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N° 3739

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 janvier 2021

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE

SUR LE PROJET DE LOI, APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE,
 

autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire
et reportant la date de caducité des régimes institués
pour faire face à la crise sanitaire ( 3733)

PAR M. Jean-Pierre PONT

Député

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Voir les numéros :

 Assemblée nationale : 3733   

 


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SOMMAIRE

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Pages

AVANT-PROPOS............................................ 5

examen deS ARTICLES

Article 1er (art. 7 de la loi n° 2020290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid19) Prorogation du cadre législatif de l’état d’urgence sanitaire

Article 2 (art. 1er de la loi n° 20201379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire) Prorogation de l’état d’urgence sanitaire

Article 3  (art. 1er de la loi n° 2020856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire) Prorogation du régime transitoire institué  à la sortie de l’état d’urgence sanitaire

Article 4 (art. 11 de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions) Prorogation des systèmes d’information mis en œuvre aux fins de lutter contre l’épidémie de Covid-19

Article 5 (art. L. 382111 et L. 38412 du code de la santé publique) Application de la loi dans les collectivités d’outre-mer

Audition de M. Olivier Véran,  ministre des SolidaritéS et de la Santé

COMPTE-RENDU DES DÉBATS

 


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MESDAMES, MESSIEURS,

Il y a un an, la France et le monde apprenaient l’existence d’un virus de type nouveau ayant fait son apparition à Wuhan, dans la province du Hubei de la République populaire de Chine. Depuis, notre pays fait face, comme tant d’autres, à une crise sanitaire sans précédent qui a provoqué près de 70 000 décès et qui a imposé deux confinements à la population française.

En ce début d’année 2021, le virus de la Covid‑19 persiste, mute et continue de tuer malgré tous les efforts déployés, au premier rang desquels ceux de nos personnels soignants. Or, la loi du 23 mars 2020 – qui a prévu les outils nécessaires pour faire face à la crise sanitaire – a fixé au 1er avril 2021 l’échéance du cadre juridique sur le fondement duquel l’état d’urgence sanitaire peut être mis en œuvre. Le législateur souhaitait que, à l’issue de cette période, soit institué, de façon sereine et sur la base d’une expérience solide, un cadre pérenne de gestion des urgences sanitaires.

Un projet de loi instituant un régime pérenne de gestion des urgences sanitaires a bien été déposé le 21 décembre 2020. Toutefois, la gravité de la situation, le manque de recul sur l’épidémie et la nécessité de bâtir un régime qui serve également aux crises futures quelles que soient leurs formes ne permettaient pas, à court terme, qu’il soit examiné de façon apaisée. Pour faire face à la persistance de l’épidémie un nouveau projet de loi a donc été déposé le 13 janvier 2021 : il est soumis à notre examen.

Ce texte comporte cinq articles dont l’objet est de proroger :

– le cadre législatif de l’état d’urgence sanitaire – qui permet au Gouvernement de déclencher ce régime juridique exceptionnel par décret pour une durée d’un mois, prolongée le cas échéant par le législateur – du 1er avril au 31 décembre 2021 (article 1er) ;

– l’état d’urgence sanitaire actuellement en vigueur, jusqu’au 1er juin 2021 (article 2) ;

– l’échéance du dispositif dit « de sortie de l’état d’urgence sanitaire », institué par l’article 1er de la loi du 9 juillet 2020, jusqu’au 30 septembre 2021 (article 3) ;

– les systèmes d’information mis en place pour suivre l’évolution de l’épidémie, du 1er avril au 31 décembre 2021 (article 4).

Ces dispositions seraient applicables sur l’ensemble du territoire de la République, et notamment dans les outre-mer dans le respect des compétences reconnues à certaines collectivités (article 5).

À ce jour, la perspective de la sortie de crise se dessine grâce à une rupture scientifique majeure qui n’était qu’un horizon lors de la discussion du précédent projet de loi afférent à l’épidémie de Covid-19, à l’automne 2020 : le processus de vaccination a été enclenché et suscite à la fois l’espoir, l’impatience et la vigilance.

Votre rapporteur appelle néanmoins à la prudence : les effets tant attendus du vaccin ne seront pas immédiats et l’effort collectif consenti par les Français ne doit pas connaître de relâchement dans le contexte sanitaire actuel. Ce seul constat justifie l’objet de ce nouveau projet de loi relatif à l’état d’urgence sanitaire, le sixième débattu par le Parlement depuis le mois de mars 2020.

 

 


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   examen deS ARTICLES

Article 1er
(art. 7 de la loi n° 2020290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid19)
Prorogation du cadre législatif de l’état d’urgence sanitaire

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article proroge, jusqu’au 31 décembre 2021, l’application du chapitre Ier bis du titre III du livre Ier de la troisième partie du code de la santé publique relatif à l’état d’urgence sanitaire.

       Dernières modifications législatives intervenues

Le cadre juridique de l’état d’urgence sanitaire a été institué par la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19. Son article 7 avait fixé l’échéance de son application au 1er avril 2021.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

1.   L’état du droit

Le cadre de l’état d’urgence sanitaire a été codifié au chapitre Ier bis du titre III du livre Ier de la troisième partie du code de la santé publique, comprenant les articles L. 3131­‑12 à L. 3131‑20, par la loi du 23 mars 2020. Il dote les pouvoirs publics d’un outil juridique adapté afin de faire face à la crise sanitaire provoquée par l’épidémie de Covid‑19. Ce dispositif a été commenté par notre collègue Marie Guévenoux dans ses rapports sur le projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid‑19 ([1]), devenu la loi  2020290 du 23 mars 2020, et sur le projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions ([2]), devenu la loi  2020546 du 11 mai 2020.

Lors de la discussion de la loi du 23 mars 2020, le Sénat a souhaité fixer au 1er avril 2021 l’échéance du régime juridique de l’état d’urgence sanitaire. L’exposé sommaire de l’amendement adopté par sa commission des Lois précisait que « la définition d’un tel régime dans l’urgence […] nécessiterait un travail de consultation plus approfondi par le Parlement », justifiant la nécessité de « rendre ces dispositions temporaires, pour une période d’un an, à l’issue de laquelle elles ne pourront être pérennisées que par le Parlement, le cas échéant avec les modifications qui apparaîtront nécessaires au regard de l’expérience des premiers mois d’application ». Sur ce fondement, l’article 7 de la loi du 23 mars 2020 dispose que « le chapitre Ier bis du titre III du livre Ier de la troisième partie du code de la santé publique est applicable jusqu’au 1er avril 2021 ».

Pour anticiper cette échéance, la commission des Lois de l’Assemblée nationale, à l’initiative de sa présidente, a initié une réflexion sur le régime juridique de l’état d’urgence sanitaire, à l’issue de laquelle des propositions ont été formulées dans la perspective de la discussion d’un projet de loi pérennisant les dispositifs de gestion des urgences sanitaires ([3]). Si ce projet de loi a bien été déposé le 21 décembre 2020 ([4]), le Gouvernement a annoncé le report de son examen, initialement fixé à l’Assemblée nationale pour le mois de janvier 2021.

2.   Le dispositif proposé

Le présent article repousse au 31 décembre 2021 la clause de caducité du régime juridique de l’état d’urgence sanitaire qui devait intervenir le 1er avril prochain en application de la loi du 23 mars 2020. Cette prorogation a reçu un avis favorable du Conseil scientifique ([5]). La mise en place d’un cadre pérenne, adapté à l’épidémie de Covid‑19 mais aussi aux futures crises qui pourraient survenir, pourra ainsi être envisagée dans de bonnes conditions.

Le présent article n’a cependant pas pour effet de proroger automatiquement l’état d’urgence sanitaire actuellement en vigueur. Son application dans le temps reste soumise au régime de l’article L. 3131‑13 du code de la santé publique qui conditionne, après sa déclaration initiale par décret en Conseil des ministres pour une durée de quatre semaines, sa prorogation au vote du Parlement.

3.   La position de la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

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Article 2
(art. 1er de la loi n° 20201379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire)
Prorogation de l’état d’urgence sanitaire

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article proroge, jusqu’au 1er juin 2021, l’état d’urgence sanitaire initialement déclaré par le décret n° 2020‑1257 du 14 octobre 2020.

       Dernières modifications législatives intervenues

Le terme de l’état d’urgence sanitaire actuellement en vigueur a été fixé au 16 février 2021 par la loi de prorogation n° 2020-1379 du 14 novembre 2020.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

1.   L’état du droit

L’état d’urgence sanitaire a d’abord été en vigueur du 23 mars au 10 juillet 2020 pour faire face à la propagation du virus de la Covid‑19 en France. À cette date le régime transitoire lui a succédé (voir le commentaire de l’article 3).

Face à la recrudescence de l’épidémie, le conseil des ministres du mercredi 14 octobre 2020 a adopté, conformément au premier alinéa de l’article L. 3131‑13 du code de la santé publique, un décret déclarant de nouveau l’état d’urgence sanitaire sur l’ensemble du territoire de la République à compter du samedi 17 octobre 2020 ([6]). Conformément au dernier alinéa du même article L. 3131‑13, la prorogation de l’état d’urgence sanitaire au-delà d’un mois a été autorisée par la loi du 14 novembre 2020, jusqu’au 16 février 2021.

L’état d’urgence sanitaire permet de prendre des mesures de protection contraignantes, notamment celles prévues par le 2° de l’article L. 3131‑15 du code de la santé publique, précisées par le décret n° 2020‑1310 du 29 octobre 2020 ([7]). Il peut s’agir du « confinement » qui a été appliqué, pour la dernière fois, du 30 octobre au 15 décembre 2020. Il peut aussi s’agir de l’interdiction des déplacements nocturnes en vigueur depuis le 15 décembre 2020 ([8]).

2.   Le dispositif proposé

Le présent article proroge l’état d’urgence sanitaire pour une durée supplémentaire de trois mois et demi, soit jusqu’au 1er juin 2021 inclus, avec l’avis favorable du Conseil scientifique ([9]).

Si ce délai est légèrement supérieur à celui de trois mois sollicité par le Gouvernement lors de la discussion de la loi du 14 novembre 2020 et à celui de deux mois autorisé par les lois des 23 mars ([10]) et 11 mai 2020, il s’avère nécessaire compte tenu du contexte sanitaire que le Conseil scientifique qualifie d’une part de fragile et d’autre part d’incertain en raison de l’apparition de nouveaux variants ([11]). Dans son avis sur le présent projet de loi, le Conseil d’État a estimé que cette prorogation était justifiée, au regard des conditions fixées par l’article L. 3131‑12 du code de la santé publique ([12]), en l’état des données scientifiques disponibles ([13]).

On rappellera, par ailleurs, que, sous la précédente législature, le régime d’urgence fondé sur la loi du 3 avril 1955, qui a été appliqué durant près de deux ans, a été prorogé pour des durées variables qui sont allées jusqu’à six mois par la loi du 21 juillet 2016 et près de sept mois par la loi du 19 décembre de la même année. Enfin, il convient de noter qu’en application de l’article L. 3131‑14 du code de la santé publique, il peut toujours être mis fin à l’état d’urgence sanitaire par décret en Conseil des ministres avant l’expiration du délai fixé par la loi le prorogeant.

Durant ce nouvel état d’urgence s’appliquera automatiquement la disposition figurant à l’article L. 3131-13 du code de la santé publique selon laquelle : « L’Assemblée nationale et le Sénat sont informés sans délai des mesures prises par le Gouvernement au titre de l’état d’urgence sanitaire. L’Assemblée nationale et le Sénat peuvent requérir toute information complémentaire dans le cadre du contrôle et de l’évaluation de ces mesures ».

Cette disposition est pleinement utilisée par la mission d’information mise en place à l’Assemblée nationale pour suivre l’impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l’épidémie de Coronavirus-Covid 19. Sur son fondement le Gouvernement lui transmet des données précises sous la forme d’un « point d’étape » hebdomadaire qui est mis en ligne sous l’intitulé : « Rapports d’étapes du Premier ministre sur les mesures prises au titre de l’urgence sanitaire et de l’organisation de la sortie de l’état d’urgence » ([14]).

3.   La position de la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

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Article 3
(art. 1er de la loi n° 2020856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire)
Prorogation du régime transitoire institué
à la sortie de l’état d’urgence sanitaire

Supprimé par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article proroge, jusqu’au 30 septembre 2021, le régime transitoire institué par l’article 1er de la loi n° 2020‑856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire avait prorogé jusqu’au 1er avril 2021 l’échéance du dispositif initialement fixée au 30 octobre 2020.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a supprimé cet article.

1.   L’état du droit

Le 11 juillet 2020, un régime transitoire a succédé à l’état d’urgence sanitaire. Son dispositif a été décrit par nos collègues Marie Guévenoux dans son rapport sur le projet de loi organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire ([15]), devenu la loi  2020856 du 9 juillet 2020, et Alice Thourot, rapporteure sur le projet de loi prorogeant le régime transitoire institué à la sortie de l’état d’urgence sanitaire ([16]) dont la discussion avait été suspendue au profit d’une nouvelle déclaration de l’état d’urgence sanitaire.

La loi du 9 juillet 2020 a fixé le terme de ce dispositif au 30 octobre 2020 avant que la loi du 14 novembre 2020 ne le repousse au 1er avril 2021.

2.   Le dispositif proposé

Le présent article rend applicable, jusqu’au 30 septembre 2021, le régime transitoire dans les territoires où l’état d’urgence sanitaire n’est pas en vigueur.

L’état d’urgence étant actuellement en vigueur sur l’ensemble du territoire national, ce régime a donc vocation à s’appliquer après le 1er juin, pour une durée de quatre mois, en tant que dispositif transitoire favorisant une sortie progressive et organisée de l’état d’urgence sanitaire.

3.   La position de la Commission

La commission des Lois, à l’initiative de son rapporteur, de M. Guillaume Gouffier‑Cha, de M. Philippe Gosselin, de Mme Danièle Obono et de M. Paul Molac, a supprimé cet article.

La pertinence de ce dispositif n’a pas été remise en cause. Celui-ci a été particulièrement utile, après le 10 juillet, pour sortir du premier état d’urgence sanitaire. L’action du Gouvernement reste par ailleurs soumise, y compris dans le cadre du régime transitoire, au contrôle parlementaire renforcé prévu par l’article L. 3131‑13 du code de la santé publique ([17]).

La commission des Lois a néanmoins estimé que le régime de sortie du présent état d’urgence sanitaire devra être de nouveau déterminé, comme en juillet dernier et le moment venu, par le Parlement en fonction de l’évolution de la situation sanitaire et des adaptations qu’elle exigera.

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Article 4
(art. 11 de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020
prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions)
Prorogation des systèmes d’information mis en œuvre
aux fins de lutter contre l’épidémie de Covid-19

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article proroge, jusqu’au 1er décembre 2021, la mise en œuvre des systèmes d’information de santé prévus par l’article 11 de la loi n° 2020‑546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 5 de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire a modifié l’article 11 de la loi du 11 mai 2020 de manière à :

– proroger la durée de mise en œuvre de ces systèmes d’information jusqu’au 1er avril 2021, date de l’échéance du dispositif d’état d’urgence sanitaire prévu par le code de la santé publique ;

– par cohérence, permettre la conservation des données pseudonymisées utilisées aux seules fins de recherche, et avec le consentement des personnes concernées, jusqu’à cette même date ;

 préciser la nature des examens permettant d’identifier les personnes contaminées, et notamment que les examens de biologie recouvrent les dépistages virologiques ou sérologiques ;

– étendre le champ des professionnels de santé habilités à renseigner ces systèmes d’information ainsi que celui des professionnels pouvant accéder aux données collectées dans le respect du secret professionnel ;

– ajouter une nouvelle finalité au traitement des données en matière d’accompagnement social des personnes infectées ou susceptibles de l’être pendant et après la fin des prescriptions médicales d’isolement prophylactique, sous réserve de leur consentement ([18]) ;

– introduire des indicateurs dans le rapport qui doit être remis tous les trois mois au Parlement sur le fonctionnement de ces systèmes d’information de manière à mieux apprécier leur portée effective sur la stratégie sanitaire du Gouvernement. ([19])

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

1.   L’état du droit

L’article 11 de la loi du 11 mai 2020 précitée a autorisé, dans le respect du règlement général sur la protection des données (RGPD) ([20]) et sous certaines conditions, la mise en œuvre temporaire de deux outils informatiques :

– le système d’information national de dépistage (SI-DEP), pour centraliser l’ensemble des résultats des tests effectués ([21]) 

– « Contact Covid », élaboré par l’Assurance Maladie, pour assurer le suivi des patients et de leurs cas contacts.

Les données ainsi collectées peuvent être utilisées, le cas échéant sans le consentement des personnes concernées, en vue de servir cinq finalités ([22]) :

– l’identification des personnes infectées par le dépistage et la collecte des résultats des tests ;

– l’identification des personnes présentant un risque d’infection, et notamment des cas contacts ;

– l’orientation de ces personnes vers des prescriptions médicales d’isolement prophylactiques, ainsi que leur suivi médical ;

– la surveillance de l’épidémie et la recherche sur le virus. Dans ce cas, les données doivent être pseudonymisées et leur traitement est conditionné au consentement des personnes concernées ;

– l’accompagnement social des personnes infectées et des personnes susceptibles de l’être pendant et après la fin des prescriptions médicales d’isolement prophylactiques, sous réserve du recueil préalable de leur consentement.

La durée de conservation maximale des données collectées est de trois mois après leur collecte. À l’issue de ce délai, elles sont supprimées. Toutefois, l’article 5 de la loi du 14 novembre 2020 précitée a prolongé la durée de conservation des données nécessaires à la surveillance épidémiologique et à la recherche sur le virus jusqu’au 1er avril 2021. Cette échéance correspond à celle des systèmes d’information eux-mêmes.

Ces dispositions ont été décrites, comme celles de l’article 3 (voir infra), par nos collègues Marie Guévenoux ([23]) et Alice Thourot ([24]).

La collecte de données dans le cadre de la vaccination contre la Covid-19

D’autres systèmes d’information ont été mis en place dans le cadre de la gestion de cette crise sanitaire, sans nécessiter l’intervention du législateur. Le décret n° 2020-1690 du 25 décembre 2020 autorisant la création d’un traitement de données à caractère personnel relatif aux vaccinations contre la covid-19 a mis en place un système d’information « Vaccin Covid » pour assurer le suivi de la campagne de vaccination. Celui‑ci a pour finalités principales l’organisation de la vaccination, l’approvisionnement en vaccins, l’information des personnes vaccinées, la recherche et le suivi de pharmacovigilance.

Les personnes concernées peuvent toutefois exercer un droit d’opposition au traitement de leurs données personnelles selon plusieurs modalités : avant leur consentement à l’acte vaccinal (leur consentement à cet acte valant acceptation du traitement de leurs données) et, sans restriction, au titre de la finalité de recherche. Dans sa délibération du 10 décembre 2020 sur le projet de décret, la CNIL a insisté sur la nécessité d’assurer aux personnes concernées une information exhaustive sur les conditions d’exercice de leur droit d’opposition, sur les finalités poursuivies par les traitements et les mesures de confidentialité prévues par les textes. De manière plus générale, cette dernière poursuit ses contrôles sur l’ensemble des systèmes d’information traitant des données de santé de manière à garantir le respect des règles fixées en la matière par le RGPD.

2.   Le dispositif proposé

Le présent article proroge la mise en œuvre des systèmes d’information SI-DEP et Contact-Covid, sous les conditions et garanties actuellement en vigueur, jusqu’au 31 décembre 2021, date de l’échéance du dispositif juridique de l’état d’urgence sanitaire prévue par l’article 1er du présent projet de loi.

3.   La position de la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

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Article 5
(art. L. 382111 et L. 38412 du code de la santé publique)
Application de la loi dans les collectivités d’outre-mer

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article rend applicables les dispositions des articles 1er et 3 qui le nécessitent aux collectivités d’outre-mer.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi du 23 mars 2020 a rendu applicable l’état d’urgence sanitaire en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna. Il a été adapté sur ces territoires par l’ordonnance n° 2020-463 du 22 avril 2020 ([25]) et par la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté un amendement de coordination supprimant le I de cet article.

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Le I du présent article rend applicable le régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire prorogé par l’article 3 à l’ensemble du territoire de la République.

Le II proroge la clause de caducité du régime juridique de l’état d’urgence sanitaire au 31 décembre 2021 à Wallis-et-Futuna (article L. 3821‑11 du code de la santé publique), en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française (article L. 3841‑2 du même code).

Par coordination avec l’amendement de suppression de l’article 3, la Commission, à l’initiative de son rapporteur et de M. Paul Molac, a supprimé le I du présent article.

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   Audition de M. Olivier Véran,
ministre des SolidaritéS et de la Santé

Lors de sa seconde réunion du mercredi 13 janvier 2021, la Commission auditionne M. Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé, sur le projet de loi autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et reportant la date de caducité des régimes institués pour faire face à la crise sanitaire (n° 3733) (M. Jean-Pierre Pont, rapporteur).

Lien vidéo :

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.10144149_5fff2c7748763.commission-des-lois--m-olivier-veran-ministre-des-solidarites-et-de-la-sante-sur-le-projet-de-lo-13-janvier-2021

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Le conseil des ministres a adopté ce matin un projet de loi qui, eu égard à la persistance de la circulation active du virus covid-19 dans notre pays, tend à autoriser une prorogation de l’état d’urgence sanitaire. Comme tous les textes d’urgence, nous l’examinerons dans des délais contraints. Faute de cet examen, l’état d’urgence prendrait fin le 16 février. La commission se réunira donc demain à partir de 15 heures et M. Jean-Pierre Pont sera notre rapporteur. J’ai fixé le délai de dépôt des amendements à 14 heures. Le texte sera examiné dans l’hémicycle mercredi prochain.

Je remercie le ministre des Solidarités de la Santé de sa présence pour présenter ce projet de loi. Compte tenu des délais qui nous sont impartis, j’ai considéré que la discussion générale aurait lieu demain. Je vous invite donc à poser vos questions, pour une durée de deux minutes – vous pourrez exposer les positions de vos groupes demain.

M. Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé. Nous voici réunis pour l’examen de ce septième projet de loi relatif à l’état d’urgence sanitaire. La succession des textes qui le proroge est inédite, tout comme la situation que nous vivons depuis bientôt un an.

Les mesures de police sanitaire prises depuis plusieurs mois ont permis de limiter la propagation du virus et d’éviter la saturation des services de réanimation, mais il circule toujours activement en France – comme, d’ailleurs, en Europe et dans une large partie du monde – à un niveau élevé qui, progressivement, tend à nouveau à augmenter. Nous sommes très vigilants quant aux évolutions en cours et chacun doit rester mobilisé.

Depuis le début de 2020, l’épidémie a causé la mort de plus de 68 000 personnes dans notre pays. La pression sur le système de santé demeure forte, avec environ 8 000 nouvelles hospitalisations et un peu plus de 1 100 admissions en réanimation chaque semaine, pour un nombre total de 24 737 personnes hospitalisées au 12 janvier, dont 2 688 dans des services de réanimation.

Si la situation nationale demeure sous contrôle à ce stade, de premières études montrent que chez nos voisins, notamment au Royaume-Uni, le nouveau variant du SARS-CoV-2, le VOC-202012/01 – plutôt que le « variant anglais » – pourrait être sensiblement plus contagieux que les formes du virus circulant jusqu’ici, ce qui fait peser un risque accru de reprise épidémique en dépit des mesures prises pour limiter les importations de cas. Selon les études scientifiques, il y aurait environ 1 % de cas positifs au VOC-202012/01.

L’état d’urgence sanitaire est déclaré depuis le 17 octobre 2020 sur l’ensemble du territoire national et, à la demande du Gouvernement, vous l’avez prorogé jusqu’au 16 février 2021. Sur le fondement de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique, le Gouvernement a pu ainsi prendre les mesures nécessaires et proportionnées à cette catastrophe sanitaire, notamment en limitant les déplacements des personnes hors de leur domicile, les rassemblements sur la voie publique et dans les lieux ouverts au public ainsi que l’accès à certains établissements.

Lorsque l’on observe la situation sanitaire actuelle, et si l’on se penche sur les prévisions pour le premier semestre, cette prorogation est indispensable et nécessite une nouvelle intervention du législateur. Tel est le sens de l’article 2, prévoyant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 1er juin 2021.

L’article 1er reporte au 31 décembre 2021 la caducité du régime d’état d’urgence sanitaire, initialement fixée au 1er avril 2021 par l’article 7 de la loi du 23 mars 2020. Lors de l’examen du premier texte relatif à l’état d’urgence sanitaire, le Sénat avait en effet considéré qu’il était plus prudent de conférer un caractère temporaire à cette disposition compte tenu des conditions particulièrement rapides d’élaboration de ce cadre juridique. Cette clause de caducité proposée par le Sénat avait été entérinée par le Parlement dans le cadre de la loi du 23 mars 2020. Au 31 décembre, les dispositions du code de la santé publique régissant l’état d’urgence sanitaire disparaîtront de l’ordonnancement juridique.

Cette clause de caducité, connue de tous, a justifié la présentation, en décembre dernier, du projet de loi visant à pérenniser dans le code de la santé publique les outils pouvant être actionnés en cas de crise sanitaire. Ce texte a finalement été retiré de l’ordre du jour et sera examiné au Parlement lorsque la crise sera derrière nous.

Néanmoins, nous avons besoin de maintenir dans le code des dispositions utilisables pour lutter contre la crise, et c’est le sens de l’article 1er. Il n’est pas possible, d’ici à la fin de l’année, de se priver d’un cadre juridique dédié à la gestion des phases les plus critiques de la crise sanitaire.

L’article 3 prévoit une prorogation jusqu’au 30 septembre du régime dit de sortie de l’état d’urgence sanitaire, qui a prouvé son utilité l’été dernier, et qui permettra de maintenir des mesures de prévention adaptées si la situation sanitaire s’améliore sensiblement, tout en présentant encore des risques importants.

L’article 4 prolonge jusqu’au 31 décembre 2021 la mise en œuvre des systèmes d’information institués pour lutter contre la propagation de l’épidémie.

L’article 5, enfin, étend les dispositions qui le nécessitent aux outre-mer.

Je vous présente donc un texte technique et de responsabilité. Je comprends la lassitude et le souhait de sortir de la crise, mais ne nous pouvons nous priver d’aucun outil susceptible de nous aider à combattre le virus. Au final, ce texte est le cousin germain, voire, le sosie du texte précédent qui avait été adopté par les deux assemblées parlementaires.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Je vous remercie, monsieur le ministre, de répondre aux questions de notre commission alors qu’elle s’apprête à débattre d’un sixième texte relatif à la menace épidémique du covid-19, le premier de 2021.

Dans le cadre de nos travaux, il importe de prendre en compte le contexte sanitaire. Je m’interroge sur l’apparition de diverses formes mutantes du virus, qui fragilisent nos dispositifs de réponse à la crise sanitaire. Quelles pourraient en être les conséquences et quelles premières mesures avez-vous prises pour endiguer leur propagation ?

Je m’interroge également sur les conséquences potentielles de l’apparition de ces nouveaux virus sur notre stratégie vaccinale. Quels pourraient être les délais d’adaptation des vaccins existants ?

Enfin, le groupe La République en marche soutient pleinement la prorogation de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 1er juin, de même que celle de son dispositif légal jusqu’au 31 décembre. Le Parlement saura se mobiliser rapidement, comme il le fait aujourd’hui et comme ce fut le cas ces derniers mois, afin de soutenir l’action du Gouvernement, d’ajuster ce calendrier en fonction des événements et d’organiser, le moment venu, les modalités de sortie de l’état d’urgence sanitaire.

Hier, un collègue vous a rappelé la fable de La Fontaine, « Le Lièvre et la tortue », dont vous connaissez la morale, à laquelle vous êtes fidèle comme en témoigne votre action : « Rien ne sert de courir ; il faut partir à point ».

M. Philippe Gosselin. Je ne ferai pas un plaidoyer, comme vient de le faire le rapporteur, et je ne me satisferai pas nécessairement de la présentation assez lapidaire du texte qui vient d’être faite. Je pourrais certes vous interroger sur les mutations du virus ou sur la stratégie vaccinale, sur lesquels il y aurait beaucoup à dire, mais nous discutons d’un texte relatif à l’état d’urgence sanitaire qui, contrairement à ce que vous dites, monsieur le ministre, n’est pas seulement technique : la prorogation pour une période aussi longue d’un droit d’exception, exorbitant du droit commun, ce n’est pas rien !

Une fois de plus, on fait l’impasse sur le contrôle du Parlement. Nous nous retrouvons ici contraints et forcés puisque le texte de pérennisation a été retiré dans la déroute de l’avant-veille de Noël après le cafouillage de la majorité.

J’appelle l’attention de la représentation nationale sur le fait que, au mois de septembre, nous en serons à dix-huit mois d’état d’urgence sanitaire ou de sortie d’état d’urgence sanitaire qui relève aussi, selon le Conseil constitutionnel, d’un droit exorbitant du droit commun ! L’état d’urgence sanitaire est certes nécessaire afin de protéger nos institutions et nos concitoyens, mais la mise à l’écart du Parlement est terrible.

Comment comptez-vous gérer l’après 31 décembre 2021 ? Autrement dit, quand pensez-vous présenter le texte qui a été retiré ? Pourquoi ne prévoyez-vous pas une clause de revoyure, comme cela vous est demandé de toute part, y compris dans le rapport que Sacha Houlié et moi-même avons commis au mois de décembre ? Que le Gouvernement puisse travailler, c’est une chose – et nous sommes à vos côtés pour protéger nos concitoyens –, mais pourquoi vouloir à tout prix écarter le Parlement sur une période aussi longue ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo. Projet de loi technique, certes, mais tout autant « calendaire » puisqu’il n’y est pratiquement question que de dates !

Que ferez-vous si nous ne votons pas la prorogation de l’état d’urgence sanitaire ? Au-delà des polémiques, nos concitoyens ont besoin de comprendre quelles mesures concrètes ne pourraient être prises dans le cadre du droit commun et pourquoi une nouvelle prorogation de l’état d’urgence est nécessaire.

Pour nos concitoyens, que changera le passage de l’état d’urgence sanitaire au régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire ?

Le rapport présenté le 14 décembre 2020, auquel M. Gosselin vient de faire allusion, propose l’instauration d’une plateforme en ligne unique et accessible regroupant l’intégralité des informations liées à l’épidémie : mesures sanitaires, mesures restrictives de libertés, mesures économiques et sociales, avis du Conseil scientifique et autres. Une initiative gouvernementale est-elle en cours pour transcrire cette proposition pleine de bon sens qui, peut-être, favoriserait leur acceptation ?

M. Pascal Brindeau. Du point de vue du fonctionnement des institutions et, singulièrement, du Parlement, monsieur le ministre, trouvez-vous normal et acceptable que nous devions discuter d’un projet de loi adopté ce matin en conseil des ministres et dont nous avons pris connaissance il y a moins de deux heures ?

M. Philippe Gosselin. En effet : il a été mis en ligne à 16h05 sur le site de l’Assemblée nationale !

M. Pascal Brindeau. De surcroît, nous sommes contraints d’en discuter demain en commission. La visioconférence n’étant pas possible lors d’un débat législatif, aucun représentant de mon groupe, UDI et indépendants, ne pourra participer à la discussion générale ni à celle d’éventuels amendements sur un texte qui n’est pas seulement technique puisqu’il permet de proroger l’état d’urgence sanitaire, donc de lever la clause de caducité délibérée lors de la loi de mars 2020. Les conséquences sont importantes car le pouvoir exécutif pourra décider sans être obligé de consulter le Parlement sur ce qui, pourtant, le concerne.

En outre, trouvez-vous normal que, compte tenu du nombre incroyable d’ordonnances qui ont été prises en vertu de ces textes, nous ne soyons saisis qu’à la fin du mois de février pour les ratifier, alors même que certaines d’entre elles auront été modifiées ou prolongées sans que le Parlement ait pu en débattre ?

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Je précise que les membres de la commission sont au courant de cette audition et de l’examen du texte depuis une semaine. Il ne faudrait pas laisser penser qu’ils ont été avertis à 16 heures pour une audition à 18h30.

M. Philippe Gosselin. Madame la présidente, ce n’est pas ce que j’ai dit ! J’ai dit que le texte avait été mis en ligne à 16h05, ce qui expliquait aussi l’absence d’un certain nombre de collègues.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Concernant l’absence de certains collègues, nous sommes mercredi et les séances publiques ont repris ! Les membres de la commission des Lois sont au courant de l’audition depuis une semaine.

M. Philippe Gosselin. Nous n’avons pu prendre connaissance du texte qu’il y a deux heures !

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. J’ai apporté cette précision pour que les citoyens qui nous regardent n’aient pas le sentiment que la représentation nationale n’aurait pas été avertie en temps et en heure de la tenue de la réunion.

Mme Danièle Obono. L’audition est, en effet, un peu particulière, puisque le texte nous est présenté comme un simple changement de date, un ajustement technique, alors qu’il emporte une signification politique très forte. L’état d’urgence sanitaire est un état d’exception exorbitant du droit commun, qui donne à l’exécutif des pouvoirs de police et de restriction des droits fondamentaux extrêmement étendus. Il est donc loin d’être purement technique.

Politiquement, cet examen organisé en catastrophe traduit l’échec de la stratégie du Gouvernement. Le ministre a répété à plusieurs reprises que la situation était identique dans de nombreux pays. Mais certains ont réussi à la maîtriser bien mieux que nous. Par ailleurs, si l’on doit proroger un état d’urgence qui donne des pouvoirs à l’exécutif prétendument pour maîtriser une situation sanitaire, il faudrait peut-être faire le bilan de cette prétendue maîtrise sanitaire. Après les tests et les masques, ce sont désormais les vaccins qui sont censés être gérés d’une manière tout à fait précautionneuse. Or, on se retrouve dans une situation de décalage, comme l’a dit pudiquement le Premier ministre, de pénurie en vérité. Domine le sentiment d’une désorganisation chronique de l’État qui ne renforce pas la confiance de la population.

Alors que le texte sur la gestion des crises sanitaires a été retiré de l’ordre du jour de l’Assemblée entre la bûche et la galette, sans explication, le ministre vient de nous expliquer qu’il serait discuté plus tard, après la crise. Pourquoi ce texte, qui était prêt, n’est-il pas discuté ?

Quelle est aussi l’éventualité d’un reconfinement ? Il serait bon que le Gouvernement nous dise si cette option est actuellement discutée, parce que ses conséquences seraient très graves.

M. Paul Molac. Ce texte étant présenté comme l’alter ego de celui que nous n’avons déjà pas voté, je ne vois pas de raison de le voter... Je n’ai pas connu dans ma vie de restrictions aussi importantes que toutes ces mesures attentatoires aux libertés – de déplacement, de réunion, du commerce, de travailler ! Vous nous demandez de vous faire confiance et de vous laisser les clés du camion. Mais, si la crise n’est pas forcément plus mal gérée que dans d’autres pays, il y a tout de même des retards à l’allumage, d’autant qu’on n’est pas capable de s’appuyer sur les bonnes volontés pour régler nos problèmes. C’est typiquement français : dès que les choses sont graves, il n’y a que la haute administration qui peut gérer quoi que ce soit. On ne s’appuie ni sur les Français ni sur les collectivités locales, ce que je regrette. Les taux d’incidence sont très variables selon les régions. En Bretagne, il est actuellement de 67 et, en centre Bretagne, il est même proche de 0. Un reconfinement ou un couvre-feu à 18 heures, c’est incompréhensible !

Dans un tel cadre, à quoi bon laisser le Parlement poser des questions, puisque l’on sait bien que tout est décidé d’avance et que l’on nous demande seulement d’adopter le texte ? Si c’est cela le rôle du Parlement, je ne vois pas pourquoi nous voterions ! Vous prenez vos responsabilités, puisque vous ne voulez pas les partager avec les autres, et vous supporterez aussi seuls toute la vindicte populaire, qui ne manquera pas de se manifester.

M. Olivier Véran, ministre. Voilà bien des propositions bienveillantes, pragmatiques et constructives de la part de certains intervenants pour contrer l’épidémie et protéger les Français sans avoir besoin de recourir à l’état d’urgence sanitaire ! Je vais vous répondre, même si ce n’est pas la première fois que nous avons ce débat – la dernière, j’espère. J’en suis à ma vingtième heure au Parlement en deux jours.

M. Philippe Gosselin. C’est bien la moindre des choses !

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Monsieur Gosselin, ce n’est pas un dialogue avec le ministre ! Est-ce là votre nouvelle façon de travailler en 2021 ? Écoutez ses réponses !

M. Olivier Véran, ministre. Mme Firmin Le Bodo m’a demandé ce qui se passerait si l’état d’urgence sanitaire n’était pas prorogé : il n’y aurait plus de couvre‑feu, par exemple, soit plus de moyens nationaux de freiner l’épidémie. L’état d’urgence sanitaire, ce n’est pas un grigri pour le Gouvernement, ni un moyen pour lui de retirer des droits au Parlement, ni une façon de maîtriser qui que ce soit. L’état d’urgence sanitaire, croyez-moi, le jour où l’on pourra s’en passer, ce sera une bonne nouvelle pour les Français, parce que cela voudra dire que leur vie n’est plus en danger. Monsieur Molac, je veux bien que l’on étudie tous les moyens de lutter contre une épidémie qui fait encore 300 morts par jour dans notre pays, qui envoie 1 500 personnes par jour à l’hôpital, qui fait que les soignants n’ont pas pris de vacances, qu’ils ne se sont pas reposés et qu’ils continuent de sauver des vies au quotidien, mais ce ne sera pas en rouvrant les bars et les discothèques aujourd’hui, plutôt en limitant les déplacements et les sources de contamination.

La France est loin d’être le seul pays à agir ainsi. En revanche, elle s’illustre, à ce stade, par son faible niveau de contraintes collectives par rapport aux pays qui nous entourent, à l’exception, peut-être, de l’Espagne, qui a rouvert certains établissements recevant du public mais qui s’interroge sur la nécessité de les refermer compte tenu de la reprise de l’épidémie. La France est l’un des seuls pays d’Europe occidentale à avoir maintenu les écoles ouvertes, et ce depuis le mois de mars. Dans certains pays européens, l’école n’est toujours pas rouverte, ou certainement pas à temps complet. Dans certaines régions italiennes, les enfants n’ont pas pu suivre une seule semaine complète d’école depuis le mois de mars dernier. Je veux bien que l’on soit critiqué pour notre gestion, mais ce que je ne peux laisser dire, c’est que nous aurions choisi une restriction volontaire, farouche et débridée des libertés individuelles et collectives pour une autre raison que pour protéger la vie et la santé des Français. C’est bien ce que font la totalité de nos voisins, y compris ceux qui n’avaient pas pris le chemin du confinement, mais qui ont changé leur fusil d’épaule pour affronter la deuxième vague, ainsi que certains pays asiatiques, qui ont moins de cas et de morts que nous, mais qui ont été obligés d’instaurer des confinements territorialisés assez radicaux.

La question que je pose, sans avoir la réponse, c’est : jusqu’à quand sommes-nous susceptibles d’avoir recours à des mesures de gestion pour freiner l’épidémie et protéger les Français ? Nous avons cependant un nouvel élément dont nous ne disposions pas lors de l’examen des précédents textes : le vaccin. S’il freine les contaminations, si la vaccination permet de protéger la population, nous aurons une arme identifiée par les chercheurs et les médecins, qui nous permettra de protéger durablement les populations face au risque viral et de supprimer tout dispositif visant à protéger les gens en limitant les libertés individuelles et collectives et en fermant les établissements recevant du public. Mais quand ? Pas le mois prochain, ni vraisemblablement pas avant le printemps, vu les niveaux de circulation actuels du virus. L’Allemagne a annoncé hier qu’elle pourrait maintenir des mesures de confinement jusqu’au mois d’avril ! Ce n’est pas de ça dont nous parlons ! Il y a un couvre‑feu partiel à 18 heures dans vingt‑trois départements et un couvre-feu national à 20 heures ailleurs. Ce sont des mesures susceptibles d’évoluer, mais qui sont toujours adaptées à la circulation du virus et qui visent à protéger les Français.

La place du Parlement est fondamentale ! C’est le septième texte que je présente devant vous et je suis venu à chaque fois, à chaque heure de débat, à l’Assemblée nationale et au Sénat. J’ai été convoqué en commission d’enquête parlementaire ; j’ai participé à toutes les missions d’information parlementaires de jour et de nuit. Je suis à la disposition du Parlement. Que l’on décide de se revoir dans deux mois ou dans trois, avec ou sans texte, on se voit de toute façon toutes les semaines ! Lors de la dernière séance de questions au Gouvernement, dix questions ont porté sur la gestion sanitaire. Une commission a été créée hier après-midi à laquelle j’ai répondu. Systématiquement, les membres du Gouvernement répondent favorablement aux invitations des parlementaires. Le Parlement est bel et bien associé.

La question qui se pose est donc, je le redis, celle de la durée. Nous avons saisi le Conseil d’État, qui a formulé des réponses, et le Conseil scientifique, qui nous a fait des propositions. Ce sont celles qui figurent dans le texte soumis à votre examen.

M. Guillaume Gouffier-Cha. Merci beaucoup d’être parmi nous ce soir, monsieur le ministre, pour répondre à nos questions et pour échanger sur la situation sanitaire. Elle a demandé des mesures fortes, exigeantes pour tous nos concitoyens, qui sont respectées. Malheureusement, l’épidémie continue, ce qui nous amène à examiner ce texte visant à proroger l’état d’urgence sanitaire. Ce n’est pas une surprise, contrairement à ce que certains peuvent avancer : nous savions, depuis le jour où a été prise la décision de reporter le projet de loi instituant un régime pérenne de gestion des urgences sanitaires, que nous aurions à nous réunir, dès le début de l’année, pour proroger l’état d’urgence.

Je voudrais poser plusieurs questions qui sont importantes pour que tout le monde comprenne bien pourquoi nous sommes amenés à le faire.

Quelle est exactement la situation dans notre pays au moment où nous nous parlons, et quelles sont les perspectives, notamment pour ce qui est du variant qui se propage ?

S’agissant de l’article 4 du projet de loi, on peut saluer le fait que vous n’avez pas retenu la rédaction proposée par le Conseil d’État, qui tendait à fixer par décret une date de caducité pour les systèmes d’information – nous le ferons dans la loi. Pouvez-vous rappeler quels sont ces systèmes d’information ? Par ailleurs, quel bilan en faites-vous ?

Nous serons vigilants, bien entendu, en ce qui concerne le respect du Parlement. À cet égard, nous avons des interrogations sur l’article 3.

M. Raphaël Schellenberger. Je me réjouis du retrait du texte qui visait à instaurer un état d’urgence sanitaire pérenne. Je l’ai dit dès le mois de novembre, tant que nous sommes en crise, on ne peut pas créer un état d’urgence pérenne ; on gère la crise. Vous avez décidé d’adopter une tactique plutôt qu’une stratégie : restons-en là. Nous adopterons un état d’urgence pérenne lorsque nous ne serons plus pris par la peur liée à la gestion de la crise actuelle, c’est-à-dire lorsqu’on aura de la distance, du recul – cela me semble bien plus prudent.

Il y a, comme à chaque fois, un problème de temporalité. Le consentement des Français aux mesures privatives de liberté qu’on leur impose est de plus en plus difficile à maintenir. Ce consentement repose sur nous, et non sur trente-cinq citoyens tirés au sort. Nous demandons depuis le début des clauses de revoyure régulières. Or à chaque fois qu’un texte nous est présenté, la revoyure prévue est plus tardive.

Objectivement, ce texte permettra un confinement jusqu’au 31 décembre 2021. Il faut le dire aux Français : le Gouvernement pourra décider un confinement jusqu’à cette date. Qu’allez-vous faire dans les prochaines semaines, monsieur le ministre, avec les pouvoirs qui vous seront confiés par le projet de loi ?

Les chiffres des contaminations montrent que nous sommes sur un plateau. Nous n’observons pas forcément un effet des fêtes aussi important que vous aviez pu l’envisager, ni un effet du couvre-feu à 18 heures. Les mesures privatives de liberté sans effet étant toutes superflues, comment comptez-vous les revoir, et à quel rythme ?

La parole publique des ministères est de plus en plus espacée : le temps qui s’écoule entre les points de situation est de plus en plus important. Il serait bon de nous présenter une stratégie de revoyure plus régulière.

M. Sacha Houlié. Ce que vient de dire Raphaël Schellenberger ne correspond pas vraiment à ce que nous avons conclu, avec Philippe Gosselin, en ce qui concerne la pérennisation de l’état d’urgence sanitaire dans notre droit.

Je voudrais féliciter le ministre : les résultats actuels, en matière de santé publique, montrent que la France s’en sort beaucoup moins mal, ou beaucoup mieux, que ses voisins. Cela ne change rien au fait que nous aurions préféré avoir connaissance du projet de loi bien plus tôt que quelques heures avant votre audition. Je comprends qu’il y ait des contraintes liées au conseil des ministres, mais il est assez délicat d’examiner un texte dans ces conditions.

J’aimerais savoir, compte tenu des critiques qui vous sont adressées, pourquoi vous ne faites pas état du fait que la gestion du vaccin est coordonnée au niveau européen et que toute rupture dans ce domaine romprait la stratégie vaccinale. Tout le battage fait par les présidents de région conduit à déstabiliser ce qui a été mis en place à ce niveau. J’aimerais vous entendre sur ce point.

Pouvez-vous nous dire, par ailleurs, quel sort vous envisagez de réserver aux propositions que nous avons faites, avec Philippe Gosselin, dans notre rapport ? Nous pourrions envisager de les examiner, sinon d’ici à demain, du moins lors de la séance.

L’article 3 du projet de loi prévoit de proroger les mesures temporaires de notre état d’urgence sanitaire jusqu’au 30 septembre prochain. Cette disposition ne me paraît pas indispensable : nous aurons l’occasion de revenir sur cette question d’ici au mois de juin. Quel avis émettriez-vous si nous proposions de supprimer cet article ?

M. Antoine Savignat. Je voudrais revenir, monsieur le ministre, sur votre réponse à M. Philippe Gosselin.

Comprenez que nous soyons particulièrement en colère s’agissant des délais d’examen de ce texte : nous en discutons alors que nous en avons eu connaissance il y a trois heures. En outre, le projet de loi nous privera d’une partie de nos prérogatives dans les mois à venir, ce que nous ne pouvons pas tolérer.

Entendez, à travers nous, l’inquiétude des Français. Vous l’avez dit vous-même, vous ne comptez plus le nombre de fois où vous êtes venu nous présenter des textes à ce sujet. Or c’est plus grave à chaque fois : la durée d’application des mesures prévues est de plus en plus longue ; à chaque fois, nous sommes confrontés à un constat d’échec des décisions qui ont été prises précédemment.

On nous dit, et on le croit, on l’espère, que le vaccin sera la solution à la crise. Il y a quelques mois, lorsqu’on vous interrogeait sur la politique vaccinale, la réponse était : « Circulez, braves gens, tout est sous contrôle ». On s’aperçoit maintenant qu’on patauge, que personne ne sait exactement, sur le terrain, comment on fera. Nous nous réjouissions hier d’avoir reçu 50 000 doses de vaccin, alors qu’il en faudrait 120 millions pour les Français. Vous proposez un escabeau à un astronaute en lui disant qu’il va pouvoir se rapprocher des étoiles !

On ne peut plus avoir confiance. Je pose la question au ministre de la santé et au médecin que vous êtes : dans des conditions similaires, vous feriez-vous confiance ?

Mme Marietta Karamanli. Nous nous revoyons pour la énième fois afin de travailler sur ce sujet. Vous avez toujours été disponible pour répondre à nos questions. Néanmoins, nous regrettons que le projet de loi ne fasse pas du tout référence au contrôle parlementaire. Nous avons connu des situations graves sous d’autres législatures : le Parlement et le Gouvernement ont toujours su se mobiliser, côte à côte, pour exercer leurs responsabilités.

Nos amendements ont systématiquement été refusés ; nous espérons qu’il y aura, cette fois, une écoute plus importante de la part du Gouvernement. Je le dis très simplement et très sérieusement.

Des collègues ont proposé d’organiser un débat parlementaire à chaque avancée en matière de connaissances scientifiques. Qu’en pensez-vous ? Il faut qu’une expertise publique collégiale, transparente et contradictoire soit au cœur de la décision. On voit, en effet, que l’absence de transparence, de contradictoire et de collégialité suscite des inquiétudes au sein de la population.

S’agissant des mesures de police, ne faudrait-il pas présumer que la condition relative à l’urgence est satisfaite lorsque le juge administratif est saisi, par la voie du référé, à partir du moment où un état d’urgence sanitaire a été décrété ou prorogé ? Ne faudrait-il pas également qu’un bilan des décisions prises par le juge soit établi ?

Je rappelle, enfin, que nous travaillons dans des conditions très contraintes : nous avons jusqu’à demain, quatorze heures, pour déposer des amendements. Par conséquent, nous souhaitons que le dialogue puisse ensuite se poursuivre, d’ici à la séance, afin d’améliorer ce texte qui ne correspond pas à ce que nous attendons en tant que parlementaires et citoyens.

M. Guillaume Larrivé. Je suis favorable à la prorogation du régime de l’état d’urgence sanitaire : sur le plan juridique et pratique, on a besoin de donner à l’autorité administrative des pouvoirs renforcés qui limitent, dans une certaine mesure, la liberté de circulation. C’est extrêmement désagréable, on aimerait tous s’en passer, mais il existe, au-delà du droit, un principe de réalité : on a besoin de ces outils, qui ne sont pas entre les mains d’un gouvernement doté des pleins pouvoirs, comme on le lit parfois dans les gazettes. Dans la République française qui est la nôtre, il y a une institution qui s’appelle le Conseil d’État, il y a des juges administratifs, des procédures de référé, un examen contradictoire par ces juges, un principe de proportionnalité dont l’application est vérifiée, etc. Bref, ces outils me paraissent devoir être confiés à un gouvernement qui doit gouverner.

Néanmoins, je pense que vous vous trompez, Monsieur le ministre, lorsque vous pensez vous renforcer en nous demandant de vous accorder ces pouvoirs pour une durée très longue. Vous vous renforceriez, au contraire, si vous acceptiez de réduire les délais des clauses de rendez-vous avec le Parlement. Vous voyez bien qu’il y a des questions à ce sujet dans tous les groupes, y compris au sein de ceux de la majorité. Le Gouvernement serait plus fort, s’agissant de sa capacité à prendre ces mesures et à les faire accepter, si vous consentiez, tous les deux ou trois mois, à ce qu’on vous relégitime en vous accordant les pouvoirs liés à l’état d’urgence sanitaire.

Sur le fond, je suis convaincu que nous prendrions, nous-mêmes, des mesures relatives à l’état d’urgence sanitaire si nous étions aux affaires, car c’est la nécessité qui commande en la matière, mais je pense qu’on a plutôt intérêt à prévoir, d’une manière relativement détendue, si je puis dire, des clauses de rendez-vous pour essayer de créer quelque chose qui ressemble à un consensus. Je sais que c’est très difficile : il est normal qu’il y ait des débats et du pluralisme – c’est très sain, c’est la démocratie –, mais je pense que vous seriez plus forts si vous acceptiez de desserrer un peu les délais. Nous dire que certaines mesures s’appliqueront jusqu’à la fin du mois de décembre, c’est un peu too much, si vous me permettez cette expression familière.

M. Philippe Gosselin. Il y a effectivement un principe de réalité : nous avons besoin d’outils, personne ne le conteste. Vous savez bien, monsieur le ministre, que le groupe Les Républicains a voté en faveur de l’état d’urgence – je l’ai fait au nom de mon groupe, que je représentais à ce moment-là –, car il faut des outils. Comme l’a souligné fort justement Guillaume Larrivé, personne ne nie la nécessité d’agir.

En revanche, nous avons un désaccord sur la forme, sur la rapidité avec laquelle le projet de loi est examiné : nous avons moins de vingt-quatre heures pour proposer des amendements à un texte fondamental qui est privatif de liberté et exorbitant du droit commun. Ce n’est pas un texte technique ou anodin ; il ne s’agit pas de mettre un petit pansement au bout du doigt pour traiter un bobo.

Nous achoppons depuis des mois sur la question de la clause de revoyure, qui serait pourtant simple à régler : il faudrait tout simplement introduire un tel mécanisme pour mettre le Parlement au cœur du dispositif, non pour qu’il se comporte en empêcheur de tourner en rond mais afin qu’il soit un acteur du contrôle démocratique, nécessaire dans un État de droit. Nous l’avons dit, avec Sacha Houlié, d’une façon très transpartisane dans un rapport qui a notamment été mentionné par le Conseil d’État. Je n’aurai pas la prétention de dire que tout est parfait dans cette contribution, mais elle comporte des propositions qui font consensus. Nous pourrions les reprendre.

Je reviens, sans vouloir être insistant ou désobligeant, sur la question que je vous ai posée : quid après le 31 décembre 2021 ? Nous allons proroger, si l’article 1er est adopté, l’application de la loi du 23 mars 2020 qui devait être caduque au 31 mars de cette année. Il faut bien qu’il y ait un cadre, et je n’ai pas d’état d’âme quant à la prorogation de cette loi, mais que se passera-t-il dans la nuit du prochain réveillon ? Il n’y aura plus de texte support au 1er janvier 2022. Puisque gouverner c’est prévoir, quand et de quelle façon envisagez-vous de présenter un nouveau texte pour donner un cadre à l’état d’urgence sanitaire ? S’il n’y avait pas d’autre projet de loi – le précédent a été retiré, un peu en catastrophe, le 22 décembre –, nous demanderez-vous une prorogation dans les mêmes conditions un peu désastreuses sur le plan de l’organisation ?

M. Sébastien Huyghe. Comme le soulignait Guillaume Larrivé, des clauses de revoyure régulières sont nécessaires, mais elles ne doivent pas consister uniquement à voter la prorogation des dispositions. Il faut, au préalable, des débats dans l’hémicycle – comme celui qui a eu lieu avant les fêtes –, lors desquels le ministre fait le point sur la situation. Cela nous permet d’aborder l’ensemble des sujets et de nous prononcer en toute connaissance de cause. Alors seulement l’examen du texte peut intervenir. Il est d’autant plus important de procéder ainsi que les amendements que nous déposons font l’objet d’un contrôle pour déterminer s’ils sont en rapport ou non avec le texte et qu’il peut arriver qu’ils ne franchissent pas ces fourches caudines.

Par ailleurs, vous prorogez l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 1er juin. Or il n’a échappé à personne qu’à la suite de leur report, les élections départementales et régionales doivent se tenir début juin. Si nous sommes en état d’urgence sanitaire jusqu’au 1er juin, toute campagne électorale est impossible. Le scrutin ne saurait donc avoir lieu au lendemain de la levée de l’état d’urgence – à supposer, d’ailleurs, que celle-ci intervienne. Dans l’esprit du Gouvernement, le vote du texte qui nous est soumis aboutit-il naturellement à un nouveau report des élections régionales et départementales ?

M. Philippe Latombe. Je serai très bref, car la discussion générale aura lieu dès demain. Monsieur le ministre, serez-vous présent pour nous apporter votre éclairage lors de l’examen des amendements, qui commencera aussitôt après ? Cela permettrait de compenser en partie le fait que les délais d’examen imposés sont très courts.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Je me joins aux propos de certains de mes collègues quant à l’importance de rendez-vous fréquents devant le Parlement ; chacun ici sait que je suis très attachée au rôle du Parlement en période de crise sanitaire. La question est de savoir quel est le bon laps de temps. C’est un des points dont nous discuterons demain.

On parle beaucoup, dans les médias, du fameux passeport sanitaire, qui alimente aussi les conversations de nos concitoyens. Un certain nombre de questions se posent s’agissant de ce qu’il est possible de faire en état d’urgence sanitaire, des pouvoirs qui vous sont octroyés en lien avec ce régime d’exception. Le passeport sanitaire supposerait, très concrètement, des restrictions de liberté selon que l’on est vacciné ou pas. Cela fait-il partie des mesures que vous pourriez prendre dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire tel qu’il est défini actuellement ? Envisagez-vous d’instaurer un passeport sanitaire et, si oui, quelles pourraient en être les modalités ?

M. Olivier Véran, ministre. Le Gouvernement a très explicitement indiqué que cette proposition d’un passeport sanitaire ne visait en aucune manière la vaccination contre le covid-19 et qu’il n’avait pas l’intention d’y recourir. Plus généralement, en ce qui concerne les outils susceptibles d’être mobilisés dans le cadre de cette crise, une analyse juridique est toujours nécessaire, mais, comme le savez, un arrêté signé du ministre sur la base de l’article L. 3131-1 du code la santé publique, dans un contexte de crise sanitaire, emporte un certain nombre de conséquences et permet l’application de diverses mesures.

Je rappelle que le projet de loi instituant un régime pérenne de gestion des urgences sanitaires visait à inscrire dans le droit des mesures de restriction de liberté liées à une catastrophe sanitaire, qui incluaient d’ailleurs la possibilité pour le ministre de la santé de prendre des arrêtés – à l’image de ce qui s’est passé depuis un an. Le Gouvernement souhaitait que le Parlement se prononce sur ces dispositions. En attendant, le texte dont nous discutons aujourd’hui est le septième que je vous présente.

Je rappelle aussi que j’ai participé à l’intégralité des débats sur la vaccination au Parlement, les 16 et 17 décembre derniers – ce qui est tout à fait normal –, et que le 16 décembre, à l’Assemblée nationale, à la fin, nous n’étions pas très nombreux… Je veux bien que l’on multiplie les débats, encore faut-il qu’ils mobilisent toutes celles et tous ceux qui souhaitent que nous les organisions. Je n’ai pas compté le nombre de députés présents, mais l’hémicycle était très clairsemé.

M. Sébastien Huyghe. Les orateurs étaient là !

M. Olivier Véran, ministre. Certes, mais vous voyez bien ce que je veux dire.

La rédaction de l’article 4 reprend à l’identique les dispositions existantes relatives aux systèmes d’information, à savoir Contact Covid et le système d’information national de dépistage (SI-DEP), qui nous permettent de colliger le nombre de cas et sont à l’origine des chiffres publiés tous les soirs, de manière transparente, par Santé publique France. Grâce à SI-DEP, nous réalisons le traitement des données liées aux tests antigéniques et PCR et, ce faisant, nous assurons un suivi épidémiologique. Il est évident que nous avons besoin de ces outils. Nous devrons d’ailleurs les conserver quelques semaines ou quelques mois après la sortie de la pandémie – car nous en sortirons – et faire en sorte de ne pas écraser immédiatement les données disponibles, le temps d’être vraiment sûrs que le virus ne réapparaît pas.

Je suis en désaccord avec deux des choses que vous avez dites, monsieur Schellenberger.

À vous entendre, avec ce texte, le Gouvernement pourrait décider à sa convenance de confiner les Français jusqu’au 31 décembre. C’est factuellement faux. Je ne suis pas juriste, contrairement à vous, mais je me permets d’insister sur le fait que le confinement généralisé n’est possible que lorsque l’état d’urgence sanitaire a été déclaré et pour une durée qui ne peut excéder son terme. Le Gouvernement seul ne peut déclarer l’état d’urgence que pour une durée d’un mois, après quoi nous devons passer à nouveau devant le Parlement et obtenir un vote favorable. Soyons précis.

La seconde imprécision dans vos propos était d’ordre scientifique. Vous avez dit que le couvre-feu paraissait sans effet. Peut-être disposez-vous d’informations scientifiques qui me font défaut. Pour ma part, celles que j’ai, et que je puis vous livrer si cela vous intéresse, sont les suivantes : dans les quinze départements où nous avons mis en place le couvre-feu à 18 heures depuis le 2 janvier, le taux d’incidence, qui révèle l’évolution de l’épidémie, continue certes à progresser, mais beaucoup plus faiblement que dans les autres – 16 % d’augmentation d’un côté, 43 % de l’autre. Il faut donc être prudent avant de dire que cette mesure n’est pas efficace… Il est vrai que nous ne disposons pas encore du recul suffisant pour affirmer qu’il permet de faire baisser la circulation du virus, mais son effet de freinage paraît d’ores et déjà avéré. C’est pourquoi le Conseil scientifique nous enjoint d’utiliser le couvre-feu. Non seulement la mesure présente une certaine efficacité, mais elle me paraît mieux tolérée par les Français que le confinement et permet d’éviter la fermeture les commerces, notamment.

Monsieur Houlié, la coordination européenne existe. Elle a beaucoup porté sur la stratégie d’achat de vaccins, avec à la clé une grande efficacité, d’ailleurs, car nous en sommes à 600 millions de doses du vaccin Pfizer-BioNTech pour la seule Union européenne. Des règles très claires ont été fixées, qui permettent des livraisons tenant compte du ratio de la population de chaque État au sein de la population européenne : des tours ont été instaurés, chacun pouvant choisir de prendre ou pas les doses qui lui sont attribuées – je vous rassure, la France a systématiquement pris sa part.

Nous avons aussi une coordination plus implicite, mais bien réelle, en matière de stratégie vaccinale, qu’il s’agisse des publics prioritaires, des modalités d’organisation ou encore de l’administration de la seconde dose. Cela ne veut pas dire que nous faisons tous les mêmes choix. Par exemple, l’Allemagne a opté pour cinquante grands centres, quand j’ai préféré ouvrir des centres de proximité, développés avec les collectivités. Quoi qu’il en soit, nous nous appelons ou tenons des réunions au niveau européen plusieurs fois par semaine, ce qui nous permet de nous enrichir collectivement. J’ajoute que nous avons la même attitude vis-à-vis des Britanniques, même s’ils ne font plus partie de l’Union européenne : pas plus tard qu’il y a trois jours, je me suis entretenu en visioconférence avec mon homologue britannique pour qu’il partage avec moi les données dont il disposait s’agissant du fameux VOC-202012/01 – contagiosité, informations relatives aux différents publics, rythme de diffusion du virus, niveau des charges virales dans les eaux usées, etc. Nous nous coordonnons donc de façon systématique.

S’agissant de l’article 3, vous m’avez demandé en substance s’il était nécessaire de conserver les mesures dérogatoires de sortie de l’état d’urgence sanitaire jusqu’à la fin de l’été. L’expérience a montré que nous en avions besoin. Ainsi, l’été dernier, nous avons décidé en urgence d’instaurer un couvre-feu dans les Bouches-du-Rhône en raison d’une reprise épidémique importante à Marseille, alors même que le Parlement ne siégeait pas. Les dispositions en question ont permis d’asseoir la sécurité juridique de cette décision. En leur absence, j’aurais dû passer par un arrêté pris sur le fondement de l’article L. 3131-1 du code de la santé publique, mais celui-ci aurait été plus fragile sur le plan juridique et aurait pu être attaqué. Du reste, le recours à un arrêté n’aurait pas davantage supposé de faire appel au Parlement.

J’entends néanmoins qu’il y a des interrogations quant à l’utilité de l’article 3 ou du maintien pour une telle durée des dispositions visées. Je suis tout à fait ouvert sur ce point : si vous considérez que le 30 septembre est une date trop éloignée et que vous voulez une clause de revoyure fin juillet, peu importe. L’essentiel est de retenir le principe selon lequel une sortie sèche de l’état d’urgence sanitaire pendant l’été n’est pas envisageable – je le dis en particulier à l’intention de Mme la présidente de la commission des Lois, qui, je le sais, est sensible à ce sujet, ce en quoi elle a parfaitement raison. J’aimerais qu’il soit possible de s’en passer, mais j’en doute très fortement, même avec la vaccination. Si vous décidiez de raccourcir la durée pendant laquelle s’appliquent les mesures dérogatoires de sortie de l’état d’urgence sanitaire, nous serions amenés à nous revoir avant l’été ; c’est possible – c’est toujours un plaisir…

Monsieur Gosselin, vous me demandez ce qui se passera après le 31 décembre 2021. Eh bien, je ne sais pas ! Je ne suis absolument pas en mesure de vous dire ce qui se passera dans un an. Au début de l’année 2020, nous ne pouvions pas savoir que tant de choses arriveraient. Entre-temps, les trois quarts des humains ont été confinés pendant des semaines, 2 millions de personnes sont mortes à cause d’un virus jusqu’alors inconnu et le monde a changé. Je ne sais donc pas vous répondre.

M. Philippe Gosselin. Je vous demandais une réponse juridique, monsieur le ministre !

M. Olivier Véran, ministre. Si le dispositif légal encadrant l’état d’urgence sanitaire devait être prorogé jusqu’au 31 décembre 2021, et que, par malheur, nous avions encore besoin de mesures de gestion sanitaire au-delà de cette date, un nouveau texte vous serait présenté.

M. Philippe Gosselin. Cela veut-il dire que vous renoncez à présenter un texte pérennisant le cadre juridique de l’état d’urgence ?

M. Olivier Véran, ministre. Nous avions présenté en conseil des ministres un texte qui permettait d’inscrire dans le droit commun des dispositifs évitant de recourir à l’état d’urgence sanitaire, qui est un régime dérogatoire. Le moment n’était pas venu de le faire, notamment en raison du démarrage de la campagne vaccinale. Nous avons pris l’engagement de proposer un nouveau texte à froid, en concertation avec les parlementaires. Je rappelle au passage que ce sont eux qui voulaient un texte proposant des dispositions pérennes, pas le Gouvernement.

M. Philippe Gosselin. Celui dont vous parlez a été présenté le 21 décembre et retiré le 22 !

M. Olivier Véran, ministre. Monsieur le député, quand nous ne bougeons pas, on nous accuse de ne pas savoir le faire, et quand nous bougeons en vingt-quatre heures, on nous reproche de le faire trop vite ! Je ne sais plus quoi vous dire… La prochaine fois, vous nous indiquerez au bout de combien de jours nous devons bouger.

M. Philippe Gosselin. Ce qui est important, c’est d’établir un cadre juridique.

M. Olivier Véran, ministre. Les parlementaires ont demandé au Gouvernement d’inscrire dans le droit commun un dispositif permettant de ne plus recourir à des mesures législatives extraordinaires. Le Gouvernement s’est exécuté, sur la base d’une mission effectuée par des parlementaires, et a présenté un projet de loi en conseil des ministres. Certains parlementaires ayant estimé que le texte n’était pas le bienvenu à ce moment-là, le Gouvernement l’a retiré. Nous n’allons pas nous en excuser !

Monsieur Latombe, je ne serai pas avec vous en Commission demain. D’une part, ce n’est pas forcément l’usage. D’autre part, je serai en déplacement avec le Premier ministre pour aider à la mise en place de centres de vaccination dans l’est du pays et aller à la rencontre de soignants. Je participerai, en revanche, à la discussion en séance ou bien d’autres représentants du ministère seront présents – je ne peux pas vous dire si je participerai à l’ensemble du débat car, chacun le comprend, cela dépendra de la situation sanitaire et de mes obligations à ce moment-là, à l’image de celles que je vais retrouver dans quelques minutes, après vous avoir quittés.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Je précise à l’intention de M. Latombe que, pour l’organisation de l’examen des amendements, je n’ai pas sollicité la présence du ministre, considérant que l’audition de cet après-midi nous permettrait de l’interroger.

M. Sébastien Huyghe. Madame la présidente, je n’ai pas eu mes réponses !

Mme Marietta Karamanli. Moi non plus !

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Chers collègues, le dialogue avec le ministre se poursuivra en séance publique.

Monsieur le ministre, je vous remercie d’avoir été présent parmi nous malgré les délais contraints. Je note au passage qu’il y a une forme de paradoxe à demander des clauses de revoyure extrêmement fréquentes devant le Parlement tout en critiquant les délais contraints, qui en sont le nécessaire pendant… Il est difficile de trouver le bon équilibre, mais nous le recherchons constamment. Quoi qu’il en soit, chers collègues, nous savons faire face à des conditions d’examen très contraintes.

M. Philippe Gosselin. Certes, mais une clause de revoyure éviterait la bousculade et la précipitation, précisément parce qu’elle est prévue : cela permet d’anticiper. C’est toute la différence entre vitesse et précipitation…

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Chers collègues, nous poursuivrons ces débats demain dès 15 heures.

 


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   COMPTE-RENDU DES DÉBATS

Lors de sa réunion du jeudi 14 janvier 2021, la Commission examine le projet de loi autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et reportant la date de caducité des régimes institués pour faire face à la crise sanitaire (n° 3733) (M. Jean-Pierre Pont, rapporteur).

Lien vidéo :

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.10153406_60004adad925c.commission-des-lois--prorogation-de-l-etat-d-urgence-sanitaire--14-janvier-2021

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Mes chers collègues, après l’audition, hier à dix-huit heures trente, du ministre des solidarités et de la santé, nous en venons à la discussion générale et à l’examen des articles du projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire, qui fait l’objet d’un peu moins de soixante-dix amendements.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. L’audition du ministre des solidarités et de la santé nous a éclairés sur le contexte sanitaire qui nous préoccupe. Lors de l’examen des cinq précédents textes relatifs à la menace épidémique de covid-19, nous avons déjà pu aborder en détail les sujets dont nous sommes appelés à débattre, à nouveau, aujourd’hui. Vous me permettrez donc d’entrer directement dans le vif du sujet, sans oublier que la situation sanitaire reste fragile et incertaine, selon les mots du Conseil scientifique. Ce dernier a rendu un avis favorable à la prorogation de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 1er juin et à celle de son cadre juridique jusqu’au 31 décembre.

Vous le savez, ce second état d’urgence sanitaire est en vigueur depuis le 17 octobre dernier. Depuis cette date, nous avons examiné un projet de loi de prorogation, devenu la loi du 14 novembre 2020, mais surtout subi une deuxième vague éprouvante pour les Français et pour le personnel soignant. Il y a eu une première phase de couvre-feu, un second confinement et, depuis le 15 décembre dernier, une nouvelle phase de couvre-feu. Le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État sont très clairs : seul le régime de l’état d’urgence sanitaire permet de fonder en droit ces mesures particulièrement contraignantes.

Alors que l’état d’urgence sanitaire arrive à échéance le 16 février prochain, il apparaît d’ores et déjà indispensable de le proroger une nouvelle fois, compte tenu de la persistance de l’épidémie non seulement sur notre territoire, mais aussi partout en Europe et dans le monde.

La loi du 23 mars 2020 a fixé au 1er avril 2021 l’échéance du cadre juridique sur le fondement duquel l’état d’urgence sanitaire peut être mis en œuvre. Si un projet de loi instituant un régime pérenne de gestion des urgences sanitaires a bien été déposé le 21 décembre dernier, la gravité de la situation sanitaire, le manque de recul sur l’épidémie et la nécessité de construire un régime juridique pouvant également servir lors des crises futures, quelles que soient leur forme et leur gravité, ne permettaient pas, à court terme, qu’il soit examiné de façon apaisée. Pour faire face à la persistance de la crise sanitaire, un nouveau projet de loi a donc été déposé hier : il est aujourd’hui soumis à notre examen.

Faute de régime pérenne, l’article 1er proroge le cadre de celui que nous connaissons actuellement et qui a fait ses preuves depuis le mois de mars dernier. L’échéance du régime d’état d’urgence sanitaire est ainsi repoussée du 1er avril au 31 décembre 2021. Le présent article n’a cependant pas pour effet de proroger automatiquement l’état d’urgence sanitaire actuellement en vigueur. Son application dans le temps reste soumise au régime de l’article L. 3131-13 du code de la santé publique qui soumet, après sa déclaration initiale par décret en conseil des ministres pour une durée de quatre semaines, sa prorogation au vote du Parlement. Dans la mesure où cet article ne fixe qu’un cadre et que la durée de l’état d’urgence sanitaire continuera de relever de la décision du Parlement, la prorogation qui nous est proposée à l’article 1er me paraît adaptée pour fournir un cadre juridique stable à la lutte contre l’épidémie de covid-19, mais aussi pour nous laisser le temps de déterminer le régime pérenne qui lui succédera.

En application de l’article L. 3131-13 du code de la santé publique, l’article 2 du projet de loi soumet au vote du Parlement la prorogation de l’état d’urgence sanitaire actuellement en vigueur. Cette prorogation serait de trois mois et demi et courrait donc jusqu’au 1er juin 2021. Cette durée est également adaptée et proportionnée à l’état de la situation sanitaire. Elle permet notamment de décréter un couvre-feu pour limiter les déplacements des personnes. Je vous renvoie pour cela aux avis du Conseil d’État et du Conseil scientifique.

Si je soutiens pleinement la prorogation prévue à l’article 2, je maintiens les réserves que j’ai exprimées hier soir, avec d’autres collègues de mon groupe, vis-à-vis de l’article 3. Cet article rend applicable, jusqu’au 30 septembre 2021, le régime transitoire de sortie de l’état d’urgence sanitaire, qui pourrait s’appliquer à compter du 1er juin prochain ou avant dans les territoires où l’état d’urgence sanitaire serait levé par anticipation.

Au préalable, je tiens à rappeler que le régime transitoire a été particulièrement utile, l'été dernier, après le 10 juillet. Il a permis une sortie progressive et ordonnée du premier état d’urgence sanitaire, dans un contexte sanitaire incertain. Il a également permis au Parlement de poursuivre son contrôle renforcé de l’action du Gouvernement. J’estime néanmoins que le futur régime de sortie de ce second état d’urgence sanitaire devra être déterminé, comme en juillet dernier et le moment venu, par le Parlement en fonction de l’évolution de la situation sanitaire et des adaptations qu’elle exigera. Je vous proposerai donc de voter un amendement de suppression de l’article 3, afin que le Gouvernement sollicite le Parlement avant le 1er juin – et non avant le 30 septembre, comme le permettrait cet article – pour déterminer la réponse juridique qu’il conviendra de donner à la situation sanitaire après cette date.

L’article 4 permet de mettre en œuvre la stratégie « tester, tracer, isoler » et de poursuivre la recherche sur le virus. Sans cette capacité de suivre les personnes contaminées et leurs cas contacts, nous ne pouvons rompre les chaînes de transmission et lutter efficacement contre l’épidémie. C’est la raison pour laquelle il est proposé de proroger les systèmes d’information SI-DEP et Contact-Covid jusqu’au 31 décembre 2021. La durée de conservation des données collectées n’est pas modifiée ; elle demeure limitée à trois mois pour les données identifiantes.

Enfin, l’article 5 concerne l’application de ces dispositions aux collectivités d’outre-mer, où l’état d’urgence sanitaire s’applique dans le respect de leurs spécificités. Par coordination avec la suppression de l’article 3, je vous proposerai un amendement sur cet article ainsi que sur le titre du projet de loi.

Ce texte permet une nouvelle fois une réponse adaptée et rapide des pouvoirs publics en fonction de l’évolution de la situation, difficilement prévisible malheureusement. Le Gouvernement, le Conseil scientifique, le Conseil d’État, le Conseil constitutionnel et, évidemment, le Parlement jouent chacun pleinement leur rôle, de manière complémentaire et efficace.

Je me réjouis que la discussion de cet après-midi permette d’acter que nous aurons à discuter, dès le printemps, des suites juridiques à donner à l’évolution de la situation sanitaire. En votant ce projet de loi et en contrôlant l’action du Gouvernement, le Parlement s’affirme pleinement comme un acteur incontournable de l’état d’urgence sanitaire. Je continuerai d’y veiller en tant que rapporteur, sans relâcher ma vigilance en tant que médecin.

M. Guillaume Gouffier-Cha. La situation sanitaire dans notre pays est toujours grave, nous le savons. Même si elle est relativement stable, l’apparition des nouveaux variants, comme le Variant of concern 202012/01, également appelé VOC 2020, laisse présager une hausse des contaminations et des hospitalisations dans les semaines qui viennent.

Au 13 janvier 2021, le site de Santé Publique France décomptait plus de 23 852 nouveaux cas confirmés de covid-19 et plus de 8 950 hospitalisations, dont 1 324 en réanimation. Au nom du groupe La République en Marche, je salue le travail considérable que continuent de fournir nos personnels soignants et l’attitude générale des Français qui, dans leur très grande majorité, respectent ces mesures fortes et contraignantes.

Le projet de loi que nous examinons répond à cet impératif de santé publique en prorogeant notamment le régime juridique de l’état d’urgence sanitaire et son application au‑delà des dates prévues dans les précédents projets de loi. Oui, nous devons constamment nous réadapter, faire évoluer notre législation en fonction des indicateurs nationaux, durcir ou assouplir les mesures en place, ce qui affecte le quotidien des Françaises et des Français. Sur ce sujet, le Premier ministre sera peut-être amené à annoncer de nouvelles dispositions en fin de journée au vu du contexte national. Comme le rappelait hier le ministre des solidarités et de la santé, Olivier Véran, la France s’illustre par le niveau de contraintes collectives le plus faible de l’Union européenne, à l’exception de l’Espagne. Nous ne devons pas l’oublier.

Ce texte n’est pas une surprise. Nous savions que nous allions l’examiner puisque l’examen du projet de loi instaurant un régime pérenne de gestion des urgences sanitaires a été reporté, et devra être discuté au Parlement d’ici au printemps ou à l’automne prochain. Nous pourrons, à ce moment, nous appuyer sur les travaux de nos collègues Sacha Houlié et Philippe Gosselin afin d’apporter toutes les garanties nécessaires à l’état de droit dans un contexte exceptionnel. Sans régime pérenne, nous nous devons donc de proroger une nouvelle fois l’état d’urgence sanitaire afin de disposer des outils nous permettant de lutter contre le virus et de protéger la santé de nos concitoyens.

Depuis le début de la pandémie en mars dernier, c’est la sixième fois que nous nous retrouvons en commission des Lois afin de créer ou d’adapter le régime juridique de l’état d’urgence pour surmonter cette crise internationale et multiforme. La seule nouveauté réside dans la campagne de vaccination qui a débuté en France il y a quelques semaines et qui nous permettra, je l’espère, d’assouplir les restrictions le plus rapidement possible. Encore une fois, nous devons repousser les échéances initialement prévues pour disposer des outils susceptibles de nous aider à combattre le virus.

Le projet de loi comporte cinq articles visant principalement à proroger, je l’ai dit, l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 1er juin et son régime juridique jusqu’au 31 décembre prochains. Allonger les délais nous permet en outre de continuer à pouvoir actionner l’ensemble de ces dispositions afin de freiner l’épidémie.

Je tiens à saluer l’évolution du Gouvernement sur l’article 4, puisqu’il prévoit une date butoir s’agissant de la prorogation du système d’information de dépistage, dit SI-DEP, et de la base Contact-Covid, à l’inverse de ce que proposait le Conseil d’État. Ces dispositifs sont indispensables dans notre lutte quotidienne contre le virus.

Le Gouvernement continuera à se présenter devant notre Assemblée afin de nous éclairer sur la situation épidémiologique et de nous informer des décisions prises pour la Nation.

Le régime de sortie de l’état d’urgence devra faire l’objet d’un nouveau débat à l’Assemblée nationale. Notre groupe parlementaire a déposé un amendement de suppression de l’article 3, identique au vôtre, monsieur le rapporteur. Il apparaît prématuré de discuter d’une prorogation de ce régime de sortie. Si celui-ci est bien évidemment utile, le Parlement doit pouvoir exercer son contrôle sur l’action du Gouvernement, et non lui signer un blanc-seing jusqu’au 30 septembre 2021. Il est donc indispensable et pertinent de prévoir, avant le mois de juin prochain, une clause de revoyure afin que le Parlement puisse délibérer, comme nous l’avons déjà fait en juillet dernier, sur l’état de la situation sanitaire et habiliter le Gouvernement en connaissance de cause, si les circonstances sanitaires exceptionnelles le nécessitent.

Face à la menace sanitaire, toujours présente et oppressante, le groupe La République en Marche votera donc une nouvelle fois ce texte. Une sortie sèche ou trop précitée de l’état d’urgence sanitaire serait néfaste pour nos concitoyens. C’est certes une contrainte, mais pas une punition. Il s’agit de surmonter ces épreuves, ensemble. Et nous allons y arriver.

M. Philippe Gosselin. Mes pensées vont aux familles qui sont dans la peine, qui souffrent, le nombre de morts et de malades étant très important. Elles se tournent également vers les soignants, celles et ceux qui, au quotidien, sont présents dans les établissements hospitaliers, les maisons de retraite, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), tous ceux qui prennent une part active dans la lutte contre la pandémie.

Tout le monde reconnaît qu’il faut agir, et le Gouvernement a raison d’agir – on lui reprocherait de ne pas le faire. Mais certaines stratégies, et notamment la gestion de la vaccination, entraînent des tensions. Je n’y reviendrai pas car ce n’est ni le lieu ni l’objet de cette prorogation.

En revanche, je tiens à attirer votre attention sur une procédure dont nous subissons tous les conséquences : la procédure accélérée. Tout cela était prévisible. Or le projet de loi dont nous débattons n’a été déposé qu’hier en milieu d’après-midi sur le bureau de l’Assemblée nationale, après sa présentation en conseil des ministres hier midi et nous l’examinons cet après-midi, moins de vingt-deux heures après. Certes, il s’agit de proroger un état d’urgence, mais cela se prépare car nous ne sommes plus en février 2020 ! Nous aurions dû tirer les enseignements du passé.

Nous faisons les frais d’un imbroglio : un texte présenté en conseil des ministres le 21 décembre, quelques jours avant Noël, puis retiré – c’est une bonne chose – dans la précipitation au vu de l’émoi et de l’incompréhension qu’il avait suscités.

Mon groupe, comme d’autres, ne peut se satisfaire d’un état d’urgence reconduit et banalisé. Je m’élève avec force contre les propos du ministre de la santé, hier : il évoquait un texte technique, calendaire, dont nous connaissons les cousins germains car nous les avons étudiés au cours des derniers mois. Je ne suis pas d’accord ! Nous parlons d’état d’urgence sanitaire, c’est-à-dire d’un droit exorbitant du droit commun, d’un régime juridique d’exception.

Bien sûr, il faut permettre au Gouvernement d’agir. Bien sûr, il faut protéger nos concitoyens, c’est même une impérieuse nécessité. Les Républicains ont été aux côtés du Gouvernement pour voter le premier état d’urgence parce qu’il fallait lui donner les moyens d’agir. Nul ne conteste la nécessité de lui permettre de continuer à disposer de ces moyens juridiques, mais de manière provisoire, limitée et contrôlée. Nous ne sommes pas opposés par principe à l’état d’urgence. J’ai tenté de le démontrer, avec Sacha Houlié, mais encore faut-il que les formes et le fond soient respectés.

Nous ne savons pas ce qui se passera au 1er janvier 2022, lorsque prendra fin la prorogation, par le présent texte, de la loi du 23 mars 2020. Nous n’avons pas eu de réponse à cette question : on nous dit qu’à chaque jour suffit sa peine mais gouverner, c’est prévoir.

Par ailleurs, l’état d’urgence devait s’achever le 16 février et on nous demande de le prolonger jusqu’au 1er juin, c’est-à-dire au-delà de la date de sortie qui avait été fixée par la loi du 14 novembre, au 1er avril. On en prend pour quelques mois supplémentaires !

Et le pompon, c’est que, sans clause de revoyure, on prévoit une sortie de crise pour le 30 septembre 2021.

Ces délais nous semblent trop longs : il faudrait, au minimum, une clause de revoyure, afin que le Parlement soit associé à ces décisions. Nous avons déposé un amendement de suppression de l’article 3. J’entends avec satisfaction que le rapporteur et le groupe majoritaire ont fait de même : sur ce point, au moins, nous pourrons trouver des convergences.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Avant de donner la parole au représentant du groupe du Mouvement démocrate et Démocrates apparentés, et tous les groupes étant désormais représentés, je propose, en l’honneur de la présidente de la commission des Affaires étrangères, qui est décédée hier, d’observer une minute de silence.

(Mesdames et messieurs les députés se lèvent et observent une minute de silence.)

M. Philippe Latombe. Madame la présidente, je vous remercie, au nom du groupe du Mouvement démocrate et Démocrates apparentés, de cette attention.

Notre groupe est satisfait que l’examen du texte tendant à inscrire dans le droit commun des mesures d’état d’urgence sanitaire pérennes soit reporté à plus tard. Lorsque la crise sanitaire liée à la covid-19 sera passée, il nous reviendra, à froid, calmement et avec du recul, d’analyser les décisions qui auront été prises et de voir ce qui aurait pu être fait autrement.

L’examen du présent projet de loi est rendu nécessaire par le report du projet de loi précité. Comme le ministre l’a rappelé hier, et comme l’étude d’impact l’expose, la situation laisse craindre une nouvelle reprise de l’épidémie dans les semaines à venir et aucun indicateur ne permet pour l’heure d’envisager une amélioration claire de la situation.

Le Gouvernement doit en permanence ajuster les mesures visant à assurer notre sécurité sanitaire, en fonction de l’évolution de la pandémie. Ce soir, le Premier ministre fera des annonces qui sont d’autant plus nécessaires que nous sommes confrontés à l’arrivée de nouveaux variants sur notre territoire, qui entraînent une contamination plus rapide et qui, d’après une étude anglaise, pourraient concerner davantage les populations jeunes. Nous devons donc donner un cadre juridique d’action au Gouvernement, qui s’inscrive dans des délais adaptés aux enjeux sanitaires. Pour notre groupe, les délais proposés sont pertinents. Nous nous félicitons d’ailleurs qu’une date soit inscrite en dur à l’article 4 et que celui-ci ne renvoie pas à un décret en Conseil d’État, comme cela était prévu à l’origine. Le rôle du Parlement est ainsi conforté, ce qui nous satisfait.

L’examen de ce texte, enfin, montre que le Parlement est capable de travailler dans des situations d’urgence, même lorsque le calendrier parlementaire est dense et que les mesures de distanciation imposent la demi-jauge. Pour toutes ces raisons, le groupe du Mouvement démocrate et Démocrates apparentés votera ce texte.

Mme Agnès Firmin Le Bodo. Périclès disait : « Il n’est point de bonheur sans liberté, ni de liberté sans courage. » Il nous en faut, du courage, pour combattre cette épidémie. Il en faut, du courage, pour prendre des décisions difficiles et pour accepter les restrictions auxquelles nous sommes soumis – je tiens, à cet égard, à saluer l’immense capacité de résilience de nos concitoyens. Il en faut, du courage, pour affronter les vents contraires.

La situation nous oblige ; elle nous oblige depuis le début de l’année 2020 et la propagation en Europe d’un virus inconnu venu de Chine. Près d’un an plus tard, après deux confinements et plusieurs couvre-feux, les indicateurs sont toujours aussi préoccupants. Il nous faut observer la situation avec lucidité si nous voulons mener une politique sanitaire cohérente. Nous avons réussi à freiner l’épidémie et à réduire la mortalité au prix de restrictions importantes des libertés individuelles, d’une déstabilisation profonde de notre économie et de conséquences psychologiques chez nos concitoyens encore difficilement mesurables.

Pouvions-nous faire mieux ? Certainement. Pouvions-nous faire radicalement autrement ? Probablement pas. Partant de ce constat, le groupe Agir ensemble n’a eu de cesse, depuis sa création, de rappeler l’importance d’adopter une stratégie globale en proposant des mesures alternatives ou complémentaires aux dispositions résultant de l’état d’urgence sanitaire. Le Gouvernement a bien voulu reprendre à son compte certaines de nos propositions, comme les campagnes massives de tests ou l’indemnisation et le jour de carence pour les cas positifs ou les cas contact isolés. Cependant, cet accompagnement est incomplet et donc inefficace.

Au renforcement du triptyque « Tester, tracer, isoler », au sujet duquel nous avons formulé un certain nombre de propositions concrètes et immédiatement applicables, s’ajoute une donne nouvelle : l’arrivée du vaccin. Il suscite des espoirs immenses et nous fait entrevoir la fin de la circulation non maîtrisée du virus. Mais il ne saurait être notre seule arme pour lutter contre le virus. Les variants apparus nous donnent un avertissement : le vaccin ne peut être l’alpha et l’oméga de notre politique sanitaire. Il nous semble donc impossible de traverser toute l’année 2021 avec, pour seuls outils, des mesures restrictives de liberté, dans l’attente du succès du vaccin.

Nous l’avons déjà dit à plusieurs reprises : nous craignons que le niveau d’acceptabilité des mesures de privation de liberté s’érode un peu plus chaque jour. Le risque majeur est de maintenir le couvercle sur une cocotte-minute prête à exploser. Je pense notamment à la situation plus que préoccupante de notre jeunesse, confrontée à une privation de liberté, une situation matérielle parfois précaire, une situation psychologique souvent inquiétante et la perspective d’un avenir professionnel incertain.

Nous avons trop combattu le « yaka-fokon » pour hurler avec la meute. Toutefois, il a toujours été dans notre ADN constructif d’exprimer avec sincérité et gravité nos préoccupations lorsque la situation l’exige. Si nous pensons que la prolongation de l’état d’urgence sanitaire donnera au Gouvernement des outils indispensables pour lutter contre le virus, nous pensons aussi qu’il est urgent de réorienter notre stratégie sanitaire. Aussi, en attendant les nouvelles mesures à venir, notre position de vote sera réservée pour la séance.

Mme Marietta Karamanli. M. le ministre a répondu à certaines de nos questions hier, mais pas à toutes.

L’évolution de la situation épidémique et l’état d’avancement de la stratégie vaccinale ont amené le Gouvernement à nous proposer un nouveau projet de loi. Il s’agit de la quatrième loi instaurant ou prolongeant l’état d’urgence sanitaire, après celles du 23 mars, du 11 mai et du 14 novembre 2020. Ces actes législatifs seront accompagnés de décrets, prescrivant des mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19.

L’évolution de la pandémie, l’apparition de mutations du virus, l’utilisation des méthodes de prophylaxie ou de prévention, la mobilisation des services de soins sont certes des données qui doivent déterminer les décisions à prendre, mais elles ne doivent pas, à chaque fois, nous faire oublier les principes de l’État de droit. Comme le disait le professeur de droit Dominique Rousseau au printemps dernier, on peut comprendre que l’exercice des libertés soit différent dans une période exceptionnelle mais, puisque l’on reste dans un État de droit, il faut que ses principes fondamentaux soient respectés. Ce qui les garantit, c’est notamment le contrôle exercé par le Parlement, le juge et la presse.

C’est la raison pour laquelle nous proposerons plusieurs amendements, dont la finalité est conforme à notre conception de l’État de droit. Nous souhaitons limiter autant que faire se peut la durée de l’état d’urgence – vous venez de faire quelques propositions en ce sens, monsieur le rapporteur – en tenant compte des stratégies énoncées par le Gouvernement. Nous reviendrons sur la date du 1er juin. Nous proposerons de renforcer le contrôle exercé par le Parlement sur les mesures prises et d’assurer le débat public sur toute prorogation, ce que permet précisément la discussion parlementaire contradictoire et collégiale. Nous voulons enfin limiter au strict nécessaire l’utilisation des données personnelles et médicales. Ces propositions ressemblent très fortement à celles que nous avions faites à l’automne dernier, qui avaient toutes été rejetées.

Je réitère mes observations sur la disponibilité des données scientifiques et médicales, et pas seulement épidémiologiques.

L’état d’urgence est reconduit et prorogé sans que nous n’ayons avancé sur les garanties de nature à permettre le débat parlementaire sur des scenarii et les mesures à prendre. L’une des raisons d’être du Parlement est de permettre le débat public, pas uniquement dans l’urgence.

La proportionnalité des mesures et le contrôle parlementaire conditionneront le vote du groupe Socialistes et apparentés sur ce projet de loi. Nous espérons que le débat nous permettra de trouver une issue favorable.

M. Ugo Bernalicis. Je m’associe aux remarques et critiques concernant les délais dans lesquels nous travaillons et les différents allers-retours du Gouvernement sur les textes. Nous avons commencé à étudier un texte qui a disparu de la circulation, un autre a été retiré avant même que nous n’engagions son examen. Ce projet nous est maintenant soumis, avec des prorogations qui vont au-delà des dates que prévoyait le texte précédent. Et je n’évoque pas le chevauchement avec d’autres évènements, comme la tenue des élections régionales et départementales. Où est la cohérence dans tout cela ?

Le ministre de la santé a beau dire qu’on ne pilote pas à vue, il ne suffit pas de le répéter pour qu’on y croie. Je ne croyais déjà pas beaucoup en ce gouvernement, mais avec tous ces éléments mis bout à bout, je n’y arrive plus du tout ! D’ailleurs, le Gouvernement croit tellement peu en lui-même que c’est un conseil de défense qui prend les décisions à sa place. C’est dire à quel point nous sommes rendus ! Tout le monde s’y est habitué, c’est devenu la routine : nous vivons de conseil de défense en conseil de défense, qui précèdent le conseil des ministres. Ce projet de loi nous est parvenu hier après-midi car le conseil de défense se tenait le matin. Voilà la réalité du fonctionnement « démocratique » de notre pays ! Et nous, nous regardons passer ces lois en protestant plus ou moins vigoureusement, avec plus ou moins de conviction. Le bilan des étapes précédentes n’est jamais tiré.

Le point de départ, c’est le scandale des masques – pour le dire le plus poliment possible. En tout cas, la gestion des masques au tout début de la crise fait l’objet d’interrogations. Ce n’est pas moi qui les soulève, mais la Cour de justice de la République, qui a ouvert une enquête et fait des perquisitions à ce sujet.

Depuis lors, nous constatons à quel point rien n’est jamais anticipé. Ne pouvait-on faire la liste des personnes vulnérables il y a six mois ou un an, dans l’hypothèse précisément de la vaccination ? Ne pouvions-nous prévoir plusieurs cas de figure ?

On reproche souvent à La France insoumise de tout contester. Je constate aujourd’hui que nous ne sommes pas les seuls à présenter des amendements de suppression, puisque la majorité souhaite également supprimer certaines dispositions. Tant mieux ! En tout cas, nous avons proposé, à intervalles réguliers, des documents sur les alternatives au confinement permettant de faire face à la crise. Nous avions également suggéré il y a plusieurs mois de créer un pôle public du médicament pour ne pas dépendre d’autres pays ou firmes pharmaceutiques pour la gestion des stocks et la production de médicaments. Vous aviez répondu que ce n’était pas le sujet et qu’il ne fallait pas s’inquiéter. Passons sur le scandale de Sanofi, qui a expliqué que les Américains seraient les premiers servis. Et lorsque l’Institut Pasteur a demandé des fonds publics pour soigner les malades du Covid, c’est LVMH – comme pour les gels hydroalcooliques – qui a mis des moyens à disposition. On se demande si ce n’est pas LVMH qui gère ce pays. Connaissant certaines collusions, cette question est plus que légitime.

Nous pouvons décliner ainsi les différentes étapes jusqu’au vaccin. Dans certains endroits, tout est prêt : les locaux pour vacciner et les volontaires pour recevoir le vaccin sont là, mais il manque les doses ! Dans d’autres, il n’y a pas assez d’aiguilles. Et vous voudriez qu’avec un niveau de contrôle aussi faible, nous continuions à donner les pleins pouvoirs à un Gouvernement qui fait systématiquement n’importe quoi ? Au contraire, je suis d’avis de resserrer le contrôle sur le Gouvernement, je suis pour qu’il y ait un maximum de débat public et qu’il arrête de faire ce qu’il veut quand il veut tandis que nous sommes suspendus à des conseils de défense. Ce n’est plus supportable ! Ce n’est pas le fonctionnement normal d’une démocratie et d’une république.

En plus, ce qui vaut une semaine ne vaut plus la semaine suivante ! Je conçois que la situation évolue d’un mois sur l’autre, mais d’une semaine à l’autre, c’est plus compliqué à expliquer. Avant les vacances, on nous avait parlé de la barre fatidique des 25 000 contaminations par jour. C’était son dépassement qui imposait de reprendre des mesures strictes, tandis que si nous repassions sous les 5 000 contaminations, nous pourrions retourner au bar ! Finalement, nous sommes à nouveau au-delà de 25 000, mais nous n’en revenons pas aux mesures drastiques qui avaient été appliquées précédemment. Comment s’y retrouver ? Comment rester cohérent ?

Dans ces conditions, nous refusons de laisser les pleins pouvoirs à un Gouvernement aussi incompétent.

M. Paul Molac. Nous sommes réunis aujourd’hui pour débattre de la prolongation de l’état d’urgence sanitaire, et je ne m’en plaindrai pas. Certes, je regrette un peu la précipitation, mais il est bon de se retrouver pour exposer des idées différentes et poser des questions qui sont aussi celles que nos concitoyens se posent, et nous posent, parfois sans ménagement.

Cet état d’exception ne me satisfait absolument pas, parce qu’il porte atteinte à des libertés fondamentales : liberté de se réunir, de manifester, de se déplacer, de travailler. Dans un tel contexte, il est pour le moins normal que la représentation nationale se réunisse pour défendre le point de vue de nos concitoyens face à un Gouvernement qui a un autre problème : protéger les Français.

Laisser les pleins pouvoirs au Gouvernement de mars 2020 à décembre 2021, cela fait long, très long même. Ces mesures sont-elles nécessaires et proportionnées ? Certes, il faut protéger les Français, mais à quel prix ? Nous avons parlé des libertés publiques ; nous pourrions aussi évoquer l’économie, qui est largement mise à mal. Son renflouement sera très coûteux et pèsera sur nos budgets pendant de nombreuses années. Il va bien falloir rembourser – comment pourrions-nous faire autrement ? J’ai posé une question au Gouvernement mardi sur la détresse des étudiants, mais beaucoup de gens sont en détresse psychologique. Comme en médecine, il faut donc évaluer la balance bénéfices/risques et prendre des mesures très bien ciblées. Or selon les sondages, les deux tiers des Français ne font pas confiance au Gouvernement pour gérer la crise. Cela montre bien qu’il y a un problème de méthode.

Prenons un exemple de mesure qui n’est pas différenciée sur le territoire : le couvre-feu à partir de 20 heures, et bientôt 18 heures. Un habitant du Kreiz Breizh n’a plus le droit de sortir de chez lui après 20 heures, sauf s’il a un chien qu’il peut promener dans un rayon d’un kilomètre. Le taux d’incidence du covid y est de 4,2 cas pour 100 000 habitants. Comment lui expliquer cette interdiction ? Il vous répondra qu’il ne prend aucun risque en sortant. Le taux d’incidence en Bretagne est de 85,8. Le département qui connaît le plus fort taux est l’Ille-et-Vilaine, avec 123. Je rappelle qu’en octobre, les bars et les restaurants de Rennes ont fermé alors que le taux d’incidence était de 250. Nous sommes largement en deçà de ces valeurs.

Le rapport bénéfices/risques entre la lutte contre la pandémie et les risques économiques et sociaux doit être bien étudié.

Nous ne sommes pas contre le confinement par principe ; nous sommes opposés au fait qu’on nous l’impose au motif que ce serait la seule solution. Or c’est un choix qui est fait, qui est contestable et notre rôle est de le contester et de montrer qu’il existe d’autres voies. C’est pourquoi nous avons déposé plusieurs amendements, dont certains de suppression. Nous espérons que ce texte sera amélioré et que la respiration démocratique sera préservée. Car on l’a dit : des élections régionales et départementales doivent avoir lieu. L’expression démocratique est prévue à dates fixes et on ne peut pas s’amuser à changer ces dates comme ça, d’autant qu’on les a déjà reportées. D’ailleurs, les États-Unis ont procédé à leur principale élection, celle de leur président, dans un contexte similaire à celui que nous connaissons.

La Commission en vient à l’examen des articles du projet de loi.

Article 1er (art. 7 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19) : Prorogation du cadre législatif de l’état d’urgence sanitaire

La Commission est saisie des amendements identiques de suppression de l’article CL51 de M. Ugo Bernalicis et CL62 de M. Paul Molac.

M. Ugo Bernalicis. On nous demande de valider une sorte de boîte à outils de mesures et de faire confiance au Gouvernement pour leur mise en œuvre. On nous dit de ne pas nous inquiéter, parce que la contrepartie sera la création d’une commission d’enquête ou de missions d’information et que le Parlement exercera sa mission de contrôle du Gouvernement, notamment grâce à la semaine de contrôle. Excusez-moi, mais ce n’est pas du tout satisfaisant ; nous devons être davantage impliqués dans la gestion de la crise sanitaire.

C’est désormais, je le répète, le Conseil de défense qui rythme la vie de notre pays, et non pas la représentation nationale. Si c’était à l’Assemblée que les choses se passaient, on ne déciderait pas de déposer ou de retirer un texte de loi du jour au lendemain, en fonction de ce qu’a décidé le Conseil de défense ! Telle est pourtant la réalité du fonctionnement a-démocratique de notre pays dans le cadre de cette crise.

On pourrait fonctionner différemment, mais, à chaque fois, on est mis devant le fait accompli. Le Gouvernement fait n’importe quoi, l’épidémie repart et on nous dit : « Il faut prendre des mesures strictes ! » Je ne veux pas être complice de cela. Ce n’est pas ma responsabilité ; ma responsabilité, c’est de faire des propositions. Or, à chaque fois, on m’envoie balader au prétexte que ce ne serait pas intéressant !

Malheureusement, les faits nous donnent raison, puisque les conditions de fonctionnement du pays ne cessent de se dégrader. La santé mentale de nos concitoyens, par exemple, est préoccupante – ce n’est pas une question anecdotique. D’ailleurs, les principales victimes de la crise ne sont plus aujourd’hui directement liées au covid-19 ; elles découlent des rendez-vous et des opérations déprogrammés, du non-dépistage des cancers, etc. Nous enregistrerons une mortalité supérieure dans ces domaines dans les mois à venir, parce que le Gouvernement est infichu de gérer correctement la situation !

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Je suis clairement défavorable à la suppression de l’article 1er : si ces amendements étaient adoptés, nous ne disposerions plus d’outils juridiques adaptés pour faire face à l’épidémie après le 1er avril. Nous entrerions alors dans une phase d’instabilité très forte qui compromettrait sérieusement nos efforts dirigés contre le virus parce que l’état d’urgence sanitaire permet de prendre des mesures essentielles pour y faire face. C’est le cas actuellement avec le couvre-feu ou le maintien de la fermeture de certains établissements recevant du public. Ces mesures ne font plaisir à personne mais elles sont malheureusement nécessaires compte tenu de la situation sanitaire.

Si certains trouvent que le Gouvernement gère mal la situation, je suis pour ma part satisfait d’être en France au regard des chiffres enregistrés dans les autres pays. En Allemagne, qu’on avait pourtant érigée en exemple, on comptait hier 1 000 morts et 27 000 contaminations contre 300 morts et 20 000 tests positifs chez nous. Cela montre que la situation reste relativement bien contrôlée par le Gouvernement.

La Commission rejette ces amendements.

Elle examine, en discussion commune, l’amendement CL61 de M. Paul Molac et les amendements identiques CL11 de Mme Marietta Karamanli et CL39 de M. Philippe Gosselin.

M. Paul Molac. Il s’agit d’un amendement de repli tendant à proroger l’état d’exception jusqu’au 30 juin – ce qui est déjà très long –, afin de nous donner la possibilité de débattre. C’était d’ailleurs l’une des recommandations de la mission flash sur le régime juridique de l’état d’urgence sanitaire. Je suis partisan de parler de ce sujet le plus souvent possible et de tout mettre sur la table afin qu’il y ait le plus de débats contradictoires possible pour rassurer nos concitoyens.

Mme Marietta Karamanli. En proposant une autre échéance, nous estimons nous aussi qu’on ne peut pas fixer un délai aussi long ; c’est pourquoi nous proposons de remplacer la date du 31 décembre par celle du 30 septembre.

De surcroît, cette échéance nous permettrait de travailler sur la stratégie vaccinale du Gouvernement, qui doit nous amener à avoir vacciné les personnes concernées par les phases 1 à 4 dans le courant de l’été 2021. Il serait par conséquent logique de fixer un délai de six mois, mais pas plus.

En outre, comme cela a été dit hier, dans de telles circonstances, plus on se voit, mieux c’est. On pourrait même envisager une échéance tous les deux mois. C’est ainsi qu’avait été géré le régime d’état d’urgence sous la précédente législature, et cela avait plutôt bien fonctionné. Nous devrions tirer les leçons de cette expérience.

M. Philippe Gosselin. J’ai expliqué lors de la discussion générale pourquoi il est nécessaire que nous disposions d’un cadre juridique : il y a une caducité de la loi support de l’état d’urgence sanitaire, celle du 23 mars 2020, et l’on ne peut pas rester dans un vide juridique. J’étais pour ma part partisan, avec Sacha Houlié, non pas de la pérennisation de l’état d’urgence sanitaire, mais de la mise en place d’un cadre pérenne qui permette de l’activer en tant que de besoin – ce qui n’est pas du tout la même chose. Cela donnerait les moyens d’agir et de protéger efficacement nos concitoyens, à l’instar de ce qui se passe avec la loi de 1955 sur l’état d’urgence que l’on pourrait qualifier de sécuritaire.

Puisqu’il faut un cadre, nous pourrions peut-être, au lieu de proroger un texte, en adopter un nouveau. Nous ne pouvons pas, au motif qu’il y aurait eu des inconséquences ou de la précipitation – cela est dit sans esprit polémique –, donner au Gouvernement un blanc-seing, avec un délai allant jusqu’à la fin de l’année !

Au demeurant, la question se posera toujours à cette échéance, et il faudra anticiper la suite. M. le ministre, que j’ai interrogé sur ce qui se passera au lendemain du réveillon du 31 décembre 2021, m’a répondu, en substance, « On ne sait pas trop ». Or il faut savoir dans quel cadre nous nous inscrirons alors ! Certes, nul ne sait où en sera la maladie, mais gouverner, c’est prévoir, c’est envisager les diverses hypothèses ! La date du 30 septembre laisse au Gouvernement six mois pour programmer une nouvelle prorogation de l’état d’urgence sanitaire, ce qui permettra au moins d’avoir un débat parlementaire – c’est à cela que nous servons, c’est notre honneur, notre mission constitutionnelle ! –, ou bien préparer un nouveau texte. Ainsi, la discussion aura lieu. Le délai de six mois nous semble raisonnable et responsable.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. J’émets un avis défavorable aux dates proposées en remplacement de celle du 31 décembre, le présent article ayant fait l’objet d’un avis favorable du Conseil scientifique. Je rappelle qu’il ne s’agit que d’un cadre. L’article premier n’a pas pour effet de prolonger automatiquement l’état d’urgence sanitaire actuellement en vigueur jusqu’au 31 décembre. Son application dans le temps demeure soumise au régime de l’article L. 3131-13 du code de la santé publique qui conditionne sa prorogation au-delà d’un mois à un vote du Parlement. Dans cette perspective, nous pourrons envisager l’adoption d’un cadre pérenne, adapté à l’épidémie de covid-19 ainsi qu’aux futures crises qui pourraient survenir, dans de bonnes conditions.

L’évolution du virus soulève toujours de nombreuses questions. Une variante apparue en Grande-Bretagne circule à présent en France, alors même que nous avons limité les contacts avec la Grande-Bretagne. On entend également parler d’une variante sud-africaine et d’une variante brésilienne. Surtout, il est possible que ces mutations résistent au vaccin. Il faut prévoir suffisamment de temps, et se donner un cadre, pour agir.

Mme Marietta Karamanli. La question de la pérennisation de l’état d’urgence sanitaire mérite que l’on s’y arrête. Souvenez-vous, chers collègues : avant les fêtes, le Gouvernement a retiré le projet de loi instituant un régime pérenne de gestion des urgences sanitaires, ce dont nous nous sommes félicités. Or prévoir un délai allant jusqu’au 31 décembre prochain, soit presque une année, équivaut quasiment à adopter les dispositions que ce texte contenait. Dans ce cadre, la question du contrôle du Parlement, auquel les données scientifiques et médicales du Conseil scientifique ne sont pas communiquées, se pose. Nous ne pouvons pas admettre qu’il y ait d’un côté le Conseil scientifique, qui pense et décide ce qui est bon pour nous, et de l’autre des parlementaires complètement nuls !

M. Bruno Questel. Soyez de bonne foi !

Mme Marietta Karamanli. Je suis de bonne foi ! Notre bonne information est d’autant plus nécessaire à l’exercice de nos responsabilités que la médecine n’est pas une science exacte. Dès lors, pourquoi ne pas limiter dans le temps la prorogation de l’état d’urgence sanitaire ? Nous sommes toujours disponibles pour en débattre. Nous ne pouvons pas accepter cette position fermée à la discussion.

M. Philippe Gosselin. Dès sa première phrase, notre rapporteur s’est prévalu de l’avis favorable du Conseil scientifique. La belle affaire ! Nous sommes la représentation nationale ! Quelle est la légitimité démocratique du Conseil scientifique ? Aucune, en vérité ! Il me semble que nous sommes tous d’accord sur ce point. Je ne mets pas en cause la compétence scientifique de ses membres, que je respecte, mais sa légitimité démocratique, qui est nulle ! Par conséquent, l’argument consistant à opposer l’avis du Conseil scientifique à nos propositions n’est pas recevable. Tant que nous y sommes, prenons l’avis des trente-cinq membres du « collectif citoyen », tirés au sort il y a quelques jours ! Recueillir l’avis du Conseil scientifique est une très bonne chose ; nous n’en devons pas moins contrôler régulièrement l’action du Gouvernement. Or, comme l’a rappelé notre collègue Marietta Karamanli, il n’existe pas de lien entre le Conseil scientifique et le Parlement. Cet organe est placé auprès du Gouvernement. Pourquoi pas, dès lors qu’on l’inscrit dans un ensemble de droits et de devoirs ! Sacha Houlié et moi-même avons formulé plusieurs préconisations à cet effet, dont il serait souhaitable de tenir compte.

On ne peut pas écarter d’un revers de main la représentation nationale ni les clauses régulières de revoyure que nous appelons de nos vœux. Nous ne refusons pas de débattre, nous y sommes toujours prêts ; nous ne refusons pas d’adopter un cadre juridique de l’état d’urgence sanitaire, nous l’avons adopté à plusieurs reprises. Nous savons nous montrer raisonnables. La plupart d’entre nous ont exercé, par le biais de nos partis respectifs, des fonctions gouvernementales et de responsabilité. Nous savons quel est le poids de la gestion d’un pays, notamment dans une crise comme celle que nous connaissons. Si nous prorogeons l’état d’urgence sanitaire d’une année complète, il aura duré, au 31 décembre prochain, presque deux ans, ce qui n’est pas banal ni simplement technique ! Contrairement à ce qu’affirme M. le ministre, ce texte n’est pas le cousin germain des précédents.

M. Guillaume Gouffier-Cha. Le groupe La République en Marche votera contre les amendements qui viennent d’être présentés. Il est inévitable que la fixation d’une échéance fasse débat, ce qui permet au moins d’aller au fond des choses et de s’interroger sur la raison d’être des dispositions proposées.

Nous considérons que la date du 31 décembre 2021 procède du bon sens. Il nous semble indispensable de donner au régime de l’état d’urgence sanitaire un cadre juridique valable jusqu’à la fin de l’année, a fortiori alors que nous avons décidé, il y a quelques semaines, de reporter l’examen du projet de loi instituant un régime pérenne de gestion des urgences sanitaires. Nous devrons y revenir après la crise, dont il est probable qu’elle sera résorbée à l’automne plutôt qu’au printemps. Par ailleurs, la date du 31 décembre 2021 est d’autant plus justifiée que nous supprimerons tout à l’heure l’article 3, qui prévoit un dispositif transitoire valable jusqu’à la fin du mois de septembre, ce qui nous permettra de fixer une clause de revoyure pour le mois d’avril ou le mois de mai. Nous devrons alors choisir entre la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et l’adoption d’un dispositif transitoire.

Nous ne pouvons donc pas laisser dire que le Parlement n’est pas associé aux décisions. Il l’est depuis le début de la crise. Nous passons notre temps à en débattre, en toute transparence, sur la base des données dont nous disposons, et à prendre des décisions. Certes, il existe une opposition et une majorité. Au sein de la majorité, nous considérons que nous sommes en mesure de prendre des décisions. Dans quelques instants, nous rejetterons précisément une disposition du texte. Oui, nous débattons des textes de loi, nous les amendons, nous les adoptons ou les rejetons ; on ne peut donc pas prétendre que nous ne sommes pas associés aux décisions.

La Commission rejette successivement les amendements.

Puis elle adopte l’article 1er sans modification.

Après l’article 1er

La Commission est saisie de l’amendement CL17 de Mme Marietta Karamanli.

Mme Marietta Karamanli. Cet amendement vise à renforcer le contrôle parlementaire durant la période de mise en œuvre de l’état d’urgence sanitaire.

En l’état actuel du droit, le code de la santé publique prévoit que « l’Assemblée nationale et le Sénat sont informés sans délai des mesures prises par le Gouvernement au titre de l’état d’urgence sanitaire. L’Assemblée nationale et le Sénat peuvent également requérir toute information complémentaire dans le cadre du contrôle et de l’évaluation de ces mesures ». Nous souhaitons qu’il soit ajouté que « les autorités administratives leur transmettent sans délai copie de tous les actes qu’elles prennent en application » du chapitre du code de la santé publique relatif à l’état d’urgence.

Certes, le Parlement est d’une certaine manière associé au débat, même si nos amendements ne sont pas toujours adoptés en raison du fait majoritaire, mais nous demandons depuis très longtemps à être présents autour de la table et à pouvoir discuter à partir des données scientifiques et médicales, et non uniquement épidémiologiques.

M. Pacôme Rupin. Les présidents de groupe le peuvent.

Mme Marietta Karamanli. Oui, mais le Parlement ne s’y réduit pas. Nous avons besoin de pouvoir échanger à propos de ces éléments en commission des Lois.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. La même disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel, au nom de la séparation des pouvoirs, dans sa décision relative à la loi du 11 mai 2020. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CL18 de Mme Marietta Karamanli et CL46 de M. Philippe Gosselin.

Mme Marietta Karamanli. Aux termes de notre amendement, toute prorogation de l’état d’urgence sanitaire serait limitée à deux mois afin que le Parlement puisse décider souverainement si les circonstances de temps et de lieu la justifient. De plus, en cas de prorogation ultérieure, le Gouvernement serait dans l’obligation de démontrer l’impérieuse nécessité d’une telle mesure. Il lui suffirait, s’appuyant lui-même sur les travaux du comité de scientifiques, de transmettre les informations en amont aux parlementaires afin que ceux-ci puissent se positionner.

M. Philippe Gosselin. Dans le même esprit, notre amendement reprend la proposition n° 6 de la mission flash que Sacha Houlié et moi-même avons conduite sur le régime juridique de l’état d’urgence sanitaire : fixer une durée de prorogation maximale de l’état d’urgence sanitaire.

Certes, ce qu’une loi ordinaire comme celle-ci prévoit, une autre loi ordinaire peut le défaire ; mais la mesure donnerait au moins un cadre, en appelant une clause de revoyure sérieuse qui nous épargnerait des débats chaque fois enflammés – ce qui est logique s’agissant de l’état d’urgence sanitaire, régime exorbitant du droit commun. Des atteintes aux droits et libertés sont en jeu, des pans entiers de notre système juridique sont mis à mal durant cette période. Il faut donc faire preuve de grandes précautions.

Si des circonstances exceptionnelles le rendaient nécessaire, le législateur pourrait très bien revenir sur la durée qu’il aurait fixée.

Nous souhaitons donc que la durée de la prorogation ne puisse dépasser trois mois, de sorte que nous nous retrouvions au moins une fois par trimestre. C’est une sage proposition.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Avis défavorable à l’amendement CL18, pour deux raisons. La limitation à deux mois de la durée de prorogation est trop contraignante : à peine un projet de loi aurait-il été adopté qu’il faudrait, moins d’un mois après, se replonger dans la discussion ; le Parlement manquerait d’un recul utile pour apprécier l’évolution de l’épidémie. Quant à la demande de rapport formulée dans l’amendement, elle me semble pleinement satisfaite par le rapport hebdomadaire élaboré par le Premier ministre sur l’application de l’état d’urgence sanitaire ainsi que l’avis du Conseil d’État, celui du Conseil scientifique et l’étude d’impact qui accompagnent le texte.

Concernant l’amendement CL46, je ferai une réponse générale qui vaudra pour l’ensemble des amendements élaborés sur la base des conclusions de la mission flash sur le régime juridique de l’état d’urgence sanitaire. J’ai suivi très assidûment les travaux de cette mission, dont j’ai eu l’occasion de saluer la grande qualité. Sa création par la présidente de notre commission avait pour but de préparer la discussion du projet de loi instituant un régime pérenne de gestion des urgences sanitaires. Ce n’est pas celui dont nous discutons aujourd’hui. Sa portée est beaucoup plus restreinte puisqu’il se borne à repousser des dates sans modifier le régime juridique de l’état d’urgence sanitaire.

Je ne mets pas en cause le bien-fondé de certaines de vos propositions, monsieur Gosselin, mais les délais auxquels nous sommes soumis et l’absence du Gouvernement, dont il me paraît essentiel de recueillir l’avis, ne nous permettent pas de prendre une décision éclairée au stade de l’examen en commission. Nous aurons plus de marge de manœuvre d’ici à la séance. Je vous invite donc à retirer ces amendements, sans quoi j’émettrai un avis défavorable.

M. Guillaume Gouffier-Cha. La proposition du rapporteur me paraît sage : elle nous permettra de rediscuter avec le Gouvernement, d’ici à la semaine prochaine, d’amendements destinés à l’origine à être débattus dans le cadre du projet pérennisant l’état d’urgence sanitaire. Nous verrons alors si nous pouvons en adopter certains dès maintenant et faire ainsi évoluer le régime que nous avons créé le 23 mars dernier.

M. Philippe Gosselin. Je confirme que le rapporteur a été très présent lors des travaux de la mission flash, et je l’en remercie sincèrement, car son point de vue était important. Je note son ouverture ; elle témoigne du bien-fondé d’un travail transpartisan mené dans l’intérêt collectif et qui honore l’Assemblée. Sacha Houlié et moi-même maintiendrons cependant nos amendements, non par mauvaise volonté, mais par principe. Je prends bonne note du fait qu’un échange est possible et que ce n’est pas d’un revers de main que nos arguments sont écartés, ce qui me paraît essentiel dans un débat démocratique. Dommage qu’aucun membre du Gouvernement ne soit présent aujourd’hui et que nous devions attendre la semaine prochaine pour en rediscuter.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Le Gouvernement est sur le pont !

M. Philippe Gosselin. Excellent jeu de mots…

M. Philippe Latombe. C’est en effet une véritable ouverture que cette proposition d’une discussion en séance. Le groupe Mouvement Démocrate et Démocrates apparentés y prendra toute sa part ; des membres d’autres commissions pourront nous exposer leur point de vue, notamment Philippe Berta qui est très au fait de l’épidémie et des questions qui lui sont liées. Le sujet est transpartisan et doit le rester ; c’est ce que les Français attendent de nous.

La Commission rejette successivement les amendements.

Elle examine l’amendement CL65 de M. Paul Molac. 

M. Paul Molac. Cet amendement vise à ce que toute décision de confinement ou de couvre-feu national d’au moins dix heures consécutives prise par l’exécutif ne puisse être appliquée sans être expressément mentionnée dans le décret déclarant l’état d’urgence sanitaire, et à ce que la prolongation de ce confinement ne puisse être autorisée sans l’assentiment du Parlement. Les restrictions de liberté qu’impose une telle mesure doivent en effet être pleinement débattues et validées devant la représentation nationale. Elles n’en auraient que plus de poids.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Nous abordons l’examen des amendements que le Sénat avait adoptés dans le cadre de la discussion de la loi du 14 novembre 2020 et que l’Assemblée nationale avait rejetés. Ma position n’a pas changé : avis défavorable. La prorogation de l’état d’urgence sanitaire que le Parlement s’apprête à voter constitue, à sa manière, une validation des mesures prises par l’exécutif.

M. Ugo Bernalicis. C’est précisément en raison de votre dernière phrase qu’il est urgent de s’opposer à ce texte !

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CL66 de M. Paul Molac. 

M. Paul Molac. Il s’agit de pérenniser, dans le cadre juridique de l’état d’urgence sanitaire, la possibilité pour les préfets d’autoriser l’ouverture des commerces de vente au détail lorsque la mise en œuvre des mesures de nature à prévenir les risques de propagation du virus est garantie. Cette possibilité, précisée par décret, serait étendue à chaque fois qu’un état d’urgence sanitaire serait déclaré, et pas uniquement pour celui en cours. De même, cet amendement tend à ce que la décision des préfets soit prise en accord avec le maire des communes concernées.

C’est ainsi que nous avons procédé pour rouvrir les marchés. Cette proposition serait d’autant plus bienvenue qu’elle ferait intervenir les élus locaux.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Nous avons eu ce débat lors de la discussion du précédent projet de loi et l’Assemblée nationale avait rejeté ces amendements. Par ailleurs, malgré l’application de l’état d’urgence sanitaire, les commerces de détail ont bien rouvert. L’état d’urgence sanitaire n’implique donc pas forcément leur fermeture. Avis défavorable.

M. Paul Molac. La situation peut être très différente d’une région à l’autre, et je reprends l’exemple du Kreiz Breizh. Comment allez-vous expliquer à des gens qui vivent dans des lieux où le virus circule très peu qu’ils devront quand même se conformer à des règles nationales ? Forcément, ils trouveront cela disproportionné !

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CL49 de M. Philippe Gosselin. 

M. Philippe Gosselin. Là encore, il s’agit de mettre en œuvre une proposition de la mission flash que nous avons menée avec Sacha Houlié. Nous reconnaissons l’intérêt de mesures nationales pourvu qu’elles soient cohérentes et lisibles. Cela étant, le territoire de la République est vaste. Outre de grandes différences entre les départements du continent, qu’ils se situent au Nord, au Sud, dans le centre ou en Méditerranée – comme la Corse –, n’oublions pas les départements ultramarins. L’état d’urgence sanitaire a été prorogé, après le 11 mai, à Mayotte et en Guyane. Personne n’a contesté cette décision.

Nous vous proposons de tirer les enseignements du passé en renforçant le principe de territorialité. La République est aussi décentralisée, énonce la Constitution, mes chers amis. Il m’arrive parfois d’être jacobin, vous le savez, mais regardons la France des territoires, faisons confiance aux élus locaux ! Le maillage de notre territoire est extraordinaire, avec plus de 35 000 communes. Certains y voient un handicap, je le prends comme une richesse. Ces petites républiques fédèrent la grande République. Appuyons-nous sur les élus locaux ! La campagne de vaccination a suscité de nombreuses initiatives locales : des salles sont mises à disposition, la liste des personnes fragiles est dressée. Cela n’a pas de sens de ne réfléchir qu’à travers le prisme de Paris. Territorialisons !

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Même avis que pour les amendements précédents. Cela étant, monsieur Molac, je ne sais pas si le covid-19 fait la différence entre un Ch’ti et un Breton.

M. Paul Molac. Visiblement, si !

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CL45 de M. Philippe Gosselin. 

M. Philippe Gosselin. Nous regrettions, il y a quelques instants, l’absence de lien entre le Conseil scientifique et le Parlement. Les avis du Conseil scientifique, instance placée auprès de l’exécutif, s’imposent quasiment à nous et il nous est très difficile de ne pas les suivre. Nous vous proposons, par conséquent, de mieux associer le Parlement aux travaux du Conseil scientifique. Deux députés et deux sénateurs, de la majorité et de l’opposition pour les deux chambres, pourraient ainsi en faire partie. Il ne me semble pas nécessaire de renvoyer cette mesure aux calendes grecques.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Avis défavorable. Personnellement, compte tenu de mes propres connaissances en médecine, je ne me sens pas lié par l’avis du Conseil scientifique, que je considère comme une aide à la décision et non comme une obligation.

Mme Marietta Karamanli. Je partage les préoccupations de M. Gosselin : nous devons pouvoir discuter tous ensemble, sans limitation. Nous avons besoin d’avoir accès à des données scientifiques et médicales pour mieux éclairer nos décisions. C’est une très bonne proposition et il serait utile de pouvoir avancer sur ce sujet, au moins lors du débat en séance.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CL48 de M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Il s’agit toujours de mieux associer le Parlement aux travaux du Conseil scientifique. Alors que les frontières semblent imperméables entre les deux, il faut fluidifier l’ensemble, conforter peut-être le rôle du Conseil mais sans écarter la représentation nationale. C’est une exigence qui doit tous nous réunir. Je revendique une place pleine et entière pour cette institution de la République qu’est le Parlement, qui n’est ni négligeable, ni un empêcheur de tourner en rond.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Même avis : retrait, sinon défavorable.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Pour tout vous dire, je me demande si nous avons vraiment besoin d’une disposition législative pour satisfaire votre proposition. La commission peut auditionner les membres du Conseil scientifique. Pendant le premier état d’urgence sanitaire, nous avions ainsi entendu M. Simon Cauchemez, membre du conseil scientifique, sur les questions de traçage et d’épidémiologie, sans avoir besoin d’une quelconque disposition.

M. Philippe Gosselin. La commission peut effectivement inviter qui elle souhaite, mais il y a une différence entre une audition ponctuelle sur un point particulier et un dispositif cadré. La commission des Lois fera peut-être une audition, la commission des Affaires sociales aussi, mais il serait bon que ce soit inscrit dans la loi. Mais chiche, madame la présidente, je retiens votre proposition : fixons la date !

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Ce n’était pas une proposition, juste une remarque. Saisissez la commission, nous en discuterons !

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL50 de M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Il s’agit encore du Conseil scientifique, qui a suscité, sans vouloir polémiquer, un certain nombre de questions ces derniers mois en matière de déontologie et de conflits d’intérêts. Ce conseil créé ex nihilo paraît à nombre d’entre nous, qui ne sommes pas médecins et avons évidemment moins de références scientifiques que le rapporteur, avoir, lui aussi, besoin de règles. Il ne s’agit pas de faire de mauvais procès d’intention mais de prévenir. En la matière, il n’est pas besoin d’attendre un quelconque texte fondateur : il suffit, par un réflexe immédiat de bonne gestion et de transparence, de fixer par décret des règles s’appliquant au Conseil scientifique et à ses membres, notamment en matière d’impartialité.

Suivant l’avis du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Article 2 (art. 1er de la loi n° 2020‑1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire) : Prorogation de l’état d’urgence sanitaire

La Commission examine l’amendement de suppression CL52 de M. Ugo Bernalicis.

M. Ugo Bernalicis. Il s’agit d’empêcher la prorogation de l’état d’urgence sanitaire. Le rapporteur nous a dit tout à l’heure que l’Assemblée nationale avait déjà validé ces mesures, ce qui vaudrait acceptation aujourd’hui. Mais c’est précisément le seul espace de parole qu’il nous reste ! C’est par le biais des dispositions qui prolongent les dates que nous pouvons critiquer les mesures de fond. Aucun autre cadre démocratique ne nous permet de dire oui ou non à une disposition particulière. Certes, il y a des commissions d’enquête : la dernière fois, la ministre de la défense y a clairement menti, disant que des militaires n’étaient pas contagieux alors qu’on a appris plus tard que si… Même devant une commission d’enquête, on se permet de raconter n’importe quoi. C’est dire la crédibilité que l’on donne au contrôle parlementaire !

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Monsieur Bernalicis, vous savez, je pense, qu’on prête serment devant les commissions d’enquête ?

M. Ugo Bernalicis. Je suis au courant, j’ai transmis six dossiers de parjure à la justice.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Ne proférez pas d’accusations infondées.

M. Bruno Questel. Tout a été classé sans suite !

M. Ugo Bernalicis. Pas du tout, les investigations sont en cours. J’en suis le premier étonné !

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Avis défavorable, il n’est pas question de mettre fin aux mesures que l’état d’urgence sanitaire permet de prendre. La prorogation est nécessaire compte tenu de la situation sanitaire afin de protéger la santé de la population et de lutter contre l’épidémie. Une sortie pure et simple de ce régime dès le 17 février serait dangereuse.

M. Ugo Bernalicis. Peut-être devrions-nous auditionner le cabinet McKinsey ? Peut-être sont-ils au courant de ce vers quoi nous allons puisque ce sont eux qui conseillent le Gouvernement ? Peut-être nous donneraient-ils les éléments qui nous éviteraient de piloter à vue ? Après tout, la décision se prend plus dans un cabinet de conseil privé qu’ici à l’Assemblée nationale ! C’est la réalité. Sans parler du fait que nous soyons suspendus à chaque conseil de défense, même si vous esquivez toujours le sujet : à chaque fois que le conseil propose un texte, en retire un autre ou change des dates en fonction d’on ne sait trop quoi, on nous met devant le fait accompli ; à chaque fois, nous devrions « avaler la couleuvre », valider vos mesures coercitives malgré tous les échecs précédents du Gouvernement, parce que la situation sanitaire est trop dégradée pour faire autrement. Je ne suis pas d’accord et je continuerai de le dire. Peu importe qu’on essaye de m’empêcher de parler, qu’il y ait des murmures ou des voix plus fortes, que la présidente s’offusque qu’on parle mal d’un ministre ou du contrôle parlementaire : je continuerai à le faire aussi longtemps que j’en aurai la possibilité !

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Vous n’êtes pas brimé dans cette commission, monsieur Bernalicis, ne faites pas votre Calimero !

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine, en discussion commune, l’amendement CL40 de M. Philippe Gosselin, les amendements identiques CL12 de Mme Marietta Karamanli et CL63 de M. Paul Molac, ainsi que les amendements CL13 de Mme Marietta Karamanli et CL47 de M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Il n’est pas question de nier la nécessité d’un état d’urgence : un certain nombre de mesures ne peuvent être prises que dans ce cadre, notre position est claire sur ce sujet et nous reconnaissons le fondement de l’action du Gouvernement. Encore faut-il un peu de cohérence. Nous avons connu ces derniers mois, pour différentes raisons, des mouvements de va-et-vient, des projections parfois trop courtes et parfois trop longues, un projet de loi avant Noël retiré en quelques heures… La loi du 14 novembre 2020 prolongeait le régime transitoire de sortie de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 1er avril. La loi du 23 mars 2020 fixait à la même date la caducité du régime d’état d’urgence sanitaire. Bref, tout nous renvoie au 1er avril.

Peut-être votre position va-t-elle évoluer. Si une ouverture se concrétise en séance, je m’en réjouirai et peut-être pourrons-nous vous accompagner. Mais à ce stade, alors que l’encre de votre texte, sorti hier du conseil des ministres, est à peine sèche, nous en restons à notre demande initiale. Oui, il faut aller au-delà du 16 février : fixons le 1er avril. Nous nous retrouverons éventuellement un peu avant pour proroger l’état d’urgence ou aménager sa sortie. Cette clause de revoyure est un traditionnel et démocratique moyen d’association du Parlement, qui est réclamé largement au-delà du groupe Les Républicains.

L’amendement de repli CL47 fixe la date au 16 mai 2021.

Mme Marietta Karamanli. J’ai pris note, dans les différentes prises de parole, de l’ouverture relative à la clause de revoyure, qui se traduira peut-être en séance. Je souhaite cependant que nous puissions, pour l’instant, donner un signal en adoptant ces amendements en ce sens.

Nous l’avons rappelé tout à l’heure, tout régime juridique d’exception doit être, à tout moment, proportionné aux circonstances de temps et de lieu ; compte tenu de toutes les questions relatives aux libertés fondamentales induites, il ne peut se prolonger sans que le Parlement soit en mesure d’en évaluer l’impérieuse nécessité. Si nous n’y sommes pas opposés sur le principe, la proposition de prorogation faite par le Gouvernement nous paraît à cet égard vraiment excessive. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons, par l’amendement CL12, l’avancer au 16 avril.

L’amendement CL13, de repli, vise quant à lui à limiter la prorogation de l’état d’urgence sanitaire au 1er mai 2021.

M. Paul Molac. Je rassure notre collègue Philippe Gosselin, cette clause de revoyure n’est pas la marotte du seul groupe Les Républicains. Il me semble, d’ailleurs, que l’état d’urgence instauré après les attentats a été prorogé de deux mois en deux mois. Une telle respiration démocratique permet tout simplement d’associer le Parlement, ce qui me paraît une bonne chose dans la mesure où il s’agit d’un état d’exception.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Comme à l’article 1er, j’émets un avis défavorable à tous les amendements proposant une date alternative à celle du 1er juin 2021.

Le Conseil scientifique juge cette prorogation de trois mois et demi tout à fait adaptée à la situation sanitaire, ainsi que l’a relevé également le Conseil d’État. Surtout, l’amendement de suppression de l’article 3, que je présenterai dans quelques instants, permettra d’acter une clause de revoyure au 1er juin. Il me paraît donc nécessaire de maintenir un délai raisonnable qui nous permette d’aborder cette échéance avec suffisamment de recul sur l’évolution de la situation sanitaire.

La Commission rejette successivement les amendements.

Elle est saisie de l’amendement CL64 de M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Il s’agit d’un amendement de cohérence avec l’amendement CL65. Il vise à ce que tout couvre-feu d’au moins dix heures consécutives ne puisse être décidé qu’après un vote du Parlement.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Même avis défavorable qu’à l’amendement CL65.

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 2 sans modification.

Article 3 (art. 1er de la loi n° 2020‑856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire) : Prorogation du régime transitoire institué à la sortie de l’état d’urgence sanitaire

La Commission examine les amendements de suppression CL24 du rapporteur, CL27 de M. Guillaume Gouffier-Cha, CL41 de M. Philippe Gosselin, CL53 de Mme Danièle Obono et CL67 de M. Paul Molac.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Comme je vous l’ai annoncé, cet amendement, qui risque de faire l’unanimité, sans même que le Conseil scientifique ait donné son avis…

M. Philippe Gosselin. C’est vous qui le dites ! Il a peut-être été consulté sur sa rédaction ?

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. … vise à supprimer l’article 3 afin que le Parlement décide lui-même des suites qu’il conviendra de donner à l’échéance de l’état d’urgence sanitaire prévue au 1er juin.

M. Guillaume Gouffier-Cha. Le groupe La République en marche propose également de supprimer cet article qui prévoyait une période transitoire jusqu’au 30 septembre 2021. Outre que cette date paraît assez lointaine, le point sur la situation sanitaire devra nécessairement être fait au mois d’avril ou de mai. La construction du texte doit garder sa clarté et les dates rester celles dont nous étions convenu au départ : le 1er juin pour la fin de l’état d’urgence sanitaire, le 31 décembre pour le cadre juridique de ce même état d’urgence sanitaire.

M. Philippe Gosselin. Je me réjouis de voir le rapporteur et le groupe majoritaire reprendre un amendement que nous avions déposé sur plusieurs projets de loi similaires – le plagiat nous rend heureux. L’idée est d’éviter à tout prix un long tunnel sans rendez-vous avec le Parlement, sans que celui-ci ne puisse exercer un contrôle démocratique dans un État de droit, en supprimant cette période transitoire qui participe encore de l’état d’urgence sanitaire – selon la décision du Conseil constitutionnel du 11 mai 2020, même sous une forme dégradée, le régime d’état d’urgence reste exorbitant du droit commun.

En revenant à la date sèche du 1er juin, même si elle ne nous agrée pas totalement, nous raccourcissons fortement la prorogation de l’état d’urgence sanitaire, avant le long tunnel estival et avant ce rendez-vous démocratique nécessaire que sont les élections départementales et régionales. Certes, le pays va mal et la santé de nos concitoyens est en jeu, mais la gestion, les investissements et l’avenir des collectivités sont également importants.

Imaginons que cette prorogation dure un an et nous mène à la veille de l’élection présidentielle que l’on ne peut pas reporter : il faut donc trouver les bonnes mesures.

M. Paul Molac. Si l’on se fie à la numérotation des amendements, nous avons sans doute tous plagié Mme Wonner, puisque le sien porte le numéro 7…

Mme Marietta Karamanli. Nous avions opté, quant à nous, pour une position intermédiaire consistant à réduire la durée de la prorogation du régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire. Nos collègues ont été plus optimistes en proposant la suppression de l’article 3 ; ils ont eu raison.

M. Guillaume Gouffier-Cha. Je regrette que, depuis le début de cette crise, on recherche sans cesse la petite phrase ou la polémique. Monsieur Gosselin, je ne peux pas vous laisser dire qu’il y a eu plagiat. Dans chaque groupe, on s’est interrogé sur l’article 3, certains envisageant de le supprimer, d’autres de proposer une date moins lointaine que celle du 30 septembre. La suppression de l’article 3 nous permettra d’avoir une nouvelle discussion à la fin du mois d’avril ou du mois de mai sur l’instauration d’un régime transitoire analogue à celui qui a démontré toute son utilité l’été dernier. J’ajoute qu’il n’y a jamais eu de longs tunnels sans discussion : depuis le début de la crise, le dispositif fait l’objet d’échanges réguliers, tous les trois ou quatre mois.

M. Philippe Gosselin. L’accusation de plagiat était un peu taquine, j’en conviens. Je constate qu’elle vous a chagriné ; je pourrais citer un adage bien connu à ce propos, mais ce serait mettre de l’huile sur le feu... Plus sérieusement, sur le fond, je me réjouis que nous partagions la même interrogation.

M. Pacôme Rupin. Nous l’avons toujours partagée !

M. Philippe Gosselin. Vous ne l’avez pas exprimée de manière suffisamment claire pour qu’elle soit audible par vos collègues de l’opposition et par une partie de l’opinion publique. Lorsqu’autant de gens comprennent mal, il faut s’interroger sur la formulation employée !

En tout cas, je me réjouis que nous parvenions à une convergence et que les clauses de revoyure que nous appelons de nos vœux depuis plusieurs mois soient davantage acceptées. C’est un pas important. Il y va de l’intérêt collectif, car l’état d’urgence et la sortie de l’état d’urgence ne doivent pas être banalisés. Merci pour cette évolution, donc !

M. Paul Molac. Nous nous efforçons d’accomplir notre travail de député suivant la conception que nous avons de notre fonction. Je suis, pour ma part, très satisfait que le Parlement soit, de temps à autre, unanime ; cela me paraît sain. Au-delà de nos différences et de nos sentiments, nous sommes là pour faire la loi. Nous représentons, dans notre diversité, l’ensemble de la France, et c’est irremplaçable.

La Commission adopte les amendements à l’unanimité.

En conséquence, l’article 3 est supprimé et les amendements CL42 de M. Philippe Gosselin, CL32 de Mme Emmanuelle Ménard et CL14 de Mme Marietta Karamanli tombent.

Article 4 (art. 11 de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions) : Prorogation des systèmes d’information mis en œuvre aux fins de lutter contre l’épidémie de Covid-19

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL43 de M. Philippe Gosselin et CL15 de Mme Marietta Karamanli.

M. Philippe Gosselin. Nous proposons d’avancer la date de la caducité des systèmes d’information destinés à suivre l’évolution de l’épidémie et la date de fin de la conservation des données au 1er juin 2021, date à laquelle, compte tenu du rapport de force au sein de notre assemblée, le dispositif de l’état d’urgence prendra vraisemblablement fin.

Mme Marietta Karamanli. Par coordination avec les amendements que nous avions défendus à l’article 2, nous proposons de limiter la prorogation de l’utilisation du système d’information de lutte contre le covid-19 à trois mois, soit jusqu’au 31 juillet 2021.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Ces amendements ont pour objet de limiter la prorogation des systèmes d’information de santé, le système d’information de dépistage (SI-DEP) et Contact Covid, respectivement au 1er juin et au 31 juillet. Par cohérence, je ne peux qu’y être défavorable. Ces outils seront encore utiles cette année, et ce même si l’épidémie devait se résorber, ce qui est très incertain.

La Commission rejette successivement les amendements.

Elle adopte l’article 4 sans modification.

Article 5 (art. L. 3821‑11 et L. 3841‑2 du code de la santé publique) : Application de la loi dans les collectivités d’outre-mer

La Commission est saisie de l’amendement CL70 de M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Par cohérence avec l’amendement de suppression déposé à l’article 1er, nous proposons que la caducité du régime de l’état d’urgence sanitaire initialement fixée par la loi au 1er avril 2021 ne soit pas prorogée, y compris pour les territoires ultramarins, jusqu’au 31 décembre 2021.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Avis défavorable. L’état d’urgence sanitaire est très utile dans nos territoires d’outre-mer qui, je vous le rappelle, sont particulièrement vulnérables face à l’épidémie. La prorogation de l’état d’urgence sanitaire à Mayotte et en Guyane l’été dernier avait été singulièrement efficace pour freiner la circulation du virus dans ces territoires.

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte les amendements identiques de conséquence CL25 du rapporteur et CL68 de M. Paul Molac.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL69 de M. Paul Molac et CL16 de Mme Marietta Karamanli.

M. Paul Molac. L’amendement CL69 est un amendement de cohérence avec celui que j’avais déposé à l’article 1er.

Suivant l’avis du rapporteur, la Commission rejette successivement les amendements.

Elle adopte l’article 5 modifié.

Titre

La Commission adopte l’amendement de conséquence CL26 du rapporteur.

Elle adopte l’ensemble du projet de loi modifié.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Je vous remercie. Nous examinerons le projet de loi en séance publique mercredi à 15 heures.

*

*     *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter le projet de loi autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et reportant la date de sa caducité (n° 3733), dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

 


([1]) http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_lois/l15b2764_rapport-fond

([2]) http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_lois/l15b2905_rapport-fond

([3]) https://www2.assemblee-nationale.fr/static/15/lois/conclusions_MI_flash-RJ_EUS.pdf

([4]) Projet de loi n° 3714 instituant un régime pérenne de gestion des urgences sanitaires.

([5]) Avis du 8 janvier 2021.

([6]) Décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l’état d’urgence sanitaire.

([7]) Décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire

([8]) Au point n° 7 de son avis n° 401919 du 11 janvier 2021 sur le présent projet de loi, le Conseil d’État rappelle que « le régime de sortie de l’état d’urgence exclut le prononcé des mesures de police de nature à créer, par leur nature ou leur portée, les atteintes les plus graves aux droits et libertés des personnes, en particulier la mise en œuvre d’un confinement général et indifférencié, ou de mesures d’interdiction des déplacements des personnes hors de leur lieu de résidence sur certains créneaux horaires (couvre-feu), le Conseil constitutionnel ayant notamment précisé qu’à la lumière des travaux parlementaires préalables à l’adoption de la loi du 9 juillet 2020, « l’interdiction de circulation des personnes ne peut conduire à leur interdire de sortir de leur domicile ou de ses alentours » (décision n° 2020-803 DC du 9 juillet 2020, par. 15) ».

([9]) Avis du 8 janvier 2021.

([10]) Par exception à l’article L. 3131‑13 du code de la santé publique, l’article 4 de loi du 23 mars 2020 avait directement déclaré l’état d’urgence sanitaire.

([11]) Avis précité.

([12]) Selon cet article, l’état d’urgence sanitaire peut être déclaré en cas de catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population.

([13]) Point n° 3 de l’avis précité.

([14]) http://www2.assemblee-nationale.fr/15/missions-d-information/missions-d-information-de-la-conference-des-presidents/impact-gestion-et-consequences-dans-toutes-ses-dimensions-de-l-epidemie-de-coronavirus-covid-19/(block)/74869

([15]) http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_lois/l15b3092_rapport-fond

([16]) http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_lois/l15b3355_rapport-fond

([17]) L’application de l’article L. 3131-13 du code de la santé publique a été étendue au régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire par le V de l’article 1er de la loi du 9 juillet 2020.

([18]) Dans sa décision sur la loi du 11 mai 2020, le Conseil constitutionnel avait considéré que « s’agissant d’un accompagnement social, qui ne relève donc pas directement de la lutte contre l’épidémie, rien ne justifie que la communication des données à caractère personnel traitées dans le système d’information ne soit pas subordonnée au recueil du consentement des intéressés ». Il avait en conséquence censuré les dispositions concernées au motif qu’elles étaient contraires au droit au respect de la vie privée. La soumission de cette dernière finalité au consentement des personnes concernées a permis de lever ce motif de censure.

([19]) Conformément à une demande conjointe de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) et du comité de contrôle et de liaison Covid-19. Pour mémoire, ce dernier, créé par le décret n° 2020-572 du 15 mai 2020, associe en son sein des personnels médicaux et scientifiques, des représentants de la société civile et des parlementaires.

([20]) Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE.

([21]) Ce système permet à la fois d’informer le patient et le professionnel de santé prescripteur sur les résultats du test et de regrouper l’ensemble des résultats obtenus pour les mettre à la disposition des autorités et personnels participant à la lutte contre l’épidémie (données individuelles) ou chargées du suivi épidémiologique et de la recherche sur le virus (données agrégées).

([22]) Les acteurs pouvant accéder à ces données, dans la mesure où elles sont nécessaires à leur intervention, sont notamment les services du ministère de la santé, Santé publique France, l’Assurance-maladie, les agences régionales de santé, les communautés professionnelles territoriales de santé, les établissements et centres de santé, les médecins prenant en charge les personnes concernées, les pharmaciens et les laboratoires autorisés à réaliser les examens de dépistage.

([23]) http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_lois/l15b3092_rapport-fond

([24]) http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_lois/l15b3355_rapport-fond

([25]) Voir le projet de loi n° 432 ratifiant diverses ordonnances prises pour faire face à l’épidémie de covid-19 déposé sur le Bureau du Sénat le 13 mai 2020.