N° 3773

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 19 janvier 2021

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE LOI, APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de l’article 11 de la loi n° 2020290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid19 (n° 3236),

PAR Mme Dominique DAVID

Députée

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 Voir le numéro : 3236.


 

 

 


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SOMMAIRE

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Pages

introduction

travaux de la COMMISSION

Discussion générale

examen des articles

Article 1er Ratification de l’ordonnance n° 2020-705 du 10 juin 2020 relative au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation

Article 1er bis (nouveau) Modification de l’ordonnance n°2020-705 du 10 juin 2020 relative  au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation

Article 2 Ratification de l’ordonnance n° 2020-738 du 17 juin 2020 portant diverses mesures en matière de commande publique

Article 3 Ratification de l’ordonnance n° 2020-739 du 17 juin 2020 portant réorganisation de la Banque publique d'investissement

Article 3 bis (nouveau) Modification de l’ordonnance n° 2020-739 du 17 juin 2020 portant réorganisation de la Banque publique d'investissement

Article 4 Ratification de l’ordonnance n° 2020-740 du 17 juin 2020 relative  à l’octroi d’avances en compte courant aux entreprises en difficulté  par les organismes de placement collectif de capital investissement  et les sociétés de capital-risque


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   introduction

Début 2020, le monde entier a été plongé dans une crise sanitaire majeure causée par la propagation internationale d’un virus qui, en janvier 2021, continue de circuler rapidement dans de nombreux pays.

Dans ce contexte, le Président de la République a reconnu, dès le mois de mars 2020, que la France faisait face à la crise sanitaire la plus sérieuse qu’elle ait connu depuis un siècle. Cette crise a justifié la mise en place d’un confinement strict des personnes conduisant à l’effondrement de l’activité économique. Le reste de l’année a été marqué par différentes mesures de restriction des déplacements des personnes.

Très rapidement en mars, le Parlement a été amené à examiner une première loi d’urgence ([1]), accompagnée d’une loi de finances rectificative destinée à ouvrir les crédits permettant la mise en œuvre des mesures d’urgence économique ([2]). Les deux lois ont été publiées le même jour, très peu de temps après la décision de mise en place du premier confinement de l’année 2020.

Afin d’adapter rapidement notre droit aux nécessités d’une société confinée et d’une économie sous cloche, le Parlement a choisi, par le biais de l’article 11 de la loi n° 2020-290 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, d’habiliter le Gouvernement à prendre un ensemble de mesures dictées par la gestion de l’urgence pendant une durée de trois mois.

Ces ordonnances touchent à des domaines très variés, allant des mesures d’aide directe ou indirecte aux personnes affectées par la crise aux modifications du droit du travail, de la suspension des expulsions locatives à la possibilité d’un report du paiement des loyers ou cotisations sociales. Le Gouvernement était également autorisé à adapter le fonctionnement des juridictions judiciaires et administratives et celui du système de santé au nouveau contexte sanitaire.

Au total, soixante-deux ordonnances ont été adoptées sur le fondement de cette habilitation. Elles ont permis d’organiser la réaction d’urgence dans de nombreux domaines de la vie économique et sociale du pays et d’assurer la continuité du fonctionnement des administrations publiques, des établissements de santé et des collectivités territoriales.

Avec le présent projet de loi de ratification, la commission des finances de l’Assemblée nationale est saisie de la ratification de quatre de ces ordonnances :

– l’ordonnance n° 2020‑705 du 10 juin 2020 relative au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid‑19 et des mesures prises pour limiter cette propagation ;

– l’ordonnance n° 2020‑738 du 17 juin 2020 portant diverses mesures en matière de commande publique ;

– l’ordonnance n° 2020‑739 du 17 juin 2020 portant réorganisation de la Banque publique d’investissement et modifiant l’ordonnance n° 2005‑722 du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d’investissement ;

– l’ordonnance n° 2020‑740 du 17 juin 2020 relative à l’octroi d’avances en compte courant aux entreprises en difficulté par les organismes de placement collectif de capital investissement et les sociétés de capital‑risque afin de renforcer le soutien financier apporté aux entreprises en difficulté dans le contexte de ralentissement économique actuel.

Aussi, le présent projet de loi prévoit la ratification d’un nombre limité des ordonnances prises sur le fondement de l’article 11 de la loi du 23 mars 2020 précitée. Il permet néanmoins de sécuriser juridiquement le contenu de ces quatre ordonnances : la ratification a pour effet de transformer rétroactivement l’ordonnance concernée en texte de valeur législative, dès la date de sa signature.


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   travaux de la COMMISSION

Discussion générale

La commission a examiné le projet de loi ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de l’article 11 de la loi n° 2020‑290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid‑19 au cours de sa réunion du mardi 19 janvier 2021. 

Mme Dominique David, rapporteure. Chers collègues, quatre ordonnances sont ratifiées par ce projet de loi.

La première porte sur le fonds de solidarité et comprend deux mesures, dont l’une prolonge son existence jusqu’au 31 décembre 2020. Le fonds ayant été institué pour une durée de trois mois, une prolongation était nécessaire au mois de juin. Néanmoins, cette mesure est purement formelle, puisque la date retenue par l’ordonnance a déjà été modifiée par la loi de finances pour 2021, qui a maintenu le fonds de solidarité jusqu’au 16 février 2021. Le deuxième article de l’ordonnance organise l’échange d’informations entre administrations et élargit le nombre d’agents habilités à réclamer des documents aux bénéficiaires du fonds pour contrôler leur éligibilité. On pourrait craindre un alourdissement administratif, mais les 100 000 contrôles a posteriori ont permis d’identifier jusqu’ici 21 614 demandes frauduleuses. Des actions en recouvrement ont été engagées. Il faut saluer la vigilance de l’administration. Pour rappel, au 15 janvier 2021, le fonds de solidarité avait distribué plus de 6 millions d’aides à 1,9 million d’entreprises, pour un montant total de 12 milliards d’euros. Il s’est révélé un instrument indispensable pour soutenir notre économie.

La deuxième ordonnance comprend plusieurs articles qui dérogent de manière temporaire au code de la commande publique. Ces dérogations ont pour principal objectif de soutenir les entreprises fragilisées par les conséquences de l’épidémie. Ainsi, l’article 1er de l’ordonnance empêche que les entreprises en procédure de redressement judiciaire soient exclues des procédures de passation de marchés et de concessions, dès lors qu’elles bénéficient d’un plan de redressement. L’article 2 facilite l’accès des PME et des artisans à la commande publique en imposant, pour les marchés publics globaux, qu’au moins 10 % de l’exécution du marché soit confié à des PME. Ces deux articles s’appliquent jusqu’au 10 juillet 2021. Enfin, l’article 3 impose aux acheteurs publics de ne pas tenir compte de la baisse de chiffre d’affaires liée à l’épidémie lors de l’examen de la capacité économique d’une entreprise. Cet assouplissement s’applique jusqu’au 31 décembre 2023, la capacité économique d’une entreprise pouvant être appréciée par les acheteurs sur les trois derniers exercices disponibles. Cette ordonnance établit ainsi un équilibre entre respect des principes de la commande publique et adaptation de notre droit aux circonstances particulières.

La troisième ordonnance modifie l’organisation du groupe Bpifrance. Nous avions déjà adopté sa ratification au sein du projet de loi ASAP, avant que le Conseil constitutionnel censure la disposition correspondante comme cavalier. Aussi, le Gouvernement nous propose de nouveau de la ratifier. Je ne pense pas que nous courrons le même risque avec ce projet de loi, pour deux raisons. D’une part, les quatre ordonnances ont été adoptées sur la base de l’article 11 de la loi du 23 mars 2020, qui nous fixait un but commun : le soutien à l’économie dans un contexte de crise sanitaire. D’autre part, la réorganisation interne de Bpifrance lui permet de fournir un volume plus élevé de garanties de prêts bancaires, ce qui correspond effectivement à la finalité initiale de soutien à l’économie. Nous pouvons seulement regretter que nous ne procédions que demain à l’audition du directeur général de Bpifrance.

J’en viens au fond de cette ordonnance, qui apporte des modifications importantes à l’organisation du groupe Bpifrance : l’absorption de la société mère par sa filiale dédiée au financement de l’économie. Il y aura donc, à l’issue de la fusion, une société anonyme et deux filiales qu’elle contrôle à 100 %. Initialement, ce groupe était constitué d’une société anonyme détenue à moitié par l’État et à moitié par la Caisse des dépôts. Cette société anonyme contrôlait trois filiales, exerçant chacune une des missions dévolues à la Bpi : le financement des TPE-PME par le biais de garanties bancaires et de prêts, l’assurance-export et l’investissement. Les deux filiales dédiées à l’assurance-export et à l’investissement étaient détenues à 100 % par la société anonyme Bpifrance. La troisième filiale, Bpifrance Financement, qui accorde les garanties et des prêts, était dans une situation un peu différente, dans la mesure où des acteurs bancaires privés détenaient une participation minoritaire de 9 % de la filiale, la société Bpifrance contrôlant les 91 % restants.

L’intérêt de la fusion est de consolider la structure financière du groupe. Ainsi, cette fusion permet de doubler les ratios de solvabilité de Bpifrance et d’augmenter la capacité d’intervention en prêts et garanties du groupe. En particulier, elle a permis de dégager 400 millions d’euros pour abonder les fonds de garantie de Bpifrance au moment du premier confinement, sans dotation budgétaire supplémentaire de l’État, et de distribuer 2,8 milliards d’euros de prêts Atout, sans garantie. Cette fusion est également utile dans le cadre de la mise en œuvre de la partie du plan de relance confiée à la Bpi en 2021 et 2022.

L’actionnariat de cette nouvelle société anonyme change de façon marginale. Auparavant, je l’ai dit, le capital était détenu par deux acteurs publics : l’État, par le biais de l’établissement public et commercial Bpifrance, et la Caisse des dépôts et consignations. Dans le nouveau schéma, ces deux acteurs ne détiennent plus la totalité du capital, mais au minimum 95 % dont la moitié pour l’État. Les 5 % restants – c’est un maximum – peuvent être détenus par des acteurs bancaires privés bénéficiaires des garanties de Bpifrance. L’association de ces acteurs privés au capital du groupe n’est pas nouvelle : actuellement, ils détiennent 9 % du capital de la filiale Bpifrance Financement. Cette fusion n’entraîne pas, dans l’immédiat, de transfert de titres : l’État et la Caisse des dépôts détiennent 98,6 % des droits de vote au sein de la nouvelle entité, les actionnaires minoritaires détenant les 1,4 % restants. Ce n’est que dans un second temps que certains actionnaires minoritaires pourraient être amenés à céder des titres.

L’article 4 prévoit la ratification d’une quatrième ordonnance, qui apporte une dérogation au droit commun des avances d’actionnaires. Ainsi, les fonds communs de placement à risque (FCPR), les fonds communs de placement dans l’innovation (FCPI) et les fonds d’investissement de proximité (FIP) peuvent consentir des avances correspondant à 20 % et non plus à 15 % de leur actif. Pour les fonds professionnels de capital investissement et les sociétés de capital-risque, la limite est portée de 20 à 30 %.

Cette mesure est inspirée par le même souci que beaucoup des mesures adoptées dans l’urgence : permettre aux entreprises de faire face à leurs engagements en leur fournissant la trésorerie nécessaire. En l’espèce, il s’agit de permettre aux fonds communs d’investissement d’octroyer des avances plus importantes que d’habitude, lesquelles doivent avoir été consenties entre le 1er mars et le 31 décembre 2020 à des sociétés ayant subi une perte de chiffre d’affaires d’au moins 10 % entre le 1er mars et le 30 avril 2020. Le retour aux plafonds de droit commun doit intervenir d’ici au 30 juin 2022. J’ai demandé à l’administration des éléments permettant de chiffrer l’apport que ces avances ont pu constituer pour les entreprises bénéficiaires – ils apparaîtront dans mon rapport. Je présenterai deux amendements rédactionnels et vous propose d’adopter le projet de loi modifié.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. L’ordonnance portant diverses mesures en matière de commande publique impose aux acheteurs publics de ne pas tenir compte jusqu’en 2023 de la baisse du chiffre d’affaires, lorsqu’ils évaluent la capacité économique et financière des entreprises. Alors que nous continuons d’accompagner les entreprises en difficulté, ne faudrait-il pas envisager d’aller jusqu’à 2024 ? S’agissant de Bpifrance, pourriez-vous donner quelques précisions sur l’augmentation des capacités d’intervention qui ne nécessiterait pas de participation budgétaire de l’État ? Enfin, auriez‑vous quelques chiffres sur le volume d’avances consenties grâce à la dérogation apportée par la quatrième ordonnance ?

M. Alexandre Holroyd. Le groupe La République en marche votera évidemment ce projet de loi fondamental. Bpifrance pourra ainsi jouer le rôle essentiel qui lui revient dans le cadre du plan de relance.

Mme Véronique Louwagie. Ces ordonnances sont bienvenues dans la crise actuelle. Tout comme nous avons voté les projets de loi de finances rectificative successifs, nous voterons ce texte, qui vise à renforcer les capacités financières et à faciliter l’accès au crédit et aux contrats publics de nombreuses TPE-PME fragilisées. Néanmoins, nous regrettons que la question du surendettement des TPE-PME ne soit pas prise en compte et que la disposition visant à transformer en quasi‑fonds propres une partie des prêts garantis par l’État (PGE) des entreprises les plus en difficulté ne soit toujours pas à l’ordre du jour. Nous déplorons aussi l’absence d’un dispositif de fonds de soutien massif au paiement des loyers des entreprises.

M. Brahim Hammouche. Le groupe Mouvement Démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés votera la ratification des quatre ordonnances. Le fonds de solidarité n’a cessé d’être amélioré et abondé depuis mars. Il a permis de soutenir plus de 1,9 million de bénéficiaires pour plus de 12 milliards d’euros. Nous nous réjouissons des annonces du ministre de l’économie, des finances et de la relance, afin d’affiner le dispositif. Précisons également que certaines dispositions de la deuxième ordonnance ont été améliorées et pérennisées par la loi dite ASAP, qu’il s’agisse de l’accès des entreprises en redressement aux marchés publics ou de la place de nos TPE-PME dans les marchés globaux. La réorganisation de Bpifrance – il aurait en effet été préférable d’auditionner aujourd’hui son directeur général –, qui augmentera ses fonds propres et, partant, sa surface d’investissement, est également un motif de satisfaction. Enfin, l’aménagement du régime de l’octroi d’avances en compte courant permettra de soutenir à peu de frais la trésorerie des entreprises en difficulté.

Le projet de loi illustre à la perfection ce que doivent être les ordonnances : des textes courts pour faire face à des situations temporaires difficiles, répondant à des demandes pratiques et qui, pour voir leur dispositif pérennisé, ne peuvent faire l’économie d’un débat approfondi devant la représentation nationale.

M. le président Éric Woerth. Le Gouvernement n’a inscrit que mardi dernier le projet de loi à l’ordre du jour, ce qui m’a conduit à inscrire son examen en commission au cours d’une semaine déjà très occupée pour notre commission. L’audition du directeur général de Bpifrance qui doit avoir lieu demain matin restera néanmoins utile pour la séance.

Mme Claudia Rouaux. Si nous comprenons la nécessité de telles ordonnances, elles ne permettent pas l’exercice démocratique. Il ne faudrait pas ajouter à la crise sociale, sanitaire, financière et économique une crise démocratique. Le groupe socialiste et apparentés votera cependant le projet de loi.

Mme Patricia Lemoine. Sans surprise, le groupe Agir ensemble votera le projet de loi. C’est l’occasion de redire combien la réponse du Gouvernement a été importante, rapide et massive et comme elle a su s’adapter au fur et à mesure. Le fonds de solidarité apporte des réponses très attendues par nos entreprises. Lui aussi s’est adapté tout au long de l’année 2020, et continuera de le faire. L’assouplissement des règles de la commande publique était également très attendu, notamment par les collectivités. La réorganisation de Bpifrance, qui permettra d’avoir des moyens supplémentaires, est une bonne chose. Enfin, l’octroi d’avances en compte courant aux entreprises en difficulté est une mesure essentielle.

M. Michel Zumkeller. En mars 2020, le groupe UDI et Indépendants avait approuvé l’idée de procéder par ordonnances pour légiférer rapidement. Cependant, les marges de manœuvre données au Gouvernement ne doivent pas empêcher le contrôle démocratique par le biais de la représentation nationale. Non seulement l’état d’urgence doit faire l’objet de ce contrôle parlementaire mais les nombreuses ordonnances doivent être soumises à la consultation des deux assemblées et, bien entendu, leurs mesures devront prendre fin avec la fin de l’épidémie. Ces quatre ordonnances semblent prioritaires au regard de la conjoncture économique. Il faut soutenir notre économie pour protéger le travail de nos salariés et empêcher que nos entreprises ne cessent leur activité. Notre groupe votera ce texte, tout en s’interrogeant sur le sort réservé aux autres ordonnances, principalement celles relatives aux diverses procédures sanitaires et sociales.

M. Michel Castellani. Le groupe Liberté et Territoires porte un regard globalement positif sur ces ordonnances, qui ont certainement permis d’éviter un effondrement massif, et salue la rapidité avec laquelle elles ont été adoptées. Il conviendrait cependant de mieux répartir le fonds de solidarité selon le tissu économique des territoires. Par ailleurs, les retours du terrain font montre d’une certaine incompréhension concernant l’accessibilité des fonds, les critères ayant évolué au moins quatre fois et les conditions ne cessant de s’accumuler. Il aurait été souhaitable de rendre le dispositif plus simple et plus clair.

Mme Sabine Rubin. Le groupe de la France insoumise s’abstiendra pour deux raisons. Si la prolongation du fonds de solidarité est une très bonne chose, son barème n’est pas adapté. Conditionner l’octroi de l’aide à une perte de 50 % du chiffre d’affaires et indépendamment des revenus expose particulièrement les indépendants et les entreprises. Nous trouvons dommage que le ministre n’ait pas tenu compte de notre proposition d’un système par tranches. Qui plus est, 9 % de la filiale de Bpifrance sont détenus par des banques privées. Certes, ce n’est pas grand-chose et cette fusion va permettre au nouvel ensemble de disposer de fonds propres plus importants, mais nous nous inquiétons de voir que des groupes privés puissent disposer de prérogatives revenant à Bpifrance.

M. Jean-Paul Dufrègne. Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine s’était opposé à la loi du 23 mars 2020, laquelle, au‑delà de créer un nouveau régime d’urgence – sanitaire –, ouvrait la voie à diverses ordonnances, visant à contourner des règles économiques et sociales relevant du droit du travail. Néanmoins, ces quatre ordonnances sont plus consensuelles, la troisième, notamment, en augmentant la capacité de financement de Bpifrance, un établissement relativement sous‑utilisé depuis sa création. Sur le fond, l’ensemble des dispositions ne semble pas contenir d’éléments qui pourraient susciter notre opposition. Nous pourrions d’ailleurs pérenniser les dispositions permettant aux TPE-PME d’accéder plus facilement aux marchés publics. Sur la forme, nous dénonçons une fois encore l’usage excessif des ordonnances et des dispositions réglementaires, qui retirent au législateur son pouvoir de faire la loi, notamment sur des sujets importants comme le fonds de solidarité. Nous voterons cependant le projet de loi.

Mme Dominique David, rapporteure. Monsieur le rapporteur général, l’évolution de la pandémie pose en effet la question de l’opportunité de maintenir l’assouplissement sur la capacité économique des entreprises jusqu’en 2024. Il est en effet possible que le chiffre d’affaire de certaines entreprises ne soit pas revenu à la normale en 2021, et peut-être même après.

Concernant l’augmentation des fonds propres de Bpifrance, l’établissement a vu son ratio de solvabilité passer de 11 à 28 %, ce qui lui permet mécaniquement d’accorder davantage de prêts, notamment dans le cadre de la relance. Quant au montant des avances en trésorerie, je n’ai pas les chiffres et vous suggère de poser la question demain au directeur général de Bpifrance.

Madame Louwagie, concernant la transformation des PGE en fonds propres, je vous rappelle que nous avons d’autres dispositifs qui mériteraient d’être mieux connus des entreprises, notamment ceux des prêts participatifs. Les avances remboursables évoquées dans ce projet de loi sont elles-mêmes considérées comme des quasi-fonds propres.

Madame Rouaux, vous avez déploré le manque de démocratie de ces procédures, mais vous êtes libre de déposer des amendements au texte d’ici la séance.

Monsieur Castellani, vous avez regretté l’instabilité des dispositifs. Il était très compliqué de prévoir en début de crise des mesures adaptées à une situation qui a évolué et dont la durée était inconnue. Nous pouvons saluer en revanche la capacité à nous adapter à l’évolution de la crise.

Madame Rubin, nulle inquiétude à avoir ! Les droits de vote accordés aux actionnaires privés – les banques – correspondent à 1,4 % de la nouvelle société Bpifrance. Ils ne disposent donc d’aucune minorité ni d’influence ni de blocage.

Monsieur Dufrègne, les modalités d’accès des PME aux marchés publics, qui sont de bonnes dispositions, ont bien été pérennisées dans le cadre de la loi ASAP.

Mme Sabine Rubin. Je n’ai pas obtenu de réponse à la question sur le barème du fonds de solidarité, qui n’est pas adapté à la crise et ne tient pas compte des entreprises les plus petites et les plus précaires.

Mme Dominique David, rapporteure. Nous avons récemment doublé les montants des aides distribuées par le fonds de solidarité, ce qui a permis de les accorder à des entreprises ayant perdu plus de 70 % de leur chiffre d’affaires. Nous adaptons ce fonds au fur et à mesure de la crise.

La commission en vient à l’examen des articles.

 

 


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examen des articles

Article 1er
Ratification de l’ordonnance n° 2020-705 du 10 juin 2020 relative au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation

L’ordonnance n° 2020-705 du 10 juin 2020 a été prise sur le fondement de l’article 11 de la loi n° 2020-290 du 25 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, dont le a du 1° du I autorise le Gouvernement à prendre toute disposition « D’aide directe ou indirecte [aux personnes physiques et morales exerçant une activité économique] dont la viabilité est mise en cause, notamment par la mise en place (…) d’un fonds dont le financement sera partagé avec les régions, les collectivités relevant de l'article 74 de la Constitution, la Nouvelle-Calédonie et toute autre collectivité territoriale ou établissement public volontaire ». Cette ordonnance modifie en effet l’ordonnance du 25 mars 2020 qui a créé le fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences de la crise.

I.   Le fonds de solidaritÉ, pilier de la rÉponse À la crise Économique

Le fonds de solidarité a été créé par l’ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 portant création d’un fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation. Il était initialement institué pour une période de trois mois, mais a été prolongé à plusieurs reprises. Au 21 janvier 2021, 12,8 milliards d’euros d’aides ont été attribués par ce fonds à 1,9 million d’entreprises.

A.   L’Évolution des rÈgles d’ÉligibilitÉ au premier volet du fonds de solidaritÉ

Le fonds de solidarité est constitué de deux volets. Le premier vise un nombre important d’entreprises et a vu ses conditions d’éligibilité évoluer au fil de la crise sanitaire. Le second n’est accessible qu’aux bénéficiaires du premier volet : instruit par les régions, il permet d’apporter une aide complémentaire aux entreprises qui emploient au moins un salarié. Une entreprise ne peut bénéficier qu’une seule fois du second volet. Le montant de l’aide est modulé en fonction du chiffre d’affaires du dernier exercice clos de l’entreprise.

1.   Pendant la période du premier confinement

Le fonds était initialement ouvert aux entreprises ayant fait l’objet d’une interdiction d’accueil du public entre le 1er mars et le 31 mars 2020 ou ayant subi une perte de chiffre d’affaires d’au moins 50 % sur la période comprise entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020. Les entreprises éligibles étaient celles ayant un effectif inférieur ou égal à 10 salariés et un chiffre d’affaires inférieur à un million d’euros. Le bénéfice imposable de l’entreprise ne devait pas excéder 60 000 euros au titre du dernier exercice clos. Le montant de l’aide, calculé pour couvrir la perte de chiffre d’affaires, était plafonné à 1 500 euros par mois.

L’article 3 de l’ordonnance du 25 mars précise que le champ d’application du dispositif, les conditions d’éligibilité et d’attribution des aides et leur montant seront définis par décret. C’est le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation qui établit ces différents éléments.

2.   Pendant la sortie progressive du confinement

Les critères de la taille des entreprises et de leur chiffre d’affaires ont été modifiés par l’article 7 du décret n° 2020-757 du 20 juin 2020 modifiant le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 précité pour deux catégories d’entreprises :

– les entreprises dont l’activité principale relève d’un secteur mentionné dans l’annexe 1 du décret, parmi lesquels la restauration de type rapide, les arts du spectacle vivant et les agences de voyages (liste S1) ;

– les entreprises qui ont subi une perte de chiffre d’affaires d’au moins 80 % entre le 15 mars et le 15 mai et dont l’activité principale relève d’un secteur mentionné dans l’annexe 2 du décret, parmi lesquels le commerce de gros de boissons et les stations-service (liste S1 bis). Les secteurs de la liste S1 bis sont des secteurs dont l’activité est fortement dépendante ou liée à celle des secteurs figurant dans la liste S1.

Pour les entreprises de ces secteurs, le seuil de dix salariés est relevé à vingt salariés et le seuil de chiffre d’affaires fixé à un million d’euros est relevé à deux millions d’euros. Ces entreprises ont pu bénéficier d’une aide du fonds de solidarité à compter du mois de mai. Le montant de l’aide mensuelle est inchangé.

La liste des secteurs inscrits évoluera au fil des mois afin qu’elle corresponde aux secteurs touchés par les diverses restrictions sanitaires.

Pour les entreprises des autres secteurs, les critères initiaux d’éligibilité sont demeurés les mêmes.

Le décret n° 2020-1048 du 14 août 2020 fait évoluer les règles pour toutes les aides attribuées par le fonds de solidarité : à partir du mois de juillet, seules les entreprises appartenant aux secteurs des listes S1 et S1 bis peuvent continuer à en bénéficier. Les seuils de vingt salariés et de deux millions d’euros de chiffre d’affaires sont maintenus, ainsi que celui d’un bénéfice imposable qui n’excède pas 60 000 euros au titre du dernier exercice clos. Le montant de l’aide mensuelle est également stable.

3.   Lors de l’entrée en vigueur du couvre-feu dans certains territoires

Le décret n° 2020-1262 du 16 octobre 2020 prescrivant les mesures générales pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire prévoit de nouvelles restrictions sanitaires. L’article 51 autorise ainsi le préfet de département à interdire tout déplacement entre 21 heures et 6 heures du matin, tout en prévoyant certaines exceptions.

Pour les pertes de chiffre d’affaires du mois d’octobre, trois cas de figure sont ainsi prévus, afin d’adapter l’aide aux nouvelles contraintes. Certaines entreprises pouvaient prétendre à plusieurs aides, notamment celles des listes S1 et S1 bis : elles ne sont pas cumulables, et l’entreprise bénéficiera de la plus favorable.

Les entreprises de moins de cinquante salariés ayant fait l’objet d’une interdiction d’accueil du public entre le 25 septembre et le 31 octobre 2020 bénéficient d’une subvention pour compenser leur perte de chiffre d’affaires quel que soit le pourcentage de cette perte.

La subvention est fixée au montant de leur perte de chiffre d’affaires dans la limite de 333 euros par jour d’interdiction d’accueil du public. Aucun critère relatif au niveau du bénéfice imposable n’est prévu.

Cette aide est cumulable avec l’aide du fonds de solidarité au titre de la perte d’activité du mois de septembre. Ce n’est pas le cas pour l’aide au titre de la perte d’activité d’octobre.

Les entreprises situées sur les territoires concernés par le couvre-feu dont l’effectif est inférieur à cinquante salariés et qui ont subi une perte de chiffre d’affaires d’au moins 50 % sont éligibles au fonds de solidarité.

L’aide financière est différenciée : pour les entreprises des listes S1 et S1 bis, le plafond de la subvention, égal au montant de la perte de chiffre d’affaires, est fixé à 10 000 euros mensuels. Pour les autres entreprises, elle demeure fixée à 1 500 euros mensuels.

Les entreprises de moins de cinquante salariés appartenant aux listes S1 ou S1 bis et qui ont subi une perte de chiffre d’affaires d’au moins 50 % sur le mois d’octobre sont éligibles au fonds de solidarité.

L’aide financière est différenciée selon le niveau de perte de chiffre d’affaires :

– si celle-ci est inférieure à 70 %, le montant maximal de l’aide mensuelle est fixé à 1 500 euros ;

– si celle-ci est supérieure ou égale à 70 %, le montant maximal de l’aide mensuelle est fixé à 10 000 euros, sans que le montant de l’aide puisse excéder 60 % du chiffre d’affaires de l’entreprise.

4.   Pendant le second confinement

Le décret n° 2020-1310 du 29 octobre prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire instaure le second confinement sur le territoire national en interdisant tout déplacement de personne sauf exceptions listées à l’article 4 du décret.

Les modalités d’éligibilité au fonds de solidarité sont une nouvelle fois adaptées.

Pour les entreprises de moins de cinquante salariés, qui soit subissent une interdiction d’accueil du public soit appartiennent à la liste S1 et ont subi une perte de chiffre d’affaires d’au moins 50 %, le montant de l’aide mensuelle est égal au montant de la perte de chiffre d’affaires, dans la limite de 10 000 euros.

Pour les entreprises appartenant à la liste S1 bis, le montant de l’aide mensuelle s’établit à 80 % de la perte de chiffre d’affaires, dans la limite de 10 000 euros.

Pour les autres entreprises, le montant de l’aide mensuelle est plafonné à 1 500 euros.

5.   Depuis la sortie du second confinement et le maintien d’un couvre-feu

Alors que le confinement s’est terminé le 15 décembre, un couvre-feu rese en vigueur. Les mesures d’aides ont été une nouvelle fois adaptées.

Deux catégories sont distinguées en fonction du critère de taille.

– Pour les entreprises ayant fait l’objet d’une interdiction d’accueil du public et les entreprises appartenant à la liste S1 et ayant perdu au moins 50 % de leur chiffre d’affaires, aucune condition de taille n’est appliquée. L’aide versée est limitée à 200 000 euros au niveau du groupe.

Les entreprises ayant fait l’objet d’une interdiction d’accueil du public bénéficient d’une aide égale à la perte de chiffre d’affaires dans une limite de 10 000 euros ou de 20 % du chiffre d’affaires de référence. Il est souvent référé à cette alternative comme « le droit d’option » de l’entreprise. La direction générale des finances publiques accorde l’aide la plus favorable à l’entreprise bénéficiaire.

Pour les entreprises appartenant à la liste S1 et ayant perdu au moins 50 % de leur chiffre d’affaires, le montant de l’aide est proportionné à cette perte : si celle-ci est inférieure à 70 %, alors la limite de 10 000 euros s’applique. L’entreprise peut aussi se voir accorder 15 % de son chiffre d’affaires si ce calcul est plus favorable. Si la perte de chiffre d’affaires est supérieure ou égale à 70 %, soit la perte est indemnisée dans la limite de 10 000 euros, soit l’entreprise se voit accorder une aide équivalente à 20 % de son chiffre d’affaires.

– Pour les entreprises ayant perdu au moins 50 % de leur chiffre d’affaires et pour les entreprises appartenant à la liste S1 bis, seules celles ayant moins de cinquante salariés sont éligibles.

Le critère pour appartenir à la liste S1 bis évolue : pour être éligible, l’entreprise doit appartenir à un des secteurs mentionnés et avoir subi une perte de 80 % de son chiffre d’affaires, soit pendant le premier confinement (du 15 mars au 15 mai), soit pendant le deuxième confinement (du 1er au 30 novembre).

Les entreprises appartenant à la liste S1 bis bénéficient d’une aide mensuelle à hauteur de 80 % de leur perte de chiffre d’affaires, dans la limite de 10 000 euros.

Les entreprises ayant perdu au moins 50 % de leur chiffre d’affaires peuvent bénéficier d’une aide mensuelle de 1 500 euros.

Il faut souligner que des aides spécifiques ont été mises en place pour les commerces situés dans des stations de ski, qui ont moins de cinquante salariés et qui ont subi une perte de chiffre d’affaires de plus de 50 %. Les communes concernées sont énumérées à l’annexe 3 du décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 précité.

Des annonces ont été faites le 14 janvier par le ministre de l’économie, des finances et de la relance sur de nouvelles modalités de prise en charge par le fonds de solidarité. Le coût de ces nouvelles mesures est évalué à 4 milliards d’euros par mois.

– Pour les entreprises appartenant au secteur S1 bis qui ont perdu au moins 70 % de leur chiffre d’affaires en décembre, le critère de taille est supprimé et le montant de l’aide pourra aller jusqu’à 20 % de leur chiffre d’affaires, avec un plafond établi à 200 000 euros.

– Une nouvelle aide est instaurée pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 1 million d’euros par mois et qui sont soit fermées administrativement, soit qui appartiennent aux listes S1 et S1 bis : les coûts fixes seront pris en charge dans une limite de 70 % et avec un plafond de 3 millions d’euros sur la période de janvier à juin 2021.

B.   LES Échanges d’informations

L’article 18 de l’ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020 portant diverses mesures prises pour faire face à l’épidémie de covid-19 prévoit les modalités de contrôle de l’éligibilité des bénéficiaires du fonds de solidarité. Ces bénéficiaires doivent conserver les documents relatifs à leur éligibilité au fonds pendant cinq ans, et les agents de la direction générale des finances publiques peuvent en demander communication pendant la même période.

Il est également prévu que tout versement irrégulier fera l’objet d’une récupération.

II.   LE Dispositif mis en place par l’ordonnance du 10 juin 2020

L’article 1er de l’ordonnance du 10 juin 2020 dont la ratification est proposée modifie l’article 1er de l’ordonnance du 25 mars précitée, qui fixe la durée de vie du fonds de solidarité à trois mois : il maintient l’existence du fonds jusqu’au 31 décembre 2020. Cette modification était nécessaire en juin pour prolonger le fonds de solidarité.

Alors que le projet de loi de ratification est examiné à l’Assemblée, l’article 216 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 a prolongé le fonds de solidarité jusqu’au 16 février 2021. Le même article a également précisé que la durée d’intervention du fonds de solidarité pouvait être prolongée par décret pour six mois, au lieu de trois mois auparavant.

L’article 2 de l’ordonnance du 10 juin 2020 autorise les agents publics affectés dans les services déconcentrés des administrations civiles de l’État à demander à tout bénéficiaire du fonds les documents permettant d’établir son éligibilité au fonds et l’exactitude du montant de l’aide perçue.

Les agents de la direction générale des finances publiques étaient déjà en capacité de réclamer ces documents : l’article 2 élargit donc le périmètre des agents compétents pour réclamer ces documents. L’article organise également l’échange d’informations entre la direction générale des finances publiques et les organismes et services chargés de la gestion d’un régime obligatoire de sécurité sociale. L’administration a cependant indiqué qu’à ce stade, cette possibilité n’a pas été mise en œuvre.

À partir de juillet, 100 000 contrôles ont été engagés. Ceux-ci ont permis d’identifier près de 21 614 demandes frauduleuses, pour un montant de 26 millions d’euros.

La rapporteure considère qu’il peut être cohérent et souhaitable de ratifier l’ensemble des ordonnances qui concernent le fonds de solidarité. C’est pourquoi elle proposera, en complément de la ratification de l’ordonnance n° 2020-705 du 10 juin 2020, la ratification de l’ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 précitée et de l’article 18 de l’ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020 précitée.

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La commission adopte l’article 1er sans modification.

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Article 1er bis (nouveau)
Modification de l’ordonnance n°2020-705 du 10 juin 2020 relative
au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation

La commission a adopté un amendement portant article additionnel présenté par la rapporteure ayant pour objet de corriger, dans l’ordonnance n° 2020-705 du 10 juin 2020 ratifiée par l’article 1er, une erreur de référence.

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La commission est saisie de l’amendement CF2 de la rapporteure.

Mme Dominique David, rapporteure. Il s’agit de corriger une erreur dans l’ordonnance portant sur le fonds de solidarité.

La commission adopte l’amendement CF2.

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Article 2
Ratification de l’ordonnance n° 2020-738 du 17 juin 2020 portant diverses mesures en matière de commande publique

 

L’ordonnance n° 2020-738 du 17 juin 2020 a été prise sur le fondement de l’article 11 de la loi n° 2020-290 du 25 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, dont le f du 1° du I autorise le Gouvernement à prendre toute disposition pour adapter « les règles de passation, de délais de paiement, d’exécution et de résiliation, notamment celles relatives aux pénalités contractuelles, prévues par le code de la commande publique ainsi que les stipulations des contrats publics ayant un tel objet ». Le texte initial du projet de loi ne mentionnait pas les règles de passation prévues par le code de la commande publique (CCP), mais cette mention a été ajoutée par M. Cédric Roussel lors de l’examen du texte en commission des lois à l’Assemblée nationale.

Sur ce fondement, a également été prise l’ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 portant diverses mesures d’adaptation des règles de passation, de procédure ou d’exécution des contrats soumis au code de la commande et des contrats publics qui n’en relèvent pas pendant la crise sanitaire née de l’épidémie de covid-19. Cette ordonnance assouplit les règles relatives à l’exécution des contrats, en termes de délais de paiement, de durée d’exécution ou d’engagements contractuels.

L’ordonnance du 17 juin ne s’applique qu’aux contrats de la commande publique, contrairement à celle du 25 mars, dont le champ d’application est plus large.

Alors que la crise sanitaire s’est inscrite dans le temps et a mis à l’arrêt des pans entiers de l’économie, il était indispensable d’adapter les règles de la commande publique, à la fois pour garantir la bonne exécution des contrats publics et pour protéger les entreprises. Les organisations représentant les entreprises ont d’ailleurs souligné l’importance d’adapter le droit de la commande publique à la situation, et certaines ont fait des propositions en ce sens ([3]).

La commande publique, qui représentait 8 % du produit intérieur brut en 2016, soit 200 milliards d’euros d’achats par an, peut aussi être un levier de la relance. Comme l’indique le professeur de droit public Rozen Noguellou ([4]), c’est précisément l’objectif de l’ordonnance ratifiée par l’article 2 du présent projet de loi que « d’utiliser la commande publique comme outil de relance économique ».

Un autre assouplissement des règles de la commande publique avait été introduit par amendement du Gouvernement dans la loi de finances pour 2021. L’article 243 prévoyait ainsi d’élargir la capacité pour les acheteurs publics de confier à un opérateur unique des marchés de conception-réalisation de rénovation énergétique, lorsque ceux-ci étaient financés par des crédits du plan de relance. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2020-813 DC du 28 décembre 2020, a considéré qu’une telle disposition n’avait pas sa place en loi de finances et l’a donc déclarée contraire à la Constitution.

L’ordonnance dont la ratification est proposée comprend trois mesures principales :

– la levée provisoire de l’interdiction de soumissionner pour les entreprises en procédure de redressement judiciaire avec un plan de redressement (article 1er) ;

– l’imposition temporaire d’attribuer au moins 10 % de l’exécution d’un marché à des PME (article 2) ;

– l’assouplissement des règles pour juger de la capacité économique d’un candidat à un marché public (article 3).

L’ensemble des marchés publics et des concessions en cours de passation lors de l’entrée en vigueur de l’ordonnance sont concernés par ces dispositions.

L’article 5 de l’ordonnance précise qu’elle est applicable aux marchés publics et contrats de concession conclus par l’État et ses établissements publics dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.

I.   L’assouplissement temporaire concernant les entreprises en redressement judiciaire

A.   l’État du droit antÉrieur À l’ordonnance

L’article L. 3 du code de la commande publique prévoit que les acheteurs et les autorités concédantes doivent mettre en œuvre le principe de liberté d’accès à l’attribution d’un contrat de la commande publique.

Des exceptions à ce principe sont néanmoins prévues par le code de la commande publique : la section 1 du chapitre 1er du titre IV du livre Ier de la deuxième partie de la partie législative du code de la commande publique établit la liste des exclusions de plein droit de la procédure de passation.

Parmi celles-ci, l’article L. 2141-3 du CPP prévoit que les personnes admises à la procédure de redressement judiciaire définie à l’article L. 631-1 du CPP ou à une procédure équivalente prévue par un droit étranger sont exclues de la procédure de passation des marchés, sauf si elles sont habilitées à poursuivre leurs activités pendant la durée d’exécution du marché. C’est une exclusion dite obligatoire : l’acheteur doit s’y conformer.

L’article L. 631-1 du code de commerce, qui prévoit la procédure de redressement judiciaire, indique qu’elle est ouverte à tout débiteur « incapable de faire face au passif exigible avec son actif disponible » et donc en situation de cessation de paiement, mais qui peut continuer à maintenir ses activités et l’emploi. La procédure commence par une période d’observation durant laquelle un bilan économique et social est réalisé. À l’issue de cette période, si le bilan montre que l’entreprise est viable, un plan de redressement est établi. Ce plan comprend des mesures nécessaires pour que l’entreprise puisse continuer son activité et rembourser son passif.

B.   Le Dispositif mis en place par l’ordonnance

L’article 1er de l’ordonnance fait obstacle à ce que les entreprises admises à la procédure de redressement judiciaire mais qui bénéficient d’un plan de redressement puissent être exclues de la procédure de passation des marchés et des contrats de concession.

Le professeur Rozenou, dans l’article cité supra, souligne que « si la mesure se comprend pour un marché public devant être réalisé sur une durée plutôt brève, elle paraît plus discutable dans le cadre d’une concession » ([5]).

Il faut souligner, pour nuancer cette observation, que la liberté d’appréciation de l’acheteur ou de l’autorité concédante reste entière quant à la question de savoir si l’entreprise, malgré son plan de redressement, est suffisamment solide pour être retenue dans le cadre d’une concession. La disposition mise en place par l’ordonnance vise simplement à ce qu’une entreprise ne soit pas écartée d’office.

L’administration ne dispose pas de chiffres sur le nombre d’entreprises concernées par cette disposition.

L’article 4 de l’ordonnance prévoit que cette disposition s’applique jusqu’au 10 juillet 2021. Cette disposition a cependant été pérennisée par l’article 131 de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique. Celui-ci modifie l’article L. 2141-3 du CPP afin de garantir que les entreprises bénéficiant d’un plan de redressement ne puissent pas être exclues de la procédure de passation de marchés. Il ajoute un élément de sécurité juridique en interdisant à l’acheteur de résilier un marché au seul motif que l’opérateur économique est admis en procédure de redressement judiciaire.

II.   Faciliter l’accÈs des PME À la commande publique

A.   l’État du droit antÉrieur À l’ordonnance

1.   Les dérogations au principe d’allotissement

L’article L. 2113-10 du code de la commande publique (CCP) prévoit que les marchés publics doivent être passés en lots séparés. C’est le principe de l’allotissement, qui contribue à assurer le respect du principe de liberté d’accès de tout opérateur à la commande publique. Des exceptions à ce principe sont prévues à l’article L. 2113-11 du CCP : c’est le cas notamment si la division du marché en lots est de nature à restreindre la concurrence. Certains marchés, par nature, dérogent également à ce principe d’allotissement.

C’est le cas des marchés dits globaux, énumérés à l’article L. 2171-1 du code de la commande publique :

– Les marchés de conception-réalisation permettent de confier à un groupement d’opérateurs économiques ou à un seul opérateur pour les ouvrages d’infrastructure, à la fois la réalisation d’études (conception) et l’exécution des travaux (réalisation) ;

– Les marchés globaux de performance sont utilisés lorsque l’acheteur souhaite que l’exécution du marché permette d’atteindre un objectif de performance mesurable. Dans ce cas, l’exploitation et la réalisation de prestations peuvent être associées au sein d’un même marché ;

– Les marchés globaux sectoriels sont réservés à un nombre de domaines délimités, tels que les établissements pénitentiaires, les centres de rétention ou les zones d’attente. L’acheteur peut confier à un même opérateur économique l’ensemble des étapes, soit la conception, la construction, l’aménagement et l’entretien des ouvrages construits.

C’est également le cas des marchés de partenariat, définis aux articles L. 2200-1 et suivants du CCP. Un acheteur confie à un opérateur économique ou à un groupement d’opérateurs économiques « une mission globale ayant pour objet la construction, la transformation, la rénovation, le démantèlement ou la destruction d’ouvrages, d’équipements ou de biens immatériels nécessaires au service public ou à l’exercice d’une mission d’intérêt général et tout ou partie de leur financement » ([6]). Le recours aux marchés de partenariat est conditionné à deux critères : ce type de marché est réservé aux projets dont le montant excède un seuil défini à l’article R. 2211-1 du CCP et l’acheteur doit prouver que le marché de partenariat est plus avantageux que les autres alternatives.

2.   L’instauration d’une part minimale de PME dans l’exécution d’un marché pour garantir leur accès à la commande publique

Pour limiter l’impact de ces exceptions au principe d’allotissement sur l’accès des petites et moyennes entreprises à la commande publique, l’article 163 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics a fixé un quota minimal de PME à qui doit être confié un marché de partenariat. Le seuil a été fixé à 10 %.

Ce seuil a été repris à l’article R. 2213-5 du CCP : la part minimale confiée par le titulaire, directement ou indirectement, à des PME ou à des artisans, est fixée à 10 % du montant prévisionnel du marché de partenariat hors coût de financement. Une exception est faite lorsque la structure économique du secteur ne permet pas d’avoir une part minimale.

Cette disposition est renforcée par l’article L. 2222-4 du CCP, qui prévoit que « l’acheteur tient compte, parmi les critères d’attribution du contrat, de la part d’exécution du contrat que le soumissionnaire s’engage à confier à des petites et moyennes entreprises ou à des artisans ». La part doit être un des critères d’attribution du marché.

Dans la procédure de passation, l’acheteur doit choisir l’offre économique la plus avantageuse à partir d’une liste de critères préétablis et connus des candidats. L’article R. 2152-7 du CCP prévoit deux cas de figure : un critère unique (le prix ou le coût) ou une pluralité de critères liés à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution, comme la qualité, les délais d’exécution et l’organisation. En incluant la part minimale de PME concernées par l’exécution du marché dans les critères d’attribution de l’acheteur, le législateur entend encourager les acheteurs publics à privilégier des offres pouvant être plus coûteuses mais dont l’exécution sera en partie laissée à des PME. 

La part des PME titulaires de contrats publics reste stable. Ainsi, en 2019, 32,3 % des marchés publics d’un montant supérieur à 90 000 euros hors taxes avaient été attribués à des PME, contre 29,4 % en 2017. Les chiffres pour l’année 2020 ne seront disponibles qu’en mai prochain.

Source : contribution écrite de la direction des affaires juridiques aux travaux de la rapporteure.

Le guide pratique pour faciliter l’accès des TPE et PME à la commande publique, publié le 4 juillet 2019 par la direction des affaires juridiques du ministère de l’économie et des finances ([7]), explique cette stabilité par « un manque d’attractivité du secteur public » et par « l’emploi de clauses contractuelles standards, parfois inadaptées à des petits opérateurs et donc dissuasives ».  Le guide détaille donc les bonnes pratiques et rappelle les leviers disponibles pour faire progresser la part des PME dans les titulaires de contrats publics.

Les mesures réglementaires sont une des solutions évoquées pour faciliter l’accès des PME à la commande publique. L’article 2 de l’ordonnance s’inscrit dans cette perspective en élargissant le dispositif déjà existant pour les marchés de partenariat aux marchés globaux.

B.   LE Dispositif proposÉ par l’ordonnance

Le premier alinéa de l’article 2 de l’ordonnance prévoit que 10 % du montant prévisionnel des marchés globaux doivent être confiés, directement ou indirectement, à des petites et moyennes entreprises ou à des artisans. La disposition est similaire à celle déjà existante pour les marchés de partenariat. L’exception existante dans le cas des marchés de partenariat pour les secteurs dont la structure économique ne permet pas de confier une part du marché aux PME est également prévue pour les marchés globaux.

Le deuxième alinéa de l’article 2 élargit l’obligation faite à l’acheteur et déjà existante dans les marchés de partenariat de tenir compte de la part de l’exécution du marché confiée à des PME ou à des artisans.

Le troisième alinéa de l’article 2 exclut les marchés de défense et de sécurité de cette nouvelle obligation. Cette exclusion s’explique par la structure particulière des marchés d’armement. Remplir cette obligation nécessiterait de multiplier les contrats avec les sous-traitants et représenterait un coût trop important.

Alors que les PME ont souffert de la crise, l’élargissement de l’obligation d’une part minimale de PME dans l’attribution des marchés doit aider à remplir les carnets de commandes des PME et à relancer leur activité. Selon une enquête de la Confédération des PME ([8]), 53 % des dirigeants ont observé une baisse de leur chiffre d’affaires durant les mois de juillet et août 2020 et 34 % ont vu leur trésorerie se dégrader sur la même période.

L’article 4 de l’ordonnance prévoit que cette disposition s’applique jusqu’au 10 juillet 2021. Cette disposition a cependant été pérennisée par l’article 131 de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique. Le 4° de l’article 131 élargit l’obligation, déjà existante pour les marchés de partenariat, d’une part d’exécution des marchés globaux réservée aux petites et moyennes entreprises ou aux artisans.

III.   L’apprÉciation de la CapacitÉ Économique des entreprises en pÉriode de crise sanitaire

A.   l’État du droit

Comme indiqué supra, la procédure de sélection des offres est encadrée par le législateur. Elle s’accompagne d’une procédure de sélection des candidatures : l’acheteur doit notamment s’assurer que les candidatures ont été reçues dans les délais, qu’elles répondent aux conditions de participation indiquées dans l’appel d’offres et que les candidats ne sont pas interdits de soumissionner. Le candidat doit présenter, dans son dossier de candidature, les documents qui prouvent qu’il a la capacité économique et financière ou les capacités techniques et professionnelles pour exécuter le marché.

Si l’acheteur doit s’assurer que le candidat a les capacités d’exécuter le marché, ses exigences ne doivent pas être disproportionnées : l’article L. 2142‑1 du CCP prévoit que les conditions sont « liées à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécutions ».

L’évaluation des capacités des candidats peut intervenir à tout moment de la procédure de sélection : l’article R. 2144-3 du CCP prévoit ainsi que « la vérification de l’aptitude à exercer l’activité professionnelle, de la capacité économique et financière et des capacités techniques et professionnelles des candidats peut être effectuée à tout moment de la procédure et au plus tard avant l’attribution du marché ». La capacité économique et financière d’une entreprise s’apprécie entre autres par son chiffre d’affaires : l’acheteur peut exiger un chiffre d’affaires annuel minimal (article R. 2142-6 du CCP), celui-ci ne pouvant être supérieur à deux fois le montant estimé du marché, sauf exceptions (article R. 2142‑7 du CCP). L’acheteur peut exiger d’autres documents, notamment le rapport entre les éléments d’actif et de passif (article R. 2142-11 du CCP).

Si l’acheteur doit pouvoir justifier dans tous les cas que son niveau d’exigence est proportionné à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution, il reste souverain dans la formulation de ces exigences.

B.   LE Dispositif proposÉ par l’ordonnance

L’article 3 de l’ordonnance interdit aux acheteurs publics ou aux autorités concédantes de tenir compte de la baisse du chiffre d’affaires intervenue au titre du ou des exercices sur lesquels s’imputent les conséquences de la crise sanitaire liée à l’épidémie de covid-19.

L’article 4 prévoit que ces dispositions s’appliquent jusqu’au 31 décembre 2023 : cela s’explique car la capacité économique et financière peut être appréciée par les acheteurs sur les trois derniers exercices disponibles.

Cette disposition est plus contraignante pour l’acheteur que les deux premières, au sens où elle contribue à restreindre sa liberté d’appréciation des offres. Contrairement aux deux dispositions précédentes, elle n’a pas été rendue pérenne par la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 précitée et c’est donc la dérogation temporaire prévue par l’ordonnance qui doit s’appliquer.

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La commission adopte l’article 2 sans modification.

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Article 3
Ratification de l’ordonnance n° 2020-739 du 17 juin 2020 portant réorganisation de la Banque publique d'investissement

L’ordonnance n° 2020-739 du 17 juin 2020 a été prise sur le fondement de l’article 11 de la loi n° 2020-290 du 25 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, dont le h du 2° du I autorise le Gouvernement à prendre toute mesure « Adaptant les dispositions relatives à l’organisation de la Banque publique d’investissement créée par l’ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d’investissement afin de renforcer sa capacité à accorder des garanties ».

I.   L’État du droit

A.   L’organisation du groupe Bpifrance avant la fusion

1.   L’ancienne structure du groupe

L’ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d’investissement détermine l’organisation du groupe Bpifrance. Cette ordonnance qui fixait, à l’origine, les règles relatives à l’établissement public Oséo, a servi de support à la création de la Banque publique d’investissement en 2013 par la loi n° 2012-1559 du 31 décembre 2012.

Organisation du groupe Bpifrance avant la fusion

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Source : Bpifrance.

Ce groupe est organisé autour d’une société anonyme, Bpifrance SA, détenue à parité par l’État et la Caisse des dépôts et consignations avant la fusion organisée par la présente ordonnance. La participation de l’État s’exerce via un établissement public industriel et commercial (EPIC), lui-même régi par un conseil d’administration composé d’un président et de six représentants de l’État, tous nommés par décret. Au 31 décembre 2019, le capital de Bpifrance SA s’élève à 20,8 milliards d’euros.

Le groupe est doté de plusieurs ressources, énumérées à l’article 4 de l’ordonnance du 29 juin 2005 précitée (cf. encadré infra).

Les ressources du groupe Bpifrance

Les ressources du groupe Bpifrance sont constituées, aux termes de l’article 4 de l’ordonnance du 29 juin 2005, par :

– le montant des rémunérations qui lui sont versées par ses filiales, les sociétés dans lesquelles il détient une participation ou toute société dont l’État détient, directement ou indirectement, au moins 50 % du capital, en paiement des prestations et services qu’il assure pour leur compte ;

– les dividendes et autres produits des participations qu’il détient dans ses filiales ou dans les sociétés dans lesquelles il détient une participation ;

– la rémunération des missions qu’il exerce directement en son nom propre ou pour le compte de tiers ;

– des concours financiers de l’État et des collectivités territoriales ou de leurs établissements publics ;

– le produit financier des résultats du placement de ses fonds ;

– toute autre recette autorisée par les lois et règlements.

La société anonyme Bpifrance est chargée de trois missions : promouvoir la croissance par l’innovation et le transfert de technologies, contribuer au développement économique en prenant en charge une partie du risque résultant des crédits accordés aux petites et moyennes entreprises et contribuer aux besoins spécifiques de financement des investissements et des créances d’exploitation des petites et moyennes entreprises.

Pour la mise en œuvre de ces missions, Bpifrance SA est habilitée par l’article 6 de l’ordonnance du 29 juin 2005 à exercer en France et à l’étranger, elle‑même ou par l’intermédiaire de ses filiales ou des sociétés dans lesquelles elle détient une participation, toutes activités qui se rattachent directement ou indirectement à son objet défini par la loi, ainsi que toute autre activité prévue par ses statuts.

Le groupe Bpifrance se voit ainsi confier de larges prérogatives afin d’exercer les missions qui lui sont attribuées. Ainsi qu’il est indiqué infra, la loi dite Pacte a encore renforcé son rôle d’opérateur de l’action économique de l’État. 

Le IV de l’article 6 de l’ordonnance du 29 juin 2005 précitée prévoit que la société anonyme Bpifrance recourt à une filiale agréée en tant qu’établissement de crédit dont elle détient, directement ou indirectement, la majorité du capital. Cette disposition permet d’assurer le contrôle de la société anonyme sur la filiale, appelée Bpifrance Financement. Une participation minoritaire de 9 % est réservée à des actionnaires bancaires, dont les dix premiers sont détaillés dans le tableau-ci-dessous.

Dix premiers actionnaires minoritaires de Bpifrance Financement

Rang

Sociétés

Nombre de titres

1

BPCE SA

1 706 393

2

Agence française de développement

1 560 631

3

Foncaris SA (Crédit Agricole)

1 264 502

4

BNP Paribas SA

1 001 746

5

Société générale SA

561 400

6

LCL – Le Crédit lyonnais SA

461 885

7

Crédit industriel et commercial SA

343 099

8

HSBC France SA

243 626

9

Groupama

216 025

10

Axa France IARD SA

212 161

Source : Bpifrance.

En tant qu’établissement de crédit, conformément à un arrêté du 3 novembre 2014 relatif au contrôle interne des entreprises du secteur de la banque, des services de paiement et des services d’investissements, Bpifrance Financement est soumis au contrôle de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).

L’article 9 de l’ordonnance du 29 juin 2005 fixe les règles de fonctionnement de cette filiale, qui doit être organisée de telle manière que l’activité de promotion de la croissance par l’innovation et le transfert de technologie soit exercée de manière distincte de ses autres activités. Cela implique que :

– la dotation de fonctionnement versée par l’État au titre de cette activité ne peut être affectée qu’aux coûts que cette activité engendre ;

– la filiale fixe par voie réglementaire le plafond d’intervention au titre de chaque exercice, notamment sous forme de subventions publiques ou d’avances remboursables ;

– les résultats dégagés grâce à l’utilisation des dotations publiques versées au titre de cette activité sont reversés aux financeurs publics ou réaffectés à la même activité ;

– la filiale établit un enregistrement comptable distinct pour les opérations relevant de cette activité.

2.   La gouvernance

La direction du groupe est assurée par le directeur général du conseil d’administration de Bpifrance SA. Cette direction est actuellement assurée par M. Nicolas Dufourcq, en poste depuis février 2013 ([9]).

Avant la fusion autorisée par la présente ordonnance, le conseil d’administration de Bpifrance SA était composé de seize administrateurs répartis de la façon suivante :

– huit représentants des actionnaires, donc quatre de l’État et quatre de la Caisse des dépôts et consignations, choisis en raison de leur compétence en matière économique et financière ;

– deux représentants des régions, nommés par décret sur proposition d’une association représentative de l’ensemble des régions ;

– trois personnalités qualifiées, nommées par décret en raison de leur compétence en matière économique et financière et de développement durable ;

– une personnalité ayant vocation à exercer les fonctions de directeur général de Bpifrance SA, choisi en raison de sa compétence en matière économique et financière ;

– ainsi qu’une femme et un homme ayant vocation à représenter les salariés de la société et des filiales qu’elle contrôle.

L’ordonnance du 29 juin 2005 fixe une exigence de parité globale.

Les représentants de l’État au conseil d’administration disposent d’une place particulière : ainsi, il est prévu que les délibérations de ce conseil qui portent, directement ou indirectement, sur la mise en œuvre des concours financiers de l’État ne peuvent être adoptées sans le vote favorable de ses représentants.

La gouvernance du groupe est complétée par un comité national d’orientation, prévu à l’article 7-2 de l’ordonnance du 29 juin 2005, chargé d’exprimer un avis sur les orientations stratégiques, la doctrine d’intervention et les modalités d’exercice par la société et ses filiales de leurs missions d’intérêt général et sur la mise en œuvre de la transition écologique et énergétique.

Ce comité d’orientation rassemble des personnalités d’horizons variés : deux députés et deux sénateurs, un représentant pour l’État, un autre pour la Caisse des dépôts et consignations, trois représentants des régions, un représentant des comités d’orientation des régions d’outre-mer, cinq représentants des organisations syndicales de salariés, trois représentants des organisations professionnelles d’employeurs et de travailleurs indépendants, un représentant des sociétés publiques locales et des sociétés d’économie mixte et huit personnalités choisies en raison de leurs compétences dans les domaines du financement, de l’innovation, de l’internationalisation des entreprises, de l’énergie, des activités industrielles ou des activités de services, de l’économie sociale et solidaire, de l’environnement et de l’aménagement du territoire ou de la politique de la ville.

Ce comité national est relayé au niveau local par un comité régional d’orientation, prévu à l’article 7-3 de l’ordonnance du 29 juin 2005, présent dans chaque région et dans la collectivité territoriale de Corse. Il prend la forme d’un comité territorial d’orientation à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Barhélémy et à Saint-Martin et d’un comité départemental d’orientation à Mayotte.

B.   Des missions précisÉes

Le conseil d’administration du groupe, conformément à l’article L. 225-35 du code de commerce, est chargé de veiller au respect, par le groupe, des missions qui lui sont confiées, comme l’indique l’article 7-1 de l’ordonnance du 29 juin 2005, inséré par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

Cet article prévoit que la Banque publique d’investissement « prend en compte les enjeux environnementaux, sociaux, d’égalité professionnelle, d’équilibre dans l’aménagement économique des territoires, notamment dans les zones urbaines défavorisées, des zones rurales et des outre-mer, et de gouvernance dans ses pratiques ainsi que dans la constitution et la gestion de son portefeuille d’engagements ».

Le groupe doit également intégrer les risques sociaux et environnementaux au sein de sa gestion des risques, tenir compte des intérêts des parties prenantes – entendues comme l’ensemble de ceux qui participent à sa vie économique et des acteurs de la société civile influencés, par les activités de la banque – et assurer l’accès des personnes du sexe le moins représenté aux actions mises en œuvre.

La loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (dite Pacte) a également précisé le rôle attribué au groupe en insérant un article 1er A au sein de l’ordonnance du 29 juin 2005.

Ainsi, il est prévu qu’« en vue de soutenir la croissance durable, l’emploi et la compétitivité de l’économie, elle favorise l’innovation, l’amorçage, le développement, l’internationalisation, la mutation et la transmission des entreprises, en contribuant à leur financement en prêts et en fonds propres ».

L’article 1er A fixe également des priorités d’actions :

– l’entreprenariat féminin, les très petites entreprises, les petites et moyennes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire, en particulier celles du secteur industriel et celles du secteur touristique ;

– l’investissement de manière avisée pour le financement de projets de long terme ;

– l’accompagnement de la politique industrielle nationale, le développement des secteurs d’avenir, de la conversion numérique et de l’économie sociale et solidaire et le développement des innovations technologiques et managériales ;

– le soutien à la transition écologique et énergétique ;

– la mobilisation de l’ensemble du système bancaire sur les projets soutenus par le groupe ;

– le développement d’une offre de service et d’accompagnement des entreprises depuis leur création et tout au long de leur développement ;

– la possibilité de stabiliser l’actionnariat de grandes entreprises porteuses de croissance et de compétitivité pour l’économie française.

II.   Le dispositif prÉVU PAR L’ORDONNANCE

L’ordonnance n° 2020-739 du 17 juin 2020 portant réorganisation de la Banque publique d’investissement et modifiant l’ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d’investissement a été adoptée sur le fondement de l’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19. Le h du 2° du I habilite le Gouvernement à prendre toutes mesures « adaptant les dispositions relatives à l’organisation de la Banque publique d’investissement […] afin de renforcer sa capacité à accorder des garanties ».

La ratification de cette ordonnance avait déjà été adoptée par le Parlement au sein du projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique ([10]) avant que la disposition législative correspondante soit censurée par le Conseil constitutionnel comme un cavalier législatif.

L’article 3 du projet de loi de ratification ne saurait encourir le même risque de censure. En outre, la question relative au respect du champ de l’habilitation n’a en tout état de cause pas à être prise en considération lors de la loi de ratification, comme cela ressort de la jurisprudence du Conseil constitutionnel (voir en ce sens la décision n° 2004-506 DC du 2 décembre 2004).

A.   LA fusion-absorption de Bpifrance SA par sa filiale

1.   La réorganisation du groupe

L’article 1er de l’ordonnance du 17 juin 2020 prévoit l’absorption de la société anonyme Bpifrance par sa filiale Bpifrance Financement au plus tard à l’issue d’un délai de douze mois à compter de la publication de cette même ordonnance, c’est-à-dire d’ici au 18 juin 2021. Constatant que le texte initial de l’ordonnance ne précisait pas le vecteur juridique de cette fusion, la commission des finances a complété le texte en prévoyant qu’un décret pris sur le rapport du ministre chargé de l’économie doit intervenir dans ce délai pour décider la fusion.

La société résultant de la fusion poursuit l’activité de la société anonyme Bpifrance actuelle en continuité d’entreprise et lui succède dans ses droits et obligations. En particulier, le I de l’article 5 de l’ordonnance du 17 juin 2020 prévoit que le traité de fusion rend de plein droit opposable aux tiers le transfert à la société absorbante des actifs de la société absorbée ainsi que leurs sûretés, garanties et accessoires, sans autre formalité que celles requises pour la radiation de la société absorbée. Il précise également que la fusion n’entraîne aucune remise en cause des contrats en cours d’exécution conclus par la société absorbée ou ses filiales ni, le cas échéant, le remboursement anticipé des dettes qui en sont l’objet.

2.   La modification de l’actionnariat

La fusion a lieu au sein même du groupe Bpifrance et s’accompagne d’une modification de la structure de son actionnariat. Avant la fusion, l’État et la Caisse des dépôts détenaient chacun 50 % de la société anonyme Bpifrance et donc, à eux deux, l’ensemble du capital. L’article 2 de l’ordonnance prévoit quant à lui que la société anonyme qui lui succède est détenue à 95 % minimum par ces acteurs publics. L’État, via l’établissement public Bpifrance, détient au moins la moitié de ce chiffre, c’est-à-dire 47,5 %, le solde étant détenu par la Caisse des dépôts.

Au sein de cette nouvelle organisation, selon le II de l’article 6 de l’ordonnance du 29 juin 2005 précitée modifiée par l’ordonnance du 17 juin 2020, il est prévu que les 5 % de parts restantes sont détenus par des établissements de crédit, des entreprises d’investissement, des sociétés de financement ou des entreprises d’assurance agréées à cet effet en France ou dans un État membre de l’Union européenne ou partie à l’Espace économique européen. Ces établissements, entreprises ou sociétés doivent être bénéficiaires, directement ou indirectement, des garanties consenties par la Bpifrance SA ou l’une de ses filiales.

L’association d’actionnaires minoritaires à la gouvernance du groupe Bpifrance ne constitue pas une nouveauté : ils détenaient ainsi 9 % du capital de l’ancienne filiale Bpifrance Financement.

La présence de ces actionnaires n’est pas de nature à influencer la gouvernance de la future entité. En effet, l’article 2 de l’ordonnance leur réserve une fractin de capital qui ne serait pas supérieure à 5 % ; il précise par ailleurs qu’ils ne doivent pas détenir une fraction du capital qui leur conférerait une capacité de contrôle ou de blocage ou d’influence décisive sur la société anonyme Bpifrance.

Dans les faits, leur influence est encore moins grande que ne pourrait le laisser penser le dispositif juridique : en effet, la fusion prévue par l’ordonnance, qui a eu lieu en 2020, a été réalisée sans transferts de titres. À l’issue de la fusion, l’État et la Caisse des dépôts détiennent chacun 49,3 % des droits de vote de la nouvelle société anonyme. Aussi, les actionnaires minoritaires ne détiennent pas plus de 1,4 % de la nouvelle SA.

Si, pour le moment, cette fusion a été réalisée sans transfert de titres entre actionnaires, l’article 4 de l’ordonnance du 17 juin prévoit que, au plus tard dans un délai de dix-huit mois à compter de sa publication – donc au 18 décembre 2021 – les actionnaires de droit privé de la société anonyme qui ne respectent pas les conditions décrites au II de l’article 6 de l’ordonnance du 29 juin 2005 dans sa nouvelle rédaction sont tenus de céder leurs actions à la société anonyme Bpifrance.

L’article détermine les conditions dans lesquelles cette cession doit s’opérer. Ainsi, le prix par action sera égal au résultat de l’évaluation effectuée par un expert indépendant « selon les méthodes objectives pratiquées en cas de cession d’actifs, et tient compte, selon une pondération appropriée, de la valeur des actifs, des bénéfices réalisés, de l’existence de filiales et des perspectives d’activité ».

Cet expert doit être désigné par le conseil d’administration de la société anonyme Bpifrance selon des conditions devant être précisées par décret en Conseil d’État. Il sera, en tout état de cause, désigné parmi les experts spécialisés dans l’évaluation d’entreprises et de droits sociaux près la Cour d’appel de Paris.

Enfin, le II de l’article 4 de l’ordonnance du 17 juin 2020 prévoit que l’assemblée générale extraordinaire de Bpifrance SA adopte une clause statutaire prévoyant qu’un actionnaire de droit privé ne répondant plus aux conditions fixées par le II de l’article 6 depuis au moins douze mois doit céder ses actions. Une méthode d’évaluation similaire à celle décrite supra est prévue dans ce cas et, en cas de contestation, le prix des actions de l’actionnaire exclu est déterminé conformément aux dispositions de l’article 1843-4 du code civil qui prévoit l’intervention d’un jugement du tribunal judiciaire ou du tribunal de commerce compétent, statuant selon la procédure accélérée au fond et sans recours possible.

3.   L’évolution de la gouvernance

Le conseil d’administration de l’ancienne société anonyme devient celui de la nouvelle SA à compter de la réalisation de l’opération de fusion, conformément à l’article 5 de l’ordonnance du 17 juin 2020. À l’exception du mandat des trois personnalités qualifiées choisies en raison de leurs compétences en matière économique et financière ainsi que de développement durable évoquées supra, qui cessent de plein droit à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de l’opération de fusion, les mandats en cours des autres administrateurs se poursuivent pour leur durée restant à couvrir.

L’ordonnance du 17 juin ajoute une exigence de parité entre femmes et hommes au sein des seize membres du conseil d’administration de la nouvelle société anonyme.

La composition du conseil est également modifiée, puisque le nombre de représentants des actionnaires passe de huit à neuf. L’État conserve ses quatre représentants mais, désormais, cinq représentants seront désignés par l’assemblée générale des actionnaires, dont quatre sur proposition de la Caisse des dépôts. En parallèle, le nombre de personnalités qualifiées choisies en raison de leur compétence en matière économique et financière ainsi que de développement durable passe de trois à deux.

Il est prévu que les nominations de l’administrateur supplémentaire représentant les actionnaires et des deux administrateurs évoqués au paragraphe précédent interviennent à l’expiration du délai de trois mois évoqué supra.

En dernier lieu, le directeur général de l’ancienne SA devient celui de la nouvelle société anonyme pour la durée restant à courir de son mandat.

B.   Le renforcement de la capacitÉ d’action du groupe

L’intérêt de la fusion, envisagée avant même le déclenchement de la crise sanitaire, est d’augmenter les capacités d’intervention du groupe. Le projet trouve son origine dans la volonté de pallier la disparition de la compensation financière auparavant versée depuis le budget général de l’État au titre de l’activité de garantie des prêts bancaires, comme l’a indiqué le directeur général du groupe devant la commission des finances de l’Assemblée nationale ([11]).

Grâce à la fusion, l’activité de financement de l’économie peut bénéficier de fonds propres plus importants qu’auparavant. Ainsi, en début d’exercice 2021, l’établissement de crédit peut s’appuyer sur un ratio de solvabilité dit « CET1 », qui mesure les fonds propres composés d’action et de profits réinvestis, c’est-à-dire les ressources non remboursables du groupe, supérieur à 28 %, contre 11 % avant fusion.

La réorganisation interne du groupe a ainsi permis d’augmenter le volume de soutien à l’économie, sans dotation budgétaire complémentaire du budget général de l’État. Les chiffres transmis à la rapporteure par Bpifrance indiquent ainsi que 400 millions d’euros ont pu être alloués aux fonds de garantie du groupe, permettant d’accorder environ 2,8 milliards d’euros de prêts Atout. La réorganisation interne au groupe a ainsi permis de mesures puissantes de soutien à l’économie, sans dotation budgétaire supplémentaire.  

La consolidation financière du groupe apparaît d’autant plus pertinente que Bpifrance est un opérateur essentiel du plan de relance pour les années 2020 et 2021.

Le groupe doit ainsi déployer près de 2,5 milliards d’euros de produits climat, composés de prêts verts destinés à déclencher la transition énergétique des PME et ETI, de prêts destinés à la réalisation d’économies d’énergie et des interventions en fonds propres à hauteur de 500 millions d’euros, qui ont vocation à être financés par les crédits du quatrième programme d’investissement d’avenir.

Le label « relance », attribué aux véhicules d’investissement qui investissent en fonds propres dans les entreprises, repose également sur Bpifrance, qui opère un mécanisme de garantie en fonds propres. Cette garantie, qui doit être disponible en janvier 2021, porterait sur un total d’un milliard d’euros.

Les crédits du plan de relance permettront également de renforcer les fonds de garantie de Bpifrance, à hauteur de 327 millions d’euros de CP en 2021. Ces fonds de garantie, activité traditionnelle du groupe, permettent de financer des besoins plus large que le PGE, comme l’investissement ou la transmission des entreprises.

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La commission adopte l’article 3 sans modification.

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Article 3 bis (nouveau)
Modification de l’ordonnance n° 2020-739 du 17 juin 2020 portant réorganisation de la Banque publique d'investissement

La commission a adopté un amendement portant article additionnel présenté par la rapporteure ayant pour objet de modifier sur plusieurs points l’ordonnance du 17 juin 2020 ratifiée par l’article 3, afin d’apporter un certain nombre de précisions (en particulier en ce qui concerne la loi du 23 mars 2020 modifiée par le II de l’article 3 de l’ordonnance, ou encore quant aux modalités selon lesquelles la fusion est décidée).

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La commission est saisie de l’amendement CF1 de la rapporteure.

Mme Dominique David, rapporteure. L’amendement vise à apporter des corrections rédactionnelles à l’ordonnance relative à Bpifrance.

La commission adopte l’amendement CF1.

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Article 4
Ratification de l’ordonnance n° 2020-740 du 17 juin 2020 relative
à l’octroi d’avances en compte courant aux entreprises en difficulté
par les organismes de placement collectif de capital investissement
et les sociétés de capital-risque

L’ordonnance n° 2020-740 a été prise sur le fondement de l’habilitation législative prévue au a du 1° du I de l’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 modifiée d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, selon lequel le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances, dans un délai de trois mois à compter de la publication de la loi, toute mesure « d’aide directe ou indirecte [aux personnes physiques et morales exerçant une activité économique]dont la viabilité est mise en cause, notamment par la mise en place de mesures de soutien à la trésorerie de ces personnes ».

I.   L’État du droit

A.   Les fonds concernÉs

Les fonds de capital investissement permettent aux souscripteurs d’investir dans des sociétés non cotées en bourse.

La notion de capital investissement

Le capital investissement (ou private equity) peut être défini comme la prise de participation en capital dans des entreprises non cotées, afin de financer leur démarrage, leur développement ou leur cessionou transmission.

Le capital investissement se décline généralement en quatre pratiques, qui correspondent à quatre étapes de la vie d’une entreprise : le capital risque, le capital développement, le capital transmission et le capital retournement.

L’activité de capital risque est celle qui intervient le plus en amont de la vie de l’entreprise, le plus souvent auprès de jeunes entreprises innovantes. Il se décline en capital amorçage, destiné à financer la recherche et les premiers développements d’un concept destiné à la commercialisation, et en capital création, qui vient financer la création d’une entreprise sur la base de ce concept. Dans les deux cas, les entreprises cibles ont moins de trois ans d’existence.

Le capital développement prend ensuite le relais, afin de consolider la structure financière de l’entreprise et de l’aider à gagner en maturité. Alors que le capital risque tend à se concentrer sur le secteur des nouvelles technologies, le capital développement peut concerner l’ensemble des entreprises.

Le capital transmission concentre le plus grand nombre d’opérations de capital investissement. Il intervient lors de la cession ou du rachat d’une entreprise.

Enfin, le capital retournement intervient lorsqu’une entreprise traverse une crise qui rend nécessaire une restructuration, accompagnée le cas échéant d’une injection de capitaux.

Source : Association française de gestion, Le capital investissement.

En France, l’activité de capital investissement se décline en plusieurs vecteurs juridiques.

Les fonds communs de placement à risque (FCPR), régis par l’article L. 214-28 du code monétaire et financier (CMF), sont des fonds d’investissement dont l’actif est constitué pour 50 % au moins de titres associatifs, de titres participatifs ou de titres de capital de sociétés, ou donnant accès au capital de sociétés, qui ne sont pas admis aux négociations sur un marché d’instruments financiers français ou étranger. Ces fonds doivent par ailleurs être gérés par une entreprise de marché ou un prestataire de services d’investissement autre qu’une société de gestion de portefeuille.

L’actif de ces fonds peut également comprendre des avances en compte courant consenties à des sociétés pour lesquelles le fonds concerné détient au moins 5 % du capital, dans la limite de 15 % de l’actif de ces fonds.

Les fonds peuvent également investir, dans la limite de 20 % de leur actif, dans des titres de capital, ou donnant accès au capital, de sociétés cotées dont la capitalisation boursière est inférieure à 150 millions d’euros. Une limite équivalente s’applique à la souscription à des titres de créances émis par des sociétés non cotées dont le fonctionnement est assuré par une entreprise de marché ou un prestataire de services d’investissement autre qu’une société de gestion de portefeuille.

Lorsque les titres non cotés détenus par un FCPR sont admis aux négociations sur un marché d’instruments financiers, ils continuent à être pris en compte dans le quota d’investissement de 50 % pendant une durée de cinq ans à compter de leur admission.

Les fonds communs de placement dans l’innovation (FCPI), régis quant à eux par l’article L. 214-30 du CMF, sont des FCPR dont l’actif est constitué pour au moins 70 % de titres financiers, parts de sociétés à responsabilité limitée (SARL) et avances en compte courant qui confèrent aux souscripteurs la qualité d’actionnaire ou d’associé de titres de PME non cotées innovantes consacrant une partie de leurs ressources à des activités de recherche et développement.

Les fonds d’investissement de proximité (FIP) sont également des FCPR, dont le régime spécifique est fixé par l’article L. 214-31 du CMF, dont l’actif est constitué pour au moins 70 % de titres financiers, parts de SARL et avances en compte courant qui confèrent aux souscripteurs la qualité d’actionnaire ou d’associé de PME établies dans les mêmes régions que le FIP et non cotées en bourse.

Les fonds professionnels de capital investissement (FPCI) sont régis par l’article L. 214-60 du CMF et suivent, sauf dispositions contraires, les règles définies pour les fonds de capital investissement régis par les articles L. 214-27 à L. 214-32-1 du CMF. Ils sont cependant réservés aux investisseurs professionnels, à l’inverse des FCPR décrits ci-dessus.

L’actif des FPCI peut contenir, aux termes du 1° de l’article L. 214-160 du CMF, des avances en compte courant consenties, pour la durée de l’investissement réalisé, à des sociétés dans lesquelles le fonds professionnel de capital investissement détient une participation, dans la même limite des 15 % du montant total de leur engagement de souscription que celle qui s’applique pour les FCPR.  

Les sociétés de libre partenariat, régies par l’article L. 214-162-1 du CMF, peuvent opter pour les règles d’investissement applicables aux fonds professionnels de capital investissement. Les règles décrites supra trouvent ainsi à s’appliquer.

Les sociétés de capital-risque, dont les caractéristiques sont précisées au sein de l’article 1er-1 de la loi n° 85-695 du 11 juillet 1985 portant diverses dispositions d’ordre économique et financier, sont des sociétés ayant pour objet social la gestion d’un portefeuille de valeurs mobilières. Leur actif est exclusivement composé de valeurs mobilières françaises ou étrangères, des droits sociaux, des avances en compte courant et d’autres droits financiers ainsi que des liquidités.

L’article précité prévoit que la situation nette comptable d’une société de capital-risque doit être, de façon constante, constituée de 50 % au moins de titres participatifs ou parts ou titres de capital ou donnant accès au capital, qui ne sont pas admis aux négociations sur un marché d'instruments financiers français ou étranger. Pour le calcul de ces 50 %, peuvent également être prises en compte les avances en compte courant, dans la limite de 15 % de la situation nette comptable.

B.   L’intÉrÊt des avances d’actionnaires pour les entreprises bÉnÉficiaires

Les avances d’actionnaires constituent un instrument intéressant de soutien aux entreprises fragilisées par la crise. S’il s’agit bien d’un prêt pouvant donner lieu à rémunération, ces avances peuvent être assimilées à des quasi-fonds propres par les établissements bancaires dans le cas où les associés s’engagent à rendre indisponibles leurs comptes courants pendant plusieurs années ou lorsque l’octroi est assorti d’une clause de cession d’antériorité de créance, c’est-à-dire d’une clause stipulant que le remboursement des sommes ne peut intervenir qu’après le désintéressement des autres créanciers.

D’un point de vue fiscal, l’avance en compte courant peut donner lieu au versement d’intérêts, qui constituent des charges financières déductibles du résultat imposable de la société, dans la limite d’un taux maximal calculé annuellement. Le capital doit avoir été entièrement libéré pour que les intérêts soient déductibles.

 

II.   Le dispositif prÉVU PAR L’ORDONNANCE

A.   LeS plafondS d’avances que les fonds doivent respecter sont relevÉs

Le I de l’article 1er de l’ordonnance porte temporairement le plafond d’avances que les FCPR, FCPI et FIP sont autorisées à consentir aux entreprises dont ils détiennent des parts de 15 % à 20 % de leur actif.

Dans une logique similaire, le II porte ce plafond pour les fonds professionnels de capital investissement et les sociétés de gestion ayant opté pour les règles d’investissement applicables aux fonds professionnels de capital investissement de 15 % à 30 % du montant total de leurs engagements de souscription.

Enfin, le III accorde une dérogation similaire aux sociétés de capital-risque afin de porter le plafond de 15 % à 30 % de la situation nette comptable de ces sociétés.

Le IV détaille les conditions que ces avances doivent respecter afin de bénéficier de la dérogation introduite par l’ordonnance.

Les avances dépassant le plafond de droit commun doivent ainsi réunir plusieurs conditions :

– elles peuvent avoir été consenties jusqu’au 31 décembre 2020 inclus ;

– elles doivent avoir été octroyées à des sociétés ayant subi une perte de chiffre d’affaires d’au moins 10 % entre le 1er mars 2020 et le 30 avril 2020, par rapport à la même période de l’année précédente, ou à celles ayant subi une baisse d’activité constatée en raison de leur dépendance à l’accueil du public. Pour l’application de la première condition aux sociétés créées après le 1er mars 2019, la référence pour le calcul de la perte d’activité est celle du chiffre d’affaires mensuel moyen sur la période comprise entre la date de création de l’entreprise et le 29 février 2020 ;

– enfin, ces avances doivent être prises en compte pour le calcul du quota d’investissement prévu dans les textes régissant le fonctionnement des différents fonds et sociétés évoqués supra.

Il est prévu que, dans tous les cas, les plafonds auxquels l’ordonnance déroge devront être respectés par les fonds et sociétés concernés au plus tard au 30 juin 2022.

L’article 2 de l’ordonnance prévoit les coordinations nécessaires à l’application de l’article 1er dans les collectivités d’outre-mer. Celui-ci s’appliquera ainsi en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, sous réserve de la non application des références aux fonds communs de placement dans l’innovation et aux sociétés de capital-risque

B.   Le succÈs du dispositif n’est pas connu

L’administration, interrogée par la rapporteure, n’a pas pu fournir de chiffres sur le recours à la possibilité de consentir des avances au-delà du plafond antérieur, que ce soit au niveau de l’Autorité des marchés financiers, chargée de la régulation des acteurs concernés, ou des associations professionnelles.

Il est en effet trop tôt pour obtenir de telles données, à la fois car le dernier exercice comptable ne s’est terminé que récemment et parce que l’appréciation du succès du dispositif nécessite des informations très détaillées sur le contenu de l’actif de chaque organisme de placement collectif et sur la proportion d’avances octroyées sur la base de la dérogation autorisée par l’ordonnance.

Néanmoins, un sondage qualitatif devrait être réalisé prochainement auprès des sociétés de gestion de portefeuille « afin de mieux évaluer l’effet des mesures dérogatoires définies dans l’ordonnance », selon les éléments communiqués par l’administration à la rapporteure.

La rapporteure sera attentive aux résultats de cette étude. L’administration doit pouvoir disposer de données relatives aux avances consenties sur la base de cette dérogation, afin de mesurer le succès du dispositif.

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La commission adopte l’article 4 sans modification.

Puis elle adopte l’ensemble du projet de loi modifié.

 


([1])  Loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19.

([2])  Loi n° 2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020.

([3])  Confédération des PME – « Commande publique : propositions CPME », juin 2020

([4])  Revue de droit immobilier, « Les marchés publics et concessions face à la crise sanitaire » par Rozen Noguellou, publié le 12 juillet 2020

([5])  Revue de droit immobilier, « Les marchés publics et concessions face à la crise sanitaire » par Rozen Noguellou, publié le 12 juillet 2020 

([6])  Article L. 1112-1 du code de la commande publique  

([7])  Guide pratique pour faciliter l’accès des TPE/PME à la commande publique (lien ici)

([8])  Confédération des PME – « Impact économique de la crise sur les TPE et PME et appréciation des mesures sanitaires par leurs dirigeants », 28 septembre 2020

([9])  Décret du 7 février 2013 portant nomination du directeur général de la Banque publique d'investissement - M. Dufourcq (Nicolas).

([10])  L’article 137 du projet de loi a été censuré par la décision n° 2020-807 DC du 3 décembre 2020.

([11])  Commission des finances de l’Assemblée nationale, compte-rendu n° 43 (session 2020-2021), réunion du 20 janvier 2021.