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N° 3382

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 30 septembre 2020.

 

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LE PROJET DE LOI,
adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne
en matière économique et financière (n° 3196).

PAR

Mme ValÉria FAURE-MUNTIAN

Députée

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AVIS
 

FAITS

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES

 

AU NOM DE LA COMMISSION
DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

 

Par M. MICHEL LAUZZANA

Député

 

Par Mme AURORE BERGÉ

Députée

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TOME II

COMMENTAIRES DES ARTICLES

Voir les numéros :

Sénat   : 314 rect. bis, 552, 553, 548 et T.A. 120 (2019‑2020).

Assemblée nationale :  3196.


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SOMMAIRE

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Pages

commentaires DES ARTICLES

Chapitre Ier Dispositions relatives à la protection des consommateurs

Article 1er Habilitation à transposer les directives 2019/770 « services et contenus numériques » et 2019/771 « vente de biens »

Article 2  Habilitation à transposer la directive 2019/2161 « omnibus »

Article 3 (articles L. 132-24-1, L. 141-2 [nouveaux] et L. 511-7 du code de la consommation) Adaptation du droit national au règlement européen sur le blocage géographique injustifié

Article 4 (articles L. 121-23, L. 132-24-2 [nouveaux] et L. 511-15 du code de la consommation) Lutte contre le blocage géographique injustifié sur le territoire national

Article 4 bis  (articles L. 32, L. 104 à L. 113 [nouveaux] et L. 130 du code des postes et des communications électroniques ; articles L. 420-2-1 [nouveau] et L. 450-3 du code de commerce ; articles L. 111-7-3 [nouveau],  L. 131-4 et L. 512-1 du code de la consommation) Instauration dune régulation des plateformes numériques

Article 5 (articles L. 521-3-1 [nouveau], L. 522-9-1 et L. 532-5 [nouveau] du code de la consommation) Introduction de nouveaux pouvoirs au profit de la DGCCRF pour mieux lutter contre la fraude en ligne

Article 5 bis (nouveau) (articles L. 45-2 du code des postes et des communications électroniques) Adaptation du code des postes et des communications électroniques concernant la lutte contre la fraude en ligne

Chapitre II Dispositions relatives à la surveillance du marché et à la conformité des produits

Article 6 (articles L. 511-12, L. 512-20, articles L. 512-22-1 et L. 512-33-1 [nouveaux] du code de la consommation) Dispositions dadaptation au droit de lUnion européenne relatives à la surveillance des marchés et à la conformité des produits en ligne

Article 6 bis (nouveau) Habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures nécessaires afin dadapter le code de lenvironnement aux dispositions introduites par le règlement (UE) 2019/1020 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 sur la surveillance du marché et la conformité des produits

Chapitre III Dispositions relatives à la lutte contre les pratiques commerciales déloyales et pour léquité et la transparence dans les relations interentreprises

Article 7 (articles L. 511-12, L. 512-20, L. 512-22-11 [nouveau] et L. 512-33-1 [nouveau] du code de la consommation) Habilitation du Gouvernement à transposer par voie dordonnance la directive (UE)  2019/633 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 sur les pratiques commerciales déloyales dans les relations interentreprises au sein de la chaîne dapprovisionnement agricole et alimentaire et à mettre en œuvre le règlement (UE)  2019/1150 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 promouvant léquité et la transparence pour les entreprises utilisatrices de services dintermédiation en ligne

Chapitre IV Dispositions en matière de fiscalité et de règlementation douanière

Article 8 (Article 410 du code des douanes) Sanction des manquements à lobligation  de notification des messages sur le statut des conteneurs

Article 9 (Articles 302 L, 302 M, 465 bis, 466, 468, 1794 et 1798 ter du code général des impôts) Adaptation du droit français à la réglementation européenne sur les produits vitivinicoles

Article 10 (Article 65, 86, 87, 89, 92 à 94, 285 quinquies, 396, 410 et 413 bis du code des douanes) Remplacement des commissaires en douane agréés  par les représentants en douane enregistrés

Article 11 (Articles L. 152-1, L. 152-1-1 [nouveau], L. 152-1-2 [nouveau], L. 152-4, L. 152-4-1 [nouveau], L. 152-5 [nouveau], L. 721-2, L. 721-2-1 [nouveau], L. 721-2-2 [nouveau], L. 721-3, L. 721­-3-1 [nouveau], L. 721-3-2 [nouveau], L. 721-4, L. 741-4, L. 741-4-1 [nouveau], L. 741-4-2 [nouveau], L. 741-5, L. 741-5-1 [nouveau], L. 741-5-2 [nouveau], L. 741-6, L. 751-4, L. 751-4-1 [nouveau], L. 751-4-2 [nouveau], L. 751-5, L. 751-5-1 [nouveau], L. 751-5-2 [nouveau], L. 751-6, L 761-3, L. 761­-3-1 [nouveau], L. 761-3-2 [nouveau], L. 761-4, L. 761-4-1 [nouveau], L. 761-4-2 [nouveau], L. 761-5, L. 771-1, L. 771-1-1 [nouveau], L. 771-1-2 [nouveau], L. 771-2, L. 771-2-1 [nouveau], L. 771-2-2 [nouveau] et L. 771-3 du code monétaire et financier) Contrôle des mouvements dargent liquide entrant ou sortant du territoire

Chapitre V Dispositions en matière financière

Article 12 Habilitation à prendre par voie dordonnance les mesures de transposition de la directive (UE) 2019/2162 du 27 novembre 2019 relative aux obligations garanties

Article 13 Habilitation à transposer par voie dordonnance la directive (UE) 2019/2034 du 27 novembre 2019 concernant la surveillance prudentielle des entreprises dinvestissement

Article 14 Habilitation à transposer par voie dordonnance la directive (UE) 2019/1160 du 20 juin 2019 concernant la distribution transfrontalière des organismes de placement collectif

Article 15 (Article 200 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises) Clarification des termes et modification de la durée  de lhabilitation portant transposition du « paquet bancaire »

Article 16 (Articles L. 442-3 et L. 950-1 du code de commerce) Rétablissement de la nullité des clauses interdisant la cession de créance

Article 16 bis (Article L. 451-1-6 du code monétaire et financier) Suppression dune référence inutile

Article 16 ter (Article L. 211-5-2 [nouveau] du code des assurances) Nullité des clauses interdisant la cession de créance en matière dassurance automobile

Chapitre VI Dispositions améliorant le fonctionnement du marché intérieur

Article 17 (Article L. 112 B [nouveau] du livre des procédures fiscales) Adaptation du secret fiscal aux règles de transparence  applicables aux aides dÉtat à caractère fiscal

Article 18 Habilitation du Gouvernement à mettre en œuvre par ordonnance le Règlement (UE)  2016/1012 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 relatif aux conditions zootechniques et généalogiques applicables à lélevage, aux échanges et à lentrée dans lUnion de reproducteurs de race pure, de reproducteurs de porcins hybrides et de leurs produits germinaux et dadapter en conséquence le code rural et de la pêche maritime

Article 19 Habilitation du Gouvernement à mettre en œuvre par ordonnance le règlement (UE) 2016/429 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 relatif aux maladies animales transmissibles et modifiant et abrogeant certains actes dans le domaine de la santé animale  législation sur la santé animale ») et dadapter en conséquence le code rural et de la pêche maritime

Article 20 (articles L. 642-1-1 et L. 642-6 du code de lénergie) Suppression du statut dentité centrale de stockage (ECS) attribué à la société anonyme de gestion des stocks de sécurité (SAGESS)

Chapitre VII Dispositions relatives à la prévention de lutilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme

Article 21 Renforcement du dispositif national de lutte contre  le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme

Chapitre VII bis Dispositions relatives aux médicaments vétérinaires et aliments médicamenteux (Division et intitulé nouveaux)

Article 22 Habilitation du Gouvernement à mettre en œuvre par ordonnance trois règlements européens adoptés en 2019 formant le paquet « médicaments vétérinaires » et dadapter en conséquence le code rural et de la pêche maritime, le code de la santé publique et le code de la consommation

Article 22 bis (article L. 5141‑16 du code de la santé publique) Autorisation de la publicité pour les vaccins vétérinaires à destination des éleveurs professionnels

Article 22 ter (ordonnance n° 2015‑953 du 31 juillet 2015 relative à la réforme de lordre des vétérinaires, loi n° 47‑1564 du 23 août 1947 relative à linstitution dun ordre national des vétérinaires, ordonnance n° 2011‑78 du 20 janvier 2011 relative aux conditions dans lesquelles certains actes peuvent être réalisés par des personnes nayant pas la qualité de vétérinaire et article L. 243‑3 du code rural et de la pêche maritime) Ratification dordonnances relatives à lordre des vétérinaires et stages des étudiants vétérinaires européens

Article 22 quater (article L. 1511‑9 [nouveau] du code général des collectivités territoriales et articles L. 241‑13 et L. 242‑1 du code rural et de la pêche maritime) Mesures de lutte contre la désertification vétérinaire

Article 23 Habilitation du Gouvernement à prendre par voie dordonnance diverses mesures tirant les conséquences du Brexit

Chapitre VIII Dispositions relatives à la gestion du fonds européen agricole pour le développement rural

Article 24 (article 78 de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de laction publique territoriale et daffirmation des métropoles) Modalités de gestion du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER)

Chapitre VIII bis A Dispositions relatives à la modernisation des règles de la communication audiovisuelle et au renforcement de la protection de la souveraineté culturelle (Division et intitulé nouveaux)

Article 24 bis Habilitation à transposer par ordonnance la directive 2019/790 sur le droit dauteur et les droits voisins dans le marché unique numérique et la directive 2019/789 établissant des règles sur lexercice du droit dauteur et des droits voisins applicables à certaines transmissions en ligne dorganismes de radiodiffusion et retransmissions de programmes de télévision et de radio

Article 24 ter Habilitation à transposer par ordonnance la directive 2018/1808 relative aux services de médias audiovisuels

Chapitre IX Dispositions en matière de concurrence

Article 25 (articles L. 420-2-1, L. 450-4, L. 461-3, L. 461-4, L. 462-2-1, L. 462-8, L. 463-3, L. 464-2, L. 4645 [abrogé], L. 464-8,  L. 464-9, L. 752-27, L. 954-15 du code de commerce) Diverses mesures visant à renforcer lefficacité des procédures mises en place par la DGCCRF et lAutorité de la concurrence et habilitation du Gouvernement à transposer la directive « ECN + »

Chapitre X Dispositions relatives aux postes et communications électroniques (Division et intitulé nouveaux)

Article 26 (articles L. 5-2, L.5-3, L. 5-9 et L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques) Diverses mesures dadaptation et de simplification du code des postes et des communications électroniques et habilitation du Gouvernement à transposer par ordonnance la directive portant code des communications électroniques

Article 27 (articles L. 35, L. 35-1, section 1 : « Fourniture dun service universel des communications électroniques abordables aux utilisateurs finals à faibles revenus ou ayant des besoins sociaux particuliers » [nouvelle], L. 35-2, L. 35-2-1 [abrogé], section 2 : « Disponibilité du service universel des communications électroniques » [nouvelle], L. 35-3, L. 35-4, section 3 : « Financement du service universel des communications électroniques » [nouvelle], section 4 : « Missions dintérêt général et dispositions diverses » [nouvelle], L. 35-5, L. 35-7 et L. 36-7 du code des postes et des communications électroniques) Transposition des dispositions de la directive portant code des communications électroniques relatives au service universel

Chapitre XI Dispositions relatives aux marques de produits ou de services (Division et intitulé nouveaux)

Article 28 (articles L. 7129 et L. 81111 du code de la propriété intellectuelle) Ratification de lordonnance n° 2019‑1169 du 13 novembre 2019 relative aux marques de produits ou de services et amélioration dans le code de la propriété intellectuelle de linformation relative au renouvellement dune marque

Article 29 (nouveau) Ratification de lordonnance 2020535 du 7 mai 2020 relative à lextension de la loi n° 96542 du 19 juin 1996 relative au contrôle de la fabrication et du commerce de certaines substances susceptibles dêtre utilisées pour la fabrication illicite de stupéfiants ou de substances psychotropes à tous les outre-mer


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   commentaires DES ARTICLES

Chapitre Ier
Dispositions relatives à la protection des consommateurs

Article 1er
Habilitation à transposer les directives 2019/770 « services et contenus numériques » et 2019/771 « vente de biens »

Adopté par la commission avec modifications.

 

L’article 1er du présent projet de loi habilite le Gouvernement à transposer les directives 2019/770 « services et contenus numériques » ([1]) et 2019/771 « vente de biens ([2]). Ces deux directives visent à renforcer le cadre européen relatif à la protection des consommateurs, notamment en adaptant les règles au développement du numérique. Avec la directive 2019/771, le législateur européen apporte un certain nombre de dispositions visant à moderniser et renforcer la portée de la garantie légale de conformité. La directive 2019/770 instaure un régime analogue à la garantie de conformité des biens physiques pour les contenus et services numériques ne relevant pas du contrat de vente d’un bien.

I.   L’État du droit

A.   LA RÉforme proposÉe par Les directives 2019/770 et 2019/771

Présentées le 9 décembre 2015, les directives 2019/770 « fourniture de contenus ou de services numériques » et 2019/771 « contrats de vente de biens » ont été adoptées le 20 mai 2019. Elles doivent être transposées dans les États membres au plus tard le 1er juillet 2021 pour s’appliquer aux contrats conclus à compter du 1er janvier 2022. Les directives étant d’harmonisation maximale, les États membres ne peuvent maintenir ou introduire de dispositions plus souples ou plus strictes dans leur droit national, sauf si cela est expressément prévu.

1.   Le cadre européen antérieur aux directives 2019/770 et 2019/771

La directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 mai 1999 sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation constitue le cadre juridique applicable avant les modifications portées par les directives 2019/770 et 2019/771. Poursuivant un objectif de consolidation du marché intérieur, la directive 1999/44/CE a posé un socle de règles communes concernant les règles relatives à la conformité des contrats de vente de biens. La directive a instauré des critères de conformité aux contrats et consacré un certain nombre de droits du consommateur vis-à-vis du vendeur. Le principe de la garantie légale de conformité a été établi. Ainsi, le vendeur doit répondre de tout défaut de conformité qui existe lors de la délivrance du bien. En cas de défaut, le consommateur peut alors obtenir la réparation ou le remplacement de son bien. Lorsque cela n’est pas possible, une réduction du prix ou la résolution du contrat peut être envisagée. La directive comporte également des dispositions fixant un délai minimal de garantie de conformité de deux ans pour la vente de biens neufs assorti d’une période minimale de six mois, durant laquelle la charge de la preuve quant à l’antériorité du défaut incombe au professionnel.

D’harmonisation minimale, cette directive n’a pas empêché une grande disparité dans les règlementations des États membres. Si les règles relatives aux contrats à distance, aux contrats hors établissement, aux informations précontractuelles et au droit de rétractation ont été harmonisées avec la directive 2011/83/UE ([3]), les règles relatives aux ventes de biens restent encore largement fragmentées. Cette fragmentation est identifiée par le législateur européen comme l’un des freins à la réalisation du marché unique. En effet, elle est susceptible de créer des coûts supplémentaires pour les entreprises, qui doivent s’adapter aux règles du droit des contrats de consommation des pays de résidence du consommateur. Par ailleurs, ce cadre bâti il y a plus de vingt ans concerne exclusivement les biens meubles corporels, laissant de facto de côté l’ensemble des préoccupations liées au développement des contrats impliquant le numérique.

2.   Les directives 2019/771 et 2019/770

Prenant acte des lacunes du droit existant, les directives 2019/771 et 2019/770 poursuivent deux principaux objectifs :

– adapter le droit européen de la consommation aux spécificités du numérique ;

– renforcer l’harmonisation des règles au niveau européen pour consolider le marché unique.

a.   Principales dispositions de la directive 2019/771 « vente de biens »

La directive 2019/771 procède à une modernisation du cadre fixé par la directive 1999/44/CE. À compter de l’entrée en vigueur de la directive 2019/771, la directive 1999/44/CE est abrogée, son contenu étant repris et enrichi dans la nouvelle directive. À la différence de la directive de 1999, cette nouvelle directive est d’harmonisation maximale.

i.   L’extension du champ de la directive aux biens comportant des éléments numériques et la mise à jour des critères de conformité

L’un des principaux apports de la directive consiste en l’ouverture du champ d’application des règles relatives aux contrats de vente aux biens meubles corporels comportant des éléments numériques. La notion de bien comportant des éléments numériques est définie par la directive comme « tout objet mobilier corporel qui intègre un contenu numérique ou un service numérique ou est interconnecté avec un tel contenu ou un tel service dune manière telle que labsence de ce contenu numérique ou de ce service numérique empêcherait ce bien de remplir ses fonctions », soit à titre d’exemple les applications d’un smartphone, les logiciels d’un ordinateur ainsi que divers objets connectés.

En conséquence, les critères classiques de conformité des biens sont adaptés aux spécificités des biens comportant des éléments numériques, afin d’intégrer les exigences de mises à jour, de compatibilité, de fonctionnalités, d’interopérabilité ([4]) et de fourniture de la version la plus récente. La directive intègre notamment de nouvelles règles concernant les mises à jour au titre des critères de conformité. Les vendeurs doivent informer le consommateur de toutes les mises à jour nécessaires au maintien de la conformité de ces biens et les lui fournir pendant une période à laquelle le consommateur peut raisonnablement sattendre, sauf si lélément numérique des biens est fourni de manière continue, auquel cas des mises à jour devraient être fournies tout au long de la période de fourniture.

ii.   Les règles relatives aux délais de garantie et à la question de la charge de la preuve

La directive de 1999 prévoyait un délai minimal de garantie légale de conformité de deux ans. Ce délai minimal, retenu en droit français, est conservé dans le cadre de la nouvelle directive, dans les conditions fixées à l’article 10 de la directive. Les États membres restent autorisés à prévoir des durées de garantie plus longues. Une nouveauté est apportée pour ce qui concerne les biens comportant des éléments numériques dont la fourniture est « continue » sur une certaine période. Pour ces derniers, si le contrat prévoit la fourniture continue d’un élément numérique sur une période plus longue, la durée de garantie est étendue d’autant.

Pour ce qui concerne le délai au cours duquel la charge de la preuve de l’origine du défaut de conformité incombe aux vendeurs, autrement dit le délai de présomption d’antériorité, l’article 11 de la directive prévoit que ce délai doit être compris entre un et deux ans. Ce plafond de deux ans, plus protecteur pour le consommateur, a été défendu par la France dans le cadre des négociations entre États membres. Les États ne pourront en revanche pas aller au-delà. Par ailleurs, pour les biens comportant des éléments numériques dont la fourniture est continue, le délai de présomption d’antériorité court dans les mêmes conditions que celles prévues pour le délai de la garantie légale de conformité.

iii.   Autres dispositions notables

Les recours à disposition du consommateur sont repris aux articles 13 à 16 de la directive.

Prenant acte des confusions fréquentes entre les garanties légales et les garanties commerciales, l’article 17 de la directive renforce les exigences de formalisme à l’égard des garanties commerciales. Un encadrement spécifique des garanties de durabilité est introduit : dans l’hypothèse où un producteur offrirait au consommateur une telle garantie commerciale, il serait directement responsable vis‑à-vis du consommateur. En outre, si les conditions prévues dans la déclaration de garantie commerciale sont moins avantageuses pour le consommateur que celles prévues dans la publicité correspondante, la garantie commerciale est contraignante conformément aux conditions prévues dans la publicité.

L’article 18 de la directive prévoit un mécanisme d’action récursoire, qui permet au vendeur de se retourner contre un professionnel se situant en amont de la chaîne de transaction. L’article précise que le droit national détermine la personne contre laquelle le vendeur peut exercer un recours, ainsi que les recours et les conditions d’exercice applicables.

La directive permet également aux États de maintenir leurs règles nationales ne régissant pas spécifiquement les contrats de consommation et prévoyant des recours spécifiques pour certains types de défauts qui n’étaient pas apparents au moment de la conclusion du contrat de vente, ce qui correspond notamment au régime français de garantie des vices cachés. De même, les États membres peuvent exclure du champ d’application de la directive les biens d’occasion vendus aux enchères publiques et les ventes d’animaux. La France n’aura donc pas à modifier l’article L. 213-1 du code rural et de la pêche maritime, qui prive actuellement la vente d’animaux domestiques de la présomption d’antériorité.

Enfin, l’article 25 de la directive prévoit une clause de réexamen, qui doit prendre la forme d’un rapport rendu au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social européen et présenté par la Commission européenne au plus tard au 12 juin 2024.

b.   Les principales dispositions de la directive 2019/770

Cette directive instaure un régime similaire à la garantie de conformité des biens physiques pour les contenus et services numériques ne relevant pas du contrat de vente d’un bien. Le législateur européen a ainsi cherché à répondre à l’absence de cadre contractuel clair en matière de contenus numériques ou de services numériques. Cette absence de cadre juridique harmonisé est aujourd’hui préjudiciable aux consommateurs et aux entreprises, en particulier les petites et moyennes entreprises (PME) confrontées à une insécurité juridique.

La directive s’applique donc à tout contrat par lequel le professionnel s’engage à fournir un contenu ou un service numérique en l’échange d’un prix payé par le consommateur. Elle s’applique également lorsque le professionnel fournit gratuitement un contenu numérique ou un service numérique au consommateur en l’échange de la transmission par le consommateur de données à caractère personnel ([5]), sans préjudice des dispositions du règlement (UE) 2016/679 et de la directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil. Concrètement, la directive précise que ces nouvelles dispositions concerneront « entre autres, les programmes informatiques, les applications, les fichiers vidéo, les fichiers audio, les fichiers musicaux, les jeux numériques, les livres électroniques ou les autres publications électroniques, de même que les services numériques qui permettent la création, le traitement ou le stockage de données sous forme numérique, ainsi que laccès à celles-ci, y compris les logiciels à la demande, tels le partage vidéo et audio et les autres formes dhébergement de fichiers, les traitements de texte ou les jeux proposés dans lenvironnement informatique en nuage et les médias sociaux ».

Les contenus numériques et les services numériques, y compris ceux fournis en l’absence de contrepartie financière, seront donc garantis contre tout défaut de conformité, sur un modèle très proche des critères objectifs – les critères prévus au contrat – et subjectifs – les critères auxquels le consommateur peut raisonnablement s’attendre – prévus dans la directive 2019/771.

Concernant les délais applicables en cas de défaut de conformité, l’article 11 de la directive 2019/770 prévoit, tout comme la directive 2019/771, que le délai de garantie légale ne peut être inférieur à deux ans ([6]). En revanche, le délai de présomption d’antériorité du défaut, pendant lequel la charge de la preuve incombe au professionnel est fixé, par l’article 12 de la directive, à un an, sans possibilité pour les États membres de l’étendre. C’est là l’une des différences notables avec la directive 2019/771 qui prévoit que le délai de présomption d’antériorité peut être étendu à 2 ans. Pour les contrats prévoyant une fourniture continue de contenu ou de service numérique, l’obligation de conformité et la présomption d’antériorité valent pour toute la période durant laquelle le contenu numérique ou le service numérique est fourni en vertu du contrat.

Les règles en cas de défaut de conformité sont fixées aux articles 14 à 18 de la directive. Le consommateur a droit à la mise en conformité dans un délai raisonnable et sans frais. Si celle-ci est impossible, n’a pas eu lieu dans un délai raisonnable, ne peut se faire sans inconvénient majeur pour le consommateur ou imposerait au professionnel des frais disproportionnés, ou si le défaut de conformité est grave, le consommateur a droit à une réduction du prix ou à la résolution du contrat ([7]). La résolution du contrat ne peut être obtenue si le défaut de conformité est considéré comme « mineur », sauf si le contrat en question est fourni à titre gratuit en contrepartie de la fourniture de données personnelles.

Dans le cadre de la résolution du contrat, une possibilité est prévue à l’article 16 afin que le consommateur puisse récupérer ses données non personnelles. Le consommateur doit ainsi pouvoir récupérer sans frais, dans un délai raisonnable et dans un format couramment utilisé et lisible par machine, tout contenu autre que des données personnelles qui a été créé ou partagé par le consommateur lors de l’utilisation du contenu ou du service numérique. Ce droit à la portabilité des données non personnelles ne s’applique toutefois pas aux contenus n’ayant aucune utilité en dehors du contexte du contenu ou service numérique fourni, n’ayant trait qu’à l’activité du consommateur lorsqu’il utilise le contenu ou service numérique ou pour les données qui ne peuvent être désagrégées. Le considérant 50 de la directive précise que lorsqu’ils appliquent les règles de la présente directive et notamment ces dernières dispositions relatives à la portabilité des données, « les professionnels devraient utiliser des normes, des spécifications techniques ouvertes, des bonnes pratiques et des codes de conduite (…) Dans ce contexte, la Commission pourrait demander aux associations professionnelles et autres organisations représentatives délaborer des normes internationales et des normes de lUnion et détablir un code de conduite susceptible de contribuer à la mise en œuvre uniforme de la présente directive ».

L’article 19 de la directive prévoit également des règles particulières relatives à la modification du contenu ou du service. Lorsque le contrat prévoit que le contenu numérique ou le service numérique est fourni ou est rendu accessible au consommateur pendant une certaine période, le professionnel ne peut modifier le contenu numérique ou le service numérique au-delà de ce qui est nécessaire pour maintenir la conformité du contenu numérique ou du service numérique que si un certain nombre de conditions énumérées par la directive sont remplies ([8]). Le consommateur a droit à la résolution du contrat si la modification a une incidence négative sur l’accès du consommateur au contenu numérique ou au service numérique ou sur l’utilisation par le consommateur du contenu numérique ou du service numérique, sauf si cette incidence négative n’a qu’un caractère mineur ([9]).

B.   Les enjeux de la transposition en droit interne

Ces deux directives sont fondées, en grande partie, sur le principe d’harmonisation maximale, laissant ainsi peu de marge de manœuvre aux États membres dans le cadre de la transposition.

1.   L’état du droit interne

Les règles relatives à la garantie légale de conformité et à la conformité des biens sont prévues au chapitre VII du livre II du titre Ier du code de la consommation. La rédaction actuelle de ces dispositions est pour l’essentielle issue de l’ordonnance n° 2005-136 du 17 février 2005 relative à la garantie de la conformité du bien au contrat due par le vendeur au consommateur, qui a transposé les dispositions de la directive 1999/44/CEE. Des modifications y ont toutefois été apportées à l’occasion de la loi  2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation et plus récemment à l’occasion de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite loi « économie circulaire ».

Les règles relatives à la garantie légale de conformité en droit interne sont conformes au cadre établi par la directive 1999/44/CEE. Les biens couverts par la garantie légale de conformité sont les biens mobiliers corporels neufs ou d’occasion, les biens à fabriquer ou à produire ainsi que l’eau et le gaz vendus en volume ou en quantité déterminée.

Concernant les délais applicables, le dispositif français repose sur les règles suivantes :

– l’article L. 217-12 du code de la consommation dispose que « laction résultant du défaut de conformité se prescrit par deux ans à compter de la délivrance du bien ». Ce délai de prescription fait office en droit interne de délai de responsabilité pour la garantie légale de conformité ;

– depuis la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, le délai au cours duquel la charge de la preuve de l’origine du défaut incombe au vendeur est aligné sur le délai de prescription. Auparavant, cette charge de la preuve ne valait que les six premiers mois suivant l’achat, ce qui était de nature à décourager de nombreux consommateurs de faire jouer la garantie légale au-delà de six mois.

La garantie pour défauts cachés

La garantie légale de conformité doit être distinguée de la garantie pour défauts cachés prévue aux articles 1641 à 1649 du code civil. Cette garantie pour défauts cachés s’applique si les conditions suivantes sont réunies : le défaut était caché, il existait à la date d’achat et il rend le produit inutilisable ou diminue très fortement son usage. Le consommateur doit alors agir dans un délai de 2 ans après la découverte du vice, et non pas à compter de la vente, comme c’est le cas pour la garantie légale de conformité, ce qui peut être plus avantageux pour le consommateur. En revanche et contrairement aux règles qui s’appliquent dans le cadre de la garantie légale de conformité, il revient au consommateur de prouver l’existence du défaut.

La section 3 du chapitre VII du code de la consommation comporte des dispositions relatives à la garantie commerciale, qui prévoient notamment une obligation de mention claire et précise sur le contrat, spécifiant qu’indépendamment de la garantie commerciale, le vendeur reste tenu de la garantie légale de conformité.

À l’occasion des débats autour du projet de loi « économie circulaire », plusieurs amendements portés par la commission des affaires économiques ont modifié le régime de la garantie légale de conformité, ce dernier étant identifié comme l’un des leviers à actionner pour promouvoir une production plus durable des biens. Certains de ces amendements ont anticipé la transposition des directives. Les principales modifications apportées à cette occasion ont été les suivantes :

– l’article 20 de la loi a introduit un nouvel article L. 211-2 dans le code de la consommation renforçant les obligations d’information du consommateur en prévoyant, sous peine de sanctions ([10]), que « pour certaines catégories de biens fixées par décret, le document de facturation remis au consommateur mentionne lexistence et la durée de la garantie légale de conformité » ;

– l’article L. 217-7 du code de la consommation a été modifié afin d’étendre la durée de garantie légale de conformité pour les biens d’occasion de 6 mois à 1 an. Cette disposition, qui doit entrer en vigueur au 1er janvier 2022, transpose des dispositions prévues dans la directive 2019/771 ;

 dans l’objectif d’encourager la réparation par rapport au remplacement, le nouvel article L. 217-9 du code de la consommation prévoit une extension de la garantie légale de conformité de six mois en cas de réparation du produit ainsi qu’un renouvellement de la garantie légale de conformité de deux ans lorsque le remplacement est choisi par rapport à la réparation. Cette disposition doit également entrer en vigueur au 1er janvier 2022.

L’article 27 de la loi a introduit une série de nouvelles obligations concernant les mises à jour (nouveaux articles L. 217-21 à L. 217-23), inspirées des dispositions de la directive 2019/771. Ces dispositions doivent également entrer en vigueur au 1er janvier 2022. Le Parlement a également formulé une demande de rapport sur la question de l’obsolescence logicielle, les conclusions de ce rapport ayant notamment pour objectif d’alimenter les mesures de transposition des deux directives précitées ([11]).

2.   Limpact de la transposition sur le droit national

La transposition de la directive 2019/771 ne devrait pas introduire de changement d’ampleur sur le régime général de la garantie légale de conformité. Des modifications devront toutefois être apportées, en particulier pour adapter les dispositions du code aux nouvelles règles prévues dans la directive pour les biens comportant des éléments numériques. Ainsi, les délais de garantie devront être adaptés aux cas particuliers des biens comportant des éléments numériques qui prévoient une fourniture de façon continue. Selon les informations fournies par le Gouvernement, les délais concernant la garantie légale de conformité fixés à deux ans ne devraient pas être modifiés. Le délai de présomption d’antériorité de deux ans pour les biens neufs pourra bien être maintenu en droit interne. Il ne sera en revanche pas possible d’aller au-delà.

En outre, des précisions devraient être apportées concernant les obligations d’information qui pèsent sur les vendeurs. Comme cela a été indiqué par le Gouvernement à votre rapporteure, il est notamment envisagé de prescrire l’insertion d’un encadré dans les conditions générales de vente ou tout autre document contractuel pour apporter des informations au consommateur sur l’existence et les modalités d’exercice de la garantie légale.

Concernant la transposition de la directive 2019/770, il n’existe pas, à l’heure actuelle, de disposition prévoyant une garantie légale pour la fourniture de contenus numériques ou de services numériques. Il est donc nécessaire de créer une section dédiée dans le code de la consommation afin d’accueillir ces règles nouvelles. Les dispositions prises en droit national aux fins de transposer la directive sur les contenus et services numériques auront vocation à s’appliquer de manière transversale, que la fourniture ait été réalisée dans le cadre d’un contrat de vente, d’un contrat de prestation de services ou encore d’un contrat de location.

Enfin, comme cela a été confirmé par le Gouvernement à votre rapporteure, les mesures de transposition ne devraient pas affecter de façon substantielle les dispositions votées à l’occasion de la loi 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à léconomie circulaire.

II.   Les dispositions du projet de loi initial

L’article 1er du projet de loi initial habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance et dans un délai de douze mois à compter de la publication de la loi les mesures nécessaires à la transposition des directives 2019/770 et 2019/771 ainsi que les mesures de coordination nécessaires à cette transposition. Le projet de loi de ratification doit être déposé dans un délai de 3 mois à compter de la publication de l’ordonnance.

III.   Les dispositions adoptÉes au SÉnat

Lors du passage en commission au Sénat, le délai dhabilitation a été réduit à dix mois, afin dassurer la conformité du droit français avec les dispositions de la directive qui prévoit une transposition au plus tard pour le 1er juillet 2021.

IV.   La position de la commission

La commission a adopté cet article modifié par un amendent rédactionnel de votre rapporteure (CE75).

Votre rapporteure se félicite de la transposition à venir des directives 2019/770 et 2019/771, qui permettra des avancées importantes pour la protection des consommateurs et la réalisation du marché unique du numérique. Remédier aux distorsions de concurrence constitue un préalable essentiel pour doter les entreprises françaises et européennes des moyens nécessaires pour développer leur potentiel de croissance sur un marché à échelle européenne.

Sur le plan du numérique, les nouvelles mesures prévues dans les directives concernant les obligations de mises à jour vont dans le bon sens et répondent à des attentes fortes des citoyens européens, notamment dans le cadre de la lutte contre lobsolescence programmée. La directive 2019/770 consacre une évolution notable en considérant explicitement que la fourniture des données personnelles constitue en quelque sorte léquivalent du « prix » fourni par le consommateur, dans le cadre dun contrat de fourniture dun service ou dun contenu numérique. Les nouvelles possibilités prévues en la matière concernant la portabilité des données sont également à saluer. Votre rapporteure tient à souligner que leur mise en œuvre nécessitera de solliciter lensemble des parties prenantes et de construire des standards techniques appropriés, dans lesprit des dispositions figurant au considérant 50 de ladite directive.

Enfin, les modifications apportées par le Sénat concernant le délai de publication de lordonnance sont pleinement justifiées.

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Article 2
Habilitation à transposer la directive 2019/2161 « omnibus »

Adopté par la commission sans modifications.

 

L’article 2 du présent projet de loi habilite le Gouvernement à transposer la directive « omnibus »([12]). Celle-ci contient un ensemble de règles nouvelles visant à mieux protéger les consommateurs, notamment via l’harmonisation et le renforcement des régimes de sanctions applicables en la matière, le renforcement de la lutte contre les faux avis en ligne, des mesures concernant la transparence des informations relatives aux réductions de prix, des mesures pour mieux lutter contre les différences de qualité de produits de consommation vendus sous une même marque et de nouvelles obligations d’information pesant sur les plateformes en ligne.

I.   L’ÉtaT du droit

A.   Les principales dispositions de la directive « omnibus »

Dans le cadre du programme pour une réglementation affûtée et performante (REFIT), la Commission européenne a réalisé entre 2016 et 2017 un bilan relatif au droit de la consommation. Celui-ci a mis en évidence un certain nombre de difficultés tenant notamment au manque de sensibilisation des professionnels et des consommateurs. Face à ce constat, la Commission a annoncé une stratégie pour une nouvelle donne en faveur des consommateurs. La directive 2019/2161 ([13]), dite directive « omnibus », constitue l’un des principaux piliers de cette nouvelle stratégie. Elle doit être transposée au plus tard le 28 novembre 2021, pour une application à compter du 28 mai 2022. Elle modifie les quatre directives suivantes :

– la directive 2005/29/CE relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs ;

– la directive 2011/83/UE relative aux droits des consommateurs ;

– la directive 93/13/CEE concernant les clauses abusives dans les contrats ;

– la directive 98/6/CE relative à l’indication des prix.

1.   Le régime de sanctions

La directive harmonise et renforce le régime de sanctions en cas de manquements aux dispositions protégeant les consommateurs. La directive fixe notamment des critères communs devant être pris en compte par les autorités nationales pour évaluer la gravité des infractions et prononcer des sanctions (chiffre d’affaires, bénéfice net, récidive de l’infraction). Les États membres doivent également prévoir dans leurs législations une sanction pouvant atteindre jusqu’à 4 % du chiffre d’affaires annuel en cas d’infraction de grande ampleur ou en cas d’infraction de grande ampleur à l’échelle de l’Union ([14]). Si les informations relatives au chiffre d’affaires ne sont pas disponibles, les États membres devront infliger des amendes dont le montant maximal ne peut être inférieur à 2 millions d’euros.

2.   Les annonces de réduction de prix

Larticle 2 de la directive complète la directive 98/6/CE relative à lindication de prix. Un nouvel article 6 bis prévoit des mesures pour encadrer les annonces de réduction de prix, afin de renforcer la loyauté des informations communiquées aux consommateurs. Il est ainsi prévu que toute annonce d’une réduction de prix indique le prix antérieur appliqué par le professionnel pendant une durée déterminée avant l’application de la réduction de prix. L’objectif est notamment d’éviter les pratiques consistant pour un professionnel à augmenter artificiellement ses prix afin d’annoncer une réduction de prix plus importante qu’elle ne l’est en réalité. Comme le précise la directive, le prix antérieur fait référence au prix le plus bas appliqué pendant une période d’au moins 30 jours précédant l’annonce de la réduction. Les États membres peuvent prévoir des exceptions pour les biens susceptibles de se détériorer ou d’expirer rapidement. Lorsque le produit est commercialisé depuis moins de 30 jours, les États membres peuvent également prévoir une période plus courte.

3.   Le cadre applicable aux visites non sollicitées d’un professionnel

Les articles 3 et 4 de la directive ouvrent la possibilité pour les États membres d’adopter des mesures plus strictes pour lutter contre les pratiques commerciales ou de vente agressives ou trompeuses s’inscrivant dans le cadre de visites non sollicitées d’un professionnel au domicile d’un consommateur ou d’excursions commerciales. En particulier, les États membres peuvent dans ce cas porter la période de rétractation de 14 à 30 jours. La directive précise que de telles dispositions doivent être proportionnées, non discriminatoires et justifiées par des motifs liés à la protection des consommateurs.

4.   Différence de qualité des produits de consommation vendus sous la même marque

L’article 3 de la directive modifie l’article 6 de la directive 2005/29/CE afin d’ajouter à la liste des actions trompeuses toute activité de commercialisation présentant un bien dans un État membre comme identique à un bien commercialisé dans d’autres États membres, alors que ces biens diffèrent, à moins que cela ne soit justifié par des facteurs légitimes et objectifs. L’objectif est de lutter plus efficacement contre la différence de qualité des produits de consommation au sein de l’Union européenne vendus sous une même marque.

5.   Lutte contre les faux avis

L’article 3 de la directive complète également le cadre concernant les omissions trompeuses en introduisant de nouvelles dispositions concernant les faux avis, en modifiant la directive 2005/29/CE relative aux pratiques commerciales déloyales. Le gestionnaire d’avis en ligne doit indiquer l’existence de processus visant à garantir l’authenticité des avis publiés et apporter des détails sur le fonctionnement de ces processus. Ces informations sont considérées comme substantielles ([15]). La directive prévoit également que le fait d’indiquer que l’avis est authentique sans que des mesures suffisantes n’aient été prises pour le démontrer constitue une pratique déloyale. En outre, la publication de faux avis client est interdite ([16]).

6.   Nouvelles obligations pesant sur les places de marché en ligne

Un nouvel article 6 bis est introduit à la directive 2011/83/UE relative aux droits des consommateurs. Il comporte des exigences spécifiques supplémentaires en matière d’informations applicables aux contrats conclus sur des places de marché en ligne. L’article 6 bis prévoit que les places de marché en ligne informent les consommateurs des principaux paramètres qui déterminent le classement des offres. Les places de marché devront également indiquer au consommateur si le cocontractant est un professionnel ou un non-professionnel. En outre, les consommateurs devraient être informés du mode de répartition des obligations liées au contrat entre les tiers proposant les biens, les services ou les contenus numériques et les fournisseurs de places de marché en ligne. La directive laisse par ailleurs une marge de manœuvre aux États pour adopter ou maintenir des mesures spécifiques supplémentaires à cet effet, à condition qu’elles soient proportionnées, non discriminatoires et sans préjudice de la directive 2000/31/CE.

7.   Nouvelles règles d’information et de protection des consommateurs applicables aux services numériques gratuits

Le champ d’application de la directive 2011/83/UE relative aux droits des consommateurs est étendu aux services numériques gratuits tels que les téléchargements de logiciels ou les réseaux sociaux.

8.   Information du consommateur sur l’application d’un prix personnalisé à partir d’un algorithme

La directive introduit également une obligation dinformation sur les prix personnalisés. Comme l’indique le considérant 45 « les professionnels peuvent personnaliser le prix de leurs offres pour des consommateurs ou des catégories de consommateurs spécifiques au moyen dune prise de décision automatisée qui procède à une analyse et à un profilage du comportement du consommateur permettant aux professionnels dévaluer le pouvoir dachat de ce dernier. Lorsque le prix soumis est personnalisé sur la base dune prise de décision automatisée, les consommateurs devraient en être clairement informés, de sorte quils puissent tenir compte des risques potentiels que comporte leur décision dachat ». Si ces prix personnalisés sont encore très peu utilisés, le législateur européen a fait le choix d’anticiper ce phénomène qui pourrait connaître un développement important dans les années à venir.

B.   Les enjeux de la transposition

Le cadre posé en droit national répond déjà à la majorité des obligations prévues par la directive, qui s’est en partie inspirée des dispositions déjà existantes en droit français. Un certain nombre de modifications restent toutefois nécessaires.

1.   Nouvelles sanctions

Concernant le régime des sanctions, l’étude d’impact indique que « la transposition de la directive nécessitera de définir des dispositions dadaptation du droit relatives au régime de sanction relatif aux infractions et aux manquements constatés pour la mise en œuvre des directives révisées ». Interrogé par votre rapporteure, le Gouvernement a précisé que devraient être introduites ou modifiées dans le code de la consommation des sanctions relatives :

– aux clauses dont le caractère abusif aura été reconnu par un juge (amendes civiles) ;

– aux manquements portant sur l’encadrement des annonces de réductions de prix (amendes administratives) ;

– aux manquements portant sur la mise en œuvre du droit de rétractation dans le cadre des contrats conclus à distance et hors établissement.

En outre, le droit interne devra prévoir des dispositions visant à sanctionner les infractions de grande ampleur et les infractions de grande ampleur à l’échelle de l’Union à hauteur d’au moins 4 % du chiffre d’affaires de la société ou à hauteur de 2 millions d’euros lorsque les informations relatives au chiffre d’affaires ne sont pas disponibles.

2.   Annonce concernant les réductions de prix

Concernant les nouvelles règles encadrant linformation du consommateur en cas de réduction du prix dun produit par un professionnel, la transposition nécessite, comme le précise l’étude d’impact, une adaptation du chapitre II du titre Ier du livre Ier du code de la consommation sur les prix et conditions de vente.

En droit français, les annonces de réduction de prix sont actuellement réglementées par l’arrêté du 11 mars 2015 relatif aux annonces de réduction de prix à légard du consommateur. Selon cet arrêté, le prix de référence, à partir duquel est calculée l’annonce de réduction de prix, est librement déterminé par le professionnel, qui doit pouvoir justifier de sa loyauté et de sa réalité. Dans le cas contraire, une réduction de prix peut être condamnée au titre des pratiques commerciales trompeuses (articles L. 121-2 à L. 121-5 du code de la consommation). Auparavant, les annonces de réduction de prix étaient encadrées plus strictement par un arrêté du 31 décembre 2008 relatif aux annonces de réduction de prix à l’égard du consommateur. Celui-ci définissait la notion de prix de référence et obligeait les annonceurs à en faire mention. Le prix de référence ne pouvait ainsi « excéder le prix le plus bas effectivement pratiqué par lannonceur pour un article ou une prestation similaire, dans le même établissement de vente au détail ou site de vente à distance, au cours des trente derniers jours précédant le début de la publicité. ». Ces règles ont toutefois été remises en cause à loccasion d’une décision rendue par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), qui a considéré ce type de réglementation contraire à la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur. En effet, selon l’interprétation de la juridiction européenne, cette directive « soppose à des dispositions nationales (…) qui prévoient une interdiction générale, sans évaluation au cas par cas permettant détablir le caractère déloyal, des annonces de réduction de prix qui ne font pas apparaître le prix de référence lors du marquage ou de laffichage des prix (…) ».

La transposition de l’article 6 bis rend nécessaire l’introduction de règles nouvelles sur les annonces de réduction de prix. Conformément à la directive, des dispositions devront être introduites en droit interne afin d’obliger le professionnel pratiquant une réduction de prix à faire état du prix antérieur pratiqué au cours d’une période ne pouvant être inférieure à 30 jours. Votre rapporteure considère sur ce point qu’il est essentiel de s’en tenir à la lettre de la directive et de distinguer les règles concernant le prix de référence de celles concernant le prix antérieur. Ainsi, les situations où il n’existe pas de prix antérieur pratiqué par le professionnel, ce qui est par exemple le cas des activités de déstockage, ne sont pas concernées par cette nouvelle réglementation, selon la lecture que votre rapporteure fait de la directive. Cette interprétation est également celle de la Commission européenne, comme l’indiquent plusieurs courriers transmis à votre rapporteure. Or, sur ce point, l’exposé des motifs entretient une certaine confusion en donnant pour objectif à la transposition celui « dencadrer les annonces de réduction de prix par la nécessité pour le professionnel de justifier dun prix de référence ». Cette confusion nourrit une inquiétude importante d’un certain nombre de professionnels que votre rapporteure a pu entendre lors des auditions. Lors des échanges que votre rapporteure a eu avec le Gouvernement, ce dernier a affirmé vouloir s’en tenir à une transposition stricte de la directive. Votre rapporteure insiste sur la nécessité d’éviter les surtranspositions qui pourraient créer des distorsions de concurrence sur le marché intérieur. Elle souhaite également souligner l’importance de consulter l’ensemble des parties concernées dans le cadre de la rédaction à venir de l’ordonnance de transposition.

3.   Lutte contre les faux avis

Sur les règles relatives aux faux avis, le droit national prévoit depuis la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique, un cadre législatif robuste en la matière, qui a d’ailleurs largement inspiré le législateur européen.  Les pratiques relatives aux faux avis sont prohibées par la loi. L’article L.121-4 du code de la consommation dispose ainsi que « sont réputées trompeuses, au sens des articles L. 121-2 et L. 121-3, les pratiques commerciales qui ont pour objet : (…) 21° De faussement affirmer ou donner limpression que le professionnel nagit pas à des fins qui entrent dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ou de se présenter faussement comme un consommateur ». L’article L. 111-7-2 du même code impose également aux gestionnaires d’avis en ligne des obligations d’information concernant les modalités de publication et de traitement des avis. Outre des mesures de coordination, le Gouvernement a indiqué à votre rapporteure que la transposition devrait principalement consister à introduire de nouvelles qualifications de pratiques commerciales trompeuses dans les cas suivants :

– « affirmer que des avis sur un produit sont envoyés par des consommateurs qui ont effectivement utilisé ou acheté le produit, sans prendre des mesures raisonnables et proportionnées pour vérifier quils émanent de tels consommateurs » ;

– « envoyer ou charger une autre personne morale ou physique denvoyer de faux avis ou de fausses recommandations de consommateurs, ou déformer des avis de consommateurs ou des recommandations sociales afin de promouvoir des produits ».

Enfin, des modifications devront également être apportées afin de préciser que lorsqu’un professionnel donne accès à des avis de consommateurs sur les produits, les informations permettant d’établir si et comment le professionnel garantit que les avis publiés émanent de consommateurs ayant effectivement utilisé ou acheté le produit sont réputées substantielles.

4.   Obligations d’information à l’endroit des plateformes en ligne

Concernant les obligations d’information des plateformes en ligne à l’endroit du consommateur, le droit national répond déjà globalement aux obligations de la directive. En effet, la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique a introduit à l’article L. 111-7 du code de la consommation une définition des opérateurs de plateformes en ligne ([17]). Ces derniers doivent « délivrer au consommateur une information loyale, claire et transparente » concernant le fonctionnement du service d’intermédiation proposé et les facteurs influençant le référencement et le classement. L’article L. 111-7-1 du code de la consommation impose aux plateformes dont le nombre de visiteurs mensuels dépasse les 5 millions, l’obligation de publier des guides de bonnes pratiques en matière de transparence de l’information communiquée aux consommateurs. Il convient de relever que le champ d’application retenu en droit national est plus large que celui prévu par le droit européen : le cadre national s’applique aux plateformes de référencement et de classement ainsi qu’aux plateformes de mise en relation en vue de la vente d’un bien, tandis que le cadre européen vise uniquement les secondes. La transposition devrait principalement se limiter à des mesures de mise en cohérence et de coordination.

5.   Autres mesures de transposition

Lordonnance contiendra également dautres mesures de transposition nécessaires et notamment celles relatives à la double qualité des produits ainsi quaux prix personnalisés.

Concernant la marge de manœuvre laissée aux États membres sur les règles de rétractation en cas de vente à domicile, le Gouvernement a indiqué à votre rapporteure que ces points devraient être prochainement abordés dans le cadre d’un groupe de travail mis en place par la Commission européenne en vue de faciliter l’exercice de transposition de la directive 2019/2161 et dont les travaux ont été interrompus en raison de la crise sanitaire. Il convient, en effet, de préciser les marges de manœuvre dont disposent les États membres en la matière s’agissant tout particulièrement du renforcement de la protection des consommateurs face aux pratiques commerciales ou de vente agressives ou trompeuses s’inscrivant dans le cadre de visites non sollicitées d’un professionnel au domicile d’un consommateur ou d’excursions commerciales organisées par un professionnel. Votre rapporteure a entendu en audition les craintes exprimées par les professionnels de ce secteur. Il reviendra au Gouvernement d’assurer une large consultation dans le cadre de la préparation de l’ordonnance de transposition.

II.   Les dispositions du projet de loi initial

L’article 2 du présent projet de loi dans sa version initiale habilite le Gouvernement à prendre dans un délai de dix-huit mois à compter de la publication de la présente loi, les mesures de transposition de la directive « omnibus » ainsi que les mesures de coordination et d’adaptation de la législation liées à cette transposition. Un projet de loi de ratification doit être déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication l’ordonnance.

III.   Les dispositions votÉes au SÉnat

Les sénateurs ont adopté un amendement du rapporteur de la commission des affaires économiques qui réduit le délai d’habilitation à quatorze mois, afin de le mettre en cohérence avec le délai fixé par la directive.

IV.   la position de la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

La transposition de la directive « omnibus » devrait introduire un certain nombre de progrès significatifs pour les consommateurs, dont il faut se féliciter. La prise en compte croissante des problématiques liées à la consommation en ligne permet de moderniser le droit de la consommation et de l’adapter aux attentes des consommateurs.

Il conviendra au stade la rédaction de l’ordonnance d’éviter les surtranspositions qui peuvent porter atteinte au bon fonctionnement du marché intérieur et créer des distorsions de concurrence au détriment de l’économie française. Dans cet objectif, il conviendra en particulier de veiller à la bonne transposition des règles relatives à l’information sur le prix antérieur dans le cadre des annonces de réduction de prix, comme indiqué supra. Votre rapporteure souhaite insister sur la nécessité de consulter l’ensemble des parties prenantes dans le cadre de la préparation de l’ordonnance.

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Article 3
(articles L. 132-24-1, L. 141-2 [nouveaux] et L. 511-7 du code de la consommation)
Adaptation du droit national au règlement européen sur le blocage géographique injustifié

Adopté par la commission avec modifications.

 

L’article 3 du présent projet de loi vise à garantir l’effectivité du règlement européen 2018/302 visant à contrer le blocage géographique et d’autres formes de discrimination à travers l’adoption d’un régime de sanction administrative adapté.

I.   l’État du droit

Lobjectif général du règlement (UE) 2018/302 visant à contrer le blocage géographique et dautres formes de discrimination ([18]) est doctroyer aux clients, quils soient consommateurs ou professionnels, un meilleur accès aux biens et aux services dans le marché unique, en empêchant la discrimination directe et indirecte en fonction du lieu de résidence. Les clients peuvent être confrontés à des différences de traitement en fonction de leur lieu de résidence lorsqu’ils achètent en ligne ou en magasin (lorsque le magasin se situe dans un autre État membre). En particulier, la pratique du blocage en ligne a été identifiée comme un frein important à la constitution du marché unique. Selon une enquête de la Commission européenne, en 2015, 63 % des sites internet observés pratiquaient le « blocage géographique ».

Les biens et services couverts par le règlement sont les biens neufs ou d’occasion vendus en ligne et livrés dans un État membre, les services numériques non protégés par le droit d’auteur et les services fournis dans le pays du professionnel.

De façon plus précise, le règlement comporte trois dispositions principales, qui portent sur :

– laccès aux interfaces en ligne : l’article 3 du règlement interdit les pratiques consistant pour le professionnel à bloquer ou limiter l’accès d’un client à l’interface en ligne du professionnel pour des motifs liés à la nationalité, au lieu de résidence ou au lieu d’établissement du client. L’article 3 interdit également les redirections automatiques vers un site internet national. Les redirections doivent ainsi être soumises au consentement exprès du consommateur. Des exceptions existent lorsque le blocage, la limitation de l’accès ou la redirection sont nécessaires pour satisfaire une exigence légale. Le consommateur doit alors être clairement informé de ces raisons par le professionnel ;

 laccès aux biens et services : l’article 4 du règlement prohibe le fait pour les professionnels de pratiquer des conditions générales d’accès aux biens ou services qui diffèrent en fonction de la nationalité, du lieu de résidence ou du lieu d’établissement du client.  Pour les biens, cette interdiction s’applique dans deux cas : si le client se fait livrer en un lieu situé dans un État membre vers lequel la livraison est proposée dans les conditions générales ou si le client retire le bien dans un lieu défini d’un commun accord. Pour les services, lorsqu’ils sont fournis par voie électronique, l’interdiction ne s’applique pas aux petites entreprises. Lorsque le service n’est pas fourni par voie électronique, l’interdiction s’applique uniquement lorsque le client cherche à obtenir ces services en un lieu situé sur le territoire d’un État membre dans lequel le professionnel exerce son activité ;

 les discriminations pour des motifs liés au paiement : l’article 5 prévoit que le professionnel ne peut appliquer des conditions différentes pour les opérations de paiement pour des motifs liés à la nationalité, au lieu de résidence ou au lieu d’établissement d’un client, à la localisation du compte de paiement, au lieu d’établissement du prestataire de services de paiement ou au lieu d’émission de l’instrument de paiement dans l’Union. Cette interdiction est valable à condition que l’opération de paiement soit effectuée moyennant une opération électronique, que les exigences en matière d’authentification soient remplies et que les opérations de paiement soient effectuées dans une devise que le professionnel accepte.

Le règlement est dapplication directe. Il est applicable depuis le 3 décembre 2018. Toutefois, le règlement renvoie aux États membres le soin de prendre un certain nombre de mesures garantissant son effectivité. Ainsi, larticle 7 impose aux États membres de désigner un ou plusieurs organismes chargés du contrôle adéquat et effectif de lapplication du règlement et de déterminer les règles établissant des mesures effectives, proportionnées et dissuasives applicables aux violations des dispositions du règlement. Or, la France n’a pas mis en place de telles mesures et fait à ce titre l’objet d’une mise en demeure de la Commission européenne, prononcée le 26 juillet 2019  ([19]).

II.   Les dispositions du projet de loi initial

Le 1° de larticle 3 instaure une nouvelle sous-section dans le code de la consommation intitulée « sous-section 10 – Blocage géographique injustifié ». Cette sous-section comporte un nouvel article. L. 132-24-1, qui prévoit un régime de sanctions administratives afin de punir les manquements aux articles 3, 4 et 5 du règlement. Les montants prévus pour la sanction sont de 15 000 euros pour une personne physique et de 75 000 euros pour une personne morale. L’amende est prononcée dans les conditions de droit commun prévu par le code de la consommation au chapitre II du titre II du livre V (prescription triennale, respect du contradictoire).

Le 2° de larticle 3 complète larticle L. 511-7 du code de la consommation afin dhabiliter les agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraude (DGCCRF) à constater lesdits manquements.

Enfin, le 3° de larticle 3 rend applicables ces règles nouvelles à Saint‑Barthélémy et Saint-Pierre et Miquelon, à travers un nouvel article L. 141-2 du code de la consommation.

III.   Les dispositions adoptÉes au SÉnat

Le Sénat a adopté en commission des affaires économiques deux amendements du rapporteur de coordination juridique.

IV.   La position de la commission

La commission a adopté cet article modifié par deux amendements rédactionnels de votre rapporteure (CE76 et CE77).

Les mesures prévues à l’article 3 permettront d’approfondir la construction du marché unique du numérique, trop souvent entravée par des mesures de blocages et de discrimination selon le lieu où se situe le consommateur. Elles sont essentielles afin d’assurer la conformité du droit français avec les dispositions du droit de l’Union européenne, comme en témoigne la mise en demeure précitée.

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Article 4
(articles L. 121-23, L. 132-24-2 [nouveaux] et L. 511-15 du code de la consommation)
Lutte contre le blocage géographique injustifié sur le territoire national

Adopté par la commission avec modifications.

 

Afin de lutter contre les pratiques discriminatoires en outre-mer, l’article 4 reprend les dispositions de l’article 3 du présent projet de loi afin de les rendre applicables dans le cadre du territoire national.

I.   L’État du droit

Comme le précise le point 2 de l’article 1er du règlement 2018/302, celui-ci ne s’applique pas aux situations purement internes à un État membre. Il n’existe donc pas en droit interne de dispositions spécifiques permettant de lutter contre les situations de blocage géographique et de discrimination en fonction du lieu de résidence du consommateur. Or, une telle réglementation pourrait être utile pour faciliter l’accès des consommateurs ultramarins au commerce électronique, comme le relève l’Autorité de la concurrence dans son avis 19-A-12 de juillet 2019. Selon l’Autorité de la concurrence, « cela permettrait dassurer une protection aux internautes ultramarins contre les mesures de blocage géographique et les discriminations susceptibles dêtre mises en œuvre par les enseignes de commerce en ligne, bien que linstruction menée dans le cadre du présent avis nait pas révélé lexistence de telles pratiques ».

II.   Les dispositions du projet de loi

Le 1° de larticle 4 complète le chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de la consommation par une nouvelle section 12 intitulée « Lutte contre le blocage géographique injustifié ». Cette nouvelle section comporte un article L. 121-23 qui reprend les dispositions prévues par le règlement européen précité, afin de permettre leur application sur le territoire national. En pratique, ce sont les territoires ultramarins qui sont visés par cette disposition, même si la rédaction ne le précise pas.

Le 1° de l’article L. 121-23 interdit de bloquer ou de limiter laccès dun consommateur à son interface en ligne pour des motifs liés au lieu de résidence sur le territoire national de ce consommateur. Il interdit à un professionnel de rediriger, pour des motifs liés à son lieu de résidence, un consommateur vers une version de son interface en ligne qui est différente de celle à laquelle il a initialement voulu accéder, sauf sil a expressément donné son consentement à cet effet. Ces interdictions ne sont pas applicables lorsque le blocage ou la limitation de laccès ou la redirection sont nécessaires en vue de satisfaire une exigence légale applicable aux activités du professionnel.

Le 2° de larticle L. 121-23 interdit dappliquer, pour des motifs liés au lieu de résidence sur le territoire national du consommateur, des conditions générales de vente de biens ou de fourniture de services différentes dans les cas où le consommateur cherche à :

 acheter des biens et que ces biens sont retirés dans un lieu défini dun commun accord entre le consommateur et le professionnel ;

 obtenir des services fournis par un professionnel par voie électronique ;

– obtenir des services d’un professionnel autres que des services fournis par voie électronique, en un lieu situé dans la zone géographique où le professionnel exerce son activité.

Le 3° de larticle L. 121-23 interdit les discriminations relatives aux opérations de paiement dans des conditions similaires à celles prévues par le règlement européen détaillées supra.

Le 2° de larticle 4 du présent projet de loi introduit un nouvel article L. 132-24-2 dans le code de la consommation, qui prévoit des sanctions administratives en cas de manquements aux dispositions prévues au nouvel article L. 121-23. Les sanctions sont les mêmes que ceux prévues à l’article 3 du présent projet de loi, avec un montant maximal de 15 000 euros pour une personne physique et 75 000 euros pour une personne morale.

Enfin, le 3° de larticle 4 habilite les agents de la DGCCRF à sanctionner lesdits manquements en complétant la liste prévue à larticle L. 511-5 du code de la consommation.

Il convient de noter que contrairement au règlement européen précité, cette rédaction ne vise que les consommateurs et non pas le « client », notion qui peut faire référence au consommateur ou au professionnel.

III.   Les dispositions adoptÉes par le SÉnat

En commission, cinq amendements portés par le rapporteur de la commission des affaires économiques ont été adoptés. Ces derniers ont pour objectif de « calquer » de façon plus précise les dispositions de larticle 4 sur celles déjà existantes dans le règlement européen 2018/302, dans le sens dun renforcement de la protection des consommateurs. Ainsi :

 les sénateurs ont introduit, sur le modèle des dispositions du règlement européen, une obligation dinformation pesant sur le professionnel en cas de blocage justifié ;

– les sénateurs ont enrichi l’obligation de non-discrimination dans les conditions de vente s’agissant de la livraison de biens, aux cas où le bien est livré en un lieu vers lequel la livraison est proposée dans les conditions générales de vente, là encore sur le modèle des dispositions prévues dans le droit européen.

Enfin, des modifications d’ordre rédactionnel ont également été apportées.

IV.   La position de la commission

La commission a adopté cet article modifié par cinq amendements rédactionnels de votre rapporteure (CE78, CE79, CE80, CE81 et CE82).

Votre rapporteure considère ces mesures bienvenues et utiles pour garantir aux consommateurs ultramarins un accès équitable au commerce électronique.

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Article 4 bis
(articles L. 32, L. 104 à L. 113 [nouveaux] et L. 130 du code des postes et des communications électroniques ; articles L. 420-2-1 [nouveau] et L. 450-3 du code de commerce ; articles L. 111-7-3 [nouveau],  L. 131-4 et L. 512-1 du code de la consommation)
Instauration dune régulation des plateformes numériques

Supprimé par la commission.

 

L’article 4 bis reprend les dispositions de la proposition de loi sénatoriale visant à garantir le libre choix du consommateur dans le cyberespace. Il s’agit de prévoir en droit national une nouvelle régulation des plateformes numériques articulée autour de trois piliers : la neutralité des terminaux, le contrôle des concentrations impliquant une plateforme « structurante » et l’interopérabilité des plateformes. Des mesures sont également prévues pour lutter contre les interfaces trompeuses.

I.   Les dispositions adoptÉes au SÉnat

L’article 4 bis a été adopté en séance publique au Sénat à l’initiative d’un amendement déposé par la sénatrice Sophie Primas (LR), présidente de la commission des affaires économiques. Il reprend les dispositions qui figurent dans la proposition de loi sénatoriale visant à garantir le libre choix du consommateur dans le cyberespace déposée également par la sénatrice Sophie Primas et adoptée en séance publique au Sénat le 19 février 2020. Celle-ci s’articule autour de trois axes : le premier vise à garantir la neutralité des terminaux, le deuxième concerne l’interopérabilité des plateformes en ligne et le dernier réforme le contrôle des concentrations pour l’adapter aux spécificités des acquisitions réalisées par les plateformes numériques structurantes. À l’occasion de l’examen en séance publique de la proposition de loi, de nouvelles dispositions ont également été adoptées sur la question des interfaces trompeuses. Celles-ci sont également reprises dans le cadre du présent article 4 bis.

A.   LibertÉ de choix des utilisateurs concernant les terminaux

1.   Les débats autour de la neutralité des terminaux

Principe fondateur d’internet, le droit européen garantit la neutralité dinternet dans le cadre du règlement européen du 25 novembre 2015 sur linternet ouvert ([20]). Ainsi, larticle 3 du règlement dispose que : les utilisateurs finals ont le « droit daccéder aux informations et aux contenus et de les diffuser, dutiliser et de fournir des applications et des services et dutiliser les équipements terminaux de leur choix, quel que soit le lieu où se trouve lutilisateur final ou le fournisseur, et quels que soient le lieu, lorigine ou la destination de linformation, du contenu, de lapplication ou du service, par lintermédiaire de leur service daccès à internet ».

Dans la continuité du règlement européen, la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique a introduit plusieurs modifications dans le code des postes et des communications électroniques (CPCE) afin de garantir l’effectivité du principe. L’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) assure le contrôle de la neutralité d’internet par les opérateurs des télécoms, peut infliger des sanctions le cas échéant (articles L. 36-7 et L. 36-11 du CPCE) et constitue l’instance en charge du mécanisme de règlement des différends (article L. 36-8 du CPCE).

Si le principe de neutralité du net est donc garanti, plusieurs acteurs considèrent qu’il est en réalité limité du fait de l’absence de la neutralité des terminaux. Les terminaux recouvrent l’ensemble des dispositifs matériels par lesquels un utilisateur accède à internet : téléphone portable, enceintes connectées, ordinateur, etc. Si l’ARCEP dispose d’un pouvoir de régulation des opérateurs des réseaux télécoms, ce pouvoir ne trouve pas d’équivalent pour ce qui concerne les fournisseurs de système d’exploitation des terminaux. Pour l’ARCEP, il s’agit d’une limite apportée de facto au principe de neutralité du net, puisqu’elle ne peut pas intervenir directement pour réguler des pratiques telles que celles consistant par exemple à rendre impossible la suppression d’application préinstallée ou à limiter les possibilités d’accès aux magasins d’application pour les développeurs. Ces pratiques peuvent certes être d’ores et déjà être sanctionnées dans le cadre du droit commun de la concurrence – pour autant qu’un abus de position dominante puisse être démontré ([21]) – et du droit des pratiques restrictives (L. 442-1 à L. 442-10 du code de commerce). Mais pour de nombreux acteurs et experts, les sanctions applicables a posteriori sont insuffisantes. Ce constat a ainsi été dressé par plusieurs rapports parlementaires présentés ces derniers mois ([22]). Dans cette lignée, le Gouvernement français défend ainsi la mise en place d’un mécanisme de régulation ex ante des terminaux à l’échelle européenne, dans le cadre des négociations autour du futur paquet européen intitulé « Digital Services Act », détaillé ci-dessous.

2.   Les dispositions adoptées par les sénateurs

Le 2° du I de l’article 4 bis apporte plusieurs modifications au CPCE dans l’objectif d’instaurer un dispositif garantissant la neutralité des terminaux. Il s’agit là de la reprise des dispositions initialement prévues au chapitre 1er « Libre choix de l’utilisateur des terminaux » de la proposition de loi sénatoriale précitée. La rédaction proposée par les sénateurs (alinéas 12 à 45) introduit un nouveau chapitre II dans le CPCE intitulé : « Protection du libre choix de lutilisateur de terminaux », composé de cinq nouveaux articles. Le texte confie globalement au ministre chargé du numérique et à lARCEP le soin de prendre des mesures équitables et proportionnées en vue datteindre lobjectif de protection de la liberté de choix des utilisateurs déquipements terminaux (nouvel article L. 104 du CPCE). Afin de donner corps à cet objectif, un article L. 105 prévoit de nouvelles obligations à lendroit des fournisseurs de système dexploitation, définis comme « toute personne qui, à titre professionnel, édite ou adapte le système dexploitation déquipements terminaux permettant laccès à des services de communication au public en ligne ou qui édite ou adapte tout autre logiciel contrôlant laccès aux fonctionnalités desdits équipements ». Les fournisseurs de système d’exploitation sont dans l’obligation de ne pas limiter de façon injustifiée l’exercice par les utilisateurs non professionnels des équipements de terminaux du droit :

– d’accéder aux informations et contenus de leurs choix ;

– de les diffuser ;

– et d’utiliser et de fournir des applications et des services.

Un nouvel article L. 106 dote le ministre chargé du numérique ainsi que lARCEP dun droit daccès à linformation détenue par les fournisseurs de système dexploitation, afin de vérifier que ces derniers sacquittent bien de leurs obligations. Un article 107 prévoit que lARCEP encourage la mise à disposition, dans le respect des secrets protégés par la loi, des informations susceptibles de favoriser la liberté de choix des utilisateurs non professionnels déquipements terminaux. Dans cette optique, des outils dévaluation et de comparaison des pratiques des fournisseurs de système dexploitation doivent être élaborés.

Un article L. 108 introduit un mécanisme de règlement des différends pour les cas où un désaccord surgit entre un utilisateur professionnel et un fournisseur de système d’exploitation sur la mise en œuvre des obligations prévues à l’article L. 105. Ce mécanisme de règlement des différends s’inspire en tout point du mécanisme déjà prévu à l’article L. 36-8 pour les différends en matière d’accès ou d’interconnexion à un réseau de communications électroniques. L’ARCEP peut ordonner des mesures conservatoires en cas d’atteinte grave et immédiate aux dispositions de l’article L. 105 et après avoir entendu les parties. Un pouvoir de sanction est également prévu pour lARCEP (article L. 109) avec une sanction pouvant atteindre un montant maximal de 2 % du chiffre daffaires mondial hors taxes. En cas de récidive, le taux peut atteindre 4 %.  À défaut dactivité permettant de déterminer ce plafond, le montant de la sanction ne peut excéder 150 000 €. Ce montant est porté à 375 000  en cas de nouvelle violation de la même obligation. La procédure de sanction afférente reprend de façon classique celle déjà existante pour un certain nombre dautres infractions dont lARCEP a la charge (mise en demeure, obligations intermédiaires, notification des griefs le cas échéant, transmission du dossier et de la notification à la formation restreinte de lARCEP, respect des règles nécessaires pour garantir le contradictoire).

B.   L’interopérabilitÉ des plateformes en ligne

1.   Les débats autour de l’interopérabilité des plateformes en ligne

a.   Les plateformes en ligne

Depuis la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique, l’article L. 111-7 du code de la consommation définit les plateformes en ligne comme «  toute personne physique ou morale proposant, à titre professionnel, de manière rémunérée ou non, un service de communication en ligne reposant sur : 1° Le classement ou le référencement, au moyen dalgorithmes informatiques, de contenus, de biens ou de services proposés ou mis en ligne par des tiers ; 2° ou la mise en relation de plusieurs parties en vue de la vente dun bien, de la fourniture dun service ou de léchange ou du partage dun contenu, dun bien ou dun service  ». Celles-ci sont soumises à un certain nombre d’obligations en matière d’information du consommateur. En revanche, elles ne sont soumises à aucune règle spécifique en matière d’interopérabilité.

b.   L’interopérabilité

L’interopérabilité désigne la capacité d’un produit ou d’un système à fonctionner avec d’autres produits ou systèmes existants. L’interopérabilité est imposée en droit des télécommunications afin de garantir l’interconnexion des réseaux (article L. 32 du CPCE). L’interopérabilité des équipements radioélectriques est ainsi définie comme l’aptitude de ceux-ci à fonctionner avec le réseau d’une part et avec les autres équipements radioélectriques d’autre part. Ce principe se traduit notamment par l’obligation de portabilité des numéros de téléphones portables. Les plateformes en ligne ne sont quant à elles soumises à aucune obligation en matière d’interopérabilité. Il convient toutefois de noter que l’interopérabilité peut être l’un des remèdes appliqués dans le cadre du droit de la concurrence en cas d’abus de position dominante. Ainsi, en 2004 la Commission européenne a adopté une décision obligeant Microsoft à divulguer des informations complètes et précises sur l’interopérabilité aux concepteurs de systèmes d’exploitation de façon à garantir l’interopérabilité de leurs produits avec Windows ([23]).

2.   Les dispositions adoptées par les sénateurs

Le 1° du I de larticle 4 bis définit l’interopérabilité comme : « la capacité que possède un produit ou un système, dont les interfaces sont intégralement connues, à fonctionner avec dautres produits ou systèmes existants ou futurs et ce, sans restriction daccès ou de mise en œuvre ». Le 2° du I (alinéas 45 à 72) introduit un nouveau chapitre III intitulé « Interopérabilité des plateformes en ligne » dans le CPCE. Il reprend les dispositions initialement prévues au chapitre II de la proposition de loi sénatoriale précitée. L’article L. 110 pose un objectif général d’interopérabilité des services proposés par les opérateurs de plateformes en ligne visées à l’article L. 111-7 du code de la consommation. L’article L. 111 permet à l’ARCEP d’imposer des obligations aux opérateurs de plateformes en ligne afin de rendre les services interopérables. Sont toutefois écartés les cas où les obstacles à l’interopérabilité se justifient par des motifs visant à assurer le respect d’obligations législatives ou réglementaires, la sécurité, l’intégrité ou le bon fonctionnement des services concernés. Seules seraient concernées les plateformes qui atteignent un seuil de nombre de connexions défini par décret.  L’ARCEP doit au préalable avoir consulté la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). La rédaction retenue par les sénateurs fait mention de certaines obligations qui pourraient être instaurées, sans prévoir de liste d’exhaustive : publication d’information pertinente, utilisation et transmission de ces informations à d’autres opérateurs, mise en œuvre de standards techniques d’interopérabilité identifiés par l’Autorité. Les décisions prises en la matière devront faire l’objet d’une consultation rendue publique. Les sénateurs renvoient également à un décret en Conseil d’État le soin de préciser les conditions d’application de ces dispositions. L’article L. 112 confère au ministre chargé du numérique ainsi qu’à l’ARCEP un droit d’accès à l’information – qui doit être proportionné et motivé – détenue par les opérateurs de plateformes en ligne afin de sassurer du respect, par ces personnes, des obligations en vue dassurer linteropérabilité de ces services. L’article L. 113 prévoit un mécanisme de sanctions en cas de non-respect des obligations nouvellement prévues dans la nouvelle rédaction proposée de l’article L. 111. La procédure afférente, le montant des sanctions encourues et la possibilité d’ordonner des mesures conservatoires sont prévues dans les mêmes conditions que celles précédemment décrites en cas d’infraction aux obligations de libre choix du consommateur dans l’utilisation des terminaux.

C.   Le contrÔle des opÉrations de concentration

1.   L’état du droit

En l’état actuel du droit, les règles encadrant le contrôle des concentrations sont prévues au niveau européen par le règlement 139/2004 relatif au contrôle des concentrations ([24]) et au niveau français aux articles L. 430-1 à L. 430-10 du code de commerce.

Au niveau national, en vertu des articles L. 430-2 et L. 430-3 du code de commerce les opérations soumises à l’examen de l’Autorité de la concurrence sont celles qui remplissent les trois critères suivants ([25]) :

– le chiffre d’affaires total mondial hors taxes de l’ensemble des entreprises ou groupes de personnes physiques ou morales parties à la concentration est supérieur à 150 millions d’euros ;

– le chiffre d’affaires total hors taxes réalisé en France par deux au moins des entreprises ou groupes de personnes physiques ou morales concernés est supérieur à 50 millions d’euros ;

 lopération ne relève pas de la compétence de lUnion européenne.

Au niveau européen, la Commission européenne contrôle les opérations dites de dimension communautaire. Comme en dispose le règlement de 2004 précité, une concentration est de dimension communautaire lorsque :

 le chiffre daffaires total réalisé sur le plan mondial par lensemble des entreprises concernées représente un montant supérieur à 5 milliards deuros ;

 et que le chiffre daffaires total réalisé individuellement dans lUnion par au moins deux des entreprises concernées représente un montant supérieur à 250 millions deuros, à moins que chacune des entreprises concernées réalise plus des deux tiers de son chiffre daffaires total dans lUnion à lintérieur dun seul et même État membre.

Une concentration est également considérée de dimension communautaire, même si elle natteint pas les seuils mentionnés, lorsque :

 le chiffre d’affaires total réalisé sur le plan mondial par l’ensemble des entreprises concernées représente un montant supérieur à 2,5 milliards d’euros ;

 dans chacun d’au moins trois pays de l’UE, le chiffre d’affaires total réalisé par toutes les entreprises concernées est supérieur à 100 millions d’euros ;

 dans chacun d’au moins trois pays de l’UE, le chiffre d’affaires total réalisé individuellement par au moins deux des entreprises concernées est supérieur à 25 millions d’euros ;

 le chiffre d’affaires total réalisé individuellement dans l’UE par au moins deux des entreprises concernées représente un montant supérieur à 100 millions d’euros, à moins que chacune des entreprises concernées réalise plus des deux tiers de son chiffre d’affaires total dans l’UE à l’intérieur d’un seul pays.

Dès lors qu’une opération de concentration entre dans les seuils fixés au niveau français et européen, une procédure de contrôle est mise en place. Ainsi, l’opération ne peut être autorisée que si elle n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence.

2.   Les dispositions adoptées par les sénateurs

Le 1° du II de larticle 4 bis vise à modifier le code de commerce dans l’objectif de contrôler les opérations de concentration réalisées par les grandes plateformes du numérique qualifiées de « structurantes ». Un nouvel article L. 430‑2-1 prévoit que l’Autorité de la concurrence fixe une liste des plateformes structurantes. La rédaction proposée prévoit que « pour déterminer si une entreprise est structurante, lautorité prend en compte, aux niveaux français et européen ou mondial, plusieurs des indices suivants : sa position dominante sur un ou plusieurs marchés, notamment multifaces, le nombre dutilisateurs uniques des produits ou services quelle propose, son intégration verticale et ses activités sur dautres marchés connexes, le bénéfice quelle retire de lexploitation dimportants effets de réseaux, sa valorisation financière, son accès à des données essentielles pour laccès à un marché ou le développement dune activité, limportance de ses activités pour laccès de tiers aux marchés et linfluence quelle exerce en conséquence sur les activités des tiers ». La rédaction du Sénat ne précise toutefois pas si ces critères sont alternatifs ou cumulatifs. En vertu de ce même article, les entreprises structurantes devraient informer l’Autorité de la concurrence de toute opération de concentration susceptible d’affecter le marché français dans un délai d’un mois avant sa réalisation. Le président de l’Autorité de la concurrence ou un vice-président désigné par lui pourrait enjoindre à l’entreprise structurante de soumettre une opération de concentration à la procédure de droit commun du contrôle des concentrations. Un mécanisme d’inversion de la charge de la preuve est également prévu : dans le cas où l’Autorité décide de soumettre une opération au contrôle des concentrations, il revient à lentreprise structurante dapporter la preuve que lopération nest pas de nature à porter atteinte à la concurrence.

Avec ces dispositions, lobjectif des sénateurs est de répondre à la problématique des acquisitions dites prédatrices réalisées par certaines plateformes structurantes, qui passent en dessous des seuils de contrôle des autorités de concurrence.

D. ContrÔle des algorithmes et lutte contre les interfaces numÉriques trompeuses

Le 2° du II de larticle 4 bis apporte une modification à larticle L. 450-3 du code de commerce afin dautoriser les agents de lAutorité de la concurrence et de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) à avoir accès aux principes et méthodes de conception des algorithmes ainsi quaux données utilisées par ces algorithmes. Il est procédé au même ajout à larticle L. 512-11 du code de la consommation (3° du III de larticle 4 bis). Il faut noter que la rédaction actuelle de larticle L. 450-3 du code de commerce, issue de larticle 112 de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, paraît déjà satisfaire ce cas de figure puisquelle prévoit que : « pour le contrôle des opérations faisant appel à linformatique, ils ont accès aux logiciels et aux données stockées ainsi quà la restitution en clair des informations propres à faciliter laccomplissement de leurs missions. Ils peuvent en demander la transcription par tout traitement approprié des documents directement utilisables pour les besoins du contrôle ».

Le III de larticle 4 bis propose d’introduire un nouvel article L. 111-7-3 dans le code de la consommation. Celui-ci prévoit que les opérateurs de plateformes en ligne sabstiennent de concevoir, de modifier ou de manipuler une interface utilisateur ayant pour objet ou pour effet de subvertir ou daltérer lautonomie du consommateur dans sa prise de décision ou dobtenir son consentement. Le nonrespect de cette obligation doit être sanctionné de lamende prévu à larticle L. 131-4 du code de la consommation, dont le montant ne peut excéder 75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale. Lobjectif affiché par les sénateurs est la lutte contre les interfaces numériques trompeuses, qui altèrent l’autonomie du consommateur dans sa prise de décision.

II.   La position de la commission

La commission a supprimé l’article 4 bis, à la suite de l’adoption d’un amendement de suppression porté par le Gouvernement (CE62), adopté avec avis favorable de votre rapporteure.

Le développement des géants du numérique pose de nombreuses difficultés que le droit de la concurrence ne parviendra pas à résoudre seul. Dans son récent rapport consacré à cette question ([26]), votre rapporteure a formulé un certain nombre de propositions qui vont dans le sens de la mise en place d’une régulation ex ante et asymétrique des géants du numérique.

Toutefois, votre rapporteure reste convaincue qu’une évolution du droit national, sans coordination européenne, ne doit être envisagée qu’en ultime recours. En l’état, l’article 4 bis pourrait créer des distorsions majeures et nuire à l’objectif d’approfondissement du marché intérieur et du marché unique du numérique.  En particulier, les évolutions proposées par le Sénat concernant le contrôle des concentrations pourraient profondément affecter le dynamisme de l’écosystème français des start-ups du numérique, puisque nombre d’entre elles se développent dans une perspective de rachat par une plateforme plus grande. Les évolutions proposées par le Sénat concernant la régulation des terminaux et l’interopérabilité des plateformes vont dans le bon sens, mais doivent là aussi faire l’objet d’une concertation approfondie à l’échelle européenne. Une évolution du seul droit français en la matière pourrait avoir des effets importants et mal mesurés en matière de compétitivité et d’attractivité. En outre, face à des acteurs d’envergure européenne et mondiale une réglementation française paraît mal adaptée.

L’enjeu se situe aujourd’hui à l’échelon européen, où la question de la régulation des plateformes numériques est au cœur des négociations autour du futur « Digital Services Act ». Ce nouveau paquet européen a pour objectif de moderniser et de revoir considérablement les règles de la directive sur le commerce électronique de 2000 ([27]). Deux principaux volets ont été évoqués par la Commission européenne, le premier visant à augmenter et harmoniser les responsabilités qui incombent aux services numériques et le second visant à élaborer une règlementation ex ante des plateformes dites structurantes. La Commission européenne a ouvert une phase de concertation le 2 juin 2020, qui s’est achevée le 8 septembre. Un projet devrait être présenté début décembre. Dans ce cadre, la France s’est positionnée en faveur d’une régulation ex-ante des plateformes structurantes, qui pourrait permettre des avancées majeures en matière de régulation des terminaux, d’interopérabilité des plateformes et d’évolutions du contrôle des concentrations. Votre rapporteure appelle le Gouvernement à défendre clairement ces positions lors des négociations entre États membres.

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Article 5
(articles L. 521-3-1 [nouveau], L. 522-9-1 et L. 532-5 [nouveau] du code de la consommation)
Introduction de nouveaux pouvoirs au profit de la DGCCRF pour mieux lutter contre la fraude en ligne

Adopté par la commission avec modifications.

 

L’article 5 dote la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) de nouveaux moyens d’actions pour lutter contre la fraude en ligne. Selon la gravité de l’infraction constatée, la DGCCRF pourra ordonner des mesures allant de l’inscription d’un message d’avertissement sur l’interface en ligne concernée, à des mesures de retrait ou de blocage desdites interfaces. En outre, l’article 5 apporte également un ajustement à la procédure de transaction administrative prévue dans le code de la consommation.

I.   l’État du droit

A.   les pouvoirs des autorités compÉtentes en cas de fraude en ligne

1.   Le droit européen

Le règlement européen 2017/2394 ([28]) comporte plusieurs mesures touchant au droit de la consommation et aux compétences minimum que doivent détenir les autorités nationales. Dans ce cadre, des mesures visant particulièrement les fraudes pouvant se produire dans l’environnement numérique sont prévues. Le considérant 14 du règlement indique ainsi que : « les autorités compétentes devraient être en mesure de mettre fin rapidement et efficacement aux infractions couvertes par le présent règlement, notamment lorsque le professionnel qui vend des biens ou des services dissimule son identité ou se déplace à lintérieur de lUnion ou dans un pays tiers afin déchapper à la législation. En cas de risque de préjudice grave pour les intérêts collectifs des consommateurs, les autorités compétentes devraient pouvoir adopter des mesures provisoires, conformément au droit national, y compris retirer un contenu dune interface en ligne ou ordonner quun message davertissement saffiche clairement lorsque les consommateurs accèdent à une interface en ligne. Les mesures provisoires ne devraient pas excéder ce qui est nécessaire pour atteindre lobjectif poursuivi. En outre, les autorités compétentes devraient être habilitées à ordonner laffichage clair dun message davertissement lorsque les consommateurs accèdent à une interface en ligne, ou à ordonner le retrait ou la modification des contenus numériques sil nexiste aucun autre moyen efficace de faire cesser une pratique illégale. Lesdites mesures ne devraient pas excéder ce qui est nécessaire pour atteindre lobjectif consistant à faire cesser ou interdire linfraction couverte par le présent règlement ».

Le g du 4. de l’article 9 du règlement prévoit ainsi que les autorités nationales doivent disposer, lorsque aucun autre moyen efficace n’est disponible pour faire cesser ou interdire l’infraction  et afin de prévenir le risque de préjudice grave pour les intérêts collectifs des consommateurs, du pouvoir de :

– retirer un contenu dune interface en ligne ou restreindre laccès à celle-ci ou dordonner quun message davertissement s’affiche clairement lorsque les consommateurs accèdent à une interface en ligne ;

– ordonner à un fournisseur de services dhébergement quil supprime, désactive ou restreigne laccès à une interface en ligne ;

– ou le cas échéant ordonner aux opérateurs de registre ou aux bureaux denregistrement de domaines de supprimer un nom de domaine complet et de permettre à l’autorité compétente concernée de l’enregistrer, y compris en confiant à un tiers ou à une autre autorité publique l’exécution de ces mesures.

L’article 10 du règlement précise que l’ensemble des pouvoirs énumérés à l’article 9 peuvent être exercés soit directement par l’autorité compétente, soit par une autre autorité publique, soit par un organisme désigné, soit enfin par les juridictions.

Des mesures similaires sont également énoncées dans le règlement européen 2019/1020 portant sur la surveillance des marchés et la conformité des produits ([29]). Il prévoit ainsi que, dans l’objectif d’assurer la conformité des produits, les autorités doivent pouvoir, lorsqu’il n’existe pas d’autre moyen efficace pour éliminer un risque grave, (article 14, point 4. k ) :

– exiger le retrait du contenu d’une interface en ligne qui mentionne les produits concernés ou d’exiger l’affichage d’une mise en garde explicite des utilisateurs finals lorsque ceux-ci accèdent à une interface en ligne ;

– ou lorsqu’une injonction en application du point précédent est restée sans suite, exiger du prestataire de services de la société de l’information qu’il restreigne l’accès à l’interface en ligne concernée, y compris en demandant à des tiers concernés d’appliquer de telles mesures.

Là encore, il est précisé que ce pouvoir peut être exercé directement par les autorités ou par le juge.

2.   Le droit national

En l’état actuel du droit, pour lutter contre les pratiques illégales en ligne, la DGCCRF use des outils de droit commun prévus dans le code de la consommation. Elle ne dispose pas de pouvoirs d’injonction de retrait ou de blocage, ou encore de pouvoirs lui permettant de rendre obligatoire l’affichage d’un message d’avertissement lorsque cela est nécessaire.  Toutefois, elle peut, en vertu de l’article L. 524-3 du code de la consommation, demander à l’autorité judiciaire de prescrire en référé ou sur requête toutes mesures proportionnées propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage causé par le contenu d’un service de communication au public en ligne ou d’un service téléphonique. Le juge peut alors ordonner aux hébergeurs, ou à défaut aux fournisseurs d’accès à internet ([30]), toute mesure pour faire cesser l’infraction. Cet ordre peut également viser les fournisseurs d’un service téléphonique au public, au sens du 7° de larticle L. 32 du code des postes et des communications électroniques (CPCE). En résumé, des possibilités daction sont donc possibles via la saisine judiciaire, mais la DGCCRF ne peut agir directement en la matière. Notons que certaines autorités administratives disposent de pouvoirs leur permettant de demander directement le retrait ou le blocage de certains contenus. C’est notamment le cas dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, dans les conditions prévues à l’article 6-1 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique.

En outre, des possibilités d’action sont également ouvertes via les possibilités de saisine de l’Association française pour le nommage Internet en coopération (AFNIC), organisme chargé par le CPCE de la gestion des noms de domaines en .fr. En vertu de l’article L. 45-6 du CPCE, toute personne démontrant un intérêt à agir peut demander à l’office d’enregistrement compétent la suppression ou le transfert à son profit d’un nom de domaine lorsque le nom de domaine est susceptible de porter atteinte à l’ordre public, aux bonnes mœurs, à des droits garantis par la Constitution ou par la loi, aux droits de propriété intellectuelle ou de la personnalité, ou encore lorsque le nom de domaine est identique ou apparenté à celui de la République française, d’une collectivité territoriale. Toutefois comme le relève le Gouvernement dans l’étude d’impact, cette action vise les noms de domaine en .fr, alors que les enquêtes de la DGCCRF sur la fraude en ligne ne concernent des sites qui n’ont pas de nom de domaine en « .fr ».

B.   Les rÉcentes modifications apportÉes aux procÉdures de transaction par la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relative À diverses dispositions liÉes À la crise sanitaire, À d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union europÉenne

L’article 42 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 a repris un certain nombre de dispositions figurant à l’article 5 du présent projet de loi dans sa version initiale (voir la partie II du présent commentaire d’article). En effet, le projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire habilitait initialement le Gouvernement à agir par voie d’ordonnance pour reprendre un certain nombre des dispositions figurant à l’article 5 du présent projet de loi. Ces dispositions ont été inscrites « en clair » dans le texte, dans le cadre de la navette parlementaire.

Ainsi, depuis les modifications apportées par la loi précitée, un mécanisme de transaction administrative a été introduit à l’article L. 522-9-1 du code de la consommation. Il s’agit là d’une traduction en droit interne des mesures prévues aux b et c des paragraphes 4 et 7 de l’article 9 du règlement européen 2017/2394. Depuis la loi n° 2020-734, l’article L. 522-9-1 prévoit que, dans le cas où une sanction administrative est envisagée en cas d’infraction au droit de la consommation, l’autorité administrative peut proposer par écrit à la personne concernée, dans le même temps qu’elle l’informe de la sanction envisagée, une transaction administrative. Cette proposition suspend le délai dont dispose la personne visée pour faire part de ses observations orales ou écrites. L’accord de transaction peut faire l’objet d’une publicité. La proposition précise le montant de la somme à verser au Trésor public, ledit montant devant être inférieur au montant maximum de la sanction pécuniaire encourue. La proposition peut comporter des obligations tendant à faire cesser les manquements, à éviter leur renouvellement et, si le préjudice subi par les consommateurs peut être calculé, à réparer ledit préjudice. En l’absence d’accord, la procédure administrative s’engage selon les conditions de droit commun.

Une différence substantielle entre la version initialement envisagée par le Gouvernement à l’article 5 du présent projet de loi et les dispositions votées à l’article 42 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 doit être relevée. Ainsi, la version votée n’a pas retenu la disposition selon laquelle, en cas de non-respect de la transaction, l’administration peut engager la procédure de sanction administrative. Le rapporteur du Sénat avant en effet souligné que « la transaction sapparente à un contrat administratif et que son non-respect relève donc de lappréciation du juge et non de lune des parties ».

L’article 42 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 a également ajusté le mécanisme de transaction pénale déjà existant à l’article L. 523-1 du code de la consommation afin de préciser que ce dernier peut s’accompagner d’engagements en matière de réparation du préjudice subi par le consommateur. Il est précisé que montant maximum de la transaction doit être inférieur au montant maximum de la sanction pécuniaire encourue. Là encore, ces dispositions figuraient initialement à l’article 5 du présent projet de loi.

II.   Les dispositions du projet de loi initial

L’article 5 du projet de loi dans sa version examinée en commission au Sénat comprenait des dispositions qui ont été partiellement votées à l’article 42 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020.

Ainsi, le 1° de l’article 5 prévoyait une modification de l’article L. 523-1 du code de la consommation afin d’inscrire la Commission européenne parmi la liste des autorités pouvant formuler une demande d’assistance auprès des États membres en matière d’infraction interne à l’Union européenne. Ces dispositions ont été reprises et votées dans le cadre de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020.

Le 2° apportait des modifications à l’article L. 512-18 en inscrivant la Commission européenne parmi les autorités auxquelles les agents de la DGCCRF peuvent communiquer des informations et des documents recueillis au cours de leurs enquêtes, sans que le secret professionnel ou de l’instruction n’y fasse obstacle. Ces dispositions ont également été reprises et votées dans le cadre de la loi précitée.

Le 3° octroyait de nouveaux pouvoirs à la DGCCRF pour mieux lutter contre la fraude en ligne. Il était ainsi prévu dintroduire un nouvel L. 521-3-1 dans le code de la consommation donnant de nouveaux moyens daction à la DGCCRF pour lutter contre la fraude en ligne. La rédaction prévoyait que pour faire cesser les manquements aux règles de protection des consommateurs et de conformité des produits, et lorsquaucun autre moyen efficace nest disponible, la DGCCRF puisse ordonner des mesures de restriction daccès à une interface en ligne, prévoir linscription dun message davertissement pour informer et protéger les consommateurs et ordonner la suppression dun nom de domaine. La rédaction renvoyait enfin à un décret en Conseil dÉtat le soin de préciser les modalités dapplication de ces dispositions. Ces dispositions nont pas été reprises dans le cadre de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020. Le Sénat les a supprimées, considérant que la constitutionnalité d’une mesure visant à donner le pouvoir à une autorité administrative « de restreindre [...], sans autorisation préalable du juge, la liberté de communication et celle dentreprendre, voire de porter atteinte au droit de propriété, est douteuse ».

Les 4° à 8° prévoyaient la mise en place d’une procédure de transaction administrative et des ajustements portés à la procédure de transaction pénale. Ces dispositions ont été inscrites dans le cadre de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020, modulo les modifications apportées par le Sénat précédemment décrites.

III.   Les dispositions votÉes au sÉnat

Lors du passage en commission au Sénat, l’article 5 a été supprimé à l’initiative d’un amendement du rapporteur M. Laurent Duplomb, au motif que ces dispositions avaient déjà fait l’objet de débats et d’un vote dans le cadre de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020.

Lors du passage en séance publique, les sénateurs ont adopté un amendement du Gouvernement sous-amendé par le rapporteur M. Laurent Duplomb. La nouvelle rédaction proposée de l’article 5 rétablit la procédure visant à doter la DGCCRF de pouvoir d’injonction pour mieux lutter contre la fraude en ligne. Par rapport à la rédaction proposée dans le cadre du projet de loi initial, la rédaction votée en séance publique apporte un certain nombre de garanties et de précisions afin de circonscrire les cas où la DGCCRF pourra faire usage de ce nouveau pouvoir d’injonction.

Le 1° de larticle 5 propose un dispositif d’injonction dont les caractéristiques sont détaillées dans un nouvel article L. 521-1 du code de la consommation. En cas d’infractions portant atteinte aux intérêts économiques des consommateurs ou de manquements aux règles relatives à la sécurité des produits, si l’auteur de la pratique ne peut être identifié ou s’il n’a pas déféré aux injonctions de mise en conformité, l’autorité administrative pourra prendre deux types de mesures en fonction de la gravité de l’infraction constatée. Premièrement, elle pourra, quelle que soit l’ampleur de l’infraction et à condition que les conditions précédemment énumérées soient réunies, ordonner aux opérateurs de plateformes en ligne ([31]), aux fournisseurs d’accès à internet ([32]) ou aux personnes exploitant des logiciels permettant d’accéder à une interface en ligne l’obligation d’afficher un message d’avertissement sur le risque de préjudice encouru. Deuxièmement, en cas d’infraction passible d’une peine d’emprisonnement d’au moins deux ans et de nature à porter une atteinte grave à la loyauté des transactions ou à l’intérêt des consommateurs, la DGCCRF pourra :

– notifier l’adresse électronique d’une interface en ligne dont les contenus sont manifestement illicites aux opérateurs de plateformes en ligne à des fins de déréférencement ;

– notifier lesdites adresses aux opérateurs de plateformes en ligne, aux fournisseurs d’accès à internet ou aux hébergeurs ([33]) afin que ces derniers prennent toute mesure utile destinée à limiter l’accès au contenu manifestement illicite ;

– ordonner aux opérateurs de registres ou aux bureaux d’enregistrement de domaines de prendre des mesures de blocage d’une durée maximale de trois mois renouvelable.

La DGCCRF fixe le délai de mise en œuvre de ces mesures, qui ne peut être inférieur à 48 heures.

Enfin, la définition de l’interface en ligne est précisée. Celle-ci s’entend « de tout logiciel, y compris un site internet, une partie de site internet ou une application, exploité par un professionnel ou pour son compte et permettant aux utilisateurs finals daccéder aux biens ou aux services quil propose ».

Le 3° de larticle 5 prévoit que le non-respect des mesures ordonnées ou devant être appliquées à la suite de la notification d’une adresse électronique dans le cadre de nouvelles dispositions de l’article L. 521-3-1 est puni d’un an d’emprisonnement et de 250 000 euros d’amende. Cette sanction est prévue dans le cadre d’un nouvel article L. 532-5 instaurée dans une nouvelle sous-section 3 « Mesures spécifiques applicables aux contenus illicites en ligne » de la section unique du chapitre II du titre III du code de la consommation.

Le 2° de larticle 5 apporte une modification à l’article L. 522-9-1 du code de la consommation. La modification apportée précise que la procédure de sanction classique pourra reprendre en cas de non-conclusion d’accord (comme c’est déjà le cas), mais aussi lorsque l’accord prévoyait un versement de somme et que ce versement n’a pas eu lieu. Pour les autres cas de figure, c’est-à-dire ceux dans lesquels l’accord contient des engagements de la part de la personne en cause, un litige né de son inexécution devra être tranché par le juge administratif ([34]).

IV.   La position de la commission

La commission a adopté cet article modifié de trois amendements rédactionnels portés par votre rapporteure (CE108, CE85 et CE86) et d’un amendement de M. Éric Bothorel (LaREM), cosigné par votre rapporteure (CE58). Cet amendement modifie l’article 5 afin d’en renforcer la portée opérationnelle. Ainsi, il est instauré la possibilité de supprimer ou de transmettre le nom de domaine à l’autorité compétente à l’issue du délai de blocage. Il est également précisé que le blocage du nom de domaine pourra être renouvelé une fois avant de le supprimer définitivement ou de le transmettre à l’autorité compétente.

L’article 5 du présent projet de loi comporte des avancées majeures pour lutter contre la fraude en ligne, alors que arnaques en ligne tendent à se multiplier ces dernières années. Selon l’étude d’impact, la DGCCRF a enregistré pour 2019 13 000 plaintes de consommateurs concernant des achats sur internet. Si 10 % des plaintes concernent des problèmes de retard de livraison, près de 50 % ont trait à des pratiques frauduleuses. Ces pratiques connaissent une ampleur nouvelle dans le cadre de la crise sanitaire actuelle, avec des faux sites officiels cherchant à collecter des données personnelles, des sites se présentant comme des pharmacies commercialisant des équipements de protection contre la Covid-19 ou des tests de dépistage, avec une très forte probabilité de non-livraison ou encore des sites se présentant comme ayant une vocation caritative mais ne pouvant justifier de la destination réelle des fonds collectés.

En comparaison avec le texte proposé par le Gouvernement à l’époque des débats autour du projet de loi portant diverses dispositions pour faire face à la crise sanitaire, la rédaction a été clarifiée et améliorée et apporte des garanties suffisantes pour assurer la proportionnalité des mesures pouvant être ordonnées par la DGCCRF.

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Article 5 bis (nouveau)
(articles L. 45-2 du code des postes et des communications électroniques)
Adaptation du code des postes et des communications électroniques concernant la lutte contre la fraude en ligne

Introduit par la commission.

 

Introduit en commission des affaires économiques, l’article 5 bis vise à adapter l’article L. 45-2 du code des postes et des communications électroniques aux nouvelles dispositions de l’article 5 du présent projet de loi. Il est ainsi précisé que l’office d’enregistrement des noms de domaines supprime ou transfère sans délai les noms de domaines lorsque la DGCCRF en formule la demande dans les conditions prévues à l’article 5 du présent projet de loi.

L’article 5 bis résulte de l’adoption d’un amendement en commission des affaires économiques de M. Eric Bothorel (LaREM), cosigné par votre rapporteure (CE59). Il s’agit là d’assurer la bonne adaptation du code des postes et des communications électroniques avec les nouvelles dispositions prévues à l’article 5. Ainsi, l’article 5 bis modifie l’article L. 45-2 du code des postes et des communications électroniques, afin d’indiquer que « loffice denregistrement supprime ou transfère sans délai à lautorité compétente le nom de domaine sur injonction de lautorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation en application du c du 2° de larticle L. 52131 du code de la consommation. ».

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Chapitre II
Dispositions relatives à la surveillance du marché et à la conformité des produits

Article 6
(articles L. 511-12, L. 512-20, articles L. 512-22-1 et L. 512-33-1 [nouveaux] du code de la consommation)
Dispositions dadaptation au droit de lUnion européenne relatives à la surveillance des marchés et à la conformité des produits en ligne

Adopté par la commission sans modifications.

 

L’article 6 du présent projet de loi modifie le code de la consommation pour tenir compte de l’entrée en vigueur du règlement n° 2019/1020 et doter la DGCCRF de deux pouvoirs nouveaux :

– le pouvoir de notifier à une plateforme en ligne un contenu illicite sans risquer de violer le secret de l’instruction ;

– le pouvoir de consigner dès le début d’un contrôle de conformité des unités de produits qui pourraient lui être nécessaires ultérieurement, dans les cas où la règlementation exige un test en deux étapes.

L’article habilite également les agents de la DGCCRF à sanctionner les manquements audit règlement et prévoit de nouvelles modalités de communication entre la DGCCRF, la Commission européenne et les autorités compétentes des États membres.

I.   L’État du droit

La conformité des produits en circulation dans l’Union européenne soulève des enjeux majeurs du point de vue sanitaire, environnemental et économique. Sur ce dernier point, l’existence de produits non conformes sur le marché est identifiée comme une cause importante de concurrence déloyale. Dans ce contexte, la Commission européenne a défini comme prioritaire la poursuite des efforts visant à empêcher la mise sur le marché de l’Union de produits non conformes. Dans cet esprit, le règlement 2019/1020 ([35]) comporte, pour les produits non alimentaires, de nouvelles dispositions pour améliorer la surveillance du marché et le contrôle des produits.

Dans le détail, l’article 4 du règlement liste les tâches incombant aux opérateurs économiques. Ces tâches concernent les vérifications tenant à la déclaration de conformité ou à la déclaration de performance technique ainsi que des obligations de coopération et d’information à destination des autorités de surveillance du marché. L’article 5 prévoit des obligations particulières à l’endroit des mandataires éventuels du fabricant, mandatés par ce dernier pour effectuer l’ensemble des tâches précitées. Les mandataires sont notamment dans l’obligation de fournir sur demande une copie du mandat aux autorités de surveillance du marché. L’article 7 prévoit une obligation générale de coopération avec les autorités de surveillance de marché à l’endroit des opérateurs économiques et des prestataires de services de la société de l’information pour les produits proposés à la vente en ligne par l’intermédiaire de ces services. Le règlement prévoit également un ensemble de mesures pour assurer une forme d’assistance aux opérateurs économiques et promouvoir la coopération avec ces derniers (chapitre III), des règles minimales concernant les modalités d’organisation et de fonctionnement des autorités de surveillance des marchés (chapitre IV) ainsi que concernant les pouvoirs qu’elles doivent détenir (chapitre V). Des dispositions sont également prévues pour renforcer le contrôle des importations (chapitre VII) les modalités d’assistance mutuelle et la coopération internationale (chapitres VI et VIII).

Le règlement est d’application direct. Toutefois, des mesures d’ajustement restent nécessaires pour assurer la pleine conformité de notre droit.

A.   La question de la notification

Le paragraphe 1 de l’article 16 du règlement 2019/1020 dispose que « les autorités de surveillance du marché prennent les mesures appropriées lorsquun produit [...] nest pas conforme à la législation dharmonisation de lUnion ». Le paragraphe 2 du même article précise que, dans ce cas, ces autorités « enjoignent sans tarder à lopérateur économique concerné de prendre des mesures correctives appropriées et proportionnées pour mettre fin à la non-conformité ». C’est donc une obligation de résultat qui incombe aux États membres.

Or, la France ne peut en l’état actuel du droit se conformer entièrement à cette obligation en raison des spécificités qui s’appliquent pour les plateformes de vente en ligne. En effet, les plateformes de vente en ligne, qui ne sont pas considérées comme les vendeurs directs, sont soumises à un régime juridique spécifique, issu  de la directive sur le commerce électronique ([36]) et transposé à larticle 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans léconomie numérique. En vertu de ce régime, lorsque la DGCCRF enquête sur un produit vendu en ligne qu’elle soupçonne d’être non conforme, elle ne peut pas le notifier aux responsables de ces plateformes. Cette impossibilité découle du secret de l’enquête ou du secret professionnel que doivent respecter les agents de la DGCCRF. L’article L. 512-22 du code de la consommation prévoit une exception, mais uniquement pour prévenir d’un danger grave ou immédiat pour la santé ou la sécurité des consommateurs.

B.   La question de la consignation

L’article 14 du règlement liste les pouvoirs minimaux que doivent détenir les autorités de surveillance. Parmi eux figure le pouvoir : « [...] dacquérir des échantillons dun produit, y compris sous une fausse identité, et de les soumettre à une inspection et à la rétro-ingénierie afin de détecter une non-conformité et dobtenir des preuves ».

En droit national, l’article L. 512-23 du code de la consommation autorise les agents de la DGCCRF à prélever des échantillons. L’article L. 512-26 prévoit quant à lui une procédure de consignation. Toutefois, cette dernière est limitée aux cas de produits présentant la double caractéristique d’être à la fois susceptibles de non-conformité aux lois et règlements en vigueur et de présenter un danger pour la santé ou la sécurité. Cette restriction ne permet pas à la France d’appliquer pleinement les règlements délégués qui complètent la directive 2010/30/UE, relatifs à l’étiquetage énergétique des produits liés à l’énergie (lave-vaisselle ménagers, réfrigérateurs, sèche-linge domestiques, fours, hottes, téléviseurs, lave-linge). Ces derniers prévoient en effet une procédure de prélèvement en deux phases : la première phase consister à prélever une unité d’un modèle, sur laquelle sont réalisés les essais, puis, en cas de non-conformité la deuxième phase consiste à prélever des unités supplémentaires du même modèle pour réaliser des essais supplémentaires. Cette procédure nécessite donc de consigner dès la première étape plusieurs unités d’un même modèle, possibilité aujourd’hui très restreinte dans le cadre de la rédaction de l’article L. 512-6 du code de la consommation.

II.   Les dispositions du projet de loi initial

L’article 6 apporte un certain nombre de modifications visant à assurer la conformité de notre droit au droit européen.

Le 1° de larticle 6 complète l’article L. 511-12 du code de la consommation afin d’habiliter les agents de la DGCCRF à rechercher et constater les manquements aux dispositions des articles 4, 5 et 7 du règlement, c’est-à-dire ceux concernant les obligations de coopération et de réalisation des tâches de conformité, qui incombent aux opérateurs économiques (fabricants et mandataires). Cette mesure assure la conformité de notre droit avec l’article 14 du règlement.

Le 2° de larticle 6 modifie l’article L. 512-20 du code de la consommation afin de permettre la communication des informations et documents détenus ou recueillis en matière de conformité ou de sécurité des produits par les agents habilités à la Commission européenne et aux autres autorités de surveillance européennes, que ce soit pour les produits soumis à lobligation générale de sécurité (comme cest déjà le cas selon le 3° de larticle L. 512-20) ou pour les produits soumis à une réglementation européenne harmonisée. Cette mesure assure la conformité de notre droit avec l’article 11 du règlement.

Le 3° de larticle 6 insère un nouvel article L. 512-22-1 dans le code de la consommation, selon lequel le secret de l’instruction et le secret professionnel ne font pas obstacle à la notification aux plateformes en ligne, par la DGCCRF, d’informations relatives à un contenu illicite. Cette disposition assure la pleine conformité de notre droit avec l’obligation de résultat qui incombe aux autorités compétentes en vertu de l’article 16 du règlement.

Enfin, le 4° de larticle 6 introduit un nouvel article L. 512-33-1 dans le code de la consommation, précisant que lorsque la réglementation prévoit une procédure de prélèvement d’une unité d’un modèle puis, en cas de non-conformité, d’unités supplémentaires du même modèle, ces unités supplémentaires sont consignées dans l’attente des résultats de l’essai réalisé sur la première unité. L’article précise que les agents établissent un procès-verbal de consignation et que la mainlevée de la consignation est donnée aux agents habilités. Cet article assure la conformité de notre droit avec les 13 règlements délégués complétant la directive 2010/30/UE concernant l’étiquetage énergétique des produits liés à l’énergie.

III.   Les modifications apportÉes au SÉnat

En commission, les sénateurs ont adopté un amendement de la commission des affaires économiques qui transforme l’obligation faite aux agents de la DGCCRF de consigner un nombre suffisant d’échantillons dès le début d’une phase de test de conformité des produits en une simple possibilité. L’objectif ainsi poursuivi est d’offrir davantage de souplesse dans le cadre de ces procédures.

IV.   la position de la commission

La commission a adopté l’article 6 sans modification.

Les dispositions de l’article 6 garantissent la conformité du droit français avec le droit européen. En particulier, les mesures visant à faciliter le retrait de produits non conformes lorsqu’ils sont en vente sur une plateforme de vente en ligne sont largement bienvenues et contribuent au double objectif de lutte contre la concurrence déloyale et de protection des consommateurs.

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Article 6 bis (nouveau)
Habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures nécessaires afin dadapter le code de lenvironnement aux dispositions introduites par le règlement (UE) 2019/1020 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 sur la surveillance du marché et la conformité des produits

Introduit par la commission.

 

L’article 6 bis résulte de l’adoption d’un amendement du Gouvernement lors de l’examen du texte en commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale. Cet article habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures nécessaires pour adapter le chapitre VII du titre V du livre V du code de l’environnement aux dispositions introduites par le règlement (UE) 2019/1020 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 sur la surveillance du marché et la conformité des produits, et modifiant la directive 2004/42/CE et les règlements (CE) n° 765/2008 et (UE) n° 305/2011.

Cet article résulte de l’adoption en commission d’un amendement du Gouvernement (CE63), adopté avec un avis favorable de la rapporteure.

L’article 6 bis habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures nécessaires pour adapter le chapitre VII du titre V du livre V du code de l’environnement aux dispositions introduites par le règlement (UE) 2019/1020 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 sur la surveillance du marché et la conformité des produits, et modifiant la directive 2004/42/CE et les règlements (CE) n° 765/2008 et (UE) n° 305/2011.

Le chapitre VII du titre V du livre V du code de l’environnement fixe les conditions de mise à disposition sur le marché, de mise en service, et de suivi en service des produits et équipements à risques suivants :

– les produits explosifs ;

– les appareils et les systèmes de protection destinés à être utilisés en atmosphères explosibles ;

– les appareils et matériels concourant à l’utilisation des gaz combustibles ;

– les appareils à pression.

Comme l’indique l’exposé sommaire de cet amendement, afin de pouvoir sanctionner le non-respect des nouvelles dispositions prévues dans le règlement 2019/1020, il est nécessaire, en plus des évolutions du code de la consommation prévues à l’article 6, de procéder à divers ajustements techniques dans le code de l’environnement.

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Chapitre III
Dispositions relatives à la lutte contre les pratiques commerciales déloyales et pour léquité et la transparence dans les relations interentreprises

Article 7
(articles L. 511-12, L. 512-20, L. 512-22-11 [nouveau] et L. 512-33-1 [nouveau] du code de la consommation)
Habilitation du Gouvernement à transposer par voie dordonnance la directive (UE)  2019/633 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 sur les pratiques commerciales déloyales dans les relations interentreprises au sein de la chaîne dapprovisionnement agricole et alimentaire et à mettre en œuvre le règlement (UE)  2019/1150 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 promouvant léquité et la transparence pour les entreprises utilisatrices de services dintermédiation en ligne

Adopté par la commission avec modifications.

 

L’article 7 du projet de loi habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour :assurer la transposition de la directive (UE) n° 2019/633 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 sur les pratiques commerciales déloyales dans les relations interentreprises au sein de la chaîne d’approvisionnement agricole et alimentaire. Cette directive est d’application minimale, ce qui laisse une grande marge de manœuvre aux États membres pour sa transposition. Le droit français couvre déjà la plupart des dispositions de la directive mais elle prévoit en outre l’encadrement de trois pratiques qui ne sont pas explicitement encadrées en droit français et qui, de ce fait, feront plus particulièrement l’objet de la transposition.

L’article 7 prévoit également des mesures afin d’assurer la bonne application du règlement européen « plateforme to business ». Ainsi, les manquements audit règlement sont intégrés dans le champ des pratiques restrictives de concurrence prévues dans le code de commerce. Un procédure d’injonction en cas de manquement audit règlement est également prévue.

Enfin, l’article 7 crée une nouvelle procédure d’astreinte pour l’ensemble des pratiques restrictives de concurrence.

I.   L’État du droit

A.   la directive (UE) 2019/633 du Parlement europÉen et du Conseil du 17 avril 2019 sur les pratiques commerciales dÉloyales dans les relations interentreprises au sein de la chaÎne d’approvisionnement agricole et alimentaire

Le projet de loi initial sollicitait du Parlement une habilitation permettant au Gouvernement de légiférer par ordonnance pour la transposition de la directive (UE) 2019/633 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 sur les pratiques commerciales déloyales dans les relations interentreprises au sein de la chaîne d’approvisionnement agricole et alimentaire.

1.   Le contenu de la directive

La directive entend compenser lasymétrie dans la relation commerciale entre un fournisseur agricole ou alimentaire et son acheteur. Dans ce secteur, cette asymétrie a des conséquences directes sur la rémunération du premier metteur en marché du produit qui est le producteur agricole, particulièrement vulnérable dans la relation commerciale, du fait de sa taille. L’acheteur, la plupart du temps en position de force du fait de sa taille et de son pouvoir de négociation, peut être amené à en abuser en ayant recours à des pratiques commerciales déloyales, définies par la directive comme les situations lors desquelles « des partenaires commerciaux de plus grande taille et plus puissants essaient dimposer certaines pratiques ou dispositions contractuelles qui leur sont favorables dans le cadre dopérations de vente ».

La directive entend encadrer ces pratiques commerciales déloyales, parfois même lorsqu’elles ont fait l’objet d’un accord entre les parties, dans une logique de protection des fournisseurs face à leurs acheteurs de plus grande taille.

La directive a vocation à s’appliquer aux fournisseurs du secteur agricole et alimentaire dont le chiffre d’affaires n’excède pas 350 millions d’euros par an et dans leurs relations commerciales avec un acheteur ayant un chiffre d’affaires plus élevé : l’article 1er établit un barème.

La directive liste, en son article 3, les pratiques commerciales déloyales devant être interdites par les États membres. Elle distingue les pratiques absolument interdites des pratiques interdites à moins qu’elles n’aient été préalablement prévues par les parties dans des termes clairs et sans ambiguïté dans le contrat qui les lie.

Les pratiques interdites en toutes circonstances sont :

– les délais de paiement abusifs : pour les produits périssables, le délai de paiement de l’acheteur au fournisseur ne peut excéder 30 jours ; pour les autres produits, le délai de paiement maximal est de 60 jours. La directive prévoit une exception s’agissant de la livraison de raisins ou de moûts de raisins destinés à la production de vin lorsque des délais de paiements spécifiques ont été prévus dans les contrats types rendus obligatoires avant le 1er janvier 2019, que l’extension de ces contrats n’a pas modifié les délais de paiement et qu’ils soient pluriannuels ou le deviennent. À noter que ces délais de paiement ne s’appliquent pas aux paiements intervenant dans le cadre du programme à destination des écoles et lorsque l’acheteur est une entité publique dispensant des soins de santé.

– lannulation dune commande de produits périssables à brève échéance (délai inférieur à 30 jours mais les États membres peuvent fixer des délais inférieurs pour des secteurs spécifiques et dans des cas dûment justifiés) ;

– la modification unilatérale du contrat en ce qui concerne la fréquence, la méthode, le lieu, le calendrier ou le volume des approvisionnements ou des livraisons de produits, les normes de qualité, les conditions de paiement ou les prix en ce qui concerne la fourniture de services ;

– la demande de paiements sans lien avec la fourniture de produits ;

– la demande de paiements pour la détérioration ou la perte de produits lorsque le fournisseur n’a été, ni négligeant, ni fautif ;

– le refus de confirmer par écrit les conditions dun accord de fourniture de produits lorsque le fournisseur la demandé (sauf lorsqu’il s’agit d’un contrat d’apport d’une associé-coopérateur à sa coopérative ou d’un membre d’une organisation de producteur à son organisation de producteurs dès lors que les statuts de ces organisations contiennent des dispositions produisant des effets similaires à celles prévues par l’accord de fourniture ;

– lobtention, lutilisation ou la divulgation illicite des secrets daffaires du fournisseur ;

– la menace ou laction de représailles commerciales à lencontre du fournisseur sil exerce ses droits contractuels ou légaux (y compris dépôt de plainte ou coopération lors d’une enquête) ;

– la demande de compensation pour le coût induit par lexamen des plaintes des clients en lien avec la vente des produits malgré l’absence de négligence ou de faute du fournisseur.

Les pratiques interdites sauf accord préalable des parties sont :

– le renvoi au fournisseur des invendus sans paiement des produits ;

– lobligation faite au fournisseur de payer pour le stockage de ses produits, leur exposition, leur référencement ou leur mise à disposition sur le marché ;

– la demande faite au fournisseur de payer tout ou partie des coûts liés aux remises sur ses produits vendus par lacheteur dans le cadre dactions promotionnelles, sauf lorsque l’acheteur en précise la durée et la quantité de produits qu’il prévoit de commander à prix réduit ;

– la demande faite au fournisseur de payer pour la publicité faite par lacheteur sur ses produits ;

– la demande faite au fournisseur de payer pour la commercialisation de ses produits ;

– le paiement par le fournisseur du personnel chargé daménager les locaux utilisés pour la vente de ses produits.

Dans ces cas admis car prévus par les parties, l’acheteur présente par écrit à son fournisseur, à sa demande, une estimation des paiements et le cas échéant une estimation des coûts et les éléments sur lesquels se fonde cette estimation.

2.   Les enjeux de sa transposition en droit français

L’article 13 de la directive prévoit que des dispositions législatives, réglementaires et administratives d’application nationale devront être adoptées et publiées avant le 1er mai 2021 pour entrer en application au plus tard le 1er novembre 2021.

Cette directive est dapplication minimale (article 9), elle laisse une grande marge de manœuvre aux États membres pour sa transposition, y compris la liberté de prévoir dautres dispositions ou des dispositions plus protectrices, dans la limite du fonctionnement du marché intérieur.

Le droit français est d’ailleurs déjà très protecteur. L’ordonnance n° 2019‑359 du 24 avril 2019 portant refonte du titre IV du livre IV du code de commerce relatif à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et aux autres pratiques prohibées, prise en application de l’article 17 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous « dite « loi EGALIM »), a réorganisé le droit des relations commerciales dans le sens d’une clarification, notamment en ce qui concerne les dispositions propres à la vente de produits agricoles et alimentaires.

Outre la législation relative aux délais de paiement, les pratiques commerciales déloyales sont encadrées par trois notions essentielles – décrites à larticle L. 442-1 du code de commerce – qui couvrent la plupart des items de la directive : la notion de déséquilibre significatif, lavantage sans contrepartie et la rupture brutale de la relation commerciale établie.

Ceci étant, la directive prévoit l’encadrement de trois pratiques qui ne sont pas explicitement encadrées en droit français et qui, de ce fait, feront plus particulièrement l’objet de la transposition. Il s’agit de lannulation dune commande de produits périssables à brève échéance (1. b. de larticle 3 de la directive précitée), de lobtention, lutilisation ou la divulgation illicite des secrets daffaires du fournisseur (1. g. de larticle 3) et du refus de confirmer par écrit les conditions dun accord de fourniture de produits lorsque le fournisseur la demandé (1. f. de larticle 3).

Par ailleurs, s’agissant du formalisme applicable aux contrats de vente portant sur les produits agricoles et alimentaires, la DGCCRF a indiqué à votre rapporteure qu’il conviendra de transposer en droit français lobligation de mentionner la quantité prévisionnelle des produits pour lesquels le fournisseur sengage à accorder au consommateur des avantages promotionnels (2. de l’article 3).

Le non-respect des délais de paiement fait partie des pratiques commerciales déloyales. L’harmonisation des délais de paiement au sein du marché intérieur européen fera également l’objet de la transposition. Plusieurs délais de paiement prévus en droit français à larticle L. 441-11 du code de commerce devraient être réduits au profit du fournisseur, dès lors quils sont moins favorables que le droit européen :

– l’achat de denrées alimentaires non périssables destinées à être exportées en l’état en dehors de l’Union européenne (la directive prévoit un délai de 60 jours alors qu’il est aujourd’hui de 90 jours en droit français) ;

– l’achat de denrées alimentaires périssables en l’absence d’accord d’approvisionnement régulier (la directive prévoit un délai de 30 jours à compter de la date de livraison alors que le droit français prévoit 30 jours fin de décade de livraison) ;

– l’achat de vin (ainsi que l’achat de raisins et de moûts) bénéficie en droit français d’un délai de paiement dérogatoire s’il est prévu par accord interprofessionnel et pouvant aller jusqu’à la vendange suivante (un an) alors que la directive n’a pas inclus le vin dans les dérogations applicables aux raisins et moûts destinés à la production de vin (délais de paiements prévus par accord interprofessionnel, voir supra). L’achat de vin entrera donc dans le champ des produits non périssables couverts par un délai de 60 jours. Interrogée par votre rapporteure, la DGCCRF a indiqué que dans le cadre des négociations de la future politique agricole commune la France a demandé une modification du règlement (CE) n° 491/2009 du Conseil du 25 mai 2009 modifiant le règlement (CE) n° 234/2007 portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur (règlement OCM unique) afin que la dérogation prévue aujourd’hui pour les moûts et raisins soit étendue aux vins.

B.   La mise en œuvre du rÈglement (UE) 2019/1150 du Parlement europÉen et du Conseil du 20 juin 2019 promouvant l’ÉquitÉ et la transparence pour les entreprises utilisatrices de services d’intermÉdiation en ligne

Le règlement (UE) 2019/1150 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 promouvant l’équité et la transparence pour les entreprises utilisatrices de services d’intermédiation en ligne, dit règlement « platform to business » a pour objet de rééquilibrer le rapport de force entre les plateformes en ligne et les utilisateurs professionnels. Il est entré en vigueur depuis le 12 juillet 2020. Le règlement impose une série de nouvelles obligations aux plateformes et aux moteurs de recherche en ligne pour lutter contre les pratiques déloyales et renforcer les obligations en matière de transparence et de loyauté.

Ainsi, en vertu de l’article 3 du règlement, les plateformes ne pourront plus suspendre ou fermer les comptes des vendeurs sans motiver leur décision ni offrir de possibilité de recours. Elles devront fonder leur décision sur des motifs objectifs et détaillés dans leurs conditions générales. Les conditions générales des plateformes devront en outre être suffisamment accessibles et claires et toute modification devra être notifiée au moins 15 jours à l’avance.

En matière de transparence, l’article 5 du règlement dispose que les plateformes devront préciser dans leurs conditions générales les principaux paramètres utilisés pour le classement des biens et services et les raisons justifiant le choix de ces paramètres. Elles devront, en vertu de l’article 7, être transparentes sur les avantages accordés à leurs biens ou services lorsqu’elles agissent en tant que vendeurs et indiquer, comme en dispose l’article 9, quelles données sont collectées et comment elles sont utilisées.

Le règlement prévoit également de nouvelles voies d’action et de recours à destination des utilisateurs professionnels. Ainsi, comme cela est prévu par l’article 11, les plateformes devront obligatoirement mettre en place un système interne de traitement des réclamations. L’article 12 précise qu’elles devront faciliter le recours à la médiation et préciser dans leurs conditions générales les coordonnées des médiateurs avec lesquels ils sont prêts à prendre contact. Étant donné le coût de la mise en place de tels outils, ces obligations ne sont néanmoins imposées qu’aux plateformes dont les effectifs dépassent 50 personnes et dont le chiffre d’affaires annuel ou le total du bilan annuel excède 10 millions d’euros.

Si le droit français dispose déjà d’un certain nombre d’outils de droit commun permettant de sanctionner le manque de transparence et les pratiques déloyales des plateformes en ligne, à travers notamment l’abus de position dominante et la qualification de déséquilibre significatif prévu à l’article L. 442-1 du code de commerce, ce nouveau cadre bâti par le législateur européen permet d’instaurer des règles plus systématiques à l’endroit des plateformes en ligne.

Le règlement européen « platform to business » est d’application directe, sans qu’il soit nécessaire de prévoir des mesures de transposition. Cependant, la nécessité de légiférer demeure, afin d’assurer l’effectivité des dispositions du règlement. Ainsi, l’article 15 confie à chaque État membre le soin de veiller à l’application adéquate et effective du règlement. Les États membres doivent ainsi déterminer les mesures applicables en cas d’infraction au présent règlement et en assurent la mise en œuvre, étant précisé que celles-ci devront être effectives, proportionnées et dissuasives.

II.   Les dispositions du projet de loi initial

Le projet de loi initial prévoyait d’habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance afin de transposer la directive européenne sur les pratiques commerciales déloyales dans les relations interentreprises au sein de la chaîne d’approvisionnement agricole et alimentaire (directive « PCD ») et de mettre en œuvre le règlement européen promouvant l’équité et la transparence pour les entreprises utilisatrices de services d’intermédiation en ligne, dit « platform to business » (règlement « P2B »).

Pour cette habilitation, le délai accordé au Gouvernement pour la publication des ordonnances était de douze mois, ce dernier disposant ensuite d’un délai de trois mois pour déposer un projet de loi de ratification.

III.   Les dispositions adoptÉes par le sÉnat

A.   l’examen en commission

En commission, sur proposition de son rapporteur, le Sénat a :

 duit le délai de lhabilitation de douze à sept mois afin de tenir compte des échéances européennes tout en tenant compte de la date dexamen du présent projet de loi à lAssemblée nationale ;

– précisé, s’agissant de la directive (UE) 2019/633 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 sur les pratiques commerciales déloyales dans les relations interentreprises au sein de la chaîne d’approvisionnement agricole et alimentaire, qu’elle s’appliquait sans condition de chiffre daffaires afin de ne pas subir des effets de seuil de chiffres daffaires entre un fournisseur et son acheteur et afin de ne pas exclure de son champ des entreprises réalisant un chiffre daffaires de plus de 350 millions deuros. Le droit français des pratiques commerciales déloyales s’applique aujourd’hui sans condition de chiffre d’affaires. En outre, il est des cas où les acheteurs – des « centrales » - ne font que référencer les produits, sans acte d’achat, ce qui entraîne un chiffre d’affaires assez faible, parfois inférieur à celui du fournisseur. Compte tenu de la condition d’asymétrie retenue dans la directive, la commission des affaires économiques du Sénat a considéré qu’une telle relation commerciale pourrait échapper à la réglementation ;

 supprimé la partie de lhabilitation à légiférer par ordonnance concernant la mise en œuvre du règlement (UE) 2019/1150 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 promouvant léquité et la transparence pour les entreprises utilisatrices de services dintermédiation en ligne. Il s’agit là d’une suppression de principe, les sénateurs souhaitant inciter le Gouvernement à déposer pour la séance publique des dispositions « en clair », notamment au vu des délais très courts d’entrée en vigueur dudit règlement.

B.   l’examen en SÉance publique

1.   Directive « PCD »

En séance publique, le Sénat n’est pas revenu sur le délai d’habilitation modifié en commission. Le champ de l’habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance pour transposer la directive « PCD » n’a pas été modifié.

2.   Règlement européen « platform to business »

Le Sénat a adopté un amendement présenté par le Gouvernement procédant à l’inscription en clair des dispositions nécessaires à l’application du règlement précité. En ce sens, un nouveau III est inséré à l’article 7 du présent projet de loi. Celui procède à plusieurs modifications dans le code de commerce.

a.   Intégration des manquements au règlement « platform to business » dans le champ des pratiques restrictives de concurrence

Le 1° du III de l’article 7 complète l’article L. 442-1 du code de commerce qui énumère un certain nombre de pratiques restrictives de concurrence en y faisant désormais également figurer les manquements aux obligations du règlement 2019/1150. Il est ainsi indiqué que le service d’intermédiation en ligne qui ne se soumettra pas aux obligations dudit règlement pourra voir sa responsabilité engagée et pourra être obligé de réparer les préjudices afférents. Le régime juridique de sanction du non-respect du règlement est donc aligné sur celui des sanctions civiles existant pour les pratiques restrictives de concurrence. En vertu de l’article L. 442‑4, toute personne ayant intérêt à agir (dont les organisations, associations représentatives et le ministre de l’économie) pourra assigner l’auteur des pratiques illicites et engager sa responsabilité civile devant le juge judiciaire en demandant notamment la cessation des pratiques, comme c’est déjà le cas pour les autres pratiques restrictives de concurrence. De même, le ministre pourra solliciter du juge qu’il prononce contre cet auteur une amende pouvant aller jusqu’à 5 millions d’euros ou 5 % du chiffre d’affaires ou encore le triple des sommes indûment perçues.

b.   Extension de la procédure d’injonction prévue à l’article L. 470-1 du code de commerce aux manquements au règlement « platform to business »

Le 2° du III de l’article 7 modifie l’article L. 470-1 du code de commerce, qui porte sur les procédures d’injonction pouvant être mises en œuvre par les agents de la DGCCRF en cas de manquement aux règles prévues au titre IV du livre IV du code de commerce (transparence, pratiques restrictives de concurrence et autres pratiques prohibées). Ces derniers peuvent, après une procédure contradictoire, enjoindre à tout professionnel, en lui impartissant un délai raisonnable, de se conformer à ses obligations, de cesser tout agissement illicite ou de supprimer toute clause illicite. Lorsque le professionnel concerné n’a pas déféré dans le délai imparti à une injonction qui lui a été notifiée à raison d’une infraction ou d’un manquement passible d’une amende administrative, l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation peut prononcer à son encontre, dans les conditions et selon les modalités prévues à l’article L. 470-2 du code de commerce, une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 € pour une personne physique et 15 000 € pour une personne morale. Le a du 2° du III de l’article 7 modifie l’article L. 470-1 du code de commerce afin d’étendre la procédure d’injonction aux cas de manquements audit règlement.

c.   Création d’une nouvelle procédure d’astreinte pour l’ensemble des pratiques restrictives de concurrence

Le b du 2° du III de l’article 7 crée une nouvelle procédure d’astreinte qui vaut pour l’ensemble des pratiques restrictives de concurrence. Celle-ci est détaillée dans un nouveau III ajouté à l’article L. 470-1 du code de commerce. Lorsque l’injonction est relative à un manquement pouvant faire l’objet d’une amende civile, l’injonction peut être assortie d’une astreinte journalière dont le montant ne peut excéder 0,1 % du chiffre d’affaires mondial hors taxe réalisé au cours du dernier exercice clos, celui-ci correspondant le cas échéant au chiffre d’affaires des comptes consolidés ou combinés de l’entreprise combinante ou consolidante. La rédaction précise que le montant de l’astreinte est proportionné à la gravité des manquements et tient compte notamment de l’importance du trouble causé. L’astreinte court à compter du jour suivant l’expiration du délai imparti dans la mesure d’injonction de mise en conformité.

En cas d’inexécution totale ou partielle, ou d’exécution tardive, la DGCCRF pourra procéder à la liquidation de l’astreinte. Le total des sommes demandées ne pourra être supérieur à 1 % du chiffre d’affaires mondial, calculé dans les mêmes conditions que celles décrites précédemment. Les décisions d’jonction et d’astreintes doivent être motivées et peuvent faire l’objet d’un recours de pleine juridiction ainsi que d’un référé suspension devant le juge administratif. La rédaction prévoit également la possibilité de publier l’injonction en cas d’inexécution, aux frais de la personne sanctionnée.

Comme l’explicite le Gouvernement dans l’objet de son amendement, « ce dispositif vise à renforcer la protection des victimes de pratiques restrictives de concurrence en situation de faiblesse face à de puissants acteurs du numérique et de la grande distribution, grâce à la mise en œuvre doutils et de sanctions crédibles, tant en termes de rapidité des mesures pouvant être prises quau regard du montant dissuasif de lastreinte encourue en cas de défaut de mise en conformité ».

IV.   La position de la commission

La commission a adopté cet article modifié de trois amendements rédactionnels de sa rapporteure (CE54, CE55 et CE89).

La France fait partie des pays les plus répressifs en matière de pratiques commerciales déloyales. Il s’agit d’un sujet de préoccupation majeure pour l’Assemblée nationale, en particulier pour la commission des affaires économiques qui a à cœur de rétablir de l’équité dans les déséquilibres contractuels, notamment lorsque ce sont nos agriculteurs qui en subissent les conséquences. La loi dite « Egalim » a permis de mieux organiser le code de commerce afin que les dispositions applicables aux produits agricoles et alimentaires bénéficient d’une rédaction spécifique mieux identifiable et respectueuse des spécificités de ce secteur « à part ».

La plupart des pratiques commerciales qualifiées d’abusives par la directive « PCD » sont depuis longtemps interdites en droit français et applicables à toutes les entreprises quel que soit leur chiffre d’affaires annuel. La notion d’asymétrie dans la relation commerciale décrite par la directive « PCD », appréciée par comparaison des chiffres d’affaires des entreprises contractantes, n’existe pas en droit français. Les deux approches ne sont pas pour autant incompatibles et le droit français continuera à s’appliquer dans l’esprit de protection des petits fournisseurs face à leurs acheteurs de taille souvent supérieure. C’est surtout au moyen de la sanction du déséquilibre significatif que la DGCCRF sanctionne les pratiques commerciales déloyales. L’objectif de notre administration est de préserver cette notion très large pour pouvoir appréhender les nouvelles pratiques commerciales, fruit de l’inventivité des acheteurs.

Votre rapporteure salue les avancées apportées par la directive qui, par la liste des pratiques interdites comme par l’application des règles par des autorités de contrôle (la DGCCRF, en France) amenées à coopérer entre elles, constitue un standard minimal de protection des entreprises implantées dans l’ensemble des pays de l’Union européenne.

Votre commission propose de conserver la rédaction adoptée par le Sénat afin que l’ordonnance soit publiée avant le 1er mai 2021 pour entrer en application au plus tard le 1er novembre 2021 et que toutes les pratiques commerciales soient répréhensibles, sans condition de chiffre d’affaires.

Pour ce qui concerne les dispositions relatives à la bonne mise en œuvre du règlement « platform to business », votre rapporteure se félicite de leur inscription « en clair » dans le texte. En considérant les manquements audit règlement comme des pratiques restrictives de concurrence, Le droit offre un ensemble d’outils nouveaux pour mieux lutter contre les pratiques déloyales pratiquées par certaines plateformes d’intermédiation en ligne.

En outre, le nouveau dispositif d’astreinte qui pourra s’appliquer pour l’ensemble des pratiques restrictives de concurrence devrait permettre de renforcer considérablement l’efficacité des mesures prises pour lutter contre les déséquilibres commerciaux. Le caractère dissuasif du montant de l’astreinte encourue devrait permettre de limiter ces pratiques répréhensibles, observées tant dans le secteur de la grande distribution que dans celui du numérique.

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Chapitre IV
Dispositions en matière de fiscalité et de règlementation douanière

Article 8
(Article 410 du code des douanes)
Sanction des manquements à lobligation
de notification des messages sur le statut des conteneurs

Adopté par la commission sans modifications.

L’avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire a été sollicité sur l’article 8.

L’article 8 du projet de loi vise à permettre à la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) de sanctionner les manquements à lobligation de notification des messages sur le statut des conteneurs, créée par le règlement (UE) n° 2015/1525.

Cette obligation à laquelle sont soumis les transporteurs est destinée à permettre d’alimenter le nouveau « répertoire CSM », qui rassemble des données relatives aux mouvements de marchandises au sein de l’Union européenne, afin de renforcer la lutte contre les fraudes.

L’examen de l’article 8 a été délégué à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, saisie pour avis, qui s’est prononcée en faveur de son adoption sans modification.

La commission des affaires économiques a adopté l’article 8 sans modifications.

I.   une nouvelle obligation EUROPÉenne de notification des messages sur le statut des conteneurs, qui ne s’accompagne d’aucun dispositif de sanction

La bonne application de la règlementation douanière fixée par l’Union européenne repose en grande partie sur l’assistance mutuelle entre les autorités douanières nationales et sur la collaboration de celles-ci entre elles et avec la Commission européenne. Cette assistance et cette collaboration sont facilitées par le règlement (CE) n° 515/97 du 13 mars 1997 ([37]), qui organise le partage des informations relatives aux violations réelles ou présumées de la réglementation.

A.   La crÉation d’une obligation de notification des messages sur le statut des conteneurs destinÉe À alimenter un rÉpertoire des donnÉes relatives aux mouvements de marchandises au sein de l’Union européenne

Dans le cadre du renforcement de la lutte contre les fraudes aux intérêts financiers de l’Union européenne – que les États membres sont tenus de protéger, en application de l’article 325 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne –, le règlement (CE) n° 515/97 a été modifié par le règlement (UE) n° 2015/1525 du 9 septembre 2015 ([38]), en vue de garantir la bonne perception des droits de douane, des droits anti-dumping, des droits additionnels et des droits compensateurs, qui font partie des ressources propres du budget de l’Union. Cette évolution s’inscrit également dans le cadre plus large de la lutte contre tous les types de fraude, contre la criminalité et contre le terrorisme.

Si le nouveau règlement s’applique à tous les modes de transport, le transport maritime, jusqu’à présent moins réglementé que le transport aérien, est particulièrement visé. Parmi les pratiques frauduleuses ciblées, figurent les fausses déclarations de l’origine douanière des marchandises, notamment celles qui proviennent des manœuvres de transbordement, lesquelles permettent de contourner les droits anti‑dumping.

Dans cette perspective, l’article 18 bis du règlement (CE) n° 515/97, dans sa rédaction résultant du règlement (UE) n° 2015/1525, crée un nouveau répertoire des messages sur le statut des conteneurs ou « répertoire CSM » ([39]), qui fournit, à partir des données que les transporteurs ont l’obligation de notifier, des informations concernant les conteneurs qui circulent sur le territoire douanier de l’Union européenne. Le répertoire CSM est géré par la Commission européenne, via l’Office européen de lutte anti-fraude (OLAF), mais ses données peuvent être consultées par les autorités douanières nationales.

Le répertoire rassemble un ensemble de données relatives aux mouvements de conteneurs. Les données que les transporteurs doivent notifier et les modalités de transmission de celles-ci sont déterminés par les paragraphes 4 à 9 de l’article 18 bis du règlement (CE) n° 515/97, dans sa rédaction résultant du règlement (UE) n° 2015/1525, ainsi que par le règlement d’exécution (UE) n° 2016/345 du 10 mars 2016 ([40]). Pour chaque conteneur, doivent être transmis son numéro, son statut (chargé ou vide), le type de mouvement (chargement, déchargement, transbordement, entrée dans le territoire douanier de l’Union européenne, sortie), la date et le lieu du mouvement, le numéro du voyage ou encore le numéro du document de transport.

Le répertoire constitue, pour la Commission européenne, l’OLAF et les autorités douanières nationales, un complément efficace aux outils d’analyse de données préexistants. Il aide à mieux détecter les flux suspects portant sur des marchandises à destination ou en provenance de l’Union européenne et les risques de fraude liée à de fausses déclarations. Il permet ainsi de mieux cibler les contrôles mais aussi, lorsque cela s’avère nécessaire, de refuser le chargement d’un navire ou d’un aéronef.

B.   L’absence de dispositif de sanction des manquements À l’obligation de notification des messages sur le statut des conteneurs

Le répertoire CSM est opérationnel depuis le 1er septembre 2016. Néanmoins, le règlement (UE) n° 2015/1525 ne contient pas de disposition permettant de sanctionner les transporteurs en cas de non-respect de leur obligation de notification. Il impose uniquement aux États membres de mettre en place « des sanctions pour manquement à lobligation de fournir des données ou pour fourniture de données incomplètes ou erronées », qui doivent être « effectives, proportionnées et dissuasives » ([41]).

À l’heure actuelle, le droit français ne comporte pas de dispositif de sanction permettant de sanctionner les transporteurs qui méconnaîtraient leur obligation de notifier les informations relatives aux conteneurs dont ils ont la charge. Dans sa version en vigueur, l’article 410 du code des douanes punit d’une amende de 300 à 3 000 euros « toute infraction aux dispositions des lois et règlements que ladministration des douanes est chargée dappliquer lorsque cette irrégularité nest pas plus sévèrement réprimée ». Toutefois, il ne peut s’appliquer au répertoire CSM, dans la mesure où ce dernier n’est pas géré par la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) elle-même, mais par la Commission européenne, via l’OLAF.

La sanction des manquements est néanmoins nécessaire car de nombreux transporteurs omettent encore de transmettre les données qui leur sont demandées, notamment dans le domaine du transport maritime.

II.   La nÉcessitÉ d’adapter le droit français pour permettre la sanction Des manquements À l’obligation de notification des messages sur le statut des conteneurs

L’article 8 du projet de loi vise à permettre à la DGDDI de sanctionner les manquements à l’obligation de notification des messages sur le statut des conteneurs créée par le règlement (UE) n° 2015/1525.

L’article complète le dispositif de sanction prévu à l’article 410 du code des douanes en y ajoutant un 3 qui sanctionne d’une contravention douanière de première classe, d’un montant de 300 à 3 000 euros, tout manquement à l’obligation de notification des messages sur le statut des conteneurs prévue à l’article 18 bis du règlement (CE) n° 515/97, dans sa rédaction résultant du règlement (UE) n° 2015/1525.

Le projet de loi précise que l’obligation de notification est considérée comme non exécutée « si les informations fournies [par le transporteur] sont incorrectes ou incomplètes ».

Le dispositif de sanction proposé à l’article 8 répond aux conditions exigées au paragraphe 6 de l’article 18 bis du règlement (CE) n° 515/97. La sanction prévue est une simple contravention de première classe. En outre, l’amende prévue peut varier entre 300 et 3 000 euros, ce qui permettra de tenir compte du comportement intentionnel ou non‑intentionnel du transporteur qui aurait fourni des informations incorrectes ou incomplètes.

En outre, l’article 410 du code des douanes doit être lu en parallèle du 2 de l’article 439 du même code, qui dispose qu’en cas de « pluralité de contraventions ou de délits douaniers, les condamnations pécuniaires sont prononcées pour chacune des infractions dûment établies ». Ainsi, l’article 8 du projet de loi permettra d’appliquer une amende pour chaque manquement, autrement dit pour chaque élément d’information incorrect ou incomplet. La répétition des amendes pourra donc conduire à prononcer des contraventions pécuniaires très importantes, par exemple en cas d’infraction prolongée, renforçant ainsi le caractère dissuasif de la sanction.

III.   LA Position de la commission des finances

L’examen de l’article 8 a été délégué à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, saisie pour avis, qui s’est prononcée en faveur de son adoption sans modification.

En effet, le dispositif retenu n’aura pas d’incidence économique majeure pour les entreprises. S’il affectera nécessairement les transporteurs maritimes, il correspond néanmoins au strict respect du règlement (UE) n° 2015/1525 et ne s’accompagne d’aucune « surtransposition » par rapport aux obligations européennes en vigueur.

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*     *

Article 9
(Articles 302 L, 302 M, 465 bis, 466, 468, 1794 et 1798 ter du code général des impôts)
Adaptation du droit français à la réglementation européenne
sur les produits vitivinicoles

Adopté par la commission avec modifications.

L’avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire a été sollicité sur l’article 9.

 

L’article 9 du projet de loi vise à adapter le droit français à la nouvelle réglementation européenne sur les produits vitivinicoles. Il concerne, d’une part, l’obligation de déclaration de récolte des raisins imposée aux producteurs et, d’autre part, les documents d’accompagnement exigés en cas de circulation des produits vitivinicoles non soumis à accise.

L’examen de l’article 9 a été délégué à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, saisie pour avis, qui s’est prononcée en faveur de son adoption et a adopté deux amendements rédactionnels du rapporteur pour avis.

La commission des affaires économiques a adopté larticle 9 ainsi que les deux amendements rédactionnels de la commission des finances.

I.   Le droit français n’est pAs adaptÉ À la NOUVELLE rÉglementation europÉenne en matiÈre de produits VITIVINICOLES

L’union douanière étant une compétence exclusive de l’Union européenne, en application du a du 1 de l’article 3 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, les règles applicables aux produits du vin et de la vigne sont fixées au niveau européen. Toutefois, elles sont déclinées dans le droit français et toute modification des textes européens peut nécessiter une modification du code des douanes.

A.   La rÉglementation europÉenne sur les produits vitivinicoles a évoluÉ avec l’adoption de deux nouveaux rÈglements d’application

La règlementation européenne sur les produits vitivinicoles est mise en œuvre dans le cadre de l’organisation commune du marché du vin, régie par le règlement (UE) n° 1308/2013 du 17 décembre 2013 ([42]). Elle impose aux producteurs de vin, aux transformateurs, aux embouteilleurs, aux négociants et, plus généralement, à tous les acteurs impliqués dans la culture de la vigne des obligations déclaratives en matière de production, de récolte, de stock et de circulation des produits vitivinicoles.

Les modalités d’application du règlement (UE) n° 1308/2013 ont été modifiées par le règlement délégué (UE) 2018/273 ([43])  et le règlement d’exécution (UE) 2018/274 ([44])  du 11 décembre 2017.

Ces deux règlements d’application remplacent, à compter du 2 mars 2018, l’ancien règlement (CE) n° 436/2009 ([45]), abrogé par l’article 55 du règlement délégué (UE) 2018/273, en modifiant certaines des règles applicables aux produits vitivinicoles jusqu’alors en vigueur. Deux évolutions principales méritent d’être soulignées.

D’une part, la déclaration de récolte des raisins, auparavant imposée à l’article 8 du règlement (CE) n° 436/2009, devient facultative. En application de l’article 33 du règlement délégué (UE) 2018/273 : « Les États membres peuvent exiger de tous les récoltants ou, sur la base de critères objectifs et non discriminatoires, dune partie dentre eux, quils soumettent une déclaration de récolte aux autorités compétentes pour la campagne viticole au cours de laquelle la récolte a eu lieu. » Lorsque les États membres exigent cette déclaration de récolte, celle-ci doit être présentée dans les conditions fixées à l’article 24 du règlement (UE) 2018/274, qui fixe le contenu et le calendrier de la déclaration.

D’autre part, l’article 8 du règlement délégué (UE) 2018/273 impose un nouveau document d’accompagnement spécifique pour la circulation des produits vitivinicoles non soumis à accise. Ce document d’accompagnement n’est pas obligatoire pour les produits qui bénéficient d’une exemption en application de l’article 9 du règlement délégué. Il n’est reconnu que s’il respecte les conditions fixées à l’article 10 du même règlement. Ce document doit être dématérialisé au plus tard le 1er janvier 2021.

B.   Certaines des dispositions en vigueur sont dÉsormais contraires À la nouvelle rÉglementation europÉenne

La réglementation douanière européenne sur les produits vitivinicoles est complétée, en France, par des dispositions du code général des impôts et du code rural et de la pêche maritime, qui précisent les modalités d’application des obligations déclaratives prévues par les textes européens et organisent les pouvoirs de contrôle et de sanction de la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI).

À l’heure actuelle, les dispositions du code général des impôts et du code rural et de la pêche maritime ne tiennent pas compte des nouvelles règles instaurées par le règlement délégué (UE) 2018/273 et le règlement d’exécution (UE) 2018/274. De surcroît, elles comportent encore des références au règlement (CE) n° 429/2009 et, plus généralement, à des dispositions désormais abrogées.

L’existence de dispositions inopérantes, voire explicitement contraires à la nouvelle règlementation européenne, même si elles demeurent largement inappliquées, n’est pas sans fragiliser l’application des obligations déclaratives relatives aux produits vitivinicoles ainsi que les procédures de contrôle et de sanction prévues en cas de manquement à ces obligations. Le problème se pose particulièrement pour les documents d’accompagnement imposés en cas de circulation des produits vitivinicoles non soumis à accise.

En effet, s’agissant des produits vitivinicoles soumis à accise, les i et ii du a du paragraphe 1 de l’article 10 du règlement délégué (UE) 2018/273, qui renvoient à la directive 2008/118/CE ([46]), prévoient que les documents fiscaux peuvent être reconnus comme des documents d’accompagnement au titre de l’organisation commune du vin. Néanmoins, cette règle ne s’applique pas aux produits vitivinicoles non soumis à accise, pour lesquels est exigé un document d’accompagnement répondant aux conditions fixées à l’article 10 et à l’annexe V du règlement délégué.

En l’état, les articles 302 M, 302 M ter, 465 bis, 466 et 468 du code général des impôts autorisent la circulation des produits vitivinicoles soumis à accise sous couvert d’un document simplifié d’accompagnement, qui ne répond pas aux conditions exigées par le règlement délégué (UE) 2018/273. Ils sont donc contraires à la nouvelle réglementation européenne.

Par ailleurs, au moment où le projet de loi a été déposé sur le bureau du Sénat, le 12 février 2020, un problème similaire se posait pour la déclaration de récolte de raisin. Ainsi, les articles 407 et 1798 du code général des impôts ainsi que les articles L. 644‑5‑1, L. 665‑4 et L. 665‑5 du code rural et de la pêche maritime renvoyaient encore au règlement (CE) n° 436/2009, désormais abrogé, pour imposer l’obligation de récolte devenue facultative avec l’adoption du règlement délégué (UE) 2018/273 et du règlement d’exécution (UE) 2018/274.

II.   La nÉcessitÉ de modifier les codes en vigueur pour tenir compte des nouvelles rÈgles applicables aux produits vitivinicoles

L’article 9 du projet de loi modifie le code général des impôts afin de le mettre en conformité avec le règlement délégué (UE) 2018/273 et le règlement d’exécution (UE) 2018/274. Cette adaptation du droit français permet avant tout de sécuriser les procédures de déclaration, de contrôle et de sanction, en supprimant ou remplaçant les dispositions inopérantes ou contradictoires avec la nouvelle réglementation européenne. Elle permet aussi une simplification administrative.

Certains des alinéas de l’article 9 se contentent de remplacer des dispositions désormais obsolètes par des renvois aux nouvelles dispositions en vigueur. Ainsi, le 1° du I de l’article 9 du projet de loi modifie le 2° du II de l’article 302 L du code général des impôts afin d’actualiser la définition du bureau de douane de sortie, qui ne relève plus de l’article 793 du règlement (CEE) n° 2454/1993 ([47]), désormais abrogé, mais de l’article 329 du règlement d’exécution (UE) 2015/2447 ([48]).

La plupart des dispositions de l’article 9 vont plus loin et, outre l’actualisation des références aux nouveaux règlements en vigueur, alignent également les codes en vigueur avec les nouvelles règles en matière de documents d’accompagnement des produits vitivinicoles non soumis à accise.

A.   Le rÉtablissement de l’obligation de déclaration de récolte, une disposition dÉsormais sans objet

L’article 9 du projet de loi concerne tout d’abord la déclaration de récolte des raisins rendue facultative par le règlement délégué (UE) 2018/273 et le règlement d’exécution (UE) 2018/274.

Dans leur version initiale, le 3° du I et le II de l’article 9 du projet de loi modifiaient, d’une part, l’article 407 du code général des impôts et, d’autre part, les articles L. 644‑5‑1, L. 665‑4 et L. 665‑5 du code rural et de la pêche maritime, afin de maintenir l’obligation de déclaration de récolte des raisins imposée aux producteurs et d’actualiser les références aux nouveaux règlements européens relatives aux modalités de contrôle et de sanction de cette obligation.

Ces dispositions figuraient déjà à l’article 41 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dans sa version adoptée par l’Assemblée nationale en lecture définitive, mais elles ont été censurées par le Conseil constitutionnel comme ne présentant pas de lien, même indirect, avec le projet de loi initial ([49]).

Toutefois, l’article 12 de la loi n° 2020-699 du 10 juin 2020 relative à la transparence de l’information sur les produits agricoles et alimentaires, issue d’une proposition de loi déposée par notre collègue M. Gilles Le Gendre, a entretemps repris ces dispositions et confirmé le caractère obligatoire de la déclaration de récolte des raisins, en prévoyant la transmission de celle-ci par voie dématérialisée, tout en actualisant les références aux nouveaux règlements européens en vigueur.

En conséquence, la commission des finances du Sénat a supprimé le 3° du I ainsi que le II de l’article 9 du projet de loi, devenus sans objet. Ces dispositions n’ont pas vocation à être rétablies à l’Assemblée nationale.

B.   L’adaptation du droit français aux nouvelles rÈgles en matiÈre de documents d’accompagnement des produits vitivinicoles non soumis À accise

L’article 9 du projet de loi adapte également le droit français aux nouvelles règles en matière de documents d’accompagnement des produits vitivinicoles non soumis à accise, en modifiant les articles 302 M, 302 M ter, 465 bis, 466 et 468 du code général des impôts, dont certains sont désormais contraires à la nouvelle réglementation européenne.

Le 2° du I de l’article 9 du projet de loi modifie la fin du second alinéa du I de l’article 302 M du code général des impôts et remplace la référence au iii du a du 1 de l’article 24 du règlement (CE) n° 436/2009 par un renvoi au iii du a de l’article 10 du règlement délégué (UE) 2018/273 pour la définition des documents d’accompagnement des produits vitivinicoles non soumis à accise. Il permet ainsi d’adapter le droit français aux nouvelles conditions que la règlementation européenne impose à de tels documents et de tenir compte de l’obligation de dématérialiser ces documents à compter du 1er janvier 2021.

Les 5° et 7° du I de l’article 9 du projet de loi prévoient l’abrogation, respectivement, de l’article 465 bis et de l’article 468 du code général des impôts. Il s’agit de supprimer les dispositions qui autorisent la circulation des produits vitivinicoles soumis à accise, en particulier des marcs de raisins et de lies, sous couvert d’un document simplifié d’accompagnement qui ne répond pas aux conditions exigées par le règlement délégué (UE) 2018/273. Les règlements européens étant d’application directe, l’abrogation pure et simple des articles 465 bis et 468 du code général des impôts entraîne mécaniquement l’application du règlement délégué (UE) 2018/273.

Par ailleurs, la commission des finances du Sénat a, par cohérence, modifié le 5° du I de l’article 9 afin d’abroger la section III du chapitre Ier du titre III de la première partie du livre Ier du code général des impôts, qui ne comportait plus aucun article du fait de l’abrogation de l’article 465 bis du même code.

Le 6° du I réécrit l’article 466 du code général des impôts et simplifie les règles relatives aux vendanges fraîches, en renvoyant directement aux articles 8 à 10 du règlement délégué (UE) 2018/273 s’agissant des documents d’accompagnement et de leurs exemptions.

Enfin, les 8° et 9° du I de l’article 9 du projet de loi, qui modifient, respectivement, l’article 1794 et l’article 1798 ter du code général des impôts, adaptent les dispositifs de sanction des manquements aux nouvelles obligations en matière de documents d’accompagnement des produits vitivinicoles non soumis à accise, en remplaçant la référence au règlement (CE) n° 436/2009 par un renvoi au règlement délégué (UE) 2018/273 et au règlement d’exécution (UE) 2018/274.

III.   Position de la commission des finances

L’examen de l’article 9 a été délégué à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, saisie pour avis, qui s’est prononcée en faveur de son adoption et a adopté un amendement rédactionnel et un amendement de cohérence du rapporteur pour avis.

La commission des finances approuve les modifications du texte opérées par le Sénat ainsi que le maintien du caractère obligatoire de la déclaration de récolte des raisins, demandé par les professionnels. En effet, la déclaration de récolte permet, en particulier, d’assurer la traçabilité des vins et d’organiser l’application des labels tels que les appellations d’origine contrôlée et les indications géographiques protégées. Elle contribue donc au bon fonctionnement de la filière vitivinicole.

Par ailleurs, la commission des finances entérine la nouvelle réglementation en matière de documents d’accompagnement des produits vitivinicoles non soumis à accise ainsi que la dématérialisation annoncée de ces documents, à compter du 1er janvier 2020, qui permettra à la fois de simplifier les procédures pour les acteurs de la filière de la vigne et du vin et de renforcer le ciblage des contrôles.

Cependant, le texte du Gouvernement conduisant à avoir deux divisions successives du code général des impôts intitulées « Vendanges », la commission a adopté, sur proposition du rapporteur pour avis, un amendement supprimant la division et l’intitulé du 1° du IV de la section III du chapitre Ier du titre III de la première partie du livre Ier (amendement CF3). La commission a également adopté un amendement rédactionnel du rapporteur pour avis modifiant la place du 4° du I, qui devient 5° bis du I (amendement CF2).

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Article 10
(Article 65, 86, 87, 89, 92 à 94, 285 quinquies, 396, 410 et 413 bis du code des douanes)
Remplacement des commissaires en douane agréés
par les représentants en douane enregistrés

Adopté par la commission avec modifications.

L’avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire a été sollicité sur l’article 10.

L’article 10 du projet de loi tire les conséquences de louverture du secteur de la représentation en douane, prévue dans le nouveau code des douanes de lUnion européenne. Il met fin au monopole des commissaires en douane agréés et définit les conditions et modalités d’enregistrement des représentants en douane.

L’examen de l’article 10 a été délégué à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, saisie pour avis, qui s’est prononcée en faveur de son adoption et a adopté trois amendements rédactionnels du rapporteur pour avis.

La commission des affaires économiques a adopté l’article 10 ainsi que les trois amendements rédactionnels de la commission des finances.

I.   Le droit français n’est pas adaptÉ À l’ouverture du secteur de la reprÉsentation en douane prÉvue par le droit de l’union europÉenne

L’article 10 du projet de loi met fin au monopole des commissaires en douane agréés consacré par le droit français, afin de tenir compte de l’ouverture du secteur de la représentation en douane prévue par le nouveau code des douanes de l’Union européenne.

A.   Le nouveau code des douanes de l’Union europÉenne ouvre le secteur de la reprÉsentation en douane

Le règlement (UE) n° 952/2013 du 9 octobre 2013 ([50]) établit le nouveau code des douanes de l’Union européenne, en remplacement du règlement (CEE) n° 2913/92 ([51]). Il est entré en vigueur le 1er mai 2016 et a été complété par un règlement délégué (UE) 2015/2446 ([52]) et un règlement d’exécution (UE) 2015/2447 ([53]).

Le règlement (UE) n° 952/2013 ouvre le secteur de la représentation en douane. Le 1 de l’article 18 du règlement autorise la désignation d’un représentant en douane, défini au 6 de l’article 5 comme « toute personne désignée par une autre personne pour accomplir auprès des autorités douanières des actes ou des formalités prévues par la législation douanière ». Il précise que cette « représentation peut être soit directe, auquel cas le représentant en douane agit au nom et pour le compte dautrui, soit indirecte, auquel cas le représentant en douane agit en son nom propre, mais pour le compte dautrui ».

Toutefois, les représentants en douane doivent, pour pouvoir exercer leur activité, satisfaire à un enregistrement préalable, qui permet de s’assurer qu’ils respectent un certain nombre d’exigences minimales.

Ainsi, le 3 de l’article 18 du règlement prévoit que les « États membres peuvent déterminer […] les conditions dans lesquelles un représentant en douane peut fournir des services dans lÉtat membre dans lequel il est établi ». En outre, pour qu’un représentant en douane puisse fournir ses services dans un autre État membre que celui dans lequel il est établi, il doit satisfaire à des conditions minimales déterminées aux a à d de l’article 39 du règlement :

– l’absence d’infraction grave ou répétée à la législation fiscale et douanière ;

– l’utilisation d’un système de gestion des écritures commerciales et de documents de transport permettant d’exercer les contrôles douaniers nécessaires ;

– une situation financière satisfaisante ;

– un niveau de compétence ou de qualifications professionnelles suffisant.

Le 2 de l’article 18 du règlement prévoit que, sauf exception, le représentant en douane doit être établi sur le territoire douanier de l’Union, c’est-à-dire en France ou dans un autre État membre.

La France s’était beaucoup impliquée dans le processus d’élaboration du règlement, afin que les conditions imposées aux représentants en douane enregistrés soient les plus exigeantes possibles. Il est donc d’autant plus important d’adapter le droit français pour tenir compte des évolutions de la règlementation européenne.

B.   le droit en vigueur comporte des dispositions relatives aux commissaires en douane agrÉÉs dÉsormais contraires au droit de l’Union europÉenne

En France, le secteur de la représentation en douane était jusqu’ici réservé aux commissaires en douane disposant d’un agrément. Toutefois, en vue de l’entrée en vigueur du nouveau code des douanes de l’Union européenne, le droit français a été partiellement adapté à l’ouverture du secteur de la représentation en douane, mais uniquement au niveau réglementaire.

1.   Un arrêté du 13 avril 2016 fixe les conditions et modalités d’enregistrement des représentants en douane

En effet, un arrêté du 13 avril 2016 ([54]) – pris sur le fondement de l’article 17 bis du code des douanes, qui autorise le ministre chargé des douanes à arrêter « les mesures nécessaires à la mise en œuvre des réglementations édictées par lUnion européenne » – a introduit la notion de représentant en douane enregistré dans le droit français et fixé les conditions d’enregistrement des représentants en douane.

L’article 2 de l’arrêté prévoit, conformément au nouveau code des douanes de l’Union, que toute « personne qui souhaite agir en tant que représentant en douane doit être préalablement enregistrée auprès des services douaniers » et, pour cela, satisfaire à certaines conditions.

L’article 7 de l’arrêté, reprenant trois des quatre conditions fixées aux a à d de l’article 39 du règlement (UE) n° 952/2013, dispose que l’enregistrement en qualité de représentant en douane est accordé dès lors que le demandeur n’a pas commis d’infraction grave ou répétée aux législations douanière et fiscale ou d’infraction pénale grave liée à son activité économique, qu’il justifie d’un système de tenue des écritures douanières et commerciales approprié permettant la réalisation des contrôles douaniers et qu’il possède une compétence professionnelle suffisante. Seule la condition européenne de solvabilité financière n’est pas reprise.

S’agissant des représentants en douane qui ne sont pas établis sur le territoire douanier de l’Union européenne, l’article 7 de l’arrêté prévoit deux conditions supplémentaires. L’enregistrement n’est possible que s’il existe un instrument d’assistance administrative mutuelle entre la France et le pays tiers concerné et sous réserve que les représentants en douane français puissent s’établir dans ce pays dans des conditions similaires.

Si l’arrêté prévoit que l’ « enregistrement en qualité de représentant en douane est accordé pour une durée indéterminée » (article 10), l’autorité douanière peut, si la situation l’exige, « procéder à la réévaluation de l’enregistrement » (article 11), à sa « suspension (…) pour une durée de trente jours » (article 12) ou à son « abrogation » (article 13).

L’arrêté du 13 avril 2016 a donc mis fin au monopole des commissaires en douane. Toutefois, l’arrêté prévoyait une période de transition. Dès le 1er mai 2016, date de l’entrée en vigueur du règlement (UE) n° 952/2013, les commissionnaires en douane agréés ont automatiquement acquis la qualité de représentant en douane enregistré. Ils ont, par la suite, fait l’objet de contrôles visant à s’assurer qu’ils respectaient les conditions imposées aux représentants en douane enregistrés.

Les opérateurs qui ne détenaient pas d’agrément de commissionnaire en douane et qui souhaitaient utiliser le mode de la représentation directe à compter du 1er mai 2016 ont dû s’enregistrer en respectant les conditions fixées par l’arrêté. Les opérateurs qui ne détenaient pas d’agrément de commissionnaire en douane et qui souhaitaient utiliser le mode de la représentation indirecte ont pu, de façon transitoire, utiliser ce mode de représentation sans enregistrement préalable jusqu’au 31 décembre 2017.

Depuis le 1er janvier 2018, tous les opérateurs qui souhaitent agir en représentation en douane directe ou indirecte doivent être préalablement enregistrés et remplir les conditions fixées par l’arrêté du 13 avril 2016.

2.   Le code des douanes comporte toujours des dispositions relatives aux commissaires en douane agréés

Malgré les règles édictées au niveau réglementaire, le code des douanes comporte toujours des dispositions relatives au monopole des commissaires en douane et aux conditions dans lesquelles ils peuvent obtenir un agrément :

– la section 2 du chapitre Ier du titre IV du code des douanes est intitulée « Personnes habilitées à déclarer les marchandises en détail, commissaires en douane » ;

– l’article 86 du code des douanes prévoit que les « marchandises importées ou exportées doivent être déclarées en détail par leurs détenteurs ou par les personnes ou services ayant obtenu lagrément de commissionnaire en douane » ;

– l’article 87 du même code établit explicitement le monopole des commissaires en douane en disposant que nul « ne peut faire profession daccomplir au nom et pour le compte dautrui les formalités de douane concernant la déclaration en détail des marchandises sil na été agréé comme commissionnaire en douane » ;

– les articles 89 et 92 à 94 du code des douanes fixent les modalités de délivrance de l’agrément de commissaire en douane ainsi que les règles encadrent l’exercice de la profession, comme par exemple l’obligation de tenue de répertoires des opérations de douane effectuées pour autrui ainsi que les tarifs des rémunérations perçues par les commissaires en douane.

Parce que contraires au code des douanes de l’Union européenne, ces dispositions ne sont désormais plus appliquées. Elles n’en rendent pas moins inintelligibles les nouvelles dispositions en vigueur au niveau européen et au niveau réglementaire.

II.   Le droit proposÉ

L’article 10 du projet de loi tire les conséquences, au niveau législatif, de l’entrée en vigueur du nouveau code des douanes de l’Union européenne.

L’article 10 remplace, tout d’abord, la notion de « commissaire en douane agréé » par celle de « représentant en douane enregistré » dans plusieurs dispositions du code des douanes. Sont notamment concernés le f du 1° de l’article 65, le 2 de l’article 285 quinquies, le 1 de l’article 396 et l’intitulé de la section 2 du chapitre Ier du titre IV et l’intitulé du paragraphe 4 de la section 1 du chapitre V du titre XII.

Surtout, l’article 10 du projet de loi réécrit l’ensemble de la section 2 du chapitre Ier du titre IV du même code, en abrogeant les articles 89 et 92 à 94, afin de supprimer les dispositions qui établissaient le monopole des commissaires en douane, les modalités de délivrance de leur agrément et les règles organisant la profession.

Dans sa rédaction résultant de l’article 10 du projet de loi, l’article 86 du code des douanes prévoit que les « conditions dans lesquelles un représentant en douane peut fournir ses services en application de larticle 18 du règlement (UE)  952/2013 […] sont fixées par larrêté prévu à larticle 17 bis » du même code, renvoyant ainsi à l’arrêté du 13 avril 2016.

L’article 87 précise quant à lui les éléments que le représentant en douane doit mentionner sur les factures émises pour ses mandants, à savoir :

– les mentions obligatoires prévues au II de l’article 289 du code général des impôts (identification des parties, données concernant les biens livrés ou les services rendus, données relatives à la détermination de la taxe sur la valeur ajoutée) ;

– la date de versement au comptable des douanes des droits et taxes acquittés à l’importation en application de l’article 114 du code des douanes, notamment la taxe sur la valeur ajoutée et les taxes assimilées ainsi que la taxe intérieure de consommation.

Cette nouvelle rédaction est en lien avec l’obligation d’utiliser un système de gestion des écritures commerciales et de documents de transport permettant d’exercer les contrôles douaniers nécessaires, qui figure, en application du b de l’article 39 du règlement (UE) n° 952/2013, parmi les conditions préalables à l’enregistrement des représentants en douane. Elle reprend une partie des dispositions qui figuraient au 3 de l’article 92 du code des douanes.

Enfin, par coordination, l’article 10 du projet de loi modifie l’article 413 bis du code des douanes pour tenir compte de la modification de l’article 87.

III.   Position de la commission des finances

L’examen de l’article 10 a été délégué à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, saisie pour avis, qui s’est prononcée en faveur de son adoption et a adopté trois amendements rédactionnels du rapporteur pour avis.

Il paraît nécessaire de mettre fin aux contradictions entre le code des douanes, d’une part, et les textes européens ainsi que l’arrêté du 13 avril 2016, d’autre part. Même si les dispositions du code des douanes, désormais contraires au droit de l’Union européenne, n’étaient plus appliquées par l’administration des douanes, leur existence n’en rendait pas moins confuses les nouvelles règles applicables au secteur de la représentation des douanes.

En outre, l’ouverture du secteur de la représentation en douane est susceptible d’accroître la concurrence et donc d’infléchir le prix des frais de dédouanement. Il est toutefois trop tôt pour dresser le bilan de cette ouverture.

La commission des finances a toutefois adopté trois amendements CF4, CF5 et CF6 purement rédactionnels proposés par le rapporteur pour avis.

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Article 11
(Articles L. 152-1, L. 152-1-1 [nouveau], L. 152-1-2 [nouveau], L. 152-4, L. 152-4-1 [nouveau], L. 152-5 [nouveau], L. 721-2, L. 721-2-1 [nouveau], L. 721-2-2 [nouveau], L. 721-3, L. 721­-3-1 [nouveau], L. 721-3-2 [nouveau], L. 721-4, L. 741-4, L. 741-4-1 [nouveau], L. 741-4-2 [nouveau], L. 741-5, L. 741-5-1 [nouveau], L. 741-5-2 [nouveau], L. 741-6, L. 751-4, L. 751-4-1 [nouveau], L. 751-4-2 [nouveau], L. 751-5, L. 751-5-1 [nouveau], L. 751-5-2 [nouveau], L. 751-6, L 761-3, L. 761­-3-1 [nouveau], L. 761-3-2 [nouveau], L. 761-4, L. 761-4-1 [nouveau], L. 761-4-2 [nouveau], L. 761-5, L. 771-1, L. 771-1-1 [nouveau], L. 771-1-2 [nouveau], L. 771-2, L. 771-2-1 [nouveau], L. 771-2-2 [nouveau] et L. 771-3 du code monétaire et financier)
Contrôle des mouvements dargent liquide entrant ou sortant du territoire

Adopté par la commission avec modifications.

L’avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire a été sollicité sur l’article 11.

 

L’article 11 du projet de loi adapte le droit français au nouveau règlement (UE) 2018/1672 du 23 octobre 2018 en matière de contrôle de largent liquide en circulation.

Tandis que le règlement s’applique aux mouvements d’argent liquide entrant ou sortant du territoire de l’Union européenne, le code monétaire et financier étend le dispositif aux flux circulant entre les États membres.

Le contrôle de l’argent liquide s’appuie sur des obligations déclaratives imposées pour les sommes d’un montant supérieur ou égal à 10 000 euros.

Au contrôle de l’argent dit « accompagné », transporté par des personnes physiques, sajoute un contrôle de largent dit « non accompagné », faisant l’objet d’un envoi sans l’intermédiaire d’un porteur, c’est-à-dire envoyé par la poste ou par le fret.

En cas de méconnaissance des obligations déclaratives, les autorités compétentes ont la possibilité de retenir temporairement largent liquide par voie de décision administrative.

La procédure de retenue temporaire est également applicable lorsque largent liquide est susceptible dêtre lié à une activité criminelle.

L’examen de l’article 11 a été délégué à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, saisie pour avis, qui s’est prononcée en faveur de son adoption et a adopté sept amendements, six rédactionnels et l’un de coordination, du rapporteur pour avis.

La commission des affaires économiques a adopté l’article 11 ainsi que les sept amendements déposés par la commission des finances.

I.   Un contrÔle des mouvements d’argent liquide « accompagnÉ » reposant sur des obligations dÉclaratives

Le règlement (CE) n° 1889/2005 du 26 octobre 2005 ([55]) organise un contrôle des mouvements d’argent liquide au sein de l’Union européenne, qui repose sur des obligations déclaratives imposées aux porteurs d’argent liquide franchissant une frontière et sur des échanges d’informations entre la Commission européenne et les administrations nationales chargées des douanes ainsi que du renseignement financier.

Le règlement était venu compléter la directive 91/308/CEE du 10 juin 1991 ([56]), qui mettait en place un contrôle des mouvements de capitaux, car l’application de cette directive risquait de conduire à un accroissement des mouvements d’argent liquide susceptibles de constituer une menace pour le marché intérieur et le système financier européen.

Le contrôle des flux d’argent liquide vise ainsi à lutter contre le détournement de fonds destiné à financer des activités illicites, qui créent des distorsions au sein du marché intérieur et des désavantages concurrentiels déloyaux pour les entreprises et les citoyens respectueux de la loi. En outre, il s’inscrit dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d’argent et contre le financement d’activités criminelles et terroristes. Il rejoint aussi les recommandations émises par le Groupe d’action financière ([57]).

Le contrôle instauré par le règlement (CE) n° 1889/2005 concerne les mouvements d’argent liquide entrant sur le territoire de l’Union européenne ou sortant de ce territoire, tel qu’il est défini à l’article 355 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Toutefois, le paragraphe 2 de l’article 1er du règlement autorise les États membres à prévoir dans leur législation des contrôles nationaux supplémentaires sur les mouvements d’argent liquide entre États membres de l’Union. En conséquence, la France a également adopté dans le code monétaire et financier des mesures visant à contrôler les mouvements d’argent liquide en provenance ou à destination des autres États membres.

A.   L’obligation imposÉe aux porteurs d’argent liquide de dÉClarer les sommes À compter de 10 000 euros

Les règles actuelles prévoient un contrôle des flux d’argent liquide dit « accompagné », c’est-à-dire l’argent liquide transporté par une personne physique. Toute personne qui souhaite entrer sur le territoire français ou en sortir en transférant des sommes, titres ou valeurs d’un montant supérieur ou égal à 10 000 euros, qu’elle soit propriétaire ou non des sommes transportées, doit en faire la déclaration auprès de l’administration des douanes.

La déclaration porte sur l’identité du déclarant, du propriétaire et du destinataire projeté de l’argent liquide, sur le montant et la nature de cet argent liquide, sur sa provenance et l’usage qu’il est prévu d’en faire, ainsi que sur les moyens et l’itinéraire de transport.

La notion d’argent liquide a été progressivement étendue. Conformément au premier alinéa de l’article L. 152-1 du code monétaire et financier, modifié par la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, l’obligation déclarative s’applique non seulement aux espèces, mais aussi à l’or, aux cartes prépayées ou encore aux jetons et tickets de casino.

Les règles encadrant les contrôles se sont également durcies. Ainsi, en application du troisième alinéa de l’article L. 152-1 du code monétaire et financier, qui reprend la seconde phrase du paragraphe 1 de l’article 3 du règlement (CE) n° 1889/2005, « lobligation de déclaration nest pas réputée exécutée si les informations fournies sont incorrectes ou incomplètes ».

En outre, conformément à l’avant-dernier alinéa de l’article L. 152-1 du code monétaire et financier, qui résulte de la loi n° 2016-731 renforçant la lutte contre la crime organisé et contre le terrorisme ([58]), les déclarations d’argent liquide portant sur un montant supérieur à 50 000 euros doivent être accompagnées de documents permettant de justifier la provenance des fonds transportés.

Les modalités de déclaration sont fixées par décret. La déclaration doit être réalisée, au plus tôt, trente jours avant la date du voyage et, au plus tard, le jour du transfert, lors du passage physique de la douane. Depuis 2012, la déclaration peut être effectuée par voie électronique, à travers le formulaire électronique « DALIA » ([59]).

B.   La consignation de l’argent liquide non déclarÉ ou mal dÉclarÉ

L’article L. 152-4 du code monétaire et financier prévoit les modalités de sanction en cas de manquement aux obligations déclaratives, autrement dit en cas d’absence de déclaration ou de déclaration incorrecte ou incomplète.

La méconnaissance des règles fixées à l’article L. 152-1 est punie d’une amende égale à 50 % de la somme sur laquelle porte l’infraction ou la tentative d’infraction. En outre, les agents des douanes peuvent consigner la totalité des sommes transportées, pendant une durée de six mois, renouvelable sur autorisation du procureur de la République, dans la limite de douze mois au total. La procédure de consignation doit permettre à l’administration des douanes d’immobiliser l’argent le temps de procéder aux investigations nécessaires pour en vérifier la provenance et la destination.

S’il est établi ou s’il y a des raisons de penser que la personne ayant manqué à ses obligations déclaratives est ou a été l’auteur d’une infraction réprimée par le code des douanes, la juridiction compétente peut prononcer la saisie et la confiscation des sommes consignées. Toute décision de non-lieu ou de relaxe entraine la mainlevée des mesures de consignation et de saisie précédemment ordonnées.

C.   Le contrÔle des flux d’argent liquide dans les collectivitÉs d’outre‑mer

Certaines collectivités d’outre-mer sont régies par un régime de contrôle des mouvements d’argent liquide spécifique, qui tient compte de leurs particularités et, notamment, de leur monnaie. Le livre VII du code monétaire et financier contient ainsi des dispositions particulières pour Saint-Pierre-et-Miquelon, la Nouvelle‑Calédonie, la Polynésie française, les îles Wallis et Futuna et Saint‑Barthélemy.

Si le contrôle des mouvements d’argent liquide mis en place dans le cadre du règlement (CE) n° 1889/2005 est déjà poussé, il demeure néanmoins incomplet. En effet, il ne s’applique qu’aux mouvements d’argent liquide « accompagné », omettant ainsi les sommes qui ne sont pas transportées par des personnes physiques.

II.   l’ADAPTatION du droit français aux Évolutions de la rÉglementation europÉenne et L’extension du contrÔle aux mouvements d’argent liquide « non accompagnÉ »

Les modifications du code monétaire et financier proposées à larticle 11 du projet de loi procèdent directement des nouvelles dispositions européennes renforçant le contrôle des mouvements dargent liquide. De fait, lharmonisation des règles au niveau de lUnion permet des contrôles de largent liquide comparables dun État membre à l’autre et renforce les efforts de prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme.

A.   Le renforcement du contrÔle des mouvements d’argent liquide entre ÉTATS europÉens

En vue de renforcer le contrôle des mouvements d’argent liquide entrant ou sortant du territoire, l’Union européenne s’est dotée d’un nouveau règlement (UE) 2018/1672 du 23 octobre 2018 ([60]), qui abroge le règlement (CE) n° 1889/2005. Ce règlement s’inscrit dans le contexte du renforcement de la lutte contre le blanchiment de capitaux et contre le financement du terrorisme.

Le règlement (UE) 2018/1672 maintient et renforce le dispositif de contrôle existant. Il élargit et précise la notion d’argent liquide, définie à l’article 2 comme comprenant quatre catégories : les espèces, les instruments négociables au porteur, les marchandises servant de réserves de valeur très liquides et certains types de cartes prépayées.

Le règlement élargit le dispositif de contrôle aux flux d’argent liquide « non accompagné », défini au i de l’article 2 comme « largent faisant lobjet dun envoi sans lintermédiaire dun porteur ». Il peut s’agir, par exemple, d’argent liquide contenu dans des colis postaux, des envois par transporteur, des bagages non accompagnés ou encore du fret conteneurisé. À l’obligation de déclaration de l’argent liquide « accompagné », reprise à l’article 3, s’ajoute donc une obligation de divulgation de l’argent liquide « non accompagné » prévue à l’article 4.

Ainsi, « lorsque de largent liquide non accompagné dune valeur égale ou supérieure à 10 000 euros entre dans lUnion ou sort de lUnion, les autorités compétentes […] peuvent exiger que lexpéditeur ou le destinataire de largent liquide ou leur représentant, selon le cas, fasse une déclaration de divulgation dans un délai de 30 jours. […] Lobligation de divulgation dargent liquide non accompagné nest pas réputée exécutée sil nest pas procédé à la déclaration avant lexpiration du délai, si les informations fournies sont incorrectes ou incomplètes ou si largent liquide nest pas mis à disposition à des fins de contrôle. »

Le seuil de 10 000 euros retenu est le même que celui applicable au transport d’argent liquide « accompagné ». Toutefois, la déclaration de divulgation porte sur des éléments qui ne sont pas couverts par les documents présentés habituellement aux autorités douanières, comme les documents d’expédition et les déclarations en douane. Ces éléments sont l’origine, la destination, la provenance économique de l’argent liquide et l’usage qu’il est prévu d’en faire.

L’article 7 du règlement (UE) 2018/1672 modifie également les sanctions applicables lorsque ne sont pas respectées les obligations de déclaration de l’argent liquide « accompagné » et de divulgation de l’argent liquide « non accompagné », en donnant aux autorités compétentes la possibilité de retenir temporairement l’argent liquide par voie de décision administrative.

En outre, dans le cadre du renforcement de la lutte contre le blanchiment de capitaux et contre le financement du terrorisme, le règlement étend aussi la procédure de retenue temporaire aux cas dans lesquels l’argent liquide est susceptible d’être lié à une activité criminelle telle que définie au 4 de l’article 3 de la directive 2015/849 ([61])  dans sa rédaction résultant de la directive 2018/843 ([62]).

Toutefois, le règlement (UE) 2018/1672 encadre le recours à la procédure de retenue temporaire. Il limite son application à une durée de trente jours pouvant être renouvelée, si les circonstances l’exigent, jusqu’à quatre-vingt-dix jours. En outre, il prévoit la mise en place d’un recours effectif contre la décision administrative de retenue temporaire.

Enfin, le règlement maintient la possibilité pour les États membres d’étendre le contrôle aux flux d’argent liquide circulant entre États membres de l’Union, tout en renforçant les échanges d’informations entre les administrations nationales et la Commission européenne.

B.   La nÉcessitÉ d’adapter le code monÉtaire et financier pour tenir compte du renforcement des contrÔles au niveau europÉen

Outre la réorganisation du chapitre II du titre V du code monétaire et financier en vue d’harmoniser le droit français avec le droit de l’Union européenne, l’article 11 du projet de loi introduit de nouvelles dispositions résultant du règlement (UE) 2018/1672.

1.   L’harmonisation des règles relatives au contrôle des flux d’argent liquide « accompagné » et la création d’un dispositif de contrôle des flux d’argent liquide « non accompagné »

Les 1° et 2° du I de l’article 11 du projet de loi réécrivent l’article L. 152-1 du code monétaire et financier et le complètent par deux nouveaux articles L. 152‑1‑1 et L. 152-1-2.

a.   La définition de l’argent liquide

Il s’agit, tout d’abord, d’harmoniser le droit français avec la définition de l’argent liquide prévu à l’article 2 du règlement (UE) 2018/1672, qui englobe les espèces, les instruments négociables au porteur, les marchandises servant de réserve de valeur très liquide et les cartes prépayées.

Depuis la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 précitée, l’article L. 152-1 du code monétaire et financier s’appliquait déjà à l’or, aux cartes prépayées ou encore aux jetons et tickets de casino. Toutefois, l’article 11 du projet de loi permet un alignement total des définitions française et européenne en renvoyant directement à la notion d’« argent liquide » contenue dans le règlement (UE) 2018/1672.

Dans cette perspective, la commission des finances du Sénat a adopté un amendement visant à préciser explicitement que le dispositif fait référence à la notion d’argent liquide « au sens du règlement (UE) 2018/1672 ».

b.   L’harmonisation des dispositions relatives au contrôle des flux d’argent liquide « accompagné » avec le règlement (UE) 2018/1672

L’article L. 152-1, dans sa rédaction résultant du 1° du I de l’article 11 du projet de loi, reprend l’obligation de déclaration auprès de l’administration des douanes des sommes d’argent liquide « accompagné » d’un montant égal ou supérieur à 10 000 euros transférées vers la France ou sortant du territoire français.

L’obligation s’applique désormais aux « porteurs transportant de l’argent liquide », définis au h de l’article 2 du règlement (UE) 2018/1672 comme les personnes physiques qui, pour elles-mêmes ou pour le compte d’un tiers, transportent de l’argent liquide sur elles, dans leurs bagages ou dans leurs moyens de transports.

Les porteurs d’argent liquide sont tenus de mettre cet argent à la disposition de l’administration des douanes en cas de contrôle lors d’un transport.

c.   La mise en place d’un contrôle des mouvements d’argent liquide « non accompagné »

L’article L. 152-1-1 créé par le 2° du I de l’article 11 du projet de loi met quant à lui en place un dispositif de contrôle de l’argent liquide « non accompagné ».

Il crée une nouvelle obligation de divulgation, à la demande de l’administration des douanes, des sommes d’argent liquide d’un montant supérieur ou égal à 10 000 euros qui font l’objet d’un envoi vers ou en provenance de la France sans l’intervention d’un porteur.

Cette obligation de divulgation pèse sur l’expéditeur, le destinataire ou leur représentant à la demande des agents des douanes. Les conditions dans lesquelles la déclaration de divulgation doit être déposée sont fixées par décret en Conseil d’État. Le 1 de l’article 4 du règlement (UE) 2018/1672 prévoit un délai de trente jours.

Si l’obligation de divulgation n’est pas respectée dans le délai imparti, l’administration des douanes peut retenir l’argent liquide jusqu’au dépôt de la déclaration de divulgation.

d.   L’adaptation des modalités d’application des obligations déclaratives

Le nouvel article L. 152-1-2 reprend en partie les dispositions qui figuraient auparavant aux troisième et avant-dernier alinéas de l’article L. 152-1, en les adaptant aux évolutions de la réglementation européenne.

Le I prévoit que l’obligation de déclaration et l’obligation de divulgation mentionnées aux articles L. 152‑1 et L. 152‑1‑1 ne sont pas réputées exécutées si les informations fournies sont incorrectes ou incomplètes, si l’argent liquide n’est pas mis à disposition de l’administration des douanes à l’occasion d’un contrôle ou si la déclaration de divulgation n’est pas établie dans le délai applicable.

Le II reprend l’obligation préexistante d’accompagner les déclarations portant sur de l’argent liquide d’un montant supérieur à 50 000 euros de documents permettant d’en justifier la provenance.

2.   La procédure de retenue temporaire de l’argent liquide en cas de méconnaissance des obligations déclaratives ou de lien avec une activité criminelle

Les 3° et 4° du I de l’article 11 du projet de loi modifient l’article L. 152-4 du code monétaire et financier et le complètent par deux nouveaux articles L. 152‑4‑1 et L. 152‑5.

Le montant de l’amende imposée en cas de méconnaissance des obligations déclaratives énoncées aux articles L. 152‑1 et L. 152‑1‑1 et dans le règlement (UE) 2018/1672 n’est pas modifié et demeure fixé à 50 % du montant de l’argent liquide sur lequel a porté l’infraction ou la tentative d’infraction.

Toutefois, l’article 11 du projet de loi modifie la procédure de consignation de l’argent liquide en l’adaptant à la procédure de retenue temporaire mise en place à l’article 7 du règlement (UE) 2018/1672.

a.   La procédure de retenue temporaire de l’argent liquide en cas de méconnaissance des obligations déclaratives

L’article L. 152-4 du code monétaire et financier, dans sa rédaction résultant de l’article 11 du projet de loi, instaure une procédure de retenue temporaire de l’argent liquide lorsque les obligations prévues aux articles L. 152-1 et L. 152-1-1 ne sont pas respectées, c’est-à-dire en l’absence de respect de l’obligation de déclaration de l’argent liquide « accompagné » ou de l’obligation de divulgation de l’argent liquide « non accompagné ».

La retenue est prononcée par l’administration des douanes, qui en notifie les motifs à l’auteur de l’infraction ou de la tentative d’infraction. La retenue temporaire est autorisée pour une durée maximale de trente jours, qui est renouvelable deux fois pour une durée totale maximale de quatre-vingt-dix jours.

Dans un deuxième temps, la retenue temporaire peut être complétée par une phase d’enquête administrative, si celle-ci se révèle nécessaire pour mener les investigations permettant de déterminer la provenance et la destination de l’argent. L’administration des douanes peut consigner l’argent liquide, sur autorisation du procureur de la République, pour une durée maximale de douze mois décomptée à partir du premier jour de la retenue temporaire.

b.   La procédure de retenue temporaire de l’argent liquide susceptible d’être en lien avec une activité criminelle

L’article L. 152-4-1 étend la procédure de retenue temporaire lorsque l’argent liquide « accompagné » ou « non accompagné » est susceptible d’être lié à l’une des activités criminelles énumérées au 4 de l’article 3 de la directive (UE) 2015/849 dans sa rédaction résultant de la directive (UE) 2018/843.

Dans ce cas, l’administration des douanes a la possibilité de retenir l’argent liquide même si celui-ci est déclaré conformément aux dispositions européennes, législatives et réglementaires en vigueur, et même si le montant est inférieur à 10 000 euros.

Les motifs de la retenue temporaire sont notifiés, selon le cas, au porteur, à l’expéditeur, au destinataire ou à leur représentant. Ces derniers sont tenus de fournir les informations demandées par l’administration des douanes.

c.   Les modalités de recours en cas de retenue temporaire d’argent liquide

Le nouvel article L. 152-5 prévoit les modalités de recours contre la décision administrative de retenue temporaire d’argent liquide devant le président de la chambre de l’instruction de la cour d’appel du lieu de la direction des douanes dont dépend le service chargé de la procédure.

Le recours doit être formé dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision de retenue temporaire. Il n’est pas suspensif. La décision de retenue temporaire doit mentionner les voies et délais de recours.

3.   Les modalités d’entrée en vigueur et d’application de l’article 11 sur le territoire français

L’ensemble des modifications intervenues dans le code monétaire et financier en application du règlement (UE) 2018/1672 sont applicables à la fois en métropole, dans les départements et régions d’outre-mer et dans l’ensemble des collectivités d’outre‑mer.

En conséquence, les 5° à 29° de l’article 11 du projet de loi adaptent, au sein du livre VII du code monétaire et financier, les dispositions applicables à Saint‑Pierre-et-Miquelon, à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française, aux îles Wallis et Futuna et à Saint‑Barthélemy – notamment, en ce qui concerne les collectivités du Pacifique, pour convertir les seuils exprimés en euros en francs CFP.

Ces dispositions sont par ailleurs également applicables de plein droit à Saint-Martin, sans qu’une adaptation soit nécessaire, dans la mesure où, à l’inverse de la collectivité de Saint-Barthélemy, la collectivité de Saint-Martin n’est pas compétente en matière douanière.

En application du II de l’article 11, les nouvelles règles entreront en vigueur le 3 juin 2021, en même temps que les dispositions du règlement (UE) 2018/1672.

III.   Position de la commission des finances

L’examen de l’article 11 a été délégué à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, saisie pour avis, qui s’est prononcée en faveur de son adoption et a adopté six amendements rédactionnels et un amendement de coordination du rapporteur pour avis.

La commission des finances approuve le renforcement du système de contrôle des mouvements d’argent liquide qui rentrent et qui sortent du territoire français et constitue à ce titre un élément essentiel de la lutte contre le blanchiment de capitaux et contre le financement du terrorisme. La reprise dans le code monétaire et financier de la définition de la notion d’argent liquide contenue dans le règlement (UE) 2018/1672 complète utilement le dispositif existant. De même, l’instauration d’un contrôle des mouvements d’argent liquide « non accompagné » comble un vide juridique qui rendait possibles des mouvements d’argent liquide illicites.

La commission valide la refonte de la procédure de retenue temporaire de l’argent liquide non déclaré ou mal déclaré, ou soupçonné d’être lié à des activités criminelles. Cette procédure permet de renforcer les contrôles et de dissuader les fraudes. Pour autant, elle demeure encadrée : la décision des agents des douanes de procéder à une retenue temporaire est susceptible de faire l’objet d’un recours ; la consignation des sommes pouvant intervenir à l’issue de la phase de retenue temporaire ne peut avoir lieu que sur autorisation du procureur de la République ; enfin, ce n’est que par une décision de la juridiction compétente que la confiscation des sommes peut être prononcée.

Par souci de cohérence, la commission des finances a toutefois adopté six amendements rédactionnels CF7, CF8, CF9, CF11, CF12 et CF29 du rapporteur pour avis. Elle a également adopté un amendement CF13 du rapporteur pour avis effectuant les coordinations qui s’imposaient à l’article 1649 quater A du code général des impôts.

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*     *

Chapitre V
Dispositions en matière financière

Article 12
Habilitation à prendre par voie dordonnance les mesures de transposition de la directive (UE) 2019/2162 du 27 novembre 2019 relative aux obligations garanties

Adopté par la commission avec modifications.

L’avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire a été sollicité sur l’article 12.

L’article 12 a pour objet d’habiliter le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance les mesures nécessaires à la mise en œuvre de la directive (UE) 2019/2162 du 27 novembre 2019 concernant l’émission dobligation garanties et la surveillance publique des obligations garanties, titres de créance adossés à des paniers dactifs de qualité. Des modifications marginales du droit national sont requises, qui pourront améliorer les conditions de financement de l’économie.

L’examen de l’article 12 a été délégué à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, saisie pour avis, qui s’est prononcée en faveur de son adoption et a adopté deux amendements du rapporteur pour avis, l’un rédactionnel, l’autre visant à aligner la durée d’habilitation sur le délai de transposition de la directive (UE) 2019/2162.

La commission des affaires économiques a adopté l’article 12 ainsi que les deux amendements déposés par la commission des finances.

I.   Un droit national qui anticipe largement les exigences de la directive

Outil de refinancement, une obligation garantie (covered bond) est un titre de créance garanti par un panier d’actifs de qualité – crédits hypothécaires et prêts au secteur public – sur lesquels les investisseurs ont un privilège légal. En France, les obligations garanties sont émises par les sociétés de crédit foncier, les sociétés de financement de l’habitat et la caisse de refinancement de l’habitat.

Comme le rappelle l’étude d’impact du projet de loi, l’European Covered Bond Council évalue le montant de l’encours des obligations garanties à plus de 300 milliards d’euros. Les émissions des obligations garanties en France représentaient plus de 40 milliards d’euros en 2017.

A.   Le droit national

Les règles de fonctionnement des sociétés de crédit foncier et des sociétés de financement de l’habitat ainsi que les modalités d’émission des obligations garanties sont fixées par les articles L. 513-1 à L. 513-33 du code monétaire et financier complétés, au niveau réglementaire, par les articles R. 513-1 à R. 513-21 du même code.

Ces dispositions du code monétaire et financière sont complétées par :

– le règlement du Comité de la réglementation bancaire et financière n° 99‑10 du 9 juillet 1999 relatif aux sociétés de crédit foncier et aux sociétés de financement de l’habitat ainsi que son annexe, qui donnent notamment des précisions sur les modalités de calcul du ratio de couverture ([63]) ;

– l’instruction n° 2014-I-16 de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), relative au ratio de couverture des sociétés de crédit foncier et des sociétés de financement de l’habitat, et ses annexes ;

– l’instruction n° 2014-I-17 de l’ACPR relative aux états réglementaires mentionnés à l’article 10 du règlement n° 99-10 ainsi que ses annexes.

B.   Une directive d’harmonisation minimale

À la suite d’une consultation publique en 2015 et d’un rapport de l’autorité bancaire européenne ([64]), la Commission européenne a proposé une directive d’harmonisation minimale des régimes nationaux. L’étude d’impact du projet de loi en rappelle « lobjectif affiché » : « ne pas perturber les cadres existant tout en facilitant les due diligence des investisseurs par lexistence de critères communs à léchelle de lUnion européenne et en favorisant lémergence de ce mode de refinancement dans les pays où il est peu développé ».

Un accord politique a été trouvé le 26 février 2019, dont le Gouvernement indique dans l’étude d’impact du projet de loi qu’il « sécuris[e] les grandes caractéristiques du modèle français, allemand et danois » et introduit des « nouveautés techniques » à l’initiative de l’Allemagne et de l’Italie.

La directive (UE) 2019/2162 du 27 novembre 2019 ([65]) vise à fixer les grands principes applicables aux obligations sécurisées. Son article 32 dispose que « les États membres adoptent et publient les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 8 juillet 2021 ».

Elle s’accompagne du règlement (UE) 2019/2160 du 27 novembre 2019 ([66]) , qui édicte les exigences applicables aux obligations garanties lorsque celles-ci sont achetées par des établissements de crédit en vue d’obtenir un traitement prudentiel préférentiel.

C.   La directive requiert des modifications marginales du droit national

Le Gouvernement indique dans l’étude d’impact annexée au projet de loi : « Bien que très proche du régime français, le nouveau régime européen dobligations garanties peut en différer sur certains points circonstanciés, à la fois sur les principes et sur les modalités dapplication de ces principes. » Quoique le droit national en vigueur soit déjà, en grande partie, conforme aux dispositions de la directive (UE) 2019/2162, les nouveautés introduites par celle-ci et quelques points de divergence justifient en effet que soient prises des mesures de transposition.

1.   Un droit en vigueur largement conforme

Un grand nombre d’exigences de la directive (UE) 2019/2162 sont déjà satisfaites par le droit national, notamment :

– le mécanisme de double recours des investisseurs en obligations garanties et des contreparties de contrats de dérivés ;

– la nécessité d’adosser les obligations garanties à des actifs de couverture précisément définis ;

– la possibilité d’utiliser des actifs de couverture garantis par des sûretés situées en dehors de l’Union européenne ;

– la liberté donnée aux États membres d’autoriser le transfert d’actifs de couverture dont l’origine est un établissement de crédit et apportés, sans être vendus, à l’actif de l’émetteur d’obligations garanties ;

– la fixation de règles concernant la composition des paniers de couverture ;

– l’exigence d’une surveillance publique des obligations garanties ;

– les obligations de coopération entre autorités.

2.   Une directive qui introduit des nouveautés

La directive (UE) 2019/2162 introduit plusieurs nouveautés qui n’existent pas dans le droit français et justifient que soient prises des mesures de transposition. Le Gouvernement dresse au 1.1.2 de l’étude d’impact de l’article 12 un « état prévisionnel des écarts identifiés entre le cadre européen et [le cadre] français ».

Le financement de l’économie pourra se trouver amélioré par cette harmonisation. Selon les simulations menées par la Commission européenne, que cite l’étude d’impact, « lintroduction dun régime européen harmonisé [...] devrait permettre des émissions supplémentaires de près de 342 milliards deuros [...]. Pour la France, alors que les obligations garanties représentent 6,7 % de lencours des prêts, le surcroît démission pourrait représenter 82 milliards deuros à terme. Ce volume supplémentaire démission contribuera à un meilleur financement de léconomie française et attesterait de la plus grande liquidité de ces obligations et de lamélioration de la capacité des émetteurs à assurer leur placement sur les marchés. Le gain financier pour les émetteurs, du fait de lamélioration des conditions de financement, du moindre risque perçu et de laugmentation des émissions, atteindrait 570 millions deuros par an. Il se traduira directement en une amélioration des conditions de refinancement des établissements de crédit. »

II.   L’habilitation proposÉe

Le Gouvernement sollicite une habilitation à légiférer par voie d’ordonnance.

Le I de l’article 12 a pour objet de conférer au Gouvernement une double habilitation, d’une durée de douze mois à compter de la publication de la loi. Le Gouvernement serait autorisé à prendre par voie d’ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires :

– d’une part, pour transposer la directive (UE) 2019/2162 ;

– d’autre part, pour rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, les articles du code monétaire et financier résultant de cette transposition et, le cas échéant, les articles d’autres codes et lois et procéder, le cas échéant, aux adaptations nécessaires de ces articles en ce qui concerne les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Le II dispose qu’un projet de loi de ratification devra être déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.

Le Sénat a adopté cet article sans modification.

III.   La Position de la commission des finances

L’examen de l’article 12 a été délégué à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, saisie pour avis, qui s’est prononcée en faveur de son adoption et a adopté deux amendements du rapporteur pour avis, l’un rédactionnel, l’autre visant à aligner la durée d’habilitation sur le délai de transposition de la directive (UE) 2019/2162.

Le rapporteur pour avis de la commission des finances considère que la technicité des dispositions législatives devant être modifiées et le caractère relativement marginal des modifications nécessaires justifie le recours à la voie des ordonnances.

Il estime en revanche que la durée d’habilitation doit être modifiée. En effet, aux termes du texte transmis à l’Assemblée nationale, le Gouvernement serait habilité pour un délai de douze mois. Ce délai se justifiait à la date où le texte était délibéré en Conseil des ministres, alors qu’il était prévu que le Parlement ne tarde guère à l’examiner. Les circonstances sanitaires ont bouleversé ce calendrier et conduit au report de l’examen du texte. Maintenir une durée d’habilitation de douze mois reviendrait désormais à permettre au Gouvernement de ne prendre les ordonnances requises qu’à une date postérieure à l’expiration du délai de transposition.

La commission des finances a donc adopté, sur proposition du rapporteur pour avis, l’amendement CF14 qui fixe le terme de l’habilitation au 8 juillet 2021, afin de le faire coïncider avec le terme du délai de transposition fixé à l’article 32 de la directive (UE) 2019/2162. La commission des finances a également adopté un amendement rédactionnel CF15 du rapporteur pour avis.

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Article 13
Habilitation à transposer par voie dordonnance
la directive (UE) 2019/2034 du 27 novembre 2019 concernant la surveillance prudentielle des entreprises dinvestissement

Adopté par la commission avec modifications.

L’avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire a été sollicité sur l’article 13.

L’article 13 a pour objet d’habiliter le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance les mesures nécessaires à la transposition de la directive (UE) 2019/2034 du 27 novembre 2019 concernant la surveillance prudentielle des entreprises dinvestissement. Le régime prudentiel de celles-ci est aujourd’hui aligné sur celui, exigeant, des établissements de crédit, alors que le risque qu’elles font peser sur la stabilité financière globale est généralement bien moindre.

L’examen de l’article 13 a été délégué à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, saisie pour avis, qui s’est prononcée en faveur de l’adoption de cet article et a adopté deux amendements du rapporteur pour avis, l’un rédactionnel, l’autre visant à aligner la durée d’habilitation sur le délai de transposition de la directive (UE) 2019/2034.

La commission des affaires économiques a adopté l’article 13 ainsi que les deux amendements déposés par la commission des finances.

I.   Un droit national en grande partie conforme aux dispositions de la directive

Alors que le régime prudentiel applicable aux entreprises d’investissement est aligné sur celui des établissements de crédit, l’instauration d’un régime différencié pourra justifier des modifications à la marge du droit en vigueur.

A.   Des entreprises d’investissement assimilÉes aux Établissements de crÉdit

Les entreprises d’investissement sont des prestataires de services d’investissement agréés dont le régime, en matière prudentiel, est aligné sur celui applicable aux établissements de crédit.

1.   Des prestataires de services d’investissement agréés

L’article L. 531-4 du code monétaire et financier définit les entreprises d’investissement comme « des personnes morales, autres que les sociétés de gestion de portefeuille et les établissements de crédit, qui sont agréées pour fournir à titre de profession habituelle des services dinvestissement, mentionnés à larticle L. 321-1 [du même code] ». Ces services sont : la réception et la transmission d’ordres pour le compte de tiers ; l’exécution d’ordres pour le compte de tiers ; la négociation pour compte propre ; la gestion de portefeuille pour le compte de tiers ; le conseil en investissement ; la prise ferme ; le placement garanti ; le placement non garanti ; l’exploitation d’un système multilatéral ou organisé de négociation ; l’exploitation d’un système organisé de négociation.

Les entreprises d’investissement sont agréées par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution dans les conditions déterminées par la sous-section 1 de la section 1 du chapitre II du titre III du livre V du code monétaire et financier.

2.   Un régime aligné sur celui des établissements de crédit

Le Gouvernement rappelle, dans l’étude d’impact du projet de loi que, « conformément au droit européen, le droit français assimile les entreprises dinvestissement aux établissements de crédit quant aux dispositions législatives et réglementaires qui sappliquent à elles ». Ainsi, « à lexception des exigences en fonds propres [...], les exigences organisationnelles et de règles de conduites […] sappliquent indifféremment aux entreprises dinvestissement et aux établissements de crédit ». Ces exigences sont définies dans la directive 2013/36/UE dite « directive CRD 4 » ([67]) et dans la directive 2014/65/UE dite « directive MiFID 2 » ([68]).

B.   L’instauration d’un rÉgime diffÉrenciÉ

Le règlement (UE) 2019/2033 ([69]) et la directive (UE) 2019/2034 ([70]) modifient le régime prudentiel de entreprises d’investissement.

1.   Un nouveau cadre européen

Comme le rappelle l’étude d’impact, la défaillance d’entreprises d’investissement fait peser sur la stabilité financière un risque moindre que la défaillance d’établissements de crédits. En effet, « les entreprises dinvestissement ne possèdent pas dimportants portefeuilles de prêts aux particuliers et aux entreprises et nacceptent pas de dépôts ».

Aussi la Commission a-t-elle proposé « dappliquer un cadre plus adapté » aux activités des entreprises d’investissement. À la suite de l’accord politique trouvé le 26 février 2019, le règlement, indique l’étude d’impact, « introduit un cadre prudentiel différencié pour les établissements de crédit et pour les entreprises dinvestissement afin de mieux prendre en compte la grande hétérogénéité de ces dernières et [...] dintroduire davantage de proportionnalité ». La directive vise spécifiquement à « répliquer, tout en le simplifiant, le cadre de surveillance prudentielle bancaire ».

Cette démarche s’inscrit en outre dans le cadre de la sortie du Royaume‑Uni de l’Union européenne. Alors que l’essentiel des entreprises d’investissement d’Europe se trouvent au Royaume-Uni, il convient de favoriser, par l’édiction d’un cadre adapté, leur relocalisation sur le territoire de l’Union européenne.

2.   Une typologie des entreprises d’investissement, en fonction du risque qu’elles représentent

Alors que prévalait antérieurement une assimilation de l’ensemble de la catégorie, pourtant hétérogène, des entreprises d’investissement aux établissements de crédit, le règlement et la directive précités définissent une typologie de celles-ci. Sont ainsi distinguées quatre catégories auxquelles s’appliquent des exigences proportionnelles aux risques qu’elles représentent, des entreprises d’investissement de classe 3, dites « petites et non interconnectées », soumises à un régime simplifié, aux entreprises d’investissement de classe 1, qui sont requalifiées juridiquement en établissements de crédit.

3.   Des modifications marginales requises par la directive

Le Gouvernement indique, dans l’étude d’impact du projet de loi, que « bien que très proche du régime bancaire existant (et applicable en létat aux établissements de crédit et aux entreprises dinvestissement), le nouveau régime européen de surveillance prudentielle des entreprises dinvestissement [...] peut en différer sur certains points circonstanciés », qui peuvent concerner les principes ou leurs modalités d’application, ce qui justifie une habilitation à transposer par voie d’ordonnance.

Quoique, pour l’essentiel, la différenciation des exigences caractéristique de ce nouveau régime prudentiel tienne pour l’essentiel aux dispositions du règlement, elle procède aussi, pour partie, de celles de la directive. L’étude d’impact souligne notamment que « les dispositions de cette directive relatives à la gouvernance interne, aux exigences de transparence, de gestion des risques et de rémunération ne sappliquent pas aux entreprises dinvestissement de classe 3 ». Ainsi, les exigences relatives aux coussins de fonds propres seront supprimées pour certaines entreprises d’investissement, de même que sera supprimé le plafonnement, par rapport à la rémunération fixe, de la rémunération variable qu’elles peuvent attribuer.

II.   L’HABILITATION ProposÉe

Le Gouvernement sollicite une habilitation à légiférer par voie d’ordonnance.

Le I de l’article 13 a pour objet de conférer au Gouvernement une double habilitation, d’une durée de douze mois à compter de la publication de la loi. Il serait autorisé à prendre par voie d’ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires :

– d’une part, pour transposer la directive (UE) 2019/2034 ;

– d’autre part, pour rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, les articles du code monétaire et financier résultant de cette transposition et, le cas échéant, les articles d’autres codes et lois et procéder, le cas échéant, aux adaptations nécessaires de ces articles en ce qui concerne les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Le II dispose qu’un projet de loi de ratification devra être déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance prévue au I.

Le Sénat a adopté cet article sans modification.

III.   La Position de la commission des finances

L’examen de l’article 13 a été délégué à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, saisie pour avis, qui s’est prononcée en faveur de son adoption et a adopté un amendement du rapporteur pour avis visant à aligner la durée d’habilitation sur le délai de transposition de la directive (UE) 2019/2034.

Le rapporteur pour avis de la commission des finances considère que la technicité des travaux juridiques nécessaires et les concertations nécessaires justifient que le Gouvernement soit habilité à transposer la directive par voie d’ordonnance.

En revanche, il estime que la durée de l’habilitation – douze mois aux termes du texte soumis à l’examen de l’Assemblée nationale – devrait être réduite. Elle se justifiait à la date où le texte était délibéré en Conseil des ministres, alors qu’il était prévu que le Parlement ne tarde guère à l’examiner, mais les circonstances sanitaires ont bouleversé ce calendrier et conduit au report de l’examen du texte. Maintenir une durée d’habilitation de douze mois reviendrait désormais à permettre au Gouvernement de ne prendre les ordonnances requises qu’à une date postérieure à l’expiration du délai de transposition.

La commission des finances a donc adopté, sur proposition du rapporteur pour avis, l’amendement CF16 visant à fixer le terme de l’habilitation au 26 juin 2021, afin de le faire coïncider avec le terme du délai de transposition fixé à l’article 67 de la directive (UE) 2019/2162. La commission a également adopté un amendement rédactionnel CF17 du rapporteur pour avis.

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Article 14
Habilitation à transposer par voie dordonnance la directive (UE) 2019/1160
du 20 juin 2019 concernant la distribution transfrontalière des organismes
de placement collectif

Adopté par la commission avec modifications.

L’avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire a été sollicité sur l’article 14.

L’article 14 a pour objet d’habiliter le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance les mesures nécessaires à la transposition de la directive (UE) 2019/1160 du 20 juin 2019, qui vise à réduire la distribution transfrontalière des organismes de placement collectif. Cette directive vise ainsi à surmonter les barrières à la constitution d’une Union des marchés de capitaux.

L’examen de l’article 14 a été délégué à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, saisie pour avis, qui s’est prononcée en faveur de l’adoption de cet article et a adopté trois amendements du rapporteur pour avis, deux rédactionnels, le troisième visant à aligner la durée d’habilitation sur le délai de transposition de la directive (UE) 2019/1160.

La commission des affaires économiques a adopté l’article 14 ainsi que les trois amendements déposés par la commission des finances.

I.   Des dispositions visant À approfondir l’union bancaire

Le renforcement de l’Union des marchés de capitaux, aux côtés de l’Union bancaire, par la création d’un marché unique des fonds d’investissement, requiert des adaptations techniques du droit national.

A.   Une nouvelle directive visant À lever les obstacles au marché intÉrieur

Il existe deux catégories de fonds d’investissement :

– les organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM), qui sont régis par la directive 2009/65/CE ([71]) et ses règlements d’application ;

– les fonds d’investissements alternatifs (FIA), qui sont régis par la directive 2011/61/UE, dite « directive AIFM » ([72]), complétée par des règlements.

Or, si les fonds d’investissement peuvent être distribués dans l’ensemble de l’Union européenne, le Gouvernement indique que 70 % des actifs sous gestion sont détenus par des fonds distribués sur leur seul marché national, pour un montant total de 14 310 milliards d’euros en 2017 ; seuls 37 % des organismes de placement collectif en valeurs mobilières et 3 % des fonds d’investissement alternatifs sont enregistrés pour la vente dans plus de trois États membres. La divergence des approches concernant la distribution des fonds d’investissement contrarie l’ambition d’une Union des marchés de capitaux.

Une nouvelle directive (UE) 2019/1160 du 20 juin 2019 ([73]) a donc été adoptée, visant à « réduire les barrières à la distribution transfrontalières des fonds, identifiées comme étant les dispositions nationales que les États membres ont prises en matière de commercialisation, frais réglementaires, infrastructures de distribution et procédures de notification de passeport ». Elle instaure notamment des procédures de pré-commercialisation et de retrait de notification (désenregistrement des fonds).

Elle est complétée par un règlement (UE) 2019/1156 ([74]) qui établit des règles et procédures supplémentaires concernant les organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) et les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs ([75]). Selon le deuxième considérant de la directive, « ensemble, ce règlement et la présente directive devraient coordonner plus étroitement les conditions applicables aux gestionnaires de fonds dactifs dans le marché intérieur et faciliter la distribution transfrontalière des fonds quils gèrent ».

B.   Des modifications lÉgislatives techniques nÉcessaires

La transposition de la directive (UE) 2019/1160 implique notamment d’inscrire dans la loi la notion de « dé-notification », par parallélisme avec la notion de notification, qui y est déjà inscrite, ainsi que les notions de commercialisation et de pré-commercialisation.

En outre, les dispositions du code monétaire et financier et, le cas échéant, celles d’autres codes et lois relatives à la commercialisation et la distribution devront être mises en cohérence, les renvois aux dispositions résultant de la transposition des directives modifiées par la directive (UE) 2019/1160 y étant nombreux.

II.   L’HABILITATION PROPOSÉE

Le Gouvernement sollicite une habilitation à légiférer par voie d’ordonnance.

Le I de l’article 14 a pour objet de conférer au Gouvernement une double habilitation, d’une durée de douze mois à compter de la publication de la loi. Il serait autorisé à prendre par voie d’ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires :

– d’une part, pour transposer la directive (UE) 2019/1160 et mettre en cohérence avec les mesures issues de cette transposition les dispositions du code monétaire et financier et, le cas échéant, celles d’autres codes et lois, relatives à la commercialisation et la distribution de placements collectif ;

– d’autre part, pour rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, les articles du code monétaire et financier et, le cas échéant, les articles d’autres codes et lois dans leur rédaction issue de cette transposition et procéder, le cas échéant, aux adaptations nécessaires de ces articles en ce qui concerne les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Le II dispose qu’un projet de loi de ratification devra être déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance prévue au I.

En séance, le Sénat a adopté, avec l’avis favorable du Gouvernement, un amendement présenté par le rapporteur pour avis de la commission des finances ([76]), qui ajoute un III, visant à corriger une erreur de référence, et un IV, conférant à cette correction un caractère rétroactif. Comme l’a indiqué le rapporteur pour avis de la commission des finances du Sénat, cette erreur était « de nature à créer la confusion sur les compétences de lAutorité des marchés financiers » ([77]).

III.   La Position de la commission des finances

L’examen de l’article 14 a été délégué à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, saisie pour avis, qui s’est prononcée en faveur de son adoption et a adopté trois amendements du rapporteur pour avis, deux rédactionnels, le troisième visant à aligner la durée d’habilitation sur le délai de transposition de la directive (UE) 2019/1160.

Le rapporteur pour avis de la commission des finances considère que la technicité des travaux juridiques nécessaires et les concertations nécessaires justifient que le Gouvernement soit habilité à transposer la directive par voie d’ordonnance.

En revanche, il estime que la durée de l’habilitation – douze mois aux termes du texte soumis à l’examen de l’Assemblée nationale – devait être réduite. Elle se justifiait à la date où le texte était délibéré en Conseil des ministres, alors qu’il était prévu que le Parlement ne tarde guère à l’examiner, mais les circonstances sanitaires ont bouleversé ce calendrier et conduit au report de l’examen du texte. Maintenir une durée d’habilitation de douze mois reviendrait désormais à permettre au Gouvernement de ne prendre les ordonnances requises qu’à une date postérieure à l’expiration du délai de transposition.

La commission des finances a donc adopté, sur proposition du rapporteur pour avis, l’amendement CF18 qui fixe le terme de l’habilitation au 2 août 2021, afin de le faire coïncider avec le terme du délai de transposition, fixé à l’article 3 de la directive (UE) 2019/1160. La commission des finances a également adopté deux amendements rédactionnels CF19 et CF20 du rapporteur pour avis.

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Article 15
(Article 200 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises)
Clarification des termes et modification de la durée
de lhabilitation portant transposition du « paquet bancaire »

Adopté par la commission sans modifications.

L’avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire a été sollicité sur l’article 15.

L’article 15 a pour objet de modifier lhabilitation du Gouvernement à transposer le « paquet bancaire » qui était prévue par l’article 200 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.

L’examen de l’article 15 a été délégué à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, saisie pour avis, qui s’est prononcée en faveur de son adoption sans modification.

La commission des affaires économiques a adopté l’article 15 sans modifications.

I.   Une habilitation PRÉVUE par la loi PACTE

Alors que les directives composant le « paquet bancaire » n’étaient pas encore publiées, le Gouvernement a été habilité à les transposer par une disposition introduite par voie d’amendement dans la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite « loi PACTE ».

A.   Des directives de nature À renforcer la stabilitÉ financiÈre

Le dernier « paquet bancaire » européen comporte deux directives, que les États membres sont tenus de transposer au plus tard le 28 décembre 2020 :

– la directive (UE) 2019/878, dite « directive CRD 5 » ([78]) ;

– la directive (UE) 2019/879, dite « directive BRRD 2 » ([79]).

Comme le rappelle l’étude d’impact, les dispositions de ce paquet bancaire « ont trait notamment à la supervision des règles prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises dinvestissement [...], ainsi quaux règles en matière de prévention et de gestion des crises bancaires au sein de lUnion européenne. Elles conduiront à la fois à renforcer la mesure des risques et la quantité de capital disponible pour absorber déventuelles pertes au fil de leau, et aussi à une augmentation substantielle des ressources autres que le capital », tandis que « dans la procédure dite de résolution, lobjectif est de pouvoir restaurer la solvabilité dune banque sans recourir à des fonds publics ».

B.   Une habilitation dÉcrivant le contenu des directives

Le A du III de l’article 200 de la loi PACTE a été introduit par voie d’amendement gouvernemental lors de l’examen du texte par l’Assemblée nationale en première lecture. Il a pour objet d’habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires à la transposition du dernier « paquet bancaire » européen.

La référence aux directives CRD 5 et BRRD 2 est l’objet du 1° du A, sous la forme d’une description de leur contenu, et non d’une mention de leur titre définitif ni de leur numéro de publication, les directives n’étant pas formellement adoptées au moment de l’adoption de la loi PACTE.

Le a renvoie aux règles concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, soit celles qui devaient être modifiées par la transposition de la directive CRD 5.

Le b renvoie aux règles concernant l’assainissement et la liquidation des personnes mentionnées à l’article L. 613-34 du code monétaire et financier, en particulier celles qui sont relatives à la résolution, aux capacités d’absorption des pertes et de recapitalisation ainsi qu’aux exigences en matière de fonds propres et d’engagements éligibles, soit celles qui devaient être modifiées par la transposition de la directive BRRD 2.

C.   Des termes À clarifier

Le Gouvernement estime nécessaire de clarifier les termes de cette habilitation à légiférer par voie d’ordonnance à un double titre.

D’une part, selon l’étude d’impact annexé au projet de loi, il apparaît « juridiquement plus sûr damender lhabilitation existante, tout en la simplifiant, en renvoyant directement au titre et au numéro des directives CRD 5 et BRRD 2 à transposer ».

D’autre part, entre dans le champ des dispositions législatives dont la transposition de la directive BRRD2 exigera la modification l’article L. 613-34 du code monétaire et financier que la rédaction actuelle du A du III de l’article 200 de la loi PACTE ne mentionne que « comme un élément de référence ». En effet, en application de l’article 32 bis de la directive, les organes centraux des groupes mutualistes devront être ajoutés à la liste des personnes susceptibles de faire l’objet d’une mesure de résolution par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, liste que l’article L. 613-34 a précisément pour objet de définir.

II.   La MODIFICATION DE L’HABILITATION

Le Gouvernement a proposé de modifier l’habilitation prévue par l’article 200 de la loi PACTE, et ces modifications ont été complétées par le Sénat.

A.   Une habilitation clarifiÉe

L’article 15 du projet de loi modifie le A du III de l’article 200 de la loi PACTE.

Le 1° de l’article 15 modifie la durée d’habilitation, actuellement de vingt‑quatre mois à compter de date de promulgation de la loi PACTE, pour faire coïncider son terme avec celui du délai de transposition, le 28 décembre 2020.

Le 2° de l’article 15 a pour objet de modifier le 1° du A du III de l’article 200 de la loi PACTE.

Il inscrit précisément l’objectif de transposition, alors que la formulation actuelle de l’article n’évoque que celui de « rendre compatibles [les dispositions nationales] avec le droit de lUnion européenne ».

Il modifie les a et b pour substituer aux descriptions respectives des contenus des directives qu’il s’agit de transposer les mentions des références exactes des textes publiés.

B.   Une durÉe d’habilitation modifiÉe au sÉnat

La commission des finances du Sénat a adopté un amendement de son rapporteur pour avis visant à mettre en cohérence la durée de l’habilitation avec la date limite de transposition des deux directives concernées. Le Conseil d’État observe, dans l’avis qu’il a rendu sur le projet de loi, que le délai d’habilitation initialement prévu expire le 21 mai 2021, ce qui n’est pas cohérent avec la date limite de transposition des deux directives en cause, fixée au 28 décembre 2020. La commission des finances du Sénat proposait ainsi de réduire de vingt‑quatre à dix‑huit mois la durée de l’habilitation.

Cette modification aurait cependant eu pour conséquence de faire tomber l’habilitation le 21 novembre 2020, plus d’un mois avant la date limite de transposition. En séance, sur la proposition du Gouvernement ([80]), le Sénat a donc procédé à une nouvelle modification, visant à fixer l’expiration du délai d’habilitation au 28 décembre 2020.

III.   La Position de la commission des finances

L’examen de l’article 15 a été délégué à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, saisie pour avis, qui s’est prononcée en faveur de son adoption sans modification.

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Article 16
(Articles L. 442-3 et L. 950-1 du code de commerce)
Rétablissement de la nullité des clauses interdisant la cession de créance

 

Adopté par la commission sans modifications.

L’avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire a été sollicité sur l’article 16.

 

L’article 16 a pour objet de revenir sur la suppression, intervenue en 2019 lors de la refonte du code de commerce, de la nullité des clauses interdisant la cession de créance. Cette suppression était susceptible de compromettre certaines opérations de refinancement et l’accès au crédit, et de remettre en cause le modèle économique du secteur de l’affacturage.

L’examen de l’article 16 a été délégué à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, saisie pour avis, qui s’est prononcée en faveur de son adoption sans modification.

La commission des affaires économiques a adopté l’article 16 sans modifications.

I.   la Suppression de la POSSIBILITÉ de CÉDER UNE créance

Outil mobilisé au service de la trésorerie des entreprises, la cession de créance peut désormais, à la suite de l’ordonnance n° 2019-359 portant refonte du titre IV du livre IV du code de commerce ([81]), être interdite, ce qui présente des risques pour les opérations de refinancement et l’affacturage.

A.   L’utilitÉ des cessions de crÉance

Les cessions de créance sont un mécanisme essentiel pour le financement de l’économie. En effet, définie comme un « contrat par lequel le créancier cédant transmet, à titre onéreux ou gratuit, tout ou partie de sa créance contre le débiteur cédé à un tiers appelé le cessionnaire » ([82]), la cession de créance permet aux entreprises d’obtenir des liquidités, notamment grâce à l’affacturage, et de disposer d’un accès au crédit, via la constitution de garanties.

Selon l’étude d’impact du projet de loi, « environ 22 % des opérations de refinancement de lEurosystème sont garanties par des créances privées, équivalant à quelque 380 milliards deuros au deuxième trimestre de 2017 », tandis que « laffacturage permet [en France] de financer plus de 40 000 entreprises par an pour un montant global de près de 60 milliards deuros ».

B.   LA nullitÉ des clauses interdisant la cession de crÉance rÉcemment supprimÉe

En application du c du II de l’article L. 442-6 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2019-359, étaient nuls « les clauses ou contrats prévoyant pour un producteur, un commerçant, un industriel ou une personne immatriculée au répertoire des métiers, la possibilité [...] dinterdire au cocontractant la cession à des tiers des créances quil détient sur lui ».

Cette disposition a été supprimée par l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 portant refonte du titre IV du livre IV du code de commerce, prise sur le fondement de l’habilitation conférée au Gouvernement à l’article 17 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.

C.   Un risque pour les opÉrations de refinancement et l’affacturage

Le Gouvernement relève, dans l’étude d’impact, qu’il « est apparu postérieurement à lentrée en vigueur de [lordonnance n° 2019-359] que la disposition supprimée revêtait une importance pour les établissements du secteur financier opérant des cessions de créance, dans le cadre dopérations de refinancement ou de crédit dans lesquelles la cession intervient à titre de garantie ».

En effet, l’absence de nullité de principe des clauses d’interdiction de cession de créance constitue un facteur de fragilisation juridique de nature à compromettre le modèle économique de l’affacturage. Elle impose de vérifier systématiquement, dans tous les contrats, la présence ou non de telles clauses, ce qui induit des coûts et des délais supplémentaires et qui, en outre, est « en pratique impossible compte tenu de la masse considérable de contrats concernés ».

II.   LE rÉtablissement de la nullitÉ des clauses interdisant la cession de créance

Le 1° de l’article 16 du projet de loi modifie l’article L. 442-3 du code de commerce pour rétablir la nullité des clauses interdisant la cession de créance.

Tandis que l’objet des a, b et c du 1° n’est que de procéder aux modifications rédactionnelles nécessaires, le d du même 1° ajoute à la liste des clauses ou contrats nuls ceux qui prévoient pour toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services, la possibilité d’interdire au cocontractant la cession à des tiers des créances qu’il détient sur elle.

Le 2° de l’article 16 a pour objet de rendre applicable le rétablissement de cette interdiction dans les îles Wallis et Futuna.

L’unique objet de l’article 16 est donc de sécuriser le modèle économique des sociétés d’affacturage ainsi que les mécanismes de financement des entreprises qui y sont liés, ce qui est d’autant plus important dans un contexte où l’activité économique est mise à mal.

Il est vrai que l’étude d’impact du projet de loi mentionne à plusieurs reprises la titrisation qui, tout comme l’affacturage, peut également procéder par cession de créance. Néanmoins, l’article 16 ne représente pas un encouragement de la titrisation, qui demeure, au sein de l’Union européenne, encadrée par les règlements dits « CRR » ([83]) et « STS » ([84]), permettant d’éviter les opérations de titrisation hautement opaques, complexes et risquées.

III.   La Position de la commission des finances

L’examen de l’article 16 a été délégué à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, saisie pour avis, qui s’est prononcée en faveur de son adoption sans modification.

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Article 16 bis
(Article L. 451-1-6 du code monétaire et financier)
Suppression dune référence inutile

Adopté par la commission sans modifications.

L’avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire a été sollicité sur l’article 16 bis.

L’article 16 bis a pour objet de supprimer une référence devenue inutile.

L’examen de l’article 16 bis a été délégué à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, saisie pour avis, qui s’est prononcée en faveur de son adoption sans modification.

La commission des affaires économiques a adopté l’article 16 bis sans modifications.

I.   L’État du droit

Le premier alinéa de l’article L. 451-1-6 du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-1662 du 30 décembre 2014 portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière, dispose que « la direction de linformation légale et administrative assure le stockage centralisé de linformation réglementée, prévu à larticle 21 de la directive 2004/109/CE ([85]) ».

Le second alinéa du même article L. 451-1-6 prévoit que « le public peut avoir accès à cette information durant les dix années qui suivent le stockage de celle-ci », dans des conditions précisées par arrêté du Premier ministre.

II.   LA disposition Introduite par le sÉnat

L’article 16 bis a été introduit lors de l’examen du présent projet de loi au Sénat, en séance, par un amendement du rapporteur pour avis de la commission des finances ([86]), avec l’avis favorable du Gouvernement. Il a pour objet d’abroger l’exigence d’un arrêté du Premier ministre, objet de la seconde phrase du second alinéa de l’article L. 451-1-6 du code monétaire et financier.

Comme le rappelle un récent rapport d’information du Sénat sur l’application des lois ([87]), auquel fait référence l’exposé des motifs de l’amendement, la direction de l’information légale assure ces missions de stockage et de publicité sans que l’arrêté devant en préciser les conditions ait jamais été pris. Selon le service de la législation et de la qualité du droit du Secrétariat général du Gouvernement, l’arrêté n’a « vraisemblablement pas été publié, mais [...] labsence de publication nempêche pas la [direction de linformation légale et administrative] de remplir la mission que lui a confiée le législateur ».

Le Sénat estime dès lors que cette base légale n’est plus nécessaire.

III.   La Position de la commission des finances

L’examen de l’article 16 bis a été délégué à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, saisie pour avis, qui s’est prononcée en faveur de son adoption sans modification.

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Article 16 ter
(Article L. 211-5-2 [nouveau] du code des assurances)
Nullité des clauses interdisant la cession de créance en matière dassurance automobile

Adopté par la commission avec modifications.

L’avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire a été sollicité sur l’article 16 ter.

L’article 16 ter a pour objet de déclarer nulles les clauses interdisant la cession de créance en matière dassurance automobile. Celles-ci font effectivement obstacle à la liberté conférée par la loi Hamon à tout assuré de choisir le réparateur auquel il souhaite recourir.

L’examen de l’article 16 ter a été délégué à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, saisie pour avis, qui s’est prononcée en faveur de l’adoption de cet article et qui a adopté deux amendements rédactionnels du rapporteur pour avis.

La commission des affaires économiques a adopté l’article 16 ter ainsi que les deux amendements rédactionnels de la commission des finances.

I.   L’État du droit

Créé par l’article 63 de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, dite « loi Hamon », introduit en commission des affaires économiques à la suite de l’adoption d’un amendement du rapporteur ([88]), l’article L. 211-5-1 du code des assurances dispose que tout contrat d’assurance automobile « mentionne la faculté pour lassuré, en cas de dommage garanti par le contrat, de choisir le réparateur professionnel auquel il souhaite recourir ». Il précise que « cette information est également délivrée, dans des conditions définies par arrêté, lors de la déclaration du sinistre ».

Cependant, en pratique, « la possibilité, pour lassureur, dinterdire à lassuré de céder à des tiers les créances dindemnité dassurance est de nature à faire obstacle au libre choix du réparateur », comme l’a relevé le rapporteur de la commission des finances du Sénat ([89]). Dans le cas d’une telle interdiction, les assurés doivent effectivement « avancer le coût des réparations lorsquils font appel à un réparateur non agréé par lassureur », « avance des frais [qui] représente une contrainte importante [...] et les incite en pratique à sorienter vers les réparateurs agréés par leur assureur, qui bénéficient dun système de tiers payant ».

II.   LA disposition INTRODUITE par le sÉnat

L’article 16 ter a été introduit lors de l’examen du projet de loi au Sénat, en séance, par un amendement du rapporteur de la commission des finances ([90]), avec l’avis favorable du Gouvernement.

Le I vise à insérer dans le code des assurances un nouvel article L. 211-5-2 dont l’objet est de déclarer nulles les clauses interdisant la cession de créance à des tiers.

Le II dispose que le I s’applique aussi aux contrats en cours à la date de publication de la loi. Cela doit permettre que, pour tout dommage garanti par le contrat qui n’aurait pas encore été pris en charge par l’assureur à cette date, la créance d’indemnité d’assurance puisse être cédée à un tiers par l’assuré.

Ce faisant, le législateur porte atteinte à des règles s’appliquant à des contrats en cours, y compris pour des dommages survenus avant la publication de la loi. Toutefois, dans la mesure où le législateur souhaite ainsi rendre plus effective la faculté pour l’assuré de choisir le réparateur automobile de son choix, il poursuit un objectif d’intérêt général qui justifie qu’il cherche à faire bénéficier de cette réforme le plus grand nombre dans les meilleurs délais.

III.   La Position de la commission des finances

L’examen de l’article 16 ter a été délégué à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, saisie pour avis, qui s’est prononcée en faveur de son adoption et a adopté deux amendements rédactionnels CF21 et CF22 du rapporteur pour avis.

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Chapitre VI
Dispositions améliorant le fonctionnement du marché intérieur

Article 17
(Article L. 112 B [nouveau] du livre des procédures fiscales)
Adaptation du secret fiscal aux règles de transparence
applicables aux aides dÉtat à caractère fiscal

Adopté par la commission avec modifications.

L’avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire a été sollicité sur l’article 17.

L’article 17 modifie le livre des procédures fiscales en vue d’adapter le secret fiscal aux obligations de transparence imposées par la règlementation européenne en ce qui concerne les aides dÉtat à caractère fiscal.

L’examen de l’article 17 a été délégué à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, saisie pour avis, qui s’est prononcée en faveur de son adoption et a adopté deux amendements rédactionnels du rapporteur pour avis.

La commission des affaires économiques a adopté l’article 17 ainsi que les deux amendements rédactionnels de la commission des finances.

I.   L’EXIGENCE DE TRANSPARENCE, CRITÈRE DE COMPATIBILITÉ DES AIDES D’ÉTAT AU DROIT DE L’UNION europÉenne

Dans le cadre de la modernisation du contrôle des aides d’État, les règles traditionnelles de notification préalable et de compatibilité avec le marché intérieur ont été complétées par des obligations de transparence, qui conditionnent la recevabilité des aides.

A.   LE PRINCIPE D’INCOMPATIBILITÉ DES AIDES D’ÉTAT avec le marché INTÉRIEUR

Les règles européennes en matière d’aides d’État sont fixées dans le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) et précisées dans les actes de droit dérivé (règlements, décisions, communications et lignes directrices de la Commission européenne).

Le paragraphe 1 de l’article 107 du TFUE pose un principe d’incompatibilité des aides d’État avec le marché intérieur : « Sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources dÉtat sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. »

La notion d’aide d’État doit être entendue en un sens large. Elle vise les aides accordées non seulement par l’État mais aussi par l’ensemble des entités dotées de prérogatives de puissance publique comme, par exemple, les collectivités territoriales. En outre, la forme de l’aide importe peu dès lors qu’un avantage économique est octroyé à un opérateur économique.

Certaines aides d’État sont, par exception, autorisées par la réglementation européenne. En application de l’article 108 du TFUE, les aides compatibles avec le marché intérieur doivent être préalablement notifiées à la Commission européenne, laquelle doit les approuver pour qu’elles puissent être versées.

Cependant, plusieurs règlements d’exemption mis en place à partir de 2001 autorisent les États membres de l’Union à octroyer certaines catégories d’aides d’État, répondant à des critères précis, sans notification préalable, sous réserve d’en informer la Commission européenne.

Les aides d’État présumées compatibles avec le marché intérieur sont tout d’abord, en application du règlement (UE) n° 1407/2013 ([91]), les aides d’un montant inférieur à 200 000 euros sur trois exercices fiscaux ou à 500 000 euros pour les entreprises investies d’une mission de service économique d’intérêt général.

Plus généralement, les aides d’État exemptées de l’obligation de notification préalable sont, en application du règlement général d’exemption par catégorie ([92]), les aides qui « servent un objectif dintérêt général, ont un effet incitatif évident, sont appropriées et proportionnées, sont octroyées en toute transparence et soumises à un mécanisme de contrôle ainsi quà une évaluation régulière, et naltèrent pas les échanges dans une mesure contraire à lintérêt commun ». Les différentes catégories d’aide concernées sont énumérées par le règlement.

B.   LE RENFORCEMENT DES OBLIGATIONS DES ÉTATS EN MATIÈRE DE TRANSPARENCE

Qu’elles soient soumises à l’obligation de notification préalable ou présumées compatibles avec le marché intérieur en application des règlements d’exemption, toutes les aides d’État doivent, pour être conformes aux règles européennes, respecter un certain nombre de critères de transparence.

La transparence doit favoriser le respect des règles en matière d’aides d’État, en permettant aux entreprises de vérifier si les aides dont bénéficient leurs concurrents sont compatibles avec le marché intérieur ou susceptibles d’entrainer des distorsions de concurrence.

Les règles de transparence, qui figurent notamment dans une communication de la Commission européenne du 27 juin 2014 ([93]), ont été progressivement renforcées, même si elles varient selon le type d’aide considéré. Les principales obligations imposées aux États membres sont :

– de publier la liste des aides d’État accordées sur un site internet public et gratuit, que ces aides aient été notifiées à la Commission ou qu’elles soient exemptées de l’obligation de notification préalable ;

– de publier des informations relatives aux aides d’État d’un montant supérieur ou égal à 500 000 euros sur le site prévu à cet effet par la Commission européenne.

Le délai de publication de ces informations est fixé par le règlement (UE) n° 651/2014 à six mois à compter de la date d’octroi de l’aide. En ce qui concerne les aides à caractère fiscal, cette publication doit intervenir « dans lannée qui suit la date à laquelle la déclaration fiscale doit être introduite ». Dans tous les cas, les informations doivent pouvoir être « consultées pendant dix ans à compter de la date à laquelle laide a été octroyée ».

En cas de méconnaissance des exigences de transparence, les aides d’État accordées sont considérées comme illégales et traitées comme telles en application de l’article 108 du TFUE et du règlement (UE) n° 2015/1589. En outre, la Commission européenne peut, en application de l’article 10 du règlement (UE) n° 651/2014, retirer à un État membre le bénéfice de l’exemption de notification et lui imposer de notifier toutes ses mesures d’aide, y compris celles qui rentrent dans le champ des règlements d’exemption.

II.   la nÉcessitÉ d’AMÉNAGER LE SECRET FISCAL POUR SATISFAIRE À L’EXIGENCE EUROPÉENNE DE TRANSPARENCE

Les exigences de transparence imposées par le droit de l’Union européenne posent problème s’agissant de certaines aides d’État à caractère fiscal : c’est pourquoi une adaptation du droit français s’impose.

A.   LE SECRET fiscal, OBSTACLE À LA MISE EN ŒUVRE PAR LES AUTORITÉS NATIONALES DE LEURS OBLIGATIONS DE TRANSPARENCE

Les obligations de transparence s’imposent aux aides d’État qui prennent la forme d’avantages fiscaux. Sont concernées les mesures qui allègent les charges fiscales qui devraient peser sur le budget de certaines entreprises en leur conférant un avantage sélectif, quel que soit le dispositif fiscal utilisé.

En France, une trentaine de régimes fiscaux de ce type font l’objet de rapports annuels auprès de la Commission européenne. Il s’agit, par exemple, du crédit d’impôt innovation prévu au k du II de l’article 244 quater B du code général des impôts, ou encore du crédit d’impôt en faveur des sociétés créées pour le rachat de tout ou partie du capital d’une entreprise par ses salariés prévu à l’article 220 nonies du même code.

L’application des règles de transparence aux aides d’État à caractère fiscal n’est pas sans poser problème au regard du secret fiscal qui, en l’état actuel du droit, fait partiellement obstacle à leur mise en œuvre. En droit français, les informations recueillies par l’administration fiscale dans le cadre de la collecte de l’impôt sont protégées par le secret fiscal. En application de l’article L. 103 du livre des procédures fiscales : « lobligation du secret professionnel, telle quelle est définie aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal, sapplique à toutes les personnes appelées à loccasion de leurs fonctions ou attributions à intervenir dans lassiette, le contrôle, le recouvrement ou le contentieux des impôts, droits, taxes et redevances prévus au code général des impôts ».

La règle du secret fiscal connaît plusieurs dérogations. Ainsi, la section I du chapitre III du titre II de la première partie du livre des procédures fiscales prévoit, dans des cas limitativement énumérés, la publicité de certaines informations fiscales, comme par exemple, en application de l’article L. 112 A du livre des procédures fiscales, les « valeurs foncières déclarées à loccasion des mutations intervenues au cours des cinq dernières années ». Toutefois, aucune dérogation au secret fiscal n’est prévue s’agissant des règles de transparence en matière d’aides d’État, ce qui, dans certains cas, complique leur bonne application.

Les règlements européens étant d’application directe, aucune disposition législative n’est nécessaire pour que les obligations de transparences contenues dans les règlements d’exemption s’appliquent aux aides d’État qui entrent dans leur champ. Néanmoins, le respect des règles de transparence n’est pas assuré pour les aides qui n’entrent pas dans le champ des règlements d’exemption. Dans ce cas, chaque aide est autorisée par la Commission européenne, sous la forme d’une décision, laquelle contient également les exigences de transparence qui s’imposent à l’aide. Or, si ces obligations de transparence ne sont pas suffisamment claires, précises et inconditionnelles, elles perdent leur effet direct et ne sont plus invocables à l’encontre d’un État membre.

Le régime actuel n’impose donc pas à l’administration fiscale de publier de façon systématique les informations relatives aux bénéficiaires d’aides d’État à caractère fiscal exigées par les règles de transparence européennes.

B.   L’INTRODUCTION D’UNE NOUVELLE DÉROGATION AU SECRET FISCAL

Afin de mettre en conformité le droit français avec les exigences européennes de transparence en matière d’aides d’État à caractère fiscal, l’article 17 du projet de loi crée un nouvel aménagement du secret fiscal : est autorisée la publication d’informations relatives aux bénéficiaires d’une aide d’État.

Au sein de la section I du chapitre III du titre II de la première partie du livre des procédures fiscales, il est créé un 3° intitulé « Publicité des bénéficiaires daides à caractère fiscal », qui comprend un nouvel article L. 112 B.

L’article L. 112 B énumère les informations dont la publication est exigée par les règles européennes et autorise l’administration fiscale, par dérogation au secret fiscal, à publier les informations suivantes :

– le nom et l’identifiant du bénéficiaire ainsi que sa région d’établissement (1° et 3° de l’article L. 112 B) ;

– le type d’entreprise et son secteur d’activité (2° et 4° de l’article L. 112 B) ;

– l’instrument d’aide, sa date d’octroi, son objectif et l’autorité qui a octroyé l’aide (6° à 9° de l’article L. 112 B) ;

– le numéro de la mesure d’aide attribué par la Commission européenne (11° de l’article L. 112 B) ;

– les noms de l’entité mandatée et des intermédiaires financiers sélectionnés pour les aides visant à promouvoir les investissements en faveur du financement des risques (10° de l’article L. 112 B) ;

– l’élément d’aide, en indiquant, pour les aides individuelles, non pas le montant exact de l’aide mais la tranche de montant dans laquelle il se situe parmi les tranches listées par arrêté du ministère de l’agriculture en fonction des règles de transparence définies par la Commission européenne (5° de l’article L. 112 B).

Sur ce dernier point, létude dimpact précise que les tranches prévues par les textes européens sont les suivantes :

 

Catégorie daides

Tranches applicables (en euros)

Aides d’État dans les secteurs agricole et forestier et dans les zones rurales
et aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté autres que les établissements financiers octroyées à des bénéficiaires exerçant leurs activités dans le secteur de la production agricole primaire

-          60 000 à 500 000 ;

-          500 00 à 1 000 000 ;

-          2 000 000 à 5 000 000 ;

-          10 000 000 à 30 000 000 ;

-          supérieur à 30 000 000

Aides d’État aux entreprises actives dans la production, la transformation et la commercialisation des produits de la pêche et de l’aquaculture exemptées de l’obligation de notification

-          30 000 à 200 000 ;

-          200 000 à 400 000 ;

-          400 000 à 600 000 ;

-          600 000 à 800 000 ;

-          800 000 à 1 000 000

Aides d’État dans le secteur de la pêche et de l’aquaculture soumises à l’obligation de notification

-          30 000 à 500 000 ;

-          500 000 à 1 000 000 ;

-          1 000 000 à 2 000 000 ;

-          supérieur à 2 000 000

Autres aides

-          500 000 à 1 000 000 ;

-          1 000 000 à 2 000 000 ;

-          2 000 000 à 5 000 000 ;

-          5 000 000 à 10 000 000 ;

-          10 000 000 à 30 000 000 ;

-          supérieur à 30 000 000

Source : étude dimpact du projet de loi portant diverses dispositions dadaptation au droit de lUnion européenne en matière économique et financière.

Enfin, en ce qui concerne les entreprises chargées d’un service d’intérêt économique général qui perçoivent des aides d’État correspondant à une compensation pour obligations service public, le 12° de l’article L. 112 B autorise l’administration fiscale à publier le « mandat définissant les obligations de service public ou une synthèse de celui-ci et le montant annuel de laide, lorsquil est supérieur à 15 millions deuros ».

Le Sénat a adopté l’article 17, en apportant toutefois, en commission des finances, des modifications afin de préciser que les dérogations à la règle du secret fiscal nécessaires au respect des règles de transparence en matière d’aides d’État à caractère fiscal s’appliquent à la direction générale des finances publiques.

III.   Position dE DE LA COMMISSION DES FINANCES

L’examen de l’article 17 a été délégué à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, saisie pour avis, qui s’est prononcée en faveur de son adoption et a adopté deux amendements rédactionnels CF23 et CF24 du rapporteur pour avis.

Le dispositif proposé est propre à assurer un équilibre entre la protection du secret fiscal et le respect des exigences européennes de transparence en matière d’aides d’État à caractère fiscal.

L’article adapte le secret fiscal dans la stricte mesure nécessaire à sa compatibilité avec les nouvelles exigences de la politique européenne de contrôle des aides d’État. D’une part, les informations pouvant être rendues publiques sont limitativement énumérées. D’autre part, ce n’est pas le montant exact des aides qui sera publié mais la tranche de montant d’aide.

Cette mise en conformité permet à la France de se prémunir contre l’éventuelle incompatibilité de certaines aides, qui aurait pu conduire à leur suspension, voire leur remise en cause.

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Article 18
Habilitation du Gouvernement à
mettre en œuvre par ordonnance le Règlement (UE)  2016/1012 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 relatif aux conditions zootechniques et généalogiques applicables à lélevage, aux échanges et à lentrée dans lUnion de reproducteurs de race pure, de reproducteurs de porcins hybrides et de leurs produits germinaux et dadapter en conséquence le code rural et de la pêche maritime

Adopté par la commission avec modifications.

 

L’article 18 du projet de loi habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour mettre en œuvre le règlement (UE) n° 2016/1012 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 relatif aux conditions zootechniques et généalogiques applicables à l’élevage, aux échanges et à l’entrée dans l’Union de reproducteurs de race pure, de reproducteurs de porcins hybrides et de leurs produits germinaux et d’adapter en conséquence le code rural et de la pêche maritime.

Le règlement permet une préservation des ressources zoogénétiques et organise la gestion de la reproduction des races. Il maintient un système collectif mutualisé permettant in fine d’optimiser l’utilisation des financements publics et privés.

I.   L’État du droit

A.   Le contenu du rÈglement (UE) n° 2016/1012 du Parlement europÉen et du Conseil du 8 juin 2016 relatif aux conditions zootechniques et gÉnÉalogiques applicables À l’Élevage, aux échanges et à l’entrée dans l’Union de reproducteurs de race pure, de reproducteurs de porcins hybrides et de leurs produits germinaux

Ce règlement européen entré en vigueur le 1er novembre 2018 entend harmoniser le droit européen réglementant les échanges et l’entrée dans l’Union d’animaux reproducteurs et de leurs produits germinaux et favoriser le développement de l’élevage dans l’Union. Il se substitue à neuf directives dont la transposition dans l’ordre juridique des pays membres avait conduit à une grande hétérogénéité dans les règles applicables à l’élevage.

Ce règlement s’applique aux races pures bovins, ovins, caprins, porcins et équidés.

En application de son article 1er, ce règlement fixe :

a) les règles zootechniques et généalogiques applicables aux échanges et à l’entrée dans l’Union des animaux reproducteurs et de leurs produits germinaux ;

b) les règles relatives à l’agrément des organismes de sélection et des établissements de sélection et à l’approbation de leurs programmes de sélection ;

c) les droits et obligations des éleveurs, des organismes de sélection et des établissements de sélection ;

d) les règles relatives à l’inscription et à l’enregistrement d’animaux reproducteurs dans les livres généalogiques et les registres généalogiques et à l’admission à la reproduction des animaux reproducteurs et de leurs produits germinaux ;

e) les règles relatives au contrôle des performances et à l’évaluation génétique applicables aux animaux reproducteurs ;

f) les règles relatives à la délivrance de certificats zootechniques concernant les animaux reproducteurs et leurs produits germinaux ;

g) les règles relatives aux contrôles officiels, en particulier les contrôles relatifs aux organismes de sélection et aux établissements de sélection, ainsi que les règles relatives à l’exécution d’autres activités officielles ;

h) les règles relatives à l’assistance administrative et à la coopération et aux mesures coercitives mises en place par les États membres ;

i) les règles relatives aux contrôles effectués par la Commission dans les États membres et dans des pays tiers.

B.   Les enjeux en droit français

La génétique animale contribue au patrimoine agricole national et européen et ce faisant à la compétitivité des filières d’élevage. Le règlement permet une préservation des ressources zoogénétiques et organise la gestion de la reproduction des races. Il maintient un système collectif mutualisé permettant in fine d’optimiser l’utilisation des financements publics et privés.

En France, le secteur de la génétique des animaux d’élevage est encadré par la loi n° 2006-11 du 5 janvier 2006 d’orientation agricole et l’ordonnance n° 2006‑1548 du 7 décembre 2016 relative à l’identification, au contrôle sanitaire des activités de reproduction ainsi qu’à l’amélioration génétique des animaux d’élevage, elles-mêmes issues de la loi du 28 décembre 1966 sur l’élevage.

Le code rural et de la pêche maritime distingue :

– les organismes de sélection – agréés par le ministre chargé de l’agriculture sur la base de critères administratifs et de critères dépendant de leur mission - qui définissaient les objectifs de sélection ou les plans de croisement et assuraient la tenue des livres généalogiques ou registres zootechniques et la délivrance des certificats généalogiques ;

– les entreprises de sélection, non agréées par l’État, qui contribuaient à la mise en œuvre des programmes de sélection par le choix, la procréation et la mise sur le marché d’animaux reproducteurs et de produits germinaux ;

– les établissements de lélevage à qui l’État avait confié le monopole de l’enregistrement et de la certification de la parenté des ruminants ;

– des organismes agréés pour la conduite du service public de lenregistrement et du contrôle des performances des ruminants ;

– les établissements publics tels que lInstitut national de recherche pour lagriculture, lalimentation et lenvironnement (INRAe) qui procédait à titre exclusif à l’évaluation génétique des reproducteurs ;

– l’Institut de l’élevage (IDELE) qui publiait les résultats des évaluations génétiques officielles des ruminants.

Avec l’entrée en vigueur du règlement zootechnique une part importante des activités exercées sous la responsabilité de l’État (INRAe, instituts techniques, établissements de l’élevage) relèvera des organismes de sélection, c’est-à-dire du secteur privé. La préservation et l’accès au patrimoine génétique commun doivent ainsi être organisés afin que les éleveurs aient accès à du matériel génétique de qualité.

Les organismes de sélection seront toujours agréés sur la base de critères administratifs mais ils devront demander simultanément l’approbation de leur programme de sélection par race. Selon le ministère de l’agriculture, le programme de sélection inclura le contrôle des performances et l’évaluation génétique des reproducteurs, réalisés sous la responsabilité de l’organisme de sélection. Il en est de même pour la publication des résultats de l’évaluation génétique des mâles dont la semence est destinée à l’insémination.

Un organisme de sélection pourra déléguer une partie de ses activités à des organismes tiers, y compris le contrôle des performances et l’évaluation génétique.

Le règlement fixe le cadre des contrôles officiels réalisés par les autorités compétentes de chaque État membre afin de vérifier la bonne application du règlement par les différents opérateurs concernés.

Un organisme de sélection pourra demander l’extension de son activité à un autre État membre (qui aura un délai pour éventuellement s’opposer à cette extension).

II.   Les dispositions du projet de loi initial

Le projet de loi initial prévoyait d’habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance afin de mettre en œuvre le règlement (UE) n° 2016/1012 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 relatif aux conditions zootechniques et généalogiques applicables à l’élevage, aux échanges et à l’entrée dans l’Union de reproducteurs de race pure, de reproducteurs de porcins hybrides et de leurs produits germinaux et d’adapter en conséquence le code rural et de la pêche maritime.

Pour cette habilitation, le délai accordé au Gouvernement pour la publication des ordonnances était de six mois, ce dernier disposant ensuite d’un délai de trois mois pour déposer un projet de loi de ratification.

Le code rural et de la pêche maritime comprend de nombreuses dispositions rendues obsolètes par l’entrée en vigueur du règlement européen précité. Le recours à l’ordonnance se justifie par le caractère très technique des dispositifs envisagés. Une concertation avec les professionnels est en cours depuis plusieurs mois.

La libéralisation introduite par ce règlement rend nécessaire de prévoir un cadre strict et harmonisé notamment s’agissant de la conservation des données zootechniques et des ressources zoogénétiques ainsi que de leur contrôle.

Le Gouvernement a transmis à votre rapporteure un projet d’ordonnance qui comporte encore quelques points de rédaction non stabilisés.

Le 1° prévoit des mesures d’adaptation des dispositions du chapitre III du titre V du livre VI du code rural et de la pêche maritime au règlement précité ainsi qu’aux actes délégués et d’exécution qu’il prévoit. Pour l’essentiel, il convient d’étendre les nouveaux dispositifs prévus par le règlement aux espèces équines, y compris asine, ovine et caprine alors que jusqu’à présent seules les espèces bovine et porcine étaient citées par le code rural et de la pêche maritime s’agissant des règles applicables à la reproduction, à l’amélioration et à la préservation des ressources génétiques. Ces actes n’ont pas encore été tous publiés. Le règlement prévoit notamment plusieurs points de subsidiarité qui seront mis en œuvre à l’échelon national.

Le 2° permet au Gouvernement de prévoir « d’autres modifications » permettant d’adapter les « règles applicables à la reproduction animale, à l’amélioration génétique, au contrôle et à l’enregistrement des performances, à la préservation des ressources génétiques animales et à leur disponibilité pour les éleveurs ainsi qu’aux organismes et établissements intervenant dans ces secteurs, dans l’objectif de préserver la diversité génétique et l’accès des éleveurs à des ressources génétiques de qualité ».

Le projet d’ordonnance prévoit que l’État soit l’autorité compétente responsable des programmes de sélection réalisés par des organismes de sélection et des établissements de sélection. L’instruction des demandes d’approbation des programmes de sélection et d’agrément des organismes et établissements de sélection, et la réalisation des contrôles officiels des opérateurs, y compris les sanctions qui en découlent pourront être déléguées à l’Établissement national des produits de l’agriculture et de la mer (FranceAgriMer) et à l’Institut français du cheval et de l’équitation.

Pour chaque département, groupe de départements, région ou groupe de régions un établissement d’élevage sera agréé pour assurer des missions d’identification et contribuer au développement de l’élevage des animaux des espèces bovine, ovine, caprine, porcine, cunicole et avicoles dans sa circonscription en associant les différents acteurs des filières concernées. Des instituts techniques nationaux assumeront les missions d’intérêt commun, notamment des missions de préservation du patrimoine zoogénétique et procéderont, en particulier, aux recherches appliquées de portée générale. L’Institut français du cheval et de l’équitation procédera pour le compte de l’État à l’établissement et à la gestion d’une base de données zootechniques nationale des équidés.

Plusieurs décrets en Conseil d’État définiront les conditions d’emploi des animaux reproducteurs et de leurs produits germinaux.

Il semble que le Gouvernement envisage la création de services d’intérêt économique général pour l’accès au progrès génétique afin de contribuer à l’aménagement du territoire et de préserver la diversité génétique. Serait également créé un service universel de distribution et de mise en place de la semence des ruminants en monte publique au bénéfice des éleveurs.

Le 3° prévoit « les modalités selon lesquelles sont obtenues et conservées les données zootechniques et les ressources zoogénétiques nationales, dans un but de préservation du patrimoine génétique commun ». Le projet d’ordonnance prévoit qu’un décret en Conseil d’État déterminera les conditions dans lesquelles l’État peut, à des fins de contrôles administratifs, de recherche scientifique et de suivi des ressources zoogénétiques, imposer aux opérateurs intervenant dans les domaines de la sélection et de la reproduction animales de verser dans une base de données les données zootechniques qu’ils détiennent, parmi lesquelles les informations génétiques relatives au cheptel. Les détenteurs de certains matériels génétiques pourront être tenus d’en fournir en quantité suffisante à un organisme assurant la cryoconservation du patrimoine zoogénétique national.

Le 4° permettra d’adapter ou d’étendre les mesures d’application du règlement précité à d’autres espèces cunicoles, avicoles, aquacoles et apicoles, par décret en Conseil d’État. C’est la préservation de l’abeille noire qui est ici envisagée.

Le 5° doit permettre d’actualiser les moyens de contrôle des services compétents, et les sanctions pouvant être prises en cas de manquement à la réglementation.

Le 6° permettra de préciser l’application du règlement en outre-mer.

Les 7° et 8° permettront de mettre en cohérence le chapitre III précité et le reste du code rural et de la pêche maritime (répartition entre les parties législative et réglementaire, corrections et abrogation des dispositions obsolètes).

III.   Les dispositions adoptÉes par le sÉnat

A.   l’examen en commission

En commission, sur proposition de son rapporteur, le Sénat a :

– réduit le délai de lhabilitation de six à trois mois compte tenu du retard pris dans la mise en œuvre de ce règlement entré en vigueur le 1er novembre 2018 ;

– précisé le champ de lhabilitation : l’accès aux données de la base zootechnique nationale et aux ressources zoogénétiques nationales aux opérateurs habilités est déjà possible, il convient en revanche d’en prévoir les modalités daccès.

B.   l’examen en sÉance publique

En séance publique, le délai dhabilitation du Gouvernement a été étendu à cinq mois afin, selon l’amendement présenté par le Gouvernement, de poursuivre le travail de concertation.

IV.   La position de LA commission

La commission a conservé la rédaction adoptée par le Sénat, fruit d’un accord entre les sénateurs et le Gouvernement après consultation des professionnels intéressés. Elle a adopté deux amendements rédactionnels de sa rapporteure (CE56 et CE44).

Votre rapporteure fait confiance au Gouvernement pour que la libéralisation du secteur soit encadrée par une législation garantissant la protection et la diversité des ressources zootechniques et zoogénétiques.

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Article 19
Habilitation du Gouvernement à mettre en œuvre par ordonnance le règlement (UE) 2016/429 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 relatif aux maladies animales transmissibles et modifiant et abrogeant certains actes dans le domaine de la santé animale  législation sur la santé animale ») et dadapter en conséquence le code rural et de la pêche maritime

Adopté par la commission sans modifications.

 

L’article 19 du projet de loi habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour mettre en œuvre le règlement (UE) n° 2016/429 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 relatif aux maladies animales transmissibles et modifiant et abrogeant certains actes dans le domaine de la santé animale (« législation sur la santé animale ») et d’adapter en conséquence le code rural et de la pêche maritime.

I.   L’État du droit

Le règlement (UE) n°2016/429 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 relatif aux maladies animales transmissibles et modifiant et abrogeant certains actes dans le domaine de la santé animale (« législation sur la santé animale »), fort de 283 articles, se substitue à 39 directives et règlements.

Il harmonise au niveau européen la prévention des maladies animales transmissibles aux animaux ou aux êtres humains et organise la lutte contre ces maladies.

L’article 1er du règlement précise ses sept apports :

a) la hiérarchisation et la classification des maladies intéressant l’Union, ainsi que la définition des responsabilités en matière de santé animale […] : l’article 5 et l’annexe II catégorisent les maladies à suivre. La liste prévue par le règlement peut être complétée par un acte délégué. À ce jour, 63 maladies ont été répertoriées. Alors que le droit français classe les dangers sanitaires en trois catégories en fonction de leur gravité et des mesures induites par leurs conséquences potentielles avec un paradigme de responsabilité, le règlement européen prévoit une classification en cinq catégories (article 9) reposant sur un paradigme de gestion sanitaire identifiant les mesures à appliquer ;

b) la détection et la notification précoces des maladies, le rapport à leur sujet en temps voulu, la surveillance, les programmes d’éradication et le statut « indemne de maladie » […]. Les États membres et les opérateurs ont une obligation de surveillance des maladies et d’information en cas de soupçon. Les États membres notifie à la Commission européenne et aux autres États membres l’apparition de tout nouveau foyer de maladie ;

c) la sensibilisation et la préparation aux maladies, ainsi que la lutte contre celles-ci […]. En matière de prévention et de lutte contre les maladies les mesures à prendre dépendent de la catégorie de la maladie. Par exemple, pour la catégorie A des maladies qui ne sont habituellement pas présentes dans l’Union européenne et qui nécessitent des mesures d’éradication immédiate, les États membres doivent mettre en plan des plans d’intervention avec enquête, mesures préliminaires en attendant les résultats de l’enquête, puis enquête épidémiologique pour en déterminer l’origine et l’étendue de la propagation. Si la présence de la maladie est avérée, l’État instaure une zone réglementée, prend des mesures de lutte contre le foyer et, le cas échéant, élabore un plan de vaccination d’urgence. Pour les autres catégories de maladies, le protocole aboutit à des mesures d’éradication obligatoires ou volontaires jusqu’à l’obtention du statut « indemne » de la maladie pour le territoire concerné ;

d) l’enregistrement et l’agrément des établissements et des transporteurs, ainsi que les mouvements et la traçabilité d’animaux, de produits germinaux et de produits d’origine animale au sein de l’Union […]. Les opérateurs et les établissements doivent faire l’objet d’un enregistrement, plusieurs catégories d’établissements sensibles doivent faire l’objet d’un agrément. Tous les opérateurs tiennent des registres afin d’assurer la traçabilité des denrées ;

e) l’entrée dans l’Union d’animaux, de produits germinaux et de produits d’origine animale, ainsi que l’exportation de tels envois au départ de l’Union […] ». Pour l’essentiel : les pays tiers exportateurs doivent figurer sur une liste dédiée et les établissements doivent être agréés. Les animaux doivent être accompagnés de certificats zoo sanitaires ;

f) les mouvements non commerciaux d’animaux de compagnie entre États membres, ou au départ d’un pays tiers ou territoire […]. Le principe général est que les animaux doivent être identifiés par un document d’identification ; le règlement prévoit des conditions de nombre d’animaux et de durée de déplacements ;

g) les mesures d’urgence à adopter en cas de situation d’urgence due à une maladie. Il s’agit des mesures de lutte contre les maladies précitées ou, en cas de maladie émergente, des restrictions de mouvement, mises en quarantaine, surveillance et traçabilité.

II.   Les dispositions du projet de loi initial

Le projet de loi initial prévoyait d’habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance afin de mettre en œuvre le règlement (UE) n°2016/429 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 relatif aux maladies animales transmissibles et modifiant et abrogeant certains actes dans le domaine de la santé animale (« législation sur la santé animale ») et d’adapter en conséquence le code rural et de la pêche maritime

Pour cette habilitation, le délai accordé au Gouvernement pour la publication des ordonnances était de douze mois, ce dernier disposant ensuite d’un délai de trois mois pour déposer un projet de loi de ratification.

Dix actes délégués sont prévus par la Commission européenne. Deux ont déjà été publiés mais la plupart de ces actes sont encore en cours de négociation. C’est ce qui justifie le recours aux ordonnances avec un délai d’habilitation de douze mois.

Le 1° du champ de l’habilitation prévoit de modifier le code rural et de la pêche maritime pour l’adapter au règlement 2016/429 précité ainsi qu’aux mesures nationales supplémentaires ou plus strictes et les actes délégués ou d’exécution qu’il prévoit : c’est surtout la catégorisation des maladies animales qui devra être modifiée. Outre la désignation de la personne responsable de la gestion et de la lutte contre la maladie, la catégorisation dictera les mesures à prendre en fonction du risque identifié.

Le 2° du champ d’habilitation prévoit que ces modifications seront également applicables à Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon. Bien que le principe d’identité législative s’applique dans ces territoires, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon sont des pays et territoires d’outre-mer dans lesquels le droit de l’Union ne s’applique pas. Le 2° n’opère donc qu’une précision rappelant la possibilité de prévoir une disposition permettant d’adapter les dispositions relatives à ces territoires pour y permettre l’application des règlements européens concernés.

Le 3° habilite le Gouvernement à modifier les livres II, V et VI du code rural et de la pêche maritime afin d’assurer « le respect des règles de répartition entre partie législative et partie réglementaire et la cohérence des dispositions législatives, de corriger les erreurs rédactionnelles et d’abroger les dispositions devenues sans objet ».

III.   Les dispositions adoptÉes par le sÉnat

A.   l’examen en commission

En commission, sur proposition de son rapporteur, le Sénat a précisé le champ de l’habilitation (1° du I). Le règlement européen autorise les États membres à prendre des mesures nationales plus strictes en matière de santé animale. Cette possibilité a fait l’objet d’un amendement de précision de l’habilitation : le Gouvernement pourra prendre des mesures visant à lutter contre des maladies d’intérêt national mais non répertoriées ou considérées comme émergentes par le règlement européen.  Il est en effet nécessaire de ne pas affaiblir la couverture des risques sanitaires au niveau national : la surveillance de certaines maladies spécifiques non listées par le droit européen doit pouvoir se poursuivre.

B.   L’EXAMEN EN SÉANCE PUBLIQUE

En séance publique, le champ de l’habilitation a à nouveau été modifié, à l’initiative du Gouvernement.

S’agissant du 1° du I, l’amendement adopté élargit la capacité du Gouvernement non plus seulement à « lutter contre les maladies d’intérêt national non répertoriées ou considérées comme émergentes par le règlement européen » mais à « prendre des mesures nationales de prévention, de surveillance et de lutte contre les maladies d’intérêt national répertoriées ou non par le règlement européen ».

Le même amendement a élargi l’habilitation donnée au Gouvernement pour prévoir, dans la même ordonnance, de « modifier les règles relatives à la responsabilité des personnes autres que l’État dans la surveillance, la prévention et la lutte contre les maladies animales transmissibles ainsi que les règles d’organisation de l’enregistrement des exploitations, de l’identification et de la traçabilité des animaux » en fonction des évolutions prévues au 1° du présent article. La répartition des responsabilités entre les professionnels et l’État est considérablement modifiée par le règlement précité : le Gouvernement entend donc donner les moyens juridiques et techniques aux professionnels de mettre en place des systèmes d’information pour tenir des registres répondant aux obligations d’identification et de traçabilité des animaux.

IV.   La position de la commission

La commission a adopté cet article sans modification, conservant ainsi la rédaction adoptée par le Sénat, fruit d’un accord entre les sénateurs et le Gouvernement. Il est important de s’assurer que la France soit en mesure de garantir un niveau de performance sanitaire constant, gage de sécurité et de qualité de l’alimentation en particulier dans le contexte de crise sanitaire actuel.

La technicité et l’ampleur des modifications législatives attendues justifie pleinement le recours aux ordonnances, d’autant que tous les actes délégués issus de la réglementation européenne n’ont pas encore été publiés.

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Article 20
(articles L. 642-1-1 et L. 642-6 du code de lénergie)
Suppression du statut dentité centrale de stockage (ECS) attribué à la société anonyme de gestion des stocks de sécurité (SAGESS)

Adopté par la commission sans modifications.

 

Larticle 20 supprime le statut d’entité centrale de stockage (ECS) attribué à la société anonyme de gestion des stocks de sécurité (SAGESS) afin de garantir la pleine conformité du droit français avec le droit européen.

I.   L’État du droit

À travers la détention de stocks stratégiques, la France garantit la disponibilité d’une quantité minimum de produits pétroliers afin d’être en mesure de faire face à une rupture momentanée dapprovisionnement. Conformément à ses engagements européens et internationaux, la France est tenue de mettre en place un système à même de garantir un certain volume de stocks stratégiques pétroliers.

1.   Des obligations internationales et européennes

La France a adhéré en 1992 à l’accord relatif au programme international de l’énergie de l’Agence internationale de l’énergie. Celui-ci prévoit que les États doivent détenir des réserves d’urgence suffisante pour couvrir une consommation de 90 jours sans importation nette de pétrole. Des règles similaires sont également posées au niveau européen, qui prévoit un cadre relatif à l’organisation des stocks stratégiques. Ainsi, la directive 2009/119/CE impose aux États membres de maintenir un niveau minimal de stocks de pétrole brut et/ou de produits pétroliers. Selon l’article 3 de la directive, les États membres doivent disposer de stocks pétroliers « équivalant au moins à la plus grande des quantités représentées soit par 90 jours dimportations journalières moyennes nettes, soit par 61 jours de consommation intérieure journalière moyenne ».

La directive 2009/119/CE donne en outre notamment la possibilité aux États membres de définir dans chaque pays une entité centrale de stockage (ECS). Une ECS est définie par la directive européenne comme « lorganisme ou le service auquel des pouvoirs peuvent être conférés pour agir afin dacquérir, de maintenir ou de vendre des stocks de pétrole, notamment des stocks de sécurité ou des stocks spécifiques ». L’ECS est la seule entité capable de gérer des stocks spécifiques. Ces stocks correspondent à une partie des stocks stratégiques qu’un État peut, s’il le désire, choisir d’entretenir de façon particulière, notamment en étant le propriétaire direct, afin d’en assurer la disponibilité. Le modèle français n’a pas retenu ce modèle d’organisation par stocks spécifiques.

2.   Le droit national

Traduisant les obligations relevant du droit européen et international, l’article L. 642-2 du code de l’énergie contraint les opérateurs assujettis aux taxes intérieures de consommation sur certains produits pétroliers, ou qui se livrent à l’avitaillement des aéronefs de tels produits, à contribuer à la constitution et à la conservation de stocks stratégiques. Les opérateurs pétroliers, doivent détenir en stock 29,5 % de la mise à la consommation, ce qui permet de respecter l’obligation des 90 jours prévue en droit européen. Selon l’étude d’impact du présent projet de loi, la France détient ainsi près de 18 millions de mètres cube (m3) de stocks stratégiques répartis sur le territoire national dans plus de 100 dépôts pétroliers. Les stocks peuvent être des produits bruts (environ un tiers) ou raffinés (près de deux tiers).

En vertu de l’article L. 642-7 du même code, les opérateurs pétroliers qui bénéficient du statut d’entrepositaire agréés s’acquittent de cette obligation de deux manières :

– pour une part, déterminée par voie réglementaire, directement ou, sous sa responsabilité, par l’intermédiaire d’un ou de plusieurs autres entrepositaires agréés ;

– pour l’autre part, par le versement direct d’une rémunération au Comité professionnel des stocks stratégiques pétroliers (CPSSP). Cette rémunération, déterminée par le conseil d’administration correspond pour chaque opérateur redevable, aux coûts de constitution et de conservation pendant un an des stocks stratégiques.

En pratique, la gestion des stocks stratégiques repose en France sur une mécanique complexe, qui fait intervenir le CPSSP et la société anonyme de gestion des stocks de sécurité (SAGESS). Ainsi, le CPSSP reçoit les contributions financières des opérateurs pétroliers et sappuie sur la SAGESS pour la gestion opérationnelle des stocks. En cas de risque de pénurie pour les consommateurs, l’État enjoint à la SAGESS de mettre temporairement à la disposition des opérateurs désignés, un certain volume d’une qualité de produit donné.

Le CPSSP a été institué par un décret du 29 janvier 1993. Sa mission est décrite à l’article L. 642-6 du code de l’énergie, qui prévoit que le CPSSP constitue et conserve un stock correspondant à l’obligation qui pèse sur l’opérateur ayant versé la contribution financière. L’État est présent au conseil d’administration du CPSSP, de même que les opérateurs pétroliers concernés.

Crée en 1988, la SAGESS est une société anonyme « constituée entre professionnels pour la conservation du stock de produits pétroliers » (article 1655 quater du code général des impôts). Concrètement, la SAGESS est en charge de la gestion opérationnelle des stocks stratégiques. Une convention de mandat entre la SAGESS et le CPSSP détermine les modalités d’intervention et de prises en charge des coûts de la SAGESS. Cette convention de mandat fait l’objet d’une approbation par décret du Premier ministre.

Le fonctionnement de la SAGESS

La SAGESS agit comme prestataire du CPSSP, réalise les achats et les ventes de produit et assure leur stockage via des contrats d’entreposage passés avec les opérateurs. Les stocks sont constitués de produits finis, de pétrole brut ou de produits intermédiaires de raffinage. Comme le précise l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, la SAGESS ne dégage théoriquement pas de résultat, sauf les années où elle vend une partie des stocks stratégiques qu’elle possède. Les besoins de financement sont quasiment intégralement couverts par emprunts sur le marché financier. Les bénéfices de la SAGESS sont exonérés d’impôts sur les sociétés et les versements des associés à cette société en sont déductibles à concurrence des frais de gestion et des charges financières.

Comme l’indique l’étude d’impact, les stocks de la SAGESS représentent en 2019 près de 17 millions de m3. Ils sont composés pour plus de deux tiers de produits raffinés et représentent près des deux tiers de tous les stocks existant en France. Ils sont entreposés sur près de 90 sites, grâce à plus de 300 contrats d’entreposage.

Depuis la loi  2013-119 du 16 juillet 2013 portant diverses mesures dadaptation au droit de lUnion européenne, la SAGESS est dotée du statut d’entité centrale de stockage (ECS). L’article L. 441-1-1 définit l’ECS comme l’organisme ou le service auquel des pouvoirs peuvent être conférés pour agir afin d’acquérir, de maintenir ou de vendre des stocks de pétrole, notamment des stocks stratégiques et des stocks spécifiques. À l’occasion de cette loi, l’article L. 642-6 a été modifié ; la SAGESS est expressément désignée comme une ECS et par voie de conséquence la possibilité pour le CPSSP de recourir à la SAGESS est transformée en obligation. Le décret portant statut de la SAGESS a également été modifié afin d’autoriser cette dernière à constituer des stocks spécifiques.

Or, cette qualification paraît à la fois :

– inutile, puisque la possibilité de constituer des stocks spécifiques na pas été retenue ;

 contraire au droit européen, puisque larticle 7 de la directive 2009/119/CE dispose « lorsquun État membre établit une ECS, celle-ci a la forme dun organisme ou dun service sans but lucratif agissant dans lintérêt général et nest pas considérée comme un opérateur économique au sens de la présente directive ». Le statut de société anonyme de la SAGESS n’est donc pas compatible avec ces dispositions.

Ce double constat est souligné par le Conseil d’État, qui dans son avis rendu sur le présent projet de loi indique que la qualification d’ECS n’est pas conforme au droit de l’Union européenne et n’est pas utile dans le système français de gestion des stocks stratégiques. 

Dans l’étude d’impact, le Gouvernement signale ainsi que « limpact de la désignation de la SAGESS comme ECS navait pas été pleinement mesuré en 2012, lorsque la transposition de la directive avait été achevée ».

II.   Les dispositions initiales du projet de loi

Afin d’assurer la conformité du code de l’énergie avec le droit européen :

Le 1° de larticle 20 supprime la référence et la définition des entités centrales de stockage prévues à l’article L. 642-1-1 du code de l’énergie. Par conséquent, seule subsiste à l’article L. 642-1-1 la définition des stocks stratégiques.

Le 2° de larticle 20 supprime le deuxième alinéa de l’article L. 646-1 du code de l’énergie, qui dispose que « afin de sacquitter de sa mission, ce comité [le CPSSP] recourt aux services de lentité centrale de stockage, qui est la société anonyme de gestion des stocks de sécurité mentionnée à larticle 1655 quater du code général des impôts, dans le cadre dune convention approuvée par lautorité administrative ». Il sagit donc de supprimer la mention de la SAGESS comme ECS. Le Gouvernement détaille dans son étude dimpact : « la deuxième disposition législative vise donc à clarifier la rédaction conformément au mode de fonctionnement actuel du dispositif de gestion des stocks stratégiques pétroliers, la SAGESS nétant quun fournisseur du CPSSP parmi dautres, comme tous les opérateurs économiques susceptibles de répondre à ses besoins. Le CPSSP est libre de choisir la façon dont il sacquitte de sa mission ». Cette rédaction a également pour effet de bord la suppression de toute référence légale à la convention de mandat liant la SAGESS au CPSSP, ce qui semble aller au-delà de la volonté du législateur.

III.   Les dispositions adoptÉes au SÉnat

En commission des finances, les sénateurs ont adopté un amendement de la commission des affaires économiques qui vise à corriger l’effet de bord induit par le 2° du présent article 20 dans sa rédaction proposée par le Gouvernement. L’objet de l’amendement relève ainsi qu’« en supprimant toute référence aux prestations réalisées par la SAGESS pour le compte du Comité professionnel des stocks stratégiques pétroliers (CPSSP), dans le cadre dune convention approuvée par lautorité administrative, le dispositif proposé :

– dune part, irait plus loin que le droit antérieur à la loi précitée ;

– dautre part, rendrait inopérant le régime fiscal applicable à la SAGESS, prévu à larticle 1655 quater du code général des impôts (CGI) ».

Ainsi, l’article 20 tel qu’adopté au Sénat :

 conserve le 1° qui supprime la référence au statut dECS de la SAGESS et le principe du recours exclusif du CPSSP à cette société ;

– propose une réécriture du 2°, qui conserve le deuxième alinéa de l’article L. 642-6 mais le modifie afin de supprimer la référence au statut d’ECS de la SAGESS et de transformer l’obligation du CPSSP de recourir au service de la SAGESS en simple possibilité. La rédaction permet ainsi de maintenir la référence à une convention pouvant lier la SAGESS au CPSSP, approuvée par lautorité administrative, afin de sécuriser le cadre juridique et fiscal applicable aux stocks stratégiques. In fine, la rédaction proposée par les sénateurs consiste à revenir au droit existant avant la loi n° 2013-119 du 16 juillet 2013 portant diverses mesures dadaptation au droit de lUnion européenne.

IV.   La position de la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

En supprimant le statut d’ECS de la SAGESS, l’article 20 apporte un ajustement technique nécessaire au code de l’énergie, afin d’assurer la conformité de notre droit. Entendu par votre rapporteure, le Gouvernement a confirmé que cela n’impacterait en rien le fonctionnement des stocks stratégiques.

Les précisions apportées au Sénat sont bienvenues, participent à la qualité de la loi et à la sécurité juridique du fonctionnement des entités juridiques en charge de la gestion des stocks stratégiques.


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Chapitre VII
Dispositions relatives à la prévention de lutilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme

Article 21
Renforcement du dispositif national de lutte contre
le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme

Adopté par la commission avec modifications.

L’avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire a été sollicité sur l’article 21.

L’article 21 du projet de loi vise à renforcer le dispositif national de lutte contre le blanchiment de capitaux et contre le financement du terrorisme.

Il prévoit d’habiliter le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance les mesures nécessaires pour transposer la directive (UE) 2019/1153 du 20 juin 2019 facilitant l’utilisation d’informations financières aux fins de la prévention de certaines infractions pénales.

Un amendement du Gouvernement adopté au Sénat, en séance, prévoit également la ratification de lordonnance n° 2020-115 du 12 février 2020 renforçant le dispositif national de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

L’examen de l’article 21 a été délégué à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, saisie pour avis, qui s’est prononcée en faveur de son adoption et a adopté trois amendements du rapporteur pour avis, deux rédactionnels, le troisième visant à aligner la durée d’habilitation sur le délai de transposition de la directive (UE) 2019/1153.

La commission des affaires économiques a adopté l’article 21 ainsi que les trois amendements déposés par la commission des finances.

I.   la directive (UE) 2019/1553 renforce l’encadrement de la circulation des informations financiÈres entre les ÉTATS membres de l’Union europÉenne pour lutter contre certaines infractions pÉnales graves

La directive (UE) 2015/849 du 20 mai 2015 ([94]), dite quatrième directive anti-blanchiment, constitue le principal instrument juridique en matière de prévention de l’utilisation du système financier de l’Union européenne aux fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme. Elle a été modifiée par la directive (UE) 2018/843 du 30 mai 2018 ([95]) et complétée par la directive (UE) 2019/1153 du 20 juin 2019 ([96]).

A.   Les limites de la cinquiÈme directive anti-blanchiment

La directive (UE) 2018/843, dite cinquième directive anti-blanchiment, a introduit de nombreuses mesures visant à renforcer le dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et contre le financement du terrorisme.

La directive (UE) 2018/843 modifie la directive (UE) 2015/849 et y ajoute un nouvel article 32 bis, qui impose aux États membres de l’Union européenne de mettre en place « des mécanismes automatisés centralisés, tels que des registres centraux ou des systèmes électroniques centraux de recherche de données, permettant lidentification, en temps utile, de toute personne physique ou morale qui détient ou contrôle des comptes de paiement et des comptes bancaires ».

Ces informations doivent être directement accessibles aux cellules de renseignement financier (CRF) nationales ainsi qu’aux autorités nationales compétentes en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et contre le financement du terrorisme, afin d’améliorer leur capacité à mener des enquêtes financières. En France, il s’agit notamment de Tracfin.

Néanmoins, la directive (UE) 2018/843 ne prévoit pas tous les outils et mécanismes spécifiques dont les CRF devraient pouvoir disposer afin d’accéder aux informations et analyses financières dont elles ont besoin pour accomplir leurs missions. En effet, l’organisation des CRF relevant de la responsabilité des États, « le degré daccès de ces dernières aux bases de données réglementaires est variable, ce qui se traduit par des échanges dinformations insuffisants entre les services répressifs ou judiciaires et les CRF » ([97]).

Dès lors, la Commission européenne s’est engagée, dans une communication du 2 février 2016 relative à un plan d’action destiné à renforcer la lutte contre le financement du terrorisme ([98]), à étudier « la possibilité de mettre en place un instrument juridique autonome distinct permettant délargir laccès [des autorités nationales] à ces registres centralisés des comptes bancaires et des comptes de paiement » ainsi qu’à recenser et « éliminer les obstacles concernant laccès aux informations pertinentes, léchange et lutilisation des informations et la coopération opérationnelle ».

B.   Les prÉcisions apportÉes par la directive (UE) 2019/1153

La directive (UE) 2019/1153 vient compléter le dispositif mis en place par les directives (UE) 2015/849 et (UE) 2018/843.

Ainsi, la directive impose aux États membres de veiller à ce que les autorités nationales chargées de prévenir et de détecter des infractions pénales graves, mais aussi de mener des enquêtes ou de poursuivre des infractions pénales, soient habilitées à avoir accès aux systèmes d’informations relatifs aux comptes bancaires et à effectuer des recherches dans ces systèmes d’informations, lorsque cela est nécessaire à l’accomplissement de leurs missions.

En outre, la directive favorise les échanges d’informations entre les CRF et les autorités nationales chargées de la prévention ou de la détection des infractions pénales, ou de mener des enquêtes ou des poursuites en la matière. Elle renforce la capacité des CRF à partager des informations et analyses financières et prévoit que tout refus d’une CRF de donner suite à une demande d’information doit être motivé. Elle autorise aussi les CRF à demander aux autorités nationales compétentes toutes données pertinentes afin de mieux lutter contre le blanchiment de capitaux et contre le financement du terrorisme.

Comme l’explique l’étude d’impact, il s’agit de permettre aux services répressifs français et à Europol d’obtenir des informations de la part de Tracfin, mais aussi de permettre à Tracfin d’obtenir des informations utiles pour lutter contre le blanchiment de capitaux et contre le financement du terrorisme.

La directive précise également le cadre dans lequel des échanges d’informations peuvent avoir lieu entre les CRF et les autorités nationales compétentes désignées dans des États membres différents.

Toutefois, l’ensemble de ces règles ne doivent pas porter atteinte à l’indépendance et à l’autonomie opérationnelle des CRF, prévues par la directive (UE) 2015/849. Ainsi, elles n’empêchent pas les CRF de diffuser des informations de leur propre initiative. De même, lorsque les informations requises proviennent d’une CRF d’un autre État membre, toutes les restrictions et conditions imposées par cette CRF quant à l’utilisation des informations transmises doivent être respectées.

Enfin, la directive prévoit aussi des garanties visant à assurer la protection des données à caractère personnel en ce qui concerne les mécanismes de traitement des données sensibles et les registres des demandes d’informations.

II.   L’habilitation du Gouvernement À transposer la directive (UE) 2019/1153 par voie d’ordonnance complÉtÉe par la ratification de l’ordonnance n° 2020-115

Outre la transposition de la directive (UE) 2019/1153, prévue dans la version initiale, l’article 21 prévoit aussi, à la suite d’un amendement adopté au Sénat, la ratification de l’ordonnance n° 2020‑115 du 12 février 2020 renforçant le dispositif national de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme

A.   La transposition de la directive (UE) 2019/1153 par voie d’ordonnance

Le I de l’article 21 du projet de loi prévoit d’habiliter le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de douze mois, les mesures relevant du domaine de la loi permettant :

– de transposer la directive (UE) 2019/1153, qui doit être transposée au plus tard le 1er août 2021 ;

– de mettre en cohérence le code monétaire et financier et, si nécessaire, l’ensemble des codes et lois avec les dispositions résultant de la transposition de la directive (UE) 2019/1153 ;

– de rendre applicables les nouvelles dispositions du code monétaire et financier et des autres codes et lois, avec les adaptations nécessaires, en Nouvelle‑Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna ;

– d’adapter en conséquence les dispositions applicables à Saint‑Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Le II de l’article 21 du projet de loi prévoit qu’un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance prévue au I.

Le Sénat a approuvé les avancées permises par la transposition de la directive (UE) 2019-1153 et a adopté les I et II de l’article 21 sans modification.

B.   La ratification de l’ordonnance n° 2020‑115 renforçant le dispositif national de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme

Au cours de l’examen du projet de loi au Sénat, un amendement du Gouvernement a été adopté, en séance, visant à ratifier l’ordonnance n° 2020‑115 du 12 février 2020 renforçant le dispositif national de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

L’ordonnance n° 2020-115 constitue, avec les décrets n° 2020-118 ([99]) et n° 2020-119 ([100]), l’un des textes transposant la directive (UE) 2018-843.

Les principales mesures introduites par l’ordonnance n° 2020-115 concernent :

– la mise à jour du périmètre des entités assujetties aux obligations imposées par le code monétaire et financier en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et contre le financement du terrorisme (inclusion des greffiers des tribunaux de commerce, des caisses de règlement pécuniaire des avocats et des activités de conseil fiscal ; exclusion des syndics de copropriété ; rehaussement des seuils d’assujettissement des professionnels de l’art et de l’immobilier ; élargissement du périmètre d’assujettissement des commerçants en biens) ;

– le renforcement du rôle des registres des bénéficiaires effectifs des personnes morales ainsi que des trusts et fiducies comme outils de transparence des transactions financières (ouverture au public de la majeure partie des données relatives aux bénéficiaires effectifs des personnes morales, introduction d’un mécanisme de signalement des informations incohérentes contenues dans les registres par les entités assujetties) ;

– la rationalisation des modalités de contrôle des entités assujetties et la centralisation au sein de la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) du contrôle des professionnels de l’art ;

– le renforcement des capacités de l’État à mettre en œuvre des contre‑mesures vis-à-vis des États tiers à haut risque ;

– le renforcement des capacités d’échange d’informations entre Tracfin et les CRF des autres États membres de l’Union européenne.

De surcroît, l’ordonnance n° 2020-115 a également permis, à la suite des demandes de la Commission européenne, de mettre le droit français en conformité totale avec la directive (UE) 2015/849 ainsi qu’avec les recommandations du Groupe d’action financière (GAFI).

L’ordonnance n° 2020-115 du 12 février 2020 a été prise sur le fondement de l’article 203 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 ([101]), qui prévoyait le dépôt d’un projet de loi de ratification dans un délai de six mois à compter de la publication de l’ordonnance, soit avant le 14 août 2020. Toutefois, le second alinéa de l’article 14 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ([102]) prévoit que les « délais fixés pour le dépôt de projets de loi de ratification dordonnances publiées avant la date de publication de la présente loi sont prolongés de quatre mois, lorsquils nont pas expiré à cette date ». Un projet de loi de ratification de l’ordonnance n° 2020‑115 devra donc être déposé avant le 14 décembre 2020.

III.   Position de la commission des finances

L’examen de l’article 21 a été délégué à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, saisie pour avis, qui s’est prononcée en faveur de son adoption et a adopté trois amendements du rapporteur pour avis, deux rédactionnels, le troisième visant à aligner la durée d’habilitation sur le délai de transposition de la directive (UE) 2019/1153.

La commission des finances approuve l’ensemble de ces mesures visant à renforcer le dispositif national de lutte contre le blanchiment de capitaux et contre le financement du terrorisme.

Toutefois, la commission des finances a adopté, sur proposition du rapporteur pour avis, l’amendement CF25 qui fixe le terme de l’habilitation au 1er août 2021, afin de le faire coïncider avec le terme du délai de transposition fixé à l’article 23 de la directive (UE) 2019/1153. La commission des finances a également adopté deux amendements rédactionnels CF26 et CF27 proposés par le rapporteur pour avis.

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Chapitre VII bis
Dispositions relatives aux médicaments vétérinaires et aliments médicamenteux
(Division et intitulé nouveaux)

Article 22
Habilitation du Gouvernement à mettre en œuvre par ordonnance trois règlements européens adoptés en 2019 formant le paquet « médicaments vétérinaires » et dadapter en conséquence le code rural et de la pêche maritime, le code de la santé publique et le code de la consommation

Adopté par la commission sans modifications.

 

L’article 22 habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour mettre en œuvre trois règlements européens adoptés en 2019 formant le paquet « médicaments vétérinaires » et d’adapter en conséquence le code rural et de la pêche maritime, le code de la santé publique et le code de la consommation.

I.   L’État du droit

Les trois règlements formant le paquet « médicaments vétérinaires » ont vocation à se substituer à la directive n° 2001/82/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments vétérinaires et à la directive n° 90/167/CEE du Conseil, du 26 mars 1990, établissant les conditions de préparation, de mise sur le marché et d’utilisation des aliments médicamenteux pour animaux dans la Communauté.

Ces deux directives dont l’objet était de permettre l’échange de produits agricoles au sein de l’Union, à l’import et à l’export, n’ont pas permis une application uniforme des mesures de protection de la santé publique et animale ce qui a porté atteinte au bon fonctionnement du marché intérieur.  Ces directives ont été transposées de façon incorrecte. En outre, elles ne prenaient pas en compte l’enjeu de la lutte contre l’antibiorésistance.

Ces trois règlements ont pour objectif d’accroître la disponibilité des médicaments vétérinaires dans l’UE, d’améliorer le fonctionnement du marché intérieur et d’alléger la charge administrative et tout en favorisant l’innovation.

Une partie du règlement n° 2019/5 est entrée en vigueur le 28 janvier 2019 mais les trois règlements entreront en vigueur dans leur ensemble le 28 janvier 2022.

A.   Le RÈglement (UE) n° 2019/4 du Parlement europÉen et du Conseil du 11 décembre 2018 concernant la fabrication, la mise sur le marchÉ et l’utilisation d’aliments mÉdicamenteux pour animaux, modifiant le rÈglement (CE) n° 183/2005 du Parlement europÉen et du Conseil et abrogeant la directive 90/167/CEE du Conseil

Ce règlement modifie les règles applicables aux aliments médicamenteux ([103]) dans le but d’harmoniser leurs conditions de fabrication, de commercialisation et d’utilisation ainsi que celle des produits intermédiaires ([104]) en garantissant aux utilisateurs un haut niveau de sécurité et en tenant compte des dernières évolutions technologiques du secteur.

La délivrance d’aliments médicamenteux est soumise à ordonnance avec des règles de durée de validité et d’encadrement de la procédure de leur délivrance. Les propriétaires d’animaux tiennent un registre consignant l’administration de ces aliments médicamenteux.

La fabrication, l’entreposage, le transport et la mise sur le marché comme la destruction des aliments médicamenteux non utilisés sont organisés par les États membres suivant des obligations prévues par le règlement.

Le règlement encadre également les conditions de la dispersion homogène du médicament dans l’aliment ainsi que les teneurs maximales de contamination croisée pour plusieurs antibiotiques.

L’emballage et l’étiquetage seront harmonisés et la publicité interdite, sauf à destination des vétérinaires.

De nouvelles activités seront autorisées : celles des courtiers et des mélangeurs mobiles.

Les autorisations de mise sur le marché (AMM) de ces médicaments vétérinaires seront européennes et non plus nationales. L’import et l’export sont également encadrés par ce règlement.

B.   RÈglement (UE) n° 2019/5 du Parlement europÉen et du Conseil du 11 dÉcembre 2018 modifiant le rÈglement (CE) n° 726/2004 Établissant des procÉdures communautaires pour l’autorisation et la surveillance en ce qui concerne les mÉdicaments À usage humain et À usage vÉtÉrinaire, et instituant une Agence europÉenne des mÉdicaments, le rÈglement (CE) n° 1901/2006 relatif aux médicaments À usage pÉdiatrique et la directive 2001/83/CE instituant un code communautaire relatif aux médicaments À usage humain

Ce règlement modifie les règles régissant les autorisations de mise sur le marché des médicaments à usage humain et à usage vétérinaire. S’agissant des médicaments à usage humain, il a trait aux compétences de la Commission européenne et aux AMM centralisées relevant de l’Agence européenne du médicament.

C.   RÈglement (UE) n°2019/6 du Parlement européen et du Conseil du 11 dÉcembre 2018 relatif aux mÉdicaments vÉtÉrinaires et abrogeant la directive 2001/82/CE

Ce règlement organise le marché du médicament vétérinaire au sein de l’Union européenne : il a trait aux AMM, à la fabrication, à l’importation, à l’exportation, à la délivrance, à la distribution, à la pharmacovigilance, au contrôle et à l’utilisation des médicaments vétérinaires. L’objectif est « la création d’un marché européen ouvert du médicament vétérinaire », plaçant ainsi les firmes pharmaceutiques nationales « dans un nouvel environnement concurrentiel », comme le précise l’étude d’impact du projet de loi.

Les autorisations de mise sur le marché des médicaments vétérinaires préparés industriellement ou selon une méthode faisant intervenir un processus industriel sont régies par cinq types de procédures plus ou moins centralisées.

– la procédure centralisée délivrée par la Commission européenne après avis de l’Agence européenne des médicaments ;

– la procédure nationale délivrant une autorisation de mise sur le marché valable dans un seul État membre ;

– la procédure décentralisée délivrant une autorisation de mise sur le marché valable dans plusieurs États membres simultanément en déposant la demande dans un État membre référent ;

– la procédure de reconnaissance mutuelle délivrant une autorisation de mise sur le marché identique à celle déjà délivrée dans un État membre référent ;

– la procédure de reconnaissance ultérieure permettant à un État membre titulaire d’une autorisation de mise sur le marché d’obtenir une autorisation pour le même médicament dans d’autres États membres.

L’autorisation de mise sur le marché est délivrée pour une durée illimitée, sauf circonstances exceptionnelles ou pour un marché limité.

Le fabricant doit obtenir de l’État membre où est situé le lieu de fabrication ou d’importation une autorisation, donnée à l’issue d’une visite du site et reconnue par un certificat de bonnes pratiques (présence de personnel qualité, tenue de registres, etc.).

Une base de données pilotée par l’Agence européenne du médicament centralisera ces informations.

En ce qui concerne la distribution et la délivrance des médicaments, le règlement instaure diverses modalités de contrôle et une harmonisation des pratiques entre États membres. Les règles de prescription et d’ordonnance sont renforcées tout en laissant aux États membres la liberté d’adapter les textes en matière de prescription vétérinaire.

Le règlement est le premier à encadrer la vente de médicaments vétérinaires en ligne. Il pose le principe de l’autorisation de la publicité mais seulement auprès des professionnels autorisés à délivrer ces médicaments.

La nature du médicament vétérinaire détermine ses conditions d’utilisation mais un État membre peut – par exemple – réglementer plus strictement voire interdire l’usage des médicaments antimicrobiens.

Le règlement aménage l’utilisation de médicaments en dehors de leur AMM, sous conditions strictes et notamment celle de l’indisponibilité du médicament vétérinaire approprié et dans l’intérêt de la santé animale. À ce titre, les médicaments à usage humain peuvent être utilisés.

II.   Les dispositions initiales du projet de loi

Le projet de loi initial prévoyait d’habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance afin de mettre en œuvre trois règlements formant le paquet « médicaments vétérinaires » et les actes délégués et d’exécution qu’ils prévoient et d’adapter en conséquence le code rural et de la pêche maritime, le code de la santé publique et le code de la consommation.

Pour cette habilitation, le délai accordé au Gouvernement pour la publication des ordonnances était de dix-huit mois, ce dernier disposant ensuite d’un délai de trois mois pour déposer un projet de loi de ratification.

L’étude d’impact mentionne que les principales évolutions  porteront sur la définition de l’aliment médicamenteux ; la fabrication, composition, la mise sur le marché, la vente – notamment en ligne – et l’utilisation des aliments médicamenteux et des médicaments vétérinaires ; le rôle et les obligations des autorités compétentes dans la mise en œuvre de cette réglementation ; les règles d’étiquetage ; la prescription et la conservation des aliments médicamenteux et des médicaments vétérinaires ; les règles relatives à leurs échanges de façon à éviter les distorsions de concurrence ; les obligations incombant aux différents opérateurs.

Vingt-neuf actes délégués ou d’exécution sont attendus au niveau européen : pour cette raison, le Gouvernement n’est – à ce jour – pas en mesure d’expliciter en détail les mesures de transposition et de mise en œuvre qui seront nécessaires. Le champ de l’habilitation qui lui est donné est volontairement large et justifié par la technicité des mesures attendues.

Le 1° habilite le Gouvernement à prendre des mesures législatives permettant d’apporter les adaptations rendues nécessaires par l’entrée en application de ces trois règlements européens, ainsi que des actes délégués et d’exécution qu’ils prévoient, pour certains non publiés, au sein des codes rural et de la pêche maritime, de la santé publique et de la consommation.

Le 2° permet d’adapter ces dispositions pour les rendre applicables à Saint‑Barthélemy et à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Le 3° permet au Gouvernement de prendre des mesures de coordination juridique afin d’assurer le respect des règles de répartition entre partie législative et partie réglementaire et la cohérence des dispositions législatives, de corriger les erreurs rédactionnelles et d’abroger les dispositions devenues sans objet compte tenu des modifications précédemment opérées.

III.   Les dispositions adoptÉes par le sÉnat

A.   l’examen en commission

En commission et à l’initiative du rapporteur pour avis, le Sénat a réduit le délai dhabilitation de dix-huit à seize mois afin de tenir compte de la date d’entrée en vigueur des trois règlements européens le 28 janvier 2022.

En outre, considérant que le règlement 2019/5 n’appelait pas d’adaptation du droit français et en accord avec le Gouvernement, le Sénat a supprimé cette référence constituant lalinéa 4 de larticle (b du 1° du I). Ce faisant, le champ de l’habilitation en est réduit d’autant.

B.   l’examen en sÉance publique

En séance publique, le Sénat a adopté l’article sans modification.

IV.   La position de la commission

La commission a adopté cet article sans modification, conservant ainsi la rédaction adoptée par le Sénat, fruit d’un accord entre les sénateurs et le Gouvernement.

Votre rapporteure tient à informer la commission d’une avancée importante en matière de lutte contre la concurrence déloyale en matière agricole. L’article 118 du règlement 2019/6 qui sera mis en œuvre par le présent article prévoit d’étendre aux produits importés de pays tiers et à destination des États membres l’interdiction de l’usage des antiobiotiques comme facteurs de croissance (ou pour augmenter le rendement) chez les animaux d’élevage. Il s’agit d’une interdiction d’usage qui concernait déjà les produits européens depuis 2006 mais qui ne s’appliquait pas aux produits importés. Adopté à l’initiative de la France, cet article supprimera une injustice pour les agriculteurs européens et améliorera la qualité de l’alimentation des consommateurs.

La réforme du marché du médicament vétérinaire au sein de l’Union européenne appelle des modifications techniques et nombreuses non seulement dans le code rural et de la pêche maritime mais également dans le code de la santé publique et le code de la consommation. Peu d’actes d’exécution ont été publiés. Ces éléments justifient pleinement le recours à l’ordonnance.

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Article 22 bis
(article L. 5141‑16 du code de la santé publique)
Autorisation de la publicité pour les vaccins vétérinaires à destination des éleveurs professionnels

Adopté par la commission avec modifications.

 

L’article 22 bis, introduit par le Sénat, autorise la publicité pour les vaccins vétérinaires à destination des éleveurs professionnels.

I.   LES DISPOSITIONS DE L’ARTICLE ADOPTÉ PAR LE SÉNAT

A.   L’EXAMEN EN COMMISSION

À l’initiative de son rapporteur pour avis, le Sénat a adopté un nouvel article portant article additionnel après l’article 22.

1.   Avant l’entrée en vigueur du règlement n° 2019/6, la publicité est interdite

En droit français comme en droit européen la publicité pour les vaccins vétérinaires à destination des éleveurs professionnels est interdite.

En droit européen, l’article 85 de la directive n° 2001/82/CE instituant un code communautaire relatif aux médicaments vétérinaires, modifié par la directive n° 2004/28/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 propose un cadre relatif aux vaccins vétérinaires. Ainsi « Les États membres interdisent la publicité, auprès du public, faite à légard des médicaments vétérinaires qui ne peuvent être délivrés que sur prescription vétérinaire ».

En droit français, le 9° de l’article L. 5141-16 du code de la santé publique précise qu’un décret en Conseil d’État détermine « les conditions auxquelles est subordonnée la publicité pour les médicaments vétérinaires ».

L’article R. 5141-84 pose le principe d’une autorisation de la publicité en faveur des médicaments vétérinaires auprès du public mais elle est interdite « pour les médicaments prescrits sur ordonnance », dont les vaccins vétérinaires.

2.   Le règlement n° 2019/6 ouvre la possibilité d’une telle publicité auprès des professionnels, à compter de 2022

Les articles 119 et 120 du règlement (UE) n° 2019/6 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relatif aux médicaments vétérinaires et abrogeant la directive n° 2001/82/CE autorisent la publicité pour les vaccins vétérinaires auprès des personnes responsables d’animaux dans un cadre professionnel à compter du 28 janvier 2022, date de leur entrée en vigueur.

L’article 22 bis adopté en commission par le Sénat en tire les conséquences dans le code rural et de la pêche maritime en renvoyant à un décret en Conseil d’État les conditions de l’autorisation de la publicité pour les vaccins vétérinaires à destination des éleveurs professionnels dans les publications qui leur sont destinées.

B.   L’EXAMEN EN SÉANCE PUBLIQUE

En séance publique, le Sénat a adopté cet article sans modification.

II.   LA POSITION DE la commission

La commission a adopté cet article modifié d’un amendement rédactionnel de sa rapporteure (CE45).

Cet article reprend précisément l’article 87 du projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (dite « Egalim ») adopté en lecture définitive par l’Assemblée nationale le 2 octobre 2018 à l’initiative de M. Jean‑Baptiste Moreau, rapporteur du texte, mais censuré comme cavalier législatif par le Conseil constitutionnel.

Alors qu’au moment de l’adoption de cet article dans la loi « Egalim » le droit européen ne permettait pas ce type de publicité, l’adoption du règlement (UE) n° 2019/6 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relatif aux médicaments vétérinaires permettra de prévoir ce type de disposition, dès son entrée en vigueur à compter du 28 janvier 2022.

Votre rapporteure considère que la France peut anticiper l’entrée en vigueur du règlement européen précité. Le risque de contentieux est faible.

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Article 22 ter
(ordonnance n° 2015‑953 du 31 juillet 2015 relative à la réforme de lordre des vétérinaires, loi n° 47‑1564 du 23 août 1947 relative à linstitution dun ordre national des vétérinaires, ordonnance n° 2011‑78 du 20 janvier 2011 relative aux conditions dans lesquelles certains actes peuvent être réalisés par des personnes nayant pas la qualité de vétérinaire et article L. 243‑3 du code rural et de la pêche maritime)
Ratification dordonnances relatives à lordre des vétérinaires et stages des étudiants vétérinaires européens

Adopté par la commission sans modifications.

 

L’article 22 ter, introduit par le Sénat, ratifie deux ordonnances relatives à l’ordre des vétérinaires, abroge une loi devenue obsolète et prévoit un nouveau dispositif encadrant les actes vétérinaires réalisés par les élèves vétérinaires étudiants à l’étranger mais stagiaires en France.

I.   Les dispositions de l’article adoptÉ par le SÉnat

A.   L’examen en commission

À l’initiative de son rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques, le Sénat a adopté un article portant article additionnel après l’article 22.

1.   La ratification de deux ordonnances et l’abrogation de la loi de 1947

Cet article ratifie deux ordonnances :

– l’ordonnance n° 2015-953 du 31 juillet 2015 relative à la réforme de l’ordre des vétérinaires ;

– l’ordonnance n° 2011-78 du 20 janvier 2011 relative aux conditions dans lesquelles certains actes peuvent être réalisés par des personnes n’ayant pas la qualité de vétérinaire.

L’ordonnance n° 2015-953 précitée modernise l’organisation et les missions de l’ordre des vétérinaires, en élargissant son champ d’action et en réformant l’organisation du système disciplinaire, notamment par la clarification de la gestion des missions administratives et disciplinaires de l’ordre. Elle renforce le contrôle ordinal sur l’exercice de la profession de vétérinaire. Elle facilite aussi l’égal accès des hommes et des femmes lors des élections aux postes de conseillers ordinaux.

L’ordonnance n° 2011-78 précitée précise le champ de l’exercice de la médecine et de la chirurgie des animaux. Elle reconnaît explicitement l’éleveur comme l’infirmier de son élevage afin qu’il puisse réaliser de plein droit certains actes de soins énumérés par arrêté à la condition, d’une part, de disposer d’une compétence suffisante, d’autre part, de respecter les réglementations relatives à la protection animale, au médicament vétérinaire, à la certification et au mandat sanitaire.

Pour ces deux ordonnances, deux projets de loi de ratification ont été déposés dans le délai prescrit par la loi d’habilitation mais ils n’ont pas été inscrits à l’ordre du jour. Les ratifications prévues par l’adoption de cet amendement auront pour conséquence de transformer rétroactivement ces deux ordonnances en texte de valeur législative même si depuis la récente décision du Conseil constitutionnel n° 2020-843 QPC du 28 mai 2020 ([105]) celui-ci considère que les ordonnances non ratifiées ont valeur législative passé le délai d’habilitation fixé par le Parlement.

En outre, cet article abroge la loi n° 47-1564 du 23 août 1947 relative à l’institution d’un ordre national des vétérinaires dont les dispositions sont soit obsolètes (depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2015-953 précitée) soit reprises dans le code rural et de la pêche maritime.

2.   Encadrement juridique des actes pouvant être réalisés par les élèves vétérinaires stagiaires

Aujourd’hui, outre les soins de première urgence autres que ceux nécessités par les maladies contagieuses, les actes de médecine ou de chirurgie des animaux peuvent être réalisés par les élèves des écoles vétérinaires françaises et de l’École nationale des services vétérinaires. Or il est des stagiaires français ou étrangers inscrits dans un parcours équivalent aux écoles françaises mais dans un autre pays européen qui ne peuvent réaliser de tels actes en France.

Cet article modifie l’article L. 243-3 du code rural et de la pêche maritime pour reconnaître à tous les stagiaires la possibilité de réaliser de tels actes.

B.   L’examen en sÉance publique

En séance publique, le Sénat a adopté cet article sans modification.

II.   La position de la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

Le I de cet article procède à la consolidation juridique de dispositions relatives à l’ordre des vétérinaires, à sa demande. En conférant valeur législative aux dispositions concernées, la ratification consolide l’ordonnancement juridique. L’abrogation des lois obsolètes participe par ailleurs à la clarté du droit.

Le I de cet article poursuit un objectif de sécurité juridique du droit applicable aux vétérinaires.

Il régularise également la situation des élèves vétérinaires vraisemblablement contraire au droit européen reconnaissant l’équivalence des diplômes. Le dispositif proposé sera utile aux étudiants étrangers stagiaires en France mais également aux étudiants français ayant choisi de s’inscrire dans un établissement à l’étranger – notamment en Belgique, en Suisse ou en Roumanie – mais réalisant leur stage en France.

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Article 22 quater
(article L. 1511‑9 [nouveau] du code général des collectivités territoriales et articles L. 241‑13 et L. 242‑1 du code rural et de la pêche maritime)
Mesures de lutte contre la désertification vétérinaire

Adopté par la commission avec modifications.

 

L’article 22 quater, introduit par le Sénat, crée un dispositif de lutte contre la désertification vétérinaire reposant sur deux piliers : la reconnaissance des zones rurales sous dotées en vétérinaires suivant les animaux d’élevage et la possibilité, pour les collectivités territoriales, d’attribuer des aides à l’installation ou aux études aux vétérinaires et aux étudiants vétérinaires.

I.   Les dispositions de l’article adoptÉ par le SÉnat

A.   L’examen en commission

L’article 22 quater adopté en commission à l’initiative du rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques amorce un dispositif de lutte contre la désertification vétérinaire pour les activités d’élevage. Il prévoit un dispositif – codifié au sein d’un nouvel article L. 243-13 du code rural et de la pêche maritime – confiant au ministre chargé de l’agriculture la responsabilité de prendre un arrêté identifiant des zones caractérisées par une offre insuffisante de soins et un suivi insuffisant des animaux d’élevage dans les zones rurales à faible densité d’élevages. Il est prévu que l’arrêté soit pris en tenant compte des données fournies par l’observatoire national démographique de la profession vétérinaire de l’Ordre national des vétérinaires. L’article L. 242-1 du code rural et de la pêche maritime est complété afin de prévoir les nouvelles missions de l’observatoire désormais « chargé de collecter, traiter et diffuser les données relatives à la démographie de la profession vétérinaire » en particulier s’agissant de « son implantation territoriale, ses modes d’exercice et l’offre de soins pour les différentes espèces ».

Contraint par l’application de l’article 40 de la Constitution, la commission des affaires économiques a incité le Gouvernement à déposer un amendement autorisant les collectivités territoriales à attribuer des aides à l’installation ou au maintien de vétérinaires dans les zones peu dotées, afin de garantir une permanence des soins.

B.   L’examen en sÉance publique

En séance publique, à l’initiative du Gouvernement, le Sénat a complété cet article par un amendement ajoutant un article L. 1511-9 au chapitre unique du titre Ier du code général des collectivités territoriales consacré au développement économique.

Ce nouvel article permet aux collectivités territoriales et à leurs groupements d’attribuer des aides aux vétérinaires situés dans les zones caractérisées par une offre insuffisante de soins et un suivi insuffisant des animaux d’élevage en zones rurales à faible densité d’élevages et identifiées par l’arrêté du ministre chargé de l’agriculture prévu à l’article L. 241-13, créé par le II du présent article.

Ces aides sont conditionnées à la signature d’une convention entre le vétérinaire et la collectivité territoriale ou son groupement. Cette convention peut prévoir une obligation d’installation ou de maintien dans la zone identifiée pour une durée minimale. Elle est transmise au représentant de l’État dans le département et au conseil régional de l’ordre des vétérinaires compétent. Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’attribution de ces aides et leur montant maximal.

Outre l’incitation des vétérinaires à s’installer dans les zones sous dotées, cet article prévoit un dispositif à destination des étudiants vétérinaires : une indemnité d’étude ou de projet professionnel pourra leur être attribuée par les collectivités territoriales et leurs groupements à condition qu’ils s’engagent à exercer dans ces mêmes zones sous dotées identifiées par l’arrêté précité. Les étudiants devront s’engager à contribuer à la protection de la santé publique et à assurer la continuité et la permanence des soins aux animaux d’élevage pendant une durée minimale de cinq ans. Cette contrepartie fait l’objet d’un contrat qui peut prévoir une obligation d’installation dans la zone géographique concernée.

II.   La position de la commission

La commission a adopté cet article modifié de six amendements rédactionnels de sa rapporteure (CE48, CE53, CE49, CE50, CE51 et CE52).

La désertification vétérinaire des espaces ruraux fragilise les filières agricoles. Le maillage territorial de la permanence des soins aux animaux d’élevage n’est pas assuré, ce qui place les éleveurs dans une situation de précarité sanitaire et donc d’inégalité. Cette situation peut mettre en danger des animaux et, à terme, constituer un frein supplémentaire à l’installation.

La lutte contre la désertification vétérinaire doit, comme en matière de lutte contre la désertification médicale, faire l’objet d’une véritable politique publique incitative. Si les zones sous dotées doivent été reconnues nationalement, il semble que les collectivités territoriales sont les mieux à même d’identifier les besoins précis des éleveurs et les mieux placées pour mobiliser des moyens financiers.

Le projet d’étude et professionnel des étudiants vétérinaires doit également pouvoir être soutenu pour être orienté vers la spécialisation en animaux d’élevage et non en animaux de compagnie, qui représente une part croissante de l’orientation de ces étudiants. Cette spécialisation n’est pas étrangère à la localisation territoriale des activités, proche des centres urbains qui attirent davantage les futurs jeunes praticiens.

L’atlas démographique 2020 de la profession vétérinaire fait état d’une baisse très nette du nombre de vétérinaires pour animaux de rente : « Si les vétérinaires déclarant soigner les animaux de compagnie à titre exclusif ou principal représentent 71 % des inscrits, activité qui continue à progresser, il n’en est pas de même pour les vétérinaires pour animaux d’élevage qui ne représentent plus que 19 % du nombre d’inscrits au tableau de l’Ordre. En cinq ans, le nombre de vétérinaires déclarant une activité exclusive ou principale au profit des animaux de rente est passé de 4 123 à 3 518, ce qui représente une baisse de 14,7 % de l’effectif (605 vétérinaires). Cette baisse désormais très marquée et préoccupante n’est plus compensée par un basculement de l’activité exclusive animaux de rente au profit de l’activité mixte à prédominance animaux de rente. »

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Article 23
Habilitation du Gouvernement à prendre par voie dordonnance diverses mesures tirant les conséquences du Brexit

Maintien de la suppression de l’article par la commission.

L’avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire a été sollicité sur l’article 23.

L’article 23 du projet de loi prévoyait d’habiliter le Gouvernement à prendre par voie dordonnance diverses mesures permettant de tirer les conséquences de la sortie du Royaume-Uni de lUnion européenne.

Toutefois, les dispositions prévues par cet article ont été introduites à l’article 59 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne.

En conséquence, le Sénat a supprimé larticle 23.

L’examen de l’article 23 a été délégué à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, saisie pour avis, qui a confirmé la suppression de cet article.

La commission des affaires économiques a confirmé la suppression de l’article 23.

I.   UN CADRE TRANSITOIRE DÉFINISSANT LES RELATIONS ENTRE LE ROYAUME-UNI ET L’UNION EUROPÉENNE EN VIGUEUR JUSQU’AU 31 DÉCEMBRE 2020

En application des articles 126 à 132 de l’accord sur le retrait du Royaume‑Uni de l’Union européenne ([106]), le droit de l’Union européenne continue de s’appliquer au Royaume-Uni durant une période de transition qui court jusqu’au 31 décembre 2020. Cette solution temporaire est destinée à octroyer aux deux parties un temps nécessaire à la recherche d’un nouvel accord définissant le cadre de leurs relations futures.

Nonobstant la possibilité qu’offrait ledit accord de prolonger la période transitoire en l’absence d’accord, il semble d’ores et déjà admis que cette dernière prendra fin dès au 31 décembre 2020, le Royaume-Uni ayant exprimé son intention de ne pas en demander la prolongation.

Dans ces conditions, il convient d’anticiper une éventuelle sortie du Royaume-Uni sans qu’un accord définissant les relations futures qu’il entretiendra avec les États-membres de l’Union européenne n’ait pu être trouvé.

II.   UNE HABILITATION À LÉGIFÉRER par voie d’ordonnance POUR anticiper, dans divers domaines, une éventuelle ABSENCE D’ACCORD définissant les relations futures entre l’Union européenne et le Royaume-Uni

Introduit dans le projet de loi par la première lettre rectificative déposée par le Gouvernement le 18 mars 2020, l’article 23 a été supprimé par le Sénat.

A.   L’article 23 du projet de loi dans sa version INITIALE

Le I de l’article 23 du projet de loi, dans sa version initiale, prévoyait d’habiliter le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de trente mois, les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour tirer les conséquences de la fin de la période de transition prévue dans l’accord sur le retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne. Cette habilitation poursuivait quatre objectifs :

– désigner l’autorité nationale de sécurité au sens de la directive (UE) 2016/798 ([107]) pour la partie de la concession du tunnel sous la Manche située en territoire français (1° du I de l’article 23) ;

– assurer la sécurité juridique des bénéficiaires de licences individuelles et globales de transfert de produits liés à la défense à destination du Royaume-Uni, délivrées en application des articles L. 2335-10 et L. 2335-18 du code de la défense avant la fin de la période de transition, en leur permettant de poursuivre les négociations et prospections engagées ainsi que la fourniture de ces produits jusqu’à l’expiration du terme fixé par ces licences (2° du I) ;

 sécuriser lexécution des contrats dassurance conclus par des entreprises françaises avec des organismes britanniques qui perdraient leur agrément en raison de la fin de la période de transition et maintenir le pouvoir de supervision de lAutorité de contrôle prudentiel et de résolution vis-à-vis des organismes ayant perdu leur agrément (3° du I) ;

– introduire des règles adaptées pour la gestion des placements collectifs et pour les plans d’épargne en actions dont l’actif ou l’emploi respecte des ratios ou des règles d’investissement dans des entités européennes (4° du I).

Par ailleurs, le II de l’article 23 prévoyait d’habiliter le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance, également dans un délai de trente mois, toute mesure relevant du domaine de la loi nécessaire au traitement de la situation :

– des ressortissants britanniques résidents en France ou y exerçant une activité ;

– des personnes morales établies en France ou de droit britannique exerçant une activité en France à la date de la fin de la période de transition ;

– des personnes morales établies en France à la date de la fin de la période de transition, dont tout ou partie du capital social ou des droits de vote est détenu par des personnes établies au Royaume-Uni.

Enfin, en application du III de l’article 23, pour chacune des ordonnances prévues aux I et II, un projet de loi de ratification devait être déposé devant le Parlement dans un délai de six mois à compter de la publication de l’ordonnance.

B.   La suppression de l’article 23 par le SÉnat

Le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière a été déposé sur le bureau du Sénat le 12 février 2020 et l’article 23 a été introduit dans le texte par la première lettre rectificative déposée par le Gouvernement le 18 mars 2020.

Néanmoins, en raison de la crise liée à l’épidémie de Covid-19, l’examen du projet de loi par le Sénat a été décalé et n’a pu avoir lieu, en commission, qu’au mois de juin 2020 et, en séance, qu’au mois de juillet 2020.

Entre temps, les dispositions figurant à l’article 23 ont été reprises à l’article 4 du projet de loi portant diverses dispositions urgentes pour faire face aux conséquences de l’épidémie de covid‑19, déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 7 mai 2020, devenu l’article 59 de la loi n° 2020‑734 du 17 juin 2020 ([108]).

Au cours de l’examen de ce texte, le Parlement a apporté deux modifications principales aux dispositions initialement déposées :

– d’une part, il a, pour chacune des deux ordonnances, réduit le délai d’habilitation de trente à douze mois et le délai de dépôt d’un projet de loi de ratification de six à deux mois ;

– d’autre part, il a désigné directement dans la loi l’établissement public de sécurité ferroviaire nationale (EPSF) en tant qu’autorité nationale de sécurité au sens de la directive (UE) 2016/798 pour la partie de la concession du tunnel sous la Manche située en territoire français.

En conséquence, l’article 23 a été supprimé par la commission des finances du Sénat, lors de l’examen du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière, le 24 juin 2020, et n’a pas vocation à être rétabli.

III.   La POSITION DE LA COMMISSION des finances

L’examen de l’article 23 a été délégué à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, saisie pour avis, qui s’est prononcée en faveur de la confirmation de la suppression de cet article.

 


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Chapitre VIII
Dispositions relatives à la gestion du fonds européen agricole pour le développement rural

Article 24
(article 78 de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de laction publique territoriale et daffirmation des métropoles)
Modalités de gestion du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER)

Adopté par la commission avec modifications.

L’avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire a été sollicité sur l’article 24.

L’article 24 vise, tout d’abord, à prolonger lapplication des règles de gestion du FEADER en vigueur durant la programmation 2014-2020 au-delà de lexercice 2020 et jusqu’au terme de la programmation.

Il prévoyait également, dans sa version initiale, d’habiliter le Gouvernement à prendre par voie dordonnance les mesures permettant de modifier la répartition de la compétence de gestion du FEADER entre lÉtat et les régions pour le prochain cadre financier pluriannuel.

Le Sénat a supprimé cette habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnances, considérant que la répartition des responsabilités entre l’État et les régions ne peut être fixée par voie d’ordonnance et qu’elle doit au contraire résulter d’une concertation préalable des acteurs et donner lieu à un débat au Parlement. Le Gouvernement a décidé de ne pas déposer d’amendement de rétablissement au stade de la commission.

L’examen de l’article 24 a été délégué à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, saisie pour avis, qui s’est prononcée en faveur de son adoption et qui a adopté un amendement du rapporteur pour avis visant à rectifier une erreur d’ordre légistique.

La commission a adopté l’article 24 ainsi que l’amendement déposé par la commission des finances.

I.   Le transfert de l’autoritÉ de GESTION DU FEADER aux rÉgions pour la pÉriode 2014-2020 a entraînÉ d’importants dysfonctionnements

Le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) et le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) sont les deux instruments de financement de la politique agricole commune (PAC).

Le FEAGA contribue au financement du premier pilier de la PAC et n’est constitué que de mesures surfaciques – versement d’aides dont le montant dépend de la surface agricole. Il s’agit principalement d’aides directes versées aux exploitants agricoles.

Le FEADER contribue quant à lui au financement du deuxième pilier de la PAC et, à ce titre, est constitué à la fois de mesures surfaciques et de mesures qui ne sont pas assises sur les surfaces :

– les mesures surfaciques du deuxième pilier englobent, notamment, l’indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN), les mesures agro‑environnementales et climatiques (MAEC) liées à la surface ainsi que les mesures de soutien à l’agriculture biologique ;

– parmi les mesures non surfaciques figurent les aides à l’installation des jeunes agriculteurs, les aides à l’investissement et à la modernisation des exploitations, les aides au développement rural (programme LEADER ([109]), soutien au tourisme rural) ainsi que les mesures agro‑environnementales et climatiques non liées à la surface (protection de la biodiversité et des espèces menacées, gestion des prédateurs).

A.   L’ARTICLE 78 DE LA LOI MAPTAM : BASE JURIDIQUE Du transfert de la gestion du feader aux régions

Dans la perspective du cadre financier pluriannuel 2014-2020, la nouvelle règlementation européenne a ouvert aux États membres la possibilité de déléguer la gestion des fonds européens aux régions, ce qui a entraîné, en France, une réorganisation des règles de gestion du FEADER.

1.   Le cadre européen

Les fonds européens structurels et d’investissement, dont fait partie le FEADER, relèvent d’une gestion partagée entre la Commission européenne et les États membres. Elle est encadrée par le règlement (UE) n° 1303/2013 ([110]), qui contient des dispositions communes à l’ensemble des fonds et qui, en ce qui concerne le FEADER, est complété par les règlements (UE) n° 1305/2013 ([111]) et (UE) n° 1306/2013 ([112]) ainsi que par des règlements d’application. Ces règlements européens fixent les objectifs et les priorités du FEADER, définissent la programmation et déterminent les règles de gestion, de suivi et d’évaluation.

Dans la perspective du cadre financier pluriannuel 2014-2020, les règles ont évolué dans le sens d’une plus grande participation des collectivités territoriales. Ainsi, les règlements européens autorisent les États membres à désigner des autorités de gestion des crédits du FEADER à un niveau décentralisé.

Par ailleurs, les règlements européens maintiennent l’obligation, pour chaque État membre, de désigner un organisme payeur agréé et une autorité de certification des comptes de l’organisme payeur.

2.   L’article 78 de la loi MAPTAM

En application des textes européens, et dans le cadre de l’ « acte III de la décentralisation », l’article 78 de la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM) ([113])  autorise l’État à confier aux régions, à leur demande, tout ou partie de la gestion des fonds européens, notamment du FEADER, soit en qualité d’autorité de gestion, soit par délégation de gestion, jusqu’à la fin de l’exercice 2020. Dans les régions d’outre-mer qui refuseraient de se voir confier l’autorité de gestion, le transfert peut être opéré au profit d’un département.

Si l’État est resté l’autorité de gestion du FEAGA, les régions ont été désignées autorités de gestion du FEADER, à l’exception de Mayotte et de deux programmes de développement rural pour lesquels l’État est resté l’autorité de gestion.

Structure des fonds de la politique agricole commune
en France pour la période 2014-2020

Pilier de la PAC

Premier pilier

Deuxième pilier

Instrument financier

FEAGA

FEADER

Type d’aide

Aides surfaciques

Aides non surfaciques

Autorité de gestion pour la période 2014-2020

État

Régions

Régions

Type de mesures

Aides directes aux agriculteurs

– ICHN

– MAEC

– Soutien agriculture bio.

– Aides à l’installation

– Aides à l’investissement et à la modernisation

– Développement rural

– Biodiversité

Organisme payeur

ASP

ASP

ASP

Organisme instructeur

DDT

DDT

DDT ou Conseil régional

Système d’information

ISIS

ISIS

OSIRIS

Montants exécutés en 2017

5,79 Md€

1,12 Md€

357 M€

Montants prévus dans le cadre financier pluriannuel 2014-2020

51,35 Md€

11,39 Md€

Source : commission des finances daprès le rapport de la Cour des comptes relatif à la gestion des fonds structurels et dinvestissement ([114]).

Les régions assurent donc, pour la période 2014-2020, la programmation des crédits du FEADER et la définition des mesures qu’elles souhaitent ouvrir au bénéfice des exploitants.

Toutefois, elles agissent dans un cadre national défini, en application du III de l’article 78 de la loi MAPTAM, par un décret du 16 avril 2015 ([115]) et par un document intitulé « cadre national » approuvé par la Commission européenne ([116]), qui détermine les orientations stratégiques et méthodologiques applicables en métropole et dans les collectivités d’outre-mer pour la mise en œuvre des programmes de développement rural par les régions.

En outre, les règlements européens imposent que le versement des fonds soit réalisé sous la responsabilité d’un organisme payeur agréé. En conséquence, cette mission est assurée non par les régions mais par l’Agence de services et de paiement (ASP), placée sous la tutelle de l’État.

Par ailleurs, la Collectivité territoriale de Corse bénéficie d’un statut particulier lui octroyant un système de gestion plus décentralisé que dans les autres régions avec, notamment, l’application d’un cadre stratégique autonome et l’intervention d’un organisme payeur particulier (l’Office du développement agricole et rural de Corse).

B.   Depuis le dÉbut de la programmation 2014-2020, La gestion du FEADER saccompagne dimportants dysfonctionnements

Le dispositif mis en place pour la période 2014-2020 souffre de nombreux dysfonctionnements, à commencer par des retards de paiement préjudiciables pour les exploitants et un manque de lisibilité du système pour l’ensemble des bénéficiaires.

Il est vrai que ces dysfonctionnements viennent en partie d’une mise en place tardive du cadre national, dont le fonctionnement n’a été précisé qu’au cours de l’année 2015, soit plusieurs mois après le début de la programmation. En outre, la réduction du nombre de régions, en application de la loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015 ([117]), a compliqué la mise en œuvre des programmations régionales, bâties sur le périmètre des anciennes régions.

Toutefois, les difficultés rencontrées, mises en exergue par la Cour des comptes ([118]), résultent principalement de l’insuffisance des moyens alloués ainsi que d’un enchevêtrement des responsabilités incombant à l’État et aux régions.

1.   Un transfert de moyens insuffisant

Le transfert de l’autorité de gestion du FEADER aux régions ne s’est pas accompagné d’un transfert de moyens suffisant, que ce soit au niveau des personnels, des compensations financières ou des moyens informatiques déployés.

a.   Des transferts de personnels insuffisants

Les régions, en tant qu’autorités de gestion du FEADER, n’ont pas bénéficié des moyens humains et financiers dont elles avaient besoin.

Les transferts de personnel se sont élevés à 75 ETP, soit 3 ETP par région, issus des directions régionales de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DRAAF). Or, comme le souligne la Cour des comptes, « au regard de la complexité de la gestion du fonds et de lampleur des montants transférés (10 Md€ sur lensemble de la programmation), le transfert de fait de 3 ETP provenant des DRAAF apparaît insuffisant ; il a contribué aux difficultés de mise en œuvre des programmes de développement rural » ([119]).

Quant aux transferts financiers prévus par la loi MAPTAM, bien qu’ils aient partiellement compensé la rémunération des agents transférés aux régions, pour un total de 15,7 millions d’euros, la Cour des comptes met en évidence un manque de transparence dans le calcul de leurs montants.

b.   Des systèmes d’information défaillants

Les difficultés rencontrées sur la période 2014-2020 viennent également de la défaillance des systèmes d’information utilisés pour gérer les crédits du FEADER.

L’instruction, le contrôle et le paiement des crédits du FEADER sont effectués, pour les mesures surfaciques, au moyen de l’outil informatique ISIS et, pour les aides non assises sur des surfaces, via le système d’information OSIRIS. Ces deux outils ont été développés au cours de la programmation 2007-2013 pour répondre aux besoins d’une seule autorité de gestion. Par conséquent, il a fallu, en vue de la programmation 2014-2020, les adapter afin qu’ils puissent fonctionner avec des autorités de gestion multiples.

Toutefois, l’adaptation des systèmes d’information a été insuffisante. Une partie des responsabilités en incombe à l’ASP, maître d’ouvrage et maître d’œuvre d’ISIS et d’OSIRIS, qui n’a pas su accompagner les régions et faire évoluer rapidement les outils existants.

Une autre partie des responsabilités en incombe aux régions. En effet, chaque autorité de gestion a excessivement diversifié les mesures FEADER, ce qui a nécessité la production de nombreux outils qui n’ont au final servi à payer qu’un nombre restreint d’aides. Ainsi, selon l’étude d’impact annexée au projet de loi, « la somme des [programmes de développement rural] a conduit à la conception de 1 550 dispositifs, contre 250 sur la période précédente. Quant aux [mesures agroenvironnementales et climatiques], plus de 9 500 mesures sont ouvertes, pour seulement 5 400 utilisées » ([120]). Par ailleurs, la plupart des agriculteurs n’ont utilisés que 5 % des nouveaux dispositifs mis en place. Or, toutes ces mesures ont dû être intégrées dans les systèmes informatiques, ce qui a alourdi leur fonctionnement.

2.   Un entrelacement complexe des responsabilités

Les dysfonctionnements observés depuis le début de la programmation 2014-2020 résultent aussi d’un enchevêtrement complexe des compétences entre l’État, l’ASP et les régions.

a.   Toutes les mesures de gestion ne sont pas assurées par les régions

Si les régions ont bien été désignées autorités de gestion et assurent à ce titre la programmation des crédits du FEADER, elles agissent au sein d’un cadre national qui alourdit leur programmation.

En outre, certaines des missions de gestion demeurent assurées par les services déconcentrés de l’État. Ainsi, comme évoqué précédemment, c’est à l’ASP, donc à l’État, que reviennent le développement et l’exploitation des systèmes d’information permettant l’instruction, le contrôle et le paiement des mesures FEADER.

Surtout, les directions départementales des territoires (DDT) remplissent les missions d’instruction et de contrôle d’un grand nombre de mesures FEADER, soit directement au nom des régions pour les mesures non surfaciques, soit au nom de l’ASP ou des régions pour les mesures surfaciques. Cet enchevêtrement de compétences est d’autant plus complexe que, pour soutenir les DDT en manque d’effectifs, certaines régions ont elles‑mêmes procédé à des recrutements d’agents instructeurs.

De surcroît, les cofinancements nécessaires à l’utilisation des crédits du FEADER restent majoritairement apportés par l’État, à hauteur de 70 %, contre 20 % pour les régions et 10 % pour les autres collectivités territoriales.

b.   La responsabilité juridique et financière n’est pas clairement établie

Par ailleurs, la responsabilité juridique de l’État et des régions en cas de corrections ou de sanctions financières résultant d’une décision des institutions européennes n’est pas clairement établie.

L’article L. 1511-1-2 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction résultant du 2° du I de l’article 78 de la loi MAPTAM, prévoit le transfert de la responsabilité financière relative aux fonds européens aux collectivités territoriales chargées de leur gestion.

Toutefois, cette responsabilité juridique et financière est contestée par les régions qui estiment que la responsabilité financière devrait être partagée, dans la mesure où l’État continue à apporter la majorité des cofinancements, à prendre à sa charge le développement des outils de gestion ainsi que l’instruction d’une grande partie des dossiers.

En outre, la mise en œuvre de la responsabilité financière des régions demeure incertaine, dans la mesure où, en application des règlements européens, les corrections et sanctions financières sont adressées à l’État et non aux régions.

II.   LA prolongation des rÈgles de gestion du FEADER applicables pour la période 2014-2020 et la dÉfinition des rÈgles applicables pour le prochain cadre financier pluriannuel

L’article 24 du projet de loi vise, d’une part, à sécuriser la période de transition entre la programmation 2014-2020 et le prochain cadre financier pluriannuel actuellement en cours de négociation et, d’autre part, à modifier la répartition des responsabilités de gestion du FEADER entre l’État et les régions.

A.   la nÉcessitÉ de prolonger les règles en vigueur pour la pÉriode 2014-2020 jusqu’au terme de la programmation

Le I de l’article 24 du projet de loi prévoit de prolonger l’applicabilité de l’article 78 de la loi MAPTAM, dans sa version initiale, jusqu’au terme de la programmation 2014‑2020.

Il s’agit, tout d’abord, de remédier à une incohérence temporelle entre le droit français et le droit de l’Union européenne. En l’état, l’article 78 de la loi MAPTAM autorise l’État à confier aux régions tout ou partie des fonds ou programmes européens pour la seule période 2014‑2020, c’est-à-dire jusqu’au terme de l’exercice 2020. Or, en application du paragraphe 2 de l’article 65 du règlement (UE) n° 1303/2013, les crédits du FEADER prévus pour la période 2014‑2020 peuvent être exécutés jusqu’au 31 décembre 2023. En conséquence, la disposition prolonge l’applicabilité de l’article 78 de la loi MAPTAM « au delà du 31 décembre 2020 et jusquau terme de la programmation qui a débuté en 2014 ».

En outre, la disposition vise aussi à s’assurer que la version de l’article 78 de la loi MAPTAM qui s’appliquera au FEADER jusqu’au terme de la programmation actuelle sera bien la version initiale de cet article. En cela, il anticipe les conséquences du 1° du I de l’article 54 de la loi n° 2020‑734 du 17 juin 2020 ([121]), qui habilite le Gouvernement à modifier l’article 78 de la loi MAPTAM par voie d’ordonnance, dans un délai de six mois, dont les modifications sont ainsi rendues inapplicables au FEADER.

B.   UNE HABILITATION DU GOUVERNEMENT À modifier PAR voie d’ORDONNANCE la rÉpartition des compÉtences de gestion du FEADER pour le prochain cadre financier pluriannuel

Le II de l’article 24 du projet de loi, dans sa version initiale, prévoyait d’habiliter le Gouvernement à modifier, par voie d’ordonnance, le dispositif de gestion du FEADER, en vue d’instaurer une nouvelle répartition des compétences entre l’État et les régions.

1.   Les différents scénarios envisagés

Il ressort du rapport de la Cour des comptes précité ([122]) que le maintien du dispositif de gestion actuel est difficilement envisageable, non seulement au regard des dysfonctionnements constatés durant la période 20142020, mais aussi dans la mesure où, en l’état actuel des projets de règlements européens pour la prochaine programmation, chaque État membre est tenu de prévoir un plan stratégique national (PSN) unique pour les deux piliers de la PAC, avec une seule autorité de pilotage stratégique, sans toutefois exclure des délégations de gestion.

Dans cette perspective, un premier scénario consisterait à recentraliser la gestion du FEADER, avec un programme unique défini et géré par l’État. Cette option est rejetée par les régions. En outre, elle n’empêcherait pas une déclinaison territoriale de certaines mesures pour lesquelles une gestion décentralisée est plus pertinente, principalement les mesures non surfaciques (aides à l’investissement, aides au développement rural).

Un autre scénario consisterait à décentraliser intégralement la gestion du FEADER. Toutefois, cette option pose également problème, car une partie des aides du FEADER ne peuvent relever que de mesures nationales. C’est le cas, par exemple, de l’indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN), qui relève de la solidarité nationale et pour laquelle il est préférable, par souci d’équité entre les exploitants, de maintenir une mutualisation des risques au niveau national. De surcroît, le droit de l’Union européenne impose que le versement des fonds soit réalisé sous la responsabilité d’un organisme payeur, donc par l’ASP, à moins de multiplier les organismes payeurs à l’échelon régional, ce qui réduirait l’efficience du dispositif.

Enfin, une troisième option consisterait à modifier la répartition des compétences de gestion du FEADER entre l’État et les régions. Dans cette perspective, des discussions ont été ouvertes en 2018 entre l’État et l’association des Régions de France, visant à définir de nouvelles modalités de gestion du FEADER pour le prochain cadre financier pluriannuel. Ces discussions se sont traduites par un accord obtenu lors du comité État-Régions du 30 octobre 2019, qui pose le principe d’une nouvelle répartition des compétences entre l’État et les régions sur la base d’une distinction entre les mesures surfaciques et les mesures non-surfaciques.

2.   Le dispositif proposé par le Gouvernement

Dans la continuité de l’accord État-Régions du 30 octobre 2019, le II de l’article 24, dans sa version initiale, prévoyait d’habiliter le Gouvernement à modifier l’article 78 de la loi MAPTAM, par voie d’ordonnance, dans un délai de dix-huit mois, afin d’adapter les modalités de gestion du FEADER pour le prochain cadre financier pluriannuel. Le Gouvernement entendait ainsi mettre fin aux dysfonctionnements actuels en clarifiant la répartition des responsabilités entre l’État et les régions.

Le II de l’article 24, supprimé au Sénat, proposait ainsi une nouvelle répartition des compétences de gestion du FEADER entre l’État et les régions sur la base d’une distinction entre les mesures surfaciques et les mesures non‑surfaciques (2° du II).

Selon la répartition envisagée, le ministère chargé de l’agriculture redeviendrait l’autorité de gestion pour les aides surfaciques et les aides assimilées, avec un seul programme de développement rural national. Les régions, quant à elles, resteraient les autorités de gestion pour les mesures non surfaciques, dans un cadre national défini en concertation avec l’État et permettant une cohérence territoriale et la mutualisation de certains outils, tout en conservant un programme de développement rural par région.

Pour les mesures dont elles auraient la responsabilité, les régions assureraient l’ensemble des actes de gestion (programmation, instruction, contrôle), à l’exception du paiement, qui ne peut être assuré que par un organisme payeur agréé, lequel demeurerait l’ASP. À ce titre, elles bénéficieraient du transfert des effectifs et des crédits budgétaires correspondants.

De manière schématique, il conduirait à confier la gestion d’environ 55 % des crédits du FEADER à l’État et celle d’environ 45 % des crédits aux régions ([123]).

Par ailleurs, le II de l’article 24, dans sa version initiale, proposait aussi d’habiliter le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance les mesures nécessaires pour s’assurer de la conformité de la nouvelle répartition des compétences entre l’État et les régions avec le droit de l’Union européenne (1° du II) ainsi qu’à prévoir les adaptations justifiées par la situation spécifique de la Corse, afin de mettre en place dans la Collectivité de Corse une gouvernance spécifique pour la gestion des dispositifs surfaciques (3° du II).

Enfin, le dernier alinéa de l’article 24 prévoyait qu’un projet de loi de ratification soit déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.

3.   Les difficultés soulevées par le Sénat

Le II de l’article 24 du projet de loi a été supprimé par le Sénat, au stade de la commission, et un amendement du Gouvernement visant à rétablir ce II a été rejeté en séance.

Le Sénat s’oppose à la recentralisation de la gestion des aides surfaciques au niveau de l’État. Le rapport du Sénat sur le projet de loi ([124])  affirme que celle-ci ne constitue pas une « solution miracle » et rappelle que les dysfonctionnements constatés durant la période 2014‑2020 résultent aussi du manque de moyens transférés aux régions et d’une défaillance des systèmes d’information et de gestion gérés par l’État.

Surtout, le Sénat considère qu’une nouvelle répartition des responsabilités entre l’État et les régions ne peut être fixée par voie d’ordonnance mais, au contraire, qu’elle doit résulter d’une concertation préalable avec les différentes parties prenantes et qu’elle doit donner lieu à un débat au Parlement.

En outre, le Sénat souligne que la gestion des aides du FEADER par les régions apporte une vraie valeur ajoutée, qui s’est traduite, par exemple, par une revalorisation importante de plusieurs aides aux agriculteurs, comme l’indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN). Il faut toutefois noter, à ce titre, que le montant des fonds prévus pour la période 2014-2020 excédait le montant des fonds versés lors de la précédente programmation.

III.   La Position de la commission des finances

L’examen de l’article 24 a été délégué à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, saisie pour avis, qui s’est prononcée en faveur de son adoption et a adopté un amendement du rapporteur pour avis visant à rectifier une erreur d’ordre légistique.

Le I de l’article 24 du projet de loi fait consensus et semble indispensable pour assurer la continuité du fonctionnement du FEADER sans en accroître la complexité. L’association des Régions de France ne s’y oppose pas. Le Sénat l’a adopté sans modification.

Toutefois, la commission des finances a, sur proposition du rapporteur pour avis, procédé à la correction d’une erreur d’ordre légistique, afin de s’assurer que l’article 78 de la loi MAPTAM ainsi que les articles L. 1511-1-2 et L. 4221-5 du code général des collectivités territoriales continueront à s’appliquer dans leur version initiale jusqu’au terme effectif de la programmation 2014-2020 (amendement CF28).

S’agissant du II de l’article 24, le Gouvernement a choisi de ne pas déposer d’amendement de rétablissement au stade de la commission. Le débat sur une nouvelle répartition des compétences de gestion du FEADER entre l’État et les régions est donc renvoyé à la séance.

Dans cette perspective, les informations recueillies par le rapporteur pour avis lui ont permis de préciser les raisons qui ont poussé le Gouvernement à procéder par voie d’ordonnance. Ce moyen résulte, tout d’abord, de l’impossibilité de voter un dispositif précis tant que les règlements européens qui encadreront la gestion du FEADER durant la prochaine programmation budgétaire ne sont pas finalisés. En outre, le Gouvernement a souhaité obtenir une habilitation le plus rapidement possible afin de pouvoir commencer les travaux d’élaboration du futur plan stratégique national de la PAC, qui devra être validé par la Commission européenne, et ainsi éviter le manque d’anticipation qui a retardé la mise en place du cadre de gestion du FEADER au début de la programmation 2014-2020.

En tout état de cause, le rapporteur pour avis rappelle qu’une éventuelle habilitation du Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance ne saurait exonérer l’État d’associer les régions à l’élaboration du futur plan stratégique national de la PAC ainsi qu’à la définition des modalités de transfert des crédits budgétaires et des emplois correspondant aux mesures non-surfaciques dont elles auraient à assumer seules la gestion.

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Chapitre VIII bis A
Dispositions relatives à la modernisation des règles de la communication audiovisuelle et au renforcement de la protection de la souveraineté culturelle (Division et intitulé nouveaux)

Article 24 bis
Habilitation à transposer par ordonnance la directive 2019/790 sur le droit dauteur et les droits voisins dans le marché unique numérique et la directive 2019/789 établissant des règles sur lexercice du droit dauteur et des droits voisins applicables à certaines transmissions en ligne dorganismes de radiodiffusion et retransmissions de programmes de télévision et de radio

Adopté par la commission avec modifications.

L’avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation a été sollicité sur l’article 24 bis.

 

Le présent article vise à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance afin de transposer les directives (UE) 2019/790 du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique et (UE) 2019/789 du 17 avril 2019 établissant des règles sur l’exercice du droit d’auteur et des droits voisins applicables à certaines transmissions en ligne d’organismes de radiodiffusion et retransmissions de programmes de télévision et de radio.

Le présent article, issu d’un amendement gouvernemental au présent projet de loi présenté devant le Sénat, a pour objet d’habiliter le Gouvernement à modifier, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le code de la propriété intellectuelle afin de transposer deux directives européennes du 17 avril 2019 relatives aux droits d’auteur et aux droits voisins.

I.   un droit europÉen plus protecteur

● Les directives que le présent article s’attache à transposer doivent régir l’exercice des droits d’auteur et des droits voisins à l’échelle de l’ensemble de l’Union européenne (UE), en vue de préserver les revenus des auteurs tout en facilitant la circulation des œuvres au sein du marché unique.

Fruit de plusieurs années de négociations et d’un long combat mené par la France pour préserver le droit d’auteur, ces deux directives témoignent d’une adhésion de l’ensemble des États membres à la nécessaire protection de la juste rémunération des auteurs et des artistes-interprètes, ainsi qu’à un rééquilibrage des rapports de force entre ces derniers et les éditeurs ou les producteurs. C’est ce dont témoignent les dispositions relatives à la protection des œuvres téléversées sur des plateformes en ligne, à la possibilité de modifier l’économie d’un contrat en cas d’absence d’exploitation ou de rémunération exagérément faible des auteurs ou des artistes, ainsi qu’au renforcement de la transparence dans leurs relations avec les cessionnaires.

Fort de la qualité de ces deux textes, notre pays devait, par le biais du projet de loi n° 2488 relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique, faire partie des premiers États membres à les transposer. L’examen de ce projet de loi, qui avait été initié en mars 2020 à l’Assemblée nationale, n’a pu se poursuivre après le stade de la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation en raison de la crise sanitaire liée à la covid‑19, qui a entraîné une suspension temporaire des travaux parlementaires ([125]).

● Les dates butoir de transposition de ces deux directives demeurent éloignées, puisqu’il incombe à chacun des États membres de les transposer avant le 7 juin 2021. Toutefois, le Président de la République a pris l’engagement de leur effectivité dès janvier 2021. Conformément aux attentes légitimes des auteurs et des artistes, notre pays s’honore à anticiper cette transposition afin de leur permettre de bénéficier des nouveaux droits que leur confèrent ces textes, montrant ainsi la voie à suivre à l’ensemble de l’Union européenne.

II.   La transposition des directives par voie d’ordonnances : un passage obligÉ qui doit respecter les Équilibres trouvÉs lors de l’examen en commission du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et À la souverainetÉ culturelle À l’Ère numÉrique

A.   Les dispositions des directives doivent Être adaptÉes À l’environnement juridique et Économique français

Le I du présent article habilite le Gouvernement à transposer par ordonnance l’ensemble des dispositions contenues dans les deux directives relatives à l’exercice du droit d’auteur et des droits voisins, dont les dispositions étaient initialement contenues dans le projet de loi précité.

1.   La transposition des dispositions relatives à la protection du droit des auteurs et des artistes-interprètes sur leurs contenus téléversés en ligne

● S’agissant des droits d’auteur, le projet de loi précité transposait l’article 17 de la directive du 17 avril 2019 par le biais de deux articles distincts, visant à protéger les droits des auteurs et des artistes interprètes sur la diffusion de leurs œuvres sur des plateformes proposées par les fournisseurs de services de partage de contenus en ligne.

 Dans le respect du texte de la directive, et selon la logique qui irrigue lensemble du projet de loi audiovisuel, ces fournisseurs de service pourront désormais être tenus responsables des contenus téléversés sur leurs plateformes par les utilisateurs. Il leur incombe désormais une obligation de moyens au titre de laquelle ils doivent notamment prouver quils ont fourni leurs meilleurs efforts pour obtenir une autorisation auprès des titulaires de droits, garantir lindisponibilité dœuvres spécifiques pour lesquelles les titulaires de droits leur ont transmis les informations pertinentes et nécessaires et ont, en tout état de cause, agi promptement.

Les plateformes, dans cette même perspective, doivent également fournir autant d’informations précises et pertinentes que possible afin de permettre aux auteurs et artistes-interprètes de s’assurer du meilleur exercice possible de leurs droits légitimes. À cette fin, les plateformes doivent notamment informer les auteurs et les artistes qui y ont intérêt sur le type et le fonctionnement des mesures qu’ils prennent en vue de prévenir le téléversement illicite d’œuvres sur la plateforme. De la même manière, les contrats qui lient les auteurs ou les artistes‑interprètes doivent mentionner les modalités d’utilisation des œuvres téléversées sur les plateformes.

Ces dernières sont enfin tenues de mettre en place un service accessible pour traiter le recours des utilisateurs ainsi que leurs plaintes, face à des situations de blocage ou de retrait de contenus qu’ils auraient téléversés. Il s’agit en effet de permettre aux utilisateurs d’user aussi facilement que possible de leur liberté d’expression et de partage de l’information auprès des fournisseurs de partages de contenus en ligne. Il reviendra au régulateur du secteur audiovisuel – soit, à l’heure actuelle, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) – de mettre en place une mission de médiation, le cas échéant, pour satisfaire à l’obligation, prévue dans le texte de la directive, d’un mécanisme de résolution extra-judiciaire des litiges.

2.   La transposition des dispositions relatives à la rémunération des auteurs et des artistes-interprètes

● Le même I. du présent article autorise le Gouvernement à transposer par ordonnance les dispositions relatives à la rémunération des auteurs et des artistes interprètes.

Ce point faisait également l’objet d’articles spécifiques au sein du projet de loi précité. Selon les informations recueillies par la rapporteure, le projet d’ordonnance devrait respecter les équilibres trouvés lors de l’examen de ce texte par la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation.

● Pour rappel, la Commission a adopté les dispositions permettant aux auteurs de bénéficier d’une rémunération supplémentaire par rapport à la rémunération proportionnelle initialement prévue, dès lors que celle-ci se révèle « exagérément faible ». Cette expression, dont le caractère flou avait déjà été regretté par la rapporteure, a fait l’objet d’une précision lors de l’examen de ces dispositions en commission puisque le texte adopté prévoit que « sous réserve des accords professionnels satisfaisant aux conditions du présent article, les conditions dans lesquelles la rémunération de lauteur est jugée exagérément faible peuvent être précisées par un accord professionnel conclu entre, dune part, les organismes professionnels dauteurs ou les organismes de gestion collective mentionnés au titre II du livre III de la présente partie et, dautre part, les organisations représentatives des cessionnaires du secteur concerné. » Il revient en effet aux organisations professionnelles, qui connaissent le mieux leur secteur, d’estimer quand la rémunération d’un auteur peut être considérée comme particulièrement défavorable.

S’agissant des artistes-interprètes, les modifications adoptées à l’initiative de la rapporteure étaient plus substantielles. En vue d’apporter de plus grandes précisions au texte et d’être fidèles à la directive, et en particulier à son considérant 73, et de préserver l’environnement économique dans lequel évoluent les artistes‑interprètes – et notamment leurs conventions collectives susceptibles d’être menacées par la rédaction initiale du projet de loi, la Commission a retenu une rédaction qui s’approche davantage du texte même de la directive. Le texte adopté prévoit donc :

– la possibilité pour les artistes-interprètes de bénéficier d’une rémunération proportionnelle à la valeur économique réelle des droits cédés, à condition que celle‑ci soit appropriée et qu’elle tienne compte de la contribution de l’artiste‑interprète ou de l’exécutant à l’œuvre elle-même ;

– la possibilité pour l’artiste-interprète de bénéficier d’une rémunération pouvant être évaluée de manière forfaitaire, notamment dans les cas où :

- la base qui doit servir au calcul de la rémunération proportionnelle ne peut être déterminée, ou que la nature de la participation de l’artiste‑interprète ne permette pas l’application du principe de la rémunération proportionnelle,

- les moyens de contrôler la bonne application du principe font défaut, ou que cette application entraîne des frais eux-mêmes hors de proportion avec le niveau de la rémunération.

● Les dispositions restantes, qui n’ont pas été modifiées par la Commission, prévoient par ailleurs que des conventions collectives puissent déterminer les conditions d’application des nouvelles modalités de rémunération. La rapporteure souhaite que ces conventions collectives, souvent négociées pendant plusieurs années et qui déterminent le fonctionnement économique et professionnel du secteur pendant plusieurs décennies, demeurent autant que possible intactes, afin d’éviter que la transposition de cette directive ne mette en difficulté de nombreux artistes-interprètes et producteurs.

3.   Les dispositions relatives à la possibilité de revoir les dispositions contractuelles pour les auteurs et les artistes-interprètes

● Le même I. autorise la transposition des articles 19 à 23 de la directive du 17 mai 2019 qui prévoient, en faveur des auteurs et des artistes‑interprètes, des moyens de mieux s’informer et, le cas échéant, de modifier a posteriori, l’économie des contrats qui les lient aux éditeurs.

Pour ce faire, la directive prévoit que les auteurs et les artistes-interprètes reçoivent, au moins une fois par an, des informations complètes et pertinentes quant à l’exploitation de leurs œuvres. Pour rééquilibrer les rapports de force entre producteurs et auteurs, cette information doit notamment comporter le montant de l’ensemble des revenus générés, la rémunération qui leur est due ainsi que les différents modes d’exploitation retenus. Il est bien évident que cette reddition de compte n’a pas de sens dans le cas du maintien d’une rémunération au forfait.

Cette transparence n’est pas inédite en droit français, puisque, en vertu de l’article L. 132-17-3 du code de la propriété intellectuelle, régissant l’édition d’un livre, il revient à l’éditeur d’informer l’auteur des modalités de calcul de sa rémunération, de façon explicite et transparente, pour chacun des livres édités. Il demeure toutefois que la directive permettra d’étendre les dispositions de reddition des comptes annuelle, qui n’existent actuellement que dans certains secteurs, dans l’ensemble de l’audiovisuel.

4.   La transposition des dispositions relatives à la résiliation des contrats des auteurs et artistes-interprètes

● Le I. du présent article prévoit également la transposition des mesures permettant aux auteurs et aux artistes-interprètes de modifier les contrats qui les lient aux cessionnaires.

Ces dispositions, contenues dans l’article 22 de la directive – qui prévoyait un « droit de révocation » qui ne trouve pas à s’appliquer sous cette formule en droit français –, doivent permettre, en l’absence d’exploitation ou d’interprétation de l’œuvre, de résilier tout ou partie de la transmission des droits au cessionnaire. La mise en œuvre de cette résiliation doit être définie par le biais d’accords collectifs ou professionnels entre les organismes professionnels et les organismes de gestion collective.

Lors de son examen du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle précité, la Commission des Affaires culturelles et de l’Éducation avait précisé que cette faculté, tout comme celles qui régissent la reddition annuelle des comptes, serait ouverte aux auteurs d’une œuvre audiovisuelle tant que celle-ci n’est pas achevée au sens de l’article L 121‑5 du code de la propriété intellectuelle.

5.   La transposition des dispositions relatives à de nouvelles exceptions au droit d’auteur

Le II. du présent article prévoit enfin la transposition des dispositions de la directive (UE) 2019/790 relatives à la création de nouvelles exceptions aux droits d’auteur. Le projet de loi précité prévoyait déjà, dans son article 65, d’autoriser le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance pour compléter la transposition de cette directive, notamment pour ses articles 3 à 6.

Ces exceptions, au nombre de trois, doivent permettre de faciliter l’usage des contenus, notamment en vue de leur conservation et de leur utilisation par la recherche publique.

● La première d’entre elles relève de l’exploitation de contenus protégés à des fins de fouille de textes et de données (text and data mining) à des fins de recherche scientifique. Dans ce cadre, ainsi qu’il est prévu aux articles 3 et 4 de la directive, peuvent être autorisés les actes de reproduction et d’extraction de données issus de l’application de cette technique de recueil des contenus. Elle s’entend, selon la définition même employée dans le texte de la directive, comme une « technique danalyse automatisée visant à analyser des textes et des données sous une forme numérique afin den dégager des informations, ce qui comprend, à titre non exhaustif, des constantes, des tendances et des corrélations ».

Cette exception, qui s’explique notamment par un effort en faveur de la compétitivité de l’ensemble de l’Union européenne par le biais de la recherche publique, s’applique toutefois uniquement :

– aux organismes de recherche publics et, selon le considérant 11 de la directive, aux partenariats public-privé. Aux termes du considérant 12, la distinction entre les organismes de recherche privés et leurs équivalents publics demeure toutefois relativement floue : il reviendra donc au Gouvernement de préciser, dans le cadre de l’ordonnance, les acteurs susceptibles de bénéficier de l’exception concernée ;

– aux instituts du patrimoine culturel, entendus au premier chef comme des bibliothèques et des musées, ainsi que les archives nationales.

● La deuxième exception concerne les actes de reproduction, de communication au public et de mise à disposition du public d’œuvres et d’objets protégés dans le cadre d’activités d’enseignement. Cette exception, déjà prévue à l’article L. 122-5 du code de propriété intellectuelle pour ce qui est de la représentation et de la reproduction d’extraits d’œuvres à des fins exclusives d’illustration dans le cadre de l’enseignement et de la recherche, vise ici l’enseignement numérique ou à distance.

L’interdiction de l’utilisation de ces contenus à toute fin commerciale est en outre cette fois précisément définie dans le cadre du considérant 20 de la directive tout comme de son article 5.

Cette exception demeure également limitée potentiellement dans son objet par la possibilité pour les États membres d’ôter du champ de l’exception certains documents et outils éducatifs, tels que les partitions musicales dans la rédaction actuelle de l’article L. 122-5 du code de propriété intellectuelle précité.

● La troisième exception, également prévue au 8° de l’article L. 122-5 du code de propriété intellectuelle, concerne la conservation d’œuvres tenant du patrimoine culturel. Au titre de cette exception, prévue à l’article 6 de la directive, peuvent faire l’objet d’un acte de reproduction des œuvres ou tout autre objet protégé « qui se trouve à titre permanent dans leurs collections, sous quelque forme ou sur quelque support que ce soit, à des fins de conservation de ces œuvres et autres objets protégés et dans la mesure nécessaire à cette conservation. »

6.   La transposition des dispositions de la directive (UE) 2019/789

La directive (UE) 2019/789 du 17 avril 2019 établissant des règles sur l’exercice du droit d’auteur et des droits voisins applicables à certaines transmissions en ligne d’organismes de radiodiffusion et retransmissions de programmes de télévision et de radio, vise à adapter le droit existant, issu notamment de la directive 93/83/CEE du Conseil, pour faciliter la fourniture transfrontière de contenus culturels, notamment par le biais des services en ligne accessoires aux diffusions.

En particulier, la directive prévoit l’instauration du principe du pays d’origine en ce qui concerne l’exercice du droit d’auteur et des droits voisins concernés par la fourniture du service en ligne. L’application de la réglementation du pays d’origine ne s’applique toutefois qu’à la reproduction des programmes de radio ainsi qu’à celle des programmes de télévision qui sont des programmes d’information et d’actualités ou des productions intégralement financées par l’organisme de radiodiffusion, à l’exclusion notamment de la diffusion des manifestations sportives.

Par ailleurs, la directive prévoit que les actes de retransmission des programmes sont autorisés par les titulaires du droit de communication au public, qui doivent l’exercer uniquement par le biais d’un organisme de gestion collective.

Ces mesures, qui faisaient déjà l’objet d’une transposition par le biais d’une habilitation à légiférer par ordonnance à l’article 65 du projet de loi précité, n’appellent pas de commentaire particulier.

B.   Les diffÉrents dÉlais prÉvus pour la prise des ordonnances tÉmoignent de l’urgence concernant les auteurs et les artistes-interprÊtes

● Le II du présent article prévoit des dates d’entrée en vigueur différentes en fonction des articles transposés. En effet, l’ensemble des mesures mentionnées ci-dessus pourront être prises dans un délai d’un an, à l’exception de celles qui sont mentionnées dans les articles 2-6 et 17 à 23 de la directive (UE) 2019/790.

Ces mesures comprennent en effet les dispositions relatives :

– à la transparence des fournisseurs de services de partage de contenus en ligne ainsi qu’au meilleur respect des droits afférents à ces contenus ;

– à la possibilité pour les auteurs et les artistes-interprètes de bénéficier d’une rémunération supplémentaire à raison de l’exploitation de leurs œuvres ou de leur interprétation, d’une plus grande transparence dans leurs relations contractuelles et d’un droit de résiliation en cas d’absence d’exploitation.

Elles devront donc être prises dans un délai de six mois.

La rapporteure salue l’esprit de responsabilité du Gouvernement, qui prend ici en compte l’urgence de la situation des artistes‑auteurs, notamment compte tenu des conséquences de l’épidémie de Covid-19. Les parlementaires ont d’ailleurs eux‑mêmes plaidé pour des lois d’habilitation, afin de rendre cette transposition plus rapide.

 Pour chacune des ordonnances, conformément à l’article 38 de la Constitution, le III. du présent article prévoir le dépôt d’un projet de loi de ratification dans un délai de quatre mois à compter de la publication de l’ordonnance.

La position de la rapporteure de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

La rapporteure estime que les équilibres trouvés au sein du projet de loi précité, lors de son examen en commission, doivent être respectés et retranscrits fidèlement dans le texte de l’ordonnance que souhaite prendre le Gouvernement.

Elle estime en particulier que :

– les dispositions relatives à la rémunération des artistes-interprètes se doivent de respecter l’équilibre entre les apports de la directive et l’économie du secteur fondée sur une rémunération appropriée, pouvant être forfaitaire, particulièrement importante pour les rémunérations les plus faibles ;

– les accords professionnels entres organisations syndicales doivent permettre, à l’instar de la détermination du caractère « exagérément faible » de la rémunération d’un auteur, d’adapter les nouveaux droits applicables aux auteurs et aux artistes-interprètes au plus près des exigences professionnelles des secteurs dans lesquels ils travaillent ;

– les titulaires de droits doivent voir leur liberté contractuelle respectée dans le cadre de leurs relations avec les fournisseurs de services de partage de contenus en ligne et, en particulier, ils doivent pouvoir choisir de donner ou non leur autorisation audit partage.

III.   Les modifications apportÉes par la commission des affaires culturelles et de l’Éducation

La commission a notamment adopté deux amendements identiques de la rapporteure et de Mme Constance le Grip afin de préciser le rôle que tiendrait la Hadopi dans la protection des contenus partagés sur les plateformes visées à l’article 17 de la directive. L’autorité indépendante devra ainsi s’assurer que ces plateformes auront fourni leurs meilleurs efforts pour protéger les droits d’auteur et les droits voisins attachés aux contenus qu’elles hébergent. Cette vérification pourra notamment s’exercer en cas de litige sur les suites données par le fournisseur de service à la plainte de l’utilisateur après le blocage de l’un de ses contenus.

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Article 24 ter
Habilitation à transposer par ordonnance la directive 2018/1808 relative aux services de médias audiovisuels

Adopté par la commission avec modifications.

L’avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation a été sollicité sur l’article 24 ter.

 

Le présent article vise à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance afin de transposer la directive (UE) 2018/1808 du 14 novembre 2018 modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (dite « directive SMA »).

I.   Les dispositions du projet de loi

 Le présent article, issu d’un amendement gouvernemental au présent projet de loi présenté devant le Sénat, a pour objet d’habiliter le Gouvernement à modifier, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, la loi n° 86‑1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, le code du cinéma et de l’image animée et le livre des procédures fiscales, afin d’assurer la transposition de la directive 2018/1808 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels. Un projet de loi de ratification devrait être déposé devant le Parlement dans un délai de quatre mois à compter de la publication de cette ordonnance.

 Plusieurs dispositions de la directive précitée font actuellement l’objet de mesures de transposition prévues par le projet de loi n° 2488 relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique ([126]). Toutefois, lexamen de ce texte ayant été interrompu par la crise sanitaire liée à la covid19, le Gouvernement a choisi de demander lhabilitation du Parlement à légiférer par voie dordonnances afin dassurer la transposition de ladite directive dans le délai prescrit par lUnion européenne, à savoir le 19 septembre 2020.

D’après les informations transmises par le Gouvernement, il s’agirait essentiellement de transposer les dispositions nouvelles ou modifiées de la directive « SMA » relatives :

– à lextension aux services relevant de la compétence dun autre état membre de lUnion européenne et visant la France de lobligation de contribuer au financement de la production dœuvres cinématographiques et audiovisuelles,

– au placement de produit et aux communications commerciales,

– à la procédure d’échange d’informations entre autorités de régulation dans l’Union européenne,

– aux pouvoirs denquête du Conseil supérieur de laudiovisuel (CSA),

– à ses missions en matière de protection de lintégrité du signal,

– aux critères de détermination de l’application de la loi française et aux modalités de détermination, par le régulateur, des services relevant de son autorité,

– aux modalités d’entrave à la réception en France des services relevant de la compétence d’un autre état membre de l’Union européenne,

– à la régulation applicable aux plateformes de partage de vidéos,

– à l’accessibilité des programmes aux personnes en situation de handicap,

– à la protection des mineurs,

– enfin, aux informations relatives à l’identité des éditeurs portées à la connaissance du public.

Le Gouvernement s’est engagé, dans le cadre de l’ordonnance qui sera prise en application du présent article, à reprendre les modifications de fond adoptées par la commission des Affaires culturelles et de l’éducation le 5 mars dernier, lors de l’examen, en première lecture, du projet de loi précité, permettant ainsi d’en respecter les équilibres. Ainsi, les mesures portées par les articles 3, 8, 38, 40, 41, 46 à 48, 50 à 52 et 54 à 58 dudit projet de loi tel quil a été modifié par la Commission seraient, en tout ou partie, reprises par lordonnance envisagée par le Gouvernement.

La rapporteure estime en effet souhaitable de reprendre les nombreuses améliorations apportées par la Commission aux dispositions précitées. Notamment, en ce qui concerne le placement de produit, il apparaît primordial de reprendre les dispositions adoptées par la Commission, qui donne un pouvoir plus important au régulateur et qui protège l’honnêteté et l’indépendance de l’information délivrée au spectateur.

S’agissant des pouvoirs denquête du CSA, la rapporteure souhaite également voir conservé l’ajout de la Commission relatif à l’élargissement des pouvoirs de communication du régulateur aux études et à la transmission, par les éditeurs de services et les plateformes de partage de vidéos, de leurs données de consommation.

S’agissant des communications commerciales audiovisuelles en faveur de produits ayant un impact environnemental négatif, la rapporteure estime souhaitable que soit conservé l’ajout de la Commission relatif à la conclusion de codes de bonne conduite visant à réduire efficacement les communications commerciales audiovisuelles relatives à des produits ayant un impact négatif sur l’environnement.

 Au-delà des modifications législatives directement liées à la transposition de la directive, le présent article permet d’habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance plusieurs dispositions visant à tirer les conséquences de la transposition de lextension du régime de contribution à la production d’œuvres aux services relevant de la compétence d’un autre état membre de l’Union européenne et visant la France.

En effet, cette extension rend nécessaire la modification du régime actuel de contribution auquel sont soumis les éditeurs de services de télévision et de médias audiovisuels à la demande relevant de la compétence de la France, afin de garantir un traitement équitable à l’ensemble des éditeurs qui seront, demain, redevables en France d’une contribution au financement de la production audiovisuelle et cinématographique.

Pour ce faire, le présent article prévoit d’habiliter explicitement le Gouvernement à modifier la loi n° 86‑1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication afin de :

– donner aux groupes éditant plusieurs services la faculté de mutualiser leur contribution à la production cinématographique, comme cela est aujourd’hui possible dans le domaine audiovisuel, étant entendu qu’aucune mutualisation de ces mêmes obligations ne saurait exister entre celles relatives à la production audiovisuelle et celles portant sur la production cinématographique.

– prévoir lassociation des organisations professionnelles et des organismes de gestion collective représentant les auteurs aux accords conclus entre les éditeurs de services et les organisations représentant les producteurs, pour la partie de ces accords qui affecte directement leurs intérêts, dont le CSA tient compte pour la fixation des modalités de contribution au développement de la production d’œuvres,

– reprendre les dispositions du projet de loi précité relatives à la protection des droits des auteurs dans le cadre des contrats de production afin, d’une part, de prévoir qu’une œuvre n’est pas prise en compte au titre de la contribution d’un éditeur à la production lorsque les contrats conclus pour sa production ne sont pas compatibles avec les dispositions des articles L. 121‑1 et L. 121‑5 du code de la propriété intellectuelle relatives à la protection des droits moraux des auteurs et les principes énoncés aux articles L. 131‑4 et L. 132‑25 de ce code relatifs à leur rémunération et, d’autre part, de subordonner l’attribution des aides du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) à l’inclusion de clauses types assurant le respect de ces mêmes articles ; sur ce point, la rapporteure ne peut quinviter le Gouvernement à reprendre les améliorations apportées par la Commission au dispositif initialement envisagé, afin notamment que seules les clauses portées à la connaissance de léditeur ou quil ne pouvait ignorer puissent être retenues contre lui et que les clauses des contrats conclus avec des auteurs de nationalité étrangère et non domiciliés en France ne puissent faire lobjet de lapplication des sanctions prévues ;

– de rendre obligatoire le conventionnement des services de médias audiovisuels à la demande par le CSA au‑delà d’un seuil de chiffre d’affaires fixé par décret, et qui avait été fixé à 10 millions d’euros en commission, et de prévoir que cette convention précise notamment les conditions d’accès des ayants droit aux données relatives à l’exploitation de leurs œuvres ; sur ce point, la rapporteure estime souhaitable de reprendre les dispositions de larticle 2 du projet de loi précité tel quil a été modifié par la Commission, afin que le CSA précise les modalités selon lesquelles le chiffre daffaires réalisé par ces services lui est transmis tous les ans ;

– de soumettre à une contribution à la production sur la base de leur activité en France les autres éditeurs de services de télévision et de médias audiovisuels à la demande visant le territoire français qui ne sont pas établis en France et qui ne relèvent pas de la compétence de la France, disposition qui figure aujourd’hui à l’article 3 du projet de loi précité et vise les acteurs extra‑européens ;

– de faciliter la communication dinformations relatives au chiffre daffaires des éditeurs entre ladministration fiscale, le CSA et le CNC, en reprenant les mesures figurant aux articles 40 et 49 du projet de loi précité.

En raison des règles constitutionnelles entourant la recevabilité des amendements, seules certaines dispositions figurant aujourdhui dans le projet de loi précité relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à lère numérique pourront être reprises, dans le cadre de la discussion parlementaire, par cette ordonnance de transposition. La rapporteure ne peut qu’inciter le Gouvernement à respecter les équilibres tels qu’issus de la commission.

Ainsi, la réforme de la contribution des éditeurs au financement de la production ne saurait avoir l’ampleur de celle qui avait été envisagée en mars dernier. Néanmoins, certaines dispositions emblématiques – extension aux services visant la France, protection des droits des auteurs, place des organisations représentants les auteurs dans les négociations, échanges d’informations fiscales, etc. – pourront être rapidement adoptées par le biais du présent article.

II.   Les modifications apportÉes par la commission des affaires culturelles et de l’Éducation

La commission a adopté six amendements, dont cinq de la rapporteure, précisant le champ de l’habilitation.

 Deux amendements de la rapporteure et de Mme Florence Provendier ont précisé que l’ordonnance de transposition devrait tenir compte non seulement de l’évolution des réalités du marché, mais également de la nécessité d’assurer la diversité et la souveraineté culturelles et de celle de protéger les publics vulnérables, notamment les mineurs et les personnes handicapées.

 L’étendue des dispositions de la directive devant être transposées a également été précisée concernant la contribution à la production en France des services relevant de la compétence d’un autre État membre de l’Union européenne, avec l’indication qu’une part de cette contribution devrait être dédiée à la production indépendante et que les œuvres cinématographiques et audiovisuelles feraient l’objet de prescriptions distinctes. L’amendement prévoit par ailleurs que seront transposées les dispositions de la directive relatives à l’accessibilité des programmes aux personnes en situation de handicap, et à la protection de l’intégrité des programmes d’intérêt général.

 Trois amendements de la rapporteure sont venus apporter des précisions au sujet de la transposition du 18 de l’article 1er de la directive, relatif aux les obligations pouvant être imposées aux services ciblant la France depuis un autre État membre de l’Union européenne.

L’ordonnance de transposition devra ainsi procéder à des distinctions en fonction des catégories de services et de la nature de leur programmation, avec une attention pour la nature des œuvres, l’étendue territoriale des droits pris en compte au titre de la contribution au développement de la production et la part consacrée à la production d’œuvres d’expression originale française et à la production indépendante.

Les auteurs pourront être associés non seulement aux accords professionnels signés entre éditeurs et producteurs, mais plus généralement aux accords entre les éditeurs et les organisations professionnelles de l’industrie cinématographique et audiovisuelle.

 S’agissant des informations au sujet des éditeurs pouvant être mutuellement communiquées par le CNC et le CSA, un amendement est venu préciser qu’elles incluront à la fois le chiffre d’affaires et le nombre d’utilisateurs des services de ces éditeurs.

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*     *

Chapitre IX
Dispositions en matière de concurrence

Article 25
(articles L. 420-2-1, L. 450-4, L. 461-3, L. 461-4, L. 462-2-1, L. 462-8, L. 463-3, L. 464-2, L. 4645 [abrogé], L. 464-8,  L. 464-9, L. 752-27, L. 954-15 du code de commerce)
Diverses mesures visant à renforcer lefficacité des procédures mises en place par la DGCCRF et lAutorité de la concurrence et habilitation du Gouvernement à transposer la directive « ECN + »

Adopté par la commission avec modifications.

 

L’article 25 du présent projet de loi habilite le Gouvernement à transposer par voie d’ordonnance la directive dite « ECN + » et prévoit plusieurs modifications visant à renforcer l’efficacité des procédures mises en place par la DGCCRF et l’Autorité de la concurrence : nouvelles dispositions pour lutter contre les pratiques anticoncurrentielles dans les territoires ultramarins, élargissement des dispositions pouvant faire l’objet d’une adoption simple devant l’Autorité de la concurrence, suppression des obligations de notification des évolutions des tarifs réglementés de vente (TRV) à l’Autorité de la concurrence, généralisation de la procédure simplifiée, suppression du critère de dimension locale, et suppression de l’avis de clémence. 

I.   L’État du droiT

A.   La directive « ECN + »

1.   Le cadre antérieur à la directive « ECN + »

Les compétences des autorités nationales de concurrence (ANC) et leur articulation avec les compétences exercées au niveau européen – dans le cadre antérieur à la directive « ECN+ » – sont déterminées par le règlement n° 1/2003 (CE) du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).

Ce règlement n° 1/2003 a consacré le principe d’une application décentralisée du droit de la concurrence, alors que la Commission européenne détenait auparavant une compétence exclusive. Comme en dispose ledit règlement, les ANC sont chacune chargées d’appliquer, à leur échelle et en plus des éventuelles règles prévues dans le domaine du droit de la concurrence en droit interne, le droit européen. Elles agissent en lien avec la Commission européenne, dans le cadre du réseau européen de la concurrence créé par le même règlement.

Si les autorités nationales sont chargées d’appliquer les mêmes règles de fond, les méthodes et les outils dont elles disposent divergent beaucoup selon les pays. Certains droits nationaux sont identifiés comme trop lacunaires pour permettre une application efficace des articles 101 et 102 du TFUE, respectivement relatifs aux ententes et aux abus de position dominante. Ainsi selon le considérant 5 de la directive « ECN + », « les droits nationaux empêchent de nombreuses ANC de disposer des garanties dindépendance, des ressources et des pouvoirs de coercition et de fixation damendes qui leur sont nécessaires pour mettre en œuvre efficacement les règles de concurrence de lUnion. (…) ». Il en résulte une mise en œuvre inégale des articles 101 et 102 du TFUE, qui « se traduit par des occasions manquées déliminer les barrières à lentrée sur le marché et de créer, partout dans lUnion, des marchés concurrentiels plus équitables sur lesquels les entreprises peuvent se livrer concurrence sur la base de leurs mérites » ([127]).

2.   Les principales dispositions de la directive

Adoptée par le Parlement européen et le Conseil le 11 décembre 2018, la directive « ECN + » compte 37 articles et doit être transposée par les États membres au plus tard le 4 février 2021. Elle poursuit un double objectif dharmonisation et de renforcement des pouvoirs des ANC. Les dispositions principales de la directive sont les suivantes :

– la directive consacre des garanties dindépendance statutaire, financière, humaine et technique (articles 3, 4 et 5) aux ANC ;

– l’article 4 prévoit notamment un principe dopportunité des poursuites selon lequel les autorités pourront décider de ne pas donner suite à une saisine si celle-ci ne fait pas partie des priorités identifiées par l’autorité. Cette évolution est guidée par la volonté du législateur européen que les ANC puissent « établir des priorités pour leurs procédures relatives à la mise en œuvre des articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de lUnion européenne de manière à pouvoir utiliser efficacement leurs ressources et sattacher à prévenir et faire cesser les comportements anticoncurrentiels faussant la concurrence dans le marché intérieur » ([128]) ;

 leurs pouvoirs dinvestigations sont renforcés par les dispositions prévues aux articles 6 à 9, avec notamment la possibilité de mener des inspections inopinées dans les locaux professionnels ou non professionnels (articles 6 et 7) ;

 larticle 10 de la directive prévoit la possibilité pour les ANC dimposer toute mesure corrective de nature structurelle ou comportementale proportionnée à l’infraction commise et nécessaire pour faire cesser effectivement l’infraction. Les remèdes structurels peuvent avoir des conséquences lourdes pour les entreprises, par exemple en les obligeant à céder un actif ou une filiale, ou à procéder à une modification contractuelle. Dans le respect du principe de proportionnalité, l’article 10 prévoit que « lorsquelles ont à choisir entre deux mesures correctives dune efficacité égale, les autorités nationales de concurrence optent pour la mesure corrective qui est la moins contraignante pour lentreprise » ;

 la possibilité pour les ANC de se saisir doffice pour prononcer des mesures conservatoires est introduite avec larticle 11. L’objectif est de pouvoir prévenir des atteintes à la concurrence qui seraient graves et irréparables ;

 le pouvoir de sanction des autorités est largement conforté. En particulier, l’article 15 de la directive prévoit l’obligation de prévoir une sanction fixée à un montant maximal de 10 % du chiffre daffaires mondial total de l’entreprise ou de l’association d’entreprises.

 le chapitre VI prévoit une harmonisation ainsi quune clarification des règles de clémence ;

 le chapitre VII renforce les outils de coopération et dassistance mutuelle entre autorités dans le cadre du réseau européen de la concurrence.

3.   L’impact attendu sur le droit national

Le droit français et le fonctionnement actuel de l’Autorité de la concurrence satisfont déjà en grande partie les exigences posées par la directive « ECN + », le modèle français ayant en partie influencé ce nouveau cadre européen. Ainsi en est‑il des garanties d’indépendance de l’institution et des outils d’ores et déjà à sa disposition en matière d’enquête.

Des évolutions substantielles du droit seront toutefois nécessaires. Ce sera principalement le cas pour ce qui concerne les mesures suivantes :

 lopportunité des poursuites. Si l’Autorité de la concurrence dispose d’un certain nombre de critères lui permettant de rejeter les saisines irrecevables, elle ne peut en l’état actuel du droit refuser les saisines pour des questions de pure opportunité, contrairement à ce qui est pratiqué par la Commission européenne et par certaines autres autorités européennes. Le code de commerce doit donc être modifié afin d’introduire cette possibilité. Entendue par votre rapporteur, l’Autorité de la concurrence a précisé qu’elle élaborerait un communiqué de procédure pour préciser sa doctrine en la matière. La décision de rejet pour motif d’opportunité, devra, comme toutes les autres décisions, être motivée et sera soumise à une procédure contradictoire. Elle sera publiée et pourra faire l’objet d’un recours devant la Cour d’appel de Paris ;

 la possibilité dordonner des « injonctions structurelles ». Il s’agit là d’une mesure par laquelle l’Autorité peut formuler des injonctions telles que la cession d’actifs. Cette procédure est déjà prévue pour certains cas spécifiques, comme en dispose l’article L. 752-26 du code de commerce. Les mesures de transposition devront expliciter à l’article L. 464-2 du code de commerce la possibilité pour l’Autorité d’imposer des mesures de nature comportementale et structurelle parmi les injonctions qui peuvent être prononcées, la rédaction actuelle prévoyant uniquement la possibilité « dimposer des conditions particulières » ;

 la saisine doffice pour les mesures conservatoires. Sur ce dernier point, il faut noter que des évolutions importantes ont été introduites par la loi n° 2018‑938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi « EGALIM », pour le secteur de la grande distribution. L’Autorité de la concurrence peut désormais effectuer de sa propre initiative ou à la demande du ministre chargé de l’économie un bilan concurrentiel des accords de coopération entre centrales d’achat, et prononcer – lorsque des effets anticoncurrentiels sont identifiés –  des mesures conservatoires. La directive « ECN + » implique une généralisation de cette saisine d’office pour mesures conservatoires ;

 en matière de sanctions, le plafond fixé à 3 millions d’euros en cas de pratiques anticoncurrentielles commises par des personnes qui ne sont pas des entreprises (associations, syndicats, ordres professionnels) devra être supprimé ([129]). Outre cette exception et celle prévue en cadre de procédure simplifiée (plafond à 750 000 euros), l’article L. 464-2 du code de commerce prévoit déjà un seuil maximal de 10 % du chiffre d’affaires.

B.   Les mesures du code de commerce visÉées par le prÉsent article

1.   Les opérations de visite et de saisie

a.   Le cadre général

Larticle L. 450-4 du code de commerce encadre les opérations de visite et de saisie, de façon à garantir un juste équilibre entre, d’une part, l’efficacité des procédures et, d’autre part, la protection des droits des entreprises.

Les opérations de visite et de saisie peuvent être conduites dans le cadre des enquêtes menées par lAutorité de la concurrence, les agents de la DGCCRF, ou la Commission européenne. Elles permettent aux services d’enquête de chercher des éléments de preuve à même d’alimenter le dossier d’instruction. En raison de leur impact sur les entreprises concernées, les opérations de visite et de saisie sont des procédures lourdes qui ne peuvent être menées que sur autorisation judiciaire, par opposition aux procédures simples décrites à l’article L. 450-3 du même code.

Elles sont réservées aux dossiers plus complexes. Ainsi, l’Autorité de la concurrence a fait usage à 5 reprises lors de l’année 2018 des possibilités offertes par l’article L. 450-4 du code de commerce (3 fois en 2017, 4 fois en 2016).

Lencadrement législatif de ces opérations a été considérablement réformé dans le cadre de lordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 portant modernisation de la régulation de la concurrence ([130]), dans le sens dune extension des garanties offertes aux entreprises. Ainsi, des possibilités de recours contre les ordonnances judiciaires autorisant les enquêtes lourdes devant la Cour d’appel ([131]) ont notamment été introduites, ainsi que la possibilité pour les entreprises d’être assistées d’un avocat au cours de l’enquête.

b.   Le rôle des officiers de police judiciaire (OPJ)

Comme en dispose l’article L. 450-4 précité, les opérations de visite et de saisie seffectuent donc sur autorisation judiciaire donnée par ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter. La demande, qui peut être formulée par le rapporteur général de l’Autorité de la concurrence, le ministre de l’économie ou la Commission européenne, doit comporter des éléments d’information utile susceptibles de justifier le recours à ces opérations.

Dans le cas où les lieux faisant l’objet des opérations de visite et de saisie sont situés dans le ressort de plusieurs juridictions et qu’une action simultanée doit être menée dans chacun d’eux, une ordonnance unique peut être délivrée par l’un des juges des libertés et de la détention compétent.

Une fois lautorisation délivrée par le juge, lopération de visite ou de saisie seffectue sous son autorité et son contrôle. Le juge peut se rendre dans les locaux pendant l’intervention et décider à tout moment de la suspension ou de l’arrêt de la visite.

Le juge ayant délivré l’autorisation est en charge de désigner un chef de service qui doit nommer les officiers de police judiciaire (OPJ), chargés d’assister aux opérations et d’y apporter leur concours en procédant aux réquisitions nécessaires. Ils tiennent informés le juge du déroulement des visites.

Dans la pratique, l’interprétation qui est faite de l’article L. 450-4 du code de commerce prévoit la présence constante d’un officier de police judiciaire pour chacune des équipes présentes en un même lieu. Cela conduit dans les faits à ce quil y ait plusieurs officiers de police judiciaire par site visité.

Il convient de noter que la présence de plusieurs officiers de police judiciaire n’est pas exigée dans le cadre des procédures de contrôle conduites par l’Autorité des marchés financiers (AMF) et la direction générale des finances publiques (DGFIP) qui sont décrites, respectivement, à l’article L. 621-12 du code monétaire et financier et à l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales.

c.   La commission rogatoire

Comme cela est précisé au troisième alinéa de l’article L. 450-4 précité, dans le cas où les opérations concernées ont lieu en dehors du ressort du tribunal du juge ayant délivré l’autorisation, ce dernier délivre une commission rogatoire au juge des libertés et de la détention situé dans le périmètre où s’effectue ladite visite. Ce cas de figure correspond à la situation dans laquelle, par ordonnance unique, un juge des libertés et de la détention a autorisé une opération de visite et de saisie hors de son ressort. Le juge des libertés et de la détention qui a autorisé l’opération délègue donc au juge des libertés et de la détention local le pouvoir de désigner le chef du service de police judiciaire compétent et de contrôler le bon déroulement de l’opération.

2.   Les modalités de prise de décision

L’article L. 461-3 du code de commerce pose le principe général de collégialité des décisions rendue par l’Autorité de la concurrence, qui sont prises à la majorité des membres du collège. Dans un souci de célérité et de simplification des procédures, le dernier alinéa de l’article L. 461-3 prévoit également les conditions dans lesquelles il est possible de déroger à ce principe et de laisser au président ou à un vice-président désigné par lui le soin dadopter seul certaines décisions. Ces dispositions sont issues de plusieurs évolutions législatives résultant à la fois de :

– l’article 2 de l’ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 portant modernisation de la régulation de la concurrence ;

– l’article 139 de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures ;

– et de l’article 215 de la loi no 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite loi « Macron ».

Comme en dispose larticle L. 461-3 du code de commerce, peuvent faire lobjet dune adoption simple les procédures concernant :

– les décisions dirrecevabilité (défaut d’intérêt ou de qualité à agir, prescription des faits, défaut de compétences), les décisions de rejet (défaut d’éléments probants, lorsqu’une autre autorité membre du réseau européen s’est saisie du cas, lorsque l’Autorité s’est déjà saisie d’office), ainsi que les décisions donnant acte du désistement dune partie. Il s’agit là des décisions décrites à l’article L. 462-8 du code ;

 les décisions prévues aux articles L. 464-2 à L. 464-6 dudit code prises après saisine du ministre en cas de refus des entreprises de transiger ou en cas d’inexécution des injonctions ou des obligations résultant de l’acceptation de la transaction ;

– les décisions prises en application de la phase 1 du contrôle des concentrations, mentionnées à l’article L. 430-5 du même code ;

– certaines des décisions prises en application de la phase 2 du contrôle des concentrations. Il s’agit là des décisions de révision des décisions d’autorisation des opérations de concentration ainsi que les décisions de mise en œuvre de ces décisions. Cette possibilité a été introduite par l’article 215 de la loi « Macron » ([132]). Dans ce cadre, le président de l’Autorité peut notamment décider seul d’agréer ou de refuser d’agréer la cession d’un actif conditionnant l’autorisation de la concentration.

3.   Le double tour écrit du contradictoire

a.   La procédure de droit commun

Succédant à la phase d’enquête, la notification des griefs ouvre le début de la phase contradictoire de la procédure devant l’Autorité de la concurrence décrite à l’article L. 463-2 du code de commerce. Cette procédure se caractérise par le principe du double tour écrit du contradictoire, qui se conclut par un dernier tour oral devant le collège de l’Autorité. Les étapes sont détaillées ci-après.

– Le premier tour de contradictoire écrit :

Une fois l’investigation menée par les services d’instruction (procédures d’enquête simples et/ou lourdes), le rapporteur général adresse, le cas échéant, une notification des griefs à lensemble des parties intéressées, explicitant les principaux faits qui leur sont reprochés.

Les parties disposent d’un délai de deux mois pour formuler par écrit leurs observations, ce délai pouvant être allongé d’un mois en cas de circonstances exceptionnelles comme cela est précisé au dernier alinéa de l’article L. 463-2 précité.

 Le deuxième tour de contradictoire écrit :

Une fois ces observations reçues, le rapporteur établit un rapport qui répond aux points de contestation que les parties ont pu souligner dans leurs observations. Le rapporteur instruit à charge et à décharge et peut donc abandonner à ce stade de la procédure tout ou partie des griefs en cause.

Les parties disposent dun délai de deux mois pour présenter un mémoire en réponse au rapport.

Une fois ces deux tours écrits passés, toutes les parties sont entendues au cours de la séance devant le collège de l’Autorité ([133]). Il s’agit là d’un troisième tour de contradictoire oral. À cette occasion, les membres du collège interrogent les parties sur les points litigieux du dossier. La durée des interventions orales est adaptée par le président de séance en fonction des demandes des parties et de la complexité du dossier. En cas de besoin, les parties peuvent produire une note en délibéré à l’attention des membres du collège.

Cette procédure de double tour écrit est une originalité du droit français, la Commission européenne, l’Espagne, l’Italie, le Royaume-Uni ou les États-Unis disposant de deux tours de contradictoires écrit et oral confondu, dont l’un est parfois optionnel.

Selon l’Autorité, la deuxième étape du contradictoire écrit conduit à allonger la procédure dinstruction de 12 mois en moyenne ([134]). Ce délai comprend la préparation et la rédaction du ou des rapports ([135]), la réception des observations des parties et, le cas échéant, la préparation des réponses à ces observations lors de la séance.

b.   La procédure simplifiée

Le rapporteur général de lAutorité peut décider de déroger à la procédure de droit commun et dopter pour une procédure simplifiée prévue à larticle L. 463-3 du code de commerce. Cette procédure simplifiée ne fait intervenir qu’un seul tour de contradictoire écrit en supprimant l’obligation d’élaborer le rapport.

Lorsqu’elle fait usage de cette procédure simplifiée, l’Autorité de la concurrence ne peut infliger damende supérieure à 750 000 euros, comme en dispose actuellement l’article L. 463-5 du code de commerce. Ce principe de plafonnement avait été introduit dès l’ordonnance du 1er décembre 1986. Initialement fixé à 500 000 francs, il a été augmenté à 750 000 euros par la loi n° 2001-420 relative aux nouvelles régulations économiques. L’objectif poursuivi par le législateur en remontant le seuil était alors de faciliter le recours à cette procédure permettant à l’Autorité d’agir avec davantage de célérité.

La procédure simplifiée est aujourdhui couramment utilisée. Selon les informations transmises par l’Autorité de la concurrence à votre rapporteure, « en 2017, 8 notifications de griefs ont été notifiées dont 6 selon la procédure simplifiée, soit 75 %. En 2018, 25 notifications des griefs ont été notifiées dont 10 selon la procédure simplifiée, soit 40 %. En 2019, 13 notifications des griefs ont été notifiées dont 6 selon la procédure simplifiée, soit 46 %. ». Comme le note l’Autorité, ces proportions varient d’une année sur l’autre en fonction de la typologie des affaires traitées.

4.   Le contrôle de l’Autorité sur les tarifs réglementés

Larticle L. 462-2-1 du code de commerce détaille le contrôle exercé par lAutorité de la concurrence sur les prix et tarifs réglementés. Cet article a été introduit par le législateur à l’occasion de l’article 50 de la loi « Macron », dans le contexte plus général de rénovation des modalités de détermination de certains tarifs réglementés.

L’article prévoit qu’à la demande du Gouvernement, ou à sa propre initiative, l’Autorité de la concurrence rend un avis simple sur les projets darrêté de révision tarifaire.

Cet avis est rendu public. L’engagement d’une procédure d’avis est rendu public dans les cinq jours ouvrables, afin de permettre aux associations de défense de consommateur, aux organisations professionnelles ainsi qu’aux instances ordinales concernées d’adresser leurs observations à l’Autorité.

Le dernier alinéa de larticle L. 462-2-1 prévoit que le Gouvernement informe lAutorité de tout projet de révision des prix et tarifs réglementés concernés au moins deux mois avant que celle-ci devienne effective.

5.   Le critère de dimension locale du marché

L’article L. 464-9 du code de commerce prévoit les conditions dans lesquelles le ministre de l’économie (et, sur délégation, la DGCCRF) peut intervenir pour limiter les pratiques anticoncurrentielles locales. Ainsi, le ministre détient un pouvoir de transaction et dinjonction pour sanctionner les pratiques anticoncurrentielles qui répondent aux trois critères suivants :

– les pratiques doivent affecter un marché de dimension locale ;

– les pratiques ne concernent pas des faits tombant sous le coup des articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) (soit, respectivement, les ententes et les abus de position dominante) ;

– le chiffre d’affaires individuel des entreprises en cause est inférieur à 50 millions d’euros et leur chiffre d’affaires cumulé ne dépasse pas 200 millions d’euros.

Le critère tenant à la dimension locale du marché fait l’objet de difficultés d’application. Cette difficulté induit une forme d’insécurité juridique sur la compétence de la DGCCRF. La doctrine note également que dans la pratique, ce critère est faiblement respecté ([136]).

6.   La procédure de clémence et l’avis

Le programme de clémence permet à toute entreprise participant à une entente de prévenir l’Autorité de la concurrence et de bénéficier à ce titre d’une exonération totale ou partielle de sanctions. Ce programme prévu au IV de l’article L. 464-2 du code de commerce a été introduit en droit français à l’occasion de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques. À la suite d’une demande de clémence, le collège de l’Autorité de la concurrence émet un avis de clémence qui prévoit les conditions d’exonération totale ou partielle. L’avis est infirmé ou confirmé lors de l’examen de l’affaire au fond si l’Autorité de la concurrence estime que les conditions qu’elle avait posées à l’obtention de la clémence ont été respectées. Cet avis est identifié comme un facteur alourdissant de façon inefficace les procédures. Comme l’indique l’étude d’impact, l’avis peut retarder les opérations de visite et de saisie, car l’Autorité de la concurrence doit avoir préalablement adopté son avis avant d’y procéder. Lorsque la demande est formulée après que des opérations de visite et de saisie ont déjà eu lieu, l’avis nécessite un travail de comparaison long et fastidieux de comparaison des pièces pour évaluer la valeur ajoutée de la demande de clémence, qui retarde le début de l’instruction. En outre, cette procédure soulève des difficultés d’organisation interne puisque les membres ayant siégé pour l’avis ne peuvent siéger pour la décision rendue au fond. L’étude d’impact signale enfin que cette procédure d’avis, lourde et longue, constitue selon certains acteurs économiques un facteur dissuasif de recours à la clémence.

7.   Les injonctions structurelles et la prohibition des droits exclusifs en outre-mer

a.   Les injonctions structurelles

Les injonctions structurelles permettent à l’Autorité de la concurrence d’ordonner des mesures fortes telles que la cession d’actifs. Face aux problèmes spécifiques qui se posent en matière de concurrence dans les territoires ultramarins, la loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre‑mer, dite loi « LROM », a introduit un dispositif à l’article L. 752-27 du code de commerce permettant à l’Autorité de la concurrence d’ordonner de telles mesures, dans les cas où les entreprises ne répondraient plus aux préoccupations de concurrence exprimées par l’Autorité de la concurrence. L’article L. 752-27 a ensuite été modifié par l’article 39 de la loi no 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « loi Macron ». Dans le cadre de cette loi, le législateur a souhaité généraliser la procédure d’injonction structurelle à l’ensemble du territoire, afin de renforcer les pouvoirs de l’Autorité de la concurrence. En contrepartie, le critère de préoccupation de concurrence a été renforcé pour passer à celui d’atteinte effective à la concurrence. Ce nouveau standard de preuve devait s’appliquer sur l’ensemble du territoire métropolitain et par parallélisme également dans les territoires ultramarins. Toutefois, le Conseil Constitutionnel a censuré les dispositions visant à généraliser le pouvoir d’injonction structurelle, celles-ci portant une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre. Les modifications apportées à la procédure applicable en outre-mer ont été conservées. Ainsi, la notion de préoccupation de concurrence a été remplacée par celle « d’atteinte à une concurrence effective ». Or une telle atteinte peut être difficile à démontrer économiquement dans les zones ultramarines. Ce standard élevé de preuve peut limiter les capacités d’action de l’Autorité de la concurrence face à des situations où les problèmes de concurrence sont récurrents. Dans son avis 19-7A-12 du 4 juillet 2019 relatif à la concurrence en outre-mer, l’Autorité de la concurrence recommande par conséquent d’en revenir à l’état du droit antérieur à la loi « Macron » sur ce point.

b.   Prohibition des accords exclusifs d’importation

Depuis la loi « LROM », un nouvel article L. 420-2-1 a été introduit dans le code de commerce afin de prohiber les accords exclusifs d’importation à une entreprise ou à un groupe d’entreprise dans les régions d’outre-mer ainsi que dans les collectivités d’outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint‑Pierre‑et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna. L’objectif poursuivi par le législateur avec cette mesure était d’augmenter la concurrence intra et intermarque entre grossistes-importateurs. Selon l’avis de l’Autorité de la concurrence n° 19‑A‑12, « ladoption de cette disposition et son contrôle par lAutorité ont conduit certains acteurs à revoir leurs relations contractuelles afin de se mettre en conformité avec le nouveau cadre législatif. Si les effets sur la concurrence actuelle semblent encore limités, larticle L. 420-2-1 du code de commerce a cependant permis dinstaurer davantage danimation concurrentielle dans les relations entre grossistes-importateurs et fournisseurs via le développement des procédures de mises en concurrence ». Un certain nombre de difficultés demeurent toutefois. En particulier, l’Autorité de la concurrence souligne dans ce même avis : « une part non négligeable des groupes de distribution ultramarins sont également présents en tant que grossistes-importateurs sur le marché de la vente en gros. Comme lAutorité la déjà relevé dans sa pratique en matière de contrôle des concentrations, lintégration verticale est susceptible de soulever des risques de concurrence, en particulier en matière dallocation des budgets de coopération commerciale ».

II.   Les dispositions initiales du projet de loi

L’article 25 du présent projet de loi a été ajouté via une lettre rectificative au présent projet de loi, parvenue au Parlement au mois de juin 2020. L’article 25 du présent projet de loi a pour objectif de reprendre les dispositions qui figuraient initialement aux articles 60 et 61 du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique, dont la discussion a été suspendue dans le contexte de la crise sanitaire.

Dans sa version initiale, l’article 25 habilite le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance et dans un délai de douze mois à compter de la publication de la loi :

– les mesures de transpositions de la directive « ECN+ » ;

– un ensemble de mesures visant à accroître l’efficacité des procédures mises en œuvre par l’Autorité de la concurrence et des enquêtes conduites par la DGCCRF. L’habilitation énumère ainsi des mesures :

a) simplifiant les conditions de recours aux officiers de police judiciaire et les modalités de saisine du juge des libertés et de la détention lors des opérations de visite et saisie ;

b) élargissant les cas de recours à des décisions non collégiales de l’Autorité de la concurrence pour les affaires les plus simples ;

c) supprimant l’information préalable de l’Autorité de la concurrence pour toute révision de prix ou tarifs réglementés ;

d) élargissant les cas de recours à la procédure simplifiée devant l’Autorité de la concurrence et en en précisant les modalités ;

e) élargissant les cas dans lesquels le ministre chargé de l’économie peut imposer des injonctions ou transiger avec les entreprises et en supprimant la condition tenant à la dimension locale du marché ;

f) Simplifiant la procédure relative à la clémence ;

g) élargissant des pouvoirs de l’Autorité de la concurrence qui lui permettent, dans les collectivités d’outre-mer concernées, d’enjoindre, en cas d’existence d’une position dominante et à certaines conditions, à tout opérateur exploitant un ou plusieurs magasins de commerce de détail de céder certains de ses actifs ;

h) édictant, dans les collectivités d’outre-mer concernées, une interdiction expresse des pratiques discriminatoires de la part d’une entreprise ou d’un groupe d’entreprises au détriment de toute autre entreprise avec laquelle elle n’a pas de lien de nature capitalistique.

III.   Les dispositions adoptÉes au SÉnat

Lors du passage en commission, le Sénat a supprimé le 1° de l’article 25 et a remplacé les habilitations correspondantes par des inscriptions « en clair » dans le texte. En revanche, le Sénat a conservé l’habilitation de transposition de la directive « ECN + ».

Les inscriptions « en clair » des dispositions du 1° reprennent pour l’essentiel les dispositions telles qu’elles figuraient dans le cadre du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique. Une modification importante est à signaler concernant la généralisation de la procédure simplifiée. En outre, des ajouts portant sur l’avis de clémence, d’une part, et sur les injonctions structurelles en outre-mer, d’autre part, doivent également être mentionnés. L’ensemble des inscriptions « en clair » sont détaillées ci-dessous.

A.   dispositions spÉcifiques aux territoires ultramarins

Le 1° du III de larticle 25 complète l’article L. 420-2-1 du code de commerce en prévoyant une interdiction expresse en outre-mer des pratiques discriminatoires de la part d’une entreprise au détriment d’une autre avec laquelle elle n’a pas de lien de nature capitalistique. Il s’agit ici de reprendre l’une des recommandations formulées par l’Autorité de la concurrence dans son avis 19-A‑12 relatif à la concurrence en outre-mer, qui préconisait d’introduire dans le code de commerce une nouvelle disposition permettant de sanctionner le fait, pour un acteur intégré disposant d’une exclusivité de fait, de discriminer ses clients tiers par rapport à ses ventes intragroupes.

Le 12° du III de larticle 25 modifie l’article. L. 752-27 du code de commerce afin dautoriser lAutorité à prononcer une injonction structurelle dans le cas de préoccupations de concurrence dans le secteur du commerce de détail et de gros en outre-mer. En létat actuel du droit, le standard de preuve est plus élevé puisquil faut être en mesure de prouver une atteinte effective au droit de la concurrence. Il sagit ici de mettre en œuvre lune des recommandations formulées par lAutorité de la concurrence dans son avis 19-7A-12 du 4 juillet 2019 relatif à la concurrence en outre-mer. Cette modification revient à létat du droit tel quil existait avant les modifications apportées par la loi dite « Macron ». En outre, le champ de linjonction structurelle est également étendu aux grossistes.

B.   Les procÉdures de visite et de saisie

Le 2° du III de larticle 25 du présent projet de loi apporte des modifications aux procédures de visite et de saisie prévues à l’article L. 450-4 du code de commerce. Il propose une réécriture du troisième alinéa de l’article, dont les conséquences sont doubles.

En premier lieu, la nouvelle rédaction a pour principal effet d’autoriser la présence dun seul officier de police judiciaire par site visité. La rédaction du projet de loi clarifie les règles en prévoyant que le juge désigne « le ou les chefs de services territorialement compétents, qui nomment autant dofficiers de police judiciaire que de lieux visités ». Dans un contexte d’effectifs contraints, les présentes dispositions poursuivent un objectif de renforcement de l’efficacité des procédures de visite et saisie. En effet, l’absence d’officiers de police judiciaire disponibles peut aujourd’hui conduire l’Autorité de la concurrence à devoir renoncer ou différer l’exercice de ses pouvoirs d’enquête.

En second lieu, les modifications proposées visent également à rendre optionnelle la commission rogatoire. Le juge qui a autorisé les opérations de visite et de saisie pourra donc assurer lui-même le contrôle de leur déroulement, quel que soit le lieu où l’opération est réalisée.

C.   Élargissement des dispositions pouvant faire l’objet d’une adoption simple

Dans un objectif de célérité et de simplification des procédures, le 3° du III de larticle 25 élargit le nombre de procédures pouvant faire l’objet d’adoption simple par le président de l’Autorité ou par un vice-président nommé par lui. Les affaires plus complexes, en particulier les décisions de sanction, de non-lieu ou prononçant des mesures conservatoires demeurent en revanche soumises au principe de collégialité. En plus des cas déjà décrits à l’article L. 461-3 du code, pourront faire l’objet d’une procédure de décision simplifiée :

– les décisions mentionnées au III de larticle L. 462-5 du code de commerce. Il s’agit là des décisions prises en application d’une saisine d’office réalisée sur proposition du rapporteur général de l’Autorité. Selon l’étude d’impact du projet de loi, ces décisions concernent essentiellement des situations dans lesquelles le rapporteur général propose au collège de se saisir d’office de pratiques ayant fait l’objet d’un rapport administratif d’enquête de la DGCCRF ;

– les décisions de révision dengagement. Le I de l’article L. 464-2 fait référence aux procédures d’engagement qui peuvent être mises en place en droit des pratiques anticoncurrentielles. Il faut noter qu’il s’agit là de la première mention explicite de la procédure de révision d’engagement dans la loi ([137]). Ces procédures de révision ont d’abord fait l’objet de clauses figurant au cas par cas dans les décisions d’engagement. Depuis le 2 mars 2009, le communiqué de procédure relatif aux engagements en matière de concurrence de l’Autorité de la concurrence fait explicitement référence à la possibilité pour l’Autorité de mettre en œuvre une procédure de révision pour les engagements souscrits en application du I de l’article L. 464-2 du code de commerce ([138]).

D.   Suppression de l’obligation de notification des Évolutions des tarifs rÉglementÉs de vente (TRV) À l’AutoritÉ de la concurrence

Le 5° du III de l’article 25 abroge le dernier alinéa de l’article L. 462-2-1 du code de commerce. Cet alinéa prévoit que Gouvernement informe l’Autorité de la concurrence de tout projet de révision des prix ou des tarifs réglementés, au moins deux mois avant la révision du prix ou du tarif en cause.

L’étude d’impact souligne que cette obligation constitue une lourdeur inutile, considérée comme « source de complexification de la régulation tarifaire et dinsécurité juridique ». L’Autorité de la concurrence estime que cette suppression est bienvenue et n’altère pas l’information qui est à sa disposition.

E.   GÉnÉralisation de la procÉdure simplifiÉe

Les 4°, 7° 8° et 9° du III de l’article 25 ont pour objectif d’encourager le recours à la procédure simplifiée tout en prévoyant un certain nombre de garde-fous pour garantir les droits de la défense.

a.   Rappel sur les débats autour du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique

Dans le cadre du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique ces dispositions avaient fait l’objet de débats lors du passage du texte en commission des affaires économiques, saisie pour avis ([139]). La version proposée initialement dans ce cadre par le Gouvernement prévoyait, conformément à la directive « ECN + », la suppression du plafond de sanctions de 750 000 euros aujourd’hui applicable en cas d’enclenchement de la procédure simplifiée. La rédaction prévoyait également que la décision de recourir à la procédure simplifiée n’est pas susceptible de recours. La rédaction précisait : « au vu des observations des parties destinataires des griefs, le rapporteur général peut décider dadresser un rapport aux parties ». De facto et comme cela était précisé dans l’étude d’impact, l’objectif poursuivi par le Gouvernement était de généraliser la procédure simplifiée sans plafond spécifique de sanctions ([140]), l’établissement d’un rapport (deuxième tour de contradictoire) ayant vocation à devenir une exception pour les cas les plus complexes. Avec ces dispositions, l’objectif global était de simplifier et de raccourcir les délais de procédure, le passage par double tour du contradictoire allongeant la procédure d’un an selon l’Autorité de la concurrence.

Ces dispositions ont été fortement contestées par plusieurs acteurs représentant du monde économique, ces derniers soulignant des risques relatifs au respect du principe du contradictoire ainsi qu’au droit de la défense. En particulier, le délai de deux mois laissé aux opérateurs économiques pour répondre à la notification des griefs a été dénoncé comme trop court. Sur la question globale du respect du contradictoire, le Conseil d’État, dans son avis rendu sur le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique, avait considéré que ces dispositions ne portent pas une atteinte excessive aux droits de la défense puisque ceux-ci « sont déjà mis en œuvre à travers la réponse à la notification des griefs et la possibilité pour les parties de développer leurs arguments devant le Collège lors de la séance ». Le Conseil d’État avait toutefois souligné que ces nouvelles mesures « devront faire lobjet dune application attentive, en fonction des critères objectifs, afin de respecter le principe dégalité de traitement entre les entreprises ».

Un amendement du rapporteur de la commission des affaires économiques avait pour objet de supprimer ces dispositions, dans l’attente d’une solution nouvelle proposée par le Gouvernement, qui garantisse davantage les droits des partis.

b.   Le présent projet de loi

La rédaction proposée par le Sénat au stade de la commission s’inscrit dans la recherche de compromis entre respect des droits de la défense et efficacité des procédures.

Le 7° du présent article 25 modifie l’article L. 463-3 du code de commerce afin de prévoir que le rapporteur général de l’Autorité doit informer les parties, préalablement à la notification des griefs, de sa décision d’engager la procédure simplifiée et qu’il peut toutefois décider d’établir un rapport au vu des observations fournies par les parties à la suite de cette notification. Par rapport au texte du projet de loi « audiovisuel », larticle L. 463-3 est complété et prévoit ainsi quen cas de procédure simplifiée, la notification des griefs doit contenir le montant de la sanction encourue ainsi que ses déterminants, afin que les parties puissent les analyser au plus tôt. Afin de laisser aux parties un temps suffisant pour présenter leurs observations consécutives à ce document dont le contenu est appelé à croître, la rédaction du Sénat prévoit également que le rapporteur général peut, quand il décide dengager la procédure simplifiée, allonger le délai accordé aux parties et le faire passer de deux à quatre mois. Il sagit là également dune évolution par rapport à la version initiale du projet de loi « audiovisuel ». Toutefois, votre rapporteure note que cette possibilité dextension du délai reste à la discrétion du rapporteur général.

Le 4° du présent article 25 complète larticle L. 461-4 du code afin de prévoir que le conseiller auditeur de lAutorité, chargé aujourd’hui, lorsqu’il est saisi par les parties, d’évaluer les observations des entreprises sur le déroulement de la procédure les concernant à partir de la notification des griefs, pourra être saisi par les parties avant cette notification, lorsque le rapporteur général décide d’engager la procédure simplifiée. Il s’agit là aussi d’une nouveauté par rapport à la version du projet de loi « audiovisuel ».

Enfin, tout comme la rédaction initialement prévue dans le cadre du projet de loi « audiovisuel » par le Gouvernement la rédaction du Sénat supprime, par un 9°, le plafond de 750 000 euros pouvant être infligées dans le cadre de la procédure simplifiée, conformément aux dispositions de la directive « ECN + ».

F.   Suppression du critÈre de dimension locale

 

Le 11° du III de l’article 25 élargit les cas où le ministre de l’économie pourra imposer des injonctions ou transiger avec les entreprises, en levant la condition tenant à la dimension locale du marché. Cette modification procède à une clarification et à une rationalisation du critère d’allocation des dossiers entre la DGCCRF et l’Autorité qui reposera donc sur les critères de chiffre d’affaires précédemment décrits.

G.   suppression de l’avis de clÉmence

Le 8° du III de larticle 25 modifie larticle L. 464-2 afin de supprimer lavis de clémence que lAutorité doit rendre lorsquune entreprise entreprend auprès delle une démarche tendant à bénéficier de la politique de clémence, en raison des difficultés évoquées plus haut.

Enfin, les 6°, 11° et 13° de larticle 25 comportent des mesures de coordination juridique visant à mettre à jour les références aux articles 101 et 102 du TFUE aux articles L. 462-8, 464-9 et L. 954-15 du code de commerce.

IV.   la position de la commission

La commission a adopté l’article 25 modifié par deux amendements rédactionnels (CE90 et CE91) ainsi que par quatre amendements concernant la procédure simplifiée (CE104, CE105, CE106 et CE107) déposés par votre rapporteure.

Les auditions conduites par votre rapporteure ont en effet mis en exergue des difficultés persistantes concernant les évolutions envisagées de la procédure simplifiée. Les évolutions votées au Sénat s’inscrivent dans une recherche de compromis bienvenue, mais des améliorations peuvent encore être apportées pour assurer un juste équilibre entre les garanties apportées aux parties et l’accélération des procédures devant l’Autorité de la concurrence. Ainsi, les modifications votées à l’intiative de votre rapporteure prévoient :

– que le délai de deux mois applicable dans le cadre du premier tour écrit sera allongé de 2 mois dans le cadre de la mise en œuvre de la procédure simplifiée, dès lors que l’une des parties en formule la demande et que le chiffre d’affaires cumulé des parties est supérieur à 200 millions d’euros, ce critère étant inspiré des dispositions prévues à l’article L.464-9 du code de commerce sur les micros pratiques anticoncurrentielles. Dans un objectif de bonne gestion, la nouvelle rédaction précise que dans le cas où une telle demande est formulée, elle doit l’être dans un délai de 30 jours à compter de la notification des griefs ;

– la suppression de la possibilité introduite par les sénateurs de saisir préalablement à la notification des griefs le conseiller auditeur. Cette possibilité part d’une bonne intention mais répond en réalité mal aux attentes des parties. Elle risque de complexifier et d’allonger les procédures, à rebours de l’objectif du présent article ;

Votre rapporteure considère que les autres dispositions de l’article 25 apportent à bon escient un ensemble d’évolutions à même de simplifier et d’accélérer les procédures de lutte contre les pratiques anticoncurrentielles. La transposition de la directive dite « ECN + » devrait se traduire par des améliorations significatives de l’efficacité de notre droit de la concurrence.

*

*     *

Chapitre X
Dispositions relatives aux postes et communications électroniques
(Division et intitulé nouveaux)

Article 26
(articles L. 5-2, L.5-3, L. 5-9 et L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques)
Diverses mesures dadaptation et de simplification du code des postes et des communications électroniques et habilitation du Gouvernement à transposer par ordonnance la directive portant code des communications électroniques

Adopté par la commission avec modifications.

 

Introduit en séance publique au Sénat à l’initiative d’un amendement du Gouvernement, l’article 26 habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures de transposition du code des communications électroniques européennes. La directive 2018/1972 portant code des communications électroniques européen ([141]) opère la codification des règles existantes et renforce les outils pour stimuler l’investissement privé, consolider le marché intérieur du numérique et protéger les consommateurs. L’habilitation doit également permettre au Gouvernement de légiférer pour simplifier le code des postes et des communications électroniques (CPCE) et renforcer les pouvoirs de l’ARCEP dans certains cas expressément cités.

L’article 26 comporte également plusieurs dispositions nature à simplifier les dispositions du code des postes et des communications électroniques et à en supprimer les dispositions inadaptées ou obsolètes.

Enfin, l’article 26 prévoit également de nouvelles dispositions afin d’assurer l’effectivité des dispositions du règlement (UE) n° 2018/644 du Parlement européen et du Conseil du 18 avril 2018 relatif aux services de livraison transfrontière de colis.

Le présent article 26 reprend les dispositions qui figuraient initialement à l’article 64 du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique, dont la discussion a été suspendue dans le contexte de la crise sanitaire, avec un certain nombre de modifications apportées par les sénateurs.

I.   L’ÉTAT du droit

A.   La directive portant code des communications Électroniques europÉen

1.   Le contexte

La directive portant code des communications électroniques européen ([142]) s’inscrit dans le cadre de la réforme du paquet européen « connectivité », annoncée par la Commission européenne dès le mois de septembre 2016 ([143]). Fruit de plus de deux ans de concertation entre les instances européennes et de consultation des acteurs du secteur, elle comporte 127 articles et 326 considérants. La directive est globalement soumise au principe d’harmonisation maximale, même si des marges de manœuvre sont laissées aux États membres dans certains cas expressément cités.

Avec cette directive, le législateur européen poursuit d’abord un effort de codification en rassemblant en un seul texte les quatre directives constituant actuellement le socle du droit européen des télécoms, à savoir les directives 2002/21/CE, 2002/20/CE, 2002/19/CE et 2002/22/CE. Ces dernières sont par conséquent abrogées. Cette codification vise un objectif de simplification et d’accessibilité de la norme. Au côté de cet effort de codification, la directive prévoit également de nouvelles règles pour renforcer la concurrence, stimuler linvestissement privé et mieux protéger les consommateurs à travers la poursuite d’un double objectif :

– renforcer le marché intérieur des réseaux et des services de communications électroniques afin d’accroître le déploiement et la pénétration de réseaux à très haute capacité ([144]), d’améliorer la concurrence sur ce marché et d’assurer l’interopérabilité des services de communications électroniques, tout en veillant à leur accessibilité et à leur sécurité ;

– assurer la fourniture dans l’ensemble de l’Union européenne de services accessibles au public de bonne qualité et abordables, en prenant en compte les besoins de certains publics spécifiques.

Le texte européen prévoit une transposition au plus tard pour le 21 décembre 2020.

En France, la préparation de la transposition de cette directive par ordonnances a fait l’objet d’une consultation qui s’est tenue dans le courant du premier trimestre 2020. Des consultations obligatoires sont prévues auprès de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP), du Comité national d’évaluation des normes (CNEN), du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et de la commission supérieure du numérique et des postes.

Le choix de procéder par ordonnance pour la transposition de ce texte paraît justifié au regard de la complexité et de la technicité des dispositions concernées.

2.   Les principales mesures de la directive et les mesures de transposition envisagées

a.   Les dispositions relatives à la gouvernance et aux définitions

i.   Une nouvelle définition des services de communications interpersonnelles

La directive fait évoluer la définition d’opérateur de communications électroniques afin de tenir compte de l’évolution des usages et de l’utilisation croissante des services de communication non fondés sur la numérotation (comme Whatsapp par exemple). Ainsi, les services non fondés sur la numérotation, aussi appelés « over the top » seront soumis à un certain nombre d’obligations nouvelles, dans une perspective d’alignement partiel avec les obligations qui incombent aujourd’hui aux opérateurs classiques. Ce sera notamment le cas en matière d’alerte des populations, d’interception et de protection des données de communications.

L’inscription de cette définition en droit national devrait entraîner une modification de l’article L. 32 du code des postes et des communications électroniques (CPCE). Selon l’avant-projet d’ordonnance, celui-ci devrait comporter une définition des services de communications interpersonnelles, qui distinguerait les services de communications interpersonnelles fondés sur la numérotation des services de communications interpersonnelles non fondés sur la numérotation. Les obligations qui incomberont aux services de communications interpersonnelles non fondées sur la numérotation devraient notamment être énumérées à l’article L. 33-1 du CPCE.

ii.   Évolutions institutionnelles

La directive comprend de nombreuses mesures visant à assurer l’impartialité et l’efficacité des autorités de régulation nationale. Le droit national est dans l’immense majorité déjà conforme à ces obligations. Une modification reste toutefois nécessaire pour assurer la conformité de notre droit à l’article 7 de la directive pour ce qui concerne les procédures de nomination des membres de l’ARCEP. Ainsi, selon l’avant-projet d’ordonnance, le projet de transposition rend obligatoire à l’article L. 130 du CPCE une procédure de sélection ouverte et transparente pour la nomination des membres de l’ARCEP.

b.   Les dispositions relatives à l’autorisation générale et aux obligations légales des opérateurs

L’exploitation des réseaux et/ou à la fourniture des services de communication électronique repose sur un principe général d’autorisation, mais les États membres peuvent introduire un certain nombre de conditions et obligations à l’endroit des opérateurs. Ce régime juridique dit d’autorisation générale est prévu en droit européen. Les opérateurs sont également soumis à un certain nombre d’obligations relative à la sécurité des réseaux et des citoyens.

Concernant les obligations de sécurité et d’intérêt général, un certain nombre d’évolutions sont à souligner.

Une définition de la sécurité des réseaux et des services de communications électroniques est introduite. Celle-ci devrait être inscrite dans la partie réglementaire du code, de même que des critères permettant d’évaluer l’impact d’un incident de sécurité, qui sont les mêmes que ceux inscrits dans la directive 2016/1148 ([145]), à savoir : le nombre d’utilisateurs touchés, la durée de l’incident, l’étendue géographique de la zone touchée, la mesure dans laquelle le fonctionnement du réseau ou du service est affecté et l’ampleur de l’impact sur les activités économiques et sociales.

Larticle 109 de la directive modernise le dispositif dappel durgence qui évolue vers un dispositif de communication durgence. Les services d’urgence pourront être joignables non seulement par appel, mais également par d’autres moyens électroniques (SMS, messagerie en ligne, vidéos, etc.). La directive prévoit également que la localisation par l’appareil mobile de l’appelant doit être transmise au centre de réception des communications d’urgence le plus approprié.

Larticle 110 instaure un système dalerte au public qui pourra être mobilisé en cas de catastrophe naturelle ou durgence. Les pouvoirs publics pourront utiliser ce canal pour transmettre des messages d’alerte dans une zone géographique déterminée. Ce système doit être déployé avant le 21 juin 2022. Selon la transposition envisagée, ces messages doivent pouvoir être transmis à l’ensemble des utilisateurs finals situés dans une zone géographique déterminée dès réception d’une demande du Premier ministre, du représentant de l’État dans le département ou à Paris du préfet de police.

Enfin, la directive oblige également les opérateurs à transmettre gratuitement des communications dintérêt général, qui peuvent couvrir des sujets tels que les atteintes aux droits en matière de protection des données, aux droits d’auteur, aux droits voisins, ou encore aux moyens de protection contre les risques d’atteinte à la sécurité individuelle et à la vie privée.

L’ensemble de ces obligations nouvelles doit se traduire dans le cadre de l’ordonnance de transposition par des modifications apportées à l’article L. 33-1 du CPCE ainsi que par plusieurs ajouts d’ordre réglementaire. Dans le cadre de la transposition, le Gouvernement envisage également de supprimer l’obligation de notification préalable auprès de l’ARECP. Celle-ci est optionnelle au sens de la directive, les États membres étant libres de la mettre en place ou non. Le Gouvernement a indiqué à votre rapporteure que cette déclaration n’entraîne aucune conséquence et est jugée par l’ARCEP superflue et peu utile en ce qu’elle ne fait que rajouter une étape administrative. En effet, 2 700 opérateurs sont déclarés auprès de l’ARCEP. La plupart de ces opérateurs réalisent une activité très restreinte dans le domaine des communications électroniques et mettent très rarement leurs informations à jour. Vu leur nombre, il serait très coûteux à l’ARCEP de mobiliser des personnes en interne pour vérifier leur état d’autant qu’en pratique, l’ARCEP n’a pas besoin de tous les connaître ex ante pour réaliser sa mission de régulation.

c.   Faciliter le déploiement des réseaux de communications électroniques

La directive introduit des dispositions relatives à la connaissance des réseaux et à la planification des déploiements de nouvelle génération offrant un débit descendant de plus de 100 mégabits par secondes (Mbps). L’article 22 de la directive prévoit une procédure en quatre temps en matière de planification des déploiements :

– l’obligation pour les autorités de régulation d’établir tous les trois ans un relevé géographique de la couverture du territoire ;

– sur la base de ce relevé géographique, le ministre peut déterminer les zones dans lesquelles aucun réseau ne permet d’offrir un débit descendant d’au moins 100 Mbps ;

– dans ces zones, le ministre peut lancer un appel à manifestation d’intention à deux tours ;

– l’autorité de régulation pourra sanctionner les informations trompeuses, erronées ou incomplètes en connaissance de cause ou du fait d’une négligence grave, dans le cadre de cet appel à manifestation d’intention.

Dans le cadre de la transposition et selon l’avant-projet d’ordonnance, cette procédure devrait faire l’objet d’une inscription dans un nouvel article L. 33-12-1 du CPCE. Une modification est également prévue à l’article L. 36-7 qui énumère les missions de l’ARCEP, afin de lui confier le soin d’établir le relevé géographique tous les trois ans et de le rendre public.

Dans le cadre de cette transposition, des modifications d’ordre réglementaire sont également prévues afin de préciser le type d’information que l’ARCEP peut exiger des opérateurs.

Il convient enfin de noter qu’en pratique, cette nouvelle procédure ne remettra pas en cause les zonages existants – AMEL et AMII ([146]) – et la procédure d’engagement prévue à l’article L. 33-13 du CPCE.

d.   Dispositions relatives à l’accès

La directive détermine de nouvelles règles d’accès au réseau afin d’encourager la concurrence et de faciliter les investissements dans des infrastructures nouvelles et à très haute capacité, y compris dans les zones plus éloignées. Nombre des dispositions en la matière s’inspirent directement du modèle français applicable en matière de déploiement de la fibre.

Pour la première fois, le droit européen fixe un cadre détaillé de la régulation symétrique, cadre qui s’applique à tous les opérateurs placés dans une même situation, sans discrimination. En droit français, la régulation symétrique de la fibre telle qu’elle fonctionne aujourd’hui ne devrait pas être modifiée dans le cadre de la transposition.

Concernant laccès aux réseaux mobiles, l’article 61-4 de la directive pose un cadre qui explicite sous quelles conditions les pouvoirs publics peuvent imposer des obligations de mutualisation des réseaux mobiles. Il faut pour cela qu’un certain nombre de conditions cumulatives et exigeantes soient réunies. Ces conditions sont les suivantes : ces obligations sont strictement nécessaires à la fourniture locale de services qui dépendent du spectre radioélectrique, aucun moyen alternatif viable et comparable d’accès aux utilisateurs finaux n’est mis à la disposition des entreprises à des conditions équitables et raisonnables, elles sont prévues dans l’autorisation initiale, le déploiement dans les conditions de marchés rencontre des obstacles insurmontables et l’accès des utilisateurs finaux aux réseaux ou aux services est gravement déficient. Comme cela a été précisé par le Gouvernement, le « New Deal mobile » n’est pas concerné par ces dispositions car les licences qui fixent les obligations de mutualisation ont été attribuées bien avant l’application prochaine de la directive 2018/1972.

Le cadre asymétrique est enrichi. Ainsi, l’article 76 de la directive permet aux entreprises désignées comme puissantes sur un ou plusieurs marchés pertinents de prendre des engagements d’ouverture de leurs déploiements de réseau en fibre au co-investissement. Une nouvelle procédure d’engagement est également prévue à l’article 79 de la directive. Dans le cadre de la transposition, celle-ci devrait se traduire par une nouvelle procédure d’engagement selon laquelle les opérateurs désignés comme puissants pourront proposer à l’ARCEP des engagements relatifs aux conditions d’accès ou au co-investissement. Ces engagements pourront ensuite être rendus contraignants par l’ARCEP.

e.   Renforcer la coordination et la gestion du spectre radioélectrique en vue du déploiement de la 5G

Le déploiement de la 5G au niveau européen fait l’objet d’une coordination entre les différents États membres, renforcée par la présente directive, dans le but d’en garantir un déploiement rapide.

i.   Les dispositions de la directive

Larticle 54 de la directive prévoit un calendrier coordonné des assignations pour les bandes de fréquences 3,5 gigahertz (Ghz) et 26 Ghz. Ainsi, pour le 31 décembre 2020 au plus tard, les États membres doivent avoir procédé à la réorganisation des blocs de fréquence de la bande 3,5 Ghz et avoir autorisé l’utilisation d’au moins 1 Ghz de la bande 26 Ghz. En France, la procédure d’enchères est fixée au 29 septembre, ce qui devrait permettre à l’ARCEP de délivrer les autorisations d’utilisation de fréquence vers la fin de cette année dans le respect du calendrier fixé par la directive.

La directive poursuit également un objectif de sécurisation des investissements réalisés dans le cadre de ces déploiements. Concernant les services de communications électroniques à haut débit sans fil, l’article 49-2 de la directive fixe ainsi une durée d’attribution des licences d’au moins 15 ans pour le spectre harmonisé. L’article 49 de la directive garantit une prévisibilité de la réglementation de 20 ans minimum. Sur une base volontaire, un mécanisme d’échange de bonnes pratiques entre États membres peut être mis en place, via l’organisation de l’examen des procédures d’attribution des fréquences d’un État membre par les autres États membres.

Des règles particulières sont prévues pour ce qui concerne les petites cellules smart cells »), dans lobjectif de favoriser le développement de la 5G. En effet, le développement de la 5G devrait s’appuyer dans les années à venir sur le déploiement de petites antennes, appelées point d’accès sans fil à portée limitée. L’article 57 de la directive prévoit un certain nombre de règles afin de ne pas freiner le développement de ces cellules.

Larticle 57 (premier paragraphe) prévoit que les autorités compétentes ne subordonnent pas le déploiement de points daccès sans fil à portée limitée à un permis durbanisme individuel ou à dautres autorisations individuelles antérieures. Des dérogations sont possibles pour les cas où le déploiement des points d’accès sans fil à portée limitée s’effectue sur des bâtiments ou dans des sites présentant une valeur architecturale historique ou naturelle faisant l’objet d’une protection spécifique, ou encore pour des raisons de sûreté publique.

Larticle 57 (quatrième paragraphe) prévoit également que les États membres veillent à ce que les opérateurs aient le droit daccéder à toute infrastructure physique contrôlée par les pouvoirs publics nationaux, régionaux ou locaux, y compris le mobilier urbain (poteaux d’éclairage, feux de signalisation, etc.). Les pouvoirs publics doivent satisfaire à toutes les demandes raisonnables d’accès à des conditions équitables, raisonnables, transparentes et non discriminatoires, rendues publiques à un point d’information unique.

Comme prévu dans la directive, les petites cellules ont été définies par un acte d’exécution de la Commission du 30 juin 2020. On note en particulier que selon cet acte, une petite cellule est une installation radioélectrique qui a une puissance pouvant aller jusqu’à 10 watts.

ii.   Les mesures de transposition envisagées

En vue de transposer ces dispositions en droit interne, des modifications sont prévues afin d’introduire à l’article L. 32 du CPCE les définitions de gestionnaire d’infrastructure d’accueil des points d’accès sans fil à portée limitée, des infrastructures d’accueil des points d’accès sans fil à portée limitée et des points d’accès sans fil à portée limitée.

Une procédure simplifiée devrait être mise en place par un nouvel article L. 34-8-2-3 du CPCE. Selon l’avant-projet d’ordonnance, cet article prévoit ainsi que, sans préjudice du droit de propriété des tiers, les gestionnaires dinfrastructure daccueil des points daccès sans fil à portée limitée font droit aux demandes raisonnables daccès à leurs infrastructures émanant d’un exploitant du réseau ouvert au public à très haut débit, y compris lorsqu’il est établi dans un autre État membre ou dans un autre État partie à l’accord sur l’espace économique européen (EEE), en vue de l’installation d’accès sans fil à portée limitée. La demande daccès ne peut être refusée que sous certains motifs tels que : la capacité technique des infrastructures d’accueil ou la sécurité des personnes, l’intégrité et la sécurité des infrastructures d’accueil, ou enfin les obligations issues de réglementations particulières applicables au gestionnaire d’infrastructure d’accueil. Un décret en Conseil d’État devra préciser les modalités d’application de ces nouvelles dispositions.

Une modification de larticle L. 43 du CPCE, qui porte sur les missions et le périmètre de contrôle de lAgence nationale des fréquences (ANFR) est également prévue, afin dindiquer que lavis ou le contrôle de lANFR nest pas requis pour ce qui concerne les points laccès sans fil à portée limitée. Cela correspond aux exigences fixées au premier paragraphe de l’article 57 de la directive. Actuellement, l’ANFR est amenée à donner son accord ou son avis sur l’ensemble des demandes formulées par les émetteurs d’une puissance de plus de 5 watts.

L’article L. 34-9-1 du CPCE, issu de la loi n° 2015-136 du 9 février 2015, dite loi « Abeille », prévoit que : « toute personne souhaitant exploiter, sur le territoire dune commune, une ou plusieurs installations radioélectriques soumises à accord ou à avis de lAgence nationale des fréquences en informe par écrit le maire ou le président de lintercommunalité dès la phase de recherche et lui transmet un dossier dinformation deux mois avant le dépôt de la demande dautorisation durbanisme ou de la déclaration préalable ». Les « smart cells » n’étant plus soumises à l’autorisation préalable dans le cadre de la transposition de la directive, la question de savoir quelles seront les modalités d’information des maires se pose. Cette interrogation a fait lobjet de certaines inquiétudes qui ont été relayées par des associations délus à votre rapporteure. Celles-ci devraient toutefois se tarir face aux garanties que le Gouvernement entend apporter dans lordonnance de transposition. En effet, la rédaction envisagée par le Gouvernement prévoit désormais de soumettre les points daccès sans fil à portée limitée à lobligation de transmission dun dossier dinformation au maire au-dessus dun certain seuil. Ce seuil sera de 5 watts, ce qui permettra de soumettre toutes les installations radioélectriques (petites cellules ou non) au-dessus de ce seuil à un dossier dinformation au maire et den rester donc au droit existant sur ce point.

Concernant les modalités d’information de l’ANFR, une modification devrait être portée à l’arrêté du 17 décembre 2007. Il s’agit d’y confirmer, conformément à la directive, l’exemption d’avis ou d’accord de l’ANFR préalable dont font l’objet les points d’accès sans fil à portée limitée et d’y inscrire en contrepartie l’obligation d’information de l’ANFR de toute installation de points d’accès sans fil à portée limitée dans les mêmes conditions que ce que prévoit d’ores et déjà ledit arrêté pour les stations installations radioélectriques d’une puissance comprise entre 1 et 5 watts.

Par ailleurs, comme cela a été précisé à votre rapporteure par le Gouvernement, le régime de domanialité publique n’est pas modifié, les petites cellules seront toujours soumises le cas échéant à un titre d’occupation et d’utilisation du domaine public ainsi qu’à la redevance associée. Le Gouvernement estime qu’il n’est pas obligé de par la directive de supprimer ce type d’autorisations ou de redevances.

f.   Modifications concernant la numérotation

Des évolutions sont apportées en matière d’encadrement de l’attribution des ressources de numérotation dans l’objectif d’accompagner le développement de l’internet des objets. Ainsi, conformément aux dispositions de l’article 93 de la directive, des modifications sont prévues afin que l’ARCEP puisse attribuer directement des ressources de numérotation à des personnes morales autres que les opérateurs, en vue de fournir des services spécifiques. Toujours en lien avec la transposition de l’article 93, des modifications sont également apportées afin d’ouvrir la possibilité de saisines réciproques entre autorités compétentes en matière de numérotation sur l’utilisation des ressources en numérotation.

g.   Renforcer la protection des droits des consommateurs et des utilisateurs finaux

Les informations à destination des consommateurs sont rehaussées. L’article 102 de la directive impose aux fournisseurs de mettre en place un récapitulatif contractuel, qui doit notamment permettre au consommateur de comparer les offres proposées par les différents fournisseurs. En vertu de l’article 107 de la directive, l’information relative aux offres groupées devraient être améliorée. Des mesures de transparence sont ajoutées, elles obligent le fournisseur d’offres comprenant à la fois un service de communications électroniques et un terminal à indiquer le prix de chaque élément, dans le cas où il commercialise également séparément le terminal. L’article 106.9 prévoit un nouveau mécanisme d’indemnisation des consommateurs lorsque le fournisseur manque à ses obligations en termes de portage, ou lorsqu’il ne se présente pas à un rendez-vous de service et d’installation.

De nouvelles dispositions sont également prévues pour éviter les dépassements tarifaires trop importants. Un article oblige les opérateurs à informer le consommateur avant que ne soit atteint un plafond prévu dans le plan tarifaire et lorsqu’un service est entièrement consommé. La directive autorise également les États membres à prendre des mesures pour éviter les « chocs de facturation » en activant par défaut une option permettant de bloquer temporairement l’accès à des numéros surtaxés en cas de dépassement d’un plafond financier ou d’une limite de volume.

L’article 105 renforce les règles applicables relatives aux conditions et procédures de résiliation de contrats afin que ceux-ci ne s’accompagnent pas de facteurs dissuasifs. La directive prévoit une durée d’engagement maximale de 24 mois, ce qui correspond déjà aux dispositions figurant en droit national.

Enfin, les services de communication électronique non fondés sur la numérotation devraient désormais être soumis à un certain nombre de règles communes à celles des opérateurs télécoms en matière de droit de la consommation.

L’ensemble de ces évolutions implique dans le cadre de la transposition plusieurs modifications au sein de la section 3 « Contrats de services de communications électroniques » du chapitre IV du titre II du livre II du code de la consommation.

h.   Les obligations de service universel

Les obligations de service universel sont rehaussées dans le cadre de la directive. Ces dispositions sont transposées directement à l’article 27 du texte et sont donc explicitées dans le commentaire d’article correspondant.

B.   Le rÈglement (UE) n° 2018/644 du Parlement europÉen et du Conseil du 18 avril 2018 RELATIF AUX services de livraison transfrontiÈre de colis

Le règlement (UE) n° 2018/644 relatif aux services de livraison transfrontalière de colis fait partie de la stratégie européenne pour le numérique et constitue l’un des piliers du troisième paquet « connectivité ». Il prévoit de nouvelles mesures afin de renforcer la transparence des pratiques des services de livraisons transfrontalières entre États membres de lUnion européenne, dans un contexte où les prix élevés relatifs à ces services sont identifiés comme un frein à la bonne réalisation du marché intérieur et au développement du commerce en ligne.

Dans cet objectif, le règlement instaure de nouveaux outils pour assurer la transparence de l’offre à destination des utilisateurs (particuliers et entreprises). Les autorités nationales de régulation – en France, lARCEP – se voient investies de nouvelles missions, à savoir :

– la collecte d’informations auprès des opérateurs de colis, s’ils emploient plus de 50 salariés ou s’ils sont présents dans plus d’un État membre, pour permettre leur identification, la connaissance de leurs offres et le suivi de l’activité sur le marché. (article 4 du règlement) ;

– la collecte annuelle des tarifs publics des principales prestations permettant la livraison de colis à l’unité. Ces informations doivent ensuite être transmises par les autorités nationales à la Commission européenne qui les publie sur un site internet dédié (article 5 du règlement) ;

– l’évaluation du caractère raisonnable des tarifs des envois de colis transfrontières relevant du service universel (article 6 du règlement).

Si le règlement est dapplication directe et ne nécessite donc pas de mesures de transposition, il renvoie toutefois aux États membres le soin de déterminer le régime des sanctions applicables aux violations de ses dispositions et de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la mise en œuvre de ces sanctions (article 8 § 1). Les dispositions législatives adoptées en matière de sanctions aux violations du règlement devaient être transmises à la Commission européenne au plus tard le 23 novembre 2019 (article 8 § 2). Ce délai n’a pas été respecté par la France puisqu’à ce jour, ces dispositions n’ont pas été adoptées.

II.   Les dispositions adoptÉes au sÉnat

L’article 26 résulte de l’adoption en séance publique au Sénat d’un amendement du Gouvernement, ayant fait l’objet de trois sous-amendements du rapporteur de la commission des affaires économiques du Sénat. 

A.   habilitation et mesure de coordination juridique

Le I de larticle 26 du présent projet de loi autorise le Gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai d’habilitation de 12 mois deux séries de mesures.

En premier lieu, il sagit des mesures de transposition du code des communications électroniques européen. Un sous-amendement du rapporteur du Sénat précise que ces mesures de transposition ne devront pas porter atteinte aux pouvoirs d’information et de décision du maire en cas d’implantation d’une nouvelle infrastructure de téléphonie mobile. Ce sous-amendement vise plus particulièrement à garantir la bonne information du maire en cas d’implantation de « smart cells », comme détaillé plus haut.

En deuxième lieu, il sagit dun certain nombre de dispositions de simplification du CPCE et de renforcement du rôle de lARCEP. Le champ d’habilitation a été précisé par un sous-amendement du rapporteur du Sénat, les mesures que le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance sont celles visant à :

– permettre la présence d’un officier de police judiciaire dans les visites et saisies effectuées par les agents habilités de l’ARCEP. Il s’agit là de renforcer l’efficacité du pouvoir d’enquête de l’ARCEP, prévu par l’article L. 32‑5 du CPCE, sur le modèle de ce qui est prévu pour d’autres autorités administratives indépendantes, comme l’Autorité de la concurrence notamment ;

– prévoir le contrôle par un organisme indépendant des engagements pris par les opérateurs en matière d’aménagement et de couverture des zones peu denses, tels qu’ils sont prévus à l’article L. 33-13 du CPCE. Il s’agit là de combler le vide juridique actuel. En effet, une telle procédure de contrôle aux frais des opérateurs par un organisme indépendant existe déjà, au titre de l’article L. 33-12 du CPCE, pour les obligations en matière de qualité de service et de couverture, telles que fixées en application des dispositions limitativement énumérées à cet article. Mais à ce jour, rien n’est expressément prévu pour un contrôle, aux frais des opérateurs, du respect des engagements pris au titre de l’article L. 33-13 ;

– confier à l’ARCEP la mission d’évaluer le coût net de la mission de service public de transport et de distribution de la presse par voie postale dont est chargé le prestataire de service universel du service postal. Le 24 janvier 2019, la Commission européenne a rendu une décision favorable concernant la notification des compensations que les autorités françaises souhaitent accorder pour la période 2018-2022 au titre de la réalisation par La Poste de sa mission de transport et de distribution de la presse par voie postale. Cette décision a été prise notamment compte tenu du fait que l’absence de surcompensation de La Poste serait garantie par la mise en œuvre d’un mécanisme d’évaluation des coûts nets de la mission de presse, tel que décrit dans le contrat d’entreprise signé entre l’État et La Poste pour la période 2018-2022. L’ARCEP a été saisie par le Gouvernement ce sens et a fait état de son analyse dans son avis n° 2019-1862 en date du 17 décembre 2019. L’objectif est d’inscrire cette compétence dans le CPCE afin de renforcer la solidité juridique du dispositif ;

– dématérialiser la procédure d’attribution par l’ARCEP de ressources en numérotation ou d’autorisation d’utilisation de fréquences afin de simplifier le processus administratif pour l’ARCEP et les professionnels ;

– supprimer le critère de la date de la sanction pour déterminer la composition de la formation restreinte de l’ARCEP compétente en matière de sanctions pour éviter des difficultés d’interprétation et de procédures ;

–  apporter des mesures de clarification et de coordination dans le CPCE.

Le II de larticle 26 apporte une modification de coordination juridique à l’article L. 36-11 du CPCE afin de mettre à jour la référence du règlement 2015/2120 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 établissant des mesures relatives à l’accès à un internet ouvert et aux prix de détail pour les communications à l’intérieur de l’Union européenne réglementées et modifiant la directive 2002/22/CE et le règlement (UE) n° 531/2012. Il s’agit en effet de tirer les conséquences des modifications apportées audit règlement par le règlement 201/1971 ([147]) concernant les prix de détail pour les communications intérieures.

B.   adaptations au rÈglement europÉen 2018/644 relatif aux services de livraison transfrontiÈre de colis

Le III de larticle 26 prévoit les mesures nécessaires afin d’adapter le droit français aux dispositions prévues dans le cadre du règlement (UE) n° 2018/644 du Parlement européen et du Conseil du 18 avril 2018 relatif aux services de livraison transfrontière de colis. Alors que l’amendement du Gouvernement à l’origine de cet article 26 prévoyait initialement une habilitation, les dispositions ont été inscrites en dur par les sénateurs. Le III prévoit en outre plusieurs autres modifications dans le CPCE.

Le 1° du III modifie l’intitulé du titre Ier, afin d’y faire figurer une référence aux services de livraison de colis. De même, le 2° du III modifie le chapitre II du livre Ier afin que celui s’intitule « La régulation des activités postales et des services de livraison de colis ».

Le 3° du III modifie l’article L. 5-2 du CPCE qui porte sur les missions de l’ARCEP afin d’y ajouter la mise en œuvre des articles 4, 5, et 6 du règlement 2018/644. Il est également précisé que dans ce cadre, les prestataires de services de livraison de colis doivent communiquer à l’ARCEP les informations prévues aux articles 4 et 5 du même règlement.

Le 4° du III apporte les modifications nécessaires afin que l’ARCEP puisse sanctionner les manquements au règlement. Ainsi, l’article L. 5-3 du CPCE qui porte sur le pouvoir de l’ARCEP en matière de régulation des activités postales est complété afin de préciser que l’ARCEP peut prononcer des sanctions à l’égard d’un prestataire de livraison de colis. Il est également indiqué (a du 4°) que le pouvoir de sanction, qui peut, en l’état actuel du droit, s’exercer d’office, ou à la demande du ministre chargé des postes, d’une organisation professionnelle, d’une association agréées d’utilisateurs, d’une personne physique ou morale concernée, du prestataire du service universel postal ou d’un titulaire de l’autorisation prévue au L. 3, pourra également s’exercer à la demande d’un prestataire de livraison de colis. Le b du 4° précise que ce pouvoir de sanctions pourra s’appliquer en cas de manquement aux articles 4, 5 et 6 du règlement.

Le c du 4° du III aligne le régime de sanctions applicables en cas de non‑respect des dispositions du règlement sur celui applicable aux prestataires de service universel et au titulaire de l’autorisation postale. Ainsi, les sanctions encourues peuvent atteindre jusqu’à 5 % du chiffre d’affaires hors taxe du dernier exercice clos, ce plafond étant porté à 10 % en cas de nouvelle infraction. En cas de défaut d’activité antérieure permettant de déterminer ce plafond, le montant de la sanction ne peut excéder 150 000 euros, portés à 375 000 euros en cas de récidive. En cas de refus de coopérer (refus de transmission d’informations, informations inexactes, obstacle au bon déroulement de l’enquête), une sanction pécuniaire de 15 000 euros pourra également être ordonnée.

Le 5° du III apporte les modifications nécessaires à l’article L. 5-9 du CPCE qui porte sur les conditions dans lesquelles l’ARCEP peut exiger des informations auprès du prestataire de service universel et du titulaire de l’autorisation postale afin d’y ajouter les prestataires de services de livraison de colis.

III.   la position de la commission

La commission a adopté l’article 26 modifié de quatre amendements rédactionnels de votre rapporteure (CE92, CE93, CE94 et CE103).

La directive portant code des communications électroniques européen témoigne d’un important effort de codification et prévoit des règles nouvelles pour renforcer la concurrence, stimuler l’investissement privé, encourager le déploiement des réseaux à très haute capacité et mieux protéger les consommateurs. Votre rapporteure se félicite de ces évolutions et considère également que l’amendement de précision voté au Sénat visant à garantir le niveau d’information des maires est bienvenu.

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*     *

Article 27
(articles L. 35, L. 35-1, section 1 : « Fourniture dun service universel des communications électroniques abordables aux utilisateurs finals à faibles revenus ou ayant des besoins sociaux particuliers » [nouvelle], L. 35-2, L. 35-2-1 [abrogé], section 2 : « Disponibilité du service universel des communications électroniques » [nouvelle], L. 35-3, L. 35-4, section 3 : « Financement du service universel des communications électroniques » [nouvelle], section 4 : « Missions dintérêt général et dispositions diverses » [nouvelle], L. 35-5, L. 35-7 et L. 36-7 du code des postes et des communications électroniques)
Transposition des dispositions de la directive portant code des communications électroniques relatives au service universel

Adopté par la commission avec modifications.

 

L’article 27 du présent projet de loi assure la transposition des dispositions de la directive portant code des communications électroniques relatives au service universel. Plusieurs modifications sont ainsi prévues dans le code des postes et des communications électroniques. Celles-ci ont pour principales conséquences d’élargir le périmètre du service universel à l’accès à l’internet haut débit et de renforcer les conditions dans lesquels des obligations de service universel peuvent être imposées.

I.   L’État du droit

A.   le droit europÉen

1.   Le cadre européen avant la directive 2018/1972

Institué au niveau européen et national dans les années 1990 dans le contexte de la libéralisation du secteur des télécommunications, le service universel des communications électroniques est un principe qui vise à concilier l’existence du jeu concurrentiel avec la nécessité de garantir à tous un certain nombre de services considérés comme essentiels. Avec la directive 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative au service universel, le législateur européen est venu préciser les contours de cette notion et renforcer son encadrement. Les dernières modifications à cette directive ont été apportées par la directive 2009/136/CE du 25 novembre 2009.

L’article 1er de la directive de 2002 définit le service universel comme un « ensemble minimal des services dune qualité spécifiée accessible à tous les utilisateurs finals, à un prix abordable compte tenu des conditions nationales spécifiques, sans distorsion de concurrence ». L’article 3 confie aux États membres le soin de veiller à ce que ces services « soient mis à la disposition de tous les utilisateurs finals sur leur territoire, indépendamment de leur position géographique, au niveau de qualité spécifié et, compte tenu de circonstances nationales particulières, à un prix abordable ». Le législateur européen a également déterminé les principales composantes du service universel. Selon le cadre posé par la directive 2002/22, celles-ci sont au nombre de trois :

 laccès à la téléphonie fixe ainsi quà un débit « suffisant pour permettre un accès fonctionnel à internet », Sur ce dernier point, il convient également de relever que les modifications apportées en 2009 autorisent les États membres à étendre les obligations de service universel sur le haut débit. Cette option n’a pas été retenue par la France ;

 un service de renseignement ainsi que laccès à un annuaire ;

 un service de publiphonie (cabines téléphoniques).

La directive impose également aux États membres de prendre les mesures adéquates pour garantir l’accès au service universel aux personnes handicapées.

S’ils l’estiment nécessaire, les États membres peuvent donc désigner des entreprises pour assurer la fourniture des services précédemment énumérés. Comme le relevait notamment le rapport établi par le sénateur Pierre Camani et le député Fabrice Verdier rendu au Gouvernement en 2014, « en pratique, les États membres ne désignent pas tous des prestataires pour fournir lensemble des composantes du service universel, et certains ont même assoupli les obligations relatives à la fourniture de certaines prestations, estimant que le service en cause ou un service équivalent est déjà disponible sur lintégralité du territoire à un prix abordable ([148]).

Lorsqu’ils font le choix de désigner une ou plusieurs entreprises pour assurer la fourniture d’une ou de plusieurs composantes du service universel, les États membres doivent passer par une procédure ouverte dappel à candidatures ou de mise aux enchères. Depuis 2009 et dans l’objectif de promouvoir la concurrence, les États membres doivent distinguer dans les appels d’offres pour la fourniture de l’accès à la téléphonie fixe le service téléphonique du raccordement au réseau.

Concernant le financement du service universel, la directive confie aux autorités de régulation nationales le soin de définir les charges et contributions afférentes. Les obligations de service universel conduisent en effet à faire peser une charge financière sur l’opérateur désigné. La directive européenne laisse aux États membres le choix entre plusieurs modalités de financement : l’indemnisation de l’opérateur par des fonds publics par les pouvoirs publics et/ou un financement via des contributions versées par les autres opérateurs du secteur, selon le principe dit du « play or pay » : les opérateurs doivent soit participer directement à la fourniture du service universel, soit contribuer à son financement. Dans le cas où l’option du « play or pay » est retenue – ce qui est le cas de la France – les États membres doivent constituer un fonds spécifique dont les modalités de fonctionnement sont encadrées.

Le financement du service universel nécessite de calculer le coût net supporté par l’entreprise désignée pour assurer le service universel. Les modalités de calcul de ce coût sont précisées dans la directive, qui confie aux autorités de régulation nationale le soin de procéder à ce calcul. Ces modalités doivent être rendues publiques, de même que, le cas échéant, le mécanisme de répartition afférent.

2.   La directive 2018/1972

Dans un objectif de codification et d’amélioration du droit existant, le titre Ier de la partie III de la directive (UE) 2018/1972 portant code européen des communications électroniques reprend la plupart des dispositions figurant initialement dans la directive « service universel », cette dernière étant par conséquent abrogée.

Les principales modifications apportées concernent le périmètre du service universel. Ainsi, l’article 84 de la directive 2018/1972 prévoit que les États doivent veiller à ce que tous les consommateurs aient à accès à un tarif abordable à un service daccès adéquat à linternet à haut débit et à des services de communication vocale. Le périmètre du service universel est donc modifié à deux égards :

 en premier lieu, celui-ci comporte désormais une composante relative à linternet haut débit. Tous les consommateurs devront avoir accès à un service d’accès adéquat à l’internet à haut débit et à un service de communications vocales en position déterminée. Ce service devra être abordable, y compris pour les personnes à faibles revenus ou ayant des besoins sociaux particuliers. Le deuxième paragraphe de l’article 84 de la directive laisse une marge de manœuvre aux États membres afin que ces derniers puissent étendre les obligations de service universel sur le mobile. Comme en dispose le troisième paragraphe de l’article 84, les États membres sont en charge de définir le service d’accès adéquat à l’internet haut débit. Celui-ci doit être capable de fournir le débit nécessaire pour prendre en charge au moins l’ensemble minimal des services énoncés à l’annexe V à la directive, qui fait notamment référence à l’accès à une messagerie électronique, aux moteurs de recherche, au service de recherche d’emploi, à une banque en ligne, aux appels vocaux et vidéo ;

 en second lieu, lannuaire et le service de renseignement ne sont plus explicitement mentionnés comme composantes du service universel.

La rédaction retenue dans la directive 2018/1972 distingue les règles relatives à l’abordabilité du service universel (article 85) de celles relatives à la disponibilité (article 86).

Sur la question de labordabilité, l’article 85 de la directive prévoit que lorsque les États membres établissent que les tarifs de détail ne sont pas abordables parce que les consommateurs ayant de faibles revenus ou des besoins sociaux particuliers sont empêchés d’accéder à ces services, des mesures doivent être prises pour garantir l’accès au service universel à ces catégories de consommateur. Ainsi, les États membres doivent surveiller le niveau et l’évolution des tarifs de détail des services disponibles sur le marché, notamment au regard des prix et des revenus nationaux. À cet effet, les États membres peuvent veiller à ce qu’une aide soit apportée aux consommateurs concernés, ou peuvent exiger des fournisseurs qu’ils offrent des options ou formules tarifaires adéquates. Le texte prévoit également qui dans des circonstances exceptionnelles, en particulier lorsque l’imposition d’obligations à l’ensemble des fournisseurs entraînerait une charge administrative ou financière excessive avérée pour les fournisseurs ou l’État membre, ce dernier peut décider d’imposer uniquement à des entreprises désignées l’obligation d’offrir ces options ou formules tarifaires spécifiques. En résumé, par rapport à la directive « service universel, deux changements principaux sont apportés :

– les activités pouvant faire l’objet d’avantages accordés aux utilisateurs à faibles revenus ou à besoins sociaux spécifiques concernent l’accès à internet à débit adéquat et non pas la seule ligne téléphonique ;

– sauf circonstances exceptionnelles ces avantages doivent être accordés par tous les opérateurs et non pas par le ou les opérateurs désignés.

Sur la disponibilité, l’article 86 prévoit que, lorsqu’il est établi que l’accès en position déterminée à internet haut débit ainsi qu’à un service de communication vocale ne peut être assuré dans des conditions normales d’exploitation commerciale ou par d’autres instruments de politiques publiques, l’État peut imposer des obligations de service universel. La désignation des opérateurs en charge d’assurer le service universel, sur tout ou partie du territoire national, est désormais subordonnée à une double condition : la constatation d’une défaillance de marché, comme c’est le cas actuellement, mais aussi la constatation de l’inefficacité des autres instruments de politique publique déjà mis en œuvre.

L’essentiel des autres dispositions posées par la directive 2002/22, concernant les dispositions visant les personnes handicapées et les procédures de désignation et de financement du service universel, sont reprises par la directive 2018/1972 ([149]).

B.   le droit national

1.   La définition et le périmètre

En droit français, le service universel des communications électroniques est l’un des piliers des obligations de service public en matière de communications électroniques. La définition française du service universel des communications électroniques a été introduite à l’occasion de la loi n° 96-659 du 26 juillet 1996 de réglementation des télécommunications. Fixée à l’article L. 35-1 du code des postes et des communications électroniques (CPCE), sa rédaction actuelle assure une fidèle transposition de la directive « service universel ». Ainsi, en l’état actuel du droit, en vertu de l’article L. 35-1 du CPCE, le service universel recouvre :

 un raccordement à un réseau fixe ouvert au public et un service téléphonique de qualité à un prix abordable. Ce raccordement doit permettre l’acheminement des communications téléphoniques et par télécopie, ainsi que l’acheminement gratuit des appels d’urgence. Ce raccordement doit également permettre l’acheminement de données à des débits suffisants pour permettre l’accès à internet. Le cadre législatif actuel prévoit également le maintien, pendant une année, en cas de défaut de paiement, d’un service restreint comportant la possibilité de recevoir des appels ainsi que d’acheminer des appels aux services gratuits ou aux services d’urgence (1° de l’article L. 35-1) ;

 un service de renseignements et un annuaire dabonnés, sous forme imprimée ou électronique, la possibilité d’un annuaire sous forme électronique ayant été apportée à l’occasion de l’article 129 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite loi « Macron » (2° de l’article L. 35-1) ;

 des mesures particulières en faveur des utilisateurs finaux handicapés afin de leur assurer un accès équivalent au service universel ainsi que leur caractère abordable (3° de l’article L. 35-1).

Avant 2015, le service universel des communications électroniques mentionnait également l’accès aux cabines téléphoniques mais cette obligation a été supprimée par l’article 129 de la loi « Macron ».

2.   Désignation et financement

Historiquement, France Télécom était désigné par la loi comme opérateur chargé d’assurer la composante du service universel relative à l’accès à la téléphonie fixe ainsi qu’à un débit suffisant. Ce fonctionnement n’étant plus conforme aux évolutions portées par la directive de 2002, la loi n° 2003-1365 du 31 décembre 2003 relative aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom a fait évoluer le droit français afin d’assurer sa conformité avec le droit européen. Les opérateurs en charge d’assurer les obligations de service universel sont désignés à l’issue d’une procédure d’appel à candidatures, fixée à l’article L. 35‑2 du CPCE. En cas d’appel à candidatures infructueux, l’opérateur peut être désigné par le ministre, dans un objectif de continuité du service universel. Un cahier des charges prévoit l’ensemble des prestations qu’est tenu de fournir le prestataire. Le prestataire du service universel est soumis à une obligation de qualité de service, conformément à l’article L. 35-1 du CPCE.

Comme le précise l’article L. 36-7 du CPCE, l’ARCEP contrôle le respect par les opérateurs désignés de leurs obligations et peut sanctionner d’éventuels manquements. L’ARCEP assure un contrôle préalable des tarifs pratiqués par l’opérateur. Elle peut imposer un encadrement tarifaire pluriannuel, ce qu’elle a déjà fait à plusieurs reprises. L’article L. 35-2-1 prévoit une procédure d’information à destination de l’ARCEP lorsqu’un l’opérateur chargé de fournir le service universel envisage de céder une partie substantielle ou la totalité de ses actifs de réseau d’accès local à une entité juridique distincte. En fonction des effets de cette cession et après avis de l’ARCEP, le ministre peut adapter les obligations de service universel, prévoir un nouveau cahier des charges et / ou procéder à un nouvel appel à candidature.

Les appels à candidature ont lieu tous les trois ans. La société Orange a été systématiquement désignée depuis la mise en place de cette procédure. Le prochain appel à candidature devrait avoir lieu, le cas échéant, en décembre 2020.

Les modalités de financement du service universel sont prévues à l’article L. 35-3 du CPCE. Pour ce faire, et conformément au droit européen, l’ARCEP détermine, selon des modalités rendues publiques, le coût net imputable aux obligations de service universel. Selon l’article L. 35-3 du CPCE, « lévaluation de ces coûts nets prend en compte lavantage sur le marché que les opérateurs soumis à des obligations de service universel retirent, le cas échéant, de ces obligations ».  Pour assurer la prise en charge de ce coût, un fonds de service universel a été mis en place. Ce fonds est alimenté par les autres opérateurs, au prorata de leur chiffre d’affaires réalisé au titre des services de communications électroniques. Les opérateurs dont le chiffre d’affaires est inférieur à 5 millions d’euros sont exemptés de contribution.  L’ARCEP établit les montants des contributions des opérateurs au financement des obligations de service universel et assure la surveillance des mécanismes de ce financement. Ce fonds est placé auprès de la Caisse des dépôts et consignations.

En outre, la fourniture de services de renseignements prévue au 2° de l’article L. 35-1 du CPCE est précisée à l’article L. 35-4 du même code. Cette composante du service universel ne fait cependant plus l’objet d’une procédure d’attribution depuis 2012, l’abondance des offres commerciales étant considérée comme suffisante.

II.   les dispositions adoptÉes au sÉnat

L’article 27 du présent projet de loi résulte de l’adoption d’un amendement du Gouvernement en séance publique au Sénat, adopté avec avis favorable du rapporteur. Cet amendement a pour objet d’inscrire « en clair » la transposition des dispositions de la directive européenne portant code européen des télécoms relatives au service universel des communications électroniques.

Le 1° de larticle 27 procède à une coordination juridique qui tire les conséquences de plusieurs modifications apportées par le présent article. Il s’agit de prendre acte des modifications prévues par le reste de l’article en mettant à jour les références faites à l’article L. 35 du CPCE, qui énumère les obligations de service public liées aux télécommunications.

A.   une nouvelle dÉfinItion du service universel qui inclut le haut dÉbit (article L. 35-1 du CPCE)

Le 2° de larticle 27 propose une nouvelle rédaction de l’article L. 35-1 du CPCE. Alors que la rédaction actuelle de l’article L. 35-1 fait simplement mention de l’accès à un débit suffisant, la nouvelle rédaction inclut l’accès à internet haut débit dans le périmètre du service universel. Le texte prévoit ainsi que tout utilisateur final peut avoir accès, en position déterminée ([150]), à un tarif abordable à un service d’accès adéquat à l’internet haut débit ainsi qu’à un service de communication vocale. Il est précisé que cet accès comprend le raccordement nécessaire. Comme cela est déjà prévu dans la version actuelle de l’article L. 35-1 du CPCE, la rédaction proposée dispose que le service universel fournit des mesures particulières pour les personnes handicapées afin d’assurer à ces dernières un accès à internet haut débit et à un service de communication vocale à des tarifs abordables.

Concernant la définition du haut débit, le Gouvernement a indiqué à votre rapporteure qu’il souhaitait définir le service universel d’accès adéquat à l’internet haut débit comme un service d’accès à internet permettant un débit descendant d’au moins 8 Mbits (soit la définition posée dans le cadre du plan France très haut débit). Cela sera précisé par un arrêté du ministre chargé des communications électroniques.

En outre, il convient de relever que les dispositions de l’article 35-1 du CPCE visant à permettre un accès restreint aux communications électroniques en cas de défaut de paiement ne figurent plus dans la nouvelle rédaction proposée. Comme précisé par le Gouvernent, il s’agit là de supprimer une redondance avec les dispositions figurant à l’article L. 115-3 du code de l’action sociale et des familles en matière de droit au maintien à la connexion internet. En outre, en cohérence avec les évolutions du droit européen, l’accès à un service de renseignement et à un annuaire d’abonné disparaît également du périmètre du service universel.

Par ailleurs, la rédaction retenue n’exploite pas la possibilité ouverte par la directive d’étendre les obligations de service universel au mobile. Sur ce point, il semble en effet que le Gouvernement dispose déjà des leviers nécessaires pour fixer aux opérateurs des objectifs ambitieux qui se traduisent aujourd’hui dans le cadre du « New Deal mobile ». Par ailleurs, le fonctionnement concurrentiel de ce marché permet de garantir des abonnements très bon marché.

Enfin, la rédaction proposée renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de préciser les modalités d’application de ces dispositions.

B.   l’abordabilitÉ (article 35-2 du cpce)

Le 3° de larticle 27 place l’article L. 35-2 dans une nouvelle section du CPCE intitulée « Fourniture d’un service universel des communications électroniques abordable aux utilisateurs finals à faibles revenus ou ayant des besoins sociaux particuliers ».

Le 4° de larticle 27 procède à une réécriture de l’article L. 35-2 du CPCE, qui porte actuellement sur la procédure de désignation de l’opérateur en charge d’assurer le service universel ([151]). La nouvelle rédaction proposée transpose les dispositions de l’article 85 de la directive 2018/1972 relatives à l’abordabilité. Ainsi, l’article prévoit que le ministre peut exiger des opérateurs qu’ils offrent des options, formules ou réduction tarifaires afin de garantir un service universel abordable. Ces obligations devront être ordonnées lorsque le ministre constate que le fonctionnement du marché ne permet pas de garantir aux utilisateurs finals disposant de faibles revenus ou ayant des besoins sociaux particuliers d’avoir accès au service universel à un tarif abordable. À titre exceptionnel, le ministre peut exiger que ces obligations ne reposent que sur certains opérateurs désignés par appel à candidatures. En cas d’appel à candidatures infructueux, le ministre peut procéder à une désignation. Le ministre peut aussi exclure les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à un certain seuil des obligations visant à assurer un service universel abordable. Un décret en Conseil d’État doit venir préciser les modalités d’application de ces dispositions. L’exposé sommaire de l’amendement du Gouvernement précise qu’un tel mécanisme serait financé par les opérateurs dans le cadre du fonds de service universel déjà actif pour financer des prestations de service universel existantes.

Comme indiqué par le Gouvernent, ces dispositions pourraient conduire à instaurer un tarif social du haut débit. Avant la mise en place de ce tarif social, une surveillance du niveau et de l’évolution des tarifs de détail des services disponibles sur le marché, notamment au regard des prix et des revenus nationaux, doit être réalisée par les autorités de régulation nationales. L’ARCEP a été saisie en ce sens en juin dernier. Cette analyse permettra d’orienter le Gouvernement dans l’élaboration du cadre national (nature et montant du dispositif) du futur service universel. S’il est en effet établi que les prix de détail de ces services ne sont pas abordables pour les consommateurs à faibles revenus ou à besoins sociaux particuliers, l’État a la possibilité de prendre les mesures appropriées pour y remédier et pourra notamment établir un dispositif de tarif social.

Par ailleurs, le 5° de larticle 27 abroge larticle L. 35-2-1, relatif aux règles applicables en cas de cession effectuée par l’entreprise désignée pour assurer le service universel. Il s’agit là d’une simple coordination juridique puisque ces dispositions sont reprises dans un nouvel article L. 34-1, au 7° du présent article 27.

C.   disponibilitÉ du service universel (L. 35-3 et L. 35-4 du CPCE)

Le 6° de l’article 27 introduit une nouvelle section dans le CPCE intitulée « Disponibilité du service universel des communications électroniques », composée des articles L. 35-3 ([152]) et L. 35-4 qui sont entièrement réécrits par le 7° de larticle 27.

L’article L. 35-3 transpose les dispositions prévues à l’article 85 de la directive, en des termes très proches. Il reprend et complète la procédure aujourd’hui prévue à l’article L. 35-2 du CPCE. Ainsi, comme le prévoit aujourd’hui l’article L. 35-2 du CPCE, il est prévu que le ministre puisse imposer des obligations de service universel. Ces obligations peuvent passer par une procédure de désignation d’une ou plusieurs entreprises en charge d’assurer ce service universel. Afin d’assurer la conformité à l’article 85 de la directive, la rédaction proposée comporte quelques ajouts par rapport à la rédaction actuelle de l’article L. 35-2. En particulier, les conditions à partir desquelles de telles obligations peuvent être imposées sont renforcées. Il est précisé que le constat d’insuffisance du jeu du marché devra se fonder, d’une part, sur le relevé géographique mentionné à l’article 22 de la directive 2018/1972 et, d’autre part, sur l’insuffisance des initiatives privées et des mécanismes d’intervention publique. Le texte indique également que cette désignation peut avoir lieu sur tout ou partie du territoire national. Le contenu du cahier des charges est précisé : il doit comprendre des obligations de qualité de service, des obligations tarifaires et peut imposer des obligations de péréquation géographique. Enfin, un décret en Conseil d’État doit préciser les modalités d’application de ces dispositions.

Ainsi, outre le critère traditionnel de carence du marché, la désignation est aussi désormais conditionnée à l’impossibilité de résoudre cette carence par d’autres instruments de politique publique, comme les aides d’État par exemple. Dans ce cadre, l’ARCEP a été saisie par courrier du ministre chargé des communications électroniques en juin dernier afin d’avoir son analyse sur la question de la disponibilité sur l’ensemble du territoire national, à compter du 1er janvier 2021, du service d’accès adéquat à l’internet haut débit. Cette analyse préalable de l’ARCEP est indispensable afin de permettre au Gouvernement, en cas de difficulté anticipée soulevée, d’apporter une réponse appropriée.

Interrogé par votre rapporteure sur l’articulation de ces nouvelles dispositions avec le plan France très haut débit, le Gouvernement a indiqué que le cadre juridique ainsi mis en place ne le remet pas en cause ; il permet au contraire de les formaliser. Pour mémoire, dans le cadre du Plan France très haut débit, le Gouvernement a fixé des objectifs d’une part de garantir d’ici 2020 un accès au bon haut débit (a minima 8 mégabits par seconde) partout sur le territoire et d’autre part de doter d’ici 2022 l’ensemble des territoires d’infrastructures numérique de pointe en offrant, partout, un accès au très haut débit (supérieur à 30 mégabits par seconde).

Le 7° propose également une nouvelle rédaction de l’article L. 35-4 du CPCE qui reprend sans modification de fond les dispositions figurant en l’état actuel du droit à l’article L. 35-2-1 sur les règles applicables en cas de cession. Il faut relever qu’en conséquence, les dispositions actuelles de l’article L. 35-4 relatives au service de renseignement et à l’annuaire disparaissent du droit.

D.   financement du service universel et mesures de coordination

Le 8° de larticle 27 introduit une nouvelle section 3 intitulée « Financement du service universel des communications électroniques », qui comporte l’article L. 35-5. La nouvelle rédaction de l’article L. 35-5 prévue au reprend les dispositions relatives au coût universel qui figurent en l’état actuel du droit à l’article L. 35-3 du code, sans y apporter de modifications de fond.

Les dispositions actuelles de l’article L. 35-5 relatives aux services complémentaires sont par conséquent supprimées. Interrogé sur les raisons de cette suppression, le Gouvernement a indiqué qu’elle résultait de remarques formulées par les opérateurs Free et Orange dans le cadre de la consultation sur les projets d’ordonnance de transposition.

Le 10° de larticle 27 introduit une nouvelle section 4 intitulée « Mission d’intérêt général et dispositions diverses » comprenant les articles L. 35-6 et L. 35‑7. L’article L. 35-6, qui porte sur les prescriptions exigées par la défense et la sécurité publique ainsi que sur l’enseignement supérieur et la recherche en matière de communications électroniques, n’est pas modifié. Le a du 11° apporte une modification de coordination juridique à l’article L. 35-7 du CPCE. Le b et le c du 11° correspondent à des modifications d’ordre rédactionnel.

Enfin, le 12° de larticle 27 modifie l’article L. 36-7 qui porte sur les missions de l’ARCEP. La modification vise à confier à l’ARCEP la mission de surveiller le niveau et l’évolution des prix de détail des services universels par rapport au niveau général des prix et aux revenus des consommateurs. Un rapport doit être remis tous les trois ans au ministre chargé des communications électroniques sur ce sujet.

III.   la position de la commission

La commission a adopté l’article 27 modifié par quatre amendements rédactionnels de votre rapporteure (CE96, CE97, CE98 et CE99), deux amendements de M. Éric Bothorel (LaREM), cosignés par votre rapporteure (CE73 et CE74) ainsi que par un amendement du Gouvernement (CE69).

Les deux amendements présentés par M. Éric Bothorel prévoient la possibilité pour des opérateurs de s’engager à fournir une offre de service d’accès adéquat à l’internet haut débit et de communications vocales sur tout ou partie du territoire au travers d’engagements juridiquement opposables acceptés par le Gouvernement. Celui-ci sera en mesure d’accepter ces engagements après avis de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP), dès lors que les engagements proposés répondent aux attentes du service universel. Comme l’indique l’exposé sommaire, ces engagements pourraient permettre au Gouvernement, dans certains cas, de ne pas recourir à la procédure d’appel à candidature. L’ARCEP contrôlera le cas échant le respect, et notamment la qualité de service, des offres, sur le modèle des contrôles d’ores et déjà effectués par exemple en matière de déploiement des réseaux très haut débit de fibre optique jusqu’à l’abonné.

L’amendement du Gouvernement apporte une précision sur le contenu du décret en Conseil d’État qui devra être pris pour l’application des nouvelles règles en matière de disponibilité du service universel. Il est ainsi prévu que « ce décret fixe, notamment, les conditions dans lesquelles les tarifs du service universel et sa qualité sont contrôlés et précise les cas dans lesquels les tarifs du service universel peuvent faire lobjet dune opposition ou dun avis préalable de lAutorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse ».

Votre rapporteure considère que l’élargissement du périmètre du service universel au haut débit est un progrès dont il faut se féliciter et qui correspond aux attentes de nos concitoyens. En pratique, ces dispositions trouveront tout leur sens dans le cadre du déploiement du plan France très haut débit, dont les objectifs ambitieux sont en bonne voie de réalisation. L’ARCEP a été saisie par courrier du ministre chargé des communications électroniques en juin dernier pour rendre un avis sur la disponibilité et l’abordabilité actuelle du service universel. Cet avis a vocation à orienter l’action future des pouvoirs publics en la matière. Votre rapporteure sera particulièrement attentive aux conclusions de cet avis.

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Chapitre XI
Dispositions relatives aux marques de produits ou de services
(Division et intitulé nouveaux)

Article 28
(articles L. 7129 et L. 81111 du code de la propriété intellectuelle)
Ratification de lordonnance n° 2019‑1169 du 13 novembre 2019 relative aux marques de produits ou de services et amélioration dans le code de la propriété intellectuelle de linformation relative au renouvellement dune marque

Adopté par la commission avec modifications.

 

L’article 28 résulte de l’adoption en séance publique au Sénat d’un amendement présenté par le Gouvernement. Cet article prévoit la ratification de l’ordonnance n°2019-1169 du 13 novembre 2919 relative aux marques de produits ou de services ainsi qu’une adaptation dans le code de la propriété intellectuelle relative à l’information liée aux règles de renouvellement d’une marque.

 

I.   L’État du droit

A.   L’ordonnance n° 20191169 du 13 novembre 2019 relative « aux marques de produits ou de services »

Prise en application de l’article 201 de la loi la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises, l’ordonnance n° 2019‑1169 du 13 novembre 2019 relative « aux marques de produits ou de services » procède à une profonde révision du droit des marques, dans une logique d’harmonisation maximale du droit national avec deux textes européens désignés sous l’appellation « paquet marques ». Il s’agit, d’une part, de la directive (UE) 2015/2436 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2015 rapprochant les législations des États membres sur les marques, et, d’autre part, du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 portant sur la marque de l’Union européenne.

L’ordonnance n° 2019-1169 a donc procédé à une profonde refonte du droit des marques en droit français, avec comme objectif la simplification et la modernisation du droit des marques. Plusieurs modifications ont ainsi été apportées à la deuxième partie du code de la propriété intellectuelle aux livres IV (Organisation administrative et professionnelle) et VII (Marques de produits ou de services et autres signes distinctifs) ainsi qu’à la troisième partie de ce même code au livre VIII (application dans les îles Wallis et Futuna, dans les Terres australes et antarctiques françaises, en Nouvelle-Calédonie, à Mayotte, à Saint-Barthélemy et à Saint-Pierre-et-Miquelon). En outre, les dispositions de coordination de cette ordonnance ont nécessité une modification du code civil ainsi que du code de commerce. Quant aux articles 15 et 16 de l’ordonnance n° 2018-341 du 9 mai 2018 relative au brevet européen à effet unitaire et à la juridiction unifiée du brevet, ils ont été abrogés.

1.   Création d’une procédure de nullité et de déchéance des marques devant l’Institut national de la propriété intellectuelle (INPI)

L’article 1er de l’ordonnance est venu modifier les articles L. 411-1, L. 411‑4 et L. 411-5 du code de la propriété intellectuelle. Les modifications apportées créent une procédure, inédite en droit français, de nullité et de déchéance des marques enregistrées devant l’Institut national de la propriété industrielle (INPI). Ces deux actions étaient jusqu’alors ouvertes dans le seul cadre d’un contentieux judiciaire. Comme en dispose l’article L. 411-5 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction issue de l’ordonnance, les décisions du directeur général de l’INPI en matière de nullité ou de déchéance de marques doivent être motivées. Celles-ci peuvent faire l’objet d’un recours devant les dix cours d’appel spécialisées désignées par voie réglementaire. Le décret d’application n° 2019-1316 du 9 décembre a précisé les modalités de formation des recours exercés à l’encontre de toutes les décisions du directeur général de l’INPI. Ces recours ont notamment la particularité d’être formés, instruits et jugés conformément aux dispositions du code de procédure civile.

Une nouvelle section intitulée « Dispositions communes à la procédure administrative en nullité et en déchéance » a été introduite dans le code de la propriété intellectuelle. Celle-ci définit les conditions dans lesquelles la procédure administrative en nullité et déchéance des marques est mise en place. Le directeur général de l’INPI statue désormais sur « les demandes en nullité ou en déchéance au terme dune procédure contradictoire comprenant une phase dinstruction, dans les conditions définies par décret en Conseil dÉtat ». Les circonstances dans lesquelles la demande en nullité peut être déclarée irrecevable sont en outre énumérées. C’est par exemple le cas si la marque antérieure ([153]) n’était pas opposable au jour du dépôt de la seconde. Enfin, cet article organise un partage de compétences clairement défini entre l’INPI et les juridictions compétentes pour ce qui relève des demandes en nullité et en déchéance, avec pour but la déjudiciarisation d’une partie du contentieux de la nullité et de la déchéance.

2.   Suppression de l’exigence de représentation graphique

L’article 3 de l’ordonnance a procédé à la complète réécriture du chapitre Ier du titre Ier du livre VII du code de la propriété intellectuelle. Le dépôt de nouveaux types de marques répondant aux évolutions techniques et économiques (marques sonores ou animées dans des formats électroniques) est désormais autorisé, en vertu de la nouvelle définition d’une marque inscrite à l’article L. 711‑1 du code de la propriété intellectuelle. L’exigence de représentation graphique du modèle de marque est donc supprimée.

3.   Renforcement de la procédure d’opposition

La procédure d’opposition des marques est renforcée. Elle est détaillée à l’article L. 712-4 du code de la propriété intellectuelle, dans sa nouvelle rédaction issue de l’ordonnance n° 20191169. En effet, une opposition à l’encontre d’une demande d’enregistrement d’une marque pourra désormais être formée, auprès du directeur de l’INPI, au motif qu’elle porte atteinte à :

– à une marque antérieure, notamment si cette marque jouit d’une certaine renommée ;

– à une dénomination ou une raison sociale, préalablement existante ;

– à un nom commercial, une enseigne ou un nom de domaine, préalablement existants ;

– au nom d’une entité publique, préalablement existante ;

– au nom, à l’image et à la renommée d’une collectivité territoriale ;

– à une indication géographique, préalablement enregistrée.

Un nouvel article L. 712-5-1 du code de la propriété intellectuelle prévoit qu’une opposition est rejetée lorsque l’opposant ne peut pas justifier d’un usage sérieux de sa marque antérieure invoquée.

4.   Nouveaux motifs de refus d’enregistrement et d’annulation de la marque

En vertu de la nouvelle rédaction de l’article L. 712-3 du code de la propriété intellectuelle, des observations peuvent être formulées par toute personne, sans justifier d’un intérêt à agir, auprès du directeur général de l’INPI afin que soit prononcé le rejet d’une demande d’enregistrement. De nouveaux motifs de refus d’enregistrement et d’annulation de la marque sont également prévus aux articles L. 711-2, L. 711-3, L. 715-4 et L. 715-9 du code de la propriété intellectuelle.

5.   Non-rétroactivité des droits affiliés à un titre de propriété

L’ordonnance a modifié l’article L. 713-1 du code de la propriété intellectuelle qui dispose désormais que le droit de propriété attaché à une marque après son dépôt et les prérogatives y étant affiliées ont un caractère non rétroactif, c’est-à-dire que ce droit de propriété s’exerce sans porter préjudice aux droits acquis pas un tiers avant le dépôt de ladite marque.

6.   Lutte contre la contrefaçon

La notion de contrefaçon est redéfinie dans l’article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle comme étant l’utilisation effective du signe d’une marque antérieure et non comme le simple dépôt de ce signe à titre de marque. Par ailleurs, l’article L. 716-4-4 du code de la propriété intellectuelle prévoit le renforcement de la lutte contre la contrefaçon par le rétablissement des contrôles douaniers sur les marchandises en transit soupçonnées de contrefaçon, sans que les marchandises en question ne soient nécessairement destinées à un État dans lequel leur commercialisation est interdite. Enfin, tout acte préparatoire à la contrefaçon devient également sanctionnable, comme détaillé à l’article L. 713-3-1 du code de la propriété intellectuelle.

7.   Renforcement de l’exigence d’exploitation sérieuse des marques enregistrées et simplification du retrait des marques

Des modifications ont également été apportées à l’article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle pour simplifier les opérations des opérateurs économiques actifs en renforçant l’exigence d’exploitation sérieuse des marques enregistrées et en simplifiant le retrait de marques non exploitées du registre national des marques, ce qui concoure à l’apurement de ce même registre.

8.   Transmission d’une marque

En ce qui concerne la transmission d’une marque, l’article L. 714-1 précise que, en l’absence de convention contraire, les droits attachés à la marque reviennent aux individus ayant hérité de cette dernière.

9.   Régimes de marque collective et de marque garantie

Le chapitre V du titre Ier du livre VII du code de la propriété intellectuelle relatif aux marques de garantie et aux marques collectives a été entièrement réécrit. Il précise l’encadrement et la distinction des régimes juridiques des marques exploitées par une pluralité d’acteurs (marques collectives), jusqu’alors non défini en droit français et de celles présentant des garanties quant à certaines caractéristiques des produits ou services visés (marques de garantie).

Par des modifications portées au livre VIII du code de la propriété intellectuelle, les nouvelles dispositions prévues par la présente ordonnance sont étendues aux îles de Wallis et Futuna. Une extension de la portée géographique du règlement (UE) 2017/1001 du 14 juin 2017 portant sur la marque de l’Union européenne le rend applicable à Saint Barthélémy, à Saint-Pierre-et-Miquelon, dans les îles Wallis et Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises.

B.   L’enregistrement et le renouvellement d’une marque

Les règles relatives à l’enregistrement et au renouvellement d’une marque sont fixées dans le code de la propriété intellectuelle et mises en œuvre par l’INPI.

L’article L. 712-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que « la propriété de la marque sacquiert par lenregistrement. […] Lenregistrement produit ses effets à compter de la date de dépôt de la demande pour une période de dix ans indéfiniment renouvelable ».

L’article L. 712-9 du code de la propriété intellectuelle prévoit que l’enregistrement d’une marque peut être renouvelé si le signe de la marque de même que la liste de produits et services qu’elle englobe ne sont soumis à aucune modification. Dans le cas contraire, la marque devrait faire l’objet d’un nouveau dépôt. Lors du renouvellement de l’enregistrement de la marque, les procédures sont simplifiées par rapport aux règles relatives au dépôt, la marque est exemptée de la procédure de vérification de conformité et ne peut faire l’objet d’une procédure d’opposition.

Le renouvellement de l’enregistrement d’une marque s’effectue via une procédure entièrement dématérialisée sur le site de l’INPI et l’article R. 712-24 précise qu’il doit être entrepris au cours d’un délai d’un an précédant immédiatement le jour d’expiration de l’enregistrement. En cas de dépassement de cette date, un délai de six mois supplémentaires est accordé à compter du lendemain de la date d’échéance, moyennant le paiement d’une redevance de retard de 145 €.

Le coût du renouvellement de l’enregistrement d’une marque varie selon le montant de la redevance dont le titulaire de la marque est redevable. Ce montant est fonction du nombre de classes de biens et services déclarés comme procédant de la marque en question.

Le non-renouvellement d’une marque constitue un abandon de celle-ci. Elle tombe alors dans le domaine public.

II.   LES dispositions adoptÉes au sÉnat

Le présent article résulte de l’adoption en séance publique d’un amendement présenté par le Gouvernement, adopté avec avis favorable du rapporteur.

A.   La ratification de l’ordonnance n° 20191169 du 13 novembre 2019 relative « aux marques de produits ou de services »

Le I de l’article 28 du présent projet de loi procède à la ratification de l’ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019 relative « aux marques de produits ou de services ». Compte tenu du contexte actuel de crise sanitaire, et conformément à l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, le délai pour déposer le projet de ratification devant le Parlement de l’ordonnance n° 2019-1169 a été reporté au 23 août 2020.

B.   La dÉfinition dans le code de la propriÉtÉ intellectuelle des modalitÉs de renouvellement d’une marque

Le 1° du II de l’article 28 modifie l’article L. 712-9 du code de la propriété intellectuelle, de sorte à y adjoindre une précision dans l’esprit de la directive européenne. Auparavant, le détenteur d’un titre de propriété devait lui-même veiller à la validité de celui-ci et entreprendre les démarches de renouvellement de son titre si nécessaire. Désormais, le titulaire d’une marque se verra notifier, tous les dix ans, l’expiration de son titre de propriété par l’INPI. Il convient toutefois de noter qu’en cas de manquement de l’INPI à la transmission de cette information, la responsabilité de l’INPI ne peut être engagée.

C.   L’application dans les Îles Wallis et Futuna de l’article L. 712-9 du code de la propriÉtÉ intellectuelle, portant sur lES MODALITÉS DE RENOUVELLEMENT d’une marque

Le 2° du II de l’article 28 prévoit enfin l’application dans les îles Wallis et Futuna de l’article L. 712-9 du code de la propriété intellectuelle portant sur les modalités de renouvellement d’une marque en y intégrant les modifications apportées par l’ordonnance n° 2019‑1169 du 13 novembre 2019 relative aux marques de produits ou de services, à savoir la notification au titulaire d’une marque de l’expiration de son titre de propriété par l’INPI et l’absence de responsabilité du directeur de l’INPI en cas d’absence de notification. La dixième ligne du tableau du a du 5° de l’article L. 811‑1‑1 du code de la propriété intellectuelle est ainsi modifiée pour intégrer la version de l’article L. 712-9 de ce même code dans sa nouvelle rédaction.

III.   La position de la commission

La commission a adopté l’article 28 modifié par un amendement rédactionnel de votre rapporteure (CE100).

Les évolutions apportées au droit des marques par le présent article sont conformes au droit européen et permettent des progrès importants en matière de simplification et de modernisation du droit des marques, ce dont votre rapporteure se félicite.

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Article 29 (nouveau)
Ratification de lordonnance 2020535 du 7 mai 2020 relative à lextension de la loi n° 96542 du 19 juin 1996 relative au contrôle de la fabrication et du commerce de certaines substances susceptibles dêtre utilisées pour la fabrication illicite de stupéfiants ou de substances psychotropes à tous les outre-mer

Introduit par la commission.

 

L’article 29 introduit en commission des affaires économiques à l’Assemblée nationales à l’initiative du Gouvernement prévoit la ratification de l’ordonnance n° 2020‑535 du 7 mai 2020 relative à l’extension de la loi n° 96‑542 du 19 juin 1996 relative au contrôle de la fabrication et du commerce de certaines substances susceptibles d’être utilisées pour la fabrication illicite de stupéfiants ou de substances psychotropes à tous les outre-mer.

L’article 29 résulte de l’adoption en commission d’un amendement présenté par le Gouvernement (CE70). Il ratifie l’ordonnance n° 2020‑535 du 7 mai 2020 relative à l’extension de la loi n° 96‑542 du 19 juin 1996 relative au contrôle de la fabrication et du commerce de certaines substances susceptibles d’être utilisées pour la fabrication illicite de stupéfiants ou de substances psychotropes à tous les outre-mer. Celle-ci a été prise en application de l’article 74‑1 de la Constitution, pour étendre aux territoires ultramarins la loi n° 96-542 du 19 juin 1996 relative au contrôle de la fabrication et du commerce de certaines substances susceptibles d’être utilisées pour la fabrication illicite de stupéfiants ou de substances psychotropes.

Cette ordonnance transpose une partie des obligations incombant aux opérateurs ultramarins dans les territoires régis par l’article 74 de la Constitution sur la base du régime applicable en métropole en vertu des règlements européens (CE) n° 111/2005 du Conseil  du 22 décembre 2004 fixant des règles pour la surveillance du commerce des précurseurs des drogues entre la Communauté et les pays tiers et n° 273/2004 du Parlement européen et du Conseil du 11 février 2004 relatif aux précurseurs de drogues. Cette ordonnance permet également de faire appliquer l’ensemble des pouvoirs de recherche d’infractions et de sanctions également visés par ces mêmes règlements dans ce domaine, à la suite de la découverte en Polynésie française de laboratoires clandestins.


([1]) Directive (UE) 2019/770 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2019 relative à certains aspects concernant les contrats de fourniture de contenus numériques et de services numériques (Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE)

([2]) Directive (UE) 2019/771 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2019 relative à certains aspects concernant les contrats de vente de biens, modifiant le règlement (UE) 2017/2394 et la directive 2009/22/CE et abrogeant la directive 1999/44/CE (Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE)

([3]) Directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 85/577/CEE du Conseil et la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil (Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE)

([4]) Sur ce point, la directive précise : « la notion d’interopérabilité renvoie à la question de savoir si les biens peuvent fonctionner avec un matériel ou des logiciels qui sont différents de ceux avec lesquels des biens de même type sont normalement utilisés, et dans quelle mesure ils le peuvent. Le bon fonctionnement pourrait inclure, par exemple, la capacité des biens à échanger des informations avec un autre matériel ou d’autres logiciels et à utiliser les informations échangées ».

([5]) Sauf lorsque les données à caractère personnel fournies par le consommateur sont exclusivement traitées par le professionnel pour fournir le contenu numérique ou le service numérique conformément à la présente directive ou encore pour permettre au professionnel de remplir les obligations légales qui lui incombent, pour autant que le professionnel ne traite pas ces données à une autre fin. Le considérant 24 de la directive précise : « Tout en reconnaissant pleinement que la protection des données à caractère personnel est un droit fondamental et que, par conséquent, les données à caractère personnel ne peuvent être considérées comme des marchandises, la présente directive devrait garantir aux consommateurs, dans le cadre de ces modèles commerciaux, le droit à des recours contractuels ».

([6]) Si, en vertu du droit national, le droit à la conformité est également ou uniquement soumis à un délai de prescription, les États membres veillent à ce que ce délai de prescription permette au consommateur d’exercer les recours prévus dans les mêmes conditions.

([7]) En cas de résolution du contrat, le professionnel rembourse au consommateur toutes les sommes reçues au titre du contrat. Dans les cas où le contenu numérique ou le service numérique a été conforme pendant une certaine période avant la résolution du contrat, le professionnel ne rembourse au consommateur que la portion proportionnelle du prix payé qui correspond à la période pendant laquelle le contenu numérique ou le service numérique n’était pas conforme.

([8]) Il faut ainsi que cette modification soit autorisée par le contrat, qu’elle n’implique pas de coût supplémentaire pour le consommateur et que le consommateur soit informé de façon claire et précise de ladite modification.

([9]) Dans ce cas, le consommateur a droit à la résolution du contrat sans frais dans un délai de trente jours à compter de la date de réception de l’information ou à compter du moment où le contenu numérique ou le service numérique a été modifié par le professionnel, la date la plus éloignée étant retenue.

([10]) Amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 € pour une personne physique et 15 000 € pour une personne morale

([11]) Selon les informations transmises à votre rapporteure, ce rapport est en cours de préparation.

([12]) Directive (UE) 2019/2161 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2019 modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et les directives 98/6/CE, 2005/29/CE et 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne une meilleure application et une modernisation des règles de l’Union en matière de protection des consommateurs

([13]) Directive (UE) 2019/2161 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2019 modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et les directives 98/6/CE, 2005/29/CE et 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne une meilleure application et une modernisation des règles de l’Union en matière de protection des consommateurs

([14]) Il s’agit là des infractions faisant l’objet de mesures d’enquête et d’exécution coordonnées conformément au règlement (UE) 2017/2394, sur la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l’application de la législation en matière de protection des consommateurs.

([15]) Modifications de l’article 7 de la directive 2005/29/CE, nouveau c) au paragraphe 6

([16]) Modifications de l’annexe I de la directive 2005/29/CE

([17]) Selon l’article L. 111-7-1, les opérateurs de plateformes en ligne font référence à : « toute personne physique ou morale proposant, à titre professionnel, de manière rémunérée ou non, un service de communication au public en ligne reposant sur : «  Le classement ou le référencement, au moyen d’algorithmes informatiques, de contenus, de biens ou de services proposés ou mis en ligne par des tiers ; « 2° Ou la mise en relation de plusieurs parties en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un contenu, d’un bien ou d’un service ».

([18]) Règlement (UE) 2018/302 du Parlement européen et du Conseil du 28 février 2018 visant à contrer le blocage géographique injustifié et d’autres formes de discrimination fondée sur la nationalité, le lieu de résidence ou le lieu d’établissement des clients dans le marché intérieur, et modifiant les règlements (CE) n° 2006/2004 et (UE) 2017/2394 et la directive 2009/22/CE

([19]) https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/INF_19_4251

([20]) Règlement (UE) 2015/2120 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 établissant des mesures relatives à l’accès à un internet ouvert et modifiant la directive 2002/22/CE concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques et le règlement (UE) no 531/2012 concernant l’itinérance sur les réseaux publics de communications mobiles à l’intérieur de l’Union (Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE)

([21]) Article 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et L. 420-2 du code de commerce

([22]) On peut notamment citer le rapport présenté par les députés M. Fasquelle et Mme Faure Muntian déposé par la commission des affaires économiques sur les plateformes numériques et le droit de la concurrence enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 24 juin 2020 ; le rapport d’information présenté par les députés M. Patrice Anato et Mme Constance Le Grip, déposé par la commission des affaires européennes sur le droit européen de la concurrence face aux enjeux de la mondialisation, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 27 novembre 2019 et le rapport du sénateur M. Gérard Longuet fait au nom de la commission d’enquête sur la souveraineté numérique enregistré à la présidence du Sénat le 1er octobre 2019.

([23]) Décision de la Commission du 24 mai 2004, affaire COMP/C-3/37.792 – Microsoft

([24]) Règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises

([25]) Il faut noter que d’autres critères de seuil sont prévus à l’article L. 430-2 du code pour le secteur de la grande distribution.

([26]) Rapport d’information n° 3127 par la commission des affaires économiques sur les plateformes numériques enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 24 juin 2020 et présenté par Mme Valéria Faure‑Muntian et M. Daniel Fasquelle

([27]) Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur

([28]) Règlement (UE) 2017/2394 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2017 sur la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l’application de la législation en matière de protection des consommateurs et abrogeant le règlement (CE) n° 2006/2004 (Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE)

([29]) Règlement (UE) 2019/1020 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 sur la surveillance du marché et la conformité des produits, et modifiant la directive 2004/42/CE et les règlements (CE) n° 765/2008 et (UE) n° 305/2011 (Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE.). Voir en particulier le considérant 41.

([30]) Les hébergeurs étant visés au 2 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique et les fournisseurs d’accès à internet au 1 du II du même article.

([31]) Tels que définis au I de l’article L. 111-7 du code de la consommation

([32]) Selon la définition donnée au 1 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique

([33]) Selon la définition donnée au 2 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique

([34]) Cette rédaction est issue du sous amendement du rapporteur du Sénat, la rédaction proposée dans l’amendement du Gouvernement visant à autoriser la reprise de la procédure de sanction  administrative en cas de non-respect de l’accord de transaction.

([35]) Règlement 2019/1020 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 sur la surveillance du marché et la conformité des produits, et modifiant la directive 2004/42/CE et les règlements (CE) no 765/2008 et (UE) no 305/2011

([36]) Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur

([37]) Règlement (CE) n° 515/97 du Conseil du 13 mars 1997 relatif à l’assistance mutuelle entre les autorités administratives des États membres et à la collaboration entre celles-ci et la Commission en vue d’assurer la bonne application des réglementations douanière et agricole

([38]) Règlement (UE) 2015/1525 du Parlement Européen et du Conseil du 9 septembre 2015 modifiant le règlement (CE) n° 515/97 du Conseil relatif à l’assistance mutuelle entre les autorités administratives des États membres et à la collaboration entre celles-ci et la Commission en vue d’assurer la bonne application des réglementations douanière et agricole.

([39]) CSM est l’abréviation de l’expression anglaise Container status messages qui est utilisée dans le règlement.

([40]) Règlement d’exécution (UE) n° 2016/345 du 10 mars 2016 de la Commission fixant la fréquence de notification des messages sur le statut des conteneurs, le format des données et la méthode de transmission.

([41]) Voir le dernier alinéa du paragraphe 6 de l’article 18 bis du règlement (CE) n° 515/97, dans sa rédaction résultant du règlement (UE) n° 2015/1525.

([42]) Règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) n° 922/72, (CEE) n° 234/79, (CE) n° 1037/2001 et (CE) n° 1234/2007 du Conseil

([43]) Règlement délégué (UE) 2018/273 de la Commission du 11 décembre 2017 complétant le règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne le régime d’autorisations de plantations de vigne, le casier viticole, les documents d’accompagnement et la certification, le registre des entrées et des sorties, les déclarations obligatoires, les notifications et la publication des informations notifiées, complétant le règlement (UE) n° 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les contrôles et les sanctions applicables, modifiant les règlements (CE) n° 555/2008, (CE) n° 606/2009 et (CE) n° 607/2009 de la Commission et abrogeant le règlement (CE) n° 436/2009 de la Commission et le règlement délégué (UE) 2015/560 de la Commission

([44]) Règlement d’exécution (UE) 2018/274 de la Commission du 11 décembre 2017 portant modalités d’application du règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne le régime d’autorisations de plantations de vigne, la certification, le registre des entrées et des sorties, les déclarations et les notifications obligatoires, et du règlement (UE) n° 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les contrôles y relatifs, et abrogeant le règlement d’exécution (UE) 2015/561 de la Commission

([45]) Règlement (CE) n° 436/2009 de la Commission du 26 mai 2009 portant modalités d’application du règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil en ce qui concerne le casier viticole, les déclarations obligatoires et l’établissement des informations pour le suivi du marché, les documents accompagnant les transports des produits et les registres à tenir dans le secteur vitivinicole

([46]) Directive 2008/118/CE du Conseil du 16 décembre 2008 relative au régime général d’accise et abrogeant la directive 92/12/CEE.

([47]) Règlement (CEE) n° 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil établissant le code des douanes communautaire.

([48]) Règlement d’exécution (UE) 2015/2447 de la Commission du 24 novembre 2015 établissant les modalités d’application de certaines dispositions du règlement (UE) n° 952/2013 du Parlement européen et du Conseil établissant le code des douanes de l’Union.

([49]) Voir la décision du Conseil constitutionnel n° 2018-771 DC du 25 octobre 2018, alinéa 45.

([50]) Règlement (UE) n° 952/2013 du Parlement européen et du Conseil du 9 octobre 2013 établissant le code des douanes de l’Union

([51]) Règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire

([52]) Règlement délégué (UE) 2015/2446 de la Commission du 28 juillet 2015 complétant le règlement (UE) n° 952/2013 du Parlement européen et du Conseil au sujet des modalités de certaines dispositions du code des douanes de l’Union

([53]) Règlement d’exécution (UE) 2015/2447 de la Commission du 24 novembre 2015 établissant les modalités d’application de certaines dispositions du règlement (UE) n° 952/2013 du Parlement européen et du Conseil établissant le code des douanes de l’Union

([54]) Arrêté du 13 avril 2016 relatif à la représentation en douane et à l’enregistrement des représentants en douane

([55]) Règlement (CE) n° 1889/2005 du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2005 relatif aux contrôles de l’argent liquide entrant ou sortant de la Communauté

([56]) Directive 91/308/CEE du Conseil, du 10 juin 1991, relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux

([57]) Le Groupe d’action financière (GAFI) est un organisme intergouvernemental chargé de promouvoir des normes en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et les autres menaces liées pour l’intégrité du système financier international.

([58]) Loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale

([59]) Voir l’arrêté du 7 novembre 2012 autorisant la création d’un traitement automatisé dénommé « DALIA » et modifiant l’arrêté du 1er juillet 2003 portant création d’un système informatisé de lutte contre les fraudes

([60]) Règlement (UE) 2018/1672 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2018 relatif aux contrôles de l’argent liquide entrant dans l’Union ou sortant de l’Union et abrogeant le règlement (CE) n° 1889/2005

([61]) Directive (UE) 2015/849 du Parlement Européen et du Conseil du 20 mai 2015 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme, modifiant le règlement (UE) n° 648/2012 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil et la directive 2006/70/CE de la Commission

([62]) Directive (UE) 2018/843 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 modifiant la directive (UE) 2015/849 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme ainsi que les directives 2009/138/CE et 2013/36/UE

([63]) En application de l’article R. 513-8 du code monétaire et financier, « la société de crédit foncier est tenue de respecter à tout moment un ratio de couverture des ressources privilégiées par les éléments d’actifs, y compris les valeurs de remplacement, au moins égal à 105 %, dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l’économie »

([64]) Autorité bancaire européenne (ABE), Rapport sur les obligations garanties : recommandations concernant l’harmonisation des cadres d’obligations garanties dans l’Union européenne, décembre 2016

([65]) Directive (UE) 2019/2162 du Parlement Européen et du Conseil du 27 novembre 2019 concernant l’émission d’obligations garanties et la surveillance publique des obligations garanties et modifiant les directives 2009/65/CE et 2014/59/UE

([66]) Règlement (UE) 2019/2160 du Parlement Européen et du Conseil du 27 novembre 2019 modifiant le règlement (UE) n° 575/2013 en ce qui concerne les expositions sous forme d’obligations garanties

([67]) Directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE, dite « directive CRD 4 » pour « capital requirements directive »

([68]) Directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés d’instruments financiers et modifiant la directive 2002/92/CE et la directive 2011/61/UE, dite « directive MiFID 2 » pour « market in financial instruments directive »

([69]) Règlement (UE) 2019/2033 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2019 concernant les exigences prudentielles applicables aux entreprises d’investissement et modifiant les règlements (UE) n° 1093/2010, (UE) n° 575/2013, (UE) n° 600/2014 et (UE) n° 806/2014

([70]) Directive (UE) 2019/2034 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2019 concernant la surveillance prudentielle des entreprises d’investissement et modifiant les directives 2002/87/CE, 2009/65/CE, 2011/61/UE, 2013/36/UE, 2014/59/UE et 2014/65/UE

([71]) Directive 2009/65/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certains organismes de placement collectif en valeurs mobilières

([72]) Directive 2011/61/UE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2011 sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs et modifiant les directives 2003/41/CE et 2009/65/CE ainsi que les règlements (CE) n° 1060/2009 et (UE) n° 1095/2010, dite directive « AIFM » pour « Alternative Investment Fund Manager »

([73]) Directive (UE) 2019/1160 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 modifiant les directives 2009/65/CE et 2011/61/UE en ce qui concerne la distribution transfrontalière des organismes de placement collectif

([74]) Règlement (UE) 2019/1156 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 visant à faciliter la distribution transfrontalière des organismes de placement collectif et modifiant les règlements (UE) n° 345/2013, (UE) n° 346/2013 et (UE) n° 1286/2014

([75]) Règlement (UE) 2019/1156 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 visant à faciliter la distribution transfrontalière des organismes de placement collectif et modifiant les règlements (UE) n° 345/2013, (UE) n° 346/2013 et (UE) n° 1286/2014

([76]) Amendement n° 27 présenté par M. Jean Bizet, sénateur, au nom de la commission des finances du Sénat

([77]) Cf. compte rendu intégral des débats du Sénat, séance du 8 juillet 2020 :

http://www.senat.fr/seances/s202007/s20200708/s20200708.pdf.

([78]) Directive (UE) 2019/878 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2019 modifiant la directive 2013/36/UE en ce qui concerne les entités exemptées, les compagnies financières holding, les compagnies financières holding mixtes, la rémunération, les mesures et pouvoirs de surveillance et les mesures de conservation des fonds propres.

([79]) Directive (UE) 2019/879 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2019 modifiant la directive 2014/59/UE en ce qui concerne la capacité d’absorption des pertes et de recapitalisation des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et la directive 98/26/CE

([80]) Amendement n° 14 du Gouvernement

([81]) Ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 portant refonte du titre IV du livre IV du code de commerce relatif à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et aux autres pratiques prohibées.

([82]) Article 1321 du code civil.

([83]) Règlement (UE) n° 575/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement et modifiant le règlement (UE) n° 648/2012

([84]) Règlement (UE) 2017/2402 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2017 créant un cadre général pour la titrisation ainsi qu’un cadre spécifique pour les titrisations simples, transparentes et standardisées, et modifiant les directives 2009/65/CE, 2009/138/CE et 2011/61/UE et les règlements (CE) n° 1060/2009 et (UE) n° 648/2012

([85]) Directive 2004/109/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 2004 sur l’harmonisation des obligations de transparence concernant l’information sur les émetteurs dont les valeurs mobilières sont admises à la négociation sur un marché réglementé et modifiant la directive 2001/34/CE

([86]) Amendement n° 28 de M. Jean Bizet, présenté au nom de la commission des finances du Sénat

([87]) Rapport d’information sur le bilan annuel de l’application des lois au 31 mars 2020, fait par Mme Valérie Létard, présidente de la délégation du Bureau chargée du travail parlementaire, de la législation en commission, des votes et du contrôle, enregistré à la présidence du Sénat le 17 juin 2020, p. 417

([88]) Amendement CE670 de M. Razzy Hammadi, rapporteur de la commission des affaires économiques, et de Mme Estelle Grelier, déposé lors de l’examen en première lecture à l’Assemblée nationale

([89]) Cf. compte rendu intégral des débats du Sénat, séance du 8 juillet 2020 (http://www.senat.fr/seances/s202007/s20200708/s20200708.pdf).

([90]) Amendement n° 29 de M. Jean Bizet, présenté au nom de la commission des finances du Sénat

([91]) Règlement (UE) n° 1407/2013 de la Commission du 18 décembre 2013 relatif à l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis

([92]) Règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité

([93]) Communication de la Commission n° 2014/C 198/01 du 27 juin 2014 relative à l’encadrement des aides d’État à la recherche, au développement et à l’innovation

([94]) Directive (UE) 2015/849 du Parlement Européen et du Conseil du 20 mai 2015 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme, modifiant le règlement (UE) n° 648/2012 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil et la directive 2006/70/CE de la Commission

([95]) Directive (UE) 2018/843 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 modifiant la directive (UE) 2015/849 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme ainsi que les directives 2009/138/CE et 2013/36/UE

([96]) Directive (UE) 2019/1153 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 fixant les règles facilitant l’utilisation d’informations financières et d’une autre nature aux fins de la prévention ou de la détection de certaines infractions pénales, ou des enquêtes ou des poursuites en la matière, et abrogeant la décision 2000/642/JAI du Conseil

([97]) Exposé des motifs de la directive (UE) 2019/1153 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 fixant les règles facilitant lutilisation dinformations financières et dune autre nature aux fins de la prévention ou de la détection de certaines infractions pénales, ou des enquêtes ou des poursuites en la matière, et abrogeant la décision 2000/642/JAI du Conseil.

([98]) Communication COM(2016) 50 final du 2 février 2016 de la Commission au Parlement européen et au Conseil relative à un plan d’action destiné à renforcer la lutte contre le financement du terrorisme.

([99]) Décret n° 2020-118 du 12 février 2020 renforçant le dispositif national de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme

([100]) Décret n° 2020-119 du 12 février 2020 renforçant le dispositif national de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme

([101]) Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (dite loi « PACTE »)

([102]) Loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid‑19

([103]) L’aliment médicamenteux est défini par le règlement précité comme « un aliment prêt à être directement administré aux animaux sans transformation supplémentaire, consistant en un mélange homogène d’un ou plusieurs médicaments vétérinaires ou produits intermédiaires et de matières premières pour aliments des animaux ou d’aliments composés ».

([104]) Le produit intermédiaire est défini par le règlement précité comme « un aliment qui n’est pas prêt à être directement administré aux animaux sans transformation supplémentaire, consistant en un mélange homogène d’un ou plusieurs médicaments vétérinaires et de matières premières pour aliments des animaux ou d’aliments composés, exclusivement destiné à être utilisé pour la fabrication d’un aliment médicamenteux pour animaux ».

([105]) Procédant ainsi à un revirement par rapport à la décision n° 2011-219 QPC, le Conseil constitutionnel s’est, pour l’avenir, reconnu compétent pour contrôler, par la voie de la QPC, la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions d’une ordonnance non ratifiée, à la double condition que ces dispositions interviennent dans des matières du domaine législatif et que le délai d’habilitation fixé par le Parlement ait expiré", décision du Conseil constitutionnel n° 2020-843 QPC du 28 mai 2020.

([106]) Voir l’accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique (2019/C 384 I/01) ainsi que la déclaration politique fixant le cadre des relations futures entre l’Union européenne et le Royaume-Uni (2019/C 384 I/02)

([107]) Directive (UE) 2016/798 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relative à la sécurité ferroviaire.

([108]) Loi n° 2020 734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne

([109]) Le programme LEADER (pour « Liaison entre actions de développement de l’économie rurale ») vise à soutenir des projets innovants lancés au niveau local afin de revitaliser les zones rurales et de créer des emplois.

([110]) Règlement (UE) n° 1303/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant dispositions communes relatives au Fonds européen de développement régional, au Fonds social européen, au Fonds de cohésion, au Fonds européen agricole pour le développement rural et au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, portant dispositions générales applicables au Fonds européen de développement régional, au Fonds social européen, au Fonds de cohésion et au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, et abrogeant le règlement (CE) n° 1083/2006 du Conseil

([111]) Règlement (UE) n° 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) et abrogeant le règlement (CE) n° 1698/2005 du Conseil

([112]) Règlement (UE) n° 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune et abrogeant les règlements (CEE) n° 352/78, (CE) n° 165/94, (CE) n° 2799/98, (CE) n° 814/2000, (CE) n° 1200/2005 et n° 485/2008 du Conseil

([113]) Loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles

([114]) Cour des comptes, « Bilan du transfert aux régions de la gestion des fonds structurels et d’investissement », Communication à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale, avril 2019, page 140

([115]) Décret n° 2015-445 du 16 avril 2015 relatif à la mise en œuvre des programmes de développement rural pour la période 2014-2020

([116]) Document approuvé par la Commission européenne le 30 juin 2015, en application de l’article 6 du règlement (UE) n° 1305/2013.

([117]) Loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral

([118]) Cour des comptes, « Bilan du transfert aux régions de la gestion des fonds structurels et d’investissement », Communication à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale en application du 2° de l’article 58 de la LOLF, avril 2019

([119]) Cour des comptes, op. cit., p. 33

([120]) Étude d’impact du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière, page 208

([121]) Loi n° 2020 734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne

([122]) Cour des comptes, op. cit

([123]) Cour des comptes, op. cit., p. 97

([124]) Rapport n° 552 (2019-2020) du 24 juin 2020 de M. Jean Bizet, au nom de la commission des finances sur le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière

([125]) http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/dossiers/communication_audiovisuel_et_souverainete_culturelle

([126]) http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/dossiers/communication_audiovisuel_et_souverainete_culturelle

([127]) Extrait du considérant 6 de la directive « ECN + »

([128]) Extrait du considérant 23 de la directive « ECN + »

([129]) L’article L. 464-2 du code de commerce prévoit aujourd’hui deux plafonds en matière de sanction : 10 % du chiffre d’affaires pour les entreprises, et 3 millions d’euros pour les autres personnes qui seraient visées par de telles sanctions.

([130]) Prise sur le fondement de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de léconomie

([131]) À la suite de l’arrêt Ravon (CEDH, Ravon c/ France, 21 févr. 2008, aff. 18497/06), rendu par la Cour européenne des droits de l’homme, l’ordonnance du 13 novembre 2008 a introduit la possibilité d’un appel devant le premier président de la cour d’appel, la CEDH ayant estimé que le recours en cassation était insuffisant pour garantir la protection des droits des entreprises.

([132]) Cette nouvelle possibilité avait été introduite par amendement gouvernemental en première lecture devant l’Assemblée nationale. Saisi par question prioritaire de constitutionnalité (QPC), le Conseil Constitutionnel a conclu que ces dispositions étaient conformes à la Constitution (Décision n° 2018-702 QPC du 20 avril 2018).

([133]) La procédure devant l’Autorité de la concurrence se caractérise par une séparation entre les fonctions d’instruction incarnées par les rapporteurs et le rapporteur général et les fonctions de décision qui sont revêtues par le collège de l’Autorité.

([134]) Informations transmises par l’Autorité à votre rapporteure

([135]) En effet, les services établissent un rapport par partie et peuvent donc être amenées à rédiger plusieurs rapports notamment dans les affaires de cartels.

([136]) « Quelles nouveautés procédurales à la suite de la directive ECN+ ? Le droit français à repenser à la suite de l’invalidation partielle de la loi Pacte », Emmanuelle Claudel, Contrats Concurrence Consommation n° 7, juillet 2019

([137]) Comme indiqué dans le rapport « Les engagements comportementaux » publié par La Documentation française et l’Autorité de la concurrence en 2019 : https://www.autoritedelaconcurrence.fr/sites/default/files/2020-01/eng_comportementaux_final_fr_0.pdf

([138]) Le point 46 du communiqué précise : « il revient à l’Autorité d’apprécier la nécessité de révision des engagements et d’une saisine d’office, au regard des changements intervenus sur le marché en cause. L’Autorité peut être saisie de comportements ayant fait l’objet d’une décision d’engagements, sur demande du saisissant, du ministre de l’économie, de toute autre entreprise ayant un intérêt à agir, ou se saisir de sa propre initiative : a) Si l’un des faits sur lesquels a décision repose subit un changement important ; b) Si les entreprises concernées contreviennent à leurs engagements, ou c) Si la décision d’engagements repose sur des informations incomplètes, inexactes ou dénaturées fournies par les parties à la procédure ».

([139]) Voir l’avis de la commission des affaires économiques présenté par M. Eric Bothorel sur le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique. Cet avis est annexé au rapport rendu par la commission des affaires culturelles et de l’éducation n° 2488 enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 5 mars 2020

([140]) Avec donc un plafond de droit commun qui s’élève à 10 % du chiffre d’affaires

([141]) Directive (UE) 2018/1972 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 établissant le code des communications électroniques européen

([142]) Directive (UE) 2018/1972 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 établissant le code des communications électroniques européen (refonte)(Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE)

([143]) Au côté de la directive, le paquet est également constitué de deux règlements d’application directe : le règlement (UE) 2018/644 du Parlement européen et du Conseil, du 18 avril 2018 relatif aux services de livraison transfrontière de colis et le règlement (UE) 2018/1971 du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2018 établissant l’Organe des régulateurs européens des communications électroniques (ORECE) et l’Agence de soutien à l’ORECE (Office de l’ORECE), modifiant le règlement (UE) 2015/2120 et abrogeant le règlement (CE) n° 1211/2009

([144]) Soit un réseau de communications électroniques qui est entièrement composé d’éléments de fibre optique au moins jusqu’au point de distribution au lieu de desserte, soit un réseau de communications électroniques qui est capable d’offrir, dans des conditions d’heures de pointe habituelles, une performance du réseau comparable

([145]) Directive (UE) 2016/1148 du Parlement européen et du Conseil du 6 juillet 2016 concernant des mesures destinées à assurer un niveau élevé commun de sécurité des réseaux et des systèmes d’information dans l’Union

([146]) Appel à manifestation d’engagements locaux et appel à manifestation d’intentions d’investissement

([147]) Règlement (UE) 2018/1971 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 établissant l’Organe des régulateurs européens des communications électroniques (ORECE) et l’Agence de soutien à l’ORECE (Office de l’ORECE), modifiant le règlement (UE) 2015/2120 et abrogeant le règlement (CE) no 1211/2009 (Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE)

([148]) https://www.economie.gouv.fr/files/rapport_pierre_camani_fabrice_verdier_17102014.pdf

([149]) Pour une vision exhaustive, voir le tableau de correspondance figurant en annexe à la directive 2018/1972

([150]) Ce qui correspond au réseau fixe

([151]) Ces dispositions sont reprises dans le nouvel article L. 35-3 commenté ci-dessous.

([152]) Ces dispositions sont reprises dans le nouvel article L. 35-3 commenté ci-dessous.

([153]) La notion de marque antérieure fait référence à la situation dans laquelle une nouvelle marque fait l’objet d’une demande de dépôt mais qu’une marque antérieure déjà enregistrée présente des caractéristiques similaires.