’entre elles donnent lieu à un transfert d’embryon chez une femelle. Il n’y a pas eu, à ce jour, de naissance d’animaux chimères mais, sans l’intervention du législateur, ce pas sera rapidement franchi. Nous devons opposer un non ferme à ces tentations de la recherche.

M. Patrick Hetzel. Que des travaux soient menés sur des animaux afin de sécuriser les recherches avant de les étendre à l’humain, on le comprend. Mais lorsqu’on franchit la barrière des espèces, dans un sens ou dans l’autre, en développant des chimères, l’on entre dans une logique très différente. La loi de bioéthique doit établir des garde-fous pour éviter ce type d’évolution.

M. Philippe Berta, rapporteur. Je comprends que vous ayez déposé ces amendements à l’article 14, l’article 17 ayant été supprimé par le Sénat. Mais nous aurons cette discussion lorsque nous examinerons cet article. J’émets donc, pour l’instant, un avis défavorable.

La commission rejette les amendements n° 531 et n° 533.

Puis elle en vient à lexamen, en discussion commune, de lamendement n° 1303 de M. Thibault Bazin et des amendements identiques n° 329 de M. Xavier Breton, n° 411 de M. Patrick Hetzel et n° 1098 de Mme Emmanuelle Ménard.

M. Xavier Breton. Nous proposons de substituer aux alinéas 8 à 19 l’alinéa suivant : « Art. L. 2151-5. – La recherche entraînant la destruction de l’embryon humain, des cellules souches embryonnaires et des lignées de cellules souches sont interdites. »

M. Patrick Hetzel. En matière de bioéthique, la valeur centrale est le respect de la dignité humaine et de la vie. Ainsi, certains principes doivent être clairement énoncés dans la loi. Tel est l’objet de l’amendement n° 411.

Mme Emmanuelle Ménard. L’article 14 maintient les dispositions de la proposition de loi adoptée en 2013 qui visaient à élargir les conditions d’autorisation de la recherche sur l’embryon humain. Or, il me semble que considérer celui-ci comme un matériel de laboratoire ne marque pas forcément un progrès de la civilisation. Nous pourrions, en la matière, nous inspirer du modèle en vigueur dans les pays qui interdisent les recherches sur l’embryon.

M. Philippe Berta, rapporteur. Nous avons eu cette discussion au début de l’examen de l’article 14. Je rappelle que les scientifiques sont tout à fait conscients de ce qu’ils font ; ils savent qu’ils utilisent un matériel humain et respectent donc tous les principes éthiques qui s’attachent à cette utilisation. Avis défavorable.

La commission rejette successivement lamendement n° 1303 et les amendements identiques n° 329, n° 411 et n° 1098.

Puis, suivant lavis défavorable du rapporteur, elle rejette successivement les amendements n° 921 de Mme Annie Genevard, n° 207 et n° 208 de M. Thibault Bazin, n° 1094 de Mme Emmanuelle Ménard et les amendements identiques n° 209 de M. Thibault Bazin, n° 330 de M. Xavier Breton et n° 412 de M. Patrick Hetzel.

La commission en vient ensuite à lexamen des amendements identiques n° 331 de M. Xavier Breton et n° 413 de M. Patrick Hetzel.

M. Xavier Breton. Nous proposons de préciser que l’Agence de la biomédecine vérifie, préalablement à toute recherche sur l’embryon humain, la réalisation d’une expérimentation sur l’animal concluante. Dans la pratique, ce prérequis de l’expérimentation a toujours été respecté, mais il n’a jamais été inscrit dans la loi. Pour des raisons éthiques et de clarté juridique, il semble nécessaire de l’y inscrire.

M. Philippe Berta, rapporteur. Ces amendements sont satisfaits, dans la mesure où cette vérification découle bien du critère selon lequel, en l’état des connaissances scientifiques, la recherche ne peut être menée sans recourir à des embryons humains. Avis défavorable.

M. Patrick Hetzel. Le critère évoqué par M. le rapporteur ne s’applique pas de manière automatique puisqu’il arrive, dans certains cas, que l’on mène directement des recherches sur l’humain avant toute expérimentation sur l’animal.

La commission rejette les amendements n° 331 et n° 413.

Puis elle examine, en discussion commune, deux séries de trois amendements identiques : les amendements n° 211 de M. Thibault Bazin, n° 333 de M. Xavier Breton et n° 415 de M. Patrick Hetzel, et les amendements n° 210 de M. Thibault Bazin, n° 334 de M. Xavier Breton et n° 416 de M. Patrick Hetzel.

M. Thibault Bazin. Il s’agit de préciser que les recherches sur l’embryon humain doivent être « susceptibles de permettre des progrès médicaux majeurs identifiés ou identifiables », et non avoir simplement une finalité médicale.

M. Patrick Hetzel. Les chercheurs défendent leurs travaux, et c’est tout à fait légitime. Mais il importe que ces derniers s’inscrivent dans la perspective d’un saut qualitatif de la recherche.

M. Philippe Berta, rapporteur. La substitution du critère médical au critère thérapeutique semble avoir été motivée par la volonté de lever les blocages constatés lors de la soumission de projets très fondamentaux, dont on ne peut évidemment pas anticiper l’applicabilité, c’est-à-dire la transformation en un outil thérapeutique. À cet égard, les deux rédactions proposées – « progrès médicaux majeurs identifiés ou identifiables » ou « progrès thérapeutiques majeurs » – soulèvent des difficultés, car on ne peut établir d’emblée que des progrès médicaux ou thérapeutiques sont possibles. De fait, l’évaluation de tels progrès et de leur importance au regard des autres progrès médicaux ou thérapeutiques ne peut se faire qu’après la recherche. Les rédactions proposées pour ce critère sont donc trop restrictives et difficilement applicables. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements identiques n° 211, n° 333 et n° 415 et les amendements identiques n° 210, n° 334 et n° 416.

Elle est ensuite saisie des amendements identiques n° 1095 de Mme Emmanuelle Ménard, n° 1301 de M. Thibault Bazin et n° 1506 du rapporteur.

Mme Emmanuelle Ménard. Alors que la recherche sur l’embryon comporte de nombreux enjeux éthiques, il est incompréhensible d’élargir encore les conditions dans lesquelles cette recherche est autorisée en ajoutant à la « finalité médicale » un objectif d’amélioration de « la connaissance de la biologie humaine ». Cette terminologie est tellement large et floue qu’elle ouvrirait la porte à des autorisations de plus en plus libérales qui n’ont pas lieu d’être au regard de l’éthique.

M. Thibault Bazin. Là encore, le Sénat abaisse les exigences éthiques. Or, la recherche française aura, dans le monde d’après, qui reste à construire, d’autant plus de valeur qu’elle sera mieux-disante en matière d’éthique. C’est pourquoi je vous propose également de supprimer, à la fin de l’alinéa 10, les mots : « ou vise à améliorer la connaissance de la biologie humaine ». Comment accepter, en effet, qu’un protocole de recherche sur un embryon humain puisse être autorisé à cette seule fin ?

M. Philippe Berta, rapporteur. Le texte adopté par le Sénat modifie les critères qui doivent être respectés par les protocoles de recherche portant sur les embryons. Actuellement, ces recherches, qui sont soumises à autorisation, doivent notamment comporter une finalité médicale. Le Sénat a ajouté que cette finalité pouvait être également « l’amélioration de la connaissance de la biologie humaine ». Or, cette expression un peu surannée ne renvoie à aucune des matières que nous enseignons. Surtout, une telle précision n’est pas nécessaire pour favoriser la recherche fondamentale puisque des travaux peuvent d’ores et déjà être conduits depuis l’adoption, en 2013, du critère de la « finalité médicale ».

La commission adopte les amendements n° 1095, n° 1301 et n° 1506.

Puis, suivant lavis défavorable du rapporteur, elle rejette les amendements identiques n° 266 de M. Thibault Bazin et n° 345 de M. Xavier Breton.

La commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements n° 332 de M. Xavier Breton et n° 212 de M. Thibault Bazin.

M. Xavier Breton. La prudence fait défaut à l’article 14, puisque celui-ci élargit à l’extrême les conditions devant être réunies pour mener des recherches sur l’embryon humain. Or, en application du principe de précaution, il convient d’encadrer strictement l’autorisation et la réalisation de telles recherches, afin de prévenir toute dérive éthique. Aussi proposons-nous de compléter l’alinéa 10 par les mots : « et répond à un impératif thérapeutique absolu pour lequel aucune solution alternative n’est connue ».

M. Philippe Berta, rapporteur. L’impératif thérapeutique est un critère inopérant. Quant à l’absence d’alternative, elle est déjà prévue par le texte. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements n° 332 et n° 212.

Puis elle est saisie des amendements identiques n° 213 de M. Thibault Bazin et n° 336 de M. Xavier Breton.

M. Thibault Bazin. La formulation de l’alinéa 11 est trop floue ; elle n’encadre pas aussi strictement que nécessaire la recherche sur l’embryon humain. C’est pourquoi nous proposons d’ajouter la mention : « il est expressément établi », qui modifie la charge de la preuve. Ainsi, les scientifiques auraient à justifier le bien-fondé de leurs travaux.

M. Philippe Berta, rapporteur. Je rappelle que l’absence de méthode alternative constitue bien une condition de l’autorisation des recherches sur l’embryon. Même si cette expression n’est plus expressément utilisée, il s’agit bien de démontrer qu’en l’état des connaissances scientifiques, la recherche ne peut être menée sans recourir à des embryons ou à des cellules souches embryonnaires. Sur ce fondement, sont donc privilégiées les recherches sur les animaux ou leurs embryons avant les études sur l’être humain, même au stade potentiel attaché à l’embryon. Ainsi, ces amendements sont donc déjà satisfaits. Qui plus est, la rédaction actuelle me paraît plus pertinente. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements n° 213 et n° 336.

Elle en vient à lamendement n° 214 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Il s’agit en quelque sorte d’un amendement rédactionnel puisque nous proposons, à l’alinéa 11, de substituer aux mots : « cette recherche ne peut être menée » les mots : « il est impossible de mener cette recherche ». La notion d’impossibilité renvoie en effet automatiquement aux recherches alternatives, ce qui doit être l’esprit du texte.

Suivant lavis défavorable du rapporteur, la commission rejette lamendement n° 214.

Puis elle est saisie des amendements identiques n° 1507 du rapporteur et n° 1097 de Mme Emmanuelle Ménard.

M. Philippe Berta, rapporteur. Le texte adopté par le Sénat modifie les critères qui doivent être respectés par les protocoles de recherche portant sur les embryons. Il tend ainsi à préciser le troisième critère, relatif à la démonstration de l’absence de méthodologie alternative au recours aux embryons humains. Selon l’exposé sommaire de l’amendement adopté par le Sénat, la « méthode alternative au recours aux embryons n’est recevable que s’il est démontré qu’elle présente une pertinence scientifique comparable avec l’embryon humain ». Une telle évolution ne sécurise pas davantage les protocoles de recherche. Il est donc proposé de s’en tenir au droit actuel, dont la rédaction, plus générale, ne lie pas l’évaluation opérée par l’Agence de la biomédecine à la pertinence scientifique.

Mme Emmanuelle Ménard. La recherche comprend forcément un certain nombre d’inconnues. Dès lors, comment peut-on juger, avant sa réalisation, si sa pertinence scientifique est comparable à celle d’une autre recherche ? Il faudrait en passer par un certain nombre de suppositions. Mais, compte tenu des enjeux éthiques soulevés par la recherche sur embryon, cette insertion ne me paraît pas souhaitable.

M. Thibault Bazin. J’avoue avoir du mal à mesurer l’impact de la modification proposée par le rapporteur et Mme Ménard : va-t-elle renforcer ou, au contraire, affaiblir l’exigence éthique ?

M. Philippe Berta, rapporteur. Mentionner la « pertinence scientifique comparable » me semble fragiliser les protocoles de recherche puisque les critères reposeraient non plus seulement sur l’existence, ou l’absence, d’une méthode alternative, mais sur une appréciation comparée, qui est parfaitement subjective.

La commission adopte les amendements n° 1507 et n° 1097.

Suivant lavis défavorable du rapporteur, elle rejette lamendement n° 922 de Mme Annie Genevard.

Puis elle examine lamendement n° 848 de M. Hervé Saulignac.

Mme Marie-Noëlle Battistel. La référence aux articles 16 à 16-8 du code civil, qui portent sur les recherches sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires, induit une confusion sur le statut de l’embryon. Celui-ci n’est pas une personne. Il convient donc de supprimer ces références, ce qui n’aurait aucune conséquence sur le respect des principes éthiques de ces recherches.

M. Philippe Berta, rapporteur. Je comprends bien vos intentions ; c’est d’ailleurs dans la même logique que j’ai souhaité conserver le troisième alinéa de l’article 14, qui tend à supprimer les mots « impliquant la personne humaine » s’agissant des recherches menées sur embryon dans le cadre d’une AMP. Toutefois, la suppression de cette référence aux articles du code civil ne me semble pas opportune, y compris, d’un point de vue pratique, pour les chercheurs. Mieux vaut disposer d’une liste d’articles et de principes clairs plutôt que des notions floues. C’est pourquoi je vous demande de retirer votre amendement ; sinon, j’émettrai un avis défavorable.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Je ne comprends pas très bien vos arguments. Vous vous dites conscient des difficultés liées à cette confusion, mais vous ne proposez pas d’y mettre fin.

M. Philippe Berta, rapporteur. L’embryon n’est pas une personne humaine et les enjeux éthiques sont bien différents. C’est dans cet esprit que le projet de loi a plus clairement distingué les recherches sur les embryons destinés à naître et celles sur les embryons destinés à être détruits. Ainsi les recherches sur les embryons ne sont pas définies dans le même cadre que les recherches impliquant la personne humaine.

Cela n’empêche toutefois pas que ces recherches soient liées aux articles du code civil auxquels vous faites allusion. Certains articles sont même directement liés aux problématiques des recherches sur l’embryon, comme l’article 16-4, qui dispose : « Nul ne peut porter atteinte à l’intégrité de l’espèce humaine. Toute pratique eugénique tendant à l’organisation de la sélection des personnes est interdite. Est interdite toute intervention ayant pour but de faire naître un enfant génétiquement identique à une autre personne vivante ou décédée. Sans préjudice des recherches tendant à la prévention et au traitement des maladies génétiques, aucune transformation ne peut être apportée aux caractères génétiques dans le but de modifier la descendance de la personne. »

La commission rejette lamendement  848.

Réunion du jeudi 2 juillet 2020 à 14 heures 30 ([120])

Article 14 (suite)
Différenciation des régimes juridiques dautorisation sappliquant à lembryon et aux cellules souches embryonnaires

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Nous reprenons nos travaux avec l’amendement n° 1100 de Mme Emmanuelle Ménard à l’article 14.

La commission est saisie de lamendement n° 1100 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. L’article L. 2141-8 du code de la santé publique dispose : « Un embryon humain ne peut être conçu ni utilisé à des fins commerciales ou industrielles. » Il me paraît bon de le rappeler à l’alinéa 12 de l’article 14, qui réécrit l’article L. 2151-5 du même code, lequel précise les modalités d’autorisation de la recherche sur l’embryon.

M. Philippe Berta, rapporteur. L’article L. 2141-8, auquel vous vous référez, fait partie des dispositions relatives à l’AMP, alors que l’article L. 2151-5 vise les recherches sur les embryons qui, justement, ne sont pas destinés à naître. Les enjeux ne sont donc pas les mêmes. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement n° 1100.

Suivant lavis défavorable du rapporteur, elle rejette successivement les amendements n° 217 et n° 216 de M. Thibault Bazin et les amendements identiques n° 218 de M. Thibault Bazin, n° 662 de M. Xavier Breton et n° 715 de M. Patrick Hetzel.

La commission est saisie des amendements identiques n° 215 de M. Thibault Bazin, n° 663 de M. Xavier Breton, n° 714 de M. Patrick Hetzel et n° 1102 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. L’amendement n° 1102 a pour objet d’insérer, après l’alinéa 12, un alinéa ainsi libellé : « La recherche envisagée ne présente aucun risque pour l’intégrité physique de l’embryon humain. »

M. Philippe Berta, rapporteur. En ajoutant ce critère, on interdirait toute recherche sur l’embryon. En effet, il est mis fin au développement de l’embryon dans les quatorze jours suivant sa constitution. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements n° 215, n° 663, n° 714 et n° 1102.

Elle examine, en discussion commune, les amendements n° 1106 de Mme Emmanuelle Ménard et n° 219 de M. Thibault Bazin, ainsi que les amendements identiques n° 220 de M. Thibault Bazin, n° 339 de M. Xavier Breton et n° 420 de M. Patrick Hetzel.

Mme Emmanuelle Ménard. Dans la même philosophie, je propose une nouvelle rédaction de l’alinéa 13 : « L’embryon possède en lui-même sa dignité propre et est protégé de la même manière que les personnes ». Un projet parental ne doit pas conditionner la dignité de l’embryon : comme je l’expliquais ce matin, celui-ci possède une dignité propre. Ce n’est pas le projet parental qui crée le sujet ou qui en fait un objet.

M. Thibault Bazin. L’alinéa 13 me semble effectivement devoir être réécrit : il faut préciser que le fait que l’embryon humain fasse ou non l’objet d’un projet parental ne conditionne pas le respect dû à sa dignité et à son intégrité physique. C’est une question de considération éthique, qui ne doit pas dépendre d’un projet.

L’amendement n° 220 vise quant à lui à maintenir et à faire respecter le consentement libre et éclairé du couple géniteur, notion qui fait partie de nos principes éthiques et se trouve consacrée par les articles 16 à 16-8 du code civil. Chaque protocole de recherche sur l’embryon ou sur les cellules souches embryonnaires doit le respecter.

M. Xavier Breton. J’ajoute que le Conseil constitutionnel, dans une décision du 1er août 2013, a considéré que figurent notamment au nombre des principes éthiques visés à l’article L. 2151-5 du code de la santé publique celui en vertu duquel la recherche « ne peut être menée qu’à partir d’embryons conçus in vitro dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation et qui ne font plus l’objet d’un projet parental », et après qu’a été obtenu « le consentement écrit préalable », mais aussi libre et éclairé du couple géniteur dont est issu l’embryon.

M. Patrick Hetzel. Nous proposons en effet une nouvelle rédaction de l’alinéa 13 car, tel qu’il est rédigé, il prévoit de supprimer le consentement exprès écrit et préalable du couple géniteur, ainsi que l’information qui doit lui être fournie. Autrement dit, il vise à supprimer l’obligation pour l’Agence de la biomédecine de vérifier que le couple géniteur a effectivement consenti à ce que son embryon soit donné à la recherche et qu’il a été dûment informé des autres possibilités qui s’offraient à lui – en l’occurrence l’arrêt de la conservation ou le don à un autre couple. Nous souhaitons que ce formalisme soit maintenu.

M. Philippe Berta, rapporteur. S’agissant de l’amendement n° 1106 de Mme Ménard, je rappelle que les embryons ne sont pas dotés de la personnalité morale, mais qu’ils n’en sont pas moins appréhendés comme des personnes humaines potentielles, à qui le respect est dû.

En ce qui concerne l’amendement n° 219 de M. Bazin, l’intention est satisfaite par la rédaction de l’alinéa 11, qui formule les principes éthiques applicables à l’embryon et les finalités interdites. Quant à l’intégrité physique à laquelle il est fait référence, elle est incompatible avec le fait que l’arrêt du développement est fixé au quatorzième jour.

S’agissant des amendements identiques, le contrôle exercé par l’Agence de la biomédecine est déjà prévu par le II de la nouvelle rédaction de l’article L. 2151-5. Par ailleurs, nous aurons l’occasion de discuter de nouveau des enjeux de consentement à l’article 16.

Avis défavorable sur tous ces amendements.

La commission rejette successivement les amendements n° 1106 et n° 219, ainsi que les amendements identiques n° 220, n° 339 et n° 420.

Elle est saisie de lamendement n° 1104 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Un embryon conçu in vitro dans le cadre d’une AMP est la forme la plus jeune d’un enfant à naître, qu’il y ait pour lui un projet parental ou non. Or, avec cet article, l’embryon est donné à la recherche dès que les parents n’ont plus de projet parental pour lui. Cela crée de facto une inégalité et même une discrimination entre les embryons : ils changent de statut selon qu’il y a ou non un projet parental. Cela ne me paraît pas souhaitable.

M. Philippe Berta, rapporteur. Nous avons déjà eu ce débat. Je rappelle que l’embryon n’est pas donné dès qu’il n’y a plus de projet parental : le don est bien sûr soumis au consentement des parents. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement n° 1104.

Elle est saisie de lamendement n° 1108 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il s’agit d’un amendement de précision : le fait de proposer un embryon à la recherche doit faire l’objet d’une acceptation de la part des deux membres du couple.

M. Philippe Berta, rapporteur. La demande est satisfaite par l’article 16, qui réécrit globalement l’article L. 2141-4 du code de la santé publique.

La commission rejette lamendement n° 1108.

Elle est saisie des amendements identiques n° 665 de M. Xavier Breton et n° 717 de M. Patrick Hetzel.

M. Xavier Breton. Il s’agit de protéger la liberté de choix des individus au sein du couple et d’éviter que l’un de ses membres ne s’exprime à la place de l’autre si, par exemple, celui-ci est absent ou indécis. Nous proposons donc de compléter l’alinéa 13 par la phrase suivante : « Aucune autorisation ne peut être donnée si l’un des deux membres du couple ne donne pas son consentement exprès. »

M. Patrick Hetzel. Une fois encore, nous sommes attachés à un certain formalisme permettant d’éviter toute ambiguïté, sur des sujets extrêmement sensibles.

M. Philippe Berta, rapporteur. Ces amendements me semblent satisfaits par l’article 16. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements n° 665 et n° 717.

Elle est saisie des amendements identiques n° 221 de M. Thibault Bazin, n° 664 de M. Xavier Breton et n° 716 de M. Patrick Hetzel.

M. Thibault Bazin. Il s’agit de préciser que les membres du couple « sont informés de la nature des recherches projetées afin de leur permettre de donner un consentement libre et éclairé ».

M. Philippe Berta, rapporteur. La fin du projet parental modifie la destination de l’embryon ; celle-ci concerne non plus les couples, le membre survivant ou la femme seule, mais le chercheur. Or il peut s’écouler un long moment entre le don de l’embryon à la recherche et le début des travaux – étant entendu, par ailleurs, comme nous l’avons précisé ce matin, que la quasi-totalité des embryons ne fera jamais l’objet d’une recherche. Dans ces conditions, il est difficile de donner des indications quant à la nature des recherches et de recontacter les personnes. Qui plus est, la rédaction proposée est inopérante, car elle ne prévoit pas le cas de figure que j’évoquais à l’instant, et qui est majoritaire, à savoir celui où les embryons ne font l’objet d’aucune recherche. Avis défavorable sur ces trois amendements.

La commission rejette les amendements n° 221, n° 664 et n° 716.

Elle examine lamendement n° 1110 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. J’ai déjà avancé l’idée tout à l’heure : il me paraîtrait intéressant que la décision de l’Agence de la biomédecine, en plus de l’avis de son conseil d’orientation, soit motivée. Il convient de démontrer la pertinence de la recherche envisagée sur l’embryon.

M. Philippe Berta, rapporteur. Le contrôle est déjà extrêmement poussé. Il faut faire un peu confiance à l’Agence de la biomédecine. Outre le fait qu’elle doit vérifier que les critères fixés à l’article L. 2151-5 sont respectés, elle s’assure de la faisabilité du protocole et de la pérennité de l’organisme et de l’équipe de recherche. Elle prend en considération les titres, diplômes, expérience et travaux scientifiques du responsable de la recherche et de tous les membres de l’équipe. Elle tient compte également des locaux, des matériels, des équipements ainsi que des procédés et techniques mis en œuvre par le demandeur. Enfin, elle évalue les moyens et dispositifs garantissant la sécurité, la qualité et la traçabilité des embryons et des cellules souches embryonnaires. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement n° 1110.

Elle examine, en discussion commune, les amendements identiques n° 222 de M. Thibault Bazin, n° 666 de M. Xavier Breton et n° 718 de M. Patrick Hetzel, ainsi que lamendement n° 1137 de Mme Emmanuelle Ménard.

M. Thibault Bazin. En cas de violation de la loi, l’autorisation de recherche doit être annulée immédiatement, et non pas seulement suspendue.

M. Xavier Breton. Il est important de s’assurer que la volonté de respecter les principes éthiques est suffisamment forte, et, en cas de violation, il faut sanctionner. Or l’alinéa 17 est ainsi rédigé : « En cas de violation des prescriptions législatives et réglementaires ou de celles fixées par l’autorisation, l’agence suspend l’autorisation de la recherche ou la retire. » Nous vous proposons de prévoir non pas la simple suspension, mais bien le retrait sans délai de l’autorisation de recherche.

M. Patrick Hetzel. Ces amendements rejoignent une discussion que nous avons déjà entamée ce matin. Le projet de loi prévoit de rendre possible un certain nombre de travaux de recherche par déclaration et non plus par autorisation, ce qui revient à opérer un glissement. Par ailleurs, lorsqu’une équipe de recherche transgresse un certain nombre de règles, il faut prévoir des dispositions dissuasives : les violations doivent avoir des incidences sur l’équipe. À cet égard, la suspension des travaux n’est pas suffisante : il faut retirer l’autorisation. En effet, si tel n’est pas le cas, le parallélisme est rompu : quand on libéralise d’un côté, il faut, de l’autre, poser des garde-fous.

Mme Emmanuelle Ménard. L’amendement n° 1137 vise lui aussi à poser un garde-fou, à fournir une garantie supplémentaire dans cette matière si sensible qu’est la bioéthique. Si l’Agence de la biomédecine découvre des violations de prescriptions législatives ou réglementaires ou de celles qui sont fixées par l’autorisation, elle doit immédiatement retirer l’autorisation de recherche.

M. Philippe Berta, rapporteur. De mémoire, nous avions déjà eu cette discussion en première lecture. Vous envisagez de ne conserver que le retrait de l’autorisation : la suspension serait supprimée. Or celle-ci peut s’avérer nécessaire, en particulier si l’on veut diligenter de façon sérieuse des inspections et vérifier le respect du droit tout en garantissant le principe de l’examen contradictoire. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements identiques n° 222, n° 666 et n° 718, puis lamendement n° 1137.

Elle est saisie de lamendement n° 1142 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. L’Agence de la biomédecine autorise et encadre les recherches sur l’embryon. Elle peut effectuer des inspections auprès de laboratoires pour vérifier que ces recherches respectent le cadre légal. Ces inspections doivent pouvoir être sollicitées par tout organisme qui suspecte des comportements illégaux.

M. Philippe Berta, rapporteur. Cela reviendrait à légaliser une certaine forme de délation. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement n° 1142.

Elle est saisie de lamendement n° 1317 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Depuis que la France a rendu possible la recherche sur les embryons, il est d’usage de ne pas les conserver au-delà du septième jour de leur développement. Jusqu’à très récemment, cette limite correspondait à la faisabilité technique. En 2016, deux équipes, l’une aux États-Unis, l’autre au Royaume-Uni, ont réussi à maintenir en vie des embryons jusqu’à leur quatorzième jour de développement. C’est donc techniquement possible. La question que nous devons nous poser est la suivante : est-ce acceptable sur le plan éthique ? Les équipes que j’évoquais n’étaient pas tenues de respecter la convention d’Oviedo, contrairement aux chercheurs installés en France, car notre pays a ratifié le texte en 2011, à travers la dernière loi de bioéthique. Certains scientifiques étrangers proposent déjà d’opter pour une extension jusqu’au vingt-huitième jour. Or, si l’on en croit les spécialistes, la limite de quatorze jours correspond à un événement majeur du développement embryonnaire, à savoir la gastrulation, qui marque l’apparition des premières ébauches du système nerveux central. Au dix-septième jour, le système cardiaque s’ébauche. Il nous paraît essentiel de maintenir la limite actuelle. Or l’alinéa 18 autorise la conservation des embryons in vitro jusqu’au vingt et unième jour après leur constitution. Le Sénat a un peu dérivé, sur le plan éthique, en abaissant cette barrière ; d’ailleurs, M. le rapporteur lui-même défendra un amendement visant à revenir sur la mesure, preuve que l’alinéa pose problème.

M. Philippe Berta, rapporteur. Nous avons l’intention d’autoriser la culture jusqu’au quatorzième jour, alors que le Sénat propose d’aller jusqu’au vingt et unième. Le quatorzième jour marque effectivement la fin de la gastrulation, qui va conduire à l’apparition des feuillets – l’ectoderme, l’endoderme et le mésoderme. On est donc très loin de la mise en place de quelque organe que ce soit. Par ailleurs, en supprimant la première phrase de l’alinéa 18, vous briseriez un interdit : quand des recherches ont eu lieu sur un embryon conçu in vitro, il ne peut être transféré à des fins de gestation. Les recherches sur l’embryon in utero relèvent du régime des recherches impliquant la personne humaine. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement n° 1317.

Elle adopte lamendement rédactionnel n° 1509 du rapporteur.

Elle est saisie des amendements identiques n° 267 de M. Thibault Bazin, n° 344 de M. Xavier Breton et n° 425 de M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. À l’occasion de la défense de l’amendement n° 425, je voudrais revenir sur un autre sujet. Du fait de la règle de l’entonnoir, certains de nos amendements ont été déclarés irrecevables. C’est le cas notamment de ceux qui visaient à modifier des éléments concernant l’utérus artificiel, question sur laquelle le professeur Testart insiste régulièrement : selon lui, il est extrêmement dangereux d’aller dans cette direction. L’un de nos amendements avait donc pour objet de préciser que l’expérimentation d’un utérus artificiel devait être interdite. Il serait bon que cela figure explicitement dans la loi, même si je me souviens, monsieur le rapporteur, que vous nous avez dit, en première lecture, que vous ne saviez pas ce qu’était un utérus artificiel, que le concept n’était pas définitivement formalisé. Certains professionnels semblent pourtant savoir de quoi il s’agit.

M. Philippe Berta, rapporteur. Le « professeur » Testart n’est que docteur, monsieur Hetzel : il faut rendre à César ce qui est à César.

S’agissant des raisons pour lesquelles nous voulons passer à quatorze jours, je ne m’y attarde pas : nous avons considéré que cette limite constituait un point d’équilibre, correspondant à la mise en place des trois feuillets, mais pas plus. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements n° 267, n° 344 et n° 425.

Elle examine, en discussion commune, les amendements identiques n° 223 de M. Thibault Bazin et n° 1146 de Mme Emmanuelle Ménard, ainsi que lamendement n° 849 de M. Hervé Saulignac.

M. Thibault Bazin. Je ne sais plus qui est docteur et qui est professeur. Peu importe, d’ailleurs : nous sommes tous des concitoyens qui recherchent ce qui est souhaitable pour le monde de demain.

Jusqu’à présent, notre législation avait fixé la limite à sept jours ; dans le projet de loi, vous passez à quatorze. J’imagine qu’entre les deux, il se passe des choses. En quoi ces choses modifient-elles la considération éthique qui avait poussé à fixer la limite à sept jours ? Est-ce parce que la technique permet de conserver en vie l’embryon in vitro jusqu’à quatorze jours qu’on veut permettre la recherche jusqu’à ce stade, ou bien parce qu’on estime que ce qui se passe entre sept et quatorze jours n’emporte aucune considération éthique ?

Mme Emmanuelle Ménard. L’amendement n° 1146 va dans le même sens que ce que disaient Thibault Bazin et Patrick Hetzel – lequel est lui aussi docteur, mais pas en médecine…

M. Philippe Berta, rapporteur. La différence entre « docteur » et « professeur » est importante s’agissant de la fécondation in vitro : je n’ai pas dit cela par hasard !

Mme Emmanuelle Ménard. La limite de sept jours, on l’a rappelé, correspond à la fin du stade préimplantatoire, c’est-à-dire le moment où l’embryon acquiert la capacité à s’implanter dans l’utérus. L’article 14 autorise la manipulation sur l’embryon humain jusqu’au quatorzième jour après la fécondation. Si on avait fixé la limite à sept jours, ce n’était pas de façon hasardeuse ou innocente : elle semble correspondre, dans l’esprit des scientifiques qui se sont penchés sur le sujet, à une sorte d’autonomie de l’embryon. L’allongement de la durée de culture des embryons in vitro, quant à lui, paraît fondé – vous me direz si je me trompe – sur la seule faisabilité technique : depuis peu, les scientifiques savent conserver l’embryon in vitro en vie jusqu’à son quatorzième jour de développement. Aucune considération éthique n’entre en ligne de compte. En l’absence de cette garantie éthique – qui me semble pourtant, dans une loi de bioéthique, être le minimum –, la limite des quatorze jours doit être supprimée : il faut en rester à sept jours.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Je ne comprends pas pourquoi notre amendement n° 849 est situé à cette place : il arrive dans la discussion en amont de l’amendement n° 1508 de M. le rapporteur, qui vise à supprimer l’allongement du délai prévu par le Sénat, alors que nous voulions, au contraire, conforter la proposition des sénateurs, voire revenir sur la suppression envisagée.

M. Philippe Berta, rapporteur. Pour tout dire, cela m’arrange bien. (Sourires.) On voit bien à quel point la durée de quatorze jours est une position d’équilibre entre sept jours et vingt et un jours. Il est désormais possible de créer des milieux de culture permettant de pousser le développement embryonnaire bien au-delà même du vingt et unième jour. Le quatorzième jour est un moment clé où, après morula et gastrula, on en arrive à la différenciation des trois feuillets, qui vont donner le système nerveux, les muscles et le cœur, l’épiderme, etc. Ce sont des moments clés qu’il faut réussir à comprendre, en particulier autour des questions liées aux tératomes – dans le domaine de la cancérologie. Je considère que quatorze jours sont suffisants ; c’est d’ores et déjà une avancée. Avis défavorable.

M. Xavier Breton. Je voudrais simplement rebondir sur le terme que vient d’employer M. le rapporteur. La connotation du mot « avancée » est évidente : on voit bien qu’il s’agit d’un pas, qui en appellera d’autres, dans la direction de ce qui serait le « progrès » – sept jours, puis quatorze ; un jour ce sera vingt et un, voire plus.

La commission rejette successivement les amendements n° 223 et n° 1146, ainsi que lamendement n° 849.

Elle est saisie des amendements identiques n° 1508 du rapporteur, n° 224 de M. Thibault Bazin, n° 340 de M. Xavier Breton, n° 421 de M. Patrick Hetzel, n° 1149 de Mme Emmanuelle Ménard et n° 1310 de M. Marc Delatte.

M. Philippe Berta, rapporteur. L’amendement n° 1508 vise à supprimer l’avant-dernière phase de l’alinéa 18, afin d’en revenir à la durée de quatorze jours, au lieu des vingt et un jours prévus par le Sénat.

M. Patrick Hetzel. Nous allons donc en revenir à la rédaction initiale ; c’est une bonne chose. En revanche, monsieur le rapporteur, vous avez dit que la durée de quatorze jours constituait une avancée. L’enjeu du débat et de la réflexion est de savoir pour qui et à quelle fin. Ce qui me trouble beaucoup, c’est que les revendications concernant l’augmentation de la durée du développement de l’embryon sont directement liées à l’amélioration des techniques de la procréation médicalement assistée. Entre le sixième jour et le septième jour après la fécondation, intervient ce qu’on appelle l’implantation de l’embryon dans l’endomètre. Étant donné le taux d’échec important des fécondations in vitro, toute l’industrie, tout le business de la procréation a un intérêt à l’allongement du délai. Je voudrais vous alerter sur le fait que la question présente deux faces : l’une est celle de la recherche, dont on nous indique que la finalité est thérapeutique ; l’autre, dont on parle un peu moins, est celle du monde économique, où un certain nombre de personnes essaient de faire du profit. Il convient donc de se demander qui pousse vraiment à ce que l’on passe de sept à quatorze jours. En l’occurrence, je note que ce ne sont pas uniquement des chercheurs : un certain nombre d’intérêts économiques très importants sont également en jeu.

M. Marc Delatte. Je partage l’avis du rapporteur, car il est unanimement reconnu que le quatorzième jour est une limite à ne pas dépasser, puisqu’il correspond au stade de la gastrulation. Il n’en demeure pas moins que, même au quatorzième jour, la tâche des chercheurs est délicate car, entre la fécondation et ce moment, l’embryon en est vraiment à ses tout premiers stades.

La commission adopte les amendements n° 1508, n° 224, n° 340, n° 421, n° 1149 et n° 1310.

Elle est saisie des amendements identiques n° 668 de M. Xavier Breton et n° 720 de M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Il s’agit d’insérer, après l’alinéa 8, un alinéa ainsi libellé : « À titre exceptionnel, des études sur les embryons humains visant notamment à développer les soins au bénéfice de l’embryon et à améliorer les techniques d’assistance médicale à la procréation ne portant pas atteinte à l’embryon humain peuvent être conduites avant et après leur transfert à des fins de gestation si le couple y consent, dans les conditions fixées au IV. » L’objectif est de placer cette disposition à un autre endroit du code de la santé publique.

M. Philippe Berta, rapporteur. Avis défavorable : ces amendements sont déjà satisfaits par le premier alinéa du présent article.

La commission rejette les amendements n° 668 et n° 720.

Elle examine, en discussion commune, les amendements n° 1510 du rapporteur et n° 920 de Mme Annie Genevard.

M. Philippe Berta, rapporteur. L’amendement n° 1510 vise à participer à la compréhension des causes de l’infertilité – lesquelles, je le rappelais ce matin, sont très nombreuses. Pour ce faire, je propose de rétablir la rédaction adoptée par notre assemblée en première lecture. Celle-ci précise que les recherches conduites sur les embryons ont aussi comme objectif de comprendre et d’étudier les causes de l’infertilité.

M. Thibault Bazin. J’ai cosigné l’amendement n° 920 avec Annie Genevard, qui ne peut être parmi nous car elle préside la séance publique en ce moment même ; elle vous prie de bien vouloir l’excuser.

Je suis un peu étonné : ces deux amendements font l’objet d’une discussion commune alors qu’ils ne disent pas du tout la même chose. Nous sommes tous favorables, me semble-t-il, à ce que des recherches aient lieu sur l’infertilité, qui a des causes environnementales, comportementales, mais aussi médicales. Toutefois, la fin ne justifie pas les moyens. Peut-être faudrait-il donc préciser que l’on souhaite que des recherches soient menées sur les causes d’infertilité, mais qu’elles se fassent dans le respect de ce que préconisait Jean-François Mattei, autrement dit en évitant de faire des « essais d’homme », lesquels sont contraires au principe de dignité et à l’interdiction de créer des embryons destinés à la recherche, posée par la convention d’Oviedo.

Nous proposons donc de rédiger ainsi l’alinéa 19 : « Aucune recherche ne peut être menée dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation sur des gamètes destinés à constituer un embryon ou sur l’embryon avant ou après son transfert à des fins de gestation. » Cette limite éthique est à mon avis essentielle, y compris dans la recherche sur l’infertilité.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Le principe de la discussion commune est d’examiner des amendements qui ne sont pas identiques, monsieur Bazin… L’amendement n° 920 a été placé au bon endroit.

M. Thibault Bazin. Certes, madame la présidente, mais, dans certaines discussions communes, les amendements, quoique différents, vont dans le même sens, ce qui n’est pas le cas ici ; je voulais simplement le faire observer.

M. Philippe Berta, rapporteur. Vous vous référiez, pour le coup, au « professeur » Mattei, monsieur Bazin. (Sourires.) Si vous donnez des titres, il faut le faire pour tout le monde…

Ces amendements sont effectivement en discussion commune parce qu’ils sont parfaitement incompatibles. Je suis favorable au mien, ce qui ne vous surprendra pas, et j’émets un avis défavorable sur le vôtre.

La commission adopte lamendement n° 1510.

En conséquence, lamendement n° 920 tombe.

Suivant lavis défavorable du rapporteur, la commission rejette lamendement n° 226 de M. Thibault Bazin.

Elle est saisie des amendements n° 1153 et n° 1167 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. L’amendement n° 1153 a pour objet de supprimer les alinéas 21 à 29, et l’amendement n° 1167 d’en proposer une autre rédaction. Les alinéas visés organisent la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines (CSEH). Or il existe une solution alternative – je sais que nous ne serons pas forcément d’accord sur ce point –, qui ne pose pas le même problème éthique de la manipulation de la plus jeune forme de l’être humain : la recherche sur les cellules souches pluripotentes induites (iPS), définies à l’article 15. Il me semble préférable d’utiliser les iPS en lieu et place des CSEH puisqu’elles sont équivalentes, aussi bien dans le domaine de la thérapie cellulaire que dans le cadre des recherches menées par l’industrie pharmaceutique. D’ailleurs, le Conseil d’État, en 2014, a considéré, s’agissant d’une autorisation de recherche sur des CSEH ayant pour finalité la modélisation de la dystrophie musculaire facio-scapulo-humérale, que les travaux concernant les cellules iPS étaient « suffisamment avancés pour apprécier la possibilité de poursuivre sur ce type de cellules, avec une efficacité comparable ».

M. Philippe Berta, rapporteur. Je l’ai déjà dit : bien sûr, comme vous, j’aimerais que l’on puisse se passer des cellules souches embryonnaires. Toutefois, un certain nombre de spécialistes du domaine, que je croise assez fréquemment dans mon université, considèrent que, pour l’instant, malheureusement, on n’en est pas encore là, que ce soit sur le plan technique ou sur le plan scientifique. Il faut donc mener en parallèle des études dans ces deux directions ; de là mon avis défavorable sur vos amendements.

La commission rejette successivement les amendements n° 1153 et n° 1167.

La commission est saisie des amendements identiques n° 611 de Mme Agnès Thill et n° 1331 de M. Thibault Bazin.

Mme Agnès Thill. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 22, qui soumet l’importation des cellules souches embryonnaires aux fins de recherche à une simple déclaration auprès de l’Agence de la biomédecine, au lieu d’une autorisation. Le régime de l’autorisation est indispensable pour s’assurer que la recherche sur les cellules souches embryonnaires ne s’affranchit pas des principes fondamentaux établis par les articles 16 à 16‑8 du code civil.

M. Philippe Berta, rapporteur. Nous avons déjà débattu du régime de la déclaration et de l’autorisation. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements n° 611 et n° 1331.

Elle est saisie des amendements identiques n° 670 de M. Xavier Breton, n° 706 de M. Patrick Hetzel et n° 1322 de M. Thibault Bazin.

M. Xavier Breton. L’alinéa 22 prévoit que les cellules souches embryonnaires sont soumises à déclaration auprès de l’Agence de la biomédecine. Cet amendement vise à leur appliquer un régime d’autorisation, qui permettra une meilleure protection de nos principes éthiques.

M. Philippe Berta, rapporteur. Nous en avons déjà discuté. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements n° 670, n° 706 et n° 1322.

Suivant lavis défavorable du rapporteur, la commission rejette lamendement n° 1318 de M. Thibault Bazin.

Elle est saisie de lamendement n° 614 de Mme Agnès Thill.

Mme Agnès Thill. Cet amendement de repli vise à s’assurer que l’importation des cellules souches embryonnaires aux fins de recherche ne s’affranchit pas des principes fondamentaux établis par les articles 16 à 16-8 du code civil.

M. Philippe Berta, rapporteur. Cet amendement est satisfait par l’alinéa 26, qui définit le rôle de l’Agence de la biomédecine quant au contrôle des protocoles de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines. Avis défavorable.

Lamendement n° 614 est retiré.

Suivant lavis défavorable du rapporteur, la commission rejette les amendements identiques n° 268 de M. Thibault Bazin, n° 346 de M. Xavier Breton et n° 427 de M. Patrick Hetzel.

Elle examine, en discussion commune, les amendements identiques n° 671 de M. Xavier Breton et n° 703 de M. Patrick Hetzel, ainsi que de lamendement n° 1329 de M. Thibault Bazin.

M. Patrick Hetzel. L’un des problèmes éthiques que soulève la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines est la destruction de l’embryon dont elles sont extraites. Un certain nombre de lignées sont utilisées, mais des chercheurs souhaiteraient aller plus loin. Ce problème peut être partiellement résolu par la limitation de la recherche aux lignées de cellules souches déjà existantes, qui sont disponibles en grande quantité.

M. Thibault Bazin. Monsieur le rapporteur, vous avez affirmé qu’il serait nécessaire d’avoir de nouvelles lignées mais le Conseil d’État, dans son avis, comme l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) et la mission d’information parlementaire, dans leurs rapports, ne semblaient pas aller dans votre sens. Qu’est-ce qui a fait évoluer les choses ?

M. Philippe Berta, rapporteur. On emploie à l’heure actuelle des techniques de biologie à haut débit, dites « OMIQUES », qui permettent de comparer à tout moment une cellule embryonnaire dite « fraîche », une lignée établie au long cours et amenée à se multiplier au fil des années et une cellule iPS. Pour l’instant, nous ne maîtrisons pas les conditions de culture permettant de garantir que la cellule iPS ou la lignée prolongée pendant plusieurs années en culture et multipliée gardera son format d’origine, c’est-à-dire l’expression des gènes. Voilà pourquoi il est nécessaire, aujourd’hui encore, d’employer les trois outils. S’agissant des cellules iPS, il faut espérer qu’on parviendra, à un moment donné, à obtenir les caractéristiques attendues. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements identiques n° 671 et n° 703, et lamendement n° 1329.

Elle est saisie des amendements identiques n° 672 de M. Xavier Breton et n° 722 de M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. On peut nourrir quelques réserves quant à la manière dont se développent les recherches sur les cellules souches embryonnaires à partir de lignées préexistantes. Il importe d’instituer des garde-fous pour encadrer la création de lignées nouvelles. Or, le texte ne les définit pas de manière assez précise et claire.

M. Philippe Berta, rapporteur. Avis défavorable. J’ai déjà affirmé la nécessité d’avoir une « cellule étalon », à laquelle on peut se référer.

La commission rejette les amendements n° 672 et n° 722.

Elle examine, en discussion commune, les amendements identiques n° 788 de M. Xavier Breton et n° 789 de M. Patrick Hetzel, ainsi que lamendement n° 1407 de M. Thibault Bazin.

M. Patrick Hetzel. Sur ce sujet, deux positions sont en présence – celle du rapporteur et la nôtre – qui sont difficilement conciliables.

M. Philippe Berta, rapporteur. Pour les raisons que j’ai déjà évoquées, avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements identiques n° 788 et n° 789, et lamendement n° 1407.

Elle est saisie des amendements identiques n° 673 de M. Xavier Breton et n° 704 de M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Dès lors que les cellules souches embryonnaires sont issues d’un embryon humain, il convient de soumettre leur conservation au régime commun de sept jours. On sait que la technique permet d’aller à quatorze jours – et même vingt et un jours, comme on le lit dans la littérature. Où s’arrêtera-t-on ? Pour freiner cette course prométhéenne, il faut établir des garde-fous.

M. Philippe Berta, rapporteur. Avis défavorable. Il n’est pas question de confondre embryon et cellules. Ces amendements sont donc inutiles.

La commission rejette les amendements n° 673 et n° 704.

Suivant lavis défavorable du rapporteur, elle rejette lamendement n° 1332 de M. Thibault Bazin.

La commission est saisie des amendements identiques n° 1511 du rapporteur et n° 1319 de M. Thibault Bazin.

M. Philippe Berta, rapporteur. Par cohérence avec mon amendement n° 1506, à l’alinéa 10, je vous propose de supprimer les termes « ou ne vise pas à améliorer la connaissance de la biologie humaine », à l’alinéa 26. C’est une précision maladroite, qui n’enrichit pas le texte.

M. Thibault Bazin. À chaque fois que vous promouvrez le mieux-disant éthique, monsieur le rapporteur, nous serons à vos côtés. En franchissant cette barrière, nos collègues sénateurs ont fait preuve d’une certaine permissivité.

M. Patrick Hetzel. Nous considérons en effet que le Sénat a franchi une ligne rouge et qu’il faut revenir sur cette décision.

La commission adopte les amendements n° 1511 et n° 1319.

Elle examine les amendements identiques n° 519 de M. Thibault Bazin, n° 520 de M. Xavier Breton et n° 521 de M. Patrick Hetzel.

M. Xavier Breton. L’alinéa 26 prévoit que le directeur général de l’Agence de la biomédecine doit s’opposer, dans des cas énumérés, à la réalisation du protocole de recherche. Nous proposons qu’il le fasse également « si, en l’état des connaissances scientifiques, cette recherche ne peut être menée sans recourir à des embryons ».

M. Patrick Hetzel. Nous considérons que les chercheurs doivent systématiquement se poser cette question. Monsieur Berta, vous avez raison de dire qu’un certain nombre d’entre eux ont parfaitement conscience de cette limite. Mais, entre l’inscrire dans la loi, donc le rendre obligatoire, et faire confiance aux chercheurs, il y a une différence. Si la très grande majorité des chercheurs ne transgresseront pas la règle, il demeure toujours un risque. Il vaut parfois mieux dire les choses. Si nous voulons un mieux-disant éthique, il faut clairement l’inscrire dans la loi.

M. Philippe Berta, rapporteur. Le critère que vous proposez est inopérant dès lors que deux régimes juridiques de recherche coexistent : l’un relatif aux embryons, l’autre concernant les cellules souches. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements n° 519, n° 520 et n° 521.

Elle examine les amendements identiques n° 674 de M. Xavier Breton, n° 707 de M. Patrick Hetzel et n° 1333 de M. Thibault Bazin.

M. Xavier Breton. Parmi les cas, énumérés à l’alinéa 26, dans lesquels le directeur général de l’Agence de la biomédecine doit s’opposer au protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines, figurent trois des quatre motifs d’interdiction de la recherche sur l’embryon : « si la recherche fondamentale ou appliquée ne s’inscrit pas dans une finalité médicale ou ne vise pas à améliorer la connaissance de la biologie humaine, si la pertinence scientifique de la recherche n’est pas établie, si le protocole ou ses conditions de mise en œuvre ne respectent pas les principes fondamentaux ». Or, il existe une quatrième condition, tenant à l’absence d’alternative. Cet amendement vous propose de réparer cet oubli, dont je ne sais s’il est volontaire.

M. Patrick Hetzel. Ces amendements s’inscrivent dans la même logique. Monsieur le rapporteur, vous avez affirmé qu’il était nécessaire de disposer de nouvelles lignées de cellules souches embryonnaires. Or, il faut rappeler qu’il n’y a pas de cellules souches embryonnaires sans destruction d’embryon humain. Vous minimisez ces conséquences, et mettez en avant l’existence de deux régimes juridiques distincts. Cela tient au fait que les recherches sur les cellules souches embryonnaires ne nécessiteront plus qu’une déclaration, alors qu’elles sont, à l’heure actuelle, soumises à autorisation. Ce texte crée donc des difficultés.

M. Philippe Berta, rapporteur. Les embryons à partir desquels on établit, éventuellement – je répète que c’est très rare – des cellules souches embryonnaires sont destinés à la destruction. Je rappelle aussi que les études comparatives sur les embryons, les cellules souches embryonnaires et les cellules iPS ont fait apparaître la nécessité de poursuivre des études complémentaires, car on ne peut, encore aujourd’hui, passer de l’un à l’autre. J’espère que ce ne sera plus le cas demain, si on trouve, par exemple, des gènes miracles à injecter ou si les conditions de culture permettent d’utiliser les cellules iPS. Par ailleurs, des enjeux différents s’attachent à l’embryon et aux cellules souches. Les cellules souches dont nous parlons sont exclusivement pluripotentes et n’ont aucune capacité à donner un embryon. Elles ne peuvent donc pas être comparées à ce dernier. Avis défavorable.

M. Pierre Dharréville. J’apprécie les distinctions que vous établissez, monsieur le rapporteur, sur ces sujets qui sont complexes mais qui renvoient à des réalités. Une cellule souche n’est en effet pas égale à un embryon, qui, lui-même, n’est pas égal à un être humain. C’est toute la différence entre la personne et ce que j’appelle « l’ordre de la personne ». Il faut aussi prendre soin de ce qui relève de l’ordre de la personne – je sais que cela fait partie de vos préoccupations, chers collègues – car ce n’est pas anodin. Il faut donc arbitrer. La recherche sur l’ordre de la personne doit être autorisée si elle répond à de bonnes raisons, si elle permet à la science de progresser, dans le respect de la dignité humaine. Je suis enclin à soutenir la position de notre rapporteur sur ce sujet qui constitue un des nœuds du débat. Sans vouloir adresser de reproche à quiconque, il faut éviter d’avoir des positions déconnectées des réalités de la recherche. Pour prendre les bonnes décisions, nous avons besoin que les chercheurs se posent les bonnes questions.

M. Marc Delatte. La découverte des iPS avait fait naître de grandes espérances. On pensait qu’elles nous permettraient de résoudre les problèmes éthiques que soulèvent nos débats. Or, cela n’a pas été le cas. Les cellules souches sont dérivées de la masse cellulaire de l’embryon. Certaines lignées de cellules souches ont plus de vingt ans. Les cellules iPS ne sont pas la solution espérée, car ce sont des copies de cellules souches : elles peuvent difficilement se substituer à ces dernières, présentent une efficacité moindre en termes de différenciation et laissent subsister une incertitude quant à leur innocuité. Lorsqu’on produit des cellules thérapeutiques susceptibles de réparer des tissus lésés, il faut être sûr du matériel utilisé. On ne peut pas non plus établir de comparaison avec des cellules souches issues du cordon ombilical, car elles ne sont pas pluripotentes. La problématique réside dans la pluripotence.

M. Thibault Bazin. La technique évolue. Si les cellules iPS répondent, dans quelques années, aux espérances que l’on plaçait en elles, sera-t-on prêts à réexaminer la loi ? Par ailleurs, l’embryon n’est, en effet, pas exactement comparable aux cellules souches embryonnaires. S’il faut choisir entre la recherche sur l’embryon et celle portant sur les cellules souches embryonnaires provenant d’un embryon qui était destiné à la destruction, mieux vaut la seconde solution. Cela étant, la question centrale est de savoir si on produit de nouvelles cellules souches embryonnaires humaines, de nouvelles lignées, en détruisant des embryons. Je n’ai pas l’impression que le texte encadre précisément cette possibilité.

La commission rejette les amendements n° 674, n° 707 et n° 1333.

Elle adopte lamendement rédactionnel n° 1512 du rapporteur.

Suivant lavis défavorable du rapporteur, elle rejette lamendement n° 1334 de M. Thibault Bazin.

La commission est saisie de lamendement n° 1335 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. L’alinéa 27 me pose un problème, car il revient à autoriser la création de gamètes artificiels à partir de cellules souches embryonnaires humaines. Jusqu’à présent, la création de gamètes artificiels n’a jamais été autorisée en France, et pour cause : ses conséquences pourraient être vertigineuses. À partir du moment où on le permettrait, certains chercheurs, peut-être même une minorité substantielle d’entre eux, pourraient être tentés de les féconder. On suit une pente dangereuse. Au Japon, des embryons ont été créés pour la recherche à partir de gamètes artificiels. Je vous propose donc de supprimer l’alinéa.

M. Philippe Berta, rapporteur. Je ne fais pas du tout la même lecture de cette disposition. À l’heure actuelle, rien n’empêche d’effectuer quelque recherche que ce soit sur les cellules souches, qu’elles soient embryonnaires ou iPS, y compris en vue de la constitution de gamètes. Demain, grâce à la présente loi, l’Agence de la biomédecine disposera d’une faculté d’opposition pour mieux encadrer ces recherches. Par ailleurs, cela ne change rien au principe d’interdiction de la création d’embryon pour la recherche, quel qu’en soit le moyen. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement n° 1335.

Elle examine lamendement n° 1513 du rapporteur.

M. Philippe Berta, rapporteur. Cet amendement vise à rétablir la rédaction de la première phrase de l’alinéa 27, telle qu’elle avait été votée par notre assemblée en première lecture. Estimant que les travaux portant sur l’adjonction de cellules humaines à un embryon animal constituaient une ligne rouge à ne pas franchir, la commission du Sénat a souhaité, sur proposition de sa rapporteure, interdire ces expérimentations. En modifiant également l’article 15 et en supprimant l’article 17, cette modification de l’article 14 déséquilibre complètement l’architecture du projet de loi et entraîne un retour au droit en vigueur. Or, en maintenant l’état actuel du droit, le texte adopté par le Sénat n’interdit pas formellement les recherches impliquant les chimères animal-homme. Pis, en retirant celles-ci du champ du contrôle renforcé applicable aux recherches sensibles, le texte supprime tout mécanisme de régulation. Cette rédaction est donc, à mes yeux, totalement contreproductive. Par ailleurs, j’estime que les travaux portant sur l’adjonction de cellules humaines à un embryon animal présentent un intérêt particulier pour la recherche fondamentale.

M. Thibault Bazin. Nous nous opposons fortement à votre amendement. On a constaté, lors des débats en première lecture, que certaines dispositions relevaient, en la matière, du code de la recherche, tandis que d’autres étaient contenues dans le code de la santé publique, ce qui pouvait entraîner une forme de confusion. La question de fond est de savoir si on veut autoriser des chimères animal-homme. Il ne s’agit pas de décider s’il faut les réguler : il convient, à nos yeux, de les interdire. Vous proposez d’insérer les mots : « l’agrégation de ces cellules avec des cellules précurseures de tissus extra-embryonnaires ou leur insertion dans un embryon animal dans le but de son transfert chez la femelle ». On insérerait donc des cellules souches embryonnaires humaines dans un embryon animal, qu’on transférerait chez la femelle. On est en train de franchir une barrière éthique relative à la séparation entre l’homme et l’animal. On a eu un certain nombre d’alertes à ce sujet. Vous proposez d’insérer votre amendement à l’article 14, qui comporte une référence à l’AMP, tandis que l’article 17 revient sur l’interdiction de base des embryons transgéniques, chimériques. Le monde d’après présente, sous ce rapport, un visage extrêmement inquiétant. Je suis profondément opposé aux chimères animal-homme.

M. Patrick Hetzel. La logique de l’alinéa 27 consiste à autoriser la création sans condition, à partir de cellules souches embryonnaires humaines, de gamètes artificiels. Cela revient à autoriser la création, à partir de ces cellules, de modèles embryonnaires. Ces derniers sont désignés comme étant des agrégats de cellules souches embryonnaires avec des « cellules précurseures de tissus extra-embryonnaires ». Encore une fois, ces manipulations contournent l’interdit de la création d’embryons pour la recherche. Vouloir franchir cette nouvelle étape révèle une tentation démiurgique. On discerne des évolutions en ce sens à l’étranger. La question de fond est de savoir si la dignité qui doit s’imposer, en présence de travaux de recherche menés sur des cellules, est encore respectée.

M. Philippe Berta, rapporteur. Cette disposition a pour objet de permettre la mise en contact de cellules souches embryonnaires humaines et de cellules extra-embryonnaires animales. C’est tout simplement le seul moyen à notre disposition pour tester l’état de ces cellules humaines, utilisées à des fins de recherche et, demain, dans un objectif thérapeutique. C’est pour cela qu’on réalise ce mélange de cellules animales et humaines, et pour rien d’autre.

La commission adopte lamendement n° 1513.

Elle examine les amendements identiques n° 677 de M. Xavier Breton, n° 723 de M. Patrick Hetzel et n° 1336 de M. Thibault Bazin.

M. Xavier Breton. L’alinéa 27 revient à autoriser la création sans conditions, à partir de cellules souches embryonnaires humaines, de gamètes artificiels. La tentation existera de les fusionner et de créer des embryons à partir des cellules artificielles. Il y a là un contournement de l’interdiction de créer des embryons pour la recherche. C’est pourquoi nous vous proposons une nouvelle rédaction de la fin de l’alinéa 27.

M. Patrick Hetzel. Nous sommes confrontés à un possible bouleversement. Pour éviter les dérives, il faut s’efforcer d’encadrer ces mécanismes. C’est pourquoi nous proposons d’écrire qu’un tel protocole ne peut être réalisé sans l’autorisation préalable de l’Agence de la biomédecine. Les chercheurs devront démontrer, dans le dossier qu’ils transmettront à l’agence, la pertinence scientifique de la recherche, à charge pour ses experts de l’évaluer. Qu’elle soit fondamentale ou appliquée, la recherche doit s’inscrire dans une finalité médicale – vous avez employé les termes « objectif thérapeutique », monsieur Berta. Cela doit être explicité. Enfin, en l’état des connaissances scientifiques, les chercheurs devront montrer que la recherche ne peut être menée sans recourir à des cellules souches embryonnaires humaines, qu’il n’y a pas d’autres moyens de faire. Je suis prêt à entendre que les iPS ne permettent pas de tout faire, même s’il est regrettable que la France ait pris du retard en la matière.

M. Thibault Bazin. Je comprends, monsieur le rapporteur, votre volonté de trouver des remèdes, de faire avancer la recherche à des fins thérapeutiques. Mais, dans une réflexion bioéthique, on doit aussi prendre en compte les risques. Pour reprendre l’analyse du Conseil d’État, il existe, s’agissant des chimères animal-homme, un risque de transgression des frontières entre l’espèce humaine et l’espèce animale. Ne risque-t-on pas de favoriser l’apparition d’une nouvelle zoonose, de représentations humaines, notamment de la conscience humaine, chez l’animal ? Ces questions nous dépassent. Il faut respecter les limites propres à chaque espèce. Par l’alinéa 27, on franchit des lignes rouges. Vous allez me dire que cela existe déjà, mais ce n’est pas une raison de l’autoriser si on estime qu’en termes éthiques, ce n’est pas souhaitable. C’est un vrai sujet de fond.

M. Philippe Berta, rapporteur. Avis défavorable. Monsieur Hetzel, je ne peux pas laisser dire que nos chercheurs ne sont pas totalement impliqués dans la recherche sur les cellules iPS. Les quelques équipes travaillant sur ces thématiques s’y consacrent toutes, même si elles ne peuvent, il est vrai, y dédier tout leur temps.

La commission rejette les amendements n° 677, n° 723 et n° 1336.

Suivant lavis défavorable du rapporteur, elle rejette les amendements identiques n° 676 de M. Xavier Breton, n° 708 de M. Patrick Hetzel et n° 1337 de M. Thibault Bazin.

Elle est saisie de lamendement n° 1514 du rapporteur.

M. Philippe Berta, rapporteur. En séance publique, le Sénat a adopté l’amendement n° 135 quater de M. de Legge visant à préciser que les gamètes dérivés de cellules souches embryonnaires ne peuvent servir à féconder un autre gamète, issu du même procédé ou obtenu par don. Cette précision est redondante puisque le droit actuel pose déjà une interdiction de principe – j’y insiste à nouveau – de toute création d’embryon à des fins de recherche.

La commission adopte lamendement n° 1514.

Elle est saisie de lamendement n° 1166 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Je suis favorable au clonage pour éviter les allers-retours entre l’hémicycle et la commission.

M. Thibault Bazin. Mieux vaudrait un hologramme !

Mme Emmanuelle Ménard. La différenciation des cellules souches en gamètes permet de créer des gamètes artificiels. Quant à l’agrégation de ces cellules avec des cellules précurseures de tissus extra-embryonnaires, qu’on peut aussi nommer « modèles embryonnaires à usage scientifique » (MEUS), elle permet la création d’un ensemble qui s’apparente à un embryon. Implanter ces gamètes synthétiques ou ces embryons synthétiques représente, me semble-t-il, un grave danger.

M. Philippe Berta, rapporteur. Cela me semble scientifiquement un peu confus et mériterait une bien longue discussion. Nous discutons de protocoles de recherche, qui se situent en dehors du champ de la PMA. Ces recherches ne peuvent pas viser à implanter un embryon synthétique comme vous semblez le suggérer dans vos propos, qui s’apparentent à de la mauvaise science-fiction. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement n° 1166.

Elle examine lamendement n° 1320 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. L’alinéa 31 prévoit que l’Agence de la biomédecine autorise l’importation de lignées de cellules souches embryonnaires au vu d’une attestation produite par le demandeur. On a le sentiment que le contrôle de l’Agence est, en ce domaine, allégé, alors qu’elle dispose par ailleurs, de pouvoirs de vérification étendus. Cela me semble entrer en contradiction avec l’exigence éthique. Il faut vérifier que les lignées de cellules souches ont été obtenues dans le respect des engagements internationaux que nous avons souscrits.

M. Philippe Berta, rapporteur. Vous vous méprenez sur la portée de l’évolution introduite par l’alinéa 31, qui modifie le régime de contrôle des importations de cellules souches embryonnaires. Le principe de l’autorisation par l’Agence de la biomédecine demeure. Elle pourra exiger un document attestant que les cellules souches ont été obtenues dans le respect des principes fondamentaux du code civil. L’Agence disposera ainsi d’une pièce opposable, qui lui permettra d’améliorer sa capacité de contrôle. Je vous suggère de retirer votre amendement.

M. Thibault Bazin. Je vérifierai, d’ici à la séance, que les capacités de contrôle de l’Agence sont renforcées. Je le retire.

Lamendement n° 1320 est retiré.

La commission examine, en discussion commune, lamendement n° 613 de Mme Agnès Thill, les amendements identiques n° 679 de M. Xavier Breton, n° 710 de M. Patrick Hetzel et n° 1321 de M. Thibault Bazin, ainsi que lamendement n° 612 de Mme Agnès Thill.

Mme Agnès Thill. Le régime d’autorisation pour l’importation et l’exportation des cellules souches embryonnaires est indispensable pour s’assurer que la recherche ne s’affranchit pas des principes fondamentaux établis par les articles 16 et 168 du code civil. Les amendements n° 613 et n° 612 visent à le maintenir.

M. Xavier Breton. Il s’agit de préciser que l’importation de cellules souches embryonnaires ne peut être autorisée que lorsque ces cellules souches ont été obtenues dans un pays signataire de la convention d’Oviedo. En effet, on ne peut que s’étonner du fait que des lignées de cellules souches proviennent de pays aux législations beaucoup moins protectrices en termes d’éthique, s’agissant notamment de l’embryon. De telles importations peuvent constituer un contournement de la législation, nous proposons donc de les interdire.

M. Patrick Hetzel. Les conditions dans lesquelles les cellules souches ont été obtenues peuvent être de nature différente en fonction du pays d’origine. Or ces lignées proviennent majoritairement de pays qui n’ont pas signé la convention d’Oviedo ; il est impossible de vérifier comment les laboratoires ont travaillé. On peut considérer que le fait d’importer de telles cellules, qui seraient interdites sur le sol français, est un contournement de la loi.

M. Philippe Berta, rapporteur. L’exposé des motifs de l’amendement n° 613 ne correspond pas à son texte, qui vise à modifier les règles relatives à l’importation de cellules souches embryonnaires. Avis défavorable.

Un pays peut être signataire de la convention d’Oviedo et ne pas produire des cellules souches dans le respect des principes éthiques du droit français, un pays non signataire peut respecter ces mêmes principes. La rédaction du projet de loi est plus appropriée car elle fixe des critères bien identifiés. Je vous demande de retirer vos amendements, à défaut de quoi j’émettrai un avis défavorable.

Enfin, l’amendement no 612 ne tient aucun compte des progrès accomplis, puisqu’il s’agit de revenir aux dispositions du code civil qui encadraient l’importation des cellules souches avant la loi de 2011. Avis défavorable.

La commission rejette successivement lamendement n° 613, les amendements identiques n° 679, n° 710 et n° 1321, ainsi que lamendement n° 612.

Elle examine les amendements n° 1194 et  1184 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Les alinéas 34 et suivants permettent aux cliniques chargées de l’AMP de conserver des embryons humains donnés à la recherche. Elles ne sont pourtant pas titulaires d’une autorisation délivrée par l’Agence de la biomédecine et n’ont pas vocation à conserver des embryons voués à la destruction dans le cadre de protocoles de recherche. À défaut de supprimer le régime desdites recherches, il convient de rappeler le rôle de ces cliniques.

La France pourrait s’inspirer de la prudence de l’Allemagne, où la production d’embryons surnuméraires n’est pas autorisée et où les embryons conçus en vue d’une AMP ne sont pas congelés, ce qui évite un stockage problématique.

Enfin, monsieur le rapporteur, il y a, parmi les médecins, des exceptions qui justifient l’existence d’un conseil de l’ordre. Il en va de même pour les chercheurs : certains ne sont pas à l’abri d’une dérive et peuvent avoir « une éthique différente », pour reprendre les termes de M. Touraine. De la même manière qu’il existe un code pénal qui s’applique à l’ensemble des citoyens, le législateur ne peut partir du principe que tous les chercheurs s’autolimitent et qu’ils ne sont jamais tentés de franchir les lignes. Ce n’est pas les insulter que de le dire.

M. Philippe Berta, rapporteur. L’alinéa 34 vise à régulariser la situation des laboratoires de biologie médicale qui conservent des embryons proposés à la recherche sans encore avoir été inclus dans un protocole de recherche. En effet, aux termes de l’article L. 2142-1 du code de la santé publique, l’autorisation porte seulement sur la conservation des embryons dans le cadre des activités de PMA. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements n° 1194 et  1184.

Suivant lavis défavorable du rapporteur, elle rejette lamendement n° 1338 de M. Thibault Bazin.

La commission examine, en discussion commune, les amendements n° 618, n° 616 et  617 de Mme Agnès Thill.

Mme Agnès Thill. Tout organisme qui souhaite conserver, à des fins de recherche, des cellules souches embryonnaires doit obtenir une autorisation préalable de l’Agence de la biomédecine, et non effectuer une simple déclaration. La recherche sur les cellules souches embryonnaires ne peut pas s’affranchir des principes fondamentaux établis par les articles 16 et 168 du code civil.

Suivant lavis défavorable du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements n° 618, n° 616 et n° 617.

Suivant lavis défavorable du rapporteur, elle rejette ensuite lamendement n° 619 de Mme Agnès Thill

Elle est saisie des amendements identiques n° 530 de M. Xavier Breton et n° 532 de M. Patrick Hetzel.

M. Xavier Breton. Il convient de préciser que l’interdiction porte sur les modifications génétiques qui ont pour but, mais aussi pour effet, de modifier la descendance d’une personne. Il faut sur ce point être très clair vis-à-vis des générations futures.

M. Patrick Hetzel. On connaît les risques, une dérive vers le bébé zéro défaut. Bien sûr, les recherches ont toujours une visée thérapeutique mais des glissements, qui peuvent mener à l’eugénisme, sont possibles.

M. Philippe Berta, rapporteur. Les thérapies géniques, qui font la preuve de leur efficacité, ne portent que sur les cellules somatiques ; elles sont rigoureusement interdites sur les cellules germinales. L’adoption de vos amendements interdirait toute recherche et toute application dans ce domaine, ce qui serait fort regrettable compte tenu des succès actuels et à venir. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements n° 530 et n° 532.

Elle est saisie de lamendement n° 1196 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Le fait de conserver ou de céder des embryons ou des cellules souches embryonnaires sans avoir respecté le cadre légal doit être plus sévèrement puni que le fait d’utiliser illégalement des cellules iPS, dont l’obtention n’entraîne pas de destruction embryonnaire.

La recherche sur l’embryon et celle sur les iPS ne comportent pas les mêmes enjeux éthiques : la première conduit à détruire la forme la plus élémentaire de l’être humain ; alors que les cellules iPS, qui ne sont pas issues de la rencontre de deux gamètes, s’obtiennent par reprogrammation génétique de cellules somatiques adultes différenciées, par exemple des cellules de peau.

M. Philippe Berta, rapporteur. Les peines encourues sont suffisamment dissuasives. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement n° 1196.

Suivant lavis défavorable du rapporteur, elle rejette successivement les amendements n° 1328 et  1292 de M. Thibault Bazin.

La commission adopte larticle 14 modifié.

(La réunion, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze.)

Article 15
Régulation, en recherche fondamentale, de certaines utilisations des cellules souches pluripotentes induites

La commission examine lamendement n° 1339 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. L’utilisation des cellules iPS pourra peut-être un jour représenter une alternative éthique et efficace à l’utilisation de cellules souches embryonnaires humaines, mais ce n’est pas le cas aujourd’hui. Pourquoi alors y consacrer un article ?

De surcroît, larticle 15 concerne les recherches qui ont pour objet de créer des gamètes. Cest une manipulation fort peu éthique, dont on ne sait jusquoù elle peut nous entraîner : des personnes pourraient devenir parents sans le savoir. En outre, lobjet de ces recherches doit être mis en parallèle avec lextension de laccès à lAMP. Ces recherches seraient-elles entreprises pour pallier une éventuelle pénurie de gamètes ? Ce nest pas dans ce but quil faut utiliser les iPS !

M. Philippe Berta, rapporteur. Je ne reviens pas sur la définition des cellules souches pluripotentes induites, prometteuses pour l’avenir. Aucun texte n’encadre les recherches conduites dans ce domaine alors qu’elles sont aussi susceptibles, à terme, de poser des problèmes éthiques.

C’est pour cette raison que l’article propose d’appliquer un régime de déclaration auprès de l’Agence de la biomédecine, semblable à celui que nous avons voté pour les cellules souches embryonnaires. Ainsi, si des protocoles hautement sensibles étaient mis en œuvre, ils seraient encadrés. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement n° 1339.

Elle est saisie de lamendement n° 724 de M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Il est regrettable que l’utilisation des cellules iPS soit envisagée dans le projet de loi uniquement pour la création de gamètes artificiels, une manipulation fort peu éthique.

Les iPS constituent cependant une alternative éthique efficace aux cellules souches embryonnaires humaines. Même si nous ne partageons pas les valeurs éthiques du Japon, puisque des travaux de recherche y sont menés sur l’embryon, nous notons que des programmes de recherche publique sur les iPS sont développés. Il est regrettable que ce domaine fasse l’objet d’une attention moindre en France.

M. Philippe Berta, rapporteur. Ce que nous souhaitons, c’est un encadrement juridique de l’utilisation des iPS. Avis défavorable.

M. Thibault Bazin. Mes interrogations sont les suivantes : faut-il avoir la même considération éthique à l’égard des cellules iPS et des cellules souches embryonnaires humaines ? Lesquelles privilégier pour quel type de recherche ? Ce n’est pas l’encadrement juridique de l’utilisation des iPS qui me pose problème – au contraire –, c’est que cette utilisation conduise à créer des gamètes. Cela m’interpelle.

La commission rejette lamendement n° 724.

Elle est saisie des amendements n° 1206 et  1207 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. L’article 15 me pose deux problèmes. D’abord, le régime, volontairement souple n’est que déclaratif : il n’y a pas de contrôle par l’Agence de la biomédecine ni de publication au Journal officiel.

Ensuite, les protocoles de recherche portent sur la création de gamètes, comme ceux prévus à l’article 14 à partir de cellules souches embryonnaires. Vous avez vanté la plus grande efficacité des cellules souches embryonnaires en termes de recherche. Or l’article 15 met les cellules iPS sur le même plan.

Si l’on regarde à l’étranger, on s’aperçoit qu’il y a autant de protocoles de recherche travaillant à partir des cellules iPS qu’à partir des cellules souches. S’il ne s’agit que d’une question de maîtrise de la technique, demandons conseil aux Japonais, eux qui n’utilisent que des cellules iPS ! Le problème, en France, c’est que nous ne développons pas ces recherches car nous travaillons majoritairement sur les cellules souches embryonnaires.

M. Philippe Berta, rapporteur. Nous voulons, compte tenu de la similitude des enjeux éthiques, soumettre les cellules iPS au même régime que les cellules souches embryonnaires. Avis défavorable.

M. Jean-Louis Touraine. Il est illusoire de vouloir remplacer les cellules souches embryonnaires par les iPS. Les unes et les autres présentent des intérêts, mais elles ne sont pas du tout similaires.

Si nous accusons un retard en matière de recherche sur les iPS, c’est que la France, qui faisait figure de précurseur il y a des décennies, a interdit pendant de longues années la recherche sur les cellules souches embryonnaires. Or la recherche sur les iPS n’a pu se développer que comparativement à la recherche menée sur les cellules souches embryonnaires.

Sur le plan éthique, ne pensez pas que les unes résoudront les problèmes posés par les autres. Je partage vos craintes concernant les débouchés procréatifs : de ce point de vue, les cellules iPS sont plus dangereuses car elles peuvent très rapidement reproduire des gamètes, ce qui aboutirait à un clonage reproductif humain.

M. Thibault Bazin. Je bois du petit-lait ! Il est presque dommage que n’ayons pas bénéficié de ces explications à l’article précédent…

M. Jean-Louis Touraine. Vous avez eu tout léclairage en première lecture !

M. Thibault Bazin. … lorsque l’on nous a indiqué que les cellules iPS n’étaient pas dignes d’intérêt. On nous explique à présent le contraire, tout en relevant leur dangerosité en matière de procréation. Il faut mesurer ce risque, et à l’aune de ce risque, se prononcer sur cet article.

La commission rejette successivement les amendements n° 1206 et  1207.

Elle adopte lamendement rédactionnel n° 1515 du rapporteur.

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques n° 681 de M. Xavier Breton et n° 711 de M. Patrick Hetzel, ainsi que lamendement n° 227 de M. Thibault Bazin.

M. Patrick Hetzel. La recherche pharmacologique consiste notamment à cribler des molécules, à modéliser des pathologies et à tester la toxicité des médicaments. Le fait que, dans ce domaine, les cellules souches embryonnaires humaines peuvent être remplacées par des cellules iPS, quoi que plus coûteuses, fait consensus. Dans ce cas, pourquoi ne pas les privilégier ?

M. Philippe Berta, rapporteur. Amendements satisfaits par le droit actuel. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements identiques n° 681 et n° 711, et lamendement n° 227.

Elle examine les amendements identiques n° 661 de M. Xavier Breton et n° 728 de M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Il est possible de créer des gamètes artificiels à partir de cellules iPS, des cellules adultes somatiques. Or la méiose naturelle est un phénomène lent et complexe. Une méiose induite pourrait introduire des remaniements génétiques anormaux, difficiles à anticiper et impossibles à vérifier si le gamète doit être utilisé en fécondation.

Il est donc essentiel de préciser qu’en aucune façon les gamètes dérivés de cellules iPS ne peuvent être fécondés ou fécondables. Notre collègue Jean-Louis Touraine vient d’ailleurs d’indiquer les perspectives sont plus importantes encore avec les iPS qu’avec les cellules souches embryonnaires humaines.

M. Philippe Berta, rapporteur. Je rappelle que la création d’embryons à des fins de recherche est interdite, y compris à partir de gamètes artificiels, que le transfert à des fins de gestation l’est également, et que nous avons fixé tout à l’heure la limite de développement de l’embryon à quatorze jours. Ces amendements me paraissent donc totalement satisfaits. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements n° 661 et n° 728.

Elle est saisie des amendements identiques n° 686 de M. Xavier Breton et n° 727 de M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Pour éviter les dérives, l’amendement vise, après l’alinéa 3, à insérer l’alinéa suivant : « I bis. – La dérivation de cellules somatiques en gamètes est interdite. »

Suivant lavis défavorable du rapporteur, la commission rejette les amendements n° 686 et n° 727.

Elle examine les amendements identiques n° 228 de M. Thibault Bazin, n° 685 de M. Xavier Breton, n° 726 de M. Patrick Hetzel et n° 1211 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Les exemples japonais dont nous parlions tout à l’heure en témoignent, les conséquences de la production de gamètes artificiels sont vertigineuses puisqu’elle permet de créer des embryons pour la recherche, ce qui n’a jamais été autorisé en France. C’est pourquoi l’amendement n° 1211 vise à supprimer les alinéas 4 à 6.

M. Philippe Berta, rapporteur. L’adoption de ces amendements conduirait à supprimer l’encadrement des recherches sur les cellules iPS, donc à vider l’article 15 de sa substance. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements n° 228, n° 685, n° 726 et n° 1211.

Elle examine, en discussion commune, les amendements n° 754 de M. Jean-Louis Touraine et n° 1212 de Mme Emmanuelle Ménard.

M. Jean-Louis Touraine. Le texte voté par le Sénat introduit des limites très strictes concernant les recherches menées sur des embryons chimériques obtenus par adjonction de cellules souches pluripotentes humaines à des embryons animaux, notamment en interdisant la naissance d’animaux chimériques et en fixant une limite au nombre de cellules humaines pouvant être introduites dans un embryon animal.

Or de telles limites brideront fortement la recherche française dans un champ innovant et particulièrement prometteur pour la thérapeutique future de maladies encore incurables. Si ces recherches doivent bien sûr être strictement encadrées, les critères fixés ne sont pas pertinents.

L’amendement n° 754 vise donc à revenir au texte voté par l’Assemblée nationale en première lecture qui prévoyait déjà d’encadrer le transfert chez la femelle d’un embryon animal auquel des cellules-souches humaines auraient été ajoutées en le soumettant à déclaration.

Cette disposition reprenait exactement la recommandation du CCNE sur ce sujet. Dans ce cadre, l’Agence de la biomédecine devrait s’opposer au protocole de recherche déclaré notamment s’il méconnaît les principes éthiques énoncés aux articles 16 à 168 du code civil et au titre Ier du livre II de la première partie du code de la santé publique, parmi lesquels figure, entre autres, l’interdiction de porter atteinte à l’intégrité de l’espèce humaine.

Cette garantie est sans doute plus effective que celle renvoyant à la définition d’un degré de chimérisme à ne pas dépasser.

Mme Emmanuelle Ménard. L’amendement n° 1212 vise à substituer aux alinéas 4 à 7 l’alinéa suivant : « II. – Les protocoles ayant pour objet la différentiation des cellules-souches pluripotentes induites en gamètes et l’agrégation de cellules-souches pluripotentes induites avec des cellules précurseures de tissus extra-embryonnaires sont interdits. »

M. Philippe Berta, rapporteur. L’amendement n° 754 étant satisfait par les amendements visant à rétablir les alinéas de l’article, j’en suggère le retrait.

S’agissant de l’amendement n° 1212, je répète qu’il est impossible d’envisager un régime juridique distinct pour les cellules souches embryonnaires et les iPS. Avis défavorable.

Lamendement n° 754 est retiré.

La commission rejette lamendement n° 1212.

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques n° 683 de M. Xavier Breton et n° 712 de M. Patrick Hetzel, les amendements n° 230 de M. Thibault Bazin et n° 1209 de Mme Emmanuelle Ménard, ainsi que les amendements identiques n° 231 de M. Thibault Bazin, n° 684 de M. Xavier Breton et n° 713 de M. Patrick Hetzel.

M. Xavier Breton. L’alinéa 4 revient à autoriser la création de gamètes artificiels à partir de cellules iPS. Ces manipulations contournent l’interdit de créer des embryons pour la recherche. Elles doivent donc être soumises à une procédure d’autorisation, identique à celle prévue au I de l’article L. 21515 du code de la santé publique.

M. Thibault Bazin. Si j’ai bien compris les propos du rapporteur et de Jean-Louis Touraine sur le caractère dangereux des iPS et de la nécessité d’un encadrement juridique de la recherche, un régime d’autorisation serait beaucoup plus adapté qu’un régime simplement déclaratif.

Mme Emmanuelle Ménard. Le régime déclaratif, s’il autorise une certaine souplesse, n’offre pas en termes d’éthique et de bioéthique la meilleure solution, d’autant plus que la décision n’est pas publiée au Journal officiel.

Monsieur Touraine, vous avez indiqué que l’encadrement des chimères par le Sénat briderait la recherche française dans un secteur particulièrement prometteur. C’est le même discours qui a été tenu pour nous imposer la recherche sur l’embryon. La recherche ne peut se faire à n’importe quel prix et à n’importe quel risque, surtout lorsque l’on touche à la vie humaine.

M. Xavier Breton. Le caractère pluripotent de ces cellules peut soulever des questions éthiques délicates, en particulier lorsque les recherches conduisent à différencier ces cellules en gamètes, à les agréger avec des cellules précurseures de tissus extra-embryonnaires de manière à constituer des organismes dont la structure se rapproche de celle d’un embryon ou à les insérer dans un embryon. Un régime d’autorisation traduirait une plus grande vigilance vis-à-vis du respect de nos principes éthiques.

M. Patrick Hetzel. La rhétorique de la majorité vise à nous rassurer : tout cela serait sous contrôle. Or chaque fois que nous questionnons le déplacement du régime d’autorisation au régime de déclaration, les arguments qui nous sont opposés sont de l’ordre de la technique, jamais de l’éthique. Disposons-nous des bons garde-fous pour éviter les dérives ? Quelles garanties pouvez-vous nous donner pour nous convaincre que nous ne penchons pas vers un moins-disant éthique et que l’équilibre des lois de bioéthique ne sera pas bouleversé par ce texte ?

M. Philippe Berta, rapporteur. Vous souhaitez que les recherches sur les iPS soient désormais soumises à un régime d’autorisation, différent de celui adopté pour les recherches sur les cellules souches embryonnaires humaines. Cela signifierait leur mort. Avis défavorable.

M. Marc Delatte. Si nous révisons tous les cinq ans les lois de bioéthique, c’est précisément pour éviter de donner un blanc-seing aux recherches. Il convient de les encadrer, tout en leur permettant de poursuivre dans un sens bienfaisant et dans le respect des invariants éthiques, un état d’esprit qui anime les équipes.

L’article 15 tend à encadrer la recherche sur les iPS, domaine où les incertitudes sont encore grandes. Le caractère pluripotent de ces cellules, leur différenciation possible en cellules germinales, induisent une réflexion éthique, compte tenu des dérives eugéniques ou transhumanistes constatées à Hong-Kong, notamment.

M. Jean-Louis Touraine. Les premières lois de bioéthique ont mis de l’ordre dans un système qui, s’il n’était pas véritablement transgressif, reposait sur la confiance accordée à l’ensemble des professionnels, notamment aux médecins et aux chercheurs.

Cependant, les progrès ont mis en exergue certains risques. Les premières lois de bioéthique ont donc interdit à peu près tout dans le domaine des transplantations, de la recherche sur les cellules souches, de l’AMP. Depuis, chacune des révisions donne l’occasion de rouvrir quelques portes.

S’agissant de la recherche sur les cellules souches embryonnaires ou sur les iPS, je ne connais pas de pays qui soit soumis à un cadre aussi strict et qui offre de meilleures garanties en matière d’éthique que le nôtre.

Rappelons cependant qu’en matière de recherche, on ne sait jamais au départ ce que l’on va trouver. Il est juste impossible de tout soumettre à des autorisations et à un encadrement car le résultat ne peut être prévu à l’avance. Il convient simplement de s’assurer que les moyens utilisés soient éthiques, dans un cadre soumis à un contrôle.

La commission rejette successivement les amendements identiques n° 683 et n° 712, les amendements n° 230 et n° 1209, et les amendements identiques n° 231, n° 684 et n° 713.

Elle examine lamendement n° 1214 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. L’agrégation de cellules souches avec des cellules précurseures de tissus extra-embryonnaires permet la création d’un ensemble qui ressemble à un embryon. Puisqu’un embryon humain ne peut être utilisé à des fins commerciales ou industrielles en application de l’article L. 2141‑8 du code de la santé publique, il devrait en être de même pour ces cellules souches. Il convient donc de faire référence à cette interdiction à l’alinéa 19.

M. Philippe Berta, rapporteur. Les chercheurs sont désormais capables de développer des organoïdes, également appelés gastruloïdes – morceaux d’intestins, de poumons, etc. – qui semblent prometteurs pour comprendre les dysfonctionnements qui entraînent des mutations dans les pathologies génétiques. Ces gastruloïdes pourraient constituer un outil précieux en pharmacologie – je sais que le terme heurte vos oreilles –, et permettre un développement harmonieux des organes dans le futur.

La création d’embryons pour la recherche est interdite, mais les gastruloïdes ne sont pas des embryons. Mon avis sera donc défavorable.

La commission rejette lamendement n° 1214.

Elle est saisie des amendements identiques n° 799 de M. Xavier Breton et n° 800 de M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Il s’agit de modifier la rédaction des alinéas 5 et 6 en précisant, d’une part, que la pertinence scientifique de la recherche doit être établie et, d’autre part, que la recherche, fondamentale ou appliquée, doit s’inscrire dans une finalité médicale. C’est d’ailleurs ce que vous indiquiez il y a quelques instants, monsieur le rapporteur.

Suivant lavis défavorable du rapporteur, la commission rejette les amendements n° 799 et n° 800.

Suivant lavis défavorable du rapporteur, elle rejette lamendement  1213 de Mme Emmanuelle Ménard.

La commission est saisie de lamendement n° 1516 du rapporteur.

M. Philippe Berta, rapporteur. En séance publique, le Sénat a adopté un amendement visant à préciser que les gamètes dérivés de cellules iPS ne peuvent servir à féconder un autre gamète, issu du même procédé ou obtenu par don. Cette précision est redondante puisqu’en l’état actuel du droit, la création d’embryon à des fins de recherche est déjà interdite.

La commission adopte lamendement n° 1516.

Elle examine lamendement n° 1517 du rapporteur.

M. Philippe Berta, rapporteur. En cohérence avec mon amendement n° 1513 à l’article 14 qui procédait au même rétablissement pour les recherches sur les cellules souches embryonnaires, cet amendement vise à rétablir l’alinéa 7 afin que les protocoles de recherche conduits sur des cellules iPS ayant pour objet leur insertion dans un embryon animal avant son transfert chez la femelle soient soumis à déclaration auprès de l’Agence de la biomédecine.

Le Sénat, qui estime que les travaux portant sur l’adjonction de cellules humaines dans un embryon animal constituent une ligne rouge à ne pas franchir, a supprimé cet alinéa ; pour la même raison, il a modifié l’article 14 et supprimé l’article 17.

De telles modifications conduisent à déséquilibrer l’architecture du projet de loi et reviennent à maintenir l’état actuel du droit. Ce faisant, le texte adopté par le Sénat n’interdit pas formellement les recherches impliquant les chimères animal-homme. Pire, en retirant celles-ci du dispositif de contrôle renforcé applicable aux recherches sensibles, le texte fait l’impasse sur tout mécanisme de régulation. Cette rédaction est donc totalement contre-productive.

En outre, les travaux portant sur l’adjonction de cellules humaines dans un embryon animal présentent un intérêt particulier pour la recherche fondamentale. C’est pourquoi je souhaite rétablir l’alinéa 7 dans sa rédaction adoptée par notre assemblée en première lecture.

M. Thibault Bazin. Nous sommes en total désaccord sur ce point. Nous l’avons déjà exprimé à l’article 14, et nous l’évoquerons à l’article 17. Votre amendement prévoit un régime encadrant les protocoles de recherche conduits sur les cellules iPS – cellules humaines – ayant pour objet « leur insertion dans un embryon animal dans le but de son transfert chez la femelle ». Vous parlez d’architecture équilibrée. Je comprends la stratégie en termes de recherche, mais j’ai du mal à saisir à quoi cela correspond en termes de réflexion éthique !

On ne peut que souscrire à l’encadrement de l’utilisation des cellules iPS ! Mais pour quelles finalités ? Avec quels moyens ? À l’alinéa 5, vous prévoyez la différenciation de cellules iPS en gamètes : on est dans le transgénique. Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne chose. À l’alinéa 7, vous autorisez leur insertion dans un embryon animal dans le but de son transfert chez la femelle : on est dans le chimérique. Certes, cela peut être intéressant pour la recherche, mais est-ce éthique ? N’y a-t-il pas plus de risques que d’avantages ? On peut réguler l’utilisation des iPS selon les finalités tout en interdisant ce qui ne semble pas éthique. Or l’alinéa 7, que vous rétablissez, n’est pas éthique.

M. Patrick Hetzel. Vos propos, monsieur le rapporteur, sont paradoxaux. Vous avez commencé par souligner que le Sénat estimait que la création de toute forme de chimères est une ligne rouge qu’il ne faut pas franchir, puis vous avez ajouté que vous considériez qu’il fallait pouvoir franchir cette ligne rouge du fait de l’intérêt pour la recherche. Votre rédaction est donc un moins-disant éthique : vous autorisez l’insertion de cellules humaines dans des cellules animales, puis l’implantation de ces cellules dans la femelle. Il s’agit de chimères !

Pourquoi acceptez-vous que cette ligne rouge soit franchie ? Vous évoquez des potentialités importantes, mais ce n’est pas suffisant !

Mme Agnès Thill. Selon vous, dans certains cas, ce serait « le seul moyen ». Mais, peu importe, nous ne voulons pas de ce mélange de cellules humaines et animales ! Les Français aspirent à plus d’écologie – ils l’ont exprimé ce week-end dans les urnes – et rejettent ce type de projets.

En l’espèce, les Français ne savent rien de nos débats. Mais s’ils mangent bio et cherchent à s’habiller avec du coton respectueux de l’environnement, il est inutile de préciser qu’ils ne veulent pas de ces bricolages et de ces mélanges entre humains et animaux !

M. Jean-François Eliaou. Tout le monde connaît le diabète de type 1 et les dégâts qu’il entraîne s’il n’est pas équilibré. Ce type de modèles expérimentaux – je le répète, il s’agit de modèles expérimentaux – permet de reconstituer un pancréas humain chez la souris, pour étudier les défauts de ce pancréas et les complications qu’ils peuvent entraîner. Il ne s’agit donc pas de satisfaire des intérêts privés, mais d’un enjeu médical. Je pourrais multiplier les exemples, mais je n’ai pas le temps.

La commission adopte lamendement n° 1517.

Elle est saisie des amendements identiques n° 682 de M. Xavier Breton et n° 725 de M. Patrick Hetzel.

M. Xavier Breton. En se concentrant sur la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires, la France a pris un gros retard en matière de recherche sur les cellules iPS. Plusieurs essais cliniques sont en cours dans le monde sur la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), la maladie de Parkinson, les lésions de moelle épinière, la maladie d’Alzheimer etc. Nous proposons que l’Agence de la biomédecine remette un rapport annuel au Parlement sur l’avancée des travaux français sur les cellules iPS. Cela permettra de faire le point sur les recherches et d’évaluer les efforts à consentir pour rattraper notre retard.

M. Philippe Berta, rapporteur. Votre intention est louable mais elle est déjà satisfaite par l’article L. 1418-1 du code de la santé publique, qui dispose que l’Agence de la biomédecine assure « une information permanente du Parlement et du Gouvernement sur le développement des connaissances et des techniques pour les activités relevant de sa compétence et (…) leur propose les orientations et mesures qu’elles appellent ».

La commission rejette les amendements n° 682 et n° 725.

Elle examine, en discussion commune, les amendements n° 1518 du rapporteur et n° 1216 de Mme Emmanuelle Ménard.

M. Philippe Berta, rapporteur. L’amendement n° 1518 vise à rétablir le texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture à l’alinéa 15 concernant les peines d’emprisonnement et les amendes encourues. Déjà très lourdes, elles ont encore été aggravées par le Sénat.

Mme Emmanuelle Ménard. À l’opposé du rapporteur, je propose de passer de quatre ans d’emprisonnement et 60 000 euros d’amende à sept ans et 10 000 euros.

M. Philippe Berta, rapporteur. Mon avis sur l’amendement de Mme Ménard est défavorable.

M. Thibault Bazin. Si je le pouvais, je sous-amenderais l’amendement de Mme Ménard pour passer à 100 000 euros ! Mais je ne veux pas ennuyer les services qui ont déjà fort à faire. Nos conditions de travail sont déplorables – ils n’y sont pour rien.

Je ne comprends pas pourquoi vous voulez fixer les sanctions à deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende. On parle tout de même de punir le non-respect de l’interdiction de recherche sur des cellules souches embryonnaires !

M. Patrick Hetzel. Je préférerais aussi que nous en restions à la rédaction du Sénat. Monsieur le rapporteur, nous nous rejoignons sur un point : vous avez parfaitement conscience de l’importance de la coercition lorsque des lignes rouges sont franchies. Il est donc surprenant que vous ne repreniez pas les mêmes arguments quand nous faisons des remarques similaires concernant les déclarations simples et les autorisations. Le système ne se régule jamais seul ; c’est le rôle du législateur de l’encadrer.

M. Philippe Berta, rapporteur. J’en ai discuté avec les scientifiques, deux ans de prison sont suffisamment dissuasifs. Je ne vous ferai pas l’injure de vous rappeler l’étude que nous avons menée sur le sujet, mais 30 000 euros d’amende peuvent représenter un an de salaire !

La commission adopte lamendement n° 1518.

En conséquence, lamendement n° 1216 tombe.

Suivant lavis défavorable du rapporteur, la commission rejette lamendement n° 232 de M. Thibault Bazin.

Elle adopte ensuite larticle 15 modifié.

Article 16
Limite de conservation des embryons proposés à la recherche et non inclus dans un protocole après cinq ans

La commission examine les amendements n° 233 de M. Thibault Bazin, n° 688 de M. Xavier Breton et n° 729 de M. Patrick Hetzel.

M. Thibault Bazin. Cet amendement de suppression vise à mettre fin à la conservation des embryons humains qui ne font plus l’objet d’un projet parental et sont proposés par les couples concernés à la recherche.

M. Philippe Berta, rapporteur. Comme pour les précédents, je me permets de présenter brièvement l’article 16.

Il vise d’abord à modifier l’article L. 2141-4 du code de la santé publique qui régit les conditions de conservation des embryons surnuméraires conçus en vue d’une PMA : il tire les conséquences de l’extension de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules ; il précise les conditions dans lesquelles le consentement à la poursuite du projet parental est recueilli avec une consultation annuelle, ainsi que les conditions dans lesquelles d’autres finalités peuvent être assignées aux embryons lorsqu’il n’y a plus de projet parental – accueil par un autre couple ou une autre femme, don à la recherche ou fin de la conservation ; il ajoute qu’il est mis fin à l’arrêt de la conservation des embryons confiés à la recherche sans avoir été inclus dans un protocole au bout de dix ans, sur proposition de la rapporteure au Sénat, alors que le texte issu de la première lecture à l’Assemblée nationale prévoyait cinq ans. Ces dispositions s’appliquent aux embryons confiés à la recherche avant et après la promulgation de la loi.

L’article 16 est donc l’une des pierres de l’édifice général de la loi et de l’extension de l’AMP. En outre, il fait l’objet d’un consensus entre les deux chambres. Je propose d’adopter la version votée par le Sénat en première lecture sans modification. J’émettrai donc un avis défavorable aux amendements de suppression et de déconstruction de cet article.

La commission rejette les amendements n° 233, n° 688 et n° 729.

Elle est saisie des amendements identiques n° 931 de M. Xavier Breton et n° 934 de M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. En cohérence avec notre hostilité à la PMA sans père, l’amendement n° 934 vise à supprimer les mots qui y font référence.

M. Philippe Berta, rapporteur. Ne reprenons pas le débat. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements n° 931 et n° 934.

La commission est saisie de lamendement n° 1340 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Comment s’articulent les différents dispositifs prévus dans le projet de loi ? L’article 1er élargit les possibilités de recours à l’AMP. On peut donc en déduire qu’à l’avenir, les procréations médicalement assistées vont augmenter, entraînant une hausse du stock d’embryons surnuméraires. Certes, la maîtrise est possible, avec la vitrification par exemple, mais cette solution n’a pas vraiment été retenue.

Vous allez me dire que c’est de la fiction, mais cela peut arriver en séance : si nous n’adoptions pas l’article 1er ni l’article 2 – notamment la levée de l’anonymat –, aurait-on encore besoin de l’article 16 ? Je crains la réification de l’embryon.

M. Philippe Berta, rapporteur. Actuellement, le champ des recherches est limité à celles prévues par l’article L. 2151-5 pour l’embryon et aux recherches impliquant la personne pour les cellules dérivées de l’embryon lorsqu’elles entrent dans la préparation d’une thérapie cellulaire à des fins exclusivement thérapeutiques.

Les recherches pourront désormais également concerner les médicaments de thérapie innovante. Cette extension participe de la mise en conformité de notre droit avec la réglementation européenne relative aux médicaments de thérapie innovante (MTI). En l’espèce, lorsqu’elles subissent des manipulations dites substantielles, les cellules souches dérivées des embryons ne doivent pas relever du régime des préparations.

Les recherches ne concerneront donc pas l’embryon, qui sera implanté directement, mais la préparation de médicaments. Je suis défavorable à l’amendement.

La commission rejette lamendement n° 1340.

Elle est saisie des amendements identiques n° 689 de M. Xavier Breton et n° 730 de M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. L’alinéa 5 prévoit que, lorsqu’il n’y a plus de projet parental, les embryons peuvent être donnés à la recherche. Le couple accepte alors que son embryon soit détruit pour la recherche, dans le cadre d’un protocole autorisé. Mais ce même alinéa prévoit également que l’embryon humain peut être utilisé dans le cadre de recherches biomédicales en AMP. Or ce régime de recherche prévoit la manipulation des gamètes ou de l’embryon humain, avant ou après son transfert à des fins de gestation. Le transfert de l’embryon est la finalité de ce régime de recherche. Dans ce cadre, il ne peut y avoir de destruction d’embryon humain. Il y a là une contradiction majeure. S’il y a abandon du projet parental, il ne peut y avoir de recherche biomédicale en AMP sur l’embryon humain concerné puisqu’il n’est pas voué à être implanté.

M. Philippe Berta, rapporteur. La problématique est la même que celle de l’amendement précédent. Mon avis reste défavorable.

La commission rejette les amendements n° 689 et n° 730.

Elle examine lamendement n° 234 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. L’amendement vise à compléter l’alinéa 5 par les mots : « et sans utilisation à des fins commerciales ». Il convient d’être prudent et d’éviter les dérives qui pourraient avoir lieu et ont déjà eu lieu dans d’autres pays ne respectant pas les mêmes principes qui font l’honneur de la France.

M. Philippe Berta, rapporteur. Votre intention est satisfaite. Ces principes sont prévus par le code civil et rappelés par le code de la santé publique. Avis défavorable.

M. Xavier Breton. Quels sont ces principes, monsieur le rapporteur, afin que nous soyons totalement rassurés ?

La commission rejette lamendement n° 234.

Elle est saisie des amendements identiques n° 235 de M. Thibault Bazin, n° 690 de M. Xavier Breton et n° 731 de M. Patrick Hetzel.

M. Thibault Bazin. Il est important que l’Agence de la biomédecine soit assurée que le couple géniteur a bien reçu l’information nécessaire et a donné son consentement libre et éclairé, avant destruction de leur embryon. L’amendement n° 235 vise donc à compléter l’alinéa 5 par la phrase suivante : « le consentement est joint au protocole de recherche autorisé par l’Agence de la biomédecine ».

M. Xavier Breton. Je souhaiterais que le rapporteur puisse nous répondre, et nous rassurer, sur les principes interdisant une utilisation à des fins commerciales. Nous aurons l’occasion d’y revenir en séance.

M. Philippe Berta, rapporteur. Les conditions ont déjà été fixées par l’article 14 que notre commission a adopté. Pour rappel, la vérification opérée par l’Agence de la biomédecine, aujourd’hui circonscrite à la validité du protocole de recherche au regard des critères scientifiques et éthiques, est étendue aux conditions dans lesquelles l’embryon est transféré à la recherche.

Cette précision, portée à l’article 14, vise à clarifier les responsabilités respectives des centres d’AMP et de l’Agence de la biomédecine. La responsabilité de la vérification effective des consentements incombe en effet aux premiers. Lors de l’autorisation de la recherche, l’Agence doit par contre s’assurer des conditions dans lesquelles les consentements sont ou seront obtenus – notamment au travers de formulaires types.

La commission rejette les amendements n° 235, n° 690 et n° 731.

Elle examine, en discussion commune, lamendement n° 813 de M. Thibault Bazin et les amendements identiques n° 443 de M. Xavier Breton et n° 459 de M. Patrick Hetzel.

M. Thibault Bazin. L’amendement n° 813 est rédactionnel.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Un amendement rédactionnel : cela semble suspect…

M. Xavier Breton. Je vous rassure, madame la présidente, il s’agit simplement de préciser que le consentement doit être recueilli par écrit.

M. Patrick Hetzel. Ce formalisme vise à éviter le moins-disant éthique.

M. Philippe Berta, rapporteur. Je suis favorable à l’amendement n° 813 de M. Bazin. Je vous remercie de bien vouloir retirer les deux autres.

La commission adopte lamendement n° 813.

En conséquence, les amendements n° 443 et n° 459 tombent.

La commission est saisie des amendements identiques n° 236 de M. Thibault Bazin, n° 691 de M. Xavier Breton et n° 732 de M. Patrick Hetzel.

M. Xavier Breton. L’amendement n° 236 est également rédactionnel.

M. Patrick Hetzel. Nous complétons simplement l’alinéa 8 par deux phrases : « Si le consentement écrit et préalable du couple géniteur ne figure pas dans le protocole de recherche, celle-ci ne peut être menée. Il est alors mis fin à la conservation de ces embryons humains. » Il s’agit de s’assurer du bon déroulement de la procédure.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. C’est presque une dissertation !

M. Philippe Berta, rapporteur. Monsieur Hetzel, je comprends que vous soyez jaloux de M. Bazin, mais la ficelle est un peu grosse… Avis défavorable.

La commission rejette les amendements n° 236, n° 691 et n° 732.

Elle est saisie des amendements identiques n° 444 de M. Xavier Breton et n° 460 de M. Patrick Hetzel.

M. Xavier Breton. Les alinéas 9 et 10 reviennent à rouvrir la voie à l’AMP post mortem, dangereuse. C’est pourquoi nous proposons leur suppression.

M. Patrick Hetzel. Le risque de développement de PMA post mortem n’est pas négligeable. Certains d’entre nous considèrent que faire naître un enfant alors que son père est décédé peut créer des problèmes.

M. Philippe Berta, rapporteur. Il ne s’agit pas de PMA post mortem. Ces alinéas prévoient que les deux membres d’un couple en procédure d’AMP envisagent ensemble le devenir de leurs embryons dans l’éventualité où l’un d’eux viendrait à décéder. C’est juste du bon sens.

La commission rejette les amendements n° 444 et n° 460.

Elle examine, en discussion commune, les amendements n° 623, n° 622, n° 621 et  620 de Mme Agnès Thill.

Mme Agnès Thill. Je vais tenter l’argument rédactionnel : il s’agit de substituer aux mots « cinq ans », respectivement les mots « quatre ans », « trois ans », « deux ans » ou « un an », s’agissant du délai de conservation des embryons avant destruction.

Suivant lavis défavorable du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements n° 623, n° 622, n° 621 et  620.

Elle est saisie des amendements identiques n° 238 de M. Thibault Bazin, n° 692 de M. Xavier Breton et n° 733 de M. Patrick Hetzel.

M. Xavier Breton. Il s’agit de réaffirmer un objectif de diminution du nombre d’embryons humains conservés. Celui-ci n’a cessé d’augmenter depuis 2011 (+20 %) alors que le nombre d’enfants nés par AMP est demeuré stable. La loi de bioéthique de 2011 prévoyait pourtant de limiter le nombre d’embryons humains conservés, notamment grâce à la technique de congélation ultrarapide des ovocytes.

Je propose d’insérer après l’alinéa 14 un alinéa ainsi rédigé : « Chaque année, l’Agence de la biomédecine rend publics les actions qu’elle a entreprises et les résultats qu’elle a obtenus pour limiter le nombre des embryons humains conservés. »

M. Patrick Hetzel. Notre pays compte 230 000 embryons humains congelés. En Allemagne, ce chiffre est proche de zéro. Bien entendu, le procès de Nuremberg a influencé le cadre juridique allemand, avec l’interdiction formelle de procéder à des recherches sur l’embryon et la limitation drastique de la conservation d’embryons humains. Mais l’écart entre nos deux pays est abyssal. Pour des raisons éthiques et de respect de la vie, il serait souhaitable que nous progressions.

M. Philippe Berta, rapporteur. L’Agence de la biomédecine a déjà pour mission légale d’assurer le suivi de l’application de la loi et elle s’acquitte de cette mission dans le cadre d’un rapport annuel d’activité, ainsi que par l’intermédiaire de son rapport médical et scientifique qui établit tous les ans un état complet de l’activité d’AMP. Votre demande est donc satisfaite.

La commission rejette les amendements n° 238, n° 692 et n° 733.

Elle est saisie des amendements identiques n° 269 de M. Thibault Bazin, n° 445 de M. Xavier Breton et n° 461 de M. Patrick Hetzel.

M. Xavier Breton. Certes, l’agence fait un rapport, mais les résultats ne sont pas là. Nous n’avons ni limité la production d’embryons humains congelés ni diminué le stock, bien au contraire. La rédaction actuelle de la loi ayant montré ses insuffisances, nous proposons de compléter l’alinéa 16 par la phrase suivante : « Chaque année l’Agence de la biomédecine rend publics les actions qu’elle a entreprises et les résultats qu’elle a obtenus pour limiter le nombre des embryons conservés. »

M. Philippe Berta, rapporteur. Mêmes explications et même avis défavorable.

La commission rejette les amendements n° 269, n° 445 et n° 461.

Elle examine lamendement n° 237 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Cet amendement, que certains collègues ont accepté de cosigner, me tient à cœur. Il vise à préciser que le décret prévoit la mise en place d’une procédure commune pour la fin de la conservation des embryons, comme une incinération digne.

En fonction des centres, les pratiques sont très différentes. Or ce que nous brûlons n’est pas banal. Certaines bonnes pratiques, respectueuses, devraient être généralisées. Je suis prêt à retravailler l’amendement d’ici la séance.

M. Philippe Berta, rapporteur. Les praticiens qui manipulent les embryons sont formés et conscients du respect avec lequel il convient de traiter ce matériau humain particulier. Votre intention est d’ores et déjà satisfaite par la pratique ; une telle précision n’a pas sa place dans cet article.

M. Xavier Breton. Des dispositions doivent encadrer la fin de la conservation des embryons. Sans mettre en doute le savoir-faire ni la sensibilité des professionnels, des procédures communes au niveau national garantiraient un minimum de dignité.

Peut-être faut-il revoir la rédaction de cet amendement, mais le rapporteur ne peut se contenter de nous renvoyer à la pratique. Nous devons apporter des réponses aux personnes qui doivent assumer la destruction d’embryons surnuméraires.

M. Marc Delatte. Étant membre du Comité consultatif national d’éthique, je tiens à préciser que la notion de « potentiellement humain » a été élaborée en 1986. Elle a évolué depuis.

La commission rejette lamendement n° 237.

Elle adopte larticle 16 modifié.

Chapitre II
Favoriser une recherche responsable en lien avec la médecine génomique

Avant l’article 17

La commission est saisie des amendements identiques n° 869 de M. Xavier Breton et n° 892 de M. Patrick Hetzel.

M. Xavier Breton. Monsieur Delatte, la notion de « potentiellement humain » ne dépend pas des évolutions techniques, elle tient au regard que notre société porte sur l’embryon, qui n’a pas fondamentalement changé depuis 1986. On ne peut pas considérer qu’un avis rendu par le CCNE il y a trente-quatre ans est archaïque, alors qu’il porte sur un sujet qui intéresse l’humanité depuis des siècles, voire des millénaires.

M. Patrick Hetzel. Nous proposons la suppression du titre du chapitre II : « Favoriser une recherche responsable en lien avec la médecine génomique ». Qui peut imaginer favoriser une recherche irresponsable en lien avec la médecine génomique ? C’est évidemment absurde, il s’agit de marketing de la part du Gouvernement. Revenons à plus de modestie. Nos prédécesseurs ne se sont jamais aventurés à de telles pratiques, aux antipodes de nos principes éthiques.

M. Philippe Berta, rapporteur. Ce titre a convenu en première lecture, il a convenu au Sénat, et il me convient. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements n° 869 et n° 892.

Article 17 (supprimé)
Utilisation des outils de modification ciblée du génome en recherche fondamentale

La commission examine, en discussion commune, lamendement n° 1519 du rapporteur, faisant lobjet du sous-amendement n° 1771 de M. Thibault Bazin, des sous-amendements identiques n° 1654 de M. Thibault Bazin, n° 1772 de M. Xavier Breton, n° 1783 de M. Patrick Hetzel et n° 1810 de Mme Emmanuelle Ménard, des sous-amendements identiques n° 1773 de M. Xavier Breton et n° 1784 de M. Patrick Hetzel, des sous-amendements identiques n° 1795 de M. Xavier Breton et n° 1796 de M. Patrick Hetzel, des sous-amendements n° 1655 de M. Thibault Bazin et n° 1809 de Mme Emmanuelle Ménard, , des sous-amendements identiques n° 1656 de M. Thibault Bazin, n° 1774 de M. Xavier Breton et n° 1785 de M. Patrick Hetzel, des sous-amendements identiques n° 1657 de M. Thibault Bazin, n° 1775 de M. Xavier Breton et n° 1786 de M. Patrick Hetzel, des sous-amendements identiques n° 1658 de M. Thibault Bazin, n° 1777 de M. Xavier Breton et n° 1788 de M. Patrick Hetzel, des sous-amendements identiques n° 1659 de M. Thibault Bazin, n° 1778 de M. Xavier Breton et n° 1789 de M. Patrick Hetzel, des sous-amendements identiques n° 1660 de M. Thibault Bazin, n° 1779 de M. Xavier Breton et n° 1790 de M. Patrick Hetzel, des sous-amendements identiques n° 1780 de M. Xavier Breton et n° 1791 de M. Patrick Hetzel, du sous-amendement n° 1808 de Mme Emmanuelle Ménard, des sous-amendements identiques n° 1661 de M. Thibault Bazin, n° 1776 de M. Xavier Breton et n° 1787 de M. Patrick Hetzel, des sous-amendements identiques n° 1662 de M. Thibault Bazin, n° 1781 de M. Xavier Breton, n° 1792 de M. Patrick Hetzel et n° 1807 de Mme Emmanuelle Ménard, du sous-amendement n° 1663 de M. Thibault Bazin, des sous-amendements identiques n° 1664 de M. Thibault Bazin, n° 1782 de M. Xavier Breton et n° 1793 de M. Patrick Hetzel et du sous-amendement n° 1665 de M. Thibault Bazin, ainsi que des amendements n° 1356, n° 1395, n° 1360 et n° 1345 de Mme Emmanuelle Ménard.

M. Philippe Berta. Le dispositif d’encadrement des recherches a été totalement déséquilibré par le Sénat, qui a supprimé l’article 17 en séance publique sans considérer les modifications apportées par sa commission spéciale.

Cette suppression remet en question la possibilité de recourir aux techniques de modification ciblée du génome des embryons humains faisant l’objet d’une recherche, par exemple CRISPR-Cas9.

S’agissant des chimères, la suppression de l’article maintient le flou entourant les recherches sur l’adjonction de cellules humaines à des embryons animaux, sans les interdire formellement. Ce flou est constaté par l’étude du Conseil d’État et le rapport de la mission d’information sur la révision de la loi relative à la bioéthique. L’article 17 prenait en compte ces conclusions convergentes et sécurisait les recherches portant sur l’embryon animal, tout en maintenant l’interdit portant sur les chimères humain-animal.

En maintenant l’état du droit, le Sénat n’interdit pas formellement les recherches impliquant les chimères animal-homme. Pire, en les excluant du dispositif de contrôle renforcé applicable aux recherches sensibles, le texte fait l’impasse sur tout mécanisme de régulation.

Enfin, la suppression de l’article 17 maintient les restrictions de finalités opposables aux recherches portant sur les maladies, alors que le projet de loi alignait la rédaction du quatrième alinéa de l’article 16-4 du code civil sur les stipulations de la convention d’Oviedo.

C’est pourquoi l’amendement n° 1519 rétablit l’article 17 dans la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Nous abordons une première série de sous-amendements à l’amendement no 1519, qui portent sur la création de chimères.

M. Thibault Bazin. Oui, monsieur le rapporteur, il faut légiférer pour régler un imbroglio – le ministère de la recherche autorise des recherches prohibées par le code de la santé publique –, mais le statu quo proposé par le Sénat n’est pas satisfaisant.

Plutôt que de rétablir la version antérieure de l’article 17, je propose avec le sous-amendement n° 1771 de compléter l’article L. 2151-2 du code de la santé publique comme suit : « La création d’embryons génétiquement modifiés est interdite. La modification d’un embryon humain par adjonction de cellules provenant de l’espèce animale est interdite. La modification d’un embryon animal pour adjonction de cellules provenant de l’espèce humaine est interdite. »

L’alinéa 2 de l’article L. 2151-2 dispose : « La création d’embryons transgéniques ou chimériques est interdite. » La rédaction proposée par le rapporteur remplace cette phrase par : « La modification d’un embryon humain par adjonction de cellules provenant d’autres espèces est interdite. » Cette substitution signifie que les chercheurs pourront créer en laboratoire des embryons transgéniques et chimériques.

Pourquoi lever l’interdit fondateur de la bioéthique qui exclut la création d’embryons transgéniques ? Selon le Conseil d’État, l’interdiction de créer des embryons transgéniques se heurte désormais à l’évolution des techniques. Sommes-nous face à une dérive ? Le rapporteur nous apprend que la technique CRISPR-Cas9 est déjà frappée d’obsolescence, et que nous allons plus loin.

M. Philippe Berta, rapporteur. Pas « plus loin », mais « plus précis ».

M. Thibault Bazin. C’est pourquoi je propose, par le sous-amendement n° 1654, de supprimer la rédaction de l’alinéa 2 de l’article L. 2151-2 proposée par le rapporteur.

M. Xavier Breton. Le sous-amendement n° 1772 identique est défendu.

M. Patrick Hetzel. Le sous-amendement n° 1783 identique est défendu.

Mme Emmanuelle Ménard. Le sous-amendement n° 1810 est identique. La rédaction proposée par le rapporteur permettrait de modifier un embryon animal par l’adjonction de cellules humaines, créant une chimère animal-homme. Cette manipulation brouille la frontière entre l’espèce humaine et l’espèce animale et pose la question de la manipulation du vivant, voire de l’apparition d’une conscience humaine chez l’animal. Vous souriez, chers collègues, mais ce risque a été identifié par le Conseil d’État dans le rapport rédigé à l’occasion de ce projet de loi de bioéthique.

M. Xavier Breton. Le sous-amendement n° 1773 est défendu.

M. Patrick Hetzel. Le remplacement de l’alinéa 2 de l’article L. 2151-2 fait disparaître l’interdiction de créer des embryons transgéniques. Je propose, par le sous-amendement n° 1784 identique, de compléter l’article, sans supprimer les dispositions existantes, afin qu’il s’applique aux embryons et chimériques et transgéniques.

M. Xavier Breton. Le sous-amendement n° 1795 propose d’ajouter un troisième alinéa à l’article L. 2151-2 : « La création d’embryons transgéniques ou chimériques est interdite. La modification d’un embryon humain par l’insertion de cellules provenant d’autres espèces ou par l’intégration dans des cellules venant d’autres espèces est strictement interdite. »

M. Patrick Hetzel. Le sous-amendement n° 1796 est identique. La rédaction proposée par le rapporteur exclut toute possibilité d’augmenter l’embryon humain de cellules animales, mais rien n’est prévu concernant l’augmentation de cellules animales par l’embryon humain. Aucune création de chimère ne doit être autorisée.

M. Thibault Bazin. Reconnaissons-le, la rédaction de l’article 17 a le mérite de maintenir l’interdiction de l’adjonction de cellules animales dans l’embryon humain, donc la création de chimères homme-animal.

Mais il est difficile de mesurer les effets conjugués des articles 14, 15 et 17. Jusqu’où sera-t-il possible d’aller ? Les frontières entre espèces risquent-elles d’être franchies ?

Les contradictions existant entre les deux codes imposent de légiférer, mais quelles barrières devons-nous poser ? J’estime que celles qui sont proposées sont bonnes, mais doivent être complétées. C’est le sens du sous-amendement n° 1655.

Mme Emmanuelle Ménard. Vous avez souri lors de ma précédente intervention ; que des animaux puissent naître avec des gènes humains n’a pourtant rien d’amusant. Une étude publiée dans la revue Science du 22 juin 2020 révèle qu’une équipe germano-japonaise a introduit un gène humain dans le cerveau de ouistitis, pour tenter de comprendre les évolutions distinctes des lignées de l’homme et du singe.

Trois évolutions majeures dans le développement cérébral des embryons de singes ont été constatées. Le cortex s’est étendu, avec des néocortex plus grands et plus repliés. Or le néocortex est une zone plus développée chez les humains que chez les primates, responsable des capacités cognitives complexes telles que le langage ou le raisonnement.

Les embryons n’ont pas été menés à terme. L’un des chercheurs allemands a déclaré qu’il aurait été totalement irresponsable de faire naître ces ouistitis, car nous ne connaissons pas les changements comportementaux induits par la modification du néocortex.

Ce type de manipulations soulève des inquiétudes, y compris dans le monde scientifique, et doit être envisagé avec la plus grande prudence. Nous souhaitons les interdire, c’est le sens du sous-amendement n° 1809.

M. Thibault Bazin. Le sous-amendement n° 1656 est défendu.

M. Xavier Breton. Le sous-amendement n° 1774 est identique. L’article 17 interdit uniquement l’ajout de cellules d’autres espèces à un embryon humain. Un embryon chimérique pourrait être fabriqué par fécondation d’un gamète humain et d’un gamète animal. De même, des cellules iPS ou des cellules souches embryonnaires pourraient être introduites dans un ovocyte animal, ou ajoutées à un embryon animal.

Pour que ces adjonctions restent interdites, je propose de compléter l’alinéa 3 de l’article 17 par la phrase suivante : « De même, l’adjonction de cellules pluripotentes humaines d’origine embryonnaire ou de souches pluripotentes induites à un embryon animal et l’introduction de matériel génétique d’une cellule humaine, somatique ou embryonnaire dans un ovocyte animal sont interdites. »

M. Patrick Hetzel. Le sous-amendement n° 1785 est identique. La bioéthique suscite plus d’interrogations qu’elle n’offre de réponses, mais le rôle du législateur est d’arbitrer et de prendre des décisions.

Le franchissement des barrières entre les espèces, entre lhumain et lanimal, fait courir des risques. Lorsque nous débattons des organismes génétiquement modifiés dans le monde végétal, nous sommes extrêmement prudents. Nous devrions procéder de même sagissant de lhumain. Car sil est un domaine dans lequel le principe de précaution devrait sappliquer, cest bien celui-ci !

Le mutisme de la majorité m’inquiète, vous ne semblez pas souhaiter un vrai débat à ce sujet. Comment réagirait l’opinion publique si elle comprenait que nous allons faire avec l’homme ce dont nos concitoyens ne veulent pas pour le règne végétal ? C’est aussi au nom de la recherche, pour nourrir la planète, que certains proposent de créer des OGM.

M. Philippe Berta, rapporteur. La rédaction que je propose explicite que la modification d’un embryon humain par adjonction de cellules provenant d’autres espèces est interdite.

Les recherches sur l’adjonction de cellules humaines à des embryons d’animaux, quant à elles, existent partout dans le monde. En plus des publications citées par Jean-François Eliaou, prenons l’exemple du développement de cœurs humains dans des modèles porcins, pour compenser le manque de greffons. Nous y travaillons depuis des années.

Ces expérimentations, qui présentent un grand intérêt pour la recherche, sont menées dans un flou juridique rappelé par le Conseil d’État et la mission d’information sur la loi relative à la bioéthique. La rédaction de l’article 17 sécurise les recherches effectuées dans un cadre in vitro impliquant une modification du génome. L’édition du génome, c’est-à-dire les techniques permettant de modifier une lettre de notre génome à un endroit déterminé, présente un intérêt scientifique majeur. Un consensus international semble se dessiner afin d’interdire, en l’état actuel des connaissances scientifiques, toute édition du génome d’un embryon suivie de son transfert dans l’utérus. Si l’on peut regretter que des expérimentations malheureuses aient été tentées en Chine, leur auteur est maintenant en prison et a perdu son laboratoire.

Toutefois, l’édition du génome portant sur des embryons humains non implantables dans l’utérus, donc destinés à être détruits, présente un intérêt certain. Cette évolution permettrait aux chercheurs français de prendre part au développement de nouvelles thérapies qui font l’objet d’une forte concurrence mondiale. L’étude d’impact souligne qu’il est indispensable de revitaliser le domaine de la recherche en France, pour lequel il existe une forte compétence qui, malheureusement, est insuffisamment mise à contribution.

Il s’agit donc d’un domaine de recherches réglementé et soumis à autorisation. Il ne s’agit pas de faire évoluer l’espèce de manière artificielle – nous n’en sommes pas capables – mais de trouver des solutions thérapeutiques.

Avis défavorable.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Nous passons à une deuxième série de sous-amendements à l’amendement no 1519, qui portent sur des sujets assez variés.

M. Thibault Bazin. Le sous-amendement n° 1657 est défendu.

M. Xavier Breton. Le sous-amendement n° 1775 est identique. Seul l’ajout de cellules animales à un embryon humain serait interdit par cet article 17. La création de chimères animal-homme par adjonction de cellules humaines pluripotentes dans un embryon animal – et leur naissance – serait possible.

Je propose donc de spécifier : « Toute implantation dans un utérus humain ou animal, en vue d’une gestation, d’un embryon obtenu par adjonction de cellules-souches pluripotentes humaines, d’origine embryonnaires ou cellules pluripotentes induites, ou obtenu par introduction de matériel génétique d’une cellule somatique ou embryonnaire humaine dans un ovocyte animal est interdite. »

M. Patrick Hetzel. Le sous-amendement n° 1786 est identique. Monsieur le rapporteur, comment concilier les évolutions prévues par ce texte en matière de génétique avec le principe de précaution, de valeur constitutionnelle ? Pensez-vous qu’il existe des risques de censure par le Conseil constitutionnel ? Estimez-vous que le principe de précaution s’applique à la génétique humaine ?

M. Thibault Bazin. Le sous-amendement n° 1658 précise que la différenciation de cellules souches embryonnaires humaines ou de cellules souches pluripotentes induites en gamètes est interdite.

Le ministère de la recherche a autorisé des protocoles de recherche suscitant l’espoir – notre collègue Jean-François Eliaou nous en a parlé –, mais qui permettent la création de chimères. À l’inverse, le code de la santé publique interdit la création d’embryons transgéniques ou chimériques. Il y a donc un problème.

Si l’on demandait aux Français s’ils souhaitent la création de chimères, ils pourraient répondre. Vous apportez un éclairage scientifique, mais nous devons faire un choix éthique en évaluant les risques et les moyens employés. Il est possible d’employer des moyens contraires à nos principes éthiques en poursuivant une finalité louable.

M. Xavier Breton. Le sous-amendement n° 1777 identique est défendu.

M. Patrick Hetzel. Le sous-amendement n° 1788 identique est défendu.

M. Thibault Bazin. Le sous-amendement n° 1659 est défendu.

M. Xavier Breton. Le sous-amendement n° 1778 identique est défendu.

M. Patrick Hetzel. Le sous-amendement n° 1789 est identique. Il précise que la fusion de gamètes obtenus à partir de cellules souches embryonnaires humaines ou de cellules souches pluripotentes induites est interdite.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Les sous-amendements identiques nos 1660, 1779 et 1790 sont défendus.

M. Xavier Breton. Le sous-amendement n° 1780 interdit expressément la création d’embryons génétiquement modifiés.

M. Patrick Hetzel. Le sous-amendement n° 1791 est identique. De la même manière que le droit positif interdit les OGM, il ne faut pas permettre les « EGM » (« embryons génétiquement modifiés »).

Mme Emmanuelle Ménard. Le sous-amendement n° 1808 est défendu.

M. Philippe Berta, rapporteur. Je précise que les OGM ne sont pas interdits, mais ils ne doivent pas constituer plus de 0,9 % de nos aliments.

S’agissant de l’interdiction de la dérivation de cellules souches embryonnaires ou de cellules iPS, ma réponse est la même qu’à l’article 14. Ces sous-amendements poseraient des problèmes dans les recherches sur la gamétogenèse et nuiraient à la compréhension des mécanismes qui peuvent bloquer la fertilité. Un couple sur dix est concerné, nous devons régler ces problèmes pour ne plus avoir besoin de recourir à la PMA. Il ne faudrait pas bloquer la possibilité de mener in vitro les principales étapes de la spermatogenèse et de l’ovogenèse, pour comprendre l’infertilité.

Cela soulève des questions éthiques, c’est pourquoi la différenciation en gamètes des cellules souches embryonnaires et des cellules iPS fait l’objet d’un régime d’encadrement spécifique, qui prévoit une déclaration obligatoire à l’Agence de la biomédecine et un système de contrôle, notamment par l’avis public du conseil d’orientation de l’Agence. Seule une poignée d’équipes mène ce type de recherche, et les chercheurs se plaignent de l’extrême degré de contrôle de la recherche en France. Lors de la mission préparatoire à la loi de programmation de la recherche, leur principale demande était de ne plus être contraints de rédiger en permanence des rapports. Les chercheurs consacrent plus de temps à ces rapports et au contrôle de leurs activités qu’à la recherche proprement dite.

Quant à l’agrégation de cellules souches embryonnaires avec des cellules précurseures de tissus extra-embryonnaires, elle permet la constitution de gastruloïdes, obtenus par agrégation de cellules pluripotentes avec des cellules du trophoblaste, qui sont les précurseures des annexes embryonnaires. Ce ne sont même pas des pseudo-embryons et les problèmes éthiques ne sont donc pas les mêmes.

Ces recherches sur les gastruloïdes permettent de nouvelles connaissances sur les principes d’organisation de l’embryon au stade de la gastrulation, et fournissent des outils exceptionnels sur la compréhension de la mise en place des organes, et donc des pathologies qui peuvent en résulter.

De l’avis de nombreux scientifiques, c’est dans ce domaine que se jouent les progrès scientifiques et médicaux des années à venir.

Avis défavorable.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Nous en venons à la dernière série de sous-amendements à l’amendement no 1519, qui proposent des modifications du code civil.

M. Thibault Bazin. Le sous-amendement n° 1661 est défendu.

M. Xavier Breton. L’article 16-4 du code civil interdit les pratiques eugéniques tendant à l’organisation de la sélection des personnes. Le sous-amendement identique n° 1776 y ajoute l’interdiction de la modification des caractéristiques génétiques.

M. Patrick Hetzel. Le sous-amendement n° 1787 est identique. L’injection de cellules humaines dès le début du développement embryonnaire d’un animal soulève des questions auxquelles les scientifiques ne peuvent pas répondre. Comment garantir que les cellules humaines ne cannibalisent pas l’embryon animal, produisant une descendance plus humaine qu’animale ? Comment empêcher la migration ou le développement au-delà des seuils admis de cellules humaines dans le cerveau animal ? Quelles mutations de l’espèce humaine pourraient résulter de la xénotransplantation ? Ces interrogations imposent un encadrement plus strict de la recherche que ne le prévoit ce projet de loi.

M. Thibault Bazin. Le sous-amendement n° 1662 vise à supprimer la rédaction de l’article 16-4 du code civil proposée par le rapporteur. Dans six ans, lors de la prochaine révision des lois de bioéthique, est-ce que les expérimentations impliquant le transfert d’embryons d’animaux génétiquement modifiés seront inutiles parce que les recherches auront abouti, ou faudra-t-il franchir une étape supplémentaire ? S’agit-il d’autoriser temporairement des moyens aux limites des principes éthiques, avant d’en revenir au respect des frontières entre les espèces ? Ou au contraire, irons-nous encore plus loin ?

M. Xavier Breton. Le sous-amendement n° 1781 est identique. Le rapporteur tente de nous assurer que les scientifiques ne franchiront pas certaines limites, et nous sommes disposés à le croire. Mais le contexte de concurrence internationale dans la recherche entraîne des surenchères et incite à dépasser les lignes rouges. Est-ce que les révisions de nos lois de bioéthique ne viennent qu’avaliser ces transgressions ?

M. Patrick Hetzel. Le sous-amendement n° 1792 identique est défendu.

Mme Emmanuelle Ménard. Le sous-amendement n° 1807 est défendu.

M. Thibault Bazin. Le sous-amendement n° 1663 est défendu, ainsi que le sous-amendement n° 1664.

M. Xavier Breton. Le sous-amendement n° 1782, identique au précédent, est défendu.

M. Patrick Hetzel. Le sous-amendement n° 1793 est identique. Cet article ouvre la possibilité d’une transformation des caractères génétiques d’une personne, dans la mesure où cela n’a pas pour but de modifier la descendance. Or, une telle modification pouvant être une conséquence non voulue, il convient de le préciser.

M. Thibault Bazin. Le sous-amendement n° 1665 est défendu.

Philippe Berta, rapporteur. S’agissant des sous-amendements n° 1661 et identiques, je rappelle d’abord que l’alinéa 2 de l’article 16-4 du code civil dispose que « Toute pratique eugénique tendant à l’organisation de la sélection des personnes est interdite. »

Par ailleurs, la thérapie génique s’intéresse uniquement aux cellules somatiques de l’individu. Il est rigoureusement interdit de toucher aux cellules germinales, transmissibles, et il est donc impossible de modifier la descendance. Adopter ces sous-amendements reviendrait à interdire cette thérapie, ce qui serait tout simplement catastrophique.

Les sous-amendements n° 1662 et identiques tendent à supprimer les modifications apportées à l’article 16-4 du code civil.

La première modification permet d’étendre le champ des recherches consacrées à l’édition génique en y incluant la finalité diagnostique, conformément à la convention d’Oviedo. Aujourd’hui, le code civil ne cible pas les recherches à visée diagnostique et n’ouvre l’autorisation qu’à celles portant sur les maladies génétiques quand la convention autorise les interventions, y compris celles ayant une raison diagnostique, ayant pour effet de modifier les caractères génétiques quelle que soit la nature de la maladie ou de l’affection.

La seconde modification permet d’ouvrir les recherches aux maladies autres que génétiques. La suppression du terme « génétiques » répond à une volonté d’harmonisation avec la convention d’Oviedo. L’expression « maladies génétiques » est communément employée pour désigner les maladies génétiques d’origine constitutionnelle. Or les recherches concernées peuvent également porter sur d’éventuels facteurs génétiques de résistance à des pathologies non héréditaires. Par exemple, ceux conférant une résistance aux maladies liées au métabolisme – diabète, pancréatite aiguë – ou aux maladies du vieillissement – cancers non héréditaires, maladie d’Alzheimer, etc.

Les propositions de rédaction de l’article 16-4 formulées par les sous-amendements n° 1663 et suivants nous semblent un peu alambiquées. Cet article dispose que « sans préjudice des recherches tendant à la prévention et au traitement des maladies génétiques, aucune transformation ne peut être apportée aux caractères génétiques dans le but de modifier la descendance de la personne ». Je propose d’en rester à cette rédaction, sachant que plusieurs de vos demandes sont satisfaites par l’article L. 2151-2 du code de la santé publique.

Avis défavorable.

Mme Agnès Thill. Comment garantir que les cellules humaines ne cannibalisent pas l’embryon animal et n’entraînent ainsi une descendance plus humaine qu’animale ? Quid de la migration ou du développement, au-delà des seuils admis par les scientifiques, des cellules humaines dans le cerveau de l’animal ?

Le covid-19 montre combien nos inquiétudes sont justifiées puisqu’il a fait le tour de la planète vraisemblablement à partir d’un virus animal. Le mélange mal maîtrisé des cellules humaines et animales ne peut que nous inquiéter. Si les espèces sont mélangées, le prochain virus n’aura plus de barrière à franchir.

M. Jean-François Eliaou. Nous sommes en commission, pas en classe de troisième !

M. Marc Delatte. Notre société, en complète mutation, ouvre le champ des possibles, crée parfois de fols espoirs et suscite l’intranquillité. On connaissait déjà les ciseaux ADN CRISPR‑Cas9 ; les chercheurs ont mis au point des ciseaux CRISPR‑Cas13, qui permettront d’atteindre l’ARN et la protéine qui en découle sans modifier le génome. Cette avancée significative permettra de corriger, espérons-le, de nombreuses maladies génétiques causées par une mutation ponctuelle. Il sera ainsi possible à la fois de corriger une pathologie héréditaire incurable et… de favoriser le transhumanisme.

L’article 13 de la convention d’Oviedo et l’article 16-4 du code civil interdisent les dérives eugéniques. Il est des invariants éthiques inconditionnels.

M. Jean-François Eliaou. La création de chimères animales est très encadrée par les comités d’éthique de l’INSERM, du CNRS, de l’INRA et de l’ensemble des instituts de recherche publique. Par ailleurs, et c’est fondamental, le respect du bien-être animal est encadré, ce qui conduit les chercheurs à passer beaucoup de temps à remplir des papiers et à être inspectés. Jamais un cerveau animal ne pourra devenir humain.

Enfin, l’intérêt de ces recherches est très largement médical. Qu’est-ce qu’une « souris humanisée » ? C’est une souris chez laquelle on a tenté de remplacer le système immunitaire par celui de l’homme, afin d’étudier in vivo le fonctionnement de notre système immunitaire face à des tumeurs. Cela nous permet de disposer aujourd’hui de médicaments d’immunothérapie aux résultats spectaculaires.

M. Philippe Berta, rapporteur. En France, trois millions de personnes souffrent de maladies génétiques, dont plus de 80 % sont des enfants. Aujourd’hui, nous avons enfin des solutions ! Ainsi, une injection permet désormais de guérir l’amyotrophie spinale ; il y a encore un an, l’enfant était destiné à devenir tétraplégique et à mourir entre 15 et 18 ans. Les avancées sont considérables et je n’ai pas envie que nos gamins ne puissent pas en profiter.

La commission rejette lensemble des sous-amendements ( 1771, 1654, 1772, 1783, 1810, 1773, 1784, 1795, 1796, 1655, 1809, 1656, 1774, 1785, 1657, 1775, 1786, 1658, 1777, 1788, 1659, 1778, 1789, 1660, 1779, 1790, 1780, 1791, 1808, 1661, 1776, 1787, 1662, 1781, 1792, 1807, 1663, 1664, 1782, 1793 et 1665).

Elle adopte lamendement n° 1519.

En conséquence, larticle 17 est ainsi rétabli et les amendements n° 1356, 1395, 1360 et 1345 tombent.

(La réunion, suspendue à dix-huit heures quinze, est reprise à dix-huit heures vingt-cinq).

Article 18
Développement des « passerelles soin/recherches » par lutilisation facilitée déchantillons conservés à dautres fins

La commission est saisie de lamendement n° 1227 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il ne devrait y avoir d’examen de caractéristiques génétiques à des fins de recherche scientifique qu’avec le consentement libre et éclairé d’une personne. Or cet article, qu’il convient de supprimer, inverse les choses : sauf opposition de la personne concernée, cet examen est pratiqué.

M. Philippe Berta, rapporteur. Si le consentement est présumé, un devoir d’information est prévu par ce dispositif équilibré afin d’exercer un droit d’opposition. Cette évolution est rendue nécessaire notamment parce que nombre de projets de recherche ont besoin de réunir et de traiter une grande quantité de données pour explorer des questions scientifiques et médicales. Un « ciselage » du consentement qui resterait assorti à une finalité limitée – une seule maladie – ne peut répondre à cette exigence, alors même que notre pays s’est engagé dans le plan France Médecine génomique 2025. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement n° 1227.

Elle est saisie de lamendement n° 239 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. L’article 18 vise à faciliter la recherche nécessitant des examens de génétique sur des collections d’échantillons biologiques conservés à des fins médicales. Mais il modifie l’expression du consentement puisqu’il prévoit que la personne doit exprimer son opposition après avoir été informée du programme de recherche.

Pour donner une plus grande valeur au consentement, la personne doit pouvoir exprimer son « autorisation expresse », laquelle doit pouvoir être retirée « tant qu’il n’y a pas eu d’intervention sur l’élément concerné dans le cadre de la recherche autre que celle permettant la conservation de cet élément. »

M. Philippe Berta, rapporteur. Prévoir un consentement écrit remettrait en question l’économie du dispositif, dont j’ai souligné l’importance au regard des recherches menées. Je rappelle que le consentement est présumé mais réversible dans le cadre d’un droit d’opposition. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement n° 239.

Elle est saisie de lamendement n° 1520 du rapporteur.

M. Philippe Berta, rapporteur. Les précisions apportées par le Sénat ne sont pas utiles dans la mesure où les dispositions du Règlement général sur la protection des données (RGPD) s’appliquent déjà, y compris aux chercheurs. Vouloir décliner ces obligations dans chaque texte affaiblirait leur portée pratique. Introduire le droit d’opposition à l’utilisation des données pourrait laisser penser que, lorsque la précision n’est pas apportée, le RGPD ne s’applique pas.

La commission adopte lamendement n° 1520.

Elle est saisie de lamendement n° 240 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Il s’agit, à l’alinéa 3, après la référence « I », d’insérer les mots : « et à l’utilisation des données obtenues ». Selon les préconisations de la CNIL lors de son audition devant la commission spéciale à l’Assemblée nationale, il convient de prévoir aussi le droit à l’opposition à l’utilisation des données pour respecter le RGPD.

M. Philippe Berta, rapporteur. Le RGPD s’applique, y compris dans le cadre du dispositif de l’article 18. Tout le monde doit s’y conformer, y compris les chercheurs. J’ai déjà eu l’occasion de le dire au cours de nos débats et je viens de le répéter en présentant mon amendement n° 1520.

La commission rejette lamendement n° 240.

Elle examine, en discussion commune, les amendements  734 de M. Patrick Hetzel et les amendements nos 241 et 242 de M. Thibault Bazin.

M. Patrick Hetzel. À la fin de l’alinéa 3, substituer aux mots : « sans forme tant qu’il n’y a pas eu d’intervention » les mots « par tout moyen, sous un délai d’un mois, tant qu’il n’y a pas eu ledit examen ». En utilisant l’expression plus juridique « par tout moyen » plutôt que « sans forme », la rédaction est plus claire.

Il importe de préciser une durée après laquelle le responsable de la recherche peut estimer que la personne ne s’est pas opposée. Dans le domaine de la protection des données, la CNIL préconise un mois.

Le mot « intervention » peut être quant à lui sujet à plusieurs interprétations. Si le simple fait de conserver l’échantillon est une intervention, le droit d’opposition est réduit à néant. Il est préférable de se référer à « l’examen prévu ».

M. Thibault Bazin. Le consentement au programme de recherche peut être flou et évoluer. L’amendement n° 241 prévoit donc, à l’alinéa 3, de substituer aux mots : « sans forme tant qu’il n’y a pas eu d’ » les mots : « avant chaque nouvelle ».

Par ailleurs, il convient de prévoir un délai minimum pour que la personne concernée puisse exprimer son opposition avant l’intervention éventuelle. C’est pourquoi l’amendement n° 242 propose le délai d’un mois préconisé par la CNIL.

M. Philippe Berta, rapporteur. Plusieurs interventions successives sur un même échantillon peuvent être nécessaires dans le cadre du même projet de recherche. La rédaction proposée par l’amendement n° 241 pourrait alors avoir pour conséquence de remettre en cause des travaux engagés de longue date si l’opposition intervenait en fin de recherche.

Le dispositif proposé par l’article 18 me semble nettement plus équilibré : il permet l’information des personnes au sujet des programmes de recherche ainsi que leur opposition, à tout moment, tant qu’il n’y a pas eu d’intervention sur l’échantillon à des fins de recherche.

Outre que les amendements n° 734 et n° 242 relèveraient du décret, il me semble que ces propositions de rédaction conduiraient finalement à restreindre le droit à l’expression d’une opposition à un délai unique d’un mois. Il me semble que c’est contraire avec la protection du droit d’opposition consacré par cet article. Avis défavorable.

La commission rejette successivement lamendement n° 734 et les amendements n° 241 et 242.

Suivant lavis défavorable du rapporteur, elle rejette lamendement n° 243 de M. Thibault Bazin.

La commission est saisie de lamendement n° 244 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Cet amendement important, cosigné par de nombreux collègues, propose de reprendre une préconisation du CCNE en insérant après le mot « décédée », à la première phrase de l’alinéa 9, les mots «, à moins qu’un refus n’ait été exprimé de son vivant, ».

M. Philippe Berta, rapporteur. Cette précision est d’autant plus inutile que l’alinéa 9 prévoit qu’il appartient au comité de protection des personnes d’appréhender la situation considérée : si un refus a été exprimé, il sera bien évidemment pris en compte dans l’analyse du comité. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement n° 244.

Elle est saisie de lamendement n° 245 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Il convient que la CNIL soit saisie pour l’élaboration du décret prévu à l’alinéa 11.

Suivant lavis défavorable du rapporteur, la commission rejette lamendement n° 245.

Elle est saisie de lamendement n° 246 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Le texte ne précise pas comment la personne sera « dûment informée » du programme de recherche. Par cet amendement, nous proposons qu’un décret précise la manière d’informer le patient par mail, par courrier, et comment s’assurer que cette information lui est bien parvenue.

M. Philippe Berta, rapporteur. Avis défavorable, la rédaction de l’alinéa 11 répondant à peu près à la question posée.

La commission rejette lamendement n° 246.

Elle est saisie de lamendement n° 247 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Il convient de définir les interventions possibles effectuées à partir des caractéristiques génétiques d’une personne à des fins de recherche scientifique.

M. Philippe Berta, rapporteur. Ces précisions relèvent là encore du décret, notamment par le biais de l’exercice du droit d’opposition. Je pense que votre amendement est satisfait. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement n° 247.

Elle est saisie de lamendement n° 735 de M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Il s’agit de compléter l’alinéa 11 par la phrase suivante : « Il veille à l’utilisation de leurs échantillons et au traitement de leurs données à caractère personnel associé. »

M. Philippe Berta, rapporteur. Là encore, le RGPD s’applique ; vouloir décliner ses obligations dans chaque texte revient à affaiblir leur portée pratique.

La commission rejette lamendement n° 735.

Elle est saisie de lamendement n° 248 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Même si le « programme de recherche » se veut plus large que le « projet de recherche », il doit être suffisamment explicite afin d’assurer la meilleure information possible du patient qui consent.

M. Philippe Berta, rapporteur. Nous en avons longuement discuté en première lecture. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement n° 248.

Elle adopte larticle 18 modifié.

Avant l’article 19

Suivant lavis défavorable du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements  893 et 894 de M. Patrick Hetzel.

Titre V
Poursuivre lamélioration de la qualité et de la sécurité des pratiques du domaine bioéthique

Chapitre Ier
Renforcer la qualité et la sécurité des pratiques

Article 19
Rénovation du régime du diagnostic prénatal permettant de reconnaître la médecine fœtale et de renforcer linformation de la femme enceinte et du couple et prévoyant des recommandations de bonnes pratiques

La commission est saisie de lamendement n° 249 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Cet amendement prévoit qu’une information doit être donnée tout au long des différentes étapes du dépistage prénatal (DPN) afin que la femme enceinte y consente en toute connaissance de cause.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Avis défavorable : l’information est donnée à toutes les étapes du diagnostic prénatal.

La commission rejette lamendement n° 249.

Elle est saisie de lamendement n° 1228 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il est difficile de comprendre pourquoi la loi dispose que la mère choisit ou non d’informer l’autre membre du couple à la suite d’un diagnostic prénatal qui établirait que « l’embryon ou le fœtus présente une affection susceptible de modifier le déroulement ou le suivi de sa grossesse ». Si elle est en couple, c’est ce dernier qui est concerné.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Si elle le souhaite, elle pourra informer le conjoint mais, dans certains cas, nombreux, celui-ci n’est pas présent, ce qui paralyse la procédure de diagnostic prénatal.

La commission rejette lamendement n° 1228.

Elle est saisie de lamendement n° 1412 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. L’autre membre du couple est lui aussi concerné. Ne peut-on imaginer une façon de l’informer, même si je comprends votre volonté de ne pas bloquer la procédure ?

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Le problème n’est pas là. Les auditions ont montré que, bien souvent, l’homme est absent, sciemment. Inclure l’information du conjoint paralyserait le processus. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement n° 1412.

Elle est saisie de lamendement n° 736 de M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Amendement rédactionnel. À la deuxième phrase de l’alinéa 7, je propose de substituer au mot « suspectée » le mot « recherchée ».

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Ce n’est pas un amendement rédactionnel : les mots ont une importance. Au stade du diagnostic, la pathologie est suspectée et non recherchée, à la différence, par exemple, du gène qui en serait la cause.

De surcroît, on parle en médecine de « suspicion de pathologie », le diagnostic étant par exemple posé par la biologie moléculaire. Je vous invite à retirer votre amendement, sinon, avis défavorable.

Lamendement n° 736 est retiré.

La commission est saisie de lamendement n° 1420 du rapporteur.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. À la fin de la dernière phrase de l’alinéa 7, je propose de substituer aux mots « remise par le médecin » le mot « proposée ». La première formulation est un peu autoritaire et suppose que le médecin remette en main propre la documentation alors qu’elle est disponible dans le cabinet ou le centre.

La commission adopte lamendement n° 1420.

Elle est saisie de lamendement n° 737 de M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Il s’agit de compléter l’alinéa 7 par la phrase suivante : « Le médecin fournit à la femme, sauf si elle s’y oppose, une liste départementale des associations de parents, agréées et reconnues dans la prise en charge et l’accompagnement de la personne en situation de handicap. »

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Je ne comprends pas l’articulation de votre amendement avec cet alinéa. La rédaction actuelle est à mon sens beaucoup plus précise et pertinente puisqu’elle évoque « les associations spécialisées et agréées dans l’accompagnement des patients atteints de l’affection suspectée ». De plus, ces associations ne sont pas présentes dans tous les départements. Enfin, tout ne se résume pas à la naissance d’enfants handicapés ; heureusement, la médecine fœtale a réalisé d’immenses progrès. Je suggère le retrait de cet amendement.

Lamendement n° 737 est retiré.

La commission est saisie de lamendement n° 1230 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il s’agit de compléter l’alinéa 7 par la phrase suivante : « Si l’association spécialisée et agréée a produit un guide d’accompagnement des parents, il est également proposé. » La suspicion d’un handicap est douloureuse et anxiogène pour des parents. Il convient de les entourer en leur proposant non seulement une liste d’associations, comme nous l’avons vu à l’instant, mais aussi les guides d’accompagnement qu’elles ont pu publier.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Si l’association agréée a produit un guide, c’est bien à elle de le remettre aux parents. Par ailleurs, ce n’est pas le rôle de la loi d’entrer dans ce genre de détail. Je suggère le retrait.

Lamendement n° 1230 est retiré.

La commission examine les amendements identiques  250 de M. Thibault Bazin et n° 738 de M. Patrick Hetzel.

M. Thibault Bazin. Une famille qui va donner naissance à un enfant en situation de handicap doit avoir des réponses à ses interrogations et à ses inquiétudes.

Dans ma circonscription, Sonia Sammou, dont une fillette est atteinte d’une maladie génétique rare, a créé My Extrabox, une boîte contenant tous les éléments nécessaires pour faire face à ce type de situation. Sans doute un déploiement à grande échelle serait-il utile.

M. Patrick Hetzel. L’annonce que la grossesse puisse se terminer par la naissance d’un enfant en situation de handicap soulève de nombreuses questions chez les parents et suscite parfois une grande détresse car, bien souvent, ils ne savent pas comment faire face.

Pour qu’ils puissent envisager le handicap autrement que comme une « anomalie » pour l’enfant et un « poids » pour la famille, il faut leur permettre de disposer de moyens et de rencontrer des personnes susceptibles de répondre à leurs questions et de les aider au mieux à formuler un choix éclairé. Tel est l’objet de cet amendement complétant l’alinéa 7.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Je partage votre volonté de promouvoir une société inclusive mais la rédaction actuelle de l’article prévoit déjà que les parents sont informés du mieux possible. Sauf opposition de leur part, ils reçoivent des informations sur les caractéristiques de la maladie suspectée, sur les possibilités de prévention, de soins ou de prises en charge adaptées. Les associations prendront en charge les parents.

L’article 19 concerne la médecine fœtale et nous nous situons donc dans l’espérance d’un traitement, même si le handicap ou l’interruption médicale de grossesse peuvent être l’issue. Je n’ai pas envie d’un « mélange des genres » dans un article porteur d’espoir. Je vous demande donc de retirer ces amendements.

M. Guillaume Chiche. J’entends vos arguments, monsieur le rapporteur, mais ces amendements sont particulièrement intéressants. Monsieur Bazin, qui serait chargé de réaliser le « dossier-guide » remis à la femme concernée ?

M. Thibault Bazin. Un travail important a été effectué avec les associations spécialisées. Grâce à des financements expérimentaux, la boîte est prête. Peut-être faudra-t-il en reparler avec le ministre de la santé en séance publique.

Mme Sylvia Pinel. Il est possible d’inciter au déploiement de ces bonnes pratiques mais elles ne me semblent pas relever du domaine législatif, quel que soit le respect que j’éprouve à l’endroit d’une telle initiative.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Dans ma circonscription, l’association « Un chromosome d’amour en plus » a le même objectif mais, au bout du bout, un problème de financement et de distribution de la boîte se pose.

Lamendement  250 est retiré.

La commission rejette lamendement  738.

La commission est saisie de lamendement n° 739 de M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. L’alinéa 3 de l’article L. 1111-4 du code de la santé publique dispose notamment qu’aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne. L’amendement prévoit qu’une information doit être donnée tout au long des différentes étapes du dépistage prénatal, afin que la femme enceinte y consente en toute connaissance de cause.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Demande de retrait, dans la mesure où votre demande est doublement satisfaite. Le II de l’article L. 2131-1 relatif au diagnostic prénatal, qui n’est pas modifié par ce projet de loi, dispose que la femme enceinte reçoit une « une information loyale, claire et adaptée à sa situation ». Par ailleurs, les principes généraux du consentement libre et éclairé figurent à l’article L. 1111-4 du code de la santé publique. Il n’est donc pas utile de les répéter.

La commission rejette lamendement n° 739.

Elle examine, en discussion commune, les amendements n° 740 de M. Patrick Hetzel et n° 251 de M. Thibault Bazin.

M. Patrick Hetzel. L’amendement n° 740 vise à ajouter, après l’alinéa 10, l’alinéa suivant : « Après l’annonce des résultats de ces examens, la femme enceinte dispose d’un délai de réflexion d’une semaine avant de décider d’interrompre ou de poursuivre sa grossesse. » Nous sommes plusieurs à considérer qu’un temps de réflexion semble nécessaire pour éviter une trop grande précipitation.

M. Thibault Bazin. Mon amendement n° 251 vise à proposer un délai supplémentaire à la femme enceinte – une nuance, qui en fait un amendement de repli.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Avis défavorable. Je souhaite aborder cette question à l’article 20, pour éviter toute confusion. La médecine fœtale a fait beaucoup de progrès et ne se résume pas à la possibilité de proposer ou non une interruption médicale de grossesse.

La commission rejette successivement les amendements n° 740 et n° 251.

Elle est saisie de lamendement n° 1232 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il s’agit de supprimer les alinéas 13 et 14, les modalités d’information de l’autre membre du couple n’ayant pas lieu d’être fixées par décret en Conseil d’État.

Suivant lavis défavorable du rapporteur, la commission rejette lamendement n° 1232.

Elle est saisie de lamendement n° 1234 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. L’amendement vise à supprimer les alinéas 15 à 19 qui permettraient au ministre chargé de la santé de déterminer par arrêté des recommandations supplémentaires de bonnes pratiques : « relatives au diagnostic préimplantatoire et les critères médicaux justifiant la communication à la femme enceinte des caractéristiques génétiques fœtales » ; « relatives aux modalités de prescription, de réalisation et de communication des résultats des examens de biologie médicale » et « relatives aux modalités de réalisation des examens d’imagerie concourant au diagnostic prénatal ».

Le fait que ces recommandations soient produites par arrêté écarte les parlementaires d’une question primordiale. Le diagnostic prénatal peut être l’occasion de soutenir des parents attendant un enfant atteint d’un handicap, mais il peut aussi être l’outil d’une politique eugénique. Pour l’éviter, il faut que le Parlement puisse s’exprimer.

Suivant lavis défavorable du rapporteur, la commission rejette lamendement n° 1234.

Suivant lavis défavorable du rapporteur, elle rejette les amendements identiques n° 252 de M. Thibault Bazin et n° 741 de M. Patrick Hetzel.

La commission adopte larticle 19 modifié.

Article 19 bis A (supprimé)
Abrogation du double diagnostic préimplantatoire (DPI-HLA) et demande de rapport sur le sang placentaire

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques n° 527 de M. Patrick Hetzel, n° 629 de Mme Agnès Thill, n° 1238 de M. Thibault Bazin et n° 1241 de Mme Emmanuelle Ménard, ainsi que les amendements n° 630 de Mme Agnès Thill, n° 1484 du rapporteur et n° 755 de M. JeanLouis Touraine.

M. Patrick Hetzel. Une fois n’est pas coutume, l’amendement n° 527 vise à rétablir l’article 19 bis A tel qu’adopté en première lecture par l’Assemblée nationale.

Mme Agnès Thill. L’amendement n° 629 tend à supprimer la technique dite du bébé médicament.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Mon amendement n° 1484 vise à rétablir l’article 19 bis A dans une rédaction un peu différente. Le DPI‑HLA concerne un nombre très faible de pathologies, pour lesquelles le seul traitement est la greffe de cellules souches hématopoïétiques, qui, pour des raisons de compatibilité, ne peuvent pas provenir d’un donneur non apparenté. La seule possibilité est d’utiliser le sang du cordon (côté placenta) de l’enfant qui va naître pour sauver son frère ou sa sœur. C’est pourquoi on propose à la famille de faire une fécondation in vitro et de trier les embryons selon deux critères : l’absence de mutation et la compatibilité tissulaire. En 2014, cette stratégie thérapeutique a été interrompue en France, parce que l’on ne pouvait pas faire autrement qu’implanter le stock d’embryons obtenus lors d’une première stimulation. Or la probabilité d’avoir des embryons compatibles est extrêmement faible. Les équipes françaises ont donc cessé de recourir à cette technique, qui revenait souvent à faire de fausses promesses aux patientes.

Je vous propose de rétablir le droit actuel, en créant une dérogation, pour que la femme puisse bénéficier d’une deuxième, voire d’une troisième stimulation, sous le contrôle de l’Agence de la biomédecine, dans l’espoir d’avoir un embryon compatible sans la tare génétique. Si nous supprimons le dispositif législatif permettant le recours à cette technique, la sécurité sociale ne pourra même pas prendre en charge les quelques cas français qui, n’ayant pas la possibilité de le faire en France, sont traités en Belgique.

M. Jean-Louis Touraine. Je suis tout à fait en phase avec le rapporteur pour rétablir le DPI‑HLA et ajouter ces dispositions, qui viennent répondre à des remarques du Conseil d’État, les fécondations in vitro permettant de sélectionner le bon embryon.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Avis défavorable aux amendements n° 527, n° 629, n° 1238, n° 1241 et n° 630. Demande de retrait de l’amendement n° 755, l’amendement du rapporteur étant plus précis.

Mme Emmanuelle Ménard. J’ai une question éthique. En vous écoutant, on a envie d’être convaincus. Mais si le DPI‑HLA devait être autorisé, cela signifierait que le législateur s’arrogerait le droit de décider que tel enfant, potentiellement atteint d’une maladie, peut vivre et que tel autre, potentiellement atteint, ne peut pas vivre. Cela reviendrait à établir une norme génétique.

Mme Aurore Bergé. C’est l’un des débats les plus douloureux que nous ayons eus en première lecture. C’est en effet une situation quasiment impossible qui nous est présentée, entre la douleur des familles dont l’enfant ne peut être sauvé, et le fait qu’un autre enfant puisse naître et leur apporter les cellules souches dont elles ont besoin. Après y avoir à nouveau réfléchi, à la suite de la première lecture, je n’arrive pas à accepter que le législateur écrive dans la loi qu’on accepte qu’un enfant ne naisse que pour essayer d’en sauver un autre. Je n’y arrive pas. Je ne peux imaginer quel serait le destin d’un tel enfant. Je ne voterai pas l’amendement du rapporteur.

M. Patrick Hetzel. Pour obtenir ce « bébé médicament » – terme assurément réducteur –, il a probablement fallu créer une vingtaine d’embryons qu’il faudra détruire, parce qu’ils seront, en quelque sorte, considérés comme malades. Une charge extrêmement forte pèse sur l’enfant à naître, pas seulement parce que l’on pense qu’il doit apporter la survie à son frère ou à sa sœur, mais aussi parce que l’on fait porter sur lui le fait que de nombreux autres n’ont pas pu naître. D’un point de vue éthique, cela me semble problématique. En tant que législateur, je n’arrive pas à franchir cette ligne rouge.

Mme Coralie Dubost. Je voudrais dire à ceux qui craignent que cet enfant ne soit fait que pour soigner qu’il me semble qu’il est aussi fait pour beaucoup d’autres choses : pour être accueilli dans un foyer, avoir des frères et sœurs, développer une vie entière. Si j’ai bien entendu l’explication du rapporteur, ce qui permettra de sauver l’aîné se trouve dans le cordon ombilical. L’enfant mènera une vie parfaitement normalement au sein d’une famille qui, manifestement, tient à ses enfants et souhaite faire tout ce qui est possible pour leur sauver la vie et leur offrir des conditions de vie dignes.

Autre argument, qui vaut ce qu’il vaut : si nous l’interdisons en France, cette technique se pratiquera ailleurs et nous enverrons des familles françaises de l’autre côté de la frontière. Nous avons reçu des alertes de généticiens à ce propos. Je préfère que ce soit fait en France, avec l’éthique à la française. Je sais que nos généticiens sont très prudents. Nous ne pouvons pas envoyer un message de défiance à nos chercheurs et à nos scientifiques formés dans nos universités, selon nos lois et notre culture éthique. Je voterai l’amendement du rapporteur.

M. Thibault Bazin. Le sujet est très sensible. Il n’y a rien de pire pour des parents que d’avoir des enfants malades. Il est vrai, monsieur le rapporteur, que pour quelques maladies, la seule possibilité de soin passe par le DPI‑HLA. Mais la finalité ne doit pas éclipser les moyens pour y arriver. Je crois profondément qu’un enfant doit être conçu pour lui‑même. Je ne voterai pas l’amendement du rapporteur.

M. Maxime Minot. Je rejoins les propos liminaires de Coralie Dubost. Les parents qui auraient recours à une telle méthode en seront reconnaissants à tout jamais. Il faut éviter à tout prix que ces parents soient obligés de partir à l’étranger, tout comme pour la PMA. Je voterai l’amendement du rapporteur.

M. Jean-François Mbaye. Cette situation est un vrai dilemme. J’ai entendu les arguments de mes collègues. Notre décision a une très grande portée éthique. Jusqu’où aller ? Même si je vous comprends, madame Bergé, c’est bien à nous de prendre ces décisions et de les concrétiser dans la loi.

M. Guillaume Chiche. Je soutiendrai l’amendement du rapporteur. Comme mes collègues, je ferai preuve de beaucoup de modestie sur cette question et me garderai d’avoir la prétention de détenir la vérité absolue. Si le DPI‑HLA est le seul moyen de traiter certaines pathologies, il faut étudier la question et, autant que possible, autoriser les pratiques permettant de corriger la pathologie. S’agissant du « bébé médicament », même si je trouve que le terme est impropre, dans la vie d’un être humain, le « qui suis‑je ? » n’a de réponse que dans l’avenir, comme le disait Épictète. Le fait, pour un être humain, de savoir qu’il a traité la pathologie de l’un de ses proches n’est pas un handicap, au contraire.

M. Marc Delatte. Cette question nous rappelle combien la vie est complexe. Nous sommes au cœur d’une tension entre l’intime et le collectif, et sur la notion même de limite. La réflexion éthique s’accompagne toujours d’inquiétude et d’intranquillité. Ce qui me gêne éthiquement, c’est la notion de tri, même si je la comprends. Je voterai contre l’amendement du rapporteur.

Mme Sereine Mauborgne. Les familles confrontées à la maladie de leur enfant ont naturellement envie et besoin d’agrandir leur famille, pour donner une autre impulsion à leur enfant malade, lui apporter de la stabilité, de l’énergie. Cela se fait depuis toujours. Si, en plus, la science peut aider à sauver l’enfant malade depuis des semaines, en chambre stérile, je pense qu’il faut donner les moyens aux familles de trouver une solution en France.

Mme Monique Limon. Depuis la première lecture, j’ai beaucoup réfléchi à cette question et j’ai évolué. Il ne faut pas oublier la solidarité existant au sein d’une famille. Il y a vraisemblablement dans la tête des parents des temps différents : d’abord vouloir sauver l’enfant malade ; ensuite accueillir l’autre enfant et fonder une famille. Contrairement à la première lecture, je serai plutôt favorable à offrir cette possibilité aux parents, qui sont accompagnés par des professionnels auxquels il est bien de faire confiance.

Mme Sylvia Pinel. Le sujet est complexe et humainement difficile. Je comprends les interrogations de mes collègues. Je soutiendrai l’amendement du rapporteur parce qu’il s’agit d’une possibilité ouverte à la famille, dans le cadre d’une réflexion forcément douloureuse. Il me semble important que le législateur rétablisse cette faculté, qui a été introduite par d’autres lois, en 2004. À cette époque, le législateur, qui se posait sûrement les mêmes questions que nous, avait fait ce choix. Revenir en arrière me semblerait contradictoire avec le principe des lois de bioéthique. Je partage les remarques de Coralie Dubost sur l’éthique à la française, la formation et l’accompagnement français. Enfin, dans des moments difficiles, il est bon d’avoir une fratrie.

Mme Natalia Pouzyreff. Alors que nous avons beaucoup évoqué l’intérêt supérieur de l’enfant, il me semble que l’amendement du rapporteur le défend précisément.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Pour mémoire, cette technique est extrêmement encadrée. La loi prévoit qu’elle ne peut être mise en œuvre que dans des conditions très exceptionnelles : le couple demandeur doit avoir donné naissance à un enfant atteint de maladie génétique entraînant la mort dès les premières années et incurable ; toutes les autres possibilités thérapeutiques doivent avoir été épuisées ; le pronostic vital pourrait être significativement amélioré grâce à une greffe de cellule souche sans porter atteinte au corps de l’enfant donneur ; le diagnostic ne concerne que la maladie génétique en question.

En première lecture, la commission avait donné un avis favorable à l’amendement, qui avait ensuite reçu un avis défavorable pour des raisons sur lesquelles je ne souhaite pas revenir.

Pour avoir travaillé en hématologie pédiatrique, je sais que les parents qui ont un enfant dans cette situation font des bébés sous la couette, pour sauver cet enfant. J’ai parlé de tri, parce que j’ai voulu être honnête : il faut bien trier les embryons. Cette pratique est légale. Ce qui n’est pas possible, c’est de faire de nouvelles stimulations ovariennes pour aboutir au bon embryon.

C’est un cas très compliqué d’un point de vue éthique. En tout cas, si nous supprimons cette disposition, nous supprimons la possibilité de faire en France ce que des familles, qui en auront les moyens, feront en Belgique, dans de bonnes conditions sanitaires, certes, mais sans être prises en charge. Je vois là une inégalité sociale.

La commission rejette les amendements identiques n° 527, 629, 1238 et 1241, ainsi que lamendement n° 630.

Elle adopte lamendement n° 1484.

En conséquence, larticle 19 bis A est ainsi rétabli et lamendement n° 755 tombe.

Article 19 bis (supprimé)
État des lieux du diagnostic prénatal et du diagnostic préimplantatoire

La commission examine, en discussion commune, lamendement n° 853 de M. Hervé Saulignac, les amendements identiques n° 1423 du rapporteur et n° 854 de M. Hervé Saulignac, ainsi que lamendement n° 1240 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Michèle Victory. L’amendement n° 853 du groupe Socialistes et apparentés, originellement déposé par notre collègue rapporteur Philippe Berta, vise, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, à étendre le champ du diagnostic préimplantatoire (DPI) à la numération des autosomes, c’est-à-dire des chromosomes non sexuels, afin d’éviter tout risque de dérive discriminatoire. Cet examen n’implique aucun acte supplémentaire dans le cadre du DPI, que la loi de bioéthique de 1994 a permis d’encadrer. Ce DPI particulier éviterait de nombreux échecs en fécondation in vitro. La science permet de savoir, par le biais d’une analyse chromosomique, si les embryons sont viables ou s’il y a un risque de fausse couche. Or, aujourd’hui, tous les embryons ont vocation à être implantés, alors que seul un sur dix est viable. Par ailleurs, l’enfant peut souffrir d’une pathologie génétique grave, ce qui ouvre la possibilité d’un avortement thérapeutique. Une telle mesure permettrait de diminuer les taux de fausses couches, de réduire les taux de grossesses gémellaires et d’améliorer les taux de réussite de la fécondation in vitro. Elle permettrait de diminuer l’inégalité aux soins.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. L’amendement n° 1423 vise à rétablir l’article adopté en première lecture par l’Assemblée nationale.

Un état des lieux du diagnostic prénatal et du diagnostic préimplantatoire effectué par l’Agence de la biomédecine permettrait d’évaluer les conditions de mise en œuvre et de formuler des recommandations pertinentes sur l’information des femmes, la formation des professionnels, mais aussi sur l’harmonisation des procédures ou encore la concertation avec le monde du handicap.

Mme Emmanuelle Ménard. L’amendement n° 1240 a également pour objet de rétablir l’article 19 bis en précisant que l’état des lieux établit le nombre de pathologies détectées et le nombre de celles qui font l’objet d’une interruption médicale de grossesse, de manière à disposer de données objectives qui permettront de prendre des décisions en toute connaissance de cause.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Bien que favorable sur le fond, je vous demande, madame Ménard, de retirer votre amendement au profit du mien et de celui de M. Saulignac, mieux rédigés.

Concernant l’amendement n° 853, nous avons longuement discuté du diagnostic préimplantatoire des aneuploïdies (DPI-A) en première lecture. L’introduction de cette technique par la voie expérimentale ne me paraît pas souhaitable pour deux raisons. La première est liée à l’âge de la population de femmes qui bénéficient d’un DPI. Elles appartiennent à des familles qui ont un enfant présentant une maladie génétique monogénique – comme la mucoviscidose ou la myopathie de Duchenne – et qui souhaitent avoir un deuxième enfant. Un DPI est donc réalisé pour détecter et écarter les embryons portant la tare génétique responsable de la maladie. À l’occasion de cette exploration, un comptage des chromosomes peut éventuellement être effectué. La population qui a la plus grande probabilité de présenter des anomalies chromosomiques est plutôt âgée.

La deuxième raison est soulevée par plusieurs articles récemment parus dans la littérature. Une étude clinique incluant 600 femmes a comparé les techniques morphologiques actuellement employées pour trier les embryons que l’on veut implanter selon leur aspect et leur nombre de cellules, et les techniques de recherche d’anomalies du nombre de chromosomes, ou aneuploïdies. Elle montre qu’il n’y a pas de différence entre les techniques actuelles et celles que l’on souhaiterait utiliser pour faire le DPI-A en termes de probabilité de grossesse, de grossesse à vingt semaines et de détection des anomalies chromosomiques susceptibles d’entraîner des fausses couches ou des avortements. La question est donc : peut-on améliorer la PMA en comptant par biologie moléculaire le nombre de chromosomes ?

Je suis défavorable également, car quatre équipes françaises ont obtenu de mener un programme hospitalier de recherche clinique (PHRC) portant sur ce sujet. Au moment de la première lecture, la demande était en cours et elles s’étaient heurtées à des blocages, que nous avons contribué à lever par le vote de l’article 14. Ces équipes conduiront donc un travail expérimental dans ce domaine. Pour l’anecdote, depuis trois mois qu’elles sont autour de la table, elles ne sont pas encore parvenues à établir un protocole méthodologique précis, tant le contexte clinique est compliqué.

Je suis donc défavorable aux amendements relatifs au DPI-A, car l’expérimentation doit être menée pendant trois à quatre ans, selon un protocole de recherche clinique spécifique dont j’espère que les équipes parviendront à l’établir.

M. Philippe Berta. En France, 200 à 300 couples consultent un conseil génétique pour une pathologie génétique, souvent associée à des problèmes de fertilité. Si cette pathologie peut faire l’objet d’un DPI, une fécondation in vitro est effectuée dans l’un des quatre centres habilités, puis une cellule est prélevée sur chacun des embryons produits pour voir si elle possède ou non, par exemple, la mutation mucoviscidose en deux copies. Cela n’endommage en rien l’embryon qui peut très bien se passer de cette cellule et se développera tout à fait normalement.

Le problème est qu’une fois sur deux, que la fécondation soit in vitro ou in utero, l’œuf formé n’a pas le bon nombre de chromosomes. Dans la plupart des cas, il s’ensuit une fausse couche très prématurée, et la conception n’est que remise à plus tard chez les couples normaux. En revanche, la situation est différente pour les couples qui ont engagé un processus compliqué, long et douloureux. J’avais donc avancé, en première lecture, l’idée que, quitte à prélever une cellule pour l’étudier par une technique de biologie moléculaire, on pouvait s’assurer également par technique observationnelle qu’elle possède bien le bon nombre de chromosomes, afin de pouvoir réimplanter un embryon ayant toutes les chances de développement et exempt de la mucoviscidose.

Cette suggestion a suscité deux observations. L’une, qui a été immédiatement retenue, alertait sur le risque d’aboutir au choix du sexe de l’enfant. C’est pourquoi il a été proposé de cibler la comptabilisation sur les autosomes, c’est-à-dire les chromosomes non sexuels.

L’autre observation portait sur la trisomie 21. J’insiste sur le fait que tout ce que je suis en train de décrire est soumis au consentement de la femme et du couple. Si le seul embryon non porteur de la mutation mucoviscidose présente une trisomie 21, une proposition de réimplantation est faite à la femme, car il s’agit quasiment de la seule forme d’aneuploïdie qui soit susceptible de provoquer la nidation.

Dans notre pays, avoir ou non un enfant trisomique est un choix qui est offert à tous les couples, puisque désormais le diagnostic peut être posé à partir d’un prélèvement de sang maternel. Certains parents font cette recherche, d’autres non – on est toujours dans le champ du consentement. Si une trisomie 21 est décelée, une échographie et un diagnostic plus complexe impliquant le prélèvement de cellules amniotiques sont proposés afin de confirmer le diagnostic – cet acte est encore conditionné au consentement. Selon les résultats, une interruption de grossesse peut être proposée à la femme – toujours sous son consentement.

M’accuser, comme je l’ai été, de vouloir éradiquer les trisomiques n’a pas de sens. Ce ne sont pas ces 300 familles qui vont éradiquer quoi que ce soit ! De toute façon, en France, avoir un enfant porteur d’une trisomie 21 est un choix : les parents le gardent, ou non. Ce que je veux éviter à ces 200 ou 300 couples, et surtout aux femmes, c’est d’avoir à vivre un calvaire en recommençant maintes fois une PMA avec DPI, avec au bout une trisomie 21, donc peut-être une IVG, pour tout reprendre de zéro. C’est un processus complètement fou ! La situation est la même qu’avec le DPI-HLA, et certains couples m’ont contacté pour me dire qu’ils allaient faire cette démarche à l’étranger.

Je tenais à m’expliquer sur ce point, car j’ai très mal vécu qu’on me prête la volonté d’éradiquer la trisomie 21. Ce n’est pas du tout mon objet. Je vis moi-même avec une enfant trisomique et, comme je l’ai dit, avoir un enfant trisomique relève en France du choix et du consentement.

M. Patrick Hetzel. Quel que soit l’angle sous lequel elle est étudiée, la question du DPI-A renvoie toujours à l’idée de tri : voulons-nous, ou non, aller dans cette direction ? La réponse à cette question relève de choix éminemment personnels – c’est ce qui fait, d’ailleurs, l’une des difficultés des textes de bioéthique. Pour ma part, l’idée même de tri me pose problème. Dès qu’elle arrive dans ma tête, je ne peux m’empêcher de penser au procès de Nuremberg. Ce procès a débouché sur une dizaine de critères décisifs établissant des lignes à ne pas franchir. Je considère qu’il s’agit là d’une ligne rouge à ne pas franchir.

M. Jean-Louis Touraine. Avec vous, c’est une autre ligne qui est franchie !

M. Thibault Bazin. Je m’étonne de l’amendement n° 853 de M. Saulignac, alors que lui-même m’a expliqué hier que l’on ne pouvait prévoir d’expérimentations dans le code de la santé publique. J’imagine que ce qui valait hier doit valoir aujourd’hui pour son propre amendement – sinon il faudrait revoir les miens !

M. Philippe Berta. Vous vous êtes fait avoir !

M. Thibault Bazin. Sur le fond, je ne suis pas favorable, même à titre expérimental, à une extension du DPI.

Monsieur le rapporteur, l’état des lieux que vous proposez, le Sénat l’a supprimé au motif que l’Agence de la biomédecine intègre, dans son rapport médical et scientifique, des rapports d’activité ciblés sur le DPI et le DPN qui comparent de nombreuses données. Si j’ai bien compris que votre souhait est de disposer de données qualitatives et non seulement de données chiffrées, l’amendement de Mme Ménard semble davantage y répondre.

Mme Bénédicte Pételle. Monsieur Berta, jamais je ne vous accuserai de vouloir éradiquer la trisomie, et jamais je ne porterai d’accusations de ce type contre ceux qui ne partagent pas mon souhait d’une société inclusive. Cependant, je reste mal à l’aise avec la notion de tri. Même à titre expérimental, je ne pourrai donc pas voter pour cet amendement.

M. Jean-Louis Touraine. Pendant les auditions, deux médecins venus de deux villes différentes nous ont rapporté des histoires comparables impliquant quatre familles. Ces familles avaient eu un premier enfant décédé dans ses toutes premières années de vie d’une maladie génétique effroyable. Lors d’une deuxième grossesse, après DPI, un embryon non porteur du trait génétique responsable de cette maladie avait été implanté. Or, à la naissance, l’enfant présentait l’une ou l’autre des formes de trisomie possibles – dans l’un des cas, une forme redoutable impliquant une mort très précoce. Ces familles l’ont évidemment reproché aux médecins : ils avaient les cellules embryonnaires sous les yeux, comment n’avaient-ils pas diagnostiqué la trisomie ? Effectivement, ce diagnostic était très simple à poser, mais il leur était interdit de le faire. Ils pouvaient regarder les gènes malades, mais pas le nombre de chromosomes. Cette situation est d’autant plus incompréhensible qu’il avait été demandé à ces mêmes familles, en cas de diagnostic positif de trisomie pendant la grossesse, si elles voulaient interrompre celle-ci. Les parents ont alors remarqué qu’une telle question était absurde alors que les médecins auraient pu implanter un embryon ne présentant pas cette anomalie.

La préoccupation dont vous faites part, si elle est importante, est incomprise des personnes concernées – parmi les équipes soignantes comme chez les femmes qui subissent ces travers. Il est temps d’inscrire dans la loi la possibilité, non pas d’attendre que le fœtus soit développé pour interrompre son développement par IVG, mais de prévenir cette IVG par la mise à l’écart de l’embryon porteur des anomalies.

Mme Anne-Christine Lang. La question éthique de savoir si l’on peut refuser un enfant trisomique a été tranchée au moment de l’instauration du diagnostic sanguin. La possibilité est donnée à toutes les femmes de choisir d’avoir ou pas un enfant trisomique.

Monsieur le rapporteur, votre argument portant sur l’âge de la population de femmes sur laquelle on effectue un DPI ne me semble pas tenir. Il est vrai que l’on détecte peu de trisomie chez les femmes jeunes, car le risque d’avoir un enfant trisomique augmente considérablement avec l’âge de la mère. Cependant, la possibilité du diagnostic sanguin est offerte à toutes les femmes quel que soit leur âge.

Par ailleurs, je suis sensible à l’argument avancé par M. Touraine. Pour une femme qui a connu la maladie d’un enfant, être confrontée à la fois à la joie d’avoir une grossesse suivie de la douleur extrême de devoir subir une IVG ou une IMG parce que l’enfant est trisomique, est tout simplement inhumain.

Je voterai l’amendement de M. Saulignac.

M. Guillaume Chiche. Je voterai également en faveur de cet amendement autorisant le DPI-A.

L’AMP est un parcours très éprouvant qui se solde plus souvent par des échecs que par des succès. À chaque échec, les chances d’aboutir diminuent. Aussi tous les moyens doivent-ils être mobilisés pour faire réussir un projet parental.

Quant à l’allusion au procès de Nuremberg par M. Hetzel, j’y répondrai en tant que petit-fils de juif pied noir déporté – heureusement militaire – pendant la Seconde guerre mondiale. On met souvent en avant les dérives eugéniques que pourrait entraîner la pratique du DPI-A. Or l’eugénisme reposait sur trois dynamiques : une logique coercitive impliquant l’absence de choix et l’usage de la force, la volonté de modifier l’espèce humaine en profondeur et l’absence de toute approche scientifique. Aucun de ces trois éléments n’entre dans le DPI-A. Les personnes qui souhaitent pouvoir y recourir ont la volonté de donner la vie. Il représente une liberté, un moyen, sans la moindre coercition, d’éviter la multiplication d’échecs ou d’IMG. Enfin, il n’est pas question d’effectuer un tri à partir de caractéristiques raciales, physiques, ou autres. L’objectif est de garantir une plus grande probabilité de succès dans la réussite d’un projet parental.

M. Jean-François Mbaye. Philippe Berta n’a jamais parlé de tri. Cette notion s’est introduite confusément dans le débat. Il a rappelé, ainsi que M. Touraine, que la trisomie peut être détectée à la fin du premier trimestre de grossesse, et l’amendement qui nous est présenté tend à ouvrir la possibilité d’élargir le DPI.

À mon tour, je m’insurge contre les propos de notre collègue Hetzel et, prolongeant la démonstration de Guillaume Chiche, j’indique qu’il existe un quatrième paramètre dans l’eugénisme : l’expérimentation sur des êtres humains traités comme cobayes. Monsieur Hetzel, comparer le DPI-A aux expérimentations dénoncées au procès de Nuremberg me semble très hasardeux et inquiétant !

M. Bastien Lachaud. Je me réjouis que soient avancés dans ce débat des arguments permettant de peser le pour et le contre. Pour ma part, les interventions de M. Berta et de M. Touraine ont conforté mon intention de voter cet amendement en faveur du DPI-A.

Lorsque la science peut éviter une souffrance, tant aux enfants qu’à leurs parents, il est utile et nécessaire que la loi l’autorise, bien sûr avec des garanties. Le dispositif ici proposé présente celles qui sont nécessaires pour faire de cet amendement avant tout une mesure d’humanité.

Mme Sylvia Pinel. Je soutiens l’amendement présenté par Michèle Victory, et je remercie nos collègues qui se sont exprimés avec sérénité sur une question difficile.

J’ai regretté que le DPI-A n’ait pas été retenu en première lecture, car cette pratique améliore le succès des PMA. Dans ce parcours douloureux et difficile pour les femmes, un diagnostic permettant d’éviter des fausses couches ou d’avoir recours à des IMG est essentiel.

Plusieurs praticiens nous avaient dit en audition, l’année dernière, combien il était important que le texte permette d’éviter le recours à des embryons congelés, et augmente les possibilités d’implanter des embryons à haut potentiel. Non pas pour chaque tentative d’AMP, mais dans des cas difficiles – en fonction de l’âge ou du passé de la femme –, cela devait pouvoir être proposé.

L’expérience du DPI montre que nous savons su éviter les dérives. Nous savons encadrer un dispositif de façon éthique. Pour cette raison, je pense que cet amendement va dans le bon sens.

M. Philippe Berta. Si l’on ne veut pas de tri, il faut arrêter le DPI. Un autre objectif du dispositif proposé est de diminuer le nombre d’embryons surnuméraires.

Mme Emmanuelle Ménard. Il est regrettable que nous n’ayons pas la position du Gouvernement sur cette question. Permettez-moi de citer quelle avait été celle de Mme Buzyn en première lecture :

« Comment faire pour que cette technique ne soit pas proposée à tous les couples en démarche de fécondation in vitro ? On passe de 250 couples qui font le DPI chaque année à 150 000 PMA. Si l’on autorise cette technique pour les couples dans le cadre d’une recherche de maladies génétiques, mais aussi avec l’argument selon lequel cela éviterait des fausses couches, immédiatement la demande qui est derrière – et c’est déjà celle des professionnels du secteur – est de dire qu’il faut faire une recherche d’aneuploïdie dans toutes les démarches de FIV, indépendamment d’une maladie génétique antérieure du couple.

« On aboutit quelque part progressivement au mythe de “l’enfant sain” parce que le glissement naturel est d’aller chercher d’autres maladies génétiques fréquentes. Pourquoi en effet s’arrêter là ? Combien de temps serons-nous capables de résister progressivement à un glissement vers la recherche d’aneuploïdie pour toutes les FIV et à l’extension de la recherche d’anomalies ou de mutations sur d’autres maladies, parce qu’il est trop facile d’aller chercher d’autres anomalies sur l’ADN ? »

Mme Coralie Dubost. Je remercie tous les collègues qui ont apporté un point de vue médical et scientifique sur cette question. La bioéthique étant au croisement de la science et du droit, je voudrais, pour ma part, apporter quelques éléments juridiques, nécessaires à la cohérence globale du texte.

À propos du DPI-A, nombreux sont ceux qui se braquent sur la notion de tri. Je ne comprends pas pourquoi cela choque pour le DPI-A et pas pour d’autres sujets. À l’article 1er a été voté un amendement rendant possible l’appariement sur des caractéristiques phénotypiques. Il s’agissait bien d’un tri ne reposant pas seulement sur des motifs sanitaires, et l’amendement a pourtant été adopté. J’avais d’ailleurs exprimé une inquiétude à ce sujet, et mon avis défavorable.

Existe aussi déjà dans la loi le DPN, que le texte ne remet pas en cause. En quoi une IMG résultant d’un DPN révélant une trisomie serait moins un tri que le DPI-A ? Il s’agit aussi d’un tri effectué entre enfants à naître. Pardon si ces mots vous paraissent brutaux, mais ce sont des choix déjà actés par notre société et que l’on n’entend pas remettre en cause, que je sache.

Si l’on raisonne logiquement, en quoi le choix de la femme serait-il plus éclairé pour décider d’une IMG à l’issue d’un DPN que d’un DPI-A ? Le DPI-A abolit-il plus les facultés de discernement du couple ou de la femme enceinte que le DPN ? Au contraire, d’un point de vue de juriste, ce choix me semble plus éclairé et libre au moment du DPI-A, car la femme n’est pas sous la contrainte physique et psychologique d’avoir à envisager une IMG. Loin de contraindre à un tri, le DPI-A me paraît favoriser un choix plus éclairé impliquant moins de souffrance. Elle déplace aussi le choix, de la seule femme qui le porterait dans son corps, sur le couple, accompagné par un médecin.

Il me semble plus juste, équitable et cohérent avec le reste de notre appareil juridique d’autoriser le DPI-À, de façon strictement encadrée et à titre expérimental. Dans un souci de cohérence globale, il ne me semble pas normal de parler de « choix » s’agissant du DPN et de « tri » s’agissant du DPI-A.

Mme Aurore Bergé. Nous avions fait le choix en première lecture de ne pas ouvrir la voie au DPI-A, suivant en cela l’avis du Gouvernement et du rapporteur. Pour plusieurs raisons, je ne peux toujours pas voter pour le DPI-A et soutiendrai donc la position du rapporteur.

L’amendement parle d’expérimentation. Or, en la matière, on sait qu’il n’existe pas d’expérimentation. À partir du moment où la possibilité du DPI-A sera ouverte, cette pratique sera définitivement autorisée, sans retour en arrière possible. C’était, je crois, ce que la ministre nous avait longuement expliqué à l’époque.

Le DPI-A et l’IMG relèvent de situations très différentes. Dans le cas d’une IMG, la femme est enceinte. Le choix à faire est très différent, puisqu’il implique de décider d’aller ou non au terme de la grossesse.

Mme Coralie Dubost. C’est pire !

Mme Aurore Bergé. Je ne hiérarchise pas les souffrances, qui sont propres à chaque femme en fonction de sa vie personnelle. Évitons ce genre de jugement.

La question qui se pose à nous est de savoir si ce choix doit être fait au stade préimplantatoire. Dans ce cas, on sait que, dans 100 % des situations, le choix sera fait d’aller vers ce que nous considérons comme sain. Or il ne nous revient pas à nous, législateurs, de déterminer ce qui est sain et ce qui ne l’est pas, ni quelles sont les pathologies acceptables ou pas acceptables dans notre société. Le DPI-A revient à donner aux parents le choix d’implanter ou non un embryon pour aboutir à une grossesse. Or à partir du moment où ce choix sera donné à un stade préimplantatoire, la décision sera quasi-systématique. La situation est très différente lorsque la grossesse est en cours.

Il y a là un risque de glissement important vers l’extension progressive de la recherche à d’autres types de pathologies dont on considérerait qu’elles ne devraient pas se retrouver dans une grossesse. Nous sommes toujours en recherche d’équilibre sur ce texte. En la matière, nous avions eu une position équilibrée en première lecture, en commission comme en séance publique, qu’il me semble important de maintenir.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Étant un homme, j’ai eu des enfants par femme interposée. J’ai mené une petite enquête : de nombreux professionnels ont relevé une différence de réaction selon que l’annonce d’une anomalie sur un embryon est faite avant l’implantation ou en cours de grossesse. Je confirme donc le point de vue de Mme Bergé, si l’on se met à la place des gens à qui l’on dit que leur embryon ne sera pas tout à fait normal, on dit non. Mais ce n’est pas l’argument majeur en défaveur de l’amendement.

D’abord, celui-ci propose une expérimentation qui existe déjà. Un PHRC a été lancé, financé par l’argent public, et qui va durer trois à quatre ans.

Ensuite, au cours du débat, un mélange des indications s’est produit, car cet outil peut être utilisé dans plusieurs situations cliniques. L’idée initiale est d’ouvrir la possibilité du DPI-A pour des familles ayant une mutation génétique, pour laquelle on recherche une anomalie chromosomique précise. Puis on évolue vers une utilisation du DPI-A pour des raisons d’avortements à répétition, de fausses couches ou d’échecs de FIV. Ce sont là des contextes complètement différents. J’avais souligné ce point dans l’hémicycle lors des débats de première lecture. Nous ne savons pas ce que nous voulons ! Le Gouvernement avait d’ailleurs émis un avis défavorable en commission et en séance publique, à l’Assemblée nationale comme au Sénat.

Sur le plan expérimental, l’amendement est satisfait. Attendons les résultats de l’étude, faisons confiance aux professionnels – qui sont exactement les mêmes d’ailleurs que ceux qui sont proposés dans l’amendement. Si nous votons celui-ci, le PHRC n’a plus de raison d’être !

Nous sommes des humains. Je ne m’oppose pas à l’indication citée par M. Berta. Cependant, à partir du moment où l’on ouvre la possibilité du DPI-A à plusieurs indications, on risque d’aboutir à une inégalité des chances. Certaines femmes souhaiteront, à juste titre, effectuer un DPI avec recherche d’anomalie chromosomique parce qu’elles auront avorté à plusieurs reprises, ou fait des fausses couches, ou subi plusieurs échecs de FIV.

Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à cet amendement n° 853.

La commission adopte lamendement n° 853.

En conséquence, larticle 19 bis est ainsi rétabli et les amendements n° 1423, n° 854 et n° 1240 tombent.

Réunion du jeudi 2 juillet 2020 à 21 heures 30 ([121])

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Nous reprenons nos travaux en examinant les amendements à l’article 19 quater.

Article 19 quater (nouveau)
Réalisation en première intention dun examen des caractéristiques génétiques chez le nouveau-né dans le cadre du dépistage néonatal pour la recherche danomalies

La commission examine les amendements n° 1424 du rapporteur, n° 801 de M. Thibault Bazin, n° 1250 de Mme Emmanuelle Ménard et n° 1311 de M. Marc Delatte.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Mon amendement tend à supprimer l’article 19 quater, qui prévoit une généralisation des tests génétiques dans le cadre du dépistage néonatal.

Cet article rigidifierait considérablement le droit actuel, qui est aujourd’hui fixé par la voie réglementaire et suit les évolutions scientifiques. Ce qui nous est proposé pose un problème au regard de la hiérarchie des normes. Par ailleurs, la pertinence du dépistage doit être évaluée. La seule disponibilité des tests génétiques ne justifie en aucun cas leur prescription et leur réalisation.

Quant à la forme, la dérogation aux dispositions du droit civil et du code de la santé publique relative à la transmission de l’information génétique pose une difficulté majeure.

Enfin, on ne peut que s’opposer à cet article, adopté par le Sénat malgré l’avis défavorable donné en commission par le rapporteur, me semble-t-il, qui prévoit que les tests ne sont pas pris en charge par la solidarité nationale, par l’intermédiaire de l’assurance maladie. Il y aurait une véritable rupture d’égalité dès la naissance.

M. Thibault Bazin. Cet article, relatif au dépistage néonatal, qui est à différencier du diagnostic préimplantatoire, soulève un problème délicat. Certains veulent tout dépister, quand d’autres souhaitent ne le faire qu’à propos des maladies pour lesquelles on peut proposer un traitement efficace. Connaître la maladie est une chose ; connaître un traitement en est une autre.

Nous sommes réunis pour confronter les évolutions de la science avec nos questionnements éthiques. L’irruption de la génétique à haut débit offre de plus en plus de possibilités terriblement eugénistes. On peut notamment réaliser un séquençage complet des nouveau-nés aux États-Unis. Selon moi, le dépistage néonatal n’a de sens que s’il existe un traitement efficace.

Il y en a un, par injection de thérapie génique, qui est actuellement proposé pour l’amyotrophie spinale. Il coûte, sauf erreur de ma part, 2,1 millions de dollars. Certains médecins disent que son efficacité n’est pas encore complète et que l’on manque de recul sur les effets à long terme, même si le traitement est prometteur.

Cet article, ajouté par le Sénat, à la surprise générale, introduit les tests génétiques dans le cadre du dépistage néonatal. Cela n’est pas nécessaire. Une mise à jour du dépistage néonatal a déjà lieu dès qu’un traitement pertinent est disponible. Il est inutile et non souhaitable de proposer des tests génétiques s’il n’existe pas de solution thérapeutique. C’est pourquoi l’amendement n° 801 tend à supprimer cet article.

Mme Emmanuelle Ménard. Je vous propose également de supprimer cet article qui ouvre la possibilité de tests génétiques, en première intention, dans le cadre du dépistage néonatal, en fonction d’une liste des anomalies génétiques. Cela permettra le séquençage complet du génome d’un nouveau-né dans un but prédictif. Qui stockera ces données ? À quelles fins seront-elles utilisées ? Comment les parents et l’enfant accueilleront-ils les résultats ? Cela ne sera-t-il pas préjudiciable au développement de l’enfant ? Par ailleurs, cet article, ajouté par le Sénat, n’a fait l’objet d’aucune étude d’impact alors que les enjeux sont considérables.

M. Marc Delatte. Nous souhaitons la suppression de cet article car nous faisons le pari de la souplesse d’un dispositif indexé sur les avancées scientifiques et les possibilités thérapeutiques. Il est de bon sens d’assortir le dépistage à une solution thérapeutique. Par ailleurs, nous faisons le choix de la solidarité nationale face aux risques d’inégalité en matière de santé.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Avis favorable, bien sûr.

M. Jean-Louis Touraine. Je crois que nous sommes tous d’accord sur le fait que la France souffre d’un déficit en matière de diagnostic néonatal. Cinq maladies sont dépistées, alors que le nombre est compris entre vingt et soixante-dix dans tous les pays comparables au nôtre. Le résultat est une mortalité ou une gravité des maladies importante, alors qu’on aurait pu obtenir une guérison ou une amélioration très significative avec une prise en charge à la naissance. Lorsqu’un enfant souffre de déficit immunitaire combiné sévère, le traitement à la naissance par greffe de cellules-souches conduit à un taux de guérison de 95 %. Si le diagnostic n’est pas fait à ce moment-là, les enfants sont morts un an plus tard ou ils ont des séquelles irréversibles. Il existe de nombreuses erreurs innées du métabolisme. Beaucoup d’entre elles sont diagnostiquées grâce un test génétique.

Nous ne pouvons pas conserver notre retard actuel. Demander au Gouvernement de mettre à jour régulièrement la liste des maladies systématiquement dépistées à la naissance est une bonne idée, même si je pense, moi aussi, que cela doit être pris en charge dans le cadre de la solidarité nationale.

M. Philippe Berta. Je confirme ce qui vient d’être dit. Nous avons quelque 7 000 pathologies génétiques au compteur. L’errance diagnostic est en moyenne de trois ans, contre soixante-douze heures dans certains États américains et en Australie. Nous parlons là de pathologies génétiques dites « actionnables », c’est-à-dire pour lesquelles il existe un traitement ; mais celui-ci ne peut être efficace, et l’enfant ne peut vivre, que si le diagnostic est posé d’une manière très précoce.

M. Bazin a évoqué l’amyotrophie spinale, mutation génétique présente chez un individu sur cinquante – il y a donc beaucoup d’enfants atteints. Si le diagnostic a lieu dans les premiers jours de la vie, une simple piqûre, dont le coût est plutôt de 1 million d’euros – cela peut sembler beaucoup d’argent, mais le prix va baisser, inéluctablement –, permet de soigner l’enfant.

Le cas de deux garçons a été évoqué lors d’une très belle conférence qui s’est tenue à l’occasion du congrès des maladies rares, en novembre dernier, à Paris : l’aîné, qui n’avait pas été diagnostiqué, est tétraplégique, il devrait mourir dans les deux ou trois ans qui viennent, et il a déjà coûté 12 millions d’euros à la société – on doit parler d’argent, même si ce n’est pas seulement cela qui compte, bien sûr ; le petit dernier, parce qu’on a fini par diagnostiquer son aîné, a eu un diagnostic posé dans les premières semaines de sa vie, il a été soigné, et c’était très émouvant de le voir jouer dans l’équipe de football de son école.

Nous devons absolument rattraper notre retard. Il faut donner une chance aux enfants qui sont nés – on n’est pas, en l’espèce, au stade prénatal. Il y a tous les mois de plus en plus de solutions. Nous devons accélérer le process : nous allons passer de cinq à sept maladies testées, comme la précédente ministre de la santé s’y était engagée, mais c’est ridicule par rapport à la moyenne du nombre des pathologies – entre trente et quarante – qui sont diagnostiquées dans les pays comparables aux nôtres. On s’interdit, en première instance, la réalisation d’un diagnostic sur le gène, par séquençage. Je ne voterai pas ces amendements.

M. Patrick Hetzel. Plusieurs questions se posent au sujet du diagnostic prénatal. Tel que rédigé par le Sénat, cet article tend à assurer une généralisation en première intention, sans se préoccuper de l’existence d’une solution thérapeutique – c’est en soi une difficulté. Une telle disposition n’est pas nécessaire, car une mise à jour du dépistage néonatal est réalisée dès lors qu’un traitement pertinent est possible. On risque de créer plus de problèmes qu’on n’en résout, ce qui serait curieux en matière d’éthique.

Mme Camille Galliard-Minier. J’ai eu l’occasion de croiser deux familles dont les enfants étaient atteints d’amyotrophie spinale. C’était exactement la situation que nos collègues ont évoquée : si les enfants avaient été diagnostiqués à la naissance, ils auraient été guéris, mais ils sont aujourd’hui condamnés. L’enjeu est fondamental. Limiter les examens prénataux à sept maladies alors que leur nombre est beaucoup plus important me semble très difficile à admettre. La rédaction de l’amendement n’est peut-être pas parfaite, mais l’intention est bonne. Il est très important de répondre à cet état de fait que des enfants, aujourd’hui condamnés auraient pu être sauvés grâce à un simple test génétique.

M. Bastien Lachaud. Les interventions de M. Touraine et de M. Berta ont éclairé le débat, bien plus que celle du rapporteur. Au nom de quoi, si nous avons des traitements pour soigner des enfants et que nous pouvons les dépister, refuserions-nous de le faire ? Est-ce pour des raisons comptables, parce que les traitements coûtent cher et que nous ne voudrions pas que l’assurance maladie ait à les payer ? Je n’ose pas le croire. Par quelle inhumanité empêcherions-nous des parents de savoir que leur enfant est malade et qu’il existe un traitement permettant de le sauver ? Ce n’est pas une question d’éthique, mais de simple humanité.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. J’aurais pu prendre vos propos pour une agression personnelle, monsieur Lachaud…

L’une des raisons, très importante, de ma position est que cet article prévoit qu’il n’y aura pas de prise en charge par la sécurité sociale. Quelle inégalité cela constituerait ! Seuls les riches pourraient accéder à ces tests génétiques.

M. Bastien Lachaud. On n’a qu’à décider de les prendre en charge !

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. L’article R. 1131-21 du code de la santé publique prévoit que la liste des maladies faisant l’objet d’un dépistage systématique à la naissance est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé après avis de l’Agence de la biomédecine. Nous ne sommes pas dans une situation figée. Un arrêté du 22 janvier 2010 a établi une liste de cinq maladies, que la Haute Autorité de santé est chargée de réévaluer. Ses travaux concernent notamment la recherche d’un déficit en acyl-CoA déshydrogénase des acides gras à chaînes moyennes, d’un déficit immunitaire combiné sévère (DICS) et d’une atrophie musculaire spinale.

Je connais ces pathologies : je suis immunologiste. Il y a plus d’une dizaine de formes de DICS aboutissant à une absence d’immunité – ce sont les bébés-bulles soignés à Necker. On s’en aperçoit très rapidement et les enfants sont placés dans des chambres stériles. Le seul traitement, une greffe de cellules-souches hématopoïétiques, est réalisé dans les jours ou les semaines qui suivent. Nous nous trouvons à une encablure d’un centre agréé depuis des années pour le DICS.

Les deux traitements de l’atrophie musculaire spinale, qui coûtent très cher, ne sont pas efficaces sur toutes les formes de cette maladie. Il faut faire un diagnostic. Quand on a un doute, la loi n’empêche pas de pratiquer des tests génétiques pour déterminer s’il y a une mutation du gène SMN1 ou SMN2.

Ces situations sont des drames, mais ce que propose cet article, notamment parce qu’il n’y aurait pas de prise en charge par la sécurité sociale, n’est pas la panacée.

La commission rejette les amendements n° 1424, 801, 1250 et 1311.

Elle est saisie de lamendement n° 1191 de M. Cyrille Isaac-Sibille.

M. Philippe Berta. Le diagnostic d’un déficit en L-carnitine au stade néonatal permet de compléter le régime alimentaire de l’enfant et de le sauver. Il est important de multiplier enfin le diagnostic des maladies pour lesquelles on peut agir. L’amendement n° 1191 permettra de réviser la liste de celles qui donnent lieu à un dépistage néonatal.

On avance très vite dans ce domaine – manifestement trop pour notre pays. Le dépistage, pratiqué immédiatement après la naissance par l’analyse d’une goutte de sang, permettrait de détecter très tôt la présence d’éventuelles maladies rares afin de maximiser les chances de survie de chaque nouveau-né.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Nous venons d’en parler. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement n° 1191.

Elle adopte larticle 19 quater sans modification.

Article 20
Suppression de lobligation de proposer un délai de réflexion prévue dans le cadre de linterruption médicale de grossesse et encadrement de la réduction embryonnaire

La commission examine les amendements n° 465 de M. Patrick Hetzel, n° 624 de Mme Agnès Thill et n° 1260 de Mme Emmanuelle Ménard.

M. Patrick Hetzel. Nous demandons la suppression de cet article. Il est essentiel de maintenir la proposition d’un délai de réflexion d’une semaine avant une interruption médicale de grossesse (IMG) et de supprimer la possibilité d’une réduction embryonnaire dans la mesure où une interruption volontaire de grossesse (IVG) est autorisée.

Mme Agnès Thill. Mon amendement tend également à supprimer l’article 20. Il convient de garder un délai de réflexion en ce qui concerne l’avortement médical. Autre difficulté, le projet de loi introduirait une nouvelle forme d’avortement, partielle, en cas de grossesse multiple.

Mme Emmanuelle Ménard. L’amendement n° 1260 a le même objectif. L’avortement est un choix difficile pour la plupart des femmes. Il est donc utile de conserver un délai de réflexion d’une semaine. Par ailleurs, je m’interroge sur la création d’un nouveau type d’avortement, qui serait appelé « interruption volontaire partielle d’une grossesse multiple ».

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Je suis défavorable à la suppression de l’article 20. Vous entendez maintenir l’obligation qui, depuis 2011, est faite aux praticiens de proposer un délai de réflexion d’au moins une semaine à la femme envisageant une IMG en raison d’une pathologie fœtale particulièrement grave et incurable, et vous voulez supprimer des dispositions qui tendent à encadrer les pratiques d’interruption partielle de grossesse multiple, ce qui est important. Autrement dit, vos amendements prônent le statu quo.

L’obligation de proposer un délai de réflexion pose de nombreux problèmes, tant juridiques que pratiques. Les professionnels de santé demandent donc sa suppression. Si on vous suivait, on laisserait, en outre, se développer en dehors de tout cadre juridique des pratiques de réduction embryonnaire – terme qu’il faudra bannir – qui comportent des risques, non seulement pour les femmes et pour les enfants à naître, notamment des fausses couches, mais aussi pour les praticiens, dont la responsabilité civile, voire pénale, est exposée.

Vos amendements ne correspondent pas à ce qu’est, en réalité, l’IMG. L’obligation de proposer un délai de réflexion peut infantiliser et culpabiliser la femme. Or celle-ci n’envisage une IMG pour pathologie fœtale qu’à l’issue d’un processus qui, en raison de la réalisation d’actes techniques d’imagerie et de biologie médicale, peut prendre plusieurs semaines, au cours desquelles elle est accompagnée, écoutée et informée, au fur et à mesure des résultats, sur les différentes possibilités de prise en charge, comme l’interruption de sa grossesse.

La commission rejette les amendements n° 465, n° 624 et n° 1260.

Elle est saisie de lamendement n° 1239 de M. Guillaume Gouffier-Cha.

M. Guillaume Gouffier-Cha. L’IMG, qui est strictement encadrée par la loi, peut être pratiquée s’il existe une forte probabilité que l’enfant à naître soit atteint d’une affection d’une particulière gravité, reconnue comme incurable au moment du diagnostic, ou si la poursuite de la grossesse peut mettre en péril la femme. L’amendement n° 1239 précise qu’il peut notamment s’agir d’une situation de détresse psychosociale, résultant d’une maladie, de difficultés sociales ou de viols intrafamiliaux, par exemple.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Nous aurons l’occasion de discuter de ce sujet lorsque nous aborderons une autre série d’amendements. Le vôtre est mal placé, à mon avis : une telle précision devrait être apportée à l’alinéa 3 et non à l’alinéa 2, comme le propose d’ailleurs votre amendement n° 1253. Je vous propose donc un retrait.

Lamendement n° 1239 est retiré.

Lamendement n° 1252 de Mme Emmanuelle Ménard est retiré.

La commission est saisie de lamendement n° 1255 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. L’alinéa 2 prévoit qu’une interruption volontaire de grossesse est autorisée s’il existe une « forte probabilité » que l’enfant à naître soit atteint d’une affection d’une particulière gravité, reconnue comme incurable au moment du diagnostic. Je préférerais que l’on fasse référence à « un risque avéré », c’est-à-dire objectivement confirmé.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. J’émettrai un avis défavorable si vous ne retirez pas l’amendement. Nous nous plaçons dans le cadre d’un diagnostic. En médecine, il y a de fortes probabilités et très peu de certitudes. Il est important de conserver la référence à une « forte probabilité », qui existe dans le droit positif et qui est plus en adéquation avec le raisonnement médical. Cela n’empêchera pas de prendre toutes les précautions nécessaires.

La commission rejette lamendement n° 1255.

Elle est saisie des amendements identiques n° 764 de Mme Marie-Pierre Rixain et n° 1253 de M. Guillaume Gouffier-Cha.

M. Guillaume Chiche. Il y a trop souvent des interrogations et des divergences d’interprétation sur l’opportunité de prendre en compte la détresse psychosociale parmi les causes de péril grave justifiant de pratiquer une IMG. Il convient donc de clarifier le cadre juridique dans lequel le collège médical rend son avis. L’amendement rappelle que la poursuite d’une grossesse peut entraîner un péril grave pour la santé de la femme du fait d’une situation de détresse psychosociale.

M. Guillaume Gouffier-Cha. L’amendement a été préparé avec la délégation aux droits des femmes. Comme je l’ai souligné tout à l’heure, il importe de prendre en compte la dimension psychosociale, qui renvoie à la précarité sociale, aux atteintes à la santé physique et psychologique, aux viols familiaux. Il faut protéger les femmes en mettant un terme à une certaine hypocrisie. Lorsque les délais légaux sont dépassés, il y a encore des interruptions de grossesse clandestines parce qu’on ne prend pas en compte les aspects psychosociaux.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. En ce qui concerne l’IMG, qui est notamment possible lorsqu’il existe un péril grave pour la santé de la mère, et qui n’est pas soumise à un délai, contrairement à l’IVG, vous voulez préciser que les situations de détresse psychosociale doivent être prises en compte. Or c’est déjà le cas. Le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) a rappelé très clairement que l’IMG d’indication maternelle implique une prise en compte des causes psychosociales. L’expression « pour motif médical » ne fait pas seulement référence à des maladies somatiques mais aussi à des détresses psychologiques très importantes. Il ne s’agit pas d’interruptions de grossesse de « confort » : elles sont nécessitées par l’état médical de la femme.

Il est vrai que l’IMG pour cause psychosociale est trop mal connue dans les services de gynécologie obstétrique, mais ajouter un élément à la loi n’y remédierait pas. Il faut former les gynécologues obstétriciens – le CNGOF s’est engagé dans cette démarche depuis longtemps. On doit prendre en compte la globalité de l’état médical, somatique mais aussi psychologique. Il y a des différences selon les territoires mais elles relèvent des pratiques et non de la loi. Nos débats étant publics, je le dis haut et fort : oui, on peut prendre en compte les causes psychosociales, la santé de la femme doit être abordée dans sa globalité, y compris sous l’angle de la santé mentale.

Ce que vous proposez me dérange. Puisque c’est déjà possible, il n’est pas nécessaire de le préciser. Votre amendement est satisfait. Par ailleurs, pourquoi citer dans la loi un contexte pathologique particulier et non d’autres ? En parlant de « raison médicale », on englobe tout ; si l’on fait référence à la « détresse psychosociale », quid lorsque le péril résulte d’une cause purement psychologique ? Mieux vaudrait faire pression, en tant que parlementaires, sur les professionnels pour qu’ils prennent aussi en compte, s’ils ne le font pas déjà, la dimension psychologique. Par conséquent, avis défavorable.

La commission rejette les amendements identiques n° 764 et n° 1253.

Elle examine lamendement n° 765 de Mme Marie-Pierre Rixain.

M. Guillaume Gouffier-Cha. L’article L. 2213-1 du code de la santé publique prévoit qu’une IMG peut être réalisée après qu’un collège composé de quatre personnes, dont un médecin membre d’un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal, s’est prononcé. Or, compte tenu de sa composition, ce collège est trop souvent difficile à réunir dans certains territoires, ce qui accroît les délais de réalisation de l’acte, et cette instance ne paraît pas toujours parfaitement adaptée à la situation de la femme, en particulier quand il s’agit d’une IMG pour motif psychosocial.

Nous proposons que des médecins plus habitués à traiter de ces situations – qualifiés en gynécologie obstétrique ou travaillant dans les établissements mentionnés à l’article L. 2212-2 du code de la santé publique, à savoir ceux pratiquant l’interruption volontaire de grossesse – puissent, le cas échéant, se substituer aux médecins spécialisés en médecine fœtale.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Votre amendement comporte un risque de confusion entre IVG et IMG. Hors la question des délais, il faut bien distinguer entre l’IVG, demandée par une femme qui peut se trouver en situation de détresse psychosociale, et l’IMG, qui se pratique dans un contexte totalement différent. Elle est liée à une pathologie médicale – somatique ou psychologique –, qui permet d’ailleurs d’élargir les délais de façon à ne pas imposer à la femme concernée une grossesse qu’elle peut désirer mais qu’elle ne supporte pas.

Le problème n’est pas seulement sémantique. Il importe de ne pas confondre ces deux types d’intervention qui sont réalisées dans des cadres très différents. Votre amendement produit de la confusion. Avis défavorable.

M. Guillaume Chiche. Autour de cet amendement se sont réunis les collègues membres de la délégation aux droits des femmes et de la majorité parlementaire. Ils ont travaillé en lien avec l’exécutif sur les questions d’accès à l’IVG ou à l’IMG et de délais de réalisation de ces interventions.

Il est ici question de l’IMG, et tout l’enjeu du présent amendement est de faciliter au maximum cette démarche nécessairement périlleuse, source de difficultés et de souffrance pour les femmes concernées. Je vous encourage à voter cet amendement.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Le sujet est important. Or, tel qu’il est rédigé, l’amendement ne recevrait pas un avis favorable du Gouvernement. La confusion entre les deux interventions ne doit pas être maintenue, car elle est dangereuse. Les détracteurs un peu simplistes de ce type d’approche, pourtant tout à fait justifiée, risqueraient de considérer que cette mesure ouvre sur l’IVG. Il faut absolument l’éviter, et c’est pourquoi mon avis reste défavorable.

La commission rejette lamendement n° 765.

Suivant lavis défavorable du rapporteur, elle rejette les amendements identiques n° 786 de Mme Albane Gaillot et n° 1270 de M. Guillaume Gouffier-Cha. 

Elle examine, en discussion commune, les amendements n° 626 de Mme Agnès Thill, n° 1257 de Mme Emmanuelle Ménard, les amendements identiques n° 464 de M. Patrick Hetzel et n° 625 de Mme Agnès Thill, ainsi que lamendement n° 253 de M. Thibault Bazin. 

Mme Agnès Thill. L’amendement n° 626 vise à maintenir en l’état l’alinéa 3 de l’article L. 2213‑1 du code de la santé publique, aux termes duquel les femmes se voient proposer un délai de réflexion d’au moins une semaine avant de décider d’interrompre ou de poursuivre leur grossesse, ainsi qu’à préciser le point de départ de ce délai, non défini par le droit actuel.

Mme Emmanuelle Ménard. Le choix de la mère attendant un enfant potentiellement atteint d’un handicap doit être libre et sans contrainte. Elle doit donc disposer d’au moins une semaine de réflexion, comme c’est le cas d’après l’actuel article L. 2213‑1 du code de la santé publique, avant de prendre quelque décision que ce soit. Dans la vie, toutes sortes de situations, parfois totalement bénignes, sont assorties d’un délai obligatoire de réflexion, dit délai de rétractation s’agissant des actes commerciaux. Pour les actes de chirurgie esthétique, le délai de réflexion est même de quinze jours.

On estime qu’environ 7 000 IMG sont réalisées chaque année sur notre territoire en raison d’un danger pour la santé soit de la femme enceinte, soit de l’enfant à naître. Au regard de ces considérations, une semaine de réflexion me semble nécessaire et tout à fait pertinent avec la notion de consentement libre et éclairé qui nous tient tous à cœur. Tel est l’objet de l’amendement n° 1257.

M. Patrick Hetzel. L’amendement de repli n° 464 vise à compléter l’alinéa 4 de sorte qu’un délai de réflexion d’au moins une semaine soit proposé à la femme avant qu’elle décide d’interrompre ou de poursuivre sa grossesse. Les spécialistes auditionnés en septembre dernier considèrent que cette mesure a du sens, en ce que ce délai pourrait être mis à profit pour échanger avec une équipe médicale pluridisciplinaire.

Nous pouvons entendre que tous les professionnels ne partagent pas cette optique, mais un texte de loi doit aussi exprimer la vision de la société. D’où l’importance de laisser le temps d’une réflexion pleine et entière aux personnes qui se trouvent en situation de fragilité.

Mme Agnès Thill. L’amendement n° 625 consiste également à maintenir un délai de réflexion d’une semaine au moins.

M. Thibault Bazin. Monsieur le rapporteur, en première lecture, lors de nos débats en commission, vous m’aviez dit que la femme ne devait pas « disposer » d’un délai de réflexion mais devait se le voir « proposer ». J’ai donc modifié ma rédaction en vue de la séance. Là, vous m’aviez expliqué qu’il ne fallait pas nécessairement préciser la durée du délai – initialement, une semaine –, car deux jours peuvent suffire. J’ai donc proposé un délai de réflexion, sans préciser davantage.

Tout est donc réuni pour que vous acceptiez l’amendement de double repli n° 253, qui ménage comme vous le souhaitez l’architecture équilibrée du texte.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Le point de désaccord est néanmoins toujours entre nous, qui est précisément ce délai de réflexion proposé à la femme depuis 2011 que vous voulez réintroduire. Et je ne parle pas du moyen d’infantilisation de la femme ou d’incitation à garder l’enfant plutôt qu’à avorter qu’il constitue.

En tout cas, madame Ménard, on ne peut assurément pas comparer la chirurgie esthétique à ce genre de situation particulièrement, difficile à supporter pour la femme mais aussi pour l’homme. Je ne suis pas spécialiste en la matière, mais lorsque vous décidez de recourir à la chirurgie esthétique, vous faites votre choix à partir de photographies avant et après l’opération.

Une interruption de grossesse est bien différente. Elle est l’aboutissement d’un long processus au cours duquel la femme est accompagnée d’étape en étape, chacune apportant un élément supplémentaire à sa réflexion jusqu’à sa décision. On ne force personne à avorter, même pour raison médicale ; on se contente d’exposer les risques. Il s’agit bien d’une interruption médicale de grossesse, soit du fait d’une pathologie fœtale, soit parce que la femme elle-même est en danger. Votre souhait me paraît donc satisfait : on n’emmène pas les femmes au bloc opératoire par le cou.

Il y a également un problème à la fois juridique et pratique : quel est le point de départ du délai ? Seul l’amendement de Mme Thill donne une temporalité en indiquant le début et la fin de cette réflexion.

Et puis, du point de vue déontologique, ce délai, qui se traduit par le renvoi chez elle de la femme pour réfléchir, seule ou avec son conjoint, au diagnostic qu’on vient de lui annoncer, me paraît pénalisant par rapport à l’accompagnement du centre où toutes les précautions sont prises pour encadrer ces moments très difficiles, qui débouchent parfois sur une proposition d’interruption médicale de grossesse.

Avis défavorable.

Mme Aurore Bergé. L’IMG n’est pas l’IVG. La décision est extrêmement douloureuse dans tous les cas, d’autant qu’elle intervient parfois très tard dans la grossesse. Ce n’est jamais de gaieté de cœur qu’elle est prise, et jamais sur un coup de tête.

Un nouveau délai proposé à la toute fin du processus, alors que la décision a été accompagnée, peut être ressenti comme une forme de pression. Cela ne fait, à mon sens, qu’ajouter de la souffrance à une souffrance déjà insupportable. La décision est vraiment prise en conscience, au bout parfois de plusieurs semaines.

Ce temps de réflexion supplémentaire est donc non seulement inutile, puisqu’il fait partie de l’accompagnement médical, mais il contrevient à votre objectif d’éviter une trop grande souffrance.

La commission rejette successivement les amendements n° 626 et n° 1257, puis les amendements identiques n° 464 et n° 625, puis lamendement n° 253.

Elle examine lamendement n° 1258 de Mme Emmanuelle Ménard. 

Mme Emmanuelle Ménard. Il s’agit de supprimer l’alinéa 5, qui permet de créer un nouveau type d’avortement, l’interruption volontaire partielle de grossesse multiple, dont on ne sait pas très bien dans quelles situations elle sera pratiquée. Le sera-t-elle uniquement quand la santé de la femme ou le devenir des embryons seront mis en péril ?

Pourquoi vouloir créer un nouveau type d’avortement, alors que les conditions mentionnées existent déjà dans le code de la santé publique ?

Concernant l’avortement en lui-même, des psychologues alertent sur les risques importants pour la santé de l’enfant restant en vie des conséquences de la mort in utero de son jumeau – car oui, à partir d’un certain moment de la grossesse, l’embryon ressent la souffrance. J’ai recueilli de nombreux témoignages de personnes qui ont été, selon leurs propres termes, « amputées » d’un jumeau, et qui disent se sentir seules ou incomplètes. C’est ce que certains spécialistes appellent le syndrome du jumeau perdu.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. L’interruption sélective de grossesse multiple – et non la réduction embryonnaire, terme que nous devons bannir – est déjà pratiquée. Nous en proposons l’encadrement légal au même niveau que l’IMG, à cette différence qu’un délai est défini à quatorze semaines.

Nous n’avons pas élargi ce délai, car, lorsqu’une grossesse multiple cause une souffrance évidente à la femme ou que l’on découvre un diabète, une insuffisance cardiaque ou une hypertension artérielle avec risque d’éclampsie, alors même qu’elle n’avait pas d’antécédents, il permet, sans interrompre le processus, de diminuer le nombre d’embryons – ou plutôt de fœtus, à ce stade –, afin que la grossesse puisse se poursuivre sans difficulté, pour les fœtus comme pour la mère.

Voilà pourquoi cette technique, déjà pratiquée dans des conditions parfois compliquées, doit être encadrée par la loi. Demande de retrait ; sinon, avis défavorable.

M. Jean-Louis Touraine. Je reconnais à Mme Ménard sa constance, et l’énergie qu’elle déploie pour défendre ses convictions, qui sont tout à fait respectables.

Malgré les mots employés, il ne s’agit pas ici de pratiquer une interruption partielle de grossesse, mais de sauver un fœtus parmi plusieurs. Alors que tous sont menacés de subir une interruption de grossesse, induite ou spontanée, à laquelle aucun ne survivrait, voulez-vous donner une chance à l’un d’entre eux de survivre ?

J’ai bien compris que vous ne parliez pas du ressenti de l’embryon mais de celui de l’enfant ultérieur, lié à sa mémoire fœtale. Mais en l’espèce, le choix n’est pas de savoir quels fœtus on va laisser se développer : soit on interrompt le développement de tous, soit on en sauve un, qui deviendra un enfant.

M. Guillaume Chiche. Ce procédé s’offre en effet à une femme lorsqu’il permet de réduire les risques d’une grossesse dont le caractère multiple met en péril sa santé ou le devenir des embryons ou des fœtus. L’enjeu est de mener à bien une grossesse.

La commission rejette lamendement n° 1258.

Elle examine lamendement n° 466 rectifié de M. Patrick Hetzel. 

M. Patrick Hetzel. Il s’agit de préciser que l’interruption volontaire partielle d’une grossesse multiple ne peut être pratiquée que si le caractère multiple met en péril la santé de la femme, des embryons ou des fœtus, donc si elle permet de les sauver. Ce point doit être clairement inscrit dans la loi pour lever toute ambiguïté. Comme vous le savez, lorsqu’il y a des ambiguïtés, il peut y avoir des interprétations multiples.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Je n’ai pas tout à fait compris la nuance entre la rédaction du Sénat et celle que vous proposez, qui est en fait celle proposée par l’Assemblée nationale en première lecture. Mais nous avons tous beaucoup travaillé, et je donne un avis favorable.

M. Guillaume Chiche. J’ai l’impression qu’il y a bien une différence entre les deux rédactions. Le recours à cette interruption volontaire partielle de grossesse sert à préserver les embryons ou les fœtus dans leur devenir, et non uniquement à l’instant t. Il s’agit de se projeter dans la conduite de la gestation, de s’assurer qu’au cours de celle-ci, la santé de la mère ou le développement – le devenir, vraiment – des embryons ou des fœtus ne se trouve pas menacé.

La version du Sénat me semble donc la bonne ; elle permet de se projeter dans l’avenir et d’apprécier le développement et l’état de santé à venir de la mère, des fœtus ou des embryons. Je suis opposé à cet amendement.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Je ne suis pas d’accord avec vous, au moins s’agissant de la première phrase. Nous traitons de médecine fœtale : il s’agit bien de la santé et non nécessairement du devenir du fœtus, que l’on considère déjà comme un être vivant dans le ventre de sa maman. Certains de ces fœtus risquent de souffrir, et c’est pour leur santé, et pour celle de leur mère, que l’on recourt à ce type de procédure.

La deuxième occurrence me gêne moins que la première, qui tendrait à simplement considérer le fœtus en devenir, comme s’il n’avait pas un état de santé in utero ; or il est bien question de médecine in utero.

M. Thibault Bazin. Le type d’intervention qui nous occupe renvoie à l’article L. 2213-1 du code de la santé publique, qui se situe dans le chapitre III, traitant des interruptions de grossesse pratiquées pour motif médical. Ce motif médical peut à la fois concerner la femme et le fœtus, et nous avons d’ailleurs débattu à propos de l’équipe qui pouvait intervenir, car celle-ci est différente selon qu’est en jeu la santé de la femme ou celle du fœtus.

La rédaction proposée par mon collègue Patrick Hetzel, approuvée par le rapporteur, va dans le bon sens et correspond à la philosophie de l’exposé des motifs présenté lors de la première lecture. C’est pourquoi je soutiens pleinement cet amendement.

La commission adopte lamendement n° 466 rectifié.

Elle est saisie de lamendement n° 255 de M. Thibault Bazin. 

M. Thibault Bazin. Puisque l’on présente les différentes situations, je reviens à la question du délai de réflexion ; dans ce cas précis, je dispose d’un argument supplémentaire en l’avis du Conseil d’État. Celui-ci regrette la suppression de la proposition systématique d’un délai de réflexion d’au moins une semaine en cas d’IMG. « Il aurait préféré que la disposition législative [ proposée par le Gouvernement ] maintienne l’obligation de proposer un délai de réflexion sans nécessairement fixer la durée minimale de celui-ci ».

Mon amendement correspond pleinement à ces recommandations et me semble beaucoup plus équilibré que la rédaction actuelle.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Monsieur Bazin, je loue votre opiniâtreté ! Cependant, lorsque vous citez le Conseil d’État, attachez-vous à le faire complètement. Celui-ci regrette, en effet, la suppression du délai de réflexion mais, et vous le savez, il « reconnaît qu’il s’agit d’un choix recommandé par l’opportunité, dans la mesure où la suppression de l’obligation de proposer un tel délai de réflexion ne se heurte à aucun principe constitutionnel. »

Comme tout à l’heure, avis défavorable.

La commission rejette lamendement n° 255.

Elle adopte larticle 20 modifié.

Article 21
Clarification des conditions dinterruption médicale de grossesse pour les femmes mineures non émancipées

La commission est saisie de lamendement n° 742 de M. Patrick Hetzel. 

M. Patrick Hetzel. L’article 21 ne relève absolument pas de la loi de bioéthique mais d’un débat sociétal. Il cherche à clarifier la situation de la femme mineure concernée par une interruption de grossesse pour raison médicale et qui désire garder le secret à l’égard de ses parents. Cela conduit à une intrusion des professionnels de santé dans les relations familiales – nous avons déjà eu ce débat. C’est la raison pour laquelle je propose de supprimer cet article.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. En l’état actuel du droit, la consultation des parents d’une femme mineure non émancipée n’est déjà plus indispensable pour qu’une IMG soit pratiquée. Priver ces femmes de la possibilité de garder le secret ou de se dispenser du consentement de leurs parents dans des moments aussi éprouvants et délicats constituerait un véritable recul de leurs droits.

Je suis donc très fortement défavorable à cet amendement de suppression d’un article qui permet simplement d’apporter beaucoup plus de clarté. Encore une fois, il ne s’agit pas d’une IVG. Est ici concernée une mineure qui a voulu conserver sa grossesse contre vents et marées, mais pour qui cela n’a pas été possible. L’obliger à prévenir ses parents ajouterait de la souffrance à la souffrance ; ce ne serait pas raisonnable.

La commission rejette lamendement n° 742.

Elle examine lamendement n° 1263 de Mme Emmanuelle Ménard. 

Mme Emmanuelle Ménard. Je suis du même avis que mon collègue Patrick Hetzel : on ne voit pas très bien ce que vient faire ici cet article, qui n’a pas grand-chose à voir avec les questions de bioéthique puisqu’il prétend clarifier la situation de la femme mineure concernée par une interruption de grossesse pour raison médicale et qui désire garder le secret à l’égard de ses parents. Par cet amendement, j’en demande la suppression des alinéas 2 à 5.

Ces dispositions tendent à considérer que le consentement des parents d’une mineure non émancipée souhaitant réaliser une IMG n’est pas indispensable. En tant que parent, cela me pose un problème. Il me semble que c’est précisément un moment où une mineure non émancipée devrait être entourée de sa famille. Se passer du consentement des parents pour une telle décision, pour le coup, cela pose un problème éthique.

 M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Je comprends votre point de vue, mais sont visées là des situations qu’un grand nombre d’entre nous ne connaissent pas, beaucoup plus difficiles qu’on peut l’imaginer.

Lorsqu’on envisage une situation de détresse, on pense spontanément que la jeune femme concernée aura besoin de sa maman et de son papa. D’abord, le médecin lui conseille de prévenir ses parents. Si elle refuse, le texte prévoit qu’elle sera assistée par un adulte de son choix. On peut tout à fait délirer à propos de l’adulte en question, il n’empêche que c’est une aide.

Quant au fait que cet article se trouve à cet endroit du texte, je vous renvoie au projet de loi initial, dans lequel tout était mélangé. Puisque l’on légifère sur l’IMG chez la femme majeure, nous avons voulu, par souci de clarification et pour respecter le parallélisme des formes, insérer un article qui fasse pendant pour la mineure. Nous avons ainsi repris la même construction et précisé de la même manière les raisons médicales pouvant donner lieu à une telle intervention. Nous avons voulu définir un cadre juridique précis de l’IMG en évitant tout renvoi aux dispositions applicables à l’IVG.

La commission rejette lamendement n° 1263.

Elle examine les amendements identiques n° 256 de M. Thibault Bazin et n° 743 de M. Patrick Hetzel. 

M. Thibault Bazin. Cette distinction entre l’IVG et l’IMG par les raisons médicales est importante. La raison médicale grave qui pousse à pratiquer l’IMG peut éventuellement être génétique, et de ce fait concerner la famille. N’empêche-t-on pas les parents, par cette disposition, de prévenir les autres membres de la fratrie qui pourraient être touchés par cette maladie ?

M. Patrick Hetzel. Merci, monsieur le rapporteur, d’avoir précisé que nous étions dans le cadre de l’IMG et non de l’IVG. Il ne s’agit donc pas de remettre en cause ce qui existe pour la mineure non émancipée en matière d’IVG.

Dans notre droit, les parents exercent l’autorité parentale, dont la vocation juridique est de protéger l’enfant. Comme vous êtes en train de dire que la mineure peut garder le secret, il faudrait que vous alliez au bout de cette logique et enclenchiez parallèlement un processus de demande d’émancipation. Ne pas mettre les parents dans la boucle sur ces sujets d’IMG a des incidences sur la capacité d’exercer l’autorité parentale. Cet entre-deux me préoccupe et c’est pourquoi je défends également le présent amendement de repli visant à supprimer les alinéas 4 et 5.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Avis défavorable. L’autorité parentale s’exerce, bien évidemment, mais nous sommes là dans un contexte médical et c’est l’article L. 1111-5 du code de la santé publique qui prévaut : le médecin prend la responsabilité d’exercer son art médical parce qu’il y a danger.

Mme Emmanuelle Ménard. Si la loi interdit aux mineurs de prendre seuls certaines décisions, c’est bien pour les protéger, et sous prétexte, ici, de protéger la jeune fille, on la priverait de la protection de ses parents ?

La commission rejette les amendements n° 256 et n° 743.

Elle est saisie de lamendement n° 1264 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Je souhaite porter à sept jours le délai de réflexion. Il ne m’est jamais venu à l’esprit, monsieur le rapporteur, de comparer un acte de chirurgie esthétique et une IMG, mais il existe dans la vie de tous les jours des actes extrêmement anodins, tels que l’achat d’une encyclopédie à un démarcheur, pour lesquels existent des délais de rétractation. Votre « deux poids, deux mesures », votre volonté de ne pas donner de délai pour une décision si importante me paraît aberrante. Un médecin qui annonce à une femme que l’enfant dont elle est enceinte présente une malformation et qu’elle peut avoir recours à une IMG, ne va pas lui dire : « C’est maintenant, tout de suite » ; il y a un délai de réflexion.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Il s’agit des bonnes pratiques, on ne force personne à subir un acte médical ; le mettre dans la loi ne sert donc à rien. Il faut considérer que l’on est dans un cadre médical, un centre spécialisé où l’encadrement et le soutien sont extrêmement forts. La mineure ne sera jamais prise en charge isolément. Si les parents ne sont pas impliqués directement en raison du secret médical – et il faut respecter les raisons de ce secret –, elle se fera accompagner par un autre adulte, tante, oncle, amie… Avis défavorable.

La commission rejette lamendement n° 1264.

Elle examine les amendements identiques n° 272 de M. Thibault Bazin et n° 467 de M. Patrick Hetzel.

M. Thibault Bazin. Le rapporteur n’a pas répondu à ma question sur la découverte d’une maladie génétique qui pouvait intéresser le reste de la famille.

Par parallélisme des formes, dès lors qu’il existe une clause de conscience pour l’IVG, il faut la reprendre dans les mêmes termes pour l’IMG. C’est le sens de cet amendement, qui reprend d’ailleurs la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture.

M. Patrick Hetzel. Nous proposons, en effet, de rétablir l’écriture issue de l’Assemblée, ce pour quoi la majorité est d’habitude allante. Le code de la santé publique prévoit la clause de conscience pour l’IVG mais pas explicitement pour l’IMG : nous étions tombés d’accord pour la rendre explicite pour cette dernière également.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Je relis l’alinéa 10 : « Un médecin qui refuse de pratiquer une interruption de grossesse pour motif médical doit informer, sans délai, l’intéressée de son refus et lui communiquer immédiatement le nom de praticiens susceptibles de réaliser cette intervention. » C’est extrêmement clair, il ne supprime pas la clause de conscience. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Ménard. Je croyais que la réécriture de l’article supprimait le renvoi à l’article L. 2212-8.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. La rédaction du Sénat est plus claire, sans supprimer la clause de conscience. C’est pourquoi je préconise de la garder.

La commission rejette les amendements n° 272 et n° 467.

Elle adopte larticle 21 sans modification.

Article 21 bis
Prise en charge des enfants présentant une variation du développement génital

La commission est saisie de lamendement n° 1268 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il s’agit de supprimer les alinéas 1 à 7. Cet article crée un chapitre entier au sein du code de la santé publique pour les enfants nés avec une anomalie génitale. Or la question peut déjà se régler à travers les principes généraux du droit de la santé. La suppression des alinéas ne doit toutefois pas empêcher la reconnaissance de ces personnes et de leur souffrance.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Tout d’abord, je pense qu’il faut parler de variations plutôt que d’anomalies : c’est également important.

Vous souhaitez supprimer la totalité du dispositif relatif aux enfants présentant une variation du développement génital. J’y suis défavorable.

L’article 21 bis procède d’un amendement adopté en séance publique à l’initiative de M. Gérard et des membres du groupe La République en marche. Pour être tout à fait sincère avec vous, j’ai été surpris par l’irruption de ce sujet en première lecture. J’ai pris l’engagement d’organiser des auditions dans le cadre de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), ouvertes à tous les députés, pour nous faire une idée très précise du contexte pathologique. Nous avons procédé à ces auditions et une note de l’Office est sortie jeudi dernier.

L’article 21 bis prévoit une orientation systématique des enfants présentant une variation du développement génital vers les centres de référence des maladies rares du développement génital. Cette disposition s’inscrit dans la continuité de l’étude du Conseil d’État qui proposait « d’orienter les familles des nouveau-nés présentant les variations les plus marquées vers un nombre limité d’établissements disposant de compétences pluridisciplinaires en la matière », proposition qui a été reprise par le rapport de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur la révision de la loi relative à la bioéthique.

Dans ces centres, se développe une expertise scientifique poussée de ces variations très diverses. Ils permettent également un suivi médical et psychologique des enfants, mais aussi des parents, ce qu’il ne faut pas du tout négliger.

Les auditions que j’ai menées pour l’OPECST tendent à montrer qu’actuellement plus de la moitié des enfants concernés passent à travers les mailles du filet de ces centres. Ce sont des chiffres à prendre avec précaution, car ils proviennent des praticiens – il n’existe pas de statistiques –, mais cela montre que nous devons organiser de manière précise l’accueil et la prise en charge de ces enfants.

Les auditions ont également permis d’éclairer un problème juridique d’assignation de sexe à l’état civil, sur lequel je reviens par amendement.

Je suis donc défavorable à l’amendement.

Lamendement n° 1268 est retiré, ainsi que lamendement n° 1266 de Mme Emmanuelle Ménard.

La commission est saisie de lamendement n° 771 de M. Raphaël Gérard, qui fait lobjet du sous-amendement n° 1794 de M. Bastien Lachaud.

M. Guillaume Gouffier-Cha. Le principe protecteur que nous avions coconstruit en première lecture afin de mieux prendre en considération les droits de personnes intersexes, pose une obligation de concertation préalable pluricentrique, pluridisciplinaire et collégiale avant toute prise en charge médicale des enfants présentant des variations du développement sexuel. Cela répondait à la nécessité de poser un cadre déontologique plus strict, étant donné que la moitié des enfants dont les cas sont présentés au sein de la réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) organisée par les quatre centres de référence du développement génital ont déjà fait l’objet d’opérations sans que les orientations thérapeutiques aient été débattues. Le présent amendement vise à préciser que tous les cas de ces enfants doivent être présentés au sein d’une RCP unique au niveau national avant d’envisager une intervention.

M. Bastien Lachaud. Je propose un sous-amendement prévoyant que la concertation soit non seulement conjointe mais aussi unanime. L’un des reproches adressés aux centres de référence est leur logique interventionniste. La volonté d’indiquer que la décision doit être unanime vise à encadrer ces pratiques et à s’assurer que les décisions sont réellement justifiées médicalement.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Je ne crois pas que la loi doive poser un principe d’unanimité ni établir les modalités de fonctionnement d’une RCP. Si 90 % de la RCP souhaite l’intervention thérapeutique mais pas un centre, il faudrait obligatoirement opérer ; c’est l’exact contraire que nous souhaitons faire. Je tiens à votre disposition des cas de patients qui montrent que des décisions d’abstention, et notamment d’abstention thérapeutique, ont été prises contre l’avis d’une grande partie de la RCP.

Notre volonté est de préserver au maximum la possibilité d’une intervention chirurgicale en dehors de la volonté exprimée de l’enfant, celui-ci étant trop jeune. C’est notre responsabilité de législateur. Actuellement, la tendance très lourde est l’abstention thérapeutique. Nous avons un effort à faire, car 50 % des enfants passent au travers de ce filet. Avis défavorable sur le sous-amendement.

S’agissant de l’amendement, il faut que les RCP se passent en même temps – en général, par visioconférence – pour qu’il y ait une décision collégiale dans la mesure du possible. Nous n’avons pas trouvé comment l’inscrire dans la loi mais l’idée que nous défendons tous, c’est que cette RCP commune ait lieu en même temps avec le maximum de personnes et de centres. Je demande le retrait de l’amendement pour que nous rédigions quelque chose ensemble.

Lamendement n° 771 est retiré. En conséquence, le sous-amendement n° 1794 tombe.

La commission examine lamendement n° 1770 du rapporteur.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Je propose que la prise en charge d’un enfant présentant une variation du développement génital soit assurée après concertation « de l’ensemble » des équipes pluridisciplinaires. Cette formulation prêtant à interprétation, je retire cet amendement pour que nous travaillions ensemble à une rédaction qui montre la volonté du législateur que se tiennent des RCP multisites en même temps.

Lamendement n° 1770 est retiré.

La commission est saisie de lamendement n° 772 de M. Raphaël Gérard, qui fait lobjet des sous-amendements n° 1591 de M. Jean-Louis Touraine et n° 1797 de M. Bastien Lachaud.

Mme Laurence Vanceunebrock. Il nous semble que la rédaction adoptée par le Sénat contrarie l’objectif que nous poursuivions collectivement en première lecture, qui consiste à centraliser les discussions relatives à la prise en charge des enfants intersexes au sein des centres de référence disposant d’une expertise spécifique en variations du développement sexuel, et ce afin d’assurer une meilleure protection de l’intérêt de ces enfants.

En l’occurrence, la notion de centre de référence maladies rares « compétent » est dangereuse et ambiguë. D’abord, elle laisse penser que tous les centres de référence maladies rares de la filière FIRENDO (filière maladies rares endocriniennes), au titre de leur labellisation en tant que centres de référence, sont qualifiés pour décider des options thérapeutiques possibles concernant les enfants intersexes. Ensuite, elle nuit à l’articulation des missions que nous avions définies entre les centres de référence et des centres de compétence. Si la prise en charge médicale peut être assurée par une équipe d’un centre de compétence, il nous apparaît indispensable de centraliser l’expertise et le pouvoir de décision en matière d’orientation thérapeutique dans les centres de référence, chargés de faciliter le diagnostic et la prise en charge des patients et de coordonner les travaux de recherche, ce qui n’empêche pas d’inviter des centres de compétence à présenter leurs propres cas.

Il nous apparaît donc important de rétablir un champ restrictif de la RCP en tenant compte de la volonté du Sénat d’intégrer les centres de Necker et Debré, qui disposent d’une expertise précieuse en matière de prise en charge des hyperplasies congénitales des surrénales, et en laissant le soin à l’arrêté ministériel de définir la liste des centres concernés.

M. Jean-Louis Touraine. Par le sous-amendement n° 1591, je vous propose de revenir à la rédaction adoptée en première lecture à la quasi-unanimité de notre assemblée. Le principe protecteur que nous avons retenu repose sur une obligation de soumettre chaque cas de variation du développement sexuel à une RCP où les orientations thérapeutiques possibles sont discutées de manière collégiale. Ce principe n’est bien sûr véritablement protecteur qu’à deux conditions : premièrement, qu’il s’applique à tous les enfants intersexes, ce qui n’est malheureusement pas encore le cas, et, deuxièmement, que ces enfants soient orientées vers les équipes les plus spécialisées et les plus expertes dans le domaine très spécifique de chaque variation du développement sexuel.

Mme Danièle Obono. Nous avons déposé des sous-amendements de repli et de dépit, car nous avions travaillé sur ces questions, notamment avec M. Gérard, dans le cadre du groupe d’études présidé par Bastien Lachaud, et construit un consensus, y compris avec les collectifs de personnes concernées. Ce consensus s’alignait, en outre, sur les recommandations internationales en vue de l’interdiction de ce que les mêmes décrivent comme des mutilations. Nous avons eu la surprise, en première lecture, de voir un amendement de la majorité revenir sur ce consensus, et nous voilà donc obligés de sous-amender.

Le sous-amendement n° 1797 tend à compléter l’alinéa 4 afin de s’assurer que seuls les centres ayant démontré leur aptitude à respecter les droits humains soient habilités. En effet, certaines pratiques interventionnistes méconnaissant le principe d’intégrité du corps ayant été constatées, il importe de s’assurer qu’aucun enfant présentant des variations du développement génital ne soit mutilé. C’est le strict minimum.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Monsieur Touraine, je suis d’accord avec l’exposé des motifs de votre sous-amendement mais je ne comprends pas pourquoi vous restreignez au champ du développement génital. Il est important que le maximum d’enfants présentant ces variations soient adressés à des centres ; je pense que ces centres sont totalement compétents, on ne peut pas dire qu’ils ne respectent pas les droits humains, il ne faut pas exagérer. Votre sous-amendement, monsieur Touraine, rétrécit la compétence de ces centres : il existe d’autres centres que ceux du développement génital, par exemple en génétique des maladies rares endocriniennes, qui s’en occuperont également. Avis de sagesse.

Avis défavorable sur le sous-amendement n° 1797.

S’agissant de l’amendement n° 772, il existe une hiérarchie entre les centres de compétence et des centres de référence, mais là il s’agit de centres de référence compétents plutôt qu’habilités, car sinon cela créerait des niveaux supplémentaires d’habilitation. Je demande le retrait de l’amendement.

Lamendement n° 772 est retiré. En conséquence, les sous-amendements n° 1591 et n° 1797 tombent.

La commission examine lamendement n° 773 de M. Raphaël Gérard, qui fait lobjet du sous-amendement n° 1798 de M. Bastien Lachaud.

M. Guillaume Gouffier-Cha. Le principe protecteur que nous avons posé en première lecture repose sur une obligation de concertation préalable entre les centres de référence spécialisés avant toute prise en charge des enfants présentant des variations du développement sexuel. Cette réunion de concertation permet de déterminer ce qui relève du traitement des pathologies découlant des variations et ce qui relève des opérations de conformation sexuelle. Elle éclaire toujours le choix des parents, qui ont la responsabilité de choisir de différer ou non dans le temps certaines opérations.

Dans ce cadre, nous proposons d’enregistrer l’avis ainsi que les options thérapeutiques possibles définies par la RCP au sein du dossier médical du patient, en application des droits liés à l’information médicale du patient inscrits à l’article L. 1111-7 du code de la santé publique.

Une telle disposition figure au niveau législatif, en cas de diagnostic d’anomalie génétique grave, à l’article L. 1131-1-2 du code de la santé publique et elle est à même de restaurer les relations de confiance entre les personnes intersexes et le corps médical, longtemps entachées par une histoire du secret. Elle garantit la tenue de la RCP. Elle permet en toutes circonstances à l’enfant d’avoir accès à son histoire. Elle garantit un consentement éclairé des parents, car elle les informe des cas où l’on peut envisager l’abstention thérapeutique. Elle permet, enfin, de faciliter le suivi clinique des enfants présentant des variations en enregistrant les changements significatifs d’orientation thérapeutique entre la proposition thérapeutique de la RCP et le traitement effectivement délivré.

M. Bastien Lachaud. Je regrette la tournure que prend ce débat. Nous parlons d’un sujet concernant 1,7 % des enfants qui naissent dans ce pays. Il faut revenir aux principes. Les Nations unies, l’Union européenne, le Conseil de l’Europe considèrent que les opérations sur les enfants intersexes sont des mutilations et devraient être interdites hors nécessité vitale. Il s’agit de droits humains. Vous pouvez dire autant que vous voulez que ces centres respectent les droits humains : c’est faux, et ce sont des institutions internationales dont le travail ne peut être mis en question qui le disent.

Ce sont des souffrances terribles pour des milliers d’enfants et de parents tous les ans. Il faut traiter le sujet sérieusement et arrêter de dire que, parce qu’on pratique ces opérations en France depuis des décennies, c’est merveilleux, alors que la plupart des organisations internationales parlent de mutilations et de tortures. La logique des centres de référence est l’intervention sans tenir compte du consentement de l’enfant.

Par le sous-amendement n° 1798, j’aimerais donc que l’on écrive dans la loi que les centres de référence doivent informer les parents des prises de position des organisations internationales sur ces opérations. Alors les parents auront une information libre et non faussée.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Il faut calmer le débat. Nous avons conduit de nombreuses auditions, et pas seulement de médecins. Nous avons aussi entendu des associations de patients et des associations de parents de patients. Certaines auditions étaient très dures. Nous avons réalisé l’existence de cette souffrance et de pratiques inacceptables. En tant que législateur, nous avons à faire en sorte que ces pratiques cessent, par des incitations sur un petit nombre de centres, plus faciles à surveiller, à encadrer, à habiliter qu’un grand nombre. Mon souci, actuellement, c’est le nombre d’enfants qui passent à travers.

Ensuite, les mutilations sont déjà encadrées par le code civil. Ce qu’il faut, c’est construire un texte de loi adapté à la faisabilité, ne pas traiter sur le même plan l’hypospadias antérieur et l’hypospadias postérieur, ne pas considérer qu’il s’agit d’opérations esthétiques ou d’opérations de confort, soit pour la société soit pour les parents. Mon objectif est que les pratiques détestables cessent. Je ne suis pas défavorable à votre sous-amendement par principe, mais je crois qu’il est important de considérer qu’il existe des voies d’amélioration et que le législateur peut essayer de paver ce chemin.

S’agissant de l’amendement n° 773, vous souhaitez qu’un document retraçant les comptes rendus des RCP communes, avec les propositions thérapeutiques, soit communiqué. C’est déjà le cas, au niveau réglementaire et au niveau déontologique des bonnes pratiques de toutes les RCP, construites sur le modèle des RCP en matière de cancer. Demande de retrait.

M. Guillaume Chiche. Cela fait dix mois qu’existe un texte ; il faut à présent poser des actes. Notre pays est montré du doigt par la quasi-totalité des organisations internationales qui ont pris position sur le sujet. Des enfants sont mutilés sans argumentation médicale, des actes irréversibles sont accomplis sans recueil du consentement et hors nécessité vitale. Il faut donc borner ces pratiques le plus rapidement possible, c’est-à-dire s’assurer qu’existe une urgence vitale justifiant une intervention, en dehors de laquelle il faut s’en remettre au consentement éclairé de l’enfant.

Mme Danièle Obono. Le débat porte non sur le fait que les opérations sont bien ou mal pratiquées mais sur leur opportunité même. De nombreuses instances les considèrent comme des mutilations dans la mesure où les patients n’ont pas donné leur consentement. Les principes fondamentaux de l’inviolabilité du corps humain, de l’intégrité physique et de l’autodétermination sont remis en cause, quelles que soient la qualité du chirurgien et ses bonnes intentions. Le véritable objectif est l’interdiction hors nécessité vitale. Il ne s’agit pas d’anomalies mais de variations. L’enjeu est de savoir comment notre société peut accepter de ne pas assigner une personne à un sexe sans qu’elle y consente.

M. Marc Delatte. Le sujet est complexe, car il existe une grande diversité de cas de variations du développement sexuel. Dans leur grande majorité, ils ne posent pas de problèmes d’assignation à un sexe – citons l’hypospadias antérieur. Mais il existe aussi dans de rares cas comme les hyperplasies congénitales des surrénales des opérations qu’on ne peut différer. Les interventions chirurgicales ou hormonales précoces ont considérablement diminué en France. Citons l’avis 132 du Comité national consultatif d’éthique : « Comment permettre au regard des parents et de la société d’évoluer vers un accueil inconditionnel de ces enfants si la seule solution proposée est une conformation, aussi rapide que radicale, à la norme établie ? ». Le principe d’autodétermination doit conduire à privilégier l’examen au cas par cas au lieu de chercher une universalisation des pratiques.

Les centres de référence des maladies rares sont au nombre de quatre. Ils travaillent avec vingt centres de compétences interdisciplinaires intégrant aussi les associations. On ne peut pas dire qu’en France, on ne fait rien, loin de là.

La commission rejette le sous-amendement n° 1798.

Puis elle rejette lamendement n° 773.

Elle examine ensuite lamendement n° 774 de M. Raphaël Gérard, qui fait lobjet du sous-amendement n° 1799 de M. Bastien Lachaud.

M. Jean-Louis Touraine. L’objectif de cet amendement, que nous partageons tous, est de lever toute ambiguïté concernant les équipes médicales compétentes pour intervenir dans la prise en charge d’un enfant présentant des variations du développement sexuel. L’intention des députés en première lecture a été claire : le monopole de décision concernant l’élaboration du diagnostic et du projet thérapeutique appartient aux centres de référence ; il a donc été préconisé une orientation systématique des enfants vers l’un de ces quatre centres. Comme ils n’assurent pas la totalité du suivi, ils doivent identifier les structures hospitalières de proximité aptes à accompagner les enfants et leurs familles. Comme le rappelle le CCNE, l’accompagnement psychosocial relève des centres de compétence, lesquels rendent compte du suivi clinique aux centres de référence.

Il convient en particulier de veiller à ce que les parents bénéficient d’un accompagnement psychosocial de proximité pour les aider à surmonter l’épreuve que peut constituer la naissance d’un enfant aux organes génitaux atypiques et pour les inciter à ne pas se précipiter vers une solution hâtive.

Mme Danièle Obono. Notre sous-amendement n° 1799 vise à préciser que les centres de compétence devront comprendre des représentants des associations de personnes concernées afin que le point de vue de ces enfants devenus adultes soit aussi pris en compte, ce qui répond à la préoccupation de notre collègue Gérard.

Les chiffres de l’assurance maladie montrent que les opérations ont augmenté de 10 % depuis 2006. La tendance est donc à l’assignation forcée dès la naissance plutôt qu’à l’acceptation, ce qui justifie l’interdiction de ces opérations.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Avis défavorable au sous-amendement. Les centres de référence travaillent déjà en lien étroit avec les associations de patients et de parents de patients. La tendance est plutôt à la non-intervention, y compris de la part des chirurgiens.

Les professionnels de santé, donc les équipes des centres, sont déjà tenus déontologiquement de suivre leurs patients. L’amendement n° 774 introduit dans la loi une ambiguïté qui ne serait pas souhaitable. Par ailleurs, la fin de l’alinéa que vous proposez d’ajouter – « parcours de soins coordonné avec les établissements de santé compétents et autorisés à cet effet dans les conditions prévues à l’article L. 1151-1 » – reviendrait à imposer une autorisation supplémentaire. De plus, l’article du code de la santé publique que vous visez n’est pas le bon. Enfin, il est préférable de conserver la rédaction selon laquelle l’équipe du centre « assure » l’accompagnement psychosocial, au lieu du « s’assure de » que vous suggérez.

Lamendement n° 774 est retiré. En conséquence, le sous-amendement n° 1799 tombe.

La commission est saisie de lamendement n° 1267 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Je propose de supprimer les mots « une information complète et », qui font partie de ces précisions inutiles contribuant à rendre la loi bavarde. Elles ne font qu’introduire une ambiguïté sur la portée des principes généraux du droit de la santé : droit à l’information du patient, qui figure aux articles L. 1111-2 et suivants du code de la santé publique, et recherche du consentement du mineur, à l’article L. 1111-4.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Défavorable, par cohérence avec le vote intervenu en première lecture.

La commission rejette lamendement n° 1267.

Elle en vient aux amendements identiques n° 1436 du rapporteur, n° 535 de M. Raphaël Gérard et n° 797 de M. Jacques Marilossian.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Le Sénat a adopté un amendement visant à préciser que le diagnostic et la prise en charge d’une variation du développement génital doivent être réalisés conformément aux recommandations de bonnes pratiques élaborées, après concertation entre les parties prenantes, par la Haute Autorité de santé. Nous considérons que cet ajout est superfétatoire : l’article 21 bis prévoit déjà que ces actions s’effectuent « dans les conditions prévues à l’article L. 1151-1 », qui mentionne la possibilité de soumettre certains actes à des règles de bonnes pratiques. Par ailleurs, cet ajout manque de souplesse et risquerait de rendre plus complexe l’application de l’article 21 bis, en particulier au vu de la grande hétérogénéité des situations qu’il recouvre et des spécificités de chaque cas. Il n’existe pas de protocole de soins précis, prenant en compte chaque cas de variation du développement génital, validé par la HAS, compte tenu de la grande variabilité des pathologies. Aussi mon amendement n° 1436 propose-t-il de supprimer l’alinéa 5.

Mme Laëtitia Romeiro Dias. L’amendement n° 535 a le même objet. Si l’on ne peut que partager l’objectif du Sénat de rapprocher les points de vue et les pratiques des centres de référence, il n’en demeure pas moins que cet alinéa 5 soulève deux difficultés. D’une part, une telle disposition est difficilement applicable dans la mesure où il n’existe pas de protocoles de soins validés par la HAS ; d’autre part, elle risque d’introduire un conflit de recommandations entre celles édictées par les centres de référence dans le cadre des réunions de concertation pluridisciplinaires, qui reposent sur une appréciation spécialisée, et celles validées par la HAS, qui sont d’ordre général. Cela contribuerait à figer une doctrine alors que nous avons fait le choix en première lecture de privilégier le cas par cas.

Nous pourrions toutefois envisager l’élaboration d’un guide de bonnes pratiques, en lien avec la HAS, dans un second temps, une fois qu’un rapprochement entre les réflexions pluridisciplinaires et les points de vue des centres de référence spécialisés se sera opéré.

M. Jacques Marilossian. Mon amendement n° 797 tend également à supprimer l’alinéa 5. La version initiale du projet de loi suffit dans ce domaine. Les recommandations de la HAS sur le diagnostic et la prise en charge des enfants intersexes forment un protocole qui n’a pas à être figé dans la loi. Rappelons qu’elles font aussi souvent l’objet de débats sur les limites qu’elles peuvent poser à l’innovation des professionnels de santé. Il n’est donc pas nécessaire d’y faire référence. Elles rendraient beaucoup plus complexe la prise en charge des enfants alors que la connaissance progresse.

La commission adopte les amendements n° 1436, n° 535 et n° 797.

Elle en vient à lamendement n° 133 de M. Guillaume Chiche.

M. Guillaume Chiche. Nous proposons d’insérer l’alinéa suivant : « Hors nécessité vitale, aucun traitement irréversible ou acte chirurgical visant à la définition des caractéristiques sexuelles ne pourra être effectué sur une personne mineure tant que l’intéressée n’est pas en mesure d’exprimer par elle-même son consentement après avoir reçu une information adaptée à son âge. »

Rappelons que nous parlons d’enfants présentant des variations du développement génital, lesquels ne sont pas synonymes de pathologies : nous ne sommes pas obligés de définir à un stade précoce une identité de genre par un acte chirurgical ou un traitement irréversible. Il s’agit d’interventions particulièrement intrusives et ceux qui les subissent en gardent la marque toute leur vie. Certaines mêmes sont obligées de réaliser le cheminement inverse, une fois majeures, lorsqu’elles s’aperçoivent qu’il s’agissait d’une erreur. Pourquoi porter atteinte à l’intégrité physique et morale des enfants dans le seul but répondre à une exigence sociétale ? Les organisations internationales nous appellent à mettre très rapidement un terme à ces pratiques et à respecter l’intégrité physique de chaque enfant. Nous devons poser des actes forts.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Nous avons passé du temps à auditionner les personnes directement concernées, de même que les soignants. Au terme des travaux menés dans le cadre de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), j’ai conclu qu’interdire de manière définitive dans la loi tous les traitements chirurgicaux des petits enfants présentant des variations du développement génital reviendrait à méconnaître la grande hétérogénéité des cas auxquels on peut être confronté.

Le champ de la nécessité vitale que vous évoquez empêcherait probablement l’opération d’enfants souffrant de graves anomalies fonctionnelles. Pour ceux qui ont un cloaque à la place de l’appareil génital, où entre l’anus, le vagin, l’urètre, tout se mélange, faudrait-il ne pas intervenir ? Il ne s’agit pas d’assignation de sexe et le pronostic vital n’est pas mis en jeu, sinon que ces enfants souffrent d’infections récidivantes qui, par rétrogradation, affectent les reins. Prenons le cas des petites filles ayant des testicules intra-abdominaux. Il y a cinq ans encore, on procédait systématiquement à l’ablation par crainte d’une cancérisation, ce n’est plus le cas. Mais désormais, lorsque le chirurgien ne veut pas intervenir, il arrive que la maman demande : « Mais comment vais-je annoncer à ma petite fille de dix ans qu’elle a des couilles dans le ventre ? ». Pardonnez mes mots un peu crus, mais c’est cela, la réalité de tous les jours !

Insistons sur un autre élément : lorsque nous rencontrons les associations de patients, nous avons affaire à des adultes sur lesquels l’intervention remonte à quinze ou vingt ans. Cela aussi doit être pris en considération : nous avons une obligation d’objectivité.

Enfin, même si ce n’est pas le cas ici, monsieur Chiche, madame Obono, monsieur Lachaud, méfions-nous collectivement des personnes qui font du gras sur le malheur des autres… Je n’en dirai pas plus.

Avis défavorable.

M. Bastien Lachaud. J’avoue ne pas comprendre la dernière remarque du rapporteur. J’ose espérer qu’elle ne s’adressait à aucun député ici présent.

Plusieurs députés. C’est bien ce qu’il a dit.

M. Bastien Lachaud. Il est bon que cela soit précisé.

Monsieur le rapporteur, vous nous dites qu’aujourd’hui, les pratiques ne sont plus les mêmes qu’il y a cinq ans. En 2017, des opérations de dilatation vaginale par bougie ont été prescrites sur des enfants de douze ans. En 2017, dans un centre de référence des Hospices civils de Lyon, on a pratiqué des vaginoplasties sur des enfants de moins d’un an. Je ne pense pas que ce type d’opération soit réellement utile sans le consentement de l’intéressée. Dans l’immense majorité des cas, l’urgence est d’attendre. C’est l’avis de nombre de spécialistes, et des organisations internationales. Je veux bien que l’OPECST soit un organisme merveilleux, mais son rapport suffit-il à invalider leurs recommandations ?

Enfin, ne confondez pas les opérations portant sur le sexe et celles qui portent sur les canaux, comme dans les exemples que vous avez pris.

M. Philippe Berta. La complexité de ces questions nous dépasse un peu tous. Nous sommes le produit de trois sexes. D’abord d’un sexe chromosomique : XX pour les femmes, XY pour les hommes. Il se traduit dans un sexe gonadique, qui peut présenter un tout petit nombre d’ambiguïtés sévères : gonades mixtes – moitié ovaire, moitié testicule –, testicule d’un côté, ovaire de l’autre. Il est clair que dans ces cas, très rares, une intervention d’urgence s’impose : on a affaire à un gonadoblastome, un mélange de tout et de rien, et à une situation totalement récupérable. Les autres ambiguïtés sexuelles vont du sexe gonadique – testicules et ovaires – au sexe phénotypique – garçon et fille – avec toute la mise en place des circuits hormonaux ; dans ce cas, effectivement, les interventions peuvent attendre. Mais pour la petite fraction de départ : les filles XY, les garçons XX, les hermaphrodismes vrais, etc., il faut intervenir très tôt, sinon c’est foutu !

Mme Laëtitia Romeiro Dias. Le champ de la nécessité vitale est sans doute réducteur, voire dangereux : le rapporteur a présenté des cas qui, sans mettre en jeu le pronostic vital, relèvent d’impératifs médicaux. Mais je remarque à mon tour que les exemples qu’il a cités ne renvoyaient pas à une assignation sexuelle.

M. Guillaume Chiche. Connaissez-vous un seul type d’intervention chirurgicale ou de traitement lourd pratiqué sur un adulte, hors nécessité vitale, pour lequel son consentement éclairé ne soit pas recueilli ? Moi pas. Pourquoi traiter différemment les enfants ?

La commission rejette lamendement n° 133.

Elle en vient à lamendement n° 775 de M. Raphaël Gérard, qui fait lobjet des sous-amendements n° 1800 et n° 1801 de M. Bastien Lachaud.

Mme Laurence Vanceunebrock. Nous avons acté en première lecture que le droit à l’intégrité physique des personnes intersexes était garanti par l’obligation de recueillir le consentement des représentants légaux, c’est-à-dire les parents. Or pour que ce principe soit réellement protecteur, il est indispensable que l’information qui leur est délivrée garantisse l’exercice d’un consentement pleinement éclairé, ce qui n’est pas toujours le cas comme le relèvent le Conseil d’État et le CCNE.

L’amendement n° 775 répond à trois objectifs.

Il s’agit tout d’abord de lever toute ambiguïté sur la notion d’information complète présente dans le texte. En l’absence de consensus scientifique sur le bénéfice thérapeutique des opérations précoces, il convient de préciser que l’information délivrée par les équipes des centres doit être impartiale. Elle doit rendre compte de l’ensemble des options thérapeutiques possibles définies en RCP et ne peut pas passer sous silence certains risques associés aux opérations, tels que les fréquentes reprises chirurgicales qui peuvent avoir lieu pendant l’enfance.

Il s’agit ensuite de s’assurer que l’information soit délivrée dans un langage clair et approprié, en employant un langage non pathologisant. Le choix des mots sur un sujet si sensible est absolument déterminant pour la famille, au moment de la naissance comme sur le très long terme.

Il s’agit enfin de préciser que l’annonce du diagnostic n’appartient pas de manière exclusive à un médecin en particulier, dont la spécialité pourrait influencer les parents. Comme le rappelle le CCNE, il est important que l’information délivrée passe par la parole des différents membres de l’équipe pluridisciplinaire – psychologue, endocrinologue, éthicien, chirurgien – afin qu’ils puissent appréhender le diagnostic à travers le prisme des différentes spécialités concernées, y compris en prenant en compte l’apport des sciences sociales.

M. Bastien Lachaud. Le sous-amendement n° 1800 propose d’aller jusqu’au bout de la logique de l’amendement en précisant que l’équipe pluridisciplinaire doit comprendre « au moins deux universitaires issus du champ des sciences sociales, ». La loi, en autorisant le changement de genre à l’état-civil sur simple déclaration, a reconnu le caractère social de la notion de genre. Il semble logique que des juristes, des éthiciens, des anthropologues, des sociologues participent aux prises de décision et viennent les éclairer.

Le sous-amendement n° 1801 précise que l’information délivrée devra aussi être « respectueuse des droits humains ». Cela contribuerait à ce que les instances internationales condamnent moins la France pour ces pratiques.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Cette dernière précision est inutile. Tous ceux qui s’occupent sérieusement de ces pathologies sont parfaitement respectueux des droits humains, vous le savez comme moi, vous les avez vous-même rencontrés.

L’idée d’élargir les équipes pluridisciplinaires – qui comportent déjà des psychologues et des pédopsychiatres – universitaires en sciences sociales mériterait d’être creusée, car nous nous heurtons à un gros problème d’acceptation de l’environnement familial, de la société et de l’école. Toutefois, il serait compliqué de la mettre en œuvre sur le plan administratif : on trouve peu de personnes issues de ces disciplines dans les hôpitaux. Demande de retrait.

Quant à l’amendement, je demanderai son retrait. Le droit commun prévoit déjà que l’information délivrée aux patients et à leurs parents lorsqu’ils sont mineurs est loyale, claire et adaptée. Il n’y a pas besoin de le préciser ici.

Lamendement n° 775 est retiré. En conséquence, les sous-amendements n° 1800 et n° 1801 tombent.

La commission examine lamendement n° 1769 du rapporteur.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Amendement de précision, pour insister sur le caractère multidisciplinaire de l’équipe à laquelle appartient le médecin chargé d’informer les parents.

La commission adopte lamendement n° 1769.

Elle est saisie de lamendement n° 776 de M. Raphaël Gérard, qui fait lobjet du sous-amendement n° 1802 de M. Bastien Lachaud.

Mme Laëtitia Romeiro Dias. Cet amendement vise à rappeler l’obligation faite aux équipes médicales d’informer les parents, lorsque la RCP a déterminé s’il était possible de conserver les tissus gonadiques ou des gamètes de l’enfant, des conséquences de l’opération ou des traitements de conformation sexuée sur la fertilité des personnes présentant des variations du développement sexuel. Il rappelle l’importance d’indiquer qu’il est possible de différer le retrait des gonades. Il n’y a pas de consensus sur les risques tumoraux : certains médecins soutiennent qu’ils sont inférieurs à 15 %. Et s’il est difficile d’entendre et de supporter psychologiquement lorsqu’on est une femme le fait que l’on possède des testicules, l’ablation des gonades peut considérablement affecter la libido.

Mme Danièle Obono. Notre sous-amendement n° 1802 vient préciser que la stérilisation de l’enfant doit être consentie par celui-ci et qu’il doit aussi recevoir l’information prévue par ce texte, sinon il y aurait une atteinte grave au principe constitutionnel de sauvegarde de dignité de la personne humaine. Un enfant est un être humain qui doit être respecté et protégé mais aussi un sujet doté de libre arbitre, à qui il faut demander son consentement ; faute de quoi, on viole ses droits humains.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. L’alinéa 7 prévoit déjà que le consentement du mineur doit être systématiquement recherché. Avis défavorable au sous-amendement, au demeurant mal placé.

Avis favorable à l’amendement.

M. Bastien Lachaud. Je voudrais quand même que nos collègues prennent conscience des implications de ces divers amendements : nous sommes en train de construire un cadre juridique pour des pratiques condamnées par l’ensemble des institutions internationales. C’est d’une hypocrisie sans nom !

La commission rejette le sous-amendement n° 1802.

Puis elle adopte lamendement n° 776.

Elle est saisie de lamendement n° 1401 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. J’avoue que je ne connaissais rien de ce sujet. Mais en me renseignant, j’en suis venue à une position qui va à rebours de celle que j’entends exprimée…

L’alinéa 7 prévoit que le consentement du mineur doit être systématiquement recherché s’il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision. Certains veulent interdire les opérations chirurgicales réalisées sur des nouveau-nés présentant des anomalies du développement génital, qu’ils dénoncent comme des mutilations de personnes intersexes. Il est évident que des opérations effectuées sur des bébés ont pu conduire à des catastrophes car certains ont gardé des séquelles physiques importantes ou ont développé une identité sexuelle en désaccord avec le sexe qui avait été privilégié. Toutefois, compte tenu des progrès très importants réalisés par la médecine et la chirurgie, on ne peut plus raisonner à partir de cas et de traitements vieux d’une quarantaine d’années.

La proposition de différer les interventions chirurgicales sur les enfants et d’attendre que le mineur soit en état de participer à la décision ne me semble pas acceptable. Pourquoi ? L’enfant a des représentants légaux, qui sont ses parents ou à défaut un tuteur, dont le rôle est précisément de prendre les décisions médicales qui le concernent ; sous prétexte d’attendre, on risque de le priver des soins que la médecine est désormais en mesure de lui offrir. La prise en charge a énormément évolué en ce qui concerne tant les outils de diagnostic que la concertation avec les parents ; la médecine donne à de nombreux enfants la possibilité de grandir dans un sexe le mieux défini possible pour qu’ils puissent dès leur plus jeune âge s’identifier fille, garçon ou ce qu’ils veulent.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Avis défavorable. Cette suppression signifierait que le consentement du mineur ne compte pas alors précisément que l’on cherche le plus possible à ce qu’il puisse prendre part à la décision en différant les interventions.

M. Guillaume Chiche. Cet amendement ne m’étonne guère : Mme Ménard s’est déjà opposée, à l’occasion d’un autre article, à ce qu’une mineure puisse procéder à une interruption médicale de grossesse sans l’accord de ses parents…

Beaucoup d’amendements ont été retirés ou rejetés aux bénéfices d’engagements que vous avez pris en vue de la séance, monsieur le rapporteur. J’aimerais savoir très clairement comment vous comptez garantir que le consentement de l’enfant sera recueilli pour des interventions qui le concernent, hors nécessité vitale.

M. Bastien Lachaud. La notion de consentement est centrale, fondamentale. L’enfant a le droit au contrôle de son intégrité physique. M. Berta évoquait certains cas nécessitant des interventions en urgence pour éviter le développement de cancers. Selon la dernière étude de consensus de Martine Cools, qui remonte à 2008, il n’y a aucun cancer avant quatorze ans, âge auquel le consentement peut être recueilli. D’où la nécessité de repousser les opérations.

La commission rejette lamendement n° 1401.

La commission en vient à lamendement n° 777 de M. Raphaël Gérard, qui fait lobjet des sous-amendements n° 1803 et n° 1804 de M. Bastien Lachaud.

M. Jean-Louis Touraine. Le présent amendement vise à formaliser une recommandation formulée par le Comité consultatif national d’éthique qui souhaite que les parents, et ultérieurement les enfants, quand ils sont en âge de comprendre ou d’être associés aux décisions médicales qui les concernent, puissent bénéficier d’un délai de réflexion suffisamment long avant qu’une décision ne soit prise concernant les interventions de conformation et d’assignation sexuées. Une décision rapide ne s’impose que dans les rares cas d’urgence médicale, pour lesquels le recueil du consentement n’est pas requis.

La responsabilité engagée pour les décisions non urgentes est immense. Certaines interventions ont des effets irréversibles ou nécessitent des opérations itératives. Et surtout, l’orientation donnée, si elle est imposée à un enfant non encore en âge de décider peut s’avérer opposée à celle qu’il choisira à la puberté.

Il est donc indispensable que les parents puissent profiter de ce délai de réflexion pour prendre attache avec des psychologues, des travailleurs sociaux et des associations susceptibles d’apporter des éléments éclairant les décisions.

M. Bastien Lachaud. Vous avez dit, monsieur le rapporteur, que les associations étaient intégrées au sein des centres de référence et participaient aux prises de décision. Malheureusement, elles sont soigneusement triées : celles qui privilégient une approche non pathologique des variations du développement génital sont systématiquement éliminées et n’ont pas voix au chapitre. Notre sous-amendement n° 1803 prévoit la consultation de ces associations afin que les parents puissent bénéficier d’une information éclairée. Quant au n° 1804, il vise à remplacer les titulaires de l’autorité parentale par la personne concernée dont il est essentiel de recueillir le consentement.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Le code civil dispose que l’autorité parentale appartient aux parents jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant pour le protéger dans sa santé. Il revient donc en principe aux titulaires de l’exercice de l’autorité parentale de décider des soins à donner à l’enfant. Bien entendu, une concertation intervient avec l’enfant lorsqu’il est en âge de prendre conscience des risques et des conséquences d’une intervention. Enfin, l’alinéa 7 prévoit que le consentement du mineur doit être systématiquement recherché. J’émets donc un avis défavorable au sous-amendement n° 1804.

Quant à obliger les patients à consulter une association, c’est l’exact contraire du consentement… On peut éventuellement la leur proposer, mais en aucun cas l’imposer. D’où mon avis défavorable au sous-amendement n° 1803.

L’amendement n° 777 vise à préciser un délai de réflexion avant l’intervention par l’équipe du centre de référence. J’imagine, monsieur Touraine, que vous parlez d’une intervention chirurgicale. Hors cas d’urgence vitale, ces interventions ne sont pas réalisées immédiatement : il y a évidemment un délai de réflexion, conformément d’ailleurs à la pratique des centres de référence. Enfin, votre amendement ne précise pas la durée de ce délai de réflexion. Je vous propose donc de le retirer ; à défaut, j’y serai défavorable.

M. Jean-Louis Touraine. Je prends note que la nouvelle rédaction devra préciser que l’intervention est chirurgicale, ainsi que la durée du délai de réflexion.

Lamendement n° 777 est retiré. En conséquence, les sous-amendements n° 1803 et n° 1804 tombent.

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques n° 1105 de Mme Danièle Obono et n° 1107 de M. Bastien Lachaud, ainsi que lamendement n° 1393 de M. Jean-François Mbaye.

Mme Danièle Obono. L’amendement n° 1105, issu des échanges de vue et d’un travail en commun transpartisan entre les membres du groupe d’études « Discriminations et LGBTQI-phobies dans le monde » et ceux du groupe d’études « Droits de l’enfant et protection de la jeunesse », vise à différer tout acte médical de conformation sexuée, hors cas d’urgence vitale, afin que l’intéressé mineur puisse exprimer son consentement, après avoir reçu une information adaptée quant aux conséquences de ces opérations et avoir pu en prendre pleinement conscience.

L’alinéa 7 indique que « le consentement du mineur doit être systématiquement recherché s’il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision. » Il y a là une conditionnalité, que nous proposons de transformer en un impératif. Dans le cas où le mineur ou la mineure n’est pas apte à exprimer sa volonté, l’intervention doit être différée. Cela nous semble relever du strict respect des principes fondamentaux précédemment évoqués : respect de la dignité humaine, de l’intégrité, du droit à l’autodétermination. Si un consentement réel ne peut être donné par l’intéressé, l’acte et l’intervention d’autrui sur son corps ne peuvent être permis.

Nous sommes là au cœur d’une question éthique fondamentale. L’amendement n° 1105 doit être adopté, faute de quoi nous ne ferions qu’encadrer des pratiques qui sont aux antipodes de l’éthique républicaine et démocratique.

M. Bastien Lachaud. Ainsi que l’indique le Conseil d’État dans son rapport sur la révision de la loi de bioéthique, certains professionnels de santé réalisent des actes médicaux tendant à conformer les caractéristiques sexuelles primaires ou secondaires des personnes présentant des variations du développement sexuel, en dehors du cadre légal de l’article 16-3 du code civil. Or seules sont envisageables les interventions, ajoute le Conseil, « qui s’imposent afin d’éviter de mettre en jeu le pronostic vital de la personne ou les souffrances physiques associées à ces variations. »

L’application du principe de proportionnalité prévu à l’article L. 1110-5 du code de la santé publique ou de l’article R. 4127-41 du même code devrait déjà suffire à interdire ces opérations. Malheureusement, ce n’est pas le cas. En 2017, le Défenseur des droits et la délégation aux droits des femmes du Sénat avaient déjà montré la nécessité de changer la prise en charge des personnes intersexes. L’État français a été rappelé à l’ordre par trois comités de l’ONU, en 2016.

À vous entendre, monsieur le rapporteur, il n’y a pas besoin de demander son avis au mineur, dans la mesure où, aux termes du code civil, les parents ont l’autorité parentale. Je vous rappelle cependant que la loi du 4 mars 2002 a introduit à l’article L. 1111-4 du code de la santé publique – l’actuel alinéa 7 – l’obligation pour le médecin de rechercher le consentement du mineur. A contrario, l’article L. 1 111-5 du code de la santé publique démontre que le consentement libre et éclairé du mineur peut être recueilli sans l’aval de ses représentants légaux.

Compte tenu du contexte de pression psychologique dans lequel les parents peuvent évoluer au moment de la naissance, l’amendement n° 1107 vise à modifier l’article L. 1111-4 du code de la santé publique, afin que ce type d’intervention irréversible soit soumis au préalable au consentement personnel de l’enfant. Nous avons fait la démonstration, études médicales à l’appui, qu’il était urgent d’attendre avant d’intervenir.

M. Jean-François Mbaye. La rédaction de l’alinéa 7 est ambiguë : le consentement doit être systématiquement recherché, mais, si celui-ci n’est pas possible, on passe outre… Peut-être une réécriture s’impose-t-elle, qui permettrait d’intégrer les remarques exprimées par nos collègues et de lever cette ambiguïté. Mon amendement n° 1393 propose d’ajouter un alinéa précisant qu’aucune prise en charge ne poursuivant pas une finalité strictement thérapeutique ne peut être assurée sans le recueil préalable du consentement de l’enfant présentant une variation du développement génital. Autrement dit, on pourra différer la décision lorsque la personne concernée n’est pas capable de s’exprimer. Ce qui coupe court à toute interprétation.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Je donne un avis défavorable aux amendements identiques n° 1105 et n° 1107. Le débat a été suffisamment long et argumenté.

Mon avis sur l’amendement n° 1393 est également défavorable. L’article 16-3 prévoit déjà de telles dispositions. L’alinéa 7 ne pose pas de problème particulier.

Mme Elsa Faucillon. Je me trompe peut-être, mais, au vu des discussions et du peu de conviction avec laquelle le rapporteur défend la rédaction proposée pour cet article, j’imagine qu’il sera certainement réécrit en séance. Ne voyez aucune méchanceté ou indélicatesse dans mon propos, monsieur le rapporteur, mais une sincérité qui peut-être vous est interdite… Comptez-vous réécrire l’article 21 bis pour la séance ? Si tel est le cas, quelles précisions souhaitez-vous adopter ?

M. Guillaume Chiche. Monsieur le rapporteur, je répète ma question, qui s’inscrit dans la même logique que celle de Mme Faucillon. Vous avez demandé le retrait d’une succession d’amendements, en prenant des engagements que je n’ai pas tous saisis en vue de la séance. Vous avez ainsi demandé que l’amendement n° 777 de M. Gérard, présenté par M. Touraine soit précisé pour ce qui est de la durée de délai de réflexion. Comptez-vous lui donner alors un avis favorable ?

Dans la même logique, les amendements n° 775, n° 774, n° 772 et n° 771 ont été retirés à votre demande, au bénéfice d’engagements de votre part en vue de la séance. Je souhaiterais que vous les précisiez, afin que nous puissions poursuivre sereinement nos travaux.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Madame Faucillon, je ne fais pas de psychologie à deux balles… Nous sommes tous deux députés ; avec tout le respect que je vous dois, je ne me serais jamais permis de parler comme vous venez de le faire en mettant en cause votre façon de faire et façon d’être.

Sans apparemment y réussir, je me suis efforcé de mener un débat apaisé, sur des questions lourdes. J’ai senti à plusieurs reprises, sur différents bancs, une volonté de forcer le trait. Nous sommes ici devant des cas graves, qu’il faut prendre en charge, à notre niveau de législateur. Il n’y a pas de compétition pour être un meilleur ou moins bon député : nous avons tous l’esprit de responsabilité, le respect des droits humains ou des droits des hommes, des femmes, des enfants. L’intérêt supérieur de l’enfant, qui est l’objectif, a été préservé.

J’ai commencé mon argumentation en disant que nous avons tous la responsabilité de faire que le moins d’enfants possible, sinon aucun, passe à travers les mailles du filet, sachant que notre système de santé, pour ce qui touche à ces pathologies, n’est en l’état pas satisfaisant.

J’ai été agressé comme si j’étais le seul responsable de la politique sanitaire de ce pays concernant ces pathologies, ce que je ne suis pas. Voilà ce que je réponds, sans chercher à aller plus loin car je considère que le débat doit être apaisé.

Par ailleurs, monsieur Chiche, je n’ai pas la responsabilité de la rédaction de cet article. Nous examinons un projet de loi, autrement dit un texte dont l’initiative revient au Gouvernement, non une proposition de loi de Jean-François Eliaou. Je suis certain que le Gouvernement suit nos débats en direct ; il lui reviendra de prendre ses responsabilités.

Quant à l’amendement n° 777, Jean-Louis Touraine, que je connais depuis longtemps, fera ce qu’il voudra de mes propositions. Et, comme vous le savez car vous connaissez parfaitement le fonctionnement de nos institutions, mes avis en séance seront fonction de la position prise par la commission à l’issue de la discussion : si l’amendement est rejeté, l’avis de la commission sera défavorable.

La commission rejette successivement les amendements identiques n° 1105 et  1107, ainsi que lamendement n° 1393.

Ensuite de quoi, elle se saisit des amendements identiques n° 1096 de Mme Danièle Obono et n° 1101 de M. Bastien Lachaud.

Mme Danièle Obono. Depuis la première lecture du texte, nous essayons tous d’avancer, dans un débat apaisé mais également passionné, car les questions éthiques interrogent chacun et chacune. Si un sentiment de frustration, de malaise ou d’incompréhension se fait jour par moments, c’est que nous parlons de cas particulièrement lourds et graves. Ces interventions, dont nous pensons qu’elles n’ont pas lieu d’être puisqu’elles portent sur des organes sains, des parties de corps qui présentent une variation mais pas de pathologie en soi, déclenchent des pathologies, qui signifient pour les personnes concernées des traitements très lourds, y compris de nouvelles opérations. En aucun cas elles ne règlent de problème, puisqu’il n’y en a pas sur le strict plan physique ; elles en créent plutôt, et pour le reste de la vie de ces personnes.

C’est pourquoi notre amendement n° 1096 vise à compléter l’article 16-3 du code civil par l’alinéa suivant : « Sont dépourvus de nécessité médicale et interdits les actes de conformation sexuée visant à modifier les caractéristiques sexuelles primaires et secondaires d’une personne, sauf en cas d’urgence vitale ou de consentement personnellement exprimé par cette dernière, même mineure. » Ceci cadre ce qui doit être cadré, et permet d’interdire ce que le monde entier nous demande d’interdire, avec raison.

M. Bastien Lachaud. Les opérations sont lourdes et invasives, et pratiquées à un âge où la personne ne peut pas consentir. Elles sont irréversibles, souvent douloureuses, et peuvent impliquer un traitement à vie, notamment hormonal. Nous parlons d’ablation d’organes sains, de dépendance aux médicaments, de sentiment profond de violation de la personne et de pathologisation d’un corps sain.

En 2018, le Défenseur des droits a alerté sur les séquelles majeures, tant physiques que psychologiques qui résultent de ces interventions : douleurs physiques, rapport au corps altéré, sexualité altérée ou douloureuse. Il préconise d’attendre de pouvoir recueillir le consentement de la personne. La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) a également qualifié ces opérations de traitements inhumains et dégradants, et de mutilations sexuelles.

Non, monsieur le rapporteur, la discussion n’est pas apaisée : il est de notre mission de député d’être passionnés sur les sujets qui nous révoltent. Mais elle est argumentée.

Sur la question du consentement des mineurs, je donnerai d’ailleurs un autre argument, auquel vous n’avez pas répondu. Pour les actes strictement personnels, il est interdit à d’autres de décider. Le principe est posé pour les majeurs protégés à l’article 458 du code civil. Les juristes l’étendent à l’enfant, notamment en application de la Convention de New York relative aux droits à l’enfant. Vous ne pouvez donc pas dire que ce sont aux parents de décider pour leur enfant, quoi qu’il arrive, jusqu’à ses dix-huit ans. Si tel était le cas, vous renonceriez à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) des mineures, sans autorisation parentale, et vous reviendriez sur une jurisprudence de la Convention internationale des droits de l’enfant. Je vous prie donc de nous répondre sur cette question.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Les actes de conformation sexuée sont interdits par le code civil. Vous avez cité le Conseil d’État, qui allait dans le même sens. Lorsque l’on recherche, de façon systématique, le consentement des mineurs, on fait en quelque sorte exception. La volonté de l’ensemble des centres que j’ai auditionnés est de retarder au maximum l’éventuelle intervention car on recherche l’accord du mineur, qui peut devenir majeur.

Enfin, je ne voulais pas le dire, mais voir ces personnes, recevoir ces familles, c’est mon métier.

M. Bastien Lachaud. Vous êtes juge et partie ! (Exclamations.)

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Si vous continuez ainsi, monsieur Lachaud, je me bornerai à émettre un simple avis défavorable, sans autre argumentation ! Je n’accepte pas que des leçons nous soient données, collectivement. En tant que députés, nous faisons notre travail en toute conscience.

Je donne un avis défavorable à ces deux amendements.

La commission rejette les amendements n° 1096 et n° 1101.

La commission examine, en discussion commune, lamendement n° 1693 du rapporteur et lamendement n° 778 de M. Raphaël Gérard, qui fait lobjet du sous-amendement n° 1805 de M. Bastien Lachaud.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Cet amendement très important est ressorti de nos discussions avec les associations de patients et de parents de patients. Il s’agit de donner la possibilité de reporter de trois mois l’inscription à l’état civil du sexe de l’enfant.

Chaque année, dans une dizaine de cas répertoriés – mais ils ne le sont pas tous –, se pose une difficulté d’assignation d’un sexe à la naissance. Le délai de déclaration du sexe à l’état civil, qui est actuellement de cinq jours, pourra être reporté à trois mois.

Nous avons en outre obtenu que le recours à une modification du sexe sur l’état civil ne comporte pas de trace dans l’extrait d’acte de naissance ou dans la copie complète de l’acte. La procédure permettant ce changement de sexe sera ainsi grandement facilitée et ne nécessitera pas l’intervention d’un avocat : elle sera donc très rapide et peu coûteuse.

Mme Laëtitia Romeiro Dias. La protection des droits des enfants intersexes repose sur deux piliers : l’information aux parents et les conditions d’exercice du consentement donné par les représentants légaux. Or, comme l’ont montré les travaux de la délégation aux droits des femmes du Sénat, le délai de déclaration du sexe à l’état civil, fixé à cinq jours, induit une pression légale sur les parents, qui sont tenus d’assigner un sexe à l’enfant. Pour ces raisons, ils peuvent être tentés de consentir à certains traitements ou opérations afin que l’anatomie corresponde à l’assignation sociale et juridique.

Le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) rappelle que la déclaration à l’état civil ne doit pas conduire à faire preuve de précipitation. Dans le même temps, il est parfois impossible pour les professionnels de santé de déterminer le sexe probable de l’enfant.

La seule disposition réglementaire permettant pour l’instant de repousser le moment de l’inscription de la mention du sexe à l’état civil conditionne cette possibilité à la réalisation de traitements médicaux ou d’opérations de conformation sexuée. Ce principe est contraire au paradigme que nous inscrivons dans l’article 21 bis, qui consiste à envisager systématiquement l’abstention thérapeutique, lorsqu’elle est possible. Ce principe permet aux parents qui le souhaitent de différer dans le temps le moment des opérations, de telle sorte que l’enfant soit associé plus systématiquement à la réflexion.

L’amendement n° 778 vise donc, comme le recommande le Conseil d’État, à transposer la possibilité de retarder la déclaration du sexe, afin de décorréler les modalités d’inscription du sexe à l’état civil des interventions médicales éventuelles.

Mme Danièle Obono. Les amendements n° 1693 et n° 778 nous ont surpris : il nous semblait qu’il était possible de ne rien inscrire dans la case correspondant au sexe de l’enfant, ou d’inscrire « indéterminé ». Ces amendements contribuent à consolider une vision binaire qui n’est pas conforme à la réalité : il existe des variations, qui n’ont rien de pathologique ou d’anormal. Le rapporteur pourra nous le confirmer ou l’infirmer.

Par ailleurs, le délai d’un mois visé à l’amendement n° 778 est beaucoup trop court pour déterminer le sexe de l’enfant. Les examens médicaux complexes nécessitent davantage de temps. Il s’agit aussi d’éviter des erreurs d’assignations : pour cela, il faut attendre que l’enfant détermine son genre, ce qui survient, selon les études, entre trois et sept ans, au moment où l’enfant apprend la langue et se situe dans le système grammatical.

En pratique, la circulaire de 2011 relative à l’état civil imposait un délai d’un à deux ans, mais les chiffres obtenus auprès de l’INSEE dans le cadre d’un projet de recherche financé par la mission « droit et justice », a montré que, dans les cas où la dérogation était donnée, l’inscription pouvait avoir lieu au-delà de cette période. C’est pourquoi il nous semble préférable de n’indiquer aucun délai, d’autant que, comme l’atteste la pratique actuelle, les autorités n’auront pas les moyens de le contrôler.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. La circulaire de 2011 est connue : un mois ne suffit évidemment pas. C’est pour des raisons administratives, de personnalisation du dossier auprès de l’assurance maladie, qu’il faut à un moment donné cocher une case « sexe masculin » ou « sexe féminin ». Nous avons obtenu que ce délai soit porté à trois mois – nous ne pouvions pas aller au-delà –, mais surtout que si une modification du sexe devait être apportée une fois ce délai écoulé, elle passe par une procédure simplifiée, sans avocat ni coûts supplémentaires.

J’invite Mme Laëtitia Romeiro Dias à retirer son amendement n° 778 au profit de l’amendement n° 1693, plus complet.

Lamendement n° 778 est retiré et le sous-amendement n° 1805 tombe.

La commission adopte lamendement n° 1693.

La commission examine lamendement n° 1109 de Mme Danièle Obono.

M. Bastien Lachaud. Nous proposons de compléter la demande de rapport figurant à l’alinéa 8. Au-delà d’un simple rapport sur l’activité et le fonctionnement des centres de référence, nous souhaitons avoir accès au nombre d’actes médicaux réalisés en lien avec ces variations et au respect des recommandations internationales en matière de respect du protocole des soins.

Le Conseil d’État l’a dit dans son rapport sur la révision de la loi de bioéthique : certains actes médicaux sont pratiqués en dehors du cadre légal de l’article 16-3 du code civil. L’adoption de cet amendement permettra de trancher le débat sur le nombre d’interventions. C’est la solution la plus sage pour poursuivre un débat apaisé et argumenté.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Vos arguments sont pertinents. Je donnerai un avis de sagesse sur cet amendement, même si certains de ses éléments me gênent.

La commission adopte lamendement n° 1109.

Puis, elle examine lamendement n° 779 de M. Raphaël Gérard, qui fait lobjet du sous-amendement n° 1806 de M. Bastien Lachaud.

Mme Laurence Vanceunebrock. Nous proposons que le rapport remis au Parlement communique également des éléments chiffrés sur la nature des actes médicaux pratiqués sur les enfants présentant des variations du développement génital. À l’heure actuelle, l’association GISS-Alter Corpus affirme que les actes de conformation sexuée seraient en hausse de 10 % depuis 2006. D’après les chiffres issus de l’analyse de la base de données de l’assurance maladie, 4 678 opérations auraient été pratiquées en 2017 sur des enfants de moins de treize ans. Toutefois, compte tenu de l’existence d’importantes erreurs de codage, il est difficile d’établir les types de situations médicales que recouvrent ces chiffres.

Le recueil d’éléments chiffrés concernant la nature des actes médicaux pratiqués permettrait d’objectiver l’évolution des pratiques médicales dans la prise en charge des personnes présentant des variations du développement sexuel, et d’offrir plus de transparence.

M. Bastien Lachaud. Le sous-amendement n° 1806 vise à compléter le quatrième alinéa, pour s’assurer que les droits humains seront respectés. L’amendement n° 1109 ayant été adopté, je ne me chagrinerai toutefois pas si l’amendement n° 779 était retiré. Mais s’il ne l’est pas, je le voterai avec plaisir.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Je suis défavorable au sous-amendement n° 1806, mais favorable à l’amendement n° 779 car il est très important de disposer de ce type de données, qui manquent en France. Les chiffres recueillis sont très imprécis.

M. Guillaume Chiche. J’aurai plaisir à voter cet amendement. Je ne cherche pas à vous mettre en porte-à-faux, monsieur le rapporteur. Nous sommes parvenus à la fin de l’examen de l’article 21 bis ; en séance, vous serez conduit à rapporter la position de la commission. Six ou sept amendements essentiels, rédigés pour la quasi-totalité d’entre eux par notre collègue Raphaël Gérard, qui n’a pu être présent, ont été retirés. Or, sur les sujets qu’il a pointés, j’ignore ce qui ressort de nos travaux en commission. Faudra-t-il redéposer à l’identique l’ensemble de ces amendements, pour en débattre à nouveau en séance, comme si nos échanges n’avaient pas eu lieu ? Proposez-vous certains engagements ou des positions pour la commission, en vue de la séance ? Je pose ces questions pour le bon déroulement de nos travaux, et pour ne pas multiplier les amendements déposés en séance.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. La rédaction des amendements dont j’ai demandé le retrait n’est pas adaptée à l’équilibre de l’article. Au vu du texte qu’aura adopté la commission, qui sera enrichi par nos débats, chacun pourra juger de l’opportunité de déposer un amendement, lequel, je l’espère, sera modifié par rapport à la version initiale qui a conduit à adopter cette position.

La commission rejette le sous-amendement n° 1806.

Puis, elle adopte lamendement n° 779.

Enfin, elle adopte larticle 21 bis modifié.

(La séance suspendue le vendredi 3 juillet à zéro heure quarante, est reprise à zéro heure cinquante.)

Article 22
Autorisation de la greffe de tissu germinal pour le rétablissement dune fonction hormonale et clarification du devenir des gamètes et tissus germinaux conservés

La commission est saisie de lamendement n° 1425 du rapporteur.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Nous proposons de supprimer l’alinéa 6 c’est-à-dire la précision introduite par le Sénat, selon laquelle une étude de suivi est systématiquement proposée aux personnes dont les gamètes ou tissus germinaux sont conservés dans ce cadre.

La commission adopte lamendement n° 1425.

Suivant lavis défavorable du rapporteur, elle rejette lamendement n° 1269 de Mme Emmanuelle Ménard.

Puis, elle adopte lamendement rédactionnel n° 1427 du rapporteur.

Elle examine ensuite lamendement n° 1428 du rapporteur

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. L’amendement vise à revenir sur une disposition un peu complexe introduite par le Sénat, en rétablissant la rédaction de l’Assemblée nationale. Il s’agit donc de supprimer les alinéas 23 à 26, pour introduire trois autres alinéas.

La commission adopte lamendement n° 1428.

Elle adopte ensuite lamendement de coordination n° 1429 du rapporteur.

Puis elle adopte larticle 22 modifié.

Article 22 bis (nouveau)
Ouvrir le recueil et la conservation de cellules en vue de ladministration ultérieure dun traitement innovant

La commission examine lamendement n° 1430 du rapporteur.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Le présent amendement vise à supprimer l’article 22 bis, qui prévoit une conservation de cellules, non prise en charge par la sécurité sociale, afin de traiter éventuellement les enfants à l’avenir. Cette conservation n’est pas justifiée sur le plan médical.

La commission adopte lamendement n° 1430.

En conséquence, larticle 22 bis est supprimé et les amendements n° 554 de Mme Marie-France Lorho, n° 1189 de M. Philippe Berta et n° 555 de Mme Marie-France Lorho tombent.

Article 22 ter (nouveau)
Conservation du sang de cordon ombilical

La commission examine lamendement n° 1431 du rapporteur et n° 470 de M. Patrick Hetzel.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Nous proposons également de supprimer un article introduit par le Sénat, qui prévoit la conservation du sang de cordon à la naissance, dans un but autologue, pour les enfants. Cette conservation ne serait évidemment pas prise en charge par la sécurité sociale, ce qui, chacun le comprend, entraîne une inégalité.

La commission adopte les amendements n° 1431 et n° 470.

En conséquence, larticle 22 ter est supprimé et les amendements n° 1265 de Mme Emmanuelle Ménard, les amendements identiques n° 274 de M. Thibault Bazin, n° 453 de M. Xavier Breton et n° 469 de M. Patrick Hetzel, ainsi que lamendement n° 1275 de Mme Emmanuelle Ménard tombent.

Chapitre II
Optimiser lorganisation des soins

Avant l’article 23

Suivant lavis défavorable du rapporteur, la commission rejette lamendement n° 895 de M. Patrick Hetzel.

Article 23
Élargissement des missions des conseillers en génétique

La commission examine lamendement n° 1276 de Mme Emmanuelle Ménard

Mme Emmanuelle Ménard. Je propose de supprimer l’article 23. Une prescription médicale est préférable pour des examens de caractéristiques génétiques. Les découvertes obtenues sans avoir été prescrites pourraient être psychologiquement difficiles à supporter.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement n° 1276.

La commission examine lamendement n° 642 de M. Pierre Dharréville.

Mme Elsa Faucillon. Nous souhaitons supprimer l’alinéa 2 pour appeler l’attention sur le rôle des conseillers en génétique, s’agissant d’un sujet sensible, sans pour autant le remettre en cause. Il est prévu à la fois qu’ils prescrivent et qu’ils puissent rendre des résultats. Or la prescription comme la délivrance des résultats sont réservées aux médecins.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Je partage votre sentiment, mais je vous demande de retirer l’amendement au profit de mon amendement n° 1432 qui vient immédiatement après. À défaut, avis défavorable.

La commission rejette lamendement n° 642.

La commission examine lamendement n° 1432 du rapporteur.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Cet amendement, qui va dans le même sens que le précédent, traite de la fonction des conseillers en génétique.

Lors de la présentation du projet de loi par le Gouvernement, la délivrance des résultats ne figurait pas dans leurs attributions. Lors des débats en première lecture, en commission et surtout en séance, le texte a été modifié pour leur donner la possibilité de rendre des résultats, lorsqu’ils sont négatifs. Le Sénat, estimant qu’il serait difficile dans la pratique de confier les résultats négatifs aux conseillers en génétique et les résultats positifs aux médecins généticiens, a revu la rédaction de l’article.

Je maintiens ma position initiale : si les conseillers en génétique doivent évidemment prescrire, le rendu de résultats doit rester l’apanage des médecins. Si les médecins généticiens qui travaillent dans les services hospitaliers – praticiens hospitaliers ou médecins hospitalo-universitaires – ne prescrivent plus, ne font pas les manipulations, ne rendent pas les résultats, que feront-ils ? Poser un diagnostic est le fondement du métier du médecin. Pour les patients et pour leur parentèle, il est important que le résultat soit donné par un médecin, qu’il soit positif ou négatif.

J’entends la volonté des conseillers en génétique de monter en responsabilité, mais ce type d’acte doit rester le métier du médecin, surtout généticien, qui ne propose pas de traitement. C’est pourquoi je vous demanderai de voter en faveur de cet amendement.

Mme Sereine Mauborgne. Vous tronquez un peu la réalité. La rédaction dont nous débattons répondait à la demande des médecins généticiens eux-mêmes. Un enfant sur deux est suivi en centre dédié : si nous voulons augmenter ce nombre, il est évident qu’il faudra donner du temps médical aux équipes pluridisciplinaires.

Les médecins généticiens souhaitaient également s’adonner à des travaux de recherche, et non à des travaux de rendu de résultats, en particulier s’ils sont négatifs – dans une famille, il peut y avoir jusqu’à quarante personnes testées pour une même maladie. Cet amendement, qui avait été modifié pour la séance, a été conforté par le Sénat. Je ne comprends donc pas pourquoi vous êtes revenu en arrière, alors que vous auriez pu présenter un amendement de repli reprenant la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale.

Le glissement de tâches, acté dans la réforme « Ma santé 2022 », est décidé par l’équipe pluridisciplinaire : le médecin donne son accord pour que le conseiller en génétique annonce le résultat. Le législateur n’a pas à s’en mêler, sous peine de remettre en cause le concept même d’équipe pluridisciplinaire.

Mme Elsa Faucillon. L’amendement que mon groupe a présenté un peu plus tôt soulevait la question de la prescription faite par le conseiller en génétique, alors qu’elle est l’apanage du médecin. Je m’interroge sur le glissement d’activités vers les conseillers en génétique : ne risquons-nous pas, en votant cet amendement, de généraliser cette pratique dans d’autres domaines ?

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Je suis cohérent depuis le début et je le maintiens. J’ai entendu les généticiens demander plus de moyens. Il y a deux catégories de généticiens seniors dans les services de génétique : les praticiens hospitaliers, qui sont payés non pas pour faire de la recherche, mais pour faire de l’activité hospitalière à temps plein – on ne leur interdit pas, bien entendu, de faire de la recherche, mais ils sont payés pour faire de l’activité hospitalière clinique à 100 % – et les hospitalo-universitaires, qui consacrent 50 % de leur activité à l’hôpital et 50 % à l’enseignement et à la recherche.

Par ailleurs, un effort considérable a été fait, dans le cadre des plans maladies rares, pour doter les services de génétique de personnels, aussi bien médicaux que paramédicaux, afin de faire face à l’augmentation du nombre de diagnostics génétiques. Je reste cohérent en défendant cette position, qui n’est pas celle de la commission.

Par ailleurs, lorsque vous êtes généticien, vous avez souvent des collaborateurs, notamment des conseillers en génétique, à qui vous donnez des instructions. Les conseillers en génétique, à juste titre, veulent une reconnaissance de leur responsabilité quand ils prennent en dictée les prescriptions du médecin, sachant que c’est très standardisé et que le bilan est le même pour une pathologie donnée. Mais annoncer le diagnostic reste l’apanage du médecin ; sinon, je ne sais pas quel acte médical clinique pourrait faire le praticien hospitalier dans un service de génétique. De plus, le médecin généticien peut englober la pathologie génétique dans un contexte médical plus large. Le minimum, lorsque l’on est patient ou parent de patients, c’est d’être reçu par le médecin et non pas par le conseiller en génétique – pour lequel j’ai beaucoup de respect. Voilà pourquoi je propose le rétablissement de la version initiale de l’article 23.

M. Thibault Bazin. La réforme des régions a entraîné la réorganisation, voire la disparition de certains centres de référence, alors qu’ils employaient des médecins spécialistes des maladies rares, notamment des maladies génétiques. Il est dommage que le ministre de la santé ne soit pas présent : cela aurait peut-être pu donner d’autres résultats sur les précédents articles. Nous devons apporter notre appui aux centres de référence, qui ont vraiment peu de moyens pour fonctionner, les directeurs d’hôpitaux n’accordant pas forcément d’allocations à ces spécialistes.

La commission adopte lamendement n° 1432.

Elle adopte larticle 23 modifié.

Article 24
Garantie dune transmission sécurisée des résultats dexamens génétiques entre laboratoires

La commission adopte larticle 24 sans modification.

Article 25
Aménagement, pour les patients concernés, dune passerelle entre la génétique somatique et la génétique constitutionnelle

La commission examine lamendement n° 1767 du rapporteur.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Cet amendement vise à définir dans la loi la génétique somatique par rapport à la génétique constitutionnelle.

La commission adopte lamendement n° 1767.

Elle adopte larticle 25 modifié.

Article 26
Sécurisation de lutilisation du microbiote fécal

La commission adopte lamendement rédactionnel n° 1434 du rapporteur.

Elle examine lamendement n° 1768 du rapporteur.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Cet amendement a pour objet de sortir du cadre de la recherche clinique, qui autorise l’indemnisation des donneurs, l’utilisation du microbiote fécal, celui-ci n’étant pas un don du corps.

La commission adopte lamendement n° 1768.

Elle adopte larticle 26 modifié.

titre VI
Assurer une gouvernance bioéthique adaptée au rythme des avancées rapides des sciences et des techniques

Article 29 A (supprimé)
Création de délégations parlementaires à la bioéthique

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques n° 1472 de la rapporteure et n° 1133 de Mme Sylvia Pinel, les amendements identiques n° 756 de M. Jean-Louis Touraine et n° 770 de M. Patrick Hetzel, ainsi que lamendement n° 1155 de M. Jean-Louis Touraine.

Mme Laëtitia Romeiro Dias, rapporteure. L’amendement n° 1472 vise à rétablir la création dans chaque assemblée d’une délégation parlementaire à la bioéthique, supprimée par le Sénat. Reposant initialement sur une structure bicamérale, cette solution encourt la censure constitutionnelle, qui nous priverait d’une instance permanente de suivi de la loi et de la capacité à travailler sur la bioéthique en dehors des périodes de révision.

J’ai discuté de notre objectif commun avec le président de l’Assemblée nationale, qui nous propose une solution plus sûre juridiquement : il s’agit de nous doter d’une instance de travail permanente à l’Assemblée. Le président est prêt à prendre un engagement écrit en ce sens. Je vous propose de continuer à travailler avec lui et de trouver une solution plus sécurisée pour la séance. Je retire donc mon amendement et vous invite à faire de même.

Lamendement n° 1472 est retiré.

Mme Sylvia Pinel. J’ai bien entendu vos arguments et je connais votre engagement en la matière, mais il me paraît préférable d’adopter un article rétablissant cette délégation, quitte à ce que vous l’amendiez en séance.

M. Jean-Louis Touraine. J’ai déposé deux amendements, l’un rétablissant le texte, avec une délégation dans chaque chambre, et l’autre, un amendement de repli, visant à créer cette instance uniquement à l’Assemblée nationale. Compte tenu de ce que je viens d’entendre, je laisse madame Pinel défendre ce dossier. Je retire mes deux amendements.

Les amendements n° 756 et n° 1155 sont retirés.

M. Patrick Hetzel. L’amendement n° 770 est défendu.

Mme Laëtitia Romeiro Dias, rapporteure. Avis défavorable.

M. Jean-François Eliaou. Une structure qui ne serait qu’à l’Assemblée nationale serait un élément de fragilité, les lois de bioéthique étant forcément étudiées par l’Assemblée nationale et le Sénat. Par ailleurs, il faudra bien définir le périmètre de cette structure par rapport à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et techniques (OPECST).

M. Guillaume Chiche. Je voterai en faveur de l’amendement de notre collègue Pinel. La densité de nos débats démontre la nécessité, pour notre chambre comme pour le Sénat, de se doter d’une telle délégation. Si, à la faveur de l’interaction avec la présidence de l’Assemblée nationale, nous parvenons à trouver le véhicule adéquat, nous pourrons l’adopter en séance mais, dans cette attente, nous devons rétablir le texte dans sa version adoptée en première lecture. Je tiens à saluer votre engagement, madame la rapporteure, pour avoir obtenu la création d’une telle délégation.

M. Jean-François Mbaye. Je salue à mon tour le travail de la rapporteure sur ce sujet. Vous dites que le président de l’Assemblée nationale nous proposera un dispositif. Le texte arrive en séance publique lundi : est-on sûr que nous aurons une proposition avant ?

Mme Laëtitia Romeiro Dias, rapporteure. Le président ne s’est pas contenté d’annoncer une solution, il en a précisé les contours. Il propose que l’on crée un groupe de suivi et d’évaluation permanente des sujets bioéthiques à l’Assemblée nationale ; de ce fait, l’amendement ayant pour objet une délégation bicamérale ne peut être retenu.

M. Jean-François Mbaye. Cela conforte l’inquiétude de notre collègue Eliaou concernant la démarcation avec l’OPECST.

M. Thibault Bazin. Cette proposition ne date pas d’il y a quelques mois : elle émane d’Hervé Mariton, qui avait participé activement à la commission spéciale préparatoire aux précédentes lois de bioéthique. Les pouvoirs conférés à l’Agence de la biomédecine sont assez importants mais la représentation nationale doit pouvoir suivre les sujets qui ne sont pas traités par l’OPECST.

Je m’interroge sur les délais car nous allons finir l’examen des amendements dans quelques minutes. Il nous faudra au moins vingt-quatre heures après avoir obtenu le texte de la commission pour déposer nos amendements, sinon ce ne serait pas sérieux. Si le texte ne doit pas être discuté lundi à seize heures, il faut nous laisser un temps plus important.

Les amendements n° 1133 et n° 770 sont successivement rejetés.

En conséquence, la suppression de larticle 29A est maintenue.

Article 29
Élargissement des missions du Comité consultatif national déthique des sciences de la vie et de la santé

La commission est saisie de lamendement n° 744 de M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Le caractère obligatoire du recours aux états généraux de la bioéthique ne concerne que les projets de loi. Il est indispensable d’inclure les propositions de loi, qui peuvent aussi traiter de la bioéthique : tel est l’objet du présent amendement.

Mme Laëtitia Romeiro Dias, rapporteure. Votre amendement est déjà satisfait par l’article L. 1412-1-1 du code de la santé publique. Par ailleurs, le processus d’organisation des états généraux de la bioéthique me semble un peu lourd pour être déclenché avant chaque proposition de loi relative à la bioéthique. La lourdeur du processus des états généraux ne permet pas d’y avoir recours à chaque fois qu’un député dépose une proposition de loi, même composée d’un seul article.

Lamendement n° 744 est rejeté.

Lamendement n° 1473 de la rapporteure est retiré.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure, la commission rejette lamendement n° 1277 de Mme Emmanuelle Ménard.

Elle examine lamendement n° 645 de Mme Elsa Faucillon.

Mme Elsa Faucillon. Nous proposons d’élargir la composition du Comité consultatif national d’éthique à des représentants associatifs.

Mme Laëtitia Romeiro Dias, rapporteure. Votre amendement poursuit l’objectif de remettre le patient au cœur du système de santé : avis favorable.

La commission adopte lamendement n° 645.

Elle étudie lamendement n° 1278 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, s’il est vraiment indépendant, doit refléter en son sein un pluralisme des opinions de ses membres en matière de bioéthique.

Mme Laëtitia Romeiro Dias, rapporteure. Il ne me semble pas nécessaire d’apporter cette précision : par nature, la composition du CCNE reflète le pluralisme des opinions. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement n° 1278.

Elle examine lamendement n° 1186 de M. Philippe Berta.

Mme Nathalie Elimas. Cet amendement vise à conserver, pour le Parlement, la possibilité de se prononcer sur la composition de la liste des organismes représentés essentiels pour assurer la pleine représentation de la recherche française dans sa pluralité.

Mme Laëtitia Romeiro Dias, rapporteure. Votre amendement a pour objet de maintenir dans la loi la liste des institutions proposant les personnalités de la recherche et de la santé. Il faut conserver une certaine souplesse, ce que ne permet pas l’inscription dans la loi, et permettre la bonne application du principe de parité entre les femmes et les hommes. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette lamendement n° 1186.

Elle est saisie de lamendement n° 1279 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Le président et les membres du CCNE sont choisis pour leur capacité à éclairer la France en matière de bioéthique. Il n’y a pas de raison qu’ils ne puissent exercer leur mission que six ans au maximum. Je pense pour ma part que nous devons préférer la continuité à la rupture.

Mme Laëtitia Romeiro Dias, rapporteure. Je pense au contraire qu’il faut assurer un renouvellement régulier des membres du CCNE, afin d’éviter l’émoussement des esprits qui peut résulter de mandats trop longs – en l’occurrence, deux mandats effectués à la suite représentent une durée de douze ans. Défavorable.

La commission rejette lamendement n° 1279.

Elle adopte larticle 29 modifié.

Article 30
Évolution des compétences et de la composition des organes de lAgence de la biomédecine

La commission examine lamendement n° 1188 de M. Philippe Berta.

Mme Nathalie Elimas. Cet amendement vise à placer l’Agence de la biomédecine sous la double tutelle du ministre chargé de la santé et du ministre chargé de la recherche.

Mme Laëtitia Romeiro Dias, rapporteure. Je suis défavorable à cet amendement, pour les raisons que j’ai déjà exposées en première lecture.

M. Thibault Bazin. On a assisté ces derniers temps à des dérives révélatrices d’un fonctionnement un peu schizophrénique : alors que certaines pratiques dans le domaine de la santé sont interdites, la recherche va tout de même très loin, en travaillant par exemple sur la création de chimères…

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Ce n’est pas vraiment l’objet de l’amendement en discussion et il est tard, monsieur Bazin…

M. Patrick Hetzel. Comme on a pu le voir au cours de nos débats, le fait que la ministre de la recherche ne soit pas systématiquement présente lorsqu’on évoque des questions de bioéthique pose un réel problème. En l’occurrence, l’absence de Frédérique Vidal est un problème pour les chercheurs…Pour ma part, je suis donc favorable à cet amendement.

La commission rejette lamendement n° 1188.

Elle est saisie des amendements identiques n° 257 de M. Thibault Bazin et n° 992 de Mme Nadia Ramassamy.

M. Thibault Bazin. Afin de renforcer la démocratie sanitaire au sein de l’Agence de la biomédecine, l’amendement n° 257 vise à préciser dans ses missions la participation de représentants des associations agréées d’usagers à l’ensemble de ses travaux.

M. Maxime Minot. L’amendement n° 992 est défendu.

Mme Laëtitia Romeiro Dias, rapporteure. Le texte prévoit d’associer au conseil d’orientation et au conseil d’administration de l’Agence de la biomédecine des associations de promotion du don, des associations de donneurs, des associations de malades non agréées, des associations œuvrant dans les champs de compétence de l’Agence, mais à l’objet spécialisé. C’est une avancée importante, mais il ne m’apparaît ni justifié ni opérationnel de prévoir, comme vous le suggérez, la participation de représentants des associations agréées d’usagers à l’ensemble des travaux de l’Agence. Je suis donc défavorable à ces amendements.

La commission rejette les amendements n° 257 et n° 992.

Elle examine lamendement n° 1474 de la rapporteure.

Mme Laëtitia Romeiro Dias, rapporteure. En cohérence avec une modification apportée au texte par le Sénat, cet amendement a pour objet de rétablir la suppression de la compétence de l’Agence de la biomédecine en matière d’élaboration d’un référentiel permettant d’évaluer la qualité des tests génétiques en accès libre.

La commission adopte lamendement n° 1474.

Elle adopte lamendement n° 1475 de la rapporteure, visant à corriger une erreur matérielle.

Elle est saisie de lamendement n° 1283 de Mme Emmanuelle Ménard. 

Mme Emmanuelle Ménard. Il me paraît dommage que l’Agence de la biomédecine n’ait plus pour mission d’assurer une information permanente du Parlement et du Gouvernement sur le développement des connaissances et des techniques dans le domaine des neurosciences. L’amendement n° 1283 a pour objet d’y remédier.

Mme Laëtitia Romeiro Dias, rapporteure. J’émets un avis favorable à cette proposition, dont nous avions déjà parlé en première lecture.

M. Thibault Bazin. La même question s’est posée au sujet de l’intelligence artificielle : avez-vous l’intention de la traiter plus tard, ou peut-on envisager de modifier cet amendement pour qu’il en soit également tenu compte ?

Mme Laëtitia Romeiro Dias, rapporteure. Les neurosciences figuraient déjà parmi les missions de l’Agence de la biomédecine et il ne s’agit ici que de rétablir cette compétence. En revanche, l’Agence n’a jamais eu la compétence en matière d’intelligence artificielle : la lui donner reviendrait donc à lui confier une nouvelle mission.

La commission adopte lamendement n° 1283.

Elle examine lamendement n° 1477 de la rapporteure.

Mme Laëtitia Romeiro Dias, rapporteure. Cet amendement a pour objet de supprimer deux dispositions introduites par le Sénat. D’une part, la précision selon laquelle le rapport annuel de l’Agence comporte une analyse des décisions d’opposition à certains protocoles de recherche sur les cellules souches prononcées par le directeur général de l’agence, ladite analyse étant inutile compte tenu de la publicité qui en est assurée par la publication, sur le site de l’agence, des comptes rendus et des avis du conseil d’orientation lorsqu’ils sont requis en matière d’autorisation ; d’autre part, la disposition qui prévoit que le rapport annuel de l’Agence comporte une évaluation des modifications législatives et réglementaires qui pourraient être envisagées dans les domaines relevant de la compétence de l’Agence. Cette précision s’avère en effet inutile, puisque l’Agence dresse déjà, dans son rapport annuel, l’état de sa réflexion sur d’éventuelles évolutions du cadre juridique.

La commission adopte lamendement n° 1477.

Elle est saisie de lamendement n° 1476 de la rapporteure.

Mme Laëtitia Romeiro Dias, rapporteure. Cet amendement a pour objet de rétablir la suppression du principe d’équilibre au sein du conseil d’administration de l’agence, entre le collège des représentants de l’État et des institutions et le collège des personnalités qualifiées, des représentants d’associations et des représentants du personnel. Il convient en effet de limiter les facteurs de rigidification de la composition de ce conseil d’administration.

La commission adopte lamendement n° 1476.

Elle examine lamendement n° 1285 de Mme Emmanuelle Ménard. 

Mme Emmanuelle Ménard. Pour que les avis et les décisions de l’Agence de la biomédecine soient équilibrés, il faut que la composition de son conseil d’orientation le soit également. Pour cela, l’amendement n° 1285 vise à préciser que « le conseil d’orientation veille au pluralisme. »

Mme Laëtitia Romeiro Dias, rapporteure. Je ne comprends pas très bien au pluralisme de qui ou de quoi doit veiller le conseil d’orientation, ce qui me conduit à émettre un avis défavorable.

Mme Emmanuelle Ménard. Je retire mon amendement, que je réécrirai en vue de la séance publique.

Lamendement n° 1285 est retiré.

La commission est saisie de lamendement n° 259 de M. Thibault Bazin. 

M. Thibault Bazin. Afin de renforcer la démocratie sanitaire au sein de l’Agence de la biomédecine, il est proposé de préciser de manière explicite dans ses missions la participation de représentants des associations agréées d’usagers à l’ensemble de ses travaux.

Mme Laëtitia Romeiro Dias, rapporteure. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement n° 259.

Elle examine lamendement n° 258 de M. Thibault Bazin. 

M. Thibault Bazin. Nous avons eu l’occasion de constater, au cours de la discussion, que certaines questions relatives aux algorithmes pouvaient avoir une incidence sur la santé, mais aussi sur la dignité des personnes. Dans les années à venir, tout ce qui touche à l’intelligence artificielle va prendre une place de plus en plus importante. C’est pourquoi il vous est proposé avec cet amendement d’étendre le champ des missions de l’Agence de la biomédecine en y incluant l’intelligence artificielle.

Mme Laëtitia Romeiro Dias, rapporteure. Nous avons effectivement besoin d’améliorer notre information dans le domaine de l’intelligence artificielle, mais je ne suis pas convaincue que l’Agence de la biomédecine soit l’organisme le plus adapté pour assumer cette mission.

Je précise que, pour ce qui est des nanotechnologies, une compétence que l’Agence de la biomédecine possédait en vertu de la loi sans être vraiment capable de l’assumer, ne possédant pas en interne la capacité technique pour le faire, nous sommes en train de chercher à quel autre organisme cette mission pourrait être confiée, et avons déjà plusieurs pistes. Nous allons nous efforcer de déterminer, avant la séance publique, quel organisme serait le plus qualifié pour nous fournir une information complète et régulière.

Je vous invite à retirer votre amendement, et émettrai à défaut un avis défavorable.

M. Thibault Bazin. Je le maintiens.

La commission rejette lamendement n° 258.

Elle adopte larticle 30 modifié.

titre vii
Dispositions finales

Article 31
Habilitations à légiférer par voie dordonnance

La commission est saisie de lamendement n° 1478 de la rapporteure.

Mme Laëtitia Romeiro Dias, rapporteure. Cet amendement a pour objet de rétablir le recours à une habilitation à légiférer par ordonnance pour adapter le code de la santé publique aux règlements européens dans le domaine des investigations cliniques en matière de dispositifs médicaux.

La commission adopte lamendement n° 1478.

Elle adopte larticle 31 modifié.

Article 32
Réexamen de la loi

La commission examine lamendement n° 1287 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Cet amendement vise à supprimer le délai de cinq ans séparant actuellement chaque nouvel examen des lois de bioéthique. À mon sens, ces lois devraient faire l’objet d’une révision lorsqu’on l’estime nécessaire, et non selon une périodicité inscrite dans la loi.

Mme Laëtitia Romeiro Dias, rapporteure. À l’issue de la discussion qui a eu lieu en première lecture, nous avons décidé de faire passer le délai de révision des lois de bioéthique de sept à cinq ans, estimant que l’accélération du rythme des découvertes dans le domaine des biotechnologies justifiait un encadrement plus régulier dans le temps. Nous n’avons cependant pas estimé opportun de retenir un intervalle inférieur à cinq ans, car il nous a semblé qu’il fallait laisser le temps aux nouvelles pratiques de se développer. Le Sénat ayant voté la même disposition que nous, je souhaite un vote conforme à celui du Sénat, ce qui me conduit à émettre un avis défavorable à votre amendement.

La commission rejette lamendement n° 1287.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure, elle rejette successivement les amendements n° 647 et n° 651 de Mme Elsa Faucillon, puis lamendement n° 1288 de Mme Emmanuelle Ménard.

Elle adopte larticle 32 sans modification.

Article 33 (supprimé)
Rapport au Parlement présentant létat des stocks des gamètes en France et les conditions de recours à ces derniers

La commission est saisie de lamendement n° 1479 de la rapporteure.

Mme Laëtitia Romeiro Dias, rapporteure. Cet amendement a pour objet de rétablir la demande de rapport figurant à l’article 33 afin de pouvoir dresser un état des lieux des gamètes et que l’extension de l’assistance médicale à la procréation ne se heurte pas à l’obstacle de la pénurie.

La commission adopte lamendement n° 1479.

Larticle 33 est ainsi rétabli.

Article 34 (supprimé)
Rapport au Parlement sur lapplication des dispositions encadrant lentretien avec les proches en matière de prélèvements dorganes et de tissu

La commission est saisie, en discussion commune, de lamendement n° 1480 de la rapporteure et de lamendement n° 758 de M. Jean-Louis Touraine. 

Mme Laëtitia Romeiro Dias, rapporteure. L’amendement n° 1480 a pour objet de rétablir la demande de rapport relative à l’organisation des prélèvements au sein des établissements, supprimée par le Sénat. Faire passer le délai de douze mois à six mois, comme le propose M. Touraine, ne paraît cependant pas raisonnable, car il faut laisser suffisamment de temps au Gouvernement pour rédiger un rapport de qualité.

M. Jean-Louis Touraine. En réalité, un délai de six mois paraît encore trop long face à la déroute de l’activité de transplantation constatée dans notre pays. Dans ce domaine, nous sommes très loin de l’objectif que nous nous étions assigné : déjà en régression depuis un certain temps, l’activité est restée au point mort durant toute la période de la crise sanitaire, ce qui fait qu’il y a maintenant une très grande urgence à rétablir l’organisation des prélèvements et des transplantations. Faute de pouvoir être transplantés, ce sont des centaines, voire des milliers de malades sur liste d’attente qui vont mourir si nous ne prenons pas des mesures pour faire repartir rapidement une activité souffrant de nombreuses difficultés d’organisation et d’une grande disparité interrégionale. Il y a urgence à réaliser une évaluation précise de la situation afin de permettre que des mesures soient prises le plus tôt possible, et que la transplantation retrouve un niveau d’activité décent.

Mme Laëtitia Romeiro Dias, rapporteure. Vous avez fait passer un message fort au sujet de l’activité de transplantation et de l’urgence qu’il y a à la faire redémarrer au plus vite. Si je comprends et soutiens ce message, votre amendement ne porte pas sur l’activité elle-même, mais sur le délai de remise d’un rapport, que vous proposez de faire passer de douze mois à six mois – ce qui, je le répète, ne me paraît pas raisonnable

La commission adopte lamendement n° 1480.

En conséquence, lamendement n° 758 tombe.

Larticle 34 est ainsi rétabli.

Titre du projet de loi

La commission examine lamendement n° 30 de Mme Annie Genevard.

M. Thibault Bazin. Cet amendement vise à compléter le titre du projet de loi par les mots : « et à l’intérêt supérieur de l’enfant », considérant qu’il s’agit là d’une notion essentielle, qui doit guider nos choix en matière de bioéthique.

Mme Laëtitia Romeiro Dias, rapporteure. Ne nous méprenons pas sur l’objet de ce texte : il porte sur la bioéthique dans toutes ses composantes
– l’AMP, l’intelligence artificielle ou encore les tests génétiques –, et non sur l’enfant.

Certes, nous parlons de l’enfant dans plusieurs articles, notamment les articles 1er, 3 et 4, et la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant, récemment reconnu par le Conseil constitutionnel comme une exigence constitutionnelle, a guidé l’ensemble de nos travaux. Néanmoins, cet ajout ne m’apparaît pas opportun, c’est pourquoi j’émets un avis défavorable.

La commission rejette lamendement n° 30.

 

Elle adopte lensemble du projet de loi modifié.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Mes chers collègues, après avoir examiné 1 250 amendements au cours de trente-sept heures de débats, nous sommes parvenus au terme de nos travaux.

L’administration va faire tout son possible pour que le texte adopté par la commission soit mis en ligne le vendredi 3 juillet à treize heures. Avec l’accord de la présidence, le dépôt des amendements sera repoussé au samedi 4 juillet à douze heures.

 

 


([1])  La composition de cette commission spéciale figure au verso de la présente page.

([2]) L’article 8 stipule que :

« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2. Il ne peut y avoir ingérence dune autorité publique dans lexercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et quelle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de lordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés dautrui ».

([3]) CEDH, Grande chambre, Evans c. Royaume-Uni, 10 avril 2007.

([4]) CEDH, Grande chambre, Dickson c. Royaume-Uni, 4 décembre 2007.

([5]) CEDH, Grande chambre, S.H. et autres c. Autriche, 3 novembre 2011.

([6]) CEDH, Fretté c. France, 26 février 2002 et CEDH, E.B. c. France, 22 janvier 2008.

([7]) CEDH, Marckx C. Belgique, 13 juin 1979.

([8]) CEDH, Nylund c. Finlande (déc.), n° 27110/95, 1999.

([9]) CEDH, Abdulaziz, Cabales et Balkandali c. Royaume-Uni, 28 mai 1985.

([10]) CEDH, Nazarenko c. Russie, 16 juillet 2015.

([11]) CEDH, Pini et autres c. Roumanie, 22 juin 2004.

([12]) CEDH, Grande chambre, Paradiso et Campanelli c. Italie, 24 janvier 2017.

([13]) CEDH, Mennesson c. France, 26 juin 2014 ; CEDH, Labassee c. France, 26 juin 2014 ; CEDH, Foulon et Bouvet c. France, 21 juillet 2016.

([14]) CEDH, Grande chambre, avis consultatif relatif à la reconnaissance en droit interne d’un lien de filiation entre un enfant né d’une gestation pour autrui pratiquée à l’étranger et la mère d’intention demandé par la Cour de cassation française (demande n° P16-2018-001).

([15]) Décision n° 2013-669 DC du 17 mai 2013, Loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

([16]) Conseil d’État, Révision de la loi de bioéthique : quelles options pour demain ?, juin 2018.

([17]) Ou procréation post mortem.

([18]) Amendements n° COM-171, n° COM-181, n° COM-173 et n° COM-182.

([19]) Conseil d’État, Révision de la loi de bioéthique : quelles options pour demain ?, 28 juin 2018, p. 64.

([20]) Amendement n° COM-177.

([21]) Loi n° 94-654 du 29 juillet 1994 relative au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain, à l’assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal.

([22]) Amendement n° COM-132 rect.

([23]) Amendement n° COM-63.

([24]) Amendement n° COM-179.

([25]) Amendement n° COM-178.

([26]) Amendement n° COM-163.

([27]) Amendements n° 779, 878, 1542, 1558, 2194 et 2266.

([28]) Rapport n° 237 fait au nom de la commission spéciale sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la bioéthique et présenté par Mmes Corinne Imbert et Muriel Jourda, sénatrices, et MM. Olivier Henno et Bernard Jomier, sénateurs, session ordinaire de 2019-2020, 8 janvier 2020.

([29]) Rapport n° 237 fait au nom de la commission spéciale sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la bioéthique et présenté par Mmes Corinne Imbert et Muriel Jourda, sénatrices, et MM. Olivier Henno et Bernard Jomier, sénateurs, session ordinaire de 2019-2020, 8 janvier 2020.

([30]) Ibidem.

([31]) « La filiation est établie, à légard de la mère, par la désignation de celle-ci dans lacte de naissance de lenfant ».

([32]) L’article 47 du code civil dispose que « Tout acte de létat civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si dautres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de lacte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ».

([33]) Cass. ass. plén., 31 mai 1991, n° 90-20.105, et Cass. civ. 1re, 29 juin 1994, n° 92-13.563.

([34]) Cass. civ. 1re, 6 avril 2011, n° 10-19.053.

([35]) Cass. civ. 1re, 6 avril 2011, n° 09-17.130.

([36]) Cass. civ. 1re, 13 septembre 2013, n° 12-30.138.

([37]) Cass. civ. 1re, 13 septembre 2013, n° 12-18.315.

([38]) Dans deux arrêts du 26 juin 2014 (Mennesson c. France, n° 65192/11 et Labassee c. France, n° 65941/11), la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France au motif que le refus de reconnaître, par la voie de la transcription, le lien de filiation d’enfants nés d’une gestation pour autrui pratiquée à l’étranger avec les gamètes de leur père d’intention, constituait une violation du droit au respect de la vie privée des enfants.

([39]) Cass. ass. plénière, 3 juillet 2015, n° 14-21.323 et 15-50.002.

([40]) Cass. civ. 1re, 5 juillet 2017, n° 16-16.455.

([41]) Cass. civ. 1re, 5 juillet 2017, n° 16-16.901 et Cass., civ. 1re, 29 novembre 2017, n° 16-50.061.

([42]) S’agissant des situations passées ayant donné lieu à un refus de transcription par une décision judiciaire revêtue de l’autorité de la chose jugée, l’article 42 de la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a prévu un mécanisme de réexamen des décisions civiles définitives en matière d’état des personnes en cas de condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme.

([43]) Ce protocole prévoit que les plus hautes juridictions d’un État partie à la Convention européenne des droits de l’homme peuvent adresser à la Cour des demandes d’avis consultatifs sur des questions de principe relatives à l’interprétation ou à l’application des droits et libertés définis par la Convention ou ses protocoles.

([44]) Cass. ass. plén., 5 octobre 2018, n° 10-19.053.

([45]) CEDH, Grande chambre, avis consultatif relatif à la reconnaissance en droit interne d’un lien de filiation entre un enfant né d’une gestation pour autrui pratiquée à l’étranger et la mère d’intention, demande n° P16-2018-001, Cour de cassation française, 10 avril 2019.

([46]) CEDH, C. c. France et E. c. France, requêtes n° 1462/18 et 17348/18, 19 novembre 2019.

([47]) La Cour de cassation a en effet considéré que la possession d’état n’offrirait pas une sécurité juridique suffisante et qu’une procédure d’adoption porterait une atteinte disproportionnée à la vie privée des enfants, nés depuis plus de 18 ans, dont les actes de naissance ont été établis à l’étranger dans un cadre légal et qui ne peuvent prendre l’initiative d’une adoption, dont le choix revient aux parents.

([48]) Cass. ass. plén., 4 octobre 2019, n° 10-19.053.

([49]) Cass. civ. 1re, 18 décembre 2019, n° 18-11.815 et n° 18-12.327.

([50]) Rapport n° 237 fait au nom de la commission spéciale sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la bioéthique et présenté par Mmes Corinne Imbert et Muriel Jourda, sénatrices, et MM. Olivier Henno et Bernard Jomier, sénateurs, session ordinaire de 2019-2020, 8 janvier 2020.

([51]) Ibidem.

([52]) Le consentement serait toujours recueilli par le juge judiciaire ou, en cas d’urgence vitale, par le procureur de la République et le prélèvement resterait subordonné à l’autorisation du comité d’experts.

([53]) Rapport d’information sur les droits fondamentaux des majeurs protégés, 26 juin 2019. 
Voir http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_lois/l15b2075_rapport-information.

([54]) Proposition de loi, adoptée, par l’Assemblée nationale, relative au don du sang, n° 0040, déposée au Sénat le vendredi 12 octobre 2018.

([55]) Directive 2004/33/CE de la Commission du 22 mars 2004 portant application de la directive 2002/98/CE du Parlement européen et du Conseil concernant certaines exigences techniques relatives au sang et aux composants sanguins.

([56]) Olivier Véran, « La filière du sang en France », juillet 2013.

([57]) Arrêté du 5 avril 2016 fixant les critères de sélection des donneurs de sang.

([58]) En commission à l’Assemblée, un amendement à ce sujet avait été déclaré irrecevable au titre de l’article 45 de la Constitution.

([59]) Conditions du fonctionnement du centre du don des corps de l’université Paris-Descartes : http://www.igas.gouv.fr/IMG/pdf/2019-115r_synthese_cdc-paris-descartes.pdf.

([60]) L’Esprit du temps, « Études sur la mort », 2016/1 n° 149, pages 117 à 128.

([61]) « Le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l’objet d’un droit patrimonial. »

([62]) « Les conventions ayant pour effet de conférer une valeur patrimoniale au corps humain, à ses éléments ou à ses produits sont nulles. »

([63]) Rapport d’information enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 janvier 2010.

([64]) CEDH 30 octobre 2001, n° 37794/97, Pannullo c/ France.

([65]) Rapport n° 237 fait au nom de la commission spéciale sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la bioéthique et présenté par Mmes Corinne Imbert et Muriel Jourda, sénatrices, et MM. Olivier Henno et Bernard Jomier, sénateurs, session ordinaire de 2019-2020, 8 janvier 2020.

([66]) L’imagerie cérébrale comprend les nombreuses techniques permettant de voir le cerveau : imagerie par résonance magnétique (IRM), tomographie ou encore électroencéphalographie.

([67]) Rapport n° 237 fait au nom de la commission spéciale sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la bioéthique et présenté par Mmes Corinne Imbert et Muriel Jourda, sénatrices, et MM. Olivier Henno et Bernard Jomier, sénateurs, session ordinaire de 2019-2020, 8 janvier 2020.

([68]) Conseil d’État, Révision de la loi de bioéthique, quelles options pour demain ?, 28 juin 2018.

([69]) Rapport n° 237 fait au nom de la commission spéciale sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la bioéthique et présenté par Mmes Corinne Imbert et Muriel Jourda, sénatrices, et MM. Olivier Henno et Bernard Jomier, sénateurs, session ordinaire de 2019-2020, 8 janvier 2020.

([70]) MM. Pierre Jouannet, Bernard Baertschi et Jean-François Guérin, Recherches sur lembryon : dérive ou nécessité ?, Éditions Le Muscadier, coll. « Choc santé », p. 113.

([71]) Rapport de la mission d’information sur la révision de la loi relative à la bioéthique.

([72]) Ibid.

([73]) Amendement n° COM-196 de la rapporteure.

([74]) http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20110328/soc.html#toc4.

([75]) http://www.senat.fr/seances/s201104/s20110407/s20110407019.html#section2873.

([76]) Amendement n° 2177.

([77]) Amendement de M. Paul Jeanneteau et de plusieurs de ses collègues du groupe Union pour un mouvement populaire (UMP).

([78]) Pour mémoire, ce délai a été abaissé à deux jours par la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

([79]) L’article R. 2131-12 du code de la santé publique prévoit en effet que chaque centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal est constitué d’une équipe composée d’au moins un médecin spécialiste en gynécologie-obstétrique, un praticien spécialisé en échographie du fœtus, un pédiatre, un médecin qualifié en génétique, un psychiatre ou psychologue, un médecin spécialisé en fœtopathologie, un conseiller en génétique.

([80]) Cet article prévoit que le médecin ou la sage-femme doit dans un premier temps s’efforcer d’obtenir le consentement du mineur à une consultation du ou des titulaires de l’autorité parentale. « Dans le cas où le mineur maintient son opposition, le médecin ou la sage-femme peut mettre en œuvre laction de prévention, le dépistage, le diagnostic, le traitement ou lintervention. Dans ce cas, le mineur se fait accompagner dune personne majeure de son choix ».

([81]) Amendements 1826 et 1827.

([82]) Amendement n° 2334 et sous-amendements n° 2624 et n° 2636.

([83]) Conseil d’État, Révision de la loi de bioéthique : quelles options pour demain ?, 28 juin 2018.

([84]) Commission nationale consultative des droits de l’Homme, Agir contre les maltraitances dans le système de santé : une nécessité pour respecter les droits fondamentaux, 22 mai 2018.

([85]) World Health Organization, Eliminating forced, coercitive and otherwise involuntary sterilization – An interagency statement, mai 2014.

([86]) Parlement européen, Résolution du Parlement européen du 14 février 2017 sur la promotion de l’égalité des genres en matière de santé mentale et de recherche clinique (2016/2096(INI)).

([87]) Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, Résolution 2191 (2017) – Promouvoir les droits humains et éliminer les discriminations à l’égard des personnes intersexes.

([88]) https://www.developpement-genital.org/.

([89]) Amendement n° COM-246.

([90]) Amendement n° 321.

([91]) Amendement n°COM-148.

([92]) Amendement n° COM-150.

([93]) Amendement n°COM-152.

([94]) Amendement n°COM-147.

([95]) Amendement n° COM-154.

([96]) Amendement n°COM-155.

([97]) Amendement n°COM-151.

([98]) Haute Autorité de santé, https://www.has-sante.fr/jcms/c_2970845/fr/car-t-cells-des-medicaments-prometteurs-que-la-has-reevaluera-pour-en-confirmer-le-potentiel#toc_1_1_2.

([99]) International Society Gene & Cell Therapy, « ISCT issues patient advice and concern on unproven T-cell preservation services » (https://isctglobal.org/news/464648/ISCT-issues-patient-advice-and-concern-on-unproven-T-cell-preservation-services-.htm).

([100]) Règlement (CE) n° 1394/2007 du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007 concernant les médicaments de thérapie innovante et modifiant la directive 2001/83/CE ainsi que le règlement (CE) n° 726/2004.

([101]) Conseil d’orientation de l’Agence de la biomédecine, avis du 16 mars 2017 (https://www.agence-biomedecine.fr/IMG/pdf/sang_de_cordon_16_mars_2017_dv.pdf).

([102]) Rapport fait au nom de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique (n° 2911) par M. Jean Léonetti, député.

([103]) Décision n° 2012-249 QPC du 16 mai 2012.

([104]) Séance du 29 janvier 2020, JO Débats Sénat, p. 766.

([105]) Conseil de l’Europe, Direction européenne de la qualité du médicament & soins de santé, Conservation du sang de cordon ombilical. Guide à lusage des parents, 2016.

([106]) http://www.cngof.fr/images/cngof/presse/com_press10-12-09.pdf.

([107]) Cette profession est aujourd’hui ouverte uniquement aux titulaires d’un master délivré par l’université d’Aix-Marseille II, agréée par un arrêté.

([108]) Agence de la biomédecine, Rapport sur lapplication de la loi de bioéthique, janvier 2018, pp. 45-46.

([109]) Conseil d’État, Révision de la loi de bioéthique : quelles options pour demain ?, 28 juin 2018, p. 152.

([110]) CCNE, avis n° 129, pp. 75-76.

([111]) Rapport n° 237 fait au nom de la commission spéciale sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la bioéthique et présenté par Mmes Corinne Imbert et Muriel Jourda, sénatrices, et MM. Olivier Henno et Bernard Jomier, sénateurs, session ordinaire de 2019-2020, 8 janvier 2020.

([112]) http://videos.assemblee-nationale.fr/video.9268713_5efa30b562aea.commission-speciale-bioethique--projet-de-loi-relatif-a-la-bioethique-deuxieme-lecture-29-juin-2020  

([113]) http://videos.assemblee-nationale.fr/video.9268713_5efa30b562aea.commission-speciale-bioethique--projet-de-loi-relatif-a-la-bioethique-deuxieme-lecture-29-juin-2020

([114]) http://videos.assemblee-nationale.fr/video.9275108_5efb558cac2de.commission-speciale-bioethique--projet-de-loi-relatif-a-la-bioethique-deuxieme-lecture-suite-30-juin-2020

([115])  http://videos.assemblee-nationale.fr/video.9281703_5efb90821fd43.commission-speciale-bioethique--suite-de-l-examen-du-projet-de-loi-30-juin-2020

([116])  http://videos.assemblee-nationale.fr/video.9284625_5efc3409cd6e7.commission-speciale-bioethique--suite-de-l-examen-du-projet-de-loi-suite-1-juillet-2020

([117])  http://videos.assemblee-nationale.fr/video.9291248_5efc869e5f3ba.commission-speciale-bioethique--suite-de-l-examen-du-projet-de-loi-1-juillet-2020

([118])  http://videos.assemblee-nationale.fr/video.9299108_5efce28e1e1ab.commission-speciale-bioethique--suite-de-l-examen-du-projet-de-loi-1-juillet-2020

([119])  http://videos.assemblee-nationale.fr/video.9300906_5efd83be7ccdc.commission-speciale-bioethique--projet-de-loi-relatif-a-la-bioethique-suite-2-juillet-2020

([120])  http://videos.assemblee-nationale.fr/video.9307880_5efdcfd7c4335.commission-speciale-bioethique--projet-de-loi-relatif-a-la-bioethique-suite-2-juillet-2020

([121])  http://videos.assemblee-nationale.fr/video.9312292_5efe326978f75.commission-speciale-bioethique--projet-de-loi-relatif-a-la-bioethique-suite-2-juillet-2020