N° 3785

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 janvier 2021

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LA PROPOSITION DE LOI, APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, 

visant à réformer le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles,

(n° 3688)

PAR M. Stéphane BAUDU

Député

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 Voir le numéro : 3688

 


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SOMMAIRE

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Pages

introduction

PREMIÈRE PARTIE : AMÉLIORER LA TRANSPARENCE DE LA PROCÉDURE DE RECONNAISSANCE DE L’ÉTAT DE CATASTROPHE NATURELLE

I. LA PLACE CENTRALE DE L’ARRÊTÉ INTERMINISTÉRIEL DANS LE RÉGIME DE CATASTROPHE NATURELLE

A. LES CARACTÉRISTIQUES DE L’ARRÊTÉ INTERMINISTÉRIEL

B. LE CONSTAT PARTAGÉ D’UN BESOIN DE TRANSPARENCE QUANT AUX CRITÈRES ET AU CADRE D’ACTION DE LA COMMISSION INTERMINISTÉRIELLE DE RECONNAISSANCE DE L’ÉTAT DE CATASTROPHE NATURELLE

II. RÉPONDRE AU BESOIN D’INFORMATION ET DE MEILLEUR ACCÈS AUX RECOURS

A. ORGANISER UN MEILLEUR ACCÈS AUX DOCUMENTS ET PRÉCISER LES VOIES DE RECOURS POUR RÉPONDRE AU MANQUE DE TRANSPARENCE CONSTATÉ

1. L’accès aux documents

2. Une motivation systématique des décisions et une information sur les voies de recours

B. Instaurer un dÉlÉguÉ dÉpartemental, personne rÉfÉrente, et Mettre des supports de communication À la disposition de toutes les communes

1. Le nouveau délégué départemental

2. La généralisation de supports de communication

III. COMPLÉTER LE CADRE D’ACTION DE LA COMMISSION INTERMINISTÉRIELLE DANS UN SOUCI DE TRANSPARENCE

A. CONSOLIDER LA COMPOSITION ET LE CADRE D’ACTION DE LA COMMISSION INTERMINISTÉRIELLE DE RECONNAISSANCE DE L’ÉTAT DE CATASTROPHE NATURELLE, ACTEUR CENTRAL DU DISPOSITIF

B. LA NÉCESSITÉ DE FAIRE ÉVALUER LES CRITÈRES PAR UNE INSTANCE CONSULTATIVE

DEUXIÈME PARTIE : SÉCURISER ET SIMPLIFIER LES PROCÉDURES POUR LES USAGERS ET PRÉPARER L’AVENIR

I. AJUSTER LES DÉLAIS DE LA PROCÉDURE ET LE CADRE DES INDEMNISATIONS, UNE DEMANDE CONSTANTE DE LA PART DES SINISTRÉS ET DES COMMUNES

A. ALLONGER LES DÉLAIS POUR LES COMMUNES ET POUR LES SINISTRÉS

1. Dans les cas de sécheresse-réhydratation des sols, porter de dix-huit à vingt-quatre mois le délai de la demande de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle

2. Pour les sinistrés, le délai de déclaration actuel est inadapté, eu égard aux caractéristiques de la procédure

B. PRENDRE EN CHARGE LES FRAIS DE RELOGEMENT D’URGENCE

1. Le non-remboursement des frais de relogement d’urgence, une faille du système actuel de catastrophes naturelles

2. D’autres dépenses à inclure à l’avenir ?

C. AGIR SUR LE DÉLAI DE VERSEMENT DE L’INDEMNITÉ ET LES FRANCHISES

1. Supprimer la modulation des franchises

a. Le système actuel de modulation des franchises en fonction de l’existence ou non d’un plan de prévention des risques naturels est vécu comme une injustice

b. Aligner vers le bas les franchises modulées selon les risques en supprimant la « surfranchise » sur le risque « sécheresse-réhydratation des sols » ?

2. Diminuer le délai de versement de l’indemnisation

a. Sécuriser les droits des sinistrés en abaissant le délai de trois à deux mois

b. S’interroger plus généralement sur les possibilités de sanction et les moyens de contrôle de l’usage de l’indemnisation – un parallèle avec la procédure « dommages ouvrage »

II. RÉPARER DE FAÇON DURABLE AFIN D’ÉVITER UNE RÉSURGENCE DES DOMMAGES

A. LE CARACTÈRE CENTRAL DE LA PROBLÉMATIQUE DE LA SÉCHERESSE-RÉHYDRATATION DES SOLS

1. Les zones à risque du territoire national et la part croissante des sinistres de type sécheresse-réhydratation des sols

2. Les difficultés propres au risque de sécheresse-réhydratation des sols pour le régime de catastrophes naturelles

a. Le caractère évolutif des dommages

b. L’identification du facteur déterminant du dommage

3. Le dispositif ELAN pour certaines constructions nouvelles

B. GARANTIR UNE RÉPARATION QUALITATIVE DES DOMMAGES

1. Des indemnisations inégales et une fréquence des sinistres de deuxième génération en hausse

2. Garantir une réparation évitant des dommages à l’avenir

a. Réparer de manière durable pour éviter des dépenses assurantielles liées à un nouveau désordre…

b. …dans le respect du principe indemnitaire du droit des assurances

C. RÉFLÉCHIR À DES OUTILS TECHNIQUES ET INCITATIFS

1. Le rapport demandé à l’article 7 et la mission d’inspection en cours

2. Sortir les phénomènes de sécheresse-réhydratation des sols du régime des catastrophes naturelles et mobiliser des outils de rénovation de l’habitat ?

TRAVAUX DE LA COMMISSION

DISCUSSION GÉNÉRALE

EXAMEN DES ARTICLES

TITRE IER Faciliter les dÉmarches de reconnaissance de l’État de catastrophe naturelle et renforcer la transparence des dÉcisions

Article 1er [article L. 125-1 du code des assurances] Renforcement de la transparence de la procédure de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle

Article 2 [article L. 125-1-2 (nouveau) du code des assurances] Instauration d’un délégué départemental à la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle et création de supports de communication présentant la procédure

TITRE II SÉcuriser l’indemnisation et la prise en charge des sinistrÉs

Article 3 [article L. 125-2 du code des assurances] Interdiction de la modulation de franchise dans les communes non dotées d’un plan de prévention des risques naturels prévisibles

Article 4 [article L. 125-1-1 (nouveau) du code des assurances] Création de la Commission nationale consultative des catastrophes naturelles et inscription dans la loi de la Commission interministérielle de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle

Article 5 [articles L. 125-1 et L. 125-2 du code des assurances] Réduction du délai de publication de l’arrêté constatant l’état de catastrophe naturelle. Indemnisations devant permettre un arrêt des désordres existants. Extension du délai de déclaration du sinistre à l’assureur

Article 6 [article L.125-4 du code des assurances] Prise en charge des frais de relogement d’urgence des personnes sinistrées dont la résidence principale est insalubre ou présente un danger pour la sécurité des occupants

Titre III TRAITER LES SPÉCIFICITÉS DU RISQUE SÉCHERESSE-RÉHYDRATATION DES SOLS EN MATIÈRE D’INDEMNISATION ET DE PRÉVENTION

Article 7 Remise au Parlement d’un rapport sur les actions de prévention à mener au regard des spécificités du risque « sécheresse-réhydratation des sols »

Article 8 [article L. 125-1 du code des assurances] Extension du délai de dépôt d’une demande de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle jusqu’à 24 mois après sa survenance en cas de sécheresse

Article 9 Compensation de la charge pour l’État

PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR ET CONTRIBUTIONS ÉCRITES

 


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   introduction

Créé par la loi du 13 juillet 1982 relative à l'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles, le régime français d’indemnisation des dommages causés par les catastrophes naturelles, ou « régime CatNat », présente une double spécificité :

– il fournit à toute personne couverte par un contrat multirisque habitation une garantie contre ces risques dits « non assurables » ;

– il donne un rôle central la Caisse centrale de réassurance, société détenue à 100 % par l’État, qui intervient comme assureur en dernier ressort et qui bénéficie, pour le risque catastrophes naturelles, de la garantie illimitée de l’État.

Près de quarante ans après sa création, ce régime doit faire face à une situation nouvelle de crise climatique qui conduit à s’interroger sur sa soutenabilité. Les phénomènes naturels d’une intensité anormale se multiplient. Certains dommages, comme ceux causés aux bâtiments par la sécheresse-réhydratation des sols, concernent désormais la majeure partie du territoire.

De plus, les communes, qui ont la responsabilité de déposer les demandes de reconnaissance de catastrophe naturelle, et les personnes sinistrées dénoncent depuis de nombreuses années tant le caractère opaque de la procédure et du fonctionnement de la commission interministérielle chargée d’étudier les demandes que le caractère inadapté de certains points de la procédure et des obligations pesant sur les assurances. Il en résulte un sentiment d’injustice exprimé dans les nombreux témoignages recueillis par votre rapporteur.

Devant ce constat, votre rapporteur juge prioritaire de proposer des améliorations répondant à une exigence de transparence. Il n’est pas concevable que, sur des questions aussi graves que des atteintes au patrimoine des personnes pouvant atteindre plusieurs centaines de milliers d’euros, les sinistrés ne puissent bénéficier d’une procédure transparente menée par des acteurs dont la légitimité n’est pas mise en doute. Ils doivent pouvoir suivre les différentes étapes de la procédure de manière éclairée.

Tel est l’objet :

– à l’article 2, de la création du délégué départemental à la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, dont le rôle sera d’informer, de conseiller, d’accompagner et de coordonner les actions locales ;

– à l’article 4, de l’inscription dans la loi de la Commission interministérielle de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, dont la légitimité sera renforcée par la création d’une Commission nationale consultative des catastrophes naturelles, chargée de rendre des avis annuels sur la pertinence des critères appliqués.

La procédure de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, tout comme celle de l’indemnisation, est souvent longue et semée d’embûches : votre rapporteur constate également une forte demande de sécurisation en la matière.

Afin d’adapter le dispositif à des situations où le dommage n’apparaît que longtemps après l’événement qui en est la cause, la proposition de loi tend à allonger certains délais dans les procédures déclaratives. Elle fait ainsi passer de dix-huit à vingt-quatre mois après la survenance de l’événement le délai de dépôt par les communes d’un dossier de reconnaissance (article 8). Elle permet aussi aux personnes sinistrées de déclarer leur sinistre non plus sous dix mais sous trente jours (article 5). Elle intègre aux montants pris en compte dans le calcul de l’indemnisation les frais d’hébergement d’urgence (article 6).

Un des grands défis de la nouvelle donne climatique est de proposer des solutions de réparation et de constructions résilientes, adaptées au caractère fréquent de ces épisodes. Votre rapporteur considère que le sujet est prioritaire. Il a notamment été saisi de nombreux témoignages regrettant le caractère inefficient, en particulier dans le cas des phénomènes de sécheresse-réhydratation, des opérations de réparation financées par les assureurs. L’article 5 de la proposition de loi vise ainsi à créer une obligation pour les compagnies d’assurances de financer des travaux de nature à permettre un arrêt complet et total des dommages, dans les limites du montant de la valeur de la chose assurée au moment du sinistre. Conscient des limites normatives de cette formulation, le rapporteur proposera, au cours des prochaines étapes de la discussion, une formulation alternative.

S’agissant du phénomène spécifique de sécheresse-réhydratation des sols, l’incapacité chronique à prendre en charge, via le régime CatNat, tous les cas de sinistres, pose la question de la mise en œuvre d’un régime spécifique. De manière générale, les enjeux d’adaptation de l’habitat dépassent le seul régime CatNat. Il est donc nécessaire de mieux travailler la prévention. Ce n’est pas l’objet de cette proposition de loi, mais votre rapporteur fait le constat qu’un débat relatif à la modernisation du Fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM) – le « fonds Barnier », dont les crédits relèvent directement du budget de l’État à compter de la loi de finances pour 2021 – devra avoir lieu. Tel est l’objet de l’article 7 du présent texte, qui prévoit la remise au Parlement d’un rapport sur les moyens d’un renforcement du bâti existant contre les dommages causés par le retrait-gonflement des argiles.

Plusieurs travaux ont précédé et inspiré l’élaboration de la présente proposition de loi.

En juillet 2019, une mission d’information du Sénat, rapportée par Mme Nicole Bonnefoy, a publié un important rapport sur la gestion des risques climatiques et l’évolution de nos régimes d’indemnisation ([1]).

De ce rapport a découlé une proposition de loi ([2]) de Mme Nicole Bonnefoy, adoptée à une large majorité par le Sénat en janvier 2020 après avoir été substantiellement amendée. Le texte, transmis à l’Assemblée nationale le 16 janvier 2020, n’a pas été inscrit à l’ordre du jour de notre assemblée. Il convient de souligner que, par rapport au présent texte, la proposition de loi de Mme Bonnefoy traite du sujet des catastrophes naturelles sous un angle très différent puisqu’elle vise en premier lieu à réformer la gouvernance du fonds Barnier et les financements qu’il permet.

À l’inverse, la présente proposition de loi était initialement ciblée sur la sécheresse. Elle a été élargie à l’ensemble du dispositif CatNat au fil des concertations avec les acteurs et avec le Gouvernement. Ce dernier a du reste engagé la procédure accélérée, ce qui permettra à ce texte de produire rapidement des effets tangibles pour les assurés. Une amélioration du régime était attendue par tous les acteurs, y compris les assureurs qui étaient demandeurs de mesures de nature à améliorer les relations avec leurs assurés et à diminuer un contentieux en constante augmentation.

Il convient enfin de saluer l’action de M. Vincent Ledoux, qui conduit un groupe informel de parlementaires mobilisés sur le sujet de la sécheresse-réhydratation des sols et mène dans ce cadre des auditions et des réflexions très utiles. C’est notamment sur ses instances que le Gouvernement, en décembre 2020, a demandé à l’inspection générale des finances, à l’inspection générale de l’administration et au commissariat général au développement durable de lui remettre un rapport sur la gestion des dommages liés au retrait-gonflement des argiles sur le bâti existant. Les conclusions de cette mission seront très probablement connues avant la fin des travaux sur la présente proposition de loi, ce qui permettra au Parlement d’en tirer les enseignements dans le texte final.

 


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   PREMIÈRE PARTIE : AMÉLIORER LA TRANSPARENCE DE LA PROCÉDURE DE RECONNAISSANCE DE L’ÉTAT DE CATASTROPHE NATURELLE

I.   LA PLACE CENTRALE DE L’ARRÊTÉ INTERMINISTÉRIEL DANS LE RÉGIME DE CATASTROPHE NATURELLE

A.   LES CARACTÉRISTIQUES DE L’ARRÊTÉ INTERMINISTÉRIEL

La mise en jeu de la garantie est subordonnée à un arrêté interministériel reconnaissant l’état de catastrophe naturelle ([3]). Cet arrêté, pris après avis de la Commission interministérielle, fixe les zones géographiques, la période pour laquelle la catastrophe est reconnue et la nature des dommages couverts par la garantie. L’arrêté ouvre droit à une indemnisation au titre des contrats d’assurance dommages. Cet arrêté dresse également la liste les communes ou zones spécifiques où l’état de catastrophe naturelle n’est pas reconnu.

Pour mettre en œuvre la procédure, il revient aux maires de déposer une demande auprès des services préfectoraux, transmise au ministère de l’intérieur (direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises). Cette procédure peut être effectuée depuis 2019 de manière dématérialisée (plateforme iCatNat).

Le préfet du département notifie la décision interministérielle, assortie d’une motivation, aux communes concernées, lesquelles ont la responsabilité d’informer les habitants. Cette motivation est prévue à l’article L. 125-1 du code des assurances. Dans la pratique, elle est souvent absente ou lapidaire.

B.   LE CONSTAT PARTAGÉ D’UN BESOIN DE TRANSPARENCE QUANT AUX CRITÈRES ET AU CADRE D’ACTION DE LA COMMISSION INTERMINISTÉRIELLE DE RECONNAISSANCE DE L’ÉTAT DE CATASTROPHE NATURELLE

Les témoignages reçus par votre rapporteur confirment le constat posé par la mission d’information du Sénat sur la gestion des risques climatiques et l’évolution de nos régimes d’indemnisation : cette procédure est actuellement mal comprise, opaque et soupçonnée de partialité.

1.   Un cadre défini uniquement par voie de circulaires

La loi du 13 juillet 1982 ne renvoyant pas à des décrets, la détermination des critères s’est faite progressivement par voie de circulaires ([4]). C’est une des raisons pour lesquelles, comme l’a signalé la mission d’information du Sénat, « le périmètre des événements naturels relevant de la garantie CatNat se caractérise par son instabilité et sa complexité ».

Les associations de personnes sinistrées, entendues par votre rapporteur, ainsi que l’Association des maires de France et l’Association des maires des communes rurales lui ont confirmé :

– l’inégale information des personnes touchées par un sinistre relevant d’une catastrophe naturelle de leurs droits et des caractéristiques de la procédure, qui n’est pas non plus maîtrisée par toutes les communes ;

– la méfiance et l’incompréhension que suscitent les réponses défavorables aux demandes des communes, à la fois quant à la typologie des aléas naturels relevant de la garantie CatNat, aux critères et aux études utilisés ou au mode de fonctionnement, jugé opaque, de la Commission interministérielle.

Le titre Ier de la présente proposition de loi vise à améliorer l’information qui doit accompagner de cette procédure.

2.   La progression du nombre de recours gracieux et contentieux, symptômes des dysfonctionnements du système

Ainsi que l’indique la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) du ministère de l’intérieur, 80 à 90 % des recours gracieux et contentieux concernent les décisions adoptées en matière de sécheresse-réhydratation des sols.

Recours gracieux et interventions traitÉes par la DGSCGC

 

Nombre de recours traités

Dont recours relatifs à la sécheresse

Proportion des recours relatifs à la sécheresse

2020

359

310

86 %

2019

649

528

81 %

2018

223

178

80 %

Source : Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises.

II.   RÉPONDRE AU BESOIN D’INFORMATION ET DE MEILLEUR ACCÈS AUX RECOURS

A.   ORGANISER UN MEILLEUR ACCÈS AUX DOCUMENTS ET PRÉCISER LES VOIES DE RECOURS POUR RÉPONDRE AU MANQUE DE TRANSPARENCE CONSTATÉ

1.   L’accès aux documents

La communication des rapports d’expertise utilisés par la Commission interministérielle pour rendre son avis est une demande constante des associations de sinistrés. Ces documents ne sont à l’heure actuelle pas communiqués.

Pour renforcer la transparence, dans un objectif de meilleure compréhension de la part des communes et des personnes sinistrées, l’article 1er de la proposition de loi modifie l’article L. 125-1 du code des assurances afin d’intégrer à l’arrêté interministériel ultérieurement notifié aux communes la procédure à suivre pour demander la communication de ces rapports.

Votre rapporteur émet le souhait qu’à terme, les dispositions réglementaires permettent au public d’accéder librement à l’intégralité des données d’expertise en la matière (open data).

2.   Une motivation systématique des décisions et une information sur les voies de recours

Le même article 1er de la proposition de loi prévoit, à l’article L. 125-1 du code des assurances, que la motivation de la décision intervient au stade de l’arrêté ministériel et non plus à celui de la notification aux communes.

La proposition de loi complète ce même article en rappelant la possibilité pour les communes de former un recours gracieux dans les conditions prévues à l’article L. 411-2 du code des relations entre le public et l’administration. Un amendement adopté par la commission des finances (CF66) élargit la formulation en incluant les personnes sinistrées.

B.   Instaurer un dÉlÉguÉ dÉpartemental, personne rÉfÉrente, et Mettre des supports de communication À la disposition de toutes les communes

1.   Le nouveau délégué départemental

Il existe une grande attente en matière d’information, tant de la part des communes que de la part des personnes touchées par un sinistre relevant d’une catastrophe naturelle. La procédure est complexe et le manque de transparence nuit à sa compréhension, du dépôt du dossier par la commune à la publication de l’arrêté interministériel.

C’est la raison pour laquelle l’article 2 de la présente proposition de loi crée un délégué à la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle dans chaque département, en insérant un nouvel article L. 125-1-2 dans le code des assurances. Auprès du préfet, le délégué accompagnera les communes dans leurs démarches de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle (information sur les démarches, constitution du dossier). De manière plus générale, sa mission sera également de promouvoir une meilleure information des communes et des habitants. Le délégué départemental sera également chargé de communiquer les rapports d’expertise, dans des conditions fixées par décret.

Pour votre rapporteur, installer le délégué départemental auprès du préfet s’inscrit en cohérence avec le rôle de coordination des services déconcentrés de l’État entre les communes et les administrations centrales dans la procédure, qu’il s’agisse de transmettre les demandes des maires aux administrations ou de leur notifier les décisions interministérielles.

2.   La généralisation de supports de communication

Si des informations relatives à la procédure de déclaration de catastrophe naturelle existent déjà, qu’elles soient disponibles sur le site internet des services déconcentrés de l’État, sur le site du ministère de l’intérieur ou sur celui de la Caisse centrale de réassurance, il convient de généraliser des supports d’information à destination de l’ensemble de la population.

La présente proposition de loi confie ainsi à l’État la diffusion, auprès des communes, de supports de communication présentant la procédure de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle. L’échelon communal, le plus proche du citoyen, est le meilleur niveau pour la diffusion de ces informations, d’autant que c’est la commune qui a l’initiative du déclenchement de la procédure.

III.   COMPLÉTER LE CADRE D’ACTION DE LA COMMISSION INTERMINISTÉRIELLE DANS UN SOUCI DE TRANSPARENCE

A.   CONSOLIDER LA COMPOSITION ET LE CADRE D’ACTION DE LA COMMISSION INTERMINISTÉRIELLE DE RECONNAISSANCE DE L’ÉTAT DE CATASTROPHE NATURELLE, ACTEUR CENTRAL DU DISPOSITIF

Créée par la circulaire n° 84-90 du 27 mars 1984 relative à l’indemnisation des victimes de catastrophes naturelles ([5]), la Commission interministérielle instruit les dossiers de demande de reconnaissance de catastrophe naturelle et se réunit en moyenne une fois par mois. Elle vérifie si les critères relatifs à l’origine naturelle et à l’intensité anormale du phénomène sont vérifiés et rend un avis simple. Elle demande le cas échéant des rapports d’expertise complémentaires.

Les avis sont transmis aux ministres compétents (budget, économie et finances, intérieur et le cas échéant outre-mer) qui peuvent ne pas le suivre. La jurisprudence du Conseil d’État consacre la possibilité pour les ministres concernés, même en l’absence de dispositions législatives ou réglementaires le prévoyant, de s’entourer des avis qu’ils estiment utiles, en rappelant le caractère simple de l’avis de la Commission interministérielle. L’avis « n’a pour mission que d’éclairer les ministres sur l’application à chaque commune des méthodologies et paramètres scientifiques permettant de caractériser les phénomènes naturels en cause » ([6]).

Votre rapporteur estime urgent de donner à la Commission interministérielle un cadre législatif et réglementaire, eu égard à son rôle dans le dispositif, de clarifier son cadre de travail et d’élargir sa composition tout en maintenant son caractère purement technique. C’est l’objet de l’article 4 de cette proposition de loi.

B.   LA NÉCESSITÉ DE FAIRE ÉVALUER LES CRITÈRES PAR UNE INSTANCE CONSULTATIVE

En l’absence de loi ou de décret fixant le mode de définition du caractère « anormal » de l’aléa naturel, des circulaires produites par l’administration ont défini des critères et des seuils.

Beaucoup de ces critères, appliqués par la Commission interministérielle pour instruire les dossiers, provoquent l’incompréhension des communes et des sinistrés.

C’est le cas du système de maillage territorial par Météo-France, sous la forme de « carreaux » de 8 km de côté, qui tend parfois à exclure une partie de la commune concernée. Le contexte de progression des épisodes de sécheresse-réhydratation des sols et la hausse sensible des demandes communales à partir de 2017 ont motivé une révision des critères utilisés par la Commission interministérielle pour tenir compte des derniers progrès de la modélisation hydrométéorologique de Météo-France. Pour la direction générale de la sécurité civile, l’objectif suivi était d’augmenter la transparence et la lisibilité des critères. Les nouveaux critères ont fait l’objet en mai 2019 d’une circulaire de cadrage transmise aux préfets.

Les tableaux ci-dessous retracent les avis de la Commission interministérielle sur les dossiers « sécheresse » de 2018 à 2020.

Total du nombre de dossiers SÉCHeresse instruits par année de survenance

 

Total

%

Avis favorables

%

Avis défavorables

%

Année 2017

3 022

100 %

2 081

68,9 %

941

31,1 %

Année 2018

5 821

100 %

4 075

70,0 %

1 746

30,0 %

Année 2019

6 094

100 %

2 800

45,9 %

3 294

54,1 %

Source : Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises.

Total du nombre de dossiers SÉCHeresse instruits par année de traitement

 

Total

Avis favorables

Avis défavorables

Année 2020

6 238

2 947

3 291

Année 2021

5 793

4 056

1 737

Année 2022

3 155

2 227

928

Source : Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises.

Au regard de l’augmentation considérable du nombre de dossiers, des variations des taux de réponses positives et négatives, mais aussi du nombre de recours, il apparaît nécessaire, dans un objectif de clarté et de meilleure information, de prévoir qu’un organe distinct de la Commission interministérielle évalue les critères utilisés et propose des évolutions.

La présente proposition de loi instaure, en son article 4, une Commission nationale consultative des catastrophes naturelles dont le rôle sera de publier un avis annuel sur la pertinence des critères appliqués pour la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle. Le texte adopté par la commission des finances prévoit qu’elle comprendra quatre titulaires de mandats locaux ainsi qu’un sénateur et un député. Son fonctionnement et le reste de sa composition sont renvoyés à un décret.

Avant de proposer la création de ce nouvel organe, votre rapporteur s’est interrogé sur l’opportunité de confier cette mission au Conseil d’orientation pour la prévention des risques naturels majeurs ([7]) (COPRNM). Il s’avère toutefois que le périmètre d’action du COPRNM diffère des missions devant être confiées à la future Commission nationale consultative des catastrophes naturelles. Pour autant, il conviendra de prévoir, par voie réglementaire, une transmission systématique des avis de la Commission nationale consultative au Conseil d’orientation. La nécessité de s’adapter constamment à l’évolution des aléas doit conduire à renforcer le lien entre politique de prévention et politique d’indemnisation. La ligne de crête entre préventif et curatif doit être régulièrement interrogée, notamment afin d’améliorer l’efficience des mesures financières.

 


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   DEUXIÈME PARTIE : SÉCURISER ET SIMPLIFIER LES PROCÉDURES POUR LES USAGERS ET PRÉPARER L’AVENIR

Au-delà du renforcement de la transparence et de l’accès à l’information, la présente proposition de loi améliore la procédure elle-même et les conditions de prise en charge et d’indemnisation des sinistres. Elle vise également à inclure explicitement, dans le champ de la réparation des bien garantis, les travaux d’amélioration de la résistance du bâti aux éventuelles réitérations du désordre, en particulier dans le cas des dommages causés aux bâtiments par la sécheresse-réhydratation des sols

I.   AJUSTER LES DÉLAIS DE LA PROCÉDURE ET LE CADRE DES INDEMNISATIONS, UNE DEMANDE CONSTANTE DE LA PART DES SINISTRÉS ET DES COMMUNES

A.   ALLONGER LES DÉLAIS POUR LES COMMUNES ET POUR LES SINISTRÉS

Compte tenu de la spécificité de certains des phénomènes entrant dans le champ des catastrophes naturelles, de la lenteur avec laquelle certains dommages peuvent se manifester, mais aussi du rôle déterminant du décret de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle dans la procédure d’indemnisation, le présent texte prévoit l’allongement de deux délais légaux afin de ne pas pénaliser les communes et les personnes sinistrées.

1.   Dans les cas de sécheresse-réhydratation des sols, porter de dix-huit à vingt-quatre mois le délai de la demande de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle

Aux termes de l’article L. 125-1 du code des assurances, toute demande de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle doit intervenir au plus tard dix-huit mois après le début de l’événement naturel considéré. Ce délai s’applique sans différence à tous les types d’aléas naturels.

Il est proposé, à l’article 8 du présent texte, de porter cette durée à vingt-quatre mois dans les cas de sécheresse-réhydratation des sols. Cet allongement du délai tire les conséquences de la spécificité de ce risque : contrairement à d’autres épisodes climatiques, telles les inondations, les effets de la sécheresse conjugués à l’hydratation des sols ne se manifestent le plus souvent que plusieurs mois après. Cela justifie, pour garantir aux communes le caractère effectif de l’exercice de ce droit, de prévoir un délai plus long.

2.   Pour les sinistrés, le délai de déclaration actuel est inadapté, eu égard aux caractéristiques de la procédure

Le délai actuel de déclaration du sinistre est fixé à l’annexe I de l’article A. 125-1 du code des assurances : « L’assuré doit déclarer à l’assureur ou à son représentant local tout sinistre susceptible de faire jouer la garantie dès qu’il en a connaissance et au plus tard dans les dix jours suivant la publication de l’arrêté interministériel constatant l’état de catastrophe naturelle. »

Étant donné que la notification est adressée par les services préfectoraux aux communes et qu’il incombe ensuite à ces dernières d’informer les habitants, le temps effectif dont les sinistrés disposent pour déposer leur demande peut se révéler très limité. Il serait donc souhaitable d’inscrire ce délai dans la loi en le portant de dix à trente jours.

B.   PRENDRE EN CHARGE LES FRAIS DE RELOGEMENT D’URGENCE

1.   Le non-remboursement des frais de relogement d’urgence, une faille du système actuel de catastrophes naturelles

Lorsque la catastrophe naturelle rend la construction inhabitable ou insalubre, les personnes sinistrées subissent en quelque sorte une « double peine » dans la mesure où elles doivent également faire face aux dépenses de relogement.

La couverture des frais de relogement d’urgence est incluse par certaines compagnies d’assurances dans les contrats multirisques habitation qu’elles proposent, mais ces frais ne sont pas considérés comme des « dommages directs » pris en charge par la garantie CatNat.

Le dispositif proposé à l’article 6 intègre cette prise en charge à l’article L. 125-4 du code des assurances, lequel prévoit déjà un dispositif dérogatoire pour « le remboursement du coût des études géotechniques rendues préalablement nécessaires pour la remise en état des constructions affectées par les effets d’une catastrophe naturelle ».

2.   D’autres dépenses à inclure à l’avenir ?

Votre rapporteur s’interroge sur la possibilité de compléter le dispositif de l’article L. 125-4 du code des assurances en l’élargissant à d’autres dépenses qui pèsent de manière fortement contrainte sur le budget personnel des sinistrés alors que l’absence de leur prise en charge, dans le silence des textes, peut créer des situations dramatiques, nuisant parfois à la capacité des sinistrés de défendre leurs intérêts.

Il s’agirait par exemple :

– pour ce qui est du phénomène de sécheresse-réhydratation des sols, de la généralisation des études géotechniques ;

– de manière plus générale, de dépenses diversement prises en charge par les contrats et pourtant indispensables, telles que les mesures conservatoires ou les frais de déménagement ou de garde-meuble (cas d’une habitation inhabitable pendant les travaux).

C.   AGIR SUR LE DÉLAI DE VERSEMENT DE L’INDEMNITÉ ET LES FRANCHISES

La présente proposition de loi tend à modifier l’article L. 125-2 du code des assurances en disposant, en son article 3, que les éventuelles franchises ne peuvent être modulées en fonction de l’existence ou non d’un plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPRN) et en raccourcissant, en son article 5, le délai de versement de l’indemnisation due par l’assureur.

1.   Supprimer la modulation des franchises

a.   Le système actuel de modulation des franchises en fonction de l’existence ou non d’un plan de prévention des risques naturels est vécu comme une injustice

Le mécanisme actuel soumet le calcul de la franchise à la vérification de l’existence ou non, sur la commune, de l’existence d’un plan de prévention des risques naturels prévisibles. Pour les communes qui n’en sont pas dotées, un calcul est opéré au regard du nombre de constatations de l’état de catastrophe naturelle intervenues pour un même risque au cours des cinq années précédant la date de la nouvelle constatation. En cas de sinistres répétés, les conditions de calcul sont particulièrement défavorables à l’assuré. La franchise est ainsi doublée s’il s’agit du troisième arrêté, triplée s’il s’agit du quatrième arrêté, quadruplée pour le cinquième arrêté et les suivants (annexe I de l’article A. 125-1).

L’objectif de ce dispositif était d’inciter fortement les communes soumises à des aléas répétés à se doter d’un PPRN.

Pour autant, le mode de calcul actuel est vécu par les sinistrés comme particulièrement injuste, l’existence ou non d’un PPRN ne relevant évidemment pas de leur responsabilité. C’est la raison pour laquelle l’article 3 propose de supprimer cette disposition. Il excepte toutefois de cette suppression les biens des collectivités pour lesquelles un PPRN a été prescrit mais non approuvé dans les délais réglementaires. Dans ce cas de figure en effet, le caractère incitatif de la modulation peut se justifier.

b.   Aligner vers le bas les franchises modulées selon les risques en supprimant la « surfranchise » sur le risque « sécheresse-réhydratation des sols » ?

La franchise à la charge des assurés, pour les biens à usage d’habitation et non professionnels est de 380 euros, sauf pour les dommages de sécheresse ou de réhydratation des sols : elle s’élève dans ce cas à 1 520 euros. Ces franchises sont codifiées à l’annexe I de l’article A. 125-1 du code des assurances.

Comme dans le cas de la modulation de franchise en fonction de l’existence ou non d’un PPRN, cette différence est perçue comme inéquitable par les assurés. Votre rapporteur serait donc favorable à ce que, à l’initiative du Gouvernement ([8]), la franchise de 1 520 euros fixée à l’annexe I de l’article susmentionné soit ramenée à 380 euros.

2.   Diminuer le délai de versement de l’indemnisation

a.   Sécuriser les droits des sinistrés en abaissant le délai de trois à deux mois

Aux termes de l’article L. 125-2 du code des assurances, le versement des indemnisations dues par l’assureur doit intervenir au plus tard trois mois à compter de la date de remise de l’état estimatif des biens endommagés ou des pertes subies, sauf dispositions contractuelles plus favorables, ou de la date de publication, lorsque celle-ci est postérieure, de la décision administrative constatant l’état de catastrophe naturelle.

L’intention des auteurs de la proposition de loi et de votre rapporteur est de diminuer ce délai de trois à deux mois dans un souci de sécurisation des droits des assurés.

b.   S’interroger plus généralement sur les possibilités de sanction et les moyens de contrôle de l’usage de l’indemnisation – un parallèle avec la procédure « dommages ouvrage »

Il a cependant été constaté ([9]) que le versement de l’indemnité intervient souvent au-delà des trois mois, et que ce retard vient s’ajouter à des lenteurs parfois intolérables dans le traitement des dossiers par les assureurs.

Il peut certes arriver que les compagnies d’assurances se trouvent confrontées à des impondérables : envoi d’experts retardé par l’ampleur de la catastrophe naturelle, trop faible nombre d’entreprises en mesure de fournir des devis, etc. Il faut également compter avec le fait qu’un refus par l’assuré de la proposition d’indemnisation se traduit par un allongement de la procédure. Pour autant, l’assuré se trouve trop souvent démuni devant les délais que l’assureur lui impose à chaque étape du traitement du dossier.

Il conviendra donc de s’interroger sur l’opportunité de mieux encadrer dans le temps chacune de ces étapes, et d’assortir de sanctions réellement dissuasives le délai de deux mois fixé pour le versement des indemnisations.

Une possibilité serait de s’inspirer des dispositions relatives à l’assurance de dommages obligatoire (ou assurance « dommages ouvrage ») définies aux troisième à septième alinéas de l’article L. 242-1 du code des assurances :

« L’assureur a un délai maximal de soixante jours, courant à compter de la réception de la déclaration du sinistre, pour notifier à l’assuré sa décision quant au principe de la mise en jeu des garanties prévues au contrat.

« Lorsqu’il accepte la mise en jeu des garanties prévues au contrat, l’assureur présente, dans un délai maximal de quatre-vingt-dix jours, courant à compter de la réception de la déclaration du sinistre, une offre d’indemnité, revêtant le cas échéant un caractère provisionnel et destinée au paiement des travaux de réparation des dommages. En cas d’acceptation, par l’assuré, de l’offre qui lui a été faite, le règlement de l’indemnité par l’assureur intervient dans un délai de quinze jours.

« Lorsque l’assureur ne respecte pas l’un des délais prévus aux deux alinéas ci-dessus ou propose une offre d’indemnité manifestement insuffisante, l’assuré peut, après l’avoir notifié à l’assureur, engager les dépenses nécessaires à la réparation des dommages. L’indemnité versée par l’assureur est alors majorée de plein droit d’un intérêt égal au double du taux de l’intérêt légal.

« Dans les cas de difficultés exceptionnelles dues à la nature ou à l’importance du sinistre, l’assureur peut, en même temps qu’il notifie son accord sur le principe de la mise en jeu de la garantie, proposer à l’assuré la fixation d’un délai supplémentaire pour l’établissement de son offre d’indemnité. La proposition doit se fonder exclusivement sur des considérations d’ordre technique et être motivée.

« Le délai supplémentaire prévu à l’alinéa qui précède est subordonné à l’acceptation expresse de l’assuré et ne peut excéder cent trente-cinq jours. »

II.   RÉPARER DE FAÇON DURABLE AFIN D’ÉVITER UNE RÉSURGENCE DES DOMMAGES

A.   LE CARACTÈRE CENTRAL DE LA PROBLÉMATIQUE DE LA SÉCHERESSE-RÉHYDRATATION DES SOLS

Le régime français d’indemnisation des catastrophes naturelles affronte depuis plusieurs années des défis importants, inconnus du législateur en 1982, tels les phénomènes de sécheresse-réhydratation des sols : la succession de périodes de sécheresse et d’épisodes pluvieux génère, sur des sols argileux, des mouvements de terrain auxquels les fondations légères ne sont pas en mesure de résister.

1.   Les zones à risque du territoire national et la part croissante des sinistres de type sécheresse-réhydratation des sols

D’après les éléments cartographiques du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) et du site internet « Géorisques » du ministère de la transition écologique, et selon les évaluations de la direction générale des préventions des risques, 10 millions de maisons individuelles sont potentiellement exposées sur le territoire national.

Le nombre de dommages provoqués par le phénomène de sécheresse-réhydratation des sols, intégrés au régime de catastrophe naturelle depuis 1989, est en très forte progression. Le tableau ci-dessous retrace le nombre de demandes instruites par la Commission interministérielle de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle depuis 2012.

Les DOSSIERS INSTRUITS PAR la Commission interministÉrielle DE RECONNAISSANCE DE L’État de catastrophe naturelle

 

Total

Avis fav.

Avis défav.

 

dossiers SECH

%

dossiers Hors SECH

%

Année 2020

8 524

4 693

3 806

 

6 238

73 %

2 286

27 %

Année 2019

7 080

4 947

2 133

 

5 793

82 %

1 287

18 %

Année 2018

8 158

6 312

1 846

 

3 155

39 %

5 003

61 %

Année 2017

3 242

1 607

1 635

 

2 419

75%

823

25%

Année 2016

5 705

3 194

2 511

 

1 987

35 %

3 718

65 %

Année 2015

2 983

2 109

874

 

1 292

43 %

1 691

57 %

Année 2014

3 654

2 543

1 111

 

516

14 %

3 138

86 %

Année 2013

3 890

2 456

1 434

 

1 534

39 %

2 356

61 %

Année 2012

3 704

3 071

633

 

2 583

70 %

1 121

30 %

Source : Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises.

En 2018 et 2019, 6 875 communes ont été reconnues comme relevant du régime de catastrophe naturelle, soit près d’une commune française sur cinq.

Cette prévalence se traduit également dans les flux financiers propres au régime CatNat. Selon le rapport financier de la Caisse centrale de réassurance (CCR) pour 2019, la Caisse est intervenue à hauteur de 766 millions d’euros au titre des catastrophes naturelles, dont 400 millions d’euros au titre de la sécheresse.

L’exception des biens en garantie décennale ou en cours de construction

Les dommages provoqués par la sécheresse-réhydratation des sols sur des biens couverts par la garantie décennale ou en cours de construction ne sont pas pris en compte par la garantie CatNat. Ils engagent la responsabilité des constructeurs.

Le constructeur ne peut s’exonérer de sa responsabilité décennale que s’il rapporte la preuve que la sécheresse présente les caractères d’imprévisibilité et d’irrésistibilité de la force majeure.

2.   Les difficultés propres au risque de sécheresse-réhydratation des sols pour le régime de catastrophes naturelles

a.   Le caractère évolutif des dommages

Les sinistrés déplorant des désordres provoqués par la sécheresse-réhydratation des sols insistent à juste titre sur le caractère évolutif des dommages constatés (apparition de dommages « esthétiques » puis de troubles plus profonds), et ce sur une période parfois longue, au rythme des épisodes climatiques, ce qui peut retarder la prise de conscience de l’existence du désordre.

b.   L’identification du facteur déterminant du dommage

Lorsque, en zone argileuse, la structure d’une habitation est atteinte, l’intervention de la garantie CatNat impose non seulement l’existence d’un arrêté interministériel mais également la confirmation du facteur déterminant : il peut s’agir d’épisodes de sécheresse-réhydratation des sols, ou encore d’un défaut de construction, de la végétation environnante, d’une canalisation « fuyarde » déstabilisant le sol… Il revient à l’expert, tant en procédure amiable qu’en procédure contentieuse, de déterminer quel est le facteur déterminant.

3.   Le dispositif ELAN pour certaines constructions nouvelles

L’article 68 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite ELAN, a créé, aux articles L. 112-20 à L. 112-25 du code de la construction et de l’habitation, un dispositif de caractère préventif pour les constructions nouvelles dans les zones exposées au phénomène de mouvement de terrain différentiel consécutif à la sécheresse et à la réhydratation des sols.

Dans ces zones, lors de la vente d’un terrain non bâti constructible, le vendeur doit fournir à l’acheteur une étude géotechnique annexée à la promesse ou, à défaut, à l’acte de vente. L’étude géotechnique réalisée est annexée au titre de propriété et transmise aux nouveaux acquéreurs au cours des mutations suivantes.

Lorsque le propriétaire envisage des travaux de construction, il doit communiquer cette étude au constructeur qu’il a choisi, lequel doit lui-même en tenir compte.

Ce dispositif, entré en vigueur le 1er octobre 2020, généralise une obligation qui figurait déjà dans de nombreux plans de prévention des risques naturels prévisibles, qui imposent souvent – pour les territoires qui en sont dotés – la réalisation d’une étude géotechnique avant tout projet.

Une fois les effets de ce mécanisme évalués, il serait sans doute opportun de l’étendre à la vente de tout bâtiment situé en zone argileuse.

B.   GARANTIR UNE RÉPARATION QUALITATIVE DES DOMMAGES

1.   Des indemnisations inégales et une fréquence des sinistres de deuxième génération en hausse

Les témoignages recueillis par votre rapporteur confirment les constats de la mission d’information sénatoriale : le montant de l’indemnisation calculée (déduction faite de la franchise et du coefficient de vétusté, selon les dispositions contractuelles) connaît, pour des dommages équivalents, d’importantes variations selon les sinistres, les compagnies d’assurances et la zone géographique ; la base de calcul de l’indemnité ne prend pas toujours en compte les réparations à effectuer pour une réparation durable, ce qui se traduit par de fréquents sinistres de « deuxième génération ».

Plusieurs associations de sinistrés ont indiqué à votre rapporteur que, dans de nombreux dossiers, l’expert mandaté par l’assurance n’a pas estimé opportun de commander une étude géotechnique d’une technicité suffisante (de type G5) en dépit de la nature du sinistre.

En tout état de cause, il conviendrait que les assurés puissent obtenir communication systématique du rapport d’expertise.

2.   Garantir une réparation évitant des dommages à l’avenir

a.   Réparer de manière durable pour éviter des dépenses assurantielles liées à un nouveau désordre…

Pour votre rapporteur, il est essentiel de corriger le dispositif actuel pour garantir aux sinistrés des réparations de qualité : les premières fissures sont trop souvent considérées comme de simples dommages esthétiques alors qu’elles sont le symptôme d’une altération plus grave du bâti.

b.   …dans le respect du principe indemnitaire du droit des assurances

L’article 5 de la proposition de loi pose un cadre à cette réparation en précisant que les indemnisations sont calculées « dans les limites du montant de la valeur de la chose assurée au moment du sinistre. »

Cette formulation se fonde sur le principe assurantiel de proportionnalité indemnitaire : l’indemnité versée par l’assureur doit permettre à l’assuré de retrouver sa situation « d’avant sinistre ».

Il n’est pas ici question d’augmenter la valeur du bien assuré, mais de garantir des réparations de qualité dans l’intérêt de l’assuré comme dans celui de l’assureur et du réassureur.

C.   RÉFLÉCHIR À DES OUTILS TECHNIQUES ET INCITATIFS

Au-delà du champ de cette proposition de loi, votre rapporteur estime qu’il faut explorer différentes voies pour développer les dispositifs de prévention.

1.   Le rapport demandé à l’article 7 et la mission d’inspection en cours

L’article 7 de la présente proposition de loi prévoit la remise au Parlement d’un rapport du Gouvernement qui traitera des possibles adaptations des dispositifs de prévention et d’indemnisation aux particularités des risques liés à la sécheresse-réhydratation des sols.

Cette demande intervient parallèlement à la commande par le Gouvernement, en décembre 2020, d’un rapport sur la gestion des dommages liés au retrait-gonflement des argiles sur le bâti existant. L’élaboration de ce rapport est confiée conjointement à l’inspection générale de l’administration, à l’inspection générale des finances et au commissariat général au développement durable.

2.   Sortir les phénomènes de sécheresse-réhydratation des sols du régime des catastrophes naturelles et mobiliser des outils de rénovation de l’habitat ?

Le régime des catastrophes naturelles réserve la reconnaissance de cet état aux phénomènes naturels présentant une « intensité anormale ». Or, le caractère de plus en plus fréquent des épisodes de sécheresse complexifie la caractérisation de leur intensité et peut conduire des communes, et par conséquent des sinistrés, à être exclus du dispositif.

Votre rapporteur estime que le rapport qui sera remis au Parlement et le rapport d’inspection en cours seront l’occasion d’approfondir cette problématique et de l’intégrer, le cas échéant, à la politique d’amélioration de l’habitat pour le bâti ancien. Il pourrait aussi être envisagé de recourir aux outils de l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat (ANAH), en soumettant les habitations à un diagnostic de vulnérabilité.

Des outils tels qu’un crédit d’impôt pour les travaux de prévention ou le prêt à taux zéro pourraient être utilement mobilisés, à l’image, par exemple, du dispositif « Denormandie » en matière de rénovation énergétique.


—  1  —

   TRAVAUX DE LA COMMISSION

DISCUSSION GÉNÉRALE

Au cours de sa réunion du 20 janvier 2021, la commission des finances a examiné la proposition de loi visant à réformer le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles (n° 3688).

 

M. le président Éric Woerth. L’ordre du jour appelle l’examen de la proposition de loi n° 3688 visant à réformer le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles. Nous avons nommé M. Stéphane Baudu rapporteur de cette proposition de loi qui sera examinée en séance publique le jeudi 28 janvier, dans le cadre de l’ordre du jour réservé au groupe du Mouvement démocrate et démocrates apparentés.

Ce texte propose à la fois des réformes de la procédure de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle et un renforcement des droits des assurés et de l’indemnisation des sinistrés.

Il traite également de la situation particulière, dont j’avais été alerté par plusieurs d’entre vous l’année dernière, notamment M. Vincent Ledoux et M. Fabien Roussel, des zones affectées de gonflements d’argiles qui déstabilisent les fondations des habitations.

Sa thématique est proche de celle d’une proposition de loi présentée par des sénateurs du groupe socialiste, adoptée le 15 janvier 2020 par le Sénat en séance publique, et dont nous sommes actuellement saisis. Elle porte le n° 2592 et est également renvoyée à notre commission.

M. Stéphane Baudu, rapporteur. Monsieur le président, mes chers collègues, élu local j’ai été et élu local je reste. À ce titre, j’ai été interpellé, comme nombre d’entre vous, sur les catastrophes naturelles. Je suis député du Loir-et-Cher et les inondations de la vallée de la Loire restent pour moi préoccupantes. De plus en plus souvent, on me parle des problèmes de sécheresse et de leur incidence sur le phénomène de retrait-gonflement des argiles.

J’ai travaillé sur le sujet dès le début de mon mandat de député, interpellant des ministères sur des cas précis ou demandant l’amélioration du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles, dont nous critiquons l’opacité, la lenteur et des blocages dans son fonctionnement ; d’où ma volonté de promouvoir ce texte.

En examinant la production législative, je suis tombé sur le texte présenté au Sénat par Mme Nicole Bonnefoy et adopté il y a tout juste un an. J’ai rencontré Nicole Bonnefoy au printemps dernier. L’approche de son texte est différente. Sa clé de voûte est financière, puisqu’il porte sur le financement du dispositif CatNat, notamment sur le fonds Barnier et la question de son déplafonnement. Nous avons fait le constat que son texte n’avançait pas et que le blocage était d’ordre financier.

De nouveau contactée à l’automne dernier, Nicole Bonnefoy a fait le même constat qu’au printemps et confirmé qu’aucun député ne s’était saisi du sujet. Je lui ai répondu que je souhaitais progresser sur la partie sécheresse et indiqué les amendements que je souhaitais présenter. Comme je le dis clairement dans l’exposé des motifs, ils sont inspirés à la fois par la mission d’information et par la proposition de loi de Nicole Bonnefoy, qui a accueilli favorablement ma propre proposition de loi.

J’ai continué à échanger avec les représentants des ministères concernés, les acteurs du monde de l’assurance et des associations de sinistrés pour affiner et peaufiner mon texte. Inspiré en partie du travail de Nicole Bonnefoy, il va plus loin sur certains points mais ne traite pas de la partie financière, ce qui aurait pu être bloquant et conduire à l’irrecevabilité de certains articles au titre de l’article 40 de la Constitution. Le verbe « réformer » figurant dans le titre est peut-être pompeux. Il s’agit de moderniser, améliorer et simplifier le dispositif au bénéfice de nos concitoyens sinistrés et de plus en plus concernés par la sécheresse.

Ce texte comporte trois thèmes.

Le premier est la nécessaire transparence du dispositif d’indemnisation. Il est abordé dans trois articles.

Aux termes de l’article 1er, la décision ministérielle prise en réponse à une demande de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle devra être assortie d’une motivation. L’article explicite les délais et voies de recours de nos concitoyens face à un avis négatif et précise les modalités d’accès aux rapports d’expertise.

L’article 2 institue dans chaque département un délégué à la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle pour faire le lien entre le niveau national et le niveau local, relayer les informations, faire de la communication, soutenir et accompagner les élus locaux, les sinistrés potentiellement constitués en associations et le monde de l’entreprise dans leur mobilisation face aux conséquences massives de catastrophes naturelles.

L’article 4 va aussi dans le sens de la clarification et de la transparence puisque, fait nouveau dans un texte de loi, il officialise l’existence de la Commission interministérielle de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle. À côté de cette commission technique, technique, il crée aussi une Commission nationale consultative capable de réagir aux décisions de la Commission interministérielle. Cette dernière travaille au jour le jour sur présentation des dossiers de demande de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle. Or nous avons besoin d’une instance qui n’agisse pas dans l’urgence mais réfléchisse, analyse, fasse le bilan de la qualité du travail de la Commission interministérielle et se penche sur l’évolution des critères de reconnaissance afin de se rapprocher de ce que nous vivons régulièrement dans nos territoires. On pense beaucoup au retrait-gonflement des argiles, mais cela peut porter sur d’autres phénomènes, comme les inondations. Ce travail sera piloté par cette Commission nationale consultative au sein de laquelle je souhaite que les élus locaux soient représentés pour y être des porte-parole, écouter ce qui se passe au niveau national et faire valoir les intérêts locaux.

Le deuxième thème est l’amélioration et la simplification des procédures pour nos concitoyens sinistrés.

L’article 3 prévoit la suppression de la modulation des franchises en fonction de l’existence d’un plan de prévention des risques naturels, modulation qui représente une double peine pour les assurés.

L’article 5, qui doit encore être amélioré en séance publique, porte sur les réparations et l’arrêt des désordres existants. Il vise à s’assurer de la qualité des travaux réalisés dans le cadre du régime CatNat et de leur capacité à supporter les dommages futurs d’un bâti. En outre, le délai de déclaration d’un sinistre est étendu de dix à trente jours à compter de la publication de l’arrêté interministériel de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle. L’article 5 prévoit enfin la possibilité de réduire le délai du versement de l’indemnisation due aux assurés, pour être au plus près des préoccupations de nos concitoyens.

L’article 6 permet la prise en charge des frais de relogement d’urgence des personnes sinistrées dont la résidence principale est insalubre ou présente un danger pour la sécurité des habitants.

Le troisième thème concerne l’avenir. En matière de dégâts causés par la sécheresse et le retrait-gonflement des argiles, il convient de faire évoluer certains dispositifs.

Certains, adoptés récemment, sont positifs. Je pense à la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi ELAN, ou au dispositif Denormandie destinés à encourager, par des normes, la résilience des constructions neuves, mais il faut aussi penser à notre stock de bâti ancien, telles les constructions des années 1970, souvent juste posées sur le sol sans se soucier du sous-sol, et sur lesquelles on doit intervenir ou réintervenir.

La prévention est bien moins coûteuse, jusqu’à cinq fois moins, que la correction. Comment intervenir préventivement pour les bâtiments anciens ? Pour répondre à la question, l’article 7 propose que le Gouvernement remette au Parlement un rapport destiné à évaluer les dispositifs existants et à suggérer des pistes d’amélioration, en particulier sur le bâti existant. Se posera la question des dispositifs financiers d’accompagnement, mais aussi celle de savoir si tous les dommages libellés CatNat relèvent réellement de la catastrophe naturelle. Un phénomène de sécheresse dont la redondance est annuelle ou biennale relève-t-il d’un dispositif d’indemnisation des catastrophes naturelles ou du droit commun et de l’adaptation des dispositifs d’amélioration de l’habitat ? On est très offensif pour la rénovation énergétique de nos logements anciens, pourquoi ne pas l’être pour la résilience des bâtiments anciens face à ce risque ? Sachant que l’épisode de sécheresse de 2018 a concerné 70 % du territoire national, ne pourrait-on envisager la création d’un dispositif d’intervention global et des budgets annualisés plutôt que des budgets au coup par coup ?

L’article 8 complète tout cela en étendant le délai de formulation d’une demande de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle de dix-huit à vingt-quatre mois. Certains phénomènes étant insidieux et lents à se manifester, il faut laisser le temps aux communes de réagir à la survenance d’un fait.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je remercie le rapporteur pour son travail et pour son explication liminaire complète. Nous sommes sans doute nombreux ici à trouver que ce texte va dans le bon sens. La volonté de facilitation, de sécurisation, de gestion des cas spécifiques est louable et intéressante.

Mes questions sont d’ordre technique. Comment envisager le couplage des travaux de rénovation énergétique avec ceux de prévention des risques naturels ? La commission des finances doit-elle repenser le fonds Barnier que nous examinons chaque année dans le cadre du projet de loi de finances ? Avez-vous trouvé des obstacles juridiques au financement par l’assureur de la réparation résiliente qui aurait le mérite d’éviter la répétition du sinistre ?

M. Xavier Paluszkiewicz. Au nom du groupe La République en marche, je tiens à féliciter notre collègue Stéphane Baudu d’avoir déposé cette proposition de loi sur un sujet ô combien important et attendu de longue date dans les territoires.

Le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles aura connu des décennies d’ajustements dus à la sinistralité grandissante de la nature dans nos communes, rattrapées par l’urbanisation et l’artificialisation des sols. Un Français sur quatre vit en zone inondable et une commune sur deux est en tout ou partie inondable. La répétition des événements de grande ampleur, en métropole comme dans les territoires ultramarins, ravive la discussion sur les principes du régime d’indemnisation régi par le principe de solidarité nationale, où l’État est réassureur.

Nous sommes conscients de la solidité de notre régime d’assurance des catastrophes naturelles, unique en Europe, mais il doit être continuellement amélioré en raison du nombre grandissant de nouvelles catastrophes naturelles. Évalué à 400 millions d’euros, il y a dix ans, le coût de ces dégâts atteint environ un milliard, en raison des infrastructures touchées.

Monsieur le rapporteur, votre proposition de loi, comprenant neuf articles, renforce et modernise ce régime qui se doit d’être, selon le Président de la République, « un système plus rapide, plus généreux, mais aussi plus incitatif ». Cela répond à l’exigence d’évolution du système d’indemnisation dans le sens d’une simplification des démarches de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, d’un dialogue renforcé entre l’État et les élus locaux, de la prise en charge des frais de relogement et d’une réduction du délai de versement et d’indemnisation, entre autres.

En résumé, nous estimons que ce texte, de nature à permettre une meilleure assurabilité des risques, était nécessaire, au moment où de plus en plus de nos concitoyens redécouvrent à quel point nos biens et nos infrastructures sont exposés au risque d’inondation, à la transformation des paysages et, par voie de conséquence, à des vies bouleversées, parfois même brisées. C’est pourquoi le groupe La République en marche votera en faveur de cette proposition de loi.

Mme Véronique Louwagie. Cette proposition de loi met en évidence deux problèmes majeurs : la très faible transparence des procédures de reconnaissance des catastrophes naturelles et la grande difficulté des élus comme des habitants qui, en cas de sinistre, se sentent souvent démunis, perdus, impuissants face aux procédures, aux nombreuses démarches ou recours à engager et aux nombreux interlocuteurs avec lesquels ils doivent traiter. Les députés du groupe Les Républicains saluent votre travail remarquable et approfondi, ainsi que les réponses concrètes et adéquates que vous apportez.

Cette proposition de loi présente de nombreuses solutions de bon sens, souvent non coûteuses pour l’État – je le souligne parce qu’à la commission des finances, nous y sommes particulièrement attentifs. Elle renforce les droits des élus et la protection des sinistrés et présente un certain nombre d’avantages. Associer plus étroitement les représentants de terrain, au premier rang desquels les élus, est important.

Notre groupe approuve cette initiative et votera cette proposition de loi qui rend le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles plus juste, plus clair et moins centralisé.

M. Bruno Duvergé. Merci à notre collègue Stéphane Baudu de présenter cette proposition de loi au nom du groupe du Mouvement démocrate et démocrates apparentés. Je rappellerai que nous sommes encore sous le régime de la loi du 13 juillet 1982, résultant elle-même d’une proposition de loi.

Nous sommes tous confrontés aux évolutions climatiques. Dans mon département du Pas-de-Calais, nous constatons de plus en plus fréquemment trois types de phénomènes : de violents orages au printemps provoquant des inondations par coulées de boue ; des périodes de sécheresse occasionnant des rétractations de sols argileux et la fissuration de maisons ; en période de moissons, l’incendie de matériels par des feux de chaume sous l’effet de la chaleur. Cette proposition de loi est donc une bonne initiative.

L’institution, à l’article 2, du délégué à la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle destiné à accompagner les élus locaux est une mesure importante, parce que nous sommes dans le flou, un peu perdus face à des phénomènes brutaux qui surviennent pour la première fois dans certaines communes. Dans nos territoires, des groupes de travail essaient d’agir en amont contre les coulées de boue, en collaboration avec la chambre d’agriculture et les communes, pour réaliser des aménagements ou modifier des pratiques culturales. Ce délégué de l’État pourra-t-il participer en amont à ces travaux ?

M. Jean-Louis Bricout. Nous sommes tous témoins de la multiplication des événements climatiques entraînant des préjudices importants pour nos concitoyens. Ces phénomènes sont parfois impressionnants, comme la tempête Irma ou le drame de La Vésubie ; plus souvent silencieux, comme les effets successifs des pluies et des sécheresses qui finissent par fissurer les maisons.

Cela a conduit le Sénat et notre collègue sénatrice socialiste Nicole Bonnefoy à publier, en juillet 2019, un rapport d’information sur la gestion des risques climatiques. Ce rapport a donné lieu à la présentation d’une proposition de loi examinée en janvier 2020, grandement enrichie par les sénateurs et adoptée à l’unanimité.

Concernant la méthode, nous aurions préféré que le texte du Sénat soit repris et, pourquoi pas, amélioré par notre rapporteur, qui a fait un très bon travail, et par des membres des différents groupes. À l’approche de la fin du mandat, nous aurions gagné du temps sur la navette parlementaire. Nous craignons que cette proposition de loi ne puisse être adoptée avant la fin de la législature. Nous perdrions ainsi l’occasion d’apporter une réponse effective aux difficultés rencontrées par les assurés au cours de cette législature.

Le groupe socialiste sera néanmoins constructif, monsieur le rapporteur, puisque c’était votre état d’esprit en tendant la main aux différents groupes en amont de l’examen de ce texte. Serez-vous favorable en séance à ce que les dispositions de la proposition de loi de notre collègue Nicole Bonnefoy, adoptées à l’unanimité au Sénat, soient introduites par amendements dans votre proposition de loi, afin d’aboutir à un texte consensuel et à la hauteur des attentes des Français ?

M. Vincent Ledoux. Nous sommes quelques députés, dans un groupe informel transpartisan, à nous être emparés de cette question depuis assez longtemps. Nous avions saisi la commission des finances, et M. le président Woerth nous avait incités à écrire au président Ferrand pour demander l’inscription de la proposition de loi Bonnefoy à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Nous n’avons pas eu de réponse.

Je tiens tout de même à rappeler tout le travail réalisé par nos collègues dans ce groupe. Monsieur le rapporteur, vous avez dit qu’aucun député ne s’était saisi de la question. Je pense que c’est un défaut de langage. Nous nous en sommes saisis depuis très longtemps, à tel point que, dans cette commission, nous avons voté par deux fois un fonds dérogatoire pour les catastrophes naturelles, notamment pour le retrait-gonflement des argiles, de 10 millions d’euros. Il nous faudra revoir les critères, parce que, visiblement, la cible n’est pas atteinte. Je tenais à rappeler tout le travail réalisé depuis quelques années.

Vous vous êtes saisi de cette question et nous en sommes ravis. Bien entendu, le groupe Agir est favorable à votre proposition, qui marque sur un certain nombre de points un progrès attendu, notamment par les citoyens et les maires qui instruisent les dossiers, c’est-à-dire plus de transparence, une meilleure association, une révision de la gouvernance en y associant les élus locaux, ce qui n’est pas encore le cas. Les relogements d’urgence restent problématiques. Dans les Hauts-de-France, beaucoup de gens dorment dans des caravanes ou subissent, en raison de retrait-gonflement des argiles, la double peine de louer un autre bien que celui qu’ils possèdent.

Si la proposition de loi fait progresser la gouvernance, elle ne réglera pas le quotidien de ceux qui vivent ces nuisances du retrait-gonflement des argiles et il nous faudra trouver autre chose. Le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles est à bout de souffle. Nous en avons parlé avec le président Woerth pendant le premier confinement, en évoquant la possibilité d’y ajouter l’indemnisation des personnes victimes du covid. Cela pose une question de périmètre et cela incite à redéfinir le modèle face au défi climatique qui est le nôtre.

M. le président Éric Woerth. J’ai rappelé votre intervention, ainsi que celle de M. Fabien Roussel.

M. Loïc Prud’homme. Nous sommes réunis pour examiner un texte visant à réformer le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles. Je souscris au constat : le régime CatNat présente de nombreuses failles et appelle des modifications. Celles qui nous sont soumises dans cette proposition de loi sont bonnes, qu’il s’agisse du renforcement de l’information aux sinistrés, de la plus grande transparence des décisions, des meilleures possibilités de recours, de l’allongement des délais pour signaler le sinistre ou de la réduction du délai d’indemnisation.

Mais cette proposition de loi rate une réalité d’actualité. Quid des sinistres et pertes d’exploitation liés aux pandémies ? Pourquoi présenter une proposition de loi qui ne répond pas à l’impasse assurantielle dans laquelle des milliers d’artisans et de commerçants se sont retrouvés à cause du covid ?

Les pandémies sont une large faille de notre système assurantiel. C’est la raison pour laquelle j’avais déposé une proposition de loi qui a été examinée dans le cadre de la niche parlementaire de mon groupe, au printemps dernier, et bien évidemment repoussée par la majorité. Elle visait à combler la faille et appelait les compagnies d’assurances à participer à la solidarité nationale avant la solidarité actionnariale. L’idée était d’intégrer les pertes d’exploitation liées aux pandémies dans le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles en finançant les surcoûts par l’instauration d’une nouvelle taxe sur les dividendes des sociétés d’assurances privées. La création d’une couverture des pertes d’exploitation dues aux épidémies et aux pandémies répond à un besoin impérieux pour les artisans, les commerçants et les TPE.

Un groupe de travail avait d’ailleurs été créé par le ministre de l’économie et des finances, même s’il n’associait pas toutes les oppositions et ne permettait pas un véritable dialogue entre les entreprises et les compagnies d’assurances. Le ministre avait promis, la main sur le cœur, de faire avancer le sujet. Rien n’a été fait à ce jour.

Cette proposition de loi offre une nouvelle possibilité de réformer largement le système CatNat et de mettre fin à la course au profit toujours plus grande d’assureurs privés qui ne jouent plus leur rôle. Ne ratons pas cette occasion !

Enfin, il nous faudra évoquer le fameux fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), dit fonds Barnier, parce qu’il comporte de nombreux manques. J’y reviendrai lors de l’examen du texte, notamment au sujet du recul du trait de côte.

M. Jean-Paul Dufrègne. En l’état et compte tenu de son objectif de faire évoluer le régime CatNat sans bouleverser son organisation ou y intégrer de nouveaux risques, ce que certains déplorent, ce texte présente des avancées et ne contient aucun point qui justifierait une opposition.

J’aborderai plus précisément le retrait-gonflement des argiles. Qu’en est-il pour les victimes de ces désordres parfois importants si elles habitent des communes qui n’ont pas déposé de dossier de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle ou pour des procédures qui n’ont pas été reconnues par l’autorité ? De nombreux Français sont dans une situation catastrophique et incapables de financer les réparations nécessaires, dont le coût peut atteindre plusieurs dizaines de milliers d’euros, voire plus de 100 000 euros. Comment répondre à ces situations parfois désespérées ?

Je conclurai en m’associant aux propos de mes collègues Ledoux et Prud’homme et en souhaitant l’ouverture du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles en fonction de l’évolution de notre société.

M. Michel Castellani. La quasi-totalité du territoire étant concernée, à des titres divers, par le risque de catastrophes naturelles, il est urgent de réviser notre régime d’indemnisation, et nous nous réjouissons de l’examen de cette proposition de loi. Nous y trouvons des éléments que nous soutenons, tels l’allongement du délai de formulation d’une demande de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, la prise en charge des frais de relogement d’urgence des personnes sinistrées ou la sécurisation de l’indemnisation des sinistrés. Nous saluons la proposition de renforcement de la transparence de l’instruction des dossiers, ce qui facilitera le travail des élus locaux.

Nous regrettons que la proposition de loi n’ambitionne pas de réformer le fonctionnement du fonds Barnier, comme le souhaitait la sénatrice Nicole Bonnefoy dans sa proposition de loi. La vôtre est donc moins ambitieuse. Le Gouvernement n’a pas voulu exprimer son soutien au texte sénatorial, ce que nous regrettons. Il s’était engagé par ailleurs à approfondir rapidement les travaux sur le sujet et à enrichir le texte, ce qui aurait eu le mérite de le rendre plus efficace.

Globalement, nous portons néanmoins un regard positif sur cette proposition.

M. Stéphane Baudu, rapporteur. Monsieur le rapporteur général, le couplage de travaux de rénovation énergétique et de travaux de résilience aux retraits-gonflements des argiles reste à réaliser. C’est une piste qui invite à nous interroger sur le maintien en l’état du fonds Barnier. Nous avons décidé cette année de l’intégrer dans le budget de l’État en le déplafonnant, ce qui répond à une demande de la proposition de loi de Mme Nicole Bonnefoy. C’est une première réponse, mais nous avons besoin d’un dispositif financier plus ambitieux. Les crédits du fonds sont prévus à quelque 200 millions d’euros pour 2021, alors que la réponse aux attentes est évaluée à 400 millions.

Il reste des marges de progrès. Ainsi, plutôt que d’intervenir en correction d’urgence, on pourrait agir en anticipation. L’enjeu des prochaines années, ce sont les moyens d’intervention. Faut-il maintenir un fonds Barnier à bout de souffle ? Je pense que oui, en ciblant davantage l’anticipation. Initialement, le fonds Barnier était destiné à soustraire les gens à un risque patent, notamment un risque d’inondation. La philosophie du fonds Barnier doit évoluer vers la prévention, notamment en matière de retrait-gonflement des argiles. Une partie des risques de catastrophe naturelle peut être annualisée dans le cadre global de la politique d’amélioration de l’habitat.

On peut aussi se pencher sur des dispositifs comme les primes, les crédits d’impôts, les prêts à taux zéro. De nombreux dispositifs ont été activés, ces dernières années, sous différentes législatures. Doit-on s’appuyer sur des dispositifs existants ? Doit-on en coupler ou en réorganiser ? Quitte à reprendre un bâtiment, autant le traiter globalement, mais les coûts sont assez élevés. Cela relève du rapport prévu à l’article 7, qui devra se prononcer sur les évolutions du fonds Barnier. À mon sens, celui-ci doit évoluer au regard de la définition de la catastrophe naturelle qui ne correspond plus à la formulation CatNat.

S’agissant des réparations résilientes, il est malaisé de rédiger un texte permettant à la fois de faire entrer la réparation des dégâts dans le champ assurantiel et d’assurer des réparations de meilleure qualité, garantissant une pérennité et la résistance du bâti aux phénomènes nouveaux qui ne manqueront pas de se produire dans un territoire considéré comme à risque. J’essaierai d’améliorer la rédaction pour la séance publique, en la précisant pour engager les assureurs à aller un peu plus loin. Certains font des réparations a minima, certains vont très loin. Il faut accompagner ceux qui vont très loin et inciter ceux qui ne vont pas assez loin de le faire afin de ne pas avoir à revenir sur des dossiers. Je tâcherai de modifier la rédaction afin d’activer la responsabilité des assureurs sans activer celle de l’État, l’idée étant de rendre le bâti le plus résistant possible.

Madame Louwagie, merci pour votre soutien.

Monsieur Duvergé, le délégué départemental a bien un rôle de communication. Il n’est pas là pour se substituer à quiconque mais pour animer, jouer un rôle de courroie de transmission ou de distribution. Il n’est pas là pour remplacer de l’existant qui fonctionne bien. C’est pourquoi nous avons détaillé certaines de ses missions, sans aller trop loin afin de ménager l’initiative locale. Ce qui fonctionne bien doit rester sur le territoire.

Monsieur Jean-Louis Bricout, j’ai déjà évoqué avec Nicole Bonnefoy la prise en compte d’un certain nombre de ses idées dans quelques articles. Cette proposition de loi a vocation à être améliorée, soit lors de la discussion en séance publique, soit dans le cadre du travail au Sénat, où Nicole Bonnefoy apportera des compléments pour être au plus près de son texte initial.

Monsieur Ledoux, j’ai peut-être été trop rapide : vous avez raison, un travail global a déjà été réalisé ici pour soutenir les textes allant dans le bon sens. Je salue votre effort d’animation d’un groupe de plus en plus consistant d’élus qui veulent apporter des améliorations. Ce texte va dans ce sens. La dernière mouture du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles date de 1982. Il convient d’en réviser régulièrement les dispositifs, dont celui du fonds Barnier.

Monsieur Prud’homme, j’ai entendu votre souhait d’élargir la discussion avec le monde de l’assurance aux risques nouveaux, dont celui des pandémies. Mon texte n’a pas cette ambition et cette préoccupation doit être traitée à un autre niveau.

Monsieur Dufrègne, les oubliés du dispositif sont une préoccupation réelle. Certains de nos concitoyens ne sont pas pris en compte par une déclaration de catastrophe naturelle ou présentent une demande qui n’est pas reconnue. Le dispositif ne doit pas viser la correction, car c’est malheureusement trop tard, mais la réintervention dans le cadre de la prévention par des politiques d’amélioration de l’habitat spécifiques au risque sécheresse, afin que les habitants puissent continuer à vivre dans leur maison et soient aidés par l’État pour y vivre dans de meilleures conditions.

Monsieur Castellani, j’ai parlé du fonds Barnier. Il n’est pas évoqué dans ce texte, faute de propositions. Mais la commission des finances a déjà formulé des propositions pour le faire évoluer et l’intégrer dans le budget de l’État. Il faudra s’interroger sur l’intervention de ce fonds : ce n’est pas l’objectif de ce texte, mais « le coup d’après ».

La commission passe à l’examen des articles.

 


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EXAMEN DES ARTICLES

TITRE IER
Faciliter les dÉmarches de reconnaissance
de l’État de catastrophe naturelle
et renforcer la transparence des dÉcisions

Article 1er
[article L. 125-1 du code des assurances]
Renforcement de la transparence de la procédure de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle

L’article 1er vise à renforcer la transparence de la procédure de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, à prévoir la communication aux communes des rapports d’expertise sur lesquels se fondent les décisions interministérielles et à rappeler la possibilité, pour les communes, de former un recours gracieux.

I.   L’ÉTAT DU DROIT

L’article L. 125-1 du code des assurances, issu de l’article 1er de la loi n° 82‑600 du 13 juillet 1982 relative à l'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles, dispose en son quatrième alinéa :

« L’état de catastrophe naturelle est constaté par arrêté interministériel qui détermine les zones et les périodes où s'est située la catastrophe ainsi que la nature des dommages résultant de celle-ci couverts par la garantie visée au premier alinéa du présent article. Cet arrêté précise, pour chaque commune ayant demandé la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, la décision des ministres. »

Il indique également que la décision « est ensuite notifiée à chaque commune concernée par le représentant de l’État dans le département, assortie d'une motivation ».

Il n’est pas prévu que les rapports d’expertise sur lesquels se fonde la décision soient communiqués aux communes ayant demandé la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle.

Concernant les voies de recours contre la décision interministérielle, le droit général prévoit que : « Toute décision administrative peut faire l'objet, dans le délai imparti pour l'introduction d'un recours contentieux, d'un recours gracieux ou hiérarchique qui interrompt le cours de ce délai ([10]). »

II.   Le dispositif proposÉ

Le a du 1° de l’article 1er de la proposition de loi prévoit que la motivation de la décision interministérielle sur la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle sera désormais produite au moment de la décision elle-même, ainsi que « les voies et délais de recours gracieux et de communication des rapports d’expertise ayant fondé la décision, dans des conditions fixées par décret ».

Le b du même 1° que ces informations seront notifiées aux communes, dans chaque département, par le délégué à la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle institué à l’article 2 du présent texte.

Enfin, le 2° de l’article 1er introduit à l’article L. 125-1 du code des assurances une mention explicite de la possibilité, pour les communes, de former un recours gracieux contre la décision interministérielle en cas de décision défavorable, dans les conditions prévues par le droit commun.

III.    Les dispositions adoptÉes en commission

La commission a adopté trois amendements rédactionnels du rapporteur.

Elle a également adopté un amendement de M. Xavier Paluszkiewicz tendant à préciser que les sinistrés, tout comme les communes, peuvent former un recours gracieux contre une décision interministérielle défavorable.

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*     *

La commission adopte successivement l’amendement rédactionnel CF47 et l’amendement CF48, corrigeant une erreur de référence, tous deux du rapporteur.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CF66 de M. Xavier Paluszkiewicz et CF12 de M. Xavier Breton.

M. Xavier Paluszkiewicz. Le présent amendement a pour objectif de rendre cet article cohérent avec l’état actuel du droit. En effet, les recours gracieux sont également ouverts aux particuliers disposant d’un intérêt à agir, c’est-à-dire les sinistrés, et pas uniquement aux communes. Cela étant, les décisions favorables de reconnaissance sont susceptibles d’être contestées : une commune ou un particulier peut contester les périodes de reconnaissance retenues et la qualification du phénomène naturel.

Mme Marie-Christine Dalloz. M. Breton, qui a beaucoup travaillé sur le sujet en lien avec des collectifs et des associations d’usagers et de sinistrés, a présenté de nombreux amendements que je me propose de soutenir successivement.

L’amendement CF12 vise à élargir la possibilité de recours gracieux aux associations et collectifs.

L’amendement CF13 prévoit que les maires s’engagent, en cas de reconnaissance de catastrophe naturelle, à en informer par courrier tous les sinistrés ayant formulé une demande. Les sinistrés sont perdus, ne savent pas à qui s’adresser. Des messages vont de la préfecture à la mairie.

L’amendement CF14 vise à demander aux maires de s’engager à déposer une demande de reconnaissance dès la première manifestation écrite d’un sinistré.

M. Stéphane Baudu, rapporteur. Nous sommes tous d’accord, mais je vous propose de retirer l’amendement de M. Breton au profit de celui de M. Paluszkiewicz, dont la rédaction me paraît meilleure. Il y est question de « sinistrés » et non d’« associations de sinistrés ». Une demande peut venir d’un sinistré et les sinistrés peuvent se constituer en association.

Mme Marie-Christine Dalloz. Cela veut dire que vous excluez l’idée d’une demande par un collectif ou une association. Il serait aussi simple de reconnaître l’association.

M. Stéphane Baudu, rapporteur. Plus large et intégrant les associations et les collectifs, le mot « sinistré » est plus rassurant et plus sécurisant.

M. le président Éric Woerth. On pourrait parler de « sinistré » et de « collectif de sinistrés ».

La commission adopte l’amendement CF66.

En conséquence, l’amendement CF12 tombe.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CF49 du rapporteur.

Elle en vient aux amendements CF13 et CF14 de M. Xavier Breton.

M. Stéphane Baudu, rapporteur. La notion d’engagement est juridiquement compliquée. La communication entre les communes et les sinistrés étant déjà encadrée par le code de l’environnement, un tel dispositif serait redondant.

Avis défavorable aux deux amendements.

La commission rejette successivement les amendements CF 13 et CF 14.

Elle adopte l’article 1er, modifié.

 

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Article 2
[article L. 125-1-2 (nouveau) du code des assurances]
Instauration d’un délégué départemental à la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle et création de supports de communication présentant la procédure

L’article 2 crée, dans chaque département, un délégué à la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle et prévoit la mise en place de supports de communication présentant les procédures de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle et d’indemnisation des sinistrés.

I.   L’ÉTAT DU DROIT

La loi ne prévoit pas les modalités de l’information des communes et des habitants sur le dispositif de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle et sur les garanties et les procédures qui y sont attachées.

II.    Le dispositif proposÉ

L’article 2 crée un article L. 125-1-2 du code des assurances qui prévoit deux dispositions :

– l’instauration, auprès du représentant de l’État dans le département, d’un délégué à la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, nommé par arrêté préfectoral, dont la mission sera d’être « le référent des communes dans le département pour les accompagner dans les démarches de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle » (information, accompagnement, coordination, communication des rapports d’expertise mentionnés à l’article 1er) ;

– la mise à la disposition des communes par le Gouvernement, dans un délai d’un an, de supports de communications présentant la procédure de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle prévue à l’article L. 125-1 du code des assurances et les étapes de la procédure d’indemnisation prévue à l’article L. 125-2 du même code.

III.    Les dispositions adoptÉes en commission

La commission a adopté deux amendements rédactionnels du rapporteur.

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La commission adopte l’amendement rédactionnel CF50 du rapporteur.

Elle est saisie de l’amendement CF15 de M. Xavier Breton.

Mme Marie-Christine Dalloz. En recevant dans nos permanences des personnes sinistrées, nous mesurons combien la procédure est complexe et difficile à suivre pour qui n’est pas coutumier des démarches administratives. La proposition de mon collègue Xavier Breton, élaborée avec le concours d’une association, vise à prévoir des supports de communication pour expliquer les différentes étapes. Tout le monde gagnerait à disposer d’une explication lisible.

M. Stéphane Baudu, rapporteur. Vous avez raison, mais cet aspect est déjà traité dans le II du présent article.

L’amendement CF 15 est retiré.

La commission examine, en discussion commune, les amendements CF3 de Mme Danielle Brulebois et CF52 du rapporteur.

M. Éric Alauzet. Cet amendement vise à ce que les associations défendant les habitants sinistrés soient destinataires des informations générales. Ces associations jouent un rôle déterminant auprès des particuliers, qui se trouvent souvent bien démunis face aux compagnies d’assurances qui instruisent leurs dossiers. Leur mention semble donc incontournable.

M. Stéphane Baudu, rapporteur. Mon amendement va dans le même sens mais il est plus complet, puisqu’il intègre, outre les associations de sinistrés, les représentants du monde de l’entreprise.

L’amendement CF3 est retiré.

M. Xavier Paluszkiewicz. Je ne suis pas en désaccord avec l’amendement CF52 du rapporteur. La nouvelle rédaction proposée de la deuxième phrase du deuxième alinéa de l’article 2 consacré au délégué catastrophes naturelles du préfet est la suivante : « Le délégué a pour mission d’être le référent des communes dans les départements et de les accompagner dans les démarches de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle ».

Toutefois le Gouvernement soutient un amendement visant à modifier cette phrase, et à élargir les missions du référent chargé de les accompagner dans les démarches. C’est la raison pour laquelle notre groupe votera contre cet amendement.

La commission rejette l’amendement CF52.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CF51 du rapporteur.

Elle adopte l’article 2, modifié.

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TITRE II
SÉcuriser l’indemnisation
et la prise en charge des sinistrÉs

Article 3
[article L. 125-2 du code des assurances]
Interdiction de la modulation de franchise dans les communes non dotées d’un plan de prévention des risques naturels prévisibles

L’article 3 supprime la possibilité de moduler la franchise restant à la charge de l’assuré selon que la commune est dotée ou non d’un plan de prévention des risques naturels prévisibles.

I.    L’ÉTAT DU DROIT

Les assureurs pratiquent aujourd’hui des modulations de franchise fondées sur ce critère, conformément à l’annexe I de l’article A. 125-1 du code des assurances. Aux termes de ce texte réglementaire :

« Pour les biens autres que les véhicules terrestres à moteur, dans une commune non dotée d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles pour le risque faisant l'objet d'un arrêté portant constatations de l'état de catastrophe naturelle, la franchise est modulée en fonction du nombre de constatations de l'état de catastrophe naturelle intervenues pour le même risque au cours des cinq années précédant la date de la nouvelle constatation, selon les modalités suivantes :

« -première et deuxième constatation : application de la franchise ;

« -troisième constatation : doublement de la franchise applicable ;

« -quatrième constatation : triplement de la franchise applicable ;

« -cinquième constatation et constatations suivantes : quadruplement de la franchise applicable.

« Les dispositions de l'alinéa précédent cessent de s'appliquer à compter de la prescription d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles pour le risque faisant l'objet de la constatation de l'état de catastrophe naturelle dans la commune concernée. Elles reprennent leurs effets en l'absence d'approbation du plan précité dans le délai de quatre ans à compter de la date de l'arrêté de prescription du plan de prévention des risques naturels. »

II.   Le dispositif proposÉ

L’article 3 ajoute à l’article L. 125-2 du code des assurances un alinéa qui supprime la possibilité de moduler la franchise restant à la charge de l’assuré dans les communes non dotées du plan de prévention des risques naturels prévisibles prévu à l’article L. 562-1 du code de l’environnement.

Cependant, les biens des collectivités pour lesquelles un tel plan a été prescrit mais non approuvé dans les délais réglementaires sont exclus de ce dispositif, en raison du caractère incitatif que peut revêtir, en l’espèce, la modulation de franchise.

III.   Les dispositions adoptÉes en commission

La commission a adopté un amendement de précision rédactionnelle du rapporteur.

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La commission est saisie de l’amendement CF53 du rapporteur.

M. Stéphane Baudu, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de précision.

Aux termes du présent article, la modulation des franchises ne peut être justifiée par la couverture ou non de la collectivité par un plan de prévention des risques naturels prévisibles, mais cela n’exclut pas que des modulations de franchises puissent s’appliquer pour d’autres raisons.

La commission adopte l’amendement CF 53.

Elle adopte l’article 3, modifié.

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Article 4
[article L. 125-1-1 (nouveau) du code des assurances]
Création de la Commission nationale consultative des catastrophes naturelles et inscription dans la loi de la Commission interministérielle de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle

L’article 4 crée une Commission nationale consultative des catastrophes naturelle et inscrit dans la loi la Commission interministérielle de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, en précisant leur composition et leurs missions respectives.

I.   L’ÉTAT DU DROIT

Le seul organe consultatif existant en matière de risques naturels est le Conseil d’orientation pour la prévention des risques naturels majeurs (COPRNM), instance de concertation, d’orientation de la politique publique, de conseil et d’arbitrage composée d’élus, d’experts et de professionnels, de représentants de la société civile et des services de l’État. Le COPRNM, placé auprès du ministre chargé de l’environnement, est chargé d’émettre des avis sur les actions et politiques publiques qui concourent à la réduction de la vulnérabilité des personnes et des biens face aux catastrophes naturelles ([11]). La question de la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle et de l’indemnisation des sinistrés n’est pas comprise dans le champ de ses compétences.

Par ailleurs, la Commission interministérielle de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle a été créée par la circulaire n° 84-90 du 27 mars 1984, laquelle indique :

« Le Ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation saisit la Commission Interministérielle chargée d'émettre un avis sur le caractère de catastrophe naturelle.

« Cette Commission est composée :

«  d'un représentant du Ministère de l'Intérieur et la Décentralisation, appartenant à la Direction de la Sécurité Civile ;

«  d'un représentant du Secrétaire d'État auprès du Ministre de l'Économie, des Finances et du Budget, chargé du Budget, appartenant à la Direction du Budget.

« S'il est estimé, à la suite de l'avis de la Commission Interministérielle, qu'un sinistre présente bien le caractère de catastrophe naturelle, nous prenons conjointement un arrêté constatant l'état de catastrophe naturelle. Cet arrêté détermine les zones et les périodes où s'est située la catastrophe ainsi que l'agent naturel à l'origine de celle-ci. »

II.    Le dispositif proposÉ

L’article 4 crée un article L. 125-1-1 du code des assurances qui prévoit deux dispositions :

– l’instauration d’une Commission nationale consultative des catastrophes naturelles « chargée de rendre annuellement un avis simple sur la pertinence des critères retenus pour déterminer la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle » et composée de représentants de l’État, d’élus locaux, d’assureurs et de personnalités qualifiées ;

– l’inscription dans la loi de la Commission interministérielle de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, « commission technique chargée d’émettre un avis simple sur les demandes de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle sur lesquelles elle est saisie par les ministres concernés ». Cette commission « est composée de cinq représentants de l’État, nommés par arrêté conjoint des ministres chargés de l’économie, du budget, de la sécurité civile, des outre-mer et de l’environnement, ainsi que d’un représentant de la Caisse centrale de réassurance ».

III.   Les dispositions adoptÉes en commission

La commission a adopté deux amendements rédactionnels du rapporteur.

Elle a également adopté :

– un amendement de M. Vincent Ledoux tendant à renvoyer à un décret la composition de la Commission nationale consultative des catastrophes naturelles, en précisant toutefois dans la loi que celle-ci doit comprendre quatre titulaires de mandats locaux, un sénateur et un député ;

– un amendement de M. Xavier Paluszkiewicz tendant également à renvoyer à un décret la composition de la Commission interministérielle de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, tout en supprimant, dans le texte, la référence à la circulaire interministérielle définissant la méthodologie et les critères de la procédure de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle.

Votre rapporteur ne conteste pas le bien-fondé de ces amendements qui visent à mieux assurer la hiérarchie des normes dans la proposition de loi. Il souhaite cependant que le Gouvernement prenne l’engagement, en séance publique, de respecter l’esprit du texte initial dans les décrets qu’il prendra en application du présent article.

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La commission adopte l’amendement rédactionnel CF55 du rapporteur.

Elle examine les amendements identiques CF54 du rapporteur, CF5 de Mme Danielle Brulebois, CF21 de M. Xavier Breton, CF 35 de M. Benjamin Dirx et CF41 de M. Vincent Ledoux.

M. Stéphane Baudu, rapporteur. Ils ont pour objet de corriger une erreur de référence par rapport au code de l’assurance.

La commission adopte les amendements identiques CF54, CF5, CF21, CF 35 et CF41.

Elle est saisie de l’amendement CF68 de M. Vincent Ledoux.

M. Vincent Ledoux. Cet amendement vise à qualifier de consultative la Commission nationale des catastrophes naturelles : des élus nationaux, un député et un sénateur, sont ajoutés, et le détail des missions, de la composition, de l’organisation et du fonctionnement de la Commission nationale consultative des catastrophes naturelles est renvoyé à un décret.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement CF 68.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CF69 de M. Vincent Ledoux, CF17, CF18, CF20 et CF19 de M. Xavier Breton et CF4 de Mme Danielle Brulebois.

M. Vincent Ledoux. L’amendement CF69 vise à prévoir une composition de la Commission nationale comprenant des élus nationaux, un député et un sénateur et à renvoyer à un décret le détail des missions, de la composition, de l’organisation et du fonctionnement de cette Commission.

Mme Marie-Christine Dalloz. Par l’amendement CF17, M. Xavier Breton souhaite que les maires des petites communes soient impérativement représentés. Les conséquences sur les toutes petites communes ou sur les grandes villes sont différentes. Il est intéressant d’avoir aussi des représentants des très petites communes, de la première strate, par exemple.

Par l’amendement CF18, M. Breton appelle judicieusement l’attention du rapporteur sur la représentation du monde de l’assurance, car on peut difficilement être juge et partie. C’est pourquoi cet amendement vise à retrancher de la composition de la Commission nationale consultative des catastrophes naturelles les représentants des assureurs.

Par son amendement CF20, il souhaite, dans un souci d’équité, que ladite commission comprenne aussi des représentants des collectivités et des associations.

Enfin, l’amendement CF19 concerne le nombre de personnes qualifiées siégeant à la Commission nationale consultative en raison de leur compétence scientifique. Si seulement deux personnes ont des compétences scientifiques, quels sont les critères de qualification pour les quatre autres ?

M. Éric Alauzet. L’amendement CF4 est défendu.

M. Stéphane Baudu, rapporteur. Nous avons défini la composition que nous considérions à même de refléter la représentation locale et nationale. Il faut des représentants des assurances autour de la table. Les proportions envisagées dans la rédaction initiale sont raisonnables et logiques.

Qu’est-ce qu’une petite commune ? Qu’est-ce qu’une commune moyenne ? Les communes évoluent, des communes nouvelles sont créées. L’intention est bonne mais elle n’est pas exprimée dans la rédaction proposée.

Dans la rédaction initiale, j’ai ouvert la porte à la participation de représentants « qualifiés » scientifiques, les autres pouvant être des représentants d’associations de sinistrés, acteurs pertinents de leur territoire.

Monsieur Ledoux, j’aimerais reprendre dans l’hémicycle la discussion sur la composition de cette commission pour avoir un retour du Gouvernement. Ma seule exigence est qu’il y ait des élus locaux et une représentation nationale en la personne d’un député et d’un sénateur, ainsi que vous le proposez. Je préférerais que vous retiriez votre amendement et que votre proposition soit examinée en séance publique, afin d’obtenir des engagements de l’État en vue d’un traitement par décret.

M. Vincent Ledoux. Nous voulons que les élus soient associés. Je souhaite que l’idée soit reprise, sinon ce ne serait pas un progrès. Je maintiens donc mon amendement.

M. Loïc Prud’homme. Je soutiens la demande de mon collègue Xavier Breton de veiller à l’équilibre et d’éviter une surreprésentation des sociétés d’assurances, puisqu’il s’agit, autour du régime CatNat d’une affaire de gros sous. Les surprimes CatNat qui alimentent la couverture de ce risque sont pour 44 % conservées par les sociétés d’assurance, 44 % vont à la Caisse centrale de réassurance (CCR), le solde allant au fonds Barnier. Les assureurs prennent un risque très limité puisqu’ils conservent les produits financiers qu’ils font fructifier et bénéficient d’une couverture de réassurance illimitée et d’une garantie limitée de la part de l’État. Si l’on ne veille pas à cet équilibre dans la composition de la commission, je crains un déséquilibre en faveur des assureurs. Ils géreront des cotisations en essayant d’en décaisser le moins possible, ce qui n’est pas la vocation d’une couverture mutuelle comme le régime CatNat.

Mme Christine Pires-Beaune. Je rejoins les propos de mon collègue. La Commission nationale consultative doit respecter un certain équilibre dans lequel la représentation des assureurs doit être minime. Je comprends qu’ils soient présents autour de la table et dans la commission, mais ils ne doivent pas être en position de force.

Concernant les élus locaux, je rejoins mon collègue Vincent Ledoux. Pour satisfaire à sa demande, il suffit que l’Association des maires ruraux de France (AMRF) désigne les élus.

M. Stéphane Baudu, rapporteur. Je suis favorable à l’amendement CF69 et défavorable aux autres amendements.

Je demanderai au Gouvernement des précisions et des engagements concernant la constitution de cette commission au regard de ses nécessaires équilibres et impartialité.

La commission adopte l’amendement CF69.

En conséquence, les amendements CF17, CF18, CF20, CF19 et CF14 tombent.

La commission est saisie de l’amendement CF67 de M. Xavier Paluszkiewicz.

M. Xavier Paluszkiewicz. Cet amendement vise à simplifier la rédaction de la disposition relative à la Commission interministérielle de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, tout en conservant le cœur de sa mission.

M. Stéphane Baudu, rapporteur. J’aurais aimé qu’on soit plus descriptif, mais j’entends bien la pratique de renvoyer au décret la fixation de la composition.

Avis favorable, mais je demanderai au Gouvernement de s’engager.

La commission adopte l’amendement CF 67.

Elle adopte l’article 4, modifié.

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Article 5
[articles L. 125-1 et L. 125-2 du code des assurances]
Réduction du délai de publication de l’arrêté constatant l’état de catastrophe naturelle. Indemnisations devant permettre un arrêt des désordres existants. Extension du délai de déclaration du sinistre à l’assureur

L’article 5 propose d’une part, en son 1°, de réduire de trois à deux mois le délai de publication de l’arrêté constant l’état de catastrophe naturelle à compter du dépôt des demandes à la préfecture, d’autre part, en son 2°, de modifier les règles relatives à l’indemnisation des assurés et au délai de déclaration du sinistre à l’assureur.

I.   L’État du droit

L’article L. 125-2 du code des assurances, également modifié à l’article 3 de la présente proposition de loi, fixe le cadre des relations contractuelles entre les entreprises d’assurance et les assurés s’étant assurés auprès d’elles, ainsi que le principe du financement de la garantie CatNat par une surprime.

A.   Des indemnitÉs devant en principe Être versÉes dans un dÉlai de trois mois…

Le versement des indemnités résultant de cette garantie doit être effectué au plus tard trois mois à compter de la date de remise de l’état estimatif des biens endommagés ou des pertes subies, ou de la date de publication, lorsque celle-ci est postérieure, de la décision administrative constatant l’état de catastrophe naturelle.

Dans le cas de l’existence d’un désaccord entre l’assuré et l’assureur quant au montant de l’indemnité proposée, ce délai peut s’avérer plus long du fait des procédures engagées.

B.   …et devant couvrir les dommages directs

L’article L. 125-2 du code des assurances prévoit l’inscription dans tous les contrats de type multirisques habitation d’une disposition étendant leur garantie aux dommages matériels directs non assurables qui ont pour « cause déterminante l’intensité anormale d’un agent naturel ». Le dommage direct doit être la conséquence première de l’événement qui a été reconnu comme catastrophe naturelle.

Les dommages garantis sont principalement : les dommages matériels directs touchant les biens assurés et les pertes d’exploitation consécutives, c’est‑à‑dire qui portent atteinte à la structure ou à la substance du bien assuré ; les frais d’études géotechniques préalables pour la remise en état ; les frais de démolition et de déblais, de pompage et de nettoyage.

Cet article s’inscrit dans le cadre de deux particularités significatives du régime d’indemnisation « catastrophes naturelles » :

– L’article L. 152-2 ne s’applique qu’aux dommages qui ont été causés par un aléa naturel non assurable (article A. 125-1 du code des assurances, annexe I). Selon les termes de la circulaire du 27 mars 1984 relative à l’indemnisation des victimes de catastrophes naturelles « la loi n’est pas appelée à intervenir là où une garantie peut être souscrite normalement auprès d’un assureur et mise en jeu en cas de sinistre » ;

– Les dommages « directs » peuvent présenter tant un caractère structurel qu’esthétique. Le régime CatNat fait en effet abstraction du degré de gravité et de l’ampleur du désordre constaté.

C.   Un dÉlai de dÉclaration À l’assureur actuellement court

Le délai de déclaration à l’assureur est actuellement fixé par l’article A. 125‑1 du code des assurances, selon lequel la déclaration d’un sinistre susceptible de faire jouer la garantie doit être déclarée au plus tard dans les dix jours suivant la publication de l'arrêté interministériel constatant l’état de catastrophe naturelle.

II.   Le Dispositif proposÉ

A.   La rÉduction du dÉlai de PUBLICATION DE L’arrÊtÉ de reconnaissance de l’État de catastrophe naturelle

Le 1° de l’article 5 propose de réduire de trois à deux mois le délai dans lequel doit être pris l’arrêté de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, ce délai étant décompté à compter du dépôt des demandes à la préfecture.

Votre rapporteur aurait souhaité pouvoir corriger sur ce point le dispositif de la proposition de loi lors de l’examen en commission, mais son amendement qui proposait de ne pas modifier ce délai et de porter en revanche, conformément à l’intention des auteurs de la proposition de loi, à deux mois, contre trois actuellement, le délai imposé aux assureurs pour verser les indemnités aux assurés, a été rejeté en commission. Il conviendra sur ce point de faire évoluer le texte de l’article 5 en séance publique.

B.   L’obligation d’une indemnisation permettant l’arrÊt des dÉsordres existants

Déjà identifié par la mission d’information du Sénat, le constat de réparations, en particulier dans le cas des sinistres liés au phénomène de sécheresse réhydratation des sols ne traitant pas toutes les causes des désordres est de plus en plus courant, entraînant des sinistres de « seconde génération » toujours plus nombreux. Pour votre rapporteur, il est urgent de mettre en place des correctifs pour arrêter cette évolution préoccupante.

Dans le dispositif proposé par le 2° de l’article 5, les indemnisations doivent permettre le financement de réparations mettant un terme aux désordres existants, et ce dans les limites du montant de la valeur de la chose assurée au moment du sinistre.

La référence à la valeur de la chose assurée au moment du sinistre fait référence à deux principes cardinaux du droit des assurances selon lesquels :

– le bénéficiaire ne peut pas recevoir une indemnité supérieure au préjudice subi (l’inverse étant possible : l’indemnité peut s’avérer être inférieure au préjudice, en cas de franchise par exemple) ;

– la valeur déclarée par l’assuré sert de base au calcul de l’indemnité.

Il s’agit ici de garantir une indemnisation adaptée à l’ampleur du préjudice, d’autant qu’il s’avère moins onéreux, sur le long terme, d’agir en prévention (l’assureur étant dispensé d’une nouvelle intervention) que de corriger une nouvelle fois a posteriori.

C.   L’extension du dÉlai de dÉclaration du sinistre À l’assureur

En prévoyant que les contrats d’assurance ont une clause d’ordre public selon laquelle l’assuré doit aviser l’assureur de tout sinistre de nature à entraîner la garantie visée à l’article L. 121-5 « dès qu’il en a eu connaissance et au plus tard dans les trente jours suivant la publication de l’arrêté interministériel de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle », le 2° de l’article 5 offrira aux assurés un délai significativement plus long qu’actuellement pour déclarer leurs sinistres.

III.   Les DiSPOSITIONS ADOPTÉES EN COMMISSION

La commission a adopté trois amendements de précision rédactionnelle du rapporteur.

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La commission est saisie de l’amendement CF56 du rapporteur.

M. Stéphane Baudu, rapporteur. Il corrige une erreur de référence. L’objet du texte est bien de ramener le délai du versement de l’indemnisation de trois à deux mois. Plus généralement, les délais à respecter par l’assureur feront l’objet d’une proposition plus large en séance publique pour être au plus près des attentes de nos concitoyens.

La commission rejette l’amendement CF 56.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CF57 et CF58 du rapporteur.

Elle examine les amendements CF22 de M. Xavier Breton et CF59 du rapporteur, soumis à une discussion commune, puis les amendements CF25, CF23, CF24, CF26 et CF28 de M. Xavier Breton.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est la dernière série d’amendements de M. Breton. Je vous propose de les défendre ensemble, car ils concernent les modalités de l’expertise.

L’amendement CF22 vise à la réalisation d’un rapport d’expertise à chaque intervention. Pour chaque intervention, il y a une information et un rapport d’expertise doit être rédigé.

L’amendement CF23 porte sur l’expert accompagnant le sinistré. Il s’agit de compléter le troisième alinéa par la phrase suivante : « À réception de la déclaration ou au plus tard lors de la convocation à expertise, l’assureur est tenu d’informer le sinistré qu’il peut se faire aider par un expert d’assuré de son choix lors de l’expertise d’assurance. » Il est important que les sinistrés soient accompagnés d’un expert qu’ils choisissent pour leur défense.

L’amendement CF24 vise à compléter le troisième alinéa par la phrase suivante : « L’assureur est tenu de transmettre au sinistré le rapport d’expert et tout rapport d’étude technique complémentaire à réception. »

L’amendement CF26 vise à entraîner davantage de transparence dans le traitement des dossiers par la fixation de délais pour chaque étape de ce traitement. Certains traînent en longueur.

L’amendement CF28 vise à fixer la responsabilité des acteurs de la gestion du sinistre pendant dix ans à partir de la réception des travaux. Dans le fil du droit commun, on revient à la garantie décennale.

M. Stéphane Baudu, rapporteur. L’amendement CF59 est rédactionnel.

Je comprends la préoccupation exprimée dans l’amendement CF22, mais la notion de date de connaissance du sinistre dans son ampleur est trop vague. Comment définir cette date ? Je suis défavorable à cette définition qui pourra donner lieu à de multiples contentieux.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est un point important que vous pourriez revoir avec M. Xavier Breton avant l’examen en séance.

M. Stéphane Baudu, rapporteur. J’y suis d’autant plus favorable que j’allais vous proposer de revoir un certain nombre des amendements suivants. Je vous suggère donc de le retirer.

L’amendement CF22 est retiré.

La commission adopte l’amendement CF59

M. Stéphane Baudu, rapporteur. Je comprends le souci d’information, de transparence, et même la volonté de mettre une forme de pression, mais l’amendement CF25 fait référence à un rapport d’expertise de l’expert ou d’un technicien. Or un technicien peut ne pas faire un rapport d’expertise.

L’amendement CF23 concerne l’information de l’assuré sur sa capacité à se faire aider par un expert. Je l’approuve, mais la rédaction proposée peut laisser à penser que c’est un expert de l’assurance ou affilié à l’assurance, alors que les experts sont indépendants. Il convient d’affiner la rédaction pour répondre au mieux à vos attentes, que je partage.

Je vous propose de retirer les amendements CF25 et CF23 au profit d’une rédaction revue avec M. Breton pour la séance publique.

Les amendements CF25 et CF23 sont retirés.

Contre l’avis favorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement CF24.

M. Stéphane Baudu, rapporteur. Je comprends aussi la finalité de l’amendement CF26, mais il est difficile d’englober tout le monde dans un libellé aussi vague. Un délai maximum défini pour les assureurs, les experts, voire les techniciens, encadrant chaque étape du dossier, est une rédaction trop vague. Par la voie réglementaire, la tentation serait de prévoir des délais très prudentiels, trop raisonnables, qui ne permettraient pas d’activer les sanctions.

Avis défavorable.

L’amendement CF 26 est retiré.

M. Stéphane Baudu, rapporteur. Même réponse concernant l’amendement CF28 qui fait référence à une période de dix ans sans préciser les corps de métiers ou leur niveau d’intervention. Pour une intervention en sous-œuvre dans la structure d’un bâtiment, il est raisonnable d’activer une garantie décennale, mais quand un plombier déplace un tuyau, cela paraît exagéré. Cet amendement étant trop vague, trop flou et de nature à créer des contentieux, j’y suis défavorable.

La commission rejette l’amendement CF 28.

Elle adopte l’article 5, modifié.

 

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Article 6
[article L.125-4 du code des assurances]
Prise en charge des frais de relogement d’urgence des personnes sinistrées dont la résidence principale est insalubre ou présente un danger pour la sécurité des occupants

I.   L’État du droit

La dégradation de la structure du bâtiment peut imposer aux habitants de l’habitation, pour des raisons de salubrité ou plus généralement de sécurité, de quitter leur domicile. De telles situations sont fréquentes lors des épisodes graves d’inondation ou en raison d’atteintes à la structure du bâtiment consécutives au phénomène de sécheresse-réhydratation des sols.

Les frais de relogement d’urgence ne sont pas considérés comme des dommages directs et n’entrent donc pas dans les dépenses prises en charge lors de l’activation de la garantie CatNat : il s’agit d’une disposition d’ordre contractuelle. Les garanties offertes aux personnes sinistrées sont donc très hétérogènes en fonction des compagnies d’assurances et des types de contrat.

En l’état, l’article L. 125-4 du code des assurances, issu de l’article 35 de la loi du n° 92-665 du 16 juillet 1992 portant adaptation au marché unique européen de la législation applicable en matière d’assurance et de crédit, étend la garantie CatNat à la prise en charge par les compagnies d’assurances des études géotechniques devant être réalisées « avant la remise en état des constructions affectées par les effets d’une catastrophe naturelle ».

II.   Le DISPOSITIF PROPOSÉ

La proposition de loi tend à compléter l’article L. 125-4 du code des assurances en inscrivant l’obligation de prise en charge des frais de relogement d’urgence des personnes sinistrées, à la condition que la construction sinistrée soit la résidence principale de l’assuré et que son état soit impropre à l’habitation pour des motifs de sécurité, de salubrité ou d’hygiène.

Les modalités et la durée de la prise en charge de ces frais sont renvoyées à un décret.

III.   Les DiSPOSITIONS ADOPTÉES EN COMMISSION

La commission a adopté un amendement de précision rédactionnelle du rapporteur.

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M. Loïc Prud’homme. Je profiterai de l’examen de cet article relatif aux frais de relogement d’urgence en cas de sinistre de la résidence principale pour évoquer le recul du trait de côte. Dans mon département, à Soulac-sur-Mer, une résidence bien connue, Le Signal, suspendue à la dune, menace de tomber dans l’océan Atlantique dans les prochaines semaines. Les habitants ont été sommés de quitter leur logement sans bénéficier d’une quelconque aide pour leur relogement et sans pouvoir prétendre à l’indemnisation de la perte sèche de leur bien immobilier qui finira par ne plus exister, ni cadastralement ni physiquement, puisqu’il tombera dans l’océan. Le fonds Barnier ne prenant pas en charge ce type de sinistre, ce texte fournit l’occasion d’examiner la possibilité d’accompagner les personnes qui ne peuvent plus habiter leur logement à cause de phénomènes naturels considérés comme majeurs et prévisibles.

Il est aisé de prévoir des financements, soit pour alimenter le fonds Barnier, soit pour créer une ligne particulière pour indemniser les personnes obligées de quitter ces logements et, parallèlement, pour que la puissance publique se porte acquéreur du peu de foncier restant ou du bâti suspendu entre terre et mer. Cela comblerait un vide juridique pour des événements qui ont malheureusement vocation à se reproduire, compte tenu du changement climatique, de la hausse du niveau des océans et de l’inéluctable érosion de notre trait de côte.

M. Stéphane Baudu, rapporteur. Ce texte n’a pas pour ambition de réviser les critères d’intervention dans les différents cas de catastrophes naturelles, pas plus pour le trait de côte que pour le phénomène de sécheresse-réhydratation. Ce n’est pas à ce texte de définir si le bon critère est la nature des sols, la pluviométrie ou le fameux « carreau » de Météo France. En revanche, il offre la possibilité à la Commission nationale consultative, au regard de l’existant et des dossiers pris en compte, de réexaminer ces critères, laquelle pourra répondre à votre interpellation.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CF61 du rapporteur.

Elle adopte l’article 6, modifié.

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Titre III
TRAITER LES SPÉCIFICITÉS DU RISQUE SÉCHERESSE-RÉHYDRATATION DES SOLS EN MATIÈRE D’INDEMNISATION ET DE PRÉVENTION

Article 7
Remise au Parlement d’un rapport sur les actions de prévention à mener au regard des spécificités du risque « sécheresse-réhydratation des sols »

 

I.   Le DISPOSITIF PROPOSÉ

Cet article prévoit la remise par le Gouvernement au Parlement d’un rapport sur le risque « sécheresse-réhydratation des sols » dans les six mois de l’adoption de la présente proposition de loi.

Eu égard au poids du phénomène de « sécheresse-réhydratation des sols » en termes de sinistralité et de montants des indemnisations mobilisées, ce rapport devra faire le point sur les moyens mobilisables pour prévenir la survenance de sinistres sur les constructions existantes. Pour votre rapporteur, il y a urgence à mener des études approfondies sur les méthodes à utiliser pour renforcer les constructions existantes, dans un objectif d’intervention préventive ou dans le cadre d’une réparation post-sinistre pour préparer la construction à « absorber » à l’avenir d’autres épisodes perturbateurs (48 % du territoire métropolitain présente une exposition forte ou moyenne à ce risque ([12])).

La demande de rapport ne vise pas les futures constructions, étant donné l’entrée en vigueur le 1er octobre 2020 des dispositions de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite ELAN, généralisant la réalisation d’études techniques à l’occasion de la vente de terrains non bâtis dans les zones exposées à ce risque.

Il est également prioritaire de réfléchir à l’indemnisation des dommages causés par le phénomène de « sécheresse-réhydratation des sols » lors d’épisodes non reconnus comme catastrophes naturelles au regard des critères du régime et qui ne peuvent non plus être pris en charge par la garantie décennale. Il s’agit là de situations dramatiques pour les particuliers se trouvant démunis face à la lourdeur de sinistres ruinant parfois le patrimoine et les économies de toute une vie. Le rapport demandé devra également se saisir de cette question.

II.   Les DiSPOSITIONS ADOPTÉES EN COMMISSION

La commission a adopté deux amendements complétant la demande de rapport au Gouvernement :

– un amendement de M. Vincent Ledoux portant sur les possibilités de versement d’aides de l’État aux propriétaires sinistrés ;

– un amendement de Mme Danièle Brulebois portant sur des propositions de réforme du dispositif des franchises pour les sinistres imputables à la sécheresse, pour lesquelles le régime CatNat prévoit actuellement un montant supérieur aux autres sinistres.

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La commission est saisie de l’amendement CF40 de M. Vincent Ledoux.

M. Vincent Ledoux. Il vise à ce que le rapport demandé au Gouvernement sur l’indemnisation des dommages causés par le retrait‑gonflement des sols argileux traite avec précision les modalités de financement et d’attribution d’aides de l’État à l’ensemble des propriétaires concernés.

Nous avons rappelé que nous avons par deux fois voté un fonds d’indemnisation dérogatoire au système actuel. Cette première réponse doit se traduire par l’attribution effective d’aides aux propriétaires concernés. Ce n’est pas le cas, par exemple, dans le département du Nord, ce qui signifie que la cible n’est pas atteinte. Cet effort devra être poursuivi dans la durée et suffisamment bien calibré afin que les critères d’attribution n’écartent pas indûment des propriétaires subissant des dommages. Il est donc nécessaire que le rapport prévu par l’article 7 examine précisément le financement et les critères d’attribution des aides de l’État, indispensables pour indemniser les dommages pour retrait-gonflement de sols argileux non pris en compte par le régime CatNat.

M. Stéphane Baudu, rapporteur. Je considérais que la rédaction de l’article était suffisamment globale pour intégrer cette préoccupation. Mais votre rédaction la complétant, j’y suis favorable.

La commission adopte l’amendement CF 40.

Elle est saisie de l’amendement CF6 de Mme Danielle Brulebois.

M. Éric Alauzet. Une franchise spécifique a été créée pour les dommages consécutifs à la sécheresse afin de distinguer les dommages mineurs, comme les microfissures, qui n’ont pas vocation à être concernés par le régime d’indemnisation des victimes des catastrophes naturelles, des dommages majeurs affectant la structure. Or les sinistrés de la sécheresse sont touchés par ces dommages majeurs et il est difficile de comprendre que la franchise légale applicable aux dommages sécheresse, de 1 520 euros, soit différente de celle de 380 euros applicable aux autres sinistres relevant du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles.

M. Stéphane Baudu, rapporteur. Nous avons vu, à l’occasion des dépôts d’amendements à l’article 3, écartés pour irrecevabilité au titre de l’article 40 de la Constitution, qu’il convenait de se pencher de nouveau sur les franchises, soit en s’alignant sur le niveau le plus bas, soit en prévoyant d’autres niveaux en fonction des ressources des foyers. Même le monde de l’assurance est favorable à une évolution, en distinguant, d’un côté, les particuliers, les artisans et commerçants et, de l’autre côté, les grandes entreprises. Le Gouvernement pourrait annoncer des décisions en séance.

Votre proposition va dans le sens de l’ouverture de cette possibilité à laquelle je suis favorable. Il faudra évoluer rapidement pour apporter des réponses concrètes à nos concitoyens les plus modestes.

Avis favorable.

La commission adopte l’amendement CF 6.

Elle adopte l’article 7, modifié.

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Article 8
[article L. 125-1 du code des assurances]
Extension du délai de dépôt d’une demande de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle jusqu’à 24 mois après sa survenance en cas de sécheresse

 

I.   L’État du droit

En application de l’article L. 125-1 du code des assurances, il revient au maire de déposer une demande de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle auprès du préfet dans un délai de dix-huit mois à compter de la survenance de l’évènement. Les demandes présentées au-delà de cette période sont systématiquement rejetées, aux termes du même article, par la Commission interministérielle.

Ce délai de dix-huit mois ne varie pas en fonction de l’élément naturel dont l’intensité anormale est signalée (inondation, séisme, désordre consécutif à la sécheresse, etc.).

II.   Le DISPOSITIF PROPOSÉ

La proposition de loi prend acte de la spécificité constatée par les services communaux et les personnes sinistrées dans le cas de phénomènes de sécheresse-réhydratation des sols. Contrairement à des événements facilement datables, il peut exister une grande différence temporelle entre l’épisode de sécheresse et la survenance des dommages, ce qui peut conduire les habitants de la commune à ne pas identifier la raison du trouble et à ne pas parvenir à le signaler aux services communaux dans les délais impartis. De plus, certains propriétaires de résidences secondaires peuvent ne constater qu’au bout de plusieurs mois que leurs habitations ont subi des dommages.

La période de dix-huit mois étant appliquée strictement par la Commission interministérielle, en application de l’article L. 125-1, il est ici proposé d’étendre le dépôt des demandes à vingt-quatre mois pour sécuriser les droits des assurés.

III.   Les DiSPOSITIONS ADOPTÉES EN COMMISSION

La commission a adopté un amendement de précision rédactionnelle du rapporteur.

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La commission adopte l’amendement de précision CF63 du rapporteur.

Elle examine l’amendement CF37 de M. Philippe Chassaing.

M. Philippe Chassaing. L’extension du délai de formulation d’une demande de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle de dix-huit à vingt-quatre mois après sa survenance rencontre des objections. L’allongement du délai d’obtention de l’arrêté de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle conduit à retarder l’indemnisation des sinistrés. En outre, il semble possible de faire chaque année une nouvelle déclaration, en sorte que le passage de dix-huit à vingt-quatre mois aurait une portée limitée. C’est pourquoi, et c’est la proposition de certains maires, on pourrait en guise de compromis ramener le délai à vingt mois.

M. Stéphane Baudu, rapporteur. Le risque de chevauchement existe déjà, ce qui ôte son sens à l’amendement. La déclaration d’un sinistre au titre des catastrophes naturelles pour cause de sécheresse est parfois faite trop tardivement par des propriétaires de résidence secondaire. Le chevauchement est déjà géré par les assureurs, sans incidence sur la procédure en cours ou sur le processus d’indemnisation. Soyez rassuré, c’est plutôt un bon signal qui est ainsi donné.

Avis défavorable.

L’amendement CF 37 est retiré.

La commission adopte l’article 8, modifié.

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Après l’article 8

La commission est saisie de l’amendement CF7 de Mme Danielle Brulebois.

M. Éric Alauzet. Il vise, pour la bonne information des personnes subissant des sinistres, à faire figurer sur le contrat d’assurance le possible recours, en cas de litige, à une contre-expertise, ce qu’elles ignorent souvent.

M. Stéphane Baudu, rapporteur. Cette proposition déborde le cadre de la proposition de loi. Je souhaite donc le retrait de l’amendement. Vous pourriez le redéposer en vue de la séance pour entendre le Gouvernement sur le sujet.

L’amendement CF 7 est retiré.

 

Article 9
Compensation de la charge pour l’État

Cet article, adopté par la commission, est destiné à assurer la recevabilité financière de la présente proposition de loi. Il a vocation à être supprimé par amendement gouvernemental en séance publique.

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La commission adopte l’article 9 sans modification.

 

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Elle adopte l’ensemble de la proposition de loi, modifiée.

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   PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR
ET CONTRIBUTIONS ÉCRITES

 

Associations de sinistrés :

– Association nationale des assurés sinistrés sécheresse (ANASS) : M. Michel Caron ; Me Emmanuel Hilaire, avocat référent

– Union nationale des associations de lutte contre les inondations (UNALCI) : Mme Josiane Janisset, représentante légale, Mme Odile Mérel, trésorière et secrétaire adjointe, et M. Pierre Demonchy, coprésident

– Association des communes en zone argileuse (ACZA) : M. Christian Gatard, maire de Chambray-lès-Tours, président, et Mme Élodie Barbeau

– Association « Les oubliés de la canicule » : Mme Hélène Niktas référente de l'Ain, et M. Yves Moalic, référent de la Côte d'Or

Communes :

– Association des maires de France (AMF) : Mme Marie France Beaufils, présidente du CEPRI (Centre européen de prévention du risque inondation), Mme Stéphanie Bidaut, responsable du CEPRI, Mme Valérie Lacroute, maire de Nemours, Mme Pauline Delarre Papin, conseillère ruralité, outre-mer et risques, et Mme Charlotte de Fontaines, chargée des relations avec le Parlement

– Association des maires ruraux de France (AMRF) : Mme Marjorie Viort, maire du Thoronet

Bâtiment et ingénierie :

– Fédération française du bâtiment (FFB) : M. Olivier Salleron, président, Mme Sarah Lespinasse, cheffe de service aux affaires juridiques, fiscales et assurances, M. Didier Valem, chef de service aux affaires techniques, et M. Benoît Vanstavel, directeur des affaires institutionnelles

– Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA) : M. Pascal Berteaud, directeur général, et Mme Séverine Bes de Berc, directrice déléguée risques, réduction des nuisances, énergie-climat

 

 

 

 

Assureurs :

– Fédération française de l’assurance (FFA) * : Mme Florence Lustman, présidente, M. Franck Le Vallois, directeur général, M. Christian Pierotti, directeur des affaires européennes et internationales, Mme Viviana Mitrache, responsable du département Affaires parlementaires

– Association française des assureurs mutualistes (AAM) * : M. Franck Offredi, directeur Assurances chez Groupama Assurances Mutuelles

Association des professionnels de la réassurance en France (APREF) :

– M. Nicolas Boudias, délégué général, et M. Dominique Laure, président de la commission Catastrophe

Caisse centrale de réassurance (CCR) :

– M. Bertrand Labilloy, directeur général, et M. Laurent Montador, directeur général adjoint

Administrations :

– Ministère de l’intérieur, direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) : M. le préfet Alain Thirion, directeur général, et M. Guillaume Fornasier, chef de la mission catastrophes naturelles

– Ministère de la transition écologique, direction générale de la prévention des risques (DGPR) : Mme Laure Tourjansky, cheffe du service des risques naturels et hydrauliques

 

Contribution écrite :

– M. Denis Thuriot, maire de Nevers, président du Conseil d’orientation pour la prévention des risques naturels majeurs (COPRNM)

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.


([1])  Nicole Bonnefoy, Rapport d’information fait au nom de la mission d’information sur la gestion des risques climatiques et l’évolution de nos régimes d’indemnisation, Sénat, juillet 2019. http://www.senat.fr/rap/r18-628/r18-6281.pdf

([2]) Proposition de loi (n° 154) visant à réformer le régime des catastrophes naturelles, enregistrée à la présidence du Sénat le 27 novembre 2019. Dossier législatif : https://www.senat.fr/leg/ppl19-154.html

([3]) Article L. 125-1 du code des assurances.

([4])  C’est du reste une circulaire, la circulaire n° 84-90 du 27 mars 1984, qui a créé la Commission interministérielle chargée de prononcer un avis sur la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle..

([5])  Voir le commentaire de l’article 4 dans la partie Examen des articles du présent rapport

([6]) Conseil d’État, arrêt n° 389173 du 16 mars 2018, Commune de Bonneuil-sur-Marne

([7])  Cet organe est une commission consultative chargée d’émettre des avis et de faire des propositions en matière de prévention des risques naturels, sur les actions et politiques publiques qui concourent à la réduction de la vulnérabilité aux catastrophes naturelles. Il est composé d’élus, d’experts, de professionnels, de représentants de la société civile et des services de l’État. Sa composition et son fonctionnement sont précisés aux articles R. 565-8 à R. 565-13 du code de l'environnement.

([8]) Il s’agirait en effet, potentiellement, d’une charge nouvelle au sens de l’article 40 de la Constitution dans la mesure où cela serait susceptible d’augmenter la couverture du risque par la Caisse centrale de réassurance.

([9]) Voir par exemple le rapport d’information du Sénat sur la gestion des risques climatiques et l’évolution de nos régimes d’indemnisation, juillet 2019, pp. 129 à 131.

([10])  Article L. 411-2 du code des relations entre le public et l’administration.

([11]) Sa composition et ses missions sont fixées aux articles R. 565-8 à R. 565-12 du code de l’environnement.

([12])  Source : cartographie de l'exposition du territoire au phénomène de retrait-gonflement des argiles consultable sur le site Géorisques édité par le ministère de la transition écologique https://www.georisques.gouv.fr/articles-risques/exposition-du-territoire-au-phenomene