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N° 3201

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 juillet 2020.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION SPÉCIALE ([1]) CHARGÉE D’EXAMINER LE PROJET DE LOI relatif à la dette sociale et à l’autonomie, EN NOUVELLE LECTURE, SUR LE PROJET DE LOI, MODIFIÉ PAR LE SÉNAT, relatif à la dette sociale et à l’autonomie,

 

 

Par MThomas MESNIER,

Rapporteur

 

 

 

 

——

 

 

Voir les numéros :

Assemblée nationale :  1re lecture : 3019, 3067 et T.A. 440.

Commission mixte paritaire : 3188 et 3189.

Nouvelle lecture : 3180.

Sénat :  1re lecture : 518, 556, 558, 551 et T.A. 116 (2019-2020).

Commission mixte paritaire : 610 et 611 (2019-2020).


La commission spéciale est composée de :

M. Jean-Paul Mattei, président ;

M. Belkhir Belhaddad, Mme Cendra Motin, M. Bernard Perrut, M. Boris Vallaud, vice-présidents ;

M. Julien Borowczyk, M. Pascal Brindeau, Mme Marianne Dubois, Mme Émilie Guerel, secrétaires ;

M. Paul Christophe, M. Thomas Mesnier, rapporteurs,

 

Mme Delphine Bagarry, M. Jean-Noël Barrot, Mme Brigitte Bourguignon, M. Xavier Breton, M. Francis Chouat, Mme Josiane Corneloup, Mme Dominique David, M. Pierre Dharréville, M. Jean-Pierre Door, Mme Jeanine Dubié, Mme Audrey Dufeu Schubert, Mme Stella Dupont, Mme Caroline Fiat, M. Guillaume Gouffier-Cha, M. Jean-Carles Grelier, Mme Véronique Hammerer, Mme Monique Iborra, M. Cyrille Isaac-Sibille, M. Daniel Labaronne, Mme Bénédicte Peyrol, Mme Christine Pires Beaune, M. Bruno Questel, M. Alain Ramadier, M. Laurent Saint-Martin, Mme Annie Vidal

 

 

 

 


  1  

 

SOMMAIRE

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 Pages

avant-propos

commentaires darticles

Article 1er Reprise de 136 milliards deuros de dette par la Caisse damortissement de la dette sociale

Article 3 Versement par le Fonds de réserve pour les retraites de la soulte du régime des industries électriques et gazières à la Caisse nationale dassurance vieillesse et de 1,45 milliard deuros à la Caisse damortissement de la dette sociale

Article 4 Création dun cinquième risque et dune cinquième branche au sein du régime général

travaux de la commission spéciale


  1  

   avant-propos

Le 15 juin dernier, notre assemblée adoptait en première lecture le présent projet de loi relatif à la dette sociale et à l’autonomie, contenant alors cinq articles, soit un de plus que le projet de loi initial.

Au terme de son examen au Sénat :

– deux articles ont été adoptés en des termes identiques à ceux retenus par l’Assemblée nationale, au sujet de la remise d’un rapport sur les emprunts à caractère social (« social bonds ») et du transfert en 2024 d’une fraction de contribution sociale généralisée (CSG) de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) ;

– trois articles ont été modifiés par le Sénat et restaient donc en discussion.

Un désaccord majeur s’est fait jour lors de l’examen en commission mixte paritaire s’agissant de la reprise de 13 milliards d’euros de dette hospitalière par la CADES dans le cadre du plan global de reprise de dettes prévu à l’article 1er.

Elle a conduit la commission spéciale à rétablir ces dispositions supprimées par le Sénat, tout en conservant les améliorations rédactionnelles apportées par la Haute assemblée sur les articles 3, relatif aux versements du Fonds de réserve pour les retraites (FRR) et à la rétrocession de la soulte des industries électriques et gazières, et 4, relatif à la création d’une cinquième branche et d’un cinquième risque et à la remise d’un rapport afférent avant le 15 septembre prochain.

Le rapporteur se réjouit néanmoins que les deux volets essentiels du texte aient fait l’objet de convergences entre les deux assemblées, qu’il s’agisse de la nouvelle branche du régime général consacrée au soutien à l’autonomie ou du principe d’un transfert de la dette portée ou ayant vocation à être portée par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) vers un organisme susceptible de l’amortir à moyen terme.

La commission spéciale a par ailleurs procédé, comme dans le projet de loi organique, à l’harmonisation des termes relatifs à cette nouvelle branche, en retenant systématiquement ceux de « soutien à l’autonomie ».


   commentaires d’articles

Article 1er
Reprise de 136 milliards deuros de dette par la Caisse damortissement de la dette sociale

Origine de l’article : projet de loi

Position du Sénat : adopté avec modifications

Position de la commission spéciale : rétablissement de la rédaction de l’Assemblée nationale

1.   Les dispositions adoptées par l’Assemblée nationale en première lecture

● L’article 1er vise le transfert d’une dette de 136 milliards d’euros à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES), issue :

– des déficits cumulés par la branche « maladie » de la sécurité sociale, par le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) et par la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) au 31 décembre 2019 ;

– d’un tiers des déficits cumulés par les établissements de santé relevant du service public hospitalier au 31 décembre 2019 ;

– des déficits prévisionnels du régime général, du FSV et de la branche « vieillesse » du régime agricole, pour les exercices 2020 à 2023.

● Au stade de l’examen en commission spéciale, n’ont été adoptés, à l’initiative du rapporteur, que trois amendements à portée rédactionnelle.

● Au stade de l’examen en séance publique, l’Assemblée a adopté un amendement du groupe La République en Marche destiné à inscrire dans l’annexe dédiée aux projets de loi de financement de la sécurité sociale l’impact des mesures qu’il contient sur les organismes concourant à l’amortissement de la dette des régimes obligatoires de base, renforçant d’autant l’information du Parlement.

2.   Les modifications apportées par le Sénat

 Au stade de lexamen en commission, deux amendements du rapporteur général ont conduit à :

 supprimer la reprise de la dette des établissements de santé participant du service public hospitalier ;

 supprimer linscription en annexe des mesures concourant à l’amortissement de la dette des régimes obligatoires de base, renforçant d’autant l’information du Parlement, adoptée en séance publique à l’Assemblée nationale.

3.   La position de la commission spéciale

La commission spéciale a rétabli cet article tel qu’adopté par l’Assemblée nationale en première lecture, sur proposition du rapporteur et du groupe La République en Marche.

*

*     *


Article 3
Versement par le Fonds de réserve pour les retraites de la soulte du régime des industries électriques et gazières à la Caisse nationale dassurance vieillesse et de 1,45 milliard deuros à la Caisse damortissement de la dette sociale

Origine de l’article : projet de loi, modifié en première lecture par l’Assemblée nationale

Position du Sénat : adopté avec modifications

Position de la commission spéciale : adoption dans la rédaction du Sénat

1.   Les dispositions adoptées par l’Assemblée nationale en première lecture

● L’article organise le transfert d’une partie de la « soulte » des industries électriques et gazières du Fonds de réserve pour les retraites (FRR) à l’ACOSS avant le 31 juillet 2020. Il prévoit également la poursuite de la contribution du Fonds à l’amortissement de la dette sociale jusqu’à son extinction, à hauteur de 1,45 milliard d’euros à compter de 2025.

● Au stade de l’examen en commission spéciale, à l’initiative du rapporteur, ont été adoptés un amendement de coordination et un amendement visant à ce que le transfert concerne la « soulte » telle qu’elle est issue de la gestion par le FRR. Le résultat de son exploitation comprend ainsi nécessairement ses produits financiers, desquels doivent être retraités les frais de gestion.

● Au stade de l’examen en séance publique, l’Assemblée a adopté :

– un amendement du groupe Socialistes et apparentés, visant à ce que le montant versé à l’ACOSS soit communiqué sans délai aux commissions chargées des affaires sociales et des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat ;

– un amendement du Gouvernement permettant de sécuriser le traitement comptable du reversement de la soulte, en comptabilisant le produit de ce transfert en une seule fois, pour l’exercice 2020 de la CNAV.

2.   Les modifications apportées par le Sénat

Au stade de lexamen en commission, le rapporteur général a introduit un amendement de coordination.

3.   La position de la commission spéciale

La commission spéciale a adopté cet article dans sa rédaction issue du Sénat.

*

*     *

Article 4
Création dun cinquième risque et dune cinquième branche au sein du régime général

Origine de l’article : projet de loi, modifié en première lecture par l’Assemblée nationale

Position du Sénat : adopté avec modifications

Position de la commission spéciale : adoption dans la rédaction du Sénat, moyennant un amendement rédactionnel

1.   Les dispositions adoptées par l’Assemblée nationale en première lecture

● L’article 4, dans sa rédaction initiale, proposait la remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement d’ici le 30 septembre prochain relatif « aux conditions de création » d’un cinquième risque ou d’une cinquième branche en matière d’aide à l’autonomie, ainsi qu’aux conséquences qui devraient en être tirées en loi de financement de la sécurité sociale pour 2021.

● Au stade de l’examen en commission spéciale, ont été adoptés à l’initiative du rapporteur général et des groupes La République en Marche, du Mouvement Démocrate et apparentés et Agir ensemble, des amendements de rédaction globale créant un cinquième risque à l’article L. 200-1 du code de la sécurité sociale, intitulé « perte d’autonomie », et une cinquième branche à l’article L. 200-2 du même code au sein du régime général, intitulée « autonomie ».

Ces mêmes amendements ont réécrit le rapport à remettre par le Gouvernement en vue de tenir compte du choix ainsi réalisé, concentrant le rendu sur les « modalités de mise en œuvre » et sur les « conséquences » de la création de la branche.

Des sous-amendements du rapporteur et des groupes La République en Marche et UDI et indépendants ont également anticipé le dépôt de ce rapport, en vue d’en faciliter l’appropriation par les parlementaires, au 15 septembre au lieu du 30.

● Au stade de l’examen en séance publique, plusieurs amendements sont venus enrichir et compléter la création de la branche, ou le rapport afférent :

– à l’initiative du rapporteur et des groupes La République en Marche et du Mouvement Démocrate, l’article L. 111-1 du code de la sécurité sociale a été complété pour tenir compte de la reconnaissance de ce nouveau risque spécifique ;

– ces mêmes auteurs ont substitué à la notion de « perte dautonomie » dans la définition du risque, mal adaptée pour évoquer les handicaps de naissance, celle de « soutien à lautonomie » à l’article L. 200-1 précité ;

– à l’initiative du groupe Libertés et Territoires, une modification similaire a été opérée dans le champ du rapport à remettre par le Gouvernement, en vue de viser l’« aide à lautonomie » ;

– à l’initiative du groupe La République en Marche, il a été précisé que la « réflexion » qui résulterait de ce rapport devait être « nourrie par lintervention des nombreux financeurs participant à cette politique aux côtés de la sécurité́ sociale, ainsi que par les échanges avec les associations de retraités et les représentants dusagers » ;

– à l’initiative du rapporteur et du groupe La République en Marche, du Mouvement Démocrate, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie s’est vue confier la gestion de cette nouvelle branche, à l’article L. 14-10-1 du code de l’action sociale et des familles.

2.   Les modifications apportées par le Sénat

Au stade de lexamen en commission, un amendement de M. Dominique Théophile (groupe La République en Marche), sousamendé par M. Philippe Mouiller (groupe Les Républicains), a procédé à une réécriture du champ des consultations préalables à la remise du rapport, permettant dintégrer plus clairement les collectivités territoriales mais aussi les aidants.

3.   La position de la commission spéciale

La commission spéciale a adopté cet article dans sa rédaction issue du Sénat, moyennant un amendement du rapporteur harmonisant la rédaction des dispositions relatives au rapport gouvernemental s’agissant du risque relatif « au soutien à l’autonomie ».

*

*     *


  1  

   travaux de la commission spéciale

Au cours de sa réunion du 15 juillet 2020, la commission spéciale examine, en nouvelle lecture, le projet de loi, modifié par le Sénat, relatif à la dette sociale et à l’autonomie (n° 3180) (M. Thomas Mesnier, rapporteur).

Article 1er : Reprise de 136 milliards d’euros de dette par la Caisse d’amortissement de la dette sociale

La commission est saisie des amendements de suppression n° 1 de Mme Delphine Bagarry et n° 4 de M. Pierre Dharréville.

Mme Delphine Bagarry. Notre groupe était opposé au transfert des dettes de la crise du covid‑19 à la CADES et donc forcément à celui de la dette des hôpitaux, conformément à l’engagement du Gouvernement en novembre de reprendre cette dette. C’est pourquoi nous demandons la suppression de l’article 1er.

M. Pierre Dharréville. Cet article, qui permet un transfert de dette sociale pour un montant de 136 milliards d’euros à la CADES, entraînerait de manière mécanique un report de l’échéance d’extinction de dette sociale de 2024 à 2033. J’ai déjà expliqué en première lecture les raisons pour lesquelles nous sommes opposés à cette manière de faire supporter à la sécurité sociale des décisions de l’État.

M. Thomas Mesnier, rapporteur. Avis défavorable.

Comment se compose la dette ? Il y a d’abord toute la dette qui était portée par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) jusqu’au 31 décembre 2019 et qui est de toute façon de la dette sociale, de même que la dette sociale prévisible jusqu’à 2023, qui a elle aussi vocation à reprendre le schéma classique vers la CADES ; et s’agissant de la dette hospitalière, il est tout à fait légitime qu’elle soit reprise également dans la CADES, comme promis par le Gouvernement en novembre.

M. Jean-Pierre Door. Notre groupe est favorable à l’utilisation de la CADES pour amortir les déficits passés, présents et à venir des branches de l’assurance maladie ; nous l’avons fait en 2010 après la crise économique. En revanche, nous n’acceptons pas le transfert des 13 milliards d’euros de dette hospitalière car cette dette correspond à des travaux immobiliers des hôpitaux liés au plan hôpital de 2007 et à de mauvais engagements financiers de la part des hôpitaux. C’est de l’immobilier, de l’investissement et non du fonctionnement. C’est donc une erreur d’intégrer ces 13 milliards dans l’assurance maladie. Les partenaires sociaux des caisses d’assurance maladie sont d’ailleurs opposés au transfert de l’immobilier.

M. Boris Vallaud. Ce transfert ne nous paraît pas opportun car il aurait fallu traiter la « dette covid » en tant que telle, la faire gérer par l’État selon les modalités de gestion d’une dette de l’État, qui se distingue d’une dette sociale. Nous contestons, ce faisant, le choix de l’exécutif et de la majorité de faire payer cet effort à tous les Français, sans revendiquer plus de justice et de solidarité. Au fond, vous avez augmenté l’impôt de tous les Français, en particulier de ceux qui ont été en première ligne, jusqu’en 2033, alors qu’il aurait été plus juste de mettre à contribution les hauts revenus.

M. Pierre Dharréville. Sur la dette des hôpitaux, vous avez dit « comme promis », monsieur le rapporteur, mais ce n’est pas une reprise de la dette par la CADES qui avait été annoncée. Cette confusion que vous organisez de plus en plus entre les deux budgets va nous conduire à des problèmes. Elle conduit en tout cas à un changement de l’organisation institutionnelle de notre pays et cela mérite un débat plus poussé que ce que nous avons eu. La dette créée par la crise du covid‑19 aurait dû appeler un débat budgétaire plus approfondi.

M. Cyrille Isaac-Sibille. C’est un débat picrocholin. Les sénateurs ont refusé les 13 milliards et le groupe Les Républicains vient de réaffirmer ici son opposition à ce transfert. Dans un budget, même un budget de la santé, il y a l’investissement et le fonctionnement. Pourquoi le fonctionnement serait-il à la charge de la sécurité sociale et l’investissement à la charge de l’État ? Quelles sont ces règles ? Pour soigner, il faut du personnel et du matériel, mais aussi des murs. Je ne comprends donc pas pourquoi l’investissement serait à la charge de l’État. C’est un tout et il est normal que la CADES reprenne les 13 milliards de la dette des hôpitaux, l’investissement faisant bien évidemment partie du budget des hôpitaux.

M. Bernard Perrut. Les différentes branches de la sécurité sociale ont consenti des efforts sans précédent ces dernières années pour redresser les comptes, et l’on vient charger encore leur déficit, alors même qu’il existe une règle selon laquelle des compensations doivent exister quand l’État fait supporter à la sécurité sociale des dépenses qui n’ont pas à être supportées par elle. L’investissement est financé sur le territoire par l’État mais aussi par les collectivités territoriales et l’on a toujours distingué l’investissement du fonctionnement : c’est une règle juridique très ancienne.

Le financement d’autres mesures – les mesures « gilets jaunes », la désocialisation des heures supplémentaires, le taux intermédiaire de CSG – a été transféré vers le budget de la sécurité sociale. Nous souhaitons la clarté dans les chiffres, qu’il soit mis fin à cette ambiguïté d’un budget de la sécurité sociale devenant un budget fourre-tout, au détriment de nos politiques dans le domaine de la protection sociale, car c’est là un double langage.

Il convient aussi de responsabiliser l’État. De gros efforts, je l’ai dit, ont été consentis pour le financement des branches de la sécurité sociale : l’État fait-il autant d’efforts lorsqu’il s’agit de ses propres politiques ? On peut se le demander.

M. Jean-Pierre Door. La CADES est soumise à certaines règles. Premièrement, quand elle a été créée, en 1996, elle était exclusivement dédiée à la prise en charge des dépenses sociales, c’est-à-dire des déficits des branches maladie, famille, vieillesse et accidents du travail-maladies professionnelles. Deuxièmement, en vertu de la loi du 25 juillet 1994, dite « Veil », les exonérations de cotisations doivent être compensées par l’État.

Vous placez à la charge de la CADES le remboursement de dépenses d’investissement, liées à l’immobilier, qui n’ont pas un caractère social, et qui relèvent exclusivement de l’État. Par l’effet de plusieurs plans, les hôpitaux ont contracté des emprunts qui, toxiques ou non, excèdent largement leurs capacités de remboursement. Il faut respecter les règles établies au sujet de la CADES.

La commission rejette ces amendements.

Elle en vient à l’amendement n° 2 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il s’agit de rétablir la rédaction votée par notre assemblée en première lecture, concernant la reprise d'un tiers de la dette des établissements de santé, que le Sénat a supprimée. Il est important de soulager la trésorerie de ces organismes, conformément à l’engagement pris l’hiver dernier. Cela leur offrira des capacités d’investissement majeures dans le domaine du soin.

Mme Audrey Dufeu Schubert. J’avais déposé un sous-amendement à l’amendement du rapporteur, ainsi qu’un amendement à l’article 1er, qui ont tous deux été déclarés irrecevables – je ne sais pas exactement pour quelle raison, car je n’ai pas réussi à joindre les services de l’Assemblée.

Je voulais appeler l’attention de chacun de vous sur la notion de bail emphytéotique. Des établissements de santé subissent un endettement caché. Ils sont redevables de loyers considérables et doivent verser des taux d’intérêt très élevés. La question est de savoir si la dette de ces établissements, qui connaissent une situation particulière, sera prise en charge par l’article 1er. J’avais proposé d’intégrer dans le texte les baux emphytéotiques conclus par les établissements publics de santé. À titre d’exemple, dans ma circonscription, la Cité sanitaire de Saint-Nazaire a conclu un bail emphytéotique, qu’elle partage avec la Clinique mutualiste de l’estuaire, qui représente un coût annuel de près de 34 millions d’euros.

M. le rapporteur. Votre sous-amendement a effectivement été déclaré irrecevable. Votre demande est, à mon sens, satisfaite par la reprise des dettes des établissements de santé. En 2016, la direction générale des finances publiques estimait que les engagements hors bilan que constituent les partenariats public-privé et les baux emphytéotiques hospitaliers s’élevaient à 1,39 milliard d’euros. Les aides versées aux établissements, à l’occasion de la reprise des dettes, prendront en compte, dans les contrats signés avec ces derniers, leur situation financière d’ensemble. Il n’est donc pas besoin d’établir une distinction spécifique.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Pour revenir sur le débat précédent, je suis d’accord sur le fait qu’il faut respecter les règles relatives à la CADES, laquelle ne doit prendre en charge que la dette sociale. Or, cette dernière recouvre tant les dépenses de fonctionnement que les dépenses d’investissement. Il est donc normal que les 13 milliards d’euros soient pris en compte dans le montant de la dette.

Mme Audrey Dufeu Schubert. Je remercie M. le rapporteur de sa réponse, dont je prends bonne note. Je ne manquerai pas de la transmettre aux acteurs de ma circonscription, qui étaient inquiets à ce sujet.

Mme Stella Dupont. Audrey Dufeu Schubert a soulevé une question importante, qui concerne un grand nombre d’établissements publics, pas uniquement dans le secteur de la santé. Je note également votre réponse, monsieur le rapporteur. Il est essentiel que ces spécificités soient intégrées dans la reprise de la dette. Toutefois, je ne comprends pas pourquoi le sous-amendement et l’amendement de Mme Dufeu Schubert ont été déclarés irrecevables au motif qu’ils créaient une charge, alors que, d’après vos explications, les baux emphytéotiques sont déjà intégrés dans la reprise de dettes. Peut-être l’irrecevabilité repose‑t‑elle sur d’autres motifs ?

M. le rapporteur. Je ne suis pas en charge de l’application de l’article 40 de la Constitution, mais il semblerait en effet que le sous-amendement et l’amendement aient été déclarés irrecevables car ils auraient pu, potentiellement, constituer une charge supplémentaire.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement n° 6 de Mme Bénédicte Peyrol.

Mme Annie Vidal. Le projet de loi prévoit un transfert de dette de 136 milliards d’euros de l’ACOSS à la CADES, dont 92 milliards résultent d’une projection relative à l’accroissement du déficit entre 2020 et 2023. L’amendement vise à apporter une information au Parlement sur le détail des transferts de dette à la CADES, en précisant le contenu des annexes au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Cette disposition avait été adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale, avant d’être supprimée au Sénat. Nous proposons de la rétablir.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 1er modifié.

Article 3 : Versement par le Fonds de réserve pour les retraites de la soulte du régime des industries électriques et gazières à la Caisse nationale d’assurance vieillesse et de 1,45 milliard d’euros à la Caisse d’amortissement de la dette sociale

La commission adopte l’article 3 sans modification.

Article 4 : Création d’un cinquième risque et d’une cinquième branche au sein du régime général

La commission examine l’amendement n° 3 du rapporteur.

M. le rapporteur. Compte tenu du débat que nous avions eu en première lecture, et comme Paul Christophe l’a fait sur le projet de loi organique, je vous propose un amendement de cohérence pour préciser que nous nous inscrivons dans le « soutien » et non « l’aide » à l’autonomie.

La commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement n° 5 de M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville. Nous proposons d’ajouter que « ce rapport s’attache également à évaluer les mesures alternatives répondant au même objectif, notamment la création d’un service public de l’autonomie et de l’accompagnement au sein de la branche maladie de la sécurité sociale ». Nous souhaitons que le rapport nous permette d’apprécier différentes hypothèses. Toutefois, nous avons appris au cours d’une audition qu’il était en cours de rédaction – et ce, alors que nous n’avons pas encore voté la loi. Sans doute ne souhaitez-vous pas, dans ces conditions, modifier l’objet de cette étude.

M. le rapporteur. Je ne sais pas si la rédaction du rapport a commencé mais, étant donné l’avancée des travaux du Parlement, il ne nous semble pas illégitime qu’un travail soit engagé sur les pistes qui nous seront proposées. Je vous reconnais une certaine cohérence par rapport aux débats que nous avions eus en première lecture ; j’espère qu’à votre tour, vous m’en accorderez également le bénéfice. Nous avons tracé un chemin qui doit nous mener à l’institution de la cinquième branche du régime général de la sécurité sociale. Il s’agit de reconnaître les spécificités de la prise en charge de l’autonomie consécutive au handicap ou au grand âge par rapport au risque maladie classique. La reconnaissance d’un cinquième risque identifiera le champ de cette nouvelle branche.

Cela étant, nous ne partons pas de rien : nous avons décidé, en première lecture, que la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) serait pilote de la cinquième branche. Il est utile que la mission Vachey avance. Nous n’avons absolument pas épuisé la question de l’autonomie avec l’article 4. Il nous appartiendra d’aller plus avant sur ce sujet après la remise du rapport, lors de l’examen du prochain PLFSS et du projet de loi sur l’autonomie. Nous sommes engagés sur les bons rails.

M. Bernard Perrut. Pouvez-vous nous dire quand le rapport sur l’autonomie sera consultable et à quel moment nous examinerons le projet de loi consacré à cette question en commission et en séance publique ? Il y a urgence pour notre pays. Au-delà du fait que la crise du covid-19 a révélé des attentes en la matière, nous souhaitons tous, quelle que soit notre orientation politique, avancer sur le sujet. On ne peut que se réjouir du fait qu’une ministre soit désormais en charge du dossier, en la personne de l’ancienne présidente de la commission des affaires sociales. Si le mot « urgence » est employé tous les jours, cela signifie, je le suppose, que le texte viendra bientôt en discussion.

Il serait intéressant de savoir comment la commission des affaires sociales sera associée – plus ou moins étroitement – aux travaux. Je ne parle pas seulement des représentants de la majorité, mais aussi de ceux des autres groupes : le sujet concerne l’ensemble des Françaises et des Français. Les préoccupations sont identiques sur tous les territoires. Nous devons avoir une vision humaniste, sociale, d’ensemble, de nature à nous réunir.

Enfin, quels contacts ont eu lieu avec les cofinanceurs ? Le financement sera en effet la problématique majeure. Comment l’État, la sécurité sociale, la CNSA, ainsi que, si j’ai bien compris, d’autres acteurs, financeront-ils une véritable réforme ?

M. Pierre Dharréville. La demande de rapport ne doit pas servir à justifier a posteriori une décision à laquelle nous aurions dû réfléchir au préalable. Les rapports demandés par notre assemblée sont utiles lorsqu’ils posent au Gouvernement des questions qu’il n’a pas décidé de se poser. Lorsqu’il s’est déjà prononcé sur le sujet, on peut se demander si la loi n’est pas inutilement bavarde. La proposition que je formule peut contribuer à ce que le rapport ait une véritable utilité.

Mme Monique Iborra. Je veux dire, au nom d’un grand nombre de députés, qu’ils appartiennent ou non à notre groupe, à quel point le Parlement entend jouer un rôle important au sujet de cette loi, sur laquelle, d’ailleurs, il travaille depuis près de trois ans. Les questions ont été posées et, dans la plupart des cas, des réponses y ont été apportées, même si elles ne satisfont pas tout le monde. La proposition d’associer aux travaux les groupes qui le désirent paraît de bonne méthode. Il s’agit de montrer à nos concitoyens que nous avons abouti à un texte consensuel, ce qui est impératif, compte tenu des enjeux sociétaux, sociaux et économiques qu’il soulève. Continuons sur la voie qui a été tracée tout en élargissant la perspective et en marquant notre identité parlementaire.

M. le rapporteur. La création de la cinquième branche est une initiative parlementaire, qui a été portée par nombre d’entre vous en première lecture. Elle est attendue de fort longue date. Monsieur Perrut, le rapport devrait être remis au plus tard le 15 septembre. Dans un premier temps, nous trancherons un certain nombre de questions lors du prochain PLFSS. Je ne suis pas en mesure de vous indiquer le calendrier d’examen du projet de loi sur l’autonomie. On nous a dit, il y a quelques semaines, qu’il serait déposé d’ici à la fin de l’année. Nous verrons si le Premier ministre en parle dans son discours de politique générale.

En tout cas, nous avons pour la première fois une ministre dédiée à ce sujet, que nous connaissons bien, puisqu’elle présidait la commission des affaires sociales. Elle a démontré depuis trois ans sa volonté constante de travailler avec les députés de toutes sensibilités, et je ne doute pas que cela continuera à être le cas au sujet de cette loi. Comme le disait Mme Iborra, compte tenu des enjeux, ce texte doit faire l’objet de la concertation la plus large possible et recueillir, autant que faire se peut, un consensus.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 4 modifié.

Enfin, elle adopte l’ensemble du projet de loi modifié.

*

*     *

En conséquence, la commission spéciale demande à l’Assemblée nationale d’adopter le présent projet de loi dans le texte figurant dans le document annexé au rapport :

http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b3201_texte-adopte-commission#

 


([1])  La composition de cette commission spéciale figure au verso de la présente page.