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N° 3777

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 janvier 2021.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LA PROPOSITION DE LOI

visant à simplifier l’accès des experts forestiers aux données cadastrales (n° 3682)

PAR M. Nicolas TURQUOIS

Député

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 Voir le numéro : 3682.


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SOMMAIRE

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Pages

I. La misE en gestion, l’entretien et l’exploitation durable des ressources forestières françaises se heurte à un accès difficile des professionnels forestiers aux données cadastrales

A. Le morcellement de la propriété forestière française constitue à la fois un handicap et un atout dans la gestion durable des forêts

1. La surface forestière française est considérable

2. La propriété forestière privée se caractérise par un morcellement important

3. Si le morcellement génère des effets externes négatifs pour la gestion des forêts, il constitue également une chance pour la biodiversité

a. Les effets négatifs du morcellement de la forêt française sur l’entretien et la gestion des forêts privées

b. Le morcellement forestier constitue également une chance pour la biodiversité

B. Afin de répondre au défi du morcellement, les pouvoirs publics favorisent l’entretien et l’exploitation en commun de parcelles contigUËs dans une logique d’efficience

1. Le bilan très mitigé de la politique de remembrement forestier

2. L’instauration bienvenue d’un « droit de préférence »

3. L’incitation au regroupement des propriétaires pour une gestion commune de la forêt

C. Toutefois, cet effort de gestion commune de la forêt privée se heurte à des difficultés d’accès aux données cadastrales qui en limitent l’exercice

II. La simplification de l’accès des acteurs de la filière forêt-bois aux données cadastrales permettra une meilleure valorisation ainsi qu’une résilience accrue de la forêt privée françaisE

A. Le bilan positif de l’expérimentation permise par la loi dite « LAAF » justifie une pérennisation de l’exception au principe du secret fiscal au bénéfice des acteurs de la filière forêt-bois

1. La loi dite « LAAF » a simplifié l’accès des professionnels de la gestion forestière aux informations cadastrales

2. Le bilan de l’expérimentation permise par la loi « LAAF » est positif

B. Le périmètre des bénéficiaires du dispositif dérogatoire doit cependant être limité afin de préserver la confidentialité des données communiquées et la gestion durable des forêts françaises

C. Un dispositif polyvalent qui permettra également de renforcer la résilience et l’entretien des forêts privées françaises

III. Les dispositions de la proposition de loi

IV. Commentaire d’article

Article unique (article L.166G [nouveau] du livre des procédures fiscales et article 94 de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 [abrogé]) Accès des experts forestiers, organisations de producteurs du secteur forestier et gestionnaires forestiers professionnels, sans limitation du nombre de demandes, aux informations cadastrales relatives aux propriétés inscrites en nature de bois et forêts

a. L’état du droit

b. Les dispositions de l’article

c. La position de votre commission

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. DISCUSSION GÉNÉRALE

II. EXAMEN DE l’ARTICLE UNIQUE

liste des personnes auditionnÉes


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I.   La misE en gestion, l’entretien et l’exploitation durable des ressources forestières françaises se heurte à un accès difficile des professionnels forestiers aux données cadastrales

A.   Le morcellement de la propriété forestière française constitue à la fois un handicap et un atout dans la gestion durable des forêts

1.   La surface forestière française est considérable

La France possède la troisième surface forestière en Europe, avec près de 16,5 millions d’hectares, soit 30 % de la surface du territoire constituée de forêts.

Les trois quarts de cette surface forestière correspondent à de la forêt privée. La superficie de la forêt privée a augmenté de 25 % entre 1970 et 2010, notamment du fait de l’abandon des usages pastoraux et agricoles dans l’arc méditerranéen. Neuf départements français ont un taux de boisement de la forêt privée supérieur à 40 % ([1]).

La forêt feuillue représente près de 71 % de la forêt française, la forêt privée étant dominée par un peuplement de chênes.

2.   La propriété forestière privée se caractérise par un morcellement important

Selon les données cadastrales, environ 3,8 millions de propriétaires forestiers possèdent près de 76 % de la surface forestière privée. Le « morcellement forestier » se traduit par l’existence d’un grand nombre de propriétaires, disposant le plus souvent d’une surface forestière moyenne très réduite et difficilement exploitable.

Ainsi, en Haute-Savoie, la surface moyenne par propriétaire s’établit à 1,7 hectare. Cette surface atteint en moyenne 3,4 hectares sur l’ensemble du territoire français ([2]).

La surface moyenne par propriétaire est donc très réduite. Qui plus est, les parcelles forestières appartenant à un même propriétaire ne sont bien souvent pas contiguës et souffrent d’une dispersion territoriale (communes voire départements différents).

D’après le président de l’Union de la coopération forestière de France, de nombreux propriétaires forestiers ignorent jusqu’à l’existence de certaines de leurs parcelles. En effet, les plus petites parcelles ne sont pas éligibles à l’impôt, en raison d’un coût de collecte supérieur à la recette fiscale perçue.

Or, les parcelles ne générant pas d’impôts finissent par disparaître dans les successions, constituant alors des « biens sans maîtres ». D’après la loi n° 2014‑1170 du 13 octobre 2014 relative à la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, ces biens sont définis par l’absence de propriétaire connu, ne sont pas assujettis à la taxe foncière sur les propriétés bâties et, depuis plus de trois ans, la taxe foncière sur les propriétés non bâties n’a pas été acquittée ou a été acquittée par un tiers.

3.   Si le morcellement génère des effets externes négatifs pour la gestion des forêts, il constitue également une chance pour la biodiversité

a.   Les effets négatifs du morcellement de la forêt française sur l’entretien et la gestion des forêts privées

Le morcellement de la propriété forestière nuit au bon entretien des forêts françaises : lorsque des parcelles cadastrales mal entretenues voire laissées en friches sont affectées par une épidémie, ces parcelles deviennent un foyer privilégié de propagation des maladies affectant les végétaux. Ce phénomène s’observe actuellement dans le cadre de l’épidémie de scolytes, initialement déclenchée dans le Grand Est, et à présent étendue à la quasi-totalité des forêts d’épicéas de la moitié nord de la France.

Surtout, le morcellement extrême de la forêt française limite considérablement la valorisation des bois et forêts français.

En effet, la structure foncière forestière influence directement son potentiel de gestion. Pour faire l’objet d’une sylviculture durable, une unité forestière (soit un ensemble d’un seul tenant) doit représenter une surface supérieure à 2 hectares, voire à 3 ou 4 hectares selon les secteurs. Plus la surface est importante, plus la gestion des parcelles concernées sera facilitée ([3]).

Or, avec une surface moyenne par propriétaire forestier de 3,4 hectares, dans un contexte de dispersion géographique des parcelles, l’entretien et la gestion de la forêt privée française sont complexes ; on peut donc parler d’un potentiel de mobilisation des bois et forêts privés sous-exploité.

b.   Le morcellement forestier constitue également une chance pour la biodiversité

Les auditions conduites par votre rapporteur ont souligné le fait que le morcellement forestier constitue également une chance pour la biodiversité. En effet, la forêt française concentre 136 espèces forestières, ce qui en fait une forêt très diversifiée, caractérisée par un peuplement végétal et animal extrêmement varié.

Le président du Centre national de la propriété forestière a évoqué à cet égard la richesse de la « forêt mosaïque » française, qui constitue une force dans la stratégie nationale d’adaptation au changement climatique.

Fort de ce constat, votre rapporteur insiste sur le fait que le morcellement forestier n’est pas un problème en soi, mais un élément caractéristique de la forêt privée française qui doit être intégré dans la matrice des politiques forestières.

B.   Afin de répondre au défi du morcellement, les pouvoirs publics favorisent l’entretien et l’exploitation en commun de parcelles contigUËs dans une logique d’efficience

1.   Le bilan très mitigé de la politique de remembrement forestier

Dans l’objectif de lutter contre les effets néfastes du morcellement forestier, une procédure d’aménagement foncier agricole et forestier prévue par le code rural et de la pêche maritime qualifiée de « remembrement forestier » prévoit le regroupement de parcelles forestières par cessions ou échanges de petites parcelles. Or, pour les plus petites parcelles forestières, les frais liés à une cession foncière peuvent excéder le prix de vente. Afin d’y remédier, une disposition de la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche a ouvert la possibilité pour les départements de prendre en charge ces frais.

Depuis la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, il existe un dispositif d’écrêtement pour les ventes de petites parcelles forestières dont le prix est faible. Le montant total des émoluments notariaux ne peut ainsi pas dépasser 10 % du prix de vente, sans pouvoir être inférieur à 90 €.

Toutefois, aux dires des acteurs forestiers, le bilan de la politique de remembrement forestier reste très mitigé.

2.   L’instauration bienvenue d’un « droit de préférence »

Toujours dans le but de lutter contre le morcellement forestier, la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 précitée a mis en place un « droit de préférence » à l’endroit des propriétaires forestiers voisins de parcelles forestières mises en vente. Il leur permet, sous certaines conditions, de se positionner de manière « prioritaire » pour l’achat d’une propriété classée au cadastre en nature de bois et forêts et contiguë à leur propriété. Cette disposition s’applique à la double condition que la propriété mise en vente soit classée au cadastre en nature de bois et forêts et qu’elle représente une superficie totale inférieure à 4 hectares.

3.   L’incitation au regroupement des propriétaires pour une gestion commune de la forêt

À défaut de résoudre le problème de la parcellisation de la propriété forestière privée, les pouvoirs publics incitent les propriétaires à entretenir et exploiter en commun leurs parcelles.

Cet objectif se décline notamment dans la création des groupements d’intérêt économique et environnemental forestiers (GIEEF). Les GIEEF sont des outils structurants visant à dynamiser la gestion durable de la forêt privée. Ils permettent à des propriétaires forestiers privés de se regrouper en tenant compte des enjeux environnementaux au niveau d’un territoire forestier donné.

Les plans simples de gestion concertée (PSGC) communs à plusieurs propriétaires favorisent la gestion commune des parcelles ainsi que l’atteinte d’une taille critique de surface forestière nécessaire à une optimisation de la gestion des parcelles. Ces plans permettent notamment à plusieurs propriétaires de passer ensemble des appels d’offres dans le cadre de travaux forestiers ou encore de réaliser des opérations d’éclaircies en simultané etc.

C.   Toutefois, cet effort de gestion commune de la forêt privée se heurte à des difficultés d’accès aux données cadastrales qui en limitent l’exercice

Les plans simples de gestion concertée sont très souvent réalisés par les propriétaires, seuls ou sous l’égide du Centre national de la propriété forestière, avec l’appui d’experts forestiers. Les experts forestiers exercent une profession réglementée. Selon les dispositions de l’article L.171-1 du code rural et de la pêche maritime, « les experts fonciers et agricoles et les experts forestiers sont des personnes physiques qui exercent, le cas échéant dans le cadre d’une personne morale, en leur nom personnel et sous leur responsabilité, des missions d’expertise en matière foncière agricole et forestière portant sur les biens d’autrui, meubles et immeubles, ainsi que sur les droits mobiliers et immobiliers afférents à ces biens ».

Les experts forestiers ont besoin d’accéder aux données cadastrales dans le cadre d’évaluations foncières ou immobilières, d’expropriations, de litiges, de successions, de sinistres, de donations ou d’apports en société etc. Pour ce faire, ils doivent consulter les services du centre des impôts fonciers (cadastre) afin de vérifier l’appartenance des propriétés qu’ils ont pour mission d’évaluer. Pour éditer des devis, les experts ont également besoin de connaître la nature et la situation exacte des parcelles forestières sur lesquels ils vont intervenir, en demandant l’information exacte au cadastre. En effet, bien souvent, les propriétaires forestiers ne possèdent pas ces informations.

Si les matrices cadastrales ne sont pas toujours à jour (d’après le CNPF, il existerait un écart de deux millions d’hectares entre la surface forestière inscrite au cadastre et la surface répertoriée par l’Institut national de l’information géographique et forestière), elles permettent néanmoins de recenser des informations essentielles à l’exercice des missions d’expertise forestière : références cadastrales, adresse ou autres éléments d’identification cadastrales des immeubles, noms et adresses des titulaires de droits sur ces immeubles etc.

Or, les informations cadastrales sont protégées par le secret fiscal : le dispositif de droit commun, régi par l’article L. 107 A du livre des procédures fiscales, permet aux experts de demander une délivrance des relevés de propriétés dans la limite de cinq demandes par semaine, et de dix demandes par mois. L’accès aux informations permettant l’identification des propriétaires des parcelles contiguës, nécessaire à tout effort de gestion en commun des parcelles, tombe sous le coup de cette limite. En revanche, le cadastre n’oppose pas de limite au nombre de demandes lorsque les experts sont expressément mandatés par leurs clients.

Par ailleurs, ces demandes doivent être faites au niveau du service cadastral des communes. Or, les parcelles forestières d’un propriétaire étant souvent disséminées sur plusieurs communes, les experts forestiers doivent soumettre plusieurs demandes à plusieurs communes différentes. Dans les plus petites mairies, les experts forestiers déplorent des longs délais de traitement des demandes, ce qui engendre une inégalité d’accès aux données cadastrales selon la situation géographique.

II.   La simplification de l’accès des acteurs de la filière forêt-bois aux données cadastrales permettra une meilleure valorisation ainsi qu’une résilience accrue de la forêt privée françaisE

A.   Le bilan positif de l’expérimentation permise par la loi dite « LAAF » justifie une pérennisation de l’exception au principe du secret fiscal au bénéfice des acteurs de la filière forêt-bois

1.   La loi dite « LAAF » a simplifié l’accès des professionnels de la gestion forestière aux informations cadastrales

L’article 94 de la loi n° 20141170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt ([4]), dite loi « LAAF », avait instauré une habilitation temporaire de trois ans visant à permettre aux « experts forestiers figurant sur la liste mentionnée à l’article L. 171-1 du code rural et de la pêche maritime, aux organisations de producteurs du secteur forestier reconnues par l’autorité administrative dans les conditions prévues à l’article L. 551-1 du même code et aux gestionnaires forestiers professionnels, satisfaisant aux conditions mentionnées à l’article L. 315-1 du code forestier, » d’accéder, sans limitation du nombre de demandes, aux informations cadastrales situées dans le périmètre géographique d’exercice de leurs missions, établissant ainsi une exception au principe du secret professionnel en matière fiscale à leur bénéfice.

2.   Le bilan de l’expérimentation permise par la loi « LAAF » est positif

Les auditions conduites par votre rapporteur ont permis de confirmer l’évaluation positive de l’expérimentation permise par loi « LAAF ». L’accès à l’information cadastrale ayant été facilité, les experts forestiers, coopératives forestières et gestionnaires forestiers professionnels ont pu mener des actions d’information sur la valorisation et l’entretien des bois et forêts à destination des propriétaires forestiers qu’ils ont pu identifier.

Devant votre rapporteur, les experts forestiers ont néanmoins regretté de ne pas pouvoir disposer d’un accès au serveur relatif à la propriété des données cadastrales (fichier SPDC), ce qui leur permettrait un accès direct à distance aux informations cadastrales, et notamment aux informations de propriété des parcelles forestières contiguës. Actuellement, seuls les géomètres-experts et les notaires peuvent utiliser ce serveur.

Ils ont également déploré la méconnaissance de l’expérimentation permise par la loi « LAAF » de la part de l’administration dans certains départements, ce qui n’a pas facilité leurs démarches.

En raison de contraintes techniques et juridiques, l’administration du cadastre n’est pas encore en mesure d’ouvrir l’accès aux experts forestiers du serveur SPDC. Dans ces conditions, la pérennisation du dispositif expérimental permis par l’article 94 de la loi LAAF prend tout son sens, même si votre rapporteur est bien conscient qu’il ne représente qu’une première étape dans la simplification de l’accès aux informations cadastrales pour les experts forestiers.

B.   Le périmètre des bénéficiaires du dispositif dérogatoire doit cependant être limité afin de préserver la confidentialité des données communiquées et la gestion durable des forêts françaises

Votre rapporteur estime que le périmètre des bénéficiaires de cette nouvelle dérogation au principe du secret fiscal doit être limité, afin de concilier les principes de confidentialité des données de propriété et de libre-circulation des données cadastrales. Il plaide donc pour pérenniser la dérogation au seul profit des bénéficiaires prévus par l’article 94 de la loi « LAAF ».

Cet équilibre avait par ailleurs été approuvé par la Commission nationale de l’informatique et des libertés, dans sa délibération n° 2015-365 du 15 octobre 2015 portant avis sur le projet de décret pris pour application de l’article 94 de la loi dite « LAAF ». Dans sa délibération, la CNIL exprimait un avis positif sur le décret au motif que la dérogation concernait des organisations relevant d’une « mission d’intérêt général », que les demandeurs étaient tenus de fournir le justificatif de leur qualité à l’appui de leurs demandes, que la liste des données accessibles était « pertinente, adéquate et non excessive au regard de la finalité poursuivie », que la communication de ces données était limitée aux seules propriétés situées dans le périmètre géographique pour lesquels les acteurs de la filière étaient reconnus, et enfin que la finalité poursuivie consistait en des « actions d’information auprès des professionnels à des fins de valorisation de leurs bois et forêts », ne poursuivant donc pas des finalités d’usage commercial des données obtenues.

Votre rapporteur estime que cet équilibre doit être maintenu, et la liste des bénéficiaires limitée, afin de préserver la gestion durable de la forêt française, conformément au 1° de l’article L. 112-1 du code forestier (nouveau) ([5]), qui dispose que « la protection et la mise en valeur des bois et forêts ainsi que le reboisement dans le cadre d’une gestion durable » sont reconnus « d’intérêt général ».

C.   Un dispositif polyvalent qui permettra également de renforcer la résilience et l’entretien des forêts privées françaises

L’accès simplifié des professionnels forestiers habilités aux informations cadastrales permettra une meilleure valorisation économique des bois et forêts. Mais cet accès simplifié rendra également possible un meilleur entretien des bois et forêts privés, ce qui pourrait contribuer à terme, à renforcer la résilience de la forêt privée française.

En effet, des parcelles forestières mieux identifiées, et donc potentiellement mieux entretenues sont moins susceptibles de devenir des foyers de maladies.

La prévention incendie s’en trouverait également accrue, les parcelles pouvant se transformer en sources d’incendies lorsqu’elles sont désaffectées, voire en friches, jonchées de branches.

Surtout, des parcelles forestières bien identifiées et entretenues exercent pleinement leur fonction de « puits de carbone », permettant de compenser les émissions carbone des secteurs économiques les plus polluants. En effet, la filière forêt-bois permet de compenser environ 20 % des émissions françaises de CO2. Elle joue ainsi un rôle majeur en matière d’atténuation du changement climatique, en stockant le carbone. En outre, cet effet vertueux se poursuit lors de l’exploitation des arbres, une partie du carbone restant stockée au sein des éléments produits. À cet égard, l’article L. 112-1 du code forestier (nouveau) ([6]) rappelle que « la fixation du dioxyde de carbone par les bois et forêts et le stockage du carbone dans les bois et forêts, et les produits fabriqués à partir de bois, contribuent ainsi à la lutte contre le changement climatique ».

Cet objectif s’inscrit pleinement dans le cadre du volet forestier du plan de relance porté par le ministère de l’agriculture et de l’alimentation, qui comporte notamment la création d’un fonds forêt de renouvellement et d’adaptation au changement climatique, doté de 150 millions d’euros, visant à aider les propriétaires forestiers publics et privés à renouveler et diversifier leurs forêts.

III.   Les dispositions de la proposition de loi

La présente proposition de loi vise à permettre aux experts forestiers, aux organisations de producteurs du secteur forestier ainsi qu’aux gestionnaires forestiers professionnels d’accéder, sans limitation du nombre de demandes, aux informations cadastrales relatives aux propriétés inscrites en nature de bois et forêts situées dans le périmètre géographique d’exercice de leurs missions.

Cette proposition de loi apporte un nouvel outil face au défi posé par le morcellement de la propriété forestière française.

L’article unique de cette proposition de loi établit une exception au principe du secret professionnel en matière fiscale au bénéfice des experts forestiers figurant sur la liste mentionnée à l’article L. 1711 du code rural et de la pêche maritime, des organisations de producteurs du secteur forestier reconnues par l’autorité administrative dans les conditions prévues à l’article L. 5511 du même code et des gestionnaires forestiers professionnels satisfaisant aux conditions mentionnées à l’article L. 3151 du code forestier. Cette dérogation permettrait aux catégories professionnelles bénéficiaires de mener des « actions d’information à destination des propriétaires identifiés sur les possibilités de valorisation économique de leurs bois et forêts ».

La liste exhaustive des données communiquées sera précisée par décret.

IV.   Commentaire d’article

Article unique
(article L.166G [nouveau] du livre des procédures fiscales et article 94 de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 [abrogé])
Accès des experts forestiers, organisations de producteurs du secteur forestier et gestionnaires forestiers professionnels, sans limitation du nombre de demandes, aux informations cadastrales relatives aux propriétés inscrites en nature de bois et forêts

a.   L’état du droit

Le VII de la section II du chapitre III du titre II de la première partie du livre des procédures fiscales ouvre des dérogations à la règle du secret professionnel en matière fiscale au profit d’organismes divers (SAFER, syndicats, professionnels de l’expertise comptable autorisés, entre autres).

L’article 94 de la loi n° 20141170 du 13 octobre 2014 ([7]) d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt avait instauré une habilitation temporaire de trois ans visant à permettre aux « experts forestiers figurant sur la liste mentionnée à l’article L. 171-1 du code rural et de la pêche maritime, aux organisations de producteurs du secteur forestier reconnues par l’autorité administrative dans les conditions prévues à l’article L.551-1 du même code et aux gestionnaires forestiers professionnels, satisfaisant aux conditions mentionnées à l’article L. 315-1 du code forestier, » d’accéder, sans limitation du nombre de demandes, aux informations cadastrales situées dans le périmètre géographique d’exercice de leurs missions, établissant ainsi une exception au principe du secret professionnel en matière fiscale à leur bénéfice.

Les trois catégories de professionnels de la filière forêt-bois bénéficiaires de ce dispositif avaient en commun de relever d’une profession réglementée (experts forestiers), ou de répondre à des critères précis reconnus par l’administration (organisations de producteurs et gestionnaires forestiers professionnels), ce qui permettait de circonscrire de manière claire le périmètre des bénéficiaires du dispositif.

En effet, l’article L. 171-1 du code rural et de la pêche maritime ([8]) dispose que « les experts fonciers et agricoles et les experts forestiers sont des personnes physiques qui exercent, le cas échéant dans le cadre d’une personne morale, en leur nom personnel et sous leur responsabilité, des missions d’expertise en matière foncière, agricole et forestière portant sur les biens d’autrui, meubles et immeubles, ainsi que sur les droits mobiliers et immobiliers afférents à ces biens ». Les professionnels se réclamant du titre d’expert foncier et agricole ou d’expert forestier doivent adhérer au Conseil national de l’expertise foncière agricole et forestière (CNEFAF). Le CNEFAF est chargé en particulier d’établir annuellement la liste des experts fonciers et agricoles ou forestiers et de faire respecter les devoirs professionnels de chacune des personnes inscrites sur la liste tels qu’ils sont définis par un décret en Conseil d’État.

Par ailleurs, l’article L. 551-1 du même code ([9]) dispose que « l’autorité administrative reconnaît les organisations de producteurs et les associations d’organisations de producteurs dans les secteurs couverts par le règlement portant organisation commune des marchés des produits agricoles dans les conditions prévues par celui-ci ». Les coopératives forestières sont assimilées à des organisations de producteurs au sens de l’article L. 551-1.

Enfin, l’article L.315-1 du code forestier (nouveau) ([10]) dispose que « lorsque des propriétaires particuliers font appel à des gestionnaires forestiers professionnels pour gérer durablement leurs bois et forêts conformément à un document de gestion, ces gestionnaires doivent satisfaire à des conditions de qualification et d’indépendance définies par décret. L’activité de gestionnaire forestier professionnel comprend notamment la conservation et la régie des bois et forêts au sens du présent code ainsi que la mise en marché de bois façonnés et sur pied. Elle ne constitue pas une activité relevant de la gestion immobilière évoquée au 6° de l’article 1er de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce.es gestionnaires forestiers professionnels etc. ».

Les catégories professionnelles bénéficiaires de l’exception au principe du secret fiscal exercent ainsi leurs activités dans des conditions encadrées par la puissance publique, observent un code déontologique et obéissant à des conditions d’indépendance strictes, visant à garantir notamment l’exercice d’une gestion durable des bois et forêts dont elles ont la charge.

Aujourd’hui, l’habilitation prévue par l’article 94 de la loi n° 20141170 du 13 octobre 2014 a expiré.

Dans ce contexte, l’article 80 de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique (loi dite « ASAP ») a repris les termes de l’article 94 de la loi  20141170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, afin de pérenniser ce dispositif. Toutefois, cette disposition a été déclarée non conforme à la Constitution par la décision n° 2020-807 DC du 3 décembre 2020 du Conseil constitutionnel ([11]), au titre de son contrôle des cavaliers législatifs.

b.   Les dispositions de l’article

La présente proposition de loi reprend le dispositif de l’article 80 du projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique, dans un véhicule législatif dédié.

c.   La position de votre commission

En commission des affaires économiques, deux amendements de votre rapporteur ont été adoptés.

Le premier est un amendement visant à ce que le décret d’application de l’article unique soit pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

Le deuxième est un amendement obligeant le Gouvernement à publier ce décret dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi.

La commission des affaires économiques a ensuite adopté la présente proposition de loi .


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.   DISCUSSION GÉNÉRALE

Au cours de sa réunion du mardi 19 janvier 2021, la commission a examiné la proposition visant à simplifier l’accès des experts forestiers aux données cadastrales (n° 3682) (M. Nicolas Turquois, rapporteur)

M. le président Roland Lescure. En préambule, je veux m’associer aux hommages rendus à notre collègue Marielle de Sarnez, qui nous a quittés il y a près d’une semaine. Comme toutes les Françaises et tous les Français, je la connaissais assez peu avant d’être élu député. Très impliquée dans le mouvement qu’elle a contribué à créer et très présente dans les assemblées où elle a siégé, notamment au Parlement européen, elle était souvent, en raison de sa discrétion naturelle, en retrait par rapport aux hommes et aux femmes qui portent les couleurs de son mouvement.

Depuis mon élection, j’ai eu l’occasion de la côtoyer, notamment lors des réunions de la Conférence des présidents et lors de voyages officiels – je pense en particulier à un voyage d’État en Amérique du Nord – et j’ai été très touché par les hommages qui lui ont été rendus, notamment celui que M. François Bayrou a prononcé hier à Saint-Sulpice, car, comme c’est souvent le cas lorsqu’il s’agit de quelqu’un de bien, ils sonnaient justes.

Je me souviens que, dès l’instauration du confinement, Marielle de Sarnez m’avait appelé pour me dire que le Parlement devait continuer à travailler. C’est en partie grâce à cette conversation que j’ai rapidement souhaité que la commission des affaires économiques se réunisse et poursuive son travail, en dépit des conditions matérielles dégradées.

En mon nom personnel et au nom de l’ensemble des membres de notre commission, je veux donc rendre hommage à la grande dame, la grande parlementaire qu’elle était, en ayant une pensée particulière pour nos collègues du groupe Mouvement Démocrate (MoDem) et démocrates apparentés, dont nous examinons aujourd’hui deux propositions de loi.

Dans quelques instants, M. Julien Dive me remplacera à la présidence car je vais devoir m’absenter, pour la bonne cause. Vous vous souvenez que nous avons voté un amendement à la loi PACTE qui étend les prérogatives du Gouvernement en matière d’examen et, le cas échéant, d’opposition à des opérations de fusion-acquisition transfrontalières dans quelques secteurs stratégiques, notamment celui de l’alimentaire. Ainsi, M. Bruno Le Maire s’est récemment opposé, de manière assez véhémente, à une tentative de rapprochement entre deux grands groupes alimentaires : l’un, canadien, que je connais bien, Couche-Tard ; l’autre, français, Carrefour.

Or la loi PACTE prévoit également que les présidents des deux commissions des affaires économiques et les rapporteurs généraux des deux commissions des finances puissent, dans le cadre d’une opération en cours, auditionner à huis clos le ministre de l’économie pour entendre ses raisons et discuter avec lui des éventuelles conséquences des mesures qu’il souhaite prendre. J’ai donc pris contact avec Mme Sophie Primas, MM. Jean-François Husson et Laurent Saint-Martin, puis avec M. Bruno le Maire, pour organiser l’audition de ce dernier, qui se tiendra à dix-huit heures. Ce qui m’importe avant tout, c’est d’entendre le ministre sur les raisons pour lesquelles il s’est opposé à cette transaction et sur la manière dont il conçoit, de manière plus générale, la doctrine de la France en matière d’opérations transfrontalières. Je vous rendrai compte, en préservant bien entendu le secret des affaires, de cette audition demain.

Nous allons à présent examiner deux propositions de loi inscrites à l’ordre du jour des séances réservées au groupe MoDem et démocrates apparentés, le jeudi 28 janvier. La première vise à simplifier l’accès des experts forestiers aux données cadastrales (n° 3682) et a pour rapporteur Nicolas Turquois, que nous aurons plaisir à entendre de nouveau au sein de notre commission. La seconde vise à améliorer l’accessibilité des personnes qui ont un trouble du spectre de l’autisme par la mise en place d’une « heure silencieuse » dans les magasins de la grande distribution (n° 3684) et a pour rapporteure Mme Nadia Essayan, à qui je souhaite la bienvenue.

Je rappelle que les deux propositions de loi devraient en principe faire l’objet d’une procédure d’examen simplifiée en séance publique. S’agissant de leur examen en commission, il nous appartient d’appliquer les règles imposées par la Conférence des présidents dans le cadre de la crise sanitaire. L’examen des textes doit se faire en présence de membres de la commission, dans le respect de l’importance numérique des groupes et de la jauge adaptée aux capacités de la salle de réunion. La discussion générale peut cependant être organisée de manière mixte ; ce sera le cas aujourd’hui.

 

M. Julien Dive remplace M. Roland Lescure à la présidence.

 

La commission examine, sur le rapport de M. Nicolas Turquois, la proposition de loi visant à simplifier l’accès des experts forestiers aux données cadastrales (n° 3682).

 

M. Nicolas Turquois, rapporteur. Le plan de relance comporte une vaste opération de reboisement des forêts françaises ; il apporte ainsi un soutien massif aux particuliers et aux professionnels du bois afin de renforcer la résilience de nos forêts et la valorisation des débouchés économiques de la filière. La proposition de loi que j’ai le plaisir de vous présenter dans le cadre de la journée réservée au groupe MoDem et démocrates apparentés concourt modestement à ces deux objectifs en visant à créer un nouvel outil qui nous aidera à relever le défi que constitue le morcellement de la propriété forestière française.

La France possède la troisième surface forestière en Europe ; d’une superficie de près de 16,5 millions d’hectares, les forêts couvrent 30 % du territoire national. Les trois quarts de cette surface forestière correspondent à des forêts privées, mais la propriété forestière privée se caractérise par un morcellement très important. Ainsi, selon les données cadastrales, environ 3,8 millions de propriétaires possèdent près de 76 % de la surface forestière privée ; la surface forestière moyenne par propriétaire est de 3,4 hectares et avoisine même, dans certains départements, 1,5 hectare. Qui plus est, de nombreux propriétaires possèdent des parcelles dispersées territorialement, donc non contiguës et plus compliquées à valoriser et à gérer. Certains ignorent jusqu’à l’existence même de telle parcelle dont ils ont pourtant la possession. Des propriétés entières mais trop petites pour être éligibles à l’impôt finissent par être oubliées, devenant ainsi des biens sans maître.

Si ce morcellement contribue à la diversité de la forêt et la protège des dangers de l’uniformité, notamment des peuplements mono-espèce, l’extrême parcellisation du foncier forestier est responsable d’un mauvais entretien des forêts privées et d’une sous-valorisation patente des bois et forêts.

Afin de relever le défi du morcellement, les pouvoirs publics cherchent à favoriser l’entretien et l’exploitation en commun de parcelles contiguës dans une logique d’efficience. Toutefois, cet effort de gestion commune de la forêt privée se heurte à des difficultés importantes d’accès aux données cadastrales, difficultés auxquelles la proposition de loi a pour objet de remédier.

Afin de proposer l’entretien et l’exploitation en commun de parcelles forestières contiguës, les propriétaires peuvent faire appel à des professionnels de la forêt. Mais ces derniers ont besoin d’accéder aux données cadastrales. Pour ce faire, ils doivent consulter les services du cadastre afin de vérifier à qui appartiennent les propriétés qu’ils ont pour mission d’évaluer. Or les informations cadastrales sont protégées par le secret fiscal. Le dispositif de droit commun permet ainsi de demander une délivrance de relevés de propriété dans la limite de cinq demandes par semaine et de dix demandes par mois.

L’article unique de la proposition de loi vise donc à permettre aux experts forestiers, aux organisations de producteurs du secteur forestier ainsi qu’aux gestionnaires forestiers professionnels d’accéder sans limitation du nombre de demandes aux informations cadastrales relatives aux propriétés inscrites en nature de bois et forêts situées dans le périmètre géographique d’exercice de leurs missions, en établissant à leur profit une exception au principe du secret professionnel en matière fiscale. Cette dérogation permettrait à ses bénéficiaires de mener à destination des propriétaires identifiés des actions d’information sur les possibilités de valorisation économique de leurs bois et forêts. Concrètement, cette mesure permet d’identifier et de contacter les propriétaires voisins d’une parcelle exploitée pour leur demander s’ils souhaitent que la leur le soit également.

Cette proposition est le fruit d’un long cheminement législatif. En effet, l’article unique de la proposition de loi reprend les termes d’une expérimentation d’une durée de trois ans prévue par l’article 94 de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, dite LAAF, du 13 octobre 2014. Cette expérimentation a pris fin en décembre 2018.

Je tiens à préciser que les catégories professionnelles bénéficiaires de l’exception au principe du secret fiscal exercent leur activité dans des conditions encadrées par la puissance publique, observent un code déontologique et sont soumises à des conditions d’indépendance strictes visant à garantir notamment l’exercice d’une gestion durable des bois et forêts dont elles ont la charge. D’autres catégories socioprofessionnelles ont demandé l’accès à ces données, mais il nous a semblé important de limiter le nombre d’acteurs bénéficiant de cette dérogation pour éviter les dérives d’usage. Du reste, je proposerai par un amendement que le décret d’application de l’article unique soit impérativement publié après l’avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), afin de garantir la conciliation de la confidentialité des données de propriété et de la libre communication des données cadastrales.

L’expérimentation de 2014 ayant expiré, la loi d’accélération et de simplification de l’action publique, dite loi ASAP, promulguée en 2020, avait repris, en son article 80, les termes de cette expérimentation afin de la pérenniser. Toutefois, cette disposition, introduite en cours d’examen par voie d’amendement, a été déclarée non conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans une décision du 3 décembre 2020 prise au titre de son contrôle des cavaliers législatifs. Sans porter une quelconque appréciation sur le fond, le juge constitutionnel a tenu à préserver ainsi la cohérence initiale du texte, ce qui est à saluer. La présente proposition de loi reprend donc le dispositif de l’article 80 du projet de loi ASAP tel qu’il a été voté en termes identiques par le Sénat et l’Assemblée.

Les auditions que nous avons menées me confortent dans l’idée qu’il est nécessaire d’adopter ce texte qui simplifiera la vie quotidienne des professionnels concernés. Je tiens à souligner que le dispositif est polyvalent ; il permettra également de renforcer la résilience et l’entretien des forêts privées françaises. En effet, des parcelles forestières mieux identifiées et donc potentiellement mieux entretenues sont moins susceptibles de devenir des foyers de maladies ou de ravageurs ; je pense, par exemple, au scolyte. Leur entretien permet également de mieux prévenir les risques d’incendie. De manière générale, des parcelles forestières bien identifiées et entretenues remplissent pleinement leur fonction de puits de carbone, permettant de compenser partiellement les émissions des secteurs polluants.

Mme Huguette Tiegna (LaREM). Avec 17 millions d’hectares de forêt, la France possède la quatrième plus grande superficie forestière de l’Union européenne. Les forêts, poumons verts de nos territoires, ont un rôle clé à jouer dans la problématique du changement climatique. En tant que puits de carbone, elles sont au cœur de la stratégie nationale bas carbone que nous avons élaborée pour respecter notre engagement de parvenir à la neutralité carbone à l’horizon 2050.

Investir dans la forêt française, c’est lui permettre de jouer son rôle dans la transition écologique. Bien conscient de cet enjeu, le Gouvernement a fait le choix d’investir, dans le cadre du plan de relance, 200 millions d’euros dans une opération de reboisement des forêts françaises et de soutien à la filière bois. L’objectif est d’inciter les propriétaires forestiers à investir également pour adapter leurs forêts ou améliorer leur contribution à l’atténuation du changement climatique.

Cependant, la forêt française est extrêmement morcelée et le nombre important de propriétaires sur une surface réduite peut être un frein à l’investissement. Dans ce contexte, l’identification et l’accompagnement des propriétaires fonciers passent nécessairement par l’action et l’appui de professionnels. Or ceux-ci ne peuvent adresser qu’un nombre limité de demandes à l’administration fiscale, ce qui suscite de nombreuses difficultés.

Je salue donc, au nom du groupe La République en Marche, l’initiative prise par le groupe MoDem et démocrates apparentés de nous soumettre cette proposition de loi, qui s’inscrit dans la continuité de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt de 2014 et des dispositions adoptées sous cette législature dans le cadre de la loi ASAP en 2020. En permettant aux experts forestiers de disposer d’un accès illimité aux données cadastrales et en améliorant ainsi l’information des professionnels du secteur forestier, ce texte contribuera au développement et à la valorisation de la forêt française.

M. Jean-Pierre Vigier (LR). Je remercie notre rapporteur et le groupe MoDem et démocrates apparentés pour cette proposition de loi qui, je l’espère, fera l’unanimité.

La forêt est une richesse qu’il convient de protéger et, surtout, de développer. De ce fait, les professionnels de la forêt – experts forestiers, organisations de producteurs du secteur et gestionnaires forestiers professionnels – exercent des missions reconnues d’intérêt général et œuvrent quotidiennement au maintien de la biodiversité.

La filière bois et forêt, qui emploie 450 000 personnes, représente 1,7 % des emplois en France. La production forestière est à l’origine de 10 % de la valeur ajoutée de la filière ; surtout, elle conditionne 90 % de la valeur et des emplois générés en aval. Il convient donc de pérenniser ces métiers en valorisant, au niveau national, cette filière principalement constituée d’un tissu de PME et de TPE important pour les territoires ruraux. Aussi faut-il anticiper une optimisation de la gestion et de l’exploitation forestière pour répondre aux enjeux actuels et futurs, alors que la concurrence internationale s’accroît. Plutôt que d’acheter du bois en Afrique, de le transformer en Asie et de l’importer en France, il est préférable de recourir au circuit court et de privilégier le marché français, synonyme de qualité.

L’habilitation temporaire de trois ans visant à permettre aux experts forestiers d’accéder sans limitation du nombre de demandes aux informations cadastrales situées dans le périmètre géographique d’exercice de leurs missions a fait ses preuves. Elle a permis l’exploitation de petites parcelles forestières proches et a contribué activement au développement de la production de bois. La proposition de loi, qui vise à pérenniser cette habilitation, est donc nécessaire pour donner davantage d’outils aux experts forestiers et leur permettre de conseiller au mieux et au plus près les propriétaires sur les possibilités de valoriser économiquement leurs bois et forêts et de contribuer davantage à l’attractivité de notre filière bois. Nos forêts sont en effet morcelées, en raison d’un nombre important de petits propriétaires, lesquels sont parfois difficiles à identifier. Or cette situation est un véritable obstacle à la gestion de parcelles qui sont de trop petite taille pour intéresser les opérateurs économiques.

La proposition de loi reprend une disposition adoptée par le Parlement à deux reprises – une première fois dans le cadre de la loi EGALIM, une seconde fois lors de l’examen du projet de loi ASAP –, mais invalidée par le Conseil constitutionnel au titre de l’article 45 de la Constitution. Le groupe Les Républicains votera en faveur de ce texte.

Mme Michèle Crouzet (MoDem). Siégeant à l’Observatoire des espaces naturels, agricoles et forestiers, je me réjouis de porter la parole du groupe MoDem et démocrates apparentés lors de l’examen de cette belle proposition de loi de notre collègue Nicolas Turquois qui vise à simplifier l’accès des experts forestiers aux données cadastrales.

Notre groupe a pleinement conscience que la préservation de notre patrimoine forestier revêt, à l’heure du changement climatique et de l’urbanisation incessante, une importance toute particulière pour nos territoires. En témoigne notre volonté constante d’inscrire le sujet de la forêt à l’ordre du jour de nos débats. Ainsi notre dernière niche parlementaire, en novembre 2019, avait déjà permis l’adoption de la proposition de loi de notre collègue
Jean-Noël Barrot visant à lutter contre le mitage des espaces forestiers en Île-de-France.

La protection et la valorisation de la forêt française sont des enjeux transpartisans car ils concernent chacune de nos circonscriptions. Nos concitoyens sont, eux aussi, de plus en plus sensibles à la valeur inestimable du patrimoine forestier naturel, qui abrite une biodiversité extrêmement riche mais en danger. À cet égard, le dispositif prévu par la proposition de loi – déjà adopté par le Parlement lors de l’examen du projet de loi ASAP, mais censuré par le Conseil constitutionnel – est de bon sens.

En effet, les experts forestiers, les organisations de producteurs du secteur forestier et les gestionnaires forestiers professionnels mènent des actions d’information à destination des propriétaires sur les possibilités de valorisation économique de leurs bois et forêts – car les forêts françaises, qu’elles soient publiques ou privées, ont une fonction écologique et sociale, bien sûr, mais aussi économique. Ils concourent ainsi à des actions reconnues d’intérêt général, à savoir la protection et la mise en valeur des bois et forêts, le reboisement, dans le cadre de la gestion durable, mais aussi la fixation et le stockage du dioxyde de carbone dans les bois et forêts ainsi que la fabrication de produits en bois. Ils jouent également un rôle indispensable dans la lutte contre le changement climatique et pour la préservation de la biodiversité forestière.

Cependant, les experts forestiers, les organisations de producteurs et les gestionnaires forestiers professionnels ne peuvent mener leurs actions d’information qu’en identifiant clairement les propriétaires des parcelles forestières. Dans notre pays, la matrice cadastrale est le seul instrument qui permet cette identification. Toutefois, les professionnels forestiers ne peuvent adresser à l’administration fiscale qu’un nombre restreint de demandes pour accéder aux données cadastrales relatives aux propriétés inscrites en nature de bois et forêts. Or, en raison du morcellement croissant des forêts privées, il leur est de plus en plus difficile d’exploiter simultanément plusieurs parcelles appartenant à différents propriétaires. C’est pourquoi la proposition de loi, qui tend à pérenniser une dérogation votée en 2014 et dont le terme est depuis échu, vise à leur permettre d’accéder sans limitation du nombre de demandes aux informations cadastrales situées dans le périmètre géographique d’exercice de leurs missions.

Vous l’aurez compris, cette proposition de loi est un texte de bon sens qui sera utile à la filière forêt et bois dans son ensemble. Certes, nous devrons traiter à l’avenir le problème de l’excessif morcellement de la forêt privée, qui est un frein majeur à la mobilisation du bois en France, mais ce texte contribuera sans aucun doute à favoriser l’entretien et l’exploitation des ressources forestières dans le cadre d’une gestion durable et à développer la production de bois dans notre pays. Aussi le groupe MoDem et démocrates apparentés vous propose-t-il de voter cette proposition de loi dont nous espérons qu’elle sera adoptée rapidement dans les mêmes termes par le Sénat.

M. Dominique Potier (Soc). La proposition de loi de Nicolas Turquois est un texte pragmatique, mais nous pouvons en aborder l’examen en l’envisageant sous un grand angle. La superficie forestière française est de 17 millions d’hectares, soit un tiers de la sole française. La filière bois et forêts, qui compte près de 500 000 emplois, constitue, au-delà de son importance économique, un enjeu écologique mais aussi un enjeu de civilisation. Il suffit, pour le mesurer, d’observer le traumatisme qu’a causé à notre culture commune la modification de nos paysages provoquée par la crise du scolyte.

Or, malgré les efforts consentis dans le cadre du plan de relance, qui prévoit un investissement de 200 millions d’euros, nous sommes à peine en mesure de remplacer les 60 000 hectares de forêt victimes de cet insecte puisqu’un investissement de 300 millions serait nécessaire si l’on retient l’hypothèse d’un besoin de financement de 5 000 euros à l’hectare. La mobilisation des crédits publics et éventuellement privés, issus du fonds carbone, est donc un véritable enjeu. À titre d’exemple, en Allemagne, dont la sole forestière est supérieure à celle de la France, l’échelon fédéral consacre 800 millions d’euros à la forêt, en sus de l’abondement réalisé par les Länder dans le cadre de leurs compétences en matière de gestion forestière. Nous sommes très loin du compte ! Pourtant, la gestion des forêts, comme celle des sols et l’agronomie, a été, pendant des siècles, une ambition française incarnée par un organisme de gestion du temps long, l’Office national des forêts (ONF), dont nous avons eu beaucoup de peine à préserver les crédits lors d’un débat budgétaire pour le moins abrupt.

J’en viens aux enjeux de l’aménagement forestier, que je connais davantage sous l’aspect des enjeux fonciers, sujet qui m’est particulièrement cher. Il y a deux écoles, en la matière. Soit on considère que le morcellement est une chance pour la biodiversité, soit on tient – et c’est mon cas – pour la régulation, en estimant que la réorganisation forestière contribue à la bonne exploitation de la forêt, laquelle doit être soumise non seulement à des critères économiques mais aussi à des impératifs de bonne gestion tels que ceux mis en œuvre par l’ONF dans le domaine public.

Par conséquent, si je souscris à cette proposition de loi pragmatique – car, pour exploiter la forêt, il faut la connaître et donc avoir accès à la matrice cadastrale –, je serais néanmoins tenté de la compléter, même si je n’ai pas pu le faire sous la forme d’amendements, par des considérations de bonne gestion. De fait, si l’on reconstitue des ensembles de 10 à 50 hectares, il faut prendre en compte l’enjeu politique que constitue la bonne gestion de la forêt pour éviter des stratégies qui viseraient à affaiblir la biodiversité et la capacité de régénération des forêts. Le nouveau droit accordé aux experts forestiers devrait ainsi avoir pour contrepartie le respect d’un code de bonne gestion, encadré par les centres régionaux de production forestière, avec, pourquoi pas, le concours de l’ingénierie étatique de l’ONF.

Bref, il faut penser la forêt. Dans mon territoire, nous envisageons, avec AgroParisTech, à Nancy, l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAe) et d’autres experts, d’offrir à l’ensemble des élus, qui sont actuellement désemparés face au capital naturel qu’est la forêt, la possibilité d’acquérir une culture commune dans ce domaine. Nous avons besoin d’une telle culture commune ainsi que d’une nouvelle politique. Celle-ci devra notamment procéder au réarmement de l’aménagement foncier, qui doit trouver d’autres formes, en sus de celle qui nous est proposée dans ce texte. À cet égard, les opérations groupées d’aménagement foncier (OGAF) et les remembrements sont exemplaires d’un réaménagement heureux au service de la triple performance sociale, écologique et économique.

M. Antoine Herth (Agir ensemble). Je veux à mon tour saluer, au nom du groupe Agir ensemble, l’initiative de notre collègue Turquois, dont la proposition de loi est frappée au coin du bon sens. Le Sénat avait adopté, en 2014, dans le cadre du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, une mesure analogue à celle-ci, qui avait été reprise ensuite dans la loi EGALIM puis dans la loi ASAP. Hélas, cette disposition n’a pas pu être définitivement validée bien que l’expérimentation menée ait fait l’objet de retours très positifs. Il nous faut donc, à présent, conclure.

Au-delà de la dimension économique, sur laquelle je ne reviens pas, je rappelle que, dans certaines forêts qui ne sont plus entretenues, la chasse est devenue impossible : les chasseurs ne peuvent plus y traquer le grand gibier, qui prolifère à outrance et complique davantage encore l’exploitation ou les plantations dans les forêts relevant de l’ONF, par exemple. Par ailleurs, les communes qui veulent créer un chemin forestier pour exploiter les bois de forêts communales rencontrent parfois d’importantes difficultés lorsqu’il leur faut identifier les propriétaires des parcelles privées susceptibles d’être traversées par cette servitude. N’oublions pas non plus que, chaque année, un certain nombre de nos forêts sont ravagées par les flammes. Les travaux de protection nécessitent, là encore, que l’on puisse discuter avec les propriétaires.

En réalité, une grande partie de la forêt française est laissée à l’abandon. Or, même si elle l’a toujours été, la forêt apparaît à nouveau comme un levier important pour nous permettre de compenser les émissions de carbone, de parvenir à un bilan équilibré en la matière et d’atteindre ainsi l’objectif inscrit dans nos lois environnementales. Il importe donc que l’on puisse mobiliser les propriétaires forestiers pour qu’ils concourent à cet objectif.

En conclusion, vous l’aurez compris, j’apporte mon soutien plein et entier à ce texte car je souhaite que nous nous dotions enfin d’un cadre législatif qui permette aux experts forestiers et à l’ensemble des acteurs de ce secteur de travailler sur des bases solides.

Mme Sylvia Pinel (LT). Je veux à mon tour saluer notre rapporteur pour la qualité de son travail et son implication.

Depuis trente ans, les rapports consacrés à la forêt française s’accumulent et tous dressent le même constat, celui d’une sous-exploitation chronique de nos bois et de difficultés liées à leur gestion. Est en cause l’important morcellement de la forêt privée française : les parcelles d’un à vingt-cinq hectares couvrent cinq millions d’hectares, soit près d’un tiers de nos forêts. Ces petites surfaces sont difficiles à valoriser. Les volumes de bois qui y sont exploités sont trop limités pour intéresser les industriels. En outre, la taille des chantiers est insuffisante et ne permet pas aux exploitants de réaliser les travaux de sylviculture et de voirie forestière nécessaires à l’exploitation et in fine d’atteindre leur seuil de rentabilité.

La multiplicité des interlocuteurs, qui changent au gré des successions, est aussi un frein. Elle empêche de définir une programmation et un bon étalement des coupes. Au-delà des effets économiques, je m’inquiète des conséquences de la parcellisation des bois pour l’environnement. L’écosystème de la forêt subit durement les évolutions climatiques et les épidémies. Alors que les bois représentent un atout majeur dans la lutte contre le changement climatique et dispensent de nombreux services environnementaux, une gestion globale et à grande échelle de cette ressource s’impose. La loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt du 13 octobre 2014 s’inscrivait dans cette logique. Elle a permis de renforcer la lutte contre le morcellement en créant de nouveaux droits de préférence et de présomption. Une habilitation temporaire de trois ans, prévue à son article 94, visait à permettre aux experts forestiers d’accéder sans limitation du nombre de demandes aux informations cadastrales situées dans le périmètre géographique d’exercice de leur mission.

Grâce à ce dispositif, les experts forestiers, les organisations de producteurs du secteur forestier, les gestionnaires forestiers professionnels ont pu identifier plus facilement les propriétaires de petites et moyennes parcelles, ce qui leur a permis de les informer correctement des possibilités de valorisation économique de leurs bois et forêts, dans la perspective d’une bonne gestion de la forêt. C’est pourquoi je suis favorable à cette proposition de loi qui vise à pérenniser l’expérimentation.

Elle ne saurait cependant suffire pour combler les lacunes des politiques publiques relatives à la forêt et au bois. Notre groupe est en effet convaincu que le renouveau de la forêt passera par une territorialisation accrue de la stratégie forestière française. Nous regrettons que cette proposition revienne tardivement sur la table, exposant les experts forestiers à une période de latence au cours de laquelle ils n’auront pas accès aux matrices cadastrales, ce qui aurait pu être évité si le Gouvernement s’était montré plus prévoyant et n’en avait pas fait un cavalier législatif lors de l’examen du projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique, l’exposant ainsi à la censure du Conseil constitutionnel.

M. Sébastien Jumel (GDR). Je vous avoue que la position du groupe de la Gauche démocrate et républicaine n’est pas consolidée et que j’ai encore besoin d’approfondir la réflexion avec mes collègues spécialistes du sujet. Je voudrais prendre le temps de consulter le président Chassaigne. Les enjeux sont importants : 16 millions d’hectares sont potentiellement concernés. Hélas, les propriétés sont morcelées et la proposition de favoriser l’accès aux données cadastrales pour lutter contre l’émiettement des propriétaires peut sembler légitime. Je m’en méfie pourtant car l’État libéral, que votre majorité incarne, s’est désarmé et n’est plus capable de prendre soin de nos forêts. Il a réduit les moyens de l’Office national des forêts. Il a abandonné les outils de planification indispensables à une gestion responsable, durable, précautionneuse, soucieuse des intérêts économiques mais aussi de la biodiversité qui irrigue nos territoires.

Dans le même temps, j’ai bien compris les enjeux que le rapporteur a exposés, même si je me représente mal les difficultés que peut poser l’accès aux bases cadastrales. Pour avoir géré une petite commune, il me semble qu’il ne doit tout de même pas être si compliqué de trouver les propriétaires. Admettons que ce le soit. Je suis face à ce dilemme et nous étudierons le sujet en gardant à l’esprit que la gestion des forêts privées ne doit pas conduire à leur industrialisation, qui serait contraire aux précautions environnementales les plus légitimes.

Mme Mathilde Panot (LFI). Je ferai entendre, au nom du groupe La France insoumise, une voix discordante parce que, malheureusement, vous êtes incorrigibles. Les grands mots ne manquent pas, dans cette proposition de loi : gestion durable, fixation et stockage du CO2, protection et mise en valeur des bois et forêts. Ces grands principes sont légitimes et nous les partageons mais ils peuvent aussi ouvrir la voie à une exploitation intensive des forêts françaises. Notre groupe le répétera autant de fois que nécessaire : les forêts françaises ne sont pas qu’un gisement de bois.

Vous proposez de simplifier l’accès des experts financiers aux cadastres, en vous appuyant sur cette phrase : « Ce dispositif a permis de favoriser l’entretien et l’exploitation des ressources forestières dans le cadre d’une gestion durable ». Disposons-nous d’un retour d’expérience qui détaillerait ses inconvénients et ses avantages, de l’avis des propriétaires, de renseignements sur la nature des campagnes d’information menées par les professionnels, de l’avis des maires, des associations ou du Centre national de la propriété forestière (CNPF) ? Nous n’avons rien !

Vous nous soumettez cette proposition de loi parce qu’elle répondrait à la demande unanime de la profession. Vous le savez aussi bien que moi : faciliter l’accès aux données cadastrales sans faire évoluer les pratiques forestières, c’est inaugurer la foire aux coupes rases et à la mal-forestation. Le petit foncier forestier ne dispose pas de documents de gestion agréés dont les prescriptions pourraient limiter l’intensité des coupes. Les coupes ne présentent d’intérêt économique qu’à condition d’être suffisamment fortes. On peut douter que le regroupement des petites parcelles limite leur intensité.

Contrairement à ce que vous prétendez, la récolte de bois, en soi, ne permet pas de protéger la forêt et elle contribue encore moins aux autres bienfaits que vous citez. Au contraire, une récolte abusive peut abîmer durablement une forêt et réduire sa capacité à stocker du carbone, ce qui irait à l’encontre de la lutte contre le dérèglement climatique. Seule une gestion raisonnée peut participer à l’intérêt général et c’est dans ce seul cadre que la récolte en fait partie. Je le répète : nous ne sommes pas atteints du syndrome « Idéfix » et la récolte de bois ne nous pose pas de problème. En revanche, nous refusons que le bois soit surexploité. De surcroît, le petit foncier forestier a une forte valeur environnementale, grâce à une proportion importante en libre évolution ou à la diversité de gestion, le plus souvent extensive. Il y a plus d’avantages écologiques à maintenir le statu quo que d’avantages économiques à intensifier l’exploitation de ces toutes petites forêts dont certaines sont gérées en coopérative, selon des méthodes alternatives.

Enfin, vous prévoyez de faciliter le démarchage des propriétaires forestiers alors que les pratiques des coopératives forestières sont souvent jugées agressives. Ces coopératives ont d’ailleurs tout intérêt à conseiller des coupes rases puisqu’elles sont en conflits d’intérêts. Il faudrait d’ailleurs que nous réglions un jour ce problème par la loi : elles vendent du conseil, des travaux, de la plantation et commercialisent le bois. Or on trouve dans notre territoire des milliers de sylviculteurs qui ont à cœur de développer un modèle forestier alternatif. Ils pratiquent une sylviculture douce, à couvert continu, avec des essences variées, plus résilientes au changement climatique. À long terme, ce type de sylviculture s’avère même plus rentable que la sylviculture intensive dont les travaux sont extrêmement coûteux pour les propriétaires. Il serait donc de votre responsabilité de les aider en priorité, plutôt que de laisser la main au marché, sans aucune garantie de gestion durable. Je partage les propos de M. Jumel concernant les moyens de l’Office national des forêts et le CNPF, qui a encore perdu trois effectifs cette année.

Bref, pour résumer : il nous semble inopportun de simplifier l’accès au cadastre si les pratiques forestières n’évoluent pas.

M. Nicolas Turquois, rapporteur. Tout d’abord, merci pour les mots agréables qui ont pu être prononcés par les intervenants.

Revenons brièvement à la genèse de cette proposition de loi. L’expérimentation s’arrêtait fin 2018 et j’ai voulu, du fait de mon histoire personnelle, de ma sensibilité d’élu, proposer un dispositif similaire dans le cadre de la loi EGALIM. Hélas, l’article a été qualifié de cavalier législatif, et le dispositif n’a pas été promulgué. Depuis, mon analyse a changé même si le fond reste le même. Je me suis dit qu’il fallait agir, tout en restant prudent. Ainsi, si je ne suis pas d’accord avec tout ce que vous avez pu dire, Madame Panot, je partage néanmoins certaines de vos inquiétudes.

Tout d’abord, le bois est un bon moyen de stocker le carbone, surtout si on l’intègre dans des usages durables, comme la construction. La France est importatrice nette dans tous les secteurs du bois, sauf pour les grumes, qu’elle exporte parfois vers l’Asie de l’Est. Elle en valorise très peu et la transformation est également un véritable enjeu. Malgré un espace forestier très étendu, nous sommes obligés d’importer du bois, ce qui est paradoxal.

Par ailleurs, au-delà de la valorisation économique, la forêt est un atout écologique. Or des territoires entiers dépérissent par manque d’entretien. Des coupes ont pu être réalisées mais les cervidés empêchent les arbres de repousser ; les ronces prennent leur place, quand les arbres ne tombent pas en chablis les uns sur les autres. Certaines collectivités, qui n’ont pas la chance d’avoir des forêts publiques sur leur territoire, mais des forêts privées, se désespèrent de ne pouvoir identifier les propriétaires pour les contacter et réfléchir avec eux à la manière de valoriser cette forêt, ne serait-ce que pour en faire un espace de loisir, une sorte de poumon vert pour les villes voisines.

Enfin, la forêt présente un intérêt évident pour lutter contre les incendies. C’est vrai dans le Sud mais pas seulement, en raison du réchauffement climatique.

J’ai tenu à reprendre à l’identique les dispositions votées dans le cadre de la loi ASAP et à ne pas étendre l’accès à d’autres que ceux prévus dans l’expérimentation, malgré les nombreuses sollicitations. Monsieur Potier, nous partageons le même souci. J’ai en tête les conséquences désastreuses de la concentration des exploitations agricoles et je ne veux pas faire subir le même sort à la forêt. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir été sollicité par les experts forestiers ou agricoles. Mme Panot a raison, restons vigilants.

Parallèlement, le morcellement de la forêt pose de réels problèmes. Certains propriétaires possèdent un hectare, d’autres vingt ares, d’autres encore quelques mètres carrés. Certains ne savent même plus où se trouve leur parcelle. Il n’est pas rare qu’un maire doive gérer les conséquences d’une coupe de bois par une personne qui s’en croyait de bonne foi propriétaire alors que la parcelle appartenait au voisin !

Nous proposons donc de permettre à un nombre limité d’acteurs, dont la liste est celle prévue par la loi LAAF du 13 octobre 2014, validée par la CNIL, d’accéder aux informations cadastrales. Ces acteurs seront chargés de promouvoir une gestion durable de la forêt : l’abattage devra être suivi d’une replantation, qui devra être entretenue. Ces acteurs pourront perdre leur agrément s’ils ne se conforment pas à ces obligations réglementaires. Cette proposition me semble équilibrée.

Par le passé, la puissance publique a voulu traiter le problème de l’extrême morcellement sous l’angle de la propriété. Or, cette multitude de propriétaires, c’est aussi une forme de résilience de la forêt. La forêt est une mosaïque. À chaque fois qu’on a tenté de regrouper la propriété, on a obtenu des résultats mitigés. En tout cas, beaucoup trop de moyens et de temps ont été dépensés pour des opérations de remembrement qui, souvent, n’ont pas abouti ou pour un effet discutable. Cette fois, nous traitons la question sous l’angle d’une gestion en commun, de plans de gestion en commun, qu’il faudra peut-être faire évoluer.

II.   EXAMEN DE l’ARTICLE UNIQUE

La commission examine l’amendement CE1 de Mme Mathilde Panot.

Mme Mathilde Panot. Cet amendement, qui s’inspire d’une proposition du rapport de Mme Anne-Laure Cattelot, vise à conditionner l’accès aux données cadastrales à l’interdiction des coupes rases supérieures à 0,5 hectare, sauf en cas d’impasse sanitaire qui doit être attestée par le centre régional de la propriété forestière. On connaît les conséquences désastreuses de l’industrialisation de l’agriculture pour les écosystèmes et surtout pour les personnes qui y travaillent. Ne nous engageons pas dans ce chemin pour nos forêts. Hélas, les coupes rases, qui devraient être l’exception dans le cadre d’une bonne gestion de la forêt, sont souvent devenues la norme, en particulier dans le Morvan. Dans ce territoire très industrialisé, 50 % des forêts de feuillus ont été remplacées par des monocultures. Les coupes rases défigurent le paysage, des collines entières sont rasées. Les conséquences sont terribles pour les sols et l’eau. Une forêt bien gérée se régénère naturellement sans que l’on n’ait besoin de planter. Il est devenu nécessaire de réglementer les coupes rases. La France est très en retard dans ce domaine, par rapport à la Suisse, l’Autriche ou l’Allemagne.

M. Nicolas Turquois, rapporteur. Je salue votre constance, Madame Panot. Nous avons déjà eu l’occasion, d’ailleurs, d’exprimer nos désaccords. Pour ma part, il m’a semblé préférable de nous en tenir, au mot près, à ce qui avait été voté dans le cadre de la loi ASAP et adopté également au Sénat. La limite que vous proposez est trop faible : 0,5 hectare, c’est 70 mètres sur 70 mètres, pas plus. Entre les 25 hectares du plan de gestion et le demi-hectare que vous proposez, nous pouvons sans doute trouver un juste milieu. De toute manière, nous devrons y réfléchir car les coupes rases sont mal vécues par nos concitoyens, j’en sais quelque chose. Avis défavorable.

Mme Mathilde Panot. N’ayez pas peur, Monsieur le rapporteur. Vous pouvez aller plus loin et améliorer cette proposition. Plus sérieusement, si vous sous-amendez pour remplacer 0,5 par 2 hectares, je n’y verrai aucun inconvénient. C’est la limite imposée en Autriche, dans de nombreux Länder allemands. Quant à la Suisse, la réglementation y est encore plus stricte.

Vous saluez ma constance mais si je m’obstine dans ce combat, c’est parce qu’il n’aboutit pas. Remettre toujours à plus tard a des conséquences néfastes pour les forestiers et les forêts.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle en vient à l’amendement CE2 de Mme Mathilde Panot.

Mme Mathilde Panot. Il s’agit de conditionner l’accès aux données cadastrales à l’interdiction de convertir un peuplement de feuillus en une plantation monospécifique. La monoculture intensive de sapins de Douglas menace la forêt française en ce qu’elle présente toutes les caractéristiques de l’agriculture industrielle, en particulier les coupes rases. Les plantations monospécifiques sont moins résilientes aux aléas climatiques comme les tempêtes ou les attaques d’insectes, en particulier du scolyte. Les peuplements de feuillus, au contraire, sont plus résilients au changement climatique. Le sol forestier n’est pas très épais. Les machines de plusieurs tonnes qui roulent dessus le détruisent rapidement. Finalement, lorsque vous en êtes à la troisième replantation, puisque la forêt ne se régénère plus seule et que le sol est devenu trop pauvre, vous en venez à l’inonder de pesticides, ce qui est un comble en forêt ! Les forêts diversifiées sont les plus résilientes face au changement climatique, à la maladie. Elles respectent les écosystèmes et nous devons les protéger.

M. Nicolas Turquois, rapporteur. J’ai bien compris les risques que font courir à nos forêts les plantations monospécifiques mais ces politiques néfastes, initiées au sortir de la guerre, ne sont pas l’objet du texte. Je suis donc défavorable à cet amendement. Cela étant, signalons au passage que nous avons la chance d’avoir M. Julien Dive comme président de notre réunion, qui a présidé une mission d’information sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate. Le glyphosate a été interdit en agroforesterie.

J’ai bien conscience de tous les atouts de la forêt diversifiée. Je pourrais vous citer l’exemple de la culture du peuplier, que je connais bien. Elle ressemble à une culture industrielle mais les haies ou les ripisylves assurent la présence d’oiseaux et d’insectes qui éloigneront les pucerons lanigères, aussi appelés pucerons laineux, dont la prolifération finit par étouffer les peupliers.

Mme Mathilde Panot. Merci pour vos explications, Monsieur le rapporteur. Au moins ne vous contentez-vous pas de vous dire défavorable. Je relève cependant une contradiction : alors que vous êtes conscient des risques de cette pratique, vous refusez d’inscrire dans la loi les garde-fous que nous vous proposons. Or, s’ils n’y sont pas inscrits, autant dire qu’ils n’existent pas. L’accès aux cadastres dans ces conditions est dangereux et pourrait aggraver la mal-forestation dans notre pays.

M. Dominique Potier. Je partage les propos de Mme Panot sur les coupes rases, l’absence de réglementation, la nécessité de diversifier le peuplement. Ce sont des évidences et le retard que nous avons pris a de quoi nous laisser perplexes. C’est un vrai sujet qui pourrait faire l’objet d’une mission à la suite de celle confiée à Mme Cattelot par le Gouvernement. Cela étant, peut-être était-il déjà au programme de la mission de Mme Cattelot mais nous ne l’aurons pas assez entendue.

On a évoqué l’accès aux données cadastrales mais n’oublions pas un autre levier ; celui de la levée des frais notariés, qui pèsent lourdement sur les cessions et les capacités de réorganisation de parcelles. Pourquoi ne pas le conditionner à des plans de gestion durable qui garantissent l’absence de coupe rase et la diversification des plantations ?

L’agriculture, qui a subi de grands remembrements pour augmenter sa productivité, en revient à des mosaïques paysagères. L’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAe) a démontré qu’au-delà de 4 hectares, la résilience naturelle des écosystèmes diminuait et ne suffisait plus à combattre les prédateurs. La mosaïque paysagère ou le mélange d’espèces sur une même parcelle sont des moyens de résister naturellement. Il ne faudrait pas que la forêt, qui a conservé naturellement une certaine biodiversité, pâtisse de la même erreur que nous avons commise à l’égard de l’agriculture. Je soutiendrai, ne serait-ce que symboliquement, ces deux amendements, même s’ils ne trouvent pas forcément leur place dans ce texte.

M. Nicolas Turquois, rapporteur. Une nouvelle fois, je vous renvoie à cet outil très utile qu’est le plan de gestion. Certaines parcelles ont pu être oubliées par leur propriétaire. J’ai l’exemple, dans la commune voisine de la mienne, d’une parcelle recouverte d’un enchevêtrement de bois qui lui étaient tombés dessus. C’est une zone de marais, les coups de vent finissent par arracher les bois. On ne peut plus parler de gestion, ni même de diversité. Il n’empêche que les propriétaires peuvent vouloir participer à la remise en état de leur forêt parce qu’ils ont conservé un lien, sentimental ou historique, avec cette terre où se trouvent leurs racines. Il faut conserver cette possibilité.

Cela étant, je comprends vos appréhensions mais je ne suis pas suffisamment expert pour mesurer l’intérêt de fixer des seuils. Il faudra évaluer la portée de ces mesures. Disant cela, je ne repousse pas aux calendes grecques les décisions mais je pense que, dans le cadre d’un plan de gestion, avec des organismes agréés, nous pourrions réfléchir à des critères liés à la diversité ou aux coupes rases.

Quant aux actes notariés, des mesures avaient été prises, me semble-t-il sous la présidence de M. Nicolas Sarkozy, pour en limiter les tarifs. Résultat : les notaires rechignent à s’y mettre ! La loi impose en effet, en cas de vente d’une parcelle, d’identifier tous les propriétaires voisins pour leur proposer de la racheter à un prix préférentiel. Les notaires préfèrent largement gérer l’immobilier ou le foncier agricole plutôt que de rechercher des propriétaires pour leur proposer de racheter une parcelle qui vaut 500 euros. De mémoire, les droits étaient fixés à 90 euros. En tout cas, le coût des recherches est tel que l’opération n’est pas rentable pour eux. Il est donc arrivé que des acheteurs de parcelles attaquent des notaires en Poitou-Charentes parce qu’ils refusaient de pratiquer ce tarif.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle est saisie de l’amendement CE3 du rapporteur.

M. Nicolas Turquois, rapporteur. Il s’agit d’insérer, à l’alinéa 6, après le mot « décret », les termes « publié dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi ».

La commission adopte l’amendement.

 

Elle en vient à l’amendement CE4 du rapporteur.

M. Nicolas Turquois, rapporteur. Cet amendement vise à garantir le contrôle par la Commission nationale de l’informatique et des libertés du décret d’application de l’article unique de la présente loi.

La commission adopte l’amendement.

 

Elle adopte l’article unique de la proposition de loi, modifié.


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   liste des personnes auditionnÉes

Ministère de l’agriculture et de l’alimentation

M. Nicolas Mazières, conseiller politique, chargé des relations avec le Parlement

M. Benjamin Balique, conseiller forêt, agroécologie, biodiversité

Mme Alicia Botti, conseillère chargée des élus locaux

M. Jean-Marie Lejeune, direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises

Ministère de l’économie, des finances, et de la relance, direction générale des Finances publiques

M. François Rollo, sous-direction GF3 - bureau GF3A, adjoint au chef de bureau

Conseil national de l’expertise foncière agricole et forestière (CNEFAF)

M. Christophe Duhem, président

M. François Paliard, vice-président

M. Thibault Loncke, consultant senior Euralia *

Experts forestiers de France (EFF)

M. Sylvestre Coudert, président

Centre national de la propriété forestière (CNPF)

M. Antoine d’Amécourt, président

Mme Claire Hubert, directrice générale

Union de la coopération forestière française (UCFF) *

M. Bertrand Servois, président

M. Tammouz Eñaut Helou, secrétaire général

Programme de reconnaissance des certifications forestières (PEFC)

M. Paul-Emmanuel Huet, directeur exécutif

M. Soliman Chaouche, directeur de clientèle, agence proches *

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.


([1]) http://observatoire.franceboisforet.com/wp-content/uploads/2014/06/BAT17-Forestier.pdf

([2]) https://www.haute-savoie.gouv.fr/Politiques-publiques/La-Haute-Savoie/Nature/Observatoire-forestier/Morcellement-foncier-forestier

([3]) https://www.haute-savoie.gouv.fr/Politiques-publiques/La-Haute-Savoie/Nature/Observatoire-forestier/Morcellement-foncier-forestier

([4]) https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/article_jo/JORFARTI000029574269

([5]) https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000029595626/

([6]) https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000029595626/

([7]) https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/article_jo/JORFARTI000029574269

([8]) https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000038952514/

([9]) https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000031284012/

([10]) https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000025247165/

([11]) https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2020/2020807DC.htm